porozhanov, k. des hommes et des espaces. - in: l'or des thraces. tresors de bulgarie....

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KALIN POROZHANOV

Des hommes et des espaces

La Thrace continentale

L'ethnonyme Thraces ne designe pas un peuple homogene enferme dans les frontieres d'un

Etat. II designe une population nombreuse qui habite les vastes espaces de l'Europe du Sud-Est

et s'etend des regions situees entre Ie Dniepr et Ie Dniestr au Nord-Est jusqu'en Asie Mineure,

en Egeide septentrionale et au confluent de la Strouma (l'antique Strimon) et du Vardar (l'an­

tique Axios) au sud-est, au sud et au sud-ouest. Le noyau demographique de cette population

est situe entre les Carpathes et la mer Egee, toutes les peri odes de son evolution et les compor­

tements economiques, culturels et sociaux etant naturellement influences par les particularites

de la region. Ce comportement se manifeste a travers divers signes historico-culturels distinc­

tifs it travers I'Antiquite.

Les phenomenes de convergence sur Ie plan ethnique commencent a apparaltre dans Ie

materiel archeologique de la fin du Chalcolithique et du debut de l'age du Bronze (la fin du Se

et Ie 4e millenaires avo J.-c.). Le materiel en question provient des necropoles et des tumuli OU

les objets et les pratiques constatees caracterisent Ie mode de vie et les structures sociales com­

plexes de la population autochtone. Les autres participants ace processus ethnogenetique vien­

nent du nord/nord-est: les hommes des steppes. En ce sens, la Thrace du Nord-Est, I'anti­

chambre de la steppe, est la zone de contact de la peninsule Balkanique et de I'Europe du

Sud-Est avec les espaces euro-asiatiques.

La necropole de Varna (l'antique Odessos) est Ie lieu de rencontre Ie mieux documente

entre habitants autochtones et nouveaux venus. L'enorme cite des morts est un centre preala­

blement con<;:u et planifie dont les tom beaux presentent I'inventaire Ie plus riche. On constate,

du centre ala peripherie, l'appauvrissement des rites funeraires, ce qui met en evidence la pre­

sence d'une differenciation sociale. A cette epoque reculee, la societe se trouve aussi divisee sur

Ie plan social que ne Ie sera I'authentique societe thrace 2000 ans plus tard.

Dans les terres thraces nous ne decouvrons pas d'arguments linguistiques convaincants a I'appui de la presence d ' une population non indo-europeenne. Au contraire, les plus anciens

toponymes, hydronymes, anthroponymes et ethnonymes presentent des

origines indo-europeennes attestees, ce qui nous permet de supposer, que

dans les espaces thraces d'Europe du Sud-Est et d'Asie Mineure, s'etait

accompli un processus millenaire (4e-2e millenaire avo J.-c.) d'indo­

europeanisation. II en resulte done que les Thraces appartiennent aux

Indo-europeens les plus anciens.

Les changements dans les structures socio-politiques et economiques

interviennent apres Ie milieu du 2e miUenaire avo J.-c., epoque marquee

par Ie debut de la restructuration du systeme d'habitat dans Ie Sud-Est

europeen, y compris en Thrace. L'apparition de residences fortifiees qui

contr61ent des regions entieres contribue a stabiliser la force et I'activite

de I'aristocratie. La societe, a cette epoque de passage a l'Etat territorial

(ethnos-basileia), fait de la guerre un passe-temps quotidien, car c'est

grace au pillage non dissimule qu'elle parvient a s'approprier des terres,

I L'OR D ES THRACES ) 35

des matieres premieres, des biens, des tresors,

du betail, des instruments de travail et des

objets precieux, pour en remplir Ie tresor de la

dynastie locale. D A C I

Vers la fin du 2e et au debut du ler mille­

naire avo J.-c. des ethnonymes thraces son t

localises en Asie Mineure et en Europe. A

I'epoque de l'histoire ecrite, leur liste se trouve

completee par les observateurs grecs. Ainsi, les

Cetes qui occupent les territoires sur les deux

rives du cours inferieur du Danube (l'antique

Istros), forment une des ethnies les plus impor­

tantes. Vers Ie milieu du ler siecle avo I.-c., ils

re<;:oivent I'appellation de Daces. Les habitan ts

de la plaine situee entre Ie Danube et la chaine

du Balkan (l'ancienne Hemus ) sont connus

sous Ie nom de Mesiens. Pour les auteurs grecs

de l'An tiquite ils sont des guerriers d'une bra­

voure legendaire qui n'hesitent pas acombattre

au «corps a corps», alors que les auteurs G RAE C I A

romains les definissent comme les pires enne­

mis en Thrace ala fin du l er siecle avo J.-c. La presence des Triballes est attestee dans les terres

occidentales au sud du Danube (I'actuelle Bulgarie du Nord-Ouest et la Serbie du Nord-Est ).

Sur la carte des Thraces, il convient de placer les plus puissants au sud de la Stara Planina: il

s'agit des Odryses qui ont fond e leur Etat ala fin du 6e et au debut du 5e siecle avo J.-c., Ie long

des cours de la Tundja (Tonzos) et de la Maritza (Hebros) , jusqu'a la mer Egee, tout en contro­

lant les Rhodopes occidentaux et Ie massif de la Strandja jusqu'au littoral de la mer Noire, ainsi

que la plaine au-dela de la mer de Marmara (l'antique Propontide). Les vallees ferm ees des

Rhodopes sont habitees par les Besses qui gouvernent Ie sanctuaire principal de Thrace ou est

celebre Ie culte du Dionysos thrace. L'espace situe entre les cours inferieurs des deux fleuves, Ie

Vardar (Axios ) et la Strouma (Strimon) est peuple par les Thraces Edones, qui sont les adver­

saires les plus acharnes des Atheniens au 5e siecle avo I. -c. Connue pour son degre eleve de dynamisme historique, la Thrace antique, plaque tour­

nante reliant l'Europe a I'Asie, forme aussi l'echine de la structure provincia Ie romaine. La

structuration des provinces romaines, Ie mode de vie urbain et les relations reglementees avec

les regions rurales favorisent, aux ler-3e siecles, la situation paisible de I'Empire prospere, dont

les ethnies thraces du Sud-Est de l'Europe et du Nord-Ouest de I'Asie Mineure font partie inte­

grante. L'empire romain, acet egard, peut etre defini comme une premiere tentative de vivre en

bonne intelligence dans Ie cadre de I'antique Europe unie.

Cette conception qui s'est imposee dans la thracologie a la suite des etudes effec tuees ces

trente dernieres annees, a montre que l'espace historico-culturel thrace s'etenda it aussi bien a

I'hinterland qu'a la zone maritime environnante.

La Thrace maritime

La Thracia Pontica ou Thrace des mers comprend Ie littoral des mers Egee et Marmara, dont la

partie septentrionale est designee par Homere sous Ie terme de mer Thrace (Hom. II. 23. 229­

230), ainsi que les rivages occidentaux de la Mer Noire (Ie Pont Euxin) , ou les contacts mari­

times ont favori se l'echange d' idees, d'experiences, d'aptitudes, d'objets et d'hommes, ce qui a

contribue agenerer des valeurs nouvelles au cours de I'evolution de la civilisation europeenne.

Les trebus thraces

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Rappelons a cet egard Ie recit d'Homere concernant Iphidamante, fil s d 'Antenor, un des

illustres Troyens. Le Troyen fut eleve dans la Thrace fertile, d'ou il parti t , a la tete de douze

navires, combattre les Acheens qui etaient en guerre avec Troie (Hom. 11. 11. 218-263 ). C'est la

meme voie maritime qu'avait suivie probablement l'illustre roi thrace, Rhesos, allie des Troyens

(Hom. 11. 10. 435-449), qui etait parti en campagne lui aussi de la Thrace du sud-ouest vers

l'est. De toute evidence , au cours de la seconde moitie du 2e millenaire avo J.-c., les voies mari­

times longeant les cotes septentrion ales de la mer Egee, dans la region de la Chersonese de

Thrace (la presqu'ile de Gallipoli ), et I'Hellespont (les Dardanelles), y compris la mer de Mar­

m ara et Ie Bosphore, etaient dominees par les Troyens et les Thraces.

Dans les recits anciens, les heros qu'Homere designe sous Ie nom d ' Acheens, ne surent pro­

fiter de leur victoire dans la Guerre de Troie, menee au 13e siecle avo J.-c., pour obtenir l'hege­

monie des mers (thalassocratia) , n'y parvenant qu'a la fin du ge siecle avo J.-c. Apres la guerre de

Troie, les thalassocrates ne son t pas designes par Diodore (VII, fr. 11) so us Ie nom d'Hellenes. A

cette epoque, c'etait Ie Troyen Enee et ses compatriotes qui etaie nt dits gouverner les voies

maritimes, ce qui se serait prolonge huit ans, apres quoi, ils furent obliges de les ceder aux

Lydiens et aux Meoniens d'Asie Mineure, dont l'hegemonie dura 92 ans, pendant la seconde

moitie du 11 e et au debut du 1Oe siecle avo J.-c. Ils furent remplaces par les Pelasges qui gouver­

nerent les mers pendant 85 ans, jusqu'au debut du 11 e siecle avo J.-c., pour se faire evincer ensuite

par les Thraces europeens (19 ans) et les Thraces d'Asie Mine ure, dont l'hegemonie maritime se

prolongea 79 ans, de la premiere moitie du lOe au debut du ge siecl e avo J.-c. Diodore nous fournit d 'autres renseignements sur Ja naviga tion thrace (Diod. 5.50-5 1.4).

Naxos, line des iles des Cyclades aurait ete initi alement habitee par les Thraces, ve nus de la

Thrace egeenne, qui au raien t go uverne l'ile pendant plus de 200 ans, s'occupant essentielle­

ment de pirateri e, et auraien t etendu leurs incursions jusqu'a l'lle d 'ELIbee et la Thessali e.

Apoilonios de Rhod es rapporte dans son poeme les Argonautiques, ou il decrit la campagne

des Argonautes partis a la conquete de la Toison d'Or, d'autres faits legendaires concernan t

I'histoire maritime des Thraces du bassin egeen. Les femmes de l'lle de Lemnos, qui avaien t

deja ere enlevees par des pirates, furent effrayees a l'idee d'une attaque maritime thrace, imagi­

nant qu'Argo, Ie navi re des Argonautes, etait d 'appartena nce thrace (Apol l. Rhod. Argon.!.

580-930). Le nom de Pelasges avait ete applique aux pirates qui avaient enleve les femmes des

Atheniens Jors de Ja fete d'Artemis, les emmenant a l'iJe de Lemnos (Her. 6.138.1). Ainsi, les

ethnonymes de Pelasges et de Thraces sont sOllvent confondus. II arrive aussi qu 'ils so ient uti­

lises ensemble dans Ie con texte historico-cultu rel d ' une communaute parentale paleobalka­

nique, presentant des caracteristiques similaires, y compris sur Ie plan linguistique. D'autre

part, l'ile de Lemnos est la contree la plus frequemment mention nee au temps de I'hegemonie

maritime thrace et traco-pelasgienne, avant I'heilenisa tion definitive de l'lle.

A I'epoque classique, il est egalement question de navigateurs thraces a propos de la cam­

pagne du roi de Perse Xerxes (486-465 avo ].-c.) contre la Grece (Her. 7. 10), alors que, bien plus

tard , au 2e siecle, l'auteur grec Oppien decrit dans son poeme sur la Peche, les ap titudes en

matiere de peche maritime des Thraces des rivages de la Propontide et de la Chersonese. Ces

Thraces connaissaient tres bien les endroits ou ils pouvaient pecher Ie thon et n'hesita ient pas a

ailer a Ja peche m em e en hiver, munis d e harpons speciaux qu'ils appelaient akyda: I'arm e de

peche la plus mortelle.

La presence d 'une zone de contacts reciproques creee dans la Thrace Pontique des Ie mili eu

du 2e millenaire avo ].-c., est attestee aussi par des donnees linguistiques. Les unes donnent

mati ere a controverse, car elles ont ete enregistrees par l'ecriture lineaire A, sur des tab lettes

d'argile provenant de Crete. Dans deux des cas, les noms prop res dechiffres comme Pitak, qui

avait ete porte au 5e siecie avo J.-c. par un des rois des Edones, et Disos, dont derivent des

anthroponymes et des toponymes thraces, voire des mots en usage pendant I'Antiquite greco­

romaine, semblent des arguments convaincants a l'a ppu i d'un echange reciproque pa r voie

{ L' O R D E S T H R AC E S 1 37

maritime. Ils sont d'ailleurs representes dans l'ecriture lineaire B, a l'epoque mycenienne, qui

note une langue grecque. L'ecriture lineaire B laisse decouvrir la presence d'une soixantaine de

noms propres, de toponymes et de noms ethniques, qui presentent des paralleles directs avec

les noms thraces de l'epoque de l'histoire ecrite.

La navigation sur mer a une epoque reculee est documentee aussi sur Ie plan archeologique

et remonte au temps de la necropole chalcolithique de Varna. Les prospections effectuees sur

terre et sous ]'eau, de l'embouchure du Danube jusqu'a la bande catiere de la Strandja (p roba­

blement jusqu'au Bosphore) attestent la presence d'habitats (p lus de dix ont ete decouverts jus­

qu'ici), dont les mieux etudies sont ceux de la Grande He de l'actuel Durankulak, du littoral

Nord , et de Sozopol (I'antique Apollonia Pontica) du littoral Sud du Pont Euxin . La necropole

de Durankulak a fait egalement l'objet de fouilles. II devient evident que les represen tants de la

culture chalcolithique, ayant vecu aux confins de la Thrace avant les Thraces , ava ient probable­

ment ete d'excellents marins , ce qui est atteste par Ie fait que les objets en cuivre et en or pro­

duits sur Ie terr itoire de l'actuelle Bulgarie, etaient vehicules au nord et au sud par voie mari­

time.

D'autre part, des pecheurs et des navigateurs thraces avaient ega lement participe a la fon­

dation de la communaute circumpontique et nord-egeenne jusqu'au debut du 2e millenaire avo

J.-c. Les habitats localises jusqu'a present, sur Ie littoral occidental de la mer Noire, sont deja au

nombre de vingt, ce qui temoigne d'une activite accrue dans Ie sens de l'assimilation d'espaces

physico-geographiques et leur transformation en territoires historico-culturels. Cette ac tivite

correspond a l'extension du reseau d'habitats sur Ie littoral Nord-Oues t de l'Asie Mineure et

dans la plupart des lies egeennes.

L'age du Bronze recent, s'etendant du milieu du 2e mill ena ire avo J.-c. jusqu'au 12e sieele avo

J.-c., est represente dans la Thrace Pontique par des localites, des habitats et d 'a utres trou­

va illes, dont les plus precieuses pour Ie moment sont deux lingots metalliques en forme de

peau de bceuf tendue. L'un des lingots provient des fouilles archeologiques sous-marines pres

du cap Kaliakra sur Ie littoral Nord- Ouest et l'autre du village de Tcherkovo, sur la riviere Sre­

decka qui se jette dans Ie lac de Bourgas, ancienne baie maritime antique, sur Ie littoral Sud­

Ouest. Au 2e millenaire avo J.-c.,des lingots semblables etaient vehicules dans toute la Mediter­

ranee orientale. Ils avaient une double fonction: Ie cuivre servait de monnaie d'echange quand

on en avait besoin pour l'alliage de bronze; Ie lingot lui-meme etait utilise comme moyen de

paiement. La deuxiem e fonction est entierement confirmee par la composition du lingot de

Kali akra qui pese 1,5 kg environ (O,5 kg d'or, 0,3 kg d'argent), la premiere, par Ie lingot de

Tcherkovo, qui ne contient que du cuivre et pese 26 kg. C'est son poid s justement, egalant

I'un ite monetaire universellement reconnue (Ie talent grec), qui vient attester sa fonction de

monnaie d'echange. Dans la meme region a ete recemment mis au jour un lingot de cuivre,

pesant egalement 26 kg.

Ces !ingots etaient transportes par les navires thraces dont les ports sont localises avec cer­

titude par I'accumulation d'ancres sur Ie fond marin (ancrages). Ces ancres en pierre, aorifices,

son t datees du 2e et du debut du ler millena ire avo J.-c. Les ancrages les plus importants sont

situes pres du cap Kaliakra, pres de Nessebar (I'antique Messembria), de Sozopol, du cap Maslen

et de Kiten. C'est a la meme epoque que remonte la localite thrace situee dans la presqu'lle de

Nessebar, qui etait cernee d'un mur d'enceinte dont la porte etait situee au nord-ouest. C'est face

acette porte, dans Ie fond marin, qu'a ete decouvert un ancrage comprenant uniquement des

ancres en pierre aorifices, qui localisen t Ie port d'un ville fortifie e royale thrace .

On peut se faire une idee des navires en usage au moye n des ancres en pierre a orifices du

littoral occidental de la mer Noire, dont certaines ont ete redatees du 2e au 3e millenaire avo

J.-c., ce qui permet de les attribuer a la communaute archeologique circumpontique et nord­

egeenne. Cette epoque est egalement designee par Ie terme de International Age. Or, plus de 150

ancres a orifices, ce qui represente apeu pres 2/3 de tous les specimens decouverts, sont datees de

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, ,it barque, Bronze recent (cat. 133)

la seconde moitie du 2e millenaire avo J.-C Les etudes petrographiques indiquent que 90% de ces

objets sont d'origine locale (du littoral occidental de la mer Noire), et 10% environ sont probable­

ment d 'or igine mediterraneenne. Elles devaient appartenir a des navires a rames ou a voiles et a

rames, qui etaient dotes d'un mat, d'une voile rectangulaire et de 10 ou 15 rames, reclamant la pre­

sence de 20 ou 30 rameurs. Ce genre de batiments a destination universelle a ete atteste en Thrace

europeenne. Une des trouvailles interessante a cet egard est composee de modeles en argile, mis au

jour dans la necropole aux environs de Lorn (l'antique Almus), sur Ie Danube; une autre presente

la maquette d'un navire sur une dalle de pierre de la Vallee de la Mesta (Nestos), en Bulgarie du

Sud-Ouest. La daile, decouverte dans un sanctuaire, est datee des 14e-13e siecles avo J.-C Non seu­

lement dans ces deux cas, mais aussi a d'autres endroits sur les terres thraces, aussi bien au 2e qu'au

ler millenaire avo J.-C, voire aux premiers siecles apr. J.-C, nous retrouvons la representation de la

barque enso/eillee, liee a la religion des anciens, mais jouant a la fois Ie r61e d'un vrai bateau.

II convient d'ajouter la variante thrace de I' idee universelle de la divinite qui protege les naviga­

teurs, idee vivante jusqu'a nos jours dans l'imagination des Bulgares du littoral occidental de la

mer Noire.

Cette divinite ne ressembJe ni a Poseidon ni a Neptune; elle est coni):ue, comme dans toute

la region mediterraneenne, sous les traits d'une mere Marine. En langue thrace, Ie radical mar­

fait deriver des noms propres et des hydronymes dont la signification est la «grande eall», ce qui

est atteste par les appellations tbraces de I'Hebros, Mari-tza (au suffixe slave) et de la Propon­

tide Mar-mar-a, conservee jusqu'a nos jours pour designer la mer de Marmara.

Parmi les noms propres du type de Maris, dugroupe linguisitique thraco-troyen, existait un

nom feminin dont la forme reconstruite correspond probablement a lvfarina. Cette forme

appartient probablement au lexique indo-europeen et apparait aussi bien dans la langue thrace

que dans Ie grec ancien au ler millenaire avo J-.C, epoque alaquelle Ie fonds lexical paleobalka­

nique etait compose oralement et litterairement par les anciens Hellenes.

Dans Ie christianisme orthodoxe Marine apparait sous les traits de la sainte ayant herite de

I'idee-image de la deesse-mere. Aussi est-elle multifonctionnelle . Une de ses principales fonc­

tions est celie de la j\;fere Marine, qui protege tous ceux qui naviguent et que la mer nourrit.

Veneree dans tout Ie bassin mediterraneen, Sainte Marine est line des personnifications folk.1o­

riques les plus populaires de la Grande Deesse-Mere, christianisee sur Ie littoral et dans les lies

des mers Noire et Egee, au temps de I'empereur Constantin r'o, Ie Grand (306-337).

Ainsi, l'histoire de l'Antique Thrace et des Thraces evolue, pour se fondre progressivement

aI' bistoire de Byzance et de la Bulgarie medievale.

BIBLIOGRAPHIE

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