Download - DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
1/21
Emilie Da Lage-Py
Les collections de disques de musiques du monde entre
patrimonialisation et marchandisationIn: Culture & Musées. N°1, 2003. pp. 89-107.
Citer ce document / Cite this document :
Da Lage-Py Emilie. Les collections de disques de musiques du monde entre patrimonialisation et marchandisation. In: Culture &
Musées. N°1, 2003. pp. 89-107.
doi : 10.3406/pumus.2003.1168
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pumus_1766-2923_2003_num_1_1_1168
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_pumus_174http://dx.doi.org/10.3406/pumus.2003.1168http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pumus_1766-2923_2003_num_1_1_1168http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pumus_1766-2923_2003_num_1_1_1168http://dx.doi.org/10.3406/pumus.2003.1168http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_pumus_174
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
2/21
Résumé
Le disque de musiques traditionnelles a permis de rendre possible la mise à l'écoute universelle de
traditions musicales jusque-là inécoutées, il a également permis sa fixation et son accumulation
possible au sein de grandes collections et enfin sa mise en circulation. En investissant le marché du
disque et en cherchant à augmenter leur diffusion, le monde du disque traditionnel et celui de la
recherche se trouvent liés au sein de collections placées au cœur de logiques concurrentes : la logique
du musée et la constitution de collections en vue d'une exposition, et les logiques marchandes et
industrielles qui traversent les mondes de la musique. Logiques muséales et logiques marchandes, art
et culture, le monde des musiques traditionnelles révèle des pratiques atypiques dans les mondes de la
musique et interroge en retour la conception « classique » de la notion de patrimoine et d'authenticité.
Abstract
The traditional music CD has made it possible to put formerly unheard-of musical traditions witbin
everyone's earsbot. It has also given this music a place and a potentially growing presence in large
recording collections and on tbe market. By investing in the CD marketplace and looking for ways to
increase this music 's broadcast, the traditional CD domain and that of research find themselves linked
together within those collections that operate within competing logics - on the one hand, a museum logic
and collection acquisitions (with exhibition in mind), and on the other, trade and industrial logics that
traverse every music world. Between museum logics and trade logics, art and culture, the world of
traditional music reveals unusual practices in the music world and questions, consequently, the classical
conception of the idea of cultural heritage and authenticity.
Resumen
El disco de mùsicas tradicionales ha permitido que se haga posible difundir por todo el mundo las
tradiciones musicales hasta ahora ignoradas, asimismo ha permitido su fijación y su acumulación
posible en el seno de grandes colecciones y por fin su puesta en circulación. Al apropiarse del mercado
del disco y al buscar aumentar su difusión, el mundo del disco tradicional y el de la investigación se
hallan ligados en el seno de colecciones situadas en el centro de lôgicas concurrentes : la lógica delmuseo y la constitución de colecciones en vistas de una exposición, y las lógicas mercantiles e
industriales que cruzan los mundos de la mùsica. Lógicas « museales » y lôgicas mercantiles, arte y
cultura, el mundo de las mùsicas tradicionales revela pràcticas atipicas en los mundos de la mùsica y
contrainterroga la concepción « clàsica » de la noción de patrimonio y de autenticidad.
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
3/21
Emilie Da
Lage-Py
LES COLLECTIONS DE DISQUES DE MUSIQUES
DU
MONDE
ENTRE
PATRIMONIALISATION
ET MARCHANDISATION
T.
ute
aventure cultu
relle peut être muséale si le
langage
des
objets
et du
patrimoine
constitue
le prin
cipal
système de
communic
ationt
si
l'on reconnaît,
malgré quelques
transformat
ions,
es principes
de
pré
sentat ion
d'objets
et
de
délectation
d'un public. »
(Rivait, 1984, p. 23.)
Le
XXe siècle
musical a
été marqué
par la possibilité
d en
registrer la musique,
de
fixer
un
instant
musical
et
de
matérialis
er,'incarner
la
matière
sonore,
permettant aux
mondes
de
la
musique de
stocker,
de
collectionner,
de
reproduire,
de retra
vailler,
par le biais du mixage ou de l'échantillonnage, les sons
qui
jusqu'alors s'évanouissaient
sitôt joués.
Avec
l 'enregistr
ement
'ouvrait
également
la
perspective
de
créer
des
archives
sonores, véritables dépositaires de la mémoire sonore du monde.
C'est en
lien
avec
ces
avancées techniques, mais aussi avec le
développement
des voyages et de l'ethnomusicologie
que,
dès
le
début du
siècle,
se développent des
archives
consacrées
aux
musiques, dites aujourd'hui, du
monde.
James Porter (Porter, 1990)
remarque
que les
centres d'archives et
les
premières
collections
de disques de
musiques
traditionnelles
se
sont
développés en
parallèle avec l'ethnomusicologie.
Le
premier
centre d'archives,
le Phonogram Archiv, naît en 1899 à Vienne. Le plus connu,
et
celui qui
a
connu
le
développement
le
plus
important,
est
sans
doute le
Berlin
Phonogram Archiv au sein
duquel
travaillent
Von
Hornsbel
et Cari Stumpf,
professeur
de psychologie à l 'uni
versité de Berlin, et auquel participera
Bêla
Bartok. Entre 1900 et
1913,
la
collection
double son activité scientifique d'une diffusion
commerciale. La commercialisation des disques
de musiques
traditionnelles est donc, dès
l'origine,
liée
à l'archivage, à
la
recherche
ethnomusicologique, et fortement institutionnalisée.
Dès la fin des années
1920,
les collections
sont
subventionnées
par
les
États,
c'est le
cas par exemple des Archives
ofFolk Songs
de
la
bibliothèque
du
Congrès
américain
créées
en 1928
et
qui
constitue
un
centre de ressources important d'archives sonores
des
musiques
indiennes. Il faut attendre
les
années 1950, le
Les collections de
disques
de
musiques
du monde.
CULTURE MUSÉES N° 1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
4/21
mouvement
de décolonisation
et
les
réflexions engagées
à
l'Unesco principalement, mais
aussi
dans de nombreux orga
nismes, groupes de réflexion... pour que se développent
et
soient commercialisées à
plus
grande échelle
les collections
de
musiques
traditionnelles.
La
plupart
des collections de disques
créées dans les années 1950, destinées à
valoriser
les fonds d ar
chives,
dépendent
toutes
plus
ou
moins
directement
d'organismes
publics
ou gouvernementaux,
de l'Unesco à
la
bibliothèque du
Congrès
américain,
du
musée de l 'Homme à Radio France. Les
hommes qui s'investissent dans la
collecte
sont issus du monde
de
la recherche
musicologique
ou
ethnologique
puis
ethnomu-
sicologique. Ce
sont
ces
chercheurs
qui
organisent
les
missions
scientifiques
de collecte qui servent de matière à
la
production
des
disques,
parmi
eux, Pierre
Schaeffer, Alain Daniélou,
Charles
Duvelle...
L'histoire
des collections montre à
quel
point notre
regard sur
les musiques
traditionnelles
a été forgé à partir de
cette
démarche
scientifique ainsi
que
l'importance
que
revêt la
figure de l'ethnomusicologue.
En
investissant le
marché du disque et en
cherchant
à aug
menter
leur
diffusion, le monde du disque traditionnel et
celui
de
la recherche
se trouvent liés
au
sein de collections placées
au
cœur de logiques différentes :
la logique
du musée
(la
constitu
tione
collections, le partage
d'un savoir
avec
un
public)
et
les
logiques marchandes
et
industrielles qui traversent les mondes
de la
musique.
Le monde
des
musiques
traditionnelles
révèle
des
pratiques atypiques dans les mondes de la musique
et
interroge
en
retour
la
conception
« classique » de
la
notion
de
patrimoine.
PRATIQUES
DE
COLLECTION :
ACCUMULATION,
EXHAUSTIVITÉ ET
PERMANENCE
ette
étude
s'appuie
principalement
sur
l'étude
de la collection Ocora
Radio
France (Da
Lage-Py,
2000)
entre
1962
et 1998. Ocora
Radio
France est née en 1957 en Afrique,
au « pays Dogon
»,
sous la
tutelle
de
la Radiodiffusion d'outre
mer
ui allait devenir, en
1959, l'Office
de
la
coopération radio-
phonique
dont
la collection
conserve
les
initiales. Aujourd'hui
entièrement
réalisée par
Radio France,
la collection
est
spécial
isée
ans
les musiques savantes ou populaires des cultures du
monde. Son histoire est de très près
liée
à
la
colonisation
et
à
la décolonisation africaine.
En
1950,
une commission
interministérielle
créée
pour
étudier
l'ensemble des problèmes posés par
la
Radiodiffusion
d'outre
mer
épose ses conclusions
et définit
la mission qui pourrait
90
Les
collections
de disques de
musiques
du monde.
culture
musées n °
1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
5/21
être celle d'une radiodiffusion
de l'Union française dans les
domai
nes
olitiques,
sociaux et
culturels.
Le
14 septembre 1954,
l 'Orga
nisation de la radiodiffusion dans les territoires
d'outre-mer est
créée par décret. Elle regroupe l'ensemble des stations
implan
téesans
les
territoires en
un réseau
placé sous l'autorité
du
ministre de
la France
d'outre-mer.
Ce même décret
organise,
au
sein
de
ce
département, un service
de
radiodiffusion
de
la
France d'outre-mer. Ce
dispositif
a
permis
de
prendre
les
pre
mières
mesures
d'ensemble en vue d'assurer le
développement
de la
radiodiffusion
dans les
territoires d'outre-mer dès
avant
la
création d'un organisme spécialisé. Deux ans plus tard est
créée la Société de radiodiffusion de la France d'outre-mer
(Sorafom).
Elle
a pour
objet général
«
l'amélioration
de la
radio
diffusion d'outre-mer ». Un premier bilan est dressé en avril 1962 :
en
six
ans,
la
Sorafom a formé
plus
de deux
cents
techniciens,
les
stations sont implantées à Dakar, Saint-Louis
du
Sénégal,
Saint-Louis en Mauritanie, Conakry en Guinée, Niamey
au Niger,
Bamako
au
Soudan, Abidjan, Cotonou
au
Dahomey, Lomé
au
Togo, Brazzaville, Fort-Lamy au Tchad,
Yaoundé
et Douala au
Cameroun, à
Madagascar,
Nouméa, Papeete, Djibouti, Saint-
Pierre-et-Miquelon,
Dzaoudzi (Comores). Avec l'autonomie de
fait
des territoires
et
avec
la
constitution
de septembre 1958, la
gestion
devient,
de fait,
plus décentralisée.
La transformation
progressive des modes d'intervention de
la
Sorafom
tient
compte de l'accession à l'indépendance des anciens territoires
d'outre-mer,
et
amène en
avril
1962 la
création
d'un nouvel
organisme : l'Office de coopération radiophonique,
l'Ocora,
qui se
substitue
à
la Sorafom.
Les
statuts de l'Ocora, publiés en 14 avril 1962,
affirment
sa vocation dans
le domaine des
émissions sonores
et lui ouvrent
des
perspectives
nouvelles :
la
télévision. De ce
fait,
ils
agran
dissent son champ d'action.
L'Ocora,
organisme spécialisé de
la
République française, n'est plus limité aux seuls
territoires
francophones
d'Afrique,
où
intervenait
exclusivement
la
Sorafom,
mais peut désormais s'étendre à tous les
pays
qui souhaitent sa
coopération.
L'Ocora
est
conçu au
départ
comme
un orga
nisme d'assistance technique
aux
pays qui
le
souhaitent en
pleine période de décolonisation. On retrouve dans ce
biais
la
politique
française
du Quai d'Orsay, qui
trouve
dans l assi
stance technique
un
moyen de continuer à
faire
rayonner
la
culture française dans
ses anciennes
colonies.
L'Ocora comprend
une division d'exploitation dans
laquelle
on
trouve une
«
phonothèque
qui
sert
notamment
à éditer
dans le commerce des disques
d'expression
africaine
authent
ique. Cette
phonothèque «
reçoit, répertorie et classe tous
les
documents
recueillis
soit
en France,
soit
en
Afrique
ou Madag
ascar, soit à l'étranger, et intéressant
les pays
auxquels Ocora
apporte
son
assistance. Discours, interviews,
documents de
91
Les collections de disques de
musiques
du monde.
nit.TURF M
IT
S 15 F. S N
° 1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
6/21
caractère
politique,
économique,
social,
technique
même,
sont
au
même
titre que les enregistrements folkloriques, écoutés et minutés
avant d'être
placés
en
phonothèque.
Trois
mille documents
ont
déjà été
enregistrés,
auxquels correspondent environ 10 000 f
iches
Chaque fois qu'une illustration sonore est
nécessaire, les
services de production
et
d'information de l'agence, les orga
nismes
extérieurs
de
radiodiffusion,
les
stations
africaines
et
malgaches, les firmes
cinématographiques,
les organismes interna
tionaux, font
appel
aux
archives
sonores de l'Ocora
qui
consti
tuent
sans doute
la
source
la
plus riche
en
documentation
sonore
africaine et
malgache.
Dès 1961,
un catalogue
de cet
ensemble
a
été édité, devant permettre une
meilleure
connais
sancee ce
fonds exceptionnel
» (Plaquette de présentation de
l'Ocora,
1962). Pour
faciliter encore cette diffusion, une forme
plus courante d'utilisation a été
adoptée
: le disque.
«
Désormais
le
monde
entier peut découvrir
les
chants bamoun,
les
rythmes
du
Dahomey
ou
du
Niger,
les
psalmodies
camerounaises,
la
musique maure
ou
baoulé, le verbe des Griots. La tradition
africaine est mise
à
l'écoute
universelle »
(ibidj.
De cette histoire découlent des pratiques éditoriales actuelles
décalées par rapport
aux pratiques
éditoriales communes
dans
les
mondes
de
la musique. En
effet, la
préoccupation princi
pale e
la collection n'est
pas simplement de bâtir un
catalogue
équilibré autour des
«
tubes
»
(la notion de
«
tubes
»
dans
la
niche
des musiques
traditionnelles
du monde étant elle-même
très
aléatoire).
Cette
logique
dite
«
du tube
et
du
catalogue
»
(Huet
étal, 1984, p. 26 ;
Vandiedonck, 1999)
est
présente au
sein des collections de musiques traditionnelles : un disque de
Nusrat Fateh Ali
Khan,
grand maître du soufisme
pakistanais,
servant
à compenser les
recettes trop maigres
d'un
disque
de
vielle à roue bretonne. Mais cette logique est complétée par
la
volonté de
reconstituer, par le
biais de la
collection,
un monde
« idéal
», la
collection n'en
gardant
que le «
meilleur
». Les
col
lections du
type
de
celles d'Ocora sont
encyclopédiques (plus
de
cent
cinquante
titres
pour Ocora). Les pratiques
éditoriales
s'articulent
autour
de
l'exhaustivité
de
la
collection
et mettent
en avant non
pas
un stock de titres, mais bien un «
tour
du
monde » des traditions
régionales.
On passe alors de
la
dialec
tique
purement
économique
du tube
et
du
catalogue
à
une
logique
plus
muséale de collection, logique que l'on retrouve
dans les mots
employés
par les acteurs du secteur :
«
cohérence »,
«
exhaustivité »,
«
permanence
».
Ocora
Radio France n'édite
qu'une
seule
collection.
Dès
lors,
pour
Ocora,
le
principe
de réédition
n'est
pas
directement
lié
au principe de collections.
D.
Vandiedonck montre que dans
le
secteur
classique,
«
la discontinuité
est
la
règle
de
base
de
la
reproductibilité des programmes
discographiques
: pour pouvoir
être reproduit,
un programme
doit d'abord disparaître
un
92
Les
collections
de disques de
musiques
du monde.
culture musées n° 1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
7/21
moment
des
catalogues,
avant de
reparaître
sous une autre forme.
Un éditeur ne peut
pas
maintenir indéfiniment
un
programme
dans
son
catalogue sous sa forme première » (Vandiedonck,
1999, p. 42). Il cite ensuite l'un des éditeurs interrogés pour les
besoins de
sa thèse. Celui-ci
livre
sa
conception des collections
:
il les
définit
comme
des
matrices servant
à
faire
vivre des
disques
«
à
prix
moyen
»
pendant
quelque
temps.
La
collection
est
généralement
supprimée lorsqu'elle marche moins
bien, et
les disques peuvent
alors
vivre de
nouvelles
vies dans d'autres
collections
qui
leur
donnent de nouvelles matrices.
Chez Ocora, la
collection
représente
tout autre chose.
L'analyse
des
index
numériques montre
une
présence continue
des disques
dans la
collection.
Celle-ci n'est
pas
un stock
de
disques
dont
il
faudrait éliminer
les
anciens
pour les remplacer
peu
à peu par des nouveautés.
Elle
s'accroît
sans cesse
au
fil
des trente
années
d'existence d'Ocora. Elle passe de seize
réfé
rences
en microsillons en 1962
à
cent cinquante-six
compacts
et soixante-dix microsillons et
cassettes
en 1995. La
collection
s'accroît
donc
fortement en
diversifiant les
provenances des
titres
enregistrés.
Ceux-ci peuvent avoir
une
durée de
vie
longue
au
sein
de
la collection
:
en 1973
il
reste six
des
vingt premières
références1.
Certains titres
phares peuvent rester vingt
ans
dans
la
collection,
comme l'anthologie des Pygmées aka,
prix
de
l ac
adémie
Charles-Cros en
1978.
Entre 1988 et
1991,
la collection
prend
un
petit
coup d'arrêt
dans
son expansion
géographique,
le
temps
de
rééditer
en
com
pact
dise les anciens microsillons, dont certains sont encore aujour
d'hui
isponibles
tels quels. Sur les douze titres « à
paraître
» dans
la
collection
de
1991, huit
sont
des
rééditions
d'anciens
enregistre
ments,ont certains très anciens comme le disque
OCR
25
Mus
iques du
Cameroun
ou
encore
I'ocr
34
Musiques baoulé codé de
Côte-d'Ivoire. Il est
possible d'envisager
ces rééditions
sous
l'œil
purement
commercial, car certains
disques
ayant disparu de la col
lection
pendant
un
certain
temps
reprennent
de
la valeur quand
ils
sont
édités sous un nouveau support. Leur
disparition
temporaire
leur
donne
le
statut
de nouveauté.
D'ailleurs,
le
catalogue
de
1991
ne
fait
pas état de
leur
vie antérieure dans la
collection
et les
annonce non pas
comme
« rééditions
»> mais comme
«
disques
à
paraître
».
Ce
mode
de présentation tend
à confirmer
les motivat
ions
ommerciales
qui
doublent
les motivations techniques de la
conversion
de ces
titres en CD.
Toutefois, Serge-Noël
Ranaïvo2
explique différemment, en
fonction de
son implication
professionnelle
au
processus de
constitution
de la
collection, le passage
de
certains
disques plutôt
que d'autres au
format CD.
Celui-ci n'a pas été dicté
unique
ment
ar la
volonté
de
faire
disparaître les
disques
qui
ne
se
vendaient
pas sans nuire
à
la
réputation de
la
collection, ou
de donner un
nouveau souffle
à des disques anciens, disparus
93
Les collections de
disques
de musiques
du
monde.
culture
musées n °
1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
8/21
de
la collection.
Le choix des disques à éditer en
CD s'est
aussi
fait en fonction des enregistrements disponibles. La question
de
l'évolution
technique a
été
envisagée comme un
moyen
d'allonger le temps
disponible
sur
les disques,
et
les
disques
réédités
ont pu
l'être
avec
des ajouts
ne
figurant pas sur
les
microsillons
commercialisés à
l'origine.
Pour
cela,
il
fallait que
les
bandes
originales soient exploitables,
et
ce
critère
d'exploi
tationes
enregistrements
de
terrain
a
pris une
grande place
dans
les
décisions de réédition.
LE CATALOGUE
COMME
LIEU
D EXPOSITION
D.
ux notions apparaissent au cœur de
toute théorisation des pratiques muséales,
notions
clés
du
musée
aujourd'hui
et
qui
constituent
dans
le
même
temps
ses
deux
missions
:
la
collection
et
l'exposition. Ces deux missions
complémentaires
sont
également
au
coeur
des préoccupations
des
collections
de disques de
musiques
traditionnelles dont le
catalogue
apparaît
comme
l'un des lieux d'exposition à part
entière de
la
collection.
C'est
au sein de ce catalogue,
matérial
iséans un objet
éditorial
annuel, que les
disques
collectés
trouvent
leur
cohérence
et rencontrent le regard des profes
sionnels
du
disque et des amateurs,
permettant
une
«
lecture
»
globale
et rationalisée de
la collection.
Au
fil
des années,
la
collection
Ocora
s'accroît
jusqu'à
devenir
aujourd'hui une
représentation
du monde
musical
traditionnel.
Reste à savoir
quel
est ce «
monde
musical traditionnel ».
En
étudiant les collections de
disques
dans
leur
processus de
constitution historique,
il
est
possible de
constater
des évolutions.
Dans
les années I960, le monde
authentique
présenté par la
collection Ocora est avant tout
un monde
d'États-nations, les
hymnes nationaux de certains
pays
africains figurent alors
au
sein
de la
collection
de
musiques
« traditionnelles ». En
revanche
la
collection
est
centrée
sur
l'Afrique
et
exclut les
traditions
des
pays
occidentaux.
Les
traditions sont
anonymes, les
interprètes
ne
figurent
pas sur les
pochettes,
et
elles ne renvoient donc
pas à des hommes, mais à des territoires.
Au fil des
années,
la
collection s'accroît,
une section France
apparaît, certaines
régions sont incluses dans la
collection
et quelques noms d in
terprètes sont
mentionnés
sur
les pochettes. Ces évolutions
montrent
le
caractère
construit des
représentations
du monde
« authentique
»,
«
traditionnel
»
qu'elle nous
donne
à voir et à
entendre.
Les
collections
de disques de
musiques
du
monde.
CULTURE
MUSÉES
N°
1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
9/21
Le sens
du
classement
Susan Stewart montre
comment les collections,
et surtout
celles
des
musées, créent
l'illusion
d'une
représentation adéquate
d'un
monde
en coupant d'abord
les objets
de leurs
contextes
historiques ou
intersubjectifs
pour faire en sorte qu'ils rempla
cent
es ensembles
abstraits,
un
masque
bambara devenant
la
métonymie ethnographique
de
la culture
bambara par
exemple.
Après quoi,
un
classement
s'attache
à entreposer
ou
à
présent
er'objet de façon
que la
réalité de
la
collection, dans sa
cohé
rence, dépasse l'histoire particulière de
la
production
et
de
l'appropriation
de l'objet.
En faisant
le parallèle
avec
l 'explica
tione Marx sur la fantastique objectivation de
la
marchandise,
S. Stewart explique
que,
dans le musée occidental moderne,
«
l'illusion d'une relation entre
les
choses prend
la
place de la
relation sociale »
(Stewart, 1984,
p. 162-165). Le collectionneur
découvre,
acquiert,
sauvegarde des
objets
;
le
monde
objectif
apparaît
donné
et
non produit, si bien que les relations his
toriques de pouvoir dans l'acquisition
sont
occultées.
La
construction du sens dans le
classement
et l'exposition du
musée
est mystifiée
comme représentation
adéquate. Le
moment
et
l'ordre de
la
collection
gomment le
travail social concret de
sa
constitution.
Le classement des collections organise le lien syntagma-
tique entre
les différents
disques de la collection. Il nous donne
également
des
indications
sur
la façon
dont
nous considérons
les
objets
que nous classons et ce que nous
collectionnons
en
fin
de compte : une mémoire, des renseignements,
de la
beauté.
Ocora a adopté
différents
modes de classements au fur
et
à
mesure
que se
développait la collection, mais
aussi au fur
et
à mesure que ses considérations sur les musiques traditionnelles
évoluaient.
Le
classement
par
zones
géographiques, abandonné
entre
1973
et
1979, est très
naturalisant car
il donne l'illusion
d'une
vision non
construite, mais correspondant à
la
réalité
du
monde, comme
si la collection
n'était pas construite
en
fonc
tion de
choix
personnels,
fruits
du
réseau de
production
de
la
collection,
mais
correspondait
à la
réalité
physique
et
donc
naturelle du monde.
La
tentative menée
pour classer
les
disques par nature de
1964
à
1969
a échoué ; pour S. N. Ranaïvo, cette
classification
par nature est peu fiable et ne
renseigne pas les
auditeurs.
Le
classement
alphabétique
est
plus simple
et
plus neutre. Le
cla
ssement par zones
géographiques lui
paraît
au
contraire
contest
able,
l donne à cela
des
raisons
musicologiques
: où placer
par exemple
les
musiques
turques
qui se
rapprochent
musicale
ment
es musiques
arabes,
mais
aussi des m usiques
indiennes,
plus
que des musiques européennes ? Ocora a donc préféré
un
classement
alphabétique
par
pays.
Ce classement a l'avantage
95
Les collections
de disques de
musiques
du
monde...
culture musées n° 1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
10/21
d'avoir été adopté
par
la fnac, ainsi, il
permet, selon S. N. Ranaïvo,
des «
rapprochements inattendus
» entre des musiques savantes
et
populaires,
il
permet en « feuilletant » les
bacs
de FNAC de
tomber par hasard
sur
des artistes moins connus ou d'un
genre
que l'on ignore. Le classement alphabétique et
non
par zones
géographiques paraît moins naturalisant, car
l'alphabet
est une
construction
sociale
revendiquée.
Toutefois,
ce
mode de
class
ement
n'est jamais
questionné
et
il
apparaît « naturel »
aux
diffé
rents consommateurs car un consensus
s'est
noué autour de lui
et
il a
été
adopté
par
les
points
de
ventes et
les
autres
collections
de musiques
traditionnelles, d'autant plus
qu'il se
double parfois,
comme à
la
FNAC, d'un classement par zones
Afrique,
Océa-
nie. Pourtant dans quel
«
pays
»
placer le Kurdistan ?
L'oubli de la constellation
Susan Stewart
fait
remarquer l'importance du classement,
mais
aussi celle du processus
dont fait partie l'opération de
classement, qui conduit, dans la
constitution
d'une collection,
à couper peu à peu les objets de leur historicité, des conditions
dans lesquelles ils
ont été
collectés, afin que le monde produit
par la collection
remplace
la
réalité
de
la
collecte de chaque
objet et
que
tout rapport de pouvoir soit occulté. Or, pour
Ocora, la
volonté
de gommer les
circonstances
dans lesquelles
la
collection
est
produite
est
souvent
évidente,
son
slogan
:
«
le
monde entier l'a
composée
pour vous »,
va
jusqu'à
nier
toute
dimension
productive,
comme
si
le processus de collection
n'impliquait pas de
sélection,
d'intervention de la part du
col
lecteur. Pourtant, cette maison
de
disques, peut-être
plus que
toute autre,
parce
que née de la
colonisation
puis de la
décol
onisation,
est
marquée
par les
rapports
de
pouvoir et
d'hégé
monie
entre
l'Occident et le monde
extra-occidental.
Pourtant
la
constitution d'une collection est bien le fruit
de rapports de pouvoir.
Michel
Leiris, dans
L'Afrique fantôme,
raconte
comment
l'expédition
«
Dakar
Djibouti
»
menée
par
Marcel
Griaule
s'est
appropriée une série d'objets sacrés, des
«
konos »,
par la force,
l'intimidation
ou par
le
vol
(Leiris, 1950,
p. 83).
Les
mêmes
comptes rendus
de
collectes circulent
à propos
des
collections
de musiques
traditionnelles
et
même
à propos des
plus respectables,
comme Ocora
Radio
France.
Les
chants
sont
parfois
achetés une poignée
de
francs à leurs auteurs
sans qu au
cun
roit
ne soit
reversé3.
Le
pouvoir
réside aussi dans
la
confiscation de la
parole
et
des
choix
par les
programmateurs et
directeurs de maisons de
disques.
Le sujet
d'énonciation
n'est
que
très
rarement
l'inter
prète,
même si
l'évolution
de
la
collection Ocora lui
laisse
de
plus en plus
la possibilité
de faire valoir
son expertise
sur
la
96
Les collections de
disques
de musiques
du
monde.
CULTURE MUSÉES
N °
1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
11/21
musique. Le livret reste avant tout le lieu d'expression
du
col
lecteur
ou
de
l'expert ethnomusicologue.
Le réseau
apparem
ment
isse
qui amène
directement
la musique
à l'auditeur est
empreint de relations de
pouvoir
et de
domination relatives
aux conditions de production de la collection.
Dans ce même souci d'évacuer
le processus
de
production
historique
de
la collection,
l'analyse des
catalogues
d'Ocora
Radio France
montre
que, au fil
du temps, les noms des
collec
teurs
ont
peu à peu occultés.
Ils sont pourtant
mentionnés en
gras dans les premiers catalogues (années I960)
sous
chaque
référence de disque
et
ils disparaissent peu à
peu, repoussés
en fin de
catalogue,
classés par ordre
alphabétique,
et donc,
coupés
de
l'objet collecté.
Les
titres
des
disques eux-mêmes
viennent renforcer l'effet produit par le classement
adopté
pour la collection
:
ils
ne mentionnent
jamais
le nom
des
music
iens, mais
le
nom d'une
région
particulière,
accentuant l'idée
de collection du monde et
d'abstraction
par rapport aux
condi
tions
de productions
particulières
de la musique. Les noms des
artistes sont tout d'abord complètement écartés de
la
présenta
tion
es disques qui
se
limitent
à
présenter
la musique ou
«
l'expression musicale
» de tel ou tel pays ou
région.
Ce
n'est
que
dans
les années 1970 que les noms des
interprètes com
mencent à
être mentionnés, et
cela uniquement dans les
som
maires des
disques, en aucun
cas les
artistes ne donnent leur
nom à l'album.
Il
faut attendre
1979
pour que quelques noms
apparaissent
sur
les pochettes.
Plusieurs éléments expliquent cette apparition des noms
d'artistes.
En
effet, cela rend
compte
de plusieurs
évolutions
:
tout d'abord une
évolution
des mentalités à propos de
la
tradi
tion
et
la
reconnaissance
de
son caractère évolutif,
reconnais
sancelaquelle le disque, et notamment
le
disque de
collecte,
a contribué. En effet, force
fut faite
aux
ethnomusicologues
de
constater que deux
enregistrements
d'un
même chant à plu
sieurs années
d'intervalle
différaient,
et
que les enregistrements
de terrain ne pouvaient donc « servir de
partition
».
La
seconde
évolution réside
dans
la
prise
en compte du
pouvoir
transfo
rmateur
des « exécutants
»,
même si
celui-ci
ne
fonctionnait
pas
par révolutions successives, mais après de lentes
adaptations.
Il faut
aussi
noter
la
diversification de
la collection,
composée
à ses
débuts essentiellement
de
musiques
populaires
africaines,
vers des
musiques
savantes
indiennes
ou
arabo-andalouses
pour
lesquelles la référence au maître ne
pouvait
être que difficilement
passée
sous
silence.
Enfin,
les interprètes eux-mêmes
prennent
peu à peu con
science
de leur qualité d'artiste, et
revendiquent
leur
position.
Les
disques
ne sont plus
uniquement des disques de
collecte,
mais aussi des enregistrements en concerts
ou
en studio.
Certains
disques
sont
même complètement axés autour d'un
interprète,
97
Les collections de disques de
musiques
du monde.
riIT.
TTIRF . M
II
S t V M°
1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
12/21
tels
ceux consacrés à Nusrat Fateh Ali Khan
ou
à Munir Bachir.
Mais ce n'est absolument
pas
une
pratique
systématique et une
grande
partie des pochettes de disques de la
collection conti
nue
signaler uniquement
la région
d'origine
des traditions
enregistrées. En 1997, sur
cent
quatre-vingt-huit références,
cent seize ne mentionnent
pas
le
nom des
musiciens. Il faut
aussi
remarquer
que,
a
contrario,
les
deux
tiers
des disques de
musiques
traditionnelles
françaises mentionnent le nom des
interprètes.
Cela
peut s'expliquer par la
conscience
du carac
tère
rtistique de
leur
travail de
la
part des artistes français,
plus
professionnalisés
et
plus
proches des institutions.
Les
musiciens de
musiques
traditionnelles françaises connaissent
l'existence
des
syndicats professionnels et sont
insérés dans
des réseaux qui les protègent. Bien
sûr,
il
est difficile
de ment
ionner le nom de
tous
les
musiciens
ayant pris part à un
disque
d'anthologie,
mais
beaucoup
de
disques
ne relèvent
pas
forcément de cette
catégorie
et ne
mentionnent
toutefois
pas
le nom des interprètes... C'est le
cas
par exemple des
disques Inde Rajasthan, Musiciens du désert
ou
encore Inde
Rajasthan, Musiciens
populaires
professionnels. Dans ces
deux
exemples,
les musiciens
sont
qualifiés non par
leur nom, mais
par leur fonction qui contribue à authentifier le
disque.
Le fait de ne pas mentionner le nom des musiciens dénote
une
certaine
idée de
la
tradition : si
celle-ci
n'évolue pas, le
nom de
«
l'exécutant
» importe peu, les
disques sont des docu
ments
qui
rendent
compte
de
la
réalité
musicale
intangible
d'une
partie du
monde. Ne
pas
mentionner les noms des
musi
ciens
contribue
à
universaliser
l'exécution, à en accentuer
l'in-
temporalité et
renforce
le processus décrit par Susan Stewart.
Nommer
serait
donner
une
«
raison
graphique »
à des traditions
« anhistoriques » car basées sur une circulation orale des mythes
fondateurs.
Nous
pourrions
quasiment parler
d'un « grapho-
centrisme
» de
la
collection
Ocora.
Il s'agit d'une pratique courante et revendiquée par
les
maisons
de
disques
de
musiques traditionnelles
qui
justifient
leur
démarche
par la volonté
de
se
démarquer
ainsi du secteur
de
la
variété en refusant de
«
travailler l'artiste ».
Les interprètes entre
anonymat et
starisation
Si
elle
n'est
pas
encore revendiquée, ni pleinement
effec
tive, il
existe une tendance de
plus
en
plus
grande à
la starisa
tion
es interprètes.
Celle-ci
peut s'expliquer
également
en
termes
économiques :
la
diversité
du catalogue
en termes de prove
nances
régionales
est
déjà
atteinte
pour
les
collections qui
comptent,
comme
Buda Records^
ou
Ocora, plus
de
cent cinquante
références.
De
plus,
les
éditeurs
considèrent qu'il n'y a plus de
Les collections
de disques de
musiques
du
monde...
r
IT T. T
II
R F. MUSÉES N ° 1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
13/21
véritables découvertes
ethnomusicologiques possibles, la der
nière
en date est due à Marcel
Cellier
qui enregistre en
1975
le
premier
album
du Mystère des voix bulgares. Or, les éditeurs de
musiques
traditionnelles
se
sentent poussés par
des distribu
teurs
ui
imposent
un
taux de rotation dans les bacs important
et ne laissent
pas aux disques
le temps
de
s'installer5,
les
distr
ibuteurs
demandent
de
la
découverte.
Si l'évolution
du catalogue
ne peut
se faire en termes de
diversification des
provenances, il faut
jouer sur une autre
variable
pour assurer
la
croissance de la collection :
la
renommée de
l'artiste. Comment en
effet justifier
la sortie
d'un
énième disque
de
musique
arabo-andalouse marocaine si
le
premier était
déjà censé donner
toute l'authenticité musicale
de
cette région
du monde
?
Le disque ne vaut
alors
que par l'exceptionnalité
de
l'interprétation
de
l'orchestre, celui
d'Abdelkrim
Raïss par
exemple.
Certaines collections
plus
récentes
qu'Ocora
comme
la collection
World Network
distribuée
par Harmonia Mundi
se
distinguent
par
une
starisation importante des interprètes.
S'il faut donc envisager
la
collection avec
d'autres
outils
que
ceux de l'analyse
socio-économique,
en prenant
aussi
en
compte
l'importance des paramètres techniques, éthiques voire
idéologiques,
certains paramètres
se trouvent objets de tension
entre
la volonté de présenter un « monde authentique
»,
lisse
et
transparent
et
la
rationalisation du
marché
du disque.
Les
pratiques éditoriales, de
constitution
de la collection, la starisa
tion
es
interprètes
concentrent
ces
points
de
tension.
CONCLUSION : QUAND
«
PATRIMONIALISATION
»
RIME AVEC « LIBRE
CIRCULATION
»
L es collections
de disques de
musiques du
monde
sont
contemporaines de la
naissance
de nouvelles notions
qui
voient
le
jour
après
la
Seconde
Guerre
mondiale
et
qui
se
renforceront
avec la décolonisation : les idées de « dialogue
entre
les cultures
»,
d'« histoire mondiale »
ou
« universelle
»,
mais
aussi
de
«
patrimoine commun de
l'humanité » portées,
entre autres, par l'Unesco. L'idée de
dialogue
entre
les cultures
et
ses
corollaires, conçue dans le cadre
d'une
libre circulation
des idées
et
des cultures, est l'une des réponses que l'Occident
invente
pour faire face à
la
question que lui pose le «
réveil
des
peuples
». La patrimonialisation et
la
mise en
valeur
du
patr
imoine
matériel
dans
un
premier temps,
puis la
prise en
compte
du
patrimoine
immatériel
apparaissent
pour l'Unesco l'une
des
voies possibles au
développement
des
pays
du Sud. En 1996, le
septième chapitre du rapport Notre
diversité créatrice
s'intitulait
99
Les collections
de disques de
musiques
du
monde.
CULTURE M TT S t ¥. S N °
1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
14/21
« Le
patrimoine culturel
au
service
du développement » (Perez
de
Cuellar,
1996).
Si
l'article
ne cache
pas les problèmes
liés
à
la
constitution
d'une
véritable «
industrie
du
patrimoine
» :
sites
abîmés
par un
tourisme de masse,
répartition
inégale
des richesses
tirées du
tourisme
culturel... il n'en
reste pas
moins que le
cœur de
la politique
de l'Unesco
est
de
relier
à
la
fois
la
logique
muséale
et
celle
du marché. Le
classement
de musiques tradi
tionnelles dans
la catégorie «
patrimoine intangible
de l'human
itépermet de leur
donner
une
valeur d'échange. L'Unesco
tente de trouver des solutions
qui
permettraient
la
valorisation
du patrimoine
culturel
dans le cadre d'une
conception
libre-
échangiste de la
culture,
les
difficultés
qu'elle rencontre mont
rent
bien les tensions entre un
modèle
de
développement
fondé
sur
l'appropriation privée
et
la
circulation
de biens
et
de ser
vice
et ces
mêmes
« biens », collectifs, publics
et
difficilement
attribuables.
L'Unesco
se
heurte
à des
problèmes
de définition :
qu'est-
ce
que
le
«
folklore », et dans le folklore
que
doit-on protéger ?
De même l'attribution de «
l'origine
ethnique
>»
de
la
tradition
pose
problème
: dans un chant flamenco, comme d'ailleurs dans
tout
chant
traditionnel, les
origines sont
syncrétiques ;
comment
rémunérer
la
«
propriété
intellectuelle », que devient le «
droit
d'auteur » dans ce cas
?
Si d'un point de
vue pragmatique, lor
squ'un patrimoine
culturel
appartient à
un
groupe spécifique,
c'est
à
lui que les
redevances
doivent
aller
si
l'on veut le
pré
server
d'un
point
de vue
pratique, la
question
est
plus
problé
matique
:
quand décide-t-on que
telle tradition appartient à
un
groupe
unique ? L'Unesco
se
heurte également
au
refus des
pays
à
adopter
les mesures de
rétribution et
de protection que
l'organisation préconise. Enfin
reste un problème
majeur, lié
aux questions de définitions déjà mentionnées :
celui
de l i
nventaire
et
du choix : qui recense, inventorie, classe et
définit
le «
patrimoine
culturel »,
grâce
à
quelles
techniques, au sein de
quels dispositifs, de
quels
réseaux ?
Les politiques de
patrimonialisation
du «
patrimoine cultu
rel sont
soutenues
par la notion heuristique
d'authenticité
qui
permet le passage
du musée au marché. La notion
d'authentic
té
evient
dans
la
bouche des directeurs de
collection,
elle
est
présente dans
les
éditoriaux
des
catalogues commerciaux, dans
les publicités, sur les pochettes de disques
et
dans les livrets.
L'analyse des
discours montre que
cette
notion
d'authenticité a
à voir avec
la
construction
d'un
principe de vérité,
elle
est ce
qui
est
«
réellement
»
ou
ce qui était «
réellement
».
Louis
Quéré
définit de
la
même
façon
l'authenticité comme «
la
conformité
avec
la
nature des choses » (Quéré,
1982,
p.
108-109).
Faire appel
à
l'authenticité
de
façon
quasi permanente
implique donc de
naturaliser les
musiques
du
monde, et
de ce fait leur enlever
toute
historicité. L'évolution
du vocabulaire
employé
dans les
100
Les collections
de disques de
musiques
du
monde.
culture musées n° 1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
15/21
textes de l'Unesco
(le
passage de
la
qualification « patrimoine
traditionnel et culturel »
à celle de
«
patrimoine
intangible »)
est significative de
la conception
finalement
réifiante de
la
culture traditionnelle. La culture
objectivée peut
entrer
dans le
processus de circulation capitaliste, devenir une richesse à exploi
terur le modèle
patrimonial pour
construire et soutenir
un
processus de développement
occidentalisé.
L'ethnomusicologie,
ou l'édition
d'urgence est
un
thème
développé
par
des
chercheurs
et
repris
par
les éditeurs de
musiques traditionnelles dans
la
même optique et dans les
mêmes
institutions.
Ils justifient leur
activité
commerciale par
la
construction d'un discours
messianique qui
s'articule autour de
la
défense
d'un
patrimoine.
Ce messianisme
est
présent
dès
l'origine de
la
création des labels, l'activisme des
chercheurs
sur le terrain les
conduit
à développer les thèmes de « l ethn
omusicologie
d'urgence
»
et de la
« sauvegarde » qui
président
à la
création
de
nombreux fonds d'archives et
qui
soutiennent
encore aujourd'hui
nombre d'initiatives
de
collecte et
de création
de collection. Alain Daniélou pour l'Unesco, Pierre Schaeffer pour
Ocora sont parmi
les pionniers du concept.
Il s'agit de préserv
er,e sauvegarder des traditions en péril face à la modernité
destructrice et
aux
ravages de
la
colonisation.
Paradoxalement, ce sont les
pays
porteurs de cette modern
ité
ui
organisent la sauvegarde des traditions mises en « danger »
par
leurs
pratiques. À ce titre, l'exemple
d'Ocora Radio
France
est
frappant.
Lorsque
Pierre Schaeffer
décide
de
doter
l'Office
de coopération radiophonique d'une division d'exploitation
dans laquelle
il
intègre une «
phonothèque
qui sert
notamment
à éditer dans le commerce des disques
d'expression
africaine
authentique »,
il
était surtout sensible au risque de disparition
des pratiques
musicales
soumises
à
la
concurrence
de la radio.
Marc
Guillaume souligne que « les politiques de conservation se
donnent comme évidence.
Elles se
naturalisent
» Qeudy,
1990,
p. 13). La construction de
l'authenticité et l'affirmation
de l u
rgence d'une mission
de
sauvegarde sont
les
instruments
de
cette
naturalisation.
L'ambiguïté de
la
vocation
muséale,
quasi
messianique
qu'affiche
Ocora
dès
ses
débuts, est également
présente dans
le désir de ses dirigeants de
briser
les
frontières
de
la
connais
sancefin de permettre
à tous
l'accès
à
toutes
les
cultures. La
collection traduit
la
tension entre
la
volonté
d'universalité,
«
d'écoute
universelle » pour reprendre les
termes
des documents
officiels de présentation d'Ocora,
et
la volonté de préservation
d'un
répertoire,
de
documents
épargnés
par toute
possibilité
de mélange, un
répertoire
d'ailleurs
mis
en danger par l'Ocora
et cette fameuse
écoute universelle
elle-même.
Nous retrou
vons
ci une
forme
de ce
que
Armand
Mattelart
a
appelé
«
l'idéologie planétaire
»
(Mattelart, 1999)
: la défense d'un
droit
101
Les collections de
disques
de
musiques
du
monde...
rilITIlBS
• MUSÉES
M °
1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
16/21
inaliénable à la communication des savoirs et des cultures
qui
sert de base au libre-échangisme.
Les
collections de disques
sont
prises en tenaille entre
deux
logiques concurrentes : la logique muséale, avec ses normes
de préservation et ses exigences scientifiques,
avec
ses experts
et ses pratiques, et
la logique
du marché
avec
ses propres
règles,
vue
comme
la
seule
possibilité d'organiser
une
diffusion
large
qui permettrait « l'écoute universelle ».
Les pratiques de collection
et
d'exposition
rendent
compte de la
tension, voire des
ten
sions, à
l'oeuvre
dans le
monde
des
musiques
traditionnelles.
Le
disque
est l'objet
où se cristallisent
ces
tensions
: il permet
la fixation de la
tradition sur des
supports
accumulables et
archivables,
mais
aussi
communicables
à
l'ensemble
du globe.
L'époque
est
à la
glorification de
« la beauté du
mort
» (de
Certeau
et al., 1970).
La
genèse
de la
collection
montre bien
qu'au
départ,
il y
a
un
mort
:
la
musique
reconstruite,
sauve
gardée et désincarnée par le
biais
du disque est confiée à des
chercheurs, à un
public
d'amateurs éclairés.
Ce public et
ces
universitaires
ont
« assez de distance » pour se préserver de
son
influence, de
tous les
relents de magie, de religiosité
ou
de
rituels qu'elle contient. La
musique
désarmée peut être livrée à
l'étude puis vendue.
Les
paradoxes
de
l'authenticité
La collection et l'exposition de la collection nécessitent
la
mise
en œuvre de techniques de collectage, de stockage, d en
registrement
de
mise
en marché,
elles
relèvent d'abord
d'un
choix : que conserver, que
donner
à
écouter
à l'auditeur ? Elles
relèvent ensuite d'une mise en œuvre, d'une reconstruction
du
monde suivant
des
principes de classement qui portent en eux
des représentations du « monde authentique ». Si « le monde l'a
composée pour vous6 »,
la
collection est le fruit de choix édito-
riaux qui
la
structurent.
Toute l'ambiguïté de ces collections
réside dans
l'authenticité
proclamée
du
monde
traditionnel
qu'elles nous donnent à
écouter et
dans
la
réalité de
la
cons
truction d'un dispositif d'exposition.
La notion d'authenticité
apparaît
comme le tiers symboli
sant
u
monde des
musiques
traditionnelles en
permettant
de
masquer les
opérations
de médiation nécessaires à la
cons
truction de ces dispositifs7
ainsi qu'à la
production des catégor
ies.
'enjeu
pour les acteurs
est alors
d'influer
sur
cette notion
charnière,
ce
tiers
symbolisant d'authenticité. La
construction
du «
patrimoine universel
»
repose
sur
la notion heuristique d au
thenticité construction
collective
d'un réseau
de médiations
garantie par différents dispositifs
qui
s'effacent pour
la
natural
iser. 'étude de ces
dispositifs
révèle plusieurs
paradoxes.
Le
102
Les collections de
disques
de musiques
du
monde.
rni.TlISF . MITKFFS N° 1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
17/21
premier,
celui
que nous
avons en partie
traité
ici, est d'affirmer
le
caractère
non
marchand
du « produit fabriqué ». Or
ce
« produit »
est inscrit
par
le
biais de la collection ou du spectacle
dans le
patrimoine
universel,
dans
un
nouveau système de
valorisation
marchande,
qui
peut être
celui
du tourisme culturel dans le
cas
de monuments classés ou
encore
du
marché
du disque.
Le
second
paradoxe
réside
dans
l'opposition
entre
l'archaïsme
revendiqué de la musique
et
les
moyens
techniques
perfec
tionnés
qui
permettent de la faire voyager
« sans
la
transformer »
:
depuis l'organisation de
la
mission de collecte jusqu'au trait
ement des bandes
et
aux systèmes de stockage
et
d'approvi
sionnement informatisés de la fnac. « Sans
la
transformer
»,
la
clé est peut-être là,
dans la volonté de
conformité
de
transmis
sionirecte qui masque toutes les opérations nécessaires non
à la
renaissance
de la
musique, mais
bien à
sa re-création.
L'authenticité
est
une
notion
paradoxale,
qui
ne peut
fonc
tionner
qu'en
acceptant
la
rupture
préalable
entre le passé et
le présent
ou
entre l'ici et Tailleurs, la
collection ou
le spectacle
authentique
permettant de faire
le lien entre
ces deux termes
incommensurables. Le spectacle
ou
le disque authentique agit
comme
un pont, un
lien
transparent : un miracle. Pourtant tous
les mystères ne
sont
pas
nécessairement
des miracles.
L'authent
icitéensée garantir
la
conformité de
la
représentation
avec la
nature des choses fonctionne grâce à
un
réseau
et
à des dispos
itifsde
médiation plus ou
moins
opaques
et
complexes
inté
grant
des
hommes,
des
idées,
des
techniques,
des discours...
Le
monde que
nous donnent à écouter
les
collections, mais
aussi les spectacles de musiques
traditionnelles, est
un monde
construit
et
non
donné.
Elles
reposent
sur de purs
fantasmes
:
fantasme d'un monde composé de cultures identifiables
et
col-
lectionnables, fantasme
d'un
public
idéal qui se
passerait de
médiations. Or les
dispositifs de collection et d'exposition
sont
opaques et
il convient
de ne pas les simplifier, mais au
contraire
de les envisager dans
toute leur
complexité, ne pas séparer
l'objet « musiques du monde » de sa « constellation » (Adorno,
1989),
mais
au
contraire
l'envisager
comme
un
collectif
d'hommes,
de
supports
physiques, d'institutions en perpétuelle interaction.
L'oubli de la constellation de la collection
revient
non
pas
à
combler le
fossé qui sépare
l'auditeur
du
producteur de
la
musique, mais à
rapprocher artificiellement
les deux
rives,
donnant corps au fantasme de
la
communication interculturelle
parfaite,
transparente, miraculeuse. C'est autour de
la
multipli
cation
es
discours
« miraculeux »
(touristiques,
spectaculaires...)
qu'il
serait
intéressant de continuer à porter notre attention afin
de
mettre
au
jour
les
dispositifs
qui les sous-tendent.
É.
D.
L.-R
université Charles-de-Gaulle Lille-III
103
Les
collections
de disques de
musiques
du monde.
culture musées n° 1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
18/21
NOTES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1
Les
sor
3
: Danses
et
chants
ba-
moun
et
sor 4 : Rythmes et chants
du
Niger,
les ocr 11 : République
Centrafricaine,
17 :
Musiques
daho
méennes 18 : Valiha Madagascar,
20
:
La
Musique
des
griots,
sachant
que
le disque ocr 13
Hymnes
nationaux des États africains
et
malgaches
est devenu
ocr 31 et
n'a
donc
pas,
lui non plus, dis
paru
de
la
collection.
2. Serge-Noël Ranaïvo est
le
coordi
nateur
technique d'Ocora.
3. Les
musiques
traditionnelles
relè
vent
du
domaine
public. Sur
le
plan juridique,
le
collecteur
de
musiques
traditionnelles constitue
une
exception
parmi les
ethnolo
gues
il bénéficie
du titre «
d'au
teur »
de son
enregistrement et
non de simple producteur dès lors
que
celui-ci est présenté comme
une anthologie.
4. Buda
Records
est une maison
de
disques française privée
qui édite
une importante
collection de
disques
de
musique traditionnelle.
5.
Voir
la
lettre
ouverte des product
eurs
éunis
dans le réseau Zone
franche à
la
fnac
(www.
zone-
franche, org .
6. Slogan
d'Ocora
Radio France.
7.
M.
Foucault
les qualifierait
de
dis
positifs de « savoir-pouvoir
».
Adorno
(T.
W.). 1989 (1964).
Le
Jargon
de
l'authenticité.
Paris
:
Payot.
Certeau
(M. de),
Julia
(D.), Revel
Q.).
1970. «
La Beauté du mort,
le
concept
de
culture populaire
» in
Politique d'aujourd'hui, déc.
1970,
p.
3-23.
Da Lage-Py (É.). 2000. Des
chants
au
monde,
la production
de
l'authenticité musicale :
réseaux,
dispositifs
et
médiations.
Thèse
de
doctorat en
sciences de la
communication,
sous
la
direc
tion
de
A. Mattelart
: université
Paris-VIII.
Foucault (M.).
1989. Résumé des cours
au
Collège de
France.
Paris
:
Juillard.
Huet
(A.),
Ion (J.),
Lefebvre
(A.),
Miège (B.), Péron (R.). 1984.
Capitalisme
et
industries cultur
elles.
Saint-Martin-d'Hères : pug.
Jeudy (H. P.) (dir.). 1990.
Patrimoines
en folie,
ministère de
la Culture
et
de la Communication, cahier 5.
Paris : Maison des sciences
de
l'homme (coll. Ethnologie
de
la
France).
Leiris (M.).
1950. L'Afrique
fantôme.
Paris
: Gallimard.
Mattelart (A.).
1999.
Histoire
de
l'uto
pie lanétaire,
de
la
cité prophét
ique la
société
globale. Paris :
La Découverte.
Perez de Cuellar
(J.)
(dir.). 1996.
Notre diversité
créatrice.
Rapport
de
la
Commission
mondiale
de
la
culture
et
du
développement.
Paris
: Unesco.
Plaquette de présentation de l'Oco-
ra. 1962. Archives de
la
Biblio
thèque nationale.
Porter
(J.). 1990.
« Documentary re-
cordings in
ethnomusicology:
Theorical and
methodological
problems
» m
Musical
Processes,
Ressources and Technology. Lond
res.
Quéré (L.).
1982.
Des
miroirs
équi
voques : aux origines
de
la com
munication
moderne. Paris :
Aubier Montaigne.
104
Les
collections
de disques de
musiques
du monde.
culture
musées n°
1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
19/21
Rivard
(R.). 1984.
«
Redéfinir
la
muséol
ogie in
Continuité, n° 23.
Mont
réal.
Stewart
(S.).
1984.
On Longing: Narr
atives ofthe
Miniature, the
Gigan-
tic, the Souvenir, the Collection.
Baltimore
:
Johns
Hopkins Uni-
versity
Press.
Vandiedonck (D.). 1999.
Qu'est-ce
qui
fait
tourner
le disque classique,
logiques éditoriales
et
place des
interprètes. Lille : Presses univers
itaires du Septentrion.
105
Les collections de disques de
musiques
du monde.
^ -. . ™ -
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
20/21
RÉSUMÉS
.Lie disque de musiques
traditionnelles
a
permis
de rendre possible
la mise
à
l'écoute
universelle
de tra
dit ions
musicales
jusque-là
inécoutées,
il a
également permis
sa
fixation
et
son
accumulation
possible
au
sein
de
grandes collec
tions et enfin sa
mise
en circulation. En investissant le marché
du disque et
en cherchant
à
augmenter leur
diffusion, le monde
du
disque traditionnel et
celui
de la recherche
se
trouvent liés
au
sein de
collections
placées au cœur de
logiques concurrentes :
la
logique du musée
et la constitution
de
collections
en vue
d'une exposition, et les
logiques
marchandes et industrielles
qui
traversent
les mondes de
la
musique. Logiques muséales
et
logiques
marchandes, art et culture, le monde des musiques tr
aditionnelles révèle
des pratiques atypiques
dans
les mondes de
la
musique
et
interroge
en
retour
la
conception
«
classique
»
de
la
notion
de
patrimoine et
d'authenticité.
1
bie
traditional
music
CD
bas made it pos
sible to putformerly unheard-of
musical
traditions
witbin eve-
ryone's
earsbot. It
bas also given this music
a
place and
a
potentially
growing présence in large
recording collections and
on tbe
market.
By investing
in the CD
marketplace
and looking
for ways
to
increase
this
music
's
broadcast,
the
traditional
CD
domain and that of research
find
themselves linked together
within those
collections
that
operate
within
competing logics
-
on
the one hand,
a
muséum logic and collection acquisitions
(with
exhibition
in
mind), and
on
the
other,
trade
and indus-
trial
logics that traverse every
music
world. Between muséum
logics and
trade logics,
art
and
culture, the
world
of traditional
music
reveals unusual practices in the
music
world and quest
ions,
consequently,
the
'classicaV conception ofthe
idea
ofcultural
héritage and
authenticity.
disco de mûsicas tradicionales
ha
per-
mitido
que se
haga
posible
difundir por
todo
el mundo las tra-
diciones
musicales
hasta
ahora
ignoradas, asimismo ha permitido
su
fijaciôn
y
su
acumulaciôn posible
en el seno
de
grandes
colecciones
y
por fin su
puesta
en circulaciôn. Al apropiarse
del
mercado
del
disco y al buscar aumentar su
difusiôn,
el
mundo
del
disco tradicional y el de la investigaciôn se
hallan
ligados
en el
seno
de colecciones
situadas
en el
centro
de
lôgicas
concurrentes
:
la
lôgica del
museo
y
la constituciôn
de
colecciones en vistas de una exposiciôn, y las lôgicas
mercant
iles
industriales
que
cruzan los mundos de
la mûsica.
106
Les
collections
de disques de
musiques
du monde.
culture
musées n°
1
-
8/18/2019 DA Lage - Les Collections de Disques de Musiques Du Monde Entre Patrimonalisation Et Marchandisation
21/21
Logicas
« museales » y lôgicas mercantiles, arte y
cultura,
el
mundo
de las
mûsicas
tradicionales
révéla
prâcticas
atîpicas
en
los mundos
de
la mûsica
y contrainterroga
la
concepciôn
«
clâsica
» de la nociôn de
patrimonio
y de
autenticidad.