ASSI RAOUL ASSI ([email protected]), JEAN BERTIN BEUGRE, N’GUESSAN KAKOU SONAN, KONAN DJAHA
Laboratoire d’Anthropologie physique, de Biomorphologie et d’ImagerieInstitut des Sciences Anthropologiques du Développement (ISAD)
Université Félix Houphouët Boigny de Cocody-Abidjan
Revue Africaine d’Anthropologie, Nyansa-Pô, n° 17 - 2014
RESUME
L’objectif de cette étude a été de déterminer le lien entre la latéralité, la symétrie posturale en orthostatisme et les dimensions des pieds, chez les jeunes adultes mélano-ivoiriens en normocclusion dentaire.
Après le calcul du quotient de latéralité d’Edinburgh chez 57 étudiants (28 hommes et 29 femmes), ont été mesurées les inclinaisons latérales (mesures indirectes) des lignes de symétrie corporelle (tracées à partir de 8 points de repères morphométriques) en orthostatisme neutre sur photographies frontales; puis, les longueurs et largeurs maximales des pieds (mesures directes), à l’aide d’un calibre à coulisse.
La dominance homolatérale droite influence fortement, la bascule bistyloïdienne vers la droite (P < 0,0001), l’orientation de la verticale posturale vers la gauche (P < 0,0001) ainsi que la différence de longueur en faveur du pied gauche (P = 0,002).
En orthostatisme neutre, les caractéristiques morphométriques et de symétrie posturale chez le jeune adulte mélano-ivoirien de classe I dentaire, droitier homolatéral, sont imparfaites.
Mots-clés : Latéralité, Symétrie posturo-statique, Dimensions des pieds, Normocclusion dentaire.
LATERALITE, SYMETRIE POSTURO-STATIQUE ET DIMENSIONS DES PIEDS CHEZ LES JEUNES ADULTES MELANO-IVOIRIENS EN NORMOCCLUSION DENTAIRE
assi raoul assi et al
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ABSTRACT
The aim of this study was to determine the link between laterality, standing postural symmetry and feet dimensions of young black ivoirians in normal dental occlusion.
After the calculation of Edinburgh laterality quotient about 57 students (28 males and 29 females), were measured the lateral tilts (indirect measurements) of corporal symmetry lines (traced from 8 morphometric landmarks) in neutral orthostatic condition on frontal photographs ; then, the maximal feet lenghts and breaths (direct measurements), with a sliding caliper.
The right homolateral dominance strongly influence, the bistyloïdian tilt towards the right side (P < 0,0001), the vertical postural orientation towards the left side (P < 0,0001) as well as the feet lengths differences in favour of the left one (P = 0,002).
In neutral orhostatism, the morphometrical and postural symmetry characteristics of homolateral right handed young adult black ivorians in class I dental occlusion, are imperfects.
Key words : Laterality, Standing postural symmetry, Feet dimensions, Normal dental occlusion.
INTRODUCTION
La détermination des particularités morphométriques et d’équilibre posturo-statique humaines, impose la prise en compte de certains phénomènes neurophysiologiques, dont l’impact a largement été décrit dans la littérature. La latéralité, l’un de ces phénomènes d’ordre constitutionnel, traduit l’extrême complexité d’organisation de l’édifice corporel.
En effet, considérée comme la préférence systématique de l’un ou de l’autre des organes pairs du corps (œil, main, pied) dans les activités de la vie courante (RIGAL, R. 2003), la latéralité exprime l’idée généralement admise que le cortex moteur primaire de chaque hémisphère cérébrale, contrôle la plupart des aspects du mouvement volontaire, principalement au niveau du côté controlatéral du corps (HELLIGE, J.B 1993). Si bien qu’une asymétrie dimensionnelle finit par apparaitre généralement, en faveur de la sphère corporelle
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dominante comme en témoignent les travaux de Steele (2000) sur un squelette d’homo ergaster et de Trinkaus et al. (1994) sur six squelettes d’Homo néanderthalensis. Laquelle réalité est confortée par un ensemble d’études sur divers compartiments corporels de populations actuelles tels que le visage (FERRARIO, VF. et al. 2001 ; KOWNER, R. 2001), les mains (SYEDA, Z. et al. 2009 ; DANBORNO, B. et ELUKPO, A. 2008) et les membres inférieurs (BADII, M. et al. 2003) en révélant que la norme morphologique chez le droitier, consacre une plus grande proportion des structures anatomiques de l’hémicorps droit.
Relativement à la normalité posturale en condition orthostatique, notons qu’en posturologie clinique, l’idéal de symétrie décrit un parallélisme strict des lignes de symétrie posturale (bipupillaire, scapulaire, bimamelonnaire, bitragale, bistyloïdienne et pelvienne) dans le sens horizontal (Bricot, http://wwwpierremarie-gagey.perso.sfr.fr/Normalité.htm); et, dans le sens vertical, un alignement de la position de l’axe vertical corporel sur celle du centre de pression (ZATSIORSKY, M.V. et KING, L.D. 1998). Cet équilibre idéal, ne saurait être obtenu que dans des conditions d’occlusion dentaire normale, dans la mesure où, la régulation posturale réagit à toute Dysfonction de l’Appareil Manducateur (DAM) ; parce que, les relations entre l’occlusion dentaire et la posture céphalique sont très intimes. Servière (1988) et Pacquelet (1995) formalisaient le lien entre occlusion et symétrie posturale, en montrant que le port de gouttières occlusales de repositionnement mandibulaire peut changer, significativement dans certains cas, la cartographie des pressions plantaires. Or, comme le faisaient remarquer Fecteau (1996) et Bricot (1996), la ceinture scapulaire bascule du côté du membre supérieur dominant, dans la mesure où les segments corporels dominants ont une tendance à être plus lourds (MATAVA, M.J. et al. 2002). Laquelle caractéristique pondérale des structures anatomiques de l’hémicorps préférentiellement utilisé, est en réalité, l’expression d’une musculature plus forte et puissante (MURRAY, M.P. et SEPIC, S.B. 2003), et d’un important accroissement de la masse squelettique, résultant des activités physiques (SLEMENDA, C.W. et al. 1991 ; WELLE, S. et al. 1996).
Généralement décrite comme l’un des principaux vecteurs de la normalité posturale, la classe I d’occlusion dentaire s’avère donc, en
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apparence, insuffisante à conférer au corps humain, une verticalité aussi parfaite que celle décrite dans les manuels d’anatomie. Par conséquent, des bascules latérales, révélatrices d’une asymétrie de longueur des membres et de distribution des forces sur les appuis podaux, sont régulièrement observées du fait de la latéralité. Cette étude sur un groupe de jeunes adultes mélano-ivoiriens en normocclusion dentaire, dont l’objectif est, justement, la détermination du lien entre la latéralité, la symétrie posturale en orthostatisme neutre et les dimensions des pieds, revêt dès lors un réel intérêt.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
● Matériels
Cette étude a porté sur 57 étudiants (28 de sexe masculin et 29 de sexe féminin) des première et deuxième années des études anthropologiques âgés de 18 à 25 ans, n’ayant aucun antécédent traumatique et orthodontique, présentant les caractéristiques d’occlusion dentaire de classe I d’Angle et une harmonie corporelle apparente. Il s’agit d’une population homogène d’ivoiriens, dont nous avons obtenu un consentement éclairé.
Les instruments de travail utilisés dans la réalisation de cette étude sont :
- Un appareil de photographie numérique pour les photographies corporelles en orthostatisme neutre ;
- un calibre à coulisse pour la mesure des dimensions des pieds ;
- une règle métallique pour la construction des lignes de symétrie posturale ;
- un rapporteur pour la mesure des inclinaisons latérales des lignes construites.
●Méthodes
La latéralité pouvant, selon Fagard et Dahmen (2004), s’exprimer à travers deux composantes que sont la préférence et la performance, les sujets ont été soumis à deux catégories d’épreuves :
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- Le questionnaire de préférence manuelle et podale (synthèse de questions extraites des questionnaires de préférence manuelle d’Edinburgh (OLFIELD, R.C. 1971), d’Annett (1970) et de Crovitz-Zenner (1962) ; puis de préférence podale de Harris (1957), Belmont et Birch (1963), Chapman et al. (1987), Gentry et Galsbard (1995),
- les épreuves d’efficience manuelle et podale (exercices de frappes de balles à l’aide d’une raquette de tennis et de tir au but au football (CHAPMAN, J.P. et al. 1987 ; PETERS, M. 1988).
Les réponses et observations résultant de ces deux épreuves de latéralité, ont été confrontées en vue de la vérification de leurs concordances. Ainsi, fût calculé le quotient de latéralité d’Edinburgh (laterality quotient, LQ) dont l’équation est formulée de la manière suivante :
LQ = 100 x [ (D-G) ] (D+G)
D et G représentent le nombre de fois où les mains ou pieds droits et gauches ont été choisis dans le questionnaire.
Un sujet peut donc avoir un score allant de -100 à + 100 s’il utilise exclusivement la main droite ou la main gauche (le pied droit ou le pied gauche). Il est considéré comme gaucher si son coefficient est inférieur à -10%, et comme droitier si son coefficient est supérieur à +10%. Dans le cas où le coefficient est compris entre ces 2 valeurs, le sujet est considéré comme indéterminé.
Ces épreuves de latéralité ont révélé qu’au sein de la population d’étude, 53 sujets ont obtenu un coefficient supérieur à +10%, tandis qu’il est inférieur à -10% pour 4 individus. Le caractère systématique de la préférence des segments anatomiques de l’hémicorps dominant, oriente vers une homolatéralité ou latéralité homogène (main droite /pied droit et main gauche/pied gauche).
La population étudiée est donc composée de 53 droitiers homolatéraux (pieds droit et main droite dominants) soit 92,98% contre 4 gauchers de nature similaire, soit 7,02 %.
Deux mesures anthropométriques directes ont été réalisées à l’occasion de ces épreuves :
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- La plus grande longueur du pied
La plus grande longueur du pied est la distance entre le point postérieur médian du talon à l’extrémité du gros orteil, sans déprimer la pulpe de ce dernier. Elle est mesurée à l’aide d’un calibre à coulisse, en condition orthostatique neutre, les talons écartés de 10 cm.
Figure 1 : Plus grande longueur du pied
- La plus grande largeur du pied
La plus grande largeur du pied est la distance entre les métacarpes externes du pied, au niveau de l’arche antérieur de la voûte plantaire. La mesure est réalisée en pressant un peu, le pied appuyé pour que les têtes des métatarsiens soient sur un même plan. Elle est également mesurée à l’aide d’un calibre à coulisse, sans variation de conditions de mesure.
Figure 2 : Plus grande largeur du pied
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Tableau I : Liste des variables mesurées à partir des pieds
Dimensions des pieds Variables Description
Pied GauchePGL/g Plus grande longueur gauche
PGl/g Plus grande largeur gauche
Pied DroitPGL/d Plus grande longueur droit
PGl/d Plus grande largeur droit
A la suite des mesures anthropométriques, des séances de photographies (dont la définition et l’organisation des conditions d’une prise de vue réussie) ont été réalisées par un photographe professionnel. Ainsi, à sa demande, avons-nous renforcé la couleur blanche des murs et l’éclairage des locaux, pour une meilleure restitution des contours des images à capturer, tout en évitant en même temps, la formation de zones d’ombre dans l’arrière-plan. Aussi, ce dernier a-t-il définitivement déterminé après une série de simulations, les réglages adéquats de l’appareil de photographie (objectif de 105 mm ; échelle d’agrandissement 1-10 ; réflexe de 35 mm pour une distance de prise de vue de 5 pieds (1,50 m)), le positionnement définitif du trépied (à hauteur modulable) selon un angle de prise de vue idéale.
Lors des prises de vues, la camera placée face au sujet est réglée à la hauteur du sternum, le corps en position neutre, la tête orientée dans le plan horizontal de Frankfort, sans chaussures, les talons écartés de 10 cm.
Sur les photographies obtenues, 8 points de repères morphométriques ont été marqués pour le tracé de 3 des lignes horizontales de symétrie posturale en orthostatisme définies par Bricot (http://wwwpierremarie-gagey.perso.sfr.fr/Normalité.htm), la ligne bipupillaire, la ligne scapulaire et la ligne bistyloïdienne. Mais également pour le tracé de l’axe vertical corporel ou verticale posturale (LUYAT, M. 1997). Une ligne orthogonale au point de repère situé à équidistance des zones les plus déclives des appuis plantaires, matérialise la verticale gravitaire ou verticale physique.
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Figure 3 : Points et lignes d’évaluation de la symétrie posturale en orthostatisme
La symétrie posturo-statique a été déterminée à partir de la mesure des angles d’inclinaisons des lignes bipupillaire, scapulaire et bistyloïdienne ; puis, celle de l’angle d’écartement entre verticale posturale et verticale gravitaire. Les variables définies à cet effet sont listées dans le tableau suivant :
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Tableau II : Liste des variables angulaires mesurées
Lignes corporelles Variables Description
Ligne bipupillaire IBP/g Inclinaison bipupillaire à gauche
IBP/d Inclinaison bipupillaire à droite
Ligne scapulaire IS/g Inclinaison scapulaire à gauche
IS/d Inclinaison scapulaire à droite
Ligne bistyloïdienneIBS/g Inclinaison bistyloïdienne à
gauche
IBS/d Inclinaison bistyloïdienne à droite
Verticale posturale / verticale gravitaire
IVP/g Inclinaison de la verticale posturale à gauche de la verticale gravitaire
IVP/dInclinaison de la verticale posturale à droite de la verticale gravitaire
Un test de répétabilité a permis d’évaluer la fiabilité des mesures
réalisées. Pour ce test, 20 sujets et 20 photographies choisis au hasard ont fait l’objet d’une reprise des mesures par le même opérateur ; puis, deux semaines plus tard, par un autre.
La base de données obtenue au terme des diverses mesures a fait l’objet d’une analyse statistique :
- dans un premier temps, une analyse descriptive (moyennes, variances et écart-types) a mis en relief les orientations morphométriques générales des sujets étudiés.
- dans un second temps, le test de comparaison de moyennes (ou test de signification) ‘‘t’’ de student, a déterminé les différences de dimensions entre les pieds gauche et droit, ainsi que, les directions d’inclinaisons des lignes de symétrie posturale.
- dans un troisième temps, le test de corrélation sur tableau de contingence (Khi²) a traduit le lien entre latéralité, symétrie posturo-statique et dimensions des pieds.
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RÉSULTATS
Tableau III : Comparaison des dimensions des pieds gauches et droits
Variables Effectif Moyenne Ecart-type Différence
Valeur bilatérale de P (signification)
PGLg 57 25,760 1,6550,226 0,002 *
PGLd 57 25,533 1,688
PGlg 57 8,593 0,824-0,016 0,614 ns
PGld 57 8,609 0,774
*Valeur de P significative (P < 0,005) ns= Valeur de P non significative -Test student-
La population d’étude présente un pied gauche significativement plus long que celui de droite. Par contre, au niveau de la largeur, une égalité approximative est notable au niveau des deux pieds.
Tableau IV : Caractéristiques d’équilibre des lignes de symétrie corporelle en orthostatisme
Variables Effectif Moyenne Écart-type
Total bascules bipupillaire 57 1,965 1,513
Total bascules scapulaire 57 1,5 1,064
Total bascules bistyloïdienne 57 1,693 1,426
Total bascules verticale posturale 57 5,860 3,674
L’axe vertical corporel des sujets dévie de la verticale gravitaire de 5,860°. Horizontalement, les lignes bipupillaire (1,965°) et bistyloïdienne (1,693°) sont les plus déséquilibrées, tandis que la ligne scapulaire (1,5°) présente le plus faible degré d’inclinaison.
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Tableau V : Comparaison des bascules des lignes de symétrie corporelle en orthostatisme
Variables Effectif Moyenne Ecart-type DifférenceValeur bilatérale de P (signification)
IBP/g 57 1,123 1,4950,281 0,398 ns
IBP/d 57 0,842 1,421
IS/g 57 0,947 1,1370,395 0,048 *
IS/d 57 0,553 0,962
IBS/g 57 0,342 0,635-1,167 < 0,0001 *
IBS/d 57 1,509 1,551IVP/g 57 5,263 4,220
4,684 < 0,0001 *IVP/d 57 0,579 1,526
*Valeur de P significative (P < 0,005) ns= Valeur de P non significative -Test student-
Malgré son fort déséquilibre dans le sens horizontal, la ligne bipupillaire bascule indifféremment à gauche et à droite. Elle est donc la ligne qui ne semble pas latéralisée. Par contre, la ligne bistyloïdienne est latéralement très orientée vers la droite (IBS/d), tandis que la verticale posturale dévie fortement à gauche (IVP/g) de la trajectoire gravitaire. Dans une proportion plus légère, la ligne scapulaire bascule un peu plus vers la gauche (IS/g).
Tableau VI : Répartition des droitiers selon les dimensions des pieds
Dimensions des pieds chez le droit homolatéral
Paramètres d’appuis podaux Grand Petit Égales
Plus grande longueur du pied droit 14 (24,56%) 36 (63,15%) 7(12,28%)
Plus grande largeur du pied droit 25 (43,85%) 23 (40,35%) 9(15,78%)
Plus grande longueur du pied gauche 36 (63,15%) 14 (24,56%) 7(12,28%)
Plus grande largeur du pied gauche 23 (40,35%) 25 (43,85%) 9(15,78%)
Khi² (valeur observée) = 20,500P = 0,002 (P significatif)
Test sur les tableaux de contingence (Khi²…)
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Ce tableau de contingence met en relief, une liaison significative entre la dominance latérale droite et les dimensions des pieds. Le droitier homolatéral se caractérise donc par un pied gauche particulièrement long, mais aussi par une relative similitude de largeur des deux pieds.
Tableau VII : Répartition des droitiers selon la bascule des lignes de symétrie corporelle
Inclinaison latérale chez le droitier homolatéralLignes de symétrie corporelle Droite Gauche Nulle
Ligne bipupillaire 18(33,96%) 23(43,39%) 11 (20,75%)
Ligne scapulaire 16 (30,18%) 27(50,94%) 10(18,36%)Ligne bistyloïdienne 34 (64,15%) 12(22,64%) 7 (13,20%)Ligne verticale posturale 10 (18,86%) 39 (73,58%) 4 (7,54%)
Khi² (valeur observeé) = 34,516P < 0,0001 (P significatif)
Test sur les tableaux de contingence (Khi²…)
Le droitier homolatéral se caractérise par une bascule bistyloïdienne vers la droite, couplée avec l’inclinaison de l’axe vertical corporel vers la gauche, par rapport à la verticale gravitaire; mais aussi, une inclinaison scapulaire vers la gauche. Par contre, même si elle bascule un peu plus vers la gauche, la ligne bipupillaire semble la moins influencée par la dextralité.
DISCUSSION
La détermination du lien entre la latéralité, la symétrie posturale en orthostatisme et les dimensions des pieds, en rapport avec l’occlusion dentaire, est importante pour l’établissement de la normalité posturale et morphologique chez les populations humaines.
La présente étude réalisée à cet effet, a connu des biais résultant principalement du refus des sujets d’étude de se dévêtir (même partiellement), pendant les séances de photographies. Quoiqu’ayant opté pour le port de tenues vestimentaires moulantes laissant apparaître les reliefs de leur corps, la localisation des points de repères bilatéraux désignant les bords postéro-supérieurs des acromions sur
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les photographies, a été particulièrement difficile. Aussi, des lignes de symétrie posturo-statique (lignes bimamelonnaire, bitragale et pelvienne) n’ont-elles pu être construites et par conséquent, étudiées pour en déterminer les niveaux d’horizontalité. Le travail a ainsi été privé d’un ensemble de données qui auraient conféré à ses résultats, une fiabilité et une précision plus grandes.
Cependant, relativement aux résultats obtenus chez ces droitiers homolatéraux en normocclusion dentaire de cette étude, il importe d’indiquer que l’orientation gauche de l’inclinaison scapulaire notée ne semble pas correspondre aux observations de Fecteau (1996) et Bricot (1996). Ces auteurs mettaient en évidence une bascule scapulaire générale du côté du membre supérieur dominant, doté d’une musculature plus forte et puissante (MURRAY, M.P. et SEPIC, S.B. 2003), et d’une masse squelettique plus importante (SLAMENDA, C.W. et al. 1991 ; WELLE, S. et al. 1996), donc plus lourd (MATAVA, M.J. et al. 2002). Ce constat révèle, au regard de la direction de la bascule bistyloïdienne (vers la droite) dans ce travail, une différence de longueur en faveur du membre supérieur droit, déjà notable chez Homo ergaster (STEELE, J. 2000), Homo néanderthalensis (Trinkaus et al. 1994) et sur des populations archéologiques françaises de Saint-De-Cognac du VIIe au XVe siècle (SENSILBANO-COLLILIEUX, M. et MORELLO, R. 1996).
La bascule latérale de la verticale posturale à gauche de l’axe matérialisant la verticale gravitaire, dans cette étude, avait déjà été révélée par Gagey (1977) chez un groupe de travailleurs dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, lors d’une manœuvre de Romberg postural. Il décrivait à ce propos, une déviation latérale surtout caractérisée par une translation du tronc vers la gauche, et attribua alors ce phénomène à une «polarité vestibulaire gauche». La dominance vestibulaire gauche chez les droitiers mise en évidence, au moyen des techniques de stimulation vestibulaire, par Milojevic et Watson (1965), a été confirmée un peu plus tard par Lacour et coll. (1974). Rappelons qu’en tant que capteur sensoriel prépondérant dans le contrôle postural (MONTOYA, R. 2006 ; MARION, T. 2006), l’appareil vestibulaire, grâce aux otolithes qu’il renferme, est capable de détecter une inclinaison de la tête en roulis ou en tangage à partir de 1,5° (YOUNG, L.R. 1984). Lacour et coll. (1974), précisant que
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la dominance vestibulaire gauche se traduit par des effets toniques plus prononcés sur la jambe gauche, ont établi une relation entre prévalence vestibulaire et latéralité motrice.
La latéralisation vestibulaire, impactant donc inéluctablement sur la stabilité posturale en orthostatisme, travestit la perception du référentiel de verticalité environnementale (ou gravitaire), et justifie le maintien de cette inflexion latérale permanente de la verticale posturale de 5,860° vers la gauche. Ceci dans la mesure où selon la thèse de la perception de la verticale de Stoffregen et Riccio (1988), concernant la direction spatiale de référence utilisée pour l’orientation spatiale, ce n’est plus la direction gravitaire, mais la direction de l’équilibre postural qui est pertinente pour l’individu.
La régulation posturale en orthostatisme se trouve donc soumise à l’influence conjuguée du système attentionnel labyrinthique, biaisé vers le vestibule dominant, et d’un système posturo-cinétique, biaisé vers le pied de soutien dominant (WEBER, J.L. et al 1983).
L’inégalité de longueur observée en faveur du pied gauche, semble être la conséquence de cette particularité posturale en orthostatisme, du fait que pour Weber et al. (1983), il apparaît que le pied gauche prend en charge 63%, en moyenne, de la poussée totale d’appui. Il représente ainsi le pied d’appui car supportant la plus grande part de la charge corporelle (OUAKNINE, M. et al. 2004). Les travaux d’Azémar (1985) sur une population d’étudiants-professeurs en éducation physique et sportive, résument ces caractéristiques de symétrie posturale et de distribution des forces sur les appuis podaux, chez les droitiers. Il concluait que ces derniers avaient tendance à reporter davantage le poids de leur corps vers le pied gauche en station debout, ce qui se traduisait par des inflexions latérales discrètes, mais concordantes, du rachis lombaire.
Il est généralement admis en posturologie clinique que le corps humain, lors du maintien de la station érigée non perturbée, se comporte comme un pendule rigide oscillant autour de l’axe des chevilles (modèle du pendule inversé proposé par Gurfinkel (1973) et complété par des auteurs tels que Gatev et al. 1999, Loram et Lakie, 2002). Il se caractérise par un équilibre instable, avec un centre de gravité (CG) placé au-dessus de la surface de sustentation.
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Or Winter et al. (1996) rapportent qu’avec les pieds disposés l’un à côté de l’autre, les chevilles contrôlent les oscillations posturales dans le plan antéropostérieur. Cette réalité, se trouve corroborée par l’inégalité de longueur des appuis podaux dans la mesure où, en tant que pied d’appui (supportant la plus grande part de la charge corporelle), le pied gauche exerce une force de réaction plus importante pour contrebalancer les oscillations posturales antéropostérieures autour des chevilles en vue un maintien efficient de l’équilibre posturo-statique. Cette plus forte implication dans les stratégies d’équilibre posturale, à travers cet exercice de permanente réaction, vaut donc au pied gauche une croissance plus accrue dans le sens de la longueur, si l’on s’en tient aux théories soutenues par Kannus et al. (1994) et Haapasalo et al. (2000).
CONCLUSION
En orthostatisme neutre, les caractéristiques de symétrie posturale chez le jeune adulte mélano-ivoirien de classe I dentaire, droitier homolatéral, sont loin de refléter l’équilibre idéal. Elles traduisent en effet, une bascule scapulaire légèrement plus orientée vers la gauche, une ligne bistyloïdienne beaucoup plus inclinée vers la droite (à cause du membre supérieur droit plus long), ainsi qu’une verticale posturale en forte translation vers la gauche. L’inégalité de distribution des forces sur les appuis podaux qui résulte de cette déviation du corps vers la gauche ainsi que les forces de réactions plus importantes générées en réponse aux oscillations antéropostérieures autour de la cheville, transparaissent dans la longueur plus importante du pied gauche, pied pilier. La description du schéma corporel du jeune adulte mélano-ivoirien en normocclusion dentaire et en condition orthostatique, ainsi que son évaluation clinique et posturographique, devraient donc intégrer les modifications subséquentes à l’usage préférentiel des segments anatomiques de l’un ou l’autre des deux hémicorps. La détermination du standard morphométrique et d’équilibre posturo-statique chez toute population, devrait donc tenir compte des répercussions physiques de la latéralité.
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