‘Programme de Développement du Secteur Médiatique’
(PDSM)
Revue de la Législation
Sur les Médias en République
Démocratique du Congo
Kinshasa, Juin 2012
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RDC/Revue de la Législation/Juin 2012/Albany Associates
Introduction
Le Programme de Développement du Secteur Médiatique (PDSM) en République
Démocratique du Congo est un projet d’une durée de cinq ans exécuté par Internews Network
et dont le volet « amélioration du cadre législatif et réglementaire » a été confié à Albany
Associates. Depuis le lancement du PDSM, au mois de mai 2011 passé, Albany Associates a
travaillé en synergie avec toutes les structures chargées et/ou concernées par la régulation des
médias en RDC, à savoir le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication
(CSAC), instance de régulation des médias congolais, les organisations professionnelles et les
organes des médias, les structures d’autorégulation des médias y compris les organisations de la
société civile spécialisées sur les questions de la liberté de la presse et la protection des
journalistes.
De tous ces contacts et des travaux qui s’en sont suivis, quelques lois ont été retenues
comme prioritaires dans le cadre du plaidoyer en faveur de la réforme législative du secteur
médiatique congolais. Certains thèmes pertinents concernant le secteur ont aussi retenu
l’attention des acteurs compte tenu de leur impact sur l’exercice de la liberté de la presse. Il
s’agit de :
La loi portant statut des journalistes ;
La loi fixant les modalités d’exercice de la liberté de la presse ;
La loi portant accès à l’information publique ;
La loi sur la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC) ;
La dépénalisation du délit de presse ;
Le cahier des charges des médias audiovisuels congolais ;
Le code de bonne conduite pour les médias.
En effet, de l’avis des experts avisés, la seule garantie constitutionnelle ne suffit pas
pour assurer à tous et à chacun un plein exercice de la liberté de la presse et d’expression, il
faut que des mesures d’accompagnement soient mises en place pour le favoriser. C’est la raison
pour laquelle les précédentes lois et les thèmes listés ci-haut ont été identifiés comme
prioritaires dans le cadre de la réforme car ils sont complémentaires et interdépendants.
L’objet principal de cette réforme est d’aboutir à la création d’un environnement social,
législatif et politique favorable au développement de médias plus libres, plus objectifs et plus
indépendants. A côté de cela, il y a aussi la nécessité pour la RDC de se conformer aux
différents traités internationaux auxquels elle a adhérés, en particulier la Déclaration universelle
des Droits de l’Homme, et le Pacte International relatif aux droits civils et politiques et ses
protocoles additionnels, pour ne citer que ceux-là.
Le PDSM s’est assigné comme stratégie de poursuivre ce plaidoyer durant toute la
durée de son existence en ayant en vue la nécessité que les effets positifs soient ressentis au-
delà du Programme. Ainsi, ce document se veut avant tout un document de travail « vivant »
c’est-à-dire ouvert à l’apport des partenaires thématiques intéressés et à une interprétation libre
et constructive. En plus de pertinentes recommandations y ont été émises pour que les attentes
de tous et de chacun soient prises en compte.
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1. Ordonnance-loi n°81/012 du 02/04/1981 portant statut des journalistes
A. Bref aperçu de la loi :
Mise en place le 02/04/1981, la loi n°81/012 portant statut des journalistes en
République Démocratique du Congo institue un cadre organisationnel et fixe les règles et
conditions d’accès y compris d’exercice de la profession des médias, aussi bien pour les
journalistes indépendants que pour ceux des organes de presse. Aux termes de cette loi, l’Union
de la presse du Zaïre (UPZa), Syndicat des journalistes, est seule habilitée à octroyer la carte de
presse et organiser le recrutement des nouveaux venus dans la profession.
Cette loi subordonne l’accès à la qualité de journaliste professionnel à l’obtention de la
carte de presse auprès de l’UPZa (à l’issue d’un congrès de la presse tenu en 2004, l’UPZa est
devenue Union Nationale de la Presse du Congo en se dotant des statuts d’une ASBL) et
institue deux modes de recrutement à savoir sur concours et sur titre. En général, il est fait sur
concours mais lorsqu’il s’agit des journalistes professionnels et des candidats diplômés d’une
école de journalisme, il est fait sur titre. (1)
Dans la pratique, il n’est pas possible pour des personnes n’ayant pas de formation en
journalisme de présenter le journal télévisé. En 2010, c’est ce qui a été à la base du procès
ayant opposé à la Haute Autorité des Médias le Journal Télévisé en Lingala Facile, qui a été
suspendu au motif qu’il avait laissé des non-journalistes présenter son journal, alors que ce
dernier l’avait fait essentiellement dans le cadre de la célébration du mois de Mars dédié à la
femme.
Sous un autre angle, l’UNPC est le seul syndicat des médias institué par la loi portant
statut des journalistes. Par ce fait du monopole légal, cette structure s’est dotée de beaucoup
plus de pouvoirs dans la mesure où, aux dires de certains experts, le contrôle exercé par elle est
excessif, alors que sa mission première reste celle de garantir la liberté de la presse. Par
exemple, dans une compréhension la plus simpliste de l’article 5, il est dit que seule l’UNPC
est habilité à émettre les cartes de presse alors que dans l’article 54 de la même loi, tout
journaliste est libre de s’affilier à toute organisation professionnelle ou syndicale compatible et
d’exercer ses activités aussi bien à l’intérieur de l’UNPC ou pas. Ce qui aboutit au fait que,
d’après l’UNPC, cette dernière est la seule autorisée à octroyer la qualité de journaliste.
De plus, il ressort de la comparaison des deux articles précités une sorte d’ambigüité
dans la mesure où le monopole légal est battu en brèche par la liberté reconnue aux journalistes
d’adhérer au syndicat de leur choix. Par ailleurs, le fait de mettre en place un système instituant
d’une part l’obligation d’appartenir à l’UNPC qui seule est habilité à délivrer la carte de presse
qui donne la qualité de journaliste, et d’autre part, la liberté reconnue au journaliste d’adhérer
au syndicat de leur choix, constitue une vraie confusion dans la mesure où l’UNPC est elle-
même aussi un syndicat.
Cependant, il y a lieu de reconnaître comme point positif dans cette loi, la
reconnaissance de deux modes de recrutement, à savoir : le recrutement sur concours et le
recrutement sur titre. A notre avis, le recrutement sur concours paraît plus à même d’assurer
que les critères de compétence, d’aptitude, de probité morale et de méritocratie sont pris en
compte pour quiconque adhère à l’exercice du métier de journaliste.
(
1) Article 7 de la loi n°81/012 portant statuts des journalistes œuvrant en RDC
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Au vu de ce qui a été présenté comme étant des points qui fragilisent l’interprétation et
partant l’application de la loi portant statut des journalistes, surtout en ce qui concerne la
délimitation précise du rôle de l’UNPC, il y a lieu d’émettre des recommandations en ce qui
concerne la réforme.
B. Recommandations :
L’écart existant entre l’esprit de la loi portant statut des journalistes et la pratique
institutionnelle, ne donne pas la possibilité au secteur médiatique de la RDC de se conformer à
la réalité actuelle marquée par l’évolution du journalisme, de l’exercice de la profession et des
médias avec l’émergence du journalisme citoyen facilité par le réseau Internet. Car il existe en
effet à l’heure actuelle plusieurs moyens nouveaux de publier, c’est-à-dire de collecter, de
traiter et diffuser des informations, par le biais des réseaux sociaux tels que le blog, Facebook,
Twitter et tant d’autres. Et nul ne peut aujourd’hui remettre en question la qualité et l’impact de
ces outils de communication sur le traitement et la diffusion de l’information.
De ce fait, nous émettons les recommandations suivantes :
La suppression pure et simple de la subordination de l’exercice de l’activité de
journaliste à la détention d’une carte professionnelle ou à la détention de diplômes
spécifiques ;
L’assouplissement du monopole légal accordé à l’UPZa (devenu Union Nationale de la
Presse du Congo à l’issue du congrès de refondation de la presse tenu en 2004 et ayant
pris le statut d’une ASBL) et la détermination claire du mandant et la mission de cette
dernière ;
En vue de préserver la cohésion et les intérêts du corps journalistique, l’UNPC devra
conserver le rôle fédérateur de la corporation, ce qui devrait passer par la définition
d’un statut juridique approprié et adapté à sa vocation ;
La redéfinition du statut des différentes personnes intervenant dans le secteur
médiatique à savoir le caméraman, le régisseur d’antenne y compris le réalisateur, étant
entendu que ces emplois entrent principalement en ligne de compte dans la profession
des médias ;
La révision de l’article 49 en vue de l’ouverture de l’âge de la retraite pour les
professionnels des médias ;
L’adoption urgente des mesures d’application à la loi n°81/012 du 4 Avril 1981, après
l’avoir mise à jour et amendée ;
L’insistance sur la nécessité de l’application de la loi sous examen de la manière la plus
favorable possible à la protection et la garantie de l’exercice du métier de journaliste et
de la protection de la liberté de la presse.
2. Loi n° 96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la presse:
A. Bref aperçu de la loi :
Cette loi a été mise sur pied dans une période charnière entre la fin d’une dictature de
près de 32 ans et l’entrée de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo
(AFDL). Ceci démontre une certaine volonté de réforme qui a inspiré les décideurs déjà à
l’époque. De l’analyse de cette loi, on peut retenir les éléments ci-après :
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1. Points faibles :
Pour bien comprendre le sens à donner à la nécessité de réformer la loi portant
modalités d’exercice de la liberté de la presse, il y a lieu de retenir ses principales faiblesses :
L’exercice de la fonction de Directeur d’une publication ou d’un média est conditionné
par la nationalité congolaise et la détention d’un Diplôme en journalisme et/ou
communication ;
Par le dépôt légal prévu à l’article 34, il est imposé aux journaux, précisément ceux de
la presse écrite, de déposer obligatoirement chaque publication au Ministère de
l’Intérieur et cette règle est assortie d’une sanction, même s’il ne s’agit que d’une
amende ;
Le recours systématique à loi pénale pour poursuivre et sanctionner le journaliste pour
délit de presse en cas de comportement, même apparent, ayant conduit ou pouvant
aboutir à la commission d’une infraction aux termes du droit pénal. Ainsi, par exemple,
un journaliste qui publie des informations vraies sur la situation précaires des militaires
peut être poursuivi pour incitation des membres des forces armées et des services de
l’ordre dans le but de les détourner de leurs devoirs ;
L’interdiction faite aux étrangers de créer des agences/organes de presse ou de
communication audiovisuelle sans que les Congolais y soient majoritaires, sauf cas de
réciprocité ;
Il convient de noter que d’après M. Kituntu Olehontwa, membre influent de
l’Association nationale des entreprises d’audiovisuelles privées (ANEAP) et Directeur
Général d’un groupe des médias proches de l’opposition, cette loi pèche par une
mauvaise interprétation de la part des autorités. Il cite le cas du Ministère de la
Communication et Médias qui, par l’arrêté ministériel pris le 26 novembre 1996 sous le
n°04/MIP/020/96 portant mesures d’application de la loi 96-002 du 22 juin 1996 fixant
les modalités de l’exercice de la liberté de la presse pour les entreprises de presse
audiovisuelle, a institué un régime de frais de 5,000 USD pour l’obtention du récépissé
par les radios et les télévisions à caractère non commercial, lors du dépôt de leur cahier
des charges, alors que le récépissé n’est en principe qu’un accusé de réception de la
déclaration faite par les médias sur leur programmation et leur diffusion dans le cadre
du cahier des charges auxquels ils adhèrent.(2) Au vu des difficultés financières et de la
situation économique de la RDC, cette somme est particulièrement exorbitante surtout
pour les radios communautaires, qui sont par ailleurs interdites de toute publicité
commerciale et travaillent dans des milieux reculés où la capacité de soutien de leurs
services par les populations locales est presque inexistante ;
La loi sur la liberté de la presse ne fait aucune allusion spécifique aux radios
associatives et communautaires (les assimilant, sans distinction, aux autres radios privé
non commerciales, confessionnelles ou culturelles), malgré le rôle important que ces
dernières jouent au profit des populations rurales vivant dans les coins les plus reculés.
Revenant sur le délit de presse consacré par la loi n° 96-002 du 22 juin 1996, il
s’impose de rappeler avant tout que dans toutes les démocraties modernes, la liberté de la
presse est un des indicateurs clés qui servent à évaluer le niveau de gouvernance des Etats. En
RDC, le recours systématique au droit pénal pour sanctionner a beaucoup plus servi comme
moyen pour censurer la presse et étouffer des voix discordantes à une ligne politique non
(
2) Entretien avec Monsieur Kituntu Olehontwa, Directeur Général de CCTV, RALIK et Membre de l’ANEAP, à
Kinshasa, le 05/07/2011 de 12h25 à 13h35
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tolérante. Cela a aussi favorisé les attitudes et les décisions plutôt politiques que l’exercice libre
d’un des droits les plus fondamentaux, celui de la liberté d’expression lui-même très dépendant
du principe d’indépendance des médias.
En effet, à l’heure actuelle, en lieu et place des sanctions pénales, la pratique
démocratique la plus admise est celle qui veut que le droit de la presse ne soit pas exploité
contre la liberté de la presse et l’indépendance des médias.
2. Points forts :
D’un autre côté, la loi sous examen contient tout de même des tournures assez positives
et sur lesquelles le plaidoyer pourrait s’appuyer en vue de la rendre plus apte à favoriser le
développement du secteur médiatique congolais. Ainsi, nous pouvons citer :
La consécration du principe de la liberté comme base en matière de communication
audiovisuelle (bien que dans la plupart des cas cette loi ne détermine pas clairement
l’étendue de l’exercice de la presse écrite ; (3)
L’établissement et la fixation de l’étendue de la responsabilité de l’Etat dans le domaine
des médias, à savoir :
- L’obligation d’assurer et de rendre effectif le droit à l’information ;
- L’obligation pour l’Etat d’octroyer des aides indirectes à toutes les entreprises de
presse au titre des tarifs préférentiels dans le domaine des importations des
matières nécessaires à la production et la distribution des informations,
notamment du papier, des équipements et des films ;
- L’obligation pour l’Etat de consentir des subventions sous forme d’aides
indirectes aux médias requérant qui consacreraient au moins 50% de leurs
programmes aux émissions culturelles, éducatives et sociales. Cette assertion
devrait s’appliquer prioritairement aux radios communautaires et associatives
dont les conditions de fonctionnement, les moyens d’actions et de financement ne
leur permettent pas de supporter les taux des taxes et autres frais imposés par les
pouvoirs publics ;
- L’obligation de faire fonctionner les médias de l’Etat dans l’indépendance, la
neutralité et le respect du principe de l’égalité de tous devant la loi et l’Etat ne
devrait pas les pousser, en aucune circonstance, à compromettre l’exactitude et
l’objectivité de l’information.
Ainsi, nos recommandations en faveur de la mise à jour de la loi n° 96-002 du 22 juin
1996 pourraient se faire dans un plaidoyer suivant les priorités contenues dans les lignes qui
suivent.
B. Recommandations :
Faute des subsides accordés aux médias écrits, que l’Etat achète les numéros des
journaux plutôt que d’exiger une livraison gratuite. Car, l’idée serait que les Ministères
et autres services d’administration publique soient dotés d’un budget qui prendrait en
charge l’achat des journaux. Le dépôt légal obligatoire des journaux édités ne devrait se
faire qu’à la Bibliothèque nationale et aux services d’archives, ceci pour des besoins de
pérennisation de l’œuvre mais aussi conservation des preuves en cas de contestation ;
(
3) Cfr : Interview réalisée avec le Président de l’ANECO et Editeur-Directeur Général du Groupe La Référence
Plus, Monsieur André Ipakala Abeiye Mobiko, selon qui la presse écrite est la mère de toutes les presses, car en
vertu des conditions de vie économique désastreuses, le manque d’énergie et bien d’autres raisons, beaucoup de
congolais n’ont pas les moyens d’avoir un poste téléviseur encore moins se procurer et se servir d’une radio.
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Veiller à ce que le rôle des instances de régulation et d’autorégulation soit renforcé afin
que dorénavant le journaliste ne puisse répondre de ses actes que devant des tribunaux
des pairs sauf pour des infractions de droit commun ;
Il serait souhaitable que le délit de presse soit purement et simplement abrogé du
registre pénal au profit d’un régime civil d’indemnisations. De façon subsidiaire, il
convient que les sanctions pénales soient minimisées au maximum, ce qui implique une
suppression totale des peines d’emprisonnement, et une diminution des montants
d’amendes et le recours à leur usage;
La liberté étant le principe et l’interdiction l’exception en matière de communication
audiovisuelle, aucune intervention des pouvoirs publics, des autorités chargées de la
régulation et/ou de l’autorégulation, même en vertu de la loi, ne devrait enfreindre cette
liberté mais plutôt encadrer son exercice par des mécanismes les plus souples possible ;
L’obligation de dépôt légal faite aux médias de la presse écrite devrait être assouplie
pour rendre leurs conditions de travail beaucoup plus aisées ;
Pour ce qui des rédacteurs en Chef, la condition de la formation en journalisme peut être
retenue uniquement dans le cadre du processus d’embauche par exemple et, ne doit plus
faire l’objet de la loi. Il est donc discriminatoire que des personnes n’ayant pas fait des
études en journalisme ou communication soient exclues de la profession des médias en
général et de la fonction de chef de rédaction en particulier. Le but ici est d’arriver à ne
plus prendre pour illégal le fait pour un organe de presse d’avoir comme Chef de la
Rédaction une personne qui n’a pas cette formation. Sur la question de nationalité, en
effet, à l’heure actuelle de la mondialisation, la pratique la plus à même de résoudre
cette question est celle basée sur l’intérêt pour les nations de s’ouvrir au partage des
compétences au lieu de s’enfermer dans des spirales de protectionnisme improductif. ;
L’intégration des radios associatives et communautaires en tant que partenaires du
secteur médiatique congolais afin que ces dernières jouissent de tous les traitements
garantis par la loi non par assimilation mais par principe.
3. Loi portant accès à l’information publique
A. Etat de l’information publique en RDC :
Avant tout, il convient de dire que la RDC n’est pas encore dotée d’une loi portant accès
à l’information publique, malgré le fait que des actions ont été menées par des acteurs, surtout
de la société civile, en vue de sa mise en place. C’est la raison pour laquelle notre analyse
portera sur les principes généraux d’une telle loi.
A l’heure actuelle, la seule option permettant de jouir ou de revendiquer ce droit d’accès
à l’information publique est contenue soit dans la loi portant modalités d’exercice de la liberté
de la presse, dont l’article 11 donne au journaliste la liberté d’accéder à toutes les sources
d’information, sauf dans les cas prévus par la loi, soit l’article 24 de la Constitution qui,
malheureusement, ne donne qu’un aperçu superficiel du sujet. Ceci justifie déjà les raisons
nécessitant la mise en place d’une telle loi, étant entendu que l’accès ici suppose la
participation de tous les citoyens à la gestion de la chose publique. Le droit d’accès à
l’information ne concerne donc pas exclusivement les journalistes.
L’information publique se présente comme un cadre générateur de plusieurs droits
fondamentaux dont la promotion et la protection sont garanties par plusieurs instruments
juridiques internationaux et régionaux ratifiés par la RDC, ainsi que des standards
internationaux auxquels le pays a adhérés. Il s’agit de :
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La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 en son article
19 ;
La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981 en son
article 9 ;
Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, les Principes de la
Communauté sur la Liberté de l’Information ;
La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
Fondamentales du 4 novembre 1950.
De manière plus élargie, on devrait parler plutôt du droit ou de l’accès à l’information
tout court en ayant en vue la recevabilité des gestionnaires de la chose publique et même des
particuliers perçus selon l’intérêt général qu’ils détiennent.
B. Principes fondamentaux relatifs à l’accès à l’information publique :
Parmi ces principes, il y a lieu de noter ce qui suit :
L’obligation de divulguer ou la présomption d’ouverture : toutes les informations
produites ou détenues par des organismes gouvernementaux, et toutes les réunions au
cours desquelles les décisions gouvernementales sont prises, y compris les procédures
judiciaires, doivent être ouvertes et disponibles pour les journalistes et le public, sous
réserve seulement d'exceptions strictement tirés et dans le respect des voies de recours.
Ici, le principe est que la divulgation doit être maximale.
La promotion de la transparence de l’administration : Les organismes publics doivent
encourager activement la transparence de l'administration. Pour atteindre les buts visés
par une législation sur l’accès à l’information publique ou sur la liberté de l'information,
il est essentiel d'informer le public de ses droits et de promouvoir une culture de
transparence au sein de l'administration. En effet, dans bon nombre de pays l'expérience
montre qu'une fonction publique récalcitrante peut faire obstacle à l'application de la
législation la plus progressiste.
Primauté de l’obligation de divulgation : Les lois contraires au principe de la
divulgation maximale devraient être modifiées ou abrogées et la loi sur la liberté de
l'information devrait prévoir une interprétation des autres lois allant, autant que
possible, dans le sens de ses propres dispositions. En cas d'impossibilité, les autres lois
applicables aux informations en possession d'organismes publics devraient être liées par
les principes sous-jacents à la loi sur la liberté de l'information.
Les exceptions : toute exception au principe de la liberté de l'information doit être
étroite, et clairement énumérée dans la loi. Aucune exception ne peut être autorisée que
lorsque l'information se rapporte à l'une des celles énoncées dans la loi, entendu que la
divulgation de tels renseignements causerait un préjudice substantiel à l'intérêt protégé
par l’interdiction, à condition que le préjudice causé soit plus grand que l'intérêt public
liés à ces informations. Les exceptions devraient être formulées clairement et
limitativement par la loi et reposer sur des critères stricts concernant "le préjudice" et
"l'intérêt public". Parmi les raisons, on peut trouver comme exemple que la divulgation
de l’information causerait un préjudice substantiel à la vie privée des citoyens, à
l'intégrité des enquêtes de police, à la sécurité nationale, à la santé publique ou à l'ordre
public. Le régime d’exception doit être très limitatif et pas exhaustif.
Les procédures de demande de renseignements ou d’accès : chaque organisme
gouvernemental doit désigner une personne ou un département à qui les demandes de
renseignements doivent être envoyées. Un fonctionnaire qui estime que les
renseignements ou l'accès relève d'une exception permettant la non-divulgation doit en
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informer le demandeur, dans un délai raisonnable lui donnant la possibilité d’introduire
un recours.
Ce sont là les principes fondamentaux gouvernant à la mise en place de la loi d’accès à
l’information publique.
Au regard de tous ces principes et des informations sur l’état de l’information publique
en RDC, nous recommandons ce qui suit :
Que la loi sur l’accès à l’information publique soit mise sur pied en vertu des principes
et standards internationaux présentés ci-haut ;
Que l’Administration publique mette en place des moyens favorisant la vulgarisation du
contenu de l’exercice du droit de l’information publique ;
Que dès sa mise en place, toutes les restrictions contraires au principe de la divulgation
maximale soient abrogées et que des mécanismes de protection des personnes qui
publieraient des informations sur les irrégularités soient mis en place contre toute forme
de représailles juridique, administrative ou professionnelle.
4. De la dépénalisation des délits de presse
Depuis plusieurs années, beaucoup d’organisations congolaises de protection de la
liberté de la presse se sont engagées en faveur de la dépénalisation des délits de presse dans le
cadre d’une campagne organisée à travers les médias, de formations et de plaidoyer auprès du
législateur. Cette campagne est conforme aux principes internationaux en la matière ainsi qu’à
leur pratique. Par dépénalisation, il convient d’entendre une sortie pure et simple des délits de
presse du registre pénal, au profit d’un régime civil d’indemnisations.
A. Définition du délit de presse en Droit congolais :
En RDC, le délit de presse est défini à l’article 74 de la loi n°96/002 du 22 juin 1996
comme étant : « toute infraction commise par voie de presse écrite ou audio-visuelle ». De cette
définition, il ressort que chaque fois qu’une infraction aura été commise par voie de presse,
c’est-à-dire par l’entremise d’un support médiatique écrit, électronique ou audio-visuel, il y
aurait un délit de presse.
De plus, en ce qui concerne l’infraction de diffamation, d’après la loi pénale congolaise,
cette infraction est fonction non pas de la véracité des faits rendus publics, mais de l’honneur et
la dignité de la personne qui se dit lésée, ce qui implique que la publication d’informations
véridiques puisse quand même entrainer une condamnation.
B. Contexte de la dépénalisation des délits de presse :
En démocratie, nul ne peut être poursuivi pénalement pour ses opinions. Ceci est à la
base de la norme anglo-américaine basée essentiellement sur la réparation des préjudices causés
à autrui seulement par des dommages-intérêts, c’est-à-dire au civil pour les cas de diffamation.
Presque partout dans le monde, les défenseurs de la liberté d'expression s’orientent vers un
abandon pur et simple de l’aspect pénal lié à la diffamation au profit du recours aux dommages-
intérêts. Dans certaines juridictions, comme celles aux États-Unis, les personnalités publiques
se voient d’ailleurs accordées moins de protection que les personnes privées, et on exige en
particulier de leur part de prouver une certaine gravité des faits reprochés au journaliste, telle
que l’intention de nuire et la connaissance effective du caractère erroné des informations en
cause, avant de gagner des dommages-intérêts. Ce régime garantit une protection de qualité aux
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journalistes et renforce une discussion franche et ouverte des questions politiques dans la
sphère publique.
De façon générale, en vertu des normes internationales, les revendications liées aux
insultes sont généralement traitées avec suspicion, l'idée étant que les sentiments des
personnalités politiques qui choisissent une carrière politique n’ont pas besoin d’être trop
protégés, et que la protection de la presse, et donc sa capacité à critiquer les gouvernants au
profit du peuple, est d’une toute autre importance.
La loi française est souvent citée comme étant l'anomalie à l'Ouest sur ces questions, et
nous recommanderons donc que l’exemple français ne soit pas suivi.
C. Recommandations
La principale recommandation est la suppression pure et simple de toutes sanctions
pénales concernant le contenu des publications, qu’elles soient effectuées par voie de presse,
audiovisuelle, d’Internet, etc., et leur remplacement par un système purement civil de
dommages et intérêts dans certains cas comme la diffamation. Dans ce cadre spécifique, il
nous apparaît également essentiel que les journalistes soient explicitement exonérés dans la loi
de tout dommage et intérêt non pas simplement s’ils peuvent apporter la preuve de la véracité
de leurs propos (auquel la preuve serait à leur charge), mais plutôt par défaut, à moins que le
demandeur soit à même de rapporter non seulement le caractère erroné des informations
publiées mais également la preuve de la mauvaise foi, ou au moins de la négligence, du
journaliste (preuve à la charge du demandeur).
De façon subsidiaire, il convient au minimum que les sanctions pénales soient
minimisées au maximum, ce qui implique une suppression totale des peines d’emprisonnement,
et une minimisation du montant des amendes, ainsi de façon générale qu’à leur recours. Il est
certain que le processus démocratique au Congo n’arrivera à un tournant décisif que lorsque le
législateur prendra conscience de la nécessité de dépénaliser les infractions de presse.
Ainsi, deux mesures spécifiques devraient être prises en ce qui concerne :
- la proposition des amendes compatibles avec la réalité socioéconomique du pays ;
- le renforcement du rôle des instances de régulation et d’autorégulation.
Cependant, afin d’éviter que la dépénalisation n’entraîne des effets pervers, il est
indiqué de développer d’autres mesures de nature civile, notamment avec l’application des
dommages et intérêts en lieu et place des sanctions pénales surtout celles d’emprisonnement.
Ainsi, nous envisageons les possibilités ci-après en vue de l’abolition de la pratique des délits
de presse :
a. Le droit de réponse et de rectification : Le droit de réponse et de rectification permet à
toute personne qui se sent victime d’un écrit ou d’une diffusion ne reflétant pas la
réalité à son égard, de répondre ou de faire rectifier l’erreur par l’auteur même de l’écrit
ou de la diffusion. Il est prévu par les articles 37 et 67 de la loi de 1996 et nombre de
victimes en usent.
b. L’autorégulation : Une recommandation porte enfin sur le renforcement du contrôle
interne par les organisations des professionnelles des médias, l’autorégulation. Etant
donné que le meilleur protecteur de la liberté de la presse est le professionnel des
médias lui-même, il appartiendrait donc aux associations professionnelles de la presse
de bâtir une véritable déontologie professionnelle et de veiller scrupuleusement à son
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respect. C’est cette capacité d’autorégulation qui permettra à la presse d’être crédible et
de jouer pleinement le rôle qui est sien dans l’édification d’un Etat démocratique. En
effet, le renforcement du rôle des instances de régulation et d’autorégulation devrait
faire cesser l’interventionnisme de l’Etat dans le secteur médiatique en vue de donner
lieu à une expression plus libre des citoyens.
c. Le recours au juge civil en vertu des articles 258 et suivants du Code civil livre III tout
en s’assurant que le seul dommage ne soit pas la condition pour qu’une action soit dite
recevable et fondée, mais plutôt, comme nous l’avons suggéré plus haut, que le
demandeur doive prouver non seulement que les informations publiées sont fausses,
mais aussi que le journaliste a agi avec mauvaise foi, ou au moins de façon négligente.
A notre avis, les propositions précédentes devraient aussi faire l’objet d’une adhésion
massive de tous les acteurs impliqués en vue de leur sensibilisation à la responsabilité et la
prise en charge adéquate du rôle qui est le leur dans la perspective des réformes.
5. La loi portant statut de la Radio Télévision Nationale Congolaise (RTNC)
A. Définition d’un média de service public :
Par définition, un média de service public est un média audiovisuel, c’est-à-dire une
télévision, une radio ou même un site internet d’information destiné à servir l'intérêt général en
priorité. Avec une programmation indépendante, ce média peut être financé par des
abonnements de ses téléspectateurs ou auditeurs, par l’Etat ou encore par certains revenus
publicitaires. Pour être ainsi reconnu, ce média jouit d’une autonomie éditoriale et managériale
dans la création de ses programmes de diffusion.
B. Principes fondamentaux gouvernant les Media de Service Public (MSP) :
Avant d’examiner la nature juridique de la RTNC, il est important pour nous de
présenter de manière succincte quelques principes se base sur la nature, le rôle et l’essence des
Média de Service Public. Il s’agit de :
L’universalité et la diversité : toute la population devrait avoir accès au contenu d’un
MSP, ce qui signifie qu'il doit être disponible dans toutes les langues nécessaires, et doit
disposer de la technologie adaptée pour la transmission des signaux dans tous les
endroits de la superficie couverte par sa licence. Aucun groupe ni aucun individu ne
doit être exclu de l'accès à un MSP. En outre, un MSP doit être caractérisé par sa
capacité à produire une grande variété de programmes éducatifs, informatifs et de
divertissement qui reflètent la diversité des origines et des perspectives de la population
desservie ;
L’impartialité et l’indépendance : sa programmation doit être objective et non basée sur
des préjugés, aucune influence ne devrait être acceptée de la part des promoteurs ou des
partis politiques, des organes directeurs, des intérêts commerciaux, ou d'opinions
individuelles car il doit garantir la libre formation de l'opinion parmi des téléspectateurs.
Dans sa mission d’informer, le MSP est appelé à préserver la liberté d'expression, il doit
être indépendant des intérêts étatiques et commerciaux. Ceci n’est possible que si les
organes de gestion du MSP sont désignés en l’absence de toute influence et que son
budget est garanti et libre de toute intervention politique. Dans ces conditions, les
décisions de programmation pourraient refléter les critères professionnels et le droit des
citoyens à l'information.
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RDC/Revue de la Législation/Juin 2012/Albany Associates
L’information et la créativité : il doit encourager et favoriser la participation des
citoyens dans le processus démocratique en fournissant des informations exactes,
opportunes et complètes sur les questions actuelles relatives à l'intérêt public. Les sujets
devraient inclure, sans s'y limiter: l'économie politique, sciences, santé, société, culture,
et les événements locaux et internationaux. Le MSP devrait garantir l’innovation et la
créativité en dehors des émissions de divertissement de nouvelles et d'informations
pouvant rivaliser avec le secteur commercial populaire. Il devrait favoriser, encourager
et développer des techniques audio-visuelles et utiliser les technologies émergentes pour
accroître l'accessibilité et le public.
La culture et le financement public : Il doit y avoir un accent sur la diversité culturelle
au sein d'une nation, avec des programmes mettant en évidence les diverses
manifestations culturelles et leurs enjeux, en promouvant en même temps les intérêts
nationaux culturels aux audiences internationales. Dans de nombreux pays, les MSP
sont financés par une redevance universelle sur les récepteurs de radio ou télévision, ce
qui signifie que tous les téléspectateurs ou auditeurs doivent payer une redevance. En
outre, les revenus peuvent provenir de la publicité ou l'aide directe du gouvernement par
l'impôt (c.-à-d subventions publiques directes). D'autres formes de revenus comprennent
les dons privés et les subventions. La plupart des diffuseurs publics ont un accès gratuit
ou peu coûteux au spectre.
C. Nature juridique de la RTNC
Aux termes de l’article 1er
du Décret n°09/62 du 03 décembre 2009 fixant les statuts
d’un Établissement public dénommé Radiotélévision Nationale Congolaise, en sigle « RTNC »
et sur base de la définition énoncée précédemment, la RTNC est un établissement public à
caractère socioculturel ayant pour mission d'assurer le service public de radiodiffusion et de
télévision conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur. A cet effet, elle
est chargée notamment:
de couvrir les activités politiques, économiques et sociales;
d'élaborer et de mettre en œuvre tout programme d'action et toute production
audiovisuelle en matière de radiodiffusion et de télévision;
de mener toute étude ou tout sondage visant l'amélioration qualitative de la radio et de la
télévision à l'échelle nationale, régionale et internationale;
de réaliser la production nationale des programmes artistiques et éducatifs;
de produire et coproduire des œuvres et documents audiovisuels, de les commercialiser
et de les diffuser sur les antennes et par tous autres moyens audiovisuels, tant dans le
pays qu'à l'étranger, pour contribuer au rayonnement de la culture et de la civilisation
congolaises;
d'assurer la production cinématographique et d'en assurer la commercialisation;
de conclure toute convention pour la production ou l'échange des programmes avec les
administrations ou organismes intéressés;
de vulgariser les activités et les programmes d'actions des institutions de la République
Démocratique du Congo.
D. Ligne éditoriale de la RTNC
La ligne éditoriale de la RTNC inclut généralement les éléments suivants :
les activités du Président de la République
les activités des deux chambres du Parlement
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RDC/Revue de la Législation/Juin 2012/Albany Associates
les activités du Gouvernement
les activités des autres institutions de la République
Ensuite viennent les autres faits sociaux qui intéressent la population et les acteurs
d’autres secteurs. La hiérarchisation des informations telles que présentées dans le journal de la
RTNC ne tient pas compte des critères de programmation universellement appliqués et
contraste avec les grands principes applicables aux Médias de Service Public énumérés plus
haut.
E. Recommandations
D’où les recommandations suivantes en ce qui concerne la RTNC :
Doter la RTNC de tous les moyens susceptibles de lui permettre une bonne couverture
et une desserte complète de toute l’étendue du territoire national avant d’envisager
l’étranger selon les termes de son cahier des charges ;
Que la RTNC accomplisse toutes les missions lui dévolues aux termes de l’article 1er
du
décret n° 09/62 du 03 décembre 2009 fixant ses statuts. Car à ce jour, il a été fort
malheureusement constaté que la RTNC ne réalise qu’un tiers de ses missions, étant
plus centré à vulgariser les activités et les programmes d’actions des Institutions de la
République Démocratique du Congo. Faire en sorte que la ligne éditoriale de la RTNC
corresponde réellement à sa nature juridique qu’est celle d’un établissement public à
caractère socioculturel, par conséquent que ce soit l’information du jour fasse en
priorité l’objet de sa ligne éditoriale ;
Que l’impartialité, la neutralité et l’indépendance soient garanties à ce média de service
public et que ses journalistes soient libres dans le traitement de l’information en ne se
soumettant seulement qu’aux seules règles de la profession ;
Que les nominations et les révocations des membres du Conseil d’Administration soient
faites par le parlement sur proposition du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la
communication.
Que les membres du conseil d'administration issus de la RTNC ou non, soient élus pour
un mandat de cinq ans non renouvelable.
Que les budgets conséquents soient votés par le Parlement en dehors de toute influence
politique partisane;
Que l’accès de la RTNC à la publicité commerciale soit limité en vue de favoriser une
compétition plus ouverte avec le secteur privé ;
Cesser toute ingérence dans la gestion et la programmation de la RTNC et favoriser son
orientation vers l’intérêt général, l’éducation et l’information de la population ;
Abroger le placement de la RTNC sous la tutelle du Ministère ayant la communication
et les médias dans ses attributions, et bannir tout pouvoir de contrôle exercé par voie
d'autorisation, d'approbation ou d'opposition ;
Faire en sorte que le pouvoir dévolu au Chef de l’Etat de nommer et de révoquer les
membres du Conseil d’administration de la RTNC soit utilisé de la manière la plus
favorable à l’indépendance de ce média.
Confrontée aux valeurs positives et démocratiques universellement admises et
appliquées dans la plupart des pays à travers le monde, la situation de la RTNC est très
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RDC/Revue de la Législation/Juin 2012/Albany Associates
préoccupante dans la mesure où ce média n’a de service public que le nom et n’est avant tout
qu’un outil pour la diffusion d’une ligne politique.
6. Le cahier des charges des médias audiovisuels congolais
A. Bref aperçu :
Le cahier des charges « est un condensé des prescriptions et obligations qui s’appliquent
aux établissements publics et entreprises privées de radiodiffusion et de télévision opérant en
République Démocratique du Congo ». Il énumère les modalités d’exploitation des entreprises
audiovisuelles et contient des règles relatives à l’éthique, la programmation et la diffusion des
informations. Il impose aux opérateurs du secteur médiatique le respect des lois, de l’ordre
public, des bonnes mœurs et de la sécurité publique et nationale. Concernant. Enfin, il régule la
concurrence avec les médias étrangers et préserve, en toutes circonstances, l’intérêt des jeunes
et adolescents conformément à la Charte universelle des droits de l’homme. (4)
Mais, il faut reconnaître qu’en République Démocratique du Congo, le cahier des
charges n’a favorisé ni le développement des médias et n’a pas non plus permis un contrôle
approprié des opérateurs du secteur. Il est perçu comme un outil de censure.
Pris par arrêté du Ministre ayant la Communication et les médias dans ses attributions,
le Cahier des charges est exécuté par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la
Communication (CSAC). Il concerne les médias audiovisuels publics, privés commerciaux,
généralistes, thématiques et confessionnels, mais aussi et surtout les médias audiovisuels
associatifs et communautaires. (5)
Parlant de son contenu, le Cahiers des charges fixe les règles concernant la
programmation et la diffusion, la production et les droits d’auteurs y compris celles relatives à
la publicité. Il fixe aussi les règles spécifiques applicables à chaque catégorie des médias.
Entre autres règles générales édictées par le cahier des charges sur tous les médias
audiovisuels opérant en RDC, on retrouve :
La condition obligatoire que le Directeur des Programmes soit un journaliste
professionnel ;
Le respect des lois, de l’ordre public, des bonnes mœurs et la sécurité publique et
nationale dans la diffusion des contenus des programmes ;
L’autorisation préalable du Ministre de la communication et médias avant la prise en
relai des informations d’actualité d’une chaîne étrangère ;
L’exclusivité de la publicité commerciale accordée uniquement aux médias audiovisuels
publics et commerciaux ;
L’interdiction de la publicité gratuite et/ou clandestine.
(
4) Voir Arrêté ministériel n°035/2011 du 14 juin 2011 modifiant et complétant l’arrêté n°04/MIP/.020/96 portant
mesures d’application de la loi n°96/002 du 22 juin 1996 fixant les modalités d’exercice de la liberté de la presse.
(5) Pour rappel, la loi du 22 juin 1996 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la presse de qui est tiré le
Cahier des charges des médias audiovisuels congolais ne fait aucune allusion aux médias communautaires et
associatifs. D’où la confusion dans la catégorisation de ce médias, d’aucun les plaçant dans la classification des
médias privés et d’autres des confessionnels. Ce qui est une interprétation erronée !
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RDC/Revue de la Législation/Juin 2012/Albany Associates
Dans le cadre de notre revue, seules les radios associatives et communautaires feront
l’objet d’une attention particulière. Et, en ce qui les concerne, le cahier des charges est très
clair au sujet :
La prohibition de toute publicité commerciale et de toutes celles n’ayant aucun rapport
avec l’objet social de la radio associative et communautaire ;
L’obligation, au même titre que les autres médias, d’utiliser un personnel formé et
compétent capable de concilier le but poursuivi avec la technicité du métier. Il est
pourtant vrai de constater que les conditions d’existence de ces médias—faibles
revenus, personnel bénévole, etc.— ne favorisent pas le respect de cette mesure ;
L’autorisation d’une publicité dite « culturelle », c’est-à-dire relative aux activités de la
radio associative ou communautaire en tenant compte de la déclaration d’exploitation et
des statuts.
La radio communautaire est donc dans une situation très délicate, d’abord parce
qu’aucune loi ne la reconnaît comme acteur à part entière dans le secteur médiatique congolais
à part entière et ensuite parce que les contraintes qui lui sont imposées dans le cadre du cahier
des charges sont de nature à rendre son fonctionnement beaucoup plus difficile.
B. Analyse et recommandations
Entre autres recommandations à apporter au cahier des charges, les plus pertinentes
concernant les radios communautaires sont les suivantes :
Que le cahier des charges des médias audiovisuels congolais soit élaboré désormais par
la tripartite CSAC, OMEC et UNPC et non plus par le Ministère de la Communication
et des Médias ;
Repenser les mécanismes de prise en relai des chaînes étrangères par les médias
audiovisuels en prenant en compte les différentes conventions qui existeraient entre ces
médias et les nôtres, au lieu de requérir l’autorisation du Ministre de la
Communication ;
Que les autorités provinciales soient habilitées à délivrer les autorisations d’ouverture,
car la compétence reconnue à la seule autorité de Kinshasa est préjudiciable au
fonctionnement des médias communautaires et associatifs opérant à l’intérieur du pays,
et qu’un délai butoir soit imposé ;
Que l’autorité revoie à la baisse les différents frais intervenant dans l’acquisition d’une
fréquence ou d’une autorisation d’ouverture, comme par exemple le récépissé qui n’a de
valeur que d’accusé de réception coûte extrêmement plus cher que l’autorisation de
fonctionnement provisoire (F 92) délivrée par le Ministère de la Justice ;
Que le nombre des services de l’Etat devant percevoir les différentes taxes liées à
l’exercice de la profession médiatique soit aussi revu à la baisse ;
Que les radios communautaires soient considérées comme des ASBL avec droit de faire
de publicité afin de suppléer à leurs besoins de financement surtout en ce que concerne
leur fonctionnement et qu’ils soient intégrés dans la loi sur la presse comme opérateurs
sectoriels ;
L’atténuation de l’exclusivité dévolue aux médias publics et privés commerciaux sur
l’accès à la publicité commerciale ;
L’annulation de l’obligation faite au Directeur des Programmes d’être un professionnel
de la communication audiovisuelle avant d’exercer cette fonction.
7. Codes pour la conduite des médias :
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RDC/Revue de la Législation/Juin 2012/Albany Associates
Dans la plupart des cas, ces codes sont des outils qui accompagnent l’application des
textes légaux en matière des médias en RDC. L’adhésion y est libre et ces derniers n’ont
d’autorité que morale. Le but visé par l’émission et la signature des codes de conduite vise à
accroître et favoriser la responsabilisation des médias et des journalistes, mais aussi le contrôle
personnel ou l’autorégulation.
Un autre constat est que beaucoup de codes de conduite ne survivent pas aux périodes
durant lesquelles ils ont été conçus, car dans la plupart des cas les signataires et initiateurs de
ces mesures n’adhèrent pas aux valeurs qui y sont liées. C’est donc avant tout une question de
culture démocratique. Nous en avons retenu deux dans le cadre de cette revue, il s’agit du Code
d’éthique et de déontologie du journaliste congolais et du Code de bonne conduite pour acteurs,
partis, regroupements politiques et médias.
A. Le Code d’éthique et de déontologie du journaliste congolais :
Tiré de la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes adoptée à Munich (Allemagne) en
1971, le code d’éthique et de déontologie du journaliste congolais a été signé à l’issu du Congrès
National de la Presse qui s’est tenu du 1er
au 5 mars 2004 à Kinshasa (RDC) qui recense les
droits et les devoirs du journaliste congolais. A ce jour, c’est l’outil principal de travail pour les
journalistes. Malgré tout, ce code n’est pas totalement connu de tous les utilisateurs et est mal
interprété par ses usagés.
B. Le Code de bonne conduite pour les partis politiques et les médias du 11 mai 2004 :
C’est un code qui a été mis en place pour servir de censure et de cadre limitatif pour
l’utilisation des médias avant, pendant et après les élections. Ce code a permis d’éviter
beaucoup de tensions principalement dans la période entre les deux tours du scrutin présidentiel
opposant les candidats Kabila et Bemba. Malheureusement son utilisation et son respect n’ont
pas survécu à la clôture des opérations électorales, les raisons pouvant être de nature politique.
C’est ce qui a motivé l’intervention du Programme de développement du Secteur
Médiatique, par le biais d’Albany Associates et Internews Network, en appuyant la réunion
d’un groupe d’experts pour travailler à la mise à jour dudit code, les 09 et 10 mai 2011. Après
sa mise à jour par des experts, le Code de bonne conduite pour acteurs, partis, regroupements
politiques et médias avant, pendant et après les élections a été endossé par le Bureau du CSAC
qui a organisé la cérémonie solennelle de signature de ce code le 10 août 2011, après l’avoir
fait valider par toutes les parties concernées.
A la suite de la réunion décrite précédemment et des plusieurs autres discussions tenues
avec des partenaires concernés par cette question, des recommandations suivantes ont été faites
sur :
- La nécessité de vulgariser le code d'éthique et dé déontologie du journaliste congolais
en vue de favoriser le respect des normes de la profession, car pour toutes sortes des
raisons sociales et culturelles, les journalistes congolais ne se conforment pas souvent
aux principes d’éthique et de déontologie professionnelles ;
- L’importance d’éditer et de vulgariser le guide pratique pour le journaliste ;
- La dissémination des documents professionnels (e.g., le code, le guide) pour les organes
des médias basés a l'intérieur ;
- La remise de la carte professionnelle de presse en même temps qu’un exemplaire du
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code de conduite au journaliste et la signature par ce dernier de l’acte d'engagement ;
- La promotion de la synergie nécessaire entre les organes de la corporation à savoir
l'OMEC, le CSAC et l'UNPC pour une meilleure coordination des actions et mieux
garantir la liberté et le professionnalisme de l’exercice de la presse ;
- Le renforcement de l’obligation des médias publics à un traitement égalitaire et
équitable de tous les courants et tendances politiques, y compris la réaffirmation de
L’attachement aux valeurs démocratiques, à la primauté du droit et au respect des droits
humains.
En ce qui concerne les codes, point n’est besoin de faire beaucoup de commentaires
dans la mesure où le plus grand enjeu qui les concerne reste l’application. La plupart des codes
devant orienter les médias et les journalistes congolais souffrent de ne pas être appliqués dans
certains cas par manque d’information, dans d’autres par mauvaise foi. Il y a aussi le fait de de
la manipulation politique dont font l’objet certains médias et journalistes, ce qui les pousse à
passer outre les normes d’éthique auxquelles ils ont pourtant adhéré librement. Nous
recommandons la mise en place de programmes d’éducation et de vulgarisation des principes
légaux et déontologiques en la matière.
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8. Conclusion
De toutes les analyses faites dans les lignes précédentes, il n’y a aucun doute que la
situation de l’exercice du droit à l’information et la liberté de la presse sont tributaires d’une
réforme en profondeur des lois existantes et de la mise en place de celles qui n’existent pas
encore. Ainsi, dans le cadre de cette revue, nous avons proposé des pistes des solutions, non
limitatives, mais qui pourraient servir de support à toute action et tout plaidoyer en faveur de
réformes nécessaires.
Nous avons fondé nos analyses sur les standards internationaux et sur les principes
universels applicables dans toutes les démocraties modernes et avons essayé d’établir la ligne
de démarcation entre ces derniers et la pratique la plus usuelle en RDC. Le constat n’est pas
flatteur, et des efforts sont nécessaires sinon indispensables en vue de faire évoluer
positivement la situation de l’exercice de la liberté de la presse et du droit à l’information. Nous
avons traité de l’épineuse question de la dépénalisation des délits de presse et du contexte dans
lequel cela doit être fait.
Nous avons pris en compte la particularité des radios associatives et communautaires
dont la viabilité et le développement passent aussi par une réforme devant en faire des
partenaires médiatiques à part entière au même titre que les autres médias.
Concernant le statut de la RTNC, la question de son statut nous a beaucoup intéressé
dans la mesure où cette dernière est perçue comme étant très politisée et liée au gouvernement
alors qu’elle est devrait être un Service public de communication.
A la fin de chacune de nos analyses, nous avons énuméré quelques mesures susceptibles
d’entrer dans le cadre de l’autorégulation car liées à l’éthique professionnelle des journalistes.
Cela nous a permis de rappeler que la force de ces mesures reste l’attachement aux valeurs
modernes de démocratie, de bonne gouvernance et de justice, sans lesquelles il ne saurait y
avoir de médias responsables de ce qu’ils devraient ou ne devraient pas dire, publier ou écrire
sans être soumis à une quelconque influence politique ou économique. Seul devrait les guider
le besoin du public d’être bien informé.
Ainsi, nous engageons tous les partenaires impliqués dans le développement du secteur
médiatique congolais à s’impliquer dans les actions de plaidoyer devant naître de cette revue de
la législation, afin d’apporter chacun l’expertise qui est la sienne en vue du développement
effectif du secteur médiatique congolais.
9. Bibliographie
1. Instruments internationaux
- Déclaration universelle des Droits de l’Homme ;
- Pacte international relatif aux Droits Civils et politiques et son protocole additionnel ;
- La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
Fondamentales du 4 novembre 1950 ;
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- Standards internationaux relatifs aux médias de service public ;
- Standards internationaux relatifs à l’accès à l’information publique.
2. Textes de loi
- Constitution de la République Démocratique du Congo voté par référendum le 18
février 2006 ;
- Loi organique n° 11/001 du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et
fonctionnement du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication
- Loi n°81/012 portant statuts des journalistes œuvrant en RDC
- Loi n° 96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la
presse ;
- Décret n°09/62 du 03 décembre 2009 fixant les statuts d’un Établissement public
dénommé Radiotélévision Nationale Congolaise, en sigle « RTNC » ;
- Loi 004-2001 portant dispositions générales applicables aux associations sans but
lucratif et aux établissements d’utilité publique
3. Arrêtés ministériels et autres codes
- Arrêté ministériel n°035/2011 du 14 juin 2011 modifiant et complétant l’arrêté
n°04/MIP/.020/96 portant mesures d’application de la loi n°96/002 du 22 juin 1996
fixant les modalités d’exercice de la liberté de la presse, y compris le cahier des charges
des médias audiovisuels congolais ;
- Le Code d’éthique et de déontologie du journaliste congolais adopté lors du Congrès
National de la Presse de Kinshasa en 2004 ;
- Le code de bonne conduite pour les acteurs, partis et regroupements politiques signés
pas les partis politiques et lés médias le 10 août 2011.
4. Ouvrages publiés et articles de référence
- Marie-Soleil Frère, Le Paysage médiatique congolais : Etats des lieux, enjeux et
perspectives, SL, FCI, 2008 ;
- Tshivis Tshivuadi, Donat M’Baya Tshimanga et Me Ghislain Mabanga M. Mabanga,
avocat au Barreau de Paris et avocat près le tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY) in Journaliste En Danger (JED), La dépénalisation des délits de presse en 10
questions : Pourquoi et comment faut-il dépénaliser les délits de presse en RD Congo,
SD, SL (livret).
5. Draft des lois
- Proposition de Loi portant accès à l’information publique déposée au Sénat.
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Ce document a été produit par Internews avec l’appui financier de USAID.