RMLL 2009 (Nantes)
Modèles d'affaires des prestataires en logiciels libres
Ir. Robert VISEUR
Assistant @ FPMs (UMons)Chercheur @ CETIC
Quelques caractéristiques du logiciel libre (1)
● Le logiciel libre = une définition connue (FSF). ● Quatre libertés: exécution, étude, modification,
diffusion. ● Implication: accès au code source (condition
nécessaire et non suffisante).
Quelques caractéristiques du logiciel libre (2)
● Le logiciel libre = un ensemble de licences (BSD, ASL, CPL, LGPL, GPL,...),● apportant des réponses « simples » et différenciées à
la question de la propriété d'un code source, dans une logique de partage (ou de mutualisation).
● Deux visions complémentaires: logique de diffusion ou de liberté du développeur (BSD) - logique de mutualisation ou de liberté du logiciel (GPL).
● ayant une incidence sur les modèles d'affaires possibles.
● Question sous-jacente: comment financer l'innovation dans un régime d'inappropriabilité?
Quelques caractéristiques du logiciel libre (3)
● Le logiciel libre = un (ensemble de) modèle(s) de développement basé(s) sur la collaboration de développeur(s) distribué(s) géographiquement.
● Question sous-jacente: comment quantifier, organiser et exploiter les opportunités de collaboration, si elles existent?
● Le logiciel libre = un ensemble communautés centrées sur des technologies plus ou moins populaires.● PHP, Perl ou Python sont des technologies
« étiquetées » libres.
Environnement concurrentiel (1)
● Client: Il devient un co-développeur potentiel (co-création de valeur) mais peut aussi devenir un concurrent (« forkabilité). Rééquilibrage du pouvoir.
● Concurrent: Il peut se baser sur « mon » produit (inappropriabilité) mais peut aussi coopérer (« coopétition ») dans une logique de mutualisation.
● Fournisseur: Un fournisseur peut aussi bien être une entreprise partenaire qu'une communauté dont on exploite une technologie.
Environnement concurrentiel (2)
● Barrières à l'entrée: Elles sont faibles (contrôle très limité du fait des licences libres).
● (Etat: Il s'agit d'un moteur de croissance important.)
Quelques éléments à évaluer avant de libérer (1)
● Libérer ou non ? Un rapide calcul:● Évaluer les réductions de coûts
● Plus de travail pour moins de dépenses: apport en code source, debug, feedback, promotion, distribution,... apportés par la communauté.
● Évaluer les gains marketing● Les développements sont tirés par le marché, le bouche-à-
oreille est important,...● D'où un risque moindre,● D'où une marque plus forte et une visibilité accrue.
Quelques éléments à évaluer avant de libérer (2)
● Libérer ou non ? Un rapide calcul:– Évaluer les nouveaux coûts
● Une collaboration efficace passe souvent par une architecture adaptée.
● La gestion de la communauté a un coût (dialogue, outillage, etc)
– Évaluer les pertes de revenus● Le modèles traditionnel de vente de licence fonctionne mal. ● Des stratégies de prédation sont possibles.
→ Bilan positif ou négatif ?
Autre question: que libérer (tout ou partie)?
Modèles d'affaires des prestataires du logiciel libre (1)
● Modèles d'affaires: à prendre au sens large (« comment crée-t-on de la valeur? »)
● Coexistence de modèles plutôt basés sur les services et de modèles plutôt basés sur l'édition.
Modèles d'affaires des prestataires du logiciel libre (2)
● Modèles d'affaires plutôt basés sur les services● Basés sur l'intégration de composants,● Basés sur un « produit vedette ».
● Modèles d'affaires plutôt basés sur l'édition● Basés sur le packaging,● Basés sur l'édition mutualiste,● Basés sur les doubles licences,
● Autres (dont la valorisation indirecte)
Modèles d'affaires des prestataires du logiciel libre (3)
● Modèle: intégration de composants libres● Modèle semblable aux sociétés de services
propriétaires. Solutions basées sur des composants tiers. Garantie de résultats.
● Mais : importance de la collaboration avec les communautés● La société est un lien entre le client et la communauté.
● Intérêt de toujours coller à la version de référence.
● Complémentarité SSLL/SSII (+ gradient entreprise libre / non libre).
● Exemple : Linagora.
Modèles d'affaires des prestataires du logiciel libre (4)
● Modèle: produit vedette● Spécialisation dans un produit ou une ligne de
produits. Rémunération sur les services. Valorisation très forte de la marque (diffusion).
● Exemple : Jboss, Zope, Jabber,...● Jboss (« vs » Oracle) : « gros buzz » mais petite
société. ● Interêt en matière de collaborations B2B.
● Coopération directe (Jboss) ou via structure indépendante (ex.: fondation).
Modèles d'affaires des prestataires du logiciel libre (5)
● Modèle: packaging● Attention aux méta-communautés● Deux exemples contrastés:
● Covalent● Vente de licences des produits basés sur les logiciels Apache
(l'ASL est permissive). ● Attention aux relations à la communauté !
● Distributeurs GNU/Linux (Novell/SuSE, Red Hat, Mandriva, etc)
● Intégration de logiciels (aux licences hétérogènes) en communauté (OpenSuse, Fedora, Cooker, etc).
● Revenus provenant des services (mises à jour, support) et de l'édition (box). Parfois, services de déploiement.
Modèles d'affaires des prestataires du logiciel libre (6)
● Modèle: édition mutualiste● Développement du logiciel réalisé aux seins de
structures de type « clubs ».● Difficultés de démarchage. ● Besoin de compétences forte en gestion (par ex.,
gestion des exigences).● Rend le spécifique abordable.
● Exemple: IdealX (avant Opentrust).
Modèles d'affaires des prestataires du logiciel libre (7)
● Modèle: doubles licences● Exemples : Trolltech, MySQL, Exo,...● Principes :
● Les licences gauches d'auteur (GPL) ne permettent pas les développements propriétaires (et les modèles de valorisation associés) mais sont idéales pour la collaboration.
● Les licences commerciales permettent les développement propriétaire et financent « aisément » les activités de l'entreprise.
→ Revenus : modèle 50 (licences) / 50 (services).
→ Succès de ce modèle.
Modèles d'affaires des prestataires du logiciel libre (8)
● Exemple: cercle vertueux de Trolltech (le rachat par Nokia change la donne: plus d'objectif de rentabilité?)
● Alternative: licences chronodégradables.
Modèles d'affaires des prestataires du logiciel libre (9)
● La mutualisation par l'offre (R&D communautaire):● Ex.: Objectweb
● Les modèles d'usage● Ex.: Google (économies de licences, forme de secret
industriel).● Le logiciel libre comme vecteur
● Ex.: Firefox (diffusion => publicité).● La vente d'extensions
● Ex.: SugarCRM (définition d'un socle peu différenciant)● Attention aux forks.
Modèles d'affaires des prestataires du logiciel libre (10)
● Le logiciel libre pour redessiner un marché ● Ex.: Open Office (affaiblissement d'un concurrent en
l'attaquant sur un produit « vache à lait », création d'un marché de services plus concurrentiel).
● Les « classiques »: formations, merchandising,...● ...
Modèles d'affaires des prestataires du logiciel libre (11)
● Très grande diversité de modèles de valorisation● Réelles spécificités dans la valorisation (et valorisation
souvent indirecte)● Evolution du marché des entreprises de services?
Positionnement des "grosses" SSLL par rapport au SSII? Développement du marché des TPE spécialisées en logiciels libres?
● Intérêt du marché pour les entreprises d'édition disposant d'un fort branding. Exemples: MySQL (achat par Sun Microsystems), Trolltech (achat par Nokia), Nuxeo (levée de fonds de 2M€),...
Que dire de... ? (1)
● Instabilité de certains modèles (Cfr. François Elie, Adullact)?– Instabilité de l'édition Open Source à tendance
« privative »?● Porte-à-faux avec le communauté => risque de fork.
● Evolution du logiciels pour poste de travail vers le SaaS?– Probable car innovations fortes (Google Docs,
Photoshop Express,...) .
– Partiel car limitations techniques (bande passante, débit,...) et barrières « psychologiques ».
– A intégrer dans le choix de licence (ex.: AGPL)
Que dire de... ? (2)
● Montée en puissance de la mutualisation par la demande?– Affranchissement d'utilisateurs fédérés.
– Nouvelles opportunités d'affaires. ● En effet, encore faut-il que les utilisateurs soient capables de
préciser leur demande!● La création de cahier des charges et la gestion de projets sont
un métier.
Modèles hybrides (1)
● Le Libre est une manière de gérer sa propriété intellectuelle en capitalisant sur les effets d'externalité (diffusion, mutualisation vs contrôle, privatisation).
● Il existe des approches complémentaires. Pratique de l'Open Innovation (// Open Source).
Open Innovation
Approche100% libre
Approchecommunautaire
(ex.: SCSL)
Approchemixte
(doubles licences)
Approcheitérative
Modèles hybrides (2)
● Intérêts de ces modèles hybrides:● Nouvelles opportunités économiques basées sur une
plus grande ouverture (plutôt que sur la liberté).● Cadre de transition progressive vers un modèle libre.
● Défis pour l'entreprise: trouver le bon équilibre permettant de financer l'innovation dans un cadre mutualiste en respectant l'indépendance du client.
● Exemples: Jahia (modèle contributif), Sun Solaris (anciennement: licence SCSL),...
Etude en cours
● But: regarder l'activité des entreprises actives en logiciels libres.
● Prises en compte des éléments suivants: vente de matériel associé, édition Open Source; services (+ degré de spécialisation), contributions visibles aux communautés externes, vente de produits dérivés, valorisation en mode service en ligne.
● Pays couverts: Belgique, France + Luxembourg, Suisse (parties francophones).
Situation en Belgique
● Prise en compte de 31 prestataires en logiciels libres (cfr. logiciellibre.be)
● Résultats: – 5 sociétés vendent du matériel (dont Tuxdroid),
– 4 font de l'édition logicielle (dont deux entreprises locales),
– 4 ont des contributions identifiées aux communautés,
– aucune ne vend de produits dérivés,
– 2 commercialisent des SaaS
– 29 proposent des services, dont 10 de manière très spécialisée.
Situation en France
● Prise en compte de 55 prestataires en logiciels libres (cfr. logiciellibre.com)
● Résultats: – 4 sociétés vendent du matériel,
– 12 font de l'édition logicielle (toutes locales),
– 15 ont des contributions identifiées aux communautés,
– 1 vend des produits dérivés,
– 2 commercialisent des SaaS
– 54 proposent des services, dont 26 de manière très spécialisée.
Quelques remarques
● Sans surprise, forte proportion d'entreprises actives dans les services...
● Avec un degré de spécialisation globalement assez élevé.
● Un peu moins de 10% des entreprises du secteur font de l'édition "à titre principal".
● Environ 20% des entreprises reversent clairement à des projets libres.
● Travail à continuer...
Conclusions et perspectives
● Le logiciel libre (et ses licences, ses modèles d'affaires) reste mal connu, peu maîtrisé– D'où incompréhension chez les clients, maladresse
chez les développeurs,...● Paradoxalement, le logiciel libre se banalise, car
intégré en dehors des SSLL qui l'ont amené sur le marché
● Les développements libres restent souvent peu exploités (cfr. projet Cellavi du CETIC)
● En matière de services, le logiciel libre est un bon moyen mais n'est rien sans une gestion de projet rigoureuse (cahier des charges, politique qualité,...).
Biographie partielle
● Robert Viseur. Accompagner les entreprises vers les modèles d'affaires du logiciel libre. Rencontres Mondiales du Logiciel Libre 2008. Mont-de-Marsan, 1 juillet 2008.
● Robert VISEUR. Entreprises "Les modèles d’affaires du Libre". Rencontres Mondiales du Logiciel Libre 2007. URL: http://www.logiciellibre.net/download/rmll2007-rv-business.pdf
● Robert Viseur. Building Open Source Communities. Linuxdays 2007 (Centre de Recherche Public Henri Tudor). 1er février 2007, Luxembourg.
● Robert Viseur. Gestion de communautés Open Source. 12ème Conférence de l'Association Information et Management. 19 juin 2007, Lausanne.
● Matthieu Farcot & Robert Viseur. YAME in the KBE! Yet Another Mutualist Ecosystem. 12ème Conférence de l'Association Information et Management. 19 juin 2007, Lausanne.
● Robert Viseur. Entreprenariat et Open Source : modèles d’affaire et gestion d’entreprise. Journée du Libre 2006. CRP Henri Tudor. Luxembourg, 24 octobre 2006.
● Communication lors de la Journée Logiciel Libre du CETIC le 11 septembre 2003 sur le thème : « Aspects économiques et business models du Logiciel Libre ».
● Viseur R., Logiciels libres : les acteurs et leurs stratégies, L'Echo, 24 février 2004, p16.
Sources
● François Elie (2009). Economie du logiciel libre. Eyrolles.
● April. Les modèles économiques du Logiciel Libre. Décembre 2007. URL: http://www.april.org/files/documents/200712-modeles-economiques.pdf
● AFUL. Les différents modèles économiques. URL: http://www.aful.org/professionnels/modeles-economiques-logiciels-libres/differents-modeles
Contact
Ir. Robert VISEUR
Téléphone: +32(0)479660876
Courriel: [email protected]
WWW: http://www.robertviseur.be/
CETIC: http://www.cetic.be/
FPMs: http://mi.fpms.ac.be/