Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique - 2004
CAFDES
Promotion 2004
Personnes en difficulté sociale
PRENDRE EN CHARGE LA SPECIFICITE
DE MINEURS DELINQUANTS ET
TOXICOMANES
EN CENTRE EDUCATIF RENFORCE
MIEL Christian
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique - 2004
S o m m a i r e
A. INTRODUCTION 1
B.TOXICOMANIE ET SOCIETE 3
I. De la toxicomanie à l'addictologie
1. Une législation controversée
1a. Une bipolarisation répression et soins
1b. Pour une démarche concertée de la répression et du soin
1c. Une réponse sanitaire et sociale diversifiée
2. La médicalisation de la toxicomanie 8
2a. L'avènement des produits de substitution
2b. L'impulsion de la Mission Interministérielle de Lutte
contre la Drogue et la Toxicomanie
2c. Une clinique du sujet à redécouvrir
II. Considérations épidémiologiques 15
1. L'évolution du phénomène toxicomaniaque
1a. Indications statistiques nationales
1b. La situation du Pas de Calais en matière de toxicomanie
1c. Les données sociologiques et psychopathologiques
2. Le dispositif sanitaire et social en addictologie dans le Pas de Calais 20 2a. Les structures de soins et d'accompagnement social
2b. L'articulation des secteurs de la santé et de la justice
III. Présentation du Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes, la Porte Ouverte 22
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique - 2004
1. Le cadre institutionnel
1a. La montée en charge progressive
1b. Les caractéristiques du public
1c. Le projet thérapeutique
1c1. Les invariants
1c2. Les fondamentaux
2. Une dynamique institutionnelle diversifiée 26 2a. Un aspect multipolaire
2b. Un aspect multifonctionnel
2b1. Un volet prévention
2b2. Un volet formation
2b3. Un volet éducatif
2b4. Un volet soins
3. La gestion du centre 30 3a. Les aspects budgétaires et administratifs
3b. Le personnel
C.TOXICOMANIE ET DELINQUANCE 35
I. La justice des mineurs
1. Les diverses mesures contenues dans l'ordonnance du 2 février 1945
2. L'adaptation de l'ordonnance de 1945 à l'évolution
de la délinquance juvénile.
II. Les évolutions récentes de la délinquance juvénile 38
1. La place de l'usager des produits psychoactifs
dans la délinquance juvénile
1a. Un phénomène nouveau
1b. Une dynamique en progression
2. Une souffrance agie délictueuse 43
2a. L'adolescence et l'agir
2b. Un style de vie déviant
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III. Le dispositif éducatif en question 46
1. L'articulation du secteur éducatif et du secteur judiciaire
1a. Des modes de gestion du temps différents
1b. L'action éducative à repenser
2. Les Centres Educatifs Renforcés : une réponse éducative
à la prise en charge de mineurs délinquants multirécidivistes. 48
2a. Les modes de fonctionnement institutionnel
et les pratiques éducatives en question
2b. Une maturation du dispositif
D. UN PROJET DE CENTRE EDUCATIF RENFORCE A
VERSANT ADDICTIF 54
I. Un contenant institutionnel à potentialité émergente
1. La mise en place du projet
1a. Les préliminaires
1b. Les éléments administratifs et budgétaires
2. Les grands axes organisationnels 57
2a. La composition du personnel
2b. L’accompagnement du personnel
II. Une prise en charge globale axée sur le corps 62
1. L'accompagnement éducatif 1a. Les conditions d'admission et de prise en charge
1b. La pédagogie au quotidien
1b1. Le vivre ensemble
1b2. La vie quotidienne
1c. La programmation de la vie communautaire
1c1. L'instauration d'un processus ritualisé
1c2. Le déroulement du séjour.
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2. L'approche thérapeutique 69
2a. Les activités de remédiation corporelle
2b. Les techniques psychocorporelles
2b1. La gestalt-thérapie
2b2. La bio-énergie
2b3. Le rebirth
2b4. Les techniques de relaxation
2c. Les thérapies cognitivo-comportementales
2d. L'articulation du thérapeutique et de l'éducatif
3. Le corps institutionnel dans sa dimension intégrative 75 3a. L'acte éducatif et la loi sociale
3b. Le droit des usagers
3c. Le CER dans son environnement
3c1. L’articulation du CER avec le CSST
3c2. Le partenariat
4. L’évaluation 82
E. CONCLUSION 85
F. BIBLIOGRAPHIE
G. ANNEXES
Annexe 1 : Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes
1. Analyse budgétaire
2. Contrats de séjour
3. Réseau de partenaires
Annexe 2 : Délinquance
1.La procédure pénale applicable aux mineurs
2.La détention provisoire du mineur
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3.Les infractions commises par les mineurs
4.La répartition des détenus mineurs incarcérés au Centre Pénitentiaire de
Longuenesse, années 2001 et 2002
Annexe 3 : Centre Educatif Renforcé
1.Le budget prévisionnel de fonctionnement à l’année
2.Le budget prévisionnel de fonctionnement en 2003
3.Le budget d’investissement
4.Planning hebdomadaire des activités
5.Projet de dispositif expérimental de professionnalisation des intervenants éducatifs
en CER
6.Cahier des charges des CER
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L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s é s
AEMO Assistance Educative en Milieu Ouvert
ANIT Association nationale des Intervenants en Toxicomanie
APPRE Actions et Projets de Prévention Recensement
BHD Buprénorphine Haut Dosage
BO Bulletin Officiel
CAE Centre d’Action Educative
CAPD Comité d’Agglomération et de Prévention de la Délinquance
CCAA Centre de Consultation Ambulatoire en Alcoologie
CEC Contrat Emploi Consolidé
CEF Centre Educatif Fermé
CEIP Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance
CER Centre Educatif Renforcé
CFES Comité Français d’Education à la Santé
CHRS Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale
CNS Conseil National du Sida
CP Code Pénal
CPI Centre de Placement Immédiat
CREAI Centre Régional de l’Enfance et de l’Adolescence Inadaptée
CROSS Comité Régional de l’Organisation Sanitaire et Sociale
CSP Code de la Santé Publique
CSST Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes
DAS Direction de l’Action Sociale
DDASS Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales
DGLDT Direction Générale de la Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie
DGS Direction Générale de la Santé
DRPJJ Direction Régionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse
EDDRA Exchange or Drug Demand Reduction Action
ESCAPAD Enquête sur la Santé et les Comportements lors de l’Appel de Préparation à la
Défense
ETP Equivalent Temps Plein
FAE Foyer d’Action Educative
ILS Infraction à la Législation sur les Stupéfiants
INTERREG Inter-Régions (France, Wallonie, Wlanderen)
INSERM Institut National de Santé et de la Recherche Médicale
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IPES Institution Publique d’Education Surveillée
ISES Institution Spéciale de l’Education Surveillée
LSD Lysergic Saure Diethylamid
MILDT Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie
MRPS Maison Régionale de Prévention de la Santé
OFDT Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies
OICS Organisme International de Contrôle des Stupéfiants
ONU Organisation des Nations Unies
OPPIDUM Observatoire des Produits Psychotropes Illicites ou Détournés de leur Utilisation
Médicamenteuse
ORS Observatoire Régional de la Santé
OSS Observatoire du Samu Social
PJJ Protection Judiciaire de la Jeunesse
PNUCID Programme des Nations Unies pour le Contrôle International des Drogues
RTT Réduction du Temps de Travail
SAUO Service d’Accueil d’Urgence et d’Orientation
SEAT Service Educatif Auprès du Tribunal
SNASEA Syndicat National des Associations pour la Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte
SPIP Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation
THC TetraHydro-Cannabinol
TIG Travail d’Intérêt Général
TREND Tendances Récentes et Nouvelles Drogues
UCSA Unité de Consultation et de Soins Ambulatoires
UEER Unité d’Encadrement Educatif Renforcé
ULA Unité de Liaison en Addictologie
VIH Virus de l’Immunodéficience Humaine
VHC Virus de l’Hépatite C
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A. INTRODUCTION
Cette dernière décennie, le phénomène toxicomaniaque a sensiblement évolué vers
un processus de massification, vers une tendance à la polyconsommation et au
rajeunissement du public. Au-delà des conduites délictueuses engendrées par la
consommation de produits psychoactifs illégaux, cette polyconsommation, dans une
proportion croissante, tend à se développer corrélativement à des conduites
délinquantes. L’association à des produits légaux comme l’alcool ou les médicaments
détournés de leur usage, vient accroître le potentiel violent d’un certain nombre de
mineurs.
L’observation de ce phénomène, en tant que directeur d’un Centre Spécialisé de
Soins aux Toxicomanes situé à Saint-Omer, dans le département du Pas-de-Calais, me
confronte dans le même temps, aux difficultés de prise en charge médico-psycho-
socioéducative de mineurs qui sont réfractaires à toute démarche de soins. Les
conduites à risque, l’autodestructivité sont ponctuées par des manifestations
d’hétéroagressivité. Elles alimentent un quotidien qui ne prend plus sens et s’inscrivent
de plus en plus, dans un processus d’échec scolaire et de marginalisation sociale.
L’inadéquation des structures actuelles de prise en charge en milieu ouvert ou
fermé, ne peut que susciter une réflexion institutionnelle et pédagogique. Elle interpelle,
voire nous incite à réviser nos références cliniques et pédagogiques, devant la nécessité
de prendre en compte cette problématique associant la violence et la toxicomanie. Elle
constitue un défi éducatif, en même temps que sanitaire et judiciaire et pose la question
du lien, en raison de la conduite d’évitement de la rencontre avec l’autre, en tant que
sujet.
La prise en charge de tels mineurs, au niveau du Centre Spécialisé de Soins aux
Toxicomanes que je dirige, est difficile. Leur orientation vers le service de familles
d’accueil du Centre de Soins ne peut être envisagée dans un premier temps, en raison
de leurs conduites de violence et de fugue. Aussi, un tel constat m’amène à me poser
les questions suivantes : Quelles réponses psycho-éducatives est-il possible d’apporter,
comme alternatives à l’incarcération, à des mineurs présentant une conduite addictive
associée à des conduites délinquantes ? Quels modes de prise en charge faut-il prévoir
en articulation avec le milieu familial et les multiples partenaires ?
L’exposé de la problématique m’amènera à proposer la création d’un Centre
Educatif Renforcé à versant addictif, comme mode de réponse institutionnel à ce type de
public. Une prise en charge axée sur la dynamique corporelle, prenant en compte
l’articulation entre l’éducatif, le sanitaire et le judiciaire, constituera le point nodal du
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projet d’établissement. Elle interpellera le mineur dans son espace corporel, dans ce lieu
où il exprime sa souffrance et sa toute puissance, tout en lui offrant d’autres modes
d’expression et de résolution de ses difficultés.
La première partie de ce mémoire porte sur l’exposé du phénomène
toxicomaniaque dans ses considérations historiques, sociologiques, sanitaires et
judiciaires. Un développement plus spécifique du phénomène dans le département du
Pas-de-Calais, au travers du paysage institutionnel médical et médico-social, précède la
présentation du Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes, la Porte Ouverte, géré
par l’association ABCD, Aide et Soins aux Toxicomanes à Saint-Omer.
La deuxième partie est consacrée aux rapports entre toxicomanie et délinquance.
L’adaptation de la justice des mineurs à l’évolution de la délinquance juvénile tente de
répondre à la prise en compte d’une problématique dans laquelle les données
psychopathologiques sont très présentes. Elle permet en outre, d’introduire les principes
de l’éducation renforcée comme alternative à l’incarcération et comme cadre de
référence pour une prise en charge éducative adaptée.
Enfin, la troisième partie porte sur l’exposé du projet de Centre Educatif Renforcé à
versant addictif en tant que mode de réponse innovante. Les aspects administratifs,
budgétaires et les données relatives à la gestion du personnel encadrent un projet
pédagogique et thérapique axé sur le réinvestissement corporel et la prise en compte du
quotidien, dans le rapport à l’autre.
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B. TOXICOMANIE ET SOCIETE
I. De la toxicomanie à l'addictologie
1. Une législation controversée
La législation française en matière de drogues est fort ancienne. Le premier
texte important relatif aux "substances dangereuses" est promulgué au XVIIème siècle.
La dénomination de "substances vénéneuses" apparaît au XIXème siècle avec
l'établissement d'une liste de produits dangereux (arsenic, opium, morphine, codéine,
etc) et de contraventions portant sur la vente, l'achat et l'emploi. Cette dénomination
sera reprise dans la loi de 1970. A cette époque, le terme drogue est équivalent de
médicament. Ce sont les conditions d'usage qui posent problème. La découverte
d'une nouvelle drogue (morphine, héroïne, cocaïne, chanvre indien) est souvent
saluée pour ses vertus médicinales1. Dès le début du XXème siècle, un mouvement
prohibitionniste se développe2.
Le contexte international et les relations de coordination entre les Etats dans
leur lutte contre la toxicomanie et le trafic des stupéfiants influent sur la législation
nationale. La loi n°68-1124 du 17 décembre 1968 autorise l'adhésion à la Convention
Unique sur les stupéfiants de 1961 qui propose l'interdiction de l'usage des
stupéfiants. Elle intervient dans un contexte socio-culturel de développement de la
consommation du LSD, du cannabis et de l'héroïne et précède le vote, à l'unanimité
des partis politiques, de la loi n°70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures
sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite
de substances vénéneuses.
1a. Une bipolarisation répression et soins
La loi de 1970 3 présente la particularité de disposer d'un versant
répressif et d'un versant soins, ce qui conduit à considérer le toxicomane, à la
fois comme un délinquant et une personne malade.
Au-delà de cet interdit portant sur la consommation de produits
stupéfiants, la loi prévoit l'anonymat et la gratuité des soins pour toute
personne s'adressant à un centre agréé, comme le recours à l'obligation de
soins que j'aborderai dans le paragraphe suivant. 1. ODDOU A., Les substances psychoactives au XXème siècle. Un siècle de prohibition croissante et diversifiée, Interventions, revue de l'ANIT,
19 mars 2002, n°1, vol. 19, pp 3-24.
2. La Conf érence de Shangaï du 1er février 1909, puis la Convention internationale de la Haye du 23 janvier 1912 condamnent l'abus de drogues et accentuent le mouvement prohibitionniste. En France, la loi du 12 juillet 1916 introduit la notion de stupéfiant et condamne l'usager et le trafiquant.
3. Les principes de la loi de 1970 sont intégrés dans le Code de la Santé Publique (art. L. 627 à L. 630 et R. 5171 à R. 5182)
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Depuis sa promulgation, la loi de 1970 ne cesse d'alimenter des
débats. D'aucuns soulignent cette dichotomie délinquant / malade en tant que
position inconciliable, dénonçant au passage l'inefficacité de cette loi qui n'a
pas permis d'empêcher l'évolution du phénomène toxicomaniaque. Cette
critique procède d'une démarche globalisante. Elle ne prend pas en compte le
fait que les conditions et modalités d'application d'une loi dépendent d'une
volonté politique et de ses orientations. En outre, l'organisation des soins et
les moyens budgétaires mis à disposition pour l'appliquer en matière sanitaire
et sociale, ont été longs à se mettre en place et restent encore modestes.
L'évolution des valeurs éducatives dans leur rapport à l'interdit, celle
des relations parents-enfants autour de l'exercice de l'autorité parentale,
comme l'évolution des structures familiales, sont à prendre en compte. De
même, l'introduction et la prégnance des outils modernes de communication
dans la vie domestique n'est pas sans incidence sur l'évolution des
comportements des jeunes. Dans le rapport aux images télévisuelles, la
passion des jeux vidéos 4, l'utilisation d'Internet 5, c'est la question de la
dépendance à un objet, autre que l'objet maternel, qui se pose et parfois très
précocement, comme pour la télévision.
Cette donnée culturelle est souvent escamotée dans les débats et
interroge les notions de limite, de frustration, de disponibilité affective
parentale 6. Aussi, ne doit-on pas attendre d'une loi qu'elle règle un problème
de société. Elle rappelle un interdit, ce qui est permis et défendu. Si elle limite,
contient l'initiative et sanctionne les conduites inappropriées, elle protège la
société comme l'individu contre ses tendances destructrices.
4. De plus en plus de jeunes passent plusieurs heures par jour devant l'ordinateur ou les consoles de jeux vidéos. Il en est ainsi des "otaku" au
Japon, qui désignent des jeunes qui fuient les relations interpersonnelles et préfèrent rester dans leur chambre en s'immergeant dans les dessins animés, l'Internet et les jeux vidéos (BARRAL E., Otaku, les enfants du virtuel, Paris : Denoël, 1999, 314 p.). Plus généralement, les "nerds" désignent ces jeunes un peu partout dans le monde, qui fuient leur environnement proche, passent leur temps seuls devant l'ordinateur tout en étant en contact avec le monde entier. Ils s'intègrent dans une nouvelle sociabilité aux contours mal définis, susceptible de manipulations diverses (LEMOS A. La Cyberculture, les nouvelles technologies et la société contemporaine, thèse de doctorat de sociologie, Paris V).
5. FINKIELKRAUT A., Fatale liberté, in FINKIELKRAUT A., SORIANO P., Internet, l'inquiétante extase, Paris : Fayard Mille et Une nuits, 2001, 93 p., pp.17-48. L'auteur interroge ce nouveau rapport à un monde qui devient plus flexible, plus interactif et nous introduit dans l'ère du "sur-mesure". Il pose alors la question : "que devient le monde si le monde est mon monde ?" (Internet, l'inquiétante extase, ibid, p.23). Elle n'est pas sans faire écho à la description de Charles DUITS de son expérience avec le peyolt : "Brusquement je passai de l'autre côté – de mon côté. Je vis ce que j'avais toujours voulu voir, sentis ce que j'avais toujours voulu, sentis ce que j'avais toujours voulu sentir. Une énorme illusion noire s'envola. Je vis simplement ceci – que LE monde était MON monde" (Vision et hallucination, l'expérience du peyolt en littérature, Charles DUITS, Revue question de, 1994, 95, 173 p., p.75). FINKIELKRAUT avance la notion de liberté fatale pour désigner cette soumission de la réalité à notre volonté, nous situant dans une position de toute puissance et s'interroge sur notre capacité à nous fixer des limites : "L’Internet favorise la constitution d'un individu zéro-délai qui ne conçoit la réalité que comme malléabilité. Il sera particulièrement difficile de convertir cet enfant gâté à la pensée des limites ou au sens de la mesure" (Internet, l'inquiétante étrangeté, ibid, p.48).
6. MIEL C., Genèse de la toxicomanie : approche clinique. Le Journal des Psychologues, novembre 1998, n°162, pp. 23-25.
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Le compromis historique entre le soin et la répression induit par la loi
de 1970 se trouve alors dénoncé : "quel est le sens d'un interdit qui ne peut
pas être porté par les adultes dans leur relation éducative ? Là encore, la
pénalisation de l'usage conduit à accepter de donner la prépondérance à
l'action de l'institution juridico-policière et empêche le nécessaire
développement de régulations sociales et d'autocontrôles" 7. Faut-il supprimer
un interdit édicté par une loi, sous prétexte que l'exercice de l'autorité, au
niveau de la fonction éducative, s'est affaibli ? En quoi sa suppression
permettrait-elle "le développement de régulations sociales et d'autocontrôles"
alors que ces dernières décennies, toute référence à l'autorité dans le
discours social apparaissait comme un sujet tabou ? Ne faudrait-il pas au
contraire, contenir, soutenir et accompagner des fonctionnements familiaux
afin de redécouvrir la nécessité de la différenciation intergénérationnelle,
l'intérêt des repères éducatifs, des rôles et des responsabilités dévolus à
chacun ?
Ce n'est pas tant la référence à la répression et au soin dans une
même loi qui est problématique. C'est leur articulation dès lors qu'elle ne
repose pas, au niveau des pratiques, entre les professionnels des institutions
judiciaires, sanitaires et sociales, sur des mécanismes de régulation, de
reconnaissance mutuelle des champs et des modalités d'interventions de
chacun. Au lieu d'y voir "une tension entre une logique répressive et une
logique de soin dont le résultat est la dualisation de la politique en matière de
toxicomanie" 8 il m'apparaît intéressant de percevoir dans cette tension, la
possibilité de l'émergence d'un espace d'expérimentations et d'adaptations
diverses des structures de soins et des pratiques professionnelles, en fonction
de l'évolution du phénomène.
1b. Pour une démarche concertée de la répression et des soins
L'interdit portant sur l'usage de consommation de produits stupéfiants
est une manière de rappeler à la personne qu'elle a le devoir de prendre soin
de son corps et de soi-même, comme de respecter autrui. L'interdit fonde le
rappel de la loi qui signifie à la personne sa citoyenneté et l'incite à la
réinvestir : "le cadre de la Loi constitue un repère important pour le
7. MOREL A., Les intervenants en toxicomanie et la loi de 1970. Psychotropes , décembre 1997, vol. 3, n°4, pp.81-91, p.87.
8. ALLEMAND S., Les politiques françaises de lutte contre la toxicomanie. Vers différentes formes de contrôle social, Interventions, revue de l'ANIT, octobre 1998, n°66, pp. 3-7, p. 3.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
toxicomane, qui "erre" bien souvent non seulement au sein de la société, mais
aussi au sein de son être propre" 9. Le rappel de la loi ne se réduit pas à des
injonctions mais s'inscrit dans un ensemble de mesures d'aménagement de la
peine (permissions de sortie, semi-liberté, chantier extérieur, libération
conditionnelle) et dans un projet de soins et d'autonomie sociale. Les chances
de provoquer un changement de comportement se trouvent alors accrues. Le
rappel de la loi s'effectue aussi par le prononcé de mesures alternatives à
l'incarcération. Il en est du sursis simple, du sursis avec mise à l'épreuve, des
peines de substitution visées par la loi de 1975 et du travail d'intérêt général
prévu dans la loi du 10 juin 1983*.
Au-delà des sanctions judiciaires portant sur l'usage de produits
stupéfiants, il est des voix qui dénoncent l'interdit portant sur la consommation
du cannabis ou d'autres produits à titre privé 10. La notion de produit stupéfiant
se trouve contestée et ne repose pas sur une justification scientifique dans le
classement des substances psychoactives en produits licites et illicites, selon
leur degré de dangerosité 11.
Il est admis que la mortalité et la morbidité dues à la consommation
d'alcool et de tabac sont nettement plus importantes. Une dépénalisation,
voire une légalisation de la consommation des drogues 12 augmenteraient
nécessairement les taux de mortalité et de morbidité actuellement observés.
De telles orientations politiques en matière de santé seraient de plus mal
venues à une période de renforcement de la législation au niveau de la
consommation du tabac et de l'alcool 13.
La dangerosité des drogues ne peut s'évaluer uniquement par rapport au
taux de mortalité mais aussi en terme de modification du comportement qui
influe sensiblement sur l'adaptation scolaire et sociale.
9. PASSET I., Interdit, sanction, alternative. Interventions, revue de l'ANIT, Journées nationales mai 1991, n° 30-31, pp. 41-44, p. 42. 10. En 1992, l'Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie (ANIT) prend une position publique pour la dépénalisation de l'usage des
drogues et en 1994, dans son manifeste « Changer de cap », se prononce pour "une forme de législation du cannabis" (MOREL A., Les intervenants en toxicomanie et la loi de 1970, ibid, p. 88).
11. ROQUES B., La dangerosité des drogues . Rapport au Secrétariat d'Etat à la Santé, la Documentation française, Paris : Odile Jacob, 1998. 12. Dans la dépénalisation, l'usage n'est plus réprimé. Elle peut porter sur le cannabis ou sur toutes les drogues. Dans la légalisation, l'usage
n'est plus interdit et la consommation relève d'un commerce organisé par l'Etat ou d'une distribution contrôlée. Cette orientation vise à mettre fin à une économie parallèle et à garantir la qualité des produits (CABALLERO F., Droit de la drogue. Paris, Dalloz, 1989, 816 p.). Il s'agit d'un objectif relatif, étant donné qu'il est observé aujourd'hui un développement du trafic d'alcool et de tabac, produits contrôlés par l'Etat. D'autre part, la sortie de nouvelles drogues sur le marché parallèle viendrait concurrencer les drogues légales.
13. Il en est de la loi EVIN qui interdit la consommation du tabac dans les lieux publics et dans le milieu professionnel, comme de la législation relative à la conduite automobile sous l'effet de l'alcool et des produits stupéfiants. La loi n° 2003-87 du 3 février 2003 relative à la conduite sous l’influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants, condamne toute personne conduisant après avoir fait usage de stupéfiants, à deux ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Des sanctions plus graves sont prévues en cas d’homicide ou de blessures volontaires.
* Le sursis simple, est une peine d'emprisonnement qui n'est pas exécutée dans un délai de 5 ans, s'il n'y a pas eu de nouvelle peine. Le sursis avec mise à l'épreuve, correspond à la non exécution de la peine ferme, en contrepartie du respect d'obligations pendant un délai de 18 mois à 3 ans. Les peines de substitution, correspondent à des suspensions, annulations de permis de conduire, etc. Le travail d'intérêt général, est un travail gratuit au profit d'une collectivité publique ou d'une association, d'une durée de 40 à 240 heures.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Des études anciennes et récentes 14 dénoncent les méfaits à long
terme d'une consommation prolongée de cannabis, d'autant plus qu'elle
intervient désormais précocement et contribue à un désinvestissement et
échec scolaire avec ses implications en terme d'insertion sociale. Les méfaits
d'une consommation de drogue ne peuvent s'évaluer uniquement sur le
versant sanitaire, mais aussi social.
1c. Une réponse sanitaire et sociale diversifiée
Si la mise en œuvre de l'injonction thérapeutique est précisée
dans l'article L 628-1 du CSP, sa dénomination n'apparaît que dans une
circulaire du Garde des Sceaux du 17 septembre 1984. Elle nécessite une
collaboration entre le Procureur et le médecin de la DDASS chargé des
injonctions thérapeutiques. Le bilan réalisé en 1987 conclue à un échec mais
sa réactivation par le Ministre de la Santé, met en évidence en 1991, suite à
une évaluation réalisée par l'INSERM, que "pour 59 % des personnes ayant
bénéficié d'une mesure d'injonction, celle-ci a été l'occasion d'un premier
recours aux soins" 15.
La cure de désintoxication ordonnée par le Juge d'Instruction
ou le Juge des Enfants (art. L 628-2 CSP) va se développer dans le cadre du
recours au contrôle judiciaire. Une autre obligation de soins peut être
prononcée par la juridiction de jugement. Les mesures judiciaires comme
l'injonction thérapeutique et les obligations de soins, dans un cadre pré-
sententiel ou post-sententiel 16 ont souvent été décriées pour leur caractère
inopérant.
Cette affirmation souvent présentée sur le mode de l'évidence
ne tient pas compte des nombreuses résistances exprimées par les
professionnels du secteur sanitaire et social qui se réfèrent, dans les années
1970 et 1980, au modèle psychanalytique dominant. Il est attendu du
toxicomane qu'il adhère au cadre thérapeutique préalablement fixé reposant
sur l'écoute silencieuse et l'attention flottante.
14. NEGRETE J.C., Les effets psychopathologiques de l'usage du cannabis. Psychotropes, hiver 1985, vol. II, n°1, pp. 83-94. WIEVIORKA S., Aspects médico-psychologiques de la consommation de cannabis. Revue du Praticien, 1995, 45, (11), 1367-1370. HACHET P. Ces ados qui fument des joints, Paris : Fleurus, 2000, 200 p..
15. SIMMAT-DURAND L., Les obligations de soins aux toxicomanes. Cadre législatif, évolution réglementaire et statistique. Psychotropes, 1997, 4, pp.127-144, p.129. Le plan gouvernemental de lutte contre la drogue du 21 septembre 1993 rappelle la nécessité du développement de l'injonction thérapeutique, de même que la circulaire conjointe DGLDT / CRIM DGS n°206 du 28 avril 1995, relative à l'harmonisation des pratiques relatives à l'injonction thérapeutique (BO justice n°58 du 30 juin 1995). Cette dernière rappelle la possibilité pour le Procureur de recourir au classement sans suite avec avertissement ou signalement à la DDASS.
16. L'obligation de soins, dans le cadre pré-sententiel, est prononcée par le magistrat instructeur (art. 138 du Code de Procédure Pénale) pour un prévenu laissé en liberté provisoire et soumis à un contrôle judiciaire. Dans un cadre post-sententiel, elle est prononcée par le président du Tribunal au moment du jugement (art. 132-44 et 45 du nouveau Code Pénal) avec un sursis avec mise à l'épreuve, ou par le juge d'Application des Peines lors d'une libération conditionnelle (art. 731 et D 536 du Code de Procédure Pénale) ou d'une mise à l'épreuve.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Sa relative motivation comme son absence de demande ne sont pas
propices à l'instauration d'une alliance thérapeutique avec un interlocuteur qui
se place en position d'attente 17.
Des expressions comme « il est nécessaire que la demande émerge,
on ne peut obliger quelqu'un à se soigner » traduisent davantage l'échec
d'une approche thérapeutique inappropriée à ce type de public pour lequel la
prise de produit vise à l'anéantissement de tout désir. Ces affirmations
relèvent d'un fonctionnement tautologique. Elles dénoncent une réalité que les
acteurs eux-mêmes contribuent à mettre en place. Elles opèrent comme des
croyances 18 qui ne souffrent d'aucune remise en question tant qu'elles ne
sont pas mises en confrontation avec d'autres modèles théoriques. Il ne s'agit
pas pour autant de dénier l'apport du modèle psychanalytique mais celui-ci,
dans son approche thérapeutique, nécessite un aménagement du cadre pour
engager un processus de changement, la mesure judiciaire se présentant
comme "un levier intéressant pour réintroduire dans la relation thérapeutique
une instance tierce symbolisant la société et ses règles de fonctionnement" 19.
Dès la promulgation de la loi de 1970, diverses expériences de prises
en charge ou d'accompagnement voient le jour en milieu hospitalier (sevrage)
et associatif (centres d'accueil, familles d'accueil, post-cure), ces dernières
étant rattachées soit à la Direction Générale de la Santé (DGS), soit à la
Direction de l'Action Sociale (DAS). Par circulaire du 22 février 1984 –
DDGS/106/2D, le système de soins spécialisés en toxicomanie est transféré à
l'Etat, alors qu'il passait jusque-là convention avec les départements.
2. La médicalisation de la toxicomanie
2a. L'avènement des produits de substitution
L'arrivée du Sida modifie le dispositif de prise en charge et la
législation. Le décret du 13 mai 1987 assouplit les conditions de délivrance
des seringues et le décret 89-560 d'août 1989 autorise la mise en vente libre
des seringues dans les pharmacies. Dans le même temps, l'hébergement des
toxicomanes 20 préoccupe les pouvoirs publics.
17. DEBOURG, s'appuyant sur son expérience clinique, constate que "l'injonction thérapeutique n'est un obstacle que pour ceux qui considèrent qu'une "demande authentique" avec son corollaire de (psycho) thérapie pure, aseptisée, sans compromis ni médicaments, est seule digne d'être prise en compte. Or, aucun toxicomane ne demande une psychanalyse ou une psychothérapie d'emblée" (DEBOURG A., L'injonction thérapeutique. A propos des soins sous contrainte, Psychotropes, 1997, vol 3, n°4, pp. 201-207.).
18. BERGERON M., L'état et la toxicomanie : histoire d'une singularité française. Paris : PUF Sociologies, 1999, 384 p. 19. CRETE R., Le toxicomane, le juge et le soignant. Alliances et coalitions, Psychotropes, Masson, 1997, vol 3, n°4, pp. 65-79, p.77. 20. Le 4 décembre 1987, la circulaire DGS/155/2D développe et organise les familles d'accueil. Le 31 juillet 1988, la circulaire DGS/895/2D
affirme la nécessité de diversifier les réponses en matière d'hébergement.
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La faiblesse des moyens relevée dans ce domaine 21, conduit à la
parution du décret n° 92-590 du 29 juin 1992. Celui-ci accorde la
dénomination de Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes (CSST) avec
ou sans hébergement, aux établissements agréés pour le soin aux personnes
toxicomanes qui fonctionnaient, à titre expérimental, depuis 22 ans. Le
financement, bien que moins précaire, reste hors statut de droit commun.
Afin d'enrayer l'épidémie du Sida 22 qui touche particulièrement la
population toxicomane, il est préconisé le recours aux produits de substitution 23 qui accentue la politique de réduction des risques, déjà inaugurée par
l'autorisation de la délivrance de seringues. La circulaire DGS n° 14 du 7 mars
1994 prévoit le cadre d'utilisation de la méthadone dans la prise en charge
des toxicomanes. Les centres agréés sont seuls habilités à la prescrire. La
buprénorphine haut dosage (Subutex ®) est commercialisée en février 1996.
Elle peut être prescrite par tout médecin généraliste.
Des réseaux ville-hôpital 24 impliquant un Centre hospitalier, un CSST
et un réseau de médecins généralistes, se constituent. Ils visent à améliorer la
prise en charge des toxicomanes par une meilleure coordination entre les
acteurs. Plus récemment, des Unités de Liaison en Addictologie 25 (ULA) se
créent dans les Centres Hospitaliers. Il s'agit de repérer, dépister et mieux
prendre en compte la problématique des personnes présentant une conduite
d'usage nocif de produits stupéfiants.
Avec le développement de la substitution, il s'observe une implication
forte du milieu médical hospitalier et libéral qui n'est pas sans incidence sur le
regard porté sur la toxicomanie et sur l'appréhension de l'acte
toxicomaniaque. Celui-ci n'est plus un agir qui se substitue à une parole mais
un symptôme à traiter.
2b. L'impulsion de la Mission Interministérielle de Lutte contre la
Drogue et la Toxicomanie
21. La circulaire DGS/2D n°20 du 23 mars 1992 souligne les faiblesses en capacité d'hébergement. Fin 1992, il est recensé 60 centres de soins
avec hébergement (Toxicomanies et lois : controverses, ibid, p.52).
22. Le rapport TRAUTMANN (Lutte contre la toxicomanie et le trafic de stupéfiants, Rapport au Premier Ministre, octobre 1989) préconise de revoir le problème de la toxicomanie dans une perspective de prophylaxie du Sida.
23. La circulaire DGS/2D n°20 du 23 mars 1992 précise que le traitement sous méthadone ne doit constituer qu'un recours transitoire dans une démarche de soins. Le 10 septembre 1992, un arrêté du Ministère de la Santé définit les conditions de la prescription et de la délivrance aux toxicomanes des médicaments à base de buprénorphine.
24. Selon la circulaire DGS/DH n°15 du 7 mars 1994. 25. La circulaire DHOS/EO2 – DGG/SD 6B 2000/460 du 8 septembre 2000 définit les missions et le fonctionnement des Unités de Liaison en
Addictologie.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
L'évolution récente de la législation et du dispositif de prévention et de
santé a été rendue possible sous l'impulsion d'une instance interministérielle 26
qui a tenté d'articuler et de coordonner des secteurs aussi différents que le
judiciaire, le sanitaire et le social, avec des succès variables. Dans sa dernière
version, elle s'intitule la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et
la Toxicomanie (MILDT) et se trouve placée sous la responsabilité du Premier
Ministre. Son plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des
dépendances 1999-2001 préconise le dépassement de la distinction produits
licites et illicites, le regroupement des Centres de Consultation Ambulatoire en
Alcoologie (CCAA) et des Centres Spécialisés de Soins aux Toxicomanes
(CSST) et l'introduction des notions d'usage, abus et dépendance 27 et du
concept d'addiction.
Ces orientations réinterrogent les pratiques professionnelles et les
modes de réponses apportés à la toxicomanie. Elles occasionnent un
changement profond au niveau organisationnel et au niveau du financement
des structures de soins. La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action
sociale et médico-sociale intègre les CSST dans le dispositif médico-social et
les soumet à un certain nombre de réglementations relatives à l'obtention de
l'agrément, aux modalités de prise en charge et à l'auto évaluation interne.
Enfin, le 1er janvier 2003, les CSST intègrent le dispositif de droit
commun et bénéficient d'un financement assurance maladie. Cette
sécurisation des financements permet d'engager des actions à long terme, de
rassurer les professionnels sur leur devenir et de capitaliser les compétences
des équipes en place 28.
2c. Une clinique du sujet à redécouvrir
En terme de prévention, la question du maintien de l'interdit sur la
consommation des drogues se pose avec la banalisation de la consommation
du cannabis, l'application diversifiée de la loi selon les juridictions, la crainte
de la marginalisation des consommateurs.
26. Sur proposition du rapport PELLETIER (Rapport de la mission d'étude sur l'ensemble des problèmes de la drogue, Paris, 1976), le décret
n°82/10 du 8 janvier 1982 crée la Mission Interministérielle de Lutte contre la Toxicomanie (MILT) placée auprès du Ministre des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale. En 1990, lui succède la Délégation Générale à la Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (DELDT) par décret n° 96-350 du 24 avril 1996. Elle coordonne 11 ministères et dispose, pour son fonctionnement, de personnels mis à disposition par les ministères concernés.
27. Ces notions se sont notamment imposées dans le champ de la prévention, après la parution du rapport PARQUET (PARQUET P.J., Pour une politique de prévention en matière de comportements de consommation de substances psychoactives , Vanves, CFES, 1997).
28. Auparavant, le budget des Centres de Soins relevait d'un budget ministériel provenant de la Direction Générale de la Santé (DGS) complété, selon le cas, par des financements provenant de la MILDT et des collectivités territoriales. Seul le financement DGS passe à l'assurance maladie, ce qui se traduit par un versement mensuel établi sur la base d'un budget global accordé. Ce changement évite les inquiétudes permanentes quant à la reconduction des financements dans leur intégrité, les aléas liés aux changements d'orientations politiques en matière de toxicomanie, comme le recours à des découverts bancaires parfois importants. Le décret n° 2003-160 du 26 février 2003 fixe les conditions minimales d'organisation et de fonctionnement des Centres Spécialisés de Soins aux Toxicomanes.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Il importe toutefois de rappeler que, sur le long terme, il est respecté
par une majorité de jeunes. Un interdit donne lieu à une confrontation avec le
monde de l'adulte, à un débat contradictoire et sa transgression masque
toujours un appel à l'aide quand elle ne s'inscrit pas dans une quête de
limites29.
Le fait de substituer à la distinction produits licites/illicites, la prise en
compte des conduites d'usage et de mésusage quelque soient les produits 30,
n'est pas suffisant en soi. C'est minimiser les effets neurobiologiques
spécifiques aux produits et cette disposition apporte un argument
supplémentaire aux tenants de la dépénalisation, voire de la législation de
l'usage du cannabis ou de tous les stupéfiants.
L'argument selon lequel le toxicomane, susceptible de faire l'objet de
poursuites judiciaires, se trouve marginalisé et empêché d'entrer en contact
avec des structures de soins, est une position difficilement tenable 31. La
demande de soins du toxicomane est toute relative, et la diversification des
modes d'approche et de prise en charge existe aujourd'hui.
Un certain nombre de pays européens 32 se sont engagés sur la voie
de la dépénalisation du cannabis, mais cette orientation est nullement
partagée par l'Organisation des Nations Unies 33. L'OICS(Organisme
International de Contrôle des Stupéfiants) 34 en 2003, s'alarme des effets de la
libéralisation des drogues douces et de la mise en place de certaines
structures qui vont à l'encontre de la lutte contre les stupéfiants. L'OICS
montre du doigt les Pays-Bas qui, depuis janvier 2002, autorise la délivrance
sur ordonnance d'herbe de cannabis sous forme de préparation réalisée en
pharmacie. La Suisse est désignée aussi, pour l'ouverture à Zurich en avril
2002, d'une salle d'inhalation pour les usagers de drogues.
29. C'est la question même de la nécessité de l'interdit qui souvent est posée or, "pour se construire en tant que sujet, l'interdit est essentiel, ne
serait-ce que pour le transgresser ou s'y opposer" (LE BRETON D. L'adolescence à risque, Paris : Ed. Autrement, 2002, 184 p., p.5). 30. Cette proposition apparaît dans le rapport de la Commission Henrion (HENRION R. Rapport de la commission de réflexion sur la drogue et
la toxicomanie. Paris : la documentation française, 1995). 31. Rapport du Conseil National du Sida (CNS) intitulé : Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu public : Propositions pour une
reformulation du cadre législatif. Rendu public le 6 septembre 2001, ce rapport, dans un souci de réduction des risques sanitaires et sociaux et d'accès aux soins, préconise notamment la levée de l'interdiction pénale de l'usage personnel de stupéfiants et de l'acquisition et la détention de stupéfiants à des fins de consommation personnelle. Il demande l'abandon de l'art. L 3421-4 portant sur le délit de présentation "sous un jour favorable" de l'usage de stupéfiants. Récemment, un rapport sénatorial réaffirme l’importance de la loi pour garder un lien avec les usagers de stupéfiants et propose le recours à une sanction graduée : « La commission d’enquête préconise donc de prévoir une contravention en cas de première infraction et de maintenir le délit assorti d’une peine d’emprisonnement d’un an en cas de récidive ou de refus de soins ou d’orientation » (OLIN N., PLASAIT B. Drogue : l’autre cancer. Rapport de la Commission d’enquête sénatoriale sur la politique de lutte contre les drogues illicites, 28 mai 2003, Tome III).
32. Ce sont les pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal. Seuls le Danemark, la Finlande, la France, la Grèce et la Suède sanctionnent la possession, la consommation et la vente de drogues.
33. En 1998, le PNUCID (Programme des Nations Unies pour le Contrôle International des Drogues) désapprouve l'orientation d'Etats membres de l'Union Européenne vers la dépénalisation des usages.
34. L'OICS, Comité scientifique de l'ONU, publie un rapport annuel sur l'évolution du trafic et de la consommation, au niveau international.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
L'OICS recommande de revenir à des pratiques plus saines d'autant
que la consommation de drogues de synthèse 35 et de cocaïne augmente.
Derrière ces prises de position, c'est la question de l'abstinence en amont ou
à terme pour les personnes en démarches de soins, qui se pose. La société
est-elle en mesure de proposer un projet de vie pour sa jeunesse qui lui
permet d'éprouver du plaisir autrement que par la consommation de
stupéfiants ? Ce plaisir relève davantage de la jouissance 36 dans un premier
temps, pour se réduire à une lutte contre la douleur du manque ou à un
maintien d'un état d'anesthésie psychique plus ou moins accentué.
Le même questionnement se trouve en filigrane derrière le
développement des pratiques de substitution qui a entraîné une
médicalisation excessive de la toxicomanie. L'initialisation des personnes
toxicomanes sous méthadone s'inscrit d'abord dans un cadre thérapeutique
strict 37 avant que celui-ci ne soit assoupli un an plus tard 38. Tout récemment,
l'initialisation sous méthadone est autorisée en dehors des centres agréés 39.
Le Subutex® 40 rencontre un succès rapide auprès des personnes
dépendantes aux opiacés, en raison de son mode de prescription plus souple,
mais rapidement, les mésusages (prise en sniff ou en shoot), le nomadisme et
le trafic 41 apparaissent.
La substitution permet indéniablement une amélioration de l'état
sanitaire des patients (VIH, hépatites, etc.), une intervention plus précoce
dans le processus toxicomaniaque, une stabilisation des relations avec
l'entourage familial, une amélioration de l'insertion socio-professionnelle 42.
Elle tend cependant à remplacer la dépendance à un opiacé par la
dépendance à un médicament. Elle réduit la toxicomanie, problème de
comportement social, à une maladie.
35. Les Pays-Bas produisent à eux seuls par l'intermédiaire de laboratoires clandestins 90 % de l'ecstasy consommé dans l'Union Européenne. 36. "Il y a jouissance quand la pulsion n'a plus pour satisfaction le rapport à l'objet mais la transgression permanente de cette limite qui bientôt
n'existe plus en tant que telle " (MIEL C. L'accès à la représentation. A partir d'une clinique psychanalytique du toxicomane, Thèse de doctorat de psychopathologie fondamentale et psychanalyse : Université Paris VII, 2002, 327 p., p. 14).
37. La circulaire DGS n° 14 du 7 mars 1994 prévoit des conditions d'accès strict à ce traitement et précise les modalités de prescription. 38. La circulaire DGS n° 4 du 11 janvier 1995 laisse au prescripteur les possibilités d'évaluer l'opportunité d'un traitement. 39. Circulaire DGS/DHO5 n° 2002/57 du 30.01.2002 relative à la prescription de la méthadone par les médecins exerçant en établissement de
santé, dans le cadre de l'initialisation d'un traitement de substitution pour les toxicomanes dépendants majeurs aux opiacés.
40. Il s'agit de la Buprénorphine Haut Dosage qui se présente sous la forme de comprimés (BHD). Elle est prescrite par des médecins généralistes.
41. Rapport INSERM : Evaluer la mise à disposition du subutex® pour la prise en charge des usagers de drogue, juin 1998. 42. CARRY C. – Substitution : une toxicomanie sous contrôle, in Toxicomanies et lois : controverses, ouvrage collectif, Paris : l'Harmattan,
2002, pp. 135-172, p. 155. L'auteur indique : "Début 2001, on estime à plus de 70 000 le nombre de personnes sous Subutex® (4 ans après sa mise sur le marché) et à 10 500 celui sous méthadone dont 5 000 en pharmacie de ville (le Flyer, n° 3, Laboratoire du Dt E. Boucharas) : la substitution touche donc un héroïnomane sur deux (estimés entre 130 et 150 000 par le système sanitaire et social) et le Subutex® représente 90 % de ces traitements."
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D'un côté, le toxicomane se complait dans une relation médecin-patient et fait
souvent l'impasse d'une prise en charge psychosociale 43.De l'autre côté, le
médecin généraliste, en raison d'une indisponibilité ou d'une attitude
d’indépendance liée à sa pratique libérale, s'ouvre peu à un travail en réseau 44.
La prescription du Subutex® auprès des mineurs n'est pas rare, de
même que la consommation précoce due au trafic et le mésusage. Le recours
à la substitution s'accompagne d'une augmentation de la consommation de
cocaïne et de benzodiazépines 45. Ce mode de traitement thérapeutique a
pour effet d'amener une bonne partie de la population toxicomane, à rejoindre
la cohorte des consommateurs de médicaments psychotropes 46.
La remise en cause de la distinction entre drogues licites et illicites au
regard de leur taux de mortalité et de morbidité, l'attention portée désormais
sur les conduites d'usage, l'abandon progressif de la notion d'abstinence au
profit d'une politique de réduction des risques, avec la survenue du sida,
modifient sensiblement le paysage institutionnel et les approches cliniques.
Des rapprochements entre les champs d'intervention en alcoologie et
toxicomanie s'effectuent au profit du développement d'une discipline nouvelle,
l'addictologie, reposant sur un concept fédérateur, celui d'addiction 47.
La fonction du produit dans la dynamique psychique, sur laquelle je
reviendrai, le parcours de vie des usagers comme les modes de traitement
apportés, la mise en évidence d'une activité neurobiologique commune,
conduisent à dépasser les clivages entre les différentes addictions.
43. Cette relation, même si elle s'inscrit dans un contexte médicalisé, prolonge une quête affective initiale dont les insatisfactions et les
frustrations ont donné lieu à un déplacement sur l'objet concret comme la drogue (MIEL C. La toxicomanie ou la quête impossible de l'objet , Psychotropes, vol. 8, n°1, 2002. De Boeck Université, pp.7-21). Beaucoup de phénomènes transférentiels et contretransférentiels s'expriment dans cette relation. Ils échappent bien souvent au médecin généraliste.
44. Après quelques années, le nombre de médecins généralistes impliqués dans les traitements de substitution tend à diminuer, en raison des conduites exigeantes voire violentes des patients et d'une tendance à la désaffectation de la clientèle traditionnelle. Selon un bilan effectué par les Comités de suivis départementaux des traitements de substitution en 1998, le nombre de médecins impliqués au niveau national est de 6 %. Il est en diminution depuis.
45. La dernière enquête nationale OPPIDUM (Observation des Produits Psychotropes Illicites ou Détournées de leur Utilisation Médicamenteuse) d'octobre 1999, le révèle. Le dispositif TREND (Tendances Récentes et Nouvelles Drogues) récemment mis en place par l’OFDT, permet d’identif ier et de décrire les phénomènes émergents liés à l’usage de produits psychoactifs. Il consiste en la collecte d’informations sur des pôles préalablement définis comme celui de Lille, au travers du réseau d’associations intervenant en milieu urbain et festif. Il est noté : « depuis 1999, un rajeunissement des usagers est constaté allant jusqu’à toucher en 2001 les 16-17 ans. Les primo-consomateurs de Subutex® (c’est-à-dire non consommateurs d’héroïne auparavant) sont en hausse ; il s’agit souvent de jeunes de moins de 25 ans en situation précaire. Le Subutex® est donc encore souvent le produit débutant la toxicomanie chez les jeunes (…) Le phénomène des anciens héroïnomanes passant à la cocaïne semble s’amplifier : étant donné le sentiment qu’il n’y aurait pas de dépendance à la coke ils essaient d’arrêter l’héro, et passent au Subutex®. D’autre part, les substitués ne sentant plus les effets de l’héroïne passent à la cocaïne pour avoir un flash » (BELLO P.Y, TOUFIK A., GANDILHON M., GIRAUDON I., Phénomènes émergents liés aux drogues en 2001. Rapport TREND, juin 2002, OFDT, Tome II, P.314 et 315).
46. ZARIFIAN E. Le prix du bien-être, Psychotropes et société, Paris : Odile Jacob, 1996, 282 p. Des paradis plein la tête, Paris : Odile Jacob, 2000, 222 p.
47. Cette notion est apparue dans les années 1970 dans la psychiatrie nord-américaine avant d'apparaître en France dans les années 1990, après un passage dans la terminologie nosologique anglo-saxonne pour désigner les toxicomanies. MM. JACQUET et A. RIGAUD en donnent la définition étymologique suivante : "To be addict to" signifie en anglais "s'adonner à", ce qui comporte une dimension d'activité et indique un sens différent de celui de ses synonymes français "dépendance" et habitude", ou encore "assuétude" voire "assujettissement", chacun marqué de passivité et d'abandon". JACQUET MM, RIGAUD A. Emergence de la notion d'addiction, in LE POULICHET S. (sous la direction de) Les addictions , Paris : PUF, 2000, 222 p. 11-79, p.13.
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De telles évolutions accentuent le développement de la médicalisation de la
toxicomanie. Le risque est de promouvoir une hégémonie médicale qui
"sonnerait la défaite des sciences sociales et les approches
psychodynamiques ou psychosociales et aurait pour conséquence de rendre
impossible toute appropriation par la communauté sociale des questions sous-
jacentes (la recherche du plaisir, la place de la pharmacologie dans nos
quotidiens, etc.)" 48.
L'enjeu est bien la capacité à terme, à renouveler une pensée théorico-
clinique centrée sur le sujet 49, alors que la toxicomanie en vient à être
considérée comme une maladie, à la faveur d'une prédominance accrue des
modèles explicatifs neuro-biologiques et d'un développement de la
pharmacopée 50. Il est fait l'impasse sur les déterminants sous-jacents à la
prise de drogues comme la dépressivité, les problématiques socio-familiales,
les conduites de révolte, déterminants auxquels d'autres alternatives
thérapeutiques sont susceptibles de répondre 51.
La présentation du cadre juridique et administratif du dispositif français
de lutte conte la toxicomanie a permis de mettre en évidence les tensions
existant entre les champs judiciaire et sanitaire. Elles sont, pour ma part,
productrices de sens et de réponses originales, c'est davantage leur
articulation qui pose parfois problème. D'autres y voient au contraire des
contradictions importantes que nécessitent la révision de la loi de 1970, afin
de considérer essentiellement le toxicomane comme un malade. Ce serait
déléguer au pouvoir médical, la possibilité de recourir à un enfermement
chimique qui se substituerait au rappel de la loi réelle dont la confrontation,
selon des modalités déjà appliquées auprès des usagers, est déterminante.
Ce débat entre prévention et soins d'une part et répression d'autre
part, se retrouve dans l'approche de la délinquance juvénile.
48. MOREL A. Fondements historiques et cliniques d'un rapprochement , Alcoologie et addictologie, 2002, 24 (4 suppl.), pp.105-195, p.185. 49. Elle a existé dans les années 80 et se trouvait très influencée par des travaux psychanalytiques : BERGERET J. La personnalité du
toxicomane, in Toxicomanies et réalités, Lyon : Presses Universitaires de Lyon, 1979, pp. 43-57 ; BERGERET J, FAIN M et coll. Le psychanalyste à l'écoute du toxicomane, Paris : Dunod, 1981, 165 p. ; OLIEVENSTEIN C., La vie du toxicomane, Paris, PUF, 1982, 112 p. ; CHARLES-NICOLAS A. Toxicomanies et pathologies du narcissisme , in BERGERET J., REID W. Narcissisme et états-limites , Paris : Dunod, 1986, pp.128-143.
50. Le vaccin anti-cocaïne de Cantab Pharmaceutical visant à développer des anticorps, a été testé chez l'homme. Une molécule – le BP 897 – découverte en 1999 par l'équipe de P. SOKOLOFF, chercheur à l'INSERM (U.109) permet de diminuer les prises de drogue et le risque de rechute.
51. MIEL C. Hypnose et toxicomanie, Le Journal des Psychologues, juin 2003, n°208.
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II. CONSIDERATIONS EPIDEMIOLOGIQUES
1. L'évolution du phénomène toxicomaniaque
Ces dernières décennies, le phénomène toxicomaniaque portant sur la
consommation de drogues illicites n’a cessé de croître et d'accuser un
rajeunissement constant du public concerné 52. Il s'est accompagné d'une
augmentation régulière de la consommation de produits licites (alcool, tabac,
médicaments) dans la population juvénile. Les données statistiques que je vais
relater, porteront surtout sur la consommation de produits licites ou illicites,
modificateurs de comportement et concerneront d'abord la situation nationale, puis
celle du département du Pas-de-Calais.
1a – Indications statistiques nationales
Les données de l'Observatoire français des drogues et des
toxicomanies (OFDT) fournissent une estimation du nombre de
consommateurs de drogues en France métropolitaine, selon une classification
prenant en compte l'expérimentation, l'usage occasionnel, l'usage répété et
l'usage quotidien 53.
La consommation d'alcool est la plus importante. A 17 ans, 10 % des
garçons en ont un usage répété contre 5,5 % des filles 54. Celle portant sur les
médicaments psychotropes est à usage thérapeutique ou détourné. S'il est
noté une relative stabilisation dans les années 1990, la consommation
d'antidépresseurs augmente et l'usage de médicaments psychotropes, hors
prescription médicale, est en hausse chez les jeunes. La consommation de
cannabis ne cesse de progresser. Ainsi, à 17 ans, 40,8 % des filles et 50,1 %
des garçons ont expérimenté le cannabis et, près de 17 % des jeunes, tous
sexes confondus, en ont un usage répété et 10,6 % un usage intensif. La
consommation de cannabis se trouve fréquemment associée à celle du tabac
et de l'alcool.
Les résultats de l'enquête OPPIDUM, réalisée chaque année en
octobre, auprès des sujets présentant une pharmacodépendance ou sous
traitement de substitution, confirment la précocité des premières
expérimentations de produits psychotropes. 52. GEBEROVITCH F. Une douleur irrésistible sur la toxicomanie et la pulsion de mort, Paris : Inter Editions, 1984, 329 p. 53. L'expérimentation correspond à la prise du produit une seule fois dans sa vie, l'usage occasionnel, au moins une fois dans l'année et
l'usage répété plusieurs fois dans l'année (Drogues et dépendances. Indicateurs et tendances 2002, Paris, OFDT, 2002, 368 p.).
54. Selon l'Enquête sur la Santé et les Comportements lors de l'Appel de Préparation à la Défense (ESCAPAD 2000) qui a recueilli les réponses de 14 000 jeunes. (BECK F., LEGLEYE S., PERETTI -WATEL P., Les usages de substances psychoactives à la fin de l'adolescence, mise en place d'une enquête annuelle, Tendances, OFDT, décembre 2000, n° 80, 4 p.)
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
En dehors de la consommation d'alcool et de tabac, 17,3 % d'entre eux ont
consommé une substance psychoactive avant 13 ans et 63,1 % entre 14 et 18
ans.Les premiers produits testés concernent le cannabis (69,3 %) et l'héroïne
(18,2 %) 55 .
Le nombre de décès liés à l'usage de drogues a sensiblement diminué
ces dernières années 56. Il est à mettre en rapport avec le développement des
pratiques de substitution, l'accès au matériel d'injection par la vente de
Stéribox en pharmacie 57 et la diminution des pratiques d'injection
intraveineuses. Une diminution de la consommation d'héroïne s'observe
depuis 1995 mais cette tendance commence à s'inverser depuis 2001. La
consommation de Subutex ® est soumise à des détournements d'usage (17 %
des sujets interrogés l'utilisent par voie intraveineuse) ou s'inscrit dans un
contexte de trafic (7 % des sujets). La prévalence déclarée du Virus de
l'Immunodéficience Humaine (VIH) 58 est en baisse, par contre celle du virus
de l'Hépatite C (VHC) est en hausse 59.
L'introduction de traitement de substitution, notamment le Subutex ®
entraîne de profonds changements dans la prise en charge des usagers
d'opiacés par les médecins généralistes 60. Outre l'augmentation du nombre
de patients suivis en médecine de ville, il est observé une diminution des
prescriptions d'antalgiques et de psychotropes en même temps que
l'émergence de nouvelles formes de toxicomanies, telles que la
consommation d'ecstasy ou des benzodiazépines prises seules ou avec de
l'alcool.
S'il est noté une fidélisation des prises en charge médicales, rares sont
les personnes qui acceptent une prise en charge psychologique dans un
Centre de soins ou à l'hôpital. Le plus souvent, elles se contentent du
traitement de substitution qui n'a pour seul objectif, que d'éviter l'état de
manque.
55. Le recueil des données es t réalisé par entretiens dans des centres d'enquêtes sélectionnés par le réseau des Centres d'évaluation et
d'information sur la pharmacodépendance (CEIP). Ils sont chargés d'évaluer et de recueillir les données cliniques concernant les usages abusifs ou les dépendances aux substances psychoactives, médicamenteuses ou non. (Oppidum, septembre 2002, 4p.)
56. 120 décès en 2000 pour 562 en 1994. 57. Le Stéribox 2 ® pharmaceutique est mis en vente depuis octobre 1999. la trousse contient deux cupules et deux cotons stériles, à
destination d'usagers de drogues par voie intraveineuse. Elle évite le risque lié au partage de matériel d'injection de contamination par les virus du Sida et des hépatites.
58. le virus du Sida. 59. La prévalence du VHC pour les usagers injecteurs est de 63 % en 1999 contre 51 % en 1994. 60. BLOCH J., NORY-GUILLO F., MONAQUE C., CHARPAK Y., Place des généralistes dans la prise en charge des toxicomanes , EVAL,
Rapport EVAL (programme d'étude OFDT, financement DGLDT), 1996.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
L'enquête 61 révèle une dépendance à l'alcool chez de nombreux usagers qui
consultent. Des améliorations sont observées sur un plan sanitaire, au niveau
de la socialisation mais les craintes d'une dépendance au traitement de
substitution comme les problèmes de mésusage (prise du traitement en sniff
ou en injection), de nomadisme ou de trafic sont soulevés.
Ce qui apparaît nouveau aujourd'hui, dans le phénomène
toxicomaniaque, c'est l'apparition du poly-usage répété. A 17 ans, il concerne
12,4 % des filles, contre 23,4 % des garçons et porte souvent sur l'association
tabac-alcool ou tabac-cannabis. A l'âge adulte, s'y associe la consommation
de stimulants (cocaïne, amphétamines, ecstasy) et d'hallucinogènes (LSD,
champignons) dans des contextes festifs, dans un contexte de gestion
concomitante de ces produits venant atténuer, modifier ou amplifier leurs
effets respectifs 62.
Il est très difficile d'évaluer l'ampleur du phénomène toxicomaniaque
en termes statistiques dès lors qu'il porte sur la consommation de produits
illicites. Les chiffres des services de répression sont fonction de l'activité des
services, de leurs moyens d'intervention ou de la volonté politique affichée.
Les chiffres d'activité des centres de soins spécialisés et de la médecine
libérale rendent compte des toxicomanes qui s'engagent dans une démarche
de soins et ne nous renseignent pas sur le nombre de personnes concernées
par ces conduites de consommation. Toutefois, l'activité des centres
spécialisés de soins est un indicateur de l'évolution du phénomène, comme je
l'aborderai dans le chapitre suivant.
1b – La situation du Pas-de-Calais en matière de toxicomanie.
L'enquête de novembre réalisée chaque année dans les Centres
spécialisés de soins et les établissements sanitaires et sociaux, donnent des
indications sur le flux des usagers et leurs caractéristiques sanitaires. En
1999, la région Nord-Pas-de-Calais apparaît comme la deuxième région avec
un taux de prise en charge de 159 pour 100 000 habitants, la moyenne
nationale étant de 101. Depuis 1991, la croissance du nombre d'accueils de
toxicomanes s'élève à 14,1 % en moyenne par an 63.
61. DUBURCQ A., PECHEVIS M., COLOMB S.; MARCHAND C., PALLE C. Evolution de la prise en charge des toxicomanes. Enquête auprès
des médecins généralistes en 2001 et comparaison 92-95-98-2001, Tendances, OFDT, mars 2002, n° 20, 4p. 62. COSTES J.M., MARTINEAU H., Drogues et dépendances. Indicateurs et tendances en 2002, Tendances, OFDT, janvier 2002, n° 10, 4p.,
p.4.
63. Les toxicomanes pris en charge par le système sanitaire et social de la région Nord-Pas-de-Calais en 2000, Lettre de la DRASS Nord-Pas-de-Calais, juin 2002, n° 5.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Depuis 1996, la progression est plus forte dans le Pas-de-Calais, elle
est de 27,1 % en moyenne par an. Près de la moitié des prises en charge sont
réalisées par les Centres spécialisés. L'héroïne reste le premier produit à
l'origine de la prise en charge pour 48,1 % des toxicomanes, suivie du
cannabis (30,1 %). En 1997, le pourcentage de consommation d'héroïne était
nettement plus important (80,5 % pour la région).
Ces chiffres appellent quelques commentaires. Depuis la mise sur le
marché du Subutex ® en 1996, il est demandé aux structures spécialisées,
dans le cadre de l’enquête de novembre, d'indiquer la situation de l'usager par
rapport à sa consommation, au moment de l'admission. Il peut être abstinent
occasionnel, demander un suivi psychosocial sous substitution, ou être
momentanément alcoolique. Ces trois cas de figure peuvent concerner un
ancien consommateur d'héroïne qui ne se trouve plus répertorié dans les
statistiques. La baisse du nombre de consommateurs d'héroïne relatée par les
statistiques est toute relative.
Ces chiffres sanitaires sont fonction de l'activité et du nombre de
structures susceptibles de les prendre en charge. Ainsi, jusqu'en 1996, le Pas-
de-Calais ne disposait que d'un seul Centre spécialisé de soins, alors que le
Nord était pourvu de neuf centres. L'augmentation du nombre de prises en
charge dans le département s'explique en partie par l'ouverture d'autres
structures. Le phénomène toxicomaniaque, qui a d'abord touché le
département du Nord situé près de la frontière belge, s'est répandu dans le
Pas-de-Calais autour des axes autoroutiers situés dans le bassin mineur et
sur le Littoral. Cette expansion a été rapide, en raison d'un habitat concentré
et de la présence de grandes agglomérations sur fond d'un contexte socio-
culturel marqué par le chômage et l’alcoolisme.
Selon les données statistiques constituées des files actives des
Centres spécialisés de soins en 2000, 2 500 toxicomanes sont pris en charge
dans le Pas-de-Calais, contre 13 000 dans le Nord. Le profil sociologique des
usagers sera évoqué lors de la présentation du public suivi par le Centre de
soins la Porte Ouverte, dont les caractéristiques présentent des similitudes
avec le public du département. Enfin, les services de répression de la
gendarmerie, de la police et des douanes relatent une augmentation du
nombre d'affaires traitées, notamment pour délit d'usage de cannabis.
Concernant l'usage de cannabis, le Baromètre Santé des jeunes du
Nord-Pas-de-Calais portant sur un échantillon représentatif de 1 239 jeunes
de 12 à 25 ans, révèle qu'un jeune sur quatre en a déjà fait l'expérience. 8 %
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
des jeunes, soit un jeune sur douze, déclarent consommer du cannabis de
manière répétée ou régulière. Parmi les jeunes qui ne consomment pas de
cannabis, 73 % sont hostiles à la dépénalisation contre 49 % pour ceux qui en
font usage 64.
1c – Les données sociologiques et psychopathologiques.
Le processus de précarisation ou d'exclusion 65 est souvent associé à
la consommation de drogues illicites 66 sur fond de sentiment d'inutilité sociale
et de dépréciation de soi. Dans la population adulte en situation de grande
exclusion, la cocaïne souvent associée à l'héroïne, est la drogue la plus
consommée (22 % contre 1,3 % en population générale) 67. Les mineurs sans
domicile ou en situation de précarité consomment fréquemment du cannabis
ou une autre drogue illicite (65 % contre 5 % en population générale) 68. Les
usagers fréquentant les Centres de soins sont majoritairement des chômeurs
(62 %), ont un logement précaire (23 %) et témoignent d'un isolement social
(55 % sont célibataires, contre 35 % en population générale) 69. La situation
socio-économique est plus dégradée pour les usagers de structures de "bas
seuil" 70.
Des troubles de la personnalité s'observent fréquemment chez les
consommateurs de produits psychoactifs. La personnalité anti-sociale ou
psychopathique est la plus représentée. Elle est marquée par une instabilité
comportementale, une tendance aux passages à l'acte, une intolérance à la
frustration, sur fond de composante dépressive masquée par la prise de
produits.
Les comportements agressifs et violents sont aussi induits par les
conduites de désocialisation, les effets de certaines substances (les
psychostimulants ou les mésusages de benzodiazépines associés souvent à
la prise d'alcool). 64. L'usage du cannabis chez les jeunes du Nord-Pas -de-Calais, Contact Santé, MRPS, Lille, janvier 2002, n° 167, pp.14-15. 65. La précarité se définit par "l'absence d'une ou plusieurs sécurités, notamment celle de l'emploi, permettant aux personnes et aux familles
d'assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux" (Avis du Conseil économique et social du 11 février 1987 dans le rapport de WRESINSKI J., 1987). L'exclusion prolonge l'état de précarité par une rupture des relations sociales.
66. La progression de la précarité en France et ses effets sur la santé. Rapport du Haut Comité de la Santé Publique, Paris, ENSP, février 1998, 368 p.
67. Observatoire du Samu social, conduites addictives, substitution et grande exclusion, enquête sur 275 personnes, OSS, Paris, 1998 et 1999, 7 p.
68. AMOSSE T. et al., Vie et santé des jeunes sans domicile ou en situation précaire, Enquête INED, Paris et petite couronne, février-mars 1998, Série Résultats, Biblio n° 1355, CREDES, Paris, 2001, 85 p.
69. LOPEZ D. Consommation de drogues illicites et exclusion sociale : état des connaissances en France, Tendances, OFDT, octobre 2002, n° 24, 4 p.
70. Boutiques, sleep-in, programmes d'échange des seringues, équipes mobiles, ces structures de bas seuil s'inscrivent dans le cadre d'une politique de réduction des risques. Les boutiques sont des lieux de premier accueil pour les usagers de drogue en situat ion précaire. Elles offrent une assistance matérielle (douche, aide alimentaire, machine à laver, etc.), des soins infirmiers, une écoute et des services sociaux et juridiques. Elles sont au nombre de 42 en 2001. Les sleep-in offrent un hébergement de nuit en urgence aux usagers de drogues en situation de grande précarité. Ils sont au nombre de 4 en 2002.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Il est fait le constat "qu'entre toxicomanie et psychopathie, il existe une
sorte de renforcement : les tendances de la personnalité portant ces sujets
vers l'abus de drogues et les transgressions, et la toxicomanie accentuant en
retour les conduites antisociales" 71.
Les actes de violence commis sous l'effet de l'alcool sont fréquents
chez les personnes incarcérées pour homicides, incendies volontaires, délits
contre enfants, violation de domicile, délits sexuels et vols. Il est noté par
ailleurs une précocité dans la délinquance 72.
L'étude des parcours de vie des toxicomanes souligne la présence de
vécus traumatiques (divorce parental, décès d'un proche, déception
sentimentale, viol, etc.) qui ont précédé la consommation de stupéfiants 73.
Ces vécus traumatiques surviennent au cours de la période d'instabilité
pulsionnelle et émotionnelle de l'adolescence, dans un contexte familial où la
relation triangulaire n'a pu s'instaurer pleinement. La figure maternelle
témoigne souvent de conduites de surprotection, d'indifférence ou de
conduites marquées par des états anxio-dépressifs alors que la figure
paternelle est disqualifiée par des conduites d'alcoolisation, de violence ou en
raison d'une fonction paternelle inopérante.
La présence de deuils non réalisés au sein de la dynamique familiale,
en lien avec les générations antérieures est par ailleurs soulignée 74. L'usager
de drogues ne fait que déplacer sur un produit, une relation de dépendance à
un contexte familial avec lequel il entretient une souffrance partagée autour de
deuils non résolus.
2. Le dispositif sanitaire et social en toxicomanie dans le Pas-de-Calais.
2a - Les structures de soins et d'accompagnement social
Dans le domaine de la prise en charge sanitaire des toxicomanes, le
département s'est doté ces dernières années, de moyens supplémentaires.
Un CSST, rattaché au centre hospitalier de Lens, s'est créé en 1997,
disposant d'une capacité de 6 lits de sevrage pour personnes toxicomanes ou
alcooliques et d'un Centre méthadone.
71. MOREL .A. Troubles psychiatriques associés à la toxicomanie, Le Flyer (Bulletin de liaison des Centres de Soins Spécialisés pour
Toxicomanes et médecins relais, réseaux de soins, pharmaciens d'officine, ECIMUD et structures de soins auprès des usagers de drogues), novembre 2000, n° 9, 4 p.
72. PEREZ-DIAZ C. Alcool et délinquance, Tendances, OFDT, novembre 2000, n° 9, 4 p. 73. MIEL C. Toxicomanie et dépression. Mémoire DEA de psychopathologie fondamentale et psychanalyse, Paris VII, 1996.
JAMOULLE P., PANUNZI-ROGER N. Enquête de terrain auprès d'usagers de drogues , Psychotropes, vol 7, n° 3-4, pp. 31-48.
74. HACHET P, Les toxicomanes et leurs secrets , Paris : Les Belles Lettres, 1996, 212 p.
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Deux autres CSST rattachés, l'un au Centre Hospitalier Spécialisé de Saint-
Venant et l'autre au Centre Hospitalier d'Arras, se sont mis en place en 2001.
Ils délivrent essentiellement de la méthadone et du Subutex®. Un service
d'addictologie au Centre Hospitalier de Boulogne, avec une possibilité de
sevrage et une Unité de Liaison en Addictologie au Centre Hospitalier de
Calais, se sont ouverts récemment.
Des possibilités de lits de sevrage existent occasionnellement dans les
services de psychiatrie et de médecine des hôpitaux généraux. Deux réseaux
ville-hôpital existent sur Boulogne et Lens, une association de médecins
généralistes toxicomanie et un Centre de Traitement et de Prévention des
Addictions sur Etaples.
Le dispositif sanitaire apparaît relativement bien pourvu et permet de
satisfaire les demandes dans de bonnes conditions, notamment depuis la
délivrance des produits de substitution. Le secteur social reste toutefois peu
équipé. Des points-écoute-toxicomanie existent sur Arras, Carvin, Lens,
Boulogne, Calais et un CSST à versant social sur Saint-Omer 75. Le
département ne dispose pas de structure d'accueil à "bas seuil" de type
boutique ou sleep-in ou de post-cure. Les demandes d'hébergement social
sont réceptionnées par les Services d'Accueil d'Urgence et d'Orientation
(SAUO) situés dans chaque arrondissement. Elles sont ventilées sur les
Centres d'Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) ou mises en attente
par l'octroi de nuits d'hôtels.
2b – L'articulation des secteurs de la santé et de la justice.
Une convention départementale d'objectifs, au niveau du dispositif
santé-justice, initiée par la MILDT 76, existe dans le département depuis 1994 77. Elle octroie des financements aux structures qui interviennent auprès
d'usagers relevant de mesures judiciaires (obligations de soins, injonctions
thérapeutiques, classements sans suite). Ces personnes sont suivies par des
CSST, des points-écoute toxicomanie ou des médecins généralistes.
75. Il est géré par l'association ABCD, Aide et Soins aux Toxicomanes. Son fonctionnement est présenté dans le chapitre suivant. 76. Circulaire interministérielle du 14 janvier 1993 et Note de la MILDT du 13 février 1999 généralisant le dispositif à l'ensemble du territoire. 77. L'association ABCD, Aide et Soins aux Toxicomanes a été la première, dans la région, à bénéficier de ce mode de financement pour ses
suivis d'usagers en ambulatoire et en hébergement, à l'occasion de l'ouverture de ses antennes Justice-Toxicomanie. Cette convention départementale d'objectifs est signée par le Préfet, le directeur de la DDASS et le Correspondant de la politique judiciaire de la ville.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Un programme APPRE 78 incite à coordonner les interventions des
professionnels qui interviennent en l'occurrence auprès des toxicomanes
pendant l'incarcération et à leur sortie. Ces professionnels proviennent des
Unités de Consultations et de Soins Ambulatoires (UCSA) 79, des Services
Pénitentiaires d'Insertion et de Probation (SPIP) 80 et des C.S.S.T.
Ce dispositif santé-justice nécessite un travail de partenariat avec les
services judiciaires et pénitentiaires qui sera exposé dans le chapitre suivant.
III. PRESENTATION DU CENTRE SPECIALISE DE SOINS AUX TOXICOMANES, LA
PORTE OUVERTE
Le Centre de Soins est géré par l'association ABCD, appelée à l'origine Aide
Bénévole Contre la Drogue 81. Elle est créée en 1984 82 à Saint-Omer, à l'initiative de
professionnels du secteur sanitaire et social, suite à des cas de toxicomanie observés dans
l'audomarois. Elle se donne pour mission de lutter au niveau départemental contre la
toxicomanie par des actions de prévention, de formation et de soins. Une permanence
téléphonique est mise en place par les administrateurs et en 1988 83 la DDASS donne
l'autorisation de la création d'un Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes appelé la
"Porte Ouverte".
1. Le cadre institutionnel
1a. La montée en charge progressive
Dès le début, des actions de prévention en milieu scolaire et de
formation à la toxicomanie de professionnels de la santé et du social sont
organisées. Un Point Accueil-Écoute permet d'informer des professionnels,
des familles sur les risques de la consommation de drogues. Il est offert aux
usagers un accompagnement psycho-socio-éducatif en ambulatoire, en
relation avec le milieu hospitalier ou des médecins généralistes et un
appartement thérapeutique est mis à disposition pour un suivi en
hébergement. Des relations partenariales sont établies avec des post-cures
d'autres départements, pour répondre à des demandes de suivis au long
cours avec un éloignement de l'environnement social.
78. Le programme APPRE (Actions et Projets de Prévention-Recensement) contribue à l'évaluation des actions de prévention et participe au système européen EDDRA (Exchange or Drug Demand Reduction Action) évaluant les actions menées en faveur de la baisse de la consommation de drogue.
79. Ces structures ont été créées dans les maisons d'arrêt et les centres de détention, suite à la loi du 18-1-1994 et à la circulaire d'application n° 43 DH/DGS/DAP du 8-12-1994, relative à la prise en charge sanitaire des détenus.
80. Ils remplacent les Comités de Probation. Les professionnels ont pour mission d'offrir un accompagnement socio-éducatif aux personnes sous justice, en milieu carcéral et à leur sortie ou lors d'un sursis avec mise à l'épreuve.
81. Les seuls bénévoles qui ont existé, étaient les administrateurs de l'association qui ont mené des actions d'information de 1984 à 1988. En 1997, l'association a opté pour une autre dénomination, ABCD Aide et Soins aux Toxicomanes, le mot bénévole n'étant plus évoqué. Les initiales ABCD ont été conservées. Elles sont facilement mémorisables et ont permis à l'association d'être rapidement identifiée.
82. Parution au Journal Officiel le 15 octobre 1984.
83. Agrément ministériel le 21 octobre 1988.
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L'association est la première à se créer dans le département avec une
telle mission, à une période où il est courant d'affirmer que le département du
Pas-de-Calais n'est pas concerné par le phénomène toxicomaniaque. Le
financement accordé à l'origine, de l'ordre de 107 K€, provient majoritairement
de la Direction Générale de la Santé (DGS) et pour partie, du Conseil Général
notamment pour les actions de formation.
Au fil des années, le budget de fonctionnement complété par un
financement MILDT, a été multiplié par huit. Le personnel composé de 5
salariés (4 ETP) en 1994, est constitué aujourd'hui de 26 salariés (17,09
ETP).
1b. Les caractéristiques du public
Les personnes prises en charge dans le Centre de Soins sont à 75 %
de sexe masculin, avec une moyenne d'âge de 26 ½ ans. 60 % d'entre eux
sont consommateurs d'héroïne, 16 % de cannabis et 4 % d'alcool. Seuls 2 %
sont sous subutex, le reste étant abstinent à l'admission. L'origine des
demandes de soins provient bien souvent de personnes du département qui
bénéficient, pour 60 % d'entre eux, de mesures judiciaires. Le niveau scolaire
des usagers est pour 65 %, celui d'un BEP/CAP. Ils sont célibataires est
disposent d'un logement stable. Près de 40 % sont sans emploi. Sur un plan
sanitaire, il n'est pas relevé de personnes porteuses du virus du Sida.
L'hépatite C concerne par contre 40 % des personnes suivies en Centre
Méthadone.
En 2002, le Centre de Soins a réalisé 900 prises en charge en
ambulatoire ou hébergement. 60 % d'entre elles relevaient d'une mesure
judiciaire (classement sous condition, injonction thérapeutique, obligation de
soin, sortie en conditionnelle, sursis avec mise à l'épreuve).
1c. Le projet thérapeutique
Il a été réécrit en 2002 dans le cadre du passage en CROSS 84 du
Centre de Soins l'année suivante. L'ensemble du personnel a participé à son
élaboration à l'occasion de groupes de travail constitués sur chacune des
unités et d'échanges lors de journées pédagogiques autour d'un document
rédigé par le directeur, tenant compte des étapes antérieures.
84. CROSS : Comité Régional de l'Organisation Sanitaire et Sociale. La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 lui confère une mission nouvelle
d'évaluation des besoins sociaux et médico-sociaux, d'analyse de leur évolution et de définition des priorités
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Le projet thérapeutique est le reflet de positionnements philosophiques
et théorico-cliniques qui sous-tendent les pratiques. Je les appelle les
invariants. Ceux-ci trouvent leurs prolongements au travers de procédures
éducatives, thérapeutiques et administratives que je nomme les
fondamentaux.
1c-1. Les invariants
Ils se rapportent à des modalités d'intervention :
- l'engagement dans la démarche de soins
Il est d'abord du côté de la personne confrontée à une conduite
addictive. Il est rarement une donnée de fait, l'expression même de la
demande de soins étant aléatoire, fugitive. Elle nécessite pour son
émergence, un positionnement empathique du professionnel, afin
d'aller à la rencontre de l'autre encore aux prises avec les nimbes de
l'intoxication.
- l'abstinence à terme
Il nous importe d'aborder la problématique sous jacente à toute
conduite de dépendance et d'y donner sens. Amener un toxicomane ou
un alcoolique à faire l'expérience de l'abstinence, c'est l'amener à faire
l'expérience du manque à être et à s'assumer en tant qu'être de désir.
- l'articulation santé-justice
Le rappel de la loi sociale est une chance pour la personne
dépendante, une occasion qui lui est donnée d'entrer en relation avec
l'autre. L'implication dans cet espace de rencontre doit être réciproque,
tant du côté de la personne que du professionnel, qui veille dans les
premiers temps, à établir une alliance thérapeutique, à l'activer et à la
relancer.
1c-2. Les fondamentaux
Ils constituent des outils d'intervention dans le cadre de
la démarche de soins :
- la fonction du cadre et la dynamique relationnelle
Aussi bien sur le plan éducatif que psychothérapique, la
fonction du cadre est essentielle. Le cadre délimite l'espace de la
rencontre et tente de l'inscrire dans la durée, au travers d'une
dynamique de projet d'insertion d'une part, et de perspectives de
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remobilisation de situations émotionnelles et de capacités de pensée,
d'autre part.
Le cadre fait fonction d'enveloppe contenante qui supplée à une
image corporelle défaillante. Il autorise, dans le champ éducatif, la
confrontation avec l'autre au travers du contrat de prise en charge qui
définit les contraintes et les règles. Dans le champ psychothérapique, il
permet la réémergence de l'activité pulsionnelle et émotionnelle qui
sera désormais reléguée par des contenus de pensée.
L'opérationnalité du cadre s'explique par le fait que le cadre éducatif et
la parole psychothérapique assurent une fonction substitutive au
produit.
- la programmation de la démarche de soins
La méthodologie de prise en charge s'établit en deux temps :
l'engagement dans la démarche de soins somatiques et
psychologiques et la mise en place de démarches d'insertion sociale et
professionnelle.
Il importe de différencier ces deux étapes, de ne pas les
inverser, et de les décaler dans le temps selon une variation qui tienne
compte du mode de prise en charge (ambulatoire, hébergement) et de
la situation personnelle.
- de la loi sociale à la loi symbolique
Le rappel de la loi sociale supplée à un déficit d'intégration de la
loi symbolique, lié à une défaillance dans l'exercice de l'autorité
parentale et surtout paternelle. Une prise en charge adaptée vient
s'articuler sur ce rappel de la loi sociale, par des rencontres régulières
et une implication progressive du toxicomane dans la démarche de
soins.
Ces orientations constituent les bases du projet thérapeutique
qui vont servir de fondement à un Centre de Soins qui s'est
développé au fil du temps, avec un souci constant d'aller au-devant
des usagers, en gardant toujours comme objectif à terme,
l'abstinence. L'option a été prise au niveau du Centre de Soins, de
refuser de prescrire le Subutex ® afin d'éviter de renvoyer une image
institutionnelle confuse au toxicomane. De même, le Centre de soins
ne s'est pas engagé dans des stratégies de politique de réduction des
risques, comme la mise à disposition de seringues, afin que l'espace
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institutionnel continue d'être identifié par les professionnels et les
usagers comme un lieu de rencontre, de parole, de reconstruction de
soi.
2. Une dynamique institutionnelle diversifiée
2a. Un aspect multipolaire
Le Centre de soins est réparti sur plusieurs sites. Il fonctionne toute
l'année, à la journée, sauf les week-ends. Seule une permanence est assurée
les samedis matins à Saint-Omer. Les horaires sont établis en fonction des
missions des différents services et couvrent parfois une amplitude horaire qui
peut aller de 8H30 à 19H00, avec une pause pendant le repas.
Le Centre de Soins est implanté sur les sites de Saint-Omer, Béthune,
Boulogne et Calais, sur lesquels sont effectués des suivis psycho-socio-
éducatifs en ambulatoire ou hébergement.
2b. Un aspect multifonctionnel
Il se décline selon les différents champs d'intervention :
2b-1. Un volet prévention
Il comprend :
- un accueil-écoute sous forme de permanence téléphonique,
d'entretiens individuels d'informations et d'orientations ou
d'entretiens de guidance parentale.
- des informations auprès de jeunes en milieu scolaire
- une participation à des conférences-débats, des forums santé.
2b-2. Un volet formation
Depuis plusieurs années, le Centre assure, avec la participation
d'intervenants extérieurs, des stages de formation en toxicomanie de
plusieurs jours, auprès de professionnels du secteur social, scolaire et
para-médical. Selon les années, 100 à 150 professionnels bénéficient
de ces stages.
2b-3. Un volet éducatif
La dimension éducative consiste, dans le rapport à l'usager, à
évaluer la conduite toxicomaniaque, à développer la motivation afin
d'établir un projet de soins. La relation d'aide éducative repose sur le
sens de l'écoute, une attitude contenante qui aide à redonner du sens
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
dans l'existence et sur un accompagnement qui vise à engager un
processus de désillusion et d'appropriation de la réalité quotidienne.
Chaque usager pris en charge dispose d'un référent éducatif. La
personne suivie en hébergement signe un contrat de séjour (cf. annexe
1) qui peut, le cas échéant, être associé à un contrat de soins sous
subutex ou méthadone, en lien avec un médecin généraliste et un
pharmacien. Pour les personnes suivies en ambulatoire, un document
individuel de prise en charge est proposé. Selon les situations
personnelles, des indications sur les démarches à suivre sont données,
relatives aux conditions matérielles d'existence (ressources, logement,
droits sociaux) et à la situation sanitaire du demandeur. Des
interventions auprès de services sociaux peuvent être faites, en vue
d'une meilleure prise en compte de leur demande. Une orientation en
hébergement (famille d'accueil, appartement thérapeutique ou post-
cure) est, le cas échéant, préconisé. De même, un accompagnement
éducatif est effectué auprès de détenus toxicomanes des prisons du
département, en vue d'élaborer à la sortie, un projet de soins ou
d'insertion socio-professionnelle.
à L'hébergement en famille d'accueil 85
L'admission est prononcée selon un protocole précis (cf.
annexe). Le séjour dure en moyenne trois mois et peut être écourté.
Selon les situations particulières, en fonction du projet individuel ou à la
demande de l'usager, un contrat de séjour en famille d'accueil (cf.
annexe 1) est signé par la personne. Ce mode de prise en charge lui
permet de participer à :
- la réappropriation de son corps au travers des gestes de la
vie quotidienne, d'activités physiques,
- la redécouverte d'un espace social par le rétablissement
progressif d'un rythme nycthéméral normal et des échanges
verbaux sur des sujets divers autres que la drogue,
- des activités annexes quand elles existent (gestion d'un
terrain de camping, d'une base de loisirs, fabrication du
cidre, du fromage de chèvre, travaux de ferme, etc…),
- l'apprentissage du plaisir dans les situations les plus simples
de la vie quotidienne, plaisir qui vient se substituer à la
jouissance connue jusque-là. 85. Circulaire DGS/1555/2D du 4 décembre 1987 relative aux familles d'accueil en toxicomanie.
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L'usager est en relation permanente avec son éducateur réfèrent
qu'il rencontre dans le service régulièrement ou au domicile de la
famille d'accueil. Hormis ce travail d'accompagnement relationnel et
d'écoute permanente, l'éducateur accompagne l'usager dans de
nombreuses tâches d'ordre administratif (obtention d'une carte
d'identité, ouverture de dossiers de demandes d'aides légales, accès
aux droits sociaux, etc…), sanitaire (lors de problèmes dentaires,
d'hépatites, d'affections diverses, etc…), social (relations avec les
Missions locales, les organismes de formation, etc…) et judiciaire
(magistrats, éducateurs justice).
Les familles d'accueil sont recrutées par le Centre de Soins
selon une procédure et des critères établis 86. Elles ne sont pas
salariées mais bénéficient d'une indemnité journalière de 22,87 € / jour.
Elles rencontrent régulièrement l'éducateur à domicile ou dans le
service et participent à une journée de formation traitant des situations
éducatives au quotidien ou des thèmes particuliers (conduite
toxicomaniaque, hépatites, etc…).
à L'hébergement en appartement relais et thérapeutique
L'orientation en appartement se fait directement ou après un
passage en famille d'accueil. Les appartements sont situés en centre
ville, à proximité des commerces et des services administratifs, ceci afin
de permettre une meilleure intégration dans le milieu social.
Le loyer et les charges sont supportés par le service, de même
que l'alimentation. Quand le locataire dispose de ressources
suffisantes, il lui est demandé de prendre en charge son alimentation et
de reverser 1,52 € /jour au service comme participation aux frais
d'hébergement. Cette disposition a une fonction incitative visant à
l'autonomie. Un contrat de séjour (cf. annexe 1) est signé par le
résident. Le séjour est de un mois reconductible pour l'hébergement en
appartement relais et de six mois reconductibles pour l'hébergement en
appartement thérapeutique.
86. Arrêté du 18 août 1993.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
En appartement relais, l'accent est mis sur la définition d'un
projet de soins et/ou d'insertion socio-professionnelle. Dans le premier
cas, il pourra se poursuivre en ambulatoire, en appartement
thérapeutique ou post-cure. Dans le deuxième cas, le relais sera pris
par un Foyer de Jeune Travailleur, un Centre d'Hébergement et de
Réinsertion Sociale (CHRS) ou le service hébergement rattaché à
l'Association de Formation Pour Adultes (AFPA). L'hébergement en
appartement thérapeutique est associé à un projet d'insertion
professionnelle.
L'accompagnement éducatif préalablement décrit pour les
personnes hébergées en famille d'accueil est le même. Il s'y ajoute le
soutien dans la gestion du quotidien (courses, repas, entretien de
l'appartement), de la solitude, dans les démarches d'intégration sociale
(gestion d'un budget, capacité à nouer d'autres relations sociales, etc.)
et professionnelle (inscriptions dans des stages de formation,
démarches de recherche d'emploi, etc.).
2b-4. un volet soins
Il comprend :
à l'aspect médical
Les consultations psychiatriques sont assurées en libéral et les
prescriptions de substitution sous Subutex® par des médecins
généralistes, avec lesquels nous travaillons en collaboration. De même,
des relais en médecine de ville de personnes sous méthadone,
s'établissent après un temps d'initialisation dans un Centre méthadone.
Un accompagnement dans les prises en charge s'effectue à l'occasion
de sevrages en milieu hospitalier à Calais, Saint-Omer, et au Square de
Lens. Des soins divers (hépatites, problèmes dermatologiques et
traumatologiques, etc.) peuvent faire l'objet d'une attention particulière.
Les Centres méthadone dont nous disposons sur Boulogne et
Calais s'adressent à des personnes dépendantes d'un opiacé (héroïne,
codéine, etc.), ayant entrepris sans succès plusieurs cures de sevrage.
La détention, la délivrance et la prescription de méthadone s’effectuent
selon une procédure réglementée. Cette activité s’inscrit dans le cadre
d’un partenariat avec le Centre Hospitalier local, la médecine et la
pharmacie de ville.
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à l'aspect psychothérapique
Le processus psychothérapique vise à la réalisation d'un travail
de deuil et d'un renforcement du Moi. Il s'agit en outre d'aider la
personne à découvrir son désir propre et à renoncer à prendre en
charge la souffrance psychologique d'un proche. Des entretiens
psychothérapiques d'inspiration analytique ou cognitivo-
comportementaux sont utilisés. Des séances d'hypnose sont parfois
proposées dans le cadre d'un processus psychothérapique. Elles visent
à obtenir un meilleur investissement corporel et une remobilisation des
processus cognitifs et mnésiques.
2b-5. Un volet pôle-ressource
Le Centre constitue un lieu de stage pour des étudiants en
formation d'éducateurs spécialisés, d'assistants sociaux ou
d'infirmières. Des professionnels participent à des commissions de
réflexions dans le cadre de Comités d'Agglomération de Prévention de
la Délinquance 87. Il est un lieu de recherche d'informations en matière
de toxicomanie, pour des professionnels du milieu scolaire, social et
médical.
Des interventions sont réalisées auprès de professionnels de
l'éducation nationale, portant sur la conduite à tenir face à un usager.
Enfin, plusieurs professionnels assurent des heures d'enseignement en
pédagogie générale dans des écoles d'éducateurs, en addictologie et
en psychopathologie à l'Université Catholique de Lille et à l'Université
des Sciences Humaines de Lille III.
3. La gestion du Centre
3a. Les aspects budgétaires et administratifs
Depuis le 1er janvier 2003, l'enveloppe budgétaire de la Direction
Générale de la Santé (DGS) est passée à un financement assurance maladie,
ce qui permet en partie de stabiliser le fonctionnement par des paiements
mensuels. L'enveloppe budgétaire MILDT reste toujours conditionnée par la
signature d'une convention annuelle. Elle représente un tiers du budget global
complété par des enveloppes annexes provenant des Programmes Régionaux
de Santé, utilisées par des actions de prévention et de formation. Une analyse
budgétaire du Centre de Soins figure en annexe 1. 87. Ils sont mis en place par les Conseils d'Agglomération et regroupent des partenaires scolaires, sociaux et judiciaires autour d'un objectif de
prévention de la délinquance. Ils décident du financement d'actions proposées par des acteurs locaux, sur la base de co-financements provenant de la Politique de la ville ou de la MILDT et du Conseil d'Agglomération.
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3b. Le personnel
à la composition
Le personnel est constitué d'un pôle :
administratif représenté par le directeur, la responsable
administrative, les secrétaires, la comptable.
médical avec deux médecins responsables des programmes
méthadone.
psycho-éducatif comprenant des psychologues cliniciens et des
éducateurs spécialisés.
et d'un agent de service en CEC (*).
La moyenne d'âge est de 38 ans, l'âge du personnel étant compris
entre 25 et 60 ans. Le personnel regroupe à ce jour, 26 salariés pour 17,09
ETP (**). En dehors du directeur, la responsable administrative a le statut de
cadre depuis plus d'un an et les médecins et psychologues de cadre
technique. Le CSST ne comprend pas de chef de service.
Un règlement intérieur définit les conditions d'organisation du travail et
d'interventions.
à L'organigramme
Directeur
Responsable administrative
Mes responsabilités sont celles d'un directeur de service 88 dans ses
aspects budgétaires, techniques et pédagogiques. Je dispose d'une délégation
pour mener les réunions de délégués du personnel et de Conseil
d'Etablissement. 88. La fonction de directeur de service est notamment définie par la circulaire du 26 février 1975 du Ministère des Affaires Sociales. __________________________ (*) Contrat Emploi Consolidé (**) Equivalent temps plein
SAINT-OMER BETHUNE BOULOGNE Centre Méthadone
CALAIS
Comptable Secrétaire Educateurs Psychologues Agent de service
Secrétaires Educateurs Psychologues
Secrétaire Educatrice Médecin Psychologue
Secrétaire Educateurs Psychologues Agent de service
Secrétaire Educateur Médecin Psychologue Agent de service
AMETHYSTE Centre Méthadone
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à le management
Etant donné la répartition de l'activité du CSST sur plusieurs sites, son
aspect multifonctionnel et la diversité partenariale inhérente aux prises en
charge individuelles, je pratique volontiers le management intégratif 89. Celui-ci
est basé sur le respect, la confiance, la consultation permanente du personnel
et la mise en situation des professionnels en position d'acteurs susceptibles
d'améliorer le fonctionnement de la structure.
Afin d'éviter un état de dispersion dans l'engagement des
professionnels, ce management intégratif est étayé par la mise en place de
fiches de poste avec définition des tâches pour l'ensemble du personnel et
d'entretiens annuels d'évaluation des fiches de poste. Chaque salarié dispose
d'un agenda professionnel sur lequel sont indiqués les rendez-vous, les
réunions et les rencontres professionnelles diverses. Des comptes-rendus de
prises en charge éducatives et psychologiques sont régulièrement réalisés et
mis à ma disposition.
à l'accompagnement des professionnels
J'anime des réunions de fonctionnement et d'études de cas sur chacun
des sites au niveau de l'équipe psycho-éducative et des réunions de
fonctionnement réservées au pôle administratif. Des réunions inter-services
bimestrielles existent séparément pour les psychologues et les éducateurs.
Elles sont animées par un psychanalyste et concernent, selon les
professionnels, la réflexion sur les pratiques éducatives et les modalités de
prise en charge ou la réflexion sur les dynamiques psychopathologiques. Enfin,
deux journées pédagogiques annuelles réunissent le personnel médico-
psycho-éducatif ou l'ensemble du personnel selon les thèmes abordés
(l'expérience toxicomaniaque, le projet d'établissement, la loi du 2 janvier 2002,
etc.). Je les coanime avec le psychanalyste.
L'implication des professionnels dans la réflexion sur l'action psycho-
éducative est recherchée. Ils contribuent aux réflexions menées dans des
groupes thématiques portant sur la prévention, la communication et le
partenariat. Ils participent à des moments d'échanges et de réflexions sur les
pratiques professionnelles avec des salariés d'autres structures de la région du
Nord-Pas-de-Calais et du Hainaut belge, dans le cadre du programme
communautaire Interreg III 90. 89. BLAKE R. et MOUTON J.W. La troisième dimension du management , Paris : Les Editions d’organisation, 1980, 282 p. 90. Interreg est un programme d'initiative communautaire qui subventionne des projets transfrontaliers. Interreg III 2000-2006 comporte un
programme pour la zone frontalière franco-Belge constitué de formations à l'utilisation d'outils pédagogiques de promotion de la santé, d'échanges transfrontaliers de pratiques et de formations à l'utilisation de l'outil de travail Internet comme support à la réalisation des actions précédentes.
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à la communication
La communication en interne sur chaque site, est assurée par un cahier
de transmission qui mentionne les différentes interventions réalisées
(entretiens, échanges téléphoniques, déplacements). Il sert aussi de mémoire
pour la rédaction du rapport d'activité et pour l'entrée des données relatives
aux usagers et aux actes réalisés dans un logiciel informatique 91.Chaque unité
étant constituée d'un personnel restreint, la communication informelle est une
donnée importante et repose sur des modes de relations transversales.
Je diffuse par ailleurs auprès du personnel, une lettre d'informations, en
deux feuillets intitulée "Echos-Tox". Elle expose les évolutions récentes dans
notre secteur d'intervention, les actions de prévention et de formation
programmées, les expériences innovantes de partenariat sur certains sites, les
modifications dans la composition du personnel, les perspectives de
développement, etc. Toujours, dans ce registre de la communication verticale,
une lettre d'informations est aussi diffusée auprès des administrateurs pour
leur faire part de l'évolution du CSST, du contexte réglementaire, des relations
avec les organismes de contrôle, etc.
à l'évaluation et la recherche
L'évaluation du parcours des usagers est réalisée lors de la rédaction
des comptes-rendus des prises en charge éducatives et psychologiques. En
matière de prévention, des questionnaires d'appréciation et d'évaluation des
objectifs poursuivis sont proposés. Une formation des professionnels à la
démarche qualité adaptée à notre secteur d'intervention sera mise en place
prochainement, en lien avec un organisme extérieur. Elle portera sur l'auto-
évaluation des pratiques, la maîtrise des processus et l'élaboration d'un outil
d'évaluation clinique.
Des articles de psychopathologie sont diffusés régulièrement dans des
revues scientifiques spécialisées par le directeur et un psychologue du Centre.
Une recherche clinique portant sur l'analyse du parcours de femmes
alcooliques et toxicomanes, sera engagée en lien avec un laboratoire de
recherche 92.
91. Le logiciel Pro-G-Dis enregistre les données biographiques des usagers à partir d'une fiche signalétique et des actes réalisés au cours de la
prise en charge. Il permet d'analyser la problématique de chaque usager et de procéder à un traitement statistique des données pour établir un profil des usagers.
92. Des professionnels (éducateurs et psychologues) seront associés à cette recherche menée dans le Centre par un intervenant rattaché au Laboratoire CRISIS de l'Institut Régional des Travailleurs Sociaux de Loos.
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L'expérience menée depuis plusieurs années, dans un département
particulièrement touché, au travers du Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomane
que je dirige, rend compte de cette diversification des réponses sanitaires et sociales.
L'accompagnement de l'usager s'effectue autour du questionnement de l'expérience
toxicomaniaque et de la souffrance psychologique qui la fonde. L'usager est ici
interpellé dans sa subjectivité et il est invité à mobiliser ses ressources personnelles,
dans le cadre de l'élaboration d'un projet de vie. Le projet thérapeutique du Centre de
Soins témoigne de cette démarche où la question du sens est posée en permanence.
Le nombre de mineurs concernés par la toxicomanie s’accroît mais ceux-ci ne
consultent pas. Ils sont dans la phase de lune de miel du produit et se complaisent
dans les conduites de défonce. Ils s'inscrivent dans une intensité d'être, testent leurs
limites personnelles, au travers de conduites à risque qui sont avant tout "des rites
intimes de fabrication du sens" 93.
Le Subutex® ou les médicaments sont souvent détournés de leur usage ou
associés à la consommation d'alcool. Un suivi ambulatoire effectué dans une
structure de soins ou un suivi assuré par un éducateur dans le cadre d'une mesure
d'Assistance Educative en Milieu Ouvert (AEMO) produisent peu d'effet, en raison de
leur implication toute relative. Le placement en foyer d'hébergement ou en famille
d'accueil, à la demande du Juge des Enfants, est souvent un échec, surtout quand
cette consommation est associée à des conduites délictueuses. En outre, ce
placement est mal vécu par le personnel des institutions traditionnelles qui craignent
une diffusion du phénomène. L'incarcération du mineur est une ultime possibilité que
le magistrat utilise en dernier recours. Il est souvent vécu, par tous les protagonistes,
comme un échec.
La confrontation, dans ma pratique professionnelle, à la problématique
particulière des mineurs délinquants toxicomanes fera l'objet d'une attention
particulière dans la seconde partie du mémoire. Une réflexion sur ce qui constitue la
spécificité de ce public servira de fondement au projet que j'exposerai dans la
troisième partie.
93. LE BRETON D. L'adolescence à risque, Paris : Ed. Autrement, 2002, 184 p., p. 5.
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C. 2ème Partie : TOXICOMANIE ET DELINQUANCE
I. La justice des mineurs
1. Les diverses mesures contenues dans l'ordonnance du 2 février 1945
La justice des mineurs a suivi une lente évolution 94 qui a précédé la
promulgation de l'ordonnance du 2 février 1945, annonçant un certain nombre de
mesures pour répondre à la délinquance juvénile. Celles-ci reposent sur trois
principes :
- la primauté de l'éducation sur la répression 95
- la spécialisation des juridictions, en instituant notamment le Juge des
enfants. Il peut en outre, juger une affaire qu'il a instruite 96 et exerce les
fonctions de Juge d'Application des Peines. Il peut décider de juger une
affaire en cabinet ou devant le tribunal pour enfant qui est compétent en
matière de crimes commis par les moins de seize ans.
- la responsabilité graduée selon l'âge, évaluée en fonction de plusieurs
seuils : en dessous de 13 ans, de 13 à 16 ans, de 16 à 18 ans.(cf.
annexe).
Ces principes qui régissent l'ordonnance de 1945 ont toujours été maintenus
malgré les nombreuses modifications observées depuis sa promulgation. Avec ce
texte, le Juge pour enfants peut recourir à des mesures éducatives ou pénales en
fonction de l'âge, de la gravité des faits incriminés et du contexte de leur apparition.
Le Juge des enfants dispose, en cours de procédure, d'un certain nombre de
mesures provisoires, comme des mesures d'investigation 97, le placement provisoire 98, le contrôle judiciaire et la mesure de réparation 99. Le mineur peut être placé en
liberté surveillée et bénéficier d'un accompagnement éducatif par un délégué à la
liberté surveillée, dans son milieu familial ou lors d'un placement.
94. Le Code pénal de 1810 reprend une disposition du Code criminel de 1791 qui prévoit que tout mineur de 16 ans bénéficie d'une présomption de non discernement laissée au libre arbitre du juge. Les Lois du 25 juin 1824 et du 28 avril 1842 amorcent l'évolution vers une juridiction de mineurs, avec l'établissement d'une compétence du tribunal correctionnel pour les mineurs. Cette évolution s'accentue avec la loi du 22 juillet 1912 qui crée les tribunaux pour enfants et instaure la mesure de liberté surveillée. L'Ordonnance du 2 février 1945 annonce un certain nombre de mesures pour répondre à la délinquance juvénile.
95. L'article 2 de l'ordonnance de 1945 énonce que : "le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs prononcent, suivant le cas, les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui semblent appropriées. Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité du délinquant leur paraîtront l'exiger, prononcer à l'égard du mineur âgé de plus de treize ans, une condamnation pénale".
96. Il bénéficie d'une dérogation au principe de la séparation des fonctions d'instruction et des fonctions de jugement. 97. Selon l'article 8 de l'ordonnance 45, le Juge des enfants peut demander une enquête sociale afin d'obtenir des renseignements sur la
situation du mineur et son environnement.
98. Le mineur peut être confié à une personne digne de confiance, à un centre d'accueil d'une institution publique ou privée habilitée justice, au service de l'aide sociale à l'enfance, à un établissement hospitalier ou une institution d'éducation.
99. Contenue dans la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 développée dans la Circulaire du 11 mars 1993, elle se présente comme une alternative aux poursuites, une mesure préjudicielle ou une sanction. Elle permet la réparation des dommages causés et un travail sur le sentiment de culpabilité.
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Dans son cabinet, le Juge des enfants apprécie la gravité de l'infraction. Il
peut prononcer la relaxe du mineur si elle n'est pas suffisamment établie, le dispenser
de toute mesure si le dommage est réparé, l'admonester ou le remettre à ses
parents, des proches ou à un tiers digne de confiance. Le cas échéant, une mise
sous protection judiciaire ou une mesure de placement est prononcée. A l'issue du
jugement, le Juge des enfants recourt aux mêmes mesures éducatives ou prononce
des peines d'amende, de travail d'intérêt général 100, d'emprisonnement avec sursis,
simple sursis avec mise à l'épreuve ou ferme.
2. L'adaptation de l'ordonnance de 1945 à l'évolution de la délinquance
juvénile
Faut-il réformer l'ordonnance de 1945 ? Cette question donne lieu, depuis
plusieurs années, à des débats où s'affrontent d'un côté, les tenants d'une démarche
sécuritaire et de l'autre, les personnes qui souhaitent privilégier les réponses
éducatives. L'acuité des échanges repose sur des sentiments d'insécurité et
d'impunité grandissants dans l'opinion publique, le souci de la réduction de la
délinquance juvénile et la nécessité de protection de l'ordre social dans le maintien de
valeurs partagées 101.
L'ordonnance de 1945 a subi de nombreuses modifications depuis sa
promulgation, tenant compte des évolutions socio-culturelles de la société et de
l'apparition de nouvelles formes d'expression de la délinquance juvénile. C'est un
texte qui recèle de nombreuses possibilités, permet d'adapter les réponses à
caractère répressif ou éducatif en fonction des situations en cause et laisse une place
aux pratiques innovantes.
La nécessité de prendre en compte la primo-délinquance pour parer à un
sentiment d'insécurité grandissant et à une surcharge de travail du côté du Juge des
enfants, amène le Procureur à intervenir avec des outils ou des moyens nouveaux 102.Ce souci de prendre en compte la primo-délinquance 103 ne répond pas
essentiellement à des considérations d'ordre public.
100. La loi du 10 juin 1983 étend la peine de travail d'intérêt général (TIG) aux mineurs âgés de 16 à 18 ans. 101. L'idée d'une justice sociale, d'un droit à la sécurité pour toutes les couches sociales, se retrouve dans les débats aux Journées de Villepinte
(Villepinte, les actes du colloque, ed. SIRP).
102. Auparavant, "le parquet classait à 60 % les procédures d'infractions contre les biens mais à 40 % les violences contre les personnes" (ROSENCZVEIG J.P. – L'ordonnance du 2 février 1945 sur la jeunesse délinquante une nouvelle fois en question. Note aux parlementaires, disponible sur http : //www.rosenczveig.com). Désormais, le Procureur dispose des services d'un Délégué du Procureur (articles 40 et 41 du Code de procédure pénale, en référence à la circulaire de politique pénale en matière de délinquance juvénile en date du 15 juillet 1998). Il intervient en temps réel - il suit les affaires en cours traitées par la police – et recourt à la convocation par Officier de Police Judiciaire (cette disposition est déjà contenue dans les lois du 8 février 1995 et du 1er juillet 1996 permettant un traitement de l'infraction dans un délai de 1 à 3 mois). Le Procureur peut recourir à un avertissement par courrier, à un rappel à la loi par le Délégué du Procureur ou mettre en œuvre une médiation pénale.
103. En 2001, les Parquets des mineurs ont traité 162 800 affaires contre 113 238 en 1996
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Il tend aussi à éviter les conduites de récidive et à restituer à l'enfant ses
droits fondamentaux (droit à la sécurité, à l'éducation, à des soins, à des parents
responsables). Pour des infractions mineures, des mesures éducatives sont
prononcées. En présence de faits graves, le mineur est déféré 104 devant le Procureur
de la République qui, au vu du rapport du Service Educatif Auprès du Tribunal
(SEAT), peut recourir à une traduction immédiate devant un Juge des enfants ou un
juge d'instruction avec demande de mandat de dépôt, de contrôle judiciaire ou de
mesure éducative. La procédure accélérée est parfois utilisée quand le jeune ne peut
être jugé dans l'immédiat par le Juge. Il est alors mis en examen, incarcéré et
renvoyé en tant que détenu devant le tribunal pour enfants (cf.annexe 2).
Une Commission d'enquête parlementaire 105 récente suggère de conserver les
principes qui régissent l'ordonnance de 1945, tout en proposant quelques
aménagements. Ils concernent par exemple, les mineurs de moins de 13 ans 106, à
l'encontre desquels une mesure de réparation ou d'éloignement de brève durée
pourrait être prononcée, afin de lutter contre le sentiment d'impunité.
Les réformes législatives ne constituent pas toujours la réponse à l'évolution
de la délinquance. Il importe tout autant de mettre des moyens suffisants à la
disposition de la justice comme des services de répression 107, afin de remédier au
sentiment d'impunité. De même, les délais de jugement sont trop longs 108, ce qui
enlève toute fonction éducative à la décision du Juge des enfants. Souvent le mineur,
auteur de plusieurs infractions, ne parvient pas à établir le rapprochement entre la
peine prononcée et l'infraction réalisée. Un délai trop long est préjudiciable alors qu'il
est réclamé par le Juge des enfants pour l'observation de sa personnalité et de son
comportement, quand il ne résulte pas d'un nombre important de dossiers à traiter.
La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, sans remettre en cause les
principes directeurs de la loi de 1945, instaure des mesures nouvelles comme les
sanctions éducatives 109 applicables aux mineurs dès l'âge de 10 ans et suivies d'une
décision de placement, en cas de non-respect. En outre, le placement en détention
provisoire des mineurs de 13 à 16 ans est désormais possible et la loi prévoit la
création de Centres Educatifs Fermés pour des mineurs âgés de 13 à 18 ans faisant
l'objet d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve.
104. Le jeune est présenté devant le Procureur, dès la clôture de la procédure par la police. 105. CARLE J.C., SCHOSTEK J.P. – Délinquance des mineurs : la République en quête de respect, Rapport d'information 340 de la Commission
d'enquête créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 12 février 2002, Tome I (2001-2002), 26 juin 2002.
106. Actuellement, ils ne peuvent être condamnés à une peine ou à un placement en détention provisoire. 107. En 2000, le taux moyen d'élucidation des infractions est de 26,8 %. Il est en baisse constante depuis 1991. Le faible taux d'élucidation
concerne surtout les infractions de faible gravité dans lesquelles des mineurs sont impliqués.
108. Ils sont compris entre 2 et 18 mois pour les audiences de cabinet et 6 mois et 3 ans pour les audiences du tribunal pour enfants (CARLE J.C., SCHOSTEK J.P., Délinquance des mineurs : la République enquête de respect, ibid, p. 75).
109. Elles sont inscrites dans l'art. 15-1 nouveau de l'ordonnance du 2 février 1945. Elles portent sur la confiscation d'un objet appartenant au mineur ayant servi à l'infraction et sur l'interdiction de paraître dans le lieu où l'infraction a été commise, de rencontrer la victime ou les complices, pendant une durée inférieure à 1 an. Elles s'accompagnent d'une mesure de réparation et d'un stage de formation civique, d'une durée inférieure à 1 mois.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Cette loi reprend des propositions formulées dans le rapport de la commission
d'enquête parlementaire, en même temps qu'elle prévoit d'accorder des moyens
budgétaires importants aux services pénitentiaires, services judiciaires et surtout, à la
Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) 110. Au-delà du renforcement des mesures
judiciaires, la question de l'adaptation de la réponse éducative à la délinquance
juvénile se pose et semble s'articuler, plus que jamais, autour de l'énoncé et de l'acte
éducatif d'une part, de la parole et de la sanction judiciaire d'autre part.
II. Les évolutions récentes de la délinquance juvénile
La problématique des mineurs usagers de drogues a déjà fait l'objet d'une
attention particulière du Ministre de la Justice, dans sa circulaire du 17 juin 1999
relative aux réponses judiciaires aux toxicomanies. Outre la mesure de classement
sous condition, il est rappelé l'intérêt des mesures de liberté surveillée, de mise sous
protection judiciaire ou de placement en établissement éducatif ou sanitaire.
La présence, chez des mineurs, d'une conduite délinquante associée à une
consommation de produits psychoactifs, a fait l'objet de nombreuses études
sociologiques et psychopathologiques. Je tenterai toutefois d'en retracer les grandes
lignes, mettant en évidence la particularité de ce mode de vie déviant qui nécessite
une réponse institutionnelle appropriée.
1. La place de l'usager des produits psychoactifs dans la
délinquance juvénile
1a. Un phénomène nouveau
Les spécialistes s'accordent pour admettre que la délinquance des
mineurs a évolué en nombre et en taux 111, en même temps que dans ses
formes d'expression : âge d'entrée précoce, aggravation des actes,
développement d'une délinquance d'exclusion 112.
Il existe une concentration de la délinquance sur un petit nombre de
personnes 113 qui constituent des "noyaux durs", en même temps que la
délinquance des mineurs est sous estimée.
110. 1250 emplois seront créés pour la PJJ, 550 pour les services pénitentiaires et 188 pour les services judiciaires. 111. Etude 1992 et 2001, le nombre de mineurs mis en cause a augmenté de 79 % pour atteindre 117 017 en 2002. Il est observé aussi une
augmentation de la part des mineurs impliqués dans les différents types d'infraction (CARLE J.C., SCHOSTEK J.P. Délinquance des mineurs : la République en quête de respect, ibid, p.10 et 11). En matière de crimes et délits contre les personnes leur nombre a été multiplié par 3 et en matière d'infractions à la législation sur les stupéfiants, il a quadruplé (op. cit. p. 4).
112. La délinquance d'exclusion est une “délinquance de masse, territorialisée, essentiellement liée à des parcours de désinsertion durable dans lesquels des groupes familiaux tout entiers vivent dans l'illégalité et dans des cultures de survie, dans des modalités de précarité extrêmement importantes les conduisant insensiblement vers la déviance ou vers la délinquance” (audition de M. Denis SALAS, in CARLE J.C., SCHOSTEK J.P. Délinquance des mineurs : la République en quête de respect, ibid, p. 15).
113. Il s'agit de la "théorie des 5 %" : 5 % de jeunes commettent 60 à 85 % des infractions selon l'étude de délinquance autorapportée de M. Sébastian ROCHE (La délinquance des jeunes - les 13 - 19 ans racontent leurs délits, Paris : Seuil, 2001, 304 p.).
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Il est en effet observé un décalage important entre le nombre
d'infractions commises et le nombre d'infractions enregistrées par les services
de police et de gendarmerie 114.
MUCCHIELLI 115, dans son analyse des statistiques, constate
l’augmentation continue des vols et cambriolages et notamment, des formes
moins graves de violence dans les milieux populaires. Les violences urbaines
sont surtout dirigées vers les institutions publiques (police, écoles, services
publics, pompiers). L’augmentation des données statistiques concerne surtout
les infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS) dans les milieux
défavorisés, alors que ” les enquêtes de délinquance autorévelées (qui
interrogent directement les individus sur ce qu’ils ont commis) indiquent que
les jeunes issus des classes moyennes et aisées sont autant sinon plus
consommateurs de drogues. ” 116
Les victimes des mineurs sont souvent des mineurs qui subissent des
infractions comme le racket, les coups et blessures ou les viols collectifs. Les
mineurs délinquants ont souvent été victimes au préalable, de violences
physiques ou sexuelles et manifestent des conduites de violence plus
importantes 117. Cette donnée est encore plus marquée pour les jeunes
relevant de la PJJ 118.
De nombreuses enquêtes épidémiologiques soulignent que les
consommateurs de drogue sont plus fréquemment auteurs d'actes de
délinquance. L'enquête de Mesdames Marie CHOQUET et Sylvie LEDOUX 119
montre que les conduites violentes vont de pair avec :
- la consommation d'alcool : parmi les plus jeunes violents, 21 % ont
une consommation régulière d'alcool (contre 7 % des "non violents").
36 % des racketteurs ont un tel niveau de consommation.
- la consommation de drogue : parmi les violents, 16 % ont consommé
au moins dix fois une drogue illicite (contre 5 % pour les "non-
violents"). 23 % des racketteurs sont des consommateurs réguliers
de drogue. 114. C'est le "chiffre noir" de la délinquance. Toutes les infractions ne font pas l'objet d'un dépôt de plainte. Toutes les infractions signalées ne font
pas l'objet de poursuite. 115. MUCCHIELLI Laurent. Violences et insécurité, fantasmes et réalités dans le débat français, Paris : La Découverte, 2002, p.76-77.
116. MUCCHIELLI L., ibid, p.69. L’auteur cite, à l’appui de son argumentation, les travaux de CHOQUET M., LEDOUX S., Adolescents, Enquête nationale, ibid, p.182 et ROCHE S. et coll. Enquête sur la délinquance auto-déclarée des jeunes , CERAT, Grenoble, 2000, p.31.
117. CHOQUET M., LEDOUX S. Adolescents, Paris, Inserm, Enquête Nationale, 1994, p. 171.
118. CHOQUET M., LEDOUX S., HASSLER C.et al. Adolescents (14-21 ans) de la Protection Judiciaire de la Jeunesse et Santé, Inserm U 472, Direction de la PJJ, 1998.
119. CHOQUET M., LEDOUX S. - Adolescents, enquête nationale, ibid.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Une enquête 120 auprès des jeunes de 14 à 21 ans pris en charge par
les services de la P.J.J. révèle un lien entre conduites délictueuses et
consommation de psychotropes. 70 % de ces jeunes ont consommé de
l'alcool. A 18 ans, 49 % peuvent être considérés comme des consommateurs
réguliers. S'agissant du cannabis, 60 % des jeunes en ont pris durant leur vie.
Une autre enquête confirme que la consommation de cannabis ou
d'alcool est associée à la délinquance, et ce quel que soit le milieu social 121.
Les conduites de violence qui accompagnent cette polyconsommation se
manifestent au sein des établissements scolaires par des bagarres, sont
dirigées vers autrui ou consistent en la dégradation de matériels ou de locaux 122. Une enquête INSERM révèle que les ” jeunes polyconsommateurs de
tabac, d'alcool et de cannabis présentent davantage de conduites à risque
telles que les actes de violence subis ou agis et les pensées suicidaires ” 123.
Elle souligne que le cannabis entraîne une augmentation du plaisir
chez l'homme, associée à une diminution de l'inhibition ce qui augmenterait
les risques de passage à l’acte. Chez une population d'agresseurs sexuels, le
cannabis est la deuxième substance détectée, après l'alcool 124. Outre le fait
que les effets du cannabis sont accrus par la consommation d'alcool, le taux
de principe actif du cannabis est beaucoup plus important aujourd'hui et
modifie sensiblement les comportements 125.
Entre 1992 et 2001, la délinquance des mineurs a progressé en
nombre et en taux d’implication dans les différents types d’infractions, sauf en
matière d’homicides. Leur participation s’est accrue en matière de vols avec
violence sans armes à feu, de falsification et usages de cartes de crédits, de
coups et blessures volontaires.
120. CHOQUET M. – Enquête sur les jeunes pris en charge par les services de la PJJ , ibid. 121. Selon l'enquête de M. Sébastian ROCHE (La délinquance des jeunes, les 13-19 ans racontent leurs délits, Seuil, 2001) citée dans le
Rapport d'information de la Commission d'enquête parlementaire (La délinquance des mineurs : la République en quête de respect, ibid, p.25), "lorsqu'ils consomment du cannabis, les enfants de cadres ou de professions intermédiaires sont plus souvent fraudeurs dans les bus (87,5 % contre 64 % des non-consommateurs) et plus souvent impliqués dans les trafics (25 % contre 5 %). Ils sont également plus souvent amenés à se bagarrer (29 % contre 16 %) et à porter une arme (20 % contre 5 %) ou même à commettre des dégradations graves comme incendier une voiture ou un bâtiment (13,5 % contre 4,5 %)"
122. Le Bulletin de Santé de l'Observatoire Régional de la Santé (ORS) de l'Ile-de-France (mai 2000, n° 2, 4 p.) rend compte des usages des produits psychoactifs et conduites associées chez les jeunes d'Ile-de-France.
123. Expertise collective cannabis : quels effets sur la santé ? Paris, INSERM, 2001, 429 p., p. 337. Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur la politique de lutte contre les drogues illicites, citant l’étude de M.Sébastian ROCHE sur la délinquance des mineurs, précise que : “ 25 % des usagers fréquents de cannabis avaient perpétré un acte grave de délinquance, contre 14 % des consommateurs occasionnels et 9 % des autres jeunes de l’enquête ” (ibid, Tome I)
124. Catherine BLATIER (La délinquance des mineurs, l’enfant, le psychologue et le droit, Grenoble : PUG, 2002, 325 p.) cite l’étude de JACOB M. et coll (Etude descriptive d’une population d’adolescents agresseurs sexuels, 1992, pp.133-162), qui montre que les agressions sexuelles contre les femmes s’observent chez des mineurs sous l’effet de l’alcool ou des drogues.
125. Jusqu'en 1995, le taux de principe actif du cannabis, le tétrahydro-cannabinol (THC) était de 5,5 % pour l'herbe et de 7 % pour la résine. Il est passé, depuis 1996, à 22 % pour l'herbe et 31 % pour la résine. (Expertise collective cannabis : quels effets sur la santé ? ibid, p. 339).
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Leur part en matière d’atteinte aux mœurs est passée à 20 %, les viols
atteignant 21 % des mises en cause. Les destructions et dégradations de
biens représentent le tiers des mises en cause. En matière d’infractions à la
législation sur les stupéfiants, ils représentent 20 % des mises en cause, leur
nombre ayant quadruplé au cours de cette période 126. Des données
statistiques nationales témoignent de l’implication des mineurs en fonction des
différentes catégories d’infraction 127 (cf. annexe 2).
Depuis 1990, le nombre de mineurs incarcérés a peu évolué. En 2001,
le nombre de mineurs prévenus était de 454 pour 162 condamnés 128. En
annexe, un tableau indique le nombre de mineurs incarcérés au Centre
Pénitentiaire de Longuenesse, près de Saint-Omer, et apporte des précisions
sur la nature du délit. En 2001, le nombre de mineurs incarcérés au Centre
Pénitentiaire de Longuenesse représentait 13 % des mineurs incarcérés au
niveau national. Ils étaient tous issus de la région Nord-Pas-de-Calais, et pour
56 % d’entre eux, du Pas-de-Calais (cf. annexe 2).
1b. Une dynamique en progression
Au cours des décennies précédentes, l'expérience toxicomaniaque
était souvent liée à une recherche de dépassement des limites de perception
de la réalité, au travers d'une modification de l'état de conscience, sous l'effet
de drogues. Cette représentation de la toxicomanie a évolué vers une
conception où la toxicomanie apparaissait davantage, avec la banalisation de
l'usage, comme une tentative d'automédication d'une problématique
dépressive, voire psychiatrique. Avec la prédominance de la consommation
d'héroïne, elle témoignait d'une démarche de mise en suspens de toute
activité de pensée pour fuir une réalité externe et interne difficile à maîtriser 129.
La consommation de drogues illicites confrontait les usagers à une
situation délictueuse, engendrait une criminalité lucrative dans les couches
sociales modestes et défavorisées. Tout comme la consommation de drogues
licites telles que l'alcool, elle engendrait une modification de la personnalité,
des comportements violents. Dans ce mode de compréhension du
phénomène toxicomaniaque, le délit apparaissait comme une conséquence.
126. CARLE J.C., SCHOSTEK J.P., ibid, p.11. 127. CARLE J.C., SCHOSTEK J.P., ibid, p.13. 128. CARLE J.C., SCHOSTEK J.P., ibid, p.81. 129. MIEL C. – La dissolution de la représentation dans l'expérience toxicomaniaque, Perspectives psychiatriques, 2002, vol. 41, n°4.
MIEL C. L'identification projective dans la toxicomanie, Evolution psychiatrique, 2002, 67, pp.326-336.
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Il n'est plus possible, à ce jour, de concevoir les rapports toxicomanie /
délinquance sur le même mode, en raison :
- de l’extension du phénomène toxicomaniaque, dont certains produits
bénéficient d'une banalisation.
- de sa propagation auprès de mineurs de plus en plus jeunes.
- du développement de la polytoxicomanie.
- de la recherche d'un état de défonce au détriment de la convivialité,
du partage d'expériences ou de valeurs communes.
- de l'étiolement de la notion de limite comme donnée culturelle et du
développement de la délinquance juvénile.
Plutôt que d'évoquer des rapports de causalité entre la consommation
de drogues et la délinquance, il apparaît plus approprié de parler de liens
d'antériorité, en présence d'un tableau clinique alliant délinquance et
toxicomanie. C'est vers l'âge de 10 ans qu'apparaissent les premières
activités délinquantes, sous forme d'hostilité au milieu familial, scolaire puis
social. Elles précèdent de 2 ans la consommation d'alcool, de 3 à 4 ans la
consommation de cannabis, et de 5 à 6 ans la consommation de
médicaments à usage détourné ou de drogues dures.
Une étude québécoise récente 130 révèle que l'activité délictueuse et
les troubles du comportement précèdent la consommation de produits
psychoactifs. Ces formes de conduites s'ordonnent selon un processus
d'aggravation. Les formes de conduites déviantes suivent la progression
suivante : rébellion scolaire, rébellion familiale, vol mineur, agression,
vandalisme, consommation de produits psychoactifs, relations sexuelles
précoces, vol grave et prostitution. Il est noté chez les adolescents abusant de
la consommation de drogues, une majoration des conduites de rébellion
familiale et scolaire et un retard dans les activités sexuelles par rapport aux
adolescents judiciarisés.
Il s'établit ainsi entre la tendance à un comportement déviant et les
effets liés à la consommation de produits psychoactifs, des liens dynamiques
qui vont s'intensifier en fonction des facteurs de risques existants, en rapport
avec le contexte familial, l'histoire personnelle et l'environnement immédiat.
130. LE BLANC M., GIRARD S. – Psychotropes et délinquance : séquences développementales et enchâssement , Psychotropes, 1998, vol 4, n°2, pp.69-91.
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2. Une souffrance agie délictueuse
2a. L'adolescence et l'agir
L'adolescence est cette période intermédiaire entre l'enfance et l'âge
adulte qui désigne l'âge du changement. C'est une période transitoire au
cours de laquelle s'observent des bouleversements psychiques et corporels
qui définissent un état de crise, de déséquilibre temporaire marqué par des
conflits internes et externes, des situations de stress, ou des demandes
urgentes. La phase pubertaire avec l'accès à la génitalité est source
d'angoisse et de transformations de l'image corporelle. L'adolescent accède à
un mode de perception différent de son corps propre qui est investi d'un
sentiment d'étrangeté tout en étant un moyen d'expression symbolique de ses
conflits et des modes relationnels par l'habillement, l'attitude adoptée ou
l'attention qui lui est apportée.
Aux modifications physiologiques et pulsionnelles s'associe un travail
de deuil des figures parentales à réaliser. Il correspond à une remise en
question des modes relationnels, des projets et des plaisirs élaborés en
commun avec des personnes proches. Le remaniement de l'équilibre entre
investissements objectaux et investissements narcissiques peut donner lieu à
des conduites diverses : désintérêt, passivité, repliement sur soi, fugue. Il
s'accompagne d'un mouvement de désidéalisation parentale que promeut le
désir d'indépendance et d'affirmation de soi.
Les pulsions libidinales et agressives se trouvent aux prises avec des
mouvements de désidentification – identification comme avec des situations
d'affrontement ou d'alliances nouvelles. La gestion de l'agressivité constitue
alors une donnée importante. A défaut d'une liaison libidinale suffisante, elle
prend la forme dans ses manifestations extrêmes, de passages à l'acte ou de
conduites d'autoagressivité qui, à défaut d'être niés comme dans l'inhibition,
se trouvent évacués sur un registre comportemental.
Les divers aménagements psychiques qui s'opèrent pendant la phase
de l'adolescence, renvoient à la notion de perte et nécessairement de
processus de deuils de modes relationnels à l'objet qui fragilisent
l'identification. Tout traumatisme fantasmatique ou réel survenant sous la
forme de décès de proches ou de violences diverses va faire, d'un deuil
normal s'inscrivant dans un processus maturatif de l'individu, un deuil
pathologique. La dépressivité qui accompagne le travail de deuil normal à
l'adolescence va être majorée chez les jeunes qui ne disposent pas d'une
personnalité structurée, d'un environnement suffisamment contenant et pour
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lesquels des expériences et des événements particuliers vont prendre un
aspect traumatique.
Les conduites de l'agir (l'auto ou hétéro-agressivité, les vols, la fugue,
le vandalisme) comme les conduites psychopathiques marquées par
l'impulsivité – agressivité, l'instabilité mais aussi la passivité – dépendance,
renvoient à la question de la limite dans la relation à l'autre en tant qu'élément
de structuration interne. Les conduites de l'agir masquent un fond dépressif,
une quête impérieuse de la satisfaction immédiate et prennent la forme de
conduites d'évitement d'un ressenti perçu de façon angoissante. Les
conduites de l'agir traduisent les difficultés à vivre, au niveau symbolique, le
désengagement des objets internalisés d'amour et de haine et permettent
d'établir une continuité à l'intérieur du Moi, par un raccrochage à la réalité et
un évitement d'une décompensation de la personnalité.
La crainte de la perte de l'objet caractérise la problématique
dépressive du fonctionnement de la personnalité état-limite. La prédominance
aujourd'hui de ce type de personnalité dans les conduites pathologiques à
l'adolescence, tient à un fait de société. La conflictualité oedipienne est moins
marquée et ne contribue plus à une structuration suffisante de la personnalité
de l'adolescent. L'autorité parentale est moins affirmée : différences
intergénérationnelles moins soutenues, interchangeabilité des rôles, crise de
l'identité des pères, familles éclatées, recomposées, parents démunis plus
que démissionnaires dans leur manque d'assurance de repères éducatifs, etc.
Il s'ensuit le maintien prolongé de l'enfant dans une relation duelle
mère/enfant puis ultérieurement, du jeune au sein de la cellule familiale. Dans
bien des cas, la fonction tierce assurée par le père ou son substitut n'est pas
opérante. Elle ne permet pas l'accès à la triangulation, à la dynamique
oedipienne et dès lors l'intégration de la loi symbolique construite autour des
interdits de la violence et de l'inceste.
La problématique psychique prévalente de l'adolescent aujourd'hui
n'est plus tant la confrontation à des interdits moraux, normatifs repérés dont
la transgression suscite une culpabilité vive. Il a davantage à faire à des
repères éducatifs familiaux flous, ambigus, contradictoires qui l'insécurisent,
ne contribuent pas à l'intégration de la loi symbolique. La transgression n'est
plus vécue comme telle, elle n'a plus la même portée quand toutefois elle est
reconnue. Les jeunes aujourd'hui ne sont plus confrontés à un trop plein
d'interdits mais au contraire à un manque de repères structurants 131.
131. MIEL C. – Genèse de la toxicomanie : approche clinique, Journal des psychologues, novembre 1998, n°162.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
2b. Un style de vie déviant
Le concept de style de vie déviant tient compte des expériences
d'échec et de rejet (familial, scolaire, économique, éthique) perçues, de la
nature de l'estime de soi qui en découle, des significations que le jeune
attribuent à ses expériences, comme de l'environnement social. Ce concept 132 s'inscrit dans la perspective d'acteur social situé. Ce dernier désigne une
personne qui a été exposée, au cours de sa vie, à des facteurs de risque tels
qu’un milieu familial inadéquat, des expériences de victimisation ou de
négligence parentale, une inadaptation scolaire ou une précocité
d’expériences déviantes.
Ces facteurs de risque d'intensité variable déterminent un style de vie
plus ou moins déviant. Celui-ci est défini par des interactions complexes entre
le type de drogue, les facteurs personnels (valeurs, habitudes), le contexte
socio-économico-culturel. Il est nécessaire de les prendre en compte pour
comprendre et agir sur les rapports délinquance / toxicomanie pris dans leur
globalité.
Sur ce fond psychosocial sous jacent au style de vie déviant, il importe
de souligner que l'intensification des usages de consommation entraîne une
plus grande prise de risques dans la pratique des délits 133, accentue les
conduites de transgression et le retrait social. Une étude récente menée
auprès de jeunes incarcérés 134 souligne que la consommation d'alcool
conduit de la perte de contrôle de soi à des bagarres, aux comas éthyliques
tandis que le cannabis fonctionne comme un régulateur des tensions
psychologiques et des contraintes sociales (il favorise la désinhibition sociale
et les relations interpersonnelles). La consommation isolée ou associée de
ces produits participe de la gestion du mal être, de la maîtrise des peurs ou
d'une quête d'affirmation de soi. Cette étude souligne en outre l'inadéquation
des dispositifs actuels d'intervention auprès de ce type de public.
Comme nous l'avons évoqué, la conduite délinquante et la conduite
toxicomaniaque tendent à s'imbriquer l'une dans l'autre, même si, en fonction
des contextes psychosociaux, il peut être observé une majoration de l'une sur
l'autre.
132. BROCHU S., BRUNELLE N. – Toxicomanie et délinquance. Une question de style de vie, Psychotropes, 1997, 4, pp.107-125.
133. AQUATIAS S. et Coll. – L'usage dur des drogues douces. Recherche sur la consommation de cannabis dans la banlieue parisienne. Délégation Générale de Lutte contre les Drogues et la Toxicomanie, Ministère de l'Education supérieure et de la Recherche, Paris, Grass/Iresco, 1997, 186 p.
134. GUICHARD A. et Coll. – Tensions sociales et usages de drogues. Une étude chez des jeunes incarcérés , Psychotropes, 2002, vol.8, n°1, pp.43-63.
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Toutefois, il est fréquemment relevé qu'une conduite délinquante
juvénile soit associée, au minimum, à une consommation abusive d'alcool. De
même, une conduite toxicomaniaque juvénile, par définition délictueuse, se
trouve nécessairement majorée, à terme, par des comportements délinquants.
La violence extériorisée comme la violence contenue par la prise de drogues,
relèvent toutes deux du rapport à la limite et procèdent d'une dynamique
inconsciente commune qui est celle d'un lien objectal barré 135.
La prise en charge de ces adolescents difficiles passera donc par
l'aménagement de l'espace et l'établissement d'un cadre formé d'un réseau
relationnel intense et dynamique. Nous aurons l'occasion d'aborder les
déterminants de cette prise en charge dans la troisième partie.
III. Le dispositif éducatif en question
L'ordonnance du 1er septembre 1945 crée la direction de l'Education
Surveillée 136, détachée de l'administration pénitentiaire. En 1990, elle devient la
Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Ses missions portent sur la prise en
charge des mineurs en danger au titre de l'assistance éducative, sur le suivi des
mesures éducatives ou des sanctions pénales décidées par le Juge des Enfants, à
l'égard des mineurs.
La Protection Judiciaire de la Jeunesse implantée dans chaque département,
dispose de structures diversifiées : les Services Educatifs Auprès des Tribunaux
(SEAT) 137, les Foyers d'Action Educative (FAE) 138, les Centres Educatifs Renforcés
(CER) 139, les Centres de Placement Immédiat (CPI) 140 et bientôt les Centres
Educatifs Fermés (CEF) 141. La PJJ comprend un secteur public 142 qui prend en
charge toutes les mesures, tant au pénal qu'au civil, pour les mineurs et les jeunes
majeurs âgés entre 18 et 21 ans. Elle comprend aussi un secteur associatif habilité
justice qui prend en charge toutes les mesures au civil et n'effectue au pénal que les
placements et les réparations. 135. MIEL C. – La toxicomanie ou la quête impossible de l'objet , Psychotropes, vol. 8, n°1, 2002, pp. 7-21. 136. Elle est chargée, dans le cadre d'Institutions Publiques d'Educations Surveillée (IPES) d'assurer une formation professionnelle aux mineurs.
En 1970 sont créés les Foyers d'Action Educative et les Services d'Orientation Educative. En 1972, les IPES deviennent des Institutions Spéciales de l'Education Surveillée (ISES).
137. Ils sont rattachés auprès des tribunaux pour enfants. Ils orientent les mineurs délinquants déférés, proposent des solutions éducatives aux magistrats, assurent le suivi des mineurs incarcérés et exécutent les mesures de liberté surveillée, de contrôle judiciaire, de travail d'intérêt général, de réparation.
138. Ils disposent d'une capacité d'accueil de 12 places. Lorsque l'hébergement collectif n'est pas adapté aux mineurs, ils apportent une réponse individualisée (famille d'accueil) s'inscrivant, le cas échéant, dans un projet d'autonomisation (studio, Foyer de Jeunes Travailleurs).
139. Ils prennent en charge des mineurs délinquants, au cours de sessions de 3 mois, dans le cadre de projets de rupture. 140. En 2003, ils sont au nombre de 100 (62 ouverts, 15 en cours, 16 à l'étude) et accueillent des mineurs en grande difficulté en vu d'établir un
projet éducatif à long terme. 141. Créés récemment dans la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, ils visent à accueillir des mineurs délinquants multirécidivistes, faisant
l'objet d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve. L'hébergement est prévu pour 6 mois à 1 an, avec un projet de scolarisation et de formation professionnelle et un accompagnement psycho-éducatif.
142. Le secteur public comprend 470 établissements et le secteur associatif 1 100 établissements et services habilités justice.
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1. L'articulation du secteur éducatif et du secteur judiciaire
1a. Des modes de gestion du temps différents
La circulaire du 15 juillet 1998 insiste sur la nécessité d'apporter une
réponse judiciaire aux premiers faits de délinquance et d'associer les familles
et l'ensemble des acteurs concernés par la délinquance des mineurs. La
circulaire fait obligation aux magistrats de convoquer les parents, même
quand ils sont séparés et leur rappelle la possibilité de poursuites judiciaires à
leur encontre, s'ils ne se présentent pas.
La circulaire du 24 février 1999 invite les actions de la PJJ à repenser
les modes d'intervention dans les sens d'un accompagnement plus soutenu, à
favoriser les échanges autour des pratiques professionnelles avec les autres
partenaires institutionnels. Ce travail en partenariat s'établit autour de trois
thèmes principaux : la scolarisation 143, le soutien des familles dans l'exercice
de leurs responsabilités 144 et la santé des mineurs 145.
Le délai d'exécution des mesures 146 ne prend pas sens pour le mineur
concerné et s'apparente, dans certains cas, à un déni de justice quand elles
mettent plusieurs mois à être réalisées 147. L'impact éducatif de la sanction
judiciaire perd en crédibilité en même temps que le décalage dans le temps
augmente le risque potentiel de récidives du côté des mineurs. La tendance à
la judiciarisation des faits – certains pouvant relever d'une protection
administrative – comme les retards pris dans une décision de justice à l'égard
de mineurs bénéficiant d'une liberté surveillée préjudicielle, accroissent la
surcharge de travail des services éducatifs. Les délais d'exécution relatés sont
producteurs de non-sens chez un mineur, dès lors que le décalage entre la
parole judiciaire et l'acte éducatif est important. Ils ne font que reproduire un
mode de fonctionnement qui existe dans son environnement immédiat,
marqué souvent par l'incohérence éducative.
143. Une recherche sur les processus de déscolarisation des moins de 16 ans est engagée. Des échanges ont lieu autour d'expériences de
classes relais qui ont pour objectif la réintégration dans le système scolaire de jeunes adolescents qui en sont exclus par leurs troubles comportement.
144. Il passe par la participation à la mise en place de groupes de paroles de parents, dans le cadre du réseau d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents tel que le définit la circulaire du 9 mars 1999 du Ministre de l'emploi et de la solidarité.
145. Un pôle santé est constitué au sein de la PJJ avec pour objectif, la mobilisation des services autour de l'inscription dans les politiques publiques de santé, la prise en compte de la santé dans le travail éducatif et la promotion d'un travail clinique.
146. En 2000, 7500 mesures étaient en attente et le délai moyen d'exécution était de 51 jours, variable selon la nature de la mesure. L'indication d'un délai moyen ne rend pas compte de la variabilité existant dans les délais d'exécution des mesures pouvant s'étaler sur plusieurs mois pour un sursis avec mise à l'épreuve. Les mesures en attente d'exécution varient aussi selon les départements.
147. La circulaire du 8 mars 2002 qui institue la mise en place d'une commission spécialisée pour la justice des mineurs dans le cadre des cellules justice-ville créées en 1991, invite les différents services relevant du ministère de la justice, s'agissant du milieu ouvert, "de traiter le sujet des mesures en attente lorsqu'elles existent et des délais de prise en charge, de modalité de travail entre le magistrat mandant et le service d'exécution de certaines mesures (exemple : le contrôle judiciaire), de la politique de développement des mesures de réparation et de TIG".
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1b. L'action éducative à repenser
Les conduites addictives (alcool, drogues) et les conduites à risque
(jeux dangereux, tentatives de suicide) imprègnent de plus en plus le
comportement délinquant, dans notre société de consommation. L'incapacité
à différer la satisfaction, l'intolérance à la frustration, au délai, à l'attente,
caractéristiques d'un mode de fonctionnement du "tout, tout de suite", sont
manifestes et préfigurent le fonctionnement toxicomaniaque. Rien ne saurait
mettre fin au "désir" qui l'assaille, si ce n'est le passage à l'acte qui réalise en
retour l'écrasement de la dimension du désir, le court-circuitage de la pensée.
Dans la continuité délinquante toxicomaniaque, l'objet consommé ne
répond plus à un besoin mais à un acte de consommation dans le fait de
posséder ou d'absorber sans recul critique. Face à une société de l'excès, de
la dépense, du déchet – sorte de mère trop présente, trop envahissante –
l'adolescent ramène son désir à un besoin de consommer. Il ne parvient pas à
différer la satisfaction, à faire l'expérience du manque qui lui permettrait de
procéder à un travail de mentalisation psychique de son angoisse.
Il importe dès lors en matière d’hébergement, comme le préconise le
rapport CIRESE 148 de recourir à la fonction structurante d’un projet d’activités
proposé aux mineurs placés. Le rapport insiste sur l’intérêt de la
” coproduction ” de la vie quotidienne entre adultes et mineurs.
Ainsi, la prise en compte des conduites de violence des mineurs
délinquants nécessite de recourir à l'innovation dans le dispositif de prise en
charge et dans la relation éducative. Cette démarche s'opère notamment avec
la mise en place des Centres éducatifs Renforcés.
. 2. Les Centres Educatifs Renforcés : une réponse éducative à la prise
en charge de mineurs délinquants multirécidivistes.
La mise en place de ce nouveau dispositif rencontre dès le début de
nombreuses réticences. Elles questionnent ce mode de prise en charge
éducatif comme la prédominance du judiciaire sur l'éducatif. Ce dispositif
s'inscrit dans le même temps, au cœur du débat sur le mode de traitement de
la délinquance juvénile, oscillant entre le répressif et l'éducatif.
148. CAUQUIL G. (sous la direction de), Evaluation des dispositifs PJJ de prise en charge des mineurs multirécidivistes ou en grande difficulté, Rapport du cabinet CIRESE, janvier 2001, 60p. Ce rapport a été demandé par le Conseil de Sécurité intérieure du 31 janvier 2002, pour évaluer le programme lancé en 1998-1999 des CPI, CER et des centres de jour.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
2a. Les modes de fonctionnement institutionnel et les pratiques
éducatives en question
Ce public de mineurs délinquants multirécidivistes, en grande difficulté
psychologique et sociale, fait échec aux prises en charge psychiatriques,
psychologiques, éducatives ou judiciaires. Il n’est pas nouveau et les
réponses apportées en terme d’incarcérations ou de placement psychiatrique
ne sont pas satisfaisantes 149. Un rapprochement entre le secteur
psychiatrique et la PJJ a été préconisé par les ministères concernés afin de
répondre de façon plus appropriée aux spécificités de ce public 150.
Ce questionnement sur l’articulation entre la santé et l’éducatif sous
mandat judiciaire devient un thème prédominant 151. Le rapport ALECIAN
préconise une complémentarité des compétences entre services éducatifs et
psychiatriques, entre le pédagogique et la clinique. Il s’agit de dépasser les
clivages relationnels, institutionnels et sociaux en intervenant sur une “ zone
commune de transversalité qui va soutenir chacune de ces pratiques ” 152.
Celle-ci est délimitée par certaines données telles que la prise en compte de
la conflictualité comme condition indispensable au travail éducatif et clinique
et la préservation de la continuité des pensées face aux ruptures engendrées
par le jugement et le placement. La fonction de ” passeur ” de l’éducateur
dans son rapport avec les autres professionnels, l’incidence des mouvements
de personnes dans les institutions, la prise en compte du travail de la pulsion
de mort dans la compréhension des comportements, la guidance parentale y
sont aussi soulignées.
Du comité de pilotage animé par le docteur Patrick ALECIAN est issu
un groupe de recherche action portant sur les pratiques éducatives. L’accent
est mis sur la notion de clinique éducative. Il s’agit d’aller vers le jeune pour
l’aider à exprimer sa souffrance sur un mode individuel ou groupal et de se
démarquer d’une ” conception de la relation éducative comme une relation de
service à la personne afin de réamorcer, de l’échange, du lien, de la socialité,
de la reconnaissance ” 153.
149. Un rapport remis au Garde des Sceaux en 1974 (MOLINES M. Les mineurs difficiles ) soulignait déjà la particularité de c e public et les
modes de réponse inadaptés. D’autres études mettaient l’accent sur leurs conduites de violence (BAILLEAU F. Mineurs délinquants et fonctionnement judiciaire, Paris : Ministère de la Justice, 1986) et leur capacité à mettre en échec les structures de prise en charge (TANTI A. ABADI M., ANDRIEU R., L’insertion des adolescents en difficulté, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale des services et Commissariat général au plan, Paris : La Documentation française, 1993).
150. Circulaire du ministère de la solidarité, de la santé et de la protection sociale du 14 mars 1990, relative aux orientations de la politique de santé mentale. Circulaire n° 70 du 11 décembre 1992 de la Direction générale de la santé relative aux orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants et adolescents. Circulaire d’orientation relative à la protection judiciaire de la jeunesse, NOR JUS F 99 500 35 C du 24 février 1999.
151. La prise en charge des mineurs en grande difficulté, Actes du Séminaire santé-justice du 25 et 26 mai 2000. 152. ALECIAN P., Proposition clinique pour les mineurs auteurs d’agressions ou de violences , rapport DPJJ, août 2002, 53 p, p.20.
153. LAVAL C. Des pratiques éducatives de santé mentale dans le champ de la PJJ, Lyon : Orspere, mai 2002, 88 p, p.68.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
L’intérêt de réintroduire le jeune dans la circularité du don, par une
participation à des activités à caractère social ou humanitaire est évoqué,
comme de réintroduire le jeune dans une filiation, par une reconnaissance
mutuelle.
Certaines des propositions exposées ci-dessus sont déjà mises en
application dans le Centre de Soins que je dirige. Il en est du dépassement du
clivage relationnel (éducateur/psychologue), institutionnel (santé/social),
comme de la réintroduction du conflit dans la relation au toxicomane, au
travers du rappel du cadre. La réactivation des processus de pensée est une
préoccupation constante pour prévenir le passage à l’acte, contenir le travail
de la pulsion de mort. Enfin, au ” tout, tout de suite ” du toxicomane, il lui est
opposé l’obligation de faire correspondre ses actes et ses intentions, de
témoigner régulièrement de sa motivation à s’insérer socialement.
Ce mode de prise en charge qui inspirera le projet de CER exposé
dans la troisième partie, s’inscrit dans une perspective plus large de partage
des problématiques et des frontières institutionnelles. La référence à l’origine
des financements, aux compétences internes, à la spécificité du public ne
doivent pas constituer une ligne défensive tendant à évincer la prise en
compte de problématiques associées comme l’alcoolisme et la délinquance
sexuelle. Il importe d’avoir toujours à l’esprit que les professionnels
n’interviennent pas sur un public mais sur les problématiques qu’ils
rencontrent. Le fait de travailler dans d’autres conditions permet de se
confronter à de nouvelles limites et “ la nécessaire segmentation de nos
institutions ne doit pas devenir une segmentation de notre pensée et de notre
préoccupation pour les problématiques ” 154.
Au-delà d’un questionnement sur les pratiques éducatives, se pose la
nécessité d’une redécouverte du temps de l’hébergement comme “ celui de
l’apprentissage de la citoyenneté, de la vie sociale au sein de la communauté
de vie du jeune ” 155, d’une redécouverte d’une pédagogie du ” vivre avec ”. La
revalorisation de l’internat passe par une gestion des ressources humaines,
en terme de recrutement, de formation et de soutien technique aux équipes
éducatives.
154. BARBE L. Quoi de neuf aux frontières ? Lille, COPAS, décembre 1999, n° 21, 16 p, p.7. 155. Groupe de réflexion nationale sur l’hébergement DPJJ, Contribution à la réflexion sur les pratiques professionnelles dans les établissements
éducatifs du secteur public et du secteur associatif habilité justice, décembre 1998, 45 p, p.8.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
La désaffection des éducateurs pour l’hébergement traditionnel est
soulignée par une commission d’enquête parlementaire 156 qui dénonce le
manque de places, la sous-utilisation des structures, la faiblesse de la
présence éducative.
Les constats sur l’encadrement éducatif en hébergement dans
l’Education surveillée, ne sont pas nouveaux. Ils se juxtaposent à l’observation
de comportements délinquants marqués par un rajeunissement et une
violence accrue. Ils sont venus réinterroger les options prises dans les années
80 de supprimer les quartiers pour mineurs gérés par l’Education surveillée au
profit d’une prise en charge traditionnelle, dans un cadre
pluridisciplinaire.Toutefois, la réflexion autour de l’élaboration de modes de
réponse adaptés à ce type de public s’est poursuivie et les idées émises ont
été formalisées par la création des Unités à Encadrement Educatif Renforcé
(UEER) 157.
2b. Une maturation du dispositif
Les premiers UEER 158 ouvrent en 1996. Les projets éducatifs
reposent sur :
- l'instauration de lieux de vie proches du cadre familial afin de
permettre aux mineurs d'expérimenter un mode de relation
éducative plus structurant.
- l'immersion dans des conditions de vie difficiles (en mer, en
montagne, dans le désert africain) afin de les amener à mobiliser
leurs ressources personnelles, dans une meilleure prise en charge
de leurs conditions physiques et de leur nécessaire adaptation au
milieu environnant.
- la pratique de sports à risque, dans une perspective de perception
du danger, de confrontation aux limites corporelles et de mise en
place de mécanismes de protection.
156. CARLE J.J., SCHOSTEK J.P., Délinquance des mineurs : la République en quête de respect, p.98. cette désaffection des professionnels,
comme, l’inadaptation de l’hébergement traditionnel aux cas lourds, étaient déjà évoqués dans le rapport sur les UEER des Inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires et de l’administration, janvier 1998.
157. BLATIER C., CHAUTANT C. Mineurs délinquants aux limites de la prise en charge, Paris, Bulletin de psychologie, mai-juin 1999, Tome 52(3), 441, pp.321-328, p.324.
158. La loi du 14 novembre 1996 dite "Pacte de relance pour la ville" lance le programme de création des U.E.E.R.
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Dans les premiers temps, des difficultés d'installation et de mise en
route s'observent. Peu de mesures judiciaires de placement sont adressées
mais le public orienté correspond au profil préalablement défini de mineurs
délinquants récidivistes, aux conduites souvent violentes 159.
En 1998, le gouvernement décide de poursuivre l'expérience des
UEER sous le nom de Centres Educatifs Renforcés (CER) 160.Le cahier des
charges des CER 161 définit les modalités d'une prise en charge éducative
contenante, dans le cadre de sessions de 3 mois articulées autour de la
notion d'idée de rupture. Une présence éducative resserrée, deux éducateurs
en permanence la journée pour un groupe de six jeunes et une présence
éducative la nuit, sont prévues. Il est rappelé que le fonctionnement des CER
doit s'inscrire dans un tissu partenarial, au sein d'un dispositif départemental.
Le montant du budget de fonctionnement alloué initialement 162 est aujourd'hui
majoré. Il tient compte de l'augmentation des charges de fonctionnement, de
la masse salariale, de la mise en place de la loi sur les 35 heures et de
modalités spécifiques (astreintes, indemnités).
Le fonctionnement par session est d'emblée critiqué par le personnel
éducatif de la PJJ. Il induit une répartition discontinue du temps de travail en
raison de l'activité intense au cours des sessions et de la nécessité de la prise
des congés, des jours de RTT et des jours de récupération 163, sur plusieurs
semaines. La brièveté des prises en charge éducative est aussi dénoncée et
pose la question du maintien à long terme des changements qui ont pu être
réalisés dans le comportement du jeune. L'inscription relative des CER dans
un réseau partenarial renforce cette perception et pose la question du devenir
des jeunes à la sortie, si des relais avec d'autres structures ne sont pas mis
en place.
L'implantation des CER fait aujourd'hui partie de la palette de réponses
éducatives possibles à la délinquance juvénile 164.
159. A fin décembre 1997, le dispositif a pris en charge 167 jeunes pour une capacité d'accueil de 65 places (secteur public et associatif)
réparties entre 17 UEER fonctionnant par session de 3 mois. Le faible nombre de mesures prononcées à cette période tient davantage d'une méconnaissance du dispositif par les magistrats, comme le souligne le rapport CIRESE d'octobre 1997 (Evaluation des premières UEER, synthèse de six études monographiques, 35 p. et GAGNEUX M., FELTZ F., LANGLAIS J.L, Rapport sur les UEER et leur rapport à l’hébergement des mineurs délinquants, Paris, Inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires, de l’administration, janvier 1998, 92 p.
160. En juillet 2001, 47 CER sont en activité, 37 relèvent du secteur associatif et au cours de l'année 2001, 520 mineurs sont accueillis. Les CER fonctionnant par sessions, le taux d'occupation est de 90 % en moyenne.
161. Voir en annexe. 162. En 1999, il est de 2 800 000 Frs (430 770 €) pour un encadrement de 7,5 ETP, ce qui fait un prix de journée de 1 278 Frs (196,60 €). 163. Les jours de RTT correspondent aux journées de réduction du temps de travail telles que définies dans la loi n° 98-461du 13 juin 1998
d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail.
164. ” En 2002, 57 CER fonctionnent (dont 9 relevant directement de la PJJ), 17 étaient en cours d’ouverture et 24 en cours de montage. Trois avaient été fermés en 1997, trois autres l’année suivante et deux en 2001 ” (TREMETIN J. Les CER dans la confusion, Lien social, 3 juillet 2003, n° 672, pp.4-8, p.5.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Les CER “ structurent les jeunes par la réalisation des équipes
pédagogiques pluridisciplinaires associant les compétences techniques
fondées sur le faire, l’agir plutôt que sur la communication, la verbalisation et
le conseil ” 165.
La fonction structurante du projet, le séjour de rupture, le respect des
règles de vie en collectivité, le ” faire avec ”, la présence éducative dans sa
capacité à instaurer des limites, constituent des notions fondamentales.Ces
structures constituent en outre un lieu d'expérimentation de pratiques
éducatives comme une redécouverte des fondements de l'action éducative en
hébergement 166.
L’ordonnance de 1945 a bénéficié de nombreux aménagements, en fonction
de l’évolution de la société et des conduites délinquantes. Des rapprochements entre
secteurs jusque-là cloisonnés, comme le judiciaire et l’éducatif, la santé et l’éducatif,
s’avèrent aujourd’hui indispensables et s’effectuent en terme de complémentarité.
Des modes de réponse éducative appropriés ont vu le jour avec la mise en
place des CER. S’ils apparaissent comme une rédécouverte de fondamentaux dans
l’action éducative, ils bénéficient d’une réflexion psychopathologique et pédagogique
plus approfondie pouvant davantage mettre en exergue leur action sur les conduites
des jeunes. Ils présentent aussi l’avantage de redonner à l’action éducative, une
fonction essentielle dans l’insertion sociale des mineurs délinquants, par la mise en
application d’outils pédagogiques opérationnels.
Le développement de la conduite délinquante, associée à la consommation de
produits psychoactifs, nécessite l’élaboration d’un projet de prise en charge
appropriée 167 pour un public qui cumule les handicaps, comme le préconise le
rapport sur les UEER de janvier 1998.La troisième partie de ce mémoire sera
consacrée à l’exposé de ce projet.
165. CAUQUIL G. et coll. Evaluation des dispositifs PJJ de prise en charge des mineurs multirécidivistes ou en grande difficulté, CIRESE, janvier
2002, 60p, p.17. 166. La DRPJJ Lorraine-Champagne-Ardennes et le Pôle Territorial de Formation de Nancy organisaient le 21 mars 2002, une journée
d’animation sur le dispositif pédagogique en CER, Manuel PALACIO, Chef de bureau des méthodes et de l’action éducative, Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, apportait les précisions suivantes : ” les principes éducatifs qui régissent ce type de prise en charge et de séjour de rupture ouvrent de nouvelles perspectives éducatives qui se différencient des modèles classiques de l’éducation spécialisée structurée dans les années 70-80 (souvent fondées sur l’adhésion et le contrat) ; ces principes éducatifs de l’éducation renforcée commencent à être transférés sur quelques autres dispositifs d’hébergement, FAE (Foyer d’Action Educative) ou CPI (Centre de Placement Immédiat) par exemple. Il conviendrait de généraliser les principes de l’éducation renforcée dans le cadre d’une spécialisation professionnelle (intitulée ” éducation sous justice”) qui permettrait à l’issue d’un tronc commun de formation initiale, de former les futurs intervenants de l’éducation renforcée ” (CER : entre bilan et projets, Le Colporteur, février 2003, n° 446, 3-6, p.6.)
167. Le rapport sur les UEER de janvier 1998 soulignait la nécessité d’une réponse adaptée à ce public : ” La plupart des UEER, à l’instar de ce qui se pratique, sous réserve de quelques exceptions, dans l’ensemble des établissements d’hébergement, refusent d’admettre les jeunes délinquants toxicomanes, estimant à juste titre que ces derniers ont besoin d’une prise en charge spécifique pour laquelle elles ne sont pas armées. Le problème reste donc entier pour cette catégorie de jeunes dont le nombre semble aller croissant ” (ibid, p.25.).
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
D. PROJET DE CENTRE EDUCATIF RENFORCE
A VERSANT ADDICTIF
I. Un contenant institutionnel à potentialité émergente
Le contexte organisationnel sera exposé dans un premier temps. Il prendra en
compte le fonctionnement associatif et la réglementation liée à la législation du
travail, au fonctionnement institutionnel et à l’accueil des usagers. Le contenu du
projet relatif aux modalités de prise en charge éducative et psychothérapique des
jeunes accueillis sera exposé dans un deuxième temps.
1. La mise en place du projet
1a. Les préliminaires
Le Conseil d’Administration de l’association, dans sa réunion du 24
octobre 2001, m’a mandaté pour la réalisation d’un projet pédagogique,
technique et financier de Centre Educatif Renforcé. L’année 2002 a été
consacrée à la rédaction de ce projet, émaillée de rencontres avec des
professionnels du CER Oxygène implanté à Raismes. Au fur et à mesure de
l’avancement du projet, celui-ci a été présenté aux administrateurs de
l’association et à des interlocuteurs de la DPJJ et de la DRPJJ. L’avis des
magistrats du département a été sollicité, avant sa présentation au Comité de
pilotage national des CER, à la direction nationale de la PJJ, les 16 décembre
2002 et 30 janvier 2003. Un deuxième passage s’est avéré nécessaire, les
membres du comité souhaitant un développement plus explicite des
techniques thérapeutiques et de l’articulation entre le thérapeutique et
l’éducatif. Le projet a été présenté le 18 mars, lors de la réunion régionale des
CER. L’arrêté d’autorisation d’ouverture du CER a été adressé à l’association
le 18 mars 2003.
Dans le même temps, une demeure suffisamment spacieuse est
trouvée sur la commune de Molinghem, à 20 kilomètres de Saint-Omer, en
vue de son acquisition pour la réalisation du projet.
1b. Les éléments administratifs et budgétaires
à Les délibérations de l’Assemblée Générale
L’association, lors de son Assemblée Générale extraordinaire du 5
avril 2003, opte pour une nouvelle dénomination et s’intitule désormais
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
ABCD, Aides, Soins et Prises en charge. Elle étend ses missions, en insérant
dans l’article 2 de ses statuts, les modifications suivantes : ” par extension et
compte tenu de l’évolution significative des besoins de la société,
l’association s’autorise à créer et à gérer toute structure prenant en charge
des mineurs ou majeurs présentant des conduites déviantes et/ou addictives,
se traduisant par des troubles de la conduite et du comportement. A ce titre,
les établissements peuvent être habilités Justice ”.
L’Assemblée Générale Extraordinaire donne l’autorisation au Président
de contracter les emprunts nécessaires pour la réalisation de l’opération
d’implantation du CER.
à les démarches diverses relatives au local
Le Président et les membres du bureau de l’association rencontrent les
élus locaux afin de leur présenter le projet et de solliciter leur adhésion pour
son implantation sur le secteur.Un compromis de vente de l’immeuble, sous
seing privé, est signé par le Président, le 14 avril, pour un montant principal
de 270 000 €, auxquels s’associent des frais notariaux à hauteur de 27 000 €.
La signature de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente doit
être réalisée avant le 6 septembre. Un prêt couvrant la totalité de l’opération
est sollicité auprès d’un établissement bancaire, avec un taux d’intérêt de 5 %
hors assurances, sur une durée minimale de 20 ans, l’accord d’obtention du
prêt devant intervenir avant le 15 juin.
L’immeuble est construit sur une superficie de 5800 m². Il ne présente
pas de servitude et il n’est pas observé d’éléments particuliers pouvant en
compromettre l’usage, sur le plan d’occupation des sols. Il comprend au rez-
de-chaussée, une cuisine, un salon-séjour, une lingerie, une buanderie, un
coin bibliothèque, un bureau, une salle de bains et WC et 4 chambres. Au
premier étage, il comprend une salle de bains, 3 chambres et une grande
salle de jeux.
L’immeuble entre dans le champ d’application du deuxième alinéa de
l’article 1 du décret n°96-97 du 7 février 1996 modifié 168, comme ayant été
bâti en vertu d’un permis de construire délivré avant le 1er juillet 1997.
168. L’article 2 du décret n° 96-97 du 7 février 1996 indique notamment que ” les propriétaires des immeubles mentionnés au premier
alinéa de l’article 1er doivent rechercher la présence de flocages contenant de l’amiante dans les immeubles construits avant le 1er
janvier 1980. Ils doivent également rechercher la présence de calorifugeages contenant de l’amiante dans les immeubles construits avant le 29 juillet 1996 et la présence de faux-plafonds contenant de l’amiante dans les immeubles construits avant le 1er juillet 1997.”
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Conformément aux dispositions des articles L.1334-7 du Code de la Santé
publique et 10-1 du décret du 7 février 1996, un constat précisant l’absence
de matériaux et produits contenant de l’amiante, est fourni par le propriétaire.
Des travaux de mise en conformité de l’installation électrique sont
prévus, de même que la pose de bloc porte coupe feu. Le certificat de
conformité sera délivré par la Commission de sécurité sera délivré avant
l’ouverture du centre.
à les assurances
Le Centre de Soins dispose actuellement d’une assurance pour couvrir
les risques liés à l’utilisation de ses locaux. Le montant de la prime sera
réévalué prenant en compte l’occupation de cet immeuble. De même, le
Centre de Soins souscrit pour ses services un contrat de responsabilité civile
qui sera étendu à cette nouvelle activité.
à le passage en CROSS
Un agrément d’habilitation est sollicité en septembre 2003 à l’occasion
de la présentation du projet aux membres du CROSS.
à l’habilitation Justice
Elle est délivrée par le Préfet, en même temps que l’autorisation
d’ouverture du CER, après instruction du dossier par le directeur régional de
la PJJ 169.
à les données budgétaires
Le budget de fonctionnement établi dans le cadre des accords
conventionnels CHRS-SOP s’élève à 725 799 € sur la base d’un nombre de
journées théorique de 2190 et le budget d’investissement s’élève à 474 722 €
(cf. annexe 3).
La masse salariale correspond à 61 % du budget global, pour un
personnel réparti sur 11 ETP. Des astreintes sont prévues pour le directeur
du Centre de Soins et le chef de service 170 et une prime de 40 points par
mois pour les personnels éducatifs et de surveillance de nuit 171.
169. La procédure d’habilitation régie par le décret n° 88-949 du 6 octobre 1988 a été simplifiée, suite à la Circulaire CRIM 2002-05 D
26/02/02 du Ministère de la Justice portant sur sa politique associative. Elle est accordée pour 5 ans. 170. Selon un accord 2002 de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale privée à but non lucratif, l’indemnité d’astreinte s’élève à 260
€ bruts par période de 6 jours consécutifs d’astreinte. Il ne peut être effectué, par salarié, plus de 26 périodes de 6 jours consécutifs d’astreintes dans l’année, en dehors des congés légaux, conventionnels et des jours RTT.
171. Cette prime est octroyée à l’instar de celle prévue dans l’avenant n° 268 à la Convention collective du 15 mars 1966, signée le 27 juin 2000 entre la fédération employeurs et la FNAS-FO et les autres syndicats signataires de la CCG qui les ont rejoints.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Le financement est assuré par le Ministère de la Justice, sur la base du
règlement du nombre de journées de jeunes accueillis (le prix de journée
s’élève, pour ce projet, à 331.41 €). Etant donné le délai de 45 jours observé,
dans le règlement des prix de journées, l’association prévoit de solliciter une
avance de trésorerie auprès du Ministère de la Justice.
à le démarrage du projet
L’ouverture du CER est prévue pour le 1er octobre 2003 avec
embauche préalable au 1er septembre, du chef de service et de la secrétaire.
Le budget de fonctionnement pour 2003 s’élève donc à 182 938,32 € (cf.
annexe 3) sur la base d’un nombre de journées théorique de 552.
2. Les grands axes organisationnels
2a. La composition du personnel
à Le personnel est constitué :
- d’un chef de service
Il est chargé de la réalisation du projet pédagogique, de l’animation de
l’équipe encadrante, de la gestion des horaires, de l’entretien des locaux. Il
dépend hiérarchiquement du directeur du Centre de Soins, se trouve associé
à la réalisation du budget prévisionnel et ordonne les dépenses liées au
budget de fonctionnement.
Il est en contact avec les juges pour enfants pour les placements et
les services de la PJJ et assure la coordination avec les divers partenaires
pour préparer la sortie.
- de 4 éducateurs spécialisés, 3 moniteurs-éducateurs et un
éducateur technique à temps plein, qui assurent l’accompagnement éducatif
et l’animation des activités prévues depuis le lever jusqu’au coucher, avec une
présence éducative la nuit. L’éducateur technique assure en outre la
responsabilité technique de l’activité fermière, de l’élevage et des petits
travaux d’entretien des locaux. Les jeunes devront être associés,
responsabilisés dans toute intervention relative à la gestion des tâches de la
vie quotidienne et à l’animation du lieu de vie.
- d’un éducateur sportif à temps plein, intervenant au niveau de la
gestion du groupe mais aussi de tout ce qui a trait à l’animation sportive à
l’intérieur de Centre et en liaison avec des structures sportives extérieures.
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- d’une secrétaire-comptable à mi-temps qui assurera la gestion des
appels téléphoniques, la frappe des courriers, des comptes-rendus divers
(bilans, réunions, rapport d’activité, etc) et le traitement des opérations
comptables.
- de 3 psychologues, dont :
* un psychologue (11h30/semaine) qui utilise les techniques
psychocorporelles en groupe. Il assure en amont, un
accompagnement relationnel visant à préparer les jeunes aux
séances psychocorporelles et en aval, un accompagnement
psychologique, à des fins de contention et de métabolisation de
l’activité professionnelle.
* un psychologue (5h/semaine) qui utilise les techniques cognitivo-
comportementales, dans un soutien psychologique au
quotidien, en vu d’élaborer un projet d’insertion sociale. Il est
par ailleurs chargé de la mise en place d’une procédure
d’évaluation des prises en charge éducatives.
* un psychologue (4h/mois) qui aide l’équipe à réfléchir sur ses
pratiques éducatives et à décrypter les phénomènes
relationnels transférentiels et contre transférentiels.
à le recrutement
Une annonce d’offres d’emploi est diffusée dans le flash-hebdo du
CREAI (Centre Régional de l’Enfance et de l’Adolescence Inadaptée).
L’accent est mis sur la recherche de personnels qualifiés mais aussi de
professionnels disposant de compétences particulières dans des activités
sportives, artistiques, ayant une formation technique diverse, désireux
d’assurer la prise en charge de mineurs délinquants.
Les critères de sélection prennent en compte les compétences des
candidats repérés au travers de leur parcours professionnel, de leur aptitude à
s’adapter aux situations difficiles, de leur positionnement personnel dans la
relation à l’autre et dans un travail d’équipe.
Une commission de recrutement constituée du président, de trois
administrateurs et du directeur est chargée d’établir une pré-sélection des
candidatures à partir de l’étude des lettres de motivation et des curriculum
vitaë. Les candidats sont ensuite reçus en entretien, par les membres de la
commission, qui évaluent leurs potentialités sur la base d’une connaissance
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
préalable des postes à pourvoir. La commission se détermine en dernier lieu
sur les candidats à retenir.
à L’organisation technique
Une présence éducative sera assurée jour et nuit :
- deux éducateurs encadreront le groupe la journée de 8h à 14h et de
14h à 23h, du lundi au vendredi.
- un éducateur sera présent le samedi et le dimanche de 8h à 14h et
un autre de 14h à 23h, le groupe étant plus restreint le week-end.
- un éducateur différent assurera une présence la nuit de 23h à 8h du
lundi au vendredi, et de 20h à 8h les nuits de samedi et dimanche.
L’équivalence retenue en temps horaire, est de 3 heures pour 9 heures en
chambre de veille et une demi-heure par heure au-delà. La période de
présence en chambre de veille ne peut excéder 12 heures 172.
Il est opté pour la modulation du temps de travail, en raison de
variations d’activités liées à la continuité de la prise en charge des jeunes et
aux rythmes de fonctionnement du centre. Cette modulation fera l’objet d’une
concertation avec les délégués du personnel. Elle permet de déroger au
paiement des heures supplémentaires et aux règles du repos compensateur à
condition que la durée hebdomadaire ne dépasse pas 44 heures 173 et la
moyenne annuelle hebdomadaire, 35 heures. En cas de dépassement, les
heures supplémentaires seront payées ou feront l’objet de repos
compensateurs de remplacement.
Lors de la réalisation de transferts, il pourra être effectué jusqu’à 60
heures par semaine, après autorisation de l’Inspecteur du travail. La
compensation du surcroît de travail peut s’envisager sous la forme de
paiement d’heures supplémentaires avec majoration ou dans le cadre d’une
formule mixte. Cette disposition fera l’objet d’une concertation avec les
délégués du personnel, de même que les éléments relatifs à l’organisation
des transferts 174 :
- les conditions d’organisation, les finalités, la durée
- les conditions d’accueil relatives aux locaux 172. La réglementation relative aux équivalences en chambre de veille est définie par le décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001 pris
pour l’application de l’article L.212.4 du Code du travail et instituant une durée d’équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif.
173. Selon l’accord de branche sanitaire, sociale, et médico-sociale à but non lucratif visant à mettre en œuvre la création d’emplois par l’aménagement et la réduction du temps de travail, signé le 1er avril 1999 par l’UNIFED (Union des fédérations et des syndicats nationaux d’employeurs).
174. Par lettre du 10.07.1999, la Direction Générale de l’Ac tion Sociale considère que la procédure des transferts prévue par la circulaire n° 80-529, n° 8 et n° 80-350/B du 18.12.1980, doit s’appliquer aux enfants et aux adolescents accueillis à titre permanent ou en demi-internat par un établissement.
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- le nombre de salariés prévus pour l’encadrement de l’activité
extérieure, leur qualification professionnelle
- les horaires prévisionnels de travail et l’organisation des repos
hebdomadaires.
Un salarié ayant la responsabilité du séjour sera désigné et doté d’une
délégation de pouvoir.
2b. L’accompagnement du personnel
à L’animation de l’équipe et la gestion des projets individualisés
reposent sur la mise en place de temps de concertation :
- la réunion technique hebdomadaire constitue le premier maillon de ce
dispositif. Elle regroupe sous la coordination du chef de service, le
personnel de l’unité. L’échange collectif permet d’appréhender la
qualité de vie collective, sa cohérence fonctionnelle et la cohésion de
groupe. Il contribue à souligner l’adéquation des actions mises en
place par rapport aux objectifs éducatifs poursuivis et les
réajustements nécessaires. Les informations apportées par les
membres du groupe et retranscrites dans les différents documents
(fiches de faits marquants, grille d’observation, cahier de bord) sont
synthétisées dans un écrit rédigé par l’éducateur référent. Cet écrit sert
à la rédaction du rapport de fin de prise en charge adressé au Juge
des enfants.
- le bilan mensuel individualisé qui s’effectue en présence du chef de
service, de l’éducateur référent du centre, du jeune et de l’éducateur
référent PJJ qui a demandé son admission. Ce bilan aide le jeune à la
prise de conscience de ses comportements et de son évolution dans la
structure, par un renvoi des observations faites par l’équipe. Le jeune
est associé à la compréhension du sens qui se dégage de ses
comportements et de son parcours de vie. Il est invité à s’exprimer sur
ses difficultés d’intégration des règles de la vie quotidienne et
d’insertion dans le groupe. Ce bilan est construit sur un mode
participatif.
- la réunion bi-hebdomadaire de réflexion sur les pratiques éducatives.
Elle concerne l’équipe éducative et le chef de service. Elle est animée
par un psychologue de formation psychanalytique et interroge les
modes relationnels établis avec les jeunes, les types d’intervention, les
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
positionnements individuels, les limites de chacun dans sa capacité à
gérer les tensions relationnelles, la cohésion de l’équipe.
à la gestion de la violence
Le fonctionnement d’une institution accueillant des jeunes doit
permettre d’éviter la violence, dès lors qu’il prend en compte un certain
nombre d’éléments. Ceux-ci portent notamment sur la nécessité d’un travail
d’équipe et de partenariat, la référence commune dans la définition et les
modalités d’application des règles, la responsabilité partagée des espaces
communs, les attitudes d’entraide, les espaces de parole et les rituels
collectifs, autant d’éléments qui définissent un contenant tel qu’il sera exposé
dans le projet pédagogique et thérapeutique. L’introduction du droit dans le
fonctionnement institutionnel est aussi une donnée fondamentale, rappelée
par la loi du 2 janvier 2002. Elle sera évoquée dans le chapitre sur les droits
des usagers.
Au-delà du fonctionnement institutionnel, il importe pour chaque
membre de l’équipe éducative, de changer son regard sur le jeune et de lui
redonner une confiance en ses capacités. L’adulte doit maintenir les barrières
générationnelles. Il doit être en mesure de poser des limites, d’assurer une
autorité qui garantit la protection du groupe, dans le cadre d’un apprentissage
du vivre ensemble et d’une prise d’autonomie et de responsabilité. Enfin, il
importe que chaque professionnel travaille son rapport intime à la violence,
par une élévation de son seuil émotionnel et une meilleure analyse des
situations à risques 175.
à la gestion des capacités professionnelles
Des fiches de poste seront établies pour l’ensemble des salariés qui
seront associés à leur élaboration. Elles serviront de base objective à
l’évaluation des résultats et de la tenue du poste. Des grilles de compétence
seront aussi réalisées, afin de repérer le savoir-faire existant et les besoins
individuels et collectifs de formation.
Des entretiens annuels d’évaluation des fiches de poste et des
compétences permettront de repérer les difficultés dans la réalisation de
certains objectifs. Des solutions devront être élaborées en terme de
modification du positionnement professionnel, de changement du
fonctionnement interne, de formation ou de réorientation professionnelle.
175. LEBAILLY Ph. La violence des jeunes : comprendre et prévenir, Paris, Actualités Sociales Hebdomadaires, 2001, 144 p.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
à la formation
La note de problématique du SNASEA (Syndicat National des
Associations pour la Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte) du 25 avril 2001,
portant sur la formation des personnels des CER 176, souligne la nécessité de
constituer les compétences afin d’assurer une qualité des prises en charge,
comme d’accompagner le salarié dans l’élaboration de son itinéraire
professionnel, dans le cadre de la gestion de la formation du personnel.
Le personnel éducatif recruté en CER dispose rarement d’un niveau de
qualification reconnue. Il s’agit souvent de professionnels ayant au préalable
une formation technique (cuisinier, magasinier, maçon, etc) ou une
expérience d’animation dans le domaine sportif ou culturel. Leur parcours
personnel, parfois cahotique, semble aujourd’hui assumé 177.
Il importe, dès lors, que le fonctionnement institutionnel se présente
comme une organisation qualifiante, en développant des compétences
(gestion des conflits, des situations, apprentissage de la responsabilité, de
l’autonomie, etc), par une mobilisation des ressources stratégiques (au niveau
de l’encadrement, des partenaires) dans son environnement. En cela,
l’intervention éducative en CER devient formatrice 178 (cf. annexe 3).
Une attention particulière à la formation du personnel sera accordée.
Elle pourra s’effectuer en journées de formation intra-muros entre deux
sessions. Des professionnels seront invités à engager une formation au long
cours 179, en partie sur leur temps personnel.
II. Une prise en charge globale axée sur le corps.
La problématique fondamentale commune à un public délinquant et/ou
consommateur de produits psychoactifs est le corps, dans sa dimension
pulsionnelle et d'enveloppe contenante.
176. La note de problématique du SNASEA du 25 avril 2001 rappelle que : ” les associations qui gèrent des Centres Educatifs Renforcés
font aujourd’hui le même constat : les personnels recrutés sont à quelques exceptions près, peu ou pas qualifiés. La plupart des salariés de ces structures ont un statut de moniteur sportif, éducateur technique, éducateur en attente de formation… Certains ont tenté de mettre en place des modules de formation. Les contraintes de fonctionnement du CER ne facilitent pas l’organisation de ces modules. De surcroît, le taux de rotation des personnels reste élevé dans la plupart des centres. ” Note de problématique citée dans l’annexe 1 du Rapport d’étude de l’IRFAS (Institut de Recherche et de Formation pour les Acteurs Sociaux). BECHLER P., GEORGES F., POURPRIX B., MAZEREAU F., Quelle formation pour les personnels éducatifs des CER ?, IRFAS, juin 2002, 92p.
177. BECHLER P. et coll. Quelle formation pour les personnels éducatifs en CER ? ibid, p.23.
178. LEBAILLY Ph. La violence des jeunes : comprendre et prévenir, Paris, Actualités Sociales Hebdomadaires, 2001, 144 p. 179. La note de problématique du SNASEA du 25 avril 2001 rappelle que : ” les associations qui gèrent des Centres Educatifs Renforcés
font aujourd’hui le même constat : les personnels recrutés sont à quelques exceptions près, peu ou pas qualifiés. La plupart des salariés de ces structures ont un statut de moniteur sportif, éducateur technique, éducateur en attente de formation… Certains ont tenté de mettre en place des modules de formation. Les contraintes de fonctionnement du CER ne facilitent pas l’organisation de ces modules. De surcroît, le taux de rotation des personnels reste élevé dans la plupart des centres. ” Note de problématique citée dans l’annexe 1 du Rapport d’étude de l’IRFAS (Institut de Recherche et de Formation pour les Acteurs Sociaux). BECHLER P., GEORGES F., POURPRIX B., MAZEREAU F., Quelle formation pour les personnels éducatifs des CER ?, IRFAS, juin 2002, 92p.
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Il est mis hors de circuit au travers de conduites d'hétéro-agressivité ou
d'autodestructivité. Dès lors, le présent projet aura pour objectif de le décliner dans le
cadre d'une approche globale au niveau d'une pratique éducative au quotidien,
d'activités de socialisation et d'ouverture à la dimension culturelle, d'activités
sportives et de remédiation corporelle.
1. L'accompagnement éducatif
1a. Les conditions d'admission et de prise en charge
à les critères d'admission
La capacité d'accueil porte sur 6 mineurs délinquants, âgés entre 14 et
18 ans de sexe masculin qui ne relèvent pas d'une prise en charge collective
traditionnelle et qui nécessitent un éloignement de leur milieu d'origine. Ils
peuvent être issus de toutes régions.
Une priorité sera accordée aux mineurs présentant des conduites
addictives (alcool, drogues, usage détourné de médicaments) associées à
des conduites de violence. Le cas échéant, l'admission peut être prononcée,
même si le jeune ne témoigne pas d'une conduite manifeste de
consommation de produits psychoactifs.
à les procédures
Les jeunes sont placés dans le cadre de l'ordonnance du 2 février
1945. La demande est adressée à la structure par le Juge ou un éducateur
de la PJJ. L'équipe éducative procède à l'étude du dossier de candidature
Avant de donner sa réponse, elle s'accorde un temps d'observation du
comportement du jeune qui sera invité à passer 3 jours dans la structure.
Après accord, l'admission est immédiatement prononcée.
Un contrat de séjour présentant les règles de vie collective est
présenté au jeune à l'entrée et sa signature est requise. Le jeune est accueilli,
dès le premier jour, par l'ensemble de l'équipe qui rappelle le fonctionnement
au quotidien du centre. Il est reçu dans un second temps par le groupe des
pairs qui facilitent son intégration progressive dans le centre.
à la durée
Elle est fixée à 3 mois, dans le cadre d'un fonctionnement en continu.
Le centre ne ferme qu'un mois dans l'année pour la prise de congés du
personnel, mais reste ouvert 24 h sur 24 h le reste de l'année. La durée de
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
session de 3 mois respecte le cahier des charges (cf. annexe 3) mais les
durées des prises en charge, selon les situations individuelles, peuvent se
chevaucher afin de permettre l'intégration par les pairs. Ainsi, certaines prises
en charge peuvent durer quinze jours supplémentaires afin de permettre un
transfert d'expériences vécues auprès de nouveaux arrivants, sollicitant ainsi
leur implication et leur intégration dans le projet.
à les relations avec l'extérieur
Pendant les deux premiers mois, le mineur ne peut communiquer avec
ses proches que par courrier. Il prend connaissance du courrier reçu en
présence d'un éducateur qui l'aide, le cas échéant, à assumer les contenus
émotionnels véhiculés. Cette disposition s'inscrit dans une nécessaire mise à
distance de la problématique familiale afin de travailler autour de l'émergence
du désir propre du jeune et de l'inscrire dans un projet de vie. De même, les
appels téléphoniques ne sont pas autorisés. Cette disposition procède d'une
démarche d'immersion dans un autre milieu, en vu d'un réaménagement des
processus psychiques. Le jeune se trouve alors confronté à sa propre
problématique, soutenu par le groupe des pairs et l'équipe éducative, sans
interférences porteuses d'angoisses familiales, sentimentales, ou en rapport
avec des conduites de trafic.
1b. La pédagogie au quotidien
1b1. Le vivre ensemble
Permettre à un certain nombre de personnes confrontées à une
problématique existentielle de vivre ensemble dans un lieu donné
pendant quelques semaines, constitue en soi un temps fort.
L'appartenance à un groupe y est particulièrement soulignée et
implique la référence à des valeurs communes comme l'honnêteté, la
solidarité, la responsabilité. L'entraide y est particulièrement affirmée
dans la prise en compte de la souffrance et dans la dynamique
relationnelle au quotidien.
Le partage des tâches de la vie domestique au niveau de
l'entretien des locaux, de la confection des repas est indispensable,
comme modalité de réappropriation d'une réalité quotidienne qui leur
échappait jusque-là, comme apprentissage de la gestion d'un lieu de
vie. Il s'agit de placer les jeunes dans une position d'acteur contribuant
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
à leur restauration narcissique et à leur réinsertion sociale. Ainsi, le
lavage et le repassage des affaires personnelles seront effectués par
les résidents.
Les orientations relatives à la gestion du quotidien se prennent le
matin lors d'une réunion avec les jeunes. L'interpellation de tel ou tel
membre de l'équipe concernant sa conduite au quotidien qui ne serait
pas conforme aux règles de vie collective, est alors possible. Il reste à
celui-ci à s'expliquer et le cas échéant à changer son comportement.
Cette dynamique de groupe animée par un éducateur concernant la
gestion du quotidien, vise à des prises de conscience, au
développement des capacités de réflexion et à la gestion des tensions,
des conflits par la pensée et la parole, au lieu de recourir à des
conduites de fuite.
Il ne sera pas proposé d'activités en lien avec des apprentissages
scolaires 180 et professionnels. Ces jeunes en rupture scolaire,
s'inscrivent dans des démarches qui tendent à anesthésier leurs
processus de pensée. Il nous faut d'abord intervenir dans le
rétablissement d'un lien positif avec la pensée et la parole avant
d'envisager des apprentissages qui pourront être réalisés dans un
autre contexte, par d'autres partenaires.
A l'ordonnancement spatial se juxtapose ainsi une rythmicité
journalière définie par une alternance de tâches, d'activités, de
moments de détente, une rythmicité qui ne laisse pas de place à
l'isolement. Il s'agit de renforcer la cohésion du groupe et d'éviter que
la personne soit confrontée seule à son manque à être.
1b-2. La vie quotidienne
à l'activité fermière (jardinage, élevage)
Elle confronte aux rythmes naturels des saisons, au règne
animal, avec ses besoins propres et ses rapports de dépendance à
l'homme. Elle renvoie aussi à une rythmicité journalière, à l'alternance
de moments de tension/détente perceptibles sous l'aspect d'une
fatigue corporelle liée au travail ou d'un ressenti corporel dans une
attention portée aux sensations. 180. Les mineurs âgés de moins de 16 ans sont tenus à l’obligation scolaire. Toutefois, la plupart des mineurs admis en CER sont en
rupture de scolarité. Des contacts seront pris avec l’Inspection départementale d’académie, afin de lui présenter le projet et d’établir un partenariat avec les représentants de l’Education Nationale (Circulaire n° NOR : JUS F 99 500 35 C d’orientation relative à la PJJ, du 24 février 1999) en vu d’une réorientation, à la sortie, de certains mineurs, vers un cursus scolaire, par l’intermédiaire des classes relais (le Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 a accéléré le plan de développement des classes -relais).
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Les travaux de la ferme peuvent difficilement se planifier de
façon arbitraire. Ils sont assujettis au rythme des saisons, aux
conditions météorologiques et climatiques. Ils ne peuvent se répartir
de façon égale d'un jour sur l'autre, et qu'une réelle souplesse alliée à
une rigueur certaine est de mise.
La ferme est un espace propice pour promouvoir une hygiène
de vie. Elle constitue une activité non artificielle offerte aux résidents,
permettant une implication individuelle et une responsabilisation. Il
sera recherché un prolongement à cette activité fermière, au-delà de
la contribution à la confection des repas réalisés par les jeunes. Une
participation à l'activité d'une association, dénommée "Les jardins et
usagers de la solidarité" sera recherchée. Elle consistera à
l'approvisionnement en légumes biologiques, venant en soutien à une
dynamique associative qui lutte contre l'exclusion.
à l'élevage
Il permet de retrouver des rythmes naturels, exige de la part du
jeune, calme, patience, régularité, ponctualité et responsabilité. Il est
envisagé l'élevage de volailles et de lapins et ultérieurement de porcs
et moutons.
à les activités sportives
Elles entrent dans le cadre d'une démarche de discipline et de
maîtrise du corps et peuvent concerner la pratique du VTT, de la
natation et de l'équitation. Elles constituent un puissant moyen
d'évacuation des états de tension et de régulation pulsionnelle, en
rétablissant une rythmicité où alternent des états de tension et de
détente corporelle.
La pratique de sports à risques, par le recours à des
équipements et structures extérieures, sera recherchée lors de
transferts de deux semaines réalisés au début du troisième mois, sur
le territoire national, avec un thème spécifique comme la plongée
sous-marine, la randonnée en montagne avec camp itinérant, etc.
L'organisation du transfert se fera tout au long du séjour avec les
jeunes, qui devront établir un planning des dépenses, des activités et
prévoir le matériel approprié.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
à les activités à caractère culturel et de socialisation
La participation à des activités culturelles, sollicitent les
capacités de créativité et donc l'expression, la mise en forme de la
dynamique pulsionnelle, par l'intermédiaire du corps.
Les activités d'expression artistiques (dessin, théâtre, etc.)
seront proposées, en fonction des compétences de l'équipe
d'encadrement. Le coin lecture, la soirée télévisuelle hebdomadaire
(film sélectionné suivi d'un débat), le cinéma, les jeux de société
viendront scander les moments de détente.
La participation à des travaux d'aménagement de
l'environnement (entretien et débroussaillage de sentiers de
randonnée, etc.), en lien avec des structures extérieures, sera
envisagée.
L'instauration de lieux de paroles où sont évoquées les choses
de la vie quotidienne, les projets, les conflits, les responsabilités, est
prévue, notamment certains soirs, comme la possibilité donnée à des
anciens de venir témoigner de leur expérience et de leur parcours,
depuis leur sortie.
1c. La programmation de la vie communautaire
1c-1. L'instauration d'un processus ritualisé
Pour contenir la force physique de l'adolescent, les sociétés ont
mis en place des rites ou institutions pour permettre aux jeunes
d'entrer dans le monde de l'adulte. Les outils de cette inscription
symbolique dans le social n'existent plus aujourd'hui. De plus, les
adultes éprouvent des difficultés à énoncer l'interdit et à fixer des
limites. Les adolescents ne peuvent plus projeter leurs conflits intra-
psychiques sur des contraintes externes ce qui tend à accentuer leur
fragilité identitaire.
A la dimension sacrée de l'initiation, comme alliance avec des
puissances supra-humaines, telles que pratiquée dans les sociétés
traditionnelles, l'adolescent oppose aujourd'hui une ritualisation
émancipée de tout ordonnancement. L'adolescent violent adhère ainsi
à la croyance en l'expérience de l'extrême et de l'instant intense, sans
passé ni futur. Il en est ainsi des conduites à risque, substituts de
conduites ordaliques, où domine un fantasme de toute puissance, un
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
fantasme d'auto engendrement. Les tentatives de suicide, la répétition
compulsive de conduites à risque, peuvent s'interpréter comme une
volonté de décider de sa fin, à défaut d'engager un processus
symbolique de travail de deuil des figures parentales, de renoncement
à la toute puissance infantile.
Les conduites à risque adolescentes, qui se différencient des
formes de violence imposées de l'extérieur, comme dans les bandes
organisées, se présentent comme des simulacres de rituels d'initiation.
Il persiste un désir de rencontre avec l'inconnu, représenté par le
monde pulsionnel ou la nature, qui peut constituer un nouveau
fondement existentiel, si les conduites à risque ne tendent pas à la
chronicité.
Il se vit une tentative de dépassement permanent de la limite par
une mise en scène corporelle dans des épreuves comportant des
risques de mort, au travers de conduites addictives ou de situations à
risques. L'enjeu des conduites à risque est le passage vers une
nouvelle naissance, dans la croyance en une réalité meilleure, qui n'est
jamais qu'une réalité interne à transformer. Ce passage s'effectue ici
dans l'ivresse pulsionnelle de la jouissance, s'accompagnant d'états de
conscience modifiés par suspension de toute forme de pensée.
Cette donnée nous apparaît essentielle. Elle doit nous inciter à
instaurer un processus ritualisé du "vivre avec", autour d'une
expérience relationnelle intense qui doit être déterminant dans notre
projet éducatif, si nous voulons que l'hébergement de courte durée soit
l'occasion d'une renaissance. Cette conception d'un accompagnement
ritualisé appelant à un changement de comportement s'ordonne autour
de trois données fortes :
à l'initialisation par les pairs, notamment les anciens qui auront su
intégrer le fonctionnement institutionnel. Ils seront considérés comme
tuteurs et favoriseront l'accueil des nouveaux jeunes admis. Ils
pourront, le cas échéant, témoigner auprès de l'éducateur référent, des
difficultés rencontrées par le jeune récemment admis. Il s'agit de
contribuer à l'instauration d'un lien social, d'un lien de solidarité et
d'accentuer le processus de changement, par l'exemple, la mimesis.
àla scansion du séjour en trois étapes bien définies, correspondant à
des objectifs précis et à une progression.
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à le recentrage de la vie psychique, à partir d'une réappropriation du
vécu pulsionnel et émotionnel et de son assomption dans le registre
symbolique, dans les activités de pensée. L'utilisation de techniques
psychocorporelles devra répondre à cet objectif.
1c-2. Le déroulement du séjour
Le programme de la vie communautaire tient compte de la
nécessité d'instaurer une démarche initiatique chez l'adolescent qui soit
structurante. Elle intègre à la fois les données de la vie quotidienne et
de l'approche psychologique et s'ordonne autour de 3 étapes :
à La phase d'inclusion (1er mois) qui comprend la participation
aux activités de service collectif, aux activités sportives et la nécessité
de respecter les entretiens psychologiques.
à La phase d'intégration (2ème mois) qui prolonge la phase
précédente et comprend la participation aux séances d'activités
psychocorporelles en individuel ou en groupe.
à La phase de remobilisation (3ème mois) qui, outre le maintien de
la participation à la vie quotidienne, voit un désengagement progressif
de l'utilisation des techniques psychocorporelles, au profit d'entretiens
de type cognitivo-comportemental orientés vers l'insertion sociale. Au
cours de ce 3ème mois, il lui est donné la possibilité de recevoir ses
proches en fin de semaine et de passer la journée avec eux, ou de se
rendre dans sa famille.
Pour respecter cette programmation de la vie communautaire,
notamment le processus de changement du fonctionnement psychique
et des modes de comportement qu’elle cherche à instaurer, il importe
que les admissions aient lieu dans la dernière quinzaine de chaque
session.
2. L'approche thérapeutique
2a. Les activités de remédiation corporelle
Le recours à l'utilisation de techniques psychocorporelles contribuent,
à un travail de métabolisation de l'énergie pulsionnelle vers des états
émotionnels et affectifs, à partir d'une prise de conscience et d'une
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
verbalisation des affects. La référence au corps induit le respect du corps
physique, la consolidation et le réinvestissement de l'image corporelle et
l'élaboration d'un contenant psychique susceptible d'effectuer un travail de
métabolisation et de mentalisation de l'activité pulsionnelle.
La dimension corporelle, physique, psychique ou groupale, sert ici de
fondement à l'activité éducative. L'accompagnement éducatif et l'insertion
sociale, ne peuvent prendre sens que dans une refondation de l'expérience
existentielle, prenant en compte, le corps, l'autre, la loi et les fonctions
symboliques. La réactivation de la vie émotionnelle, comme condition de
l'investissement et de la reconnaissance de l'autre, s'accompagne ainsi de la
réactualisation de la dimension symbolique et de la découverte du plaisir de
penser.
2b. Les techniques psychocorporelles
Elles utilisent le corps, soit comme révélateur de l'inconscient, soit
comme lieu même du processus de changement. Ainsi, elles effectuent un
travail sur les éléments refoulés qui laissent leur trace sur le corps, favorisant
leur levée et leur déliaison. Les phénomènes de transfert sont alors analysés
dans le cadre de la gestion du groupe.
L'approche psychocorporelle a pour objectif d'aider le jeune, à
retrouver le plaisir des sensations corporelles, en tant que vecteur de la
relation humaine et au monde. Il s'agit de permettre une meilleure prise de
conscience du corps par rapport à soi, à l’autre et au groupe.
Les thérapies psychocorporelles regroupent un certain nombre de
techniques, qui peuvent se combiner en fonction des problématiques
psychiques en cause, de la dynamique et de l’évolution du groupe. Nous
n’aborderons que les techniques les plus utilisées.
2b-1. La gestalt-thérapie
Créée par Frederick S., PERLS 181, elle est orientée vers le
moment présent. La personne centre son attention sur l’immédiat et
sur l’expérientiel, en amplifiant toute réponse somatique. Elle est
encouragée à exprimer directement ses impulsions et sensations, sous
la forme de comportements concrets.
Son objectif central est la prise de conscience de soi au travers
des sensations neurovégétatives, sensori-motrices et des
comportements, et la connaissance de soi-même. 181. PERLS A. – Ma gestalt -thérapie, Paris: Tchou, 1976, 351 p. GINGER S. et A., La gestalt, une thérapie de contact, Paris : Hommes et groupes, 1987, 484 p.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Une séance de travail peut se pratiquer soit individuellement,
soit en présence du groupe. Le groupe agit comme un miroir, il renvoie
à la personne qui s’exprime, sa propre image.
La plupart des techniques de gestalt sont utilisées dans le
cadre de jeux de rôles ou d’un travail sur les sensations, l’expression
corporelle, la méditation, etc. Chaque comportement social que nous
vivons peut être considéré comme un jeu. Il s’agit d’en être conscient
et d’être libre de remplacer des jeux peu satisfaisants par d’autres plus
épanouissants.
2b-2. La bioénergie
Développée par LOWEN 182, elle a pour fonction de restaurer
les conditions biologiques et psychologiques, qui permettent de
retrouver aussi bien le désir bloqué, que la possibilité de réaliser les
expériences de plaisir nécessaires à sa satisfaction.
L’analyse bioénergétique est considérée comme une technique
de travail sur les résistances, qu’éprouvent les personnes envers leur
propre vécu. La stratégie thérapeutique se compose de trois phases :
- la décharge émotionnelle provoquée par des positions
d’enracinement, des sollicitations intenses de la respiration en état de
tension musculaire. Elle permet de prendre contact avec ses
résistances et d’en prendre pleinement conscience.
- le vécu de restructuration au cours duquel une expérience nouvelle et
positive doit succéder à l’insatisfaction et à l’angoisse.
- la phase d’intégration qui consiste à tirer des liens entre le passé et
les événements présents. Elle fait intervenir l’expression du
contentement de soi, afin de renforcer la confiance en soi et de
supporter les nouvelles actions qui peuvent changer la réalité.
Cette technique se pratique en groupe. Elle est centrée sur
l’éveil de l’énergie et sa libre circulation dans le corps. Un certain
nombre d’exercices favorisent l’expression des sentiments et la
libération de la motricité et permettent, à terme, l’expression du désir.
182. LOWEN A. et L. – Pratique de la bio- énergie, Paris : Tchou, 1978, 189 p. GARRAUD C. – La bio-énergie, Paris : ESF, 1985, 138 p.
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2b-3. Le rebirth
Mis au point par Léonard ORR 183, il repose sur une technique
d’hyperventilation qui provoque le lâcher-prise, induit une sorte de
transe qui permet de revivre les états originels de la toute petite
enfance, de la naissance. Le court-circuitage de la conscience, permet
à l’énergie vitale de s’éveiller et de lever les tensions neuromusculaires
jusque-là accumulées.
2b-4. Les techniques de relaxation
Elles consistent par une série d’exercices en la recherche d’un
état de décontraction neuromusculaire, la technique de SCHULTZ 184
est notamment connue.
2c. Les thérapies cognitivo-comportementales
L'individu, dans les théories cognitivo-comportementales, est vu
comme un organisme qui capte puis traite de l'information avant de produire
une cognition (une pensée, un raisonnement), une émotion (un affect, un
sentiment), ou un comportement (un acte, un geste, une action). Il est observé
un fonctionnement pathologique chez l'individu lorsqu'il y a un dérèglement à
un ou plusieurs niveaux du système de traitement de l'information.
Le modèle des théories de l'apprentissage est sans doute le modèle
qui peut le plus facilement être accessible à l'ensemble d'une population. Le
vocabulaire, ainsi que les principes de base de l'acquisition des
comportements peuvent s'énoncer clairement. Le modèle comportemental se
présente comme un modèle explicatif qui permet d'éviter l'écueil de
l'interprétation, de la moralisation et de la culpabilisation. Il place les
bénéficiaires en état de comprendre plutôt qu'en état de se faire soigner.
Leurs comportements de violence et de dépendance ayant été appris et
maintenus par diverses contingences, l'apprentissage de nouveaux
comportements avec de nouvelles contingences devient donc un but
accessible offrant l'espoir de reprendre le contrôle de sa vie.
Les thérapies cognitivo-comportementales 185 reposent sur l’utilisation
d’un certain nombre de techniques, dans le domaine de l’addiction.
183. ORR L. – Le rebirth, Paris : Ed. M.C.L, 174 p. LEVADOUX, Renaître, Paris : Stock, 1978, 230 p.
184. SCHULTZ J.H. – Le training autogène, Paris : PUF, 1968, 352 p. DURAND de BOUSINGEN R. – La relaxation, Paris : PUF, 1961, 128 p.
185. TISON Ph. – Les thérapies comportementales et cognitives dans les conduites d’alcoolisation, Alcoologie et Addictologie, 2002, 24 (4), pp.345-358.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Elles ont la particularité de reposer sur une démarche scientifique de
raisonnement, une prise en compte actuelle du problème, une durée de prise
en charge limitée, des objectifs thérapeutiques définis et une évaluation des
résultats.
Dans le cadre du projet, elles seront utilisées en début de séjour pour
favoriser l’intégration dans le groupe et l’implication dans la démarche de
soins. Elles chercheront à développer la motivation, à corriger les
raisonnements, à la faveur des contenus émotionnels qui auront émergé lors
de séances de thérapies psychocorporelles. Enfin, elles contribueront à
élaborer un projet de socialisation en fin de séjour.
2d. L'articulation du thérapeutique et de l'éducatif.
L’action psychothérapique et notamment le recours aux techniques
psychocorporelles constituent un moment fort dans le déroulement de la
session. Ces techniques se donnent pour objectif de provoquer une
transformation intérieure par une mobilisation du registre pulsionnel et
émotionnel et d’inaugurer en profondeur, un processus de changement qui
restera à confirmer par des prises de conscience successives.
Il s’agit de procéder à une visée transformatrice de l’énergie
pulsionnelle, jusque-là bloquée par la prise de produits psychoactifs ou
évacuée vers l’extérieur, lors de passages à l’acte. Les problématiques
conflictuelles psychiques sous jacentes n’ont jamais été résolues, et ont
toujours fait l’objet de conduites d’évitement. L’occasion sera donnée aux
jeunes accueillis, de réinterroger leurs modes de fonctionnement, dans le
cadre d’une confiance éducative et d’une alliance thérapeutique établie.
Ce déplacement de l’énergie pulsionnelle et émotionnelle sur le
registre de la représentation, à la faveur d’une réactivation des processus de
pensée, s’effectue à partir d’un recentrage de la vie psychique. Il prend appui,
sur une meilleure élaboration de l’image corporelle et sur un meilleur
investissement de celle-ci. La potentialité narcissique positive qui s’en
dégage, attribue à cette expérience accompagnée, une fonction initiatique
structurante. Elle renouvelle la relation à l’autre, dans le sens où elle permet
un positionnement différent et le libère d’une dépendance à l’objet, qu’il
entretenait et contre laquelle il luttait.
Cette expérience psychique fondatrice appelle à une modification en
profondeur des modes de fonctionnement. Elle n’est possible et durable que si
elle est resituée dans un environnement éducatif. Nous avons vu que celui-ci
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
repose sur la participation à la vie de groupe avec l’apprentissage de la
socialisation, la confrontation aux règles de vie collective et l’apprentissage de
la notion de rôle, à partir de responsabilités diverses à assumer au quotidien.
Il s’ensuit une internalisation du cadre éducatif, à partir de la relation
contractuelle, du positionnement et de l’intervention éducative.
L’apprentissage du vivre ensemble, qui caractérise la phase d’inclusion
se présent comme un mode de régulation de tensions inhérentes à toute vie
en groupe. Il s’inscrit dans une perspective d’acceptation de l’autre dans sa
différence, comme de dévoilement de soi-même, dans ses faiblesses, ses
manques, ses peurs, dont le groupe se trouve désormais dépositaire.
L’action éducative au cours du premier mois est déterminante, dans le
sens où elle prépare le jeune à l’expérience psychocorporelle de la phase
d’intégration, temps fort du séjour. En retour, le soutien éducatif, présent tout
au long du séjour dans les diverses activités, sera sollicité, après l’expérience
psychocorporelle :
- dans des temps d’accompagnement individualisés plus soutenus, afin
d’aider le jeune à verbaliser son vécu émotionnel, à le contenir et à le
transcrire, le cas échéant, par la rédaction d’un journal intime.
- au quotidien, en prolongement de ce qui aura été acquis en séances
de thérapies psychocorporelles, par une accentuation de la prise de
conscience corporelle au cours des activités et une meilleure gestion de
l’espace et du temps. Un tel prolongement nécessite une relation interactive
entre le thérapeute et l’équipe éducative : un éducateur participera aux
séances de thérapies psychocorporelles et le thérapeute partagera avec les
jeunes, des moments de vie collective.
Il importe que cet accompagnement éducatif, dans son articulation
avec le thérapeutique, agisse à la place qui est la sienne et dans son champ
d’intervention et de compétences, à savoir l’inscription du jeune dans la réalité
quotidienne et dans un projet de vie. L’objectif éducatif sera ainsi d’orienter
l’énergie psychique nouvellement libérée par l’action thérapeutique, dans une
activité de travail, sportive ou culturelle.
Les entretiens psychothérapiques d’orientation cognitiviste viendront,
par ailleurs, en relais de l’action éducative, dans la définition d’un projet
d’insertion sociale et professionnelle.
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3. Le corps institutionnel dans sa dimension intégrative
3a. L'acte éducatif et la loi sociale
La personnalité, l'identité se construisent dans le renoncement à la
toute-puissance infantile. L'acte éducatif doit permettre que se vivent le
manque, l'absence, dans l'espace d'entre-deux relationnel favorisant
l'émergence de la dimension symbolique. Il doit s'enraciner dans le "faire
avec" au quotidien, au travers d'actes signifiants portant sur la gestion des
activités de la vie quotidienne.
L'acte éducatif acquiert davantage de portée et de sens, dès lors qu'il
s'inscrit dans une relation contractuelle. Celle-ci procède d'une meilleure
identification des droits et devoirs des acteurs en présence, d'une exigence de
réciprocité et de responsabilité.Une relation contractuelle est possible et
souhaitable, même si l'admission en Centre Educatif Renforcé procède d'une
obligation judiciaire, dans un rappel de la loi sociale, en tant qu'alternative à
l'incarcération. La possibilité de choix est toujours offerte au mineur, il lui
appartient d'en saisir l'opportunité, évitant ainsi l’incarcération.
La contractualisation passe nécessairement par la rédaction d'un écrit
signé par les parties en présence. Elle crée du lien et non pas de la mise à
l'écart et débouche sur un projet personnalisé à construire. Le contrat pose un
engagement réaliste qui permet d'atteindre des objectifs.
Le rappel de la loi sociale, au travers de la mesure judiciaire, doit servir
de cadre fondateur d'un vivre ensemble qui favorise la prise de conscience
des conséquences de ses actes. Il doit servir de soubassement et de
légitimité au cadre éducatif, dans le sens où toute invocation de la loi n'est pas
le fait d'une démarche individuelle ou autoritaire mais s'inscrit dans une
démarche transgénérationnelle. La loi n'est pas le fait de quelques-uns, elle
s'impose et fait appel à l'exemplarité de l'éducateur (sa vie, son comportement
en cohérence avec ses valeurs). L'éducateur se doit d'être garant de la loi
symbolique : "l'éducateur n'est pas le gardien des règles, des lois-codes de la
société. Il est le garant d'une autre loi, cette loi qui différencie l'homme de
l'animal en ce qu'elle articule désir et parole" 186. L'autorité dont il se réclame
lui permet de favoriser l'apprentissage du vivre ensemble, de garantir une
protection physique et morale du groupe, de favoriser l'autonomie et la
responsabilité. 186. IMBERT F. La question de l’éthique dans le champ éducatif, Paris : Matrice, 1987, 120 p.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Le rappel du droit doit être appréhendé comme un rappel du respect
de l'autre et de soi-même. L'articulation du judiciaire et de l'éducatif contribue
à la compréhension de la sanction qui, en limitant l'initiative du jeune, l'invite à
apprendre à se protéger de ses propres excès et partant à inscrire autrui dans
une dimension du désir. Il importe que tout acte interdit s'accompagne d'une
sanction, pour rappeler que la loi est faite pour vivre ensemble. Toute forme
de transgression lui retire ce qui fait sa substance et contribue à sa visée de
sociabilité. La sanction est là aussi pour éviter que le mineur ne s'inflige une
punition plus lourde, sous la pression de la culpabilité ou d'un Surmoi sadique,
constitué en réaction à un tiers défaillant ou inopérant. La sanction doit
témoigner de la volonté de l'équipe et du groupe de réintégrer le jeune
concerné dans la vie communautaire. Elle rappelle la primauté de la loi sur
laquelle se fonde l'autorité de l'éducateur et l'enjeu du vivre ensemble.
L'introduction du droit dans le fonctionnement institutionnel repose sur
un ensemble de principes et de procédures qui garantissent l'équité du
jugement. Ainsi, l'égalité de traitement dans l'application des règles internes
(respect, interdiction de fumer dans les locaux, etc.) s'applique pour le
personnel éducatif comme pour les jeunes. Le principe d'impartialité nécessité
la possibilité d'exposer un point de vue contradictoire en présence du Chef de
service.
Il est nécessaire de s'inscrire dans une visée pédagogique, à
l'occasion de l'application des différentes formes d'expression du droit. Ces
différentes mises en situation constituent des espaces de médiation de
résolution des conflits, par le recours à la réflexion et à la parole. Elles offrent
un mode de réponse médiat et non pas immédiat, sous l'effet de la tension et
de l'événement, ce qui n'exclut pas dans un premier temps une réponse
urgente, si nécessaire. Elles constituent une possibilité de reprise du
comportement incriminé, d'analyse de celui-ci et de repositionnement éducatif,
évitant l'emprise du registre pulsionnel dans les échanges relationnels. Il s'agit
aussi d'amener le jeune à réinvestir le cadre éducatif.
Le cadre éducatif délimite, tout en le constituant, un espace
transitionnel de rencontres, de négociations avec un rappel de l'interdit de la
violence. Le cadre, quand il est introjecté et vécu, quand il ne sert pas de
support à des conduites de rejet, assure une fonction protectrice, contenante,
pare excitative et stimulante. Le lien à l'institution, constitue en soi un
engagement de part et d'autre qui a valeur de changement. Il se décline du
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
côté des professionnels, par un rôle protecteur dans l'aménagement de la vie
au quotidien, en tant que garant des échanges entre les membres du groupe.
La fonction contenante de l'institution va s'expérimenter au niveau
d'une structuration de l'espace et du temps, au travers d'un repérage des
lieux, des rôles et fonctions de chacun, d'un respect des horaires. Les notions
de cohérence dans les discours et de cohésion dans l'équipe de
professionnels sont particulièrement mises à l'épreuve.
C'est la fonction de pare-excitation de l'institution dans sa capacité
d'écoute, de mentalisation, de verbalisation qui évitera d'éprouver le vécu de
la frustration comme un rejet, l'angoisse liée au projet d'autonomie sociale
comme un abandon. Enfin, sa fonction stimulante réside dans sa capacité à
recréer du désir, du plaisir dans la quotidienneté, à s'autoriser une pensée
nuancée sur le monde, les autres et sur soi, une pensée qui intègre les affects
agressifs et leur verbalisation, sans risque de destruction.
3b. Le droit des usagers
Le CER relève de la loi du 2 janvier 2002 et se voit appliquer
notamment, les articles 7 à 11 relatifs au droit des usagers, de la loi n° 2002-2
du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. L’évolution du
droit des usagers procède d’une application de textes fondamentaux relatifs
aux droits de l’homme, au niveau européen et national 187. La participation des
usagers à l’organisation et au fonctionnement des institutions se traduit par :
- le respect de l’intégrité et de la vie privée
- l’association des familles et des usagers aux projets individuels
- la présence aux instances délibératives
- la possibilité d’accès aux documents administratifs et de recours.
L’exercice des droits et libertés individuelles garantit à toute personne
prise en charge, tel que défini dans l’article 7 de la loi sus-citée, passe par
l’application d’un certain nombre de mesures, comme la remise de documents
aux usagers 188, la participation au projet d’accueil et l’accès aux dossiers
administratifs et médicaux.
187. L’évolution du droit des usagers s’est faite sous l’impulsion de la philosophie des droits de l’homme. Le droit des usagers se retrouve dans des textes fondamentaux comme la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés individuelles, signée à Rome le 4 novembre 1950 et ratifiée par la France en 1974 et la Convention internationale des droits de l’enfant signée en 1989 et ratifiée par la France en 1990. Sur le plan national, la loi n°75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées concrétise les droits des personnes handicapées. La loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au Revenu Minimum d’Insertion fait de l’usager, un acteur de sa prise en charge. La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions porte sur l’accès aux droits (emploi, logement, soins, citoyenneté) et sur la participation réelle des usagers dans diverses instances.
188. Ils feront l’objet d’une publication prochaine de décrets d’application relatifs à la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002.
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à le livret d’accueil
Il contient des éléments d’informations concernant :
- l’établissement : la situation géographique, les noms du directeur, du
chef de service et du président d’association, l’organisation de
l’établissement, l’organigramme, les garanties souscrites en matière
d’assurance, la liste des personnes qualifiées remplissant la mission
mentionnée à l’article L. 311-5 du code de l’action sociale et des
familles 189, les coordonnées de l’autorité judiciaire à l’origine de la
mesure éducative.
- les personnes prises en charge et leurs représentants légaux : les
principales formalités administratives d’admission et de prise en
charge, les droits d’accès et de rectification des données médicales et
des données couvertes par le secret professionnel ou faisant l’objet
d’un traitement informatique, le droit de disposer au titre de l’activité
libérale du praticien de son choix, les formes de participation des
usagers.Le personnel sera associé à la rédaction de ce livret d’accueil,
dès l’ouverture du centre.
à la Charte des droits et libertés
Il s’agit d’un document de portée nationale 190.
à le règlement de fonctionnement
Il indique les finalités de la prise en charge, dans le respect des droits
de l’usager et de ses représentants légaux. Il fournit des indications sur
l’organisation institutionnelle, en complément du livret d’accueil. Celles-ci
portent sur l’organisation des transferts, des activités, les mesures prises en
cas d’urgence, en matière de sécurité, et sur les modalités de reprise d’une
prise en charge interrompue.
Il est fait notamment une description :
- des règles de vie collective, basée sur la responsabilité face à soi-
même (souci de sa santé, discrétion sur son intimité, sa vie
personnelle et familiale, respect de soi dans ses rapports avec autrui),
sur la responsabilité face aux autres (interdiction de la violence, de la
consommation de produits psychoactifs, respect des opinions, des
engagements pris au quotidien, des biens, etc). 189. L’article L. 311-5 précise que : “ Toute personne prise en charge par un établissement ou un service social ou médico-social ou son
représentant légal peut faire appel, en vue de l’aider à faire valoir ses droits, à une personne qualifiée qu’elle choisit sur une liste établie conjointement par le représentant de l’Etat dans le département et le président du conseil général après avis de la commission départementale consultative mentionnée à l’article L. 312-5. La personne qualifiée rend compte de ses interventions aux autorités chargées du contrôle des établissements ou services concernés, à l’intéressé ou à son représentant légal dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ”.
190. La Charte des droits et libertés de la personne accueillie a fait l’objet d’un arrêté du 08 septembre 2003, paru au J.O du 09/09/2003.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
- de mesures éducatives et disciplinaires graduées tenant compte des
situations en cause. Les mesures éducatives reposent sur des
interventions verbales : rappel de la consigne, de la règle,
désapprobation manifestée à l’égard d’un comportement, d’une parole,
invitation à une réflexion écrite ou verbale.
Les mesures disciplinaires consistent en un remplacement du cadre :
retrait momentané du groupe pour se soustraire à sa pression, reconnaissance
de ses torts, suspension des sorties, rencontre du directeur ou du chef de service
en cas de fugues répétées, etc.
- des sanctions qui visent à reconnaître la portée ou la nature des
comportements en cause, à fixer les limites pour soi ou pour les autres,
à réparer un préjudice, un dommage. Elles consistent en diverses
mesures : contribuer à la réparation ou au remplacement de biens
détériorés, nettoyer ce qui a été sali, privation de sortie ou d’activité,
refus de visites ou d’appels téléphoniques, à l’exception de la famille,
perte d’un avantage octroyé, etc.
- de mesures d’exception qui sanctionnent toute conduite grave et
dangereuse pour soi ou pour les autres. Toute conduite mettant en
danger la sécurité des personnes de l’établissement fera l’objet d’une
plainte à la police. Le cas échéant, les autorités concernées seront
sollicitées pour un éloignement momentané de l’établissement ou
seront informées d’une réorientation ou d’une fin de prise en charge.
à le document individuel de prise en charge
Il est signé par l’usager dans les mois qui suivent l’admission, en
présence du ou des parent(s) ou d’un représentant légal. Dans le cas présent,
il tient compte de la décision judiciaire prononcée à l’encontre du mineur. Il
rappelle les objectifs de la prise en charge, le délai, les prestations fournies.
à le groupe d’expression
Instance de représentation des usagers et de leurs familles, il permet à
ces derniers d’interroger les pratiques et d’apporter des éléments de
réflexions sur le projet d’établissement.
Dans le cadre du CER, il serait souhaitable de prévoir une réunion du
groupe d’expression, au cours du troisième mois de chaque session. Le
recueil des divers commentaires et questionnements des participants
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
contribuerait à faire évoluer le projet institutionnel 191. La participation des
familles à ce stade de la prise en charge devrait être obtenue plus facilement.
à L’accès aux dossiers médical et judiciaire
Les consultations médicales et prescriptions médicamenteuses
éventuelles seront réalisées à l’extérieur de l’établissement, par des médecins
généralistes ou le Centre de Traitement des Dépendances, le Square de
Lens. Les mineurs et leurs représentants légaux pourront accéder au dossier
médical, auprès des professionnels concernés, telles que le prévoient les
récentes mesures législatives 192. Les notes des psychologues ne sont pas
communicables au malade, sauf si elles apparaissent dans un échange des
correspondances entre le psychologue et le médecin traitant 193.
Les écrits éducatifs faisant l’objet d’une diffusion au Juge, seront lus
aux mineurs et aux familles, dans un souci de transparence de l’information
mais aussi de responsabilisation. Cette démarche s’inscrit dans l’esprit de la
réforme de la procédure d’assistance éducative, introduite par le décret du 15
mars 2002 194.
3c. Le CER dans son environnement
3c1. L'articulation du CER avec le CSST
Le CER bénéficie d'emblée d'un existant au niveau du Centre
de soins :
- accès au réseau de partenaires actuellement constitué, notamment
dans le cadre du dispositif santé-justice (cf. annexe 1).
- transfert de compétences acquises par les professionnels du Centre
de soins, dans la prise en charge psycho-éducative des toxicomanes,
par l’organisation de sessions de formation organisées intra-muros.
- interventions de psychologues du Centre de soins, auxquels seront
proposés une extension de leur temps de travail, afin d’intervenir dans
des réunions de réflexions sur les pratiques éducatives et dans le cadre
d’entretiens d’élaboration de projet de socialisation.
191. “ Objet d’apprentissage à la citoyenneté, le Conseil de la vie sociale permet la mise en œuvre d’une dynamique de groupe autour de
lieux de débats, de représentation, d’engagements, d’apprentissage à l’expression, de valorisation de la parole” (JANVIER R., MATHO Y. Mettre en œuvre le droit des usagers dans les établissements d’action sociale, Paris, Dunod, 2002, 214 p., p.110).
192. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé publique. Décret n° 2002-637 du 29 avril 2002 relatif à l’accès aux informations personnelles détenues par les professionnels et les établissements de santé en application des articles L .1111-7 et L.1112-1 du Code de la santé publique.
193. LE BORGNE Ed. Les psychologues face à la loi du 4 mars 2002, Le Journal des Psychologues, mars 2003, n° 205, pp.22-25. 194. Ce décret donne la possibilité pour le mineur et sa famille, d’accéder au dossier sans passer par un avocat. Il fait obligat ion au juge
d’informer les personnes concernées, dès l’ouverture de la procédure et pendant l’instruction. Dans le cas d’un placement en urgence, le juge doit convoquer les intéressés dans les 15 jours de la décision.
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Cette possibilité offerte à des psychologues de travailler dans le CER
et le Centre de soins, favorisera davantage les relais à la sortie, en
famille d’accueil ou appartement thérapeutique avec poursuite de la
prise en charge psychothérapique.
- intervention du psychologue du Centre de soins, dans le Centre
Pénitentiaire de Longuenesse. Cette présence auprès de mineurs
incarcérés permet de travailler en amont, une admission en C.E.R.
- interventions de professionnels (directeur, psychologue, éducateur)
du Centre de Soins dans des écoles de formation d’éducateurs, ce qui
apparaît comme un facteur favorable à des recrutements de personnel
éducatif.
3c2. Le partenariat
à avec les services judiciaires
L'association travaille déjà en partenariat dans le cadre de sa
Convention d'Objectifs, avec la Maison d'Arrêt pour mineurs de
Longuenesse, les Tribunaux de Grande Instance du département, les
services de la PJJ (SEAT, CAE) et les services en milieu ouvert.
La mise en place du projet de Centre Educatif Renforcé nécessite
le recours en amont, à un tel partenariat pour préparer l'admission et
en aval, pour assurer le relais dans la prise en charge. Les services
judiciaires de la PJJ et les magistrats seront associés à la prise en
charge afin de suivre l'évolution du jeune pendant son séjour et de
préparer un projet de sortie et de réorientation.
à avec les structures d'insertion sociale et professionnelle
Dans le cadre de l'élaboration du projet de sortie, le CSST
dispose déjà d'un réseau de nombreux partenaires et d'une culture
partenariale de longue date.
à avec les antennes du CSST
Des relais en hébergement (familles d'accueil, appartements
relais et thérapeutiques) ou en ambulatoire, de même qu'avec d'autres
structures de soins en toxicomanie, pourront être organisés.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
à avec les familles
Elles seront invitées à rencontrer un psychologue dans une
antenne de notre Centre ou dans une autre structure. Le cas échéant,
un psychologue de l’association se rendra à leur domicile. Il leur sera
proposé de travailler sur leur fonctionnement propre, afin d'améliorer
leur communication avec le jeune après sa sortie, en raison d'une
attention particulière que les professionnels du CSST accordent au
soutien des familles et à la redéfinition – remobilisation de la fonction
éducative parentale.
Des rencontres formalisées avec l'éducateur référent du CER
auront lieu lors du 3ème mois du séjour, afin d'associer les parents au
projet d'insertion sociale.
4. L’évaluation
La mise en place de procédures d’évaluation au niveau du
fonctionnement du Centre comme au niveau des prises en charge
individuelles, est indispensable pour relever les écarts par rapport aux
objectifs préalablement fixés. Il s’agit d’identifier les causes, d’apporter les
aménagements nécessaires pour se rapprocher des objectifs définis, afin de
remplir les missions dévolues au Centre.
La loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 impose aux établissements sociaux
et médico-sociaux une auto-évaluation des pratiques professionnelles dont les
résultats doivent être communiqués tous les cinq ans, à l’autorité ayant délivré
l’autorisation de création de l’établissement. Cette évaluation est qualitative et
doit précéder une évaluation assurée tous les sept ans, par un organisme
extérieur, des activités et de la qualité des prestations. En outre, la direction
de la PJJ a souhaité, dans son courrier d’autorisation d’ouverture du CER,
qu’une évaluation soit faite à l’issue de la première session (cf. annexe 3).
Une attention particulière est aussi accordée à l’évaluation opératoire
qui “ porte sur les effets produits par l’établissement en matière de service
rendu auprès des populations bénéficiaires ” 195. A l’issue de l’élaboration du
projet individualisé, dans les quinze jours qui suivent l’admission du jeune, des
bilans mensuels auront lieu à la fin de chacune des phases d’évolution
prévues dans le projet pédagogique.
195. LOUBAT J.R Elaborer son projet d’établissement social et médico-social, Paris : Dunod, 2002, 264p., p. 192.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
Ils se feront avec le jeune, en présence du Chef de service et de
l’éducateur référent. Ils auront pour objectif d’évaluer avec le jeune, les écarts
éventuellement observés par rapport aux axes d’évolution définis dans le
projet individualisé et son niveau d’implication dans le projet pédagogique et
thérapeutique.
L’évolution du comportement du jeune, dans sa capacité à maîtriser
son vécu pulsionnel et à s’inscrire dans un projet de vie sociale et
professionnelle, est fonction de l’adéquation de son comportement au contenu
du projet. Il importe d’en évaluer la pertinence et de vérifier que le jeune est
prêt à accéder à la phase suivante du programme. Nécessairement, les bilans
mensuels ont un effet de feedback sur le comportement du jeune. Ils
contribuent à des prises de conscience, en même temps qu’ils se présentent
comme des rites de passage favorisant une remobilisation de la vie
psychique.
Un registre d’expression laissé à la disposition des jeunes, permettra
d’évaluer les retombées au niveau des bénéficiaires, des modalités de la prise
en charge. Il constituera un moyen d’appréciation du niveau de satisfaction ou
d’insatisfaction des jeunes. Il leur sera par ailleurs soumis un questionnaire
d’appréciation, avant leur départ. Le bilan de fin de prise en charge
individuelle, réalisé en équipe, constituera aussi, après coup, un outil
d’évaluation des modes d’intervention des pratiques des professionnels, de
leur articulation et de leur niveau d’adéquation au projet.
A l’issue du séjour, dans la mesure du possible, en fonction des aléas
liés aux parcours individuels, des liens avec les bénéficiaires seront
maintenus. Ils seront invités à venir témoigner, lors de soirées à thèmes, des
changements occasionnés dans leur conduite de vie par l’expérience vécue
dans le centre et de leur parcours d’insertion socio-professionnelle. De même,
un après-midi annuel regroupant les anciens sera prévu afin d’inscrire le
processus de prise en charge dans une dynamique d’évolution et de recueillir
des indications sur le devenir des bénéficiaires. C’est une démarche qui
permet de résoudre partiellement les difficultés à obtenir des informations sur
le devenir des jeunes.
L’évaluation du fonctionnement du Centre sera réalisée, à chaque
session, par un comité de pilotage composé du directeur, du chef de service,
d’un membre de l’équipe éducative, du thérapeute psychocorporel, des juges
des enfants, d’un représentant de la DRPJJ, d’un élu de la commune
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
d’implantation. Le Comité de pilotage définira des critères d’évaluation en
rapport avec :
- le champ éducatif, au travers de la capacité de l’équipe à faire
appliquer les règles de la vie collective et à mobiliser les jeunes dans un projet
de vie.
- le vécu individuel, quant à la capacité du jeune à modifier ses
comportements et à verbaliser ses affects.
- l’environnement familial et social, dans la capacité de l’équipe à
établir des rapports moins conflictuels, à accéder à un niveau de
compréhension mutuelle et à instaurer ou restaurer des liens entre les divers
interlocuteurs.
Un comité technique, composé du directeur, du chef de service, de membres
de l’équipe et d’un expert, sera chargé d’élaborer des grilles d’évaluation, à
partir des critères préalablement définis.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
E. CONCLUSION
La mise en place d’un Centre Educatif Renforcé me paraît une réponse
adaptée à des mineurs qui ne sont pas accueillis dans des structures d’hébergement
traditionnelles. Quand ils sont acceptés, ils n’y restent pas. Entre la réponse carcérale
et le constat d’impuissance souvent avancé, le CER constitue une alternative
éducative. Il met l’accent sur l’intérêt d’une prise en charge dans une petite unité de
vie, en même temps qu’il réinterroge, au passage, les fondamentaux pédagogiques.
Les présupposés de l’adhésion du mineur, comme la nécessaire participation de
l’environnement social à des fins d’intégration, ne sont plus convoqués.
La prise en charge en CER repose sur trois volets : rupture, cadre, activité, sur
lesquels j’ai superposé, en raison de la problématique toxicomaniaque, un processus
temporel en trois phases : induction, intégration, remobilisation. La rupture
correspond à l’éloignement temporaire du milieu familial et social, vecteur de
conduites de marginalisation. Cette mise à distance d’un mode de vie inadapté est
susceptible d’amorcer une prise de conscience. Le cadre renvoie au “ vivre avec ” au
quotidien, à l’implication des professionnels dans la relation avec le jeune, autour du
respect des règles de vie collective. L’activité signifie au jeune, la nécessité de
s’engager dans des projets d’animation collective qui structurent la vie au quotidien.
Le déroulement de la prise en charge en trois phases correspond
symboliquement à des rites de passage reposant sur la séparation, la transformation
et l’affiliation au nouveau groupe. L’utilisation des techniques psychocorporelles sert
d’induction dans une perspective de modification du rapport au corps, d’activation de
contenus émotionnels, de réaménagement des représentations mentales et des
schémas de pensée. Cette expérience fondatrice peut inaugurer des changements
profonds dans la perception de soi du jeune et l’amener à se positionner
différemment dans l’environnement familial et social.
Ce mode de prise en charge mobilise des processus archaïques de la psyché
du jeune et constitue un préalable indispensable à l’appréhension de la parole de
l’autre comme signifiante, à l’engagement dans sa propre parole. C’est la difficulté
que rencontrent les structures actuelles de prise en charge traditionnelle, qui
reposent sur l’utilisation de la parole de façon incantatoire, en tant que mode
d’intervention privilégiée, auprès d’un tel public. Il importe de réintroduire dans cette
approche éducative, le rapport au corps et le vis-à-vis au travers de l’acte éducatif.
Ces différents aspects constituent autant de possibilités de transfert de ces nouvelles
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
références pédagogiques - dont certaines constituent une réactualisation - dans la
prise en charge traditionnelle en hébergement.
L’articulation entre les CER et les structures d’hébergement traditionnelles
pose la question de la sortie des jeunes des CER. Un retour précoce dans le milieu
familial et social d’origine n’est pas souhaitable. Il peut contribuer à une perte des
acquis éducatifs engendrés lors du séjour. Aussi, le recours à des formules de prise
en charge souples conçues sur le modèle familial ou d’une petite unité, est-il
envisageable. Un placement familial spécialisé ou un lieu de vie peuvent répondre à
de telles exigences, consolider et valoriser les acquis éducatifs afin qu’ils contribuent
à élaborer un projet d’insertion sociale et professionnelle.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
B i b l i o g r a p h i e
A. ADDICTIONS
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- BERGERON M. L’état et la toxicomanie : histoire d’une singularité française.
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Psychotropes, Masson, 1997, vol. 3, n° 4, pp.65-79.
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- MOREL A. Les Intervenants en toxicomanie et la loi de 1970. Psychotropes,
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Alcoologie et addictologie, 2002, 24 (4 suppl.), pp.105-195.
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2002, n° 1, vol. 19, pp.3-24.
Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
- PASSET I. Interdit, sanction, alternative. Interventions, revue de l’ANIT,
Journées nationales mai 1991, n° 30-31, pp.41-44.
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2. Situation sanitaire et sociale
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- ROSENCZVEIG J.P. L’ordonnance du 2 février 1945 sur la jeunesse
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disponible sur Internet : http://www.rosenczveig.com.
2. Etat des lieux
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3. Délinquance et addictions
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- BECHLER P., GEORGES F., POURPRIX B. et al. Quelle formation pour les
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Christian MIEL - Mémoire de l’École Nationale de la Santé Publique – 2004
L i s t e d e s a n n e x e s
ANNEXE 1 : Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes
1.Analyse budgétaire
2.Contrats de séjour
3.Réseau de partenaires
ANNEXE 2 : Délinquance – non publiée
1.La procédure pénale applicable aux mineurs
2.La détention provisoire du mineur
3.Les infractions commises par les mineurs
4.La répartition des détenus mineurs incarcérés au Centre Pénitentiaire de
Longuenesse, années 2001 et 2002
ANNEXE 3 : Centre Educatif Renforcé
1.Le budget prévisionnel de fonctionnement de l’année
2.Le budget prévisionnel de fonctionnement en 2003
3.Le budget d’investissement
4.Planning hebdomadaire des activités
5.Projet de dispositif de professionnalisation des intervenants éducatifs en
CER
6.Cahier des charges des CER
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
ANNEXE 1
CENTRE SPECIALISE DE SOINS AUX TOXICOMANES
1. Analyse budgétaire 2. Contrats de séjour 3. Réseau de partenaires 4. Charte des droits et libertés de la personne accueillie
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
ANALYSE BUDGETAIRE DU CENTRE DE SOINS
Indicateurs de gestion 2001 (en K €) 2002 (en K €) FRI + ( Fond de Roulement d’Investissement) FRE + ( Fond de Roulement d’Exploitation) FRNG + (Fond de Roulement Net Global) BFR ( Besoin en Fond de Roulement) EFE ( Excédent en Fond d’Exploitation) Trésorerie +
99 120 219
82 300
140 209 348 341
314
FRI Il est positif. Son augmentation en 2002 tient à un report positif des résultats cumulés venant accroître les fonds associatifs. Les investissements effectués sont assurés par des subventions, des excédents affectés à l’investissement et des différences sur réalisations d’actifs. Le taux de vétusté de 73,5 % en 2002 est élevé. Il nécessite que des investissements soient réalisés prochainement en matériel de bureau et informatiques et mobiliers de bureau. L’association est locataire des locaux dans lesquels sont implantés ses différents services. Le véhicule de service a été acquis sur fond propre et sera amorti en 2004. L’association n’a contracté aucun emprunt. Elle dispose ainsi d’une marge de manœuvre importante qui lui permet d’envisager un prêt en vu d’acquérir un immeuble pour la réalisation de son activité sur Saint-Omer. FRE Il est positif. Son augmentation en 2002 s’explique par l’attribution de subventions de fonctionnement (188 K €) qui n’ont pas été entièrement utilisés en 2002, en raison d’un versement tardif (financement pour l’ouverture du Centre Méthadone de Calais - 76 K € - l’application de l’avenant cadres - 26 K € - la réalisation d’actions dans le cadre des Programmes Régionaux de Santé - 44 K €). Le solde est réparti également entre la réserve de trésorerie et les provisions pour risques et charges. FRNG Il est positif. Toutefois, le FRNG est constitué, en grande partie au niveau du FRE de subventions non encore utilisées. Au niveau du FRI, des investissements seront à prévoir prochainement, ce qui réduira d’autant plus la marge de manœuvre pour faire face aux besoins de financement. Il restera toutefois une marge satisfaisante, le FRNG couvre largement les BFR. BFR Il est positif, alors qu’en 2001, il était observé un EFE. Il est à noter que les délais de décaissement des dettes fiscales et sociales sont trop longs (172 jours en 2001 et 2002) et ceux des fournisseurs varient peu (30 jours en 2001 pour 35 jours en 2002). Par contre, les délais d’encaissement des subventions de fonctionnement Etat se sont accrues. Ils sont passés de 9 jours en 2001 à 51 jours en 2002, ce qui rend comptez du passage d’un EFE en 2001 à un BFR en 2002. celui-ci reste largement couvert par le FRE. La trésorerie Elle est positive et constituée des disponibilités importantes liées à des versements tardifs de subventions en fin d’année.
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
En conclusion, la situation financière du Centre est bonne. Celui-ci dispose de capacités importantes de recourir à l’emprunt mais ce choix n’a pas été fait en raison d’une bonne trésorerie. Des investissements seront à prévoir dans les prochaines années en équipements de bureaux et l’acquisition de locaux à l’aide d’un emprunt pourrait s’envisager. Le FRE couvre largement le BFR mais il est constitué notamment de subventions de fonctionnement non utilisées, réparties sur plusieurs exercices ou versées tardivement. Par ailleurs, des améliorations pourraient être apportées dans les délais de décaissement des dettes fiscales et sociales.
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
CONTRAT DE SEJOUR EN FAMILLE D’ACCUEIL Vous avez sollicité les services de notre Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention des Addictions (CSAPA), pour vous aider dans : - votre démarche de soins relative à la consommation de produits psychoactifs et/ou - votre projet d’insertion sociale et professionnelle Votre projet s’accompagnait d’une demande d’hébergement en famille d’accueil et celle-ci a été acceptée. Cela nécessite de rompre, pour un certain temps, avec les habitudes que vous avez eues jusqu’à ce jour et de vous donner à nouveau, ou pour la première fois, les moyens indispensables pour vous permettre de choisir un nouveau mode de vie après votre séjour. Les décrets d’application de la loi du 2 janvier 2002 portant sur la rénovation de l’action sociale et médico-sociale, nous obligent à rédiger un document individuel de prise en charge précisant les engagements réciproques des parties en présence : A. En ce qui concerne le Centre de Soins L’aide au niveau du Centre de Soins se concrétisera par un soutien psychothérapique et un accompagnement socio-éducatif, en lien avec divers partenaires médicaux et sociaux. Des entretiens réguliers se dérouleront avec l’éducateur référent et le psychologue afin de : - Vous accompagner dans votre nouveau mode de vie,
- Vous aider à régulariser vos problèmes administratifs et financiers (notamment vos dettes),
- Vous aider à gérer votre budget mensuel, - Aborder les problèmes personnels et familiaux qui peuvent être à l’origine de vos difficultés afin de redonner sens à votre existence.
B. En ce qui vous concerne Vous êtes tenu de respecter les conditions suivantes de prise en charge : SANTE :
- La consommation de drogue, d’alcool ou de médicaments à usage détourné est interdite - A tout moment, le service se réserve la possibilité de procéder à une analyse d’urines dont les frais seront à votre charge - Le référent social sera informé de tout traitement provenant d’une prescription médicale. Il sera remis à la famille d’accueil qui le délivrera conformément à la prescription médicale. ARGENT :
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
- Vos documents bancaires seront déposés dans le coffre fort du centre. - La gestion de votre budget mensuel pour vos besoins quotidiens (nécessaire de toilette, vêtements, etc) se fera avec le référent. COMPORTEMENT : - Toute manifestation de violence physique ou verbale est interdite. - Les horaires quotidiens de la famille (repas, sommeil) seront respectés. - La participation aux tâches domestiques est requise. - Une attention sera apportée à l’apparence physique (tenue vestimentaire, hygiène corporelle). DIVERS : - Vous êtes astreint à rencontrer régulièrement les personnes chargées de votre suivi aux dates et heures convenues. - Vous devez respecter l’anonymat de la famille d’accueil (ne pas communiquer à qui que ce soit l’adresse de la famille et le numéro de téléphone). - Aucune communication téléphonique n’est autorisée vers l’extérieur (famille, amis), même avec un téléphone personnel. Vous ne pourrez vous servir du téléphone de la famille que pour appeler l’équipe éducative du service et avec l’accord de la famille. - Vous effectuerez un changement d’adresse et votre courrier sera reçu par le service qui vous le transmettra. - Il vous est déconseillé de rencontrer les personnes suivies ou ayant été suivies par notre structure et nous ne interdisons que vous vous rendiez dans les appartements thérapeutiques ou relais. Ces conditions de prise en charge vous sont demandées pour éviter de vous mettre en danger par rapport à votre projet de soins initial.
Tout incident ou manquement au règlement signalé par la famille d’accueil fera l’objet d’une intervention de l’éducateur.
DEROULEMENT DU SEJOUR
Après quinze jours de présence : Il vous sera possible de reprendre contact avec votre entourage par courrier. Le courrier transitera toujours par le centre de soins qui se réserve le droit d’en prendre connaissance. Après un mois de présence : Vous pourrez recevoir des appels téléphoniques lors des rencontres hebdomadaires programmées dans notre service. Les retours en week-end dans votre famille seront négociées avec votre référent et tiendront compte de votre situation personnelle.
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
C. En ce qui concerne la famille d’accueil Elle s’engage à : - assurer le gîte, le couvert et l’entretien du linge
- solliciter la participation de l’usager aux tâches domestiques, aux activités de loisirs et à des travaux d’entretien ou artisanaux - n’établir aucune relation d’argent avec l’usager (revente, prêt) - signaler le moindre incident - avertir le référent de tout départ non autorisé - collaborer avec le référent, autour des objectifs de la prise en charge
Les modalités de la prise en charge
La famille d’accueil est chargée d’amener la personne suivie, pour les entretiens éducatifs et psychologiques hebdomadaires, programmés au centre. Le référent se rendra une fois tous les 10 jours dans la famille d’accueil. En fonction du contenu et de l’évolution du projet, d’autres rencontres seront programmées avec l’usager. Le déroulement du séjour sera ponctué par des bilans mensuels en présence du directeur, de la famille d’accueil, du référent. Ils auront pour objectif de veiller à la réalisation du projet et d’apporter les aménagements nécessaires.
LES CONDITIONS DE RESILIATION DU CONTRAT o L’usager peut interrompre à tout moment sa prise en charge
o La famille d’accueil, souhaitant arrêter la prise en charge, doit accorder un délai de 48 H 00 (jours ouvrables) au référent afin d’évaluer la situation et réorienter la prise en charge
o Le directeur peut rompre le contrat de séjour en cas de non-respect : - des engagements de la personne accueillie
- de l’anonymat de la famille d’accueil (ses coordonnées ne devront pas être communiquées à la famille d’origine)
Fait à Saint-Omer, le
L’usager La famille d’accueil Le référent Nom et Prénom : Nom et Prénom : Nom et Prénom :
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CONTRAT DE SEJOUR EN APPARTEMENT THERAPEUTIQUE
Vous avez sollicité les services de notre Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention des Addictions (CSAPA), pour vous aider dans : - votre démarche de soins relative à la consommation de produits psychoactifs et/ou - votre projet d’insertion sociale et professionnelle. Les décrets d’application de la loi du 2 janvier 2002 portant sur la rénovation de l’action sociale et médico-sociale, nous obligent à rédiger un document individuel de prise en charge précisant les engagements réciproques des parties en présence : o En ce qui concerne le Centre de Soins
L’aide au niveau du Centre de Soins se concrétisera par un soutien psychothérapeutique et un accompagement socio-éducatif, en lien avec divers partenaires médicaux et sociaux, dans une optique d’aide à l’insertion sociale et professionnelle.
o En ce qui vous concerne
Vous êtes tenu de vous présenter régulièrement aux dates d’entretiens éducatifs et psychothérapeutiques qui auront été convenues préalablement. En cas d’impossibilité, vous informerez le professionnel concerné de votre absence, afin de prévoir un autre rendez-vous.
1. Le déroulement de la prise en charge
- Le premier mois est considéré comme une période d’essai qui consiste à mettre en place les grandes lignes de votre projet individuel de prise en charge. Il fournit aussi des indications sur votre capacité d’adaptation à la vie en appartement.
- Un bilan a lieu chaque mois avec l’éducateur référent et le Directeur du centre afin
de rendre compte de l’évolution de votre prise en charge et de définir des objectifs mensuels de réalisation de votre projet d’insertion sociale et professionnelle.
- A l’issue du 5ème mois, un bilan de fin de prise en charge est réalisé afin de
préparer la sortie ou de déterminer la durée maximale de votre séjour. - La durée de la prise en charge est fixée à 6 mois. Elle pourra être reconduite
jusqu’à une durée de 6 mois, après évaluation, chaque mois, de votre situation. 2. Les modalités de la prise en charge - La prise en charge éducative s’effectue à raison de plusieurs rencontres par semaine qui se déroulent soit au service, soit dans l’appartement. Elle a pour objectif de vous aider à vous adapter à la vie quotidienne, dans vos démarches diverses d’ordre administratif, judiciaire, et médical et dans vos démarches d’insertion sociale et professionnelle.
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
- La prise en charge psychothérapeutique correspond à un entretien individuel hebdomadaire qui se fait dans le service. Elle est déterminante afin de vous aider à comprendre les raisons qui vous ont amené à une consommation de produits psychoactifs. - Des bilans mensuels seront réalisés en présence du directeur et du référent. Ils permettront de faire le point sur votre situation et de définir les objectifs à mettre en place ou à poursuivre. 3. La tenue de l’appartement - Un état des lieux à l’entrée et à la sortie de l’appartement est effectué. Tout vol, perte, dégradation sont imputés sur la caution de 152 € (caution que vous devez obligatoirement verser au centre le jour de votre arrivée dans l’appartement ou constituer dès les premiers mois) - Vous êtes tenu au bon entretien de l’appartement
- Le service s’engage à régler le loyer et les charges courantes (eau, EDF, GDF, assurance)
4. La contribution financière Si vous disposez de revenus mensuels, vous supporterez les frais d’hébergement selon le barème suivant : - à partir de 305 € de revenus mensuels : prise en charge de l’alimentaire
- à partir de 610 € : participation au loyer de 1,50 € par jour et prise en charge de l’alimentaire
5. Les conditions de résiliation du contrat Votre prise en charge pourra s’arrêter à votre demande ou sur décision du directeur dans le cas notamment de reprise de produit, (le service se réserve la possibilité de procéder à une analyse d’urines dont les frais seront à votre charge), de violence, et de démarche insuffisante d’insertion sociale et professionnelle, de non-respect du voisinage et des engagements stipulés dans le contrat de séjour. Le non-respect du règlement ci-joint pourra également entraîner l’exclusion de l’appartement. Fait à Saint-Omer, le Le bénéficiaire, Le référent social (éducateur ou psychologue) Nom et Prénom : Nom et Prénom :
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CONTRAT DE SEJOUR EN APPARTEMENT THERAPEUTIQUE RELAIS
Vous avez sollicité les services de notre Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention des Addictions (CSAPA), pour vous aider dans : - votre démarche de soins relative à la consommation de produits psychoactifs et/ou - votre projet d’insertion sociale et professionnelle Les décrets d’application de la loi du 2 janvier 2002 portant sur la rénovation de l’action sociale et médico-sociale, nous obligent à rédiger un document individuel de prise en charge précisant les engagements réciproques des parties en présence : o En ce qui concerne le Centre de Soins
L’aide au niveau du Centre de Soins se concrétisera par un soutien psychothérapeutique et un accompagnement socio-éducatif, e, lien avec divers partenaires médicaux et sociaux, dans une optique d’aide à l’insertion sociale et professionnelle.
o En ce qui vous concerne
Vous êtes tenu de vous présenter régulièrement aux dates d’entretiens éducatifs et psychothérapeutiques qui auront été convenues préalablement. En cas d’impossibilité, vous informerez le professionnel concerné de votre absence, afin de prévoir un autre rendez-vous.
1. Le déroulement de la prise en charge - Le premier mois est considéré comme une période d’essai qui consiste à mettre en place les grandes lignes de votre projet individuel de prise en charge. Il fournit aussi des indications sur votre capacité d’adaptation à la vie en appartement. - La durée de la prise en charge en appartement relais est de 1 mois, renouvelable 1 fois. - Un bilan a lieu chaque mois avec l’éducateur référent et le Directeur du Centre afin de rendre compte de l’évolution de votre prise en charge et de définir des objectifs mensuels de réalisation de votre projet d’insertion sociale et professionnelle. 2. Les modalités de la prise en charge Le séjour en appartement relais est une étape intermédiaire. Il vise à : - Définir un projet de prise en charge socio-éducative - Evaluer votre capacité d’adaptation à la vie quotidienne - Préparer l’orientation ultérieure qui sera donnée à votre démarche de soins, après un séjour en appartement relais.
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
La prise en charge éducative s’effectue à raison de plusieurs rencontres par semaine qui se déroulent soit au service, soit dans l’appartement. Elle a pour objectif de vous aider à vous adapter à la vie quotidienne, dans vos démarches diverses d’ordre administratif, judiciaire, et médical et dans vos démarches d’insertion sociale et professionnelle. La prise en charge psychothérapeutique correspond à un entretien individuel hebdomadaire qui se fait dans le service. Elle est déterminante afin de vous aider à comprendre les raisons qui vous ont amené à une consommation de produits psychoactifs. 3. La tenue de l’appartement - Un état des lieux à l’entrée et à la sortie de l’appartement est effectué. Tout vol, perte, dégradation sont imputés sur la caution de 152 € (caution que vous devez obligatoirement verser au centre le jour de votre arrivée dans l’appartement ou constituer dès que possible) - Vous êtes tenu au bon entretien de l’appartement. - Le service s’engage à régler le loyer les charges courantes (eau, EDF, GDF, assurance). 4. La contribution financière Si vous disposez de revenus mensuels, vous supporterez les frais d’hébergement selon le barème suivant : - à partir de 305 € de revenus mensuels : prise en charge de l’alimentaire
- à partir de 610 € : participation au loyer de 1,50 € par jour et prise en charge de l’alimentaire.
5. Les conditions de résiliation Votre prise en charge pourra s’arrêter à votre demande ou sur décision du directeur dans le cas notamment de reprise de produit, (le service se réserve la possibilité de procéder à une analyse d’urines dont les frais seront à votre charge), de violence, et de démarche insuffisante d’insertion sociale et professionnelle, de non-respect au voisinage et des engagements stipulés dans le contrat de séjour. Le non-respect du règlement ci-joint pourra également entraîner l’exclusion de l’appartement. Fait à Saint-Omer, le Le bénéficiaire, Le référent social, (éducateur ou psychologue) Nom et Prénom : Nom et Prénom :
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HEBERGEMENT EN APPARTEMENT THERAPEUTIQUE ET EN APPARTEMENT THERAPEUTIQUE RELAIS
REGLEMENT INTERIEUR
Ces conditions de prise en charge vous sont demandées pour éviter de vous mettre en danger par rapport à votre projet de soins initial. Vous vous engager à :
• Ne consommer ni produits illicites, ni alcool. • Effectuer régulièrement une analyse d’urines au laboratoire, en présence d’un tiers. • Aviser obligatoirement l’équipe éducative de toutes consultations médicales. • Remettre tous vos documents bancaires au centre qui vous aidera à gérer votre budget. • Payer votre participation en début de mois. • N’accueillir et n’héberger personne, aucun animal. • Respecter les locaux, le mobilier, l’environnement. • Entretenir avec soin l’appartement (une retenue sur caution pourra être effectuée en cas de défaut d’entretien). • Ne pas nuire aux voisins et respecter les consignes de collectivité (bruit, entretien parties communes). • Ne pas s’absenter au delà d’une journée sans obtenir l’autorisation de l’éducateur. • Ne communiquer à qui que ce soit l’adresse de l’appartement sans l’accord du centre. • Faire adresser votre courrier au centre, 114, Rue de Calais, BP 98, 62 500 SAINT-OMER. • Accepter que les éducateurs passent régulièrement dans l’appartement même en votre absence afin de vérifier l’entretien de l’appartement. • Informer l’éducateur de toute démarche effectuée. • Respecter la date et l’heure de vos entretiens avec les professionnels du centre. • Respecter les horaires des services administratifs du centre (alimentaire).
En cas de non-respect de ce règlement, le directeur peut redéfinir votre projet, réduire la durée de votre prise en charge ou éventuellement prononcer votre exclusion immédiate. En cas d’expulsion ou de départ inopiné, avec ou sans nouvelle de votre part, vos effets personnels seront conservés au centre A.B.C.D., 1 mois. Passé ce délai, ils seront remis à une association caritative de notre choix. DATE : Le résident l’équipe éducative NOM et PRENOM
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ACTIVITE PROFESSIONNELLE
-LOGEMENT-
MEDICAL
PROFESSIONNEL ————————
USAGER
SOCIAL JUSTICE
-Sevrages hospitaliers- (le Square de Lens, Centres hospitaliers de St-Omer, Arras, Bailleul, Calais)
-Substitution- (médecins généralistes GT 59/62, pharmaciens
- Unités d’Alcoologie- ( Hôpital de St -Omer, Calais et Centre d’Alcoologie et de Nutrition de Calais)
- Soins Somatiques divers- (tous services de médecine et de gastroentérologie, professions libérales)
Post-cures
Bailleurs sociaux et privés
Structures d’hébergement collectif et d’insertion
-Organismes de formation- (Greta, Greffo, AFPA, APP, etc.)
ANPE
Missions Locales
-UTASS- (service social, socio-éducatif et PMI)
CPAM et CAF
CCAS
TGI de Boulogne, St -Omer, Béthune, Arras
Comité de probation
SEAT, COAE
Services Sociaux du milieu carcéral (Bapaume, Arras, Béthune, Longuenesse, Loos)
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
ANNEXE 3
CENTRE EDUCATIF RENFORCE
1. Le budget prévisionnel de fonctionnement à l’année 2. Le budget prévisionnel de fonctionnement en 2003 3. Le budget d’investissement 4. Planning hebdomadaire des activités
5. Projet de dispositif expérimental de professionnalisation des intervenants éducatifs en CER
6. Cahier des charges des CER
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
PLANNING HEBDOMADAIRE DES ACTIVITES
L
M
M
J
V
S
D
8h00 - 9h15
Lever - Petit déjeuner - Toilette
9h30 - 10h30 Lever + Petit déjeuner + Toilette
9h15 - 9h30
Réunion générale (programme de la journée répartition des tâches)
9h30 - 12h00
Activités de service Bilans, (jardinage, élevage, cuisine, Démarches d’insertion entretien des locaux, etc)
10h00 - 12h00 Activités Activités sportives de service / sorties culturelles
12h00 - 13h30
Déjeuner
13h30 - 17h00
Activités sportives / Activités psychocorporelles (des travaux d’aménagement de l’environnement ou des activités sportives peuvent être menés à la
journée selon le programme)
Activités sportives Sorties culturelles
17h00 - 19h00
Activités artistiques/entretiens psychologiques/préparation du repas
Activités artistiques / préparation du repas
20h00 - 22h30
Jeux de société / débat à thèmes / programme télévisuel / coin lecture
23h00
Coucher
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
PROJET DE DISPOSITIF EXPERIMENTAL DE PROFESSIONNALISATION DES INTERVENANTS EDUCATIFS EN
CENTRE EDUCATIF RENFORCE (C.E.R)
Les travaux menés au plan national (entre le SNASEA et la PJJ notamment, avec l’appui de la DGAS et de PROMOFAF) et au plan local (Rhône-Alpes, Midi-Pyrenées, etc) sur les enjeux de qualification dans les CER, ont conduit à envisager un dispositif ayant pour principe de dispenser au plus près de l’exercice professionnel en CER, des modules de formation qui entrent dans les parcours de qualification existants afin de favoriser la validation des acquis des intervenants éducatifs. Ce dispositif se propose : - de permettre aux intervenants éducatifs en CER d’acquérir des compétences pertinentes au plan de l’exercice professionnel ; - de capitaliser et de formaliser des savoirs, d’organiser les contenus de formation propres à l’intervention en CER ainsi que des supports pédagogiques appropriés ; - de tester l’accès à une qualification reconnue pour les intervenants en CER non titulaires de diplômes. Cette expérimentation d’une durée de 2 ans, est ouverte à tous les CER qui le souhaitent. Elle est confiée à des centres de formation agréés au titre du travail social ; la maîtrise d’œuvre est assurée par PROMOFAF et un Conseil Scientifique qui permettra de mobiliser les expertises nécessaires. Les centres de formation devront être capables d’adapter leurs formations aux spécificités de l’intervention en CER, l’objectif étant de promouvoir un système de formation fondé sur l’alternance. Afin que l’organisation des sessions de formation soit au bénéfice d’un nombre suffisant d’intervenants éducatifs en CER, un minimum de 7 ou 8 CER devraient être concernés autour de chaque centre de formation. Le développement d’une démarche de formation de ce type, fondée sur l’alternance et « le retour sur expérience » passe par son inscription dans le projet d’établissement. Les principes suivants ont été retenus : - Les CER sont des laboratoires de pratiques éducatives expérimentales. C’est pourquoi le projet vise à concrétiser et instrumenter cette dynamique formative, et à l’inscrire dans un cursus structuré susceptible de consolider l’exercice professionnel en CER. Ainsi cette expérimentation générera des connaissances transférables à d’autres dispositifs pédagogiques. - Les intervenants éducatifs en CER ont souvent des trajectoires professionnelles multiples. C’est pourquoi, le projet vise à apporter les éléments d’une construction professionnelle dans le champ éducatif en favorisant leur stabilité et leur promotion professionnelle.
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
Une coordination opérationnelle sera assurée par l’Institut Méditerranéen de Formation (IMF) en lien avec la maîtrise d’œuvre assurée par PROMOFAF. Le pilotage du projet sera assuré : l Par un Comité de Pilotage National, composé des ministères (PJJ et DGAS) et des organismes de la branche professionnelle (UNASEA, SNASEA et PROMOFAF) ; ce lieu d’interrogation et de validation politique sélectionnera les sites expérimentaux (les CER), mobilisera les centres de formation et déterminera la composition du groupe de suivi du projet. Il aura également un rôle d’impulsion, de décision, de validation et de capitalisation des résultats. l Par un Groupe d’Animation Technique, composé de personnes nommément mandatées par les organismes signataires, chargé de la supervision technique. Il est assisté d’un Conseil Scientifique composé d’experts des disciplines mobilisées afin de bénéficier d’un transfert de compétences. Sur le plan budgétaire, la prestation des centres de formation, tant pour la formation intégrée aux sessions de CER, que pour les formations en centres de formation, devraient se situer au maximum à 10 euros de l’heure de formation. Facturée aux CER (20 à 25 000 euros par an et par CER), elle sera financée par le Fonds Social Européen (FSE) avec le cas échéant une contribution du Fonds d’Intervention National (FIN), qui permet aux adhérents de la cotisation - formation versée à PROMOFAF, de bénéficier d’un soutien financier pour assureur la qualification et les compétences professionnelles des personnels qui participent à l’effort d’adaptation des « publics spécialisés ». - Les frais internes des CER (rémunérations des stagiaires, frais de transport et d’hébergement) seront en partie intégrés au budget de fonctionnement du CER, à proportion du différentiel entre la masse salariale d’une équipe qualifiée et celle des équipes existantes (75 % des salariés travaillant en CER ne sont pas qualifiés). - Le coût de la coordination opérationnelle et du pilotage a été estimé à 100 000 euros pour les deux années d’exercice, financé par le Fonds Social Européen et le budget études de PROMOFAF. Le plan de budgétisation de ce dispositif d’expérimentation de formation et de qualification des intervenants éducatifs en CER sera finalisé et validé prochainement par le Comité de Pilotage National.
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
Le nouveau calendrier pour le lancement du projet serait le suivant : - Signature des conventions et contrats de prestations de services en février 2003. - Travaux préparatoires pour la mise en place du dispositif expérimental de validation des
acquis des intervenants éducatifs en CER - mars à mai 2003. - Lancement des premières actions de formation dans les CER à partir de juin 2003. Journée d’étude : Deux journées ont été programmées : 1) Une journée d’étude sur le thème de la formation professionnelle continuée, organisée par
le SNASEA et PROMOFAF aura lieu le 17 avril 2003 au FIAP, 30, Rue Cabanis à Paris : - un pré-programme a été discuté et le programme sera communiqué ; - l’organisation serait assurée par les services communication de l’UNASEA et de
PROMOFAF. - le budget sera alimenté par les 3 200 euros prévus au budget initial par la PJJ, et si
nécessaire aux contributions du SNASEA et de PROMOFAF (maximum 1500 euros). 2) Une journée d’information relative au projet de professionnalisation des intervenants
éducatifs en CER, destinée aux correspondants régionaux CER de la PJJ, aura lieu le 7 mars 2003 de 9 heures à 12 heures 30 au siège su SNASEA, 27-29, Avenue Parmentier à Paris.
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
BUDGET D’INVESTISSEMENT
RUBRIQUES
MONTANT
- Immeuble acquisition travaux d’aménagement - Véhicules fourgon-trafic voiture de service - Equipements de bureau mobilier (bureaux, fauteuils, armoires, etc) matériel (photocopieur, ordinateur, etc) - Equipements divers chambres (lits, armoires, etc) cuisine (chambre froide, cuisinière, etc) salle à manger (tables, chaises, etc) buanderie (lave-linge, table à repasser, etc) frais de première installation (matelas, draps, couvertures, ustensiles ménagers, etc) - Matériels divers jardinage (tondeuse, outils, etc) activités pédagogiques (caméra vidéo) camping (tentes) - Divers alarme incendie coffre
304 898 76 224
21 000 12 190
5266 10 399
3453 12815 3461 2226 4591
6402 763 2270
3811 2287
TOTAL
474 722
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
LE BUDGET PREVISIONNEL DE FONCTIONNEMENT A L’ANNEE DU PROJET
Dépenses
Montant
Recettes
Montant
CHARGES ( achats liés au projet, prestations externes, etc)
280 274
Ministère de la Justice
725 799
Comptes 60 - Achats Comptes 61 - Services extérieurs Comptes 62 - Autres services extérieurs Comptes 63 - Impôts et taxes Comptes 65 - Autres charges Comptes 66 - Charges financières Comptes 68 - Dotations aux amortissements
82 667 38 034 34 653 33 473 4756 42 336 44 328
FRAIS DE PERSONNEL
445 552
Salaires Charges sociales Autres
304 762
134 158
6632
TOTAL
725 799
TOTAL
725 799
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
LE BUDGET PREVISIONNEL DE FONCTIONNEMENT
EN 2003 DU PROJET
DEPENSES MONTANT RECETTES MONTANT CHARGES (achats liés au projet, prestations externes, etc)
68 817,74
Ministère de la Justice
182 938,32
Comptes 60 - Achats Comptes 61 - Services extérieurs Comptes 62 - Autres services extérieurs Comptes 63 - Impôts et taxes Comptes 65 - Autres charges Comptes 66 - Charges financières Comptes 68 - Dotations aux amortissements
20 666,75 8302,49 8625,25 8368,25 1189 10 584 11 082
FRAIS DE PERSONNEL
114 120,58
Salaires Charges sociales Autres
70 488,57 34 735,01 896
TOTAL
182 938,32
TOTAL
182 938,32
MIEL Christian – Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 2004
CAHIER DES CHARGES POUR LA CREATION DES CENTRES EDUCATIFS RENFORCES
Le cadre d’élaboration fixé par le présent cahier des charges est destiné à établir les références communes qui fondent la spécificité des centres éducatifs renforcés par rapport aux autres modes de prise en charge. Il concerne essentiellement le type de mineurs à prendre en charge, la constitution d’une équipe resserrée, le montage d’actions et de séjours de rupture à partir de sessions limitées dans le temps (pour donner corps à la notion de rupture mais aussi pour permettre un rythme de travail adapté au faible effectif de personnels en charge de l’action : récupérations, congés, formations, etc…) et le travail sur le maintien du lien avec les autres structures éducatives concernées par une prise en charge à plus long terme de ces mineurs. Les modalités d’élaboration des projets seront, quant à elles, entièrement du ressort de leurs promoteurs sous la responsabilité des directeurs régionaux et départementaux concernés. Ces derniers veilleront à inscrire ces projets dans le schéma départemental. Ce cadre national permet d’envisager le lancement de nouveaux projets dans une perspective plus ouverte. Certains aspects de la définition et de l’organisation de ces projets peuvent être entièrement renouvelés, d’autres doivent être approfondis. Les modalités d’organisation des centres éducatifs renforcés Les centres éducatifs renforcés ont pour vocation d’accueillir un petit groupe de 8 mineurs maximum. L’idée force de ces structures réside dans l’encadrement éducatif renforcé, c’est à dire dans la mise en place d’un accompagnement permanent des mineurs, dans les actes de la vie quotidienne comme dans les différentes démarches de remobilisation. Plus que l’hébergement au sens strict, c’est la présence éducative continue qui constitue leur singularité. Il s’agit de petites unités d’hébergement qui doivent s’articuler sur un dispositif d’activités de jour ou sur des actions spécifiques développées avec les jeunes durant une durée limitée. Cet accompagnement éducatif permanent doit créer les conditions d’une rupture pour les mineurs placés. Autour de l’idée de rupture, il y a une double dimension ; une première qui renvoie à la mise en place d’un lieu de vie, d’une structure d’accueil pour les jeunes organisée à partir du « vivre avec » (le quotidien, la socialisation, le rapport à l’adulte…) et une seconde qui renvoie à un temps de rupture à partir d’actions de remobilisation, ce qui certaines expériences existantes ont pu mettre en œuvre sous le terme de dégagement. Les mineurs qui sont pris en charge dans les centres éducatifs renforcés sont ceux qui, momentanément, ne relèvent pas d’une prise en charge collective traditionnelle mais qui ont besoin pour un temps limité d’être éloignés de leur milieu naturel. Il s’agit de mineurs délinquants en grande difficulté, placés dans le cadre de l’ordonnance du 2 février 1945. pour le secteur associatif, il vous appartient de négocier avec le conseil général la possibilité d’y confier des mineurs qui présentent des troubles importants de la personnalité sur le fondement des articles 375 et suivants du code civil. Le montage du projet, comme sa mise en œuvre collective, doit être élaboré en collaboration avec les juridictions pour fixer ensemble des conditions du placement. La prise en charge dans les centres éducatifs renforcés se fera pour une durée limitée autour de 3 mois, avec la possibilité d’aller jusqu’à 6 mois selon les spécificités des projets. Il
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ne s’agit pas d’installer les mineurs dans un projet long à partir d’un hébergement en institution mais bien de créer pour eux les conditions d’une coupure avec leur milieu et avec leur parcours propre, que celui-ci se joue dans la délinquance réitérative ou bien dans la marginalisation et l’exclusion. Ce temps court doit être aussi un temps d’évaluation des mineurs, de leur situation et des potentialités existantes en termes de solutions éducatives durables. Il convient de rappeler que c’est l’action éducative qui est renforcée dans la vie quotidienne des jeunes. Cela signifie clairement que l’on n’est pas dans une problématique de contention, la question de la contrainte renvoie aux limites à poser au jeune et au travail qu’il faut mener à partir de ses transgressions. Le juge est le garant du respect de la loi et applique les sanctions qui découlent de sa transgression ; le responsable du service pose des règles de vie en groupe et le non respect de ces règles relève de la réponse éducative. Les centres éducatifs renforcés ont vocation à accueillir des jeunes provenant de juridictions situées dans ou hors du département et notamment des départements prioritaires. Ils peuvent avoir une dimension régionale, tant en ce qui concerne l’origine géographique des mineurs accueillis qu’en ce qui concerne la constitution de l’équipe éducative dont les personnels peuvent venir de départements différents à l’intérieur de la région. Ils peuvent être publics, associatifs ou encore mixtes, à l’intérieur d’un montage administratif à définir avec l’administration centrale. Les normes concernant le nombre de jeunes accueillis et celui de leurs encadrements seront fonction du contenu des projets ; elles seront néanmoins fixées au sein d’une « fourchette » qui garantisse la spécificité de cette prise en charge pour éviter le risque de reproduire la structure d’un hébergement traditionnel (un nombre minimal qui garantisse une prise en charge réaliste avec des conditions suffisantes de sécurité et un nombre maximal au dessus duquel on passe à une prise en charge de type foyer). La place des centres dans les projets départementaux et régionaux Les centres éducatifs renforcés mettent en œuvre une action éducative limitée dans ses objectifs et dans le temps et, par conséquent, complémentaire à d’autres modalités d’intervention qui constituent la prise en charge globale du mineur suivi. Cette action ne peut produire les résultats escomptés que s’il y a une préparation en amont et une perspective de passage de relais en aval. La coordination avec les autres services éducatifs est donc ici une exigence incontournable. Le maintien de la mesure de milieu ouvert parallèlement au placement doit permettre une continuité éducative au delà du temps de prise en charge dans le centre éducatif renforcé, elle est capitale pour constituer un passage vers d’autres modalités de réponses éducatives. Les autres services éducatifs, hébergements ou dispositions d’activités de jour, sont quant à eux dans une position de partenaires ou d’accueil à la sortie du centre. Cette coordination est de la responsabilité des directeurs régionaux et départementaux. Un correspondant régional sera désigné pour instruire et transmettre les projets au comité de pilotage national. Le comité de pilotage national, présidé par le sous-directeur de l’action éducative et des affaires judiciaires, est composé d’un représentant de la sous-direction des affaires administratives et financières, de membres des bureaux K1 et K4, d’un représentant du service de l’inspection, d’un représentant du CNFE, du médecin psychiatre chargé de mission auprès de la directrice sur les questions de santé mentale et, pour les projets du secteur associatif, des représentants des fédérations d’associations.
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Fonction de direction et pluridisciplinarité Les différents bilans des unités à encadrement éducatif renforcé ont fait apparaître une fragilité particulière de ces équipes du fait d’un trop grand isolement et d’une absence d’autres ressources que celles des éducateurs. Les questions de l’animation d’équipe, de la formation des personnels et du recours à des apports extérieurs sont donc à travailler avec une particulière attention. Pour le secteur public, les centres éducatifs renforcés sont administrativement rattachés à un centre d’action éducative et sont donc sous la responsabilité du directeur de service. Ce dernier doit prendre en compte la gestion et l’organisation du centre ainsi que l’animation pédagogique. Il sera dans la mesure du possible secondé par un chef de service éducatif pour l’animation pédagogique. La présence d’un clinicien au côté des personnels éducatifs s’est révélée être un atout indiscutable pour les unités à encadrement éducatif renforcé qui ont bien fonctionné. Cette présence concerne le travail effectué avec chaque mineur et constitue un apport en termes d’analyse des situations et de distance nécessaire par rapport au quotidien éducatif. Chaque projet doit prévoir le recours à un psychologue ainsi qu’un lien avec les praticiens de la santé physique et mentale du secteur. Les modalités de prise en charge éducative dans les centres éducatifs renforcés seront intégrées dans la politique de formation des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, qu’il s’agisse des formations dispensées par le centre national de formation et d’études ou par les centres régionaux de formation. La gestion administrative et financière a- dans le secteur public Les équipes éducatives se composent d’éducateurs, d’agents techniques d’éducation et, selon les possibilités, d’un chef de service éducatif fonctionnel, tous volontaires et partie prenante du projet pédagogique avec, si nécessaire et dans une proportion réduite, l’appoint possible de nouveaux titulaires sortant de formation. Il convient de prévoir la participation de cliniciens au travail de l’équipe, avec des titulaires ou par le recours à des vacations. L’équipe éducative (éducateurs, agents techniques d’éducation et chef de service éducatif) sera composée au maximum de 6 personnels, avec dans ce cas un nombre d mineurs accueillis équivalent à celui des encadrants. Des moyens supplémentaires lui seront affectés pour les frais de première installation, le budget de fonctionnement et les vacations de psychologue et de psychiatre. Les personnels quant à eux bénéficieront d’une prime spécifique équivalente au régime indemnitaire appliqué aux anciennes unités à encadrement renforcé. b- dans le secteur associatif habilité Le coût global d’un centre éducatif renforcé ne devra pas excéder 2 800 000 F, pour un fonctionnement de 310 journées et une prise en charge minimum de 6 jeunes. Les investissements de première installation ne devront pas être supérieurs à 300 000 F. D’autre part, le bilan des premières expériences permet de constater que, pour répondre aux dispositions de la convention collective régissant le milieu médico-social, un quota annuel d’heures supplémentaires équivalant à un poste budgétaire a été payé. En conséquence, pour assurer un encadrement permanent de 8 adolescents au maximum, les centres
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éducatifs renforcés devront prévoir en personnels 7,5 équivalents temps plein, dont un de chef de service éducatif, responsable du centre. Les personnels affectés dans les centres éducatifs renforcés bénéficieront d’un régime indemnitaire spécifique.