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Organisation du rapport de forces en football
1.- Introduction
1.1.- Définitions……………………………………….………………………………………………p.
1.2.- La dynamique des forces………………………………………………………………...p.
2.- Les différentes forces d’une équipe………………………………………………………p.
2.1.- La force athlétique………………………………………………………………………….p.
2.2.- La force cognitive…………………….……………………………………………………..p.
2.3.- La force motivationnelle………………………………………………………………….p.
3.- Analyse tactique du rapport de forces…….………………………………..………….. p.
3.1.- De la stratégie à la tactique……………………………………………………………… p.
3.2.- L’attaque………………………………………………………………………………………….. p.
3.3.- La défense………………………………………………………………………………………… p.
3.4.- Synthèse……………………….………………………………………………………………….. p.
20
4.- Analyse stratégique du rapport de forces : Les systèmes de jeu………… p.
4.1.- Définition………………………………….…………………………………………….. p.
4.2.- Fonction du système de jeu…………………………………….…………….. p.
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1.- Introduction
1.1.- Définitions.
J.Teissie1 explique que « dans la lutte pour le ballon qui oppose les vingt-deux acteurs d'un
match de football, le champ de jeu apparaît comme un champ de forces associées ou
antagonistes qui gravitent sur le cheminement du ballon et convergent vers l'un ou l'autre but ».
La confrontation entre l’Attaque et la Défense, conséquence, de la logique du jeu basée sur une
dialectique d'opposition est à l'origine de la production d’une force collective2. Merleau-Ponty3
dans son approche phénoménologique précise que « les manœuvres entreprises par les
joueurs… tendent de nouvelles lignes de forces où l’action à son tour s’écoule ». On peut y voir
une forme de transcendance constitutive qui renvoie au fait pour les joueurs d'unir, d'organiser
et de fédérer leurs ressources physiques, cognitives et affectives pour réussir à dépasser
l’adversaire dans les limites spatiales et temporelles4 prévues par le règlement5.
C.Bayer6 quant à lui démontre que « l’étude du rapport de force… permet d’analyser l’évolution
constante et les interactions perpétuelles entre l’attaque et la défense seulement
compréhensibles l’une par rapport à l’autre ». La défense n’existe que par rapport à l’attaque et
inversement. E.Mombaerts7 précise d'ailleurs que « 70% des séquences de jeu d’un match de
haut niveau comportent plus de deux enchaînements offensif / défensif ». Cette réversibilité
permanente impose aux joueurs une disponibilité motrice et cognitive permettant un passage 20
rapide et efficace du statut d’attaquant à celui de défenseur ou l’inverse. L’équipe qui est capable
de le faire plus vite que l’autre et mieux que l’autre prend un avantage temporel qu’elle devra
conserver pour aller jusqu’à la position de tir.
1.2.- La dynamique des forces.
La force d’une équipe est l’association et non la somme des forces individuelles. Qu’il
s’agisse de la prise d’avantage sur l’adversaire, ou la recherche du maintien de l'équilibre ou
encore de la volonté de retrouver la stabilité défensive, les manœuvres tactiques ne peuvent
s’entendre que comme le fruit d’une réponse collective à un problème posé par l’adversaire.
L’équipe n’est pas la somme arithmétique des qualités individuelles de chaque équipier.
- l’ approche sociologique : elle nous renseigne sur le phénomène et Lewin8 montre que
« la constance historique crée un champ de forces additionnel qui tend à maintenir le niveau
11
J.TEISSIE, Le Football, 2ème
Ed, 1969, p.52. 2 J.TEISSlE, ibid. p.53. L’auteur parle lui de « système de forces dont la structure géométrique est changeante ». 3 M.MERLEAU-PONTY, La Structure du comportement, 1942, p.228-229. 4 Durée d’un match : 90mn.
5 M.BOUET, Signification du sport, 1968, p.204, « …la rectangularité territoriale…appelle une relation d’opposition qui articule mieux la
tension que ne le ferait le carré ». 6 C.BAYER, « Jeux sportifs collectifs, fondements d’une attitude prospective », in Revue EPS, N° 133, mai 1975, p.64. 7 E.MOMBAERTS, De l’analyse du jeu à la formation du joueur, 1991, p.51.
8 K.LEWIN, cité par J.FERIGNAC et al , « La technique dans les sports collectifs », in Compte rendu du colloque international Sports
Collectifs, 1965, p.52.
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présent en plus des forces quelconques qui maintiennent le processus social à ce niveau ». En
d’autres termes, le joueur dépasse ses propres normes pour adhérer aux valeurs de l’équipe.
Ainsi on peut dire que les stratégies choisies avant le match deviennent « une valence positive
correspondant à un champ de forces central, avec une force maintenant l’individu en accord avec
les normes du groupe9 ».
- l’approche systémique : l’équipe se distingue « d’une forme globale et implique
l’apparition de qualités émergentes. C'est l’agencement de relations entre composants ou
individus (joueurs) qui produit une nouvelle unité possédant des qualités que n'ont pas les
composants10 ». L'équipe est alors un tout dynamique, s'inscrivant dans une temporalité
limitée11, qui ne peut être réductible aux éléments que sont ses joueurs. L’ensemble de ces
réflexions nous permet dès lors d’avancer l’hypothèse suivante : quand les deux sous-systèmes
attaque et défense opposent leurs forces respectives ; deux variantes apparaissent qui
caractérisent cette confrontation :
- dans un premier temps : le système match tend vers l'équilibre ce qui peut aboutir à terme
et sans perturbation à un match nul.
- dans un second temps : le système match tend vers le déséquilibre, une équipe tente de
prendre l’avantage sur l’autre pour remporter le gain du match.
Pour conclure, nous dirons avec C.Bayer12 que :« Cette lutte sans cesse recommencée facilite le
dépassement de chacun des protagonistes, en favorisant l’intégration d’acquisitions nouvelles
aux possibilités déjà existantes ». 20
2.- Les différentes forces d’une équipe.
Nous venons de voir que la « force » d’une équipe n’est pas une quantité mesurable mais
qu’elle est un ensemble de phénomènes qui vont se combiner pour donner au final la possibilité
à un groupe de s’opposer à un autre groupe pour essayer de le dépasser. Concrètement au cours
du match, cette force apparaît comme la possibilité qu’a une équipe de mettre en place des
dispositifs tactiques destinés à s’opposer ou dépasser l’adversaire. Chaque équipe le fera avec
plus ou moins de fréquence, de constance, de réussite et de vitesse. Il semble alors opportun de
clarifier cette notion de forces que l’on peut aussi caractériser comme étant les ressources d’une
équipe. Nous verrons qu’en les identifiant, les joueurs et l’entraîneur sont alors à même
d’élaborer des stratégies d’avant match.
9 K.LEWIN, ibid, p.52.
10 D.DURAND, La Systémique,1990, p10. 11
On peut voir ici la difficulté que représente le maintien sur le long terme ( une saison ) des qualités manifestées par une équipe. En effet,
la force dégagée par une groupe de joueurs est un "produit instable" lié aux variations des ressources particulières de chacun des joueurs. 12
C.BAYER, op-cit, p.64.
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2.1.-: Les forces athlétiques.
Nous ne développerons pas cette partie et nous renvoyons aux nombreux auteurs qui ont
traité la question ( J.Mercier, 1981 ; J.Palfaï, 1989 ; R.Taelman, J.Simon, 1991 ; G.Cometti, 1993 ;
T.Reilly, J.Bangsbo, M.Hugues ; 1997 ; R.Verheijen, 1999). Pour résumer nous dirons que plus une
équipe est endurante ou forte énergétiquement, c’est à dire plus la puissance maximale
aérobie13 (Vo2) des joueurs est importante et plus elle a de chances de pouvoir répéter les
actions offensives et défensives lui permettant de prendre l’avantage sur l’autre. Plus ses joueurs
courent rapidement et plus l’équipe a des chances de faire des différences dans les appels de
balle offensifs ou les interventions défensives. Plus les joueurs sont forts musculairement et plus
ils peuvent lutter de la tête ou bien gagner des duels. Cette force athlétique est évidente et elle
est quantifiable à partir de nombreux tests. Ce qui est moins mesurable c’est le rendement
athlétique des joueurs au cours des rencontres.
Nous savons que le système équipe a besoin d’énergies pour fonctionner. Le potentiel physique
des joueurs est l’une d’entre elles et il sert de « substrat énergétique » au développement du jeu
de l’équipe. Les choix stratégiques préalables au match s’appuient sur une possibilité athlétique
de les réaliser. Quand un entraîneur décide par exemple de faire un pressing14 offensif durant le
premier quart d’heure d’une rencontre, il faut pour cela que les joueurs soient aptes à assurer
cette charge énergétique éprouvante sans hypothéquer les chances de réussite pour le reste du 20
match. Ils doivent aussi conserver leur potentiel d’analyse et de réflexion tactique durant un
effort aussi intense et contraignant que le pressing. Nous voyons que la stratégie repose sur la
prise en compte des différents facteurs de la performance, entendus ici comme l’énergie
nécessaire au fonctionnement du système équipe.
2.2.- La force « cognitive ».
Nous désignons sous ce terme, l’ensemble des ressources intellectuelles que le joueur
utilise pendant le match pour analyser les faits du jeu et répondre ensuite techniquement aux
problèmes posés par l’adversaire. Parmi les mécanismes impliqués nous pouvons citer très
rapidement15 : la mémoire, la vision du jeu associé au traitement de l’information et
13
R.TAELMEN, J.SIMON, Football performance, 1991. p.27. Nous parlerons en fait du de seuil anaérobie comme « le moment où
l’intensité de l’effort devient telle que la consommation d’oxygène et le métabolisme aérobie ne vont plus pouvoir augmenter beaucoup et
que pour répondre aux besoins énergétiques toujours croissants, la glycolyse anaérobie va fortement augmenter et par voie de conséquence
la production de CO2 dépasser la consommation d’oxygène ».
14 R.MICHELS, « Le pressing en football », in Football, entraînement à l’Européenne, 1981, p.89-111. L’auteur définit le pressing de la
façon suivante « quand nous perdons la balle, nous ne nous replions pas devant notre but pour le défendre ; nous nous efforçons de la
récupérer au niveau de chacune de nos lignes ; quand les défenseurs adverses ont la balle, nous nous efforçons de la leur subtiliser. », et il
précise que pour « pratiquer cette stratégie, il faut avant tout un groupe d’au moins quinze joueurs offrant un large éventail de qualités
techniques au plus haut niveau et doués d’une intelligence supérieur du jeu. Pour couronner le tout, ils doivent être en super condition ».
Les joueurs doivent monter rapidement sur le porteur de balle, coordonner leurs mouvements pour limiter au maximum les possib ilités de
passes adverses en se situant au marquage individuel où sur les trajectoires possibles de passes. 15
Nous reprendrons ces notions dans la deuxième partie de notre travail au cours de l’analyse du jeu en déviation.
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5
l’anticipation. R.Lerda16 définit ces ressources comme « les facteurs cognitifs qui sous-tendent le
comportement décisionnel dans les situations de football (les activités mentales et le traitement
de l’information) dont on sait qu’elles mobilisent également les dimensions technique et
physique de la performance ». En fait nous pouvons dire que ces processus cognitifs sont la base
intellectuelle de l’action de jeu que Mahlö17 dépeint comme « la combinaison significative, plus
ou moins compliquée de divers processus moteurs et psychiques, indispensables à la solution
d’un problème né de la situation de jeu ». Ces processus intellectuels sont à la base des actes
tactiques que les joueurs vont effectuer au cours du match. S’il semble difficile de « mesurer » la
valeur cognitive d’une équipe, il apparaît néanmoins important que les joueurs aient cette
réflexion au cours du match. Rioux & Chappuis18 ne disent pas autre chose quand ils écrivent
qu’« une action collective efficace dépend de la concordance des conceptions tactiques
particulières, et qu’il faut que chaque exécutant se sente vraiment responsable des décisions qui
l’engagent ». Plus les joueurs analysent le jeu et donnent des réponses justes et plus ils ont de
chances de prendre l’avantage sur l’adversaire. Nous pouvons ajouter que plus ils le font vite et
plus ils accroissent les probabilités de faire basculer le rapport de forces en leur faveur.
Mais notre analyse n’est pas complète si nous ne prenons pas la précaution de tenir compte de
l’imbrication permanente des différents mécanismes qui interviennent à divers moments et à
différents degrés dans le jeu. Ainsi, les réponses tactiques ne sont possibles que si le support
athlétique le permet ce qui fait dire à J.Palfaï19 que « le plus haut degré de connaissances dans le
jeu ne peut se déployer dans la pratique que si les qualités physiques et psychologiques sont 20
développées et maintenues au plus au niveau ». Réciproquement la qualité tactique d’une
équipe peut lui permettre de faire l’économie de certains efforts et donc de pouvoir être plus
efficiente.
2.3.- La force motivationnelle.
Il est fréquent d’entendre parler « de force morale », de solidarité d’une équipe. Plus
concrètement, il semble évident qu’une équipe dont les joueurs ont tous le même
investissement dans les tâches offensives et défensives possède un avantage par rapport à son
adversaire. Ceci est traduit par Roux & Chappuis20 quand ils disent que « la réalité d’une équipe
déborde largement le simple rendement opérationnel et s’exprime plus particulièrement dans
les relations psychosociales toujours très étroites ». En effet, une formation ainsi dynamisée voit
sa motivation augmenter et elle permet au joueur de faire des efforts intenses plus longtemps au
cours du match. C’est cette envie qui transcende souvent les équipes amateurs face aux
professionnelles dans des matchs de Coupe. La force de l’équipe peut ici s’apparenter à une
16
R.LERDA, Les déterminants cognitifs des conduites de décision : le cas du football, 1993, Thèse STAPS, p.4. 17
F.MAHLO, op-cit, p.28-29. 18
G.RIOUX,R.CHAPPUIS, L’équipe dans les sports collectifs, 1977, p.18. 19
J.PALFAI, Méthodes d’entraînements moderne en football, 1989, p.193. 20
G.RIOUX,R.CHAPPUIS, op-cit, 1977, p.11.
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6
volonté de dépassement21 de soi-même afin de porter ses limites physiques et techniques au
maximum de ses possibilités. L’équipe apparaît alors soudée et conquérante ce qui se traduit sur
le terrain par une facilité et une spontanéité dans les actions de soutien au porteur de balle, dans
les actions de reconquête du ballon ou dans la multiplication des appels de balle. L’équipe est
forte car elle se donne les moyens de mobiliser les ressources énergétiques au plus au niveau de
rendement. Mais cette force n’est pas forcément suffisante et il arrive aussi que « la force
technique » ne soit pas au diapason de la motivation, ce qui limite les chances de remporter le
match.
3.-: Analyse tactique du rapport de force.
3.1.- De la stratégie à la tactique.
Sans remonter au jeu originel qu’est la Soule22, le football est un affrontement entre deux
groupes, deux collectifs aux intérêts divergents. Les équipes sont opposées tout en ayant le
même but qui est le gain du match. Pour prendre l’avantage sur l’adversaire les joueurs et
l’entraîneur ont tout intérêt à s’organiser au préalable. Pour cela, ils vont répertorier l’ensemble
des points forts et des points faibles de l’équipe afin de mettre en œuvre des stratégies destinées
à conquérir et conserver la balle pour aller vers la cible et tirer. Issue du vocabulaire de la guerre,
mais utilisée dans d’autres domaines comme les mathématiques ou l’économie23, la notion de 20
stratégie s’applique aussi au football quand elle « consiste à faire concourir des moyens
hétérogènes et des actions dissemblables à la réalisation d’objectifs globaux. Cette action
implique la prise en considération, dans un même raisonnement de variables de nature diverse,
dont certaines, parmi les plus importantes, ne sont pas quantifiables24 ». Ce qui revient à dire
que si la « force globale » d’une équipe de football n’est pas une notion quantifiable, nous avons
néanmoins recensé différentes ressources individuelles qu’il semble indispensable à prendre en
compte dans l’élaboration d’une stratégie commune destinée à dépasser l’adversaire.
G.Boulogne25 parle d’organisation de jeu, mais nous assimilerons sa définition à celle de
stratégie. Il dit que « L’organisation de jeu assure une base rationnelle à l’équipe et permet une
meilleure répartition des efforts, donc un meilleur rendement. Elle donne des positions de base
aux joueurs, définit leurs fonctions principales, assure la cohésion de l’équipe, fixe les lignes de
21
M.DURAND, L’enfant et le sport, 2ème
Ed, 1989, p.42. « Il s’agit pour le joueur d’atteindre un objectif clairement défini (battre un
adversaire ou réaliser un certain standard de performance) tel que sa prestation puisse être évaluée en termes de succès ou d’échec. On peut
dire encore que le joueur cherche spontanément à améliorer l’efficacité de son comportement de façon à atteindre des niveaux d’efficacité
très élevé dans des situations qu’il valorise, par exemple : le match. 22
A.DUFAY, Chasseur de but, 1993, p.9-10. L’auteur cite J.LE FLOCH’MOAN. « Il existe une variante appelée courte soule où il
s’agissait, soit de pousser le ballon à l’extrême limite du camp défendu par l’adversaire, soit d’aller le déposer en un endroit précis, soit
encore de le faire passer entre eux piquets. Le jeu était accompagné de nombreux dangers, dont certain échoient aux joueurs. Pour preuve
de cela, quand le jeu se termine, vous les voyez rentrer chez eux, comme d’une bataille rangée, avec des têtes sanglantes, des os brisés et
déboîtés, et des coups de nature à raccourcie leurs jours ». 23
J.VON NEUMANN, O.MORGENSTEIN, Theory of games and economic behavior, 1944. 24
B de SAINT-SERNIN, « Stratégie et Tactique », in Encyclopédie Universalis, CD ROM, 1998, p.1-4. 25
G.BOULOGNE, « Organisation de jeu, tactique / plan de jeu », in Revue EPS N° 117, 1972, p52-55.
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développement pour les manœuvres tactiques… la tactique, elle, anime l’organisation de jeu et,
de logique, la rend vivante et humaine. Elle facilite l’utilisation judicieuse et opportune des
qualités physiques et techniques des joueurs ou des groupes de joueurs. Elle vise localement, à
mettre l’organisation de jeu adverse en défaut (attaque) ou à pallier les défaillances de sa propre
organisation de jeu (défense) ». Cette définition nous permet donc d'établir clairement un
distinguo entre les deux notions de stratégie et de tactique, distinction que nous allons affiner.
B.Grosgeorges26exprime cette différence entre stratégie et tactique en disant que si « la stratégie
fixe les priorités, elle doit garder une certaine souplesse et accompagner la tactique dans
l’action ». De manière quelque peu empirique nous dirons aussi comme Wrzos27 que « la
stratégie c’est l’ensemble des activités et des actions précédant le match tandis que la tactique,
c’est l’ensemble des activités et des actions appliquées pendant sa conduite ». Il n’y a finalement
que Teodoresco28 qui globalise les deux notions tout en les caractérisant dans le temps. Il décrit
d’une part la tactique d’avant match comme une organisation qui vise à « obliger l’équipe
adverse à entamer la lutte dans les conditions désavantageuses pour elle, et favorables pour sa
propre équipe » et d’autre part la tactique pendant le match comme « le moyen par lequel une
équipe essaye de valoriser les qualités propres des joueurs, en créant des conditions pour cette
mise en valeur ». Dans tous les cas la tactique est indissociable de la stratégie et de la technique
qui est la traduction motrice des desseins opératoires du joueur. A ce titre, nous ferons référence
à la notion de noocinèse que Menaut29 définit comme la traduction motrice du noos30 et qui
pour lui permet une immédiateté de l’action. En effet, « la saisie immédiate et soudaine d’un 20
sens à attribuer à un objet, une personne ou une situation » autorise le joueur dans la situation
tactique a avoir « une activité de l’esprit qui non seulement permet au sujet de pénétrer plus
profondément au cœur des situations mais encore de voir plus loin que ses yeux, bref il prévoit à
la fois dans le temps et l’espace ». Ces prévisions dans le temps et l’espace semblent être des
caractéristiques tout à fait intéressantes pour définir l’acte tactique, nous verrons qu’elles sont
omniprésentes dans le cadre du jeu en déviation.
Nous allons maintenant envisager l’analyse tactique du rapport de forces en abordant les notions
d’attaque et de défense, c’est à dire les moments où les deux équipes sont en confrontation
directe pour la possession du ballon, l’atteinte de la cible ou la protection de celle-ci.
26
B.GROSGEORGE, Observation et entraînement en sports collectifs, 1990, p.14. 27
J.WRZOS, La tactique de l’attaque, 1984, p.17. 28
L.TEODORESCO, op-cit.p.124. 29
A.MENAUT, op-cit, p.320. 30
Noos : terme pré philosophique grec qui est un concept focalisé sur l’action. Noos en tant que procès, signifie « intuiter une action ».
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8
3.2.- L'Attaque
L'analyse théorique de l'attaque faite par Teodoresco31 en 1965, bien qu'étant maintenant vielle
de trente cinq ans, est toujours un référent rigoureux, clair et explicite. Au même titre que
l’analyse systémique, nous prendrons appui tout au long de notre étude sur ces travaux afin
d’expliquer les mécanismes collectifs mis en jeu dans le football en général et le jeu en déviation
en particulier. Ici nous analyserons la notion de le rapport de forces à travers l’étude du rapport
attaque / défense.
De façon théorique nous pouvons dire que l’état d’équilibre n’existe qu’à l’engagement
avant que le ballon ne soit mis en jeu par l’une ou l’autre des deux équipes. Ensuite le
déroulement du jeu impose un passage incessant entre le statut d’attaquant et de défenseur.
L’équipe qui n’a plus la balle s’organise alors pour revenir à cet état d’équilibre qui n’est
qu’illusoire. Elle essaie de placer des joueurs entre l'adversaire, la balle et son but. Pour y arriver,
elle respecte des principes que Teodoresco nomme : « des phases » et qui organisent l'action
collective des arrières. Au moment de la perte de possession de balle, l'équipe tente dans un
premier temps d'arrêter la contre attaque. Ses avants sont chargés de freiner au maximum
l'action des arrières adverses. Dans le même moment, le reste de l'équipe effectue ce que
l’auteur appelle : « le repliement ou retraite » qui conduira les joueurs dans un troisième temps à
l'occupation du dispositif de défense. Ainsi organisés, les arrières tentent de limiter l'espace de
jeu de l'équipe adverse en se déplaçant et en imposant une densité importante de joueurs 20
devant la cible. Ils essaient de s'opposer aux avants en cherchant à les devancer dans le temps.
Enfin, ils tentent de reprendre l'initiative (être dominant) sur l'équipe qui est en possession du
ballon.
Après la reconquête de la balle, c'est l'équipe attaquante qui bénéficie de l'initiative puisqu’en
possession du ballon. Elle doit aller vers la cible (progression), sans perdre le ballon
(conservation) pour tirer et si possible marquer. Teodoresco définit l'attaque comme un
ensemble de «circulations et de combinaisons tactiques visant à une désorganisation de la
défense adverse », sa finalité ultime consiste « en une action individuelle de la plus grande
efficience : le tir ».
- Les forces de l’attaque.
1-Au moment de l’entrée en possession du ballon. En dehors des possibilités réglementaires que
sont la marque d’un point ou la sortie du ballon hors des limites du champ de jeu, c’est le
moment ou l’équipe change de statut et qu’elle devient attaquante. Sa force se manifeste alors
dans la forme adoptée pour récupérer le ballon rapidement : harcèlement ou pressing et l’espace
où a lieu cette récupération. Le plus près de la cible adverse semble le plus intéressant pour se
31
L.TEODORESCO, « Principes pour l’étude de la tactique commune aux jeux collectifs et leur corrélation avec la préparation des
équipes et des joueurs », in Actes du colloque de Vichy,1965, p.122-138.
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9
mettre rapidement en position de tir.
2- Le passage dans le terrain adverse ou progression vers la cible : il peut se faire selon trois
modes ou trois formes. La contre attaque, l’attaque rapide ou le passage lent. Nous ne les
détaillerons pas ici car le jeu en déviation est un de ceux-ci. Par contre, nous mettrons en
évidence le fait suivant. Si nous pouvons distinguer plusieurs formes possibles à l’attaque c’est
que : le rapport de forces induit, au moment de son déclenchement; la forme ultérieure de son
déroulement. Plus clairement nous dirons que c’est l’utilisation des ressources cognitives qui est
ici importante. Les joueurs estiment à partir du rapport de forces initial leurs chances potentielles
de réussite offensive. En fonction de cette prédiction ils décident alors de la forme de l’attaque.
Evidemment cette communication nécessaire n’est pas forcément orale et les partenaires
doivent analyser les mouvements et attitudes des partenaires et adversaires leur indiquant si
l’option choisie est viable. Si les appels de balle sont nombreux, immédiats et étalés sur la
longueur du terrain, le passage rapide semble possible. A l’inverse si les partenaires du
possesseur de balle sont étroitement surveillés le passage lent permettant la conservation du
ballon est préférable.
3.3.- La Défense.
Teodoresco32 parle de la défense comme « d’un dispositif organisé, une coordination et une
collaboration dans les actions qui s'efforce non seulement d'éviter les points, mais aussi la 20
reprise rapide du ballon à l'adversaire et le passage à la contre-attaque ».
- Les forces de la défense.
1-L’équilibre défensif, c’est la volonté qu’a une équipe d’anticiper sur la perte de balle et de se
préparer à dresser un rideau défensif devant sa cible. La répartition des forces de l’équipe dans la
phase offensive se fait de telle manière que la perte de possession du ballon n’entraîne pas un
danger immédiat pour l’équipe. Les onze joueurs de l’équipe de football n’occupent pas tous des
positions avancées sur le terrain en phase offensive et certains en fonction de la position du
ballon se positionnent déjà pour être des récupérateurs efficaces. Notre étude ne prendra pas
particulièrement cette phase de la défense en considération car le jeu à 4 contre 4 ne permet pas
aux joueurs une prise en charge de rôles aussi spécifiques.
2-Le placement dans la défense. Il se fait à la perte de balle et chaque joueur essaie alors d’être
le plus efficace possible en adoptant une position sur le terrain telle qu’il soit un obstacle
immédiat ou potentiel pour l’adversaire. Les défenseurs doivent alors respecter les principes
suivants :
- être entre le ballon et le but
- être entre l’adversaire et le but
32 L.TEODORESCO, ibid, p.135.
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10
- réduire au maximum les espaces qui existent entre les différents défenseurs.
Pour cela les arrières doivent prendre des informations sur leurs partenaires, les adversaires et la
balle et se déplacer pour ne pas laisser d’espaces favorables aux attaquants.
La force défensive d’une équipe peut se mesurer alors à la vitesse à laquelle ces manœuvres sont
exécutées et à la difficulté concrète que les attaquants ont devant eux pour dépasser un réseau
dense, mobile et des adversaires voulant reconquérir le ballon.
3-L’anticipation des actions offensives. L’équipe est forte en défense quand elle peut mobiliser
rapidement pour les tâches de récupération de balle un nombre important de joueurs dans une
zone proche du porteur de balle adverse. Mais ce n’est pas toujours possible et parfois des
équipes mobilisent davantage leurs ressources cognitives ; les joueurs anticipent sur les actions
adverses. En gagnant du temps dans la décision d’intervenir, le défenseur surprend l’attaquant et
annihile l’action adverse.
3.4.- Synthèse.
L’analyse tactique du rapport de forces nous a permis d’envisager très rapidement
quelques grands paramètres à prendre en compte pour analyser le jeu de football. On peut alors
dresser un inventaire des variables à considérer pour comprendre les phénomènes qui
apparaissent dans le jeu. Le cadre proposé (Figure.1, p.11) prend en compte quatre domaines
que sont la stratégie, la tactique, la technique et le règlement. 20
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11
Figure 1 : Analyse du rapport de force
Forces Attaquants
f = 1
Forces Défenseurs
Forces des Attaquants Forces des Défenseurs
au plan STRATEGIQUE
- Nombre d'attaquants
- Disposition générale (le système de jeu)
au plan STRATEGIQUE
- Nombre de défenseurs
- Disposition générale (le système de
jeu)
Au plan TACTIQUE
- la position des attaquants
- la position du porteur de balle
- Le nombre et le positionnement des
joueurs libres.
- La possibilité de création d'espaces
libres
- La possibilité de créer de l'incertitude.
au plan TACTIQUE
- position des défenseurs
- défense placée en barrage
- défense en reconstitution
- défense dépassée en poursuite
au plan TECHNIQUE
- Utilisation du jeu en déviation.
au plan TECHNIQUE
- tacles, interceptions
au plan REGLEMENTAIRE
- jouer à la limite du hors-jeu
au plan REGLEMENTAIRE
- Utilisation de la règle du hors-jeu.
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12
4.- Analyse stratégique du rapport de forces : Les systèmes de jeu
La notion du rapport de force replacée dans la relation dialectique instaurée par le match,
permet de mettre en évidence la nécessité d’organiser les joueurs constituant l’équipe. Parce
que cette mise en place est forcément antérieure au match et quelle doit prendre en compte les
caractéristiques des joueurs de l’équipe, nous dirons quelle relève de la stratégie telle que nous
l’avons définie auparavant.
Historiquement ce sont les systèmes de jeu qui définissent la répartition des joueurs sur le
terrain de manière à optimiser le rendement de l'équipe en créant des lignes de force destinées à
s'opposer ou à dépasser l'adversaire. Nous analyserons l’organisation actuelle des équipes et
envisagerons ensuite les différents aspects que revêt le jeu en déviation selon qu'il est pratiqué
devant le but défendu, dans la partie médiane du terrain ou à proximité du but attaqué.
4.1.- Définition.
L.Teodoresco a théorisé la notion en mettant en rapport le système de jeu et la tactique en
disant que « le système de jeu représente la structure fondamentale de la tactique collective. A
l’aide de ce système, on établit une différence entre les compartiments du jeu et les postes de
l’équipe. En football et en rugby, le système de jeu considère l’attaque et la défense en son
ensemble. Il définit alors le système de jeu comme33 : « la forme générale d’organisation des 20
actions offensives ou défensives des joueurs par l’établissement d’un dispositif précis, de
certaines tâches, ainsi que de certains principes de collaboration entre ceux-ci ». En fait cette
définition est souvent reprise (Dufour34, 1974 ; Gréhaigne35, 1993) et semble faire consensus
dans le domaine de la recherche appliquée au football.
Le système de jeu est donc bien une répartition théorique et préalable des joueurs sur le terrain
en vue d’organiser et de coordonner leurs actions tactiques les uns par rapport aux autres, ce
que J.Teissie36 organise en trois points. Il cite d’abord l’occupation du terrain et les figures
géométriques dans lesquelles vont s’inscrire les joueurs. Puis il définit l’organisation des
mouvements offensifs et défensifs impliquant un mode de relation entre les joueurs, celui-ci
ayant une influence sur le rythme de cheminement du ballon. Enfin il décrit la façon dont joue
l’équipe, ce que l’on pourrait appeler « son style ».
33
L.TEODORESCO, op-cit. 34
J.DUFOUR, op-cit. 35
JF.GREHAIGNE, op-cit. 36 J.TEISSIE, op-cit,.
Ileps L3 08-09 A. Lemoine
13
4.2.- Fonction du système de jeu.
Le système de jeu assure une cohésion au sein de l’équipe car il possède deux fonctions. Il
organise et il structure l’espace d’évolution des joueurs, créant des repères stables, qui
permettent aux joueurs de s'investir totalement dans leurs tâches individuelles autant en
attaque qu'en défense. Le terrain de football, est un espace organisé constitué de lignes et de
cibles fixes, qui délimitent un lieu de confrontation fermé, à l'intérieur duquel les deux équipes
vont chercher à prendre l'ascendant l'une sur l'autre. Dans cet espace « clos », les joueurs vont
se répartir de la façon la plus équilibrée possible afin de mettre en œuvre des actions offensives
quand l'équipe possède la balle et faire barrage à l'adversaire afin de protéger son propre but à la
perte de balle. J.Teissie37 y voit « une occupation plus ou moins structurée et orientée du champ
de jeu, des étages et des couloirs, dont la forme est définie à chaque instant par les placements
et déplacements relatifs de ses représentants ». Prenons l'exemple d'une équipe qui découpe le
terrain en trois lignes de force. Elle dispose quatre arrières sur une même ligne, puis quatre
milieux de terrains sur une ligne intermédiaire et enfin deux attaquants sur la ligne de force la
plus proche du gardien de but adverse. Ce découpage dans le sens de la longueur du terrain
correspond à ce que Teissié nomme les étages et il met en évidence réciproquement la création
de couloirs dans le sens de la largeur. Le terrain est découpé longitudinalement en quatre
couloirs qui sont occupés par les joueurs de chaque ligne. Le couloir droit est constitué de deux 20
joueurs que sont l'arrière droit et le milieu droit. Alors qu'un des couloirs central est lui occupé
par 3 joueurs : un arrière, un milieu et un attaquant. Cette répartition théorique permet la mise
en évidence de possibles relations entre les joueurs (Fig.2, p. 14). Si nous prenons le cas du côté
gauche du terrain, nous nous apercevons que des figures géométriques simples relient les
positions initiales des protagonistes.
37
J.TEISSIE, op-cit,
Ileps L3 08-09 A. Lemoine
14
Figure 2 : Constitution de 3 lignes de force.
Légende : ballon
Opposant
Equipe en possession de la balle
L'arrière gauche est situé à la pointe d’un triangle offensif et le milieu droit à la base d’un triangle
défensif. Cette disposition des joueurs leur permet de construire des repères spatiaux stables 20
entre eux. En effet, tenant compte des dimensions fixes et invariables du terrain le joueur peut
ainsi se construire une sorte de cartographie de son espace de jeu en sachant que la distance qui
le sépare de ses partenaires quand il évolue dans cette configuration de jeu (4-4-2) est d'environ
8 à 10 m pour ses partenaires les plus proches. En possession du ballon, l'arrière gauche sait qu'il
peut « théoriquement » contacter devant lui un milieu de terrain pour faire progresser la balle (
changement de ligne) ou bien conserver le ballon en transmettant à sa droite à un autre
défenseur (la balle reste sur la même ligne). Cette disposition prend toute sa valeur dans les
phases statiques du jeu : engagement, coups de pied arrêtés, touche. Mais elle favorise aussi les
déplacements et les replacements des joueurs suite à un engagement dans une action (l’arrière
se replace après avoir débordé et centré). Le joueur construit ses repères.
Conclusion.
De l’opposition naît la coopération, de l’adversité naît la cohésion, de la difficulté naît la
force. Confrontée à des situations de jeu sans cesse changeantes, l’équipe pour prendre le dessus
sur l’adversaire doit produire une force collective qui n’est pas uniquement liée au nombre de
joueurs impliqués dans l’action. Le rapport de force dépend aussi de la qualité et de l’intelligence
des actions initiées par ceux-ci. D’un déséquilibre numérique initial défavorable à l’attaque
(quatre défenseurs contre deux attaquants) peut naître un mouvement offensif qui est
dangereux pour la défense. La force offensive collective créée peut faire basculer le rapport de
force en faveur des attaquants. 40