«origenes rediuiuus»: la découverte des homélies sur les psaumes dans le cod. gr. 314 de munich

42
2013 - 59/1 REVUE DÉTUDES AUGUSTINIENNES ET PATRISTIQUES Revue soutenue par lInstitut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS

Upload: unibo

Post on 25-Jan-2023

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

2013 - 59/1

REVUE D�’ÉTUDES

AUGUSTINIENNES ET PATRISTIQUES

Revue soutenue par l�’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS

SOMMAIRE

Jean-Claude FREDOUILLE (1934-2012).................................................................................. I-XIBibliographie de Jean-Claude Fredouille............................................................................... XIII-XXIBenjamin GOLDLUST, L�’esthétique baroque de Tertullien dans le De pallio : échappées stylistiques et structures éclatées........................................................................................... 1-21Lucia SAUDELLI, Le Socrate de Tertullien............................................................................. 23-53Lorenzo PERRONE, Origenes rediuiuus : la découverte des Homélies sur les Psaumes dans le Cod. Gr. 314 de Munich..................................................................................................... 55-93François DOLBEAU, Un Sermon prêché durant des intempéries, témoin négligé de versets d�’Isaïe en vieille-latine........................................................................................................... 95-116Jeffery AUBIN, Le De rhetorica du Pseudo-Augustin : réexamen des objections contre l�’authenticité augustinienne................................................................................................... 117-134Josep VILELLA, Vt omni sabbato ieiunetur. A propósito de dos cánones pseudoiliberritanos sobre al ayuno sabático hebdomadario.................................................................................. 135-180Comptes rendus bibliographiques.......................................................................................... 181-218

COMITÉ DE DIRECTIONVincent ZARINI, François DOLBEAU, Jacques FONTAINE, Claude LEPELLEY

CONSEIL SCIENTIFIQUEIrena BACKUS (Genève), Jean-Denis BERGER, Isabelle BOCHET, Catherine BROC,

Gilbert DAHAN, François DOLBEAU, Volker DRECOLL (Tübingen), Martine DULAEY, Allan D. FITZGERALD (Rome), Sylvie LABARRE, Alain LE BOULLUEC, Michel-Yves PERRIN,

Pierre PETITMENGIN, Hervé SAVON, Brian STOCK (Toronto)

Administrateur : Jean-Denis BERGER

Les manuscrits doivent être envoyés à Jean-Denis BERGER,à l�’Institut d�’Études Augustiniennes, 3, rue de l�’Abbaye, 75006 PARIS.

DIFFUSION EXCLUSIVEBREPOLS PUBLISHERSBegijnhof 67. B-2300 TURNHOUT (Belgique)téléphone : 00 32 14 44 80 20télécopie : 00 32 14 42 89 19e-mail : [email protected]

Abonnement à la revue imprimée + numérique : 110 �€ TTCAbonnement à la revue imprimée : 95 �€ TTCFascicules séparés : 60 �€

Comptes bancairesCrédit du Nord, Centre Aff. RoubaixRIB : 30076 02919 61068404200 14

ING France-LilleRIB : 30438 00008 3389403 6002 40

Revue d�’études augustiniennes et patristiques, 59 (2013), 55-93.

Origenes rediuiuus : la découverte des Homélies sur les Psaumes

dans le Cod. Gr. 314 de Munich*

Pour comprendre l�’importance de la découverte des Homélies sur les Psaumes dans le Codex Graecus 314 de Munich il faut revenir en arrière, il y a environ soixante-dix ans, quand les papyrus de Toura nous firent connaître des inédits d�’Origène comme le Traité sur la Pâque et l�’Entretien avec Héraclide. Après 1941, à la différence d�’autres auteurs du christianisme ancien, aucun nouveau texte de l�’Alexandrin n�’est apparu, ni en langue originale ni en traduction1, si l�’on excepte quelques menus fragments2. Mais la découverte de Munich s�’apparente par ses circonstances à celles qui ont touché, à plusieurs reprises, des �œuvres de saint Augustin. Comme la plus récente d�’entre elles, en 2007, celle des Sermons

* Conférence donnée à Paris, à l�’EPHE, le 28 février 2013. Je remercie Marie-Odile Boulnois pour son invitation. Je tiens aussi à lui manifester ma gratitude ainsi qu�’à Alain Le Boulluec pour l�’attentive révision de mon texte français et l�’apport donné à la traduction des textes en grec.

1. Il y a encore du travail à faire pour détecter les traces d�’Origène dans les littératures chrétiennes orientales. Voir à ce propos les indications de CPG II, 1505, ainsi que l�’article de M. PAPAZIAN, « Origen�’s Commentaries as Sources for Step�’anos Siwnec�’i�’s Commentary on the Gospels », Le Muséon, 117, 2004, p. 507-525. Ma collègue Tina Dolidze (Tbilisi) est de l�’avis que l�’on pourrait trouver de l�’Origène aussi dans les catenae géorgiennes du XIe-XIIe siècle (lettre du 12 Septembre 2012).

2. Parmi les papyrus de Toura, il y a une « Homélie sur les Psaumes » (Cod. VIII = CPG II, 1503 [9]) qu�’on a proposé d�’attribuer éventuellement à Origène : voir B. KRAMER, « Eine Psalmen-Homilie aus dem Tura-Fund », Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 16, 1975, p. 164-213. Il s�’agit d�’une anthologie homilétique (sinon de scholia), étant donné que le texte commente des versets tirés des Ps. 125, 129, 130, 131, 132, 133 (E. PRINZIVALLI, Didimo il Cieco e l�’interpre-tazione dei Salmi, L�’Aquila �– Roma, 1988, p. 11 n. 24). On trouve des fragments apparemment de nature homilétique aussi dans deux papyrus de Bologne (CPG II, 1503 [1]) ; cf. A. VOGLIANO, « Frammenti di due omelie di Origene (Papiri Bolognesi nr. 2) », Acme, 1, 1948, p. 217-225 ; I. B. PIGHI, « Incerti auctoris commentarius in Euangelium secundum Matthaeum (P. Bon. 12) », Vigiliae Christianae, 2, 1948, p. 109-112.

56 LORENZO PERRONE

augustiniens d�’Erfurt3, elle aussi revient à une nouvelle entreprise de catalogage, en ce cas du fonds des manuscrits grecs de la Bayerische Staatsbibliothek.

En avril 2012 Marina Molin Pradel, qui est chargée de cette lourde tâche avec d�’autres collègues, en préparant à nouveaux frais la description détaillée du Cod. Gr. 314 a constaté d�’abord que quatre des vingt-neuf homélies transmises par ce manuscrit correspondaient au texte latin des Homélies I-IV sur le Psaume 36, tra-duites en latin par Rufin. Ensuite, elle a retrouvé plusieurs passages des nouveaux textes dans les fragments des chaînes publiés sous le nom d�’Origène, le groupe le plus consistant étant représenté par les larges morceaux sur le Ps. 77 publiés dans les Analecta Sacra de Pitra. Tenant aussi compte des nombreuses ressemblances du nouveau corpus avec la liste des homélies de l�’Alexandrin sur les Psaumes dans la Lettre 33 de Jérôme �– comme nous le verrons bientôt �–, Mme Molin Pradel a avancé prudemment l�’attribution à Origène au moins d�’une partie des inédits et m�’a interpellé à ce propos me faisant part de sa découverte un mois plus tard4. À mon tour, à mesure que j�’étudiais le manuscrit et en faisais la transcription, je devenais de plus en plus convaincu que nous avions sans doute affaire à de l�’« Origène authentique »5.

Avant d�’essayer de le prouver à nouveau aujourd�’hui en présentant les critè-res externes et internes pour l�’attribution des homélies de Munich à Origène, je voudrais résumer ainsi l�’importance exceptionnelle de la découverte de Marina Molin Pradel. Si jusqu�’à présent, les grands tomoi de l�’Alexandrin ayant disparu, nous ne disposions presque uniquement que des fragments des chaînes pour reconstruire l�’exégèse origénienne des Psaumes �– c�’est-à-dire, en employant les mots d�’un grand spécialiste des chaînes comme Gilles Dorival, par le biais d�’un « Origène remanié », sinon souvent discutable comme tel6 �–, maintenant nous avons un accès direct à l�’un des chapitres les plus intéressants et féconds de l�’ac-tivité littéraire d�’Origène. En effet, le livre des Psaumes l�’a accompagné tout au

3. Sur le manuscrit d�’Erfurt, découvert en juin 2007, voir dernièrement : SANT�’AGOSTINO, Sermoni di Erfurt. Introduzione, traduzione e note di G. Catapano, Venezia, 2012.

4. Sur les circonstances de la découverte et les procédés suivis pour l�’identification de l�’auteur, voir M. MOLIN PRADEL, « Novità origeniane dalla Staatsbibliothek di Monaco di Baviera: il Cod. graec. 314 », Adamantius, 18, 2012, p. 16-40.

5. J�’ai présenté mes premières impressions dans les deux contributions suivantes : « Riscoprire Origene oggi: prime impressioni sulla raccolta di omelie sui Salmi nel Codex Monacensis Graecus 314 », Adamantius, 18, 2012, p. 41-58 ; « Rediscovering Origen Today: First Impressions of the New Collection of Homilies on the Psalms in the Codex Monacensis Graecus 314 » (sous presse dans Studia Patristica).

6. G. DORIVAL, « XII Convegno del Gruppo Italiano di Ricerca su Origene e la Tradizione Alessandrina. �“I commenti di Origene ai Salmi: contributi critici e prospettive di edizione�” (Bologna, 10-11 febbraio 2012): Bilan, problèmes, tâches », Adamantius, 18, 2012, p. 364-366, p. 366 : « Il ne faut pas perdre de vue que [�…] c�’est l�’Origène des caténistes que l�’on atteint le plus souvent, et non l�’Origène authentique : en d�’autres termes, un Origène soumis à divers remaniements. »

ORIGENES REDIVIVVS 57

cours de sa carrière d�’interprète de la Bible, dès son début à Alexandrie jusqu�’aux dernières années à Césarée, selon tous les genres exégétiques dont il disposait : commentaires, homélies et scholies7. En plus, cet ensemble remarquable de vingt-neuf homélies �– dont au moins vingt-cinq tout à fait inconnues jusqu�’à présent �– constitue avec les vingt Homélies sur Jérémie le seul témoignage d�’une série de sermons de l�’Alexandrin en langue originale ; en tant que tel, il suscitera sans doute un réexamen de l�’homilétique origénienne à la lumière d�’un nouveau témoin si important.

I. �– LE COD. GR. 314 : UN BREF APERÇU Je ne m�’attacherai pas à fournir une description détaillée du Cod. Gr. 314, mais

voudrais simplement offrir quelques données essentielles sur le manuscrit et son histoire (p. 27). Il s�’agit d�’un codex en parchemin, copié vraisemblablement pour un emploi privé, étant donné son petit format in octavo (160 x 125 mm), et com-prenant 371 folios, écrits recto et verso par la même main8. Par ses caractéristiques paléographiques, le manuscrit se laisse dater, selon Marina Molin Pradel, plutôt au début du XIIe siècle que vers la fin du XIe. Entre le XIVe et le XVe siècle un copiste a ajouté en marge le nom de Michel Psellus dans le premier folio (f. 1r) ainsi que dans le dernier (f. 371r)9, ce qui a peut-être contribué à égarer les lec-teurs (p. 28-29). En réalité, nos homélies n�’ont rien à voir avec l�’auteur byzantin, mais la tradition connaît Psellus aussi comme commentateur des Psaumes, par des écrits en prose et en vers, dont l�’authenticité est disputée10. D�’autre part, il serait contestable, aussi en raison du décalage chronologique, de supposer que la transmission de notre manuscrit revienne au même milieu religieux et culturel que celui de Psellus. Malheureusement, à ce que je sache, nous ne connaissons pas très bien l�’histoire de la réception d�’Origène à Byzance, surtout après Photius, tout en regardant souvent l�’environnement constantinopolitain comme le lieu le plus apte pour la transmission des écrits en grec de l�’Alexandrin11.

7. C�’est ce que souligne, entre autres, J. A. MCGUCKIN, « Origen�’s Use of the Psalms in the Treatise On First Principles », dans Meditations of the Heart: The Psalms in Early Christian Thought and Practice. Essays in Honour of Andrew Louth, ed. by A. Andreopoulos, A. Casiday, C. Harrison, Turnhout, 2011, p. 97-118.

8. Voir, pour une description plus précise, M. MOLIN PRADEL, « Novità origeniane dalla Staatsbibliothek di Monaco di Baviera�… », p. 17-24.

9. Cf. f. 371r : . Cette notation aurait inspirée un peu plus tard celle du f. 1r.

10. H.-G. BECK, Kirche und theologische Literatur im byzantinischen Reich, München, 1959, p. 540, mentionne des écrits « über die Aufschriften der Psalmen (zweimal in Prosa und einmal in Versen) » ainsi que « über einzelne Stellen der Psalmen ». L�’éditeur le plus récent en discute l�’authenticité : Michaelis Pselli Poemata, rec. L. G. Westerink, Stutgardiae �– Lipsiae, 1992.

11. Sur la période byzantine jusqu�’au patriarche Photius, voir É. JUNOD, « Origène et la tradi-tion alexandrine vus par Photius dans sa Bibliothèque », dans Origeniana Octava: Origen and the Alexandrian Tradition, L. Perrone (éd.), Leuven, 2003, p. 1089-1102.

58 LORENZO PERRONE

Cependant, l�’histoire du Cod. Gr. 314 se laisse reconstruire au moins partiel-lement, car le manuscrit, avant d�’entrer dans les dépôts de la bibliothèque de Munich, faisait partie de la collection personnelle de Johann Jakob Fugger (1516-1575). Ce bibliophile d�’Augsbourg a rassemblé ses manuscrits grecs, en original ou en copie, les faisant acheter à Venise entre 1548 et 1558. Il est probable que le Cod. Gr. 314 est arrivé sur le marché de la librairie vénitienne en provenant de Constantinople, comme on l�’a soutenu pour l�’autre manuscrit de la même époque contenant jusqu�’à présent la seule collection connue de sermons en grec : le Cod. Scorialensis avec les Homélies sur Jérémie12. Si celles-ci ont été copiées entre des commentaires aux prophètes de Cyrille d�’Alexandrie et le Quis diues de Clément d�’Alexandrie, elles ont en commun avec le codex de Munich le fait d�’être transmises de manière anonyme. Le titre récapitulatif inséré au début du premier folio, avant l�’indication de la Ire Homélie sur le Psaume 15 �– « Interprétation de l�’Évangile, des Apôtres et des Psaumes (Psalterion)13 » �–, dérive apparemment d�’une lecture hâtive des premières pages du manuscrit, dans lesquelles l�’homilète développe l�’interprétation du « locuteur » ( ) du Ps. 15 à la lumière de son emploi néotestamentaire dans les Actes des apôtres (Act. 2, 31).

D�’ailleurs, les titres qui figurent en tête des homélies (ou souvent aussi à la fin), en général ne respectent pas un modèle uniforme, même pas pour les sermons sur le même psaume, ce qui est peut-être dû simplement aux libertés du copiste (p. 30-31). On pourrait néanmoins se demander si ces lemmes introductifs ou conclusifs nous fournissent quelques éléments pour avancer des hypothèses sur la façon dont la collection anthologique des sermons a été réunie. À vrai dire, il y a lieu de se poser cette question, car nous avons deux groupes assez intéressants de notations. L�’un concerne les quatre homélies sur le Ps. 76, qui sont introdui-tes comme « étant improvisées14 ». L�’indication transcrite au début de la série, avant la Ire Homélie sur le Psaume 76, n�’est par ailleurs reprise que pour les deux homélies suivantes, tandis que la quatrième présente son titre selon les modalités les plus fréquentes dans notre manuscrit15. Ni le verbe , ni le substantif

(respectivement, au sens d�’« improviser » ou « discours improvisé ») ne sont attestés ailleurs dans les écrits d�’Origène, à l�’exception d�’un passage dans le XIIIe livre du Commentaire sur l�’Évangile de Jean, où l�’Alexandrin critique Héracléon pour avoir proposé des arguments sans en donner la démonstration (ce

12. Pour la datation entre le XIe et le XIIe siècle voir Jeremiahomilien, éd. E. Klostermann �– P. Nautin (GCS.OW 3), Berlin, 1983, p. XI.

13. F. 1r : < > < >, < > < > < > . Selon M. MOLIN PRADEL, « Novità origeniane dalla Staatsbibliothek di Monaco di Baviera�… », p. 21, il reviendrait à son possesseur, le hiéromoine Germanos (f. 371r).

14. F. 170v : �’ < > . Après la conclusion de H76Ps I (f. 183v), on trouve à nouveau l�’indication semblable : .

15. Soit H76Ps II (f. 193r) et H76Ps III (f. 204r) présentent comme lemme conclusif le terme .

ORIGENES REDIVIVVS 59

qui évidemment ne nous aide pas à comprendre la valeur propre de la notation du manuscrit)16. En tout cas, ces quatre sermons ne se différencient pas des autres, car ils proposent le même type de commentaire serré du texte, avec l�’appui des lemmes du psaume et d�’autres lieux scripturaires, sans qu�’ils trahissent des marques d�’ora-lité plus prononcées. Je penche donc plutôt vers l�’hypothèse que nous avons affaire à des indices utiles pour reconstruire une tradition distincte de ces quatre homélies, d�’autant plus que les homélies d�’Origène étaient par principe « improvisées », tout en étant soumises ensuite (comme nous l�’entrevoyons pour les commentaires) à quelque forme de révision ou de compléments rédactionnels. Cette hypothèse pourrait se fonder aussi sur les notations qui accompagnent la série majeure de la collection, c�’est-à-dire les neuf homélies sur le Ps. 77. L�’indication que nous trouvons après la cinquième homélie renvoie à un « premier tome » qui réunissait les homélies I à V, tandis que le « deuxième tome », signalé dans le manuscrit au début de la sixième homélie, comprenait les homélies VI à IX17. Quoique la mention de deux , à propos d�’une série d�’homélies, puisse nous déconcerter de prime abord, il est raisonnable de penser que sinon à l�’origine même, au moins dans quelque phase de la tradition on avait partagé en deux tronçons la série des neuf sermons, la jugeant évidemment trop longue pour un seul codex18. Rufin n�’avait-il pas procédé lui-même à une pareille sélection, en recoupant dans le très vaste corpus des sermons origéniens sur les Psaumes les neuf homélies sur les Ps. 36 à 38 ?

En regardant maintenant de près la collection du Cod. Gr. 314, nous voyons qu�’elle se compose de 29 homélies qui commentent les Psaumes selon l�’ordre suivant : Ps. 15 (deux homélies), Ps. 36 (quatre homélies), Ps. 67 (deux homélies), Ps. 73 (trois homélies), Ps. 74 (une homélie), Ps. 75 (une homélie), Ps. 76 (quatre homélies), Ps. 77 (neuf homélies), Ps. 80 (deux homélies), Ps. 81 (une homé-lie). Notre collection correspond donc, à quelques exceptions près, à la liste des homélies d�’Origène sur les Psaumes que Jérôme a reprise de la Vie de Pamphile par Eusèbe de Césarée dans sa Lettre 33, contenant le catalogue des �œuvres de l�’Alexandrin (p. 32-33). Au total, les correspondances numériques concernent 21 sur 29 homélies, la plus impressionnante étant celle des neuf sermons sur le Ps. 77. Les divergences, en plus ou en moins, entre les deux listes pourraient s�’expliquer à nouveau par les vicissitudes de la tradition manuscrite ou même par des erreurs qui se seraient glissées dans la liste de Jérôme (comme l�’a relevé Pierre Nautin

16. CIo XIII, 15, 93 : �’ . Corsini traduit : « Evidentemente, egli ha fatto queste affermazioni a caso, senza preoccuparsi minimamente di fornire una qualche dimostrazione » (ORIGENE, Commento al Vangelo di Giovanni, a cura di E. Corsini, Torino, 1968, p. 477).

17. Voir respectivement f. 273v ( �’ < > [Ms. ] �’) et f. 273v ( �’ �’ < >, �’).

18. Pour cet emploi de dans le sens de « livre » (= ou ), sans la signifi-cation plus courante de « commentaire » chez Origène, l�’on se reportera aux nombreux passages dans le Contre Celse (CC III, 81 ; IV, 1 ; IV, 99 ; V, 1 ; V, 65 ; VI, 1 ; VI, 81 ; VII, 1 ; VII, 70 ; VIII, 1).

60 LORENZO PERRONE

en analysant l�’Ep. 33)19. Ainsi, si nous avons seulement quatre homélies sur le Ps. 36, au lieu des cinq traduites par Rufin, il faut constater que nous n�’avons pas non plus de fragments caténaux grecs de la cinquième homélie, ce qui laisse deviner la perte de son texte vraisemblablement assez tôt. Le même phénomène ressort aussi de la comparaison entre le nombre des homélies et les péricopes des psaumes commentées à chaque fois par l�’homéliste (p. 34-35). Par exemple, eu égard au fait que la Ire et la IIe Homélie sur le Psaume 67 se limitent à 7 versets sur un total de 36, il est aisé d�’imaginer que l�’homilète pouvait bien avoir consacré cinq sermons aux 29 versets qui restaient à commenter. Il résulte d�’un examen statistique que le prédicateur traitait plus ou moins une moyenne d�’environ 6 ou 7 versets par homélie.

II. �– LE PROCÉS D�’AUTHENTICITÉ

A. Critères externes J�’en viens maintenant à exposer les arguments en faveur de l�’attribution des

homélies du Cod. Gr. 314 à Origène, d�’abord les critères externes et ensuite, un peu plus longuement, les critères internes. J�’ai déjà mentionné les principaux testimonia de la nouvelle collection, à partir du témoignage très précieux de la liste de Jérôme : premièrement, la traduction latine des Homélies I-IV sur le Psaume 36 ; deuxièmement, les fragments conservés dans les chaînes. Je ne m�’arrêterai pas sur les versions de Rufin, qui �– comme l�’a signalé récemment Emanuela Prinzivalli au cours de la journée d�’études de Bologne sur le Cod. Gr. 314 (15 février 2013)20 �– rouvrent la discussion sur sa façon de traduire, étant donné que nous disposons pour la première fois des sermons originaux, au lieu d�’être contraints de confronter le texte latin avec des fragments grecs21. Je voudrais toutefois ajouter au dossier des traductions de Rufin l�’extrait de la IIe Homélie sur le Psaume 15, un commentaire du v. 9 (« ma chair reposera dans l�’es-poir ») que nous ne connaissions jusqu�’à présent que grâce à la version latine de l�’Apologie d�’Origène écrite par Pamphile et Eusèbe (p. 36-37). Pamphile en a tiré un extrait significatif sur la résurrection du Christ, le premier homme à monter au ciel avec son corps, à l�’appui de la doctrine de la résurrection de la chair, que les adversaires de l�’Alexandrin lui reprochaient de rejeter. Il s�’agit donc d�’un passage tout à fait important, que les éditeurs récents de l�’Apologie avaient supposé être repris d�’un commentaire en raison du lemme introductif assez vague22, tandis

19. Voir P. NAUTIN, Origène. Sa vie et son �œuvre, Paris, 1977, p. 229, 258.20. Cf. E. PRINZIVALLI, « Origene e Rufino sul Salmo 36, ovvero il traduttore ritrovato » (à

paraître).21. Cela demandera une nouvelle analyse après celle de A. GRAPPONE, Omelie origeniane

nella traduzione di Rufino. Un confronto con i testi greci, Roma, 2007.22. Cf. PAMPHILE, EUSÈBE DE CÉSARÉE, Apol. 142-145 (Amacker-Junod 228) : « Sed et in

quinto decimo psalmo exponens illum uersiculum. »

ORIGENES REDIVIVVS 61

qu�’il fait partie d�’une homélie. Celle-ci est non seulement la continuation de la Ire Homélie sur le Psaume 15, mais elle en partage le style, l�’approche exégétique et les développements doctrinaux, ce qui renforce la présomption d�’authenticité dès le début de notre collection.

À propos de cette pièce remarquable, Jean-Baptiste Pitra avait prophétique-ment souhaité la chance de retrouver un jour l�’original, en le faisant sortir de sa « cachette »23. Son nom nous amène maintenant à évoquer la deuxième série de testimonia, que nous retrouvons pour la plupart précisément dans les Analecta Sacra, mais aussi dans le vol. 17 de la Patrologia Graeca. Comme je l�’ai men-tionné précédemment, les fragments sont très abondants pour les homélies sur le Ps. 77, mais nous en possédons aussi pour celles sur les Ps. 67, 74, 75, 76, 80 et 81, sans évidemment mentionner les excerpta des homélies sur le Ps. 36 �– que l�’on a déjà exploités �– et sans tenir compte de ceux qui pourraient se cacher encore dans les chaînes. La liste des témoins est donc susceptible d�’être ultérieurement enrichie, ce que j�’espère accomplir en préparant l�’édition critique. Ayant donné précédemment des échantillons de l�’utilisation de nos homélies pour le Ps. 77, qui mettaient en lumière les manipulations subies par nos textes dans les chaînes en vue de les résumer et simplifier, je me limiterai aujourd�’hui à les illustrer à nou-veau par des exemples tirés de la IIe Homélie sur le Psaume 80. Son beau prologue exploite la métaphore des instruments musicaux et l�’applique aux rapports entre Dieu et l�’homme, regardant la condition du prophète comme un instrument de la parole de Dieu (je signale en gras les parallèles dans les excerpta).

H80Ps II (Cod. Mon. Gr. 314, f. 344v-345v)

, .

,

· ,

,

.

;

, ,

·

In Ps. 80 (Pitra, AS III/2, 138)

, .

, , , ,

.

23. Cf. J.-B. PITRA, Analecta Sacra, Parisiis, 1884, II, 469 n. : « Sed utinam ex aliquo latibulo graeca Origenis in v. 9 excitentur, quae latine nobis Rufinus ex Apologia sancti Pamphili de mortuorum resurrectione retulit ! »

62 LORENZO PERRONE

, .

, �’ , .

,

, < >

. , · ,

, , (Sal 80, 9a),

.

,

.

, �’ · "

".

, , �’

. ,

, ,

, ,

,

.

,

, · , (Sal 80, 9a),

.

Notre synopse fait ressortir des traits bien connus chez les caténistes : d�’abord, l�’abrègement d�’un texte qui est normalement plus long et aussi plus riche. Le recours initial du prédicateur au paradigme de l�’instrument musical et de son joueur, utilisant à nouveau les ressources discrètes d�’une rhétorique toujours contrôlée, n�’est repris que partiellement dans les chaînes et uniquement en fonc-tion de l�’idée que Dieu se sert des prophètes comme des instruments de sa Parole. Le caténiste a laissé tomber par là la considération préliminaire sur les hommes qui peuvent tous être considérés comme des instruments musicaux face à Dieu, les uns étant bien accordés, les autres au contraire mal accordés. Il s�’agit d�’un motif qui prend de la résonance dans nos homélies, ce qui par ailleurs ne doit pas surprendre dans l�’interprétation d�’un livre biblique comme les Psaumes. En ce sens, les motifs du chant et de la musique, qui leur sont propres, reviennent souvent dans les nouvelles homélies, au point de nous pousser à reconnaître à notre prédicateur des intérêts pour ce sujet, sinon même la connaissance de notions tirées des traités d�’harmonie musicale (comme on pourrait le supposer, en particulier, à la lecture de la IIe Homélie sur le Psaume 67)24. Par l�’omission

24. H67Ps II passe en revue les divers genres de musique et de chants, admettant d�’un côté la nécessité pour les fidéles de se recréer par les manifestations de la musique spirituelle et voyant de

ORIGENES REDIVIVVS 63

que je viens de signaler nous perdons aussi un autre élément de la rhétorique du prédicateur que l�’on rencontre ailleurs dans les prologues d�’Origène. La question « à quel propos je viens de dire cela ? » ( ) rappelle les formulations analogues qui font suite à une ouverture du prologue apparem-ment un peu déroutante pour le lecteur, comme cela arrive entre autres dans le livre I du Commentaire sur l�’Évangile de Jean25. Pour finir, on notera encore la perte d�’un aspect important de la méthode et de la terminologie exégétique, car il concerne la personne du locuteur en Ps. 80, 9a (« écoute, mon peuple, et je te donne témoignage ») : il n�’est pas question, comme dit le prédicateur, de considérer ici l�’« instrument », c�’est-à-dire le prophète Asaph, mais plutôt la personne de Dieu en tant que musicien et joueur de son instrument humain26.

À côté de ces textes remaniés des chaînes (qui pourtant s�’avèrent parfois utiles en vue de l�’établissement du texte critique) et sans avoir encore parcouru systéma-tiquement l�’histoire de l�’exégèse grecque ou latine des psaumes commentés dans le Cod. Gr. 314 afin d�’y retrouver des traces d�’Origène, on devrait ranger aussi parmi les testimonia des nouvelles homélies les Tractatus in Psalmos de Jérôme. On connaît la thèse avancée il y a trente ans par Vittorio Peri, au dire duquel les Tractatus n�’étaient en réalité que des traductions de sermons d�’Origène, mis à jour par Jérôme et adaptés à son auditoire de Bethléem. L�’idée d�’une dépendance si directe des Tractatus par rapport à l�’Alexandrin n�’a pas fait l�’unanimité, en Italie non plus, et même ceux qui l�’accueillent sont d�’avis qu�’il faudrait la nuancer. En tout cas maintenant, là où nous avons la possibilité de confronter nos homélies avec les Tractatus, les affinités sont parfois nombreuses. Malheureusement, la possibilité d�’une comparaison est limitée, car souvent les Tractatus commentent de façon trop rapide les mêmes psaumes qui sont traités dans le codex de Munich. On le voit surtout pour la longue série des neuf Homélies sur le Psaume 77 vis-à-vis des quelques pages du Tractatus in Ps. LXXVII. Je tiens quand même à

l�’autre dans le Christ le grand musicien et dans l�’Église son psalterion. Quant à la technique musi-cale évoquée par l�’homéliste en cette circonstance, voir par ex. f. 105r :

, �’ , , , , , . Ces termes techniques sont presque totalement absents

chez les auteurs patristiques, tandis qu�’on les retrouve dans les traités d�’harmonie. D�’autre part, H76Ps IV range la musique parmi les , qui ont pour effet de distraire l�’homme de la contemplation de la créée, en tant que don de l�’amour de Dieu. Enfin, H80Ps, en prônant la nécessité de l�’interprétation allégorique, donne une exégèse spirituelle des divers instruments mentionnés par Ps. 80, 3, qui culmine par l�’identification des « trompettes » de Dieu avec les prophètes et les apôtres.

25. Cf. CIo I, 2, 9 : �’ ; , , . On retrouve ce tour aussi en H67Ps II (f. 99v) :

; H37Ps I, 1 : Quo nobis tendit ista praefatio ? ; H38Ps I, 2 : Sed dicat aliquis fortassis auditorum : quid haec pertinent ad psalmum ?

26. Cf. f. 345 : .

64 LORENZO PERRONE

donner un exemple à ce propos. Sans répéter celui que j�’avais donné à propos de l�’Homélie sur le Psaume 81, en communiquant mes premières impressions sur le manuscrit27, je renvoie aux passages du Tractatus in Ps. XV, dont le texte assez long permet de retracer l�’emploi sélectif de nos textes. Un long développement sur Ps. 15, 3a (« il a fait des merveilles pour les saints qui sont dans sa terre ») a inspiré d�’assez près Jérôme, qui par ailleurs reprend ici et là l�’exégèse d�’Origène, l�’utilisant à son gré et laissant tomber en l�’occurrence ce qui peut l�’embarrasser du point de vue doctrinal28. Dans le passage qui suit, bien que Jérôme résume lui aussi une interprétation beaucoup plus détaillée �– comme le font les caténistes �–, l�’ordre de son argumentation exégétique est le même.

H15Ps I(Cod. Mon. Gr., f. 9r-10v)

, .

(Ps. 77, 12.43)·

(Ps. 15, 3a) ;

, ,

, ·

(Ps. 15, 3a) ;�’

,

,

, (Ps. 77, 12.43),

. , , ,

(Jos. 10, 12) ;

,

Hier., Tract. in Ps. XV, 3(ll. 149-167 Morin)

Nec statim contrarium huic est, quod mirabilia in terra Dei tantum dicantur fieri (Ps. 15, 3a), illud, quod in campo Taneos (Ps. 77, 12.43), hoc est, in Aegypto sint facta mirabilia.

Magna quippe distantia est inter mirabilia quae facta sunt a Moyse et ab Iesu. Ibi de Aegypto fugitur, hic intratur in Iudaeam ; ibi uitatur dominus Pharao, hic qui seruuiant comprehenduntur ; ibi ranae et sciniphes et cinis et grando et tenebrae adsumuntur in mirabilibus, hic soli imperatur et lunae ; ibi in columna nubis et ignis antecedit populum Deus, hic obuius occurrit ipse Saluator gla-dium tenens et pro exercitu suo se dimicaturum esse contestans. Videtis quomodo maiora sint mirabilia quae fuerunt in terra repromissio-nis, quam quae facta sunt in Aegypto uel in deserto ?

27. Voir « Riscoprire Origene oggi: prime impressioni sulla raccolta di omelie sui Salmi nel Codex Monacensis Graecus 314 », cit., p. 55-56, où je compare H81Ps (f. 364r-365r) avec Tract. in Ps. LXXXI (Morin 85, 75-90).

28. Cela se passe, par ex., pour le commentaire de Ps. 15, 1b-2a où Jérôme n�’évoque pas du tout la première explication d�’Origène (le Fils de Dieu prie le Père pour lui-même, car seul le Père n�’a besoin de personne) et introduit tout de suite la seconde (le Christ prie au nom de son corps, l�’Église) : Custodi me Domine, nisi enim custodieris meum corpus, ecclesiam quae in te sperat, in uanum uigilant qui custodiunt eam (Tract. in Ps. XV, 2 [367, 101-103 Morin]).

ORIGENES REDIVIVVS 65

(Jos. 3, 15-16) ; ,

,

(Ps. 15, 3a).

, ,

.

, ,

, (Jos. 13, 8).

(Jos. 14, 1),

(Jos. 15, 1), (Jos. 16, 5),

, , (Jos. 18, 11-20).

,

(Ps. 15, 3a). , ,

,

. ,

· ,

, .

(Ps. 15, 3a-b).

Possumus autem terram Dei ecclesiam intellegere, quod sanctis qui in ecclesia sunt uoluntates Dei omnes mirabiles esse uidean-tur ; his enim qui extra ecclesiam sunt nihil uidetur mirabile, quod per naturam suam mirum est. Simus ergo et in terra Dei, et trans-formemur in imaginem Saluatoris, et omnes uoluntates suas mirabiles faciet in nobis.

B. Critère internes

Je vais désormais présenter les critères internes qui m�’amènent à leur tour à revendiquer sans réserves la paternité origénienne des nouvelles homélies. Je m�’appuierai synthétiquement sur un triple ordre de considérations qui concernent les aspects suivants :

1) la « physionomie » littéraire des textes ; 2) le cadre historique et doctrinal ; 3) la personnalité de l�’auteur.

66 LORENZO PERRONE

1. La « physionomie » littéraireEn ce qui concerne le premier aspect, il est possible non seulement de constater

les continuités stylistiques tout au long de la collection, mais aussi d�’en faire ressortir la couleur origénienne. En effet, l�’Alexandrin se laisse reconnaître sans difficulté par certaines caractéristiques de sa langue et de son style. Voyons en premier lieu un trait lexical et phraséologique qui frappe le lecteur du Cod. Gr. 314 et lui rappelle immédiatement un emploi similaire qui est bien typique d�’Ori-gène29. Notre prédicateur aime recourir fréquemment à des expressions à l�’allure formulaire, avec le verbe (« oser ») ou d�’autres verbes de la même racine. L�’intensité de ce recours est quelque peu impressionnante, mais sa signification et sa fonction ne diffèrent pas de l�’emploi qu�’attestent les autres écrits d�’Origène. Comme le montre la table des occurrences (p. 38-39), nous constatons la présence de ce stylème dans plus de la moitié des sermons. La fréquence des iuncturae avec

s�’explique par le fait qu�’il est, avec d�’autres traits stylistiques sembla-bles, étroitement lié à la méthode d�’Origène en tant que maître et commentateur de la Bible. En d�’autre termes, c�’est un reflet de la « recherche » (la ou la ) menée habituellement par l�’Alexandrin, qui scrute le texte biblique et en donne l�’interprétation, avançant par questions et hypothèses. En ce sens, la phraséologie attachée à l�’exercice, si répandu chez Origène et présent aussi dans nos homélies, des « questions et réponses » ( ), viendrait elle aussi corroborer abondamment le tour désignant le « langage hardi »30. Par celui-ci le prédicateur s�’efforce également de contrôler les réactions de son auditoire31, au sein duquel il ne manque pas d�’adversaires, puisqu�’il se voit parfois contraint de justifier ses interprétations allégoriques face aux critiques de ceux qu�’il dési-gne comme « les amis de la lettre » ( )32. Comme on le sait, nous observons des résistances du même genre face à l�’Alexandrin dans les �œuvres déjà connues, en particulier dans les homélies33.

J�’ajouterai en deuxième lieu un autre élément de nature stylistique, qui trahit à nouveau une affinité avec Origène, lié lui aussi aux iuncturae que je viens de

29. Voir à ce propos la communication présentée par Chiara BARILLI lors de la journée d�’études de Bologne : « La lingua delle nuove Omelie sui salmi: osservazioni introduttive » (à paraître).

30. Pour le lien avec les quaestiones et responsiones voir, par ex., H15Ps I (f. 15v) : ,

.31. Cf., en particulier, H77Ps IV (f. 253v) : .

, , .

32. H80Ps I (f. 337v).33. Voir H80Ps II (f. 359r) ; A. MONACI CASTAGNO, Origene predicatore e il suo pubblico,

Milano, 1987.

ORIGENES REDIVIVVS 67

signaler. Ce sont les formulations par approximation, grâce auxquelles l�’homéliste essaie de parvenir à une expression plus précise de sa pensée en recherche. Souvent celle-ci l�’amène à introduire des locutions paradoxales ou même à créer des mots nouveaux. À cet égard aussi, donc, les analogies avec les écrits de l�’Alexandrin s�’avèrent être nombreuses, étant donné qu�’il manifeste un vrai penchant à forcer les mots, autant qu�’il le peut, et créer des néologismes34. Le langage du paradoxe peut se référer aux « sentiments » de Dieu vis-à-vis de l�’homme (que d�’ailleurs l�’homéliste illustre assez souvent par le moyen de la prosopopée, conformément à un artifice rhétorique qui est cher à Origène)35 : c�’est le cas, par exemple, dans la Ire Homélie sur le Psaume 36, dans laquelle Dieu « se vante », pour ainsi dire, de celui qui est saint, aux yeux des habitants du ciel36, tandis que dans la Ire Homélie sur le Psaume 67 Dieu « s�’humilie » par ses demandes aux hommes37. Ou encore, le discours paradoxal concerne la conduite des hommes, surtout celle du pécheur ou du fidèle qui abandonne parfois la voie de Dieu : alors il fait « tomber », selon la IIe Homélie sur le Psaume 73, les « azymes de pureté et de vérité » (1 Cor 5, 8)38 ; ou, comme l�’affirme l�’Homélie sur le Psaume 74, recourant à la même tour-nure, au lieu de boire le vin de la bonne vigne, il boira le « vinaigre » ou quelques autres fruits de son insouciance39, tandis que celui dont les bonnes actions sont plus grandes que ses péchés ne boira pas non plus une « mixture sans mélange » ( ), mais goûtera une coupe de vin « bien mélangé ou peu

34. Cf. mon article « Approximations origéniennes : notes pour une enquête lexicale », dans EUKARPA / . Études sur la Bible et ses exégètes, réunies par M. Loubet et D. Pralon, en hommage à Gilles Dorival, Paris, 2011, p. 365-372.

35. Voir A. VILLANI, « Origenes als Schriftsteller: ein Beitrag zu seiner Verwendung von Prosopopoiie, mit einigen Beobachtungen über die prosopologische Exegese », Adamantius, 14, 2008, p. 130-150.

36. H36Ps I (f. 41v) : < >, , .

37. H67Ps I (f. 86r) : , �’ , �’ . Voir aussi H77Ps IX (f. 320r) : ,

�’ , �’ ; · .

38. H73Ps II (f. 131v-132r) : ; �– �’ ,

, �–, , �’ , .

39. H74Ps (f. 159r) : , , , ,

, .

68 LORENZO PERRONE

mélangé » ( )40. Ailleurs, l�’homéliste nous surprend par l�’expression « l�’intestin de l�’âme », renvoyant par là à la receptivité plus limitée des enseignements divins chez les hommes vis-à-vis des anges41.

Les jeux de mots qu�’impliquent parfois ces formulations par approximation attestent la recherche de sémantisations plus précises42 et peuvent par conséquent donner lieu même à la création de néologismes. En deux occasions nous voyons le prédicateur rendre manifeste son intention de façonner des mots nouveaux. Ainsi, dans la IIe Homélie sur le Psaume 67, développant un parallélisme antithétique entre le Christ et le diable, il crée à partir du terme , en relation avec l�’idée du mariage de l�’âme et de son Époux ( ) légitime, et avec les efforts de son adversaire pour se substituer à celui-ci43. D�’une manière analogue le prédicateur introduit, dans la Ire Homélie sur le Psaume 76, une distinc-tion entre la joie que donne le « souvenir » de Dieu et celle qui naît chez l�’homme à cause de sa « venue » chez lui : « Si le souvenir de Dieu réjouit, qu�’est-ce qu�’ac-complira sa venue pour celui qui s�’en aperçoit ? Je façonnerai ( ) moi aussi un mot à ce propos : il se �“réjouit extrêmement�” ( )44. » Cette sensibilité linguistique, que nous décelons ici et ailleurs dans les nouvelles homélies ne surprend pas, si l�’on tient compte des compétences du grammairien mises en lumière �– comme nous allons le voir �– surtout par la Ire Homélie sur le Psaume 67.

40. H74Ps (f. 160v) : , , .

, , , �’ , . Voir aussi

H36Ps IV (f. 75r) : , , �’ , , .

41. H77Ps IV (f. 250v) : . �’ ,

. Voir aussi H67Ps II (f. 102v) à propos de la « voix de l�’intellect » : �’ , ,

. Cf. aussi H67Ps II (f. 103r) : , �’ , .

42. Ainsi en H76Ps II (f. 186v) le « changement ( ) de la droite du Très Haut » (Ps. 76, 11a), expliqué comme la kénosis du Logos, devient la « transformation » et l�’« abaissement » vers les réalités humaines : , , �’

, .

43. H67Ps II (f. 113v) : , (2 Cor 11, 14), ,

, . , ·

, .44. H76Ps I (f. 178v) : ,

; · .

ORIGENES REDIVIVVS 69

2. Le cadre historique et doctrinalDeuxièmement, si nous rassemblons les indices de nature historique et doctri-

nale, nous sommes amenés à placer résolument les homélies de Munich dans la période précédant le quatrième siècle. S�’il est vrai que le corps de l�’église apparaît comme étant désormais structuré selon sa constitution hiérarchique la plus classi-que, pourtant le prédicateur ne se présente jamais comme évêque, ni même comme presbytre, avec une seule exception dans la VIIIe Homélie sur le Psaume 77 (où il mentionne en passant aussi l�’« ordre des veuves »)45. Son profil s�’avère donc être plutôt celui d�’un « didascale », les figures des maîtres étant en fait les protagonistes principaux de la vie ecclésiale, car ils se situent en concurrence, d�’un côté, avec les chefs des hérésies ou leurs adeptes qui en répandent les enseignements et, de l�’autre, avec les « professionnels » de l�’instruction, c�’est-à-dire grammairiens, rhétoriciens, philosophes, sans compter encore d�’autres experts (par exemple, les astronomes ou les musiciens)46. C�’est à ces maîtres de l�’église que revient la tâche d�’enseigner ce qu�’est le christianisme, en repoussant avec succès les doctrines hérétiques et en aidant ceux qui adhèrent à la foi chrétienne à découvrir sa signifi-cation profonde, selon ce que dit entre autres la IIe Homélie sur le Psaume 7647.

H76Ps II [f. 183v-184r]

.

,

, , , (Ps. 76, 11a).

, .

,

�’ �’ ,

« Souvent celui qui vit selon Dieu, mais qui se trouve au début de la vie selon Dieu, croit avoir accompli le commencement du vivre comme il faut vivre. Mais quand, ayant com-pris la différence du début par rapport à la vie selon Dieu, il rejoint après le début la voie de la vie selon Dieu, reconnaissant qu�’aupara-vant il pensait avoir commencé, mais n�’avait pas commencé, et qu�’il a su plus tard quel est le commencement, il dit : Maintenant j�’ai commencé (Ps. 76, 11a). S�’il faut avoir recours à un exemple pour rendre cette parole plus claire aux auditeurs, soyons attentifs à ce qui va être dit. Il arrive souvent qu�’un adhérent à la piété selon le Christ, dans les débuts de l�’adhésion, ne com-prenant pas par lui-même la façon dont il faut

45. H77Ps VIII, 9 (f. 314r) : (Ps. 77, 64a). , , · ,

, · (Ps. 77, 64a). , ,

· (Ps. 77, 64b).46. Cf. sur les philosophes et les rhéteurs H36Ps III et IV ; sur les astronomes, H77Ps II

(f. 241r). H76Ps II (f. 184r-v) introduit la figure d�’un maître ébionite. 47. Voir respectivement H77Ps II et H76Ps II.

70 LORENZO PERRONE

, ,

. ,

,

, · (Ps. 76, 11a).

être religieux ou tombant sur des maîtres dont la doctrine n�’est pas droite, ait l�’impression alors d�’être religieux selon le Christ, sans être encore religieux comme il le faut. Lorsque, plus tard, après des recherches, il le trouve, par un bienfait de Dieu, ayant pris ou ayant eu la chance de rencontrer des maîtres qui sont de bons guides, après avoir longtemps vécu dans l�’illusion d�’être religieux, parvenu vraiment à la religion, il dira : Maintenant j�’ai commencé (Ps. 76, 11a)48. »

Par contre, les passages qui évoquent le rôle des évêques semblent vouloir sou-ligner surtout les difficultés et les problèmes que soulèvent leurs tâches, jusqu�’au point de signaler la nécessité de l�’apprentissage pour l�’évêque nouvellement ins-tallé, qui doit se tenir au modèle d�’un confrère expérimenté en ce qui concerne la célébration de l�’eucharistie49. En ce sens l�’homéliste, parmi les prétextes donnant lieu à des schismes dans l�’Église, rappelle le cas de l�’évêque qui est perçu comme « trop dur »50, tandis qu�’ailleurs il évoque l�’exemple de l�’évêque indigne de la providence et de la grâce de Dieu51, ou celui des « évêques » marcionites destinés à tomber sous le glaive de la Parole de Dieu52. Même là où la figure de l�’évêque est vue sous un jour positif, elle n�’est pas mise en relief de façon isolée. Ainsi, lorsqu�’il s�’agit de réfléchir sur la confession des péchés au sein de l�’Église, après avoir fait cela devant Dieu, le prédicateur invite d�’abord à considérer quels sont ceux qui seraient capables d�’assister le pécheur en tant que bons médecins et de le guérir de ses blessures, suggérant de les chercher parmi « les bons évêques »

48. Je m�’appuie sur la traduction donnée par A. LE BOULLUEC, « La polémique contre les hérésies dans les Homélies sur les Psaumes d�’Origène (Codex Monacensis Graecus 314) » (com-munication lors de la journée d�’études de Bologne, le 15 février 2013).

49. H76Ps I (f. 171v) : ,

.

50. H77Ps II (f. 229v). Voir aussi H77Ps IX (f. 324r) : ,

.51. H67Ps I (f. 89r) :

, < > (Ps. 120, 4), .52. H77Ps II (f. 238r) :

· �’ (Os. 7, 16). Selon A. Le Boulluec, « peut-être est-ce une allusion aux traditions

relatives aux prétentions d�’un Marcion ou d�’un Valentin à l�’épiscopat » (A. LE BOULLUEC, « La polémique contre les hérésies dans les Homélies sur les Psaumes d�’Origène », cit.).

ORIGENES REDIVIVVS 71

autant que chez les « presbytres bons et choisis »53. À ce propos, en faisant appel à un souvenir personnel, il raconte l�’expérience de la pratique pastorale, digne d�’admiration à ses yeux, qu�’il a faite « auprès des autres églises » : au lieu de sou-mettre à une pénitence publique le pécheur n�’ayant pas fait l�’objet d�’accusations manifestes de la part de membres de la communauté, mais désireux de se repentir, l�’évêque s�’efforçait de le traiter individuellement et de le soigner ainsi par des médicaments spirituels54. Par ailleurs, l�’unique occasion où nous repérons la pré-sence d�’un évêque à côté du prédicateur, dans l�’ouverture très émotionnelle de la Ire Homélie sur le Psaume 67, ne fait que confirmer l�’impression du rôle éminent des maîtres dans la communauté ecclésiale. En effet, l�’homéliste avait reçu des éloges de la part du (selon le terme attesté dans l�’Entretien d�’Origène avec Héraclide), qui l�’avait introduit devant l�’auditoire, mais cet évêque après avoir été mentionné au début du sermon disparaît tout à fait par la suite55.

Les fidèles auxquels notre didascale donne son enseignement se réunissent dans des assemblées qui sont appelées, apparemment sans problèmes, soit soit

56. Ces assemblées sont consacrées à la prière, à l�’écoute des Écritures et à leur explication approfondie, sans que nous puissions établir avec précision leur fréquence au cours de la semaine. Par les renvois internes nous constatons seulement que l�’intervalle de temps entre l�’une et l�’autre prédication ne devait pas être trop long, bien que le prédicateur ne fasse pas toujours référence à l�’homélie

53. H73Ps III (f. 150r) : - · ,

, , ·

, , .

54. H73Ps III (f. 151r) : , . ,

, �’ , · , �’ ,

, .55. H67Ps I (f. 83v) :

, . . Cf. Dial 1, 20 : , ;

24, 20 : · .

56. Pour l�’emploi de , voir par ex. H81Ps (f. 360r) : , , (1 Cor. 3, 3),

, " " (Gal. 6, 8), , ,

(Ps. 81, 1). Cf. encore H76Ps II (f. 190v) ; H77Ps III (f. 246v). On retrouve le même emploi dans HIer IV, 3 : .

72 LORENZO PERRONE

qui précédait57. Comme l�’indique la Ire Homélie sur le Psaume 67, il n�’est pas exclu que les synaxes aient prévu plusieurs lectures et même plus d�’un psaume, car en l�’occurrence le prédicateur adopte à titre d�’oraison personnelle et au nom de la communauté le Ps. 69, l�’un des textes qu�’on avait lus précédemment58. En tout cas, les péricopes commentées ont en général des dimensions assez réduites, ce qui rend par contraste leur traitement exégétique très copieux. Quant à l�’aspect sacramentel de la pratique eucharistique, il n�’est presque pas mentionné, quoique les homélies consacrent des développements très longs et importants au thème de la « nourriture » des fidèles. Or celle-ci est regardée essentiellement comme une nourriture de nature spirituelle, incluant sans doute aussi l�’eucharistie, selon la perspective symbolique qui nous est familière chez Origène à cet égard59. La prédication apparaît comme la composante essentielle de cette nourriture tirée en premier lieu des Écritures60 et elle implique l�’instruction approfondie sur le texte sacré autant que l�’exhortation morale adressée aux fidèles61. L�’aspect pratique de la vie chrétienne revient d�’ailleurs à travers l�’indication que l�’une des tâches à accomplir consiste dans le fait de prendre soin du prochain62.

L�’assemblée des fidèles se réunit dans un bâtiment nommé encore par le terme ancien de , qui subsiste à côté de l�’emploi de pour indiquer le

57. Parfois ces renvois sont trop fuyants pour nous permettre d�’éclairer les circonstances. Voir, par ex., H15Ps I (f. 6v) : �’ ,

, �– �– . Par contre, H36Ps III (f. 51v et f. 56r) renvoit à H36Ps II

(f. 50v-51r) ; H73Ps III (f. 149r) à H73Ps II (f. 137r) ; H77Ps IX (f. 321r) à H77Ps V (f. 272v).58. H67Ps I (f. 83v-84r) :

.59. Voir à ce propos H77Ps IV (f. 252v) : ,

, . La nourriture selon le rythme hebdomadaire associe, apparemment sans distinction, eucharistie et instruction des fidèles.

60. H15Ps I (f. 14v) : , , (1 Cor. 12, 8).

61. En H77Ps III (f. 246v) le prédicateur résume ainsi les finalités de la prédication : , , ,

, , ,

(Ps. 77, 17b).62. H77Ps V (f. 268r-v) : ,

, . À noter l�’intéressante variété de la pratique chrétienne selon les termes contenus dans H80Ps I (f. 330r) :

, , , , ,

.

ORIGENES REDIVIVVS 73

« jour du Seigneur »63. Les catéchumènes participent eux aussi à l�’assemblée qui reçoit l�’instruction du prédicateur, conformément à ce que nous voyons dans les sermons d�’Origène déjà connus64. Mais nous y observons également la présence de pratiquants assez tièdes. Ce sont des chrétiens qui viennent très rarement à l�’Église, plus précisément à l�’occasion des fêtes de Pâque65, tandis que par contre il y en a d�’autres �– comme l�’homéliste le sait par expérience personnelle �– qui souffrent d�’être exclus, pour un ou deux dimanches ou plus longuement encore, de leur participation à l�’assemblée66. Nous trouvons souvent des admonestations du même genre dans l�’homilétique de l�’Alexandrin, ce qui nous fait pressentir que le rapport établi entre le prédicateur et son public dans les nouvelles homélies se situe dans la même ligne.

Il y a d�’autres préoccupations d�’ordre pastoral et doctrinal qui poussent le prédicateur à intervenir. Il faut rappeler ici l�’intensité des reproches qu�’il formule contre les fidèles qui entretiennent des sympathies judaïsantes. Cela ne doit pas surprendre si �– comme tout le laisse penser �– nous avons affaire, avec Césarée et la Palestine romaine, à des milieux juifs dans l�’environnement de la commu-nauté chrétienne ; l�’homéliste lui-même mentionne la proximité de Jérusalem : « Nous somme proches de l�’ancienne Jérusalem et nous savons qu�’il n�’y a pas de fleuve67. » Les judaïsants visés sont attirés par l�’observance des fêtes juives, dont le prédicateur donne ici une liste plus complète que dans les homélies connues de l�’Alexandrin, mentionnant non seulement Pessach et Yom Kippour, mais aussi Sukkot et Shavu�‘ot. Il s�’agit, à ce qu�’il paraît, surtout de femmes, qui attirent sur elles les critiques de 2 Tm. 3, 6 (« femmelettes chargées de péchés, entraînées par toute sorte de passions »)68. Comme le dit encore la IIe Homélie sur le Psaume 73 en citant 3 Règn. 18, 21 (« Jusqu�’à quand clocherez-vous des deux jarrets ? Si

63. H77Ps IV (supra, n. 59).64. Cf. H36Ps I (f. 40v-41r) ; H76Ps II (f. 190r-v) ; H76Ps III (f. 203r-v).65. H77Ps IV (f. 252v) :

· �’ , ; H77Ps VIII (f. 304r) : ·

, ;66. H77Ps VIII (f. 303v-304r) : , ,

, .67. H77Ps VII (f. 287r) : .

68. H73Ps II (f. 132r-v) : , , (2 Tm. 3, 6) �’ ,

, , · . ,

· �’ (3 Règn. 18, 21) ; 2 Tm. 3, 6 est cité par Origène seulement en CC VI, 24.

74 LORENZO PERRONE

Yahvé est Dieu, suivez-le ; si c�’est Baal, suivez-le »), elles doivent se décider, car elles ne peuvent pas « judaïser » ( ) et « christianiser » ( ) en même temps. Du reste, la mention d�’un maître ébionite dans la IIe Homélie sur le Psaume 76 montre que l�’attraction exercée par la Loi ancienne n�’était pas purement théorique69. Les difficultés que le prédicateur rencontre en essayant d�’expliquer les Écritures de façon allégorique sont probablement à mettre en rela-tion avec ce milieu judaïsant de la communauté chrétienne de Césarée.

Il y a d�’autres défis auxquels les fidèles sont confrontés dans l�’ambiance reli-gieuse assez mélangée de leur temps. Les dangers principaux semblent venir de la part des hérésies, dont l�’homilète nous propose la constellation tripartite qui est la plus habituelle chez Origène, car les adversaires sont les Marcionites, les Valentiniens et les Basilidiens70. Si l�’on avait encore besoin de retrouver des mar-ques d�’identité pour notre prédicateur, cet aspect si fréquent et même stéréotypé suffirait à lui seul pour reconnaître sans hésitation la personne de l�’Alexandrin. En effet, le débat avec ces tendances hétérodoxes comporte quelques-uns des enjeux majeurs pour la réflexion d�’Origène autour de Dieu et du salut des hommes. S�’opposant aux Marcionites et aux Gnostiques (Valentiniens et Basilidiens), et associant dans la plupart des cas les uns aux autres sans faire de distinction parmi les différentes écoles, l�’homéliste défend d�’abord l�’Ancien Testament en tant que livre du Christ et de l�’Église. Il repousse d�’autre part la notion valentinienne des natures fixes, renouvelant par là la formulation de l�’un des thèmes les plus carac-téristiques de l�’anthropologie origénienne, tout autant qu�’il critique la doctrine gnostique des éons71. Toutefois, dans les nouvelles homélies on perçoit que la cible préférée est constituée par les Marcionites, avec lesquels il a eu l�’occasion de disputer. Il rappelle à leur propos non seulement le rejet de la Bible juive, mais aussi, en relation avec celle-ci, les interventions de critique textuelle pratiquées par eux sur le texte du Nouveau Testament72. Une anedocte révélatrice manifeste

69. H76Ps II (f. 184v).70. Voir par ex. H77Ps V (f. 271r) : , ,

, , (Rm. 16, 18). On rencontre la même triade, par ex., dans HIer X, 5 :

, , ; XVII, 2 : , ,

; H37Ps II, 8 : Marcionistae et Basilides et Valentini oderunt Deum. Je renvoie à l�’analyse de A. LE BOULLUEC, « La polémique contre les hérésies dans les Homélies sur les Psaumes d�’Origène », cit., qui confirme les résultats de son étude classique La notion d�’hérésie dans la littérature grecque, IIe-IIIe siècles, II : Clément d�’Alexandrie et Origène, Paris, 1985.

71. Voir respectivement H15Ps II (f. 21v) et H77Ps II (f. 232v).72. H77Ps I (f. 215v) : ,

. , , , , .

Ce passage rappelle la polémique antimarcionite de CIo X, 6, 24.

ORIGENES REDIVIVVS 75

jusqu�’à quel point le rejet marcionite de l�’Ancien Testament était répandu ; elle évoque la protestation d�’un fidèle contre la lecture du Deutéronome dans l�’église au nom de l�’autorité des évangiles.

H77Ps II [f. 241v-242r]

· " ·

!"

· , · (Mt. 4, 10

[Dt. 6, 13]), �’ , �’

(Mt. 4, 4 [Dt. 8, 3]) ;

(Mt. 4, 7 [Dt. 6, 16]),

, .

,

(2 Cor. 3, 18), ;

« Je connais quelqu�’un qui, en écoutant la lec-ture du Deutéronome dans l�’église, s�’exclama : �“Voilà une synagogue de Juifs ! On lit cela, comme si les évangiles n�’existaient pas !�” Celui-là ne voyait pas que le Sauveur et Seigneur a recommandé fortement le Deutéronome. En effet, lorsqu�’il luttait avec le diable n�’a-t-il pas dit, en le tirant du Deutéronome : �“C�’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, c�’est à Lui seul que tu rendras un culte�” (Mt. 4, 10 [Dt. 6, 13]), ainsi que �“L�’homme ne vivra pas seu-lement de pain, mais l�’homme vivra de toute parole qui sort de la bouche de Dieu�” (Mt. 4, 4 [Dt. 8, 3]) ? Et il tira du Deutéronome aussi les paroles : �“Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu�” (Mt. 4, 7 [Dt. 6, 16]). Le Sauveur a donc recommandé par là les choses anciennes. Et si l�’Apôtre enseigne qu�’il faut ôter le voile et que nous devons lire le visage découvert (2 Cor. 3, 18), m�’adonnerai-je à supprimer les choses anciennes ? »

3. La personnalité de l�’auteurIl y aurait encore beaucoup à dire sur les aspects doctrinaux, en passant du

discours polémique contre les hérésies aux affirmations théologiques, qui se rapportent à plusieurs thèmes : la relation entre le Père et le Fils, la christologie, la pneumatologie, l�’angélologie, la sotériologie, l�’ecclésiologie et l�’anthropologie spirituelle. Tous ces éléments divers ne feraient que confirmer à leur tour l�’iden-tification de l�’homilète avec Origène, puisque nous y retrouvons un bon nombre d�’affinités incontestables73. Ils nous livrent, entre autres, ce qui se présente

73. Qu�’il suffise d�’évoquer une doctrine typique de l�’Alexandrin comme celle des du Christ. Nous la retrouvons en H15Ps II (f. 29r) : le Christ en tant que ; H36Ps I (f. 40r) :

, , , ,

; H36Ps II (f. 47r) : , , , , ; H67Ps II (f. 114v) :

, , , ,

76 LORENZO PERRONE

désormais comme le meilleur commentaire du titre si débattu du , en précisant ce terme de « principes » ( ), ressenti déjà par Rufin comme équivoque, et le reliant à l�’interprétation de Gn. 2, 10 (« un fleuve sort d�’Édem pour arroser le jardin ; de là, il se sépare en quatre commencements »)74.

H77Ps VII [f. 286v] · ,

· , , , ,

.

« Il y a plusieurs principes de doctrines : un principe est celui qui concerne le Père ; un autre principe concerne le Fils, un autre le Saint Esprit, un autre l�’Église, un autre les puissances saintes. »

Je préfère cependant, en guise de conclusion, éclairer la personnalité de l�’auteur moyennant quelques observations supplémentaires sur son profil intellectuel. Comme nous l�’avons souligné auparavant, nous avons affaire à un maître dont les savoirs multiples se laissent entrevoir assez clairement, à commencer par les compétences de grammairien qu�’il étale spécialement dans la Ire Homélie sur le Psaume 67. Il y établit en effet comme trait distinctif du langage biblique l�’emploi de l�’impératif aoriste au lieu de l�’optatif, en employant comme paradigme les trois premières demandes du Notre Père, ainsi qu�’Origène le fait dans le Traité sur la prière75. Ces mêmes compétences le conduisent aussi à formuler plusieurs observa-tions de critique textuelle, non seulement sur le texte de l�’Ancien Testament, mais pareillement en rapport au Nouveau. Par là il a recours aux « éditions » ( ), c�’est-à-dire les révisions grecques à côté de la Septante, comme au texte hébreu de la Bible76. Sous ce jour, notre homéliste correspond parfaitement à l�’image de

, , , ; H73Ps I (f. 121v) : , , , ,

, (1 Cor. 1, 30) ; H77Ps VI (f. 278r-v) : (1 Cor. 1, 30), (Jn. 14, 6), ,

(1 Cor. 1, 30), (Jn. 14, 6), (Jn. 1, 4), , (Rm. 3, 25).

74. Cf. RUF., Praef. in Orig., De Principiis, 3 : istos, quos nunc exigis ut interpreter, id est , quod uel De principiis uel De principatibus dici potest. Voir aussi l�’intéressante

formulation à propos de la doctrine de l�’apocatastase dans H15Ps I (f. 16r) : (Ps. 15, 5b).75. Cf. H67Ps I (f. 85r-v) avec Orat XXIV, 5. J�’ai commenté ce passage dans « Riscoprire

Origene oggi: prime impressioni sulla raccolta di omelie sui Salmi nel Codex Monacensis Graecus 314 », cit., p. 52-53.

76. Voir, par ex., H15Ps II (f. 25v) : (Ps. 15, 9b) ; H67Ps I (f. 87r) : ,

(Ps. 50, 6) ; H73Ps III (f. 140r) : (Ps. 73, 15a), ·

; H74Ps (f. 154v) :

ORIGENES REDIVIVVS 77

l�’Origène philologue et exégète, plaidant pour la « restitution » ( ) tex-tuelle, là où il devine une « faute de copie » ( ou )77, et en même temps exploitant comme lui les variantes pour son exégèse polypho-nique78. Il faut néanmoins souligner que ces remarques ecdotiques sont encore plus abondantes dans le Cod. Gr. 314 que dans les Homélies sur Jérémie79.

En fait, le maître des homélies de Munich s�’avère être, plus que toute autre chose, un interprète passionné des Écritures. Ce faisant il entame un exercice d�’exégèse détaillée et inventive qui comporte tous les traits saillants de l�’hermé-neutique origénienne. Nous y retrouvons pleinement l�’esprit de la , en conformité avec l�’approche méthodique qui est typique de l�’Alexandrin. Nous en avons un témoignage symptomatique dans la Ve Homélie sur le Psaume 77, où le prédicateur réfléchissant sur le vide de l�’existence loin de la pensée de Dieu suggère aussi de « s�’emparer d�’une expression des divines Écritures qui suscite des problèmes », pour ne pas « consumer ses propres jours dans la vanité » (Ps. 77, 33)80. En ce sens notre exégète s�’efforce de saisir les apories du texte, afin de mettre en place sa démarche interprétative à plusieurs niveaux de sens, selon le procédé bien connu des quaestiones et responsiones81. À son avis, la Bible tout entière recèle des « problèmes » que l�’on doit s�’efforcer de dégager, pour parvenir à l�’intelligence du texte sacré, comme il le dit de façon programmatique dans la Ire Homélie sur le Psaume 77 commentant le v. 2 (« Ma bouche prononcera des paraboles, elle clamera des choses cachées depuis le début »).

, �’ �– (Ps. 74, 1a) �– ; ibid. (f. 158v) :

, · · (Ps. 74, 9a-d) ; H77Ps V (f. 266r-v) : , · (Ps. 77, 31b).

�’ . . Cf. encore H77Ps VII (f. 291v-

292r) ; H77Ps VIII (f. 313v) ; H77Ps IX (f. 326v-327r) ; H80Ps I (f. 339r).77. Voir respectivement H15Ps II (f. 25v) et H77Ps I (f. 215r).78. Par ex., en H15Ps II, à propos de Ps. 15, 9a-b ( ), cité par Act. 2,

26 comme .79. Cf. HIer XIV, 3 ; XV, 5.80. H77Ps V (f. 269r) : , ,

, , .

81. Parmi mes contributions sur ce sujet, je voudrais signaler en particulier « Perspectives sur Origène et la littérature patristique des quaestiones et responsiones », dans Origeniana sexta. Origène et la Bible / Origen and the Bible. Actes du Colloquium Origenianum Sextum. Chantilly, 30 août-3 septembre 1993, G. Dorival et A. Le Boulluec (éd.), Leuven, 1995, p. 151-164.

78 LORENZO PERRONE

H77Ps I [f. 225r-v]

, ,

, ,

. ; ,

;

(Gn. 1, 16). �’ [f. 225v] ,

(Gn. 1, 2), , ;

�’ . ,

�’ . ·

�’ (Ps. 77, 2b), "

�’ "· �’

(Mc. 4, 34) .

,

·

(Jn. 21, 25).

« Chez ceux qui pratiquent la philosophie des Grecs il existe des problèmes que l�’on propose à ceux qui veulent s�’exercer, afin que s�’entraînent soit ceux qui enseignent soit ceux qui mettent à l�’épreuve ceux qui leur exposent ces enseignements ; de la même manière il y a des problèmes de l�’Écriture. Quels sont ceux-ci ? Comment y a-t-il eu trois jours, sans que ni le soleil ni la lune ni les étoiles aient été créés ? Moïse, en effet, rapporte que les lumi-naires et les étoiles furent créés au quatrième jour (Gn. 1, 16). Un de ces problèmes �‘depuis le début�’ est à son tour : comment la ténèbre était �“au-dessus de l�’abîme et l�’esprit de Dieu au-dessus de l�’eau�” (Gn. 1, 2) et pourquoi l�’esprit de Dieu n�’était pas au-dessus de l�’abîme et la ténèbre au dessus de l�’eau ? Ceci est aussi l�’un des problèmes �‘depuis le début�’. Et si quelqu�’un sait interroger savamment les textes des Écritures, il trouvera les problèmes �‘depuis le début�’. Lorsque donc le Sauveur dit : �“Je proclamerai des problèmes depuis le début�” (Ps. 77, 2b), écoute-le comme s�’il disait : �“Je clarifierai les problèmes depuis le début.�” Car il �“expliquait, en particulier, à ses disciples tous�” les problèmes (Mc. 4, 34) et il tenait un discours sur Dieu pour eux. Voilà les problèmes à propos desquels il instruisait ses disciples. Jean, pressentant cela, dit : �“le monde même ne suffirait pas, je pense, à contenir les livres qu�’on en écrirait�” (Jn. 21, 25). »

Si la proximité de ces propos avec quelques passages du Contre Celse82, ainsi que d�’autres indices importants (le renvoi au Commentaire sur Osée ou la surprenante retractatio de l�’exégèse de Dt. 32, 8-9)83, nous amènent à formuler l�’hypothèse de

82. Cf. CC VI, 50 : ,

, ; VI, 60 : ,

, ,

, .83. Voir respectivement H77Ps IX (f. 326v) et H77Ps VIII (f. 299r-300r).

ORIGENES REDIVIVVS 79

dater au moins une partie de ces homélies peu après la grande apologie d�’Origène, en tout cas ils contribuent également, par leur teneur, à renforcer les arguments en faveur de l�’identification.

À vrai dire, l�’homilète nous livre plusieurs fois, pour ainsi dire, sa « carte d�’iden-tité ». Peut-être l�’une des plus transparentes est celle qui figure en conclusion de l�’Homélie sur le Psaume 74. Tout en se hâtant pour terminer, le prédicateur laisse tomber une remarque sur le v. 10 (« et moi, j�’annoncerai à jamais, je jouerai pour le Dieu de Jacob »), qu�’il est permis de lire sur un registre autobiographique, car il trace l�’image du « didascale » dont l�’homilète s�’inspire, c�’est-à-dire le Logos lui-même, celui dont il veut être la voix :

H74Ps [f. 161v] ,

(Ps. 74, 10).

,

,

.

« �“Moi, j�’annoncerai à jamais, je jouerai pour le Dieu de Jacob�” (Ps. 74, 10). Notre maître et Seigneur possède des enseignements tellement nombreux qu�’il est en mesure d�’annoncer non pas pour dix ans, comme le fait le grammai-rien, qui (après) n�’a plus de quoi enseigner, ni même comme le philosophe, qui ayant tranmis (ses enseignements), n�’a plus rien de nouveau à dire. Au contraire les enseignements du Christ sont tellements nombreux qu�’il les annoncera pour toute l�’éternité. »

* * * * *

Au cours des mois qui se sont écoulés rapidement depuis la fin mai 2012, quand la force sismique du tremblement de terre secouant l�’Émilie pour la première fois après presque cinq siècles était surclassée chez moi par le séisme déclenché par la découverte du codex de Munich, je n�’ai pas eu trop de temps pour réfléchir à l�’aise sur la signification profonde d�’un tel événement tout à fait inattendu. Sans vouloir y attacher maintenant un dessein providentiel �– la lourde tâche qui m�’attend pour l�’édition critique freine opportunément dès à présent mon enthou-siasme �–, j�’aimerais quand même la voir, pour ainsi dire, comme une « réponse » au dialogue passionné que la recherche du XXe siècle a entretenu avec Origène. Surtout ici, pensant aux savants, amis et collègues passés, présents ou idéalement proches, qui ont contribué de façon décisive aux études sur Origène et la tradition alexandrine dès le ressourcement patristique lancé en France, je voudrais regarder cette découverte non seulement comme une source de joie pour nous tous mais aussi comme l�’occasion d�’exprimer la gratitude envers tous ceux qui nous ont appris à écouter à nouveau la voix du grand maître chrétien d�’Alexandrie.

Lorenzo PERRONE�“Alma Mater Studiorum�” �– Università di Bologna

Dipartimento di Filologia Classica e Italianistica

80 LORENZO PERRONE

RÉSUMÉ : Après avoir rappelé les circonstances de la découverte en avril 2012 du Codex Monacensis Graecus 314, appartenant à la Bayerische Staatsbibliothek de Munich par Marina Molin Pradel, l�’article examine le procès d�’authenticité des 29 homélies anonymes sur les Psaumes en vue de leur attribution à Origène. Les critères externes à l�’appui sont nombreux : d�’abord, la liste des homélies origéniennes transmise par Jérôme dans la Lettre 33, dont les correspondances avec le Cod. Gr. 314 sont très nombreuses (en particulier, pour la longue série des neuf sermons sur le Psaume 77) ; ensuite, les quatre premières homélies sur le Psaume 36 traduites par Ru n, dont nous possédons maintenant l�’original grec ; encore, un important fragment latin dans l�’Apologie d�’Origène par Pamphile et Eusèbe de Césarée qui s�’avère être tiré de la deuxième homélie sur le Psaume 15. À tous ces témoins externes il faut ajouter l�’ensemble des fragments conservés dans les chaînes, qui attestent à leur tour la connaissance des nouvelles homélies par les caténistes. À renfort de l�’attribution surviennent aussi les critères internes selon un triple ordre de considération : 1) les aspects stylistiques et littéraires ; 2) le cadre historique et doctrinal ; 3) la personnalité du prédicateur. Ces homélies apportent par là une lumière nouvelle non seulement pour l�’étude de la prédication d�’Origène, mais aussi sur l�’important chapitre de son exégèse des Psaumes ainsi que sur le développement de sa pensée.

ABSTRACT: After a short presentation of the circumstances of the discovery in April 2012 of Codex Monacensis Graecus 314 (Bayerische Staatsbibliothek, Munich) by Marina Molin Pradel, this article examines the external and internal criteria supporting the attribution to Origen of the 29 anonymous homilies on the Psalms. External evidence is provided rst of all by Jerome�’s Letter 33, whose list largely corresponds to Cod. Gr. 314 (especially with regard to the long series of nine sermons on Psalm 77). Then we have the rst four Latin homilies on Psalm 36 translated by Ru nus and also an important fragment taken from the second homily on Psalm 15 and preserved in his translation of the Apology of Origen by Pamphilus and Eusebius of Caesarea. Moreover we dispose of several excerpts in the catenae on the Psalms. Also inner criteria come to support the attribution to Origen: 1) the stylistic and literary aspects; 2) the historical and doctrinal background; 3) the personality of the preacher. These homilies offer precious light not only for the study of Origen�’s preaching activity, but also for a better analysis of his important interpretation of the Psalms and the evolution of his thought.

ORIGENES REDIVIVVS 81

82 LORENZO PERRONE

ORIGENES REDIVIVVS 83

84 LORENZO PERRONE

Lemmes introductifs (ou conclusifs) des homélies du Cod. Gr. 314

H15Ps IH15Ps IIH36Ps I H36Ps IIH36Ps IIIH36Ps IVH67Ps IH67Ps IIH73Ps IH73Ps II H73Ps IIIH74PsH75Ps

H76Ps I

H76Ps II

H76Ps III

H76Ps IV

H77Ps IH77Ps IIH77Ps IIIH77Ps IV

H77Ps V

H77Ps VI

H77Ps VII

H77Ps VIII

ORIGENES REDIVIVVS 85

H77Ps

H80Ps I

H80Ps II

H81Ps

86 LORENZO PERRONECo

d. M

on. G

r. 31

4O

rigè

ne, H

omél

ies

(Jér

ôme,

Ep.

33)

Ori

gène

, Com

men

taire

s (J

érôm

e, E

p. 3

3)Jé

rôm

e,

Trac

t. in

Ps.*

Hom

. I in

Ps.

15

In X

V ho

mel

iae

IIIIn

Ps.

XV li

ber u

nus

In P

s. 15

Hom

. II i

n Ps

. 15

Hom

. I in

Ps.

36

In X

XXVI

hom

elia

e V

Hom

. I-V

in P

s. 36

Hom

. II i

n Ps

. 36

Hom

. III

in P

s. 36

Hom

. IV

in P

s. 36

Hom

. I-II

in P

s. 37

In P

s. XX

XVIII

libe

r unu

sH

om. I

-II in

Ps.

38

Hom

. I in

Ps.

67

In L

XVII

hom

elia

e VI

IIn

Ps.

67

Hom

. II i

n Ps

. 67

Hom

. I in

Ps.

73

In L

XXIII

hom

elia

e III

Hom

. II i

n Ps

. 73

Hom

. III

in P

s. 73

Hom

. in

Ps. 7

4 In

LXX

IIII h

omel

ia I

In P

s. 74

Hom

. in

Ps. 7

5 In

LXX

V ho

mel

ia I

In P

s. 75

Hom

. I in

Ps.

76

In L

XXVI

hom

elia

e III

In P

s. 76

Hom

. II i

n Ps

. 76

Hom

. III

in P

s. 76

Hom

. IV

in P

s. 76

Trac

t. in

Ps.

ORIGENES REDIVIVVS 87Co

d. M

on. G

r. 31

4O

rigè

ne, H

omél

ies

(Jér

ôme,

Ep.

33)

Ori

gène

, Com

men

taire

s (J

érôm

e, E

p. 3

3)Jé

rôm

e,

Trac

t. in

Ps.*

Hom

. I in

Ps.

77

In L

XXVI

I hom

elia

e VI

IIIIn

Ps.

77

Hom

. II i

n Ps

. 77

Hom

. III

in P

s. 77

Hom

. IV

in P

s. 77

Hom

. V in

Ps.

77

Hom

. VI i

n Ps

. 77

Hom

. VII

in P

s. 77

Hom

. VIII

in P

s. 77

Hom

. IX

in P

s. 77

Hom

. I in

Ps.

80

In L

XXX

hom

elia

e II

In P

s. 80

Hom

. II i

n Ps

. 80

Hom

. in

Ps. 8

1 In

LXX

XI h

omel

ia I

In P

s. 81

88 LORENZO PERRONE

Cod.

Mon

. Gr.

314

Psau

me

com

men

téJé

rôm

e, E

p. 3

3H

om. I

in P

s. 15

H15

Ps

In X

V ho

mel

iae

III

Hom

. II i

n Ps

. 15

H15

Ps

Hom

. I in

Ps.

36H

36Ps

In

XXX

VI h

omel

iae

V

Hom

. II i

n Ps

. 36

H36

Ps

Hom

. III

in P

s. 36

H36

Ps

Hom

. IV

in P

s. 36

H36

Ps

H36

Ps

Hom

. I in

Ps.

67H

67Ps

In

LXV

II ho

mel

iae

VII

Hom

. II i

n Ps

. 67

H67

Ps

Hom

. I in

Ps.

73H

73Ps

In

LXX

III h

omel

iae

III

Hom

. II i

n Ps

. 73

H73

Ps

Hom

. III

in P

s. 73

H73

Ps

Hom

. in

Ps. 7

4H

74Ps

In L

XXIII

I hom

elia

I

Hom

. in

Ps. 7

5H

75Ps

In L

XXV

hom

elia

I

Hom

. I in

Ps.

76H

76Ps

In

LXX

VI h

omel

iae

III

Hom

. II i

n Ps

. 76

H76

Ps

Hom

. III

in P

s. 76

H76

Ps

Hom

. IV

in P

s. 76

H76

Ps

ORIGENES REDIVIVVS Co

d. M

on. G

r. 31

4Ps

aum

e co

mm

enté

Jérô

me,

Ep.

33

Hom

. I in

Ps.

77H

77Ps

In

LXX

VII h

omel

iae

VIIII

Hom

. II i

n Ps

. 77

H77

Ps

Hom

. III

in P

s. 77

H77

Ps

Hom

. IV

in P

s. 77

H77

Ps

Hom

. V in

Ps.

77H

77Ps

Hom

. VI i

n Ps

. 77

H77

Ps

Hom

. VII

in P

s. 77

H77

Ps

Hom

. VIII

in P

s. 77

H77

Ps

Hom

. IX

in P

s. 77

H77

Ps

Hom

. I in

Ps.

80H

80Ps

In

LXX

X ho

mel

iae

II

Hom

. II i

n Ps

. 80

H80

Ps

Hom

. in

Ps. 8

1H

81Ps

In L

XXXI

hom

elia

I

LORENZO PERRONE

Origène, Hom. II in Ps. 15 (Cod. Mon. Gr., f. 26r-27v)

Pamphile - Eusèbe, Apologie d’Origène (éd. Amacker-Junod, SC, p. 228-232)

Ps

Col.Ap.

4 Reg.

Gn.

Jn

Col.18 ; Ap.

[f. 26v]

Is. ;

Is.

Is.

Is.

Is.

Insuper autem et caro mea requiescet in spe Ps

Dominus Iesus Christus haec dicit, cuius primo caro

pri-mogenitus ex mortuis Col. Ap. factus, et post resurrectionem adsumptus

ita ut terrerentur et stupescerent caelestes uirtutes uidentes carnem ascendentem in caelum. De Elia enim scriptum est, quia quasi in coelum adsumptus est 4 Reg. et de Enoch quia translatus est Gn , non tamen dictum est in cae-lum.

-cut primogenitus est ex mortuis Christus, ita

Denique nouitate ipsa perterrentur uirtutes, quia

uidebant carnem ascendentem in caelum et dicunt : Quis est iste qui uenit de Edom – id est a terrigenis – Rubor uestimentorum eius ex Bosor Is. ? ; uidebant enim uestigia ulnerum in corpore

ORIGENES REDIVIVVS

Is.

Ps.

[f. 27r]

Haec propter illud , quoniam caro mea requiescet in spe Ps.

-

requiescit, quod adsumpta est in caelum.Apol.

LORENZO PERRONE

Iuncturae dans le Cod. Mon. Gr. 314

– H15Ps

– H15Ps

– H15Ps

– H15Ps

– H36Ps

– H67Ps

– H67Ps

– H67Ps

– H73Ps

– H73Ps

– H73Ps

– H73Ps

– H74Ps

– H76Ps

– H76Ps

– H76Ps

– H77Ps

– H77Ps

2 Cor.

– H77Ps

– H77Ps

– H77Ps

ORIGENES REDIVIVVS

– H80PsMt

– H80Ps

Les homélies sur Jérémie

– HIer H15Ps

– HIer H67Ps H73PS H76Ps H77Ps H80Ps H80Ps II

– HIer H15Ps H77Ps

(1 Sam. 28)

– H1RegG

Les fragments sur la Ire Épître aux Corinthiens

– Fr1Cor 84 :

PUBLICATIONS DE L�’INSTITUTD�’ÉTUDES AUGUSTINIENNES

COLLECTION DES ÉTUDES AUGUSTINIENNES

Série Antiquité

47�— J.-C. Fredouille, Tertullien et la conversion de la culture antique, 2e éd. complétée par la bibliographie de l�’auteur, 2012.

178�— A. Le Boulluec, Alexandrie antique et chrétienne. Clément et Origène, 2e éd. revue et augmentée, 2012.

192�— Le De Trinitate de saint Augustin : exégèse, logique et noétique. Actes du colloque international de Bordeaux, 16-19 juin 2010, éd. E. Bermon et G. J. P. O�’Daly, 2012.

193�— M. Cassin, L�’écriture de la controverse chez Grégoire de Nysse. Polémique littéraire et exégèse dans le Contre Eunome, 2012.

194�— J. Lagouanère, Intériorité et ré exivité dans la pensée de saint Augustin. Formes et genèse d�’une conceptualisation, 2012.

195�— Augustin philosophe et prédicateur. Hommage à Goulven Madec. Actes du colloque international de Paris, 8-9 septembre 2011, éd. I. Bochet, 2012.

Série Moyen Âge et Temps Modernes

48�— Nicolas de Lyre, franciscain du XIVe siècle, exégète et théologien. Actes du colloque tenu à la Médiathèque du Grand-Troyes, 8-10 juin 2009, dir. G. Dahan, 2011.

49�— Les traités anti-hussites du dominicain Nicolas Jacquier (�† 1472). Une histoire du concile de Bâle et de sa postérité, éd. O. Marin, 2012.

BIBLIOTHÈQUE AUGUSTINIENNE

�Œuvres de saint Augustin, vol. 57/A. Les Commentaires des Psaumes, I-XVI. Sous la direction de M. Dulaey, avec I. Bochet, A.-I. Bouton-Touboulic, P.-M. Hombert et É. Rebillard, 2009, 662 p.�Œuvres de saint Augustin, vol. 57/B. Les Commentaires des Psaumes, XVII-XXV. Sous la direction de M. Dulaey, avec I. Bochet, A.-I. Bouton-Touboulic, P.-M. Hombert et É. Rebillard, 2009, 382 p.�Œuvres de saint Augustin, vol. 58/A. Les Commentaires des Psaumes, XXVI-XXXI. Sous la direction de M. Dulaey, avec I. Bochet, A.-I. Bouton-Touboulic, P.-M. Hombert et É. Rebillard, 2011, 451 p.�Œuvres de saint Augustin, vol. 40/A. Lettres 1-30. Texte critique d�’A. Goldbacher, traductions, introduction et notes de S. Lancel et collaborateurs, introductions et notes des Lettres 1-14 par E. Bermon, 2011, 662 p.

NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE AUGUSTINIENNE

Saint Augustin, vol. 6, La vie communautaire. Traduction annotée des Sermons 355-356 par G. Madec, 1996, 63 p.Saint Augustin, vol. 7, La première catéchèse. Introduction et traduction de G. Madec, 2001, 127 p.Saint Augustin, vol. 8, Sermons sur la chute de Rome. Introduction, traduction et notes de J.-C. Fredouille, 2004, 148 p.

PÉRIODIQUES

Revue d�’études augustiniennes et patristiques (1955 �–>) : 2 fasc. par an.Recherches augustiniennes et patristiques (1958 �–>) : tome 36, 2011.

ISBN : 978-2-85121-266-5ISSN : 1768-9260

Abonnement à la revue imprimée + numérique : 110 �€Abonnement à la revue imprimée : 95 �€

Fascicules séparés : 60 �€