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SOIGNER LES SOIGNANTS… SI POSSIBLE AVANT QU’ILS NE DEVIENNENT MALADES… ET
LES SOIGNÉS ENCORE DAVANTAGE !
Ce texte ne peut pas être modifié par quelqu’un d’autre que YC, mais les commentaires sont
autorisés bienvenus !!!!!
Blog : http://souffrancesoignants.blogspot.be/
Le Médecin malgré lui. Molière
ACTE II SCÈNE IV
LUCINDE, VALÈRE, GÉRONTE, LUCAS, SGANARELLE, JACQUELINE.
SGANARELLE.— Est-ce là, la malade?
GÉRONTE.— Oui, je n'ai qu'elle de fille: et j'aurais tous les regrets du monde, si elle venait à
mourir.
SGANARELLE.— Qu'elle s'en garde bien, il ne faut pas qu'elle meure, sans l'ordonnance du
médecin.
Les Morticoles. L.A. Daudet
« Notre capitaine était soumis au même atroce régime, car les Morticoles sont passionnés pour une égalité
apparente » p13 Ed. 1894 Bibliothèque Charpentier
Utopie noire. Les Morticoles sont des médecins, maîtres de leur domaine où ils imposent la Lex Medica.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64582q/f8.image
Citation de Oscar Wilde ; Œuvre : Véra ou les Nihilistes - 1880
« Il n'y a pas de limite à la tyrannie d'un homme, mais il y aura une limite à la souffrance de tout peuple.
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LES AUTEURS
Yves Couvreur MD Anatomie Pathologique CHU de Charleroi et Laboratoire CMP
(Bruxelles)
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RESUME (ABSTRACT)
La souffrance du soignant est une maladie, intriquée, à la fois de la personne soignante et
de la société soignée.
Cette affection touche toutes les catégories de soignants dans toutes les régions du
monde et représente, statistiquement un danger massif.
Elle commence dès avant la fin de la formation des soignants; elle s’insinue de manière
continue en ruinant la victime, et les victimes des victimes, en empruntant une sorte de
« montée au Calvaire » : tout d’abord par l’insatisfaction au travail, la désaffection pour le
travail, la perte d’empathie, la dépression, le syndrome d’épuisement (burnout), des idées
suicidaires, des comportements immoraux voire illégaux, le suicide comme « fin du
chemin ».
Le constat est indiscutable, indiscuté.
Des propositions globales, préventives, mais aussi coercitives doivent être rapidement
mises en place.
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INTRODUCTION
Notre rencontre avec la souffrance du soignant a été d’emblée prise à contre-pied, en effet,
la recherche en anglais et en français sur les mots clés : « souffrance, dépression, …. du
soignant » et variantes n’ont donné qu’un nombre très restreint de réponses de la littérature
scientifique. Par contre, il suffit de remplacer « souffrance, dépression… » par « burnout »
pour déclencher une avalanche d’articles.
Le concept de « staff burn-out » (ou burnout) a été (ré)introduit en 1974 par Freudenberger
H. J. (Staff burn‐out, 1974)1 ; une grille d’évaluation a été proposée par Maslach (1986). Le
terme de « syndrome d’épuisement » en est la traduction française.
Sa mesure a fait l’objet de plusieurs méthodes.2
Certains tests sont même disponibles online.3
La définition du burnout à cette époque, et toujours aujourd’hui, mais dans une acception
restreinte ne concerne que l’épuisement au travail.
Cette acception n’a cessé de s’étendre puisque en 2013, le concept de « burnout du couple »
apparaît.4
Un certain dévoiement sémantique s’est instauré, la dépression « classique », existentielle
se dissimule progressivement derrière un burnout, lequel semble davantage socialement
acceptable, même justifiable au regard des proches et des collègues de travail.
On constate rapidement qu’il existe une littérature abondante depuis une vingtaine
d’années, mais ces articles font essentiellement référence au phénomène d’épuisement
(« Burnout ») du personnel soignant ; la souffrance quant à elle est peu évoquée5, y compris
les états dépressifs. 6
Ce constat de fait est d’autant plus inquiétant qu’il s’agit d’un phénomène mondial et
massif.7 (Voir plus loin)
Il est intéressant de noter que cette notion recouvre essentiellement des problèmes
touchant telle ou telle catégorie de travailleurs, mais pas vraiment l’individu en tant que tel.
Les études sont d’ailleurs dans l’immense majorité rédigées en ce sens, d’une manière qui
rappelle un peu la « Lutte des Classes ».
Est-il nécessaire d’imaginer l’au-delà du burnout, la fin du chemin pour les soignants se
nomme « idée de suicide »8, et, dans un nombre assez effrayant par des suicides accomplis?9
1 Freudenberger avait lui-même souffert de burnout. 2 (Schraub & Marx, 2004) (Zawieja & Guarnieri, 2013) 3 (Test burnout) (Burnout Test (Non-Service Fields), 2014) (Test de Maslach) 4 (Pines, 2013) 5 (Rössler, 2012) 6 (Letvak, Ruhm, & McCoy, 2012) (Corley, Elswick, Gorman, & Clor, 2001) 7 Voir (Kacenelenbogen, Offermans, & Roland, 2011) (Grotmol, K. S. , 2012) (Lavery & Patrick, 2007) (Ahmed, Banu, Al-Fageer, & Al-Suwaidi, 2009) 8 (Dyrbye & et Al., 2008)
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En un mot : l’accident est assez bien décrit, mais pas vraiment ce qui y conduit, et encore
moins ce qui permettrait de le prévenir, nonobstant les incontestables initiatives prises çà et
là.
En conséquence, il conviendrait de reprendre la problématique en amont du burnout, en y
ajoutant à la notion de « staff » (équipe professionnelle) une dimension individuelle non-
professionnelle10. De plus, les dispositions visant à détecter et traiter la souffrance des
soignants en 2014 se concentrent quasi uniquement sur les soignants travaillant dans un
cadre hospitalier, confrontés aux situations « dures » telles que soins palliatifs, soins
intensifs, maladies mentales et neurodégénératives, …
Très peu est fait pour les autres soignants en contact direct avec les soignés ; rien pour
services techniques ou considérés comme « sans risques ». Pour les soignants non-salariés
qui représentent la quasi-totalité des médecins, c’est le désert, le déni.
Les fragilités intrinsèques des individus, leurs résonnances intérieures face aux duretés de
leur métier, et peut-être les soubassements psychologiques du choix dudit métier
mériteraient sans nul doute des études « bottom-up ».
Le choix de telle ou telle spécialité médicale ou paramédicale n’est certainement pas
anodin : Pourquoi souhaite-t-on de devenir Anatomopathologiste, Psychologue, Infirmière
en psychiatrie, Médecin généraliste, Gynécologue, …11 ? En quoi cela répond-il déjà
(partiellement) à des besoins psycho-affectifs profonds du soignant, possible source de
dynamisme professionnel, mais aussi à des points de moindre résistance de l’individu. 12
A l’inverse, des choix de carrière motivés par le besoin de pouvoir, de lucre voire pire
devraient être beaucoup mieux perçus en amont afin d’éviter au soigné des déboires parfois
terrifiants.13
Entre trop et trop peu d’empathie du soignant envers le soigné, cette empathie pouvant
fluctuer énormément au cours d’une carrière en fonction des environnements
professionnels et familiaux, des accidents de la vie…14
De souffrants, les soignants peuvent en arriver à commettre des erreurs ou des fautes
professionnelles 15 voire même devenir des agresseurs.16Lesquelles erreurs et agressions
devenant elles-mêmes cause de souffrance ; le cercle vicieux.
La mise en place de politiques concrètes est rare, voire inexistante à quelques exceptions
près. Récemment, on a vu apparaître des techniques d’évaluation quantitative de la
souffrance chez les professionnels de santé.17
9 (Gold, Sen, & Schwenk, 2013) (Aasland, Hem, Haldorsen, & Ekeberg, 2011) 10 (Rzeszutek & Schier, 2014) 11 (Kennedy, Curtis, & Waters, 2014) 12 (Hojat & et Al., 2004) (Lamothe, Boujut, Zenasni, & Sultan, 2014) 13 (Robinson & Stewart, 1996) (Grant & Alfred, 2007) (Sansone & Sansone, 2009) 14 (Goehring, Gallacchi, Kunzi, & Bovier, 2005) 15 (Shanafelt, Bradley, Wipf, & Back, 2002) (Shanafelt, Balch, & et Al., 2010) 16 (Robinson & Stewart, 1996) 17 (Hamric, Borchers, & Epstein, Development and testing of an instrument to measure moral distress in healthcare professionals, 2012) (Wocial & Weaver, 2013)
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L’interdisciplinarité 18semble aussi avoir sa raison d’être et de se développer, mais que
penser, alors, de tous les thérapeutes (médecins, et non-médecins) qui travaillent en solo ?
Quelques réponses au chapitre POURQUOI RIEN (OU SI PEU…) N’EST FAIT?
RÉSUMÉ :
Il faut élargir la notion de la souffrance du soignant en amont du classique burnout
BUTS DU LIVRE
Reconnaître le burnout et surtout le prévenir, y compris la « simple » souffrance des
soignants.
18 (Estryn-Behar, Lassaunière, Fry, & de Bonnières, 2012)
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ETAT DES LIEUX
DONNÉES DANS LA LITTÉRATURE
Dans l’introduction, nous avons colligé un certain nombre d’articles concernant la souffrance
du soignant ; 40 ans se sont déjà écoulés depuis la première irruption du burnout, comme
marqueur de cette problématique. Il est probable que ce concept soit beaucoup plus
ancien19, mais peu importe, au fond, ce qui compte est sa mise au jour dans sa forme
moderne
Il existe une augmentation régulière – dans la littérature scientifique- de l’importance de
déceler et de prévenir le burnout des soignants, mais les articles évoquant la
prévention20n’ont pas paru s’accompagner d’actions concrètes en rapport avec le caractère
universel du problème, et les articles les plus récents (2014) témoignent encore largement
du blocage au stade de l’état des lieux21.
Ceci étant, les mentalités sont, fort heureusement en train changer : non seulement des
articles, mais aussi de forts volumes décrivent des méthodes de dépistage et traitement et
de prévention de la souffrance-burnout, avec extension au-delà du milieu médical et
infirmier.22
Les concepts d’empathie, de fatigue, de compassion, de « fatigue compassionnelle » de
satisfaction au travail, de « satisfaction compassionnelle »23 … sont aussi des éléments qui
enrichissent l’abord de la problématique, tout en offrant des perspectives d’un prise en
19 (Zawieja & Guarnieri, 2013) 20 (Lissandre, 2008) (Fearon & Nicol, 2011) (Schraub & Marx, 2004) (Quenot & et Al., 2012) (Shanafelt, Bradley, Wipf, & Back, 2002) 21 (Guillermo, Vargas, & et Al., 2014) (Eelen, et al., 2014) (Volpe & et Al., 2014) 22 (Skovholt & Trotter-Mathison, 2010) (Leiter & Maslach, 2014) (Dhingra & et AL., 2014) 23 (Joinson, 1992) (Zawieja, Fatigue compassionnelle., 2014)
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charge préventive, personnalisée, autorisant l’espoir d’autre chose que la prise en compte
de la catastrophe que représente le seul burnout.24
RÉSUMÉ : on passe depuis 1974 du stade de la reconnaissance du burnout à celui de la
souffrance, du constat à celui des mesures correctives, du moins dans la théorie, moins dans
la pratiques hospitalière et/ou salariée, mais tout reste à faire dans la pratique médicale et
paramédicale « indépendante ».
DANS LE MONDE (HORS BELGIQUE)
Comme nous l’avons déjà mentionné, le problème de la souffrance du soignants est mondial
et massif (Voir les quelques exemples ci-dessous)
On notera cependant que l’attention (et l’action) se porte désormais au-delà et en deçà du
burnout. Néanmoins, cette attention ne concerne quasi exclusivement les soignants salariés,
les indépendants, hospitaliers ou non sont encore très peu pris compte, voire pas du tout.
MÉDECINS
Il n’entre pas dans nos intentions de faire accroire que les agressions de patients par leur
médecin sont systématiquement liées à une souffrance du soignant; il existe de réels pervers
qui n’éprouvent que jouissance dans leur crime. Cependant, la frontière ente les souffrants
« purs » et les criminels « purs » est très mal définissable, en sorte que même les
délinquants devraient être vus comme des souffrants potentiels, à traiter comme tels. Au
bénéfice du doute, en somme, comme n’importe quel citoyen.
Quelques chiffres. Dans un article déjà ancien, aux USA, en 1998 le pourcentage cas de
médecins sanctionnés pour agression sexuelle sur leur patient était de 4.4%. 25
Ce chiffre était, à l’époque en nette augmentation, encore ne s’agissait-il que des cas portés
à la connaissance de la justice, et ce, dans une acception restrictive de l’ «agression».
Intéressante aussi était la répartition par type de médecins : de 0.8% en psychiatrie infantile
à 18.9% en médecine interne.
24 (Smart, English, & et Al., 2014) (Lamothe, Boujut, Zenasni, & Sultan, 2014) (Thompson, Amatea, & Thompson, 2014) (Hegney & et Al., 2014) (Eelen, et al., 2014) (Drury & et Al., 2014) (Meyer, Li, Klaristenfeld, & Gold, 2014) 25 (Dehlendorf & Wolfe, 1998)
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Ces chiffres pour le moins inquiétants ont semblé devoir être tempérés par d’autres, plus
récents, et en dehors des USA. Au Canada, par exemple, où la prévalence des délits (sexuels
ou non) entre 2000 et 2009 oscillait entre 0.06 et 0.11%. 26
Las, d’autres chiffres de délinquance médicale, colligés dans une méta-analyse encore plus
récente27 varient de 3.3% (Médecins généralistes néerlandais) à 14.5% (!) (Médecins non-
psychiatres en Israël).
S’il est évident qu’un pourcentage élevé de médecins s’attaquent à leur patient, il est tout
aussi évident qu’un nombre important s’attaquent à eux-mêmes, la déclinaison ultime étant
le suicide comme en témoignent des études aux USA ou en Norvège.28
Entre ces deux abîmes que sont le crime et le suicide, les médecins semblent osciller entre
les idées de suicides (1/16 chez les chirurgiens US et 13% chez médecins européens29 ), le
burnout chez les médecins US ou les oncologues Belges30, la dépression (14%) chez les
Norvégiens ou chez les Chinois (28.13%) ou encore chez les Allemands (23.0%)31, l’alcoolisme
chez les chirurgiens US32. Ou « simplement » des problèmes psychologiques sérieux chez les
praticiens canadiens.33
Les généralistes Suisses sont pour 33% d’entre eux présente un « degré modéré à important
de burnout ». 34
Seul le climat bienfaisant de la Riviera française semble protéger 99% des praticiens
généralistes locaux, du burnout, les autres régions de France étant calquées sur le reste du
monde…35
Un article de 2013 dans la grande revue The Lancet ne faisait que confirmer la détresse
morale du milieu médical, détresse persistante, malgré les très nombreuses études qui,
depuis longtemps ont averti (« Doctors in distress »)36. Rien ne change donc, malgré tous les
voyants au rouge vif. Pourquoi, nous essaierons de le comprendre plus loin. (« Pourquoi rien (ou si
peu…) n’est fait ? »)
Autre pays, la Pologne : en 2014, 70% des anesthésistes sont « à risque de burnout »37,
notion intéressante, que le « risque de burnout », car une fois encore, il met en lumière le
côté circulaire et continu de la fragilisation des soignants, le « Mirage émotionnel ».
26 (Alam, Klemensberg, Griesman, & Bell, 2011) 27 (Sansone & Sansone, 2009) 28 (Gold, Sen, & Schwenk, 2013) (Aasland, Hem, Haldorsen, & Ekeberg, 2011) 29 (Shanafelt & et Al., 2011) (Fridner & et Al., 2011) 30 (Shanafelt, Boone, Tan, & Dyrbye, 2012) (Eelen, et al., 2014) 31 (Grotmol, K. S. , 2012) (Gong, et al., 2014) (Unrath, Zeeb, Letzel, Claus, & Pinzón, 2012) 32 (Oreskovich, et al., 2012) 33 (Compton & Frank, 2011) 34 Article déjà cité (Goehring, Gallacchi, Kunzi, & Bovier, 2005) 35 (Dusmesnil, Saliba Serre, Régi, Leopold, & Verger, 2009) 36 (Devi, 2013) 37 (Misiołek, Gorczyca, Misiołek, & Gierlotka, 2014)
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En anticipant sur les conséquences du mal-être médical, on notera l’effet en cascade de
harassement envers le personnel infirmier…38
Un composante du burnout est la « dépersonnalisation » laquelle peut être aussi vue comme
un signe annonciateur d’un burnout.39
Une autre déclinaison est appelée « fatigue compassionnelle » (Compassion fatigue) ou
incapacité du soignant à éprouver encore de l’empathie envers le soigné est bien
documentée chez les infirmiers, mais beaucoup moins chez les médecins, pourtant, les
moyens de la repérer existent.40
Son envers, la noyade empathique, dont les causes et les conséquences ont été décrites de
l’intérieur de manière romancée.41
Un facteur d’épuisement est la peur des médecins de l’erreur ou de la « presque erreur »42
Un autre en est l’implacable surcharge administrative qui détourne les médecins de le cœur
de métier tout en les étouffant
Une version plus « acceptable », mais tout aussi redoutable est le « Workaholism »,
l’addiction au travail ou « ergomanie » : le patient comme substitut au whisky.43
La génération montante de médecins canadiens, les étudiants en médecine sont déjà en
souffrance44, de même que les médecins français en formation d’urologie.45
Ce dernier article montre aussi l’intrication « privé-profession », les médecins vivant en
couple étant plus résistants au burnout.
Les 19.45% de gynécologues français en formation, en état de burnout n’a donc rien
d’inhabituel, pas plus que les 33% de « dépersonnalisation » dans cette même cohorte.46
Ceci ne s’améliore pas chez les médecins (généralistes et spécialistes) en milieu de carrière
comme le montrait déjà une étude de 2002 qui préconisait déjà une approche personnelle et
professionnelle du seul burnout. Le moins qu’on puisse constater est que ce constat n’a
guère été suivi de mesures concrètes !47
Il est intéressant de noter que, si l’on se fiait au volume de littérature scientifique sur les
médecins européens rapporté à celui concernant les médecins d’Amérique du Nord, il
semblerait que L’Europe ne présente en rien un état aussi inquiétant (à l’exception des
quelques études déjà mentionnées). C’est sans nul doute un effet de déni, très éloquent par
lui-même.
En mettant, autant que possible, de côté notre subjectivité et la non-comparabilité de ces 38 (Allen & Holland, 2014) 39 (Fagioli & et al., 2014) 40 (Hamric, Borchers, & Epstein, 2012) 41 (Didier, 1988) 42 (Waterman, et al., 2007) 43 (Zawieja & Guarnieri, 2013) (Rezvani, Bouju, Keriven-Dessomme, Moret, & Grall-Bronnec, 2014) 44 (Dyrbye & et Al., 2008) 45 (Roumiguié & et al., 2011) 46 (Rua, Body, Marret, & Ouldamer, 2014) 47 (Spickard , Gabbe, & Christensen, 2002)
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données, il n’en demeure pas moins que le problème est très grave, mal évalué, mal remis à
jour, très vraisemblablement sous-estimé, et pour tout dire, mal traité, intentionnellement
ou non. Au risque de nous répéter, ce qui n’est pas dit est aussi instructif que ce qui est
démontré.
Ne sont pas évoqués clairement le péril de poursuites judiciaires et la poursuite de buts
économiques, légitimes et moins légitimes.
RÉSUMÉ : La souffrance chez les médecins est connue, documentée, mais moins bien que
chez les autres soignants, moins bien en Europe qu’en Amérique du Nord. Il est singulier de
voir que ce problème semble être moins bien pris en compte chez ceux qui sont (ou qui se
croient) au centre du dispositif de santé.
Nous proposons le concept d’ « Mirage émotionnel ». Le voyageur s’aventure déjà fatigué,
mal équipé et mal formé (étudiant) dans un monde éprouvant (professionnel) qui sape les
moments de repos (vie familiale). Le mécanisme en place, l’usure du temps fait le reste,
L’oasis, Terre promise toujours plus insaisissable. Moïse, maudit peut voir le but, mais jamais
le toucher.
Nous esquisserons une ébauche de réponse plus loin. (POURQUOI RIEN (OU SI PEU…) N’EST
FAIT ?)
INFIRMIERS
Dans un article déjà ancien48, les auteurs décrivent les infirmiers comme « à haut risque de
burnout », bien que des articles plus récents dressent un tableau plus rose de la profession
en Australie49, les auteurs pointant néanmoins la fragilité de cette situation s’il n’était pas
porté remède à la charge de travail.
Dans les services de soins intensifs, la souffrance des infirmiers dépasse d’ailleurs celle des
médecins, la détresse morale pouvant atteindre 33% du personnel infirmier.50
Au Pays-Bas, la « détresse morale » est « haute » dans l’étude récente de de Veer et Al.51
48 (Duquette, Kérowc, Sandhu, & Beaudet, 1994) 49 (Lavery & Patrick, 2007) 50 (Hamric & Blackhall, Nurse-physician perspectives on the care of dying patients in intensive care units: Collaboration, moral distress, and ethical climate, 2007) 51 (de Veer, Francke, & Willems, 2013)
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En Corée, des auteurs ont également bien pointé le passage de la fatigue compassionnelle
au burnout complet, et par conséquent, l’importance de traiter le problème le plus en
amont possible.52
Pour rester sur des articles récents et d’un bout à l’autre du monde, on peut prendre les 33%
de burnout chez les infirmiers à Singapour 53(classé juste après la Suède en terme de PIB par
habitant selon les chiffres de la Banque Mondiale)54.
Dans l’étude de la Mayo Clinic (USA) de 2007, la souffrance de la « strate » infirmier avait
clairement une composante provenant du comportement même des médecins….55
Loriol parle très justement de la « Construction sociale de la fatigue au travail »56, mais on
pourrait parler simplement de la « construction de souffrance des soignants »
Le haut niveau de stress des infirmières iraniennes (76,41%)57 ne semble pas une anomalie
géographique, et un tel niveau ne semble pas pouvoir conduire à autre chose qu’au
phénomène que nous avons déjà signalé ici : stress-fatigue compassionnelle-burnout.
Pour Woods58 : « Results indicate that the most frequent situations to cause nursing distress were (a) having to provide less than optimal care due to management decisions, (b) seeing patient care suffer due to lack of provider continuity and (c) working with others who are less than competent. The most distressing experiences resulted from (a) working with others who are unsafe or incompetent, (b) witnessing diminished care due to poor communication and (c) watching patients suffer due to a lack of provider continuity. Of the respondents, 48% reported having considered leaving their position due to the moral distress. Conclusion: The results imply that moral distress in nursing remains a highly significant and
pertinent issue that requires greater consideration by health service managers, policymakers
and nurse educators.”
La “simple” surcharge de travail, bien évidemment induit l’entrée dans le cycle infernal.
Certaines spécialités, comme la psychiatrie comptant jusqu’à 39% de professionnels en
burnout 59ou encore les 33% de « dépersonnalisation-épuisement émotionnel » chez les
infirmiers en soins intensifs neurochirurgicaux.60
La façon de mourir des patients, la “gestion” de ces deuils toujours renouvelé des patients
est également une source importante de souffrance.61
Ajouter
52 (Yom & Kim, 2012) 53 (Tay, Earnest, Tan, & Ming, 2014) (Woods, Rodgers. , Towers, & La Grow, 2014) 54 World Bank Data (GDP per capita (current US$)) 55 (Rice, Rady, Hamrick, Verheijde, & Pendergast, 2008) 56 (Loriol, 2003) 57 (Karimyar Jahromi & Hojat, 2014) 58 (Woods, Rodgers. , Towers, & La Grow, 2014) 59 (Fox, 2012) sur base de (Gilibert & Daloz, 2011) 60 (Gosseries, et al., 2012) 61 (Albers , Van den Block, & Vander Stichele , 2014)
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RÉSUMÉ :
Le continuum « Souffrance morale – Détresse morale – Fatigue compassionnelle – Burnout
semble être connu depuis longtemps, universel et quantitativement très important. Il est
multifactoriel, mais certains environnements professionnels ne peuvent que conduire à des
dérives et/ou des impasses.
Une fois encore, il convient de souligner l’intrication complémentaire vie professionnelle –
vie privée.
L’ensemble de ces boucles intriquées renforcent les tendances négatives, mais elles
pourraient servir aussi de manière positive dans un projet global de remise en cause des
modes de fonctionnement en secteur infirmier. Une note d’espoir ou d’angoisse, ce sera
selon…
Ces chiffres rejoignent déjà ceux documentés dans le corps médical, mais ils traduisent aussi
une souffrance induite, amont par le corps médical sur le corps infirmiers.
La mauvaise, voire la non-prise en compte des deuils en milieu professionnel montre qu’il ne
faut pas seulement s’interroger sur la relation infirmier-patient vivant, mais encore au-delà.
THÉRAPEUTES
Nous nous proposons d’inclure sous le nom « Thérapeutes » à la fois les psychologues et les
médecins psychiatres.
Le chemin conduisant de l’engagement professionnel, ce « continuum » dont il a été
plusieurs fois question précédemment est très bien décrit par Figley, en 2002 62 : « (…) 54.8
percent were distressed at the time of the study and 35.1 percent were very or
extremely emotionally drained. (…) ». Là encore, des chiffres très importants, concordants,
dont on ne voit pas d’élément dans la littérature récente pour penser qu’ils se sont en quoi
que ce soit améliorés.
62 (Figley, 2002)
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Les déterminants, les statistiques recouvrent ceux mentionnés aux chapitres ci-dessus.
Un élément additionnel répertorié est le « Psychologist Impaiment » (« Handicap du
psychologue »), une forme de détresse professionnelle qui est prise en compte par les pairs,
d’où une volonté d’entraide, qui n’est pas la marque des deux groupes précédemment
décrits (Médecins – Infirmiers) 63
Il existe aussi, dans ce groupe, de réelles stratégies préventives.64
La face noire est ici aussi bien présente : en 1986 96% des thérapeutes hommes et 76% des
thérapeutes femmes ont été, au moins une fois, attirés sexuellement par leur patient(e).65
Il est intéressant de noter que ces statistiques déjà anciennes n’ont pas été réactualisées, ce
qui est, en soi – déjà inquiétant. Ce qui l’est encore davantage, c’est de mettre cette étude
en rapport avec le nombre de condamnations pénales de psychiatres (4,4%) répertoriés par
Dehlendorf & Wolfe, 1998. Une conclusion s’impose : soit le passage à l’acte est rarissime ou
il est beaucoup trop peu rapporté.
Sans surprise, mais tout aussi angoissant est le degré de stress (souffrance ?) déjà ressenti
par plus de 70% des étudiants en psychologie aux USA, chiffre, au fond superposable à ce
que nous avons vu plus haut pour les étudiants en médecine.66
RÉSUMÉ :
Les mêmes chiffres appellent les mêmes commentaires, à une nuance près, de par leur
formation sont – en principe – plus réceptifs aux dysfonctionnements personnels et
collectifs. Le franchissement de l’étape du déni est donc plus simple dont il s’ensuite une
plus grande accessibilité au traitement de la souffrance (Groupes Balint, groupes de paroles,
supervision, ….)
Ceci ne permet qu’une résolution très partiellement de la souffrance exogène (Pression
financière, surcharge de travail).
EN BELGIQUE
Si on s’en tient à un seul chiffre rapporté (Kacenelenbogen, Offermans, & Roland, 2011), à
savoir 50% des généralistes belges en « état d’épuisement » (la composante de
dépersonnalisation du Burnout n’étant pas reprise dans cette étude, on peut se demander :
« Est-ce admissible ? ».
La question est d’autant plus brûlante que le généraliste est censé, voulu et considéré
63 (Smith & Moss, 2009) 64 (Skovholt & Trotter-Mathison, 2010) (Westefeld, 2009) (Thompson, Amatea, & Thompson, 2014) 65 (Pope, Keith-Spiegel, & Tabachnick, 1986) 66 (Bidwal, Ip, Shah, & Serino, 2014)
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comme le pivot, le point central du système de santé en Belgique. Quand ce cœur est
indiscutablement fragilisé voire malade lui-même, le société du souci à se faire…
Elle s’en fait d’ailleurs. En 2011, c’est dire un quart de siècle après l’étude « inaugurale »
(Maslach, Jackson, & Leiter, 1986) l’INAMI se décide à commanditer une étude, poussée en
cela par des prédécesseurs autres gestionnaires de soins de santé en Europe. Cette inertie a
des causes multiples que nous tâcherons d’explorer plus loin.
Le fruit de cette commission tient en 3 études que nous citons en référence et qui concerne
les médecins généralistes et le personnel (médical et non médical) hospitalier. On
remarquera d’emblée l’absence des médecins spécialistes hors hôpital et celle des
thérapeutes indépendants.
Témoin de l’évolution vers plus de prise en compte du grave danger, un rapport officiel vient de sortir.67
SURVEILLANCE DE LA SANTÉ DES SALARIÉS
SURVEILLANCE DE LA SANTÉ DES INDÉPENDANTS
POURQUOI RIEN (OU SI PEU…) N’EST FAIT ?
Notre société confrontée à tant de périls mortels (Ecologie, Economie, Religion) n’est-elle
elle-même en « épuisement compassionnel » ? Incapable de se réformer sans révolution.
CHEZ LES MÉDECINS
1. La résistance au changement est le fruit vénéneux du conformisme et du goût du
pouvoir. En ce qui concerne le corps médical, cette résistance s’exprime par la
difficulté à « partager » le patient avec d’autres thérapeutes, avec des pairs. Bref,
par le refus d’une supervision efficace.
67 (Vandenbroeck & et Al., 2013)
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2. La croyance en une toute-puissance médicale, transcendant les malheurs et les
maladies des autres. 68
3. La formation médicale ne permet pas de sélectionner les individus en fonction de
leur aptitude empathique à assumer la relation patient-médecin.
4. La croissance exponentielle des connaissances médicales, leur rapidité d’évolution
rendent illusoire la capacité à maîtriser « la médecine » tout au long d’une vie
professionnelle.
5. La tarification à l’acte et la surcharge administrative.
6. La concurrence et les impératifs économiques.
7. Le risque de précarisation par le statut d’indépendant (Invalidité, retraite, …)
8. L’absence de structure de prévention et de traitement dédiées (Addiction,
dépression, gestion du stress, …)
9. La porosité profession-vie privée.
EN RÉSUMÉ
CHEZ LES PARAMÉDICAUX
Quelques articles évoquent les marqueurs pouvant avertir des dangers de burnout69
CHEZ LES THÉRAPEUTES.
68 Voir (Coucke, 2014) 69 (Duquette, Kérowc, Sandhu, & Beaudet, 1994)
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QUELLES PEUVENT ÊTRE LES CONSÉQUENCES DE LA NON-PRISE EN COMPTE ?
POUR LES SOIGNANTS
POUR LES SOIGNANTS EUX-MÊMES
POUR LEUR ENTOURAGE
LA BOUCLE NÉGATIVE
POUR LES SOIGNÉS
POUR LA SOCIÉTÉ
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PROPOSITIONS
RECONNAISSANCE DU PROBLÈME
TRAITEMENT ET PRÉVENTION
(Estryn-Behar, Lassaunière, Fry, & de Bonnières, 2012)Interdisciplinarité
PISTES D’ACTION
POUR LES MÉDECINS
1. Briser le « Mirage émotionnel »
2. Changer la formation et la sélection des médecins.
3. Changer l’image du médecin dans la société et du médecin sur lui-même.
4. Imposer la pratique de groupe avec partage et supervision
5. Revoir le mode de rémunération des médecins et la charge de travail
6. Imposer le passage régulier par des structures de gestion du stress, addictions,
dépression, …
7. Passer du modèle « médecin artiste » à celui de « médecin d’équipe – pilote de
ligne »
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TEMOIGNAGES
GLOSSAIRE
Burnout – Syndrome d’épuisement
Fatigue compassionnelle
Futilité (Impression de)
Détresse morale
Dépersonnalisation DP is characterized by an alteration in the experience of the self, so that one feels detached from his/her own mental processes or body (or from the world), feeling as being an outside observer of his/her own self, and loosing the experience of unity and identity (DSM-5, 2013)[2].
Tests et mesures Burnout : definitions : Freudenberger, Cherniss, Lauerdale, Meier, Maslach-Leiter,
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Pines et Aronson, Farber, Gil-Monte,
Burnout mesures : Maslach, Tedius de Pines aronson, Oldenburg, Copenhague, Shirom-Melamed, Spanish burnout inventory,
INDEX
F
Fatigue compassionnelle ............................................. 7, 9
I
Idée de suicide................................................................. 4
M
Mirage émotionnel .............................................. 9, 10, 16
W
Workaholism ................................................................... 9
MOTS-CLÉS
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier de leur aide
Michel Henneaux
BIBLIOGRAPHIE
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TABLE DES MATIERES
Les auteurs .......................................................................................................................................................... 2
RESUME (ABSTRACT) .......................................................................................................................................... 3
Introduction ........................................................................................................................................................ 4
Buts du livre ........................................................................................................................................................ 6
Etat des lieux....................................................................................................................................................... 7
Données dans la littérature ............................................................................................................................ 7
Dans le monde (Hors Belgique) ...................................................................................................................... 8
En Belgique ................................................................................................................................................... 14
Pourquoi rien (ou si peu…) n’est fait ? .............................................................................................................. 15
Chez les médecins ........................................................................................................................................ 15
Chez les paramédicaux ................................................................................................................................. 16
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Chez les thérapeutes. ................................................................................................................................... 16
Quelles peuvent être les conséquences de la non-prise en compte ? ............................................................. 17
Pour les soignants ........................................................................................................................................ 17
Pour les soignés ............................................................................................................................................ 17
Pour la société .............................................................................................................................................. 17
Propositions ...................................................................................................................................................... 18
Reconnaissance du problème ...................................................................................................................... 18
Traitement et prévention ............................................................................................................................. 18
Pistes d’action ................................................................................................................................................... 18
Pour les médecins ........................................................................................................................................ 18
Temoignages ..................................................................................................................................................... 19
Glossaire ........................................................................................................................................................... 19
Index ................................................................................................................................................................. 20
Mots-clés .......................................................................................................................................................... 20
Remerciements ................................................................................................................................................. 20
Bibliographie ......................................................................................................................................................... 20
(© Y. Couvreur Tous droits réservés)