IUFM DE BOURGOGNE
FELIX Nathalie
PROFESSEUR CERTIFIEE DIRECTEUR DE MEMOIRE : ANGLAIS M. FAIVRE Avril 2005 Dossier n° 04STA00082
LA PARTICIPATION ORALE
ou comment favoriser la communication en classe d’anglais
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TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES ................................................................................... 2
INTRODUCTION................................................................................................ 1
I. CONSTAT ET CAUSES POSSIBLES........................................................ 6
A. Etat des lieux ........................................................................................................... 6
1. Classe de 2nde ........................................................................................................ 7
2. Classe de 1ère STI .................................................................................................. 8
B. Causes repérées ....................................................................................................... 9
1. Au niveau du questionnement............................................................................... 9
a. Trop lourd ......................................................................................................... 9
b. Trop fermé ...................................................................................................... 10
c. Trop flou ......................................................................................................... 11
2. Au niveau pédagogique ...................................................................................... 11
a. Manque de « classroom English » .................................................................. 11
b. Mauvaise répartition de la parole.................................................................... 12
c. La place de la correction................................................................................. 13
3. Au niveau des élèves........................................................................................... 14
a. Rôle de la participation orale .......................................................................... 14
b. La parole comme outil formateur d’expression de soi ................................... 15
c. Résultats du questionnaire .............................................................................. 16
II. TENTATIVES DE REMEDIATION............................................................ 18
A. Effacement magistral............................................................................................ 18
1. Questionnement plus ouvert ............................................................................... 18
2. Phases de réflexion ............................................................................................. 19
a. « De tête » ....................................................................................................... 19
b. Par écrit ........................................................................................................... 19
c. Vers une meilleure mémorisation ................................................................... 21
3. Consignes plus efficaces..................................................................................... 22
3
4. Traitement de l’erreur ......................................................................................... 23
B. Instauration de rituels .......................................................................................... 25
1. Dans la gestuelle ................................................................................................. 25
a. Pour le traitement de l’erreur .......................................................................... 25
b. Pour les consignes de classe ........................................................................... 26
2. En début d’heure................................................................................................. 27
3. Dans la méthodologie ......................................................................................... 28
a. Exploitation d’un document............................................................................ 28
b. Mots-clés......................................................................................................... 29
c. Le tableau........................................................................................................ 29
C. Sortir du schéma professeur-élèves grâce au déficit informationnel ............... 30
CONCLUSION................................................................................................. 32
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................. 34
ANNEXES........................................................................................................ 35
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INTRODUCTION
On définit généralement la langue comme un outil de communication.
Savoir parler anglais c’est donc avoir en sa possession un outil, mais encore
faut-il savoir s’en servir, et acquérir pour cela une compétence de
communication. Dans l’enseignement/apprentissage d’une discipline comme
l’anglais, on distingue plus précisément quatre compétences, à savoir
l’expression écrite et orale, et la compréhension de l’écrit et de l’oral., qui ont
chacune leur place dans un cours. Ceci dit, l’anglais est avant tout une langue
dite « vivante », d’où l’importance de surtout pratiquer l’oral, pour une
expression de plus en plus aisée et fidèle au modèle de référence. L’expression
orale est donc aussi un outil d’apprentissage permettant, entre autres, la
fixation et l’appropriation de nouvelles structures ou de nouveaux items lexicaux
par les élèves. La classe doit alors devenir le lieu privilégié d’échanges
permanents en anglais.
Mais alors que la place de l’oral dans un cours est claire pour
l’enseignant, les élèves ont de leur côté tôt fait de s’enfermer dans un mutisme
total devant lequel on se sent assez vite démuni(e), d’autant plus lorsque l’on
débute dans la profession. Ce manque de communication au sein de la classe
a très vite été, et est encore, l’une des principales préoccupations de mon
année de stage en responsabilité au lycée Louis Davier, que ce soit avec ma
classe de 2nde ou celle de 1èreSTI. En effet, il est évident pour moi que
l’expression orale doit être la priorité absolue dans notre discipline, mais
malheureusement, et comme le dit si bien Sophie MOIRAND au début de son
ouvrage Enseigner à Communiquer en Langue Etrangère1, « le chemin qui va
des intentions aux réalisations et aux pratiques de classe n’est jamais aisé à
parcourir ».
De ce constat découle la problématique de mon mémoire, à savoir
pourquoi certains élèves ne parlent-ils pas, et comment remédier à ce problème
en faisant s’exprimer à l’oral le plus d’élèves possible? Pour tenter de répondre
à ces questions, il me semble intéressant de d’abord effectuer un état des lieux
de la participation orale dans mes cours, en essayant de repérer les causes
1 Hachette, 1992
5
possibles du silence de certains de mes élèves. Je tiens ici à préciser que par
participation orale j’entends les échanges qui peuvent avoir lieu lors de
l’exploitation d’un document en cours. Je laisserai donc de côté les prises de
parole en continu et les corrections d’exercices, interventions qui sont d’abord
d’une tout autre nature (puisque généralement préparées à la maison) et avec
lesquelles, surtout, je ne rencontre pas de problèmes particuliers pour mettre
une majorité d’élèves à contribution (il y a toujours des volontaires et les élèves
interrogés sont toujours partants). J’évoquerai ensuite les tentatives de
remédiation que j’ai mises en place, avant de faire un bilan de ces dernières
tout en réfléchissant à quelques pistes à explorer ou à approfondir.
6
I. CONSTAT ET CAUSES POSSIBLES
A. Etat des lieux
Il s’agit ici de commencer par dresser un bilan de la participation orale
dans mes deux classes vers la fin du 1er trimestre.
N’ayant à l’époque pas effectué d’enregistrement de mes cours, ce
bilan a donc été basé sur les notes prises par mon conseiller pédagogique lors
d’observations (cf. Annexe n°1, la colonne de gauche correspondant à mes
interventions, celle de droite à celles des élèves). J’ai cependant essayé d’y
intégrer les critères d’évaluation sur la place et le statut de l’oral proposés par
Danièle LOROT dans son article Peut-on enseigner l’oral ?1. Il s’agit
(normalement à l’aide d’un magnétophone), de mesurer les éléments suivants :
• Temps de parole des élèves ?
• Quels sont les élèves qui prennent la parole ?
• Nature de la prise de parole : à quels moments les élèves sont-
ils invités à prendre la parole ? dans quels buts ? leurs prises de
parole ne sont-elles que des réponses à des questions de
l’enseignant ? quel est l’espace d’initiative qui leur est offert ?
• Les interventions de l’enseignant sont-elles toujours orientées
vers « la bonne réponse » ? Est-il suffisamment intéressé par les
erreurs de ses élèves autant que par les réponses attendues ?
Incite-t-il les élèves à justifier leurs réponses, quelles qu’elles
soient, en déroulant comme ils peuvent le raisonnement qui les a
produites ? Est-ce qu’il suscite aussi les initiatives intellectuelles
des élèves ?
• Les interactions entre les élèves existent-elles ?
1 Animation et éducation, mars – avril 2001, n°161
7
Bilan de l’observation des classes de 2nde11 et de 1ère STI2
2nde (30.11.04) 1ère STI (10.12.04)
Nombre d’élèves et de doublants 24 dont 6
doublants
18 dont 2
doublants
Nombre de garçons 9 18
Nombre de filles 15 0
Moyenne du 1er trimestre 11.8/20 9.2/20
Nombre d’élèves ayant pris la
parole
13 / 24
(= 56 %)
13-14 / 18
(= 75 %)
Temps de parole du professeur � 40 % � 47 %
Temps de parole des élèves � 60 % � 53 %
Différents constats se dégagent de la mise en relation de ce tableau
avec les notes de mon conseiller pédagogique.
1. Classe de 2nde
Pour ce qui est du temps de parole des élèves tout d’abord, on
constate pour les 2nde qu’il est plus important que celui du professeur, point
positif auquel il faut cependant ajouter un bémol puisqu’à peine plus de la
moitié du groupe est intervenue pendant ce cours. Ce constat soulève déjà la
question suivante : comment répartir la parole de façon équilibrée entre les
volontaires et les plus récalcitrants au sein de la classe ? Les élèves ayant
activement pris part à l’étude du document ici sont pour la grande majorité ceux
rencontrant le moins de difficultés en anglais, y compris ceux mis à contribution
pour répéter les énoncés de leurs camarades. En regardant ces notes d’encore
un peu plus près, on se rend même compte que quatre-cinq élèves
« locomotives » seulement se relaient la parole tout au long du cours. Les
réponses fournies sont de taille raisonnable et elles constituent principalement
des réponses à mes propres questions. Les seules véritables interactions entre
élèves ont lieu lors des phases d’inter-correction. Quant à la répartition
temporelle des interventions de chacun, on constate que j’occupe assez
8
lourdement l’espace sonore en tout début d’heure, puis l’équilibre est vite
retrouvé après les premières phrases des élèves, mes interventions se limitant
progressivement à interroger les volontaires, faire répéter, pointer les erreurs
repérées, et rappeler à l’ordre les bavards. Je tiens tout de même à préciser
qu’il s’agit là d’un « bon » cours pour ce groupe, à savoir un cours qui a avancé
à un rythme plus soutenu qu’à l’habitude, me permettant d’aborder la quasi-
totalité des objectifs que je m’étais fixés.
2. Classe de 1ère STI
Si on s’intéresse maintenant aux 1èreSTI, on s’aperçoit que l’écart entre
mes interventions et celles des élèves s’est réduit à 50/50 approximativement.
Paradoxalement, près de 75 % des élèves ont participé, ce qui peut surprendre
quand on sait qu’il s’agit d’une classe composée exclusivement de garçons
ayant tous choisi une filière à profil technique et généralement peu motivés par
les matières dites traditionnelles comme l’anglais (par opposition à la plupart de
leurs cours qui ont lieu en atelier). Ceci, je pense, s’explique d’une part par le
fait qu’il n’y a que 18 élèves dans ce groupe, et d’autre part par leur faible
niveau dans ma matière : en effet, le nombre très réduit de volontaires me
pousse à gérer moi-même leur participation, en étant moins tentée de toujours
interroger ceux qui lèvent le doigt. Malheureusement, cet effort de vouloir faire
parler le plus de monde possible a une répercussion non négligeable : le
rythme très lent auquel avance la leçon, car en interrogeant les plus faibles, on
s’expose inévitablement à des temps d’attente qui semblent parfois
interminables (que ce soit attendre que l’élève se lance ou attendre qu’il finisse
avec grand peine sa phrase). Ces nombreux silences ne figurent pas sur
l’annexe, mais on peut facilement les deviner étant donné que la longueur des
notes prises par mon conseiller pendant ce cours est réduite de moitié par
rapport au cours de 2nde. Leur plus grande difficulté à s’exprimer à l’oral en
anglais se retrouve aussi dans la nature et la taille des réponses qu’ils
fournissent, à savoir des réponses quasi systématiquement monosyllabiques
ou elliptiques, sans sujet ni verbe. D’où le besoin de constamment les
reprendre avec un « Make a sentence » (consigne qui revient plusieurs fois
dans ma colonne), et de les guider très fortement dans le but d’allonger leurs
productions puisque leur manque de motivation les amène volontiers à se
9
contenter du strict minimum. Par conséquent, et ce pendant toute l’heure, je
deviens le passage obligé pendant et entre chaque intervention des élèves.
De ces deux observations ressort toute la difficulté de faire un cours qui
« tourne » en impliquant la majeure partie des élèves, puisque avec les 2nde on
avait un cours qui avançait à une allure raisonnable mais avec un nombre très
réduit de participants, et avec les 1èreSTI, mon effort de faire participer une
majorité d’élèves s’est avéré être un véritable frein à l’exploitation du document
alors étudié.
Au delà de ces premiers constats plutôt factuels, il convient maintenant
de définir les causes éventuelles au manque de participation de certains.
B. Causes repérées
1. Au niveau du questionnement
a. Trop lourd
Dans son ouvrage intitulé L’Elève au Centre de l’Apprentissage1,
Jacques MARCELIN définit le questionnement magistral comme suit :
[Il] permet de tester les productions sur des points précis (éléments de
langage, détails sur un document, etc.). Il est bien entendu indispensable
quand il est induit par la situation de communication ; c’est-à-dire lorsqu’il
est appliqué à la recherche d’informations que l’énonciateur ne possède
pas et qu’il souhaite obtenir.
Il précise ensuite que « tout locuteur utilise forcément le questionnement
chaque fois qu’il attend une réponse précise ». Il est donc tout à fait normal
pour un enseignant d’en faire usage dans son cours, reste à savoir comment en
faire bon usage.
Le premier problème que j’ai rencontré par rapport à mes interventions
était que mon questionnement s’avérait beaucoup trop lourd. Assez
paradoxalement, dans un souci de précision dans mes questions comme dans
les réponses attendues, j’avais tendance à formuler de bien longues questions
1 Démarches Innovantes, CRDP de Bourgogne, p.27
10
pleines de détails et dans un anglais pas forcément à la portée de mes élèves.
C’était là oublier un peu vite que j’avais face à moi des apprenants, oubliant par
la même occasion que ces derniers ont besoin de temps pour d’abord bien
comprendre une question, aussi simple soit elle, puis pour mobiliser leurs
connaissances en vue d’une réponse. Me rendant vite compte, par le silence
auquel j’étais confrontée, que mes élèves n’avaient pas compris ce que je leur
demandais, je décidais alors de répéter ma première question en y ajoutant
une ou deux reformulations dans l’espoir qu’ils comprennent enfin ce que je leur
demandais. Alors que je pensais les aider, je ne faisais en fait que perdre mes
élèves dans un flot de paroles incontrôlé. Or, J. MARCELIN nous dit de
« prendre garde de ne pas poser de questions à la file », expliquant qu’« un feu
roulant de formulations différentes met en effet l’élève – mettrait du reste tout le
monde ! – dans l’incapacité de répondre ».
Une autre explication à cette lourdeur du questionnement était bien
évidemment la peur du silence de mes élèves, l’impression que parce qu’ils ne
parlaient pas, il ne se passait rien, et que je perdais de précieuses minutes sur
mon heure de cours. Par conséquent, je me sentais comme obligée de remplir
ces blancs et de monopoliser la parole, attitude pour le moins incompatible
avec la participation des élèves. Je pense que c’est ce qui explique que dans
les notes prises par conseiller j’ai surtout cette attitude en début d’heure,
puisqu’à ce moment-là les élèves ne se sont pas encore remis dans un « bain »
anglais, et ont besoin de plus de temps pour se lancer.
b. Trop fermé
L’autre problème rencontré dans mon questionnement et soulevé par
mon conseiller pédagogique était ma tendance à poser des questions trop
fermées. J’entends par là des questions trop orientées vers les réponses que
j’attendais. J. MARCELIN précise à ce propos que « le questionnement bloque
toute initiative, en ôtant d’entrée de jeu à chacun – y compris à l’élève faible – la
possibilité d’intervenir à sa manière, avec les éléments de son choix1 ». En
effet, tenant absolument à faire dire à mes élèves – presque mot pour mot ! - ce
que moi même j’avais préparé en vue de l’étude du document en cours, les
1 p.28
11
élèves finissaient par ne pas du tout voir où je voulais en venir, et l’échange
prof-élèves prenait alors des allures de « conversations de sourds », avec des
questions qui restaient sans réponses ou des réponses qui ne répondaient pas
vraiment aux questions.
c. Trop flou
Le travers inverse était enfin de poser des questions parfois trop
vagues qui aboutissaient inévitablement à des réponses évasives. Ceci était le
cas surtout en tout début d’année scolaire et principalement dû à mon manque
d’expérience. Les objectifs de mes séances n’étant pas toujours suffisamment
clairs même pour moi, cela rendait l’adhésion de mes élèves à mon cours plus
problématique que si j’avais été convaincue du bien-fondé de ce que je faisais.
Cette trop grande remise en question à mes débuts était aussi la source d’une
certaine agitation dans mon comportement, autre frein à la participation
d’élèves qui se sentaient alors trop brusqués et pas assez rassurés pour
prendre la parole.
2. Au niveau pédagogique
Après m’être intéressée à ce qui n’allait pas à mon niveau, je vais
maintenant mettre en avant certains manquements au niveau pédagogique,
autrement dit en ce qui concerne l’interaction prof-élèves.
a. Manque de « classroom English »
Ayant été affectée en lycée pour cette année de stage en
responsabilité, il ne m’a pas semblé nécessaire à la rentrée de vérifier le niveau
de connaissance de « classroom English » de mes élèves, considérant que
c’était quelque chose qu’ils avaient forcément déjà vu. Cette supposition n’était
pas fausse, mais entre avoir déjà vu et maîtriser un savoir il peut y avoir un
véritable fossé. C’était le cas pour mes classes, comme j’imagine pour la
plupart des classes, même en lycée, après un long été passé à ne parler que
français. Et plutôt que de mettre en place par le biais de fiche à apprendre ces
éléments de lexique indispensables, j’ai fait prendre à mes élèves de
mauvaises habitudes. Remarquant qu’ils ne comprenaient pas mes consignes
en anglais, je répétais ces dernières en français, croyant qu’ils finiraient quand
même par les mémoriser à force de les entendre. Je ne faisais bien au contraire
12
que mettre mes élèves dans une posture bien confortable car les habituant à ce
que tout soit redit en français : pourquoi donc auraient-ils ressenti le besoin de
connaître ces consignes en anglais ?
Ma démarche fut ensuite de faire reformuler la consigne par un élève,
mais cela n’eut pas d’effet net sur leur réticence à passer par du « classroom
English », puisque je n’insistais pas moi-même sur la nécessité de toujours
parler anglais. C’est ce que pointe mon conseiller sur ses notes prises pendant
le cours de 2nde, où il constate que bien trop souvent les élèves me demandent
« Madame, ça veut dire quoi… ? » sans que je les reprenne avec « What’s the
English for… ? ». Ce problème fut également soulevé lors de ma visite-conseil
pendant laquelle beaucoup de temps fut perdu au moment du passage des
consignes, celles-ci n’étant pas comprises par mes élèves. Conséquence
logique : si les élèves ne comprennent pas ce que l’on attend d’eux, ils ne font
rien, que ce soit à l’écrit ou à l’oral.
b. Mauvaise répartition de la parole
• En fonction des niveaux
En faisant le bilan de l’observation de ma classe de 2nde (p. 4), j’avais
noté que 13 élèves sur 24 avaient pris la parole, soit à peu près la moitié de la
classe, mais que parmi ces 13 élèves seulement 5 s’étaient véritablement
investis de façon régulière dans le cours. Peu d’élèves au final avaient donc
participé, et il s’agissait de ceux ayant plus de facilité à comprendre et à
s’exprimer en anglais que leurs camarades. Ces élèves étaient donc, et sont
toujours, ceux qui lèvent le plus le doigt et qui le font le plus vite. Face à cette
bonne volonté, et connaissant à ce moment de l’année la fiabilité de leurs
interventions, j’avais tendance en cours à me « reposer » sur eux, sans
vraiment me soucier de faire participer les autres élèves, qui pour une part
devaient trouver la situation confortable puisque n’ayant pas d’efforts à fournir,
ou qui pour une autre part n’avaient tout simplement pas le temps de réfléchir à
une réponse.
• La dimension affective
Ce problème de répartition rejoint aussi l’un des dilemmes mis en
évidence par Philippe PERRNOUD dans La Communication dans la Classe :
13
onze dilemmes1, à savoir « comment ménager une certaine équité sans blesser
les uns et faire violence aux autres ? » Il souligne lui-même que la parole dans
la classe est souvent inégalement répartie : ce sont en général les élèves avec
le moins de difficultés qui monopolisent la parole. Or le professeur ne peut
systématiquement les réduire au silence sans les blesser, les décourager ou les
dresser contre lui. Quant aux élèves qui gagneraient le plus à parler, ils n’osent
pas, parce qu’ils n’ont pas confiance en eux, ne se sentent pas écoutés, et
ressentent toute insistance comme une violence. Dans le questionnaire sur la
participation orale que mes élèves devaient compléter (cf. Annexe n°2), l’un
d’eux a d’ailleurs ajouter comme condition pour s’exprimer le fait de « ne pas se
sentir agressé ».
L’influence de l’affectif dans la participation orale est aussi mise en
lumière par Sophie MOIRAND, qui explique que lors de certaines activités de
classe (de type simulation) l’élève se trouve dans une « double situation de
communication. [La première est] la situation hypothétique dans laquelle il n’est
pas personnellement engagé, [alors que dans la seconde on retrouve] l’élève
lui-même apprenant une langue étrangère, situation dans laquelle il est cette
fois affectivement impliqué, guettant réactions de l’enseignant et de ses
camarades ». L’élève cherche alors à faire rire, amuser ou séduire.
c. La place de la correction
Toujours dans le questionnaire sur la participation orale, un élève a
ajouté comme autre raison l’empêchant de parler le fait que je les « coupe dès
qu’ils ont faut ». Mon conseiller m’avait d’ailleurs fait la remarque a plusieurs
reprises. Plutôt que d’attendre que l’élève ait achevé sa phrase pour alors lui
demander de se corriger, c’était plus fort que moi : je corrigeais l’erreur à peine
était-elle prononcée, coupant net l’élève dans son élan et interrompant par la
même occasion l’acte de communication. Et s’il s’agissait d’un élève manquant
de confiance en lui, c’était aussi prendre le risque de lui couper toute envie de
participer à nouveau. On retrouve ici l’un des onze dilemmes repérés par P.
PERRNOUD : « faire attention à ce que la correction de la forme ne réduise pas
les élèves au silence ou aux banalités prudentes, l’important étant d’abord
d’être compris ». Ceci-dit un enseignant en langue ne pourrait se permettre de
1 Cahiers Pédagogiques, Septembre 1994, n°326
14
tout laisser passer, le respect de la norme faisant partie de nos objectifs
d’enseignement. Et même si le degré d’exigence par rapport à cette norme est
moindre lorsque les élèves s’expriment spontanément en cours (apport
d’informations, d’opinions personnelles ou réactions) que lorsqu’il s’agit d’un
travail préparé à l’avance (PPC ou comptes-rendus par exemple) et/ou de
manipulations en vue de l’acquisition d’une structure nouvelle (comme lors de
« drills »), il n’est pas toujours facile de savoir quelles erreurs on peut laisser
passer ou pas.
3. Au niveau des élèves
Pour aller au-delà de mes propres hypothèses, mais aussi pour
connaître mes élèves davantage, j’ai voulu leur soumettre un questionnaire à
choix multiples sur la participation orale (cf. Annexe n°2). Bien que les résultats
pour les deux classes soient assez similaires, on note tout de même quelques
différences. Pour commencer par les points communs, il est intéressant de voir
que dans les deux classes, une majorité d’élèves pensent qu’il est important de
participer à l’oral (76.5% chez les 2nde et 58.8% chez les 1èreSTI), et trouvent
leur expression globalement de bonne qualité (je tiens tout de même à préciser
que certains élèves n’ont pas su – ou n’ont pas voulu – donner un avis sur les
aspects quantitatif et qualitatif de leur propre participation). Cependant, ces
mêmes élèves jugent paradoxalement qu’ils ne s’expriment pas assez en cours
(82.3% et 76.5%).
a. Rôle de la participation orale
Manifestement, la conscience que les élèves ont de l’utilité de participer
en cours en vue d’améliorer leur expression en anglais ne suffit pas à les faire
parler. Peut-être est-ce déjà parce que pour la majorité d’entre eux, et ce dans
les deux classes, participer sert avant tout à montrer qu’ils ont compris (76.5%
et 53%). On note immédiatement le décalage entre apprenants et enseignant,
puisqu’en ce qui me concerne, faire participer un élève c’est d’abord lui faire
manipuler la langue et l’aider à mieux intérioriser ses connaissances. La
participation orale est en outre une forme d’exposition à la langue pour les
autres élèves, exposition qui constitue pour Sophie MOIRAND « la première
15
étape dans le processus d’apprentissage1 » ; et si l’on cherche autant que
possible à placer l’élève au centre de son apprentissage, il paraît plus judicieux
que celui-ci soit exposé à la langue à travers le discours de ses camarades
plutôt que celui de l’enseignant.
Ceci-dit, écouter le cours ne suffit pas pour mieux s’exprimer en langue
étrangère : il est donc primordial que les élèves parlent régulièrement, la qualité
et la pertinence de leurs propos n’étant que secondaires puisque rectifiables.
Danielle LOROT2 insiste elle-aussi sur l’importance de l’oral dans
l’appropriation des savoirs. Elle explique ainsi que « selon les moments de
l’apprentissage, [l’oral] a des formes variées, de la parole tâtonnante et
approximative au discours ordonné et précis. […] Passer du temps où la parole
hésite et trébuche est essentiel pour que l’acquisition du savoir puisse se faire
progressivement ».
En somme, un élève qui produit, élabore lui-même un énoncé, le
domine et le restitue mieux qu’un élève qui se contente d’écouter du fait qu’il
se mobilise entièrement et devient actif. Il est donc regrettable que beaucoup
d’élèves se montrent si passifs par peur en général de se tromper. Cette peur
de parler qu’ont certains élèves peut s’expliquer par le fait qu’en plus d’être l’un
des principaux véhicules de l’apprentissage en anglais, l’oral est aussi un
moyen d’expression de soi. S’exprimer à l’oral n’est pas simple : il y a ce qu’on
dit et la façon dont on le dit, le sens n’étant pas séparable, contrairement à
l’écrit, des conditions de sa production et de l’identité de son producteur.
b. La parole comme outil formateur d’expression de soi
Certains élèves ont un rapport difficile avec l’oral : ils sont surpris ou
gênés si on leur demande de prendre la parole. Il est évident que parler en
public trahit, chez la plupart des élèves, leur personnalité. Souvent la peur des
autres est un frein à la communication. La situation de communication peut être
ressentie comme une épreuve pour celui qui parle car il peut s’estimer menacé.
Il devient alors prisonnier de ses angoisses et de ses doutes.
Or, d’après Alain TOURAINE, la parole doit aider l’élève à affirmer ce
qu’il est, à se découvrir au milieu des autres, à prendre connaissance de son
1 Enseigner à Communiquer en Langue Etrangère, p.39 2 Peut-on enseigner l’oral ?
16
identité et à développer une image de lui positive. Vue ainsi, la parole est un
acte d’affirmation de soi et des autres. L’oral en cours fait peur : l’élève à qui
l’on demande de s’exprimer doit se mettre en scène devant ses camarades. Il
n’est pas jugé uniquement sur ce qu’il sait mais aussi sur la façon de le dire ;
c’est toute sa personnalité, son corps, son apparence qui sont mises en jeu. A
travers la façon de s’exprimer transparaissent les origines sociales,
géographiques, qui sont parfois sources de critiques et de moqueries et
peuvent donc produire de l’inhibition. Et si ces propos sont valables pour toute
production orale, y compris en français, ils le sont encore plus pour l’anglais,
langue étrangère mal maîtrisée où la prise de risques est d’autant plus grande.
Voyons tout de même quelles sont les autres causes évoquées par
mes élèves pour expliquer leurs motivations et leurs réticences.
c. Résultats du questionnaire
Dans ma classe de 2nde d’abord, il semble que ce soit la barrière de la
langue qui pose problème. En effet, 58.8% des élèves n’ont envie de participer
que s’ils trouvent la question à leur portée, et bien-sûr s’ils sont intéressés
(53%). Ils sont encore plus nombreux à dire qu’ils ne participent pas parce qu’ils
ont peur de se tromper et parce qu’ils ne savent pas comment dire ce qu’ils
veulent dire (70.5%). Il ne s’agit donc pas tant d’une mauvaise volonté de leur
part que d’un manque évident de confiance en eux-mêmes et sans doute la
peur du ridicule face à leur camarades.
Le profil technique de mes élèves de 1ère révèle une tout autre attitude
face au cours d’anglais. Ils ont besoin dans un premier temps que le cours les
intéresse (58.8%). Ceci dit, même en variant thèmes et supports, ils ont tôt fait
de clamer haut et fort que l’anglais est devenu pour eux une « sous-matière »
dans laquelle la quantité de travail à fournir devrait être proportionnelle au
coefficient du bac : faible. Même s’ils ne le formulent pas sous ces termes,
beaucoup usent de l’excuse d’être en STI pour ne rien faire. Constituée
uniquement de garçons, c’est aussi une classe où ceux qui font des efforts et
coopèrent ont moins la cote que les contestataires…Quant à la principale
raison qui les empêche de participer, c’est qu’ils ne comprennent rien du tout
(41.1%), motif suivi de près par leur désintérêt. Car en effet, et même si ces
17
élèves rencontrent des difficultés en anglais, il est souvent plus facile de dire
qu’on n’y arrive pas que d’essayer.
Pour finir, quelques STI ont parlé de lassitude après un certain temps
passé sur le même document. Personnellement, et c’est ce que j’ai constaté
avec les 2nde, je pense que cette lassitude se fait surtout ressentir lors des
phases de description. Ces phases ne rencontrent en effet pas beaucoup de
succès dans mes cours, peut-être à cause de leur manque de naturel. Le
langage étant avant tout un moyen de communiquer, décrire n’est effectivement
pas sa fonction essentielle. Passer trop de temps sur l’explicite d’un document
a donc tendance à générer un certain ennui chez les élèves. Leur silence n’est
alors pas dû à leur manque de compréhension : ils ne voient pas bien où est
l’intérêt de ce qui se dit à ce moment-là et ont hâte de passer à la phase de
commentaire dans laquelle ils vont enfin pouvoir dire ce qu’ils ont envie de dire.
Il n’est d’ailleurs pas rare qu’ils sautent eux-même les étapes, dès la phase de
présentation du document, en produisant des énoncés qui relèvent déjà de
l’implicite.
Bien qu’il y ait probablement d’autres facteurs susceptibles d’expliquer
pourquoi la participation orale de mes élèves était problématique en début
d’année, j’ai en tout cas passé en revue ceux qui étaient les plus évidents et
que j’avais donc pu repérer. Je vais maintenant parler des tentatives de
remédiation que j’ai mises en place dans le but d’améliorer la communication
dans mes cours.
18
II. TENTATIVES DE REMEDIATION
A. Effacement magistral
1. Questionnement plus ouvert
Les Instructions Officielles1 sont tout à fait claires quant à la place du
questionnement dans un cours d’anglais :
Le développement des quatre compétences étant la préoccupation
essentielle du professeur de seconde, il limite au strict minimum son propre
temps de parole, en s’interdisant tout à la fois le discours ex cathedra et un
questionnement abusif qui restreint le rôle des élèves dans les échanges au
sein de la classe.
Il s’agit donc, en allégeant le questionnement, de permettre aux élèves
d’utiliser librement les éléments dont ils disposent lorsqu’ils répondent à une
question. Un questionnement ouvert, dans lequel on évite autant que faire se
peut d’intégrer des structures précises, donne en effet plus de liberté à l’élève
dans la formulation de sa réponse. Cette approche est aussi plus bénéfique
pour l’élève en termes d’apprentissage et surtout de mémorisation des savoirs :
une structure qu’un élève cherche à mobiliser tout seul sera encore mieux
maîtrisée par ce dernier que s’il ne fait que répéter quelque chose qu’il vient
d’entendre. Il faut donc, comme le conseille Jacques MARCELIN, « recourir à
des stimuli neutres (« Tell me about… ? So what ? So…? Justify. » etc.),
auxquels les élèves réagissent bien, et qui laissent libre champ aux productions
individuelles2. » J. MARCELIN a par ailleurs fait un tableau comparatif des
effets respectifs des questions fermées et des questions ouvertes sur les
productions des élèves (cf. Annexe n°3), tableau qui met concrètement en
évidence les effets fâcheux du questionnement.
Si l’on tient à ce qu’une structure particulière apparaisse dans une
réponse, on peut aussi se contenter d’énoncer des « prompts » ou mots-clés
comme par exemple « ACTIVITY », qui appellera presque à coup sûr l’aspect
1 Instructions Officielles Lycées, p.25 2 L’Elève au Centre de l’Apprentissage, p.28
19
Be + Ving, plutôt que de poser une question comme « What is X doing ? ». Plus
l’élève doit réfléchir à ce qu’il va dire, plus il est acteur de son apprentissage,
mieux il maîtrisera ses acquis, les mobilisant un peu plus vite à chaque nouvelle
manipulation.
2. Phases de réflexion
a. « De tête »
Il va de soi que si l’on veut que l’élève s’implique dans son
apprentissage par le biais de la réflexion, il faut s’en donner les moyens, c’est-
à-dire lui donner du temps. J. MARCELIN explique à ce titre que « tous les
élèves ne sont pas forcément capables de s’exprimer instantanément », et qu’il
faut donc « ménager le temps nécessaire aux interventions [en accordant] à la
classe quelques secondes (voire plusieurs dizaines de secondes !) pour réagir,
et en ne donnant pas systématiquement la parole au premier qui la demande. »
Il ne faut donc pas avoir peur d’instaurer ces temps de silence dits
« structurants ». Bien qu’on ne peut plus logique, je trouve que cette démarche
reste toutefois difficile à appliquer. La tentation d’interroger les premiers
volontaires reste grande, essentiellement à cause du temps qui passe et
l’impression que j’ai d’en perdre. J’ai pourtant pu constaté que ce silence, s’il
est pesant pour moi, le devient aussi pour les élèves, et que petit à petit plus de
doigts se lèvent. Il suffit à ce moment-là de bien montrer aux premiers
volontaires que je les ai vus mais qu’ils doivent patienter afin que ces derniers
ne se sentent pas trop frustrés de ne pas être interrogés. C’est seulement une
fois que l’élève interrogé a fini sa phrase que je demande à ceux qui voulaient
parler s’ils ont quelque chose à ajouter. C’est là un bon moyen de mieux répartir
la parole entre élèves de niveaux différents, mais cela ne permet pas
forcément aux plus timides ou aux plus lents de s’exprimer, d’où l’importance
en cours des phases de réflexions à l’écrit.
b. Par écrit
Peu consciente de l’intérêt de ces phases de recherche en début
d’année, elles étaient complètement absentes de mes cours. Mon conseiller
pédagogique m’avait pourtant tôt fait la remarque, mais je pense que je restais
comme convaincue qu’il fallait constamment de la production orale dans le
20
cours pour avoir l’impression que mes élèves avaient travaillé. Je reportais
donc la majorité des phases de réflexion aux devoirs maison. Or la maîtrise que
nous avons sur le travail fourni par nos élèves est bien plus grande en cours,
puisque je ne connais pas personnellement quelles sont les conditions de
travail dont les élèves bénéficient chez eux. Je peux seulement supposer que
certains doivent essayer d’en finir au plus vite avec leurs devoirs pour être
débarrassés, et que d’autres, confrontés à des difficultés de compréhension et
n’ayant personne autour d’eux pour les aider, doivent abandonner et attendre la
correction en cours. Il est donc important d’instaurer en cours des moments de
travail en autonomie pour les élèves, que ce soit pour préparer des énoncés
dans lesquels ils devront intégrer une nouvelle structure, ou pour leur laisser le
temps de développer à l’écrit de nouvelles idées sur le document étudié.
J. MARCELIN recommande lui-aussi, et ce tout particulièrement dans
les grandes classes, de « ne pas se contenter de solliciter l’auditoire à la
cantonade1 ». Il explique ensuite que :
Chaque fois que la question requiert de la concentration et un certain effort,
on risque en effet de n’avoir qu’une participation limitée aux mêmes élèves,
et de n’obtenir en définitive que des productions peu substantielles. [Il faut]
ménager au contraire des pauses silencieuses, avec des consignes
précises, d’une longueur calculée : on donne ainsi le temps à chacun de
penser à une réponse et de mobiliser, seul, des éléments de langage.
Ces phases, qui dans mes cours durent en moyenne de 5 à 10 minutes
en fonction de la difficulté de la tâche et de l’inspiration des élèves, me
permettent de passer dans les rangs et de constater dans un premier temps si
les consignes et la réalisation des tâches ont bien été comprises. Puis je peux
aider les élèves de façon un peu plus individualisée qu’à l’oral, les guidant dans
ce qu’ils font ou leur signalant d’éventuelles erreurs qu’ils essayent alors de
rectifier d’eux-mêmes. Les élèves les plus discrets à l’oral sont alors souvent
ceux qui font appel à moi les premiers : à l’abri du regard de leurs camarades,
ils n’ont plus peur de s’être trompés et cherchent au contraire à aboutir à un
énoncé correct qui les fera moins hésiter à prendre la parole au moment de la
mise en commun. D’autres optent plus facilement pour l’aide de leur voisin, ce
qui n’est en aucun cas un problème puisque cela reste une forme de travail en
1 L’élève au Centre de l’Apprentissage, p.45
21
autonomie du côté des élèves. L’enseignant n’est plus la seule personne qui
sait et qui peut aider, constat rassurant pour celui qui a besoin d’aide, et
gratifiant pour celui qui la fournit.
Le moment de la mise en commun venu, J. MARCELIN recommande
d’ « inviter chacun à faire part de sa recherche et de sa production », et force
est de constater qu’avec cette démarche les demandes d’intervention sont
nettement plus nombreuses, et les productions plus significatives. L’autre
avantage est une plus grande facilité à répartir la parole de manière
équilibrée puisque je sais alors à peu près ce que chacun a à dire. La
démarche est la suivante : interroger d’abord les élèves ayant préparé des
énoncés moins complets que d’autres pour que tout le monde ait l’impression
que son intervention a été utile. Les exercices de production écrite liés aux
manipulations en cours sont donc le complément parfait aux échanges oraux,
moments qui permettent aussi de souffler. J. MARCELIN termine sur ce thème
par une conclusion rassurante1 :
Ne pas croire que l’on est tenu, coûte que coûte, de meubler les silences. Il
ne s’agit pas au fond de faire constamment “parler ” les élèves, [car] de
toute façon l’on n’obtiendra jamais la participation de tous… Il importe en
revanche de les faire travailler de la manière la plus efficace. […] Un cours
peut ainsi comprendre avantageusement des temps de réflexion individuelle
alternant avec les prises de parole.
c. Vers une meilleure mémorisation
Sylvie GOUCHET dans son article intitulé To Question or Not to
Question ?2 explique que les phases de réflexion en classe peuvent en outre
aider les élèves à mémoriser le point de grammaire attendu d’une part, mais
aussi le lexique, les expressions, ainsi que les informations factuelles. S’il s’agit
de prendre du temps sur le cours, d’où la peur d’en perdre, il faut avant tout
penser en termes de gain de temps futur, d’implication simultanée de tous les
élèves, et surtout voir dans cette opération une première phase
d’apprentissage et de mémorisation faite ensemble et qu’il sera donc plus facile
de poursuivre à la maison (en particulier pour les élèves qui manquent
d’autonomie).
1 p.46 2 In the Field, New Standpoints, Décembre 2004, n°21, p.5
22
3. Consignes plus efficaces
L’efficacité d’un cours et du travail qui y est effectué passe
obligatoirement par une bonne compréhension des consignes par les élèves.
Celles-ci devant être énoncées dans la langue-cible dans un cours d’anglais, il
est important de d’abord fournir aux élèves les outils nécessaires pour qu’ils les
comprennent, à savoir instaurer l’usage au sein de la classe du « classroom
English ». Le recours à ce lexique spécifique est d’abord ressenti comme une
contrainte par les élèves qui passent volontiers par le français lorsqu’ils ont
quelque chose à demander et qui n’est pas en rapport direct avec l’étude d’un
document. Par exemple : « J’ai oublié mes affaires », « J’ai pas compris », ou
encore « Madame, comment on dit… ». Pourtant à force d’insister par le
classique « In English please ! » peut-on espérer faire prendre conscience aux
élèves que parler anglais ne sert pas seulement à commenter un document
mais qu’il s’agit bien d’une langue qui sert avant tout à communiquer, à dire ce
qu’on a envie de dire ou à exprimer un besoin concret comme par exemple
allumer la lumière parce qu’on ne voit pas bien le tableau.
S. GOUCHET dit d’ailleurs que l’utilisation du « classroom English »,
que ce soit pour se saluer au début de la leçon ou pour demander de l’aide
dans l’accomplissement d’une tâche, est un bon moyen de faire prendre
conscience aux élèves que l’anglais est une langue dont certaines personnes
se servent tous les jours pour autre chose que faire des exercices de
grammaire ou lire à voix haute les pages du manuel ! En d’autres termes, c’est
à nous d’apprendre aux élèves à parler anglais dans d’autres buts que parler
anglais pour parler anglais.
Du côté de l’enseignant, l’anglais sert aussi à faire travailler ses élèves,
et ce si possible de manière efficace. Comme pour mon questionnement, j’ai dû
apporter à mes consignes des modifications d’ordre à la fois quantitatif et
qualitatif . Après instauration du « classroom English », je pouvais enfin
attendre de mes élèves qu’ils comprennent ce que je leur demandais, ou qu’ils
se reportent à leur fiche si ce n’était pas le cas. Et même si cela prenait un
certain temps au début, les élèves ont assez vite assimilé la plupart des
23
consignes que j’énonçais, d’autant plus que ce sont souvent les mêmes qui
reviennent dans un cours. Je me suis aussi rendu compte que ces consignes
devaient être les plus concises possibles, quasi-elliptiques, énoncées
calmement et dans le calme, d’où la nécessité d’avoir l’entière attention de la
classe. Pour plus d’efficacité encore, je trouve bon s’il y a plusieurs étapes dans
les tâches à réaliser de les énoncer une à une et non pas les unes à la suite
des autres, au risque que rien ne soit compris et qu’il faille tout recommencer.
Enfin, j’oubliais presque systématiquement de donner une durée à la fin de mes
consignes. Du coup, les élèves se mettaient au travail sans vraiment savoir
quand celui-ci se terminerait, ce qui occasionnait un certain flottement et une
certaine lenteur dans la réalisation des tâches. Il est donc primordial de préciser
aux élèves le temps imparti pour effectuer la tâche en question. Encore une
fois, se contenter d’un « Five minutes ! » net et franc s’avère plus efficace
qu’une longue phrase dans laquelle se perdrait le message d’origine. De plus,
j’ai constaté avec mes classes que leur imposer un cadre temporel les met au
travail et les fait travailler beaucoup plus rapidement.
4. Traitement de l’erreur
L’erreur est un élément indispensable de l’apprentissage sur lequel
enseignant et élèves vont se baser pour progresser. L’erreur a donc toute sa
place dans un cours, reste à savoir comment la traiter avec suffisamment de
tact pour ne pas que les élèves en aient peur. Dans mon cas, il s’agissait de me
retenir d’interrompre la production des élèves à chaque fois qu’une erreur était
faite. Plutôt que de les couper net dans leur élan, j’ai donc pris l’habitude
d’attendre que les énoncés soient terminés avant d’indiquer à l’élève qu’il doit
corriger quelque chose et de l’aider à identifier sur quoi porte cette correction.
Par exemple, si l’élève a mal prononcé un mot, je me contente de dire
« Pronunciation », d’écrire le mot en question au tableau pour ne pas le dire
moi-même, et s’il ne voit pas ce qu’il faut changer je note le symbole
phonétique qui posait problème pour qu’il le redise correctement (je ne le note
qu’après s’il a su se corriger tout seul). Il s’agit donc dans un premier temps de
laisser quelques secondes pour que l’élève s’auto-corrige, car cette démarche
est sans doute la plus efficace pour aider l’élève à mémoriser la bonne forme.
24
Si toutefois il ne voit vraiment pas ou je veux en venir, je fais alors appel au
groupe, généralement dans les starting blocks pour corriger leur camarade, s’ils
n’ont pas déjà cédé à la tentation de lui souffler la bonne réponse. Puis, une
fois la correction effectuée, il est important de revenir à l’élève de départ pour
qu’il rectifie ce qui dans sa production n’allait pas.
Un autre moyen efficace de faire repérer l’erreur à l’élève est de
reprendre l’élément à changer avec une intonation montante et un air perplexe.
J’ai constaté qu’il arrive assez fréquemment que les élèves se trompent dans
les pronoms qu’ils emploient. L’exemple auquel je pense immédiatement vient
en fait de mon stage de pratique accompagnée, pendant lequel un élève m’a
demandé en début d’heure « Can you write the date on the board ? ». Je lui ai
alors demandé, la main sur le buste et faisant mine de m’apprêter à écrire au
tableau, « Me ? », remarque à laquelle l’élève a non seulement très bien réagi
et qui lui a permis de se corriger immédiatement. Ces reprises « montantes »
sont très efficaces car elles permettent de tout de suite cibler l’erreur et surtout
de la dédramatiser, puisqu’en général elles amusent la classe, y compris l’élève
interrogé.
Il ressort de ces exemples qu’il est en fait relativement facile de ne pas
avoir recours à une correction magistrale, l’auto- puis l’inter-correction devant
avoir la priorité sur l’intervention de l’enseignant. Et pour ce qui est des moyens
de faire repérer l’erreur, on a vu qu’ils sont multiples : emploi d’un mot-clé et
écriture du mot au tableau (essentiellement pour la prononciation), reprise de
l’erreur avec une intonation montante, ou encore usage du geste. La gestuelle
est en effet très efficace pour faire comprendre beaucoup de choses aux élèves
sans avoir besoin de recourir à la parole. Il convient simplement de mettre en
place dans la classe un codage gestuel/visuel qui permettra à l’élève de
rapidement identifier son erreur, codage qui une fois instauré et assimilé par le
groupe aura en fait été ritualisé.
25
B. Instauration de rituels
• Définition1 : règle codifiée, automatisme conventionnel,
comportement stéréotypé, habitudes dans le travail ou la vie
quotidienne.
J’aimerais avant de poursuivre préciser que ce n’est qu’au moment de
mon stage de pratique accompagnée que j’ai véritablement pris conscience de
l’importance des rituels dans notre pratique. Dès les premières observations
des cours de ma tutrice, Melle Frances O’Donoghue, professeur d’anglais au
collège de Saint Florentin, j’ai enfin vu ce qu’était un cours qui « tourne », un
cours où les élèves se mettent au travail en anglais à peine installés, et où ils
continuent de travailler avec le même rythme soutenu jusqu’au retentissement
de la cloche ! De quoi avoir envie de reproduire la même chose dans mes
classes… Les rituels sont donc des codes qui, une fois instaurés, permettent
une économie de moyens (et de temps) pour dire aux élèves ce qu’il faut faire,
et même les faire faire sans rien avoir à leur dire.
1. Dans la gestuelle
a. Pour le traitement de l’erreur
Ayant précédemment évoqué le rôle de la gestuelle dans le traitement
de l’erreur, je vais maintenant évoquer quelques exemples de gestes dont je
fais régulièrement usage avec mes deux classes pour les aider à se corriger
dans leur production orale. Parmi les erreurs les plus fréquentes, voici celles
que je traite systématiquement par la gestuelle. Tout d’abord, il reste assez
fréquent, même au lycée, que certains élèves omettent le ‘s’ de la troisième
personne du singulier. Un moyen simple de le leur faire repérer est de leur
montrer un trois avec les doigts d’une main, et immédiatement ils se corrigent
en redisant le verbe de leur phrase sans oublier cette fois d’y ajouter un ‘s’.
Toujours au niveau du verbe, lorsqu’une question est posée au prétérit, mes
élèves ont tendance à oublier de reporter la marque temporelle qui se trouvait
sur l’auxiliaire dans leur réponse. A nouveau, un simple mouvement des mains
1 Encyclopédie Hachette Multimédia
26
vers l’arrière par-dessus les épaules symbolisant une référence au passé suffit
à ce que le verbe soit remis à la bonne forme. Au niveau du groupe nominal
maintenant, l’inversion de l’ordre des mots quand il y a un nom et un adjectif
n’est pas toujours respectée (les élèves faisant cette erreur ayant gardé
l’habitude de penser leur phrase en français avant de la dire en anglais). Une
fois encore, un simple geste de roulement des mains vers l’arrière leur permet
de se corriger efficacement.
J. MARCELIN, dans un paragraphe dédié à la variété dans le
comportement magistral, mentionne l’importance pour l’enseignant de « savoir
recourir le cas échéant à plusieurs mimiques ou gestuelles éloquentes : un
auditoire interprète toujours correctement ces signes, et réagit aussitôt en
conséquence1. » Ce dernier a d’ailleurs élaboré un tableau de correspondances
entre gestuelle et faits de langue anglais (cf. Annexe n°4). Il y suggère par
exemple le geste de pointer tout droit pour symboliser l’opérateur de visée ‘to’,
trop souvent remplacé il est vrai par la préposition ‘for’ quand il s’agit d’exprimer
le but.
La gestuelle a donc un intérêt tout particulier dans un cours d’anglais
puisqu’elle évite à la fois la correction magistrale et les longues phrases
d’explication quand il s’agit de passer des consignes.
b. Pour les consignes de classe
L’efficacité du recours à la gestuelle est aussi valable lorsqu’il s’agit de
passer des consignes dans la classe. Comme je l’expliquais plus haut, je
m’efforce à présent de réduire à un minimum la longueur de mes consignes, et
le fait d’appuyer mes propos par des gestes me permet d’assurer une
compréhension encore meilleure de celles-ci. Pour ce qui est de la durée
attribuée à la réalisation d’une tâche par exemple, j’accompagne la consigne
« Five minutes ! » d’un signe de la main avec autant de doigts ouverts. S’il
s’agit de leur demander d’ouvrir ou de fermer leur classeur, je mime l’ouverture
ou la fermeture du classeur avec mes mains en même temps que je dis « Open
/ Close your binders ! » Pendant qu’un élève parle enfin, si celui-ci n’est pas
bien audible, je me contente de tendre l’oreille pour le faire parler plus fort :
1 L’Elève au Centre de l’Apprentissage, p.56
27
cette démarche permet ainsi d’intervenir sur la production d’un élève sans avoir
à l’interrompre.
Les élèves il est vrai réagissent très bien à la gestuelle et assimilent
spontanément la signification des différents gestes auxquels j’ai recours sans
que j’aie besoin de le leur expliquer. Le seul pré-requis est d’avoir toute
l’attention de l’élève, puisque cette forme de communication non-verbale au
sein de la classe passe avant tout par un échange visuel entre le prof et ses
élèves.
2. En début d’heure
Les rituels de début de cours sont très certainement les plus efficaces.
C’est ce que j’ai trouvé de plus frappant lors de mon stage de pratique
accompagnée. Les élèves arrivaient en cours et s’installaient en sachant déjà
ce par quoi leur cours allait commencer, à savoir un contrôle de connaissance
systématique. De mon côté, mes cours ne commençaient pas tous de la même
façon. Par conséquent, les élèves attendaient à chaque fois de voir ce que
j’allais leur demander de faire, moment pendant lequel un flottement général
s’installait. Le cours démarrait alors sur un faux rythme dont je n’arrivais pas à
me débarrasser jusqu’en fin d’heure. Suite à ma pratique accompagnée, j’ai
donc décidé que tous mes cours commenceraient de la même manière : après
les salutations, je demande à mes élèves d’ouvrir leur classeur et de relire en
silence la partie de la leçon sur laquelle l’un d’entre eux va être interrogé. Cela
leur permet de se remémorer ce qu’ils ont en général mal appris, et de mon
côté je peux remplir mes obligations administratives sans problèmes de
discipline comme les bavardages par exemple. En effet, vite atteler les élèves à
une tâche dès leur entrée en cours me permet une prise en main du groupe
rapide. Si au début il fallait expliquer plus longuement ce qu’ils devaient faire,
c’est presque maintenant devenu une habitude pour eux, un rituel en somme,
qui a aussi eu pour effet de donner à mes élèves de meilleures habitudes de
travail : ils savent maintenant qu’à chaque cours ils sont susceptibles d’être
interrogés, et les élèves n’ayant rien appris sont devenus moins nombreux. Ces
rituels de début d’heure enfin, quand ils sont respectés, donnent un rythme
nettement meilleur à mes cours et améliorent le taux de participation orale.
28
3. Dans la méthodologie
Instaurer des rituels dans les démarches que l’on adopte lors de
l’exploitation d’un document en cours a un effet tout aussi bénéfique en termes
de gain de temps, d’économie de parole, et d’efficacité aussi bien au niveau de
la réalisation qu’au niveau de la compréhension. Les élèves développent grâce
aux rituels de véritables automatismes, des habitudes dans le cours et son
déroulement qui deviennent rassurantes pour eux par leur caractère répétitif et
aussi par les repères qu’elles leur fournissent. Même s’ils ne comprennent pas
tout ce qui se dit dans le cours, ils comprennent grâce aux rituels ce qui s’y
passe : une voie peut-être pour repousser le sentiment d’échec ressenti par
certains lors de l’apprentissage d’une langue étrangère.
a. Exploitation d’un document
D’où l’importance dès le début d’année d’expliciter la méthodologie qui
sera appliquée pour l’étude de chaque document, qu’il soit écrit,
iconographique, audio ou vidéo. D’abord la présentation générale et sa série de
« WH- questions » qui permettent d’identifier nature, auteur, date, origine et
d’introduire le thème, puis description du contenu avant de procéder à une
élucidation de l’implicite. Je n’avais personnellement pas pris la peine
d’expliquer cette démarche à mes classes en début d’année, ce qui a
occasionné lors des premières semaines une certaine perte de temps en cours.
Le phénomène de répétition a cependant permis aux élèves de comprendre
d’eux-mêmes comment procéder, puisque le jour où je leur ai demandé de
formuler cette démarche, elle était déjà assimilée. Je pense cependant qu’il
sera à l’avenir plus judicieux de commencer par leur expliquer dès la rentrée.
Le problème avec la présentation générale et la phase de description
sur un nouveau document est que les élèves s’en lassent assez vite, comme je
l’ai déjà dit. C’est pourquoi j’essaie maintenant, quand cela m’est possible, de
leur donner à faire en devoir maison, ce qui permet le cours d’après d’effectuer
un correction rapide et de plus vite passer à la phase de commentaire, qui a
elle plus de succès auprès des élèves.
29
b. Mots-clés
Les « prompts » dont je parlais précédemment et qui me permettent
d’alléger mon questionnement font à présent aussi partie de mes rituels de
classe. L’emploi que je fais de mots-clés comme « PEOPLE », « SETTING »,
« ACTIVITY », ou encore « FEELINGS / ATTITUDE » me permettent d’une part
de limiter mon questionnement et donc de laisser plus de liberté aux élèves
dans leurs productions que ce soit en termes de contenu ou de forme, mais
cela donne également une trame logique à l’étude du document, trame qui peut
en grande partie être appliquée à tout autre document.
c. Le tableau
Le dernier élément dont je vais parler et qui a été l’objet d’une
ritualisation dans mes classes est l’utilisation que je fais du tableau. Il est très
facile de perdre ses élèves si l’on ne tient pas son tableau suffisamment
proprement, si l’on écrit des choses à divers endroits sans respecter une
certaine logique. Les tableaux dont je dispose étant composés de trois parties,
j’ai attribué à chacune d’entre elles une fonction bien précise. La partie de
gauche est une partie « brouillon » sur laquelle il m’arrive de noter des mots-
clés correspondant aux idées des élèves ; ces mots leur serviront d’aide pour
récapituler ce qui a été dit. Il m’arrive aussi d’y faire des schémas quand je
m’aperçois que certains ne comprennent pas bien le fonctionnement d’une
structure. Sur la partie centrale je note ce qui correspond à la trace écrite du
cours, et la partie de droite sert de « Tool Box », boîte à outils dans laquelle
apparaissent les objectifs lexicaux, grammaticaux ou communicationnels de la
séance et que les élèves doivent apprendre. Ces deux dernières parties
correspondent à la tenue que les élèves ont de leur classeur, qui est donc elle
aussi ritualisée, ce qui conduit à une plus grande autonomie de leur part.
Ces divers exemples de ritualisation sont autant de choses qui rendent
mes cours globalement plus efficaces, puisqu’il me permettent de m’effacer,
d’être moins omniprésente, et laissent donc une place plus importante à mes
élèves dans la classe et dans leur apprentissage de l’anglais. Reste un frein à
la communication assez important et qui ne permet pas à l’élève d’être tout à
30
fait au centre de son apprentissage : l’échange artificiel qui se fait entre
l’enseignant et ses élèves par le biais du schéma question-réponses.
C. Sortir du schéma professeur-élèves grâce au déficit informationnel
Malgré l’instauration de rituels dans mes cours et de la place plus
importante occupée par la gestuelle, je trouve encore difficile parfois de sortir
d’un schéma de cours assez peu comparable aux interactions de la
communication quotidienne, à savoir : 1. incitation à parler du professeur, 2.
réponse de l’élève à l’incitation, 3. réaction / évaluation du professeur. Or les
I.O. disent bien à ce propos qu’ « à aucun moment du cours le professeur ne
doit demeurer le point de passage obligé des échanges1 ». Mon conseiller
pédagogique m’a d’ailleurs plusieurs fois reproché de trop rester dans ce
schéma, d’avoir une attitude encore trop magistrale dans mes cours. L’usage
du questionnement en cours s’explique généralement par le fait que
l’enseignant détient des informations que les élèves doivent découvrir et
s’approprier. Rendre l’élève détenteur de l’information est cependant un
excellent moyen de faire communiquer les élèves entre eux, permettant un
effacement plus grand encore de l’enseignant.
La langue ne devient donc véritable outil de communication que lorsque
l’élève éprouve le besoin, l’envie de parler. En d’autres termes, pour qu’il y ait
« communication réelle », il faut des interlocuteurs personnellement engagés
dans un but à atteindre et qui cherchent à combler, grâce à leurs échanges, des
« trous d’information ». A nous alors de créer ce besoin de communiquer tout
en fournissant les moyens nécessaires aux élèves. On peut pour ce faire diviser
la classe en groupes et donner à chacun des tâches différentes pour lesquelles
ils ont besoin de chercher des données auprès des autres groupes afin de les
mener à bien. Sophie MOIRAND2 propose comme exemple d’activité la
reconstitution de l’ordre de déroulement d’une conversation ou d’un texte à
partir de morceaux pré-découpés et distribués dans le désordre à différents
1 Instructions Officielles Lycée, Compléments, p.48 2 Enseigner à Communiquer en Langue Etrangère, p.52
31
sous-groupes, obligeant les élèves à demander des informations (fonction de
communication ici authentique) aux autres.
Voici à titre d’exemple supplémentaire du recours au déficit
informationnel une activité que j’ai mise en œuvre avec ma classe de seconde.
Le polycopié intitulé GREAT DESTINIES contenait les portraits de Darwin,
Einstein et Churchill, sous lesquels figuraient une brève présentation de l’un
d’entre eux, ainsi qu’un tableau avec deux colonnes à remplir à partir des
éléments suivants : first name ?, surname ?, nationality ?, born ?, died ? et
job ? (cf. Annexe n°5). La classe étant répartie en trois rangées, j’ai distribué
aux élèves de chaque rangée un polycopié différent, l’un contenant des
informations sur Darwin, l’autre sur Einstein, et le troisième sur Churchill. Pour
remplir le tableau, les élèves de deux rangées devaient donc poser des
questions aux élèves de la rangée détentrice de l’information au sujet de l’un de
ces grands hommes. Ce déficit informationnel que les élèves devaient combler
a permis de très naturellement déclencher la parole d’une grande majorité de la
classe, et a été à l’origine d’une situation de communication propice à la
pratique des formes interrogatives.
Donner ainsi indirectement l’information aux élèves permet de
véritablement les placer au centre de leur apprentissage puisque ce type de
tâche ne nécessite pas de passer par le professeur et permet donc de se libérer
du schéma prof-élèves / question-réponses. Ceci dit, même si les élèves ne
sont plus tenus de faire appel à moi, ils gardent lors de ces échanges avec
leurs camarades un œil bien rivé dans ma direction, guettant une réaction de
ma part qui atteste de la validité de leur production. Le degré d’authenticité
dans la communication durant ces échanges entre élèves n’est donc que relatif
puisque l’on reste bel et bien dans une situation d’apprentissage dans laquelle
l’enseignant garde en partie son rôle de « maître-censeur ». Même si ma
présence et mon discours sont plus effacés dans ces moments, je reste donc la
personne vers qui les élèves se tournent pour vérifier si ce qu’ils ont dit était
juste ou non. L’intérêt du déficit informationnel en cours de langue n’en est
cependant pas amoindri. De plus, le simple fait d’aborder un nouveau document
différemment grâce à cette démarche génère la plupart du temps une adhésion
accrue des élèves au cours, atout non négligeable quand on cherche à
favoriser la participation orale de ses élèves.
32
CONCLUSION
A l’issue de ma visite-contrôle, je peux dire que depuis le début de
l’année il y a eu une évolution positive dans mes cours en termes de
participation orale et d’espace laissé à mes élèves pour s’exprimer. Tout
d’abord mes élèves parlent plus : ceux qui étaient volontaires le sont toujours et
s’expriment plus souvent que leurs camarades, et j’interroge plus
systématiquement ceux qui ne se manifestaient presque jamais. En effet, l’idéal
quand je le peux est que tous aient pris la parole au moins une fois dans
l’heure, et je suis maintenant convaincue que ce n’est possible que si c’est moi
qui vais chercher certains élèves, trop inhibés pour vouloir se porter volontaires.
Nous sommes aussi à un moment de l’année où les élèves ont pris de réelles
habitudes de travail propres à mon cours, ce qui le rend nettement plus efficace
qu’en début d’année, période pendant laquelle enseignant et élèves se
découvrent encore. De mon côté, mon questionnement s’est aussi amélioré,
réduit en grande partie grâce aux rituels et aux codages gestuels que j’ai
instaurés et qui s’avèrent vraiment efficaces pour favoriser l’expression orale
des élèves, et le travail en général, pendant le cours. Je laisse aussi plus de
liberté aux élèves dans leurs productions, ayant maintenant trouvé un meilleur
équilibre entre ce que disent mes élèves et ma préparation de cours pour une
trace écrite fidèle à la fois à leurs idées et à mes objectifs.
Malgré ces avancées favorables à plus de communication, qui sont
autant de choses que je m’efforcerai de mettre en place dès la rentrée avec
mes futures classes, il me reste des progrès à faire au niveau de l’effacement
magistral. Même si mon questionnement est plus léger et que la proportion des
interventions est toujours à la faveur des élèves, j’ai encore tendance à trop
parler. Lors de ma visite par exemple, il a été noté qu’à un moment j’ai
demandé à un élève « Can you repeat X’s sentence ? » alors que « Repeat ! »
aurait amplement suffi. En plus des changements que je dois encore apporter à
mon comportement, les conditions matérielles dont je dispose en cours ne sont
pas toujours propices à la communication. L’environnement joue lui aussi un
rôle important, toute organisation de l’espace qui compromet le contact visuel
direct entre élèves et donc entre interlocuteurs étant préjudiciable. Or n’ayant
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pas cette année ma propre salle, je n’ai pas pu organiser les tables de façon à
favoriser l’expression entre élèves, à savoir en les disposant en U pour que tout
le monde puisse se voir. La taille de mes classes est raisonnable (24 élèves en
2nde, 19 en 1èreSTI), mais le fait de ne pas avoir de modules avec mes 2nde (la
barre de dédoublement étant à 25 !) a été une véritable contrainte. J’ai en effet
longtemps repoussé l’instauration du travail de groupe dans mes cours de peur
de rencontrer de trop gros problèmes de discipline, et j’avoue ne pas y avoir
encore assez souvent recours. Il s’agit pourtant d’une activité favorisant la
communication entre apprenants et le développement de leur autonomie : les
élèves, engagés dans la réalisation d’une tâche, sont alors moins centrés sur la
forme de l’énoncé que sur sa fonction, et développent des stratégies de
communication pour faire passer leur point de vue. Avoir des modules me
permettrait aussi de mettre en œuvre une pédagogie plus différenciée, sans
avoir à laisser à la traîne les élèves en échec en anglais comme c’est souvent
le cas en classe entière. De plus, certains élèves se montreraient certainement
plus à l’aise en petits groupes et participeraient donc plus volontiers. Cela
inciterait enfin tous les élèves présents à écouter leurs camarades : je constate
en effet dans mes classes un manque d’écoute mutuelle, problème de savoir-
être fréquent dans de nombreuses classes j’imagine, et difficile à maîtriser en
classe entière.
Pour finir, l’acte pédagogique, pour être efficace, doit d’abord établir un
lien vivant entre enseignant et apprenants, une relation basée sur la confiance,
l’entraide et le respect de la parole de tous, d’où l’importance d’adopter une
attitude positive à l’égard des interventions des élèves, car on n’apprend pas
sous la menace ni sous la contrainte. Instaurer ce genre de rapport avec une
classe ne peut se faire d’un jour à l’autre : il est donc primordial dans la pratique
de notre métier d’accepter de prendre du temps pour ensuite en gagner.
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BIBLIOGRAPHIE
• GOUCHET Sylvie, To Question…or Not to Question, “In the Field”,
New Standpoints, n°21, Décembre 2004
• Instructions Officielles Lycée, Ministère de l’Education Nationale
• LOROT Danielle, Peut-on enseigner l’oral ?, Animation et Education,
n°161, mars-avril 2001
• MARCELIN Jacques, L’Elève au centre de l’apprentissage, Démarches
Innovantes, CRDP de Bourgogne
• MOIRAND Sophie, Enseigner à communiquer en langue étrangère,
Hachette, 1992
• OTT – RICHARD M.H., Des Clés pour l’interaction en anglais, CRDP
de Strasbourg, 1993
• PERRNOUD Philippe, La Communication dans la classe : onze
dilemmes, Cahiers Pédagogiques, n°326, septembre 1994
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ANNEXES
• ANNEXE N°1 : notes de mon conseiller pédagogique prises lors
d’observations de cours (non disponible)
• ANNEXE N°2 : questionnaire sur la participation orale distribué aux
élèves
• ANNEXE N°3 : tableau comparatif des effets respectifs des
questions fermées et des questions ouvertes (MARCELIN)
• ANNEXE N°4 : tableau de correspondances entre gestuelle et faits
de langue anglais (MARCELIN)
• ANNEXE N°5 : polycopiés Great Destinies
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ANNEXE N° 2
QUESTIONNAIRE SUR LA PARTICIPATION ORALE
• Croyez-vous qu’il est important de participer à l’oral ?
Non / Pas vraiment / Un peu / Oui
• D’après vous, à quoi sert l’intervention orale en anglais ?
_ à vérifier ou montrer que vous avez compris
_ à faire avancer le cours
_ à confronter votre point de vue à celui de vos camarades
_ à mieux mémoriser le nouveau lexique et les nouvelles structures
_ à avoir une bonne note
_ à rien
_ autres :
• Qu’est-ce qui vous donne envie de participer en cours ?
_ Vous trouvez la question à votre portée
_ Le cours / le thème abordé vous intéresse
_ Vous voulez réagir à ce qui vient d’être dit (accord / désaccord)
_ Vous aimez prendre la parole
_ Vous appréciez l’anglais
_ autres :
• Qu’est-ce qui vous empêche de participer ?
_ Vous ne comprenez pas du tout la question
_ Vous n’êtes pas certain d’avoir compris et avez peur de vous tromper
_ La réponse à la question vous semble trop évidente
_ Vous ne savez pas comment dire ce que vous avez à dire
_Vous êtes timides, mal à l’aise
_ Le cours ne vous intéresse pas
_ autres :
• Que pensez-vous de votre participation orale ?
Suffisante / insuffisante De bonne / de mauvaise qualité
Est-elle ou non identique à votre participation en anglais l’année passée ? Si non en quoi a-t-elle changé ? Si vous pensez ne pas participer suffisamment, avez-vous l’intention d’intervenir
davantage en cours ?
• Vous pouvez ajouter vos commentaires éventuels (par rapport aux questions
posées ou à la participation orale en général ) au dos.
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