LLaa LLeettttrree ssoouuss llee BBrruuiitt Littérature Arts Idées
Nouvelle série
juin 2017 ISSN 2492-4954
Gilbert Renouf
A toutes les sauces
Gilbert Conan, Gilbert Renouf
Brûlure intérieure
Nicolas Jaen
Chansons du petit sang
Ivan Dmitrieff
Réfutations Depuis toujours
Ada Mondès Des errances
Evénements
A lire à écouter à voir
Gilbert Renouf
A toutes les sauces
En direct de la Trump Society, le rêve américain en bouche : il ne leur suffisait pas de
manger des hamburgers contenant presque tous des matières fécales, il fallait ajouter un
dessert à la hauteur, le voici, c’est le Jelly Belly Bean Boozler Bonbon. De quoi s’agit-il ?
De paquets dans lesquels certains bonbons délivrent des goûts (autant que ce terme ici
puisse être approprié) tels que « chaussettes puantes, œuf pourri, dentifrice, vomi,
nourriture pour chien, crotte de nez, lingette de bébé… ». Autant le dire tout de suite, cela
rencontre un fort succès auprès des enfants pour les anniversaires par exemple, mais
encore davantage auprès des parents. Ceux-ci s’extasient sur les réseaux sociaux devant
leurs enfants pris de nausées, se réjouissent de goûts plus vrais que nature (là bien sûr on
se met à imaginer le parent ayant d’abord testé le goût des ses propres crottes et de son
propre vomi afin d’établir une comparaison sérieuse), postent des vidéos sur leur chaîne
YouTube (c’est vrai, ça le mérite), tombent amoureux du concept (sic) des bonbons
dégueulasses, lesquels sont naturellement distribués par… Amazon. La seule déception
notable concerne le faible nombre de bonbons dégueulasses dans le paquet, surtout si l’on
se réfère à un prix de vente assez élevé. Bref, le consommateur estime n’en avoir pas
forcément pour son argent.
Eh bien, compte tenu de cette dernière précision, et puisque nous nous situons dans le
registre du raffinement, je m’étonne que les parents ne songent pas plutôt à prélever
régulièrement un peu du contenu de leur cuvette de WC, de leur fond de culotte ou de
poubelle pour le réserver à leurs progénitures. Le coût serait nul, et l’on pourrait jouer en
famille à qui est le plus pourri ? De belles soirées en perspective, Isn’t it ?
Et même, pourquoi ne pas en faire une émission « grand public », un reality show de la
crotte, un Koh Lanta du vomi, un Top Chef du jus de chaussettes… J’ai déjà le titre :
« Goût de chiotte ».
***
Il est assez cocasse de noter que depuis que nous sommes victimes de l’islamisme, une
certaine bien pensance « de gauche », qui n’ose pas s’attaquer réellement au problème par
culpabilité et peur d’être traitée d’islamophobe ou de raciste, n’arrête pas de s’en prendre
au christianisme… Faux-culs, vrais lâches.
***
Une excellente nouvelle : Michel Sardou va arrêter de chanter.
***
Plus personne ne semble vouloir travailler sur un thème, plus personne ne paraît
souhaiter aborder un problème. Désormais, on s’attaque à la problématique, on présente
une thématique. Ces deux termes sont employés quasi systématiquement à mauvais
escient, l’un et l’autre indiquant en effet une pluralité. Effet de mode. Tiques de
langage. Oripeaux de plus en plus relâchés et inappropriés. Cela suit le reste de
l’inélégance sociétale puisqu’il est franchement bien vu aujourd’hui d’être inculte, vulgaire
et avachi, il y a même des chaînes de télévision qui basent leur succès sur ce concept (comme disent ces crétins qui fabriquent les publicités – voir plus haut) en payant leur
animateur 250 000 euros pour cinq années de bons services rendus à Notre Seigneur
Audimat. La recette ? Passer son temps à humilier les autres et à raconter des blagues très
nulles et très lourdes qui la veille de ma naissance ne me faisaient déjà plus rire. Cela plaît,
cela est soutenu, encouragé majoritairement par les rézoos sauciaux et le peuple, vous
savez bien, le bon peuple, celui qui est remâché à toutes les sauces lors des campagnes
électorales. Oui, cela lui plaît, et c’est bien le problème. Et le thème fréquent de ces
chroniques.
***
Ah ! les belles expressions destinées à satisfaire le désir de plus en plus marqué de ce
même bon peuple d’être pris pour un imbécile… Par exemple la flexisécurité ! Ou
comment convaincre quelqu’un qu’il aura du travail parce qu’on va le licencier plus
facilement. « Tu sais, si je te frappe de plus en plus fort, c’est pour que tu aies moins
mal »… C’est possible, oui, à force, on devient insensible, on ne réagit plus… Ce ne serait
pas justement le but recherché, par hasard ? Mais non, vous voyez le mal partout !
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Dernier livre paru de Gilbert Renouf : La douceur poème Tactiques pour une guerre avec des encres de Gilbert Conan
Extrait : « J’ai toujours cru à la douceur puisqu’on m’en a insulté Il faut parier sur la bénignité Celui qui ne veut la bonté en a plus besoin que les autres ***** Mais loin de tout l’or et rouge des arbres que les nuages courtisent c’est la montagne retrouvée d’automne où seules la nuit les gouttes et les feuilles touchent encore aux sentiers une chouette appelle tu lui réponds dialogue de sauvages qui pourrait en ce lieu rêver de blesser quelqu’un l’absence de civilisation en est ici le degré le plus élevé c’est-à-dire le plus simple le plus dépouillé Quand tu la rejoins dans le lit elle dort déjà et quelques heures après c’est elle qui t’offrira l’aurore »
Commande de La douceur poème
- tactiques pour une guerre - - sur le site des Editions du Petit Véhicule :
http://lepetitvehicule.com/produit/galerie-or-
du-temps-n31-renouf-conan-la-douceur-poeme/
- par courrier : Editions du Petit Véhicule 20 rue du Coudray, 44000 Nantes
20 € + 3 € de port
- à la librairie Le Carré des Mots :
place à l’huile, 83000 Toulon
Gilbert Renouf
Gilbert Conan, Gilbert Renouf
Brûlure intérieure (extrait)
Parfois comme une parole. Une parole prononcée par personne. On entend ça. Une parole qui n’aurait pas de mots pourtant. La brûlure parle. Se rappelle à. Un jour il y a eu. On se tient devant soi-même comme un miracle. Un don. On sait cela. On le comprend. Cela ne cessera plus. Puisque cela cessera avec nous.
© Gilbert Conan
Parfois l’intérieur est dehors. C’est ainsi. Ce qui advient ensuite n’est qu'entretien des braises. N’est que, mais c’est tout dire. C’est placer tout là. Gardien du feu. Un vrai regard c’est cela. La mémoire du feu. Ce qui s’est produit ne cesse d’être. C’est la joie continuée par d’autres destins. Tous se frottent à l’origine. A l’innocence donc. Condition de la brûlure seconde. Pas de foi sans innocence, pas d’innocence sans lucidité. Brûler dans la conscience de la dévoration. S’arranger avec cela. Même si. Même si. La première brûlure : inconditionnelle. La seconde : sans calcul, emportée. On n’a pas saisi la première brûlure, on croit s’emparer de la seconde. On essaie, on s’échauffe, on part, on est perdu, on espère le prochain courant d’air. Quand il y a trop de cendres, on en profite pour panser. Mais on attend toujours le retour du feu. Une femme à sa fenêtre vous sourit. Vous ne lui échapperez pas. Plus tard entre ses cuisses, en elle, vos traces s’effaceront. Chaque jour rejouer l’utopie. Est-ce cela qu’il faudrait peindre : le moment où l’utopie cesse de l’être. Trouvant son lieu. Son désert. Son accomplissement de place vide. Ce qui peut advenir sans mots quand le plus souvent l’absence de parole est un manque d’être, un embarras.
Ce qui brûle n’a pas nécessairement de cri. Qui sait : un lent accomplissement ; une acceptation, que l’on porte en soi comme un secret ; la beauté oui peut-être. La beauté de n’en avoir jamais fini ? Ou l’écrasement. Le feu ne pèse rien qui pourtant vous enserre. Se sentir toujours brûlé d’un feu qui glace les autres. Chaque fois la violente friction de glisser son corps singulier dans l’atmosphère communément admise, inadmissible pour soi. Brûlure alors peut-être comme trace sans cesse réveillée de votre inadmission, de votre inaptitude d’être à ce monde-là. La marque du bûcher constant. Les mots aussi s’y consument. Paroles vaines ? Sentir parfois intensément, transpercé, que vous ne conviendrez jamais à personne.
© Gilbert Conan
Ton langage unique de peintre : il me semble qu’il peut former cette radicalité. Lui proposer un espace respirable. Quand les mots souvent peinent à ne pas être de la tribu. Alors c’est toujours la tentation de se taire. Définitivement. Épuisé. Las de chanter comme un fou dans une pièce capitonnée.
Gilbert Renouf
*****
Nuit. Noire et ocre, aux rougeoiements sanguins. Des pas très lents gravitent l’escalier. Je referme les grandes pages d’un journal sportif où les uns sont blessés, seulement remplaçants, contrits ; où l’autorité faible de l’arbitrage s’évertue malgré tout à faire face à la puissance de l’argent, des médias, des mégalos présidents de club… Qu’ils viennent voir sur les terrains de banlieues ou autres ; ce qu’ils font de leur arrogance, de leur fric… Cela doit les arranger d’appauvrir toute pensée… Cela rappelle bien l’histoire inexorable de l’Homme avec, cette fois-ci, le « foot » comme terrain d’exploitation, une bonne fois pour toute mondialisé… Je pense aux pourceaux, aux comptoirs, aux visages déformés exprimant les nationalismes, les supporters automatisés, conserveries de schémas dédaigneux, comme s’ils étaient assis et debout en grande attente des vides qu’ils gueulent dans des espaces viciés par la bêtise, l’alcool et les manipulations de toute origine…
Nuit. Les pas résonnent. Une porte claque au lointain, de l’autre côté de la cour. Je préfère rester dans cette obscurité. Tout est à sa place dans la pièce. Pas de sensation d’ennui à l’instant. Épuisement et ravissement. Après tant d’obscurité, chaque chose, malgré la matière gluante, devient une incitation pressante à déchiffrer, défricher ce qui obstrue le regard ; ce qui se propose dans un premier temps hermétique. Je me souviens de mégots, de salissures, des papiers déchirés, froissés, canettes de bières, de sucres liquides. Des trottoirs, des quais, escaliers publics… L’envie de tout jeter, déformer ces épaisseurs, éclairages lugubres, rouilles, verres brisés, individus isolés, non identifiables ; parodies de vie, de velléités d’énergie. Hall presque désert. Souvenir précis. Ricochets de piécettes tragiques en soi. Ne pas se relire au risque de mourir de honte ou de rire… Un jour se lève. Conserver la brûlure, la parcourir, se l’approprier ; la séduire. Lui emboîter le pas pour ne pas la lâcher ; et tenter de la dissoudre dans des angles de lumières rouges…
Gilbert Conan
Editions Villa-Cisneros 8 €
Avec des reproductions couleurs d’encres de Gilbert Conan
Commande chez l’auteur : 31 ch. des Esplanes
83210 Solliès-Toucas
© Gilbert Conan
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Dernier livre paru de Gilbert Conan :
Spicilège – Du Partage des Ombres à L’Aigle de Géorgie avec Luc Vidal
éditions du Petit Véhicule
20 €
Commandes : http://lepetitvehicule.com/produit/galerie-
or-du-temps-n4-spicileges/
Gilbert Conan, Gilbert Renouf
Nicolas Jaen
Chansons du petit sang (extrait)
Les putains mégotaient cintrant leur jarretelle je voulais pleurer contre elles
et déloger la louve d'une âme épeurée tu étais beau parce que tu l'injuriais la lumière tu buvais du café gris du vin gris de la bière grise Ludovic il y a des fronts touchés par la grâce
je dirai une fois ce qu'est vraiment ta mort faisant ton corps plus souple ta fièvre et ton toucher plus délicats Des cris d'enfants dans un sac en plastique au bout du bras un homme remonte la pente qui l'a vu grandir si l'ancolie a fané
et si la mélancolie c'est que l'on t'a arraché de ma poitrine comme une poignée de gui parce que tu as fait la blessure plus belle que le jour (pourquoi les oiseaux obsèdent le ciel en y montant ouvrager le soleil les oiseaux, qui dira leur folie?) ***** longtemps j'ai voulu te sortir de moi mais j'étais écrit en retour d'autres fois je fus fou à pleurer plus bas et les fleurs fanent merveilleusement dans les livres Immeubles à gueule de bois
la cour détrempée, pauvresse d'âme c'est tout une lumière pisseuse charpente de crâne que la lecture a desséchée Aussi j'avais d'autres rêves pour nos vies mon frère
j'eusse voulu que le grain gagnât sur le désert Dans le cœur d'une putain un enfant sans père vient faire rougir les yeux le sel d'une larme sur les lèvres c'est la vague toujours recommencée c'est comme écrire pour être heureux Ludovic de ton cimetière parisien tu as indéfiniment vue sur le ciel moi j'ai vidé mes poches du sens qui les cousait et je regarde les filles du vent s'en aller
peignant des plafonds de sourires en brins et puis changeant d'habits comme de chagrin ***** les petites filles qu'elles étaient marchaient près de leur mère
en tenant dans leurs bras un enfant de substitution à la peau orangée qui était leur vie-même comme si le jeu était plus qu'un jeu un prénom se formait dans leur salive qu'elles gardaient en elles
en caressant des doigts le visage sans cri et guettant des lueurs derrière les faux cils comme cet homme un soir a cherché sous tes paupières une joute d'étoiles dans tes prunelles comme cet homme a appelé après n'avoir rien trouvé qu'un long corps vidé par l'hémorragie les petites filles qu'elles étaient marchaient près de leur mère
en serrant dans leurs bras un enfant de substitution à la peau orangée elles l'appelaient Mathias Maël Ludovic B. Tu fus papillon, empereur de Chine comme l'herbe ignorante de son propre reflet au bord du regard de l'eau tu étais comme ça Petite peau tu nous sépares tu fais de nous deux nous tous ***** tu es la mère à qui l'on ne pourra jamais faire l'amour et qui ne veut pas nous voir aimer un homme tu es le doux rat de l'amour la rature sur le mot « mort »
comme à ne jamais lécher la plaie d'une femme aussi bien que tu es né de cet ourlet et que tu préfères ne pas pleurer rester te taire comme si tu étais le silence
*****
Il y a combien d'années déjà la voix de Laure Il est mort a-t-elle dit et la voix s'est éteinte ***** et la nuit est tombée bien avant la nuit est venu un enfant dans mon rêve il était immobile au milieu de la chambre les yeux douloureux disant Je me hante qui me regardaient en luisant dans le noir et
les jouets morts dans la chambre d'à côté les jouets morts et le petit lit dans la chambre lilas passant là je me disais Il est dans la maison la neige de ce pays devint de la boue mais je devais avancer Le blanc brouillait les plaines et puis mon haleine plaquée sur la grand' vitre sans dessiner du doigt un cœur brisé d'une flèche
mais en le pensant si fort mais en le pensant si fort Des filles passaient elles voyaient mes yeux douloureux
leur nudité sous leur robe était un oiseau de malheur mais je ne peux reconstituer les traits d'un seul ovale la forêt était au creux de la main d'une seule et les rêves des autres vécus vécus avec elle dedans sa main m'emportant vers l'aval je me suis dit il est tombé en moi Il n'y a plus que moi et ce ce cadavre à porter c'est enfer
à vivre ***** avec cet en fant de lui de moi et n'avoir à lui donner que de la peur. On s'en souvient un jour de grêlons, de ponction lombaire, de cette lumière qui se suicide par le vide, un temps pour tout mon ami,
vidons le temps dans des bières. Je plains celui qui ne croit pas en sa douleur, il ne détournera jamais les lignes de ses mains
et s'en ira sans une larme où habiter comme heureux de quitter ce monde aussi je veux croire à la montgolfière de ton rire de ton rire majeur au sortir de ton corps l'oubliant, la douleur née de l'émoi et renversant le pot de couleurs dans un faux mouvement parce que ta mort t'a vu naître Derniers livres parus de Nicolas Jaen : L'angeresse, livre d'artiste illustré par
Odile Fix, et Bestiaire, avec des dessins de Thomas Pesle. A paraître : des
poèmes dans la revue Triages (2018), un monologue de théâtre sur le site de
Claude Ber, et Lettres à A. à l'Atelier des Grames.
Nicolas Jaen
Ivan Dmitrieff
Réfutations (extrait)
Ce qui existe n'est que probable
Que ce soit à onze heures trente ou... dix huit heures douze, notre main, par
exemple sur la table, n'a d'autre existence réelle que probable, car oui, au-
delà de ce que conscient d'elle nous pouvons voir ou ressentir, sa présence,
de paume, d'ongles et de doigts, est vivante de la coexistence de tous les
passés, présents et futures possibles, percevoir n'est ici et maintenant de
notre main que le voyage figé de notre seul regard, alors que d'elle existe, à
chaque instant, dans la profusion des mondes et des plans, un champs de
probabilités où reposer sur la table est sans cesse joué, et ainsi en va-t-il de
la table et de nous-mêmes, (et de ce qui peut être dit à ce sujet), au sein de la
réalité.
La balle lancée n'est pas la balle qui rebondit
La balle lancée n'est pas la balle qui rebondit, il y a le lancer de balle et le
rebondissement de balle, c'est distinct, c'est lumineux, c'est le lancement de
balle, et le rebond de balle, il y a le lanceur, dans l'illusion d’être à l'origine de
la balle lancée, et la balle, rebondissante, qui jamais n'a cessé d’être dans sa
lancée, c'est le mouvement de la balle sur le chemin du lanceur, qui rebondit,
éternellement, il y a événement de la balle, en rebond éternel, et celui du
lanceur, en son geste et chemin, c'est le mouvement de la vie, que personne
ne peut figer, ni même contenir, si ce n'est dans l'illusion d'une action de
lancer la balle et de la faire rebondir, ou celle de dire que le lanceur lance la
balle et qu'elle rebondit, lors qu'il ne s'agit pas d'un même événement, lors
qu'il se trouve distinctement, d'une part, une balle, et d'autre part, une balle
rebondissante et le chemin d'un lanceur en son geste éternel, le tout, relié par
le mouvement incessant de la vie, là, où se tient sa transformation lumineuse,
à la croisée de tous les événements, et de ce qu'illusoirement on appelle, par
commodité de langage : lanceur, balle et rebond.
L’infini du goût
Je savoure une fraise et il n'y a jamais de moi qui la savoure, il y a simplement
le savouré se produisant de lui-même, avec les lèvres, avec le palais, avec la
langue, avec les dents, c'est ici-même la réalité de l'existence, il y a la vie qui
apparaît dans le savourement, bien que l'on suppose être celui qui d'une fraise
savoure le fruit - inséparé du monde, il se produit directement dans l'espace
de la bouche la saveur de la fraise, et la vie s'écoule, sans qu'aucunement
nous en soyons responsable, sa venue, complète en nous, sans cesse
antérieure à la saisie illusoire de notre propre jouissance, du pouvoir de notre
action sur l'infini du goût, fraise délicieuse, n'ayant pas de la saveur mais,
intime à l'immensité de notre cœur, étant de la saveur, surgie de la vie, et
donnée à notre ennui de la plénitude, afin qu'à l'instant nous puissions, au
cœur même de l'expérience du fruit, nous abandonner à l'absence, à l'amour,
où nous nous trouvons déjà.
*****
Depuis toujours (extrait)
Depuis toujours, alors que nous naissons, alors que nous vivons, alors que
nous mourons, depuis toujours, nous existons déjà à l'infini du rêve. Depuis
toujours, nous rêvons un rêve rêvé depuis déjà longtemps. Où le passé est déjà
présent et où le futur a déjà eu lieu. Depuis toujours, nous rêvons notre propre
histoire à chaque moment déjà présente dans le rêve éternel ; où toutes les
larmes coulent, où toutes les joies explosent, où toutes les expériences
déploient leur récit, d'ombre, et de lumière.
Et comme l’océan et la vague, in-séparés sont le réel et le rêve. Depuis
toujours, le jeu infini du réel est le rêve. Et c'est aller à l'océan que d'être le
témoin du jeu des vagues ; et c'est baigner en soi-même que de plonger dans
la profonde plénitude de ses eaux.
Depuis toujours, alors que nous naissons, alors que nous vivons, alors que
nous mourons, depuis toujours, nous existons déjà à l'infini du rêve. Depuis
toujours, nous rêvons un rêve rêvé depuis déjà longtemps. Où le passé est déjà
présent et où le futur a déjà eu lieu. Depuis toujours, nous rêvons notre propre
histoire à chaque moment déjà présente dans le rêve éternel. Où toutes les
larmes coulent, où toutes les joies explosent, où toutes les expériences
déploient leur récit, d'ombre, et de lumière.
Et comme l’océan et la vague, in-séparés sont le réel et le rêve. Depuis
toujours, le jeu infini du réel est le rêve. Et c'est aller à l'océan que d'être le
témoin du jeu des vagues ; et c'est baigner en soi-même que de plonger dans
la plénitude de ses eaux.
Depuis toujours, ciel et terre sont manifestés de l'invisible, comme l'est le
plein-jour du caché, aussi que l'évidence des choses. Depuis toujours, la vie
entre dans l'immensité pour à chaque instant l'accomplir. Et ce qui jamais ne
peut être vu et entendu naît avec les pierres, naît avec les arbres, naît avec
les hommes. Et ce qui demeure au-delà de chacun d'eux est au centre de leur
propre nature. Depuis toujours, avant que la pierre sur les coteaux ne roule,
avant que la fleur des arbres ne parfume, avant que le cœur des hommes
n'aime, l'origine du monde est là en eux qui ouvre au silence son mystère.
Depuis toujours, il est à incarner ce
que nous sommes, au cœur vibrant du croisement de la terre et du ciel, dans
l'expérience humaine de la matière et de l'esprit, et à réunir, par l'événement
de notre souffle, les énergies du recevoir et du donner, pour que se réalise la
lumière. Dernier livre paru : Célébration, éditions du Petit Véhicule, avec photographies de l'auteur. 20 €. Chez l'éditeur : http://lepetitvehicule.com/produit/galerie-or-du-temps-n32-ivan-dmitrieff-celebration/ ou chez l'auteur : [email protected] A paraître : A la table de silence suivi de Poèmes en scène aux éditions Villa-Cisneros. Un présentation est prévue en janvier 2018 à la Librairie Le Carré des mots-Toulon ainsi qu'à la librairie Contrebande-Toulon Ivan Dmitrieff, poète et photographe, témoigne de son cheminement par les mots, les images et le silence. Poète-interprète, il se produit en duo avec des musiciens avec lesquels il créer des récitals mêlant vois parlée et chantée. Dans un répertoire solo, il donne à vivre ses textes poétiques aussi bien dans le registre de l’intime que de la performance. Expositions, participation à des festivals, collaboration à des revues et publications poétiques, rythment le parcourt de son expérience artistique.
Ivan Dmitrieff
Ada Mondès
Des errances
Je suis rentrée un peu tard je crois ou pas trop je me souviens juste je suis restée restée là à regarder sans voir sans regarder je n'ai pas enlevé mes chaussures pas même le manteau non la lourde cape noire est restée elle aussi noire sur mes épaules et autour de mon cou je n'ai pas enlevé les chaussures les talons noirs très chics et abîmés au bout que je mets tout le temps mais ça ne se voit pas quand je marche vite alors je les sors souvent tout le temps et parfois je cours mais je suis restée là et vraiment je sais que n'ai pas bougé je me suis sentie au bout du monde là de ma petite chaise de jardin vert-pomme en fer tout pliant tout pliable enfer assorti à la table le matériel pour placard mais je suis restée là et de plus en plus avachie il y aurait eu quelqu'un quelqu'un je pense que ça aurait changé quelque chose mais je n'en suis même plus sûre alors peut-être qu'à un moment je vais me lever et mettre de l'eau à chauffer comme d'habitude et puis mais pour l'instant voilà je vais rester là à ne rien faire juste ça ne rien faire et c'est déjà tellement – seule à nouveau dans la petite chambre violette stupide et des yeux vides de statue de marbre blanc. Tu es reparti Tu es seule. Toute seule. Dehors. Dans la rue. Tu as froid. Froid au cœur. Comme un pressentiment. Cet instinct animal d’enfant. Tu regardes calmement les gens. L’agitation autour de toi. Avec une tristesse d’ange. Ce qui cogne au fond de toi et ne veut pas déranger les autres finit par t’étouffer. Mais ton silence et ta solitude dérangent. Tu as grandi comme un arbre au milieu d’un rond-point. Fragile et presque libre dans ta cage autour de laquelle gravite le monde. Hostile Chez lui ça sent le tabac froid et le sexe froid. Le beurre froid dans les pâtes collées, le linge froid grossièrement étendu. Le lit froid, la télévision crachote petits sons, petites images. En dix secondes, tu peux sentir tout ça. On dirait que quelqu'un a fait semblant de vivre ici, puis a tout abandonné d'un coup. Ça sent le cataclysme de solitude, l'ennui conformiste, le cœur désert Je croise souvent des meubles dans la rue. Pêle-mêle, dans un coin de mur, jetés là, dans des positions absurdes. Ils semblent appeler le passant, pris de détresse ; ici, un canapé se rengorge à mon approche – regarde, je suis encore moelleux et vaillant ! –, un gros fauteuil invite à l'assise en dissimulant sa patte cassée dans l'ombre du trottoir, là, une table amputée se met sur mon passage, je peux l'entendre supplier, répare-moi, ce n'est pas grand-chose, je suis encore solide. Malheureux objets à l'abandon, désertés, créés uniquement selon des critères utilitaires de surconsommation de goût plus ou moins douteux. Toute seule boiteuse, regarde, je leur ressemble
***** Là où les Hommes oublient d'aller
les montagnes sont criblées de fleurs et de trous de serrures
orbites creuses de géants
bouche de la fée pétrifiée dans le sel
des enfants d'argile
des galeries pour l'âme
Si je marche là-bas
ma clé imaginaire m'ouvre toutes les portes
les sanctuaires dans la roche
La poésie toujours a sa demeure dans le ventre des montagnes
là où toutes les pierres ont un visage
***** Rolli joue de la guitare sur la plage. Il connaît trois chansons en anglais. Le reste, il me dit, parle d'amour. L'arak coule dans ma gorge, je m'éloigne du grand feu. Mes pieds nus jouent avec les crabes, mes mains nues caressent les deux chiens. Rolli chante, jusqu'à ce qu'il n’y ait plus que la lumière de la lune entre nous, jusqu'à ce que mon corps cède à la mer. La robe toute seule sur le sable, je me moque des serpents de nuit et des algues, des coraux et des étoiles de mer piquantes, il n'y a rien, rien que l'eau chaude, les étoiles et ma peau, un trio lumineux, tous les sens s'abandonnent. Demain Rolli pêchera du poisson. Le soleil nous tannera la peau, tous les jours un peu plus. Je regarderai de l'autre côté du grand pont le village des pêcheurs si plein d'enfants qu'on dirait les rues remplies d'oiseaux. C'est la criée sur la berge, les pilotis, les chiens, les canards, les chats efflanqués, les femmes portent le poids du monde sur leur tête, belles, qui se lavent les cheveux à la fontaine de la rue. L'eau est transparente comme la vie ici, le fond de l'eau est plus clair que le ciel. Toute cette vie à célébrer dans la chaleur, la nudité et l'odeur des clous de girofles
*****
C'est le matin, tu sais, très tôt, c'est un moment incomparable
c'est l'heure de l'ensommeillement des bêtes et du réveil des hommes
du chant ténu et fragile de la nature qui porte le soleil
roule son disque rouge à peine vers l'Est
vibrations aux confins de la terre parcourent l'horizon
comme un fil d'araignée, vers l'Est
C'est l'heure tranquille du partage de l'ombre et de la clarté
l'heure la plus noble et la plus dramatique
c'est pourquoi toutes les fins du monde arrivent à l'aube
C'est l'embryon du matin, le balbutiement de la lumière, ça ne dure pas
J'écoute la pluie sur les vitres, la pluie en vrac, la chanson du jour nouveau
et cela me complète pour une heure, pour toujours
C'est un tableau sonore : nous dedans
la vie qui nous entoure et nous traverse et nous transporte
de hier à demain, hors de la matière
Regardez la pluie
Je ne souhaite aux hommes que la connaissance de l'amour
les enchantements de l'aube et l'ivresse du silence
Ada Mondès vient de publier son premier livre : Les témoins — Los testigos
aux éditions Villa-Cisneros, 4 rue Vincent Allègre 83000 Toulon
(voir p.16)
Ada Mondès
événements
la revue LLaa lleettttrree ssoouuss llee bbrruuiitt
l’Association Gangotena
la libraire Le Carré des Mots à Toulon
vous invitent pour
Les Mercredis du Carré
Prochaine rencontre :
Calendrier non encore fixé pour la saison prochaine
(octobre 2017 à juin 2018)
Précédentes rencontres :
Mercredi 17 mai 2017
Gilbert Conan et Gilbert Renouf
Mercredi 22 mars 2017
Le poète Gilbert Renouf a lu la traduction française du recueil de la poète équatorienne Aleyda Quevedo Rojas
Le jardin des dagues – Jardín de dagas (publié avec le concours de l’Alliance Française de Quito et en
partenariat avec l’Ambassade d’Équateur en France, éditions Villa-Cisneros, Toulon 2016).
Rémy Durand, son éditeur et traducteur, a lu les textes en espagnol couverture du livre – notes critiques
Serge Baudot lira des passages de Mais où sont les étoiles et Confabulations (éditions Bellodorso, La Seyne-sur-Mer 2014) ainsi que quelques inédits.
(pour plus d’informations, cliquez sur les mots en couleur)
Mercredi 25 janvier 2017
Nadine Agostini a lu des extraits de ses ouvrages Ariane (éditions Contre-Pied) et Dans ma tête (éditions
Dernier Télégramme) et présentera la nouvelle Revue « Bébé »
Rémy Durand a lu des extraits de son dernier recueil Un fruit qu’on regarde sans tendre la main, éditions Le
Petit Véhicule, Collection L’Or du temps (pour plus d’informations sur les auteurs, cliquez sur leur nom)
Contacts :
La lettre sous le bruit : [email protected]
Association Gangotena : 06 03 45 63 56 http://remydurand.com/decouvertes.htm Puzzle n°10
Le Carré des mots: 04 94 41 46 16 Place à l’huile, Toulon http://www.lecarredesmots.com/
à lire à écouter à voir à lire à écouter à voir à lire à
Michel Costagutto Edie Warhol, roman
Une femme parle. Boit, se drogue, baise. Elle aimante tout le monde, les femmes, les hommes. Elle sait l’effet qu’elle fait. Elle en joue très bien. Elle en est transpercée de
grâce, de profondeur, de volupté, de superficialité. L’argent facile, les films avec Andy, la baise, la drogue, les photos. Aussi la dépersonnalisation, l’internement psychiatrique.
Une folle magnifique. Les folles. Certaines femmes sont à classer monument hystérique. J’en ai connu. La manipulation innocente. L’exaltation créatrice. Le désespoir d’être
soi. ça avait un goût de cigarette écrasée dans une assiette grasse. Et puis la fascination de la
nuit bien sûr, les nuits, Dylan, « Blonde on blonde », Je n’ai pas le temps que je veux
perdre/Avec des gens qui ont quelque chose à prouver. Tant d’énergie (trop ?), il faut dépenser dans les limousines, dépenser le fric et l’énergie en passant au rouge, en étant dans le rouge, les compteurs sont faits pour être cassés. On met des souliers vernis pour la
classe, vernissage, on n’est pas toujours vernis, mais il faut faire de soi une œuvre d’art,
ou se laisser faire. Comme en amour. Edie a aimé un seul homme, Bob, la seule personne
avec qui j’ai été violente, c’est parce que je crevais à l’idée de ne plus baiser avec lui, sinon j’ai
toujours exercé avec abus et succès la violence contre moi-même. On le sent, Costagutto est passionné, empoigné depuis toujours, fasciné jusqu’à la nostalgie par les années
soixante-dix, leur liberté, leurs errances, leurs dérives jusqu’aux bouts de vivre, il nous envoie tout cela dans une écriture du diable qui fait semblant parfois de nous laisser le
temps de reprendre souffle sur une page de trois lignes, et puis l’urgence à vivre revient et pousse, galope, se cabre, nous emporte. On achève ce livre comme on achève une
histoire d’amour, c’est-à-dire jamais. G.R. Amateurs Maladroits éditions Tirage courant :
Tirage de luxe grand format sous coffret : Commandes chez l’auteur :
50 rue Victor Clappier, 83000 Toulon. Chèques à l’ordre de « Association Les Amateurs Maladroits ».
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Ada Mondès
Les Témoins – Los Testigos
Traduit du français en espagnol par l’auteur
J’ai d’abord écouté quelques textes de ce livre, par l’auteur, au Festival international de poésie
de Camps-la-Source, puis j’ai lu ce premier recueil d’une jeune auteur. D’emblée on entend qu’il
se passe quelque chose, on sait qu’une voix nouvelle vient d’émerger, ce qui n’est pas rien.
Ecriture fragmentaire revendiquée pour dire les rencontres, la solitude des vies consommées et
consommatrices, esclaves et résignées ; mais pas simplement d’un point de vue socio-critique,
non, c’est de la littérature, de la poésie, puisqu’on est emmené, au-delà du constat, au-dedans de
ce qui se promène de nous dans ce qu’elle croise, avec déjà une lucidité étonnante, une ironie
sans concession, et aussi une tendresse bouleversée pour la fragilité des êtres et de leurs
sentiments. Par exemple ceci : […] les cafés-comptoirs lisses, bruissant, brumant encore des
promesses de la veille. Je ne sais pas vous, mais personnellement ce genre de formulation
m’arrête : brumant encore des promesses de la veille, ou comment placer au présent ce que le
passé rêve de futur. D’un futur qui sonne déjà déçu. Si cela ne vous est pas poésie, je renonce à
vous faire entendre quoi que ce soit. Ada Mondès a beaucoup voyagé et séjourné à l’étranger, et
si c’est surtout Paris qui est évoquée ici, c’est Paris d’avant partir et Paris retrouvé, la distance, la
manière nouvelle que l’on a de voir les anciennes évidences quand la vie a été passée au filtre
des ailleurs. La langue espagnole ainsi est sa seconde habitation (ou peut-être la première qui
sait), une habitation d’errances donc, l’espagnol de l’Amérique latine, une autre langue comme
un autre possible, et un possible autre, d’où cette volonté, cette exigence de traduction. L’autre,
l’étrangeté inconciliable de l’autre que l’on cherche au fond de soi. Le texte intitulé Modernité,
placé judicieusement vers le milieu du livre, prend la question de la langue sous l’angle du choix,
ce qui est capital : notre époque pressée d’affairistes et d’esclaves préfère les mots qui ne
risquent que peu de faire surgir des sensations, source potentielle de désordre ; le poète est celui
qui convoque la langue des cinq sens parce qu’il en connaît la puissance, salvatrice ou ravageuse,
c’est selon, mais c’est vivre. Avec derrière l’épaule, comme en embuscade, la belle ignorance du
temps où l’on était enfant, Le renouveau permanent. Sans préméditations, sans conséquences.
Mais, dit-elle, La rencontre, ce n’est que s’il y a collision. On quittera donc les années protégées
au risque des foudroiements et des solitudes, on aura les deux, c’est ainsi, ou bien on ne croisera
pas le manque que l’on ignorait. Ce qui serait déjà mourir. Alors il faut marcher les villes,
s’échapper, prendre chaque jour le soleil pour témoin, et le sourire croisé comme une preuve de
vie.
Des poussières d’étoiles et on s’en va
puisque toujours il faut s’en aller.
G.R.
14,50€
éditions Villa-Cisneros
4 rue Vincent Allègre
83000 Toulon
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Rétrospective Jean Eustache
Mai 2017
La Cinémathèque française, Paris
La Maman et la Putain
Le monde se divise en deux catégories: ceux qui ont aimé le film de Jean Eustache " la
maman et la putain" et ceux qui le détestent. Débat de snobs et de dandies me direz-vous
et alors? Une bouffée d'air frais dans ce monde dit démocratique (quelle farce...) Il s'agit
pour moi du plus grand film de l'histoire du cinéma, un ofni – objet filmé non identifié –
des seventies, cette époque libertaire et de très grande liberté.
C'est un film d'amour, une Love-moovie, avec le grand Jean-Pierre Léaud, Bernadette
Laffont, Danièle Lebrun (qui joua la Bérénice de Louis Aragon). On voit le Paris des
70'S, ce quartier encore latin avant que les librairies ne ferment et que les baraque à
fringues friquées ne balaient tout, l'époque de la librairie Le Divan et sa craquante
libraire (la librairie n'existe plus) et des apéros au Bonaparte (encore là).
On voit dans ce film le cultissime Jean-Jacques Schuhl je ne vous dirai pas dans quel
rôle... la curiosité sauvera le monde... ou pas. Sachez que ce film n'existe toujours pas en
dvd ; c'est aussi un Traité de Philosophie sur la liberté, la mort et le néant, le libre-choix
aussi, le destin nietzschéen et tant d'autres choses. Jean Eustache aimait les femmes,
encore les femmes, toujours les femmes. Il portait des lunettes noires de jour comme de
nuit, de grands foulards de soie, il était fou des muscle cars pistache, bleu pervenche,
jaune citron, rose vif, comme Jacques Demy. Eustache est un Demy destroy.
J'ai tant de choses sur lui, tant de livres, mais je ne veux rien consulter, juste écrire à
fleur de mémoire. Il a fait 12 films dont moyens et courts métrages c'est peu. Je crois que
Jean Eustache n'a pas supporté la chute des Utopies, le triomphe du fric dont seraient
victimes Ferreri et Fellini. Il adorait flamber au casino et les grands restaurants. Un jour
le monde a changé, le monde des Studios a repris le pouvoir. Alors Eustache s'est cloîtré
dans sa chambre allongé sur son lit en regardant des films sur une mauvaise télé ; et puis
il s'est tiré une balle de carabine dans la bouche... il aurait du faire 30 films de plus, qui
manquent à la Pensée contemporaine.
C'était aussi un très grand écrivain ; lisez le scénar de la maman et la putain, c'est publié,
fouinez vous trouverez,
un écrivain génialissime ! Il est sans doute le premier grand artiste suicidé de la société du
spectacle. Depuis, la liste est longue...
Je pense que ce film à tout pour toucher la génération des 17-30 ans actuelle, à les
bouleverser parce qu'ils vont se reconnaître !!!!
Une autre fois je vous parlerai de Jean-Pierre Rassam.
PS : le dernier Despleschin traite le même thème que "la maman et la putain", le triangle
amoureux ; malgré Charlotte Gainsbourg que j'adore, Mathieu Amalric qui est la seule
gueule bouleversante du cinéma français, tellement bobo!!!!
"Les fantômes d'Ismaël" ça s'appelle ; si vous avez du sommeil en retard c'est le film idéal
! montage sous Lexomil !
Michel Costagutto
P.S. : Avant de se suicider il avait punaisé une feuille sur la porte de sa chambre:
FRAPPEZ FORT JE SUIS MORT
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Chantal Danjou Claude H a z a H e n r i Y é r u La Roue Traversière ont le plaisir de vous convier LE 24 Juin 2017 A 17h à la présentation de Jean-Pierre BARBIER-JARDET Entretien, lecture et signature Ouverture de l’atelier dès 15h pour l’exposition d’HENRI YÉRU « Et tu te souviens brusquement que tu as un visage » ATELIER HENRI YERU 97-99, cours Lafayette - 1er étage 83000 Toulon Tél. : 04 94 41 24 67
A
Jean-Michel Delacomptée
Lettre de consolation à un ami écrivain
Une longue lettre, sous le prétexte de la déception d’un écrivain face au silence qui accueille son dernier roman, pourtant remarquable.
Remarquable, oui, sans doute, mais par qui ? est la question, et Delacomptée tente de démonter tout du long, et y parvient assez
complètement, les mécanismes contemporains qui font des médiocres des célébrités et laissent les vrais œuvres dans la marge – au
mieux. Et encore ne parle-t-il presque pas – un peu vers la fin – du sort réservé à la poésie, elle qui est quasi totalement ignorée de tous
les médias. Delacomptée écrit dans un style précis est élégant, il dresse un constat, il ouvre des raisons malgré tout de se réjouir (ou du
moins de se consoler), et il le fait en écrivain. Sa Lettre est un vrai objet littéraire.
Je ne connaissais pas l’œuvre de cet auteur, que j’ai d’abord découvert dans une récente émission de France Culture – laquelle France
Culture, après avoir, à ma plus grande et désemparée surprise, beaucoup souffert du passage de Laure Adler à sa tête, ressor t celle-ci peu
à peu du marécage sociologique dans lequel alors elle pataugea au détriment de l’art, de la poésie et de la littérature d’une manière
générale. Je suis en train de lire un autre livre de Delacomptée, cela est titré Ecrire pour quelqu’un, et j’aurai certainement l’occasion de
reparler tant là encore la très haute qualité de l’écriture est au rendez-vous et sert les émotions ainsi élevées, avec toutefois beaucoup de
pudeur… ce qui s’appelle avoir un style enfin, ce qui, bien entendu, lui ôte un certain nombre de possibilités d’être vanté par le
conformisme marchand habituel de la critique, qui ne sait plus ou ne veut plus savoir ce qu’est le style, avoir un style, elle a décrété que
cela était ringard, tant pis – pour elle. Je ne saurais trop recommander aux critiques la lecture d’Aragon (qui ça ?!), Traité du style. Je le
leur enverrai bien… à la figure, pas par la poste. Mais savent-ils lire ? Là aussi, sans doute, est la question. G.R.
Editions Robert Laffont
16€
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Prolongation jusqu’au 10 juillet
Lectures poétiques 1er et 2 juillet vers 17h
écouter à voir à lire à écouter à voir à lire à écouter à voir
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sur le site de Rémy Durand, qui a la gentillesse de les y archiver.
Qu’il en soit très vivement remercié.
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La Lettre sous le Bruit
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Direction : Gilbert Renouf
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© L a Lettr e sous le Bruit 2017 I SS N 2 4 9 2 - 4 9 5 4
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