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2010-2012
Techniques de gestion au marais de Lavours : essai de synthèse.
Maître de stage :
M. Fabrice DARINOT
NARDETTO Aubane
BTSA GPN option Gestion des Espaces Naturels [email protected]
Réserve Naturelle
Marais de Lavours
RAPPORT DE STAGE
1
INTRODUCTION ............................................................................................................ 1
A – CONTEXTE DE LA RÉSERVE NATURELLE ..................................................................... 2
1. INFORMATIONS GENERALES .................................................................................................... 2
1.1. Création ......................................................................................................................... 2
1.2. Historique du marais ....................................................................................................... 4
2. ÉCOLOGIE DU MARAIS DE LAVOURS........................................................................................... 5
2.1. Environnement ............................................................................................................... 5
2.2. Habitats naturels et espèces patrimoniales ........................................................................ 7
3. CADRE SOCIO-ECONOMIQUE ET CULTUREL DU MARAIS DE LAVOURS ................................................ 11
3.1. Régime foncier ............................................................................................................... 11
3.2. Activités ........................................................................................................................ 11
4. ENJEUX ET OBJECTIFS DE CONSERVATION AU MARAIS DE LAVOURS .................................................. 14
4.1. Au niveau du patrimoine naturel, culturel et paysager ....................................................... 14
4.2. Au niveau pédagogique et scientifique ............................................................................. 14
4.3. Financement des actions de gestion ................................................................................ 15
B - SUIVI SCIENTIFIQUE DE LA VÉGÉTATION ................................................................... 16
1. PROTOCOLE DE SUIVI DE LA VEGETATION ................................................................................... 16
1.1. Rappel sur la conduite de la zone étudiée ......................................................................... 16
1.2. Objectif du suivi ............................................................................................................. 17
1.3. Méthode appliquée ........................................................................................................ 17
1.4. Evolution du suivi ........................................................................................................... 19
2. BRULAGE DIRIGE .................................................................................................................. 19
2.1. Qu’est-ce que c’est ? ....................................................................................................... 19
2.2. Dans le monde...............................................................................................................20
2.3. Au sein du marais .......................................................................................................... 21
3. ETAT ACTUEL DES CONNAISSANCES .......................................................................................... 23
3.1. Impact sur les milieux ..................................................................................................... 23
3.2. Impact sur les espèces ....................................................................................................24
Sommaire
2
C - INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ........................................................................... 26
1. ANALYSE........................................................................................................................... 26
1.1. Paramètres étudiés ....................................................................................................... 26
1.2. Indices de richesse ......................................................................................................... 27
1.3. Indice de diversité ......................................................................................................... 29
1.4. Synthèse des paramètres ............................................................................................... 32
2. PERSPECTIVES D’AVENIR ........................................................................................................ 33
2.1. Critique du protocole de suivi .......................................................................................... 33
2.2. Quel mode de gestion pour le marais ? ............................................................................. 35
3. UN SUIVI POUR LE BRULAGE DIRIGE ? ........................................................................................ 36
3.1. Etude de paramètres physiques ....................................................................................... 36
3.2. Etude de la flore............................................................................................................. 37
CONCLUSION ............................................................................................................. 40
REMERCIEMENTS ........................................................................................................ 41
TABLE DES ILLUSTRATIONS ......................................................................................... 42
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................... 43
ANNEXES ................................................................................................................... 45
1
Introduction
Le marais de Lavours est l’une des dernières grandes zones humides de la vallée du Haut-
Rhône français, entre Genève et Lyon. Il est situé dans la Jura méridional, dans le département de
l’Ain, à 5km au nord du lac du Bourget. De par sa situation géographique, son histoire et son
évolution, le marais de Lavours est aujourd’hui un haut lieu de biodiversités qu’il faut absolument
protéger. C’est pourquoi l’EID (Entente Interdépartementale pour la Démoustication), gestionnaire
de la réserve naturelle, a tout fait pour entretenir de son mieux ce marais atypique : fauche,
broyage… le tout faisant objet d’études scientifiques rigoureuses. Récemment, une nouvelle
méthode de gestion a été mise en place : le brûlage dirigé hivernal. Elle est encore à titre
expérimental mais tous les impacts sur la faune et la flore sont étudiés. Ce rapport va se concentrer
sur la réponse de la flore face à ce nouveau type de gestion. Cependant, la zone qui va être étudiée a
été gérée successivement par pâturage, broyage, et aujourd’hui brûlage dirigé hivernal. Ainsi, même
si nous allons mettre l’accent sur le brûlage dirigé, car c’est un mode de gestion peu répandu en
France et aussi très peu étudié, nous allons tout de même pouvoir analyser tous les types de gestion
mis en place dans la réserve pour essayer de trouver une association de ces techniques qui pourrait
conduire le marais à son optimum écologique et/ou le maintenir dans cet état.
Dans un premier temps, nous allons nous pencher sur le contexte général de la réserve
naturelle, pour passer ensuite au suivi scientifique et terminer avec une interprétation des résultats
obtenus et des propositions de mise en place de nouveaux suivis.
2
A – CONTEXTE DE LA RÉSERVE NATURELLE
1. Informations générales
1.1. Création
1.1.a. La réserve naturelle
La création de la réserve naturelle du marais de Lavours date de 1984. A la fin des années
1950, on envisageait d’assainir le marais à des fins agricoles (drainage principalement). Mais le
manque de moyens et le coût élevé des travaux ont mis un frein à cette entreprise. Parallèlement,
dans les années 1960, une forte crue du Rhône vient inonder les prairies marécageuses qui bordaient
le fleuve. On voit alors une explosion des populations de moustiques avec la chaleur du printemps,
qui provoque une crise dans l’hôtellerie, secteur en pleine expansion autour du lac du Bourget. A
cette date, une loi sur la démoustication est adoptée (loi 1964). En 1966, des chercheurs grenoblois
sont sollicités pour trouver des méthodes de lutte écologiques et efficaces contre les moustiques
dans les marais de Lavours et de Chautagne.
C’est ainsi que les chercheurs découvrent sur
place l’intérêt exceptionnel de ce marais,
ainsi que sa richesse faunistique et
floristique. Cependant, l’intérêt écologique
du marais ne passe pas dans les mentalités.
Un premier projet de mise en réserve est
lancé en 1972 par la Fédération Rhône-Alpes
de Protection de la Nature (FRAPNA). Mais il
sera abandonné en 1974. Un deuxième
projet va donc être lancé en 1975, fort
différent du premier, qui sera finalement
accepté le 22 mars 1984, c'est-à-dire 12 ans
après les premières négociations. La réserve
naturelle du marais de Lavours ainsi créée
est divisée en deux secteurs, nord et sud,
pour une superficie totale de 473 hectares 38
ares 92 centiares (cartographie ci-contre :
localisation). voir annexe 1 : carte de la
réserve naturelle du Marais de Lavours
3
L’Entente Interdépartementale Rhône-Alpes pour la Démoustication (EID) est le
gestionnaire de la réserve depuis sa création. C’est un établissement public créé en 1965 à l'initiative
des Conseils généraux de l'Ain et de la Savoie, dont la vocation est de lutter de façon écologique
contre la prolifération des moustiques.
D’un point de vue économique, le budget de la réserve naturelle, tout comme celui de la
maison du marais, sont considérés comme des budgets annexes rattachés à celui de l’EID, le tout
pour un souci de clarté.
Au niveau du personnel, trois personnes sont affectées à la réserve naturelle, sous la
responsabilité du directeur de l’EID :
- un conservateur : M. Fabrice DARINOT
- un garde technicien : M. Fabrice CARTONNET
- une garde animatrice : Mlle Cécile GUERIN
Le marais de Lavours possède également un conseil scientifique (composé de 18 membres
dont de nombreux naturalistes et experts en sciences humaines) qui se réunit deux fois par an, et un
comité consultatif (composé de représentants de l’Etat, de collectivités territoriales, de propriétaires
et d’usagers, et de scientifiques) qui se réunit deux fois par an (au printemps pour la mise en place de
la gestion et en hiver pour un bilan des opérations ainsi qu’un bilan financier).
1.1.b Les autres classements
Le territoire de la réserve bénéficie d’autres classements. Elle est incluse dans la Zone d’Intérêt
pour la Conservation des Oiseaux (ZICO) RA13 « Lac et marais du Bourget » de 9350 ha. Elle fait
aussi partie d’une Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Floristique et Faunistique (ZNIEFF) de type 1
n°1210001, de 1709,42 ha. De plus, elle est répertoriée par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée et
Corse comme faisant partie de la masse d’eau n°6330 «Alluvions des marais de Chautagne et
Lavours», et est aussi inscrite dans l’Inventaire des zones humides du département de l’Ain, ainsi que
dans l’inventaire des tourbières de Rhône-Alpes. Et tout le territoire de la réserve est classé en Zone
de Protection Spéciale (ZPS) depuis septembre 1986, et en zone Natura 2000 par l’arrêté du 27
octobre 2004. Il n’y a pas de document d’objectif et de comité de pilotage à proprement parler pour
la zone Natura 2000 : le plan de gestion de la réserve tient lieu de document d’objectif et le comité
consultatif de comité de pilotage, car les limites de la ZPS et de la réserve naturelle sont similaires.
4
1.2. Historique du marais Depuis le retrait des glaciers würmiens, il y a environ 18 000 ans, des hommes vivent dans le
marais de Lavours (comme l’atteste des vestiges d’ossements retrouvés à Culoz). Et c’est à partir de
l’âge de Bronze (-800 ans) que le parcellaire s’organise. Néanmoins, il faut attendre le 12ème siècle
pour que le pastoralisme s’implante avec l’arrivée de moines : les chartreux d’Arvières, installés aux
flancs des monts du Colombier (points culminant à 1501m), et les moines cisterciens de l’abbaye de
Hautecombe. Au 17ème siècle, l’élevage s’intensifie. Ainsi, le marais est depuis très longtemps
exploité par l’homme.
Le statut communal du marais est issu de la révolution : le centre du marais, tourbeux et de
mauvaise qualité, fut attribué aux communes, alors que les meilleures terres revinrent aux privés.
C’est ce partage qui est à l’origine des multiples petites fosses présentent dans le marais : elles
servaient à délimiter le territoire. Ces fossés sont aujourd’hui l’habitat d’espèces remarquables telles
que les rossolis. Mais à cette époque, la fonction essentielle du marais n’était pas la conservation de
la biodiversité animale et végétale, c’était la production de « blache », ou foin de marais. Celle de
bonne qualité était destinée au fourrage, tandis que la mauvaise blache partait dans les vignobles
des coteaux voisins : épandue entre les rangs de vigne, elle limitait l’érosion des sols en les
enrichissant, et empêchait la pousse des mauvaises herbes. Mais la crise du phylloxéra qui toucha les
vignobles en 1876, couplée à l’exode rural, marque le début de l’abandon du marais. Après la
révolution, l’extraction de tourbe se met en place : n’ayant pas de bois pour le chauffage, la tourbe
était le « charbon des pauvres ». Mais cette extraction n’a jamais été d’envergure, malgré quelques
tentatives. Ces anciennes fosses d’extraction sont toujours présentes au marais et abritent de
nombreuses espèces de libellules et une grande diversité de plantes aquatiques.
Les années 1970 voient la mise en place de la Politique Agricole Commune qui pousse
l’agriculture locale à changer rapidement, avec la quasi-disparition de l’élevage, notamment de
l’élevage dans le marais, au profit de la céréaliculture. A Culoz, un agriculteur achète plus d’une
centaine d’hectares de tourbière, de peu de valeur, et entreprend la « bonification » de ces terres
humides en creusant des drains pour la culture du maïs. Actuellement, 300 ha de maïs bordent la
réserve naturelle. Simultanément, les plantations de peupliers se développent sur les terrains
limoneux du pourtour de la tourbière, nécessitant aussi le creusement de nouveaux fossés. Quelques
bons prés sont maintenus en bordure du marais pour la pâture des vaches. Ainsi, le marais se boise,
aussi bien en bordure de Séran qu’au cœur même de la tourbière. Ailleurs, ce sont les immenses
peuplements de Phragmites australis (roseaux communs) qui font disparaitre les prairies humides.
Et c’est dans ce contexte de mosaïque de milieu que la réserve naturelle du marais de Lavours est
créée en 1984.
5
2. Écologie du marais de Lavours
2.1. Environnement
2.1.a. Le climat
Le marais de Lavours possède un climat de type semi continental, avec un maximum de
précipitations en automne et hiver (avec une moyenne de 120mm de pluie). De plus, la réserve ne
connait pas de mois sec, exception faite des années de canicule, comme celle de 2003 par exemple,
ou encore celle de 2005 où la sécheresse a sévi. Le marais de Lavours dispose d’ailleurs d’une station
météorologique implantée dans le cadre d’un programme lancée par le CREA (centre de recherche
sur les écosystèmes d’altitudes). Quant aux vents, ils sont orientés selon un flux Nord/Sud, ils suivent
le couloir formé par la vallée du Rhône. La flore présente au marais est alors de type hygrophile à
hydrophile.
2.1.b. L’eau
L’origine commune des marais de Lavours et de Chautagne a conduit à la mise en place d’un
aquifère inférieur en continu sur ces deux zones, surmonté par deux aquifères supérieurs propres à
chaque marais. L’aquifère supérieur du marais de Lavours est compris dans des alluvions sablo-
graveleuses apportées par le Rhône et le Séran. Il présente une épaisseur de 10 à 15 mètres, assez
constante sur l’ensemble de la plaine. Cependant, l’aquifère supérieur se présente sous deux formes
selon le lieu. Dans la réserve nord, il est compris dans les 10 mètres de tourbes ; ainsi, la tourbe
agissant comme une éponge, cette nappe phréatique a la particularité de ne pas pouvoir s’écouler.
Dans la réserve Sud, l’aquifère supérieur est compris dans l’épaisseur des alluvions argilo-sableuses
apportées par les débordements du Séran et du Rhône.
Le réseau hydrographique du marais se compose de
trois cours d’eau (le Mergeais, les Rousses et le Séran) et de
nombreux fossés très divers. Le Séran est le cours d’eau
principal du bassin versant (photographie ci-contre). Il
prend sa source sur le plateau du Retord à une altitude de
929 m et s’écoule sur 40 km avant de se jeter dans le Haut-
Rhône. Tout au long de sa traversée du marais, le Séran
présente des berges abruptes et souvent hautes de plus de 2 mètres, qui témoignent d’une forte
incision du lit (photographie ci-contre). Cet enfoncement de la ligne d’eau a débuté au 19ème siècle
avec curages et endiguements : les berges sont enrochées sur 5 km. Cette incision entraine ainsi un
drainage de la nappe supérieure du marais.
6
Le réseau de fossés, plutôt denses, a différentes origines et plusieurs usages. Tout d’abord,
on distingue les fossés de délimitation de propriétés (qui apparaissent dès le 15ème siècle), très étroits
et superficiels. Ensuite, il y a les fossés vestiges d’extraction de la tourbe, beaucoup plus profonds
(plus de 1m50) et large d’environ 2 mètres. On peut les relier aux anciennes fosses d’extraction qui
aujourd’hui ont donné lieu aux étangs Tendret, des Rousses, Delastre et Frapna. Enfin, on trouve des
fossés qui ont pour vocation de réguler le niveau de la nappe supérieure du marais, à des fins
agricoles, pour faciliter la fenaison en abaissant le niveau de l’eau. Le ruisseau de la vanne est le plus
ancien, il possédait trois vannes de régulation, dont une a été restaurée par la réserve en 2004.
2.1.c. La géologie
La nature calcaire des roches du Bugey conditionne en grande partie le type de sol de la
réserve et de la végétation qui s’y développe. Le marais de Lavours se trouve à l’emplacement d’un
ancien pli synclinal. La fonte des glaciers würmiens qui recouvraient toute la vallée du Rhône et la
cuvette du Bourget a donné naissance à un vaste lac postglaciaire. A l’aval, son niveau était contrôlé
par le seuil rocheux de la Balme (218 mètres d’altitude), qui a fini par céder, entraînant la vidange
progressive de l’immense lac. Le Rhône s’est ensuite mis en place. Mais au fur et à mesure de son
alluvionnement, l’altitude du lit mineur du Rhône augmentait en séparant de part et d’autre les
futurs marais de Chautagne et de Lavours, jusqu’à atteindre 230 mètres à la hauteur de Lavours.
Ainsi, pendant 8 000 ans, la bordure du marais de Lavours proche du fleuve a reçu des sables et des
limons apportés par les inondations, tandis que son centre, régulièrement inondé mais moins
soumis aux dépôts solides, s’exhaussait avec retard par accumulation des végétaux morts, formant
la tourbe. voir annexe 2 : carte de la pédologie du marais de Lavours
Accompagnant la montée du lit du Rhône, la tourbe s’est épaissie au rythme moyen d’un
mètre par millénaire. Elle présente aujourd’hui une épaisseur de 10 mètres au centre de la réserve
naturelle. La tourbe est brune (à base de cypéracées), fibrique à mésique, hétérogène car
fréquemment intercalée d’horizons limoneux apportés par le Rhône, qui entraînent des niveaux
tourbeux désaturés en eau. Ces lits de gley sont surtout fréquents dans les 50 cm de surface. A partir
de 8 mètres, les horizons argileux sont de plus en plus fréquents, jusqu’à atteindre un niveau de
gyttja (dépôt sédimentaire riche en éléments nutritifs, constitué surtout de débris de plancton et
d'autres plantes et animaux, et de vase, déposés dans l'eau à l'état finement divisé) vers 10 mètres.
Les sols de la réserve naturelle Sud sont quant à eux constitués par les alluvions du Séran, sans
tourbe en profondeur. Aujourd’hui, les sols ont beaucoup évolué. On remarque notamment trois
zones de tassement importantes, dûes à la baisse du niveau de la nappe supérieure dans la tourbe.
La flore présente est conditionnée par les substrats, de différents types au marais, ce qui va
entrainer une grande richesse spécifique floristique.
7
Le patrimoine géologique de la réserve naturelle ne présente aucun enjeu de conservation,
car les roches sont recouvertes par plusieurs mètres de sédiments ou de tourbe. En revanche, le
patrimoine pédologique est exceptionnel, grâce à la présence d’une tourbière alcaline très profonde
(10 mètres) et d’un massif de tourbe approchant les 41 millions de m3. Maintenant, la valeur
écologique de ce patrimoine est reconnue à l’échelle nationale, puisque le marais de Lavours est
l’une des plus grandes tourbières de France, en assez bon état de conservation. Cependant, l’état de
conservation particulier des histosols mérite d’être mieux cerné, dans un contexte d’enfoncement
généralisé de la nappe, et notamment la question de la turfigénèse doit être élucidée : la tourbe
continue-t-elle à se former, à quel rythme et où dans la réserve ?
2.2. Habitats naturels et espèces patrimoniales Avant même la création de la réserve, le marais de Lavours avait déjà fait l’objet de plusieurs
études, soit pour l’extraction de la tourbe ou encore par des universitaires. Son activité scientifique a
toujours été très haute depuis 1984, grâce à la proximité des universités de Grenoble et de Lyon, et
aussi avec la participation de nombreux naturalistes.
2.2.a. Les habitats naturels
Les habitats correspondent aux groupements végétaux tels qu‘ils ont été décrits et
cartographiés en 1999, lors de la réactualisation de la première carte de la végétation datant de
1969. Mais cette carte est en cours de réactualisation. Dans l’état actuel des connaissances, la
réserve compte, selon la nomenclature Corine Biotope, dix-huit habitats naturels, un semi-naturel
(peupleraie) et un habitat agricole (champ de maïs). Dix sont inscrits en annexe I de la directive
Habitat, dont deux en prioritaire (7210-1 : végétation à marisque et 91E0 : forêts alluviales à Alnus
glutinosa et Fraxinus excelsior). voir annexe 3 : groupements végétaux présents au marais de
Lavours.
La valeur patrimoniale peut dépendre de plusieurs critères : rareté, spécificité, diversité,
surface, âge… Au marais de Lavours, la valeur des habitats est due à leur spécificité : ce sont des
habitats typiques et représentatifs des grands marais de plaines périfluviales, qui tendent à
disparaitre en Europe, comme la plupart des milieux humides. Ainsi, ce sont les milieux prairiaux qui
ont la plus forte valeur patrimoniale. De plus, les cladiaies (prairies composées de Cladium mariscus),
constituent le milieu le plus remarquable de la réserve. Tout d’abord parce qu’elles sont en excellent
état de conservation, mais aussi parce qu’elles s’étendent sur 45 ha. D’autre part, la cladiaie
constitue un biotope favorable pour de nombreuses espèces, avec par exemple une richesse
spécifique la plus élevée du marais pour les araignées (99 espèces y sont présentes sur le 227
recensées). On peut aussi faire remarquer que les phragmitaies inondées ont une forte valeur
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patrimoniale, car elles sont l’habitat de prédilection de plusieurs oiseaux paludicoles très rares. La
cariçaie à Carex elata participe aussi à augmenter cette
valeur ; elle s’entend sur une zone très importante et
rassemble de nombreuses espèces (dont certaines
protégées) qui lui sont inféodées : Liparis loselii, Gratiola
officinalis, Orchis palustris, Spiranthes aestivalis, Hydrocotyle
vulgaris, Senecio paludosus, Gentiana pneumonanthe
(photographie ci-contre) …
Le marais a toujours évolué de façon spontanée, jusqu'à l’arrivée des moines cisterciens au
12ème siècle. Ainsi, l’hydrologie était le seul facteur dominant de son évolution. Des sondages de
tourbe, après étude pollinique, ont révélé que le marais n’a jamais été boisé, seulement parfois un
peu embroussaillé. C’est seulement à partir du 19ème siècle, lorsque le Rhône commence à être
endigué, que le marais évolue vers un milieu moins hydrophile, d’où l’envahissement progressif par
les ligneux. L’avancée de l’aulne sur les prairies peut être facilement contrôlée par la fauche ou le
pâturage et les brulis hivernaux. Mais après la seconde guerre mondiale, lorsque le marais a été
abandonné, rien n’a empêché les prairies de se boiser. Les prairies subsistantes ont néanmoins été
brulées tous les hivers par les riverains, jusqu’à la création de la réserve, ce qui a permis de préserver
une grande partie de marais ouverte. Ainsi, sans les crues du Rhône et du Séran, la dynamique de la
réserve conduirait à une aulnaie.
En 2009, la réserve a commencé à travailler sur un protocole pour évaluer l’état de
conservation des habitats prairiaux. L’idée générale est de décomposer l’état de conservation en
trois paramètres : intégrité de l’hydrologie, typicité du cortège faunistique et floristique, atteintes et
perturbations. Suivant la note attribuée à chacun de ces paramètres, une note totale est donnée au
milieu, censée refléter son état de conservation.
La carte suivante donne une représentation simplifiée de la végétation au marais. On
distingue nettement les différents types d’habitats présents dans la réserve.
2.2.b. Les espèces
3673 espèces animales et végétales ont été recensées dans la réserve naturelle. 70% de ces
espèces appartiennent au règne animal.
De nombreuses espèces présentes au marais de Lavours sont protégées, à diverses échelles,
aussi bien en faune qu’en flore. Ainsi, la présence, par exemple, du cuivré des marais et du fadet des
laîches à la réserve, deux espèces de papillons protégés au niveau national, en font un milieu
prioritaire pour la conservation de ces deux rhopalocères.
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Figure 1 : cartographie simplifiée de la végétation du marais de Lavours
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Le marais de Lavours a longtemps été utilisé pour le pastoralisme, son état de conservation
étant alors inéluctablement influencé par les pratiques agricoles de l’époque. Ainsi, les roselières,
cladiaies et grands hélophytes (avec tous leurs cortèges faunistiques) n’étaient pas ou peu présents à
cause de la fauche, alors que la faune et la flore de prairie étaient favorisées, avec par exemple les
orchidées, le râle des genêts, le courlis cendré, la caille des blés, les papillons du genre Maculinea…
Aujourd’hui, la raréfaction des inondations, la baisse de la nappe phréatique et la perte des
pratiques agricoles traditionnelles ont conduit à la dégradation des prairies et des roselières.
Cependant, la fauche mécanique appliquée au marais a permis de pallier le manque de fauche
traditionnelle. De plus, le maintien d’une roselière dans la prairie Sud a permis de conserver une
zone de nidification de nombreux oiseaux, comme le gorge bleue à miroir par exemple.
C’est pourquoi il est aujourd’hui important de conserver des secteurs de roselière semi-
aquatique et des secteurs agro-pastoraux de prairie entretenue avec leurs cortèges d’espèces
caractéristiques respectifs, comme témoins des deux grands types d’écosystèmes qui se sont
succédés dans le marais de Lavours au cours des deux derniers millénaires.
On peut distinguer trois types d’habitats présents dans la réserve qui sont, ou ont été, liés à
l’homme. Tout d’abord, les roselières et cariçaies denses à touradons devaient probablement être
très étendues avant l’arrivée de l’homme au 12ème siècle, et les conditions hydriques de l’époque
empêchaient les ligneux de s’installer. Ensuite, l’habitat qui prédominait jusqu’à la fin du 19ème siècle
étaient composés de prairies hygrophiles plus basses, entretenues par pâturage, fauchage voire
brûlage. Aujourd’hui, ces milieux dépendent exclusivement de la fauche mécanique pour limiter la
propagation des ligneux et pallier l’absence de crues. Et enfin, les milieux forestiers, inédits dans le
marais, ne dépendent pas de l’homme. Seule leur propagation peut être régulée par l’activité
humaine.
2.2.c. Le patrimoine
Le paysage du marais de Lavours est des plus
saisissants : une prairie tourbeuse à perte de vue
surplombée par le Grand Colombier dans la réserve Nord
(photographie ci-contre). Cependant, l’ambiance
marécageuse a de quoi inquiéter parfois, surtout lorsque
des sangliers s’enfuient juste devant vous en faisant
trembler les roseaux sur leur passage, ou lorsque la brume
couvre la réserve d’un épais manteau blanc. Autrefois, le marais n’attirait pas les voyageurs, mais les
11
mentalités ont évolué, et aujourd’hui, des nombreux promeneurs viennent admirer le paysage, des
peintres l’immortaliser, des photographes le capturer. Les temps ont changés : autrefois lieu de
travail des hommes, il est aujourd’hui un lieu de ressourcement et d’inspiration.
D’un point de vue archéologique, le marais possède un patrimoine très riche. De nombreux
gisements ont été fouillés dans les années 1970-1980 et datés du Mésolithique à l’âge de Bronze.
Au niveau historique, la réserve recèle de nombreux vestiges des activités qui s’y déroulaient
jusqu’à une époque récente. Avant même d’arriver dans le marais, la traversée du hameau d’Aignoz
propose un parfait exemple de l’habitat bugiste. Ensuite, l’accès à la réserve se fait par un pont daté
du 18ème siècle qui surmonte le Séran. Au pied du pont, on trouvait aussi la grande pierre de
lavandière, indice d’un milieu autrefois très fréquenté par les hommes. Ce sont les vestiges liés à
l’eau qui sont les plus nombreux : pierre plate pour traverser un fossé, digue pour faire une retenue
d’eau sur le bras mort du Séran (qui n’en est d’ailleurs pas véritablement un). Mais on trouve aussi
d’autre aménagement liés à la prairie : chemins vaguement empierrés le long des fossés, bornes en
pierre qui délimitaient autrefois les parcelles,…
3. Cadre socio-économique et culturel du marais de Lavours
3.1. Régime foncier
La réserve naturelle est formée de 1456 parcelles qui, à sa création, appartenaient à plus de
400 propriétaires. Cette situation de morcellement parcellaire extrême rend la maîtrise d'usage
délicate. Le respect de la propriété privée implique en effet l'accord des personnes et des communes
concernées pour toute action de gestion des habitats ou de création d’infrastructure d'accueil du
public. L'acquisition de terrains ou leur utilisation par bail de location et convention avec les
propriétaires fait donc l'objet de nombreuses démarches depuis la création de la réserve. Ainsi,
137,36 ha sont en maitrise foncière et 117,29 ha sont en maitrise foncière par le biais de baux de
locations.
NB : aucune maitrise foncière ou d’usage ne concerne les boisements, hormis quelques hectares.
3.2. Activités
3.2.a. Les activités socio-économiques
Les activités agricoles de la réserve n’ont aucun but lucratif, mais seulement un but
d’entretien et de conservation du marais. Le pâturage a rapidement été mis en place, dès 1987 pour
entretenir les prairies hygrophiles sur tourbe. Douze vaches de race Highland Cattle sont introduites
dans la réserve, dans un parc clôturé de la réserve Nord, puis neuf chevaux camarguais ainsi que six
poneys Pottok en 1989. Tous restent sur le marais toute l’année, même en hiver, mais avec un suivi
12
vétérinaire rigoureux. Dès 1986, un suivi scientifique de la végétation est mis en place pour évaluer
l’impact du pâturage sur les prairies. Après cinq années de pâturage, des plantes rares apparaissent
par l’ouverture du milieu et le piétinement. Cependant, l’aulne glutineux s’étend parce qu’il n’est pas
brouté. Mais l’herbe peu nutritive et les crues rendent la vie des animaux trop rude en hiver. Le
pâturage se réorganise alors en 1991 : les animaux sont mis en hivernage hors de la réserve, et les
jeunes semis d’aulne sont débroussaillés en automne.
Au niveau de la chasse, elle est interdite dans la réserve (tout comme la pêche) sauf dans
deux zones très boisées. Avec les sociétés de Talissieu, Cressin-Rochefort et Lavours, le marais de
Lavours dans son ensemble intéresse près de 140 chasseurs, pour un territoire de chasse total de
5000 ha. Ces sociétés ont constitué un Groupement d’Intérêt Cynégétique (GIC) du marais, qui a
pour vocation la gestion du cerf et la concertation sur la problématique sanglier (chasse et
prévention des dégâts). En effet, leur effectif toujours grandissant pose des problèmes pour les
couvées au sol, et aussi pour les agriculteurs du marais qui voient leurs cultures dégradées par les
animaux. C’est pourquoi, chaque année, trois à cinq battues de décantonnement sont organisées. Le
principe est d’effaroucher les sangliers (sans tir ni chien) pour qu’ils sortent de la réserve, afin d’être
chassé le lendemain.
La pratique touristique majoritaire est la promenade
sur le sentier sur pilotis (photographie ci-contre).
L’écocompteur installé en 2004 révèle une fréquentation
moyenne de 28 500 visiteurs par an, avec un pic en été.
Parmi ces visiteurs, les familles en balade sont les plus
nombreuses, provenant soit des environs, soit des
départements voisins, d’autres régions ou de l’étranger en
été. Les naturalistes et les photographes sont assez rares sur
le sentier sur pilotis. Les groupes de scolaires et d’adultes
accompagnés ou non d’un animateur de la réserve naturelle constituent une part importante de la
fréquentation, avec en moyenne 3 000 personnes chaque année. Hors du pilotis, les vététistes et les
cavaliers empruntent souvent la piste entre le pont d’Aignoz et le pont de Flaxieu, car le GR situé sur
la rive droite du Séran est moins facile d’accès.
Depuis la création de l’Entente Interdépartementale Ain Isère Rhône Savoie pour la
Démoustication en 1966, tous les gîtes à moustiques du marais de Lavours sont répertoriés et traités
chaque année. Les traitements ont beaucoup évolué depuis l’utilisation, dans les années 1970, des
produits organophosphorés (Fénitrotion, Téméphos), insecticides peu sélectifs, épandus à pied ou à
l'aide d'engins chenillés amphibies. La lutte actuelle recourt à un biocide d'origine bactérienne
13
Bacillus thuringiensis var. israelensis (Bti) qui cible et détruit les larves de moustiques. Ainsi, depuis sa
création, la réserve a toujours été traitée avec le Bti.
3.2.b. les activités pédagogiques
Des 1988, un pilotis de 2400m est installé par le gestionnaire pour permettre aux visiteurs de
venir découvrir la faune et la flore du marais. Il permet aussi de canaliser les curieux pour limiter
l’impact d’effarouchement sur la faune. Deux observatoires sont accessibles à partir du sentier sur
pilotis : un observatoire perché qui donne sur la grande prairie Nord, au centre du marais, et un autre
à proximité de l’étang Tendret dédié à l’observation des oiseaux d’eau. Le sentier sur pilotis
nécessite un entretien régulier, avec le remplacement d’environ 1 m3 de planches chaque année.
Cependant, la durée de vie du mélèze non traité ne dépasse pas 8-10 ans et le platelage a été
intégralement remplacé en 1996-1997. Depuis 2006, le volume de planches remplacées ne cesse
d’augmenter, avec une crise en 2009 : à la suite d’un hiver très rigoureux, il a fallu remplacer 970 m
de platelage ainsi qu’un nombre très important de traverses porteuses. La moitié du sentier est
fermée, à cause de son niveau de détérioration qui nécessiterait des travaux de réparation trop
importants. En réalité, c’est le sentier sur pilotis dans son intégralité qui est vétuste et qui nécessite
d’être remplacé. Dans un souci d’anticipation, le gestionnaire travaille sur le projet de nouveau
sentier sur pilotis depuis 2008. Cet équipement devra permettre l’accès à tous les publics, y compris
les personnes en situation de handicap. Si tout se passe bien, le sentier sur pilotis sera totalement
changé en 2014.
L’EID, gestionnaire de la réserve depuis sa création,
n’avait aucune compétence pour ce qui était de l’accueil du
public. C’est pourquoi, en 1991, l’association des Amis de la
Réserve est créée pour remplir cette mission d’animation
auprès du grand public et aussi des scolaires. En 1996, la
communauté de communes du grand Colombier, sous la
demande des Amis de la Réserve, prend en charge le projet.
Cinq ans plus tard, la maison du marais ouvre ses portes
(photographie ci-contre). Grâce à une muséographie attractive
et pédagogique, elle permet aux visiteurs de compléter leur
visite sur le pilotis. En 2004, elle rencontre de gros problèmes financiers, l’association est alors privée
de sa gestion qui revient de fait à l’EID en 2006.
14
4. Objectifs de conservation au marais de Lavours
4.1. Au niveau du patrimoine naturel, culturel et paysager
Le marais de Lavours est un milieu naturel de grande qualité qu’il faut absolument préserver.
Ainsi, des objectifs ont été mis en place quant à sa gestion. L’objectif prioritaire est de restaurer puis
maintenir le fonctionnement hydrodynamique du marais, comprenant les eaux de surface et les
eaux souterraines, afin de permettre le développement des communautés végétales et animales, et
en particulier celles qui sont les plus spécifiques du marais, rares ou menacées. Cet objectif est
fondamental car il conditionne tous les autres objectifs relatifs à la conservation du patrimoine
naturel. Un objectif subordonné découle donc de cet objectif principal : il s’agit de restaurer puis
maintenir en bon état de conservation les habitats naturels spécifiques des marais continentaux
péri-fluviaux, nécessaires au développement des espèces qui leur sont inféodées, dont certaines
sont devenues rares ou menacées en France. Il s’agit, en particulier, des prairies hygrophiles sur
tourbe, des prairies hygrophiles sur limons, des phragmitaies semi-aquatiques, des micro-habitats
aquatiques, des aulnaies marécageuses et de la forêt alluviale. Ces habitats sont nécessaires à la
conservation de plantes rares ou menacées ; à l’accueil d’oiseaux à forte valeur patrimoniale comme
étape migratoire ou pour leur nidification ; au maintien des populations d’amphibiens et de
mammifères ; au maintien d’une faune invertébrée diversifiée et remarquable, maillon essentiel des
réseaux trophiques.
En ce qui concerne le patrimoine culturel, paysager et historique, un objectif à long terme a
aussi été mis en place. La réserve se doit de restaurer et conserver en bon état le petit patrimoine
bâti ; d’entretenir les objets végétaux typiques du paysage traditionnel, tels que les haies ou les
arbres têtards ; de contribuer à la conservation du patrimoine archéologique du marais de Lavours
dans son ensemble, et de la réserve naturelle en particulier.
Plusieurs actions de gestion découlent alors de ces objectifs. Toutes ces étapes sont
parfaitement définies dans le plan de gestion de la réserve avec une programmation. Pour plus de
détails, s’y référer.
4.2. Au niveau pédagogique et scientifique
La pédagogie tient une place importante dans la réserve. C’est pourquoi elle nécessite aussi
la mise en place d’objectifs : sensibiliser le public aux richesses naturelles du marais de Lavours par le
biais d’équipements adaptés implantés dans la réserve, à travers une structure d’accueil
dimensionnée située hors réserve et grâce à un personnel qualifié pour accueillir le public. De plus, la
réserve se doit de gérer les cheminements et les pratiques sportives émergentes afin de favoriser
15
l’insertion de la réserve naturelle dans la vie des populations riveraines. Les objectifs pédagogiques
sont principalement soumis à la maison du marais qui se charge des animations et de la
sensibilisation.
Au niveau scientifique, un objectif de gestion à long terme tient en l’amélioration des
connaissances sur le patrimoine naturel et le fonctionnement des habitats de la réserve, et aussi une
favorisation de la recherche sur l’histoire et la préhistoire du marais de Lavours. C’est pourquoi de
nombreux suivis sont mis en place sur la réserve, aussi bien au niveau de la faune (rhopalocères,
arachnides,…) que de la flore. Le suivi bisannuel de la végétation prairiale, qui est à l’origine de ce
rapport, s’insère dans ce cadre de recherche scientifique.
4.3. Financement des actions de gestion
L’EID consacre une partie de son budget exclusivement pour la gestion de la réserve grâce à
une dotation annuelle du Ministère de l’Environnement et de la Compagnie Nationale du Rhône. La
part de ce budget est votée par le conseil d’administration de l’EID et par le comité consultatif de la
réserve. De plus, l’EID possède déjà le matériel adapté pour l’évolution en milieux peu portants tels
que les marais (tracteur à pneus extra larges basses pressions,…) car il travaille en zone humide dans
le cadre de la démoustication : il est alors équipé pour. Par ailleurs, comme la réserve est classée en
zone Natura 2000, des contrats Natura 2000 permettent au gestionnaire, depuis 2003, de financer
les opérations de fauche sur terrains tourbeux et les exportations de rouleaux. Pour les prairies sur
limons, moins vastes, le fauchage est financé par le conseil général de l’Ain via la TDENS (taxe
départementale des espaces naturels sensibles). Certaines parcelles avec un sol portant sont
fauchées de manières traditionnelles par des agriculteurs locaux selon un cahier des charges très
précis. Il arrive aussi que des parcelles soient pâturées par des troupeaux d’exploitants locaux. Là
aussi, cette pratique est soumise à un cahier des charges.
16
B - SUIVI SCIENTIFIQUE DE LA VÉGÉTATION
L’analyse de ce rapport portera exclusivement sur les parcelles qui ont été gérées par brûlis
hivernaux en 2009 et 2011. voir annexe 4 : carte de localisation des stations botaniques étudiées.
Ce choix a été fait d’une part parce que l’impact du brûlage dirigé sur la flore n’a pas encore été
analysé au sein du marais de Lavours, et aussi parce qu’une étude globale et approfondie de toutes
les méthodes d’entretien de la végétation aurait été trop fastidieuse aux vu des multiples modes de
gestion appliqués aux prairies. Cependant, les prairies qui ont connu le brûlage dirigé ont aussi été
gérées par pâturage et broyage. Ainsi, des constats globaux seront émis quant à la gestion par
pâturage et par broyage pour donner une ligne de conduite de la gestion du marais en fonction des
impacts de ces trois différentes techniques de conservation des prairies hygrophiles. L’objectif est
d’émettre des constats pour aider le gestionnaire à trouver un mode de gestion qui pourrait amener
à un très bon état de conservation de la strate herbacée et/ou qui pourrait le conserver, ainsi
qu’approfondir les connaissances sur le brûlage dirigé au marais.
NB : même si la fauche est utilisée pour gérer le marais de Lavours, une étude de son impact sur les
prairies hygrophiles ne peut pas être menée. En effet, chaque année, entre 25 et 45 ha de prairie
sont fauchées sur les 130 présents. Donc c’est seulement au bout de cinq ans que la totalité du
marais a été fauchée. Son but et effet principal sont de freiner voire de stopper la colonisation par
les ligneux. Mais aussi, dans certaines zones, la fauche permet de faire régresser voire parfois
disparaitre des espèces invasives telles que le solidage géant. (Ce fut le cas dans une des prairies de
la partie Sud de la réserve).
1. Protocole de suivi de la végétation
1.1. Rappel sur la conduite de la zone étudiée
La zone que nous allons étudier, composée de stations quatre témoins et neuf stations
gérées, a été gérée par pâturage de 1989 à 1999. Pâturée dans un premier temps par des chevaux
camarguais, des vaches de race Highland Cattle se sont rapidement rajoutées au troupeau. Mais en
2000, ce mode d’entretien des prairies est abandonné. La zone ne connait alors aucune gestion en
2000 et 2001. En 2002, douze juments et deux poulains viennent pâturer sur une partie de la zone
pendant les mois de juin et juillet. De 2003 à 2006, le site est géré soit par broyage ou pas fauche,
même si la totalité de la zone étudiée n’est pas fauchée ou broyée chaque année. En 2007 et 2008,
aucune gestion n’y a été menée. Il faut alors attendre 2009 et 2011 pour voir apparaitre le brûlage
dirigé comme nouveau mode de gestion, encore à titre expérimental, sur la zone.
17
1.2. Objectif du suivi L’objectif du protocole est de quantifier les modifications de la végétation après la
restauration des prairies hygrophiles sur tourbe et limon (pâturage équins et bovins, débroussaillage
mécanique, fauche d’entretien et récemment brûlage dirigé hivernal) depuis 1986. A partir de ces
constats, il faut trouver un mode de gestion pour conserver au mieux la qualité floristique du marais,
voir même l’améliorer.
1.3. Méthode appliquée
La méthode appliquée est celle de Daget-Poissonnet : il s’agit de relevés linéaires. Un fil de
10 mètres est tendu entre deux piquets (manche à balais dans notre cas). Tous les 40 cm, une tige de
bambou est appliquée contre la corde, et toutes les espèces qui touchent cette tige sont
comptabilisées. Si une espèce entre en contact plusieurs fois, elle ne sera
comptée qu’une fois. Les points d’insertion des piquets, pour retrouver les
mêmes d’une année sur l’autre, sont repérés soient par des piquets en bois, ou
plus récemment par des plots métalliques insérés dans le sol. Il s’agit de tube de
PVC de 40 cm de long et d’un diamètre de 40 mm munis d’un plot métallique
orange qui se retrouve grâce à un détecteur de métaux (photographie ci-
contre). Le plot retrouvé à l’aide des coordonnées GPS et du détecteur, il ne
reste plus qu’à enlever le bouchon et mettre le manche à balais dedans. Les
relevés commencent à un mètre du manche à balais, pour éviter les risques de
piétinement dus à la mise en place du matériel ou à la recherche de la station.
Pour chaque station soumise à la gestion, un seul relevé est effectué : il pointera l’Est.
Figure 2 : schéma d’un relevé botanique en station gérée
18
Pour les stations témoins, qui ne sont donc pas gérées et qui évoluent de façon naturelle,
trois ou quatre relevés sont fait, pointant l’Est, le Nord, l’Ouest et le Sud pour le quatrième, cela
dépend si la station est une témoin de trois autres stations ou quatre.
Pour des tests statistiques fiables, le nombre de stations témoins est relativement le même
que le nombre de stations gérées.
Pour pouvoir comparer les données d’une année sur l’autre, et pour faciliter la détermination
des espèces, les relevés s’effectuent toujours à la même période, pour la floraison de Senecio
paludosus et Valeriana officinalis dans les cariçaies proches du Séran (c'est-à-dire fin juin), et pour
celle d’Epipactis palustris, Filipendula ulmaria et Lysimachia vulgaris pour les prairies sur tourbe
(environ une semaine plus tard).
Le suivi se fait tous les deux ans, avec à chaque fois un échantillonnage complet de la réserve
Nord. A deux observateurs, il faut environ 30 minutes par relevé (variations de 5 à 10 minutes en
fonction de la densité de la végétation et du groupement relevé). Sur chaque feuille de relevés, la
hauteur de la strate, la présence d’humus sont indiqués, ainsi que le résultat du test « botte
mouillé », positif si de l’eau suinte du sol. voir annexe 5 : fiche de relevés botaniques (page ½). Il
ne faut pas oublier le temps de recherche de stations et celui pour la saisie des données sur
ordinateur. De plus, chaque station est photographiée pour garder une trace visuelle de la
végétation sur place.
Figure 3 : schéma d’un relevé botanique en station témoin
19
1.4. Evolution du suivi Les premiers relevés datent de 1986. Un premier protocole avait été mis en place dans le
communal de Béon. 110 stations fixes étaient relevées tous les ans en juillet, ainsi que 7 stations
témoins mises en défens. En 1993, le protocole est allégé à 76 stations et 7 stations témoins,
relevées tous les deux ans. En 1999, un nouveau protocole vise à étendre les zones échantillonnées :
le suivi dans le communal de Béon est encore allégé pour permettre d’étudier les nouvelles parcelles
restaurées.
Cette année, le protocole a encore été modifié, à la suite du rapport de stage de Thomas
Perrais en 2009, rapport qui montre que d’un point de vue statistique, la grille d’échantillonnage
n’est pas pertinente. Par exemple, certaines stations situées en forêt, n’avait pas de station témoin
de référence. Aucune analyse n’était alors possible. Ainsi, la grille d’échantillonnage a toute été
reprise, en se basant quand même sur la première existante. Des stations ont été rajoutées pour
étendre la zone de suivi, d’autres supprimées, des nouvelles stations témoins ont été mises en
place… voir annexe 6 : carte actualisée de localisation des stations de relevés botaniques. On
dénombre aujourd’hui 8 stations témoins de 4 relevés, et 7 de 3 (soit 53 relevés pour les stations
témoins), et 55 stations gérées, donc un total de 108 relevés.
Pour ce rapport, seule 13 stations, dont 3 témoins de 4 relevés, seront étudiées car ce sont
les seules stations qui appartiennent à la prairie gérée par brûlage dirigé hivernal pour le moment.
2. Brûlage dirigé
2.1. Qu’est-ce que c’est ?
2.1.a. définition
« Le brûlage dirigé est une opération d’aménagement et d’entretien de l’espace comprenant
la réduction du combustible sur les ouvrages de prévention des incendies de forêts. Il est également
une opération de gestion des peuplements forestiers, des pâturages, des landes et des friches. Sur
ces espaces, le brûlage dirigé consiste à conduire le feu de façon planifiée et contrôlée, sur tout ou
une partie d’une surface prédéfinie et en toute sécurité pour les espaces limitrophes. Les modes
opératoires permettent de maîtriser la puissance du feu et de contrôler les impacts sur les
différentes composantes du milieu » (Eric Rigolot, chercheur à l’INRA. Le brûlage dirigé en France :
outil de gestion et recherches associées, novembre 1998).
2.1.b. méthode d’application
Le brûlage dirigé doit être effectué avec de nombreuses précautions. Tout d’abord, la météo
doit être idéale (une bonne force de vent dans la bonne direction) ainsi que l’humidité du sol.
20
Ensuite, pour ne pas brûler la totalité du marais mais rester cantonné à la zone prévue, des pare-feu
sont mis en place : ils peuvent être naturels (rivières,…) ou artificiels (route,…). Au marais, les pare-
feu sont en fait des layons de prairies pré-broyés. La zone à brûler est détourée de cette façon-là : on
allume un feu qu’on fait avancer contre le vent pour établir une limite et surtout pour créer une
surface qui ne brûlera pas quand le feu reviendra sous le vent. Ensuite, le feu est allumé dans le sens
du vent sur la totalité de la zone, de façon à ce qu’il soit rapide pour ne pas détériorer trop le sol,
notamment sur tourbe (même si celle-ci est très humide). Le schéma suivant représente la mise en
place du brûlage dirigé.
Au marais, le brûlage dirigé est financé par un contrat N2000 voir annexe 7 : fiche action
brûlage dirigé. Le coût de cette opération est d’ailleurs moindre par rapport au fauchage ou
broyage.
2.2. Dans le monde
La plupart des études sur le brûlage dirigé ont été réalisées dans des pays anglo-saxons, et
notamment aux Etats-Unis. En effet, dans les prairies nord-américaines, le feu était un facteur
structurant. Avant la défaite du chef Black Hawk en 1832, les indiens allumaient tous les ans des feux
dans les prairies. De plus, des fermiers brûlaient aussi leurs prairies pâturées pour améliorer la
qualité du fourrage. Mais cette pratique a soudainement pris fin après la seconde guerre mondiale.
Après cette date, la plupart des prairies se sont appauvries. C’est pourquoi aujourd’hui, le feu est
considéré comme une perturbation naturelle de ces prairies, qui aide au maintien de la biodiversité.
Figure 4 : schéma de la mise en place du brûlage dirigé
21
En effet, les prairies, pâturées ou non, tendent naturellement à perdre en biodiversité, pas à cause
d’une espèce surabondante, mais à cause d’un épaississement de la litière. Un feu printanier permet
alors de dégager le sol et de faire face aux arbustes colonisateurs. De plus, on a aussi remarqué que
des espèces originelles du milieu mais disparues réapparaissaient pour une ou deux saisons.
En Europe, le feu est encore considéré comme destructeur, notamment dans les tourbières,
où la tourbe peut brûler de longue période. Cependant, le brûlage dirigé a longtemps été répandu en
Europe de l’Est, jusqu’à récemment. Alors que le feu était encore une technique bannie par les
écologistes dans les années 1980-1990, la technique du brûlage dirigé dans les espaces naturels s’est
récemment affinée en France, surtout dans les Pyrénées et le Massif Central. Le feu est utilisé dans
de rares réserves naturelles, comme celle de l’Etang de Cousseau (Landes) dans des cladiaies, ou
dans celle du Pinail (Vienne) dans des landes à bruyères. Dans les landes du Pinail, les brûlis sont
utilisés depuis 1994 (soit 20 brûlis déjà réalisés) pour garder le milieu ouvert. Dans un secteur où les
mares de petites tailles sont très
nombreuses (photographie ci-
contre), ce mode de gestion est
particulièrement approprié (aucun
engin mécanique ne peut circuler
aisément du fait des nombreux
trous d’eau). Il sert également à
devancer les incendies : un brûlage dirigé régulier évite les feux spontanés qui pourraient s’étendre
sur de très grandes surfaces. De plus, de nombreuses espèces sur la réserve sont des pyrophytes :
elles ont besoin que leurs graines soient soumises à de très fortes chaleurs pour pouvoir germer.
Seul le feu va permettre le maintien de ces espèces pionnières. De nombreuses études ont déjà été
réalisées sur cette réserve pour évaluer l’impact du feu sur la faune aussi bien que sur la flore. Les
résultats sont encourageants : aucune espèce (excepté les arthropodes terrestres non volants) ne
semble impactée par les brûlis. Pour la flore spécifiquement, aucun problème réel n’est à noter. Au
contraire, des espèces de phanérogames tirent parti du feu, tout comme une espèce de bryophyte,
Funaria hygrometrica, qui apprécie particulièrement les zones de sol dégagées et exposées aux
rayons du soleil. Cependant, même si la réserve dispose de résultats, ils restent néanmoins partiels.
Des résultats scientifiques seraient préférables, mais ils relèvent de la recherche universitaire.
2.3. Au sein du marais Après la déprise agricole, le marais s’est considérablement boisé. Pour faire face à cet
envahissement progressif des prairies, le marais était brûlé chaque hiver par les riverains. Mais
lorsque le marais a été classé en réserve naturelle, cette pratique fut abolie. C’est l’année 2009 qui
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22
voit réapparaitre le brûlage dirigé. En effet, le gestionnaire de la réserve voulait conserver des
prairies à touradons, très importantes pour la biodiversité, notamment pour les micromammifères
(rat des moissons,…). Mais la gestion appliquée à ces parcelles n’était pas adaptée : la fauche ou le
broyage des prairies permettaient certes de faire face à l’avancée des ligneux, mais détruisaient ces
touradons. Le pâturage était une solution convenable pour les conserver, mais pas assez efficace
pour lutter contre l’invasion de l’aulne et des saules. C’est pourquoi l’idée de brûlage dirigé a été
envisagée, et finalement appliquée. Les impacts sur la faune sont moindres puisque le feu est
courant, et la plupart des espèces ne passent pas l’hiver au marais, ou alors sont bien à l’abri dans le
sol. De plus, il n’y a pas d’impact sur l’accumulation de matière organique au sol puisqu’en hiver, le
marais en gorgé d’eau. Ainsi, la litière est préservée, tout comme les racines des plantes ou les
bourgeons de hémicryptophytes et cryptophytes (aussi appelées géophytes). Un souci d’entretien
au niveau de la cladiaie se posait également : la fauche était impossible sur des individus trop vieux
(beaucoup trop denses pour les engins) et le broyage posait quant à lui problème au niveau de la
matière broyée qui ne pouvait pas être exportée. C’est une autre des raisons qui a été mise en avant
pour tester le brûlage dirigé au sein de la réserve.
Le département de l’Ain dans lequel se situe la réserve, contrairement aux départements du
Sud où les feux de forêts sont plus répandus, ne possède pas de cellule spécialisée dans le brûlage
dirigé (la DFCI : Défense de la Forêt Contre les Incendies), et le pompiers ne sont pas formés pour ce
type d’intervention. C’est donc le personnel de la réserve et de l’EID qui se chargent de faire brûler le
marais (photographie ci-contre). Ils ont tous suivi une
formation au préalable, faite par la DDAF (Direction
Départementale de l’Agriculture et de la Forêt) de
l’Hérault, et le garde technicien du marais, M. Fabrice
CARTONNET, est sapeur-pompier volontaire. De plus,
pendant les opérations de brûlage, les pompiers sont
toujours prévenus et prêt à intervenir si jamais il se
produisait un incident.
Le marais est ainsi brûlé tous les hivers depuis trois ans. En 2009, 18,3 ha ont été brûlés. Puis
18,5 en 2011. En enfin, 7,4 ha ont dû connaitre le brûlage dirigé en 2012.
Des études sont en cours sur le marais pour évaluer l’impact du feu sur la faune et la flore.
Source : R
NM
L
23
3. État actuel des connaissances
3.1. Impact sur les milieux
L’un des casse-tête des gestionnaires d’espaces naturels est de gérer les milieux de façon
optimale : pour les espèces végétales, la gestion est délicate puisqu’il faudrait favoriser certaines
plantes et faire régresser d’autres, ce qui n’est pas toujours possible avec les méthodes de gestion
actuelles qui favorisent principalement le pâturage. L’un des avantages du feu, c’est qu’il consume
tout de façon homogène. Il peut alors être considéré comme un « herbivore global » (W. J. Bond &
J.E. Keeley 2005) : en effet, il brûle tout sans distinction, aussi bien les parties vivantes que mortes
des plantes, alors qu’un herbivore au contraire fait du tri dans les espèces qu’il va consommer. Le feu
permet ainsi de mettre le milieu « à plat » : toutes les espèces sont touchées de façon indifférenciée.
Ainsi, c’est un très bon outil d’ouverture de milieu. De plus, le feu permet d’aérer le sol en brulant
une certaine épaisseur de litière et ainsi d’augmenter la température édaphique, ce qui peut être
favorable à l’installation de nouvelles espèces ou tout simplement à leur pérennité.
Cependant, même si la perturbation est globale, tous les milieux ne vont pas répondre de la
même façon. Par exemple, dans les forêts tropicales, un incendie peut conduire à une perte de
biodiversité de 50%. Alors que l’incendie du parc de Yellow Stone (Etats-Unis) en 1988 n’a eu aucun
effet sur le milieu. Le brûlage permet alors, dans ce cas-là, de maintenir la biodiversité. En effet, on
sait que les forêts Ouest des Etats-Unis étaient soumises une ou deux fois tous les dix ans à des
incendies de faible intensité. Aujourd’hui, ces incendies ont été supprimés car les Hommes se sont
installés dans ces forêts de conifères. La densité d’arbre a donc fortement augmenté, ce qui a
entrainé une perte de diversité au niveau de la strate herbacée et une grande accumulation de
litière. C’est pour cela qu’aujourd’hui, lorsqu’un feu nait, il est d’une forte intensité et consume une
zone beaucoup plus importante qu’avant.
Une étude a aussi été menée dans un marais du golfe du Mexique de 1996 à 1998 pour
évaluer l’impact du feu et simultanément celui du niveau d’eau sur la végétation. Elle a montré que
la flore n’était que peu impactée l’année suivant le feu (les échantillonnages en stations brûlées et
non brûlées étaient relativement similaire) et encore moins les deuxième et troisième années de
l’étude. Mais ces constats sont aussi à mettre en corrélation avec le niveau d’eau au marais lors du
brûlage : si le feu survient lorsque le sol est gorgé d’eau, la repousse des plantes sera moins
importante qu’elle ne l’aurait été si le marais avait été plus sec (Mendelssohn, 1995).
Ainsi, même si le feu a des conséquences différentes sur les milieux, il n’en reste pas moins
un très bon mode de gestion pour ouvrir les milieux et les maintenir ouverts. Cependant, il y a
vraiment beaucoup d’aléas et critères (topographique, hygrométrique, climatique, …) à prendre en
24
compte dans le brûlage dirigé pour pouvoir prévoir avec précision l’impact sur le milieu. C’est un
mode de gestion qui doit sûrement être très efficace, mais comme il est peu connu, nous ne sommes
pas encore capables de faire des analyses avant le brûlage pour mettre en place cette technique de
façon satisfaisante, car aucun protocole n’a vraiment été établi et les études menées sont trop peu
nombreuses pour avoir suffisamment de recul. Nous connaissons presque tout des méthodes de
pâturage et de fauche comme le témoignent les nombreux ouvrages qui traitent de ces sujets, alors
que pour les brûlis, nous en sommes encore à la phase empirique de l’expérimentation.
3.2. Impact sur les espèces
L’étude de la résilience des milieux en fonction du brûlage dirigé est alors très complexe.
Cependant, son impact sur les espèces peut être évalué relativement plus facilement. En effet,
quelques études ont déjà été menées sur le sujet. Elles révèlent que les géophytes (ou cryptophytes,
c'est-à-dire les plantes «cachées», dont les méristèmes passent l’hiver dans le sol),
hémicryptophytes (plantes en rosette) et les plantes à rhizomes sont favorisées par le feu, tout
comme les plantes cespiteuses (qui poussent en touradons) et celles qui germent au printemps
(Kahmen, Poschold & Schreiber 2002). De plus, ces études se sont aussi axées sur la réponse de la
molinie bleue (Molinia caerulea) au feu. Et il s’avère que c’est l’une des plantes les plus favorisées par
ce mode de gestion. En effet, l’enrichissement du sol créé par les cendres lui est favorable (la molinie
répond très vite au changement de nutriments du sol), tout comme son éclaircissement. De plus, il a
été remarqué qu’elle produit beaucoup plus de graines si la plante est brûlée, et que sa germination
est facilitée par un sol plus dégagé, et donc qui a une température plus élevée. De plus, la banque de
graines de la molinie se conserve peu profondément dans le sol, donc elle peut germer facilement
(Brys, Jacquemyn, De Blust 2005).C’est une étude réalisée en Belgique, au Kalmthoutse Heide, qui a
permis de mettre en avant ces constats. A la suite d’un incendie en 1996, un tiers de la lande à
callune (Calluna vulgaris) a disparu sous les flammes. Avant que le feu ne brûle cette zone, la
végétation du site était principalement composée de callune, et on ne trouvait que quelques
touradons de molinie de façon éparse. L’année suivant cet incendie a vu la molinie coloniser une
grande partie de la lande. C’est cet évènement qui est à l’origine de l’étude qui a duré quatre ans.
Des quadrats de 2m² ont été installés dans la zone brûlée et non brûlée et chaque pied de molinie s’y
trouvant était étudié. Des résultats très précis ont alors été trouvés. Par exemple, dans les quadrats
brûlés, la densité de graine autour des pieds « parents » de molinie s’est avérée être deux fois plus
élevée que dans les quadrats non brûlés. Cependant, on s’est aperçu que la survie des adultes
producteurs de graines était bien plus élevée dans les zones non brûlées (Jacquemyn, Brys, Neubert,
2005).
25
Si on se place à une échelle plus large, il n’y a que peu d’analyses qui ont été réalisées sur les
adaptations des espèces face au feu. Et dans la plupart, des caractéristiques ont été définies comme
des adaptations face au feu sans réelles analyses rigoureuses, comme l’importance du caractère mis
en avant ou son origine phylogénétique (Bond, Keeley, 2005). Des hypothèses ont aussi été
avancées à propos de l’adaptabilité des espèces face au feu. Certaines mettent d’ailleurs en
corrélation la morphologie inflammable de la plante et sa stimulation due aux flammes. Par
exemple, chez les pins (genre Pinus), l’ouverture des cônes pour libérer les graines après un feu a été
liée à la présence de branches mortes sur l’arbre, branches qui sont un critère d’inflammabilité. Des
études encore plus poussées, basées sur la phylogénétique, ont montré que certains pins avaient
une morphologie plus inflammables que d’autres et étaient capables d’assumer un incendie : une
écorce fine, une maturité sexuelle très rapide, un feuillage plus inflammable,… (Schwilk, Ackerly,
2001).
Ainsi, les réponses des espèces face au feu sont aussi peu connues que celles des milieux. Là
encore, les études ne sont pas suffisantes. Pour quelques espèces, comme la molinie, nous
possédons déjà des données fiables. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire sur les espèces
de façon plus générale.
26
C - INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
1. Analyse
1.1. Paramètres étudiés Plusieurs paramètres permettent d’analyser l’évolution de la végétation de manière globale :
- la richesse spécifique (le nombre d’espèces) : elle est très liée à la qualité des
déterminations sur le terrain, et son interprétation s’avère difficile.
- la diversité spécifique : elle tient compte de la richesse spécifique et des variations
d’abondance de chaque espèce. Elle est aussi affectée par les biais dus à l’observateur. L’indice de
diversité H de Shannon est le plus couramment utilisé : H = - ∑ (pi log2 (pi)) où pi = nombre
d’individus de l’espèce i / nombre total d’individus. Lorsque toutes les espèces ont la même
abondance, H atteint sa valeur maximale égale à log2N où N est le nombre d’espèces. L’équitabilité
(E = H/log2N) permet de comparer des peuplements qui n’ont pas le même nombre d’espèces.
L’équitabilité varie de 0 à 1 : plus elle est faible, plus le peuplement est dominé par quelques espèces
seulement, alors qu’une équitabilité élevée traduit un peuplement diversifié aux nombreuses
espèces, chacune représentée par de faibles effectifs.
Tous les graphiques présentés dans la partie qui va suivre sont établis de la même façon.
Deux courbes, sous forme de nuage de points, sont mises en parallèles : une pour les stations
témoins, à titre comparatif, et une pour les stations gérées. En abscisse, on trouvera toujours les
années (à noter les changements de mode de gestion en 1997 (arrêt du pâturage pour broyage) et en
2009 (passage au brûlage dirigé). Et en ordonnées l’unité du paramètre étudié. Il aurait été plus
rigoureux de présenter ces graphiques sont forme d’histogrammes en bâton mais ils auraient été
moins lisibles. Par souci de clarté, je n’ai donc pas choisi ce mode de présentation.
Chaque graphique sera accompagné d’une analyse critique.
27
1.2. Indices de richesse
1.2.a. richesse spécifique
Figure 5 : graphique représentant la richesse spécifique
Globalement, on note une nette évolution de la richesse spécifique depuis les débuts du
suivi. De plus, hormis le période de broyage, elle est plus élevée en stations gérées qu’en stations
témoins, ce qui prouve que le mode de gestion appliqué au marais de Lavours est favorable à une
grande diversité d’espèces.
L’analyse de ce paramètre ne peut pas être très fine, car il dépend de la surface étudiée (plus
la surface est grande, plus les chances de contacter un grand nombre d’espèces sont élevées) et
aussi de la qualité des observateurs sur le terrain. En effet, la détermination d’espèces n’est pas
toujours évidente, surtout au niveau des carex quand ils ne sont plus en fleurs, et aussi pour
certaines apiacées. C’est pourquoi la richesse spécifique est un paramètre à manipuler avec
précaution. Dans notre cas, l’évolution étant très marquée (on passe du simple au double), on peut
se permettre d’en tirer des conclusions recevables.
1.2.b. zoom sur quelques espèces
Le tableau suivant met en exergue l’évolution en stations gérées de quelques espèces
sensibles ou emblématiques au marais de Lavours. Ainsi, on peut se focaliser sur le problème qui
pèsent sur la végétation, comme l’envahissement par les ligneux, l’évolution du solidage géant, et
0
10
20
30
40
50
60
70
1988 1989 1990 1994 1996 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011
évolution de la richesse spécifique en fonction des années
stations gérées stations témoins
broyage pâturage brûlage dirigé
28
aussi sur la réponse de la végétation inféodée au marais. De plus, avec la bibliographie
préalablement réalisée, on peut voir si les espèces censées être favorisées par le brûlage dirigé, telle
que la molinie, le sont dans la réserve. Pour ne pas surcharger le tableau, l’évolution en station
témoin n’a pas été représentée ici, mais en annexe. voir annexe 8 : graphique d’évolution
d’espèces intéressantes en station témoins et gérées.
Figure 6 : graphique représentant l'évolution d’espèces intéressantes en stations gérées
Au niveau des ligneux, on remarque que le pâturage a permis de les faire régresser. Mais
cette régression n’a pas été maintenue par le broyage, qui au contraire a permis leur remontée. Le
passage au brûlage dirigé n’a pas vraiment d’impact sur les ligneux, les effectifs restent stables. Au
moins, ils n’augmentent pas. Mais nous n’avons que deux années de recul, donc il ne faut pas tirer
de conclusions trop hâtives. De plus, les ligneux sont bien plus présents en stations gérées qu’en
stations témoins, ce qui prouvent que la gestion appliquée au marais permet de maintenir le milieu
ouvert.
Le solidage géant, espèce invasive, n’est apparu que très récemment dans le marais, au
début des années 2000. Les années consécutives de broyage ont réussi à faire diminuer ses effectifs.
0,00
1,00
2,00
3,00
4,00
5,00
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7,00
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9,00
10,00
1988 1989 1990 1994 1996 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011
évolution d'espèces intéressantes en stations gérées
Alnus glutinosa Carex panicea Juncus Mentha aquatica
Molinia caerulea Phragmites australis Salix cinerea Solidago gigantea
pâturage broyage brûlage dirigé
29
Mais le brûlage dirigé n’a pas maintenu cette régression, au contraire, sa population semble être en
augmentation. Cependant, l’invasion du solidage en stations témoins est bien plus importante qu’en
stations gérées, ce qui montre que les modes de gestion des prairies permettent de contenir
l’avancée de cette espèce invasive.
En ce qui concerne les espèces inféodés au marais, telle que la menthe aquatique, le roseau
commun et les joncs, le feu ne semble pas les impacter de quelques manières que ce soit.
Cependant, le Carex panicea parait être favorisé par le feu. En effet, ses effectifs étaient très réduits
avant la gestion par brûlage dirigé et ils commencent, depuis 2009, à monter considérablement. Ils
augmentent aussi en stations témoins, mais environ deux fois moins qu’en stations gérées. Reste à
voir si la tendance se maintient.
Une espèce qui est censée répondre favorablement au feu est la molinie bleue. En effet, le
brûlage permet de dégager la litière du sol et apporte des nutriments, ce qui est censé accroitre les
populations. Cependant, au marais de Lavours, contrairement à toutes attentes, cette espèce n’est
pas favorisée par ce mode de gestion et elle est d’ailleurs bien plus présente en stations témoins
qu’en stations gérées. Ces effectifs remontent bien après la première année de brûlage mais chute
dès 2011. De plus, l’évolution de cette espèce depuis le commencement du suivi de la végétation au
marais est très chaotique, comme le montre sa courbe représentative. Plusieurs hypothèses
peuvent être mises en avant pour justifier la non-réponse de la molinie face au brûlage dirigé. Tout
d’abord, le marais étant régulièrement balayé par des crues, notamment en hiver (période de
brûlage), les apports en matière nutritive fait par la cendre dans le sol sont probablement moindres.
L’eau doit emporter tous les éléments nourrissant avec elle. De plus, une partie des graines doit
aussi être emportée, car la banque de graines de la molinie ne se conserve pas profondément dans le
sol mais plutôt en surface. Ces deux hypothèses peuvent expliquer pourquoi on ne constate pas une
explosion dans la population de molinie bleue au marais. D’ailleurs, si on regarde l’évolution de cette
plante, aucun mode de gestion n’a permis de la stabiliser, ou tout au moins de lui donner un axe
d’évolution. Ses fluctuations sont telles qu’aucune analyse pertinente ne peut être produite sur cette
espèce.
1.3. Indice de diversité
1.3.a. densité
Ce paramètre est plus fiable que le précédent, car il se base sur un nombre de contact et non
sur un nombre d’espèces.
L’évolution de la densité strate herbacée est quasiment semblable à celle de la richesse
spécifique. Cet indice est en élévation globale, notamment avec la fin du pâturage, et aussi avec la
30
gestion par brûlage dirigé. C’est ce dernier point qui nous intéresse le plus. Cependant, une analyse
rapide des autres modes de gestion peut permettre de comprendre l’évolution de la végétation. Par
exemple, la pression de pâturage ayant été trop élevée durant la période de pâturage, il parait
évident que la densité de la strate herbacée diminue durant les années 1990 à 1996. La période de
broyage a conduit à une remontée rapide de ce paramètre, mais il a atteint un pic avant de
redescendre. Ce qui n’est pas surprenant. En effet, le broyage effectué au marais de Lavours
n’exporte pas la matière végétale. Ainsi, une épaisse litière se forme au sol et elle n’est pas
rapidement dégradée. On peut alors supposer qu’elle est trop épaisse pour permettre aux plantes de
la traverser pendant leur stade de pousses, ou tout simplement que les graines ne peuvent pas
germer. Avec le brûlage dirigé, la litière est en grande partie consumée (tout au moins la litière en
surface qui est la moins humide), le sol est donc dégagé. Les végétaux vont voir leur germination
facilitée, ainsi que leur pousse. C’est pourquoi la densité de la strate herbacée ré-augmente avec les
premiers brûlis hivernaux.
Figure 7 : graphique représentant la densité de la strate herbacée
Globalement, les stations témoins sont bien plus denses que les stations gérées. Rien
d’aberrant dans ce constat. Cependant, avec le brûlage dirigé, les stations gérées ont tendance à
être plus denses que les stations témoins. Il peut y avoir deux explications : soit l’éclaircie due au
brûlage permet une densification de la végétation assez impressionnante ; soit les stations témoins,
qui commencent réellement à être envahie par les ligneux, perdent en densité du fait du
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1988 1989 1990 1994 1996 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011
représentation de la densité de la strate herbacée par le biais du nombre moyen de contact par station
stations gérées stations témoins
pâturage broyage brûlage dirigé
31
2
2,5
3
3,5
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4,5
5
5,5
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1988 1989 1990 1994 1996 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011
indice de diversité de Shannon H
stations gérées stations témoins
stations gérées max stations témoins max
pâturage broyage brûlage dirigé
recouvrement trop important d’aulnes et saules notamment. Ces deux hypothèses peuvent aussi
être conjuguées.
1.3.b. indice de Shannon
L’indice de Shannon est un indice de diversité. Il atteint son maximum lorsque toutes les
espèces sont réparties de façon égale, c’est-à-dire qu’elles ont toutes la même abondance, et son
minimum si tous les individus appartiennent à la même espèce.
Cet indice n’est intéressant que si H est mis en relation avec H max. En soit, ce n’est
pas tant de savoir que H vaut 6 à telle date qui nous intéresse. Alors que si H vaut 6 et qu’on sait que
H max vaut 6,5, on peut en tirer une conclusion. C’est alors la variation de l’écart entre deux courbes
qui va être significatif. Les fluctuations de la courbe ne sont que les conséquences des variations du
nombre d’individus contactés dans le temps.
Premier constat : H et H max sont relativement proches, donc la diversité est plutôt forte.
On peut aussi noter que l’écart entre H et H max, aussi bien en stations gérées qu’en stations
témoins, ne varie pas beaucoup. Il n’y a pas d’espèces qui tendent à prendre le dessus, ce qui est un
Figure 8 : graphique représentant l'indice de Shannon
32
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0,60
0,65
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0,80
0,85
0,90
0,95
1988 1989 1990 1994 1996 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011
évolution de l'équitabilité
stations gérées stations témoins
pâturage broyage brûlage dirigé
point positif, notamment au niveau des espèces envahissantes. Le solidage géant, qui parfois peut
créer des zones quasiment mono spécifique, n’a pas encore d’influence notable sur la végétation.
Son évolution reste néanmoins à surveiller avec attention.
1.3.c. équitabilité
L’équitabilité traduit la diversité d’espèces d’un peuplement. Si E se rapproche de 0, le
peuplement tend à être mono-spécifique. Alors qu’une équitabilité élevée correspond à un
peuplement très varié.
Figure 9 : graphique représentant l'évolution de l'équitabilité
Globalement, hormis la période de pâturage où elle est en chute (à cause du surpâturage, et
comme la plupart des paramètres déjà étudiés), l’équitabilité est plutôt élevée, aux alentours de
0,80. Ce qui montre que le marais de Lavours abrite une grande diversité d’espèces. La période de
broyage a tendu à stabiliser ce paramètre, mais un écart subsistait entre les stations gérées et les
stations témoins. Alors que le brûlage dirigé a positionné les deux types de station au même niveau.
Depuis 2007, en station gérées, l’équitabilité remonte de façon constante. Le brûlage dirigé aurait
alors tendance à diversifier les peuplements. Ce constat reste à confirmer dans les années à venir.
1.4. Synthèse des paramètres La gestion par pâturage a fait diminuer tous les paramètres précédemment étudiés. En
effet, la pression de pâturage a été beaucoup trop forte. La densité de la strate herbacée a donc
fortement diminuée. Le pâturage étant aussi un mode de gestion sélectif de la végétation, la
33
diversité a été mise à mal. Par exemple, les roseaux sont très prisés des bovins car ils sont tendres et
remplis d’eau, contrairement aux Carex beaucoup plus rudes et moins nutritifs. De plus, le
piétinement est décuplé au marais car le sol est toujours gorgé d’eau. Ainsi, des zones de tourbe
sont totalement mises à nue, favorisant parfois l’apparition du liparis de Loesel, mais diminuant
fortement la densité de la strate herbacée. En 2011, à cause d’une sécheresse en début de printemps
qui a asséché les estives du Grand Colombier, les paysans des communes avoisinantes ont demandé
au gestionnaire du marais s’ils pouvaient venir faire paître leurs vaches laitières dans les prairies
hygrophiles qui, elles, n’ont pas connu le manque d’eau. Ainsi, les prairies Nord du marais se sont
vues peuplées d’une soixantaine de vaches pour une durée d’environ un mois. Des parcs à clôtures
mobiles ont été mis en place pour restreindre la zone de pâture, et aussi pour protéger une zone à
liparis de Loesel. La pression de pâturage a alors été très élevée sur les prairies concernées et la
végétation rudement mise à mal, surtout les roseaux, très appétant pour des bovins. Cependant, il
ne faut pas s’alarmer. La capacité de résilience des prairies étant très élevée, la strate herbacée
n’aura aucune séquelle ce printemps. Cette période de pâturage aura peut-être même favorisé le
liparis : le piétinement des vaches crée des micro-gouilles, habitat très favorable à cette petite
orchidée des marais. Tous ces aspects sont alors à prendre en compte pour une gestion
conservatoire par le pâturage.
En ce qui concerne le broyage, il a globalement stabilisé les paramètres. C’est alors un bon
mode de gestion conservatoire, mais il ne permet pas d’améliorer la qualité de la végétation, aussi
bien au niveau de la richesse que de la densité. Le fait de laisser la matière organique broyée sur
place densifie la litière et entrave la germination d’espèces ou tout simplement leur repousse. Sur le
long terme, un broyage répété sans exportation de matière conduirait à une baisse de la qualité des
prairies du marais. Comme pour le pâturage, le broyage ayant des impacts positifs et à la fois
négatifs, il faut trouver un bon équilibre pour utiliser au mieux cette technique de gestion.
Pendant la période de brûlage dirigé, tous les paramètres étudiés ont augmenté. Ainsi, le feu
densifie la strate herbacée et fait augmenter la richesse spécifique. Cependant, les effets attendus
sur la molinie bleue notamment n’ont pas eu lieu : l’espèce n’est pas favorisée. Ces constats, tirés de
seulement deux années de brûlage, devront cependant être vérifiés avec les prochains suivis.
2. Perspectives d’avenir
2.1. Critique du protocole de suivi
Cette année, nous avons totalement refait la carte des stations de relevés botaniques.
Comme expliqué précédemment, les stations existantes n’étaient pas toutes pertinentes au niveau
de leur situation géographique et aussi au niveau du rapport station témoin / station géré (il doit y
34
avoir autant de relevés en station gérées qu’en stations témoins pour que les analyses puissent être
pertinentes. Le rapport de Thomas Perrais, stagiaire en 2009, a permis de mettre en exergue ce
constat). Ainsi, nous avons placé des plots métalliques, repérables à l’aide d’un détecteur de métaux,
pour matérialiser les nouvelles stations. Cette technique est très intéressante car les stations ne
peuvent pas être perdues. Certaines anciennes stations matérialisées par un piquet en bois ou
parfois un piquet blanc en plastique ont disparu, soit parce que les piquets ont été brûlés, broyés,
fauchés ou tout simplement enlevés. Avec un plot métallique, ce problème ne se pose plus, et on
gagne en précision. Cependant, le détecteur de métaux a parfois tendance à jouer des tours. La
localisation de certaines stations s’avère alors périlleuse, d’autant plus que les données GPS ne sont
fiables qu’à deux ou trois mètres près. Et trouver un tube en PVC de 40 millimètres de diamètre
enfoncé dans le sol dans une tourbière à végétation dense n’est pas une mince affaire !
Au niveau de la répartition des stations, toutes les prairies de la partie Nord du marais sont
échantillonnées. Cependant, aucun relevé n’est effectué dans la partie Sud de la réserve. Il serait
pourtant intéressant d’y analyser l’évolution de la végétation, comme en zone Nord. De plus, le suivi
n’évalue que l’évolution des prairies du marais, alors qu’on a aussi la présence d’une aulnaie-frênaie
(habitat prioritaire de la directive habitat faune et flore) et d’une vieille forêt de chênes. Une
évaluation de la qualité de la strate herbacée pourrait être intéressante, ainsi que, pourquoi pas, une
analyse de la surface terrière en certains points fixes des différentes forêts. Des protocoles mis en
place par l’ONF (Office Nationale des Forêts) existent déjà. Un nouveau à d’ailleurs été créé en 2007,
bien plus complet que les anciens. Il est disponible sur le site espaces-naturels.info. De plus, un des
objectifs du plan de gestion est de laisser évoluée les forêts vers un état le plus naturel possible.
Ainsi, un suivi de ces milieux permettrait d’évoluer la rapidité de naturalisation de la forêt et par
quels processus.
Un autre problème du protocole du suivi de la végétation réside dans les stations témoins.
Certaines d’entre elles sont tellement envahies par les ligneux qu’il est parfois impossible d’accéder à
la station. De plus, on y trouve des espèces typiques d’un sous étage forestier, ainsi qu’une grande
quantité d’humus. Ces stations peuvent-elles alors toujours être considérées comme stations
témoins d’une prairie hygrophile ? On a bien compris que si aucune gestion n’était faite, le marais
serait entièrement colonisé par les ligneux. Alors pourquoi laisser des stations témoins devenir des
petites taches de forêt en plein milieu des prairies ? D’une part, ces zones fragmentent le marais ; et
d’autre part, elles ne peuvent plus servir de témoin à l’évolution d’une prairie. Ainsi, il serait
préférable de les débroussailler tous les deux à cinq ans pour qu’elles ne se transforment pas en forêt
et pour qu’elles puissent toujours servir de référence aux stations prairiales gérées. De plus, comme
elles fragmentent le marais, elles sont très facilement repérables depuis l’observatoire qui donne sur
35
les prairies de la zone Nord du marais car elles sont entièrement boisées. D’un point de vu paysagé,
ce n’est pas du meilleur effet.
2.2. Quel mode de gestion pour le marais ?
2.2.a. le pâturage
La gestion du marais par un pâturage conservatoire, c’est-à-dire avec une faible pression,
n’est plus appliquée depuis 1996. La réserve possède aujourd’hui quelques vaches de race Highland
Cattle qui sont parquées à proximité du sentier sur pilotis. Elles ne sont plus utilisées pour la gestion
de la végétation mais pour leur faculté récréative et pédagogique : les visiteurs qui viennent se
balader sur le sentier sont ravis de côtoyer ces animaux qui ne sont pas farouches du tout.
Cependant, on a constaté que des micro-gouilles dues au piétinement des vaches
constituaient un milieu très favorable à l’implantation du liparis de Loesel. Ainsi, pour augmenter la
population de cette petite orchidée, il serait intéressant de faire pâturer les Highland Cattle dans les
prairies du marais. La pression de pâturage devra cependant rester faible, car l’objectif n’est pas de
réguler la végétation par la pâture, mais de modifier la micro-topologie du sol. De plus, pour avoir le
moins d’impact possible sur les cycles des espèces de faune et de flore, le pâturage devrait être mis
en place tardivement, vers la fin de l’été ou pendant la période de repousse automnale, lorsque tous
les cycles sont terminés.
2.2.b. le broyage
De nombreuses zones au marais sont broyées tous les ans, mais jamais de manière fixe.
Globalement, un broyage sans exportation de matières tend à malmener la végétation à cause d’une
accumulation de litière. Cependant, dans la cladiaie, le broyage n’a pas cet impact. La marisque,
plante très rigide, parvient sans peine à traverser une épaisse litière. Un broyage régulier de cet
habitat aurait tendance à la rendre mono spécifique. Les relevés botaniques effectués dans la
cladiaie confirme ce fait : seul quelques brins de molinie et parfois une potentille tormentille arrive à
percer au travers de la litière. Par contre, le plan de gestion stipule seulement qu’il faut conserver la
cladiaie. Mais en fonction de son optimum écologique, il faut savoir si on veut que le peuplement
soit pur ou non. Dans le cas d’un peuplement pur, un broyage régulier serait adapté (en hiver par
exemple, lorsque les impacts sur la faune et la flore seront nuls, si les conditions hydro-
morphologiques sont favorables bien évidemment, ou alors en fin d’été lorsque les cycles de faune
et de flore sont achevés). Si l’on veut par contre que le peuplement de marisque se diversifie, le
broyage devra être moins fréquent mais pas inexistant sinon les ligneux vont rapidement coloniser
le milieu.
36
2.2.c. le brûlage dirigé
Pour l’instant, les indices de diversité tendent à dire que le brûlage dirigé est bénéfique pour
la végétation. Il serait alors intéressant de reconduire ce mode gestion selon les mêmes exigences
durant les années à venir. Le suivi de végétation de 2013 confirmera ou non cette tendance.
En ce qui concerne le brûlage dirigé sur la cladiaie, il y a des avantages et aussi des
inconvénients. Le feu permet de dégager la litière et de faire disparaitre le bouchon créé par les
feuilles mortes de marisque. Ainsi, le peuplement serait moins mono spécifique. Cependant, c’est
dans le bouchon de feuilles mortes qu’on trouve de nombreuses espèces très intéressantes
notamment au niveau des arachnides. Si la cladiaie est brûlée, même qu’un an sur deux comme le
prévoit la fiche action du brûlage dirigé, ce bouchon ne pourra plus se former de façon durable et
conduirait ainsi à une perte de biodiversité.
3. Un suivi pour le brûlage dirigé ?
La fiche action qui prévoyait toutes les modalités d’application du brûlage dirigé est arrivée
à son terme. Le dernier brûlage prévu à eu lieu cette année 2012. Il est alors temps d’en réaliser une
nouvelle. Au niveau de la mise en place pratique des brûlis, la méthode actuelle est adaptée : le
brûlage est effectué en période de repos de la faune et de la flore, lorsque la tourbe est
suffisamment inondée, une zone n’est jamais brûlée deux années de suite… Cependant, un suivi
rigoureux devrait être mis en place, aussi bien avant qu’après brûlage. Voici quelques idées de
paramètres qu’ils seraient bon d’étudier et comment il faudrait procéder.
3.1. Etude de paramètres physiques
La bibliographie réalisée au préalable nous indique que le niveau de la nappe phréatique a
une influence sur la repousse des plantes au printemps suivant le brûlage dirigé. Il semblerait qu’un
sol gorgé d’eau lors du passage du feu ne soit pas propice à une grande repousse printanière,
contrairement à un sol plus « sec ». Il serait alors bon de savoir si ce phénomène est applicable au
marais de Lavours. Pour ce faire, il faudrait réaliser, la même année, deux brûlages dirigés sur une
même parcelle de prairie (pour pouvoir faire des comparaisons sur une même base de végétation)
mais avec deux niveaux de nappe différents. La réserve dispose de piézomètre qui mesure cette
valeur, ce qui facilitera la réalisation de ce projet. Il ne restera plus qu’à évaluer la différence de
repousse sur les deux zones brûlées au printemps, et conclure quant à l’influence du niveau de la
nappe. Si le gestionnaire de la réserve a peur de se lancer dans un projet de trop grande envergure
avec des surfaces engagées de plusieurs dizaines d’hectares, cette expérience peut aussi être menée
sur de plus petites surfaces.
37
Il se pourrait aussi que le niveau de la nappe et donc la repousse des plantes soit influencée
par la température du sol lors du brûlage. En effet, si le sol est très imbibé d’eau, la température
édaphique ne devrait pas extrêmement augmenter. Au contraire, dans un sol plus « sec », l’élévation
de degrés pourrait être plus importante. Ainsi, l’expérience précédente devra être liée à ce
paramètre. La température du sol devra être mesurée avant le passage du feu, pendant, et après,
dans les deux zones d’études (zone avec une nappe haute, et zone avec une nappe basse). Il serait
aussi intéressant d’évaluer la vitesse de résilience de la température dans le sol, qui pourrait peut-
être avoir un impact sur l’activité racinaire des plantes et donc sur leur repousse (cette hypothèse
devra être vérifiée par des études scientifiques très pointues qui ne peuvent pas actuellement être
réalisées par la réserve.)
Un autre paramètre à étudier avec précision serait l’apport de matière organique dans le sol.
On sait que la molinie bleue est très sensible aux changements de nutriments dans le sol. Elle devrait
alors être favorisée par le brûlage dirigé, mais ce n’est pas le cas dans la réserve. Des questions sont
alors à se poser sur le véritable apport en matière nutritive. Il ne faut pas oublier que nous sommes
dans un marais inondable. Ainsi, il est possible que les nutriments soient balayés par le passage des
eaux. Pour analyser ce paramètre, il faudrait alors établir deux zones d’études : une qui est inondée
tous les hivers, et une qui ne l’est pas (là encore, les zones ne devront pas obligatoirement être
vastes, mais elles doivent être pédologiquement et floristiquement semblables). Des prélèvements
de sol devront avoir lieu dans les deux zones avant le passage du feu, et après, pour étudier l’apport
véritable en matière organique dans le sol. Les prélèvements après passage des flammes devront
être multiples pour étudier la différence d’apport entre la zone inondée et celle qui ne l’est pas. Si en
zone inondée, l’apport est moindre par rapport à l’autre zone, c’est parce que les nutriments ont dû
être balayés par l’eau. Ainsi, il serait intéressant de faire des prélèvements d’eau dans les fossés du
marais (ou tout au moins dans un fossé proche de la zone brûlée inondable) pour évaluer son
eutrophie. Là encore, les prélèvements auront lieu avant et après le brûlage dirigé pour pouvoir
comparer les résultats.
3.2. Etude de la flore
L’une des espèces présentes dans les prairies hygrophiles du marais de Lavours et qui est
censée être favorisée par le feu est la molinie bleue (Molinia caerulea). Or, comme nous l’avons vu
précédemment, cette graminée ne voit pas son nombre d’individus augmenter. Plusieurs causes
peuvent être à l’origine de ce constat : soit l’apport en matière organique dans le sol n’est pas
notable et assez conséquent pour que la molinie en tire profit ; soit ses graines (un plant brûlé est
censé en produire bien plus que s’il ne l’avait pas été) sont emportées par les crues. Ainsi, un
protocole de suivi est à mettre en place pour savoir si ces deux hypothèses sont recevables ou non.
38
L’étude pourra être réalisée en parallèles de l’étude sur les apports en matières organiques dans le
sol. Il faudra choisir plusieurs individus de molinie dans la zone inondable et non inondable, toutes
deux gérées par brûlage dirigé, et évaluer la densité de graines présentes au pied de chaque individu.
On pourra également choisir deux autres zones d’études (inondable et non) mais qui ne sont pas
gérées par les brûlis hivernaux qui seront considérées comme des zones témoins. Ainsi, en plus de
savoir si les graines de la graminée sont emportées par les eaux, on pourra aussi mettre en exergue
la production décuplée de graines chez les individus qui ont été brûlés.
Une autre plante mériterait également
d’être étudiée avec plus de soin : le Carex panicea
(photographie page suivante). C’est l’une des seules
qui voit clairement sa densité augmenter avec une
gestion par brûlage dirigé. Le protocole d’étude
n’est pas complexe. Il faut définir deux zones : une
témoin qui ne sera pas brûlée, et une autre qui le
sera. Dans chaque zone, plusieurs plants de Carex
panicea devront être étudiés. Il faudra dans un premier temps chercher à savoir si la production de
graines est stimulée par le passage des flammes. Et il serait aussi intéressant d’étudier la dispersion
des graines. Pour la molinie, un plant brûlé projette ses graines beaucoup plus loin qu’un plant
classique. Il se peut qu’il en soit de même pour cette cypéracée. De plus, il faudrait évaluer la
réponse de ce Carex en fonction des nutriments présents dans le sol. Les résultats seront alors mis
en relation avec l’étude sur l’apport en matière organique (défini précédemment) pour en tirer des
conclusions acceptables.
Ensuite, une étude de l’impact du feu sur les ligneux est à mettre en place. Avec le suivi
bisannuel de la végétation, aucune conclusion fiable ne peut être tirée quant à leur réponse face aux
flammes. Le protocole reste toujours le même : définir deux zones (une brûlée et l’autre non), et
choisir plusieurs individus (saule pourprée, bourdaine, aulne…) par zone. Le suivi devra se concentrer
sur la repousse des ligneux brûlés. De nombreuses questions devront trouver réponse : les arbres
brûlés repartent-ils du pied ou des méristèmes supérieurs? Leur écorce est-elle renforcée ou
affaiblie ? Leur croissance est-elle ralentie ? Leur repousse se fait-elle de façon plus tardive que des
arbres non brûlés ? Après passage du feu, les arbres produisent-ils des graines ? Si oui, autant, moins
ou plus qu’en zone non brûlée ?... Les interrogations à ce sujet ne tarissent pas, et des réponses
peuvent être trouvées par un suivi simple qui ne demande pas de grandes connaissances
scientifiques, seulement beaucoup de temps. Un travail idéal pour un stagiaire motivé !
39
L’espèce envahissante qui pose le plus de
problèmes au marais est le solidage géant (Solidago
gigantea). Une des quelques études sur le brûlage
dirigé a mis en avant le fait qu’un brûlage en début
de printemps faisait disparaitre cette plante invasive.
Même si un brûlis au printemps est néfaste sur la
faune et la flore, il serait néanmoins intéressant de
tester cette pratique, même si ce n’est que sur
quelques mètres carrés de solidage purs. Ainsi, si la plante est détruite par ce brûlage printanier, ou
en nette régression, il serait bon de « sacrifier » un printemps pour faire disparaitre sous les flammes
des grands peuplements purs de solidage (photographie ci-contre).
Un des objectifs de conservation dans la réserve est la conservation de la cladiaie. Et le
brûlage dirigé est le seul mode de gestion qui peut y être mis en place pour garder le milieu ouvert.
Cependant, le passage du feu dans ce peuplement détruit le bouchon de feuilles mortes formés par
la marisque (Cladium mariscus), milieu très intéressant surtout au niveau de l’entomofaune. Pour ce
protocole, deux zones d’étude sont là encore à mettre en place : une témoin non-brûlée et une
brûlée. Il faudra alors évaluer la vitesse de régénération de ce bouchon de feuilles mortes et la
vitesse de réinstallation de la faune pour définir à quelle fréquence brûler la cladiaie sans
l’endommager.
40
Conclusion
Le suivi de la végétation prairiale du marais de Lavours participe, depuis la création de la
réserve, à l’évaluation de l’état de conservation des prairies hygrophiles. Avec des données
accumulées depuis 1988, nous avons aujourd’hui suffisamment de connaissances quant à l’impact
du pâturage et du broyage sur la strate herbacée, impact que ce rapport a permis de mettre en
exergue. Le gestionnaire de la réserve va alors pouvoir jongler avec ces deux modes de gestion, ainsi
que la fauche, pour gérer au mieux les prairies. Cependant, en ce qui concerne le brûlage dirigé,
mode de gestion appliqué depuis peu à la réserve, le recul n’est pas suffisant à l’heure actuelle pour
déterminer avec précision son impact sur la végétation. Les conclusions tirées dans ce rapport quant
à l’impact du feu sur la flore devront être confirmées dans les années à venir. De plus, au vu du
nombre infime de connaissances que nous possédons sur ce type de gestion, il serait intéressant de
mettre en place les protocoles définis en dernière partie de ce rapport pour avoir des bases solides et
continuer à gérer les milieux par le feu en ayant pleinement conscience de l’impact que celui-ci aura
sur la végétation, en fonction de la nature du sol ainsi que des plantes présentes sur la zone. Et
même si les protocoles définis sont réalisables avec un minimum de connaissance et ne demande
pas de rigoureuses connaissances scientifiques, ils vont nécessiter beaucoup de temps et de
patience à la personne qui sera en charge de les réaliser.
Au final, le marais de Lavours est un milieu exceptionnel en très bon état de conservation. La
gestion appliquée aux prairies depuis la création de la réserve est favorable à l’amélioration de la
qualité de la végétation. Avec ses nombreux suivis scientifiques et de multiples modes de gestion, je
ne doute pas qu’il gagne encore en diversité faunistique, et surtout floristique !
Ce stage m’a beaucoup apportée au niveau des connaissances botaniques. Alexis
MIKOLAJCZAK, phytosociologue au CBNA (Conservatoire Botanique Nord Alpin) m’a fait participer
à ses relevés dans la réserve, et il m’a plus que passionnée pour la phytosociologie. J’étais déjà
conquise par la botanique, et aujourd’hui je suis persuadée d’avoir trouvé mon domaine de
compétence. De plus, la rédaction de ce rapport, surtout la dernière partie sur les protocoles, a été
très enrichissante. J’étais mise en vraie situation professionnelle. Et j’avoue qu’aujourd’hui, je serai
plus que motivée pour mener à bien les protocoles que j’ai défini. Le brûlage dirigé est réellement un
sujet d’étude passionnant, et je suis heureuse d’avoir eu l’occasion de m’y intéresser.
41
Remerciements
Tout d’abord, je tiens à remercier mon maître de stage, M. Fabrice DARINOT, sans qui ce
rapport de stage n’aurait jamais vu le jour. Un grand merci également à Mlle Cécile GUERIN pour
m’avoir fait participer au suivi rhopalocères, au suivi liparis ainsi qu’au suivi des piézomètres.
Je tiens aussi à remercier l’EID pour son accueil chaleureux, ainsi que tout le personnel de la
maison du marais.
Un énorme merci à M. Alexis MIKOLAJCZAK, phytosociologue au CBNA, qui a eu l’immense
gentillesse de me faire participer à ses sorties botaniques au sein de la réserve, et qui m’a
littéralement passionnée pour la phytosociologie.
Et enfin, je veux remercier Mlle Mégane GERMAIN, ma très chère collègue de relevés
botaniques, avec qui j’ai beaucoup appris, et surtout passé de très bons moments pendant ces deux
mois de stage.
42
Table des illustrations
Figure 1 : cartographie simplifiée de la végétation du marais de Lavours ......................................... 9
Figure 2 : schéma d’un relevé botanique en station gérée .............................................................. 17
Figure 3 : schéma d’un relevé botanique en station témoin ............................................................ 18
Figure 4 : schéma de la mise en place du brûlage dirigé ................................................................ 20
Figure 5 : graphique représentant la richesse spécifique ................................................................ 27
Figure 6 : graphique représentant l'évolution de quelques espèces intéressantes........................... 28
Figure 7 : graphique représentant la densité de la strate herbacée ................................................. 30
Figure 8 : graphique représentant l'indice de Shannon .................................................................. 31
Figure 9 : graphique représentant l'évolution de l'équitabilité ........................................................ 32
NB : les documents sans source (photos, schémas, cartes,…) sont de ma propre production.
43
BIBLIOGRAPHIE
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44
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Manneville, Olivier. Le monde des tourbières et des marais : France, Suisse, Belgique, Luxembourg. Delachaux et Niestlé, 1999, 320 p. ISBN 9782603013908 Konrad Lauber, Gerhart Wagner. Flora Helvetica. Belin, 2007. 1632p. Flora Helvetica. ISBN 978-2-7011-4625-6 Daget, P. 1971. Méthodes d’inventaire phytoécologique et agronomique des prairies permanentes. CNRS, CEPE, Doc N°56, 205 pages. CREA, centre de recherche sur les écosystèmes d’altitudes. Le réseau de stations (en ligne) CREA 2004-2008, Chamonix, France (consulté en juillet 2011). Disponible sur : http://www.crea.hautesavoie.net/climato/?le-reseau-de-stations.html Parcs Canada. Parc national du Canada des Lacs-Waterton. (en ligne). Mis à jour le 15 septembre 2009 (consulté en juillet 2011). Disponible sur : http://www.pc.gc.ca/fra/pn-np/ab/waterton/natcul/natcul1/k/1.aspx
45
ANNEXES
Annexe 1 : carte des limites de la réserve naturelle du marais de Lavours ...................................... 46
Annexe 2 : carte de la pédologie du marais de Lavours .................................................................. 47
Annexe 3 : groupements végétaux présents au marais de Lavours ................................................ 48
Annexe 4 : carte de localisation des stations étudiées ................................................................... 49
Annexe 5 : fiche de relevé botanique (page ½) ............................................................................. 50
Annexe 6 : carte actualisée de localisation des stations de relevés botaniques ................................ 51
Annexe 7 : fiche action brûlage dirigé ...........................................................................................52
Annexe 8 : graphique d’évolution d’espèces intéressantes en station témoins et gérées ................. 53
46
Annexe 1 : carte des limites de la réserve naturelle du marais de Lavours
Source : plan de gestion RNML
47
Annexe 2 : carte de la pédologie du marais de Lavours
Source : plan de gestion RNML
48
Annexe 3 : groupements végétaux présents au marais de Lavours
Source : plan de gestion RNML
49
Annexe 4 : carte de localisation des stations étudiées
50
Obs : Aubane Nardetto, Date : Traitement de la parcelle en 2010:
Mégane Germain Transect n°
Station n° Hydro - test botte mouillée :
Groupement végétal : Relevé n° Présence humus :
Remarques : Hauteur de la strate herbacée :
Total 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25
Achillea ptarmica
Agrostis stolonifera
Alisma plantago aqu.
Allium angulosum
Alnus glutinosa
Angelica sylvestris
Briza media
Bryum pseudotriquetum
Calliergonella cuspidata
Caltha palustris
Calystegia sepium
Campylium stellatum
Carex acutiformis
Carex davalliana
Carex echinata
Carex elata
Carex f lava
Carex gracilis
Carex hostiana
Carex lasiocarpa
Carex lepidocarpa
Carex otrubae
Carex panicea
Carex pseudo-cyperus
carex riparia
Carex vesicaria
Carum carvi
Centaurea jacea
Cirsium palustris
Cladium mariscus
Cyperus f lavescens
Cyperus fuscus
Dactylorhiza incarnata
Drosera longifolia
Eleocharis uniglumis
Eleocharis palustris
Eleocharis quiqueflora
Epilobium hirsutum
Epipactis palustris
Equisetum fluviatile
Equisetum palustre
Equisetum telmateia
Erigeron annuus
Eriophorum angustifolium
Eriophorum latifolium
Eupatorium cannabinum
Euphorbia palustris
Filipendula ulmaria
Fissidens adianthoides
Frangula alnus
Fraxinus excelsior
Gallium palustre
Genista tinctoria
Gentiana pneumonenthe
Gratiola off icinalis
Holcus lanatus
SUIVI DE LA VEGETATION DES PRAIRIES
DE LA RESERVE NATURELLE DU MARAIS DE LAVOURS 2011
25 POINTS espacés de 40cm
Annexe 5 : fiche de relevé botanique (page ½)
51
Annexe 6 : carte actualisée de localisation des stations de relevés botaniques
N
100m
Source : M. F DARINOT, RNML
52
Annexe 7 : fiche action brûlage dirigé
SITE N° FR 8201637 Marais de Lavours
Restauration de milieux ouverts par un brûlage dirigé
Code A32302 P
Objectifs de
l’action
La restauration et l’entretien de certaines prairies de la réserve
naturelle posent des problèmes avec les moyens classiques. Il s’agit, d’une part, des cariçaies à Carex elata du Nord de la réserve, qui forment des touradons très intéressants pour la faune. Ces
touradons sont décapités par le fauchage et le broyage, ou bien finissent par être envahis par l’aulne glutineux si l’on n’utilise que le
pâturage. Le conseil scientifique de la réserve naturelle a proposé d’utiliser le brûlage dirigé pour contrôler les ligneux et entretenir cette végétation en touradons.
Il s’agit, d’autre part, de cladiaies qui sont colonisées par les ligneux. Le fauchage est impossible dans les cladiaies âgées (trop dense pour les engins) et le broyage n’est pas souhaitable car la matière broyée
est très difficile à exporter. Le conseil scientifique a proposé d’utiliser le brûlage dirigé pour contrôler les ligneux et entretenir les cladiaies.
Habitats et espèces
concernées
Marais calcaires à Cladium mariscus (7210), tourbières basses alcalines (7230)
Localisation de l’action
Les surfaces de chaque type de végétation ne seront pas traitées intégralement en une année, mais plutôt traitées par tranches pour
permettre le maintien de zones refuges.
Surface engagée 76 ha sur 5 ans
Engagements non
rémunérés
Le brûlage doit être effectué en période de repos de la végétation et
de la faune, c’est à dire en décembre-janvier-février. C’est aussi la période où la tourbe est inondée, ce qui empêche tout risque de feu de tourbe. Le feu doit être allumé par vent modéré du Nord (bise).
Toutes les opérations de brûlage font l’objet d’une cartographie précise des surfaces débroussaillées, et du recueil des dates et des
conditions techniques de réalisation.
Engagements rémunérés
Le brûlage dirigé nécessite la création de pare-feux d’au moins 6 mètres de large autour de la zone à brûler (débroussaillage léger au tracteur).
La mise à feu et la surveillance du brûlis doit mobiliser un minimum de 6 personnes, dont 1 pompier en relation directe avec le SDIS, équipés de battes et d’un tracteur transportant une cuve d’eau de 500 litres.
Une parcelle donnée ne doit pas être brûlée deux années consécutives : le pas de temps minimum est de 2 ans, et pourra être
modifié en fonction des résultats du suivi scientifique mis en place.
Points de contrôle - un suivi scientifique de la végétation et de la faune sera mis en place
pour évaluer l’impact du brûlage dirigé sur les habitats - cahier d’enregistrement des interventions
- vérification sur le terrain des surfaces fauchées - vérification des factures
Montant de l’aide 27458 euros
Calendrier de mise en œuvre
13,5 ha en 2008 ; 18,3 ha en 2009 ; 18,3 ha en 2010 ; 18,5 ha en 2011 ; 7,4 ha en 2012
NB : le brûlage prévu en 2008 n’a pas été réalisé.
Source : RNML
53
0,00
1,00
2,00
3,00
4,00
5,00
6,00
7,00
8,00
9,00
10,00
11,00
12,00
1988 1989 1990 1994 1996 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011
Evolution de quelques espèces (1/2)
Alnus glutinosa G Phragmites australis G Salix cinerea G Solidago gigantea G
Alnus glutinosa T Phragmites australis T Salix cinerea T Solidago gigantea T
pâturage broyage brûlage dirigé
0,00
1,00
2,00
3,00
4,00
5,00
6,00
7,00
8,00
9,00
10,00
1988 1989 1990 1994 1996 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011
Evolution de quelques espèces (2/2)
Carex panicea G Juncus G Mentha aquatica G Molinia caerulea G
Carex panicea T Juncus T Mentha aquatica T Molinia caerulea T
pâturage broyage brûlage dirigé
Annexe 8 : graphique d’évolution d’espèces intéressantes en station témoins et gérées
54
Résumé
Le marais de Lavours est l’une des plus grandes tourbières alcalines de France. Situé dans la
vallée du Haut-Rhône, il a été exploité par les Hommes depuis le Moyen-Age, puis a été laissé à
l’abandon au début du 19ème siècle. La réserve naturelle a été créée en 1984. Le premier suivi qui a
été mis en place est celui de la végétation. Depuis 1988, des relevés botaniques sont effectués tous
les ans puis tous les deux ans dans les prairies hygrophiles de la réserve. Ainsi, nous sommes
aujourd’hui en possession d’un jeu suffisant de données pour évaluer l’évolution de la végétation
ainsi que la qualité des différents modes de gestion appliqués.
Une étude complète de ces relevés botaniques a permis de mettre en avant plusieurs
constats. Tout d’abord, le pâturage appliqué au marais de 1988 à 1999 a détérioré les prairies. En
effet, la pression de pâturage était bien trop élevée. Ainsi, la richesse spécifique et la diversité
floristique ont été mis à mal par ce type de gestion, et l’avancée des ligneux n’a pas pu être
contenue. De 1999 à 2008, le marais a été géré par broyage. Ce type de gestion a permis de faire
régresser les arbres colonisateurs. Mais trop répété, cet entretien des prairies a conduit à une forte
accumulation de litière et à une perte en diversité. Dernièrement, c’est le brûlage dirigé qui est
conduit au marais. Cette technique est très peu utilisée en Europe, et les connaissances à son sujet
sont faibles. Il semblerait qu’il permette d’augmenter la richesse spécifique ainsi que la densité de la
strate herbacée tout en mettant à mal les ligneux. Cependant, ces constats tirés de seulement deux
années d’études, devront être confirmés avec les prochains suivis de végétation. Les années à venir
pourraient aussi voir la mise en place d’études sur le brûlage dirigé qui permettraient de mieux
connaitre ce type de gestion pour pouvoir l’utiliser de manière plus fine.
Ainsi, chaque méthode de gestion a ses avantages et ses inconvénients. Il faut apprendre à
jongler entre elles pour arriver à ses fins et permettre au marais de Lavours de conserver sa
fabuleuse diversité biologique, voire même de l’améliorer.