pieter van reenen \u0026 lene schøsler, la maison(s) et li charbons, la forme du nominatif...

18
Actes du XVIIIe Congres International de Linguistique et de Philologie Romanes Universite de Treves (Trier) 1986 publies par Dieter Kremer Tome III TIRE A PART MAX NIEMEYER VERLAG TuBINGEN 1991

Upload: falw

Post on 09-Dec-2023

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Actes du XVIIIe Congres International de Linguistique et de Philologie Romanes

Universite de Treves (Trier) 1986

publies par Dieter Kremer

Tome III

TIRE A PART

MAX NIEMEYER VERLAG TuBINGEN 1991

Tome I

Introduction et programme general Pieter van Reenen (Amsterdam)/ Lene Sch0s1er (Kopenhagen) Section I Romania submersa Section II Romania nova Index general La maison(s) et Ii. charbons.

Tome II

Section III

Tome III

Section V Section VIII Section XIII

Tome IV

Section VI Section VII

Tome V

Section IV

Tome VI

Section IX Section X Section XI Section XII

Tome VII

Section XIV Section XV

Section XVI

Linguistique theorique et linguistique synchronique

Grammaire diachronique et histoire de la langue Dialectologie et geographie linguistique Textes non-litteraires

Lexicologie et lexicographie Onomastique

Linguistique pragmatique et sociolinguistique

Critique textuelle et edition de textes Genres litteraires Litteratures medievales Nouvelles tendances de l'analyse litteraire et stylistique

Histoire de Ia linguistique et de ]a philologie romanes Philologie romane et langues romanes; prise de con-science ou: la p,hilologie pour quoi faire? Travaux en cours

La forme du nominatif singulier feminin et masculin *

O. Resume

II existe deux theories concernant la provenance de l's final dans fins et maisons, formes du nominatif singulier feminin 1 en ancien fran<;ais. Nous allons demontrer qu'il faut les refuter toutes deux. Nous propose-rons une nouvelle theorie qui rend compte (a) de la substitution precoce en ancien fran<;ais des formes du nom. sg. fern. fin, maison aux formes fins et. maisons, (b) de l'origine de l's du nom. sg. tant au fern. (maisons) qu'au masc. (charbons) et (c) de la reforme de la racine du nom. sur Ie modele de l' oblique (MANSIO > MANSIONE).

1. Introduction

Les manuels de l'ancien fran<;ais presentent normalement Ie systeme morphologique du nom dans quatre paradigmes reguliers et un nombre variable de paradigmes plus ou moins exceptionnels. Parmi ces derniers figurent notamment les noms a deux racines indiquant des humains, soit Ie type sire / seignor avec deplacement de l'accent, soit Ie type sor / soror, hom / homme, noms imparisyllabiques avec ou sans deplace-ment d'accent. Ces paradigmes exceptionnels refletent plus ou moins fidelement Ie systeme flexionnel du latin. Des quatre paradigmes regu-

*

1.

Pour plus de details, nous renvoyons it une version plus detaillee de cette etude: P. Th. van Reenen and L. Sch0sler, Feminine and Masculine Nominative Singular Nouns in Old French, La Maison(s) and Li Charbons, Vrije Universiteit Working Papers in Linguistics no. 17, Amsterdam, 1985. Cette etude apparaitra dans J. Fisiak (ed.), Proceedings of the International Conference on Historical Dialectology: Regional and Social, Btazejewko, 7-10 May 1986. Nous nous servirons des abreviations suivantes: nom. = nominatif, obI. = oblique, sg. = singulier, pI. = pluriel, fern. = feminin, rnasc. = masculin. occ. = occurrences, anc. fro = ancien franc;:ais, lat. vulg. = latin vulgaire, lat. d. = latin dassique. Nous rendons Ie latin dassique ou tardif avec petites capitales, l'ancien franc;:ais avec minuscules en italique.

t't Ii charbons. La forme du nominatif nom. sg. fern. et mase.

thmx Monl masc., deux fem. Ces paradigmes possedent tous une n;\clm:, parfois sujette a des variations previsibles dues a la presence

dc flexion, par exemple, ne(f)s, du(c)s. IIs se caracterisent par des deux marques de flexion (s /0), qui correspondent a

d'lmportantes variations paradigmatiques latines. Dans cette etude nous nous occuperons surtout du sort des noms

imparisyllabiques de la troisieme declinaison latine avec deplacement de l'accent, du type masc. CARBO-CARBONIS et fem. MANSIO-MANSIONIS; nous examinerons en particupier la fa<;on de laquelle la forme du nom. sg. s'est regularise au cours de l'histoire.

Dans la table 1 (voir appendice), on trouvera alignes des noms illus-trant les quatre paradigmes reguliers de l'ancien fran<;ais et les para-digmes correspondants du latin vulgaire et du latin classique.

Les noms murs et charbons appartiennent au premier paradigme masc., pere(s) appartient au second paradigme. Pueples est Ie plus souvent considere comme membre du premier paradigme masc.

Fin(s) et maison(s) appartiennent au second paradigme fem., fille et mere au premier paradigme. Les formes murs, puebles, fins et mere se laissent deriver regulierement des formes latines correspondantes, alors que la forme des autres noms presupposent d'importants change-ments paradigmatiques au nom. sg. et pI. Dans la suite, nous allons surtout considerer les changements qui se sont produits au sg.

2. L'hypothese analogique et l'hypothese etymologique

Dans la table 1, on aura remarque la presence de plusieurs s flexionnels entre parentheses. II y a, en effet, dans les manuels de l'ancien fran<;ais, quelque hesitation concernant la presence de cet -so Tous les specialistes considerent l's du nom. sg. masc. pere(s) comme un s analogi que, et plusieurs observent que sa frequence s'accrolt au cours de la periode de l'ancien fran<;ais. Vne partie des specialistes pensent que I's de fins et de maisons a la meme origine analogique, c'est-a-dire qu'ils adoptent ce que nous nommerons l'hypothese analogique. D'autres cons ide-rent que l's du nom. sg. fern. provient d'une forme en -s du latin vulgaire, c'est-a-dire qu'ils defendent ce que nous nommerons I'hypothese by-mologique.

Les auteurs de manuels, dans lesquels on rencontre les deux hypo-theses, expliquent rarement les raisons pour lesquelles ils ont choisi l'une ou l'autre des deux hypotheses. Quelques observations trouvees dans les etudes les plus elaborees nous permettent neanmoins de degager les arguments en faveur des deux hypotheses: On accepte en general

Pieter van Reenen / Lene SehfiJsler 137

que l's du nom. sg. fern. (fins, maisons) soit quasiment inexistant au debut de la periode de l'ancien fran<;ais, alors qu'il devient frequent a partir du XIIe siecle, notamment dans les textes de Chretien de Troyes. Cette apparition tardive suffit, pour certains specialistes, a prouver qu'il n'y a aucun lien direct entre la forme latine en -s et l'apparition de I's au XIIe siecle. Pour eux, l's s'ajoute au nom. sg. fern. de fa<;on analo-gique, comme au nom. sg. masc. pere. S'ils adoptent l'hypothese analo-gique pour Ie nom. sg. fern., ils ne l'adoptent pas pour Ie nom. sg. masc. carbons, etant donne que l's y apparalt des les plus anciens textes. C'est Ie point de vue defendu entre autres par Schwan-Behrens et Brunot.

D'autres specialistes (Lausberg, Meyer-Lubke et, de nouveau Brunot) affirment que les plus anciens textes refletent la langue des dialectes de l'Ouest ou de l'anglo-normand, dialectes dans lesquels la prononcia-tion de I's etait instable et OU a commence la disparition de la decli-naison bicasuelle. Selon eux, il y a d'autres dialectes, a -s stable, dans lesquels l's de fins et de maisons, ainsi que l's de charbons et de murs a existe des Ie latin vulgaire, sans interruption2•

2.1. Refutation de 1 'hypothese analogique

On peut resumer l'hypothese analogique de la fa<;on suivante: l's flexionnel des nom. sg. fern., dont la racine se termine en une consonne ou une voyelle appuyee comme fins et leis, est d'origine analogique, comme l'est egalement l's flexionnel des nom. sg. masc. du type peres, homs, sires. Cet -s apparalt vers la fin de la periode de l'ancien fran<;ais, par analogie avec Ie premier paradigme masc. (murs).

Or, nous avons constate que l's du nom. sg. fern. (maisons, fins) se comporte autrement que l's du nom. sg. masc. peres, homs, sires: alors que la frequence de l's au nom. sg. masc. augmente vers la fin de la periode de l'ancien fran<;ais, celle de l's au nom. sg. fern. diminue. Nous basons cette conclusion sur des resultats proven ant de l'etude de Chre-tien de Troyes et des chartes du XIIIe siecle.

Nous rencontrons des -s flexionnels au nom. sg. fern. chez Chretien, dans Ie manuscrit de Guiot. La datation de la langue du manuscrit

2. L'hypothese analogique a ete adopte par Foulet (1961,6), Price (1971,95-96), Rickard (1974,57), Schwan-Behrens (1913, § 294), Voretzsch (1918,257), Wagner (1974, 99). L'hypo-these etymologique est defendue par Berschin et alii (1978, 113-114), Meyer-Lubke (1895, § 21; 1913, § 243), Moignet (1973, 20-21), Pope (1966, §§ 790, 802, 803), Regula (1956, §§ 2, 11). Brunot (1905, 180), Nyrop (1968, § 249) et Rheinfelder (1976, §§ 24, 53) discutent les deux hypotheses. La position de Raynaud de Lage (1964, 20-21) est peu claire, celie de Kukenheim (1967, 13, 17) est contradictoire.

138 La maison(s) et Ii charbons. La forme du nominatif nom. sg. tem. et masc. --va de la seconde partie du xue siecle (au cas OU Ie trait en question serait attribuable a Chretien), jusqu'au premier quart du XUIe siecle (au cas OU les formes proviendraient du scribe) 3. La distribution des formes du nom. sg. fern. + / - s a ete examinee par Woledge (1978 afb).

Woledge observe que, dans les textes de Chretien, Ie nom. sg. fe111. du type maisons, fins re<.;:oit en general l's flexionel (mis a part quelques exceptions comme gent). D'autre part, les masc. pere, frere, mestre fantosme (et Ie fern. exceptionnel gent) preferent pour Ie vocatif forme sans -so

Dans Ie dernier roman de Chretien, Ie Roman du Graal, qui est egalement Ie dernier roman copie par Guiot, Woledge note une aug111en. tation des formes du nom. sg. fern. sans -s: il y en a 18% dans Ie Graal et seulement 2% dans les romans precedents 4. Dans les paradig111es masculins, une telle modification ne se presente pas. Ceci suggere qUe les formes du nom. sg. fern. (fins, maisons) perdent progressivement leur formes en -s, alors que les formes du masc. ne suivent pas Ie 111e111e mouvement.

Ce decal age entre Ie fern. et Ie masc. se retrouve ailleurs dans la langue d'oil, par exemple dans les chartes du XUIe siecle. Dans les tables 2 et 3 (et les cartes 1 et 2, voir appendice), nous comparons les frequences respectives de l's de flexion au nom. sg. fern. (fins, maisans) et au nom. sg. masc. hom, prestre, sire, maire, maistre, pere, frere. Voir Van Reenen et Sch0s1er (1983), note 6, pour les details concernant Ie dernier groupe de mots. Nous divisons la periade en trois couches chro_ nologiques: 1201-1240, 1241-1270 et 1271-1300 et nous distinguons qUatre regions: Ie Nord, l'Est., Ie Sud, l'Ouest. Les tables et les cartes mettent en lumiere deux tendances: dans les dialectes du Nord, l's des n0111s masc. est relativement peu frequent au debut du siecle. A la fin du XUIe siecle, Ie nombre de formes pourvues d's recule au Sud et a l'Ouest, surtout dans les noms fern. Vne etude detaillee des chartes nous a revele que, dans la Charente-Maritime (Ie Sud-Ouest), les for111es pourvues d's diminuent graduellement pour disparaitre completent Vers la fin du XUIe siecle. Dans les trois periodes, la presence d's flexion. nels va de 100% a 75% et ensuite a 25%. La diminution des for111es en -s est moins spectaculaire dans les autres regions, par exemple dans

3. Avec son equipe, A. Dees a determine que la langue du manuscrit ressemble a cell des chartes de Haute-Marne et surtout a celle de l' Aube. e

4. Nous avons applique Ie test X2 aux resultats de Woledge. Si les chiffres sont correct la difference entre Ie Roman du Graal et les autres romans ne peut etre attribut au hasard: X2 = 18 (correction de Yates incluse) p < 0.001. e

Pieter van Reenen ILene Sch0s1er 139 ---------la daIlS la Meurthe-et-Moselle, Ie pourcentage des formes Moselle viroll 50% pendant toute la periode 5.

en -s est allalogique presuppose une evolution parallele dans L'hypot ese f' f" 11 d d nom· sg. em. (lnS, mazsons) et ce es u nom. sg. masc.

les formes ) L'etat des choses chez Chretien et dans les chartes (pere, hom:, sire que cette presupposition est fausse. Au debut du XUIe dans les dialectes du Nord, la frequence des formes du XIue Slec e, ..) . f' . '11 d f f' (peres, stres est m eneure a ce e es ormes em. en -s

en. -s alors que, a la fin du meme siecle et surtout dans les mazson?'ouest et du Sud, les formes masc. en -s sont bien plus

dlalectes de leS formes fern. en -so En consequence, il faut rejeter frequents que . ue l'hypothese analog1q .

2.2. Refutation de ['hypothese etymologique

. f lder (1976, §§ 24, 25), l'hypothese etymologique concerne Selon e minales du latin qui (a) se referent a des non-humains les ra.cmes no t des imparisyllabiques a accent mobile, type MANSIO-et qUI (b) sonARBO_CARBONIS. Ces noms ont re<.;:u une flexion analogique MANSIONIS et C ment par analogie avec d'autres nom. sg. en -IS). Dans en -IS (appareu;s la racine du nom. sg. a ete remplacee par la racine ce type de;o e;_Liibke (1985, § 21) «on cons tate dans flars la reforma-o.bI. Selon sur Ie modele du cas oblique, phenomene qui, pour t10n du nomlll

bre de ces substantifs monosyllabiques, se rencontre deja un grand nom latins de la basse epoque. De bonne heure aussi, les dans des textes A , , fi:xe ont entrame les autres». Et Pope (1966, §§ 788, 790) mots a accen! ment «the re-formation of the vocative-nominative forms note non s.eu t of the oblique cases in Latin», mais aussi sa continuation on the radlca n (cf. Fred. urbis, bone tates, gentes; Gl Reich. papilonis, «in Gallo-Roma

pedis, travis)>>. ui se referent a des humains conservent leurs deux racines noms 26) releve seulement deux exceptions: hoirs < HERES,

(Rhemfelder (humain et san(g)s < SANGUIS, dont les racines de l'obi. ont ma;,c. sur celIe du nom. sg.). En consequence, l'hypothese etymo-

ete.remode eese resumer comme suit: l's flexionnel du nom. sg. fern. fins, s, _dire de noms qui se referent a des nan-humains, provient

mazsons, c est-a

5. . 5 de l'occasion pour corriger une faute dans Van Reenen et Sch0sler

Nous profrton par rnegarde maire figure dans une table a laquelle il n'appartient (1983, du figurer avec les autres imparisyllabiques du type sire I seignor. La pas; il auraltd'fie guere les pourcentages des cartes 1 et 2. faute ne rnO 1

140 La maison(s) et li charbons. La forme du nominatif nom. sg. tem. et masc.

directement du latin (classique ou vulgaire) ou du gallo-roman comme c'est Ie cas du nom. sg. masc. murs, charbons. La modification de la racine du nom. sg. du type CARBO, MANSIO sur Ie modele de la racine du cas obI.: CARBONE, MANSIONE date de la meme periode.

Dans Ie latin classique ou tardif, bien des noms possedaient deja un nom. sg. en -IS, -ES ou -So En consequence, CANIS, PANIS, REX aboutis-sent sans problemes au paradigme regulier de l'ancien frangais; chiens, pains, reis. Cela vaut aussi pour les nom. sg. fern.: FIDES, FINIS, LEX, NAVIS, MANUS, TURRIS. L'evolution phonetique donne: leis, ne(f)s, mains, tours. Dans d'autres cas: COHORS, NIX, NOX, DENS, PARS, MORS, il faut seulement une petite modification a la fin de la racine - l'insertion de t ou d'une autre con sonne suffit - pour que ces nom. sg. fern. s'adap-tent au paradigme fern. regulier: courts, nei(f)s, nuits, dents, parts, morts. (Quelques-uns de ces noms ont change leur genre.) Neanmoins, un nombre considerable de nom. sg. masc. et fern. infirme l'hypothese etymologique, comme il appert des resultats de Sas (1937) (voir table 4, appendice).

Sas a etudie Ie systeme morphologique du latin tardif dans un corpus de textes datant d'environ 400 a 800. Le texte Ie plus ancien est Peregri-natio .!Etherire; Ie texte Ie plus recent consiste en une collection de lettres et de chartes de la chancellerie de Charlemagne. Dans la table 4 A, on trouve la liste complete des noms - neuf en tout - qui ont remplace la racine du nom. sg. par la racine obI. pourvue d's (-ES ou -IS). Selon les calculs de Sas, ces neufs noms se rencontrent dans moins d'un pour cent des occurrences des formes du nom. sg. de la troisieme declinaison. Ajoutons qu'il n'y a aucune trace d'une augmentation de leur nombre au cours des siecles.

Contrairement a 4 A, les resultats de la table 4 B ne se pretent pas a une analyse quantitative. Ils illustrent, en revanche, que la flexion -IS / -ES n'apparalt pas toujours la ou on l'attendrait. D'une part, il y a des noms humains qui auraient dli ne pas suivre l'analogie, mais conserver les deux racines: PATRIS, OPTIMATIS, SUPERESTITIS (deux occur-rences), EREDIS et PRINCIPIS. D'autre part, les deux noms EREDIS et SANGUINIS, nom. sg. remodeles sur la racine obI., ont survecu en anc. fro dans fa forme du nom. sg.: sane, heir, sans trace de leur racine obI. (comme nous venons de Ie voir).

Les resultats de Sas ne peuvent par consequent confirmer l'hypo-these etymologique. Dans Ie latin vulgaire ou merovingien, on ne reI eve aucune tendance a remodeler les nom.sg. masc. et fern. non-humains sur la racine obI. suivie de -IS / -ES. C'est seulement apres 800 qu'appa-ralt vraiment la racine obI. plus -s (apres voyelle) au lieu du nom. sg. etymologique. Ceci laisse supposer que la reforme de la racine et l'addi-tion de -s (apres voyelle) se manifeste a la fin de la periode gallo-romane.

On pourrait nous objecter que la I'cforlllt, dt1 ttl de -s ne se manifestent pas dans les textes, PUft:C qUtl It'I reflete plutot Ie latin classique et pas la langue Il faut admettre que cette objection est partiellcllIcnt vuh,bltli tres probable que les textes ecrits a partir de 750, et surtout a ptu't.lr de 770, refletent moins bien - comparativement aux textes anterieurs Ie latin (ou Ie gallo-roman) parle de l'epoque. Pourtant, il y a des cas ou l'on peut constater, dans des textes successifs, un changement qui reflete l'etat de choses dans la langue parlee, par exemple la substitu-tion de la flexion -lE par -AS au nom. pI. fern. (FILIlE .... FILIAS). Si l' on accepte la valeur demonstrative du corpus pour ce cas de substitution morphologique, il faut aussi l'accepter en tant qU'absence d'une substi-tution qu'on s'attendrait a trouver.

3. Esquisse d'une nouvelle theorie

Les hypotheses analogi que et etymologique infirmees, il faut proposer une nouvelle theorie concernant l'origine et l'evolution de l's flexionnel du nom. sg. fern. fins, maisons et masc. murs, carbons de l'ancien frangais. Les onze elements suivants entrent dans l'elaboration de cette theorie:

1. Les explications concernant la reforme de la racine du nom. sg. sur Ie modele de l'obi. ainsi que la presence ou l'absence d's au nom. sg. doivent s'appliquer a la fois aux feminins du type maisons et aux masculins du type charbons.

2. Cette reforme (CARBO, MANSIO .... CARBONE, MANSIONE) et l'addition de I's flexionnel ne sont pas necessairement deux aspects d'une meme modification.

3. Un S flexionnel ajoute a la forme CARBO ou MANSIO aurait disparu avec la forme du nom. sg. En consequence, l'addition de S est soit simultanee, soit posterieure a la reforme de la racine.

4. Aucun temoignage ne confirme I'hypothese que l'addition de S ait commence avant la fin de la periode merovingienne. II s'ensuit que la reforme de la racine de nom. sg. est ou bien contemporaine ou bien anterieure (cf. Ie point 3.).

5. Plusieurs groupes de noms de la troisieme declinaison latine possedaient deja un S flexionnel au nom. sg.: les masc. PANIS > pains, REX> reis; les fern. FINIS> fins et LEX> leis. A ces noms s'ajoutent les masc. et fern. qui n'exigent qu'une faible modi-fication de leur racine: COHORS> coorz, PARS> parz.

6. Les racines du latin vulgaire et tardif du type MURUS, PANIS, FINIS, LEX, qui se termi-nent en ·S, ont servi de modele pour les noms. sg. du type charbons, maisons.

7. Harris (1966,63) propose une theorie qui explique Ie passage du nom. pI. masc. ·ES .... 0 (CANES .... chien, CARBONES .... carbon et PATRES .... pere, voir aussi plus loin). Nous pensons que cette theorie s'applique egalement aux nom. sg. masc. et fern. (charbons. maisons). Selon Harris, la modification etudiee se produit entre 750 et 950, a la fin de la periode merovingienne.

142 La maison(s) et Ii charbons. La forme du nominatif nom. sg. fem. et mase.

8. Les noms latins du nom. sg. qui se referent it des humains (PATER, MATER, SENIOR, SOROR, HOMO), n'ajoutent pas d'-s flexionnel. On y trouve seulement un -s ajoute au cours de la periode de l'ancien fran9ais.

9. La frequence des -s ajoutes au nom. sg. masc. du type hom, pere, sire, augmente au cours de la periode de l'ancien fran9ais.

to. La distinction bicasuelle disparait d'abord dans Ie paradigme fern. (fins, maisons), en suite dans Ie paradigme masc. (murs, eharbons).

11. La declinaison bicasuelle disparait d'abord it l'ouest (et dans l'anglo-normand) pour gagner plus tard les autres dialectes.

Ces onze points constituent l'essence d'une nouvelle theorie qui rend compte de l' origine et de l' evolution ulterieure de 1's flexionnel du nom. sg. dans les paradigmes masc. murs,· charbons, peres et les paradigmes fern. fins, maisons, ainsi que de l'absence de l's au nom. pI. masc. Du meme coup, une serie de nouvelles questions se posent dont nous aborderons les trois suivantes:

1. Quelle est la nature et l'origine de la difference entre Ie para-digme masc. murs, charbons, et Ie paradigme fern. fins, maisons, en ce qui concerne la declinaison bicasuelle (cf. Ie point 10. plus haut)?

2. Si les racines nom. sg. non-humains se sont reformees suivant Ie modele de la racine obI. environ l'an 800 (voir les points 2., 3. et 4.) quelle en est la cause?

3. Pourquoi y a-t-il eu l'addition d'un -s flexionnel a la nouvelle racine du nom. sg.?

3.1. Fins, murs, charbons; la difference de leur declinaison bicasuelle

Les formes latines CARBO et MANSIO appartiennent a la meme declinaison, et 1'on s'attendrait a ce qU'elles se plient aux memes reformes morpholo-giques (voir Ie point 1., supra). En ancien elles appartiennent a deux paradigmes differents qui n'ont pas la meme distribution de l's flexionnel au nom. sg. (cf. Ie point 10.). Examinons la nature et l'origine des differences entre charbons et maisons.

3.1.1. La nature de la difference casuelle

L's du nom. sg. fern. fins, maisons, est moins frequent que l's du nom. sg. masc. murs, charbons. C'est Ie resultat de l'analyse d'une longue serie de textes litteraires d'ancien voir la table 5. Dans cette table, nous avons etabli deux comparaisons: d'abord, nous avons calcule les pourcentages respectifs d's dans toutes les occurrences des nom. sg. masc. et fern. Ensuite, nous avons calcule la presence et l'absence de spar lexeme, avec l'indication de sa proportion de + / - s. C'est ainsi que 3 occ. de deu et 7 occ. de deus, donnent au total 0,3 fois 0, 0,7 fois -so

l'

I Pieter van Reenen / Lene Seh0sIer 143

Le resultat de l'examen est que Ie pourcentage d's dans Ie nom. sg. masc. du type murs, charbons, depasse celui du nom. sg. fern. fins, maisons 6. Ceci vaut pour tous les textes sauf un (NimB2), dans lequel les pourcentages d's au fern. et au masc. sont egaux.

Quand nous calculons la frequence des nom. sg., nous ne prenons pas en consideration Ie comportement different de certains noms. Par exemple: les noms masc. deus et rois sont frequents dans nos textes, et ils ajoutent normalement un -s au nom. sg., ce qui donne un pourcen-tage eleve d's au nom. sg. masc. (le total des masc.). Par contre, Ie nom fern. relativement frequent gent, est normalement depourvu d's, ce qui contribue a nous fournir un pourcentage peu eleve d's au nom. sg. fern. (le total des fern.).

Quand nous calculons la frequence par lexeme, la frequence inegale des noms comme deus, rois et gent est neutralise, puis que chaque nom a la meme importance. C'est la raison pour laquelle les differences entre les paradigmes masc. et fern. sont moins prononcees ici que selon Ie calcul du nombre d'occurrences.

Les resultats du calcul de la frequence par lexeme nous permettent de degager deux «strategies» que nous presenterons dans Ie diagramme 1 (voir appendice). Dans une partie des textes, l's fern. se comporte a peu pres comme l's masc. Les scribes de ces textes semblent adopter la strategie selon laquelle la flexion casuelle s'applique sans distinction au fern. comme au masc. Dans les aut res textes, l's des nom. sg. fern. tend a disparaitre, c'est-a-dire que la strategie des scribes est que seuls les noms masc. possedent la declinaison bicasuelle. Ces deux strategies ne semblent guere dependre de differences dialectales ou chronologi-ques, mais on peut assigner la premiere strategie aux textes respect ant les regles de la declinaison bicasuelle, la seconde aux textes qui les respectent moins bien. (La frequence des nom. sg. fern. dans les deux textes NimB2 et NimA4 est trop basse pour en tirer des conclusions fiables.) Voir les tables 5 et 6 en appendice.

3.1.2. La disparition precoce de la declinaison bicasuelle dans les noms fem.

II y a plusieurs raisons pour lesquelles la distinction bicasuelle est moins frequente dans les noms fern. que dans les noms masc.

Dans un article precedent (cf. Van Reenen et Sch0sler 1983), nous avons propose l'hypothese que la cause essentielle de la disparition de

6. Nous n'avons pas calcule la frequence d's au nom. sg. fern. dans les plus anciens textes (Leger, La Passion), ou l'on renconctre en effet des fern. en -s: teIs, roors, granz, morz, passions, redemptions.

144 La maison(s) et Ii charbons. La forme du nominatif nom. sg. tem. et masc.

la declinaison bicasuelle est que la distinction des cas devenait opaque, en consequence de l'effacement de l's devant consonne:

(1) Li murs tombe Ii mur tombe la maisons tombe la maison tombe

(2) il voit tomber Ie mur il voit tomber la maison

Dans (1), la disparition de l's est due au contexte (s devant consonne), dans (2), l'absence de l's est liee a la syntaxe. Pour Ie sujet parlant, la regIe s -'> 0 / _C rend difficile la distinction entre (1) mur, maison et (2) mur, maison - c'est-a-dire la distinction entre la forme du nom. sg., accidentellement depourvue d's, et la forme du sg. obI. qui est toujours sans -so Le resultat en est une confusion conceptuelIe; Ie moyen Ie plus efficace de lever cette confusion est de simplifier Ie paradigme en attri-buant a l's la fonction de marque du pI., a 0 celIe du sg. La confusion conceptuelle apparait plus facilement au fern. qu'au masc., pour les trois raisons suivantes:

1. Dans la periode de l'ancien fran<;ais, Ie premier paradigme regu-lier fern. fi lle , qui, d'un point de vue quantitatif est beaucoup plus impor-tant que Ie paradigme fins, maisons, n'a jamais connu de distinction casuelle.

2. La distinction bicasuelle du fern. sg. du paradigme fins / fin n'a pas de parallele au pI., contrairement au masc. (voir table 1).

3. Puisque les noms des paradigmes fins et maisons se referent presque exclusivement a des non-humains, leur frequence d'emploi du nom. sg. est basse par rapport a celIe des aut res paradigmes. Une conse-quence de leur emploi restreint au nom. sg. est que cette forme tend a tomber plus facilement dans l'oubli.

Cependant, il semble que ces trois raisons ne jouaient aucun role avant Ie premier fonctionnement de la regIe phonetique s -'> 0 / _C. C'est ce qui se voit dans Ie nom a deux racines sor - soror. Dans les chartes, il y a 100 occ. du cas s. sg. de la racine sor ou sors.

La carte 3 et la table 7 (voir appendice) illustrent la distribution de sors / sor dans les trois periodes considerees. La documentation de la periode 1201-1240 fait presque defaut, mais il est probable q_ue -s etait peu frequent. La structure phonologique de la forme sor< SOROR ressemble a hom (cf. la carte 4 en appendice), a propos duquel la docu-mentation est plus fournie (pour plus de details, voir Van Reenen-Sch0sler 1983, 29,31). II est interessant de constater que, pendant la seconde peri ode (1241-1270), Ie pourcentage de forms en -s est tres considerable,

10

Pieter van Reenenl Lene Schrosler 145

meme superieur a celui de hom, egala, en effet, celui du paradigme fins, maisons, dans la meme periode et dans la meme region, cf. la carte 2. Au Nord, Ie pourcentage de sors est moins eleve. Pendant la troisieme periode (1271-1300), la frequence de sors baisse, alors que celIe d'homs continue a augmenter, meme au Sud et a l'Ouest.

Le sort de l's de flexion du nom sor illustre que, avant Ie dernier tiers du XII Ie siecle, l'absence de declinaison bicasuelle au sg. fern. du type fille et au pI. de tous les noms fern., n'empeche pas l'addition d'un -s de flexion (cas s. sg.), surtout au Nord et a l'Est. A partir du dernier tiers, on constate la presence d'une ten dance a considerer la declinaison bicasuelle com me un trait caracteristique des noms mascu-lins, une tendance deja manifeste au Sud et surtout a l'Ouest. L's de sors disparait tres vite, meme avant l's des autres noms fern. (cf. la carte 2), ce qui n'est pas sans etonner, etant donne qu'il n'y a aucun risque d'une confusion conceptuelle comme dans Ie paradigme des masc. (voir supra), puisque sor / sorar est un nom imparisyllabique.

La raison pour laquelle -s au nom. sg. disparait plus tot au fern. est que la regIe phonologique s -'> 0 / _C rend Ie paradigme fern. fins, maisons, encore moins clair que les paradigmes masc.

3.2. Les causes de la disparition de la racine du nom. sg. latin

Dans 3.2.1., nous discuterons les raisons pour lesquelles les racines nom. sg. non-humains ont ete reformees sur Ie modele de la racine obI. environ l'an 800. Les arguments a l'appui seront presents dans 3.2.2.

3.2.1. La reforme de la racine du nom. sg. latin

En gallo-roman, pendant la periode allant d'environ 750 a environ 850, plusieurs changements phonetiques ont eu lieu, parmi lesquels trois concernant les voyelles finales atones: (1) sauf -A, ces voyelles se confon-dent; (2) plus tard, devenues elles disparaissent, a moins de devenir voyelles d'appui apres certains groupes consonantiques (par exem-pIe -tr-); (3) -A final atone devient

A ce moment, il y a deja eu la dipthongaison des voyelles toniques. Nous pensons que c'est surtout la confusion des voyelles finales atones (sauf -A) qui a joue un role decisif dans la reorganisation du systeme de la declinaison nominale. La table 8 (voir appendice) exempli fie ces modifications.

Dans Ie cas de murs, fins, fi lle , la confusion des voyelles ne modifie pas les rapports paradigmatiques, mais dans les autres noms, elle resulte en une plus grande differenciation entre la racine du nom. et celle de

146 La maison(s) et Ii charbons. La forme du nominatif nom. sg. tem. et masc.

l'obI. au point de produire une dislocation de la coherence paradigma-tique chez les sujets parlants. Le resultat en est que ce type de noms tend a se scinder en deux et a creer un double paradigme, l'un base sur la racine du nom. sg., l'autre sur la racine de l'obI. Ainsi se substitue a hom et hom se substitue a se substitue it et vice versa.

Comme nous l'avons dit plus haut, la forme du nom. sg. des non-humains s'emploie relativement peu. Le resultat en est que cette forme tombe plus facilement dans l'oubli que la forme de l'obI. qui est plus frequente. En consequence, c'est sur la racine de l'olb. qu'on forme un nouveau nom. sg.: remplace et pas 1'inverse.

En revanche, les noms humains conservent leur double racine, etant donne qU'elles sont frequemment utilises toutes deux. A la longue, l'une ou l'autre des deux simplifications suivantes va se produire (d. Humboldt): une racine remplacera l'autre (exemple: sreur), ou les deux racines coexis-teront avec une differenciation semantique (exemple: on - hom me).

Dans ce qui precede, nous avons considere la confusion des voyelles finales comme facteur responsable de la dislocation des paradigmes. Nous expliquerons plus loin (3.3.), pourquoi nous avons choisi cette etape et non pas l'etape suivante de l'amuisement des voyelles finales.

3.2.2. Donnees confirmant la reforme du nom. sg. selon la racine de l'ob!.

Dans Ie materiel de Sas, nous avons trouve une indication fiable en faveur de notre description de la reforme des paradigmes. On peut dater Ie debut de ce proces vers 750. Avant de presenter, dans Ie paragraphe 3.2.2.2., l'analyse du materiel de Sas, il faut discuter, dans Ie paragraphe 3.2.2.1., Ie statut de ce corpus.

3.2.2.1. Le corpus

Sur les 10 textes et collections de textes utilises pas Sas, nous avons choisi les quatre qui contiennent des documents originaux. En tant que «originals of the royal diploms and private charts» (Sas 1937, 13), leur date de redaction est indiquee, alors que les autres textes ne se laissent dater qu'approximativement. Les chartes nous permettent de distinguer quatre periodes entre 625 et 800. (La derniere coincide avec la Renais-sance Carolingienne - elle est caracterisee par la ten dance a ecrire un latin plutot «classique», distinct du gallo-roman parle de l'epoque. Voir la table 9, en appendice.)

On pourrait s'attendre a voir que, avec Ie temps, Ie latin merovin-gien ou gallo-roman s'eloigne de plus en plus du latin classique. Suppo-

Pieter van Reenen / Lene Schf(Jsler 147

sons que les quatre collections de chartes refletent des couches successives du gallo-roman parle - il s'ensuit que la distance entre Ie latin classique et celui des chartes augmente successivement, de A a D.

Nous avons examine la validite de cette hypothese en etudiant 50 modifications qui se sont presentees dans la declinaison nominale du latin classique et du latin merovingien. II s'agit de modifications comme:

- I'introduction de la forme du nom. pI. fern. ·AS au lieu de .Al,

- la frequence de I'emploi des prepositions au lieu des traditionnelles constructions absolues,

- Ie degre de confusion des cas latins, - la confusion entre la seconde et la quatrieme declinaison.

Dans la table 9, on voit Ie resultat de cet examen, indique sur une echelle allant de un a quatre. II appert avec evidence que Ie corpus D s'approche Ie plus du latin classique, alors que B et C s'en ecartent Ie plus.

II faut conclure que notre hypothese est valable pour les seuls corpora A et B, qui refletent probablement - plus ou moins bien - la langue parlee de l' epoque 625-717. La langue de C, tres differente de B, est tout aussi eloignee du latin classique, alors que D est plus proche du latin classique. A partir de 750, et surtout de 770, Ie latin merovingien devient archaisant; par consequent, C, et surtout D refletent moins bien la langue parlee que A et B. Ce sont les effets de laRenaissance Carolin-gienne qui se font sentir.

Notons que notre echelle d'affinites avec Ie latin classique n'implique aucunement que les textes .qualifies du meme score se ressemblent au point de presenter les memes ecarts par rapport au latin classique. On constate, en effet, que les changements successivement observes n'arri-vent pas necessairement selon la chronologie qu'on pourrait s'imaginer. Nous constatons, par exemple, que la ten dance a remplacer la forme -UM, nom. sg. neutre, par -us ou -0, est plus forte dans D que dans les autres textes, pourtant moins proches du latin classique.

3.2.2.2. La re[orme de la racine du nom. sg.

Dans les quatre collections de textes, Sas a compte les occurrences de la racine de rempla<;ant celIe du nom. sg. a la troisieme decli-naison, d. la table 10, en appendice.

Les deux premieres periodes (A et B) ne montrent aucune tendance vers la reforme, qui commence seulement dans la troisieme peri ode (750-770). La difference entre AB et C est significative: Ie test X2 donne Ie resultat 10,07, y inclus la correction de Yates, p = 0,001, a peu pres.

148 La maison(s) et li charbons. La forme du nominatif nom. sg. fem. et masc.

Dans Ie corpus D, il n'y a pas de trace de la reforme. A ce moment, il semble que les scribes aient appris a nouveau la morphologie du latin classique.

Dans deux autres textes examines par Sas, Andecavensis et Marculfus, la reforme est egalement manifeste. Dans Ie premier, on trouve 3,0%, dans Ie second 3,5% de racines de l'obi. qui ont remplace les racines du nom. sg. Malheureusement, ces deux textes ne sont pas des originaux, et il est impossible de les dater avec precision: Ie premier entre 500 et 750, Ie dernier entre 650 et 900.

Vne remarque supplementaire concernant Ie mot MENSE. II est curieux que ce mot figure parmi les racines obI., puisqu'il n'a aucune raison de voir remplacer sa racine du nom. sg. (MENSIS) par MENSE. On pourrait peut-etre l'expliquer par l'hypothese suivante: MENSE, au lieu de MENSIS, provient d'une periode OU -s n'etait pas encore assez repandu comme marque du nom. sg. En effet, tant que les nom. sg. irreguliers du type carb;} et mais;} n'avaient pas encore ete remplaces par une forme en oS, on ne peut considerer -s comme marque du nom. sg.

3.3. L 'origine de S

Jusqu'ici, nous avons discute l'origine des nouvelles formes du nom. sg., sans avoir examine en particulier 1'addition de 1's comme marque du nom. sg.

Dans la table 11 (voir appendice), nous avons presente 1'etat des paradigmes vers Ie moment OU les finales atones (sauf -A) se sont confon-dues. Les formes obliques sont transparentes, et il n'y a aucune raison de les discuter, alors que celles du nom. sont loin d'etre transparentes.

Au pI., masc. nom., il y a deux marques possibles: -;} et -;}s. C'est Ie me rite de Harris d'avoir explique et date Ie passage a 1'unique flexion en -;}. Selon lui, cela se passe pendant la periode entre 750 et 950, pour les deux raisons suivantes:

(1) A la suite de la confusion des voyelles finales (sauf A), il n'est pratiquement plus possible de distinguer formellement la deuxieme et la troisieme declo ni au nom. sg. ni a l'obI. pI. et sg. La distinction entre les deux paradigmes reposant uniquement sur les formes du nom. pI. a dfr etre abandonne.

(2) Le second argument est base sur la reduction des nombreux flexifs, reduits aux seuls -;I et -;IS (Harris 1966, 68): «The coexistence for an indefinite periode of both -;IS and ;I as nominative plural allomorphs would have been fatal to a system which must depend ultimately for its efficiency on establishing a functional opposition between ;IS and ;I». L'elimination du flexif ;IS au nom. pI. masc. reste l'unique possibi-lite de conserver la distinction des cas et du nombre.

Pieter van Reenenl Lene Schesler 149

Nous nous sommes demande pourquoi Harris n'entre a peine dans la discussion de la forme du nom. sg.; la raison en est probablement qu'il considere la reforme de la racine du nom. sg. (carbons, maisons) bien anterieure au huitieme siecle, ce qui est inexact comme nous l'avons montre plus haut. II nous semble, en effet, que les reformes du nom. sg. masc. et fern. sont de tous les point de vue paralleles a celIe du nom. pI. masc.; il y a trois types de flexif de cas et de nombre au nom. sg.: -;}s, ;} et une racine speciale (sire, hom, sor, etc., et, en plus a ce moment de 1'evolution, me d;} r, ped;}r, maist;}r). apres la disparition de la racine latine irreguliere (nom. sg.), c'est Ie choix entre -;} et -;}S

qui persiste (mis a part les irregularites du type hom), tout a fait comme au nom. pI. masc.

Nous croyons que l'argument de Harris, concernant la reforme du nom. pI. masc., vaut egalement pour Ie sg. Son premier argument concerne la confusion des voyelles atones finales, qui menace la distinction du nom. sg. masc. et fern. (murs - chiens - maisons - fins). Le second argument de Harris concernant la distinction du nombre vaut aussi pour Ie sg.: en effet, la coexistence des deux flexifs -;} et -;}S au nom. sg. aurait ete fatale pour un systeme dans lequelles oppositions sont annulees a moins de reposer sur une distinction efficace justement entre -;}S et -;}. L'elimi-nation du flexif -;} au nom. sg. masc.lfem. constitue l'unique moyen de sauvegarder la distinction des cas et du nombre.

Si nous appliquons les arguments de Harris au sg. et au pI., la consequence en est que les deux reorganisations -;}, +;}S au sg. nom. et l'inverse: +;}, -;}s au pI. nom., doivent etre simultanees, sinon, les paradigmes auraient ete obscurs.

Nous supposons que l'addition d'un -s au nouveau nom. sg. arrive a 1'epoque OU les voyelles atones (confondues) etaient toujours pronon-cees. Voici notre argumentation, encore une fois inspire par 1'article de Harris: la racine irreguliere du nom. sg. + humain du type ped;}r, fred;}r, maist;}r et me d;} r, devient reguliere apres la disparition des voyelles finales atones. La disparition est d'ailleurs contemporaine de l'intro-duction d'une voyelle d'appui apres certains groupes consonantiques.

Considerons l'hypothese que -s etait seulement ajoute apres la dispa-rition des voyelles finales: dans ce cas, on aurait trouve les paradigmes de la table 12 au lieu de ceux de la table 11 (voir appendice).

Les paradigmes hypothetiques de la table 12 sont caracterises par la disparition des voyelles finales atones (a l'exclusion des voyelles d'appui). Les noms du type sire - seignor, sor - soror et hom - home sont toujours irreguliers, alors que les noms du type maistr;}, pedr;}, medr;}, ont une racine nom. et obI. identique, c'est-a-dire une racine main tenant

150 La maison(s) et li charbons. La forme du nominatif nom. sg. fem. et masc.

regularise, et on ne s'explique pas pourquoi la reorganisation, qui tend a pourvoir Ie nom. sg. d'un -s apres :;), n'aurait pas agi ici.

Si, par contre, nous pla<,;ons l'addition d'un -s avant la disparition des voyelles atones finales, nous comprenons l'absence de cet -s dans les formes en question.

Le raisonnement n'implique aucunement l'absence totale d's aux racines du type sire, sor, om, pere, frere, mais il faut constater qu'il n'y a plus la necessite de sauvegarder un systeme paradigmatique des cas grace a l'addition d'un -s: les racines irregulieres distinguent en effet nettement leur nom. de leur obI. Comme Ie dit Harris: au moment ou ped:;)r devient pedr:;), Ie moment critique des paradigmes, necessitant l'addition d'un -s, est passe.

En ce qui concerne Ie fern., Ie type medr:;) (nom. fern.) a ete absorbe par Ie type fill:;), toute difference formelle ayant disparu 7.

4. Chronologie relative

Nous terminons notre etude avec une liste resumant les principaux chan-gements; la datation est approximative, mais l'ordre des evenements ne l'est pas. Pour l'epoque merovingienne, il n'est evidemment pas possible de prendre en consideration les differences d'ordre stylistique ou dialectal.

avant 750 Les nom. pI. fern. en ·lE ont ete entierement remplaces par ·AS.

Les formes TEMPESTAS et POTESTAS. sont interpretees comme des formes du pI. (fern).

775 Confusion de toutes les voyelles finales atones a l'exception de ·A. Debut de la reforme des racines du nom. sg. (troisieme declinaison latine) sur Ie modele de la racine obI.

800 Disparition des racines irregulieresdu nom. sg. (troisieme declinaison latine) a reference non-humain, type carb;) et mais;). Addition d'un -s final aux nouvelles racines du nom. sg. et elimination de l'-s final au nom. pI. masc.

825 Disparition des voyelles finales atones confondues et apparition des voyelles d'appui apres certains groupes consonantiques. Apparition sporadique d'un -s final a des nom. sg. masc. et fern. frequentes a reference + humain: pere, sire, hom, emperere, mere, sor.

7. Sur ce point, il y a en effet une difference inttessante entre l'ancien franc;:ais et l'ancien provenc;:al. Dans la derniere langue ·a reste distincte de -;); la consequence en est que MATER> maire n'entre pas dans Ie paradigme filia, et qu'il y a la tendance it ajouter un -s au nom. sg. maires comme dans Ie cas de PATER -> paires cf. F. Jensen 1976, 42,44-457.

850

950-1350

Pieter van Reenenl Lene SchllJsler 151

·A devient ;); on arrive ainsi a la confusion complete de toutes les voyelles finales; medr.J est absorbee dans Ie paradigme du type fill;). s final disparait devant certaines consonnes dans les dialectes de l'Ouest et l'anglo-normand. Plus tard aussi dans les autres dialectes, d'abord dans Ie Sud, ensuite Ie Sud-Ouest, l'Est et Ie Nord.

1000-1400 Desintegration du systeme casuel, d'abord a l'Ouest et dans l'anglo-normand, au nom. sg. fern., ensuite au masc. Les autres dialectes suivent dans l'ordre indique supra (Sud, Sud-Ouest ... etc.).

AlexA

Auban

Clari

FrThebe

Nicol NimAl

NimA2

NimA3

NimA4

NimBI

NimB2

NimC

NimD

Nouvel Psautier

PseudoT

Roland Sully

Vilhard

Bibliographie

Editions de textes

«Alexiusleben», in: Altfranzosisches Uebungsbuch, W. Foerster und E. Kosch-witz (ed.), Leipzig, 1932, pp. 98-164, ms. A. La Vie de Saint Auban, An Anglo-Norman poem of the thirteenth century, A.R. Harden (ed.), Oxford, 1968. La Conquete de Constantinople de Robert de Clari, Philippe Lauer (ed.), CFMA, 1956. «Les fragments d'Angers du roman de Thebes», G. Raynaud de Lage (ed.), Romania 90, 1969, pp. 403-409. Le jeu de Saint Nicolas par lean Bodel, A. Henry (ed.), Bruxelles, 1985. Le Charroi de Nimes, ms. AI, BN, ff. 774. Transcription L. Sch0sler. Le Charroi de Nimes, ms. A2, BN, ff. 1449. Transcription L. Sch0sler. Le Charroi de Nimes, ms. A3, BN, ff. 368. Transcription L. Sch0sler. Le Charroi de Nimes, ms. A4, Bibl. Trivulziana, Milano, 1025. Transcription L. Sch0sler. Le Charroi de Nimes, ms. Bl, British Library, Royal 20 D.XI. Transcription L. Sch0sler. Le Charroi de Nimes, ms. B2, BN, ff. 24369. Transcription L. Sch0sler. Le Charroi de Nimes, ms. C,' Boulogne-sur-Mer, Bibl. Municipale 192. Transcription L. Sch0sler. Le Charroi de Nimes, ms. D, BN, ff. 1448. Transcription L. Sch0sler. Renart Ie Nouvel par lacquemart Gielee, H. Roussel (ed.), SATF, 1961 Psautier hebrai'que avec traduction interlineaire anglo-normande, Dominique Markey (ed.), ms. R 17.1, Trinity College. «The Burgundian translation of the Pseudo-Turpin chronicle in the BN French ms. 2538», R.N. Walpole (ed.), Romance Philology, vol. II (1948-1949), pp. 177-216; vol. III (1949-1950), p. 83 a.f. «La Chanson de Roland», voir Woledge et al. (1969). «Sermons de Maurice de Sully», A. Boucherie (ed.), in: Le dialecte poitevin, Paris-Montpellier, 1873. La conqueste de Constantinople de losfroi de Vilhardouin, CRAL, Nancy, 1978, ms. O.

152 La maison(s) et li charbons. La forme du nominatif nom. sg. tem. et masc.

Etudes consuitees

Berschin, H. I Felixberger, J. I Goebl H. (1978): Franzosische Sprachgeschichte, Hueber, Miinchen, pp. 113-114.

Brunot, F. (1905): Histoire de la langue fram;aise, tome I, Paris. Dees, A., avec Ie concours de P. Th. van Reenen et J.A. de Vries (1980): Atlas des formes

et des constructions des chartes fram;aises du 13e siecle, Niemeyer, Tiibingen. Dees, A., avec Ie concours de K. van Reenen-Stein, M. Dekker & O. Huber (a paraitre):

Atlas linguistique des textes litteraires de l'ancien frangais. Einhorn, E. (1974): Old Fench, a concise Handbook, Cambridge University Press, Cambridge. Foulet, L. (1928): Petite syntaxe de l'ancien frangais, CFMA, Paris. Harris, R. (1966): «Gallo-Romance third Declension Plurals», Revue de Linguistique Romane

117/118, pp. 57-70. Jensen, F. (1976): The Old Provengal Noun and Adjective Declension, Odense University Press. Kukenheim,-L. (1967): Grammaire historique de la langue frangaise, Universitaire Pers, Leiden. Lausberg, H. (1962): Romanische Sprachwissenschaft, III, de Gruyter, Berlin. Meyer-Liibke, W. (1895): Grammaire des langues romanes, traduction A. et G. Doutrepont,

tome II, Morphologie, Paris. Meyer-Liibke, W., Historische Grammatik der franzosischen Sprache, Winter, Heidelberg. Moignet, G. (1973): Grammaire de l'ancien frangais, Klincksieck, Paris. Nyrop, Kr. (1968): Grammaire historique de la langue frangaise, Morphologie, Gyldendal,

K0benhavn. Pope, M.K. (1952): From Latin to Modern French, University Press, Manchester. Price, G. (1971): The French Language: present and past, Edward Arnold, London. Raynaud de Lage, G. (1964): Introduction it l'ancien frangais, SEDES, Paris. Reenen, P. Th. van I Sch0sler, L. (1983): «Le systeme des cas et sa disparition en ancien

fraw;:ais», Vrije Universiteit Working Papers in Linguistic no. 4, to appear in Actes du congres de linguistique et philologie romanes, Aix-en-Provence.

Regula, M. (1956): Historische Grammatik des Franzosischen, Band II, Formenlehre, Winter, Heidelberg.

Rheinfelder, H. (1976): Altfranzosischen Grammatik, 2. Teil, Formenlehre und Syntax, Hueber, Miinchen. .

Rickard, P. (1974): A History of the French Language, Hutchinson, London. Sas, L.F. (1937): The Noun Declension System in Merovingian Latin, Paris. Sch0sler, L. (1984): La declinaison bicasuelle de l'ancien frangais, University Press, Odense. Schwan, E. I Behrens, D. (1925): Grammatik des Altfranzosischen, Leipzig. Voretsch, C. (1918): Einfiihrung in das Studium der altfranzosischen Sprache, Niemeyer, Halle. Wagner, R.L. (1974): L'ancien frangais. Points de vue. Programmes, Larousse, Paris. Woledge, B. I Erk, H.M. I Grout, P.B. I Macdougall, LA. (1969): «La declinaison des substan-

tifs dans la Chanson de Roland» (Deuxieme article), Romania 90, pp. 145-174. Woledge B. (1978): «Apostrophe et declinaison chez Chretien de Troyes», in Melanges Jeanne

Lods, Paris, pp. 588-603. Woledge, B. (1978): «La flors et la flor. La declinaison des feminins chez Chretien de

Troyes», in Marche Romane, Melanges Jeanne Wathelet-Willem, Cahiers de l'A.R.U.Lg, Liege, pp. 717-740.

Table 1.

nom. sg. obI. sg. nom. pI. obI. pI.

nom. sg. obI. sg. nom. pI. obI. pI.

nom. sg. \ obI. sg.

nom. pI. obI. pI.

nom. sg. obI. sg. nom. pI. obI. pI.

Table 2.

nord est sud ouest

nord est sud ouest

nord est sud ouest

Pieter van Reenen / Lene Sch0sler 153

Appendice

Les paradigrnes reguliers de l'ancien fran<;ais, accornpagnes des formes correspondantes du latin vulgaire et du latin classique

masculin feminin

anc. fro lat. vulg. lat. el. ane. fro lat. vulg. lat. cl.

murs MUROS MURUS fin(s) FINES FINIS mur MURU MURUM fin FINE FINEM mur MURI MURI fins FINES FINES murs MUROS MUROS fins FINES FINES

charbons CARBONES CARBO maison(s) MANSIONES MANSIO charbon CARBONE CARBONEM maison MANSIONE MANSIONEM

charbon CARBONES CARBONES maisons MANSIONES MANSIONES charbons CARBONES CARBONES maisons MANSIONES MANSIONES

pueples POPULOS POPULUS fille FILIA FILIA pueple POPULO POPULUM fille FILIA FILIAM pueple POPULI POPULI filles FILIAS FILIAl pueples POPULOS POPULOS filles FILIAS FILIAS

pere(s) PATER PATER mere MATER MATER pere PATRE PATREM mere MATRE MATREM pere PATRES PATRES mere MATRES MATRES peres PATRES PATRES meres MATRES MATRES

Absence ou presence d'-s au nom. sg. fern. de fins et de maisons dans les chartes du XIIIe siecle

total '" 39 2

6 7 0

79 12.65 59 14.86 25 9.67

7 7

144 25.48 69 18 53 45.5 51 51

s

37 5 7

66.35 44.14 15.33 0

118.52 51

7.5 0

% s fin etc. vs fins etc.

95 % 1201-1240 83 %

100%

84 % 75 % 61 % 0%

82 % 74 % 14 % 0%

1241-1270

1271-1300

154 La rnaison(s) et Ii eharbons. La forme du nominatif nom. sg. fern. et mase.

Table 3. Absence ou presence d'-s au nom. sg. masc. de hom, prestre, sire, maire, maistre, pere, frere dans les chartes du XIUe siede

nord est sud ouest

nord est sud ouest

nord est sud ouest

total

83 40 22

1

456 548 143 22

610 421 198 65

o 44.57

7.25 8 0.5

94.92 76.29 54.36 17

132.92 59.48

114.22 55

s

38.43 32.75 14 0.5

361.08 471.71

88.64 5

477.08 361.52

83.78 10

%s

46 % 82 % 64%

79 % 86% 62 % 23 %

78 % 86 % 42 % 15 %

hom etc. vs horns etc.

1201-1240

1241-1270

1271-1300

Table

A.

4. La racine de l'obl. sg. plus -IS, -ES ou -US rempla<;ant la racine du nom. sg. du lat. d. (A): les occ. provenant de dix collections de textes examinees par Sas, et (B): les occ. provenant d'autres etudes citees par Sas

lat. d. racine du nom. sg.

PROFICISCENS PATER ACER OPTIMAS DOS SUPERSTES SUPERSTES HERES DOS

B. lat. d. racine du nom. sg.

SlEPS STIPS BOS URBS ORBS CARO SANGUIS PRINCEPS MENS SORS

racine de I'obi. sg. plus: ·IS, ·ES, ·us

PROFICISCENTES PATRIS ACRIS OPTIMATIS DOTIS SUPERESTITIS SUPERESTITUS EREDIS DOTIS

racine de I'obi. sg. plus: .IS, ·ES

SlEPES STIPES BOVIS URBIS ORBIS CARNIS SANGUINIS PRINCIPIS MENTIS SORTIS

genre

rnase.

rnase. fern. rnase. rnase. rnase. fern.

genre

fern. fern. rnase. fern. rnase. fern. rnase. rnase. rnase. rnase.

I. III. III. V.

VII. VII. VII.

VIII. IX.

corpus

Peregrinatio Gregory Gregory Lauer Andeeavenses Andeeavenses Andeeavenses Tardif Mareulfus

Pieter van Reenenl Lene Seh0s1er 155

Table 5. -s des racines du nom. sg. qui se terminent en voyelle appuyee + + consonne: masc. murs, carbons, fern. fins, maisons (simple frequenee et frequenee par lexerne)

texte

Nord Nouvel Nicol Clari NimBI NimC Vilh

Est

PseudoT NimD

Sud

NimA4 NimAl NimA2 NimA3 Sully

nom. sg. masc. nom. frequenee

s % s '"

17 409 17 159 2 242

25 136 45 113

150 116

96 % 18 90% 99 % 44 85 % 5 72 % 13 44 % 127

o 160 100 %

sg.

s

44 7

50 5 4

13

fern.

%s

71 % 58% 53 % 50 % 26% 9%

48 86 % 30 147 83 % 4 56 %

43 48 50 94 56 92 53 74 24 324

53 % 65 % 62% 58 % 93 %

9 9 8

21

1 o o o

47

11% 0% 0% 0%

69%

Ouest et Anglo-norrnand

Psaut NimB2 Roland FrTheb AlexA Auban Total

94 534 108 47 159 421

3 13 10 32

125 154 1025 3315

85 % 132 47 30 % 11 2 73 % 52 4 81 % 2 2 76 % 9 1 55 % 52 3 76 % 537 330

26% 15 % 7%

50% 10% 6%

38 %

nom.

3.64 2.15 0.83

13.69 28.26 31.61

o 15,93

41.12 27.45 32.29 27.38 8.89

45.94 40.83

3 5.72

59.55 388.28

sg.

s

114.36 43.85 65.17 40.31 22.74 41.40

masc. nom. par lexerne

%s '"

97% 95% 99 % 75 % 45% 57 %

1.44 2

2.83 3.83 7

17.08

45 100 % 2.23 2 40.07 72 %

9.88 22.55 26.71 14.62 61.12

74.06 8.17

6 15.28 37.45

688.74

19% 45 % 45% 35 % 87 %

62 % 17%

67% 73 % 39% 64 %

6 7 7 6 6.4

39.48

2 6

32.5 155.79

sg.

s

24.56 7

13.17 2.17 3 1.92

fern.

%s

95 % 78% 82 % 36 % 30% 10%

19.77 90 % 4 67%

1 o o o

24.6

10.52 1

2 1 2.5

118.21

17% 0% 0% 0%

79%

21 % 17%

50 % 14% 7%

43 %

156 La maison(s) et Ii charbons. La forme du nominatif nom. sg. fem. et masc.

Table 6. Localisation de textes provenenat d'un Atlas it paraitre (A. Dees et alii). La datation des manuscrits est celIe de l'editeur (cf. la biblio-graphie); celIe de Nouvel concerne les vv. 1-3026

region date des manuscrits

AlexA England 12th c. Auban England 1200-1250 Clari Somme / Pas-de-Calais end 13th, begin 14th c. FrThebe Deux-Sevres Nicol Somme / Pas-de-Calais end 13th, begin 14th c. NimAl Haute-Marne / Bourbonnais around 1250 NimA2 Haute-Marne / Bourbonnais around 1250 NimA3 Haute-Marne / Bourbonnais / Y onne 1300-1350 NimA4 Y onne / Bourbonnais 1260-1300 NimBI Aisne / Oise / Y onne / Aune begin 14th c. NimB2 Normandie NimC Somme / Pas-de-Calais / Oise 1295 NimD Meuse Nouvel Somme / Pas-de-Calais before 1297 Psautier England about 1145 PseudoT Franche-Comte (Haute-Saone) Roland England 1100 Sully Charente-Mar. (La Rochelle) Vilh Aisne (south) 1350-1400

Table 7. Absence ou presence d'-s au nom. sg. fern. du nom sor< SOROR dans les chartes du XI lIe siecle

nord est sud ouest

nord est sud ouest

nord est sud ouest

total

3

22 12 3 2

33 8

10 7

0

3

, -16 2 3 2

24 7

10 7

s %s sreurs vs sreur

0 0% 1201-1240

6 27 % 1241-1270 10 83 % 0 0% 0 0%

9 27 % 1271-1300 1 13% 0 0% 0 0%

Pieter van Reenen ILene Schf!Jsler 157

Table 8. La confusion des voyelles finales sauf -A et sa consequence pour les paradigmes du gallo-roman

Latin classique 750-850 apres 850

MURUS mur.Js murs MURUM mur.J mur

cARBO cdrbr1 I carbonr1 carbon(s) CARBON EM carbonrJ I cdrbr1 carbon

HONOR omrlonor.J onor(s) HONOREM onor.Jlomr onor

HOMO homr1I homnr1 homlhomme HOMINEM homnr1I homr1 hommelhom

FINIS finr1s fins FINEM finr1 fin

MANSro mdisr1 I maisonr1 maison(s) MANSIONEM maisom I mdisr1 maison

DOLOR dolr1r I dolor.J dolor(s) DOLOREM dolor.J I dolr1r dolor

CLARITAS cldrtas I clartetr1 clartet(s) CLARITATEM claretetr1 I cldrtas clartet

FILlA filia fille FILlAM filia fille

SOROR sOr.Jr I soror.J sorl soror SOROREM soror.J I sOr.Jr sororl sor

Table 9. Documents originaux du latin merovingien, divises en quatre periodes. Les chiffres signalent Ie degre de res semblance avec Ie latin classique

Latin merovingien Ressemblances avec Ie latin classique

corpus periode

A. IV. Lauer 625-692 3 B. V. Lauer-Tardif 692-717 1,5 C. VIII. Tardif 750-770 1,5 D. x. Tardif 770-800 4

---------------------------

158 La maison(s) et li charbons. La forme du nominatif nom. sg. fem. et masc.

Table 10. Occurrences de formes du nom. sg. de la troisieme declinaison dans les quatre collections de textes. Nous avons indique Ie pourcentage de racines obI. (+ / - s) qui ont remplace la racine nom.

corpus periode total forme «correcte» forme obI. forme obI. % de formes du nom. sg. + voyelle + s + voyelle remodelees

A. 625-692 153 150 0 3 2.0 B. 692-717 238 235 2 1.3 C. 750-770 133 123 9 7.5 D. 770-800 152 151 0 1 0.7

Table 11. Les effets de la confusion des voyelles sauf -A. Les formes du nom_ sg_ marquees par un asterisque exigent une reorganisation

nom. obI.

sg. pI. sg. pI.

mur :1S :1 :1 :1S

puopl :1S :1 :1 :1S

can :1S :1S :1 :1S carbon :1? :1S :1 :1S * lait :1? :1S :1 :1S * genr :1 ? :1S :1 :1S * maistr :1 :1 :1S

pedr :1S :1 :1S hom :1S :1 :1S seignor :1S :1 :1S

fin :1S :1S :1 :1S

maison :1? :1S :1 :1S * mar :1 :1S :1 :1S

medr :1S :1 :1S

soror :1S :1 :1S

filia a as a as

Table 12.

Pieter van Reenen / Lene SchRJsler 159

Les formes du nom. sg. apres la disparition des voyelles confundues (sauf -A et voyelles d'appui). Paradigmes hypothetiques

nom. obI.

sg. pI. sg_ pI.

mur S RJ RJ S puopl :1S :1 :1 :1S can S S RJ S carbon ? S RJ S * lait ? S RJ S * genr :1? :1S :1 :1S * maistr :1? :1 :1 :1S * pedr :1 ? :1S :1 :1S * homn :1S :1 :1S seignor S RJ S

fin S S RJ S maison ? S RJ S * mar RJ S RJ S medr :1? :1S :1 :1S * sorar S RJ S

filia :1 :1S :1 :1S

160 La maison(s) et Ii charbons. La forme du nominatif nom. sg. tem. et mase.

31-50\ 11-30\ 0-10\

Carte 1. Presence ou absence d'-s au nom. sg.

Pourcentage indique

fins, maisons, leis, nuiz, eitez, etc.

Pourcentage complementaire fin, maison, lei, nuit, eitet, etc.

11

Pieter van Reenenl Lene Seh0sler 161

.illIIillillIJ 91-100\ 71-90\ 51-10\

illJrnD 31-50. 11-30\ 0-10\

Carte 2. Presence ou absence d'-s au nom. sg.

Pourcentage indique

hams, prestes, sires, maires, maistres, peres, freres

Pourcentage complementaire hom, prestre, sire, maire, maistre, pere, frere

162 La maison(s) et Ii charbons. La forme du nominatif nom. sg. tern. et mase.

1241-l270

1271-1300

0'

_IDIom 91-100\ 71-90\ 51-70'

illJDJD 31-50\ 11-30\ 0-10\

Carte 3. Presence ou absence d'-s au nom. sg.

Pourcentage indique

sors

Pourcentage complementaire sor

1271-1300 44.

63'

Pieter van Reenenl Lene SehfJsler

DillIIillilllJ il-IOO> 71-90> 51-70>

[IJDJO 31-50. 11-30' 0-10\

Carte 4. Presence ou absence d'-s au nom. sg.

Pourcentage indique

horns

Pourcentage complementaire hom

163

164 La maison(s) et li charbons. La forme du nominatif nom. sg. tem. et masc.

Diagramme 1.

AlexA Vilh NimAI NimA2 Psautier NimBI NimA3 Auban Clari Nicol FrThebe NimC PseudoT Sully NimD Nouvel NimA4 NimB2

100 %

I

I

I

La frequence (en pourcentages) des occurrences d's, marque du nom. sg. masc. et fern., calculee par lexeme. Les frequences signalees proviennent de la table 5 (lexeme). A droite de la ligne 0 % est indique Ie pourcentage de lexeme masculins, dans la mesure OU il depasse Ie pourcentage des feminins

0% 60 %

I I I I

I I

I I I I

I I I

I 1

I I I

I I I I

I I I I

noms masc. et fern. noms masc., seulement

Pourcentage de noms en -s

DISCUSSION

M. Yves-Charles Morin: Y a-toil des indications textuelles montrant que i/ e et 01 u sont confundus a la periode 750-850, et cela prouve-t-il necessairement que toutes les voyelles, a l'exception du a, sont devenues ;;) dans une syllabe finale non accentuee? [ef. table 8].

M. Van Reenenl Mme Sch0sler: Les analyses de Sas montrent, en effet, que les confusions entre eli et 01 u sont moins frequentes que les confusions entre e et i ou entre 0 et u. Dans la 2e declinaison latine, Ie genitif singulier -i est souvent remplace par -0; pour l'accusatif et l'ablatif plurie!, on rencontre, sans distinction, -os et -is, surtout a partir de 700: sur ce point, les periodes 692-717 et 750-770, ont les pourcentages les plus eleves. Il n'est pas certain que les confusions soient d'origine phonetique - neanmoins, des formes telles que majorum domus (Sas, p. 205) confirment bel et bien la confusion. Il faut conclure, apparemment, que la confusion entre i et e, entre 0 et u a precede celle entre i 1 e et 01 u.

Pieter van Reenen 1 Lene Sch0sler 165

M. Sandor Kiss: Dans quelle mesure la 1 ere et la 2e declinaison latines ont-elles ete prises en consideration dans l'explication des phenomenes analogiques?

M. Van Reenenl Mme Sch0sler: a) La 2e declinaison latine est devenue Ie modele du systeme bicasuel masculin:

mures - mure - mure - mures proviennent directement du latin. Si carbone, maisone - les nouvelles formes du nominatif singulier feminin - ajoutent un Os, c'est qU'elles suivent sur ce point la 2e declinaison. Si elles avaient suivi la 3e declinaison, elles auraient da se terminer en -0, et ainsi abandonner entierement Ie systeme bicasuel. Ayant adopte -s comme desinence du nominatif singulier, les masculins de la 3e declinaison latine ont da modifier leur nominatif pluriel. Le resultat est un systeme bicasuel selon Ie modele de la 2e declinaison pour les masculins.

b) La 1 ere declinaison latine. Le remplacement precoce du nominatif pluriel FILL£

par FILIAS (voir Gaeng pour l'Italie, Sas pour la Gaule) implique l'abandon du systeme casuel au pluriel. Comme Ie -a final, non tonique, reste distinct des autres voyelles finales, ce paradigme n'influence probablement pas les feminins de la 3e declinaison latine, sauf au nominatif pluriel. Les feminins du type maisones n'ont pas suivi Ie modele des mascu-lins, mais ont garde leur -so Il s'ensuit que les deux paradigmes feminins se caracterisent par l'absence totale de distinctions casuelles au pluriel.

Mme Maria M. Manoliu: Si j'ai bien compris votre argumentation, Ie -s s'ajoute au cas nominatif des substantifs caracterises par Ie trait [- Humain]. Est-ce qu'il y a moyen de rendre compte de !'importance du trait [± Humain] dans la reorganisation de la decli-naison? Il s'agit peut-etre du fait que Ie sujet typique est caracterise par Ie trait [+ Humain] ...

M. Van Reenenl Mme Sch0s1er: En effet, Ie sujet typique est [+ Humain], et il faut encore ajouter: surtout au singulier. Voila pourquoi, grosso modo, les radicaux nominatifs singu-liers [+ Humain] se conservent si bien. Ces formes res tent en dehors de la reorganisation paradigmatique qui se produit vers 800. Elles ont meme contribue, peut-etre, a prolonger l'existence du systeme casuel. Si cela est correct, on comprend tres bien pourquoi les nominatifs masculins pluriels de la 3e declinaison ont adopte de la 2e declinaison latine.

M. Frant;ois de La Chaussee: Les statistiques invoquees reposent sur Ie latin merovingien. Or ce latin represente-t-il la langue parlee? Peut-on lui faire assez con fiance pour batir une theorie?

M. Van Reenenl Mme Sch0sler: Nos statistiques se basent non seulement sur Ie latin merovingien (625-717) mais aussi sur Ie latin carolingien (750-800). Le latin merovingien est sans aucun doute plus proche de la langue parlee que Ie latin carolingien, OU l'influence de l'Antiquite classique et des Peres de l'Eglise se manifeste de plus en plus, a la suite de la reforme dite carolingienne, commencee deja so us Pepin Ie Bref. Les chiffres de notre table 8 ne font que confirmer cela. Les resultats de notre corpus carolingien de la periode 750-770 sont me me plus solides que ne Ie suggerent nos statistiques. Malgre l'influence de la reforme carolingienne, qu'il subit deja, ce latin se caracterise par un remplacement non negligeable du radical du nominatif singulier (3e declinaison) par Ie radical de l'oblique. Il est probable que cette tendance a ete plus forte dans la langue parlee. Si elle ne se manifeste pas dans Ie latin de la periode suivante (770-800), cela est da a la reforme carolingienne: la langue parlee et Ie latin cessent dorenavant de s'influencer mutuellement. Il ne faut pas oublier que peu apres 770 cette reforme est

166 La maison(s) et Ii charbons. La forme du nominatif nom. sg. fern. et mase.

dirige par des etrangers comme Alcuin et Paul Diacre, specialistes du latin classique et du latin des Peres, ignorant les problemes particuliers du latin de la Gaule.

M. Witold Manezak: M. de La Chaussee se demande si Ie latin merovingien reflete les tendances de la langue parlee. Amon sens, on peut donner a cette question une reponse affirmative. Voici un exemple. Dans Ie latin merovingien, on constate la substitution frequente des formes du type filiasa celles du type filire, tandis que substitution de filios a filii n'a lieu que tres rarement. Ceci est un processus tout a fait normal parce que l'evolution analogique est conditionnee par la frequence d'emploi et les masculins, qui sont plus usites que les feminins, resistent mieux a des transformations analogiques.