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HIRoHIRAI
LA FORTUNEDU CONCEPTDE SEMENCEDEMARSILE FICIN AU XVIE SIÈCLE!
Introduction
Nous avons étudié dans un précédent articlela nature et le statut du concept desemence dans la pensée de Marsi le F icin2• En fai t, son concept de semence estétroitementlié à sanotion de nature; il reste donc trèsimportant pour comprendrelesaspects de sa philosophie naturelle qui ont influencé les générations ultérieures,notamment dans les domaines scientifiques et médicaux. Analyser la fortune de ceconcept est probablement l'une des clés essentielles pour évaluer l'impact réel de la
pensée ficinienne sur les sciences et la médecine des seizième et dix-septième siècles,sujet encore trop peu exploité, malgré quelques élans donnés par D. P. Walker, F .A .Yates, W. Pagel ou d'autres). Ainsi, le butdu présent article est de retracer le cheminprincipal de la t r a n s m i ~ s i o n du concept ficinien de semence au seizième siècle4. Pourcela, nous allons d'abord faire le point sur les tra its majeurs de ce concept, puisexaminer sa réception chez des savants d' inclination néoplatonicienne, jusqu'à lasynthèse de la «philosophie de semence» du Paracelsien danois Pierre Séverin, dansson Idea medicinae philosophicae. Cette œuvreexercera une influence considérable surles protagonistes de la Révolution scientifique tels que Francis Bacon, WilliamHarvey, Daniel Sennett,Jean-Baptiste Van Helmont et Pierre Gassendi.
'Hiro Hirai, Centre d'histoire des sciences, Université de Liège (Email: [email protected]).Jeremercie R. Halleux, B. Joly, A. Clericuzio, V. Nutton e t M. Vanhaelen pour la réalisation duptésent article.
2 Voir H. HIRAI, Concepts of Seeds and Nature in the Work of Marsilio Ficino, in Marsilio Ficino: His
Theology, His Philosophy, His Legacy, éds. M. J. B. ALLEN etV. REES, Leyde 2002,pp. 257-284.
3 Voir entre autres D. P. WALKER, Spiritual and Demonic Magic from Ficino to Campanella, London,1958 a; F. À. YATES, Giordano Bruno and the Hermetic Tradition, London 1964;W. PAGEL, Religion
and Neoplatonism in Renaissance Medicine, London 1985; W.-D. MÜLLER-JAHNCKE, Astrologisch-
magische Theorie und Praxisin der Heilkunde der frühen Neuzeit, Stuttgart 1985.
4 Cet article est basé sur mon livre: Le concept de semence à la Renaissance dans les théories de la matière à la
Renaissance: de Marsile F i ~ i n à Pierre Gassendi, Turnhout sous presse. Pourun aurre aspect, voi rM. C.HOROWITZ, Seeds ofVirtueand Knowledge, Princeton 1998.
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HIROHIRAl·
Le concept de semence chez Fiein
Depuis les philosophes présocratiques, les idées dérivées de «semence» ont été
utilisées pour expliquer l'origine de l'organisation spécifique et régulière des choses
naturelles et même de l'univers tout ent ier. Les cas d 'Anaxagore et des anciens
Pythagoriciens sont assez connus'. Les anciens atomistes appelaientaussi leurs atomes
«semences» (spâmata). Malgré le refus catégorique d'Aristote vis-à-vIs de tellesnotions présocratiques,le concept de semence a regagné du terrain, notamment par la
doctrine des logoi spermatikoi des Stoïciens6• Les Néoplatoniciens comme Plotin et
Proclus l'ont adoptée tout en spiritualisant son contenu matérialiste. C'estpar le biais
d e P lo tin que saint Augus tin l'a reçue et a développé sa théor ie des «raisons
séminales» (rationes seminales), véhicule latin le plus puissant du concept de semence
dans l'Occident médiéval. Avec la montée de l'aristotélisme dans la vie intellectuelle
européenne, le concept de semence perdpeu à peu de sa popularité, notamment face
à la théorie de la «forme substantielle» (forma substantialis) de Thomas d'Aquin.
Celui-ci préféraitla puissance dans la matière à une quelconque force séminale.
Lorsque Ficin est entré sur la scène philosophique, il a établi, suivant surtout
Plotin et Proclus, la hiérarchie des substances hypostatiques7. Selon la version
développée dans le Commentaire sur le Banquet de Platon, a prè s l e Dieu
transcendantal, dont la substance se situe dans le centre de l'univers, vient la divine
Intelligence. De celle-ci émane l'âme du monde qui entoure cette Intelligence. De
l'âme du monde provient la nature et de. celle-ci le corps ou la mat ière avec son
étendue. Ainsi, l'univers métaphysique se constitue des cinq substances hypostatiquesqui sont rangées d'une manière concentrique. Chacune de ces cinq substances est
reliée par les «espèces divines» .(species divinae). Dans le Bien, substance deDieu, il y
a l'Idée archétype. De celle-ci proviennent les «idées» (ideae) qui relient Dieu à la
divine Intelligence. L'Intelligence et l'âme du monde communiquent par les «raisons»
(r'ationes) qui partent de l'Intelligence et pénètrent dans l'âme. L'âme etla naturesont
reliées par l'intermédiaire des «semences» (semina). Enf in la nature et la mat ière
communiquent par les « f o r m e s ~ ~ (formae)8. Ces espèces divines (idées, raisons,
semences et formes) partagentleur source commune. Comme Ficin n'exprime pas
encore sa puissante théorie du spiritus mundi, il explique que ces divines espèces sont
5 Voir F. M. CORNFORD, Plato and Parmenides, London 1939, pp. 17"22; G. E. R. LLOYD, Polarity
and Analogy, Cambridge 1966, pp. 237-251,346-350,366-370; D. E. HAHM, The Origins of StoicCosmology,Columbus 1977, pp. 60-90.
6 Des Stoïciens à Augustin, la meilleure étude reste encore aujourd'hui: H. MEYER, Geschichte der
Lehre von den Keimkraften von der Stoa bis zum Ausgangder Patristik, Bonn 1914.
; S ur les cinq hypostases de Ficin, voir surtout P. O. KRISTEllER, The Philosophy of Marsilio Ficino,
NewYork 1943, pp. 106-108, 167-169, 370, 384,400-401; M. J. B. ALLEN, Ficino's Theory of the
Five Substances and the Neoplatonists' Parmenides, «Journal of Medieval and Renaissance Studies», 12
(982), pp. 19-44; T. ALBERTINI, Marsilio Ficino: Das Problem der Vermittlung von Denken und Welt in
einer Metaphysik der Einfachheit, Munich 1997; HIRAI (2002). M. Vanhaelen prépare une rhèse
consacrée au Commentaire deFicin sur le Parménide de Platon et abordece problème.
8.Marsile FICIN, Commentaire sur le Banquet de Platon, éd. R . MARCEL, Paris 1978 (deuxième tirage)bvre II, chap. III et II, IV pp. 149 et 150-151; voir maintenant la nouvelle édition, Commentaire sur le
Banquet de Platon. De l'amour, éd. P. LAURENS, Paris 2002, pp. 30-31, 35-36.
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ACCADEMIAIV (2002)
transmises par la lumière invisible qui émane de Dieu. En étant véhiculées par cette
divine lumière, elles gravitent toutes autour de Dieu dans l'univers métaphysique
concentrique.Ficin développe cette hiérarchie hypostatique suivant l a tradition de
l'interprétation néoplatonicienne du Parménide de Platon. Mais lesta tu t dela nature
est ambigu carl ' insertion de la nature en tant qu'hypostase n'était pas chose établie
chez les Néoplatoniciens. li dépend notamment de Proclus pour sa conception de la
nature9• En tout état de cause, il semble avoir conçu la position hypostatique de la
nature par sa propre réflexion. Quoi qu' il en soi t, i l p réfère appeler la quatr ièmehypostase «nature» dans ses commentaires sur les dialogues de Platon, et parfois
«qualité» dans la Théologie platonicienne (Florence, 1482)10. Pour sa métaphysiqueproprement dite, Dieu, l'Intelligence et l 'âme sont fondamentaux au regard de la
nature ou de la matière. C'est pourquoi, souvent, il ne parle que des trois premières
hypostases sur le modèle platonicien.Le deuxième point particulier du concept f ic in ien de semence, c 'est que le
florentin qualifie l a natur e de «puissance d'engendrer» (potentia generandi) et
l'appelle également «séminaire» (seminarium) qui signifie «pépinière»l1. Pour lui, le
séminaireest une vertu formative qui se diffuse dans l'univers entier, le réchauffe et le
vivifie. Tout comme l'âme (âme universelle du monde et âmes particulières des
individus), la nature est double. En fait, chez Ficin, la nature universelle qui embrasse
toutes les natures particulières est une immense réserve séminale. li explique alors la
génération des choses naturelles qui naissent sans semences visibles et matérielles par
cette vertu plutôt spirituelle et incorporelle que physique et matérielleu. li donne ainsiun appui intellectuel «platonicien» aux p..artisans de la théorie de la génération
spontanée. Ca r on pe ut expliquer tou tes les sor tes de générat ions avec la ver tu
séminale, voire avec les semences invisibles douées d'une tellevertu.
Ce n'est pas seulement le platonisme ou le néoplatonisme qui constitue le
concept ficinien de semence. li arr ive à Fic in d 'u ti li ser c la irement l'idée des«semences des choses» (semina rerum) prise à l'atomiste Lucrèce
lJ• li ne nous faut pas
non plus oublier sa racine scolastique. Manifestement, le concept ficinien s'apparente
à la théorie thomiste de la forme substantielle14• Ficin subordonne naturellement à la
9 PROCLUS, Commentaire sur le Timée, I, Prologue,éd. A.-J. FESTUGIÈRE, Paris 1966-68, I , p p. 36-38.Cf. FICIN,Commentaire sur le Timée de Platon, in Opera, Henricpetri,Bâle 1576, p. 1438.
10 Sur l a «qualité» ficinienne, voir KRISTEllER (943), pp. 107-108; ID., Marsilio Ficino and his
Workafter Five Hundred Years, in Marsilio Ficino e il ritorno di Platone, éd. G. C. GARFAGNINI,Florence 1986, I, pp. 15-196, i ci p. 27 n. 29; M. J. B. ALLEN, The Absent Angel in Ficino's Philosophy,
«Journal oftheHistory ofIdeas», 36 (1975), pp. 219-240, ici pp. 225-226.
11 Bien que l 'équ ivalen t moderne d e ce terme l arin, «séminai re», ne corresponde plus au sens
originel, nous voulons respecterla consonance dérivée de «semence» dans notre discussion.
12 Marsile FICIN, Théologieplatonicienne de l'immortalité des âmes, éd. R. MARCEL, Paris 1964, II, livreXI, chap. IV, p. 117.
13 Marsile FICIN, Commentaire sur le Philèbe, I, I; The Philebus Commentary, é d. M. J. B. AllEN,
Berkeley-Los Angeles-London 1975, pp. 75-77. Cf. HIRAI (2002), pp. 282-284.
14 Voir B. P . COPENHAVER, Renaissance Magic and Neoplatonic Philosophy: Ennead 4.3-5 in Ficino's De
vita coelitus comparanda, in GARFAGNINI (1986), II, pp. 351-369, ici pp. 368-369; HIRAI (2002),pp. 268-269.
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HIROHIRAI
métaphysique platonicieune la physique aristotélicienne qui expliquait jusqu'alors des
phénomènes naturels sur base de l'hylémorphisme et des quatre qualités élémentaires
(chaud, froid, humide et sec). Ainsi , son concept de semence naît de la rencontred'idées assez hétéroltènes.
La deuxième phase du développement de son concept de semence se représente
dans l'œuvre immortelleDe vita li17ri tres (Florence, 1489). Dans le troisième livre
intituléDe vita ccelitus comparanda, Ficin avance l'idée des «raisons séminales» d'une
manière plotinienne plutôt que celle des semences elles-mêmes qu'i l favorisai t
auparavant. En même temps,il y déploie la célèbre théorie duspiritus mundi qui auraun immense succès au seizième siècle. C'est à ce spiritus universel du monde qu'il
attribue une «vertu séminaire» (virtus seminaria), dérivéedes raisons seminales dans
l'âme du monde à travers les cieux et leurs constel lations. Selon Ficin, celui qui
connaît des choses «spiritueuses», c'est-à-dire riches en spiritus, qui sentent bon,
brillent ou sont chaudes, peut efficacement bénéficier des dons du ciel à travers lesraisons séminales, coordinatrices des idées dans la divine Intelligence15. Ainsi, dans
cette phase, il avance la possibilité de capturer, voire de manipuler, la vertu séminaire
véhiculée par le spiritus qui est aussi enfermé dans les choses naturelles. l i se basenotamment sur l 'idée de la quintessence, émanant de la t radi tion de l 'a lchimie
pseudo-lullieune du bas Moyen Age16. Ce rapprochement avec les domaines naturels
par la notion centrale. de i;aichemia medica favorisera évidemment la réception de ses
concepts desemence et de sDiritus mundi par les philosophes naturels et les médecins.Dans d'autres ouvrages de l'époqlJe tardive dont leCommentaire sur les Ennéades de
Plotin, nous pouvons observer des idées qui se regroupent autourdu concept desemence. Bien que le terme «semences» s'éclipse dans ces ouvrages tardifs en faveur
de «raisons séminales», ceux.qui scrutent l'œuvre de Ficin peuvent aisément trouver
une abondante utilisation des idées dérivées de semence, comme séminaire ou vertuséminaire, dans les ouvrages écrits avant et après leDe vita ccelitus comparanda.
La première réception: Marulle, Augurel et Agrippa
Assez naturellement, la première réception, mais confuse et superficielle, du
concept ficinien de semence intéresse le milieuproche du florentin. Le cas deses amis
Michel Marulle (ca. 1453-1500) et Jean-Aurèle Augurel (ca. 1456- ca. 1524) estexemplaire.
15 Marsile FICIN, Devita, III, l in Three Books on Lift, éds. C. KASKE et R. CLARK, Binghamton 1989[désormais cité commeKC}, III, I, p. 246. .
16 Voir S. MATTON, MarsileFicin et l'alchimie, sa position, son influence, in Alchimie et philosophie à la
Renaissance, éds.]. -CO MARGOUN et S. MATTON, Paris 1993, pp. 123-192. Sur l'idée de la
quintessence au Moyen Age, voir R. HALLEUX, Les ouvrages alchimiques de Jean de Rupescissa, «Histoire
l it téraire de la France», 41 (1981), pp. 241-277; M. PEREIRA, Quintessenza alchemica, «Kas», 1-VII
(1984), pp. 33-54; ID., The Alchemical Corpus Attributed to Raymond Lull, London 1989; ID., L'oro dei
f il osof i: saggio sul le i dee di un a lch imista deI Trecento, Spoleto 1992, passim. Cf. a us si
U. BENZENH6FER,Johannes'de Rupescissa Liber de consideratione quintae essentiae omnium rer",ndeutsch: Studien zur Alchemia Medica des 15. bis 17.Jahrhunderts, Stuttgart 1989.
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ACCADEMIAN (2002)
Marulle, vénérant également Lucrèce, accepte l'idée des semences invisibles
dans la nature17 • Dans son poème mythologique et cosmologique, Hymnes naturels
(Florence, 1497), il chante des semences célestes, éthérées et dirigées par les
constellations des cieux.Pour lui, lamachina mundi sortie du Chaos primordial était
inerte au commencement de l 'univers. Un agent divin et personnifié, comme le
démiurge platonicien, unit les parties dissonantesdu monde qui sont ces semences
célestes, en leur imposant les liens mutuels et harmonieuxpour organiser la m a ~ s econfuse du Chaosen un univers bien ordonné. Ainsi, la nature universelle est plerne
de semences invisibles18. Son concept est clairement inspiré des idées de Ficin.
Quant à Augurel, dans son poème alchimique Chrysopceiae li17ri tres (Venise,
1515), première tentative humaniste de ce genre, i l accepte le concept ficiniende
spiritus mundi et, par conséquent, celui de la<<vertu séminaire» du spiritus19• l i avancel'animation universelle du monde en a ff irmant que t ou te s chose s v iven t et
reproduisent leurs semblables à la manière des fruits végétaux qui renferment leurs
semences. Il utilise l'idée du spiritus mundi afin d'expliquer cette animation
universelle. Comme l'a montré S. Matton, la théorie du spiritus mundi, une fois
identifiéepar Ficin à la quintessence et à l'élixir, pénètre rapidement dans lap e ~ s é echymique du seizième siècle20 • Mais l'originalité d'Augurel s'arrête là. Car,pour lm, le
chymiste qui doit être «semeur» récoltera ce qu'il a semé, c'est-à-dire. la s e ~ e ~ c . ecéleste mais matérielle et manipulable par les artisans dans le laboratoire. AinSI, il
décrit la semence unique desmétaux plutôt selonla traditionmédiévale.
Agrippa de Nettesheim (1486-1535) eut sans doute plus d'influence ql
deux exemples précédents. Dans son célèbre De occulta philosophia (Anvers,Cologne, 1533), il utilise librement les écrits de Ficinpour établir le système
magie ternaire (naturelle, céleste et cérémonielle)21.Pour décrire les qualitl
quatre éléments (terre, eau, airet feu), il ajoute les propriétés «platonicieunes» à
17 Sur Marulle, voir surtout C. KIDWEll, Marullus: Soldier Poet of the Renaissance, London 1989. Voir
comme texte l'éd. critique de]. CHOMARAT:Miche! MARULLE, Hymnes naturels, Genève 1995.
18 MARUllE, Hymnes naturels, I, III, 21-24; I, VI, 50-54; II, 1, 61-76; II, II, 10-13; II, III, 13-16; II,
IV, 43-47; II, v, 7-10; III, l, 122-126; IV, 1, 25-32 (éd. CHOMARAT, pp. 25, 45, 67, 81, 91, 95,
105,111, 1 5 9 , 2 0 3 ~19 Sur Augure l , voir P. O. KRiSTE1l.ER, Supplementum Ficinianum, Florence 1937, II, pp. 211-212,
336; S. MATTON, Augurelli, in Encyclopédie philosophique universelle, III-i (1992), pp. 405-406; ID.,
L'influence de l 'humanisme sur la tradition alchimique, «Micrologus», 3 (1995), pp. 279-345, ici
pp. 341-344; Z. von MARTELS, Augurello's Chrysopoeia (l515): A Turning Point in the L i terary
Tradition ofAlchemicalTexts; «Ear1y Science andMedicine», 5 (2000), pp. 178-195.
20 Sur l e spiritus ficinien chez Augure!, voirMATTON (1993), pp. 164-165. Nous utilisons le terme
«chymie» pour l'ensemble du savoit alchimique et chimique de cet te époque sans les distinguer
arbitrairement.
21 SurAgrippa, voir surtout C. G. NAUERT Jr., Agrippa and the Crisis of Renaissance Thought, Urbana
1965; P. ZAMBELU, Magic and Radical Reformation in Agrippa ofNettesheim, «Journal of the Warburg
and Courtauld Institutes», 39 (1976), pp. 69-103; M. H. KEEFER, Agrippa's Dilemma: Hermetic
'Rebirth' and the Ambivalences of De vanitate and De occultaphilosophia, «Renaissance Quarterly», 41
(1988), pp . 614-653; M. VAN DER POEL, Cornelius Agrippa, the Humanist Theologian and His
Declamations, Leyde 1997. Nous suivons le texte dans la magnifique éd. c rit ique de V. PERRONE
COMPAGNI (désormais cité comme PC): CorneliusAGRIPFA, De occulta philosophia libri tres, Leyde
1992.
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prnnHlRAI
expliquées traditionnellement.Pour lui, la terre, en tant que réceptacle des rayons et
influences célestes, enferme les semences et vertus séminales de toutes choses.Par ces
vertus, elle engendre les minéraux, les végétaux et les animaux.De la même manière,
il y a dans l 'eau une <<vertu séminaire» qui est la cause de la fécondité des semences
corporelles chez les animaux et les végétaux22 • C'est surla notion de l'air qu'Agrippa
se rapprochevisiblement de Ficin en identifiant l'air auspiritus vitalis, adaptation du
spiritus mundi2J
• Puis, il affirme «suivant les divins Platoniciens» que' les quatre
éléments existent comme idées productrices chez le Créateur archétype, comme
puissances dans les corps intelligibles, comme vertus dans les cieux et enfin commeformes grossières dansles corps sublunaires24 .
Ensuite, Agrippa distingue les vertus des éléments à partir des vertus occultes
causéespar la nature. Ainsi, nous arrivons auchapitreessentiel de notre point de vue.
Nous citons en blocle passage crucial:
Pour les Platoniciens, toutes choses inférieures reçoivent les idées des idées supérieures.
Ils définissent que l ' idée est une forme au-dessus des corps, des âmes et des intellects,
unique, simple, pute, immuable, indivisible, incorporelle et éternelle et que la nature
de toutes les idées es t la même. I ls posent en effet les idées d'abord dans le B ien l ui
même, c'est-à-dire en Dieu. A travers le seul mode de lacause, elles ont été distinctes
entre elles par cettaines raisons relatives, pout que toute chose quies t dans lemonde ne
soit pas unique sans aucune variété. Elles s'accordent c e p ~ n d a n t entre elles en essence
pour que Dieu ne soit pas multiple dans sasubstance. Ilsposent au deuxième lieu dans
l ' intelligible lui-même, c'est-à-dire dans l 'âme du monde, [ les idées qui} di ffèrent
conctètement par des formes propres à l ' image des formes absolues, de sorte que les
idées soient en effet toutes sous une forme en Dieu et multiples dans l 'âmedu monde.
Elles SOnt posées dans les intelligences de toutes choses(soit jointes au corps soit
séparées), par une certaine participation et graduellementde plus en plus distinctes. Ils
[les} posent dans la nature en tant que cettaines semences infimes des formes, infusées
des idées . I ls [ les} posent enfin dans la mat ière comme des ombres. Il s'y ajoute que,
dans l'âme du monde, i l y a autant de raisons séminales des choses que d'idées dans
l'Intelligence divine. Par ces raisons (séminales}, elle a établi les figures pour elle dans
les cieux au-dessus des étoiles et a imprimé l es propr iétés à toutes ces choses. Donc
toures les vertus et propriétés des espèces inférieures dépendent de ces étoiles, figures et
proptiétés, de sorte que chaque espèce possèdela figure céleste qui lu i est convenable et
d'où provient la puissance admirable d'opérer. Elle reçoit un tel don, de son idée, par
les raisons séminales de l 'âme du monde. En fai t, l es idées ne sont pas seulement les
causes essentiel les de chaque espèce mais aussi les causes de chaque vettu qui résidedans telleespèce (...}25.
Agrippa expliqueici que les s e m e n c ~ s résident dans la nature et les formes dans
la matière, les raisons (séminales) dans l'ânledu monde et les idées dans la divine
22 AGRIPPA, De occulta philosophia, 1, Vet VI (PC,p. 93et 94) .
23 AGRIPPA, De occulta philosophia, 1, VI (PC, p. 96) : «Il res te à parler de l 'a ir . Celui -ci est un spiritus
vitalis, passant à travers toutes entités et leur donnant la v ie et la consistance, rel iant , mouvant et
remplissant tout . De l à, l es docteurs hébreux ne le comptent pas patmi les élémentsmais le tiennent
comme un intermédiaire et un lien qui unit diverses choses ensemble, en quelque sotte, un spiritus
qui correspond à l'instrument du monde».
24 AGRIPPA, De occulta philosophia, 1, VIII (PC, pp. 101-103).
2j AGRIPPA, De occulta philosophia, 1, XI (PC, p. 107).
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ACcADEMIAN (2002)
Intelligence. La causalité astrale est englobée de manière platonicienne plutôt que
scolastique. il est évident que ce développement dépend non seulement du débutdu
De vita cœlitus comparanda de Ficin mais reflète aussi toute une série de discussions
sur les substances hypostatiques néoplatoniciennes qui se retrouvent partout dans le
corpus du métaphysicien florentin26.
Puis Agrippa aborde derechef le spiritus universel du monde. il affirme la
nécessité d'un intermédiaire entre le corps et l 'âme du monde sous l 'autori té deDémocrite, d'Orphée et des Pythagoriciens, c 'est-à-dire des prisci theologi
27• Il
identifie cetintermédiaire auspiritus mundi. il acceptel'identification ficinienne decespiritus à la quintessence chymique, ce qui marque une grande innovation de lapartde Ficin. Par cet intermédiaire spirituel du monde, toutes choses inférieures sont
reliées aux supérieures; l eu rs ver tu s occultes, qui proviennent des i dé es
correspondantes dans l'Intelligence, s'infusent dans la matière de leurs corps. C'est
par les rayons astraux que cespiritus mundi est véhiculé. De cefait, chaquevertu dans
les animaux, les végétaux et lesminéraux est envoyéepar le spiritus mundi à travers les
cieux. Pour cette raison, les choses inférieures possèdent une étincelle de la vertu
provenant des idées. Agrippa va plus loin en admettant la possibil ité d'extraire ces
vertus et de les manipuler par celui qui est choisi et bien qualifié, c'est-à-direpar le
mage ficinien. A la manière de Ficin,11 affirme clairement que la «vertu générative etséminaire» (generativa et seminaria virtus) réside dans le spiritus mundfB. De là, iladmet que les chymistes cherchent à séparer ce spiritus de l'or et de l 'argent pour
réaliser la transmutation des métaux.
Vers la fm du deuxième livre, Agrippa revient surl'âmedu monde. Selon lui, ilest absurde de supposer que le monde, largement supérieur aux insectes, ne possède
pas d'âme puisqueles vers minuscules, eux, jouissent de l'âme oudu principe de vie.
Tout ce qui produit, vivifie, nourritet fait croître des vivants, doit posséder son âme.
C'est ce qui explique la génération spontanée et la multiplication des choses qui se
reproduisent sans «semence corporelle»29. Suivant les «Platoniciens», il dénie la
possibilité de la génération de viepar les influences célestes puisqu'elles ne sont que
des «instruments éloignés». L'âme du monde, pleine de vie, pénètretoutes choses, les
unit et les relieentreelles de sorte qu'elles soientles membres de lamachina mundi. il
26 Perrone Compagni note magistralement comme soutce la Théologie platonicienne, XI, IV, et le De
vita, III, 1, de Ficin. Mais ce passage reflète aussi d'auttes écrits ficiniens. Cf. HIRAI (2002), § 2-3.27' - _ . _ .. . . . . . • . .... .,,",.
. Sur la prisca theologia, voir C. B. SCHMIn, Perrenial Pbttosopby Jrom Agostzno Meuco ro uwnzz,
«Journal of the Histo ry of Ideas», 27 (1966), pp . 505-532; D. p.WALKER,The Ancient Theology:Studies in Christian Platonism from the Fifteenth to the Eighteenth Century, London 1972; W. SCHMIDT-
BIGGEMANN, Philosophia perennis: Historische Umrisse abendliindischer SpiritualiMt in Antike, Mittelalterundfrüher Neuzeit, Francfort 1998.
28 AGRIPPA, De occulta philosophia, 1, XIV (PC, p. 113): <<En fait, ce spiritus peut être plus avantageux
pour nous s i quelqu'un s ai t l e s épar er des aut re s éléments ou au moins utiliser ces choses qui
possèdent en elles en abondance ce spiritus. Cat ces choses dans lesquelles ce spiritus est moins
immergé d an s l e c ot ps e t e st moi ns \ lni avec la mat iète, agissent plus pu issamment et plus
parfaitement de même· qu'elles engéndrent encore plus aisément leur semblable. Car en l ui réside
toute la ver tu génétative et séminaire». Cf. FICIN, De vita, III, III (KC, p. 257) ; MAnON (1993),
pp. 166-169.
29 AGRIPPA, De occulta philosophia, II, LVI (PC, p. 385).
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HIROHIRAl
nous faut rappeler qu'au-dessous de l'âme du monde, il y a la natur e, p le ine desemences invisibles et spirituelles, qui engendreles êtres sublunaires.
Sans mentionner le nom d u métaphysicien florentin, Agrippa résume sousl'autorité des «Platoniciens»les idées essentielles de Ficin surles semences spirituelleset sur l ' ~ e . du monde et son véhicule. Avec le succès du De occulta philosophia, ilentame amSi le processus qui efface le nom de Ficin et attribue toutes ces idées aux<<Platoniciens», autorités certes vagues, mais plus impressionnantes.
Le rôle de Fernel: le concept ficinien dans la médecine académique
~ e r n e l \1497-1558) acquis une notoriété qui a traversé l'Europe entièrepar ses ecnts, pratlques et enseignements dans la faculté de médecine de Paris. Dansl'histoire de lamédecine à la Renaissance, il occupeune place tout à fait particulière3o •Notamment, pour réconcilier le nouveau Galien des humanistes avec la foi chrétiennele médecin du roi Henri II e t de la r eine Cathe rine de Médici s a eu r ecou rsplatonisme chrétien émanant du milieu florentin. Son ouvrage De abditis rerum causis
(paris, 1548), rédigé sous forme de dialogue entre trois savants, expose le fondementde sa ~ h i l o s o p ~ i ~ médicale. En se basant sur la croyance à laprisca theologia, il se meten quete du «diVln» dansla nature et dans la médecinepar l'harmonisation des diverstypes s a g e s ~ e antiqueJ!. T r ~ s ,lu jusqu'aumilieu du dix-septième siècle, cet ouvrageexerçait une mfluence considerable sur les philosophes naturels et médecins de
l'époque.. La. pa:ticularité de la philosophie médicale de Fernel se doit principalement à
son ~ c l m a ; l O ~ platonicienne, voire ficinienne. Il utilise le concept de semence pour .expliquer l ongme de la forme et de la vie des choses naturelles. Pour Fernel, la forme(ou espèce) immigre subitement dans la matière soumise lorsque celle-ci est bien
d ~ s ~ o s ~ e . I l faut? outre la forme et la matière, un troisième principe pour lageneratlon. Il s'agit de la cause efficiente et intermédiaire entre Dieule Créateur et leschoses créées. En identifiant ce principe au ciel, Fernel affirme que les formes sontenvoyées par le Créateur à travers le ciel. Pour lui, les animaux qui semblent naîtrepar la génération spontanée prennent vie de la matière pourr ie «par la force du
spiritus céleste». En fait, en se fondant sur les deux passages énigmatiques d'Aristotedans le De la génération des animaux: «les animaux et les végétaux naissent dans laterre et dans l 'eau , parce que dans la ter re existe de l 'eau , dans l 'eau du souffle
30 Voir,Diet!onary of Scientific Biography, 4 (1971), pp. 584-586; 1. FiGARD, Un médecin philosophe au
xvr Steele: e t u ~ e sur la psychologte deJean Fernel, Paris 1903; C. SHERRINGTON, The Endeavour ofJean
Fernel, CambrIdge 1946; M. 1. BIANCHI, Occulto e manifesto nella medicina deIRinascimento:Jean FermI
e Ptetro Severmo, «Atti e memorie dell'accademia Toscana di scienze e lettere», 47 (1982), pp. 183248. Nous avons ut il i sé comme texte: Ioannis Fernelii Ambiani, De abditis rerum causis libri duo,
FranCiS Haàe, Leyde 1644. Je prépare une étude approfondiedans le projet «Jean Fernel's De abditis
rerum caustJ (1548): Galemsm, Humanism and Neoplaton ism in Renaissance Medicine» au
Wellcome Trust. Je remercie S. Matton pour ses précieuses remarfjues dans cettesection.
31 Sur la prisca theologia chez Fernel, voir J . J . BONO, RefoYm and the Languages of Renaissance Theoretical
Medtctne: Harvey versus Fernel, «Journal of the History of Biology», 23 (1990), pp. 341-387, icipp. 350-356.
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ACCADEMIA IV (2002)
!pneuma), et que celui-ci esttout entierpénétré de chaleur psychique, si bien que toutest en que lque sor te plein d 'âme» e t «il y a tou jour s dans le spe rme ce qui r endfécondes les semences, c'est-à-dire ce qu'on appelle la chaleur, or cette chaleur n'estni du feu ni une substance de ce genre mais le souffle !pneuma) emmagasiné dans lesperme et dans l 'écumeux, et la nature inhérente à cet espri t et qui est analogue àl'élément astra1», Fernel déduit du ciel cette force formatrice du spiritus enfermé dansl ' humidité de la matière32 • Ainsi, tout reçoit la forme à par ti r du ciel par
l'intermédiaire de ce spiritus. Mais comment? Pour l'expliquer, il introduit la notiondu «séminaire de vie» (seminarium vitae), réservoir des semences. Pour la continuitédes espèces naturelles, la nature a envoyé le séminaire de vie à ces êtres à partir du cielqui, par son mouvement, sa lumière et son spiritus, envoie les espèces, pour ainsi diretransportées par des véhicules, dans la matière. Ce spiritus est divin, descend du ciel etpréparela matière pour la configuration d'un corps où il s'installe comme gouverneur.
Puis, Fernel explique les semences des choses. Selon lui, en disséminant lessemences invisibles dans les cieux et dans les choses terrestres, Dieu le Créateur aintroduit une force procréatrice. Cette force est divine maisnaturelle, propre à chaqueêtre et préparée pour la conservation de toutes espèces33
• Elle règne sur le mondeélémentaire et est responsaqle de la génération des choses naturelles. A cet égard,Fernel introduit le concept «platonicien» des «semences des raisons» (semina
rationum) en ces mots:
Donc, lorsque Dieu qui existetoujours avait érabli ce premier univers, il l'a entouré de
l'âme éternelle du monde à l 'extér ieur de celui-là et l'a étendue du milieu à traverstout. Ensuite, une fois achevée la t rès belle fabr ique du monde, il lui a introduit
cettaines semences des raisons et a divinement mis en place le commencement de la viepour qu 'i l engendre aussi la force procréatrice avec le monde (...}. Ainsi, quand lemonde a été étabÎi , Dieu a préparé la force procréatrice en disséminant dans le corps dumonde, et surtout dans le ciel, certaines semences des raisons et l a force des choses àengendrer par laquelle le monde se remplirait d'animaux, de plantes et d'autres chosespérissables, en proportion de la multitude des i dées qui s on t d an s la divine
Intelligence, et cemonde deviendraitsimilaire à sonmodèle34•
Fernel s 'appuie ensui te sur un passage du rimée de Platon qu i nous f ai tcomprendre le rôle de ces divines semences. Dans ce passage soùs forme d'oracle, leDémiurge ordonne aux fils démiurgiques d'engendrer les choses mortelles et prometde leur préparerles semences à partir desquelles ils travaillènf5. Pour Fernel, Dieule
32 FERNEL, De abditis, 1, VIII, pp. 89-90. Cf. ARISTOTE, De la génération des animaux, III, 1l;762 a-b;II , 3, 736 b-737 a respectivement. Voir aus si A. PREUS, Science and Philosophy in Aristotle's
Generation of AnimaIs, «Journal of the History of Biology», 3 (1970) , pp. 1-52; A. PICHOT, Histoire
de la notion de vie, Paris 1993, p. 10 8 sq . (sur la génétation spontanée chez Aristote);
G. FREUDENTHAL, Aristotle's Theory of Material Substance: Heat and Pneuma, Form and Soul, Oxford1995, pp. 107-110;J. G. LENNOX, Aristotle's Philosophy ofBiology, Cambridge 2001, pp. 229-249.
33 FERNEL, De abditis, 1, X, p. 104.
34 FERNEL, De abditis, 1, IX, p . 98 .
35 FERNEL, De abditis, 1, IX, pp. 98-99: «Platon le conf irme en rappelant que ce Dieu éternelavai tadressé la parole au monde, aux étoiles et aux démons qu'il appelle «dieux des dieux» comme s 'i lsétaient engendrés de la semence des dieuxpuisqu'il leur accordait la force d'engendrer: 6 les dieux des
dieux dont je suis l 'auteur et le père, écoutez ceci {...J. Il nous reste encore trois genres de choses mortelles à
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FTRîlH IRAI
Créateur est ce «semeur» des «semences platoniciennes». Le choix de ce passage est
très significatif puisqueà part ir d'ici i l est facile de relier l '«oracle» au «verbe» de
Dieu. Ainsi, il établit la connexion explicite entre les divines semences et le verbe
johannique. il dit: «Quelle est la force de ces verbes quece Père semeur et fondateurdes choses a int roduit s tantôt dans les c ieux tantôt dans la nature universe ll e dumonde: Je vous donnerai la semence et le commencement? N'y a-t-il pas introduitpar le
verbe une force de procréer en disséminant les semences des choses à engendrer? Ce
sont les instruments de la volonté divinepar lesquels ces imitateurs de leur fondateur
façonnent les corps des choses mortelles, et finalement, une fois le principe immortel
reçu, les gouvernent»36. Dieu a introduit la force procréatrice en disséminantpar ce
verbe les semences qui sonr les «instruments» (organa) de la volonté divine. En elles
réside le principe qui gouverne les choses terrestres, principe qui comprend aussi les
lois des destins37•
Ce développement sur le divin verbe est une préparation à l ' introduction desdoctrines chrétiennes. En s'appuyant sur lePsaume, 32 (33), 6, Fernel dit:
Si j e n 'entendais pas que ce sont les doctrines de Platon, je les considérerais toutes
comme l'interprétation de certe sentence prophétique: Par le verbe du Seigneur les cieux
ontété faits, et par le spiritus de sa bouche toute leur vertu. En cela, SOnt comprises ces trois
choses, le Seigneur , le verbe et le spiritus, par lesquels les cieux ont é té établis et
desquels toute leu t vertu a été reçue. Quelle e st donc cet te vertu des cieux? C'est
assurément ce que Denys l'Aréopagite interprète par le nom tantôt des raisons tantôt
des modèles38•
Par ce rapprochement entre le platonisme et le christianisme, Fernel fortifie sa
théorie de l'intervention des divines semences dans l'histoire de la Création.Et son
concept acquiert une nature nettement cosmogonique. De cette manière, i l fai tintervenir le verbe et le spiritus du Seigneur pour l'insertion de la force procréatrice
dans le monde à travers les semences invisibles. Puis, il expliquele «véhicule» de ces
semences. Il s 'agit du spiritus mundi auquel i l rel ie naturellement le spiritus du
Seigneur de la_Genèse, 1, 239• Pour Fernel, ce spiritus transporte aux choses terrestres
non seulementles formes (ou espèces) mais aussi la chaleur innée et vitale, voire la vie
elle-même entretenue par cet te cha leur . Avec cet te idée, i l modif ie la théorie
tradit ionnelle médicale de la chaleur innée. Chez lui , el le doit être distincte dela
engendrer {. .. j. Pour donc qu'ils soient mortels, allez et appliquez-vous, selon votre nature, à la procreation des
animaux, en imitant ma force dont je me suis servi à votre naissance (... j. Je vous donnerai leur semence et leurcommencement {... j». Cf. PLATON, Timée, 41 A-D. .
36 FERNEL, De abditis, I, IX, p. 99. Il s'agit bien sûr du verbe de Dieu dans leprologue de l'Evangilede JEAN, I, 1.
37 Surles lois desdestins transportés par lesvéhicules, voir PLATON, Timée, 41 E.
38 FERNEL, De abditis, I, IX, pp. 99-100.
39 FERNEL, De abditis, I, X, pp. 104-105: «Le spiritus mundi, véhicule des ces [vertus] et diffusé dans
le ciel en toute son universalité, communique à toutes choses en même temps l 'espèce e t l a chaleur
innée, vitale et appropriée à engendrer et à conserver ces choses. Il les contient toutes et les réchauffe
toutes par la chaleur et la vie, pour que rien ne soit quelque part sans être rempli de sar ichesse. Par
sa force et sonpouvoir, chaque chose inanimée persiste et chaque chose animée a l 'âmede songenre[...}".
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ACCADEMIAIV (2002)
chaleur des quatre quàlités élémentaires: Dans l'être animé, il faut quelque chose qui
ne se dédui t pas de la sphère des éléments . I l s 'agi t de la cha leur dérivée du ciel
jusqu'aux corps terrestres parle moyen de lalumière occulte. Cette conceptionest le
point central de la physiologie fernélienne40•Enfin, Fernel expose la doctrine cosmogonique des «Platoniciens». Selon lui,
Platon a admis les trois êtres coéternels, le Bien, l'Intelligence et l'âme du monde.Le
Bien est Dieule père et l 'auteur de toutes choses. Il précède l 'Intell igence qui en
découle comme la lumière rayonnée (lumen) provient de lalumière de source(lux) du
soleil. Cette Intelligence divine est lefils du Bien. De l'Intelligence judicieuse émanel'âme du monde comme splendeur du soleil qui souffle à travers toutes choses et quiles anime4J. Ce passage est important parce qu'il résume bien la généalogie des trois
hypostases développée par Ficin, souvent avec la métaphore du solei l, dans les
commentaires sur les dialogues de Platon et ailleurs. Dans cette généalogie, Fernelfait
de nouveau intervenir les semences des raisons:
Aurour du premier qui est lepère de toutes choses, i ly a l 'idée s imple et indivisible de
l a b on té . D e celle-ci, comme d'une source immense et inépuisable découlent les
innombrables variétés d'idées tout comme d'un seul et s impl e r ayon de lumière se
distinguent de ' nombreux et d i fféren ts r ay on s d an s l e c ie l. L'Intelligence divine
recueille ces idées de toutes choses, de sorte qu'il y a ces choses secondes par rapport au
deuxième et cette Intelligence embrasse, pour ainsi dire, en son sein les idées éternelles
de toutes les choses qui existent, qui ont existé e t q ui existeront un jour. En outre, à
partir de ces idées émanent lesraisons des idées, introduites dans l 'âme du monde, et à. dl' l 42partir des raisons se répandent les semencesdesraisons ans escieuxet esas tres .
Ce dével oppement sui t de t rè s p rès l a d is cussi on c o s ~ o g o n i q u e d ~ n scommentaire de Ficin surle Banquet de Platon, autrement appeleDe amore. C est lCl
que Fernel expose pleinement l'idée ficinienne des semences avec celle du spiritus
mundi, en déclarant:
Toutes les choses qui sont mortelles dans le monde sontsoutenues par leur ptopre idée
et modèle 'lu'embrasse cette Intelligence divine et universelle. Les idées à travers leurs
raiso';sreliées à l'âme du mondeet celles-ci, transpottées ici-bas par le spiritus mundi, à
travers les semences des raisons mises dans les corps des cieux, dirigent la naissance et
le gouvernement des choses rout comme l ' âme de notre corps maintient et surveille les
natures, les forces et les fonctions de chaque partie par les spiritus et les forces qu'elle
envoie [00. pour} que toute la naissance et l 'administration des choses se manifestent des
s emences des c ieux , des r ai sons d e l 'âme du monde et des i dées qui son t d an s
l 'Intelligence divine, en sorte que routes choses soient enfin reportées à ce principe
simple et unique [oo.}43.
40 Voir FERNEL, La physiologie, t rad. f r. de Charles de SAINT GERMAlN (1655), Paris 2001 , pp . 283
291; E. MENDELSOHN, Heat andLift: The Deve!opment of the Theory ofAnimal Heat, CambridgeMass.
1964, pp. 24-26;T. S. HALL, ldeas ofLift and Matter, Chicago 1969, pp. 198-199.
41 FERNEL, De abditis, I, X, p. 106. Cf. HIRAI (2002), § 2-3.
42 FERNEL, De abditis, I, X, pp. 106-107 . Voir FICIN, Commentaire sur le Banquet de Platon, II, II!-IV (éd. MARCEL, pp. 149-151; éd. LAURENS, p. 27 sq. ); ID. , Commentaire sur le Timée de Platon, X lU
Opera, Bâle 1576, p. 1442. Cf. M. J. B. ALLEN, Marsilio Ficino on Plato, the N . e ~ p l a t o n t s t s and the
Christian Doctrine of the Trinity, «RenaissanceQuarterly», 37 (1984), pp. 555-584, ICI pp. 572-573.
43 FERNEL, De abditis, I, X, p. 107.
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Tout comme chez Ficin et Agrippa, par l'échelle de la transmission successIve
de la providence divine, les idées se trouvent dans l'Intelligence et les raisons dans
l'âme du monde chez Fernel. Mais celui-ci place les semences dans les cieux plutôt
que dans la nature qu'elle soit universelle ou particulière.iCe point marquerait une
grande différence par rapport à la théorie originelle de Ficin qui les plaçait dans lanature.
A partir d'ici, plus directement qu'ailleurs, Fernel sebase sur leDe vita cœlitus
comparanda de Ficin. Pour lui, le mondeélémentaire estun corps animé quivit grâce
à une âme. Bien que le monde soi t un animal, il s'écarte du corps des animaux auniveau de la dignité et de la divinité. Son âme est beaucoup plus noble que le corps
des êtres mortels. Selon Platon, continue-t-il, l 'âme la plus hauteet la plus heureuse
réside dans le corps le plus beau. L'âme universelle du monde est la donatrice des
formes et réchauffe les âmes des particuliers. C'est d'elle que tous les êtres tirent leur
origine. Mais le corps du mondeet son âmeont besoin d'un médiateur tout comme lecorps humain a besoin de trois sortes de spiritus (animal, vital et naturel) afin de se
rel i er avec l'âme44
• Selon Fernel, le corps concret du monde s'éloigne
considérablement de son âme dépourvue de toute corporéité. Pour qu'ils puissent
communiquer, il faut une nature intermédiaire. C'est lespiritus éthéré et divin du
monde qui se relie au corps et à l 'âme en tant que «nœud» (nexus) ou «lien»(vineulum)4:J. Comme dans le cas de la chaleur innée, Fernel modifie
fondamentalement la nature des spiritus qui é ta it pour la plupart des médecins
scolastiques une vapeur matérielle extrêmement fine et raréfiée46• Chez lui, les spiritus
danslesêtres animés en tant qu'instruments nécessaires à toutes les fonctions de l 'âme'
et du corps, sont d'origine céleste.l i est alors tout à fait naturel de penser qu'il existedansle mondeun certain spiritus universel qui est éthéré, lucide, divin et céleste. C'est
sous l'autorité de Plotin qu'il considère, en s'inspirant duDe vita cœlitus comparanda
de Ficin, ce spirituS éthéré comme diffuseur du séminaire de vie. li dit:Plo ti n a j ugé que de l'âme du monde se répand tout entière dans ce [spiritus] qu'elle
procrée par sa fotce féconde comme si elle en étai t enceinte. Diffusé et inséré à ttavers
tout, cet auteut le plus proche de routes choses à engendrer, et totalement vivifiant,
répand le séminaire de vie dans les choses. En f ai t, l a compagne de ce [spiritus] est
l'ardeur céleste et divine qui communique à toutes les autres natures la chaleur
44 Pour. la théotie traditionnelle des spiritus médicaux, voir J.J. BONO, Medical Spirits an d the
Medieval Language of Life, «Traditio», 40 (1984), pp. 91-130. Cf. G. VERBEKE, L'évolution de la
doctrine du pneuma du stoïcisme à S. Augustin, Pat is 1 945; O . TEMKIN, On Galen's Pneumatology,
«Gesnerus», 8 (1951), pp. 180-189; Spiritus: Atti deI V" Colloquio lnternazionale deI Lessico Intellettuale
Europeo (Roma, 7-9 gennaio 1983), éds. M. FATTORI ,t M. L BIANCHI, Rome 1984.
45 FERNEl, De abditis, J, x, p . 108. Cf. FICIN, De vita, III, III (KC, p. 255); HIRAI (2002), pp. 273274.
46 Pour son concept de spiritus, voir FIGARD (1903), pp. 103-104 , 231-234; BIANCHI (1982),
pp. 188-218; A. ClERICUZIO, Spiritus vitalis: studio sulle téorie fisiologiche da Fernel a Boyle, «Nouvelles
de la Républ ique des lettres», 8 (1988), pt. II, pp. 33-84, ici pp. 36-39; BONO (1990), pp. 356
364; C. DESsl, Marsilio Ficino, Jean Ferne! e 10 spiritus, in Filosofia, scienza, storia: studi in onore dG-
Alberto Pala, éd,A. CADEDDU, Milan 1995,pp. 203-219. -
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ACCADEMIA IV (2002)
salutaire et vitale qui,diffusée dans toute la nature, engendre, conserve, nourrit,
augmenteet soutienttous les êtresanimés et toutes lesplantes47.
Ce spiritus universel et éthéré transporte non seulement le séminaire de vie,
réservoir des divines semences, mais aussi la chaleur vitale, divine et céleste. Ce
spiritus sediffuse dans touteslesparties du mondeet se mélange avec toutes choses. lise comporte en fait comme un véhicule des semences. De cette façon, les semences
invisibles serépandent partout depuis le ciel et semélangent avec toutes choses. Ainsi,
dans la philosophie naturelle et médicalede Fernel, lespiritus mundi qui est l'origine
des spiritus physiologiques est directement relié aux semences célestes des chosesnaturpH"s.
Le cas de Paracelse: l'ombre d'Augustin
Tout parallèlement et indépendamment de Fe rne l, le médeci n su isse
Théophraste de Hohenheim dit Paracelse (c. 1493-1541) a contribué d'une manièredécisive au développement du concept de semence à la Renaissance48• li est vrai quesa connexion directe avec la pensée ficinienne reste encore une question ouverte àl'heure actuelle. Mais comme nous trouvons chez lui une manifeste inclination
néoplatonicienne et comme ses disciples trouvaient les idées paracelsiennes sur les
semences des choses et des maladies, compatibles avec celles de Ficin et de Fernel, il
estlégitime de lesexaminer49•
li nous faut noter que Paracelse n'a pas laissé de monographie sur son conceptde semence. Mais i l l 'aborde à plusieurs reprises dans son œuvre. Lorsque nous
observons de près son texte , nous pouvons comprendre que son concept se rel ie
étroitement au fondement de sapenséephilosophique et théologique50 •
Dans le trai téDe mineralibus, Paracelse appelle le commencement de chaque
être «matière première» (materia prima). Il s 'a gi t de la première é ta pe d u
développement individuel. Elle est identifiéeà la «sem.ence» (sam). Quant à l a f in de
chaque individu, el le est appelée «matière ult ime» (materia ultima) , terme du
47 FERNEl, De abditis, J, x, pp. 108-109. Sa source est FICIN, De vita, III, III (KC, p. 256). Cf. HIRAI(2002), § 5.
4S Sur Paracelse; voir K. GolDAMMER, Paracelsus: Natur und Offenbarung, Hanovre 1953; ID.,
Paracelsus in neuen Horizonten,Vienne
1986; W.PAGEl,
Paracelsus: An Introduction to Philosophical
Medicine in the Era of the Renaissance, Bâle 19581/1982
2; Paracelsus (1493-1541), éds. H. DOPSCH ET
Al., Salzburg 1993 . Voir comme t ex te l 'éd. de K. SUDHOFF: Theophrast VON HOHENHEIM, gen.
PARACElSUS, Sâ'mtliche Werke, Abteilung 1, 14 vols. Munich-Berlin 1922-1933 (réimpr. Hildesheim
1996).
49 Sur Ficin et Paracelse, voir toutefois PAGEL (1958/1982), pp. 174-177, 218-226; GolDAMMER
(1986), passim; 1. SCHÜTZE, Zu r Ficino-Rezeption bei Paracelsus, in Parerga Parace!sica: Paracelsus in
Vergangenheit und Gegenwart, éd. J. TEllE, Stuttgart 1991, pp. 39-44.50 Voir H. HIRAI, Les logoi spermatikoi et le concept de semence dans la minéralogie de Paracelse, «Revue
d'histoire des sciences», à paraî tre . Cf. D. R. OlDROYD, Some Neo-Platonic and Stoic Influences on
Mineralogy in the Sixteenth and Seventeenth Centuries, «Arnbix», 21 (1974), pp. 128-156, ici pp . 132
136.
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H1''''HIRAI
développement individuel. Elle est conçue comme «fruit»lfrucht)51. Bien qu'il utili-s'e
le terme <<lllatière», il ne signifie pas de chose matérielle mais simplement le point de
départ et lafin de chaqueindividu. Ainsi,pour Paracelse, toutes choses ont été créées
par Dieu le Créateur sous forme de semences invisibles et spirituelles. Les choses
naturel les y compris les minéraux et l es métaux vivent et croissent selon la«prédestination» (praedestinatio) que le Cré at eu r a imposée dès le début à leurs
semences. Elles sont destinées à l'usage des hommes qui les récoltent à maturité en
tant quefruits. Commeles semences végétales, elles portent leurs fruits à laSaison de
récolte, terme du délai préfixépar Dieu de la même manière que les semencesdu bléont leur «temps» (tempus) biologique. Cet te durée de la croissance de chaque
individu a donc une connotation biologique, voire végétale52• Chaque être croît de sa
propre semence selon la part iculari té de son espèce déjà en elle programmée. Au
terme du développement, ces fruits sont récoltés par les hommes principalement en
tant que nourri ture ou médicament. Dans le corps de ces fruits, Paracelse distingue
deux choses: l'une est l'écorce, corps visible, qui ne vaut rien et l'autrele noyaupur
et essentiel, corps invisible. Il appelle ce noyau «spiritus», c'est-à-dire son essence,
voire sa quintessence; qui détient le secret de la vie de chaque corps. C'est cespiritusinvisible qui fabrique le corps visible de chaque chose3•
La nature universelle est conçue comme un grand sac de semeur qui contient
pêle-mêle toutes les semences réunies des choses naturelles54. L'idée du sac de
semencesest en fait très proche du «séminaire» (seminarium) de Ficin. Ce semeur est
Dieu le Créateur judéo-chrétien comme chez Fernel. Pour Paracelse, chacune de ces
semences spirituelles enferme les «trois premiers»(drei ersten) qui sont le Soufre, le
Sel et le Mercure'5. Il s'agit de la célèbre théorie paracelsienne des trois principes(tria
prima) des choses naturelles. En réalité, ce ne sont pas des substances naturelles qui
portent l es mêmes noms mais des dénominat ions symboliques propres à leurs
fonctions. Il ne faut donc pas les comprendre comme les causes matérielles des
Scolastiques en les rangeant au même niveau que les éléments aristotéliciens.En fait,
ces trois se trouvent dans toutes choses. Mais chacun des trois est multiple.Un être
possède sa propre combinaison de Soufre, Sel et Mercure. Il existe autant de sortes de
51 PARACELSE, De mineralibus, l (SUDHOFF, III, pp. 32-33).
52 PARACELSE, De mineralibus, l (SUDHOFF, III, pp. 34-35). Sur sonidée de la prédestination,voir J.
P. BRACH, Quelques aspects de la doctrine de la prédestination chez Paracelse, «Aries», 19 (1995), pp. 20
25. Sur son symbol isme végétal , vo ir K. GOLDAMMER, Pflanze und pflanzliches Wachstum aIs
Symbolkomplexbei Paracelsus, «Salzburger Beitriige zur Paracelsusforschung»,8 (1969), pp. 115-131.
53 Selon PARACELSE, De mineralibus, l (SUDHOFF, III, p. 39), l'homme possède aussi le corps binaire:l'un dense qui ne vaut r ien et l'autre essentiel qui e st son corps a st ra l. Sur le corps a st ra l, voir
D . P . WALKER, The Astral Body in Renaissance Medicine, «Journal o f t he Warburg and Courtau ld
Institutes», 21 (1958 b), pp. 119-133; PAGEL (1958/1982), pp. 117-121; E. W. KAMMERER, Das
Leib-Seele-Geist-Problem bei Paracelsus und einigen Autoren des 17. Jahrhunderts, Wiesbaden 1971 (trad.
fi.: Le problème du corps, de l'âme et de l'esprit chez Paracelse e t chez quelques auteurs du XVIr siècle, in
Paracelse, éds. L. BRAUN ET AL, Paris 1980, pp. 89-231).
54 PARACELSE, De mineralibus, l (SUDHOFF, III, pp. 41-42).
" Sur la théorie des t rois principes, voir R. HooYKAAS, Chemical Trichotomy before Paracelsus?,
«Archives internationales d'histoire des sciences», 2 (1949), pp. 1063-1074; PAGEL (1958/1982),pp. 100-104.
- 122-
ACCADEMIA IV (2002)
Sels, Soufres et Mercures qu'il y a autant d'individus dans le monde. Paracelse dit
dans l'Opus paramirum :
Chaque semence est une tr ip le semence, à savoir une semence dans laquelle les r rois
substances coexisrent er croissent. Comme seule une semence apparaî t , on voit que ces
trois choses ne font qu'un. En effer, chaque composante de la semence est unie et non
divisée. Il s 'agi t d 'une conjoncrion même de'l'unité [...}. Ainsi ces trois substances
croissent en étant mélangées dans l'uniré er conjointes pendant toute sa durée et encore
ensemble [...}. Ainsi sachez comme p ti nc ip e d e ces choses qu'elles croissent en
s'urlissant entte elles pour ne faite qu'un et quechacunea safonction pour contribuer àachever le corps56.
La t riade, uni té des tria prima, est dans la semence. La semence visible est
conçue clairement comme une écorce corporelle qui n'est pas la vraie semence.En
revanche, celle-ci réside sous forme d'unité des tria prima en elle. Cette triade elle
même en un corps est donc le contenu de la vraie semence invisible et spiri tuelle.
Pour Paracelse, ces tria prima déterminent lanature de chaque individu qui sefait à
travers la séparation spécifique suivant fidèlement le dessein original de Dieu. Mais le
Créateur lui-mêmen'effectue pas directement cettetâche.Tout comme il délègue aux
semences le rôle de messager de son dessein, un agent spirituel et personnifié
s'interpose. Paracelse l'appelle «archée» (archeus). Cet «ouvrier», administrateur
démiurgique , e ffec tue les opéra tions à l 'intér ieur de chaque corps en tant que
chymiste interne. L'archée arrange convenablement ces tria prima en choisissant selon
la substance prédestinée de l 'être un Soufre pour le corps, un Mercure pour les
propriétés e tun Sel pouda construction dela masse57 .
Quant aux éléments, Paracelse admet les quatre éléments traditionnels mais
modifie leurs rôles.Pour lui, les éléments, terre, eau, airet feu (ou plutôt firmament),
sont les matrices cosmologiques des choses naturelles. C'est eux qui enferment les
semences des choses. Les quatre éléments ne sont donc non plus conçus comme les
causes matér ie ll es dans le sens des Scolast iques mais comme les réceptacles
(behalter)58. Ces matrices réchauffent les semences des choses jusqu'à leur maturation
en tant quefruits.
C'est aveè la discussion sur l'origine des semences que le concept paracelsien
prend une tou rnure t ou t à fait part iculière. Il va pl us l oi n que F er nel dan s
l'interprétation de la Création du monde selon la Genèse. Pour lui , Dieu a d'abord
créé du «néant» (nichts) «quelque chose» (etwas) qui s'identifie à la semence'9. Ce
56 PARACELSE, Opus paramirum, I I, 1(SUDHOFF, IX,p. 82).
57 Sur l 'archée, voir PAGEL (1958/1982), pp. 104-112; H. DANTER, Der Begriff 'Archeus' bei
Paracelsus, in Der Mensch ais Persô""ichkeit und Problem, é d. E. HERBRICH, Munich 1963, pp. 129168; G. ZANIER, Platonic Trends in Renaissance Medicine, «Journal of the History of Ideas», 48
(1987), pp. 509-519, ici p. 515.
58 PARACELSE, Opus paramirum, IV (SUDHOFF, IX,p. 194). Sur l 'idée du réceptacle chez Platon, voir
PLATON, Timée, 49 A et 51 A; F. M. CORNFORD, Plato's Cosmology, London 1937, pp. 177-178,
181-188. Sur les éléments matriciels de Paracelse, voir R. HOOYKAAS, Die Elementenlehre des
Paracelsus, «Janus», 39 (1935), pp. 175-187; PAGEL 0958/1982), pp. 82, 95-97, 129-130;GOLDAMMER (1986), pp. 272-275.
59 PARACELSE, Labyrinthus medicorum errantium, V (SUDHOFF, XI,p. 187).
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HIROHIRAI
n'est pas la sèmence du monde lui-même mais'celle des éléments.Pour Paracelse, de
ce«quelque chose» poussent les quatre tiges qui, ense matérialisant, deviennent les
quatre éléments. Dans chacun de ces quatre éléments résident les trois part ies
correspondant aux triaprima. Dans ces éléments se cachent tous les êtres «bien qu'ils
ne soientpas encore formés»60.
Dans le De meteoris, Paracelse affirme davantage que les corps des quatre
éléments ont été créés du néant dans lacreatio ex nihilo seulement par le mot «Fiat»
de Dieu. Le néant duque l a é té fai t l e «quelque chose» devient par ce mot une
substance et un corps. En fait, le corps de chaque élément se divise en trois espècescomme le mot «Fiat» est un corps triple correspondant à la Sainte Trinité. Les troisparties construisent la matière première des quatre éléments. Ces t rois , é tant la .
matière première, possèdent un seul nom. Comme les trois personnes, le Père, le Fils
et leSaint Esprit, dans la divinité, chacun d'eux sesépare selon satâche. Sousun seul
nom «matière première», les trois tâches sont comprises. Ces tria prima ont été divisésparDieu en quatreparties.De cefait, toutes choses ont été séparées en quatre corps,
t irées à part ir d'une matière, qui , étant triple, provient du mot «Fiat»61. il fautrappeler que dans leDe mineralibus, Paracelse affirme: «Lepremier était avecDieu».
Comme le d it l'Evangile de Jean, I , 1, ce premi er (pri nci pe) signi fi e la parol e
primordiale de Dieu. Le mot «Fiat» s'identifie au verbe de Dieu. il s'agit de ladoctrine théologique du verbe,Logos spirituel, très similaire à celle que nous avonsobservée chez Fernel62• Pour Paracelse, toutes les créaturesont été enfermées dans le
verbe primordia l de Dieu. C'est ce verbe qui é ta it au début avec Dieu e t qui a é té
semé comme semence du monde par le Créateur. Dans l'Opus paramirum, il affirmeque lamatière première (semence)du monde est le«Fiat» de Dieu63 .
Pour Paracelse, Dieu a créé toutes choses sous forme de semences particulières.
Lors de la Création, elles étaient à l'état latent dans la semence des éléments. Celle-ci,
à son tour, a été fai te du néant par leverbe de Dieu, non créémais coéternel, <iui a été
semécomme semence du monde au début de la Création. Chez le médecin suisse, ce
déroulement séminal du monde a donc t rois é tapes majeures: 1) verbe-semence,
2) semence des quatre éléments et 3) semences particulières. Les créatures étaient
autrefois sous forme séminale dans la semence des éléments et originellement dans le
verbe spirituel et coéternel de Dieu. Ainsi, la volonté divine est transmise à travers le
temps dès la Création jusqu'à nosjours parle moyen deces semences spirituelles.
60 PARACELSE, Philosophia de generationibus et fructibus quatuor elementorum, l , l e t VI (SUDHOFF, XIII,
pp. 9 et 12-H).
61 PARACELSE, De meteoris, II (SUDHOFF, XIII , pp . 134-136). Sur l a doctrine de la trinité et la
cosmologie de Paracelse, voir H. RUDOLPH, Kosmosspekulation und Trinitatslehre: Ein Beitrag zur
Beziehung zwischen Weltbild und Theologie bei Paracelsus, «Salzburger Beitrage zur Paracelsusforchung»,
21 (1980), pp. 32-47.
6' PARACELSE, De mineralibus, 1 (SUDHOFF, I II , p. 34). Cf. W. PAGEL, The Prime Matter of Paracelsus,
«Ambix», 9 (1961), pp. 117-135, ici p. 119. S ur l a d oc rr in e c hr ét ie nn e du Logos, voir
J. LEBRETON, Les théories du Logos au début de l'ère chrétienne, «Etudes», 106 (1906), pp. 54-84, 310
332, 764-795; ID., Histoire du dogme de la Trinité des origines à saint Augustin, Paris 1919;
C. H. DODD, The Interpretation of the Fourth Gospel, Cambridge 1953, pp. 263-285; M. SPANNEUT,Le stoïcisme des Pères de l'Eglise, Paris 1957' /1969', pp. 295-323.
63 PARACELSE, Opus paramirum, 1, II (SUDHOFF, IX, p. 48).
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ACCADEMIAIV (2002)
En fait nous retrouvons dans la théorie des raisons séminales de saintAugustin
une idée t r è ~ proche. Dans le De Genesi ad litteram, il expliquait que les «raisons
immuables», archétypes des raisons séminales, ont été d'abord dans leverbe de Dieu,
en tant que «raisons éternelles non pas encore créées»64. Augustin appliquait cette
théorie principalement aux êtres vivants. Mais chez Paracelse, même les minéraux
végètent, poussent et possèdent une sorte de vie sous forme de spiritus vitae. il estdifficile de dire qu'Augustin est la source directe de son inspiration. Mais même s'iln'a pas connu directement ses enseignements, la longue tradition de l'augustinisme
aurait pu l'influenceé5•Comme nous venons de le voir, Ficin a combiné le concept de semence avecla
théorie thomiste de la forme substantielle et celle des semina rerum de Lucrèce.
Pourtant il ùavaillait en principe dansla perspective plotinienne. Fernel, de son côté,
concevait les semences ficiniennes comme les organes de la volonté divine, verbe
johannique. Pour l ui , D ieu le Cré at eu r a introduit dans le monde en tant que
«semeur»la force procréatrice à travers ces divines semences. Mais le verbe n'étaitpas
directement identifié à la semence primordiale de l'univers; Préoccupéd'interpréter la
Création de laGenèse, Paracelse a radicalement christianisé le contenudu concept,même s'il a été initialement inspirépar les idées ficiniennes comme Fernel. A notre
avis, i l a é tabl i son concept à la maniè re augustinienne . C'est désormais Dieu le
Créateur qui a semé au commencement le verbe archétype de «Fiat» en tant que
semence primordiale du monde.
La synthèse de Séverin :·la genèse de la «philosophie de semence»
L'œuvre de Paracel se exerce son effet rée l à parti r des années 1560 par lemouvement de la publication posthume, dit «renouveau paracelsien»66.Autour de
1570 apparaissent des écrits défendant l'ensemblede sa philosophienaturelle. Le plusimportant d'entre eux de not re point de vue es t sans dou te l'Idea medicinae
philosophicae (Bâle, 1571) du Paracelsien danois Pierre Séverin (Peder S0rensen)
(1540/42-1602)67. Dans cet ouvrage qui exercera une immense influence sur les
64 AUGUSTIN, De Genesi ad litteram, V, XII, 29 et VI, x, 17.
6' En tout cas , le De Genesi ad litteram a é té pub li é p ar Jean d'Amerbach (Bâle, 1506) e t p ui s p a r
Froben sous ladirection d'Erasme de Rotterdam (Bâle, 1528).
66 Voir 1. THORNDIKE, A History ofMagic and ExperimentalScience, New York 1941, V,pp . 617-651.Cf. D. KAHN, Paracelsisme et alchimie en France à ta fin de la Renaissance (1567-1625), rhèse de
doctorat, Univ. de Paris IV 1998 (Genèveà paraître).
67 Voir Petrus Severinus og hans Idea medicinae philosophicae, éd. E. BASTHOLM, Copenhagen 1979;
BIANCHI (1982), pp. 218-245; J. R. SHACKELFORD, Paracelsianism in Denmark an d Norway in the
16t h and 17t h Centuries, thèse de doctorat, Univ. of Wisconsin 1989; ID., Seeds with Mechanical
Purpose: Severinus' Semina and Seventeenth-Century Matter Theory, in Reading the Book of Nature, éds.
A. G. DEBUS et M.T . WALTON, Kirksville 1998, pp. 15-44; O. P. GRELL, The Acceptable Face of
Paracelsianism: The Legacy of Idea medicinae an d the Introduction of Paracelsianism into Early Moder:n
Denmark, in Paracelsui: The Man and His Reputation, éd. O.P . GRELL, Leyde 1998, pp. 245-267. VOIr
l ' édi t ion : Pet rus SEVERINUS, Idea medicinae philosophicae, fundamenta continens totius doctrinae
Paracelsicae, Hippocraticae et Galenicae, Sixte Henricpetri, Bâle 1571. C est la maison Henricpetri qui
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HTFnHIRAl
générations suivantes, il développe les thèmes fondamentaux de la philosophie
naturelle et médicale du médecin suisse en utilisant les idées ficiniennes systématisées
et introduites dans le contexte médicalpar Ferne!. En plaçant le concept de semence
.au centre de son système, il é tabl it une synthèse que nous pouvons qua li fi er de
«philosophie de semence».
Séverin réfute l e manqu e d 'e sp ri t c ri ti que des Gal én is te s qui sui vent
aveuglement leur chefen se basant sur les règles «géométriques»et qui réduisent lesactions de vie au mélange des corps matériels, des quatre faux éléments ou de leurs
qualités stériles. TI veut restaurerla médecine sacrée et antique dont Hippocrate étaitl'héritier orthodoxe. TI nous faut noter que, derrière cetteconviction,il y a unefermecroyance à la prisca theologia. Selon Séverin, parmi les Modernes, Fernel a tenté de
jeter une lumière sur la recherche de la vérité mais i l s 'est trop attaché au système
galénique. Malgré cette critique, Séverin connaît bien les enseignements du médecin
françai s e t lui doi t beaucoup. Après Ferne l vient Paracel se qui es t, pour lui , l e
«disciple de la philosophie mosaïque» et la «gloire de la Germanie». Suivant
fidèlement le médecin suisse, i l considère qu'i l existe une astronomie internequi
explique les constellations célestes dans le corps humain. Il demande d'appliquer
cette astronomie aux autres éléments afind'y trouver dansle fond uneentité radicale,
dans laquelle se cachent les causes des actions vitales, nécessairespour la réalisation
de la médecine universelle. TI appelle cette racine des éléments «semence» (semina),
«élément interne» (elementum internum), «baume» (balsamum) etc. Selon lui , l es
médecins doivent rechercher les semences qui produisent les «fruits annonciateurs»
de la santé et des maladies.Chez Séverin, comme chez Fernel, le point de départ de la discussion est le
passage énigmatique d'Aristote dans leDe la génération des animaux, I I, 3 , 736 b
737 a. Selon lui, le Stagirite considérait déjà que cette racine possède une puissancevitalequi dépasse la limite des éléments.TI réfute alors Fernel en ces mots:
Fernel déclatait ouvertement que quelque chose au-delà de ces qualités ordinaites des
éléments estexcellemment contenu dans la natute [. .,J.Mais épouvanté par la difficulté
de ces choses, il n'a déposé que les traces esquissées au seuil même de lavictoire[ . . . et]
a avoué qu'il ignorait l a nature, les fonct ions , les propr iétés et l es condit ions de cet
élément interne. Il affirme que les propriétés occultes et cachées sont contenues dans
cette famille [de choses}68.
Mais c'est justement sous l ' influence de Fernel que Séverin fait intervenir
l 'autori té de Platon. Pour l ui , dans la nat ure du baume se cachent les «raisons
séminaires» (rationes seminariae) des choses «danslesquelles triomphe la philosophiedes Platoniciens». TI faut rappeler que Ficin a avancé l'association de la doctrine desraisons séminales aux Platoniciens et que son terme favori étaitseminarium. Séverin
n'a ici recours ni aux Pères de l 'Eglise ni aux théologiens médiévaux, renommés
comme autorités de la doctrine des raisons séminales. Quant à Paracelse, iln'a jamais
appliquéles termes «rationes seminales» ou «seminarium» à son concept de semence,
publie les Opera de Ficin en 1576. Cf. F. HIERONYMUS, 1488 Petri-Schwabe 1988: Eine traditionsreiche
Basler Offizin im Spiegel ihrerfrühen Drucke, Bâle 1997.
68 SÉVERIN, ldea medicinae, II, pp. 15-16.
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ACCADEMIA IV (2002)
ni cité les «Platoniciens» à cet égard.TI nous faudrait donc chercher sa sourceauprèsde Fic in e t de Ferne!. En faveur de la parenté «platonicienne», Séverin ajoute ces
mots:
En considérant la continuité de ce monde avec l 'archétype, les Platoniciens ont saisi
une cer ta ine matière chatgée de la fécondité des tai sons conçues par l'âme du monde.
Par sa fonction, toutes les choses, qui étaient tranquillement contenues auparavant au
sein de la nature supérieure, se déployaient et se propageaient à des moments précis. En
outre, ils ont ~ f p e l é pour Cette raison la nature séminale «conservatrice et propagatrice
des semences» .
De ce fai t, Séverin a tt r ibue c la irement aux Pla toniciens l 'origine de la
contemplation sur l'élément interne, «matière chargée de la fécondité de la nature».
Ainsi, l 'idée ficinienne du séminairede la nature passe comme celle de Platonou des
Platoniciens.Le Paracelsien danois observe aussi un élément positif chez Aristote et son
disciple Théophraste. Selon lui, dans les recherches de la génération, en admirant les
fonctions tant ordonnées de la nature, ils ont aperçu l'incapacité évidente des quatre
éléments. C'est pourquoiThéophraste a introduit dans le traitéDes causes des plantes
l'idée du «principe vital de la nature»par lequel toutes choses végétales vivent.Pour
lui, Théophraste a signifiépar ce terme l'élémentinterne. Dans le passage en question
du De la génération des animaux, II, 3, souligne-t-il encore, le Stagirite indique lui
même un certain «corps divin» qui est d'un autre ordreque celui des quatre éléments.
Ce corps ne provient pas des quatre qualités. Séverin affirme qu'Aristote y a faitunemprunt à Platon pour cette idée du corps divin70• Il s'agit bien sû r d e l'idée«platonicienne», c'est-à-dire ficinienne, du seminarium.
Séverin é tabl it ains i une concordance présumée ent re Pla ton, Ari stote e t
Théophraste. Mais ce n'est pas tout. TI remonte jusqu'à la personne d'Hippocrate.Selon lui, le médecin grecn'a pas explicitement formulé l'idéede semencemais y est
presque arrivé. Nous savons qu'Hippocrate a refusé l'hypothèse des quatre qualités
comme causes des maladies dans le De l'ancienne médecine. Séverin relie la théoriehippocra tique de la dynamis comme cause des maladies à l ' idée des «qual it és
chaerioniques» de Paracelse71• Pour lui , c 'est cette notion de ladynamis qui gardele
secret de l'élémentinterne, semence balsamique, dont parle le médecin suisse. Puis il
identifie cet élément interne à la quintessence.Par ce rapprochement, il aboutit aux
Hermétistes, c'est-à-dire aux chymistes. TI dit: .«Des philosophes plus secrets qui,suivant Hermès, ont appri s à séparer l ' impur du pur en remarquant la nature
corruptible et puante des éléments superficiels, ont appelé cette matièretrèspure etcristalline «cinquième élément», «essence», «baume» [...J»72. TI faut rappeler que,selon Paracelse, les choses naturelles dévoilentpar la separatio puri ab impuro leurs
69 SÉVERIN, ldea medicinae, II, pp. 17-18.
70 SÉVERIN, ldea medicinae, II, p. 18.
71 SÉVERIN, ldea medicinae, II, p. 16. Cf. HIPPOCRATE, De l'ancienne médecine, XlV.
72 SÉVERIN, Idea medicinae, II, p. 20. Selon PARACELSE, Paragranum, III (SUDHOFF, VIII, p. 188), parla séparation des écorcés matérielles, l'arcanum de la chose apparaît et exerce un effet merveilleux. Cf.
GOLDAMMER (1986), pp. 346-357.
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HIROHIRAI
«arcanes» (arcana) qui exercent de grands effets médicamenteux. C'est l'origine de
cette idée quele Paracelsien danois veut attribuer aux chymistespour placer Paracelse
dans latradition delaprisca chymia.
Ainsi Séverin trouve une concordance des idées chez les éminents philosophes
anciens et modernes. La multitude des termes ne l'empêchepas de les concentrer en
une divine substance vitale qui est au-delà de la sphère des éléments. C'estle principe
vital de Théophraste, la source des actions naturelles, l 'auteur de la fécondité et le
modérateur des générations et des corruptions. Cet élément interne réside dans les
éléments externes en tant que racine ou semence d'où proviennent par la suite les
quatre qualités des Scolastiques.Après avoir établil'idée de l'élément interne, Séverinl'applique aux trois règnes
dela nature. Au cours de sa discussion, il essaie d'incorporerles théories médicales del a chal eu r i nnée et de Thumeur radicalel3 . Qu'est-ce qu'i l envisage avec cette
opération? En fait, il veut absorber dans son système leséminentes théories de Fernel
çn effaçant son nom par celui de Paracelse. Le casle plus frappant est celuidu spiritus
qui se trouvait déjà dans le passage énigmatique d'Aristote. Séverin remarque que leStagiri te a négligé la rigueur terminologique en appliquant les termes «corps» et
«spiritus» à une même chose. Mais il admet avecles Anciens l'existence des «corps
spirituels» et des «spiritus corporels».Pour lui, l 'élément interne doit être véhiculé
par une nature spirituelle. l i admet également l'idée que les spiritus et les corps ontune nature réciproque et sont mutuellement transformables. En outre, il assimile
l ' idée éminente de Fernel en disant que l a mat iè re du baume est non seulement
spirituelle mais aussi «céleste», idée qui n'est pas du tout é trangère à cel le deParacelse. Alors, Séverin introduit, sous l'autoritédu médecin suisse, la doctrine du«corps astral» (corpus astrale), avancée bien entendu par Ficin ensuitepar Ferne!.
C'est pourqjJoiles lois astronomiques sont applicables au corps humain.li dit:Je dis en effet que cette matière, dont nous avons di t auparavant qu'elle était conrenue
dans la famille des herbes, des animaux et des minéraux, est non seulement spirituelle
mais aussi céleste. Il semblera étonnant à beaucoup que les astres habitent en nous
mêmes et qu'ils conservent inviolées les lois de leur astronomie, à condition qu'ils ne
soient pas empêchés par des dommages externes. Te!s sont l es corps ast raux dont
regorge la philosophiede Paracelsel4•
Séverin applique le terme «matière» à son élément interne qui est conçu comme
un agent tantôt incorporel tantôt spirituel.li ne nous faut donc pas prendrece termedans le sens actuel. li ajoute en disant que cettematièrebalsamique est invisible et serend visiblepar les vêtements corporels. Ainsi, enpartantdes idées déjà avancées parFerue! et en rel iant les aut res autor it és anc iennes , il parvient à défendre les
73 Sur l'humidité radicale de Ferne!, voirHAll (1969), pp. 202-203. Cf. T. S. HAll, Lije, Death and
the Radical Moisture: A Study of Thematic Pattern in MedievalMedicalTheory, «Clio Medica», 6 (1971),
pp. 3-23; P. H. NIEBYl, Old Age, Fever, and the Lamp Metaphor, « Journa l o f t he Hiscory of
Medicine», 26 (1971), pp. 351-368; M .Mc VAUGH, The humidum radicale in Thirteenth-Century
Medicine, «Ttaditio», 30 (1974), pp. 259-283. Sur la chaleur innée de Ferne!, voir SHERRINGTON(1946), pp. 38-40; MENDELSOHN (1964), pp. 24-26.
74 SÉVERIN, ldea medicinae, II, p. 27. Sur l ' idée du corps astral chez Ferne!, voir WALKER (1958 b),
p. 125 n. 32.
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ACCADEMIA IV (2002)
enseignements de Paracelse. La marque fondamentale de son inte rprétat ionparacelsienne est l'élimination des motifs mystiquesl5 . Ainsi les spiritus séverinienssont des agents tout à fait naturels. .
Quant aux éléments externes, Séverin suit fidèlement la théorie paracelsienne et
les considère comme réceptacles cosmologiques. Tout en incorporant l'interprétation
dela Genèse du médecin suisse, il les décrit comme suit:
(. ..} nous déclarons avec Paracelse que les éléments, premiers récepracles de roure la
Créarion, ont éré disrribués en deux globes, chacun contenanr deux éléments, unis parvoisinage. Leglobe supérieur (est} le firmament, cie! ou feu, et l'air. L'inférieur (esr} la
ter re et l 'eau. Dans ces quatre natures incorporelles, vides et inoccupées, le Créateur a
implanté la lumière et l es raisons sémin al es d e t ou tes choses par la magie
incompréhensible, en y ajoutant, par la vertu du Verbe e t p a r cet Esprit qui flottait sur
les eaux6les principes des corps dont ils se revêtiraient pour seprodui resur la scène du
mondel.
En réfutant la théorie scolastique des quatre éléments, il propose d'évaluerlanature des éléments selon leurs fruits, ce qui reflète clairement l'idée de Paracelse.
Chaque élément est imprégné des futursfruits sous forme de semences qui vont naître
selon des délais déterminés. Chez Séverin, les éléments externes ne sont pas les causes
matérielles. Cependant il interprète apparemment les semences paracelsiennespar les
«raisons séminales» (rationes seminales), c'est-à-dire par l 'idée de Fernel qui l'avait, à
son tour, puisée chez Ficin.
Pour Séverin, les éléments externes sont les «protecteurs, nourrices et matrices»et leur «abîme» (abyssus). enferme les semences invisibles des choses. Les matrices
réchauffent ces semences et .les amènent à la maturat ion. Ce déroulement est
programmé selon un délai préfixé chez chaque individupar Dieu77• Séverin blâme les
gens d'avoir faussement enlevé les semences des minéraux et des cieux.Pour lui, bien
que ces corps ne se propagent pas de la même manière que des animaux ou des
plantes, ils naissent par les principes communs qui sont les semences. La fonction des
semences est de produire par les actions vitales les fruits individuels à des moments
déterminés en respectant la continuité et la régularité des espèces. La sympathie
universelle se réalise grâce à ces semences qui sontles sources des propriétés sensibleset insensibles des choses naturelles.Par cettepuissance, les corps naturels sont conçuscommevivants et la <<vivification» de l'univers tout entier s'achève.
Chez Séverin, les changements terrestres sont conçus comme résultats des
tâches de ces semences qui enferment les trois principes paracelsiens (Soufre, Sel, et
Mercure). Suivant son expressionfavorite, tout est réalisé par l'échange desflux et desreflux des semences. Toutes les choses qui semblent fluer et refluerpar l'échange des
générations et des corrupt ions sont ple ines de force grâce aux semences . Les
semences sont les causes formelles. Ce n'est pas un agent externe qui donne la forme
75 Voir CLERICUZIO (1988), p . 40, q ui se base sur l e jugement de Francis Bacon dans le De dignitate
et augmentis scientiarum, in Works of Francis Bacon, éds. J. SPEDDING ET AL., Longman, London 1875,J, p. 564.
76 SÉVERIN, Idea medicinae, V, pp. 41-42. Cf. R. HooYKAAS, Die Elementenlehre der latrochemiker,
«Janus», 41 (1937), pp. 1-28, icipp. 4-7; BLANCHI (1982), p. 223.
77 SÉVERIN, ldea medicinae, V, p . 48 .
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HTR"HIRAI
aux choses par la mixtion des éléments. Pour le Paracelsien danois, ces dogmes
paracelsiens sont compatibles avec la religion chrétienne et proches des doctrinesplatoniciennes78•
Enfin Séverin introduit sa théorie du spiritus mechanicus. Pour concrétiser les
choses corporelles dans le monde sensible, les semences ont besoin d'un agent
instrumental sous forme de «corps» spirituel et intermédiaire. C'est lespiritus
mechanicus79
• Celui -c i rés ide dans les semences pour construire les nouveauxindividus avec l'aide des contenus incorporels G. e. informations) dits «dons» (dona),
«raisons» (ration es) et «sciences» (scientiae). En fai t, la théorie de ces «ouvriers»(mechanici) instrumentaux est une adaptation du concept paracelsien d'archée,
ouvrier interne, sur la base de l ' idée du spiritus de Ferne l qui a modif ié la théorie
médicale par l'inspiration ficinienne. SelonSéverin, lesspiritus mechanici sont les liens
entre le visible et l 'invisible, entre le temporelet l 'éternel et entre le supérieur etl'inférieur. Mais ils ne sont purerrient ni l'un ni l'autre.l i dit:
Ces derniers corps [procréés], considérablement éloignés de la subt i li té des spiritus
mechanici, avaient besoin des liens intermédiaires pour être soumis, avec continuité,.au
pouvoir commun du gouvernement et surrout pour bénéficier de l a v ie . Ces l iens s e
t rouvent en quelque sor te dans l ' incer t itude en tre la narute corporelle et la nature
incorpotelle. Ce sont pourtant descorpsmais spirituels et inversement des spiritus ",";s
corporels. Chez les philosophes, les corps de ce genre ont été dist ingués par le nom de
la matière première puisqu'ils étaient très intimement attachés par l a proximi té aux
spiritus architectonici et aux racines ou principes séminaires80•
Que ll e e st la r el at ion qui exi st e entre ces spiritus et d'autres contenus
incorporels des semences (raisons, sciences et dons)? Les spiritus mechanici sont
étroitement rel iés aux raisons séminales car Séverin affirme que les corps sont
maintenus et soutenus par les spiritus qui l e sont , à leur tour, par les raisonsséminales
81• De plus, il regarde les spiritus dépourvus de «science» comme les vapeurs
nues et stériles. Les spiritus mechanici sont vitaux, féconds et capables de s'orner de
science qui contient les raisons séminales. Si ces spiritus ont la science du cœur, ilsconstruisent le cœur; s 'i ls ont celle du cerveau, ils établissent le cerveau82• li est
possible de dire que cette «science» séminale fonctionne comme nos codes génétiques
qui fabriquent chaque organe déterminé par leurs programmes innés. Les spiritus
, mechanici sont munis de science qui enferme des raisons séminales dirigées par la
78 SÉVERIN, ldea medicinae, VIU, pp. 79, 89.
79 SÉVERIN, ldea medicinae, VIII, p . 96 : «La semence e st donc le p ri nc ipe v it al con tenant en l ui lesspiritus mechanici et les teintures de toute l 'anatomie de l 'espèce propre par lesquelles ils se fabriquentun corps, des couleurs, des qualités, des grandeurs, des figures et d'autres signatures conformes aux
fonctions et prédestinations de ces spiritus et de la chose à produire».
80 SÉVERIN, Idea medicinae,VIII, p. 101.
81 SÉVERIN, ldea medicinae, VIII, p.99. Selon PARACELSE, Labyrinthus medicorum errantium, VI(SUDHOFF, XI, pp. 190-195), en observant les oeuvres qu'un poirier ' achève par sa science interne,
l 'homme reçoit rexpérience de cette science. Dieu a accordé des dons à toutes choses dans la Nature.
Ces dons, c 'es t la science. Tous les dons de Dieu sont parfaits ainsi que toutes les sciences puisqu'ilsproviennent de Dieu.
82 SÉVERIN, ldea medicinae, VIII, p. 107.
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ACCADEMIAIV (2002)
providence diVine. Par cette chaîne, les divins plans se représentent partout dans lemonde. C'est pourquoi «n'importe quelle herbe témoigne de la présence de Dieu»,
idée de base pour la théorie dela signaturCS3• En tous cas, nous pouvons observeraveccette théorie une profonde mutation de la relat ion entre les semences et lesspiritus.
Chez Fiein, le spiritus mundi, véhicule de l'âme du monde, résidait dans les chosés
naturelles en tant que quintessence et possédait une vertu séminaire. Chez Fernel, le
spiritus céleste est devenu le véhicule des divines semences qu'avait semées Dieu le
Créateur au début du monde. Avec Séverin qui systématise les idées de Paracelse en
uti lisant celles de Ficin et de Fernel, lespiritus n'est plus le véhicule des semencesmais l'agent, ouvrier instrumental, contenu en elles et doué de plansà exécuter.
Conclusions
Nous avons suffisamment montré jusqu'ici les traits majeurset les principales
sources de la «philosophie de semence» du Paracelsien danois. Nous pouvons
observer dans son système les éléments fondamentaux du concept de semence de
Ficin, systématiséet mis dans le contexte médical par"Fernel ou développeà traversl'interprétation biblique de Paracelse. Nous pouvons de même constater combien satransformation est considérable. Le système séverinien fera oublier les efforts de
Fernel et de Paracelse et enfin de comptel'initiative même de Ficin sur le concept desemence. C'est désormais son Idea medicinae philosophicae qui devient autorité
incontestabledu
conceptdurant
l 'automne de la Renaissance. Sa postéri té seraassurée par le succès de son ouvrage auprès des chymistes très influents tels que
Joseph Du Chesne (1546-1609) et Oswald Croll Je. 1560-1608)84. Grâce à ces
derniers, le concept de semences'imposera puissammènt parmi diverses théories de la
matière en présence. l i donnera une explication efficace à l 'origine de la forme deschoses naturelles dans la génération à l a place de la doc tr ine thomiste de la forme
substantielle. li continuera d'exercer des effets jusqu'au milieu du dix-septième siècleoù le chymiste Jean-Baptiste Van Helmont (1579-1644) entreprendra une
réinterprétation du système séverinien et l 'atomiste Pierre Gassendi (1592-1655)
s'engagera à la «corpuscularisatiol l» des semences sous le terme de «molécule»
(molecula)85. li est vrai que lenom de Ficin n'apparaîtra plus comme référence pourle
83 Sur l a t héo ri e de la s ignature des choses, voir M. 1. BIANCHI, Signatura rerum: segni, magia e
conoscenza da Paracelso a Leibniz , Rome 1987; W. KÜHLMANN, Oswald Crollius und seine
S i g n a t u r e n l e h r é ~ Zum Profil hermetischer Naturphilosophie in der Ar a Rudolphs II., in Die okkultenWissenschaften in der Renaissance, éd. A. BUCK, Wiesbaden 1992, pp. 103-123; W. KÜHLMANN et
J. TEllE, Einleitung, in O. CROrnuS, De signaturis internis rerum: Die lateinische Editio princeps (1609)
und die deutsche Erstübersetzung (1623), Stuttgatt 1996,pp, 13-26.
84 Voir H. HIRAI, Paracelsisme, néoplatonisme et médecine hermétique dans la théorie de la matière deJoseph
Du Chesne à travers son Ad veritatem hermeticae medicinae (1604), «Archives internationales
d 'hi stoire des sciences», 51 (2001), pp. 9-37; D. KAHN, L'interprétation alchimique de la Genèse chez
Joseph Du Chesne dans le contexte de ses doctrines alchimiques et cosmologiques, à paraître. Je remercie D.
Kahnd'avoir bien voulu me montrer son m.nuscrit. '
85 SurGassendi, voirH. HIRAI, Le concept de semence de Pierre Gassendi entre les sciences de la matière et les
sciences de la vie au XVII' siècle, «Medicina nei Secoli», à paraître. Cf. O. R. BLOCH, La philosophie de
Gassendi, La Haye 1971, pp. 233-278, 445-456; A. CLERICUZIO, L'atomisme de Gassend i e t l a
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IIIROHIRAI
concept de semence. Mais étant véhiculés avec la marque séverinienne, les noyaux
essentiels de son invention continueront d'exercer des effets jusqu'au cœur de la
Révolution scientifique. Sa fortune est aussi remarquable au point de vue traditionnel
de la philosophie. Car la célèbre théorie des «monades» de Leibniz (1646-1716)
semble avoir une parenté indéniable avec ce concept. En fai t, le phi losophe de
Hanovre, dans ses dernières années de vie, nourrissait une amitié profondeavec le fils
de Van Helmont, François-Mercure (1614-1698) qui était éditeur et vulgarisateur de
la pensée deson père86 .
philosophie corpusculaire de Boyle, in Gassendi et l'Europe (1592-1792), éd. S. MURR, Paris 1997,
pp. 227-235.
86 A. ce sujet, voir A.. BECCO, Aux sources de la monade: paléographie et lexicographie leibniziennes, «Les
études philosophiques» (1975), pt. 3, pp. 279-294; ID., Leibniz et François-Mercure Van Helmont:
bagatelle pour des monades, «Studia Leibnitiana Sonderheft», 7 (1978), pp. 119-142; C. MERCHANT,
The Vitalism of Francis Mercury Van Helmont: 1ts Influence on Leibniz, «Ambix», 26 (1979), pp. 170
183;A. P. COUDERT, Leibniz and the Kabbalah, Dordrecht 1995; ID., The Impact of the Kabbalah in the
Seventeenth Century: The Lift and Thought of Francis Mercury van Helmont (1614-1698), Leyde 1999.
Nous souhaitonsréaliserdes recherches sur le concept de semencé de Gassendi à Leibniz.
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ACCADEMIAIV - 2002
REVUE DE LA SOCIETE MARSILE FICIN
Diffusion exclusive aux Benes Lettres - :raris
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Comité d'honneur
Eugenio Garin, Istituto Nazionale di Studi sul RinascimentoMarc Fumaroli, de l'AcadémieFrançaise, Collège de FranceCesareVasoli, Università di Firenze, Accademia dei Lincei
Comité scientifique
M. J. B. Allen, VCLAPatriziaCastelli, Università di FerraraPhilippeHoffmann,Ecole Pratique des Hautes EtudesMosheIde!,Université deJérusalemFranz A. Janssen, Bibliotheca Philosophiea Hermetica d'AmsterdamAlessandro Magini, CentroBardi,VernioPhilippeMore!, Université Paris lClaudioMoreschini, Università di PisaMichel Y. Perrin, Université Paris X, Nanterre
Directeur de la revue: Stéphane Toussaint
Directeur scientifique: Sebastiano GentileRédaction:Monique Toussaint, C. Ce!enza, A. Rabassini, B. Gentile, T. Gilbhard
Les documents reçus ne sont pas rendus à leur expéditeur et leur envoi implique l'accord de l'auteursans réserve d'aucune sorte pour leur libre publication. La rédaction n'est pas responsable des textespubliés quiengagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
ACCADEMIA est unemarquedéposée auprès de l'INPI, numéro 98/757787.
Numéro d'autorisation du Parquet de Paris 990049.
Imprimé à Lucques par San Marco Litotipo - 2003
SOMMAIRE
auATRIÈME NUMÉRO
2002
Bibliographie ficinienne - mise à jour
TEODORO KATINIS - STÉPHANE TOUSSAINT
Traduct ion annotée de rArgumentum in Charmidem Platonis de temperantia
de Marsile Ficin ".
MA.uDE VANHAm,FN
Philosophie un d Religion be i Marsilio Ficino
THOMAS LEINKAUF
L'interpretazione dello scetticismo inJacopo Mazzoni
ANNA DE PACE
La fortune du concept de semence de Marsile Ficin auXVIe siècle
HIRüHIRAI
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