migrations developpement local la possibilite d une ville

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Migrations rurales-urbaines et développement local : la possibilité d’une ville ? Réflexion sur le champ des possibles de la ville intermédiaire de Diego-Suarez, Madagascar Mémoire de fin de cycle réalisé et soutenu publiquement par MASING-AH-HONG Laurence, Sous la direction de GEMENNE, François Master 2 de Sciences Politiques, spécialité « coopération internationale et ONG » UFR Droit, Sciences Politiques et Sociales Université de Paris 13 PRES Sorbonne Paris-Cité 99 avenue Jean Baptiste Clément, 93430 Villetaneuse

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Migrations rurales-urbaines et

développement local : la

possibilité d’une ville ?

Réflexion sur le champ des possibles de la ville intermédiaire de

Diego-Suarez, Madagascar

Mémoire de fin de cycle réalisé et soutenu publiquement par MASING-AH-HONG Laurence, Sous la direction de GEMENNE, François

Master 2 de Sciences Politiques, spécialité « coopération internationale et ONG »

UFR Droit, Sciences Politiques et Sociales

Université de Paris 13 PRES Sorbonne Paris-Cité

99 avenue Jean Baptiste Clément, 93430 Villetaneuse

L’Université Paris 13 PRES Sorbonne Paris-Cité n’entend

donner aucun approbation ou improbation aux opinions

émises dans le présent mémoire, l’auteur est seul

responsable des dites opinions.

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SOMMAIRE

Introduction ................................................................................................... 6

PARTIE I : La ville et les nouveaux arrivants : évolution des paradigmes

migratoires sur Diego .................................................................................. 17

Chapitre 1 Une polarisation urbaine des flux migratoire : le cas de Diego Suarez .......................................... 18

1 Introduction au « magnétisme » urbain ....................................................................................... 18

2 La mobilité, des migrants : des profils et des répercussions pluriels ........................................... 34

Chapitre 2 Relations de causalité entre développement urbain et ville tremplin ...................................... 51

1 L’ascension sociale des migrants : chimère ou état de fait ? ...................................................... 51

2 Un migrant dans la ville. Impact des nouveaux arrivants sur l’économie urbaine ....................... 55

PARTIE II Décentralisation et jeu d’acteurs : quelle gouvernance du

développement local ? ................................................................................ 63

Chapitre 3 Au-delà du paradigme incitation-rejet, une relative ignorance institutionnelle des enjeux

migratoires 64

1 Les désarticulations de la commune urbaine de Diego Suarez................................................... 64

2 Le poids des institutions extra-communales : appui, fardeau et vacuum .................................... 69

Chapitre 4 Capital social et garde-fous citoyens des projets territoriaux .................................................. 79

1 L’inquiétante discrétion de la société civile .................................................................................. 79

2 De la marge de manœuvre pour une coproduction urbaine ........................................................ 87

CONCLUSION .............................................................................................. 93

BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................... 99

SOURCES ................................................................................................... 105

ANNEXES ................................................................................................... 109

LISTE DES ANNEXES ............................................................................................................................... 110

Annexe 1 – Entretien sur le Schéma Régional d’Aménagement du Territoire (DIANA) .............................. 111

Annexe2 Entretien avec le vice-président de l’association des originaires d’Amtalaha .............................. 119

Annexe 3Entretien avec le président de l’association villageoise Antesaka Mangasoa 1 .......................... 129

Annexe 4 – carte de Madagascar. Origines et destinationsdes migrants ................................................... 132

Annexe 4 – Enquêtes panel de migrants .................................................................................................... 133

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REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont en premier lieu à Monsieur Francois Gemmene, mon directeur de mémoire, pour

son extrême souplesse et la grande autonomie dont il m’a permis de jouir dans le fil de ma réflexion.

.

Par ailleurs, le présent mémoire n’aurait pas vu le jour sans l’aide bienveillante et la compréhension d’un

certain nombre de personnes qui, par leur présence et leurs conseils, m’ont apporté leur soutien. Je pense à

Xavier Romeo Ramilasoa qui a bien voulu m’accompagner me servir d’interprète pendant mes enquêtes, à

Monsieur Herve, qui a pu aiguiller mon itinéraire d’enquêtes dans l’hinterland de Diego, et à Fransisco qui

m’a introduite en ‘terres Antesaka’ avec beaucoup de bienveillance.

M’excusant de ne pouvoir les citer tous, j’exprime également ma profonde gratitude à toute l’équipe du

programme PADSU Diego Suarez, par le biais duquel j’ai pu rencontrer et récolter nombres d’acteurs et de

documents ayant enrichi mes recherches.

Enfin, rien n’aurait été possible sans l’évacuation sanitaire de Christina Lejman, m’ayant permis d’accéder

au fond de la bibliothèque départementale de St Denis de la Réunion, ni à l’accueil de Marine Sigaut,

permettant la rédaction de ces derniers paragraphes à mon retour de Diego Suarez. Evidemment, j’adresse

la reconnaissance la plus profonde à ma mère Thérèse Masing pour son soutien au long de la rédaction du

présent mémoire, et pour tant d’autres choses.

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Introduction

« L’urbanisation massive et rapide du monde, ce que l’on peut

appeler la ‘révolution urbaine’ est l’une des mutations majeures de

l’histoire des sociétés, au même titre que la ‘révolution néolithique’ et

que les ‘révolutions industrielles’ ».

JANIN E. « La ville sous l’œil du géographe ». Cahiers philosophiques. No.118

(2009)

L’urbanisation du monde : défis et opportunités

Elle est érigée au même rang que le tournant de l’humanité vers la maitrise de sa production

alimentaire, ou de la manière dont la production de biens à l’échelle industrielle a irrémédiablement

changé les pratiques économiques et sociales à travers le monde. La croissance démographique des

villes est sous-entendue déséquilibrante et globale. Associée à une croissance démographique sans

pareil depuis les années 1980, la ville est synonyme de densité, de concentration, quelquefois de

saturation de population. Les révolutions soulèvent, de fait, des défis majeurs pour ses parties

prenantes. Pour Thomas Malthus, la croissance démographique est un facteur de risque à endiguer ; un

trop fort taux de croissance créant des distorsions sur la redistribution des moyens de subsistance, il est

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dans l’intérêt de l’humanité de modérer sa croissance afin d’éviter les pénuries, les soulèvements

sociaux et la misère. Ses détracteurs1 envisagent la problématique selon une perspective inverse: la

croissance démographique injecte d’autant plus de main d’œuvre sur le marché du travail que la

production de richesses ne peut que s’amplifier au bénéfice de tous. A l’échelle de la ville, c’est

précisément le défi que l’urbanisation fait planer sur le XXIème siècle, et les arguments que les uns et

les autres adressent au processus, selon qu’ils le louent ou le redoutent.

Avant d’entrer dans le cœur de la problématique, une réflexion préliminaire s’impose sur les

déterminants de l’urbain et de l’urbanisation. Quels dénominateurs communs de la ville à travers le

monde ? Nous nous intéresserons tout particulièrement au cas d’une ville secondaire de l’un des pays

les moins avancés, Madagascar. Il s’agira toutefois d’en comprendre les dynamiques, les enjeux et les

perspectives à la lumière d’études empiriques et de théories diverses, tant dans leurs particularités

spatiales que dans leur temporalité. Il est dès lors crucial de définir certaines similarités, afin de cadrer

théoriquement les ressources sur lesquelles pourra s’appuyer la construction de notre réflexion.

Plusieurs critères ont été, successivement ou complémentairement, utilisé pour distinguer la ville

d’autres espaces géographiques. Les critères de population, de densité démographique sont souvent

invoqués. La ville serait « l’agglomération des différences et la proximité physique de chacun à chacun

et de chaque objet à chaque objet »2. Mais selon les réalités nationales (population, taux d’urbanisation

notamment) la ville ne répond pas aux mêmes normes. Ainsi, le territoire urbain sud-coréen comprend

un minimum de 40.000 habitants, son homologue angolais à peine 2.0003, alors que 300 âmes suffisent

à recenser une ville islandaise. Un critère morphologique peut aussi définir la ville. Des murailles

séparaient ville et campagne en Europe et en Asie, jusqu’au XIXème siècle. Aux Philippines, le plan en

damier distingue l’espace urbain de la campagne4. Une entrée fonctionnelle permet d’affiner les

1Karl Marx, John Maynard Keynes, Ester Boserup entre autres

2Gilles Sautter cité par Eric Janin. « La ville sous l’œil du géographe » Op.cit

3 La transformation urbaine. L’Afrique Sub-saharienne, une géographie du changement. Ed. Armand Colin, 3eme edition. Pp143-172 4« Rural-urban interactions : a guide to the literature». TACOLI C., IIED

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contours de la ville ; en tant que « fonction générant de la valeur ajoutée »5, se distinguant des activités

agricoles ou d’extraction, la ville ne devrait comprendre plus d’un certain taux de main d’œuvre du

secteur primaire parmi ses rangs. Selon la Conférence de Prague de 1966, ce plafond serait de 25%

d’un groupement de citadins.

L’urbain connait donc des contours à géométrie variable selon le temps et l’espace ; ce n’est pas le cas

de l’urbanisation. En tant que ratio de la croissance démographique des villes par rapport à la

croissance démographique nationale, trois différentes formes de processus d’urbanisation sont

observables. La croissance naturelle des villes, concrétisée par un taux de natalité supérieur au taux de

mortalité des citadins, est généralement favorisée par un meilleur accès à des emplois dans le secteur

tertiaire, moins usant, et à de meilleures infrastructures de santé. L’urbanisation in situ représente un

second paramètre ; prenant en considération la définition nationale, certains villages peuvent au fil du

temps devenir des villes. L’évolution du taux d’emploi non-agricole ou de la population, parfois dû à

l’étalement de villes alentours, permet aux territoires de franchir la frontière urbaine. Enfin, et c’est sur

cette dernière facette de l’urbanisation que sera axée notre étude, le taux de croissance urbaine peut

être dynamisé - sinon bouleversé - par des intrants extérieurs, par des flux migratoires. Les habitants

des villages seraient exposés à des facteurs répulsifs de la campagne, et à d’autres, incitatifs, en faveur

de la ville (push and pull factors). La lutte contre la pauvreté et pour l’amélioration des conditions de vie

s’appuierait donc davantage sur la migration urbaine que sur « un hypothétique sursaut productif des

campagnes, dont la recette reste à inventer »6

Le cadre conceptuel des migrations est tout aussi relatif ; les flux migratoires ne connaissent pas une

trajectoire unilatérale. La migration est définie par le déplacement d’une personne ou d’un foyer lié à un

changement de lieu de résidence. La durée minimum permettant de passer du passage, ou des

vacances, à l’établissement du migrant est généralement établie à un an. Il est toutefois adressé que

5 La ville sous l’œil du géographe. Un entretien avec Eric Janin. Cahiers Philosophiques, N.118 PP 87-105, 2009/2 6« La pauvreté en milieu urbain : dynamique, déterminants et politiques ». RAZAFINDRAKOTO M. et ROUBAUD F. dans Madagascar face au défi des objectifs du millénaire pour le développement. Ed. IRD, Paris (2010)

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cette variable n’est pas universellement reconnue ; les connaissances sur les flux migratoires ne sont

donc pas nécessairement fondés sur des dénominations communes7. Au-delà même des définitions,

les motifs, les modalités et les expériences du parcours migratoire varient, les profils de migrants se

distinguent - de même que leurs impacts territoriaux, sociaux et économiques. « Inscrite sur le temps

long, l’urbanisation est une tendance lourde, mais le chemin de la ville n’est pas sans retour(s) et les

mouvements contradictoires d’une décennie à l’autre déroutent l’observateur et embarrassent le

prévisionniste8 ».

La gouvernance locale de l’urbanisation

Le ‘prévisionniste’ a un rôle crucial face au défi que pose l’urbanisation aux sociétés du monde entier.

En tant que révolution majeure, le processus d’urbanisation se caractérise par des évolutions

démographiques qu’il convient d’identifier et d’adresser selon les objectifs territoriaux et nationaux. De

ces ajustements dépendront non seulement les bénéfices dont pourront tirer les citadins, les villes, et

par extension, les économies nationales, mais surtout le contournement de débordements sociaux et de

la paupérisation des citadins dus à des pressions insoutenables sur les ressources, tels qu’anticipés par

Malthus ou scénarisés dans Soleil Vert9. Si les flux et les ajustements ont pu être relativement proactifs

et progressifs dans les pays occidentaux, contribuant à leur enrichissement depuis la révolution

industrielle et intensifiés depuis la seconde moitié du XXème siècle, le phénomène demeure autrement

moins maitrisé dans la majorité des pays du Sud. Des gouvernements hautement centralisés, auxquels

on peut également imputer un manque de ressources financières et humaines, et de déconcentration

aux niveaux locaux n’ont en général pas pu prévoir ni adapter les territoires urbains à la croissance qui

les frappaient localement. Les bailleurs de fonds internationaux n’ont cessé de chercher des recettes à

7BODPA A. Conférence « l’Afrique des migrations internes et de l’urbanisation » lors du cycle sur les Mutations silencieuses

de l’Afrique. Paris, 2007 8L’Afrique subsaharienne. Une géographie du changement. DUBRESSON A., MOREAU S., RAISON J.-P et STECK J.-F.

Collection U, 3eme édition. Armand Colin, Paris (2011) 9Roman, puis film d’anticipation (Richard Fleischer, 1973) du New-York de 2022.

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adresser au sous-développement des pays les moins avancés, notamment en Afrique sub-saharienne.

Parmi les remèdes présumés au manque de croissance économique et de développement humain de

ces populations, les mantras de bonne gouvernance et de décentralisation font leur apparition au début

des années 1990. La Banque Mondiale envisage la bonne gouvernance comme de celles promouvant

(…) une position minimaliste de l’intervention de l’Etat (…), la

construction de la démocratie du sommet à la base, par la réforme

des institutions de l’Etat afin de les rendre plus représentatives,

responsables et transparentes. Dans cette stratégie, la ‘bonne

gouvernance’ est fondée sur trois piliers : les élections et les partis

politiques ; les institutions de l’Etat ; la société civile.

« Bonne gouvernance versus démocratie : les rhétoriques de la banque mondiale

et des ONG du Nord face aux réalités » dans La démocratie au péril de

l’économie. CASTEL O. (2006)

La bonne gouvernance, si elle transcende la pyramide de l’Etat - du gouvernement central jusqu’aux

populations de base - en passe donc pas la décentralisation des pouvoirs et des prérogatives

publiques. De façon large, la décentralisation peut se manifester par « le transfert de pouvoirs

administratifs, budgétaires (délégation des ressources et des capacités à exercer des activités

rémunératrices) et politiques (délégation du pouvoir de prise de décisions)10 ». Rapprochant les

représentants de l’autorité et les centres de décision des administrés et des défis au développement

local, le processus de décentralisation introduit de nouveaux acteurs du développement, investis de

nouveaux pouvoirs : les collectivités décentralisées. Les formes varient selon les pays, mais l’on

retrouve généralement des échelons territoriaux équivalents aux régions, aux provinces et aux

communes.

Si l’on considère l’urbanisation et la décentralisation comme des pré-requis au développement, les pays

les moins avancés sont probablement ceux pour qui ces défis sont les plus décisifs. Depuis 1980,

Madagascar est le huitième pays le moins performant en termes de croissance de revenu par

10 « Décentralisation et réduction de la pauvreté » JUTTING J. CORSI E. et STOCKMAYER A. Repères No.5 Centre de Développement de l’OCDE (2005)

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habitant11. Le pouvoir d’achat de la population a été divisé par trois entre 1950 et 2010, alors que la

moyenne, pourtant basse de l’Afrique subsaharienne, a presque triplé sur la même période12. Seul pays

parmi les 10 plus pauvres en termes de PIB/habitant à ne pas pouvoir invoquer de conflits armés dans

son histoire récente pour expliquer une telle involution, la source de ses maux résiderait dans « une

extrême présidentialisation, une personnalisation des institutions, une centralisation et concentration du

pouvoir et la coupure extrême entre les élites et la population13 ». Le rôle émergent des collectivités

décentralisées depuis l’élaboration du document de politique nationale de déconcentration et de

décentralisation (PN2D) en 2007 permet donc d’envisager de nouvelles pratiques d’élaboration des

projets de développement à Madagascar. Au plus proche des évolutions démographiques, sociales,

économiques et de leurs impacts locaux, les communes malgaches se présentent donc comme une

alternative désespérément attendue au pouvoir centralisé qui contribua au sous-développement quasi-

ininterrompu du pays depuis son indépendance. Parmi les challenges qu’elles auront à relever, cette

fameuse révolution urbaine, auxquels les pays les plus pauvres n’échappent pas. Les communes

urbaines sont naturellement à l’avant-garde des répercussions de la dynamique d’urbanisation. Bien

que le taux d’urbanisation de Madagascar soit parmi les plus faibles au monde (28% en 2008), son taux

de croissance, de l’ordre de 5% entre 1990 et 201114 laisse à présager une intensification rapide du

phénomène urbain. Alors que la grande majorité des malgaches est encore rurale, nous nous sommes

intéressés à la ville intermédiaire de Diego Suarez (Antsiranana) ; fleuron de la flotte française du temps

de la colonisation, cette ville septentrionale d’environ 127.000 habitants en 2013 présente plusieurs

spécificités. Un cosmopolisme étonnant dans un pays ou les migrations internes demeurent rares, des

taux de croissance démographique relativement important (de l’ordre de 4%) et - espèce en voie de

d’extinction depuis la transition politique initiée en 2009 - un maire élu à la tête de la commune.

11 Devant le Liberia, la République Démocratique du Congo, la Cote d’Ivoire, Djibouti, le Niger et la République Centre-africaine. « Pour que la roue tourne…aussi à Madagascar » MORISSET J. dans Madagascar, vers un agenda de relance économique. Banque Mondiale (2010) 12 « Institution, gouvernance et croissance de long terme a Madagascar : l’énigme et le paradoxe » RAZAFINDRAKOTO M., ROUBAUD F et WACHSBERGER J.-M. IRD et DIAL, (Avril 2013) 13

Ibid. 14 Données UNICEF consultées le 4 mai 2013 sur http://www.unicef.org/french/infobycountry/madagascar_statistics.html. Plus que les 3% enregistrés par le Bangladesh, 2% pour l’Egypte ou la Colombie. Même source.

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Les migrations rurales-urbaines – cadre théorique

Un courant néoclassique, popularisé par les analyses de John R. Harris et Michael Todaro dans les

années 1970 théorise les décisions économiques migratoires, tentant notamment d’expliquer la

corrélation entre fort taux de chômage et persistance de l’immigration vers les centres urbains.

L’attraction vers la ville malgré la saturation de l’offre foncière, des services et de l’emploi tiendrait

principalement sur le niveau d’écart des salaires espérés entre lieux de provenance et de destination.

Reposant quasi-exclusivement sur les théories push et pull d’E.G. Ravenstein datant de plus d’un

siècle, le modèle manque d’adresser le choix pour une localisation spécifique, ainsi que des facteurs

annexes dans la décision migratoire, ainsi que les modalités et la potentielle réversibilité du processus.

Dès les années 1980, la nouvelle économie des migrations économiques15 intègre des facteurs

supplémentaires pour expliquer les décisions migratoires, dont les rapports sociaux entretenus tant sur

le territoire de départ que de destinations. Les questions de réseaux, de capital social des migrations et

des liens économiques avec le village16 complexifient une approche purement économique des

mobilités humaines. Dans la même veine, Akin Mabogunje introduit l’idée de théorie des systèmes17 ; la

décision migratoire répond à une structure et des stimuli complexes en provenance des deux territoires,

et produits par un nombre d’acteurs multiples ; il appuie notamment l’idée que la migration est une

décision prise de concert, une source de diversification des risques et des revenus collectifs. De

nombreux auteurs ont progressivement déploré le cloisonnement du développement rural et du

développement urbain, alors même que les migrants personnifient les interactions et les répercussions

des évolutions sur différents territoires. La question du développement territorial, du rôle des centres

urbains secondaires (villes intermédiaires) dans le développement de leur hinterland, ainsi que les

migrations circulaires et pendulaires ont pu apporter davantage de perspective à des flux représentés

15New economics of labor migration 16 STARK O. et BLOOM D.E «The new economics of labor migration» AEA Papers and Proceedings, American Economic Review (1985) 17«Planning for internal migrations: a review of issues and policies in developing countries»U.S Department of Commerce, Bureau of the Census.(1977)

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jusqu'alors comme indifférenciés et irréversibles. Faisant fi d’un certain biais métropolitain18, la question

des petits centres urbains, du rôle des gouvernements locaux et du développement régional a

progressivement gagné en visibilité et en considération19. La plupart de la littérature faisant la part belle

à l’impact des flux migratoires sur la ville, nous nous sommes également intéressés à des ouvrages

changeant de lentille ; le rôle de l’espace urbain comme tremplin20 - défini comme tissu de relations

humaines, de mécanisme d’entrée, de plateforme de l’établissement urbain et surtout, comme artère de

mobilité sociale - pour l’amélioration durable des conditions de vie des migrants aura également

influencé nos recherches et l’angle de notre réflexion.

La gouvernance des flux migratoires à Diego Suarez – méthodologie de

recherche

Des lectures générales et spatialement indifférenciées nous ont permis, dans un premier temps,

d’appréhender de façon empirique les réalités des villes du monde en développement. Certains

ouvrages à visée théorique et de nombreux rapports thématiques d’agences de développement

régionales et internationales nous ont également servi, tant en amont que parallèlement à la collecte

d’informations primaires sur le terrain, à prendre de la distance sur le cas diégolais, de mieux apprécier

les tendances globales et les caractéristiques profondes de la ville malgache objet de notre étude.

En nous interrogeant sur la possibilité pour une commune décentralisée de maitriser et tirer profit des

flux migratoires qui la visent, nous avons été confrontés à plusieurs réalités : comme partout à

Madagascar et spécifiquement en dehors de Tananarive, la collecte de données et la littérature

18 L’engouement disproportionné des chercheurs et décideurs urbains pour les mégapoles. « Is there a metropolitan bias ? the inverse relationship between poverty and city size in selected developing countries » Banque Mondiale (2010) 19«Outside the large cities.Annotated bibliography and guide to the literature on small and intermediate urban centres in the Third World». BLITZER S., DAVILA J., HARDOY J.E et SATTERTHWAITE D. Human Settlement Program, IIED. Londres (1988) 20 La notion et la definition de SAUNDERS D. Arrival city : the final migration and our next world Ed. Alfred A. Knopf, Toronto (2011)

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spécialisée contemporaine sont quasi-inexistantes ou peu fiable. Alors que la connaissance des profils

et des pratiques migratoires est indispensable à la programmation de politique prenant en considération

les évolutions démographiques, sociales et économiques du territoire, le déficit d’information disponible

est manifeste. Ni les documents, ni les informations concises sur la provenance, la diversité, les impacts

des flux migratoires à destination de Diego n’étaient à disposition des collectivités locales (commune

urbaine, région), des partenaires du développement opérant sur le terrain ni des services déconcentrés

de l’Etat. Les organisations de ressortissants elles-mêmes n’établissent aucune statistique à l’aide des

informations qu’elles recueillent de leurs membres. Sans une telle base de données préliminaire, il est

apparu très difficile d’aborder les migrations à Diego de façon holistique. Par faute de ressources et de

temps, il nous était impossible de mener les enquêtes nécessaires pour dresser une taxonomie

complète des profils migratoires à l’échelle urbaine. La parade envisagée a été de s’appuyer sur

différents échantillons de migrants. Sans prétendre adresser la problématique migratoire locale de

manière exhaustive, ces trois panels nous ont permis de saisir les caractéristiques propres de chaque

groupe, mais aussi leurs points de convergence. Le choix des profils de migrants, voulu numériquement

significatifs à l’échelle de la ville, s’est fait selon plusieurs facteurs. Les originaires de l’hinterland de

Diego étaient un profil évident. Géographiquement privilégié, il semblait logique qu’une majorité des

migrants sur le territoire urbain en soient originaires. Les deux autres catégories ont été déterminées

après un passage au bureau 53 du bloc administratif. Le bureau du district, où sont enregistrées les

associations locales, nous a permis de jauger de l’importance de certaines associations de

ressortissants, ainsi que du nombre de leurs membres. Aussi, nous nous sommes intéressés aux

ressortissants de l’ethnie Antesaka de la région de Vangaindrano dans le Sud-est de l’ile, ainsi qu’aux

originaires d’Antalaha (région SAVA), sur la côte de la vanille, au Nord-est. Nous avons pu approcher

les migrants après un entretien exploratoire, de type semi-directif, avec leur représentant associatif

(président ou vice-président), nous permettant de mieux apprécier les singularités de leur parcours

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migratoire. Les données récoltées dans le cadre d’enquêtes directives quantitatives sont résumées

sous forme de tableau et annexées en fin de mémoire.

Un intérêt pour les informations, mais également pour le manque d’informations de la commune sur les

évolutions (migratoires, entre autres) de la ville a également donné lieu à divers entretiens semi-directifs

avec des agents institutionnels. Le maire, certains chefs de quartiers, le coordinateur du schéma

régional d’aménagement du territoire ou le responsable de la direction interrégionale de la

décentralisation nous auront donné l’occasion de comprendre les relations fonctionnelles et la

distribution des responsabilités entre différents échelon administratifs locaux. L’accès à des rapports,

conventions et autres documents techniques de certains de ces bureaux a été très précieux en termes

de chiffres, de tendances et d’évolution des pratiques communales à l’égard de sa population et du

développement du territoire. Pour des raisons de confidentialité ou de consultation ‘sur place’, il ne sera

pas possible de tous les inclure dans les annexes de notre document de recherche.

Malgré nos quelques mois d’enquêtes et de vie de terrain, il s’avère délicat d’adresser les questions de

spécificités culturelles avec objectivité ; pour adresser les pratiques institutionnelles et associatives

malgaches de façon universitaire, nous nous sommes donc efforcé de nous appuyer sur une littérature

sociologique, plus ou moins contemporaine, afin de comprendre les causes et les manifestations

concrètes de traits culturels spécifiques impactant la vie et les pratiques publiques.

L’objet de notre réflexion

Si l’urbanisation est un processus aussi incontournable que déstabilisant, il est également présenté en

bien des lieux comme moteur de croissance, de développement économique et humain. Phénomène

principalement exogène dans le cadre de notre étude, il appartient aux autorités délibérantes d’en

comprendre les dynamiques locales afin d’en tirer parti plutôt que d’en payer le prix.

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A la lumière des tendances globales d’urbanisation, de mobilité et de localisme, de constance nationale

d’involution et de différence locale de cosmopolisme, nous nous demanderons dans quelle mesure la

ville de Diego Suarez a les ressources nécessaires pour mettre en œuvre un développement

local en tirant parti des flux migratoires qui touchent son territoire. Inscrit dans le cadre du

développement local, la commune reste maitre d’ouvrage du changement, mais considérant la ville

comme territoire – non comme institution – la mairie ne sera pas le seul acteur sur lequel portera le

déroulement de notre réflexion.

Dans une première partie, nous nous intéresseront aux deux principaux objets de notre étude : les

déterminants de l’attrait vers le centre urbain et les spécificités des échantillons de migrants étudiés,

avant d’analyser leurs influences mutuelles, espérant ainsi mettre en exergue le champ des possibles a

gouverner, juguler ou optimiser par, et au bénéfice de la ville. Dans un deuxième temps, nous nous

focaliserons sur les pratiques de gouvernance urbaine à Diego ; nous verrons que la mise en œuvre

d’une décentralisation inaboutie et le manque de redevabilité des autorités de part et d’autres découle

et entretient une absence de projet de société préoccupante, avant de s’interroger sur le rôle de la

société civile en tant que garde fou d’un tel attentisme. Nous conclurons en s’interrogeant sur le

potentiel que les initiatives migrantes, de par leurs réseaux et le capital social accumulé, pourraient

apporter à la ville en terme de mobilisation et de coproduction du développement local.

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PARTIE I :

La ville et les

nouveaux arrivants :

évolution des

paradigmes

migratoires sur

Diego

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Chapitre 1 Une polarisation urbaine des flux migratoire :

le cas de Diego Suarez

1 Introduction au « magnétisme » urbain

1.1 L’attraction vers la ville

Le rôle majeur, émergent et progressivement globalisé des villes est largement expliqué par

l’observation historique, les réflexions théoriques et les études empiriques des cent dernières années.

Les densités de populations – main d’œuvre et consommateurs - intrinsèques à la ville engendrent des

économies d’échelle, de réseaux et d’agglomération favorisant davantage d’efficience dans la

distribution de biens et de services. L’adéquation de l’offre de main d’œuvre et la demande des

marchés, ainsi que la diffusion d’idées, de connaissances et d’informations renforcent les opportunités

et les flux juste cités. Non seulement le pôle urbain permet la concentration de ces intrants classiques,

mais il favorise un développement endogène ou les ressources concentrées sont utilisées de façon

autrement innovantes et efficientes21. Le processus d’urbanisation est vendu comme une étape

incontournable au développement des nations. Mieux, la ville serait la plus grandiose des créations

humaines, [de celles qui rendent l’humanité] plus riche, intelligente, écolo, saine et épanouie.22 Les

stratégies individuelles semblent converger avec la théorie. Comment justifier, autrement, que la

majorité absolue de l’humanité soit citadine23, que la population urbaine croisse deux fois plus vite que

21 ”The Urban Transition in Sub-Saharan Africa : Implications for Economic Growth and Poverty Reduction”. Banque Mondiale, Decembre 2005 22 The Triumph of the City : How Our Greatest Invention Makes us Richer, Smarter, Greener, Healthier and Happier. GLAESER E.. Ed. Penguin( 2011) 23 Depuis 2007 (truc de L’ONU)

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la population mondiale24, que les zones urbaines des pays du Sud se développent d’autant plus vite, de

l’ordre de cinq fois le taux des villes des pays développés25 ?

L’urbanisation, en tant qu’objet théorique, créée donc un cercle vertueux de création et d’attraction de

capitaux, de services, de main d’œuvre et de consommateurs, tous favorable au développement

économique des parties-prenantes urbaines.

En tant que processus socio-économique, elle connait néanmoins des trajectoires bien moins linéaires :

les pessimistes la présentent comme «gouffre de l’humanité26 », « reflet du mal développement et le

prix de la modernité27 », tandis que pour d’autres, « la ville n’est pas un problème, elle est une

solution ». A la décharge de tous les points de vus exprimés, les dynamiques rurales-urbaines et des

processus d’urbanisation, pris marginalement, ne présentent pas de conséquences similaires en terme

de réduction de la pauvreté, de développement local et national. Les modèles selon lesquels le monde

s’urbanise seraient alors bien plus éloquents que l’urbanisation, en tant que simple état de fait. Parmi

les innombrables théorisations du phénomène, la distinction entre urbanisation technologique et

urbanisation démographique28 résume bien les enjeux que posent les flux migratoires à destination de

la ville aujourd’hui. L’urbanisation technologique suppose une planification, une réponse qualitative aux

évolutions démographiques de la ville. Les différents acteurs du territoire urbain s’adaptent aux flux

migratoires en offrant davantage de services et d’emploi – le territoire produit plus de richesses, attire

davantage de migrants contribuant à produire davantage. L’urbanisation démographique est un

processus quantitatif, spontané et hors de contrôle, qui caractérise actuellement la majorité des villes

des pays en développement. Le territoire urbain n’est pas préparé à accueillir de tels flux humains, il

24 La ville sous l’oeil du geographe. Entretien avec Eric Janin. Op.cit. 25 Governance on the Ground: Innovations and Discontinuities in Cities of the Developing World. McCARTNEY P. et STREN R. Woodrow Wilson International Center for Scholars (2003) 26Emile ou De l’éducation, Rousseau J.-J (1762) 27 Tourraine 28 « Quelques problèmes des les grandes villes dans les pays sous-développés » SANTOS M. Revue de Géographie de Lyon(1961)

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n’offre « qu’une matrice d’emplois informels médiocres, même si l’accumulation de population est

source de services »29

La planification économique de la croissance urbaine à elle seule ne suffirait d’ailleurs pas à endiguer

les poches de pauvreté, d’exclusion sociale, d’insalubrité et de violence que connaissent les grandes

villes en développement. La croissance économique urbaine, en top de liste des plans nationaux de

développement, est trop souvent associée à la montée des inégalités sans pour autant endiguer la

pauvreté à moyen terme, en ce qu’elle sous-estime les dimensions sociales, culturelles, politiques et

psychologiques des transformations spatiales en cours30. Il convient donc d’adresser spécifiquement et

de façon holistique la problématique urbaine afin d’espérer lutter contre la pauvreté nationale et

favoriser une progression du développement humain via l’urbanisation du monde. Différentes stratégies,

dont la multiplication de centres urbains de moindre échelle (voir villes intermédiaires), le choix de

politiques ‘pro-pauvres’ ou l’investissement dans la gouvernance territoriale (en deuxième partie)

peuvent favoriser ce développement inclusif.

Etonnamment, les politiques de la ville et les programmes de développement urbain ont longtemps

semblé ne pas figurer sur l’agenda des décideurs politiques malgaches (ni étrangers, ni des bailleurs

des fonds, ni même des autorités locales urbaines). La pauvreté la plus criante se trouvait ailleurs,

passée la route de l’aéroport et des quartiers périurbains engorgés – avec quelques 80% des pauvres

mondiaux dans les zones rurales - tandis qu’à peine 19% des pauvres résideraient en ville31.La

littérature du développement des années 1960 et 1970 offre ainsi une vision bipolaire de la pauvreté ;

tandis que les campagnes stagnent dans la misère, certains universitaires pointent des politiques

économiques nationales biaisées au profit de la ville, favorisant une croissance rapide et

29Op.cit. 30Managing Social Transformations in Cities.A Challenge to Social Sciences.Sachs-Jeantet C. UNESCO ( 1997) 31 “New evidence on the urbanization of poverty” RAVALLION M., CHEN S. et SANGRAULA P. Development Research Group, The World Bank (2007)

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géographiquement localisée creusant les inégalités spatiales, au détriment d’un développement durable

et équitable pouvant profiter au plus grand nombre, dont à la majorité rurale de la population32. Les

programmes nationaux de développement, tout autant que les domaines d’interventions de la plupart

des organisations non gouvernementales reflètent assez fidèlement cette vision ruralo-pessimiste,

investissant principalement dans des programmes d’agriculture (durable, équitable, coopérative,

intensive, chimique…). Les programmes dédiés à l’environnement urbain y sont plus marginaux. Dans

les décennies suivantes, la pauvreté rurale a connu un relatif déclin ; en 2002, on ne recensait ‘plus

que’ 75% des pauvres en zones rurales33. Pourrait-on donner raison aux défenseurs de la théorie du

biais urbain ? Leur approche aurait-elle contribuée à inverser la tendance et améliorer le sort d’une

partie des ruraux les plus défavorisés ?

Nous n’apporterons pas de réponse à cette question cartésienne, mais en limiterons la portée. Au-delà

des programmes de développement rural, il semblerait que le principal facteur de la baisse de la

pauvreté rurale soit justement l’urbanisation. Autrement dit, la pauvreté n’a pas décru- elle a migré.

Aussi, à la même époque où l’on pouvait se féliciter d’une baisse de la pauvreté rurale, les taux de

pauvreté urbaine avaient augmente de 7 points à l’échelle planétaire34. Certaines régions, telles que

l’Asie centrale ou l’Amérique Latine, connaissent en fait des taux de pauvreté urbaine record (avec,

respectivement 63,5% et 76,2%35) forçan t à une remise en question de la relative prospérité urbaine,

créditée quelques décennies plus tôt. Dans les villes malgaches, plus d’un tiers de la population vit déjà

en dessous du seuil de pauvreté36.

Cela est d’autant plus inquiétant que Madagascar n’a pas encore fait l’expérience des vagues

d’urbanisation massives recensées dans d’autres pays d’Afrique. Si le Benin ou le Cameroun affichait

32“Urban bias and food policy in poor countries” LIPTON M. Vol. 1 Issue 1.Food Policy (1975) 33 Voir Ravallion et al, Op.cit 34Soit 26%. Ibid. 35 “Is There a Metropolitan Bias ?The inverse Relationship between Poverty and City Size in Selected Developing Countries”. Banque Mondiale, Decembre 2010 36“The Urban Transition in Sub-Saharan Africa : Implications for Economic Growth and Poverty Reduction”. World Bank, (Decembre 2005)

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dans les années 1960 les mêmes taux d’urbanisation dérisoires que Madagascar, ils enregistraient

respectivement 40 et 54% en 2008. Madagascar, elle, ne dépasse pas les 28% de population urbaine.

L’involution ininterrompue de l’économie malgache en serait la responsable ; croissance économique et

urbanisation sont souvent deux faces d’une même pièce. L’absence de bidonville et de taux de

criminalité galopant semble suggérer aux décideurs que l’urgence est ailleurs, alors que les prévisions

sont sans appel : en 2025, plus d’un malgache sur deux sera citadin37.

L’attraction vers la ville, l’urbanisation des pays les moins avancés est autant une immense opportunité

de développement national et local, qu’un défi inédit en termes de gestion et de gouvernance des

évolutions démographiques et sociales que le phénomène traine dans son sillon. ‘Forte’ d’un certain

retard sur les tendances observées de par le monde - tantôt gentrifiées et explosives dans les pays

occidentaux tantôt spontanées et engorgées dans d’autres pays en développement – Madagascar

devrait tirer des enseignements des conséquences d’un désintérêt pour des politiques inclusives de la

ville. A la lumière des faibles taux d’urbanisation, il est encore temps d’enclencher une dynamique

proactive, une gestion anticipée des flux migratoires à venir.

Tout d’abord, l’expérience mondiale semble signifier que ces flux sont inéluctables. Bien que les

certitudes ne soient pas légion en sciences humaines, il était déjà question il y a 50 ans de

‘l’irréversibilité fatale de l’urbanisation’.38 Et pour cause. La croissance démographique mondiale est

toujours plus élevée dans les zones rurales, alors que les surfaces agricoles et le manque d’alternative

économique ne permettent pas d’absorber toute la population sur le marché de l’emploi local. La théorie

néo-classique des migrations appuie également non seulement le caractère incontournable, mais

surtout le bien-fondé des migrations et de la conversion d’un surplus de main d’œuvre agricole à des

fins plus productives dans le secteur industriel – principalement en zone urbaine pour des économies

d’échelle. Même lorsque la ville ne répond pas à des critères de production, et joue davantage un rôle

37 Madagascar face au défi des objectifs du millénaire pour le développement. Ouvrage collectif, IRD Editions, 2010. 38Fatal irreversility of urbanization. Polanyi, (1944 )

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de centre de consommation, la circulation de capitaux et l’offre de services crée davantage de richesses

et d’opportunités économiques pour la main d’œuvre rurale excédentaire39.

Tous les signes pointent vers la ville comme condition nécessaire au développement. Est-elle pour

autant une condition suffisante ? La littérature sur les mégalopoles, l’étalement inexorable des

bidonvilles, la préoccupation croissante de la misère et des violences urbaines tendent à mitiger ce

constat. L’échelle, la cohésion et les fonctions de la ville semblent alors des déterminants clés dans le

développement, ou non, du territoire.

1.2 La plus-value de la ville intermédiaire

L’hypertrophie des mégapoles n’ayant pas su prévenir une urbanisation massive offre aux villes de

moindre importance, encore faiblement peuplée (particulièrement dans le cas de l’Afrique, et àplus forte

raison dans celui de Madagascar) l’opportunité de mieux préparer la transition urbaine, voire d’en tirer

profit en termes de développement économique et social.

La problématique de l’urbanisation semble donc être moins celle de l’évolution démographique que

celle de la gestion de telles évolutions à l’échelle de la ville. En la matière, et en dépit d’une littérature

faisant la part du lion aux mégapoles, une ébauche de solution semble résider dans la promotion et le

renforcement institutionnel des villes de moindre ampleur. La question, notamment, des modalités d’un

processus d’urbanisation ‘plus équilibré et durable’40à travers des villes de taille intermédiaire gagne

progressivement du terrain dans le spectre des académiques et des operateurs du développement. Les

39 “Urbanization, a Magic Bullet for African Growth ?On Cocoa and Cities in Ivory Coast and Ghana”.JEDWAB R. 2010 40« Villes intermédiaires et urbanisation mondiale »UNESCO, (1999)

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villes secondaires offriraient le terreau d’‘une situation urbaine mieux administrée, avec des villes plus

petites, étendues et décentralisées’41

La ville intermédiaire semble donc offrir les pré-requis d’une urbanisation plus aisément gouvernable,

plus rapidement profitable. Loin d’être une panacée toutefois, des politiques restrictives ou, comme cela

est davantage le cas dans les pays en développement, de laissez-faire des administrations locales et

centrales pourraient bien faire des villes secondaires les villes principales et chaotiques de demain. Si

leur échelle est encore réduite, les services fournis relativement adaptés à la population, la croissance

démographique que les villes secondaires du monde subissent pourrait rapidement changer la donne,

mutant sournoisement en grands pôles urbains anarchique et faisant connaitre à ces petits centres

urbains les mêmes maux sociaux, sanitaires et économiques que les grandes villes des pays pauvres.

We should thus not overlook the fact that there are there thousands

of cities and towns growing at a very fast pace that cannot afford to

make the same mistakes that other cities made in the past ; they

represent an opportunity to set a more equitable path for their future

development. The experience of the larger cities – for better or for

worse – has much to teach those cities that are just now reaching

the threshold of size and importance.

Tiré de Governance on the Ground: Innovations and Discontinuities in Cities of the

Developing World. MC CARTNEY P. et STREN R.Ed. John Hopkins University

Press (2003)

Le relatif désintérêt pour la ville intermédiaire ces dernières décennies est troublant, compte tenu de la

part importante des citadins peuplant ces espaces urbains secondaire. En l’an 2000, 56% de la

population urbaine habitait ces espaces urbains – dont une majorité des villes commerciales entre

5.000 et 200.000 habitants42. La croissance des mégapoles a globalement été décroissante depuis les

41 Déclaration du Secrétaire General d’UN HABITAT, processus de préparation d’Habitat II (1996) 42“The urban part of rural development: the role of small and intermediate urban centres in rural and regional development and poverty reduction” SATTERTHWAITE et al. IIED (Mai 2003)

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années 199043.Dans le même temps, plusieurs chercheurs déplorent que la quasi-totalité des bases de

données et des publications internationales ne reflètent que la réalité des villes de plus de 500.000, voir

d’un million d’habitants44 (les fameuses mégapoles). Peut-être la discrétion de la ville intermédiaire est-

elle aussi attribuable aux contours poreux de sa définition. Tout comme le village devient la ville selon

des critères particuliers à chaque pays, la notion d’intermédiaire n’a de sens que lorsqu’elle est

contextualisée par rapport à deux extrêmes. S’il est question de contexte, nous pouvons déjà avancer

qu’il n’y a pas qu’un modèle de ville intermédiaire, mais que celui-ci dépendra des intervalles dans

lesquels il s’insère.45Dans le cadre de notre réflexion, nous nous alignerons aux intervalles fixées par le

département des sciences sociales de l’UNESCO, qui, dans le cadre du programme CIMES, ancre les

villes intermédiaires comme étant

De moins de 500.000 habitants, ayant un rôle territorial clair,

[n’étant] pas elles-mêmes des capitales d’Etats, mais [équivalant] à

une vaste zone métropolitaine dans leur région géographique46.

Selon la définition choisie, la ville intermédiaire se définirait non seulement de par sa relative densité ou

sa population, mais également par les nœuds et réseaux qu’elle entretient avec les zones

d’approvisionnement rurales qui l’entoure et d’autres zones urbaines qui lui seraient complémentaires.

Elle servirait d’alternative à la ville saturée, diminuerait les effets de polarisation et d’inégalités spatiales

et économiques, et concourrait à un certain ‘rééquilibre territorial’47. La question des flux migratoires n’y

serait pas uniquement abordée de façon unilatérale, mais contribuerait à une réflexion territoriale sur le

développement régional, où centre-ville et hinterland seraient économiquement interdépendants.

La ville intermédiaire ne bénéficie généralement pas du même rayonnement que la capitale d’Etat et les

principaux centres urbains. Son pouvoir d’attraction est relatif, et la concurrence inter-migrants plus

43Afrique Sub-saharienne, géographie du changement. P 150. Op.cit 44 Africapolis, urbanization trends 1950-2020. A geo-statistical approach. AFD 45UN villes intermediaries.Op.cit 46Ibid. 47Ibid.

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limitée. Si l’on considère la décision migratoire comme principalement – quoique non-exclusivement –

d’ordre économique, il apparait encore une fois rationnel que les individus à la recherche d’opportunités

professionnelles se dirigent vers des centres où le marché du travail n’est pas saturé par les flux

migratoires. Plusieurs enquêtes attestent que les taux de pauvreté et de chômage diminuent plus

fortement chez les migrants ayant élu domicile dans une ville secondaire, plutôt que dans l’une des trois

principales villes du pays. En Tanzanie par exemple, les migrants des villes secondaires enregistrent

des taux de chômage trois fois inférieurs aux migrants des grandes villes; la moitié d’entre eux sont

sortis de la pauvreté alors qu’un septième seulement des migrants de la capitale a connu le même

sort48.

La migration guidée par la volonté d’amélioration du cadre de vie répond à la même logique : l’accès à

des services et infrastructures de base semble plus aisée dans une zone urbaine, même moyenne, qu’à

la campagne où les faibles densités démographiques rendent de telles infrastructures très couteuses. Si

le développement d’infrastructures peut s’avérer plus limité dans les villes moyennes que dans les

principales villes, il n’en va apparemment pas de même concernant le nexus environnement urbain et

santé. Malgré la présence de nombreux hôpitaux, dispensaires et de médecins qualifiés dans les

grandes villes, les taux de mortalité infantile y sont plus prononcés que dans les centres urbains de

moindre ampleur. Cette toute relative prospérité, la possibilité « d’étendre » la ville au travers de

quartiers périphériques sans dramatiquement s’éloigner du centre, ni atteindre des niveaux de densité

démographique insupportables, soutient également une certaine plus-value pour la ville intermédiaire.

Indépendamment du contexte national dans lequel elle s’insère, la ville intermédiaire présenterait une

version édulcorée des réalités crues et des superlatifs accablants dont recèlent les grands pôles

urbains. Loin de la mégapole et de ses banlieues tentaculaires, la ville intermédiaire permettrait une

gouvernance plus aisée et équitable du territoire. L’échelle réduite et le rapprochement des

48“Urbanization and Poverty Reduction.The Role of Rural Diversification and Secondary Towns”. Policy Research Working Paper, Banque Mondiale (April 2013)

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représentants politiques locaux de leurs administrés favoriseraient la création d’instances de

concertation et un développement inclusif communal, où natifs et migrants seraient acteurs des

évolutions et des adaptations du milieu urbain. Une participation accrue aux affaires publiques

renforcerait le sentiment d’appartenance au territoire, et conforterait une cohésion sociale indispensable

au développement viable et équitable de la ville. Le mode de gouvernance supposément aisé des villes

intermédiaires seraient propice aux « expérimentation d’alternatives aux notions d’urbanité, de

cohabitation et de gouvernement vers une meilleure qualité de vie »49.

A l’heure où le développement local ne peut être abordé sans faire référence à la gouvernance du

territoire, cette facilité d’articulations entre acteurs institutionnels et citoyens ne peut qu’être louée. Loin

du pouvoir central, suffisamment proche des lieux de vie et de survie, les élus des villes intermédiaires

auraient entre leurs mains le potentiel de territorialiser les politiques publiques, d’adapter les

orientations stratégiques aux besoins identifiés à l’échelon local, et d’impliquer les habitants aux

processus de décisions50. Si les maux urbains sont principalement ceux d’un développement à deux

vitesses, de territoires ségrégués, d’une saturation des services et de l’inadéquation des opportunités et

des besoins, la promotion de communes à taille humaine, soucieuses, capables et proactive en termes

de développement inclusif pourrait être une piste sérieuse.

En effet, si l’on considère la problématique de l’urbanisation « non pas comme une simple question de

croissance urbaine, mais comme l’inadéquation entre les évolutions démographiques et les évolutions

institutionnelles51 » des communes, la ville intermédiaire, et plus particulièrement la ville intermédiaire

malgache qui ne connait pas encore d’afflux massif de population, peut plus aisément anticiper ces

changements institutionnels, se préparant à des changements démographiques inéluctables.

Malgré le potentiel que nous venons de brosser, la ville intermédiaire fait face aux mêmes défis que la

‘grande’ ville, quoiqu’a une autre échelle, tandis que certains auteurs leur adressent d’autres faiblesses

49Ibid. 50Sociologie des villes, 3eme edition. FIJALKOW Y. Ed. La Découverte, 2007 51 Arrossi et al. (1994 )

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dont il convient de discuter. La pauvreté semble proportionnellement plus généralisée, et plus profonde

dans les villes petites et moyennes qu’au sein des grandes métropoles52. Ces résultats, contredisant

d’autres études de la même institution53, ont toutefois du sens si l’on se base sur une approche non-

monétaire de la pauvreté, telle que l’accès aux services et infrastructures de base (éducation, eau

potable sanitaires et tout à l’égout, ramassage des déchets, électricité…), présent dans les villes

intermédiaires, mais moins systématiquement subventionné par le gouvernement central ou moins

généralement financés par les autorités locales. Le manque de ressources mobilisées, ou allouées aux

villes intermédiaires représente un défi majeur au développement local urbain. Ironiquement, plusieurs

études comparatives attestent que le coût marginal des services publics, tels que la santé, l’éducation

ou les transports, serait plus bas dans les centres urbains de moins de 250.000 habitants54, renforçant

le postulat des fortes potentialités des villes intermédiaires, qu’il reste toutefois à exploiter et appuyer. A

cet égard, le fameux biais urbain serait donc répliqué à l’encontre des villes moyennes, créant une sorte

de biais megapolitain55. Malgré les données empiriques confortant l’idée de taux de criminalité moins

préoccupants dans les villes secondaires que dans les principaux centres urbains, elles ne sont pas

systématiquement à l’abri de débordements sociaux liés à la paupérisation et la saturation progressive

des infrastructures, du marché de l’emploi et du territoire urbain. Au Pakistan, en Zambie ou en Ethiopie

par exemple, les taux de criminalité sont en moyenne plus élevés dans les communes urbaines

intermédiaires que dans les principales villes du pays56. Malgré des prédispositions à une gouvernance

aisée, le manque de souci des évolutions démographique mène donc la ville intermédiaire à sa perte -

les villes les plus attractives étant les premières en ligne de mire.

52 Une des limites que n’adresse pas le rapport de la Banque Mondiale est toutefois la différence du cout de la vie entre villes moyennes et métropoles dans les pays étudiés. 53 Toujours la Banque Mondiale, voir plus haut 54“Planning for internal migrations: a review of issues and policies in developing countries”. Sally Findley. US Department of Commerce, bureau of the census., 1977. Spengler, Singh 55Urbanizarion and Poverty Reduction.The Role of Rural Diversification and Secondary Towns.Op.cit. 56CHAKRABORTY S. (2005)

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1.3 Diego, cet Eldorado

Les Malgaches la comparent souvent à l’Ile de la Réunion. Ancien fleuron de la flotte française, actuelle

destination touristique au cachet postcolonial, Diego Suarez57 est une ville portuaire à la pointe nord de

Madagascar, insérée dans une baie tortueuse et gigantesque – la deuxième plus grande du monde,

après celle de Rio de Janeiro. En 2013, la commune urbaine de Diego Suarez s’étend sur 47 km2, elle

est constituée de 25 fokontany58, et d’approximativement 127.000 habitants. Chef-lieu de la région

DIANA, La ville est délimitée au Nord, à l’Est et à l’Ouest par le front de mer (à l’est par la Baie des

Français, au Nord par la Baie de la Dordogne, à l’ouest par la plaine deltaïque de l’Antomboko) et au

sud par la commune rurale d’Antanamitarana. Les possibilités d’étalement (sprawl) de la ville sont a

priori limitées, mais la faible densité de certains fokontany laisse présager d’un potentiel

d’accroissement urbain important. Avant de développer un diagnostic territorial contemporain de la cité,

un aperçu du passé colonial de la ville s’avère intéressant, en ce qu’il continue d’influencer les

dynamiques de la ville, et permet d’expliquer certains de ses travers.

« On ne trouve point à la baie de Diego Suarez et en général dans le

Nord, de grandes associations d’hommes. On ne voit que de

misérables villages composes de 20 ou 30 cases petites et peu

solides »

Leguevel de Lacombe (1830)

Lorsque la France obtint l’autorisation de bâtir des « installations à sa convenance » sur le territoire de

Diego Suarez en 1885, il manquait un élément crucial au développement du territoire : la main d’œuvre.

Les incitations à la migration officielle sont nombreuses, à l’attention notamment des Mascareignes,

tandis que l’essor économique de la nouvelle colonie et les salaires relativement plus élevés que sur le

57 Administrativement, Antsiranana. Chef lieu de la région DIANA 58Foko – le clan, le groupe social. Tany – la terre. Un équivalent du quartier.

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reste de l’ile attirent nombre de commerçants asiatiques. La question de la main d’œuvre sera réglée

grâce aux migrations intérieures. Les ethnies du Nord et de l’Est de l’ile59 sont les premières sollicitées,

bientôt rejoins par les Merina60, Saint-Mariens et les Antemoro. 61En plus de ces différents profils, des

flux plus relatifs provenant des Comores, du Yémen, de Somalie, voire même de Grèce et du Japon

constituèrent les premiers habitants de la rade. Les Français ne sont évidemment pas en reste, eux qui

représentent encore 15% de la population 40 ans plus tard.

« La population de Diego Suarez est l’amalgame le plus hétéroclite

qu’il soit possible de rencontrer…tout un monde disparate aux

coutumes, aux mœurs et à la mentalité différentes, se coudoie et se

heurte, et, bien que mal préparé à cette vie en commun, vit sans

conflit. On entend toutes les langues, on voit toutes les vêtures, on

trouve tous les profils, on voit toutes les teintes »

Laporte A. (1933), cité dans Diego Suarez de 1885 à 1905 : de l’occupation d’une

baie à la formation d’une ville. BERIZIKI J.O

La venue massive de migrants célibataires provoque à son tour la migration de femmes des contrées

alentours dans l’intention de trouver un mari. Les relations accrues entre la ville coloniale et les villages

d’origines influencent les aspirations rurales, de plus en plus attirées par l’argent et les tissus qui

foisonnent en ville. La ville, portuaire, cosmopolite, occidentale, n’aura de cesse d’attirer les migrants et

les migrantes en quête de vazahas62 et d’argent facile.

Les mêmes arguments sont avancés 100 ans plus tard. Diego Suarez serait à Madagascar ce que l’ile

de la Réunion est à l’Océan Indien : un ilot prospère, aux liens et aux échanges intenses avec la

‘métropole’, favorisant la circulation des capitaux, les opportunités professionnelles et l’amélioration des

conditions de vie. En plus de la richesse ostentatoire autour des commerçants, principalement karana63,

59Sakalava, Antakarana et Betsimirasaka 60 Ethnie des hauts-plateaux (région de Tananarive) 61Terme générique désignant en fait toutes les ethnies du Sud-est de Madagascar. Dans ce cas, les Antemoro sont largement représentée par l’ethnieAntesaka dont reparlerons en détail plus loin. 62

Etranger, « blanc » 63

Communauté indo-pakistanaise

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des restaurants, des hôtels des tour-opérateurs, plusieurs industries renforcent ce sentiment de revenus

accessibles : le chantier naval de la SECREN a longtemps été le fleuron de la marine française dans

l’Océan Indien, l’usine de conserves de thon Pêche et Froid (PFOI) a une renommée internationale et

embauche plus de 2.000 personnes toute l’année64. L’usine de boissons STAR, les Salines complètent

le parc industriel de la ville, laissant présager des opportunités professionnelles nombreuses dans le

secteur secondaire. Le processus d’urbanisation bien dans les rails, l’excédent de main d’œuvre rurale

afflue vers les centres urbains, ou des fonctions à plus forte valeur ajoutée les y attendent. Les

touristes, mais surtout les retraités français expatriés garantissent des liquidités constantes, et

permettent le développement d’un secteur tertiaire aligné aux tarifs européens. Alors que le budget de

la commune représente près de 900.000 euros par an, que les cinq plus gros employeurs de la ville ont

une masse salariale de 3 millions d’euros en 2010, il est estime que les retraités vazahas,

principalement masculins et célibataires, injecteraient quelques 6 à 7 millions d’euros par an dans

l’économie urbaine.

Si l’accès aux services publics de base est plus probable en zone urbaine, nous avons souligné

précédemment les difficultés que les villes intermédiaires du Sud rencontraient pour les financer, et les

généraliser à l’échelle d’une population croissante. Aussi en 2013, 10 des 25 fokontany ne possèdent

aucun bac à ordure collectif (les ordures ménagères sont alors brulées sur les trottoirs), deux camions

poubelles desservent la totalité de la ville. Les centres de sante de bases et les quelques pharmacies

sont toutes situées en centre-ville, à plus de dix kilomètres au moins de la plupart des quartiers

‘nouveaux’.Des écoles primaires publiques existent dans presque tous les quartiers, mais leurs

capacités d’accueil sont éprouvées, tandis que les ressources allouées aux salaires des professeurs

sont d’ores et déjà quasi-inexistantes ; le salaire de 80% des professeurs est pris en charge par les

parents d’élèves. Si le taux d’enfants scolarise est relativement élevé au nivaux primaire (80,1%), il

chute dramatiquement des le collège (37,8%), réduisant les opportunités de formation et

64

La stabilité, la constance de l’emploi semble cruciale pour des cultivateurs en proie aux saisons et aux aléas climatiques

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d’augmentation du capital humain des futurs citadins sur lesquels reposent le développement local de la

commune. Concernant le marché de l’emploi, il parait délicat de s’appuyer sur le taux de chômage

officiel : non seulement une majorité de la population travaille dans un secteur informel difficile à

tracer65, mais les statistiques locales et nationales sont relativement peu fiables, souvent

contradictoires, comme certains chercheurs ont d’ailleurs pu le souligner par le passé66. Certaines

données de quartier font en tout cas mention de 75% de chômage chez les jeunes…

Les entretiens passés, les enquêtes réalisées, les discussions échangées semblent pourtant pointer un

constat désabusé: Diego a perdu de sa superbe. Le travail manque, le coût de la vie augmente,

l’insécurité s’installe. L’état des lieux brossé par la commune à cet égard offre des informations

intéressantes : les documents institutionnels pointent de façon équivoque les flux migratoires comme

l’une des causes du sous-emploi et du chômage rampant67.Sans vouloir anticiper les chapitres à venir,

nous nous contenterons de nous demander si ce constat s’appuie sur des données et des analyses

vérifiables, ou s’il relève davantage de l’imaginaire collectif du migrant. Avant de brosser un portrait plus

affiné des migrants à Diego Suarez, il convient de noter les frontières troubles entre les difficultés

rencontrées par les natifs et les autres, dans le contexte d’un des pays les moins avancés. Si les

conditions de vie et les sources de revenus sont relativement plus clémentes en milieu urbain, la

pauvreté, voire la misère y sont également des réalités. Les quartiers les plus récents –les plus

éloignés, les moins aménagés – ne sont pas nécessairement le fief des derniers arrivants en ville.

Comme constaté dans d’autres pays africains68, les quartiers les plus reculés sont généralement

habités par des migrants intra-urbains. Manongalaza, le 25eme fokontany de Diego par exemple

(administrativement enregistrés au début des années 2000) recense majoritairement des ‘originaires’

65 5% des actifs seraient enregistres au CNAPS (l’équivalent malgache de la sécurité sociale) par leur employeur. Source : SRDE DIANA 66 Voir J.-M. Cour (2000) 67 Politique Municipale de Développement Humain (PMDH), Commune Urbaine de Diego Suarez, 2013 68 « Migration and urbanization in francophone West Africa : a review of the recent empirical evidence » BEAUCHEMIN C. et BOCQUIER P, DIAL (2003)

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d’autres fokontany de la ville69. Les nouveaux arrivants se retrouvent généralement dans d’autres

quartiers périphériques, relativement plus anciens et intégrés à la ville, où leurs proches les hébergent

et accompagnent leur intégration urbaine. Les populations directement touchées par le manque

d’infrastructures ne sont donc pas forcement les derniers migrants, et nous verrons à de multiples

reprises que natifs, migrants installés et nouveaux arrivants peuvent partager des vulnérabilités

communes. Il s’agira alors d’isoler les déterminants spécifiques aux populations migrantes pour les

besoins de notre réflexion.

La ville, concentration de capitaux, de main d’œuvre, de lieux de production et d’infrastructures permet

donc à l’excédent de main d’œuvre rurale des débouchés professionnels à plus forte valeur ajoutée,

ainsi qu’un accès à des infrastructures assurant une amélioration de leur condition économique, sociale

et sanitaire. Selon les réalités des villages d’origine, l’attraction vers les centres urbains peut être

intense, et se répercuter sur la qualité de vie que peut offrir ces lieux de destinations. L’existence de

villes de moindre ampleur, des villes secondaires ou intermédiaires, pourraient permettre de mieux

juguler les pressions exercées par les flux migratoires – un territoire restreint, une population ‘moyenne’

permettent de gérer plus aisément l’offre et la demande, des lors que des données sont disponibles

pour identifier et programmer les évolutions et les adaptations à apporter en vue d’un développement

territorial. Ces évolutions prennent la forme, dans le cadre de nos recherches, de flux migratoires à

destination de Diego Suarez. Malgré la crise économique internationale, doublée d’une crise politique

nationale depuis 2009, la ville conserve une réputation à part chez les Malgaches : industries, touristes,

riches expatriés en font toujours un eldorado pour les candidats à la migration interne. L’étude de cas

de la ville nous pousse à nous interroger plus spécifiquement sur les caractéristiques des migrants qui

69 Chaque déménagement devrait être accompagné d’un certificat de ‘bonne mœurs’ délivré par le bureau du fokontany du précédent logement – permettant notamment de retracer la provenance des nouveaux arrivants.

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la font croitre ; dès lors que l’on s’interroge sur les capacités de la commune à gérer, s’adapter, et

profiter de l’attraction d’une main d’œuvre extérieure, il apparait indispensable de mieux en connaitre

les profils.

2 La mobilité, des migrants : des profils et des répercussions pluriels

Diego Suarez est né d’un brassage indispensable à son établissement ; il n’est pas surprenant que la

ville continue de se développer en s’appuyant sur des ressources humaines extérieures. Malgré

l’héritage migratoire de la ville, aucune donnée récente n’est disponible sur les flux migratoires à

l’échelle de la ville ; à plus forte raison, aucune étude n’a été menée sur les divers impacts que de tels

flux peuvent avoir sur le territoire urbain. Par contrainte de temps et de moyens, nous avons décidé de

restreindre le champ de nos enquêtes sur trois échantillons de migrants, représentatifs de la diversité à

Diego Suarez, mais également, à bien des égards, des tendances migratoires observées en d’autres

lieux. En analysant les caractéristiques de ses différents profils à la lumière de différentes théories

migratoires, nous pourrons mieux appréhender les stratégies, les difficultés et les impacts que de tels

groupes migratoires connaissent et répercutent sur Diego. Non seulement ils nous permettront de

mieux comprendre la ville – à travers son spectre migratoire – mais cela nous permettra de mieux

cerner les aspects pressants que les autorités communales devraient adresser dès lors qu’elles

aspirent à l’optimisation du développement local et à l’intégration des migrants afin d’y contribuer.

2.1 Les Antesaka de Mahatsara : réseaux et solidarités migratoires

La population malgache, de culture paysanne et, en 2013 toujours à plus de 70% rurale, ne semble pas

porter la migration parmi ses pratiques ancestrales. De tradition sédentaire, l’identité malagasy est

profondément liée à la terre, au clan (fokolonona) et au tombeau des ancêtres. Les migrations rurales-

urbaines étant également inversement favorisées par la distance, on ne peut que s’interroger sur la

présence massive du peuple Antesaka, aussi traditionnel que méridional, sur la pointe Nord de l’île.

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Ethnie du Sud-est de Madagascar, minorité majoritaire dans plusieurs fokontany périphériques de

Diego70, son modus operanti repose sur quatre piliers : une forte concentration ethnique, un réseau

migratoire et des associations d’originaires structurées, une propension à exercer les métiers boudés

par les natifs et à faire des économies à destination de leur village d’origine.

Dans le cadre de ce mémoire, notre étude se focalisera sur les Antesaka du fokontany Mahatsara, dont

ils représentent 70%71 des 5597 habitants en 201272. Ce premier échantillon de migrants nous

permettra de mesurer l’impact des réseaux de migrants, tandis qu’une approche géo-localisée offrira

également la possibilité de jauger les implications de l’agglomération de migrants à l’échelle du

fokontany - plus petite entité administrative du territoire - ainsi que les réponses apportées par la

commune en terme d’adaptation aux changements démographiques, sociaux et économiques que le

phénomène migratoire engendre indubitablement.

Prenant le contre-pied de ce que la culture malgache, paysanne et sédentaire laisse à penser, les

Antesaka ont progressivement crée leur propre tradition migratoire. La prépondérance de leur culte de

la terre, des ancêtres, des rites funéraires et du ‘clan’ en serait paradoxalement la cause. Nous l’avons

vu précédemment, les flux migratoires Antesaka remontent à la création de la ville coloniale à l’aube du

XXème siècle. A l’époque déjà, ils sont loués comme une main d’œuvre docile et contribuant à

l’économie urbaine « manœuvres, cantonniers, balayeurs, commerçants en bétail, laitiers ; ils passent

facilement à la culture en banlieue et rentrent chez eux avec un pécule »73. La vie dans le pays

Antesaka est un mélange d’excès de population, de sols pauvres et d’absence d’emploi non-agricole,

créant une dynamique de fuite vers l’avant, définie par certains comme stimulant des terres ingrates74.

En porte à faux, des pratiques culturelles, telle que le culte des ancêtres (construction de tombeau, rites

funéraires…) sont non seulement profondément incontournable, mais aussi très onéreuses. Aussi, les

70 Mahatsara, SCAMA, Mangarivotro… 71 Ils cohabitent toutefois avec de nombreuses autres ethnies malgaches ; Betsimirasaka, Tsimihety, Merina, Antandroy, Antakarana et Betsileo notamment. PDF Mahatsara. 72 Plan de Développement de Fokontany (PDF) Mahatsara, Commune Urbaine de Diego Suarez. (2012). 73 Op.Cit. 74 Selon le mot de TOYNBEE A.J

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rapports sociaux et l’observance des rites traditionnels renforcent les causes de l’émigration

économique qui contribue à les entretenir. Il est intéressant de noter qu’une des ethnies ayant fait de

l’immigration une norme soit également de celles qui conservent le plus farouchement ses valeurs et

ses pratiques ancestrales75. Les associations d’originaire du pays Antesaka sont très nombreuses à

Diego, elles participent tant à la cohésion sociale des ressortissants sur le territoire d’accueil, qu’a la

préservation des liens avec les ‘compatriotes’ restés au village – expliquant probablement que le

phénomène migratoire s’auto-entretienne depuis plus d’un siècle sous la forme d’une chaine migratoire.

Les déterminants ci-dessous en sont les principales caractéristiques.

La communauté Antesaka installée à Diego représente donc une structure sociale sur laquelle les

candidats à l’immigration pourront s’appuyer. Les résidents sont des vecteurs d’informations essentiels

quant aux opportunités économiques locales, ainsi qu’un soutien moral et matériel, indispensable pour

les nouveaux arrivants. Au-delà d’un toit et de l’aide à la recherche d’un premier emploi, il n’est pas rare

que les connaissances déjà installées à Diego prêtent de l’argent aux nouveaux arrivants, voire aux

candidats à l’émigration afin qu’ils puissent financer leur périple76. Ils seraient, en fait, le critère numéro

un dans la prise de décision de la destination des migrations77, ainsi que la condition sine qua non

permettant d’émigrer sur une longue distance78. Les associations d’originaires permettent d’emprunter

de l’argent pour s’installer et investir dans un petit emploi informel, typiquement dans un pousse-pousse

pour faire des livraisons, dans des matériaux pour de petits artisans. L’établissement et la structuration

des Antesaka émigrés est donc instrumentale, en ce qu’elle facilite les flux migratoires entre

Vangaindrano et Diego-Suarez. Les flux d’informations, d’idées et de capitaux canalisés par la chaine

75Leurs voisins Antemoro, aux sols plus fertiles ont connu leur âge d’or avec la production de café ; ils ne connaissent pas la même histoire migratoire. Les flux de capitaux étrangers, la création de la ville de Manakara dans leur région, le christianisme etc. auront toutefois influencé plus sournoisement et profondément influencé leur société traditionnelle. (Deschamps H. 1959) 76 Voir annexe, entretien avec le chef de secteur de Mahatsara 77Flinn (1986) cite dans”Planning for Internal Migration. A Review of Issues and Policies in the Developping World”. US bureau of the Census.Op.cit 78 Rengert and Rengert, Greenwood, and Levy and Wadycky (Ibid.)

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migratoire participent aussi pleinement à forger les aspirations à la migration vers une destination

spécifique.

[Such feedback mechanisms would lead to] almost organized migratory

flows from particular villages to particular cities. In other words, the

existence of information in the system encourages greater deviation from

the “most probable or random state” . . . . In many North-African cities, for

instance, it is not uncommon for an entire district or craft occupation in a

city to be dominated by permanent migrants from one or two villages.

« Systems approach to a theory of rural-urban migration » MABOGUNGE A.

Geographical Analysis (1970)

Historiquement, la chaine migratoire Antesaka est circulaire – les récits populaires et ethnologiques79

font état d’une migration masculine, solitaire, d’une durée d’un à trois ans pendant lesquels le migrant

travaille et économise afin de rentrer au village et financer les rites funéraires, ramener de l’argent aux

siens, éventuellement investir dans l’agriculture ou dans la construction d’une maison. Avant de

reprendre la route et de perpétuer le même cycle. On rencontre toujours ce profil dans les rues

poussiéreuses de Mahatsara ; toutefois les résultats des entretiens menés avec les Antesaka en juin et

juillet 2013 ne corroborent plus complètement avec ces données : non seulement les flux semblent

s’être considérablement renforcé depuis les années 2000, mais le migrant rallonge son séjour, ne se

marie généralement pas avec des femmes d’autres ethnies80 – ce qui favorise la venue de familles du

village, économise, espère et quelquefois achète des terrains à Diego81. Il est probable que les liens

économiques entre le village et la ville en soit affectés, mais plus important dans le cadre de notre

étude, que la balance démographique dans la ville d’accueil soit impactée. Les pressions sur les

capacités d’accueil du quartier et la commune vont donc continuer à s’intensifier. Non seulement

l’amenuisement des flux financiers favorise de nouvelles candidatures à la migration, mais la relative

79 Deschamps H. Op. cit. 80 Elle ne pourrait être sanctifiée dans le tombeau familial, au cœur du culte Antesaka. 81 Voir annexe, enquetes Antesaka de Mahatsara, 2013

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perception de précarité – les couches socio économiquement inferieures ayant déjà migré – semble

être un autre déterminant de la décision migratoire82.

Ancien champ d’arachide, Mahatsara (la guérison) a gagné son autonomie administrative en 1995,

devenant le 22eme fokontany de Diego Suarez. La question de la couverture électrique et de

l’insécurité sont intrinsèquement liées à Diego-Suarez – Mahatsara n’échappant pas à la règle. Malgré

la reconnaissance officielle du quartier par la commune urbaine de Diego-Suarez, le déficit en

infrastructures est criant. Le quartier est encore intégralement prive d’éclairage public, tandis que les

35% de ménages ayant accès au réseau ne suffisent pas à éclairer les rues. A l’évidence, l’obscurité

favorise l’insécurité, dont les incidents semblent croitre depuis 2005. Si le diagnostic territorial de la

commune fait état de 70% de chômage chez les jeunes et de 85% de chômage chez les femmes, nous

prendrons les statistiques locales avec beaucoup de précaution – non seulement l’emploi, le sous-

emploi et l’emploi informel sons difficile à tracer de part leur frontières poreuses et superposables, mais

plusieurs chef de fokontany eux-mêmes (officiellement en charge de la collecte de données) ont déclaré

ne pas prendre leur mission de recensement sérieusement, faute de moyen, de formation et de

considération de la part des autorités communales. Le chiffre, toutefois vertigineux, nous emmènera à

nous interroger sur les modalités d’accès à l’emploi à Diego en général, chez les migrants Antesaka en

particulier.

Diego-Suarez à une place à part dans l’imaginaire des habitants de Vangaindrano ; une destination

lointaine aux terres fertiles, un port international, une ancienne ville coloniale dont les vazaha à la

retraite peuplent toujours les terrasses des bars, une destination touristique à forte valeur ajoutée, une

cité marchande ou l’argent et les devises circulent. A l’écart des routes bitumées toutefois, les

conditions de vie des migrants Antesaka se dégradent continuellement depuis une dizaine d’années..

Les métiers les plus pénibles et les plus précaires sont ainsi souvent l’apanage des populations

82Relative deprivation.« The new economics of labor migration» STARK O. et BLOOM D.E Papers and proceedings - American Economic Review - (May 1985)

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Antesaka : tireurs de pousse-pousse, gardien de nuit, éleveur de porcs, casseur de pierre, vendeuse

ambulante, pileuse de tabac… Les petits métiers (vendeuse de bredes, casseur de pierres) ne sont

plus rentable à cause d’une concurrence accrue, tant par les migrants Antesaka que par d’autres

groupes de populations, typiquement migrants eux aussi. Les alternatives ou la diversification

économique permettent ‘à peine de se nourrir’ pour la majorité des nouveaux migrants interrogés

(arrivée les 10 dernières années), et excluent les moindres économies permettant d’améliorer son sort.

Typiquement, ceux et celles qui ont crée leur propre emploi sans investir pour accroitre leur marge de

profit ont vu leur pouvoir d’achat se réduire comme peau de chagrin.

Conformément à la théorie des réseaux de migrants, l’effet d’agglomération des membres

communautaires sur le lieu de destination facilite et renforce l’immigration. Depuis l’an 2000, la

migration permanente semble doublement favoriser l’intensification des flux : l’accompagnement à

l’installation comme nous l’avons évoqué, mais également le manque à gagner engendré par le

tarissement des migrations circulaires, qui affaiblissent les flux de capitaux à destination de

Vangaindrano et encourage à la mobilité.

Nombreux sont ceux qui ont mené des études empiriques sur le champ des possibles des réseaux de

migrants ; d’aucuns se sont interrogés sur les limites du phénomène83. La question des réseaux de

migrants connait en effet une certaine popularité – elle permet de théoriser la perpétuation de flux

migratoires spécifiques au–delà de la simple théorie de Ravenstein des push et pull factors, mais aussi

de connecter l’échelon des individus et des foyers à des macrostructures politiques, économiques et

sociales84. Toujours est-il qu’elle ne serait pas une solution clé en main pour l’intégration et l’ascension

socio-économique des migrants ; les externalités positives du capital social forgé seraient plus mitigées

qu’il n’y parait. La chaine migratoire pourrait bien être aussi auto-entretenue qu’auto-destructrice.

83 Hein de Hass par exemple. « The internal dynamics of migration processes» International Migration Institute (2008) 84 FAIST 1997, HAUG 2008

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Le refrain du sous-emploi lancine à mesure que de nouveaux arrivants s’installent à Mahatsara, sans

jamais que ces derniers soient toutefois pris pour cible. Le différentiel de salaire entre Vangaindrano et

Diego se réduit85 et, bien que de nombreux migrants espèrent pouvoir continuer à travailler pour rester

à Diego, nombre sont aussi ceux, ou plutôt celles qui souhaiteraient juste avoir suffisamment d’argent

pour rentrer s’installer dans le Sud. Cette aspiration, quasiment inédite, en dit long sur la paupérisation

de ces populations. Pareillement symptomatique, la volonté de dissuader les candidats à l’immigration

encore résidant de Vangaindrano ; l’intégralité des Antesaka interrogés déclare déconseiller, ou projeter

de déconseiller à quiconque de tenter sa chance à Diego Suarez, où il n’y a plus de travail et trop de

migrants qui s’appauvrissent.

Il est intéressant de noter que malgré le postulat des migrants en tant qu’agents économiques

rationnels, d’autant plus favorisés que les réseaux Antesaka permettent l’accès à des informations sur

la conjoncture diegolaise, les dernières arrivants ne semblent pas avoir mis à contribution ce canal

d’information clé dans la prise de décision migratoire. On peut alors s’interroger sur l’impact des

avertissements des Antesaka installés sur ceux qui, depuis leur Sud natal, rêve encore d’élire domicile

à la Réunion malgache.

2.2 Les filles d’Antalaha : une migration passive ?

Les réseaux de migrants ont donc ce pouvoir considérable de permettre les migrations de longue

distance, d’accompagner les nouveaux arrivants dans leur quête d’un premier toit et d’un premier

logement, tandis que la concentration géographique d’individus d’une même origine et d’une même

85De nombreuses personnes interrogées parlent de salaire quasiment équivalent, dans leur branche professionnelle du moins

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sous-culture permet de favoriser l’adaptation psychologique à la ville, d’éviter l’aliénation, la solitude et

la vulnérabilité accrue des migrants sur qui personne ne veille.

Le plus souvent toutefois, les migrants ont des connaissances, mais manquent d’un véritable réseau à

leur point de destination. Quid des migrants dont le point de chute final dépend moins des relations

sociales que de l’adresse de leur nouvel employeur ? Plus spécifiquement, quel parcours migratoire

connaissent les jeunes migrantes employées et hébergées comme domestique ? En la matière, les

jeunes filles de la région SAVA, du district d’Antalaha en particulier, semblent dominer cette part du

marché de l’emploi local diegolais.

L’échantillon étudié est représentatif de la composition des membres de l’association des originaires

d’Antalaha à Diego Suarez ; il l’est tout autant du ratio homme-femme dans le secteur du travail à

domicile au niveau mondial, de 1 pour 486

Antalaha se situe au Nord-est de Madagascar, au cœur de la ‘cote de la vanille’. Non seulement l’île est

le premier exportateur mondiale, mais la région d’Antalaha contribue à hauteur de 80% a la production

nationale. C’est aussi en grande partie dans cette région que le trafic du bois de rose prolifère depuis le

coup d’Etat et la transition politique engagée en 2009, afin de compenser le gel des financements des

bailleurs internationaux, qui demeure d’actualité en juillet 2013. Ces deux produits agricoles, dont

l’instabilité des cours n’a d’égale que la fluctuation de leur statut réglementaire, dominent la balance

économique de la région.

Une analyse postule que les migrants passeraient au crible d’une auto-sélection : le migrant rural-urbain

est, selon ce modèle, relativement plus aisé, éduqué et motivé que ses compatriotes restés au village.

La théorie semble ne pas complètement coller avec la pratique des jeunes d’Antalaha. Les flots,

recrudescents, de migrants installés à Diego entre 2009 et 2012 notamment, en témoignent. En raison

de l’envolée du cours de la vanille malgache, les écoliers ont massivement quitté l’école pour satisfaire

86

Domestic Workers Across the World. Global and Regional Statistics and the Extent of Protection.International Labour

Organisation, 2013

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la demande d’emploi dans ce marché porteur. Emploi rémunérateur, moteur de la croissance locale, la

culture de la vanille avait également l’avantage d’être méticuleuse, offrant des perspectives

professionnelles sans inégalités de sexe. La chute dramatique des cours courant 2004 a projeté un

nombre important de jeunes sans éducation hors du marché du travail, sans que la région n’offre

d’alternatives économiques viables. Le trafic de bois de rose aurait partiellement remplacé la filière

vanille, sans toutefois pouvoir absorber la part féminine de la main d’œuvre – les discussions officielles

d’illégalisation du trafic auront porté le coup de grâce aux opportunités économiques agricoles pour la

jeune main d’œuvre déscolarisée. Les mines constituent le dernier rempart au chômage massif des

jeunes, bien qu’elles excluent les jeunes femmes et peinent à absorber la main d’œuvre masculine.

C’est cette génération qui constitue le gros des rangs des nouveaux arrivants d’Antalaha à Diego-

Suarez.

L’intégralité des jeunes filles rencontrées travaillent soit dans des gargotes, soit comme ‘domestique’

dans des ménages vazaha ou, le plus souvent, malgaches. Elles sont majoritairement hébergées par

leur employeur, ce qui réduit leur degré de liberté – les heures de travail ne sont ni fixées ni régulières.

Elles n’élisent pas domicile selon le quartier des connaissances qui ont permis l’immigration, et, malgré

l’abnégation décelée chez l’ensemble des migrantes enquêtées, le taux de migration retour avoisine les

70%.

Parties sur « conseils d’amies, plutôt que de la famille »87, le désir d’émancipation du cadre traditionnel

villageois, vendu par des camarades parties du village, semble dépasser un projet économique

d’installation à la ville. Ces cas de migrations passives sont caractérisés par la volonté de partir du

village, plutôt que de se diriger vers un endroit spécifique à des fins tout aussi spécifiques88. Le vice-

président de l’association des originaires à Diego fait état de nombreux cas d’abus moraux et physiques

sur les jeunes filles ‘qui ne connaissent rien à la ville’. Ce ne serait pas tant les difficultés à trouver un

87 Voir entretien avec représentants des originaires d’Antalaha en annexe. 88 Voir Rengert et Rnegert cites dans “Planning for internal migrations. A review of issues and policies in developing countries” Page 11. Op.cit

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emploi, que l’éprouvèrent moral qui pousserait les filles d’Antalaha à quitter Diego. Les flux sont

toujours important, au point de compenser les départs chaque années, et une partie de l’émigration

s’oriente en fait ailleurs ; pour certaines, Diego Suarez est une ville intermédiaire dans leur parcours

migratoire. Un nombre conséquent de jeunes domestiques prennent la voie de la migration

internationale, travaillant comme domestique dans certains pays du Golfe.

2.3 Migrants des villes, migrants des champs : l’exode urbain des originaires de l’hinterland

Pour les raisons multiples développées plus haut, des villageois d’autres régions mettent le cap sur

Diego. Malgré une actualité permettant de nuancer la légende, la réputation nationale de la ville

continuent d’attirer les jeunes et les autres à la recherche d’une vie meilleure. Les migrations rurales-

urbaines les plus évidentes restent toutefois celles de l’hinterland direct du territoire urbain. Le nexus

mobilité-distance a été établi de longue date, et tel que le père des théories migratoires l’expliquait

prosaïquement « Most people go a short distance ; few people go a long distance »89

Les coûts et les risques associés à la migration sont moindres tandis que les salaires et les

infrastructures urbaines demeurent attractifs. L’apparente facilitation de la migration hinterland-centre

urbain n’est pas moins régie par des mécanismes et des stratégies économiques complexes.

L’approche des systèmes migratoires90introduit notamment dans la balance de décision migratoire des

facteurs de contrôle et d’ajustement des décisions migratoires tant sur le territoire de provenance que

de destination. La stratégie migratoire se pense ainsi à l’échelle du ménage, en termes de cout

d’opportunité, de réduction des risques - de diversification économique, mais également d’adaptation à

la conjoncture. Les précédents échantillons de migrants, tout comme les natifs de Diego, ont tous

identifié la dégradation des conditions économiques à l’échelle de la commune - l’excès de main

d’œuvre et l’insuffisance de l’offre d’emploi en étant les principaux vecteurs. Les migrants, agents

89 Ravenstein E.G, The Laws of Migrations (1885) 90 Mabogunje A. (1970)

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rationnels, ajustent-ils leur mobilité des lors que les opportunités urbaines se tarissent ? Les exemples

des originaires de Vangaindrano et d’Antalaha ont prouvé que les méthodes d’ajustement étaient aussi

multiples que les profils migratoires – diversification d’emplois, limitation des dépenses liées à la

communauté d’origine, ‘simple’ résilience… nous nous demanderons ici dans quelles mesures le

facteur proximité permet d’envisager d’autres stratégies d’adaptation à un environnement économique

défavorable.

Les terres de l’hinterland de Diego Suarez sont fertiles ; la réserve d’eau de la Montagne d’Ambre, à

une cinquantaine de kilomètres au Sud de la commune urbaine, assure l’humidité et l’irrigation

nécessaire à la production de cultures vivrières. Depuis l’arrivée des créoles dans la région au début du

XXème siècle, une agriculture variée est localement produite, notamment dans les zones de Joffreville,

Sakaramy et Anivorano. Ce sont ces zones qui assurent le ravitaillement des marchés urbains. La ville

intermédiaire joue naturellement son rôle de plaque commerciale des produits locaux, favorisant un

développement régional et endogène. Les migrants ruraux rencontrés dans le cadre de nos recherches

ont pour la plupart quitte leur terres rurales il y a des décennies ; l’attrait pour les infrastructures -

notamment liées à l’éducation - et les opportunités économiques urbaines en étaient les principaux

déterminants, tandis qu’une relative surpopulation rurale, l’absence de techniques d’optimisation des

rendements agricoles et la prépondérance de la culture de rente présentaient autant de facteurs les

poussant (push factors) à la mobilité, hors de leurs zones rurales d’origine.

Loin des idées reçues et suggérées par le processus ‘incontournable’ d’urbanisation du monde

toutefois, les taux de croissance démographique et les flux humains dans la région DIANA pointent

deux tendances : l’attraction croissante vers d’autres zones rurales, ainsi qu’un étonnant désintérêt

pour le chef-lieu de la région, la commune urbaine de Diego91. Nous approfondirons la question de la

concurrence entre centres urbains, apparemment en la défaveur du chef-lieu régional, dans une

91 Schéma Régional d’Aménagement du Territoire (SRAT) DIANA. Région DIANA. (2010)

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deuxième partie – et nous focaliserons ici sur la croissance et l’attraction vers l’hinterland de Diego,

plutôt que le centre ou la périphérie de la zone urbaine.

Il semblerait que les migrants ruraux installés à Diego Suarez soient plus enclins à quitter leur

destination urbaine des lors que le climat économique s’y détériore. Prenant le contre-pied de plusieurs

théories éprouvées dans les pages précédentes, les décisions migratoires à l’échelle régionale semble

moins irréversible, et les ajustements plus spontanés que lorsqu’elles concernent de plus longues

distances. L’ajustement des décisions migratoires peut prendre la forme de migrations-retour, ou de

destinations alternatives ; dans le cas de notre échantillon, les deux options conservent un caractère

régional. Les flux migratoires sont régis par la perception de certaines opportunités en d’autres lieux, la

distance parcourue ayant été identifiée comme proportionnelle à l’augmentation d’opportunités

marginale perçue par le migrant92. Bien que précédemment démontré comme caractère non-

systématique des flux migratoires, les opportunités sont également mesurées selon la distance qu’elles

requièrent à parcourir. De la même façon que Diego Suarez a un temps été considérée comme une

terre promise, la proximité spatiale d’alternatives économiques facilitera l’ajustement migratoire - en

l’occurrence, l’exode urbain des originaires de l’hinterland.

Malgré la réduction des opportunités économiques à l’échelle urbaine, nous avons vu que les écarts

entre salaires de la région d’origine et de destination, ainsi que le montant ‘espéré’ d’un tel salaire en

zone urbaine justifiait la persévérance de nombreux migrants à destination, malgré les disparités

croissantes entre objectifs et résultats migratoires. Toutefois, plusieurs techniciens du territoire

évoquent la progressive ‘désillusion de la ville’93, concernant les jeunes ruraux de la région DIANA ;

contrairement à la constance, sinon à l’augmentation des flux en provenance de régions plus reculées,

les mouvements ruraux-urbains régionaux se résorbent. Plus éloquent encore : la tendance inverse

semble se renforcer. La crise seule peut-elle justifier ce progressif désistement. Le phénomène d’exode

92 Stouffer S.A, “Intervening Opportunities: A Theory Relating Mobility and Distance”, American Sociological Review (1940) 93 Pour des données consultables, voir notamment le SRAT DIANA (2010 )

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urbain n’est pas unique au cas de Diego, et s’affiche comme une réponse classique aux crises

économiques94. Mais si l’on en croit les théories migratoires les plus élémentaires, le seul fait de la

dégradation des conditions de vie locales ne saurait suffire à justifier la mobilité ; sans facteurs

d’attraction (pull factors) en d’autres lieux, point de décision migratoire.

La fin des années 1990 a été témoin d’une petite révolution dans les zones rurales du district

d’Antsiranana II (les communes rurales au Sud de Diego-Suarez) : une part importante des agriculteurs

de la région ont délaissé leurs cultures vivrières diversifiées pour une monoculture autrement plus

lucrative. Le Khat95. A l’échelle de deux villages seulement, plus 10.000 hectares sont exclusivement

consacré à sa production96. Vendu autour de 5.000 ariary le bouquet en local97, la culture de la drogue

douce est infiniment plus lucrative que n’importe quel autre produit maraicher. L’augmentation de l’offre

sur les marchés locaux engendre des conséquences sociales et environnementales multiples que nous

adresserons dans un prochain chapitre ; le volet qui nous intéressera ici est le détournement massif des

cultures maraichères qui alimentaient les marchés locaux. Une majorité des légumes vendus à bazary

kely est dorénavant importée des hauts plateaux98.

C’est précisément de cette nouvelle niche dont les migrants de l’hinterland profitent majoritairement.

Parmi les entretiens menés, tous les migrants rencontrés été installés à Diego de longue date. Ils

avaient un travail, généralement plus d’éducation que la moyenne des natifs, une femme et des enfants.

Un schéma similaire caractérise toutes ces migrations inverses : une famille divisée entre le centre-ville

et les zones rurales alentours, des techniques agricoles plus développées que celles des non-migrants

et une amélioration relative des revenus du ménage. En diversifiant leurs sources de revenus, les

anciens migrants à destination urbaine sont devenus de nouveaux entrepreneurs ruraux.

94 Les cas, par exemple, de la Cote d’Ivoire, du Togo, du Ghana (voir « Migration and urbanization in francophone West Africa », Op. cit) et du Cameroun (voir Le retour au village : une réponse a la crise économique au Cameroun ?Op. cit) 95Arbuste psychotrope partageant les mêmes principes actifs que l’amphétamine 96 « DIANA : Quand le khat devient envahissant », L’Express de Madagascar, Mardi 06 Décembre 2011 97 Sans avoir pu collecter de données pour d’autres villes, ni Mayotte, fort est à parier que le prix est supérieur 98 Région de Tananarive, au centre de l’ile

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Diversification can be described as an accumulation strategy for

households with farming assets and with access to urban networks, who

often re-invest profits from urban-based activities in agricultural production

and vice-versa, resulting in capital and asset accumulation.

Tire de “The Urban Part of Rural Development: the role of small and intermediate

urban centers in rural and regional development and poverty reduction”.

SATTERTHWAITE D., TACOLI C. Page 23. (2003)

Tous les narratifs collectés pour cet échantillon de migrants convergent : les hommes partent seuls

cultiver ou élever. Ils s’ajustent non seulement aux cultures propices à la terre, au climat et aux saisons,

mais aussi à une demande urbaine désormais familière : cultures pluviales (riz, manioc, bredes99,

tomates, mangues…), élevage de poulets de chair ou de poules pondeuses, de porc… se complètent

tout au long de l’année et satisfont une demande urbaine progressivement devenue tributaire des

importations nationales. La production est généralement directement, parfois intégralement,

commercialisée par l’épouse restée à Diego : vendeuses au marché, intermédiaires en demi-gros ou

épicières s’occupent de créer une marge de profit sur les produits agricoles. Restés en milieu urbain

également, les enfants, dont l’éducation reste un moteur crucial de développement micro-économique,

et une stratégie de mobilité sociale ascendante sur le long terme pour les foyers de migrants. Selon les

acteurs interrogés, la quasi-intégralité des enfants concernés sont scolarisés dans des établissements

privés ou fréquentent l’université. Cette dernière donnée concernerait moins de 3% des habitants de

Diego Suarez.

La division spatiale du foyer n’est pas le seul intrant modifiant les méthodes de l’économie agricole

locale ; comme il a été avéré en d’autres lieux100, l’ancien émigré ne rentre généralement pas les mains

vides au village. Aussi, le degré de modernité et de professionnalisation des techniques varie

99

Feuilles comestibles, généralement bouillies et mangées avec le bouillon (romazava). Base de l’alimentation malgache

avec le riz. 100

Tel que décrit, par exemple, dans Le retour au village : une solution a la crise économique au Cameroun? Ouvrage

collectif (1996)

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considérablement entre migrants sur le retour et agriculteurs ‘historiquement’ localisés au village. Jacky,

ancien responsable de la gestion des stocks à PFOI101, applique méticuleusement ses acquis urbains

dans l’opérationnalisation de sa ferme de poulets de chair. Marcellin, autrefois vendeur dans une

quincaillerie karana de Tanambao, optimise ses récoltes grâce à des engrais naturels. Leur expérience

urbaine, la familiarisation avec les espaces commerciaux, les grandes étales et les vitrines engendrent

une créent autant d’incitations subliminales à produire davantage pour générer davantage de profits102.

Selon les individus, ces nouveaux migrants partagent leur savoir-faire et contribuent à dynamiser la

production, et par corollaire l’économie agricole locale.

L’augmentation des revenus des foyers est la conséquence directe de l’addition de tels déterminants

migratoires. Un tel résultat n’est pas surprenant, si l’on en croit la théorie désormais classique de

Todaro– en dépit d’une détérioration des conditions de vie dans la ville de destination des migrants, la

décision du retour ne serait prise que si les opportunités (notamment les revenus) s’équilibrent. Dit

autrement, de telles migrations retour n’auraient jamais eu lieu si les acteurs n’avaient pas a priori la

conviction qu’ils gagneraient davantage que leur salaire urbain.

Ces quelques success-stories ne devraient toutefois pas faire de l’ombre sur la probable majorité de

migrants de l’hinterland ne pouvant se permettre un tel retour aux sources : absence de terrain

exploitable, de fonds propres permettant l’investissement dans une agriculture commerciale, de liens

fonctionnels avec la ville permettant de faire des profits conséquents… Dans le cas malgache, il a été

justement observé que parmi les migrants les plus vulnérables se trouvaient ceux dépourvus de

terres103. On peut aussi craindre que les nouveaux entrepreneurs ruraux ne fassent de l’ombre aux

agriculteurs traditionnels : de meilleurs rendements, davantage de fonds propres pour investir dans la

chaine de production et maximiser ses profits, produire davantage… le cercle vertueux de la

101

Pêche et Froid de l’Océan Indien, usine de conserves de thon sur le port de Diego-Suarez. 102

Planning for internal Migration. U.S Departement of Commerce Op.citPages 91-92 103Tendances, caractéristiques et impacts de la migration rurale-urbaine a Antananarivo, Madagascar, UNICEF (2010)

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diversification104 pourrait bien ne profiter qu’aux plus aisés. A terme, ils pourraient contribuer à pousser

davantage de foyers ruraux à diversifier leur propre revenus, se tournant notamment vers une ville que

leur prédécesseurs semblent fuir.

Les candidats à la migration inverse ‘sans-terres’ ont en fait souvent ‘un pied dehors, un pied [de]dans’

le village. Nous avons menés nos entretiens pendant la saison sèche, entre juin et juillet – peu

d’excédent de main d’œuvre est absorbé en cette période. Leurs activités oscillent alors entre main

d’œuvre journalière dans des fermes ou, plus souvent, dans des champs de khat, quelquefois employé

dans le secteur rural non-agricole, mais bien souvent complétées par de petites besognes en territoire

urbain : peinture ou travaux ponctuels, achat et revente de produits maraichers au bazary de Diego.

Dans ce cas également, la stratégie du foyer tend à parier sur la diversification spatiale des sources de

revenus : sans production agricole propre à écouler sur les marchés, il est moins systématique que la

femme reste en ville ; nous avons rencontre quelques couturières, nourrices, revendeuse de bredes

continuant de travailler à Diego Suarez, tout comme des migrants dont l’épouse cherchait des saphirs

dans les mines sur la route d’Ambilobe, ou tentait sa chance dans d’autres centres urbains de la région.

Dans la mesure du possible, les foyers font en sorte de garder un pied à terre en ville, notamment pour

que leurs enfants continuent de profiter du système éducatif urbain – nous verrons dans un prochain

chapitre que « l’ultra-nucléarisation » de ces familles n’est pas sans incidence sociale.

Ayant uniquement pu rencontrer ces migrants sur leur lieu de travail en zone rural, une des limites de

nos recherches est l’absence notoire des migrants n’ayant pas pignon sur rue – les sans emploi, ceux

ayant migré au-delà de l’hinterland direct de Diego, ainsi que ceux n’ayant pas ajusté leur décision

migratoire par le départ. Une seconde limite de notre échantillon repose sur ses critères : en

considérant les migrants comme personnes rurales ayant quitté les zones rurales pour habiter à Diego

104EVANS, H.E “Rural–urban linkages and structural transformation”. Report INU 71, Infrastructure and Urban Development Department, The World Bank (1990)

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Suarez, nous manquons d’inclure tous les résidents ruraux qui occupent, ou occupaient un emploi en

en zone urbaine.

.

Conformément aux tendances globales, la ville est attractive et, malgré la prépondérance de la ruralité à

Madagascar, l’ile s’urbanise. Les formes que prennent ce phénomène d’urbanisation étudiés dans le

cas de Diego nous prouve toutefois que les migrations ne sont ni sans retour ni sans embuches ;

malgré des stratégies d’adaptation et d’abnégation ayant longtemps favorises l’insertion et l’amélioration

des conditions de vie des migrants, le modèle semble mener sur une impasse ; ces stratégies, tout

comme l’environnement urbains évoluent et tendent parfois à invalider certaines théories classiques

migratoires. Les migrants à Diego présentent, selon notre échantillon, des caractères distincts,

quelquefois opposés. Le niveau de concentration et de liens ethniques, le niveau de mobilité sociale,

les parcours migratoire sont autant de facteurs affectant la trajectoire et l’impact migratoire sur la ville.

Leur éventuelle ascension sociale dépendant nécessairement de leur degré d’intégration dans de

nouveaux paradigmes, l’influence des attributs – services et économique - urbains sera d’une grande

aide pour mieux identifier quelles priorités chercher à adresser, dans une perspective de

développement local. Nous approfondirons, dans la prochaine partie, les différentes manières dont

migrants et espace urbain interagissent afin de comprendre les dynamiques d’évolutions entre les deux

objets de notre étude. Surtout, cette analyse présentera la base d’une réflexion sur les terrains de

gouvernance locale à défricher ; quelles problématiques sont déterminantes de l’intégration et la

participation, ou l’aliénation et la paupérisation des nouveaux arrivants ?

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Chapitre 2 Relations de causalité entre développement

urbain et ville tremplin

1 L’ascension sociale des migrants : chimère ou état de fait ?

Si la migration s’interprète généralement par la volonté d’augmenter ses sources de revenus, selon des

modalités qui, elles, varient, les facilités ou les complications que les migrants rencontrent en territoire

urbain s’avèrent cruciales dans la réussite migratoire.

1.1 Une remise en question de la relation immigré - vulnérabilité

Il existe par ailleurs une idée reçue qui affirme que les couches les plus

pauvres de la population sont constituées par des nouveaux migrants,

venus d’autres provinces et en particulier de zones rurales. (…) Nous nous

sommes donc attardés sur les origines familiales des acteurs afin

d’interroger cet ‘allant de soi’.

Tiré de Visages d’exclusion dans la société malgache contemporaine. RICARDI

COQUELIN A.-M. (2010)

Le mythe de la marginalité105repose sur plusieurs déterminants des habitants de quartiers périphériques

urbains : la désorganisation sociale, l’isolation géographique du centre-ville, le maintien de traditions

rurales ou esprit de clocher106et le parasitisme économique. La majorité des enquêtes menées ont en

tout cas pu discréditer la thèse du migrant comme profil marginal ou vulnérable dans le cas malgache,

prenant en compte le cas de Diego Suarez. La pauvreté serait « héritée » plutôt qu’inhérente à la

mobilité. En réalité, le mythe de l’immigré vulnérable repose largement sur les cas de migrations

105 PERLMAN J.E The myth of marginality (1969). Nous nous appuyons ici sur l’article « The myth of marginality revisited : the case of favelas in Rio de Janeiro, 1969-2003” du meme auteur. Pages 9 a 54 dans Becoming global and the new poverty of cities. HANLEY L.M., RUBLE B.A et TULCHIN J.S. Woodrow Wilson International Center for Scholars (2005) 106Parochalism dans le texte original. Ibid.

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internationales, ou les écarts culturels, mais surtout, les politiques de restriction migratoires forcent les

migrants à une discrétion administrative qui peut les rendre dépendants, vulnérables, ‘a la merci de’,

sans recours. Madagascar, pays parmi les ‘moins avancés’, systématiquement relégué dans les 15

lignes des classements mondiaux de PIB par habitant, semble connaitre une forme de pauvreté

intégrée107. Considérée comme une norme, elle est acceptée et trouve sa principale parade dans les

liens de solidarités tissés.

La concentration spatiale, les associations d’originaires, la longévité et l’intégration à la société urbaine

sont autant de vecteurs infirmant la thèse du migrant exclu, esseulé, démuni. Les associations

d’originaires évoquent, dans leurs statuts, ‘l’amélioration du cadre de vie des membres108’, ou encore ‘le

soutien face aux problèmes financiers ou de santé’109. Le processus d’individualisation urbaine auquel

les villes africaines n’échappent pas peut être vécu à des degrés variables selon l’intégration à la

société urbaine et l’intensité des liens conservés avec une communauté plus restreinte, traditionnelle et

socialement exigeante. Les relations d’ordre communautaire (appartenance villageoise, ou plus de

l’ordre des croyances, des pratiques spirituelles) servent non seulement de filet de sécurité lors de

l’arrivée en ville, mais également de version (pas si) informelle de sécurité sociale que le service public

manque à fournir. Plus globalement, des liens communautaires permettent d’accompagner à la

découverte de nouvelles pratiques culturelles et d’éviter l’aliénation des nouveaux arrivants.

Nous n’avons pas rencontre de migrant égaré, ayant mis le cap sur Diego sans y avoir la moindre

connaissance – nos méthodes d’approche en sont peut-être la cause, étant généralement passé par

l’intermédiaire de représentants associatifs. Sans prétendre que de tels profils n’existent pas, les

théories migratoires et la culture malgache permettent de supposer que ce profil est largement

marginal.

107

Les formes élémentaires de la pauvreté, PAUGAM S.PUF (2005) 108 Voir entretien Vice-président association des originaires d’Antalaha a Diego Suarez 109 Voir entretien avec le Président de l’association villageoise (Antesaka) Mangasoa 1

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Parmi les migrants étudiés, les jeunes filles de SAVA sont, de loin, celles les plus en proie à la

vulnérabilité. Le profil de la domestique est, à travers le monde, répertorié comme un public vulnérable.

Logée à domicile, les relations sociales dépendent de l’adresse de l’employeur, possiblement dans une

prison dorée à mille lieux des quartiers populaires de ses connaissances. Les heures de travail sont

plus que flexibles, tandis que l’aspect généralement informel de la profession, associe au gite et au

couvert, à l’intimité partage avec les patrons peuvent créer une relation malsaine, entre exploitation et

gratitude. Malgré les déconvenues dont on fait l’expérience de nombreuses filles d’Antalaha, le soutien

des originaires et de l’association des ressortissants tend à mitiger leur vulnérabilité ; le mal est fait,

mais ne restera (peut-être) pas impuni. A en croire le fort taux de migration inverse dans cet échantillon,

on peut concevoir la migration vers la ville intermédiaire comme une seconde sélection migratoire : les

plus éprouvées rentrent, les autres restent. D’autres encore, que nous évoquions dans le chapitre

précédent, candidatent à la migration internationale vers le Golfe Persique. Nous n’entrerons pas dans

les détails, mais un tout autre degré de vulnérabilité les y attend souvent.

De façon générale, les migrants les plus vulnérables demeurent les migrantes. Lorsqu’elles sont chefs

de ménage et qu’elles rencontrent des difficultés économiques, la tentation du retour au village est

grande ; l’option de rester en ville pour l’éducation de leurs enfants l’emporte généralement. Certaines

des originaires de Vangaindrano spécifiaient ne pas pouvoir payer leur ticket retour ; d’autres devoir

arrondir leur fin de mois avec des hommes. L’extrême diversification des sources de revenus, l’absence

prolongée du foyer impactant directement l’éducation des enfants, déscolarisation et délinquance sont

particulièrement prégnantes dans les quartiers ou sont recensés les plus fort taux de mères célibataires.

La vulnérabilité pourrait donc se transmettre de mère en fils. Malgré la concomitance des données

récoltées avec les statistiques communales, il serait maladroit d’en conclure que les migrantes sèment

les graines de l’insécurité. Les quartiers périphériques pour lesquels des diagnostics sociaux et

territoriaux ont été menés ne précisent pas l’origine des foyers des « FCME » (femme chef de ménage

avec enfants). Les réflexions sur un processus d’individualisation « dans, et par la pauvreté » s’est

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impose dans le cadre urbain des pays en développement ; la question de la vulnérabilité féminine

pourrait bien être davantage une question urbaine qu’une spécificité migratoire.

1.2 Pauvreté rurale, misère urbaine ?

S’il est largement prouvé que les plus fort taux de pauvreté se concentrent en zones rurales, les taux de

pauvreté urbaine tendent à converger avec ceux de la campagne à travers le monde. Au Sri Lanka par

exemple, les revenus ruraux augmentaient de 13% alors même que leurs équivalents urbains chutaient

de 20% dans la décennie 1970110. A Madagascar, la pauvreté urbaine a aussi augmenté, mais de façon

moins significative que la pauvreté rurale entre 2005 et 2010 (respectivement de 52%à54,2% et de

73,5% à 82,2%111). A l’échelle régionale toutefois, la pauvreté urbaine – en deca des moyennes

nationales – affiche un taux de progression bien plus rapide que les données nationales ou que le taux

de pauvreté rural112

Apres avoir cru, avec les idéologues des années cinquante, à la ville-foyer

de développement, il faut aujourd’hui se soumettre à la réalité des faits :

sur les 380 millions de citadins du Tiers Monde, 115 millions au moins

vivent à la ville dans un état de pauvreté inhibant toute initiative ayant

d’autre but que l’immédiate survie. Un peu plus de la moitie des ruraux

« exodés » au cours des vingt-cinq dernières années a sans doute réussi

à s’intégrer dans l’économie urbaine, améliorant ses conditions de vie :

mais le reste, qu’a-t-il gagné par rapport à la campagne qui le rejetait,

sinon la possibilité, peut-être plus idéale que réelle, d’affirmer

publiquement, devant tous, son droit à l’existence ?

Pauvreté urbaine, pauvreté rurale : le partage des miettes. KAYSER B. (1979)

110Pauvreté rurale, pauvreté urbaine : le partage des miettes KAYSER B., 111

Schéma Régional de Développement Economique (SRDE) DIANA. Région DIANA(2010) 112

Taux de pauvreté urbaine augmentant de 21,4% en 2005 a 31,7% en 2010. La pauvreté rurale est passée de 59,2% à

69,1% sur la même période. Ibid.

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Si l’on continue de considérer la ville comme un tremplin113, une machine à ascension sociale, on peut

envisager la pauvreté urbaine comme une étape transitoire – l’accès à davantage de services et

d’infrastructures permettent notamment d’améliorer les taux de déterminants non-pécuniaire de la

pauvreté : éducation, centre de santé, recours à la justice et application du droit, voice… que

l’enclavement, l’inaccessibilité, mais également le poids des traditions empêchent, de facto, dans les

campagnes malgaches. Ces facteurs de pauvreté semblent plus faciles à adresser en milieu urbain et,

nous le verrons dans une seconde partie du notre recherche, permettent d’en décupler les effets. Pour

l’heure toutefois, s’il apparait que les migrants interroges ont tous, de façon relative, pu accroitre leurs

revenus comparé à leur village d’origine, on ne peut pas forcement parler de réelle amélioration des

autres déterminants de la pauvreté. Nous en adresserons plus loin les raisons probables.

2 Un migrant dans la ville. Impact des nouveaux arrivants sur l’économie

urbaine

2.1 Une main d’œuvre complémentaire ou de substitution ?

A travers le monde, la question des migrations est directement liée au marché du travail - Diego-

Suarez, ville coloniale créée ex-nihilo, en est un exemple probant. Migrants de la grande ile, de l’Océan

Indien, d’Asie, d’Europe et du Golfe Persique ont été encouragés à contribuer à l’édification et au

développement économique de la cité. Agriculteurs, dockers, ouvriers… à chaque profil correspondait

une spécialité. Le nexus urbanisation-développement repose considérablement sur ces flux migratoires

comme contribution à davantage de production et de croissance économique urbaine. Les guest

workers des Trente Glorieuses114 illustrent parfaitement le besoin de main d’œuvre extérieure pour

contribuer a la croissance économique dans l’Europe de l’Ouest de l’après guerre. Ailleurs, de nos

113

SAUNDERS D., (2011) Op.cit 114

Principalement Nord-Africains en France, et Turques en Allemagne

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jours, les minggong115 sont un maillon indispensable de la croissance économique urbaine chinoise. La

migration comme solution trouve visiblement ses limites lorsque la croissance faiblit, comme les

politiques de restriction migratoire dans le monde occidental peuvent en attester depuis les années 80.

La migration n’est désormais plus une panacée, mais un fléau à endiguer. Alors même que de

nombreuses études manquent de confirmer les impacts négatifs des migrants sur l’accès à l’emploi et la

baisse des salaires de la main d’œuvre locale116, les migrations sont redoutées, dissuadées, contrôlées,

pénalisées. En dépit des idées préconçues et des discours électoralistes, plusieurs études ont

démontrés l’apport des migrants dans l’amélioration des conditions socio-économiques de natifs à faible

qualifications ; migrants et natifs pourraient donc bien être des mains d’œuvres complémentaires117.

Dans le cas diégolais, Les échantillons de migrants étudiés participent-ils à l’essor et la cohésion

économique de la ville, ou contribuent-ils à une paupérisation de la société en saturant une offre

indifférenciée et limitée ?

Les échantillons de migrants étudiés semblent présenter quelques spécificités professionnelles –

appelons-les spécialisations. Les migrants Antesaka travaillent le plus souvent à leur compte – les

réseaux dont ils font parti leur permettent d’emprunter l’argent leur permettant de s’installer,

éventuellement d’investir dans un petit emploi manuel, de commerce ou d’élevage (artisans, tireur de

pousse-pousse, vendeuses de légumes ou de poissons, éleveurs porcin…). Ils créent leur propre

emploi, n’empiétant pas, a priori, sur une offre de main d’œuvre locale. Quand ils ne sont pas leur

propre employeur, on retrouve également les Antesaka parmi les rangs des gardiens, les dockers du

port ou les agents de propreté de la commune. Les migrants de SAVA - nous en avons fait un trait

distinct dans l’étude de leur profil - se retrouvent principalement dans les travaux domestiques :

employé(e)s de gargote, femmes de ménage, gardiens pour la minorité d’homme répertoriés.

115

Littéralement :Ming –paysan. Gong – main d’œuvre, ouvrier. Migrants ruraux ouvriers dans les grandes usines et

chantiers urbains chinois. 116

Le cas des Etats-Unis et des migrants mexicains,notamment. MURRAY J., BATALOVA J., FIX M. “The Impact of

Immigration on Native Workers: a Fresh Look at the Evidence”. Migration Policy Institute, No 18 (July 2006) 117 Les flux migratoires redynamisent la démographie, l’économie et la fiscalité locale. Voir STRAUSS J. Allies not Enemies: How Latino Immigration Boosts African American Employment and Wages. Immigration Policy Center (2013)

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Nous avons vu que les méthodes de recherche du (premier) emploi favorisaient le regroupement

ethnique – trouver un emploi par le biais de ‘compatriotes’ favorise la concentration ethnique sur le

marché du travail. Cela n’explique toutefois pourquoi les secteurs d’activités se distinguent aussi

clairement. Sans être l’unique apanage de Diego Suarez, natifs et migrants ne sont pas prêts aux

mêmes sacrifices en termes d’occupation professionnelles. Les postes illustrant les 3D (dirty,

dangerous, demeaning118) n’ont pas la faveur des actifs natifs, tandis qu’ils représentent,

comparativement, une manne considérable pour les nouveaux arrivants. Un poste de bonne à Diego est

rémunéré autour de 100.000 ariary ; les jeunes filles d’Antalaha pouvaient en prétendre 15.000 ‘à

domicile’, tandis que les salaires liés à la culture de la vanille demeurent aussi fluctuants que moroses

depuis 2005. Même constat pour les jeunes migrants Antesaka : un jeune boucher se réjouit qu’ «à

Vangaindrano, tu peux gagner maximum 25.000 FMG par semaine [alors qu’] Ici, c’est minimum

50.000 ». Le refrain redondant de l’immigré n’ayant pas peur de se salir les mains, ne reculant pas

devant les basses besognes semble converger avec cette interprétation. La répartition ethnique du

travail à Diego n’est d’ailleurs pas uniquement l’apanage des nouvelles vagues migratoires ; les

karanas119 sont généralement de grands commerçants et propriétaires fonciers, les descendants de

chinois tiennent des débits de boissons. Les emplois occupés par les échantillons de migrants

sélectionnés semblent alors complémentaires à la demande des natifs. Les domestiques permettent

aux femmes d’exercer une activité professionnelle, aux vazahas de jouir de la retraite tandis que les

gardiens assurent la sécurité des gains amassés dans la journée et des ‘blancs’ cibles privilégiées des

cambrioleurs. Les tireurs de pousse-pousse permettent le transport des marchandises échangées, et

les balayeurs contribuent à la superbe d’une ville coloniale sur le déclin et à l’industrie du tourisme…

Emplois d’immigrés ou de natifs, déclarés ou informels se complètent et assurent un fonctionnement

économique fluide à l’échelle urbaine.

118

Sale, dangereux et dégradant 119

Communaute indo-pakistanaise a Diego

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Le bidonville n’est pas une enclave fermée sur elle-même mais une réalité

indissociable de la ville « officielle » à laquelle il fournit de la main d’œuvre,

des services et dont il tire et recycle les matériaux et des ressources en

tout genre.

Tiré de Urbanisation des pays en développement, POLESE M. et WOLFE J. M.

Ed. Economica (1995)

D’autres observations sur la division ethnique du travail permettent de noter l’universalité d’une

organisation implicite et spécifique à chaque localité, contribuant à une cohésion socio-économique de

l’ensemble des habitants du territoire urbain120. L’équilibre et l’efficience économique territoriale

reposent sur le respect des spécialisations et des avantages comparatifs121 identifiés non seulement

entre migrants et natifs, mais également entre différents profils de migrants. Cette relative harmonie, ce

respect des plates bandes de chacun permet d’envisager les flux migratoires comme indispensable à la

préservation de l’équilibre économique urbain.

Malgré la possible vraisemblance du phénomène dans les décennies passées, les divers entretiens

menés semblent signifier d’une actualité moins idyllique : les difficultés accrues pour trouver un travail,

le « trop de migrants », la baisse des revenus sont pointés par l’intégralité des échantillons comme le

principal, sinon l’unique inconvénient rencontré en ville122. Les natifs de Diego ne sont d’ailleurs pas en

reste ; alors que « [les migrants] viennent à Diego chercher la chance des chiens, [les diégolais]

réclament, pour la première fois, les emplois de balayeurs »123. La requalification conjoncturelle

identifiée par l’ensemble des migrants fait bouger les lignes. Les stratégies d’ajustement à la crise font fi

de l’ordre établi ; les crédos se chevauchent, l’équilibre est bouleversé, l’économie des foyers affaiblie.

Une telle baisse des revenus s’ajuste par une diversification des activités économiques, possiblement

au détriment d’autres groupes socioprofessionnels. La concurrence à laquelle font face les vendeuses

120 « Aucun déterminisme ethnique ne porte les gens vers un métier. Interview avec Catherine Withol de Wenden ». Liberation (4 Septembre 2004) 121La base des théories économiques néo-classiques de SMITH A. et RICARDO D. 122 Voir tableau récapitulatif des entretiens en annexe 123 Entretien avec Johary Houssen Alibay, Maire de la Commune Urbaine de Diego-Suarez

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de bredes Antesaka semble avoir un lien de causalité avec la reconversion des originaires de

l’hinterland. Les natifs voient leurs heures hebdomadaires diminuer124, lorsqu’ils ne sont pas mis au

chômage technique. La baisse du tourisme due à l’instabilité supposée du pays affecte une partie

importante des actifs. Plusieurs chauffeurs de taxis, natifs, vendent des crevettes ou des fruits dans leur

coffre.

2.2 Le rôle inexploité des flux migratoires sur le développement local

Les informations collectées auprès des migrants rencontrés permettent d’affirmer que leurs revenus,

ainsi que la perception de leurs conditions de vie sont améliorés ; d’un point de vue micro-économique,

et en dépit des difficultés accrues auxquels les derniers arrivants font face, la ville, si elle n’est plus un

« tremplin », favorisant la mobilité sociale, demeure une alternative lucrative aux villages « avec

l’agriculture mais pas d’argent » dont les migrants sont originaires. Comme la majorité l’a attesté, ils

n’ont pas l’intention de repartir. L’argent est la cause principale de leur décision migratoire, et,

contrairement à certains natifs de Diego, aucune des personnes interrogées ne pouvait se permettre

d’être « sans emploi ». Apres avoir jaugé le spectre de ces occupations professionnelles, on peut en

conclure qu’elles relèvent souvent de la survie ; exception faite du point d’honneur que les migrants, ou

plutôt les migrantes, mettent à la scolarisation de leurs enfants. Une vision à moyen, voire à long terme

permet d’envisager une réelle ascension sociale pour les migrants de deuxième génération – à

condition que des opportunités professionnelles correspondent aux qualifications acquises du sacrifice

de leurs parents. Dans une perspective macro-économique toutefois, les migrants contribuent peu, ou

prou, au dynamisme économique urbain.

S’il a quelquefois été fait mention de l’excès de migrants pour expliquer les difficultés financières et

l’extinction de l’argent facile, peu se laissent berner : le sous-emploi est moins le fait des flux migratoires

124

Entretien avec Mr Henri, Directeur de PFOI

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que d’une trop faible création d’emploi sur le territoire urbain. Jusqu’au milieu des années 1970, Diego

reposait sur une économie dépendant des principalement de la ‘métropole’ : chantier naval pour la flotte

française dans l’Océan Indien, conserves de thon, récolte de sel destinées à l’export, baies, plages et

nature exceptionnelles pour les touristes, les filles du port pour les marins et les retraites

expatriés…Aujourd’hui, le chantier naval (SECREN) ne sert qu’aux quelques thoniers espagnols de

passage quand la saison s’y prête. Les exportations de thon sont ralenties par la crise économique et,

malgré une main d’œuvre très bon marché, l’industrie peine à être réellement compétitive. Ensemble,

ces trois industries - les principales en ville - ne rassemblaient que 2.800 employés en 2011. Ce chiffre

est inquiétant, si on considère que le sel et les conserves de thon sont, de loin, les deux principaux

produits diégolais exportés depuis le port125.

Les effets des flux migratoires, et plus globalement de l’urbanisation sur Diego semblent bien

décevants. Les théories classiques évoquent une modernisation des techniques agricoles, un surplus

de main d’œuvre alloué aux industries, la création de richesses, la croissance économique, elle-même

moteur de la croissance des marches, de la spécialisation de la main d’œuvre et de l’exacerbation de la

plus value… Si le modèle ne s’applique pas à Diego (ni même à Madagascar) c’est parce que le pays

n’a en fait connu ni révolution verte, ni révolution industrielle126. La ville repose inlassablement sur

quelques industries basées sur ses fonctions postcoloniales et reste désespérément tributaire de

l’économie internationale.

Les locaux se souviennent bien de l’ouverture de la dernière entreprise d’envergure à Diego : c’était

PFOI, il y a plus de 20 ans127. A cet égard, il n’est pas surprenant que Diego Suarez enregistre le taux

de croissance urbaine le plus bas de sa région – des villes de moindre importance, enclavées, à qui il

manque le prestige et les particularités cosmopolites, croissent et se développent au vu et au su du

125 Respectivement, 21.243.482 kg et 11.293.302 kg pour l’année 2011. Source SRDE, Op.cit. 126 «Why is African urbanization different ?Evidence from resources exports in Ghana and Ivory Coast» JEDWAB R. 127 En 1991

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chef-lieu régional, participant à un « déplacement progressif du centre de gravite régional128 ». Le

district d’Ambilobe, à 80 kilomètres au Sud de Diego, a vu sa population croitre de 103% entre 2003 et

2011. C’est exactement deux fois plus que Diego129. En plus d’un sol historiquement riches en minéraux

– notamment en saphirs - la réouverture de la sucrerie SIRAMA (aujourd’hui SUCOCOMA) a permis

l’ouverture de 1.300 postes d’ouvriers, plus une demande de main d’œuvre sur les champs de canne à

sucre, sans compter les opportunités économiques indirectement liées à la nouvelle industrie (gargotes,

épiceries …). Au total, près de 10.000 emplois ont été crées. La transformation des nombreuses

matières premières semble être la voie d’industrialisation la plus pertinente pour les villes intermédiaires

de la région DIANA - expliquant peut-être l’essor d’Ambilobe et le déclin relatif de Diego Suarez.

Le taux d’entreprises formelles a dramatiquement chuté à Diego depuis les débuts des années 2000, de

l’ordre de 44% entre 2003 et 2008130. Si les postes n’ont pas nécessairement disparu (englouti dans les

méandres du secteur informel), la tendance reflète un affaiblissement généralisé du système

économique local et renforce la concurrence sur le marche de l’emploi, là où secteurs formel et informel

étaient autrefois implicitement segmentés entre différentes strates de la population urbaine de façon

complémentaire.

La tendance au retour des migrants de l’hinterland pointe l’absence d’opportunités économiques à

Diego, et l’avantage comparatif de l’agriculture dans une région se tournant vers une production

intensive de drogue douce – non maraicher. Si ce retour au village n’est pas inédit dans les pays en

développement et répond rationnellement à la crise économique touchant les villes, il va à l’encontre de

toutes les prédictions sur le développement économique et humain des pays du Sud. Si urbanisation et

128 SRDE DIANA. Op.cit 129 63% sur la même période. Schéma Régional de Développement Economique (SRDE) DIANA. Région DIANA (2011) 130SRDE DIANA.Op.cit.

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développement sont bien les deux faces d’une même pièce, adresser la question de l’intégration socio-

économique des migrants à l’échelle de la ville comme moteur du développement local – et national -

semble primordial. La relative apathie institutionnelle au regard des évolutions sociales de son territoire

urbaine engendre un épuisement des ressources dont la ville devrait pouvoir bénéficier pour prospérer.

Sans investissements publics ou privés capables d’absorber cette main d’œuvre et de contribuer à un

développement humain et économique endogène, point de salut pour les migrants et la ville ?

D’aucuns, tel que Todaro, renommé pour ses théories sur le chômage et le sous-emploi des migrants

ruraux-urbains, considèrent alors ces flux comme « both a symptom of and a contributor to African

underdevelopment»131 forçant à reconsidérer les modèles, ou peut-être l’absence de modèle de

développement urbain à Madagascar et à Diego Suarez.

La deuxième partie de notre étude de cas nous emmène donc à réfléchir sur les modalités d’un

développement urbain à pertinence locale, prenant en considération les évolutions démographiques de

Diego Suarez, et les impacts pluriels qu’ils répercutent sur la cohésion de la ville. Nous nous

interrogerons spécifiquement sur les capacités des autorités locales à coordonner de tels ajustements.

131 Todaro, 1997, citee dans BEAUCHEMIN C. et BOCQUEIR P. “Migration and urbanization in francophone West Africa : a review of the recent empirical evidence” DT / 2003 / 09, DIAL (2003)

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PARTIE II

Décentralisation et

jeu d’acteurs : quelle

gouvernance du

développement

local ?

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Chapitre 3 Au-delà du paradigme incitation-rejet, une

relative ignorance institutionnelle des enjeux

migratoires

1 Les désarticulations de la commune urbaine de Diego Suarez

Le marasme économique mondial et les crises politiques nationales n’auront donc pas épargné Diego

Suarez. L’un des enjeux du développement local est précisément d’apporter, ou du moins de tenter

d’élaborer des solutions locales à ces maux globaux. Lorsque l’on considère les enjeux de

l’urbanisation, et plus spécifiquement des migrations rurales-urbaines comme ceux d’une inadéquation

entre les changements démographiques et les changements institutionnels, on rejoint vite la conclusion

que la solution à une urbanisation harmonieuse réside dans une adaptation des autorités locales à des

bouleversements démographiques incontournables. Depuis que le processus de décentralisation a été

amorcé en 1995 à Madagascar, les collectivités décentralisées, communes en chef de file, ont la

légitimité territoriale pour de telles reformes. Si la ville est objet du changement, elle en est également le

sujet ; les flux migratoires, état de fait, doivent contribuer au développement local, et les autorités

communales se doivent de tenir compte d’évolutions spontanées pour s’ériger en maitre d’ouvrage de

changements programmés

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1.1 . Relation commune-quartiers, ou l’ignorance des évolutions du territoire

L’incapacité des migrants – mais pas uniquement – à améliorer leur sort, ainsi que la dégénérescence

des conditions de vie urbaine reposent principalement sur le fossé béant observé entre théories de

l’urbanisation et gestion effective du processus. La mise en œuvre de politiques urbaine de

changement, d’ajustement aux évolutions économiques et sociales s’appuient, selon la doxa du

développement local, sur le décloisonnement des compétences et la participation des acteurs du

territoire, au sens large. Les prises de décisions sortent des carcans du conseil municipal pour refléter

plus fidèlement les besoins prioritaires des habitants de la cité, les solutions adressées sont élaborées

de concert, afin d’optimiser les ressources et les compétences des parties-prenantes du territoire,

acteurs et bénéficiaires du développement. De nombreux auteurs rejoignent la conclusion que

décentralisation, citoyenneté et développement inclusif vont de pair.

(…) considerable promise for decentralization in promoting citizen

participation, increasing information flows between governments and

citizens, enhancing transparency and accountability, integrating society

with the state and reinforcing and invigorating democracy at the national

level.

James Manor cité dans « Balance, accountability and responsiveness: lessons

about decentralization ». SHAH A., The World Bank

A cet égard, les institutions de Bretton Woods, et les bailleurs de fonds internationaux du

développement de façon plus large exigent souvent la mise en œuvre d’un processus de

décentralisation, de « bonne gouvernance » comme critères d’éligibilité à leurs subventions. Une

commission chargée de la gouvernance locale est organisée au sein du Global Bureau d’USAID. Les

APD132 européennes lui emboitent le pas en créant des programmes d’appui aux collectivités

132 Aide publique au développement

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décentralisées du Sud133. La France développe des partenariats entre collectivités sous la forme de

coopération décentralisée. C’est donc sans surprise que Madagascar, comme tant d’autres pays

Africains depuis les années 1990, se soit engouffré dans la brèche de la démocratie locale et de la

décentralisation des pouvoirs et des compétences.

A Diego, des instances de proximité, les bureaux de fokontany ont théoriquement cette mission de

mobilisation au développement, créant a priori une interface entre individus et commune urbaine. Dérivé

de la forme organisée qu’était la cellule villageoise sur les hautes terres - le fokonolona - le fokontany

est une ‘cellule de base’, la plus petite entité administrative malgache. Si les processus de

décentralisation se justifient par la volonté de rapprocher les citoyens des centres de décisions, le

fokontany en est théoriquement l’expression la plus aboutie.

Etrangement, le fokontany n’entretient pas avec la commune les liens fonctionnels qu’on lui

supposerait ; un temps désigné par le Maire et financé par le budget de la commune, les présidents et

bureaux de fokontany sont sous la tutelle du district134 depuis 2007. La ville, décentralisée, est donc

composée d’entités déconcentrées avec lesquelles elle coopère péniblement. Non seulement le

représentant de la cellule de base n’est pas élu, mais il n’a aucun budget et évolue complètement

indépendamment des orientations de la commune. Positionnés en tant que « base du développement et

de la cohésion socioculturelle et environnementale135 », l’absence de garde-fous démocratiques,

d’articulations administratives et de coopérations territoriales ne permettent pas au fokontany de mener

à bien ses prérogatives. Ses relations avec le pouvoir central semble pareillement désarticulées ; aucun

compte, ni programmation n’est requis du président de quartier, ses rares partenaires sont des

associations locales, les actions entreprises dépassent rarement du cadre de l’urgence et du ad hoc, et

la mobilisation citoyenne de quartier est compliqué : réhabilitations de piste ou simple ramassage de

déchets plastiques requiert nécessairement compensations – billets, boissons, feuilles de khat… La

133 LEMARCHAND R. « La face cachée de la décentralisation : réseaux, clientèles et capital social » Bulletin de l’APAD (1998) 134 Equivalent de la préfecture française – service déconcentré de l’Etat 135 Article 152

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mobilisation n’est donc pas inexistante, mais nous n’oserions parler de conscience collective, de

renforcement du sentiment citoyen à l’échelon local.

Organe légitime de la collecte de données, des recensements et de la mobilisation de quartiers, le

bureau de fokontany ne remplit que partiellement ses fonctions – cause et conséquence d’un

éclatement des responsabilités territoriales inachevé, les rares données disponibles sont, selon la

confession d’un président fokontany « bidonnées ». Le manque de considération et d’exigence des

échelons supérieurs, l’absence de partenariats territoriaux structurés sont autant de contre-incitations à

la responsabilisation aux missions collectives locales. Au plus près des populations de base, les

autorités de quartiers méconnaissent donc leur administrés – les quelques règles d’établissement des

nouveaux arrivants dans les fokontany sont rarement respectées, les évolutions économiques et

sociales ressenties, mais jamais étudiées. Difficile, dans ce cas, de prétendre concourir au lien social

territorial indispensable au développement local participatif. Ilots dans la ville, les fokontany ne

connaissent pas de pont leur permettant d’interagir avec les élus communaux.

1.2 Une collectivité décentralisée livrée à elle-même

Si la mairie manque d’engager les instances de quartiers dans l’élaboration et l’opérationnalisation

d’une vision définie communément, elle rencontre simultanément des embuches semées par le

gouvernement central : la dévolution du pouvoir, des compétences et des ressources est perçue - à

juste titre, selon les ambitions - comme une menace136.

La politique nationale de déconcentration et de décentralisation (PN2D) exhibe pourtant une vision

politiquement correcte, dans le sillon de la bonne gouvernance exigée par les institutions financières

136 « La décentralisation a Madagascar» Une étude de la Banque Mondiale concernant un pays. Banque Mondiale (2004)

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internationales, en visant « des collectivistes efficaces au service de citoyens responsables »137. Un

agenda sans surprise articule une politique de décentralisation similaire aux autres pays francophones :

formation et accompagnement au transfert de compétences, implication des populations dans

l’élaboration et la mise en œuvre des projets de développement locaux… Dans les faits toutefois, « les

communes exercent les compétences qu’elles se reconnaissent138 » ; lorsque d’autres parties

prenantes ne se substituent pas aux missions communales, celles-ci sont simplement ignorées (le cas

de l’urbanisme, de la protection sociale notamment139).

Les services déconcentrés de l’Etat (STD) font partie de ces parties-prenantes extra-communales140. En

dépit de leur rôle officiel d’appui au transfert des compétences, ils évoluent de façon autonome et se

substituent allégrement aux missions de la commune, malgré la légitimité territoriale de la collectivité

décentralisée (CTD). Les projets purement sectoriels des ministères entravent à la vision transversale

et à pertinence territorial du développement local. La mise en œuvre biaisée de la décentralisation

renforce l’idée que les collectivités locales n’ont pas les compétences de gouverner leur territoires, et

entretient l’incapacité des villes de part leur mise à l’écart opérationnelle. Mobilisation et négociation de

partenariat, maitrise d’ouvrage communale, ressources humaines et programmation de politiques… au-

delà du modèle théorique, la commune urbaine de Diego Suarez ne semble pas capable de proposer et

coordonner un projet territorial. Le processus de décentralisation malgache est en fait des moins abouti,

comme en atteste la part des dépenses sous la responsabilité des gouvernements locaux dans le

budget de l’Etat. Alors que la moyenne des pays de l’OCDE oscille autour de 30%, que l’Asie du Sud-

est ou l’Amérique latine enregistre des taux de l’ordre de 20%, que le continent africain peine à affecter

7% des dépenses publiques aux entités politiques décentralisées…le gouvernement central malgache

parvient à faire pire, avec moins de 5% des dépenses nationales sous la responsabilité des collectivités

137 Introduction de la Politique Nationale de Déconcentration et de Décentralisation (PN2D) malgache. Ministère de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire (2007) 138 « L’urbanisation ou le nouveau défi malgache » Banque Mondiale (2011) 139Ibid. 140 Ainsi que la société civile ou les partenaires du développement, dont nous discuterons dans les dernières parties du mémoire

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territoriales141. Le budget des communes malgaches ne représentait que 1,5% du budget national

malgache en 2005142

Logiquement, les habitants ne reconnaissent que marginalement le rôle de la commune dans le

développement local ; au cours d’une enquête de 2006, seuls 17% des ménages urbains considéraient

que l’approvisionnement urbain en eau était la responsabilité de la commune (loin derrière les bailleurs

de fonds internationaux, les chefs de quartiers et l’Etat central143). Une telle méconnaissance des

missions communales pousse à s’interroger : la commune serait-elle en fait le maillon faible de

l’administration malgache ? Comment prétendre promouvoir des politiques inclusives intégrant les

nouveaux paradigmes urbains, alors que natifs et, à plus forte raison, migrants n’ont aucune visibilité

sur le champ des possibles communal ?

2 Le poids des institutions extra-communales : appui, fardeau et vacuum

2.1 De la gouvernance au gouvernement

Alors que les fonds de développement local (FDL) étaient présentés comme la clé de voute de la

décentralisation malgache, ces transferts ne représentent que 0,6% des dépenses publiques totales en

2007-2008144 . Parmi les principaux défis de l’urbanisation, des économistes du développement145

pointe le rôle limité des administrations locales et les faibles capacités des autorités municipales dans

l’ensemble de l’Afrique, et au sein de laquelle, nous l’avons vu, Madagascar ne fait pas exception. Loin

d’être la chasse gardée de l’Etat, et malgré son aspect économiquement stratégique, point de

planification centrale du développement urbain en amont des collectivités. « Le développement urbain

141 MORISSET J. Op.cit 142

Banque Mondiale Op.cit 143 « Rapid Political Analysis : Madagascar » MARKUS R. (mai 2009) cité dans « L’urbanisation ou le nouveau défi malgache ». Banque Mondiale (mars 2011) 144« Urbanisation ou le nouveau défi malgache ». Op.cit 145 Les experts de la Banque Africaine de Développement. Voir « Transformer les cités et villes d’Afrique en moteurs de la croissance économique et du développement social »

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n’a jamais été considéré comme une priorité. Comme preuve, le budget alloué à ce volet a toujours été

minime. Nous n’avons pas de politique national pour le développement des villes146 » avouait le

directeur général de l’Aménagement du Territoire début 2013.

L’Etat, notamment dans sa forme transitoire, n’a pas pour autant complètement négligé les centres

urbains – dont Diego. Des projets hautement médiatisés, comme les hôpitaux manara-penitra147ou les

projets de logements sociaux trano mora148 visaient à l’amélioration du cadre de vie de la population

citadine malgache. Au-delà des effets d’annonce, l’impact sur les conditions de vie des pauvres urbains

est nul. Les hôpitaux, flambants neufs, n’ont pas été assorti d’une réflexion sur un programme de

couverture maladie universelle permettant à la majorité pauvre d’y avoir accès149 ; la principale

conditions d’éligibilité à un logement trano mora était un revenu mensuel d’au minimum 400.000 ariary –

avec un seuil de pauvreté établi à Diego à 5.000 ariary par jour, et une majorité croissante des diégolais

s’en rapprochant, difficile de prétendre adresser les priorités sociales des centres urbains avec de telles

conditionnalités. Pour preuve, son impopularité. Les 99 foyers sélectionnés pour aménager dans le

lotissement ont été tiré au sort ; loin d’avoir ameuté les foules, seules 113 familles y auraient

candidaté150. Alors que l’alibi d’une décentralisation inachevée conduit l’Etat à se désengager des

territoires, ou de n’y intervenir que pour y apporter des éléphants blancs, le cout d’opportunité de la

négligence des villes151pourrait être considérable. Les débordements de mégapoles africaines prouvent

déjà les conséquences perverses d’une croissance anarchique ; « what is the difference between a

functionning city or town – and a refugee camp, or an enclave such as an industrial zone or gated

146 « Forum national urbain : politique nationale des villes devenue une nécessité » Midi Madagasikara, 26 février 2013 147 Trad. Moderne, aux normes internationales 148 Trad. maisons bon marché 149 Comme l’on peut retrouver, par exemple, au Sénégal ou en Cote d’Ivoire 150 « Trano mora Antsiranana : ca commence à se désister» Tananews. 6 décembre 2012 consulte le 7 aout sur

http://www.tananews.com/asides/trano-mora-antsiranana-ca-commence-a-se-desister/

151The opportunity cost of neglecting the cities. “The urban transition in Sub-Saharan Africa : implications for economic growth and poverty reduction” The World Bank (décembre 2005)

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residential community?152»Sous-emploi, pressions sur des infrastructures inadaptées à la croissance

démographique, paupérisation et insécurité… malgré le taux relatif des citadins dans la population et

l’impact national des pressions urbaine, un tel désintérêt semble irresponsable. Au Burkina Faso par

exemple, le gouvernement a pris le taureau par les cornes et élaboré une politique national de

développement urbain – pourtant, en 2006, seul 26% de la population était urbaine. Une telle proactivité

pourrait bien faire la différence entre les deux pays, partageant pourtant la queue de peloton du

développement économique et humain depuis des décennies.

2.2 Inégalités spatiales et flux migratoires : une réponse spontanée aux failles

stratégiques de l’aménagement du territoire

Les décisions migratoires observées obéissent à des facteurs répulsifs et attractifs sur les lieux d’origine

et de destination ; les flux humains et économiques engendrés concourent forcement à une révision de

ces états de fait territoriaux. Les stratégies économiques coloniales, renforcées par des disparités

géographiques et perpétrées par une relative absence de vision du développement territorial malgache

favorisent donc un développement déséquilibré, spontané, à obsolescence non-programmée. Nous

avons vu que sans plan d’ajustement des politiques de la ville, Diego arriverait rapidement à saturation ;

sur les territoires d’origines également, l’exode des populations les plus jeunes, volontaires et

compétentes concoure à accroitre les disparités socio-spatiales. En terres Antesaka par exemple, il est

intégré que les fruits de l’émigration sont irremplaçables « C’est la seule industrie du pays. C’est à elle

que l’on doit les bœufs, les produits d’importation et l’argent des impôts »153. Si l’immigration permet de

maintenir les traditions et les communautés sur la terre des ancêtres par les flux financiers qu’elle

152 Page 72, Ibid. 153 Les migrations intérieures à Madagascar. DESCHAMPS H. (1959)

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permet et que la région ignore, elle entretient également une solution, unique, de ‘développement’

exogène, dissuade à l’élaboration de plans de croissance locaux et conforte une certaine dépendance

vis-à-vis des terres de destination - dont Diego demeure en tête de liste. La crise économique et la

paupérisation des migrants tendent à un certain désinvestissement dans la région d’origine, dont la

baisse des retours et la reconversion des migrants circulaires en migrants permanents peut attester. La

tendance à l’amenuisement des différentiels de revenus entre Vangaindrano et Diego observée par les

migrants de Mahatsara le confirme : sans politique urbaine locale, ni plan de développement prenant en

compte les dynamiques interrégionales, les stratégies communautaire spontanées de

(diversification ??) pourraient bien ne plus être viables (longtemps). Il semble d’ailleurs que les deux

échelles de programmation ne puissent se substituer. Même si la commune urbaine parvient à relever

les défis de gouvernance (et d’ajustement au paradigme migratoire) que nous soulevions

précédemment, elle aurait toujours à gérer des ressources limitées et un équilibre démographique

fragile car en constante évolution. « Une fois consolidée, l’attractivité des bassins de vie fera appel à

une immigration spontanée qui viendra bousculer une certaine stabilité sociale. Alors tout sera à

refaire. »154

Les enjeux des migrations internes s’intègrent donc dans des réflexions de développement économique

dépassant le spectre communal de Diego, de l’ordre de l’aménagement du territoire à Madagascar. A

l’aube de l’Indépendance déjà, certains observateurs reconnaissaient le potentiel d’une gouvernance

des mobilités humaines

154 Schéma Régional d’Aménagement du Territoire (SRAT) DIANA. Op. cit

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Une sage utilisation des courants migratoires dans les perspectives

du plan [de développement économique] doit aider puissamment la

modernisation de l’ile. (…) Dans les régions d’immigration, sans

doute les ethnies se juxtaposent plus souvent qu’elles ne se

mélangent. Mais les tensions sont rares. Ainsi, c’est pour une large

part aux migrations intérieures que la République Malgache devra,

en définitive, son progrès et son unité

DESCHAMPS H., « Les migrations intérieures à Madagascar » (1959)

Aucun schéma national d’aménagement du territoire malgache n’existe au moment de rédaction du

présent mémoire155, bien que l’initiative soit sur l’agenda de la Vice-primature en ayant la charge156.

L’absence d’un tel document stratégique relève certainement du manque de données disponibles à

l’échelle nationale, et ce, notamment en termes de migrations internes contemporaines157. En 2013, la

stratégie de croissance économique repose principalement sur une poignée de projets localisés dans

l’agglomération de Tananarive et de Tamatave158 (1er port et 3eme ville du pays), appuyant l’hypothèse

d’un biais métropolitain du développement national. Concentrer les pôles de croissance sur une

minorité de territoires à forte densité de population – favorisant les économies d’échelle – entrainerait la

création d’entreprises et d’emploi. Non seulement une telle démarche alimente une certaine

macrocéphalie urbaine, dont les villes intermédiaires seraient une alternative raisonnée, mais l’absence

de vision nationale isole également une majorité de malgaches, pour qui les principaux pôles urbains

sont déjà saturés, ou au sein desquels ils n’ont pas de relations permettant d’assurer leur transition

migratoire.

L’ élaboration et la mise en œuvre d’une politique d’aménagement du territoire aux retombées

équitables pour territoires d’origines et de destination des migrants repose autant sur un développement

155Aout 2013 156 L’élaboration d’un ‘SNAT’ attendra que les schémas régionaux d’aménagement du territoire soient mis en œuvre sur l’ensemble du territoire malgache. Voir entretien avec le coordinateur du SRAT DIANA 157 « Les migrations internes à Madagascar : que sait-on? » BINET C. et GASATINEAU B. Bulletin d’information sur la population de Madagascar No. 36. IRD (mars 2008) 158 « Pour que la terre tourne…aussi a Madagascar: vers un agenda de relance économique » Op.cit

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local et national manquant de la moindre vision territorial, que sur les risques de programmer des

actions engendrant des effets inverses aux attentes, faute de perspective ou d’acuité sur les tendances

observées. Dans la veine de la théorie du biais urbain de Lipton, des programmes de développement

économique agricole sont entrepris ici et la afin de résorber les flux migratoires et l’explosion urbaine

par la croissance économique rurale ; l’adéquation de choix techniques intensifs et la conséquence de

saturation foncière aidant, on ne s’étonnera pas que les résultats les plus satisfaisants dans les champs

soient généralement ceux responsables du plus grand nombre de migrants à la ville159. Des orientations

similaires de modernisation agricole, d’amélioration de la productivité des exploitations et

d’approvisionnement des marches extérieurs sont énoncés dans la stratégie économique nationale de

l’avant-coup d’Etat de 2009160. Le développement et les politiques urbaines y sont complètement

éludés, mettant en exergue le manque de considération pour l’un des défis majeurs du siècle, auquel,

d’aucuns l’ont prédit, Madagascar n’échappera pas. Typiquement, le document promeut une ‘révolution

verte’ en ‘omettant’ d’évoquer le cas des politiques urbaines, alors même que ce type de révolution

dans les pratiques agricoles est l’un des déterminants majeur d’exode rural et d’urbanisation du monde.

Depuis plusieurs décennies, la plupart des acteurs du

développement vivent sur un mythe d’autant plus tenace qu’il est

marqué du sceau du bon sens le plus élémentaire. Pour ralentir la

croissance urbaine (ce que les politiques en particulier tiennent pour

une absolue nécessité), il est nécessaire et il suffit de maîtriser

l’exode rural à travers le développement de l’agriculture. La logique

semble imparable mais elle se heurte à un défaut d’analyse des

situations réelles et bute sur un certain nombre de postulats qui la

rendent inopérante.

« Circulation des hommes et urbanisation : les politiques en échec » LE BRIS E. et

QUESNEL A., ORSTOM

159 Cas observé, entre autre, en Cote d’Ivoire. LE BRIS E. et QUESNEL A.Op.cit 160

Madagascar Action Plan (MAP) 2007-2012

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La même réflexion s’applique aux flux migratoires en provenance de SAVA. Si les jeunes filles

participent bien à l’économie de Diego, ayant d’ailleurs un quasi monopole sur l’industrie du travail à

domicile – marquant un certain désintérêt pour le secteur de la part des natifs – elles se retrouvent

contrainte à la mobilité et à une forme de vulnérabilité dont elles sont par ailleurs consciente. La lumière

sur de telles problématiques - principalement urbaines, puisque reposant sur des cercles sociaux plus

larges, desquels ont ne peut prétendre chercher la protection – pose également l’hypothèse d’une

nécessité de législation plus poussée, dans un contexte moins marque par les traditions et les

arrangements à l’amiable que le monde rural peut l’être.

2.3 Le moteur JIRAMA, ce frein au développement

Le sous-emploi, et l’absence d’incitations concrètes de la commune à la création d’entreprises sur son

territoire ont donc été pointés comme des manquements majeurs en termes d’adaptation à la

progressive urbanisation du pays, et transformation sociale urbaine du fait des flux migratoires qui la

recomposent. Nul doute que selon les rapports de l’influent projet de la Banque Mondiale Doing

Business161, Madagascar soit classée 142eme économie162 sur 185 en termes d’aisance pour y faire

« des affaires ». Le classement, déterminé selon un panel de critères, détaille notamment la facilité

d’accès au crédit, les taux d’imposition ou le nombre de jours ouvrables requis pour pouvoir enregistrer

son entreprise. Concernant ce dernier point, 17 suffisent à Madagascar ; c’est considérablement moins

que la moyenne africaine de 123 jours. D’autres indicateurs, comme les taxes imposables aux

entreprises, sont très avantageux comparativement au reste des pays en développement.

Vraisemblablement, c’est autre chose qui bride les investissements à Madagascar : le niveau d’accès à

l’électricité classe Madagascar 183eme sur 185 pays.

161Doing Business mesure la réglementation des affaires et son application effective dans 185 économies. Il permet aux entrepreneurs étrangers de jauger les couts d’opportunités d’investir dans différents pays 162«Economy Profile: Madagascar. Doing Business 2013.»Banque Mondiale et IFC

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Les délestages sont fréquent, notamment à cause des factures de carburants que le monopole d’Etat

de l’eau et de l’électricité, la Jiro sy Rano Malagasy163 (JIRAMA) ne peut honorer. La production,

principalement thermique164 de l’électricité malgache repose sur des importations de pétrole raffiné

débarquées au port de Toamasina, sur la côte est de l’île. Aux arriérés de paiement s’ajoutent donc les

insuffisances des infrastructures routières du territoire malgache de Toamasina à Tananarive. L’un dans

l’autre, l’électricité est à la fois rare et onéreuse165. La situation septentrionale de Diego n’est pas pour

arranger les choses : il n’existe pas de route directe depuis Toamasina, le tissu routier national est

extrêmement limité, en constante détérioration depuis l’indépendance. Le carburant est donc acheminé

par voie aérienne jusqu'à Diego, en faisant l’une des villesoùl’électricité est la plus chère de

Madagascar. Ironiquement, le port de Diego Suarez est parfaitement équipé pour recevoir des

hydrocarbures166. Seul son enclavement l’empêche de devenir un itinéraire alternatif, pointant une fois

encore le manque de stratégie d’aménagement du territoire national dont la commune ne saurait se

passer. Ainsi, la pauvreté et le sous-développement rend l’accès à l’électricité quasi-impossible.

L’économie nationale en souffre et manque de sortir le pays du sous-développement.

163 Electricité et eau de Madagascar 164 Voir site de la JIRAMA. http://www.jirama.mg/index.php?w=scripts&f=Jirama-page.php&act=pdcelec 165 Le kilowatt est deux fois plus cher qu’à l’île Maurice ou en Afrique du Sud. Voir « Madagascar : le manque d’énergie, un frein au développement ». FOURNET-GUERIN C. 166Ibid.

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(…) La compagnie nationale d’eau et d’électricité doit à un de ses

fournisseurs d’énergie plus de 200 milliards d’ariary. Un du dont elle

ne pourra peut-être jamais s’acquitter. Jusqu'à quand cette

compagnie pourra-t-elle tenir ? C’est toute la question. Si on arrive à

cette extrémité, le pays touchera le fond à n’en pas douter. (…)

Depuis 10 ans toutes les solutions sont des palliatifs. La hausse des

tarifs n’a plus aucun effet sur une situation gangrenée par des

années d’improvisation et de gabegie. La JIRAMA subit aujourd’hui

l’absence totale de vision dans son développement. Sans oublier

l’investissement à outrance qui consistait à ériger des usines partout

même si elles ne pouvaient jamais fonctionner. Seule l’intention

compte pour que l’histoire la retienne. Elle n’était pas si mauvaise et

si elle se réalisait, on n’en serait pas à ce PIB qui équivaut à un

pourboire

« Ramadan électrique » L’Express de Madagascar. Editorial du mardi 30 juillet

2013

Les bailleurs de fonds internationaux se sont penches sur le dossier JIRAMA ; La Banque Mondiale

plaide pour un ajustement des tarifs à la hausse afin qu’ils reflètent les couts réels. L’approvisionnement

en énergie étant un verrou majeur à l’industrialisation du pays, l’heure n’est toujours pas une JIRAMA

alimentant le développement.

L’absence de reforme stratégique de l’énergie pèse donc indissociablement sur les particuliers –

freinant leur production, le degré d’amélioration de leur cadre de vie, le niveau d’éclairage public et de

sécurité lié – et les entreprises. L’une des principales industries de Diego nous faisait part de sa volonté

d’investir dans les énergies éoliennes. Un investissement de taille que l’usine de conserves de thon ne

se permet que parce que Diego est géographiquement stratégique pour son secteur167. Pour tous les

autres prospecteurs toutefois, de tels investissements dans l’électricité n’en valent certainement pas la

chandelle, et les esprits éclairés favoriseront d’autres centres urbains des pays du Sud au détriment de

Diego Suarez.

167 Le thon, principalement pêchée au large de la baie de Diego.

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De l’Etat central aux bureaux de quartiers, les évolutions urbaines sont ressenties mais rarement

adressées. Les différents échelons administratifs, dont les compétences, la légitimité et l’expérience

territoriale devraient se compléter, s’ignorent mutuellement et alimentent un dangereux statu quo. Le

potentiel, ou la menace des flux migratoire est complètement ignore par le gouvernement, tout comme

les besoins d’une restructuration de la filière énergie. Les quelques réponses apportées par l’Etat

semble anti-urbaine ou purement électoralistes, les autorités urbaines tentent d’adresser la croissance

démographique en s’affranchissant de la perception – indispensable – des besoins prioritaires des

populations cibles dans les quartiers périphériques. Le manque de considération des entités de bases,

à l’échelle des fokontany, dissuade à toute prise de responsabilité. Bref, peu est fait pour s’adapter à

l’urbanisation, et lorsque des actions sont menées, leur impact est tellement déconnecté des besoins

des populations qu’elles renforcent l’idée qu’il ne faut rien attendre des autorités. Ainsi, les problèmes

du développement local, identifiés pour les villes européennes semblent également s’adapter au cas

malgache : la dispersion des compétences, le manque d’intégration des échelles spatiales, et

l’aliénation des besoins des groupes fragilisés168. S’il est intégré que la commune et les autorités en

amont n’œuvrent pas activement au développement local, qu’en est-il des principales victimes du sous-

développement ? Nous discuterons dans un dernier chapitre du rôle que joue la société civile dans le

processus démocratique et de développement local de Diego. Nous tenterons d’examiner la population

diegolaise en mettant l’accent sur l’éventuel potentiel des communautés migrantes dans la mobilisation

citoyenne.

168 « Organisations de la société civile, innovation sociale et gouvernance de la lutte contre la pauvreté dans le tiers monde » DE MURO P. et al. Mondes en développement No. 139, 2007/3, pages 25 à 42 (2007)

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Chapitre 4 Capital social et garde-fous citoyens des

projets territoriaux

1 L’inquiétante discrétion de la société civile

1.1 Électeurs, où sont les citoyens?

Pour mieux délimiter le champ de ma réflexion, permettez-moi

d'abattre mes cartes : pour reprendre un thème cher à Robert

Putnam, la décentralisation est avant tout, me semble‑t‑il, affaire de

capital social, c'est‑à‑dire de ressourcement à la base ; c'est par la

mise en place de réseaux de solidarités horizontales, fondées sur la

confiance mutuelle, que doit s'étayer la vie communautaire dans le

sens d'une participation plus active aux affaires des collectivités de

base.

LEMARCHAND R., « La face cachée de la décentralisation : réseaux, clientèles et

capital social ». Bulletin de l’APAD No. 16 (1998)

En 2010, la commune urbaine s’engageait dans une « Initiative Municipale de Développement Social » ;

un document politique faisant la part belle au développement local, désirant tirer profit du processus de

décentralisation et mettre en œuvre un développement local et participatif. En promouvant l’utilisation

du territoire comme lien entre les individus, la participation des habitants - dont des plus démunis - dans

la concertation, et le décloisonnement des compétences par l’implication citoyenne dans la mise en

œuvre du développement, la commune signait un véritable manifeste de la gouvernance locale169.

Malgré les déclarations d’intentions, l’état des lieux demeure superficiel et ne fait qu’officialiser des

représentations galvaudées des évolutions de la commune. La question des flux migratoires y est à

peine évoquée, en tant que « menace du changement ». L’ambition de rapprocher élus et citoyens s’est

169Selon la définition de Yankel Fijalkow dans Sociologie des Villes, Ed La découverte, 3eme édition (2007)

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matérialisée quelques années plus tard sous l’impulsion d’un programme d’appui technique mené par

un partenariat d’ONG170qui peine à véritablement faire s’institutionnaliser un changement de vision ; la

mobilisation et l’organisation demeure la responsabilité de l’équipe-programme ; les élus ne se

déplacent que si un per diem, un buffet ou une équipe de télévision les y attendent. Si l’institution

communale recèle d’éléments éclairés, qualifiés et impliqués, elle se distingue principalement par une

longue tradition de manque de coordination et d’articulation entre les services, par une attitude

relativement réfractaire au changement au sein des directions171 et d’un désintérêt à peine dissimulé de

la part des plus hauts représentants communaux172. Le manque de transparence et de redevabilité

(accountability) dans les pratiques communales semble donc être la cause, mais également la

conséquence du manque de volonté de la collectivité, dans son ensemble, dans des reformes

permettant véritablement d’inclure les nouveaux arrivants, et plus généralement de nouveaux

paradigmes dans la programmation du développement. L’absence d’un terrain favorisant la pratique

citoyenne semble conforter un certain attentisme.

Le maintien d’un tel système suppose évidemment une forme

d’acceptation, dans les esprits de tous, de ces principes de

différenciation accordant une inégale valeur aux individus. C’est cet

esprit qui permet aux dirigeants politiques de penser souvent qu’ils

peuvent agir à leur guise sans en référer à quiconque (…) Les

Malgaches (comparés àd’autres pays africains) semblent ainsi avoir

faiblement intégré l’idée que l’Etat devrait être redevable de ses

actions »

« Institution, gouvernance et croissance de long terme à Madagascar : l’énigme et le

paradoxe ». RAZAFINDRAKOTO M., ROUBAUD F., WASCHBERGER J.-M. IRD PARIS

Dauphine et DIAL, (2013)

Par corollaire, les habitants attendent peu des représentants qu’ils ont élus et entretiennent le statu quo

d’une faible gouvernance locale à leur détriment. Malgré des pratiques démocratiques,

170 Respectivement Territoire et Développement, FIDEV et le CIDR pour le programme PADSU. 171 Diagnostic organisationnel de la commune urbaine de Diego Suarez 172 Entretien avec un conseiller technique en gouvernance du territoire, dont nous tairons le nom.

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déclarées,d’élections de ses représentants locaux173, le peuple ne présente pas les signes d’une

démocratie réclamée174, garante d’institutions transparentes et au service de ses administrés. Le

manque de pratique citoyenne n’est pas uniquement préjudiciable en ce qu’il contribue à occulter les

besoins des plus démunis, concourant à ne pas les adresser, ni même dans la mesure où il entretient

une culture de l’impunité politique, néfaste au développement collectif. Le manque d’espace et de

volonté de concertation, apparemment partagé, influe directement sur le degré de civisme fiscal des

habitants ; sans visibilité sur l’allocation des impôts prélevés, il n’y a pas d’incitation à contribuer à la

chose publique. De fait, ils contribuent à la longue liste du manque de capacités communales pour

entreprendre des projets locaux.

Migrants comme natifs partagent un même héritage du fanjakana175 et des Ray Amandreny176, écartant

la possibilité d’une alternative citoyenne portée par les flux migratoires. Liée, la notion de fihavanana

structure l’ensemble des relations sociales. Transposition des relations familiales au niveau des

interactions sociales, le fihavanana garantit une relation asymétrique et incontestable entre gouvernants

et gouvernés, pérennisant la « déresponsabilisation des malgaches de façon généralisée :

déresponsabilisation devant le processus de développement, dans la vie publique, dans la vie

politique177 »

173 L’intérêt pour les élections est réellement observable ; le taux de participation aux élections communales de 2007 était même plus élevé que celui des législatives et du dernier referendum. Source « L’urbanisation ou le nouveau défi malgache » Op.cit. 174Claimed democracy.LOGAN C. et BRATTON M. « Claiming democracy: are voters becoming citizens in Africa ? » Africaplus (2013) 175

L’Etat providentiel 176 Littéralement, les “pères” et “mères” – les aines, que l’on doit écouter et respecter 177 « Croyances et instrumentalisation a Madagascar » RASAMOELINA H., Friedrich-Ebert-Stiftung (2012)

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La désacralisation d’une notion quasi sacrée du pouvoir ne peut se

faire que si chaque citoyen accède lui-même et d’une manière

concrète au pouvoir. Pour cela, il doit être en mesure d’exercer ce

pouvoir au niveau des différents espaces publics qu’il occupe et

dans les domaines qui le concernent, au niveau local : décider de la

façon dont les ordures ménagères seront gérées, décider de la

façon dont les eaux usées seront évacuées, décider de l’endroit où

l’école publique sera installée… Le citoyen ne peut exercer ce

pouvoir qu’à travers les collectivités décentralisées.

« Croyances et instrumentalisation à Madagascar ». RASAMOELINA H. Friedrich

Ebert Stiftung.(mars 2012)

Dans un tel contexte toutefois, les reformes de décentralisation et la promotion officielle de la

gouvernance locale ne sont que des chimères. Les axes stratégiques nationaux de ‘participation active

à la planification et à la mise en œuvre du développement local’, ainsi que de citoyens ‘usant de leur

droit d’interpellation et de contrôle sur la gestion des services publics par les CTD178’ sont difficilement

atteignables lorsque constituants, délibérants et exécutifs se complaisent dans une inertie généralisée.

1.2 Associations de ressortissants et associations citoyennes

Toutes les définitions du développement local reposent, peu ou prou, sur la participation citoyenne à

l’élaboration et la mise en œuvre du projet territorial. Nous avons pu juger de l’ampleur de la mal

gouvernance, du manque d’espace dévoué à la concertation et à la création participative d’un projet de

société et de l’ignorance mutuelle des acteurs institutionnels et citoyens dans la mise en œuvre du

développement à Diego. En bien des lieux pourtant, l’absence de collaboration entre les autorités et la

société civile politiques pro-pauvres et de collaboration en premier lieu n’empêche pas la mobilisation

alternative d’autres parties-prenantes du territoire en vue d’améliorer les conditions de vie collectives.

Bien au contraire, la marginalisation de certaines couches de la population engendre, à travers le

178PN2D, Op.cit

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monde en développement, des mouvements et des initiatives sociales par la base (grassroots

organizations).

L’identification de besoins humains « non encore satisfaits, car ils ne sont pas, ou ne sont plus, perçus

comme importants par le marché, l’Etat ou tout autre agent collectif179 » serait à la base de l’innovation

sociale, envisagée comme « changements au niveau tant institutionnel que des comportements

collectifs et individuels (personnes éminentes, leadership) contribuant à l’intégration sociale180 ». A

Diego Suarez pourtant, si les besoins les plus pressants sont aisément énumérables par les habitants

des quartiers périphériques, peu d’individus en viennent à s’organiser en vue d’opérer le changement.

Une certaine « atrophie des corps intermédiaires formels ou informels, chainon vertical manquant entre

[les autorités] et la population181 » est en fait pointée à l’échelle nationale. Selon les enquêtes du projet

Afrobaromètre, mesurant l’environnement social, politique et économique d’un panel de pays africains,

Madagascar est, de loin, le pays au plus faible tissu associatif. Ce constat, souvent justifié par l’extrême

diversité (ethnique, linguistique, politique) des riverains, est ainsi surprenant pour une population aussi

unifiée que tolérante. Considéré comme un déterminant majeur du capital social, la vie associative

reflète le degré d’intérêt pour les affaires et la chose publique182. En étudiant les régions décentralisées

italiennes, Robert Putnam démontre par exemple la concordance entre performances institutionnelles et

vie civique des administrés. Au-delà du vote, il énumère dans les déterminants du capital social la

lecture de la presse183, ou une culture de la confiance entre les individus - elle-même alimentée par la

pratique associative – comme favorisant les coopérations, pré-requis de l’innovation sociale. Le fait de

s’associer uniquement avec des individus suffisamment proches pour s’assurer de leur confiance

179

« Organisations de la société civile, innovation sociale et gouvernance de la lutte contre la pauvreté dans le tiers monde »

DE MURO P. et al. Mondes en développement No. 139, 2007/3, pages 25 a 42 (2007) 180

Ibid. 181« Institution, gouvernance et croissance de long terme a Madagascar : l’énigme et le paradoxe » RAZAFINDRAKOTO M., ROUBAUD F. et WACHSBERGER J.-M. IRD et DIAL (avril 2013) 182 « Les travaux de Robert D. Putnam sur la confiance, le capital social, l’engagement civique et la politique comparée ». THIEBAULT J.-L. Revue internationale de politique comparée 2003/3, Vol.10. Pages 341 à 355. (2003) 183 La presse est singulièrement absente à Diego Suarez – à la connaissance de l’auteure, seules deux boutiques, dans le centre ville, vendent des journaux nationaux.

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contribue donc à contrecarrer toute dynamique associative citoyenne184, au sein de laquelle ce ne sont

pas les liens ethniques ou familiaux, mais un objectif commun à atteindre qui soudent les membres.

Un président de fokontany observait la propension de ses riverains à chercher un profit pécuniaire là où

l’amélioration intangible de l’intérêt général est sensée prévaloir « Les associations locales ne sont pas

actives. Les habitants ne comprennent pas la notion d’association à but non lucratif, les objectifs d’une

association. Ils ne comprennent pas qu’indirectement, ils pourraient récolter les fruits du

groupement »185. La feinte d’une société civile faible est qu’elle s’auto-entretient.

La notion de capital social est intéressante en ce qu’elle ne parvient pas au consensus parmi ses

théoriciens ; d’aucuns, à l’instar de Putnam, le définissent comme une dynamique interne à la

communauté. D’autres, comme Boxmann, comme le produit de déterminants externes - le capital social

dépendrait du nombre d’individus desquels on peut attendre du soutien, et des ressources dont ces

individus disposent186.Une telle nuance rend malaisée la définition d’un lien de causalité entre

gouvernance et capital social : une société civile dynamique permet-elle, ou découle-t-elle d’une bonne

gouvernance du territoire ? La paupérisation des citadins entraverait-elle à la mobilisation citoyenne ?

Pour justifier la relative inertie de la majorité pauvre du pays, certains analystes invoquent « un combat

que chacun mène à son échelle individuelle pour sa survie quotidienne187 ». Toutefois, les taux de

pauvreté enregistrés dans d’autres pays africains ne corroborent pas nécessairement avec cette

optique du capital social ; au Zimbabwe par exemple, le dynamisme associatif est au moins deux fois

supérieur aux estimations malgaches188 malgré un PIB par habitant moindre189.

184 « The weakness of civil society in Ukraine : a mechanism-based explanation » GATSKOBA K. et GATSKOV M. Institute for East and Southeast European Studies No.323 (September 2012) 185President fokontanyde Morafeno. Juin 2013 186The number of people who can be expected to provide support and the resources those people have at their disposal » citédans “Social capital: the good, the bad and the ugly” ADLER P. S et KWON S.-W. dans Knowledge and Social Capital Pages 89 a 113 (2000) 187 RAZIFINDRAKOTO M. ROUBAUD F. et WACHSBERBER J.-M. Op.cit 188 Voir les enquêtes Afrobarometre “Absence ou faiblesse des corps intermédiaires formels et informels ». Ibid 189 Madagascar était classée 215eme, le Zimbabwe 221eme mondialement en 2011. CIA World Factbook

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En dépit du faible engouement citoyen pour le regroupement associatif, nous avons souligné

précédemment que l’intégration des migrants en territoire diégolais dépendait considérablement de leur

réseau de ressortissants – des associations communautaires auxquels ils appartenaient. La vie sociale

des migrants ruraux-urbains repose donc grandement sur ces regroupements leur garantissant soutien

moral, prêt financier, accompagnement juridique et sécurité sociale. Certains auteurs observent dans

les pays d’Afrique sub-saharienne « une volonté de se prendre en charge, mais aussi une certaine

incapacité à transcender l’espace de la petite communauté, de l’ethnie, du clan, du terroir »190. Compte

tenu du capital social entretenu au sein de ses associations d’originaires, on peut toutefois s’interroger

sur le potentiel d’élargissement de leurs mandats, vers davantage de citoyenneté à l’égard de leur

territoire de vie - Diego Suarez.

Appliquer le cas des associations de ressortissants à Diego à l’épreuve d’une grille d’analyse des

réseaux sociaux et d’innovation sociale191 peut ouvrir quelques perspectives à cet égard. Comme tout

réseau duquel peut émerger une forme d’innovation sociale, les associations de ressortissants

possèdent une raison d’être, des comportements d’agents distincts, certaines interactions avec leur

environnement. Ce qui ressort principalement du cas pratique toutefois semble être l’absence de

dimension d’innovation sociale dans ces quelques attributs associatifs de base. L’intégration avec

l’environnement des associations villageoises de Vangaindrano se limite à d’autres associations

villageoises de Vangaindrano – loin de prétendre élargir la portée de leur propre réseau social, les

réseaux communautaires semblent hautement excluant, et se rassemblent autour de traditions

davantage tournées vers les ancêtres et la mort des leurs que vers le développement et un futur

commun. Nous avons noté précédemment que les services rendus à leurs membres étaient

déterminants à l’intégration, et peut être plus largement au moment de la décision migratoire. Ces

réseaux d’entraide rendent en fait les migrants membres bien moins vulnérables que certains natifs

190 LEMARCHAND R. (1998) Op.cit 191 « Organisation de la société civile, innovation sociale et gouvernance de la lutte contre la pauvreté dans le Tiers-Monde » Page 11. DE MURO P. et al. Mondes en développement (2007)

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dépourvus de liens sociaux forts ou filet de sécurité sociaux ou financiers. Encore une fois, au-delà de

remplir une autre « caractéristique du réseau », rien. Les réponses adressées aux problèmes

spécifiques des membres sont ad hoc, aucune structure n’est organisation afin d’institutionnaliser les

démarches ou les procédures. Ainsi, lorsqu’un migrant Antesaka a besoin de recourir à un prêt, le

président de l’association devra aller raconter son histoire à tous les membres afin de recueillir les fonds

nécessaires. Il n’y a pas de caisse dévouée, les affiliations jouent un rôle prégnant, empêchant

d’envisager un hypothétique élargissement du mécanisme à d’autres citoyens, hors de la sphère

villageoise d’origine. Si les communautés de migrants ont appris à ajuster leurs pratiques aux besoins

identifiés par leur sphère, il semble que cela ne soit possible que de part la proximité, la quasi-parenté

des liens entre les membres. Même lorsque le modèle migratoire évolue – ce qui est le cas depuis les

années 2000, passant de migrations circulaire a de plus en plus de migrations permanentes – les

pratiques associatives demeurent inchangées192. Malgré une structuration de loin plus aboutie que la

plupart des initiatives citoyennes territoriales jusqu’alors, point de projet d’amélioration du cadre de vie,

ne serait-ce que des membres de l’association. « Tous leurs projets concernent uniquement leur région

là-bas, ils ne font rien pour Mahatsara » observait le président du fokontany. Fait intéressant, les projets

concernant leur région d’origine ne contribuent pas à son développement ; comme nous l’avions

évoqué, les flux financiers à direction de Vangaindrano n’alimentent que les pratiques culturelles et le

financement de tombeaux. Au manque de vision et de planification adressée, on constate donc que les

migrants Antesaka, historiquement circulaires, auraient donc décidé d’investir pour la terre sur laquelle

ils finiront leurs jours. Le changement de dynamique migratoire, vers un établissement prolongé, voire

permanent, ouvrirait peut-être une porte vers davantage d’investissement et d’implication pourleur terre

de vie – Diego Suarez.

192 Peut-être un tel constat un peu prématuré, compte tenu de la nouveauté du changement

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2 De la marge de manœuvre pour une coproduction urbaine

2.1 Les associations d’usagers, ou la pratique de l’intérêt général

Des nombreuses attributions qu’elle ne parvient à remplir, il en est dont la commune arrive à garder un

lien de contrôle formel, par délégation. La maintenance et la gestion des points d’eau collectifs, dans les

quartiers périphériques, est ainsi sous la responsabilité d’associations d’usagers.

La démarche volontaire de la commune urbaine laisse présager d’un renouveau dans les relations que

la collectivité a vis-à-vis de la gouvernance du territoire. En entendant « donner l’occasion d’apprendre

à améliorer ses conditions d’existence dans leur propre fokontany193 », la commune fait de la gestion

des points d’eau collectif un prétexte d’initiative au développement participatif et au renforcement d’une

responsabilité collective et de la pratique associative194. Groupement communautaire, chaque chef de

foyer utilisant les bornes fontaine est membre d’office – plutôt que les liens familiaux ou ethnique, c’est

cette fois-ci l’appartenance commune a un territoire et les besoins de base collectifs qui font le ciment

de l’organisation. Une telle pratique est favorisée par un accompagnement technique, incluant formation

à la gestion simplifiée et à la maintenance des ouvrages. Les associations d’usagers doivent remettre

un rapport technique et financier trimestriel au bureau des projets communal (BCPI), structurant la

relation de partenariat des deux entités autour de la transparence et du suivi des projets et des

nouvelles compétences. Au-delà de la nécessité évidente de communication entre maitre d’ouvrage et

structure gestionnaire par délégation, la contractualisation entre communauté et institution se présente

comme une brèche dans l’impénétrable opacité qui caractérise la gouvernance municipale. Parce que

de tels partenariats requièrent une structure institutionnelle efficace, la progressive transparence des

193« Convention de délégation de gestion d’infrastructure d’hygiène publique au milieu associatif des usagers ». Commune Urbaine de Diego Suarez (2013) 194 «Community-based urban water management in fringe neighborhoods: the case of Dar Es Salaam, Tanzania». KYESSI A. Habitat International No.25 (2005)

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pratiques communales, tout comme celle des associations communautaires, forge réciproquement un

garde fou sur les pratiques du développement local de chacun. C’est précisément l’enjeu d’une bonne

gouvernance du territoire. Migrants et natifs des quartiers périphériques accèdent donc,

progressivement, à des espaces de coproduction du développement local. Mobilisés autour d’un

dénominateur commun – l’accès à l’eau comme besoin universel de base, la pauvreté relative

empêchant une arrivée d’eau individuelle – la gestion des points d’eau collectifs concerne l’ensemble

des habitants du quartier. La plus grande visibilité qu’ils acquièrent du processus, la plus grande part de

décision à laquelle ils accèdent également, pourrait être non seulement un moyen de renforcer le lien

social sur la base de l’appartenance territoriale, mais aussi le catalyseur d’une société civile plus active.

Si le capital social repose bien sur l’intensité de la vie associative, sur le degré de confiance et de

coopération entre les individus, une telle pratique ne peut, en principe, que favoriser un cercle vertueux

vers d’autres actions et d’autres problématiques du sous-développement urbain. La mise en lumière de

l’intérêt général autour des points d’eau permet également de créer ou renforcer le sentiment

d’appartenance au territoire, permettant aux migrants de davantage s’impliquer dans le développement

local de leur nouveau lieu de vie.

Si la démarche semble bien favoriser davantage de coopération à l’échelle des quartiers défavorisés,

elle manque d’atteindre l’ensemble des citadins. Les quartiers moins dépendant de points d’eau

collectifs, les foyers plus aisés, ceux pouvant se permettre les services de domestiques par exemple, ne

seront pas directement concernés par l’initiative communale. Les filles de SAVA notamment, déjà

identifiées comme potentiellement vulnérables selon leur éloignement géographique, sont susceptible

de ne pas pouvoir faire entendre leur voix dans de tels processus de développement participatif dans

les quartiers périphériques. Malgré le bien-fondé évident d’une initiative de développement inclusif

urbain, elle ne suffira pas à rapprocher tous les diegolais de pratiques citoyennes ; de nos échantillons

de migrants, les plus intégrés et sociabilises ont de fortes chances d’être également les premiers à

bénéficier du projet. On peut toutefois faire preuve d’un optimisme anticipe, en extrapolant les acquis de

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cette première initiative, associe à une certaine expérience des articulations associatives migrantes, en

davantage de force de proposition citoyennes à l’avenir.

2.2 La part des partenaires du développement : entrave ou catalyseur de service

public ?

De la même manière que la culture du fanjakana - cet Etat providentiel malgache - alimente un

attentisme latent de la société civile malgache, pourrait-on blâmer une certaine culture de l’aide

internationale providentielle pour justifier le manque d’initiatives visant à adresser les nouveaux facteurs

de sous-développement urbain, de part et d’autres des entités administratives malgaches ? Plus ou

moins depuis l’indépendance et la création de la République de Madagascar en 1960, les dépenses de

l’Etat reposent considérablement sur l’aide publique au développement des pays occidentaux. Au début

des années 2000, il n’était pas un pays, à l’exception peut-être du Burkina Faso, dans lequel le taux des

APD dépassait les 40% des dépenses nationales - hormis Madagascar195. De nombreux auteurs196

soulignent les effets pervers de l’aide internationale et du cercle de dépendance qu’il engendre pour les

Etats récipients. Dissuasion à la mobilisation de ressources propres, à l’instauration d’institutions fortes

et garantes d’un développement endogène (…) sont autant de conséquences pointées par les critiques

de l’aide au développement. La crise politique que traverse Madagascar au moment de la rédaction

prouve également qu’un tel niveau de dépendance est extrêmement risqué des lors que les flux

financiers se tarissent ; après le coup d’Etat de 2009 et l’ajournement sans fin de nouvelles élections

présidentielles légitimant le régime, la quasi intégralité de l’aide internationale – presque la moitié du

budget national, nous l’avons vu- a été gelée. En l’absence de ressources propres et de croissance

économique, le gouvernement a eu peu d’autres stratégies de repli que le trafic de matières premières

195«Pour que la terre tourne…aussi a Madagascar : vers un agenda de relance économique» MORISSET J. Banque Mondiale (2009) 196 Voir, par exemple, EASTERLY W. (2007), MOYO D. (2009)

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précieuses (bois de rose, minerais), aussi opaque qu’élitiste. La position décentralisée, et le statut

original d’un maire élu à Diego197 permet pour l’heure de conserver les partenariats de la commune.

ONG et coopérations décentralisées opèrent sur le territoire urbain avec plus ou moins de coordination,

de pertinence locale et d’implication de la commune dans la programmation et la mise en œuvre de

leurs projets. Les projets menés dans le cadre de la protection de l’enfance, de la pratique citoyenne de

la jeunesse ou de l’appui à l’élaboration d’une politique sociale communale de lutte contre l’exclusion

n’ont pas énormément en commun – ni dans leur thématiques d’interventions, ni, surtout, de façon plus

opaque, dans leur modalités d’interventions. Sans visibilité sur les méthodes et les impacts de différents

projets de développement, il apparait un peu simpliste d’en conclure, de façon généralisée, de l’entrave

ou du catalyseur que les partenaires du développement peuvent apporter à la commune urbaine.

L’Ougandais Yash Tandon propose une taxonomie de l’aide internationale198 ; de la provision de service

public à l’appui technique des institutions, le degré d’empowerment des acteurs locaux peut être autant

maximisé comme sabordé par des pratiques que la commune n’a pas les capacités de contrôler. Même

les programmes de renforcement de capacités, comme Diego en connait courant 2013 pour le

renforcement opérationnel de sa gouvernance territorial et l’élaboration de politiques sociales

inclusives199 peuvent laisser circonspect : malgré l’accompagnement des élus et des techniciens a

davantage de compétences et de légitimité, quelle volonté institutionnelle à s’engager dans davantage

de transparence, de redevabilité (accountability) et de décloisonnement des sphères de décisions ? La

crainte du déclassement et de la perte des avantages acquis peuvent conforter les élus dans un certain

confort du statu quo200. Autre facette d’une possible réticence au changement, la désormais tradition

des fonds extérieurs dans la mise en œuvre des projets de développement. Alors que l’élaboration

197 Pendant la transition, les maires élus des principales villes malgaches – Tananarive, Toamasina, Fort-Dauphpin, Nosy Be, Sainte Marie notamment- ont été remplacés par des présidents de délégation spéciale (PDS) désignés par l’Etat central 198Aid taxonomy. Il distingue et détaille l’aide idéologique, l’aide commerciale, l’aide politique et militaire, l’approvisionnement en biens publics et les principes de solidarité. Dans Ending Aid dependence.TANDON Y. 2eme edition. Ed. Fahamu, Nairobi (2008)

199 Programme PADSU (plan d’appui au développement social urbain) CIDR, Territoire et Développement, FIDEV 200 Diagnostic organisationnel et plan d’accompagnement au changement (Région DIANA-CU DS- Ambanja et CU Ambilobe) Groupe TSIORY (octobre 2009)

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d’une politique de développement social local ambitieuse est en phase de finalisation courant 2013, la

commune ne semble pas envisager d’autres moyens de financer le changement que des bailleurs de

fonds et autres partenariats au développement201, et l’on peut s’inquiéter de la pérennité des projets mis

en œuvre. Cela n’empêche pas que certains partenariats ne se soldent par de véritables changements

dans les pratiques des autorités locales : la commune urbaine a par exemple pérennisé un poste

d’animateur du territoire pour la jeunesse202, initialement crée dans le cadre d’une coopération

décentralisée. La démarche est plus que symbolique, en ce qu’elle ne reflète un prise de conscience

sociale : avec 50% de la population nationale de moins de 20 ans203, et un taux de chômage estimé à

75% des jeunes dans les quartiers périphériques de Diego, ignorer l’encadrement de la jeunesse serait

presque de la « promotion d’explosion sociale ». La création de forums sociaux menés en plein air,

dans les fokontany périphériques204. Nous ne pouvons nous prononcer sur le potentiel de pérennisation

d’une telle initiative proposée et organisée par des partenaires techniques au développement, mais

pouvons souligner le consensus selon lequel la démarche était attendue, fructueuse, et véritablement

inclusive.

En dépit du poids de pratiques anti-empowerment (manque de budget, de considération de l’Etat et de

certaines ONG, apathie historique de la société civile), certains partenaires de la ville peuvent donc

contribuer à accélérer les changements et les pratiques sociales urbaines.

201 Entretiens informels avec différents membres du bureau exécutif et conseil municipal. 202 En 2013, l’unique a Madagascar. 203 PNUD. Données consultables sur http://www.undp.org/content/madagascar/fr/home/countryinfo/ 204 Revues sociales. En 2013, 4 avaient déjà eu lieu, dans le but d’élaborer de concert une politique sociale à visée inclusive

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Les migrants des pays du Sud, principalement transnationaux (reconnaissons-le), envoient de l’argent à

leur territoire d’origine pour subvenir aux besoins de leur famille (transferts, ou remittances). Lorsqu’ils

appartiennent à une association de ressortissants, il n’est pas rare qu’ils cotisent également pour des

projets de développement bénéficiant à une communauté plus large. C’est généralement à cet égard

que les migrants sont reconnus comme des acteurs du développement. Les profils rencontrés à Diego

envoient également de l’argent à Antalaha ou à Vangaindrano ; ils servent quasi-exclusivement à

l’économie familiale, aux besoins de subsistance, ou dans le cas Antesaka, à financer les onéreuses

cérémonies et infrastructures rituelles qui ne sauraient s’apparenter à des projets de ‘développement’.

Nous avons eu l’occasion de développer les causes et conséquences d’une certaine inertie de la

société civile, partiellement contredite par un dynamisme associatif migrant fort ; sans aspirer aux

mêmes objectifs, la pratique du regroupement et d’une vision commune présentent les graines d’une

mobilisation plus large – bien que les incitations à un tel basculement ne soient pas légion, et qu’un

certain communautarisme perdure. Certains projets de développement local ont tenté d’inclure

davantage la population, comme par exemple l’initiative de délégation de la gestion des points d’eau

collectifs à des associations d’usagers. Projet pilote citoyen, les novices et les coutumiers de la pratique

associative peuvent apprécier les conséquences de davantage de participation dans actions mises en

œuvre : prise en compte de ses propres besoins, recrudescence de la solidarité, donc du capital social

entre riverains. Une certaine structuration du partenariat permet de sortir des carcans de l’association

villageoise. Enfin, les partenaires extérieurs permettent de proposer des alternatives en termes

d’identification et de mobilisation des problématiques et des acteurs du territoire ; il revient désormais

aux acteurs du développement en herbe de ne pas laisser ces initiatives en berne.

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CONCLUSION

La ville est l’objet de toutes les attentions : c’est en son sein que les richesses se créent, que les

cultures s’influencent, que la modernité s’invente. C’est aussi sur son territoire que naissent les

désillusions, s’agglomèrent les frustrations et se contredisent les théories de la croissance et du

développement. Autant dire que la ville, en tant que pré-requis à l’amélioration des conditions de vie de

la majorité pauvre et rurale du monde en développement, n’assure pas intrinsèquement de tels

résultats. La ville – territoire de vie – dépend surtout des orientations de la ville – institution

décentralisée.

Contrairement aux villes tentaculaires, prétextes à tous les superlatifs et sujettes à toutes les

démesures, les villes intermédiaires jouissent d’une toute relative stabilité ; le territoire et la population y

sont restreints, les élus plus proches de leurs constituants. Cet allant-de-soi contribue à attirer

davantage de populations rurales, surtout à la recherche de revenus stables et d’infrastructures

permettant d’assouvir leurs besoins élémentaires ; accès à l’eau, aux centres de santé, à l’éducation. La

spécificité touristique et occidentale, l’image désuète d’un grand port de commerce ne fait qu’accentuer

les flux en direction de la ville intermédiaire malgache de Diego Suarez. La conjoncture rattrape

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pourtant les candidats à une vie meilleure. Alors que les migrants d’ici et d’ailleurs ont toujours

contribué, de façon implicitement organisée et spécialisée, à l’économie urbaine, les lignes en viennent

à se croiser ; les citadins se disputent des ressources sous pression, la paupérisation engendre une

insécurité encore considérée comme nouvelle et déjà alarmante. La presse nationale parlent des gangs

de Diego205 comme nulle part ailleurs il n’est fait mention206. Malgré le potentiel de croissance et de

prospérité théorisé pour les espaces urbains, Diego Suarez, même si elle ne fait pas figure d’exception,

semble passer à côté du coche qui fait de l’urbanisation une telle « révolution » pour l’humanité. Attirant

l’offre sans adresser la demande, la ville manque de fructifier une main d’œuvre exponentielle et bon

marché, moteur, s’il en est, de la croissance économique et du développement humain. Si de nombreux

migrants en viennent à reprendre la clé des champs, ce n’est pas nécessairement au bénéfice de la

ville ; c’est surtout le signe d’un déclin annoncé si Diego ne décide pas d’adapter son économie et ses

politiques à davantage de population qu’elle ne pourra juguler.

La gouvernance des changements locaux repose bien sur la commune urbaine, décentralisée, mais

exige également de parties-prenantes multiples un engagement, un soutien, des incitations et des

moyens de pressions. De l’état central aux populations de base, de tels rôles semblent désespérément

vidés de leur sens dans le cas diégolais, justifiant de l’inertie communale en termes d’adaptation à et

d’intégration de nouveaux paradigmes dans sa programmation au développement. L’Etat se désengage

du territoire urbain au prétexte d’une décentralisation inaboutie, sans pour autant créer un

environnement institutionnel concret permettant à Diego de mener de front un projet local. Si une telle

tradition d’élitisme et d’opacité dans les prises de décisions perdure et alimente un désintérêt profond

pour la chose publique au niveau des individus, certaines initiatives impliquant les populations attisent

un certain optimisme. Les migrants, intrant potentiel du développement économique de la cité, cultivent

depuis des décennies un capital social, certes communautaire, mais qui n’attend qu’à être convaincu

205 Foroches, Togo et autres gangs juvéniles défrayent la chronique depuis quelques années. 206Entre autres, « Madagascar : Insécurité grandissante de la part de jeunes délinquants, les foroches, au cœur de Diego Suarez » Indian Ocean Times, lundi 5 aout 2013

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qu’il pourra contribuer au bien-être de ses membres pour être appliqué en d’autres sphères, citoyennes.

Des pratiques s’assimilant à l’assurance maladie, aux crédits solidaires, à l’assistance juridique et à la

sécurité sociale des migrants sont autant de substitution à un service public défaillant et auxquels les

citoyens lambda n’ont généralement pas accès. Il s’agira pour les autorités locales de favoriser un

élargissement du champ d’appartenance des réseaux migrants, afin qu’un nouveau déterminant de leur

unité devienne leur territoire de vie. La commune, influencée par des partenariats de solidarité

multiples, s’essaie à des initiatives participatives, telles que la délégation associative à la gestion de

points d’eau collectifs ou les instances de concertation sur les problématiques, le développement et

l’exclusion sociale urbaine. Nous appuyons que ces prémisses au développement participatif pourraient

ouvrir la brèche à davantage de prises de positions citoyennes, elles même garantes d’une plus grande

responsabilisation des autorités communales vis-à-vis du développement du territoire. Créant un cercle

vertueux qu’il « suffit » d’amorcer, les pratiques du développement local seront plus pertinentes et

adaptées au contexte urbain qui nous intéresse. Plaidoyer auprès de l’Etat central pour davantage de

considération de la problématique urbaine, de l’urgence de moderniser et adapter le secteur

énergétique, de l’indispensable réflexion sur une décentralisation promotrice d’actions à pertinence

locale et aux répercussions nationales. Partenariats systématiques avec les forces vives émergentes du

territoire, les opérateurs économiques locaux et potentiels autour de leur responsabilité sociale… le

champ des possibles semble exponentiel dès lors qu’un créneau de développement participatif est

amorcé. Il appartient donc aux autorités locales de créer un cadre favorable à l’intégration économique

et sociales des migrants, ces moteurs de l’économie et de l’innovation sociale.

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La question des populations migrantes à Diego est délicate à aborder dans la mesureoùtous les

habitants sont, au maximum, des migrants de quatrième ou cinquième génération. Cela explique

certainement la grande tolérance qu’ont les « natifs » et les migrants installés envers les nouveaux

arrivants se disputant leurs ressources. Comme introduit dans la présentation méthodologique de nos

recherches, le manque d’accès à bien des données rend la comparaison entre natifs et migrants, ainsi

qu’entre migrants ardue. Nous aimerions donc anticiper les critiques en reconnaissant que les analyses

formulées ne sont pas à l’abri d’informations contradictoires. Malgré l’aspect non-exhaustif de nos

enquêtes, nous pensons toutefois avoir pu soulever quelques points importants tels que : l’absence de

bureau chargé de la collecte de données, pourtant primordial à toute programmation. Le risque perçu

par les flux migratoires quand ils pourraient être adresse comme une opportunité. L’absence d’un intérêt

de l’Etat pour les territoires de vie, et ce malgré les terrains minés que les centres urbains fertilisent et

les économies d’agglomération qu’ils pourraient développer aux quatre coins du territoire si une

politique d’aménagement du territoire était élaborée. L’obsolescence du modèle économique de Diego

Suarez, et l’absolue nécessité de repenser la plus-value urbaine selon des paradigmes locaux etpro-

pauvres.

Egalement complexe et particulière fut la période de la collecte des données ; après quatre ans de

transition politique, et au moment même d’un énième report des élections207 sensées y mettre fin, la

conjoncture est particulièrement morose. L’absence d’investissements et de programmation y sont

particulièrement observables, et ont pu participer à noircir le paysage urbain dépeint. Si l’on prend en

compte l’histoire politique contemporaine de Madagascar toutefois, les crises se répètent à une

insolente fréquence208, au point qu’un résumé du dernier demi-siècle pourrait être 53 années

d’indépendance: Plongeon continu dans la pauvreté209. Aussi, si la situation n’est pas exactement

207Régulièrement ajournées depuis 2011. Prévuesle 25 juillet 2013. Aux dernières nouvelles de l’auteur, elles sont reportées à la fin octobre de la même année. 208 En 1972, 1992, 2002 et 2009. Plus de détails sur les causes et les répercussions dans « l’Afrique postindépendance : 50 ans de crises ? L’exemple de Madagascar » VERON J.-B Afrique Contemporaine No.235 (2010/3) ou RAZAFINDRAKOTO M., ROUBAUD F. et WACHSBERGER J.-F (2013) Op.cit 209 Titre de la La Gazette de la Grande Ile. Jeudi 27 juin 2013

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neutre, on ne puis parler d’une conjoncture exceptionnellement néfaste et non-représentative des

réalités malgaches.

A l’heure oùnous finalisons la rédaction du présent mémoire, les projets de développement cités

demeurent en phase initiale ; il apparait un peu prématuré d’en tirer des bilans. Il nous semble

également qu’un processus d’accompagnement au changement est relativement long, certainement

plus que la temporalité exigée aux ONG par leurs bailleurs de fonds. Le fait que de telles initiatives

soient présentes dans d’autres urbains malgaches permet un certain optimisme : budget participatif à

Tamatave, relations étroites et réunions mensuelles avec les fokontany à Antsirabe210 laissent à penser

que la décentralisation permet bel et bien des pratiques participatives locales à Madagascar au-delà

des initiatives exogènes au territoire.

La question des migrants comme acteurs du développement est bien présente dans la littérature et les

pratiques de solidarité internationale, sous la dénomination de co-developpement. Les associations de

migrants, notamment (quoique de façon non-exclusive) ouest-africaines sont très actives – tant dans le

développement de leur région d’origine, que, progressivement, sur leur nouveau territoire de vie211. Ils

participent à l’intégration des nouveaux migrants et à l’enrichissement culturel, social et économique de

leur territoire d’accueil. Nous avons souligné que les associations de migrants ne portaient pas de tels

projets de développement des infrastructures et du bien collectif en vue d’améliorer les conditions de vie

de leurs compatriotesà Madagascar. Apres avoir développé les spécificités culturelles malgaches,

notamment au regard du fanjakana et de la participation citoyenne au développement, nous ne

prétendrons pas vouloir voir s’appliquer des pratiques culturellement éloignées de façon

systématiqueàMadagascar. Toutefois, le modèle est séduisant et des recherches sur le

nexusaménagement du territoire et co-développement des ressortissants pourraient être prometteuses.

De la même manière, les modalités spécifiques d’un basculement, d’une diversification des missions

210 Plusieurs membres du conseil municipal de D/S ont effectue des voyages d’études dans ces deux villes début 2013 211 Voir les projets et les publications du GRDR http://www.grdr.org/spip.php?page=sommaire&id_rubrique=107

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des associations de migrants vers davantage de pratiques citoyennes sont autant de thématiques que

notre recherche n’a pas pu creuser, mais qui ne manquerait pas d’intérêt dans le spectre de la

recherche sur le développement local, de l’urbanisation et de l’optimisation des flux migratoires a

Madagascar.

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MONSIEUR HERVE / coordinateur du Schéma Régional d’Aménagement du Territoire DIANA

CHEF FOKONTANY Mahatsara

PRESIDENT ASSOCIATION Antesaka Mangasoa 1

BENISON NICOLAS / Vice-président de l’association des originaires d’Antalaha à Diego Suarez

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ENQUETES

Quartier Mahatsara - migrants Antesaka

Sakaramy, Anamakia et Joffreville - migration retour des originaires de l’hinterland de Diego Suarez

Aléatoire (sur rendez-vous) - Jeunes migrants d’Antalaha

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ANNEXES

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LISTE DES ANNEXES

Annexe 1Retranscription de l’entretien avec Monsieur Herve, coordinateur du

SchémaRégional de l’Aménagement du Territoire

Annexe 2Retranscription de l’entretien avec Benison Nicolas, vice-président de

l’association des originaires d’Antalaha a Diego Suarez

Annexe 3 Retranscription de l’entretien avec le président de l’association Antesaka

Mangasoa 1

Annexe 4 Carte des lieux cités dans le cadre de nos recherches

Annexe 5 Résumé des enquêtes de terrain auprès des migrants à Diego

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Annexe 1 – Entretien sur le Schéma Régional d’Aménagement du

Territoire (DIANA)

RETRANSCRPTION ENTRETIEN REGION / SRAT

Monsieur Herve, coordinateur du Schéma Régional d’Aménagement du Territoire. Jeudi 27 juin. Palais de la

Region DIANA.

-Pour commencer (…), est-ce que vous pourriez me parler des évolutions des écarts de développement entre communes rurales et communes urbaines de la région DIANA ces 15 / 20 dernières années ? -Donc si nous allons parler de flux migratoires, le développement d’abord. Il y a une très grande différence. Les

villes de la région DIANA sont principalement à destination touristique, alors que les communes rurales ce sont

les communes productrices des produits pour les besoins de la commune urbaine. Les gens vivent comme ca. Une partie du vivre dans les pôles urbains…quand je parle de pôles urbains c’est Diego et Nosy Be. Parce que Diego 2, Anivorano, ce n’est pas vraiment urbain, Ambilobe et Ambanja c’est un pole urbain mais encore une faible catégorie. -quels sont les déterminants du pole urbain ? le nombre d’habitants ? -Le nombre d’habitants, les infrastructures, l’électricité… la superficie même. Euuuuh donc comme Diego, on, on est ravitaille par les communes alentours, qui produisent des cultures maraichères, des produits du riz, des

grains secs, tout. Par rapport à Nosy Be aussi, les gens importent des produits de Diego 2.

Les dix ans passés, hein. Parce que maintenant Diego et Nosy Be importent les produits comme les tomates, les légumes de Tana212.

Avant, c’était Anivorano213 qui était le carrefour des produits maraichers… donc par rapport à l’évolution des flux

migratoires, vraiment la forte évolution c’était à partir de 80….. 89, oui. La ou le tourisme… avant 89 plutôt. La ou

le tourisme était vraiment debordant, prospere. Cela attirait les jeunes qui entrent dans euh..l’exode rural -donc ca c’était avant 1989 ? -Mmmmm -Mais le fait que Diego et Nosy Be importent les porduits agricoles n’attirent pas les producteurs qui auparavant fournissaient la ville ? -Non non non. Ca a change parce que la culture de khat, parce que avant dans la partie d’Anivorano était

production maraichere. Mais à partir des annees 90 la culture du khat est de venue tres repandue, c’est une

filiere tres porteuse. Donc à la place des plantations maraichères, les gens plantent du khat. C’est la que le problème a commence, nous maintenant on importe des cultures maraichères de Tana. Et en plus il y avait la finalisation de la piste RN6, et ca a facilite l’importation des produits depuis Tana. -mais est ce que c’est parce que les agriculteurs de DIANA ont décidé de cultiver du khat que Diego importe, ou est-ce que Diego a décidé d’importer donc les agriculteurs ont du se diversifier ? -c’est par rapport aux besoins de kaht que… -d’accord, ce sont les agriculteurs qui ont d’eux même décidés de changer de production

212

Tananarive, la capital malgache. 213

Dans l’hinterland de Diego-Suarez

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-oui oui. -mais par exemple les fruits et légumes que l’on trouve a Bazary Kely, ils viennent tous de Tana ? -Non non, ca vient de Joffre214 mais la majorité, les pommes de terres, les haricots verts… ca vient de Tana -D’accord. Il n’y a que quelques fruits, réputés pour être meilleurs ici… -meme la qualite est differente. Et la chaine de production de khat a été vraiment pospere, ca été evolue evolue,

il y a eu des centaines, des millers d’hectares, la où on cultivaient les legumes… ils ont tout change leur culture

en khat. -est ce que tous les gens qui cultivaient avant, bon, differents fruits et legumes, est ce que tous ce sont reconvertis dans la culture du khat ? -non, c’est pas tous, mais c’est la majorité, la majorité. Et eux, si tu connais la montagne d’Ambre -oui -tout le pourtour de la Montagne d’Ambre c’était le grenier, tout autour c’était… par exemple si tu regardes dans le SRAT215, attends je vais te montrer l’image…. Clic clic clic, bruits de souris. Mr Herve cherche la carte de la région dans le SRAT sur son ordinateur -voila. Donc ca c’est le pole de Diego, la c’est la Montagne d’eAmbre, la tout ca ce sont des greniers a vocation du riz, et la tout ce coté ce sont les cultures maraichères, cultures diversifiées. Tout ca ils cultivent et ravitaillent le pole urbain. Et maintenant, qu’est ce qui s’est passe, la majorité de ce pourtour, ne produit plus pour la région parce que le pourtour est très bon pour la production de khat… -parce qu’il y a beaucoup d’eau, c’est ca ? -oui, la fraicheur, l’humidité. Donc ils ont change leur culture en khat. Il ne reste plus que ceux qui sont très loin de la Montagne qui cultivent toujours des légumes et ravitaillent la ville. Et ces dernieres annees, la on est en 2013, mmm en 2009 ca a change. la il y a eu une ruralisation de… les gens qui habitent a Diego… déjà, l’immigration a diminue. Et les gens tentent leur chance dans les zones rurales, pour faire la culture. -La culture…de khat donc ? -Non non non, ca a change. bon, il y a toujours le khat, mais les gens cultivent les produits alimentaires comme les legumes, les haricots verts les petits pois… ils ont change a partir de 2009 parce qu’il n’y avait pas de travail dans le pole urbain, le nombre de touristes a diminue, et la donc les gens commencent a renter dans le monde de l’agricuture. Mais par contre a Ambanja, et Ambilobe, la il y avait une agglomeration, la population qui viennent de SOFIA et de SAVA216 -et pourquoi ils sont attires par Ambanja et Ambilobe alors ?

214

Joffreville, commune rurale 30 kilometres au Sud de Diego Suarez 215

Schema Regional d’Amenagement du Territoire 216

Autres regions du Nord et Nord-Est de Madagascar

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-Ambilobe….c’est une zone miniere, il y a toujours la ruee vers les saphirs, les produits minieres… qui a eu beaucoup de valeur ces 5 dernieres annees, et ca a entraine beaucoup de gens vers la migration vers Ambilobe. Il y aussi la culture canne, a cause de la reouverture de la SIRAMA217, qui est devenu le SUCOMA -Il y a combien d’employes a la SUCOMA ? -SUCOMA… 5000 employes. L’usine seulement au nombre de 1.200, mais comme ils ont des champs, tout ca. Toutes les cultures de canne a sucre, les terrains appartiennent a la SIRAMA, donc tous les agriculteurs qui travaillent dans les champs ravitaillent cette usine. -Et Ambanja ? -Ambanja aussi il y a des produits miniers, mais ce qui différencie Ambannja c’est le prix du cacao parce que avant le cacao de Ambanja c’est vrai que c’est le cacao bio, mais les gens, la valeur…parce que le mode de traitement…parce que il y avait des anciens plants, le mode de traitement qui n’était pas encore bien efficace, et donc le prix était en bas. Et donc apres il y avait le ADAPS et STABEX ont donne l’appui a des… -c’est quoi ADAPS et SCANEX ? -ce sont des ONG… des organismes d’appui, pour redynamiser la culture de cacao, donc ils ont change les vieilles plantes en jeunes plantes. La superficie d’exploitation n’a pas augmente, mais ils ont changé les plantes, elles sont plus productives.ils ont forme les gesn dans le mode de traitement, et donc il y a le prix qui augmente, et une fois que le prix augmente ca attire les gens et… et ca a evolue, Le telephone sonne.

-c’est la raison pour laquelle il y a beaucoup de migrations dans laes deuz zones. Et…il y a quoi d’autres dans les produits d’agricultures.. ? produits, produits…non, c’est tout. -du coup, la raison pour laquelle il y a moins d’exode rural, et la raison pour laquelle les gens tendent meme a parti de Diego, c’est parce que la ville n’offre pas ces opportunites, qu’il n’y a pas de grandes entreprises qui puisse absorber toute cette nouvelle main d’œuvre ? - -Oui oui. Le problème ici c’est…la SECREN par exemple, qui est en veilleuse actuellement. La majorité des entreprises ici sont en réduction d’effectif a cause que la crise, y’a pas de boulot, y’a pas d’activités au niveau des pôles urbains, donc ca a attire les gens vers la collecte de saphirs, la collecte de produits miniers, collecte des… ils ont cherche des autres activités. Les autres ils sont partis de la commune urbaine vers la commune rurale pour faire la ferme, parce que meme, poulet de chair, meme 5 ans avant, les gens d’ici Telephone sonne -…meme les gens d’avant ne mangeaient pas de poulet de chair ici, au passe. Parce que les gens fait venir le poulet de chair de Tana c’est tres cher. Mais le changement, vu qu’il y a pas d’activites, les gens ont commence a faire leur petite entreprise, les petites fermes, a cycle court, des..quelque chose comme ca. Et maintenant on voit dans les communes peripheriques de Diego c’est des fermes des, des quoi ca, des kisoa des poules pondeuses et poulet de chair. -Et vous pensez que ces gens, originaires de la commune urbaine qui sont partis faire de la culture ou de l’élevage dans le hinterland, est-ce que ce sont des anciens migrants ruraux-urbains, ou de citadins originaires, qui quittent Diego ?

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Usine de raffinage de sucre

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-en majorite ce sont des gesn qui ont vecu dans les zones rurales auparavant, mais comme il y avait beaucoup de choses a faire ici a Diego, ils ont monte ici, mais une fois quer la crise a Diego, ils ont déjà l’idee en tete parce que ils ont eu des formations, ils ont des terrains dans les peripheries et et… ils sont rentres maintenant. Meme s’ils sont rentres là-bas, leurs enfants étudient ici. Il fait deux vies, deux villes. Il y a des temps ils sont ici, et des temps ils sont dans leur ferme… -d’accord. Ils diversifient les opportunités. Et le fait que d’anciens migrants quittent le pole urbain, vous pensez que c’est une bonne ou une mauvaise chose pour Diego Suarez? -Moi je pense que c’est une bonne chose parce que au lieu d’importer, ils savent déjà parce qu’ils ont déjà vécu a Diego, ils savent déjà les besoins, donc ils n’ont pas peur de faire quelque chose. Pour moi ils sont productifs après. C’est pas comme, ils ont quitte la commune urbaine pour aller se rafraichir la-bas, non c’est pas ca, ils ont pense a ravitalle, et une fois qu’ils rentrent ils ameliorent la condition de la commune rurale d’abord, et ravitaille la CU en sachant que les besoins de la CU c’est toujours continu. -il y a ce modèle, selon les grandes theories de l’urbanisation etc., il est souvent dit que le developpement economique va de pair avec l’urbanisation. Le role de la ville dans le developpement serait alors de produire ces emplois, ou en tout cas ces opportunites d’emplois la. Est ceque vous pensez que c’est quelque chose a cote de quoi Diego est passe ? le fait qu’elle ne soit pas capable d’attirer des investisseurs, des entreprises pour créer des emplois mieux payes ? -euh…moi je pense, oui, mais c’set tres difficile pour le cas de Diego, pour le Nord, pour la region DIANA surtout. A cause du coup de l’energie, ca c’est le blocage. Parce que une fois que tu vas faire ton entreprise, il y a d’abord le probleme de la fiscalite, des redevances, mais il y a aussi le probleme d’energie. Le cout d’energie est trop eleve et ca dissuade les gens de venir ici. On voit que la ville de Diego, moi je vois, il y a quand meme de l’evolution, il y a aussi la ruralisation de la ville. Si tu vois, il y a les gens qui portent de la viande comme ca, y’a pleins des femmes qui…donc ils ont immigres ici, ils cherchent tous les moyens pour se faire survivre, au lieu d’aller au marchee, d’attendre au marchee tout ca, eux ils vendent dans tous les endroits. En plein centre ville, devant Hotel de Ville, tu vois un gars avec une tige et qu’il y a de la viande… et ca c’est le probleme du travail. Les gens ne pensent plus de créer quelque chose, mais juste de revendre, de faire quoi ca ? moi je te vends ca, tu vas le revendre a lui, il va le vendre a… un seul produit, y’a 5 ou 6 passage avant le consommateur. -et a votre avis c’est du a quoi, ce manque d’esprit d’entreprise, d’innovation ? -ca, de ce cas, moi j’ai déjà remarque que les gens veulent créer quelque chose, parce qu’il sait très bien que c’est toujours rentable. Mais le problème c’est le fond. Et le problème de fond…on peut pas dire qu’il y a le problème de fonds. Il y a beaucoup d’institutions de micro-finance ici qui financent. Mais le problème c’est le fond de garantie qu’ils demandent. C’est trop..ca pèse trop lourd pour les malgaches. Surtout on parle du terrain, tu dois hypothéquer ton terrain pour qu’on te prete de l’argent. Donc je prends 5 millions d’ariary aujourd’hui à l’OTIV, et a partir du moins prochain je dois déjà rendre une partie. Alors que mon activité ne produit qu’a partir de 5 mois. Et la tu perds ton terrain, alors que pour les malgaches c’est quelque chose de tres sacree, le patrimoine des parents… Donc ils cherchent toujours des moyens pour ne pas toucher au terrain. (…) -et, je repensais, quand vous parliez des gens qui ont commence a quitte la ville en 2009, est-ce que vous auriez des pourcentages, des chiffres ? (…) -vu qu’il n’y a pas de données vraiment fiables donc… -et au niveau de la ruralisation de la ville dont vous parliez, le fait que dans des fokontany de la CU, par exemple a Mahatsara ou Manongalaza il y a des procheries, des rizieres, a Lazaret aussi… est-ce qu’il y a toujours eu ces cultures la, sont-elles liees a l’urbanisation, aux migrations rurales… ? -Non. Les cultures ont toujours été la, en périphéries de la ville, et vu l’agglomération vers le centre, il y avait de la place autour. Mais avec l’expansion de la ville, ces localités sont devenues partie de la ville.

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-donc c’est pas des migrants ruraux qui se sont installes la, ce sont des ruraux qui ont été « urbanises », administrativement parlant -parce que les gens ici n’aime pas les cochons la, ceux qui élevaient les cochons etc… donc ils ont commence les fokontany de Mahatsara, de Mangarivotro, loin du centre. Mais comme il y avait des espaces libres autours, les gens ont commence a arriver, a arriver…et c’est devenu la ville après. -de ce que j’avais compris, la plupart des gens qui élevaient les porcs étaient des Antesaka, des migrants du Sud-Est. -ici il y a beaucoup de musulmans, alors on disait qu’élever les porcs c’était un métier sale. Et il n’y a que les gens du Sud-Est qui faisaient ca. Moi je trouve que eux ils ont des contacts, alors eux ils ont commence la culture et l’élevage, tout ca, c’est rentable pour eux, ils font venir leurs amis ‘tu peux venir ici, il y a le terrain qui est libre, on peut faire ci, on peut faire ca…’ ca, et ca a augmente, et ca a augmente. C’est pour ca qu’il y a plusieurs218 Antemoro et Antesaka qui sont a Diego. -Et ca, bon, ca va au-delà de la région, mais les flux migratoires du Sud-Est jusqu’au Nord, vers Diego en l’occurrence, est ce que vous savez s’ils sont plutôt réguliers, en hausse ou en baisse ? -ca a toujours été en hausse, on le sait a cause de leurs associations. Avant il n’y avait qu’une seule association qui rassemblait tous les migrants du Sud-Est, juste a cote de Malarapentry là-bas, entre leur foyer, le centre. Ceux qui viennent d’arriver restent la, et quand ils font la fête… maintenant il y a trois ou quatre grandes associations, et puis ils s’éparpillent dans les fokontany. Il y a la SCAMA, a Mahatsara, a Mangarivotro, (28’11), la partie de la pyrotechnique… Aavant, ce qui n’emmène pas les pousse-pousse, ils travaillent a la ferme des cochons. Ces derniers temps, Maintenant, ils font aussi beaucoup le charbon. Le bois de mangrove ? A la montagne des Français, c’était leur chantir-cible. Ils avaient beaucoup besoin de charbon à Diego. Et au bout de deux semaines, tu gagnes déjà de l’argent, alors les Antemoro viennent ici pour faire le charbon et l’argent. C’est en grand camion qu’ils viennent ici, pour chercher du travail. Est-ce que ce sont des migrations circulaires/ temporaires, ou ont-ils l’intention de s’installer définitivement ? Avec l’intention de s’installer ici a Diego, definitivement. Parce que avant on voit que c’était temporaire. Ils arrivent ils arrivent ils arrivent, et puis il y a d’autres périodes où ils ne sont plus la. Ils louent tous un grand car, ils voyagent direct, et rentrent un peu chez eux, puis ils

attendent la prochaine saison et reviennent. Maintenant il n’y a plus ca. Ce n’est qu’a leur décès qu’ils rentrent. Qu’ils rentrent leurs os. Et au-delà du territoire de Diego ou de DIANA, est-ce qu’il existe a l’échelle nationale un SRAT, ou plutôt un SNAT, pour harmoniser mmm, j’imagine que le Sud-Est est une région très difficile, notamment a cultiver s’il y a autant d’émigration, pas d’investissement… n’y a-t-il pas unschema d’aménagement du territoire a travers ces flux migratoires, qui permettrait de developper le Sud-Est a travers ces flux migratoires ? Cela la politique de l’Etat, avant le SRAT il y a le SNAT. Ca a été decline a l’echelle des reginos. Le SRAT a été finance par la Banque Suisse. Ils ont eu l’idee de faire le SNAT déjà, mais c’était vraiment un document descriptif. Pas de strategie. Ils vont d’abord financer toutes les regions pour qu’elles aient un SRAT, et elaborer le SNAT en fonction. Mais le probleme de faire un SNAT a partir d’addition de SRATs, ca ne serait pas qu’il ne prenne pas en compte les articulations inter-regionales ? ca considerer que les regions sont toutes independances, desarticulees ?

218

beaucoup

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Chaque chef de région sait les flux migratoires, les flux économiques de la région parce que les gens demandent toujours des papiers a la Region quand ils veulent immigrer. Avant ils voulaient élaborer SNAT avant SRAT, ils ont dit que c’était impossible. Il faut d’abord collecter les informations et les enjeux de chaque région. – système d’entonnoir - Antemoro surtout dans le Nord, ou partout a Mada ? Les autres régions, je crois pas. La région SAVA… s’il y avait toujours autant la vanille là-bas, surement ils iraient. Mais du coup non, c’est toujours dans le Nord. C’est une histoire d’opportunités ou de réseaux ? Non ce n’est pas le réseau. Enfin, si, il y a toujours le réseau des anciens qui peuvent les héberger tout ca, c’est par rapport a la stratégie, situation géographique, ils savent les opportunités de la région de DIANA. Même les gens de SOFIA juste à cote ils viennent ici en majorité. La spécificité de la région, il y a des vazaha, c’est la terre bénie, il y a de l’argent - de l’argent qui circule. Quand j’étais a Fianaransoa des gens ont dit c’est très rare ici de voir l’argent qui circule. Ici l’argent circule, les gens dépendent pas seulement des ariary, mais aussi des euros, les femmes malgaches qui se marient avec des étrangers, des malgaches qui travaillent a l’extérieur qui envoient de l’argent… même si c’est plus difficile Diego c’est toujours Diego. Dans le document du SRDE219, on voit que les taux de pauvreté sont non seulement plus bas en zones urbaines que rurales, mais plus bas en zones urbaines de DIANA qu’en zones urbaines à l’échelle nationale. (…) Est-ce que parce-que Diego et la ville sont un moteur de mobilité sociale, ou plutôt parce que les pauvres n’arrivent pas à s’installer en ville, et ne font donc pas partie des statistiques urbaines ? Le taux de pauvreté est un pue plus bas parce que même s’ils sont pauvres, en faisant quelques activités, il y a le port, l’embarquement le débarquement… il y a toujours quelque chose qui les fait vivre. Des que tu travailles tu peux survivre même si tu vis pas bien. Tandis que a Tana par contre même si tu veux faire quelque chose il y a pas d’opportunités. Il n’y a pas, c’est la différence entre ici et là-bas. Ici il y a quand même de l’argent Vous dites que le marche du travail n’est pas sature ici. Que c’est difficile, mais qu’on peut trouver du travail Si on veut vraiment on trouve quelque chose pour gagner sa vie. Aujourd’hui tu cherches pour aujourd’hui, demain tu chercheras pour demain… mais pour quelque chose de stable, de permanent, la stabilité de l’emploi c’est plus garanti depuis la crise. Le taux de pauvreté est très bas grâce a ca Et comment est ce que vous définissez le taux de pauvreté ? Les revenus journaliers. 5000 ariary par jour. Normalement ca devrait etre 1500 ariary / jour pour les hommes des champs, mais ici c’est entre 3000 et 5000 ariary, parce que la vie est un peu plus chere, l’argent circule…. Donc depuis 2009 il y a moins de migration vers la ville de Diego Moins de migration vers Diego, mais au contriare une forte augmentation vers (…) et Ambilobe. Est-ce qu’il s’agit des mêmes gens ? Oui oui Tout de même. Qu’est ce que vous pensez qui sont les principaux impacts économiques, sociaux de ces migrations vers Diego ?

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Schema Regional de Developpement Economique, Region DIANA

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Partie économique… je ne sais pas. Mais pour la partie sociale, la déculturation de la région DIANA. Les traditions, tout ca, c’est perdu dans le melting pot. Et la partie économique, le prix de la main d’œuvre a diminue. Tu peux trouver quand meme des gens qui…si tu veux pas travailler pour 3.000 ariary, il y en aura d’autres qui travailleront pour 2.500 ariary…. Et vous pensez que ca beneficient plutôt aux migrants ? Ca beneficient aux migrants. Et puis il y a aussi le taux d’insecurite qui a augmente. Et selon vous c’est lie aux migrations ? Oui c’est lie aux migrations, déculturation, et aux changemnets economiques. Vous parlez de l’insécurité comme une conséquence de l’immigration, mais je me demandais si…je prends l’exemple des foroches. De ce que j’entends de part et d’autres, ce ne sont pas des enfants de migrants mais plutôt des « fils de… », et qu’ils sont protégés par le statut de leur parents. Ca colle pas vraiment avec un profil de nouvel arrivant. Moi le problème je vois la délinquance infantile. Avant il y a avait déjà ca, chaque quartier avait des équipes, des partis. Masi il y a avait des rencontres sportives, des rencontres. C’étaient entre eux les bagarres, s’il y avait des problèmes.

Mais maintenant c’est différent. Parce que premièrement la délinquance. Il y a des parents qui travaillent a la PFOI par exemple.il a un enfant, le papa il est gardien, il rentre a 6 heures du matin (…) et il est acheté par les foroches. Tu vois ce que je veux expliquer le système. Les enfants sont trop libres, pas trop d’affinités avec les parents. Et puis il y a les parents qui sont partis travailler en brousse et laisser leurs enfants étudier en ville. Seulement le samedi-dimanche ils sont la pour ravitailler. Ces enfants-la sont livres a eux même.

Du coup, quand vous parlez d’immigration qui engendrerait l’insécurité, vous parlez d’émigration, vers les zones rurales !

Comme je t’ai expliqué, les gens des communes urbaines qui ne trouvent pas des travaux vont dans les communes périphériques pour faire l’élevage, et s’installent là-bas tandis que les enfants restent tous seuls ici.

Dasn le document ce que j’avais lu, quand vous parelz d’immigration-d’insecurite, moi j’avais compris que vous parliez de la croissance demographqiue, de la migration de la pauvrete vers la ville etc. ce n’es pas ce que vous dites

Et… a votre avis, l’immigration vers la ville, est ce qu’elle cree d’autres problemes ? vous disiez que le cout de la main d’œuvre diminuait, et ca beneficie aux migrants

Ce sont pricnipalement des gesn qui viennent du Sud-est , plus que ceux de la peripherie. Les gens de la peripherie pour eux ils viennetn le matin, ils repartent. Tandis que les gens de Sud-Est, de SOFIA… c’est eux la main d’œuvre

Est-ce qu’on peut dire que ces migrations sont benefiques pour les migrants, mais qu’elles handicapent les travailleurs locaux ?

Oui, en plus les travailleurs locaux ils n’aiment pas les travails sales. Les éboueurs, les agents de la commune ceux qui balaient les rues, les natifs de Diego de la region ne viennent pas chercehr du travail ici pour faire le

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menage pour balayer la rue. Mais comme il n’y a plus de travail les gens du Sud-est ils.. Comment dire ca… tsy fidiasa zegny…

Ia ia. Il n’y a pas de sot métier !

Mais maintenant les natifs ne trouvent plus de travail, les gens de Sud-est ont toujours leur travail, les natifs n’aiment pas les sot metiers, y’a la confusion, la saturation du marche de l’emploi donc, quand on parle de la migration c’est pas les gens rurales de laregion, c’est les gens du sud. Meme les femmes qui portent les cuvettes, les poissons tout ca, ce ne sont pas les femmes d’ici.

Est-ce que vous avez l’impression que cette situation de saturation du travail, le fait que les migrants en bénéficient plus parce qu’ils sont moins regardants, est ce que ca crée des conflits sociaux ?

Non, ca n’existe pas. A Diego les gens sont accueillants, il n’y a pas de différences. Il n’y a pas de différences. Les employeurs ils cherchent des gens qui veulent travailler, il n’ya pas de différences ‘tu viens du Sud-est, tu viens de Tana’…

Et au niveau des autres chercheurs d’emploi ?

Non, personne n’est blâmé.

Dans le SRAT, vous semblez dire a un moment donne que si le SRAT est effectivement mis en œuvre, cela attirera une immigration spontanée qui bouleverserai l’ordre, que tout serai à refaire. Qu’un territoire attractif c’est une faiblesse !

Oui, c’est surtout un problème de culture. Les nouveaux venus ils ne veulent pas s’adapter au mode de vie de Diego, ils emmènent leur propre mode de vie.

Les gens qui sont venus avant ils ont respectes la facon dont les gens de Diego vivent. Masi l’arrivee des gens de SOFIA, du Sud-Est… par exemple s’il n’y a qu’une borne fontaine… les gens dans la cour se respectent. Ceux qui utilisent les bornes fontaines vont laisser propres. Ils elevent les cochons, alors que la il y a un Comoriens. Il fait tout jusqu'à ce que le Comoriens quitte le lieu. Parce qu’il laisse trainer les sedimetns des cochons, les restes du riz, les toilettes sales…

Parce que les gens avant ils se respectent, ils respectent les cultures des autres. Maintenant. Si tu n’arrive pas a supporter ce que je fais debrouille-toi.

Vous pensez que c’est a cause de l’origine des migrants, ou du fait de la croissance demographique, du fait que les gens se connaissent moins ?

Je crois que c’est déjà leur comportement la ou ils etaient .et ils ne veulent pas changer parce que ils ont l’habitude.

Mais moi je vois les gens qui passent avec leur cuvette, avant il n’y avait pas ca. Si tu veux acheter des fruits tu vas au marche. Meme le cas de la viande, avant tu vois pas ca. Avant la mairie elle ramassait directement. Mias ils sont devenus tellement nombreux. Diego est devenu un marche toujours ambulant. La tu peux trouver du poisson…

Toute la migration qui trouve pas de trvail. Ils achetent au marche, il y a toujours 3, 4 intermediaires

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Ca serait l’un des effets de la ruralisation de la commune urbaine… pour vous c’est quoi les impacts de la ruralisation sur la ville ? vous semblez etre un peu critique

Moi oui je critique. Ca touche le domaine social, eocnomique, environnemental. Il y a toujours des relations. Je pense, les marchees, les produits il faut les laisser au marche, autremnet il y a plein de gens qui n’auront pas quelque chose a vivre. C’est ca le probleme de l’immigration. Je suis pas pour la ruralisation, il y aura un probleme. Si ces gens ils ne font de l’argent pendant la journée, ils sont pas embaucher du matin au soir ils ne rapportent rien a la maison, alors le soir ils vont faire le dahalo, ils vont voler, ca crée l’insécurité.

Le fait que les vendeurs aillent en ville avec les produits du marche est le probleme. Pas le fait qu’il y ait des cultures dans la ville.

Non les parties cultivées étaient la avant. Ca reste toujours la. C’est pas pour revendre au marché, c’est juste un plaisir, éventuellement pour nourrir la famille.

Annexe2 – Entretien avec le vice-président de l’association des

originaires d’Amtalaha

Entretien avec Beniton Nicolas, vice-président de l’association des ressortissants d’Antalaha (région SAVA) a Diego-Suarez. Romeo, l’un des membres de l’association, est aussi présent, notamment pour servir d’interprète. Mardi 9 juillet, bureau de la Poste. -Association des originaires d’Antalaha. L’association depuis l’année 1979. Mois d’avril. Moi, vice-président. Monsieur Beniton Nicolas. L’objectif de l’association : premièrement, relations entre tous originaires d’Antalaha. Les solidarités des membres, deuxième. Troisième, amélioration du cadre de vie des membres, et encory, en cas des problèmes entre les membres, par exemple problèmes privées, affaires judiciaires, problèmes de maladies etc. pour les insertions professionnelles, presque les membres dans l’association n’a pas d’emploi. Donc pour chaque membre il faut trouver les moyens pour trouver de l’emploi. -C'est-à-dire trouver des emplois pour les nouveaux venus -Oui, bien sur, au moment ou les originaires d’Antalaha arrivent a Diego, ils n’ont pas encore de… -Femme de chambre… -Femme de chambre, des petits emplois, travailler dans des épi-bar, des gargotes… -Est ce que ce sont des emplois que vous trouvez sur des annonces, ou est-ce que c’est d’autres membres [de l’association] qui recherchent des employés ? -A chaque membre, puisque ils recherchent… -C'est-à-dire, on lance au niveau de l’association qu’il y quelqu’un qui vient d’arriver, qui recherche de l’emploi, si jamais l’un des membres trouve de l’emploi… -D’accord, c’est par bouche à oreille… -Oui, ils signalent au président [de l’association]

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-Et, dans ces cas la, par quels vous pouvez faire savoir aux membres qu’un nouvel arrivant recherche un travail ? Est-ce pendant des réunions de l’association ? Les appelez-vous directement ? -Pendant les réunions, une fois par trois mois et après par téléphone. Mais pour les relations, tous les jours on rencontre dans la rue, on rend visite… -Et combien il y a de membres dans l’association aujourd’hui ? -Le nombre de l’association est environ 300. -Et vous êtes vice-président depuis ? -Date de mandat depuis 2000 jusqu'à maintenant. -Est ce que vous, depuis que vous avez pris votre poste, il a d’il plus ou moins de migrants, est-ce qu’il y a des tendances ? -Il y a plus. Et surtout, l’année prochaine220 plus nombreux de rentrants dans l’association [plus de nouveaux membres] -En 2012 -Ah ! L’an dernier ! Et comment vous expliquez qu’il y ait eu beaucoup plus de migrants en 2012 ? (TRADUCTION MALGACHE VERS 04 :45) -(…) Zegny les nombres dans le registre plus nombreux que… -Mais est ce que vous savez si ils sont arrives a Diego en 2012 ou si ils étaient déjà a Diego mais se sont portes membres uniquement en 2012 ? -(GASY 5 ;17) presque (gasy vaovao0 -Ils sont majoritairement des nouveaux venus, parce qu’on leur demande dans la fiche de renseignements d’où ils viennent -Est-ce que vous avez une explication, pourquoi il y a eu plus de migrants en 2012 que les années d’avant ? -(gasy) -Zegny les jeunes maro221. (trad) les (gasy…) les crisy, a cause des produits agricoles diminuent -La diminution des productions agricoles, la crise persiste plus fort dans la région SAVA qu’ici -Est ce que c’est plus, mmmm, ils dépendent plus de la production agricole c’est ca ? -Oui. -Ils tentent de trouver des emplois ici. -Ok. Et est-ce que, par exemple, ces gens qui sont arrive en 2012, est ce qu’ils ont tous trouver du travail ? Vous les voyez régulièrement ?

220

L’annee derniere (sic) 221

Les jeunes sont tres nombreux

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-Presque, presque -A titre d’information, en majorité ce sont des gens qui font les travails à domicile. En majorité les gens qui travaillent a domicile ici222 ce sont presque tous les gens de SAVA -D’accord. Principalement du travail a domicile. Donc, c’est, des femmes de chambre, des gardiens… ? -Oui des gardiens. -GASY (…SAVA 75000 francs par mois) -Francs ?223 -Francs. Salaire de… -Là-bas, lorsque tu es domestique, tu gagnes 75.000 francs -Là-bas, dans la région d’Antalaha donc. -Oui -Donc, 15.000 ariary. -Mmm. Par contre ici, ils peuvent gagner jusqu'à 100.000 ariary. Il y a des grandes différences. -Est ce que vous pourriez dire s’il y a un profil type de migrants ? Quels sont les points communs de tous ces gens ? -(traduction de Romeo) -Presque (gasy ecole vavy) -Il dit, en grande majorité c’est des femmes qui ont quitté la classe -Des femmes déscolarisées…donc, qui sont jeunes ? -Oui, presque 17, 18…224 -D’accord. Et du coup, comment vous expliquez que se soient plutôt les femmes qui migrent ? que font les jeunes hommes en SAVA ? Ils ont encore un travail ? Ils continuent d’étudier… ? Pourquoi c’est plutôt elles qui… ? Trad -Maintenant, actuellement il y a encore du travail là-bas pour les jeunes hommes, exploitation des bois précieux, exploitation des pierres précieuses, mais que les femmes n’arrivent pas à faire -Oui oui, c’est trop physique

222

A Diego-Suarez 223

Madagascar a change de devise en 2002, passant des francs malgaches (FMG) aux ariary. Les FMG ont 5 fois la valeur des ariary. A titre indicatif, un paquet de cigarettes Good Look – marque locale - coute 3.000 ariary. 15.000 ariary représentent un peu plus de 5 euros. 224

ans

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-Donc quand vous par l’association vous les aider à trouver un 1er emploi, comment elles se logent ? Elles connaissent des gens ? Elles s’appuient sur les membres de l’association ? Si elles gagnaient 15.000 ariary par mois à Antalaha, elles n’ont peut-être pas les moyens de payer pour une chambre ici225… -Presque, entre camarady, la famille. -Souvent, quand elles arrivent, elles ont déjà des membres de leur famille qui habitent déjà à Diego ? -Oui. Soit des familles soit des amis. Ce sont souvent leurs amis qui leur incitent à venir ici. -D’accord. Ca n’arrive pas souvent qu’un migrant arrive en ne connaissant personne ? -… -A quels types de problèmes sont confrontés les nouveaux migrants quand ils arrivent à Diego ? Trad -Souvent d’abord le problème de l’emploi. Et aussi souvent ce sont des femmes en majorité, elles sont, comment on dit… abusées sexuellement par des hommes qui les promet des emplois et après qui les quitte -Donc, pas leur employeurs ? -Non, des gens dans leurs premières connaissances a Diego, qui leur promet de l’emploi, qui dormir avec eux… -gasy, trad -Et aussi, souvent, lorsqu’elles sont déjà dans une situation d’emploi, les employeurs tendent à les mépriser, puisqu’elles ne savent rien d’ici… -Est ce que l’association essaie d’aider d’une façon ou d’une autre ? -Intervention entre mmmmmmm. Police judiciaire. -Vous vous occuper d’accompagner la victime… -Il y a souvent ce cas. C’est très très souvent (petit rire) -Et… est ce que ca a toujours été comme ca, ou est ce que c’est un phénomène nouveau ? -Mmmm dans une année, il y a

-Récemment, une étudiante de l’université s’est faite violée. Je ne sais pas où en est le dossier

(petit rire) -Vous êtes vice-président depuis l’an 2000, mais membre depuis quand ? -1997. Arrive à Diego en 1997

225

Le loyer d’une chambre dans un quartier peripherique oscille entre 20.000 et 40.000 ariary.

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-Vous avez donc une vision des 15 dernières années, des évolutions… Est ce que les migrants ont plus de difficultés, ou moins de difficultés ? Est-ce que ca a toujours été des jeunes filles qui venaient d’Antalaha ? -Jusqu’à présent toujours des difficultés. -pas d’evolution donc -Combien de temps il faut aux jeunes filles pour avoir un travail stable, une maison / chambre a elle …. ? -(trad) -3 mois. Et on arrive à se payer une petite chambre, mais souvent elles travaillent en internat -Elles habitent chez le patron ? -oui. -Et, au delà de cette aide pour trouver un premier travail, quelles autres interactions, relations sociales entre les membres de l’association ? (trad) -Il y a aussi l’entraide en cas de maladie, en cas de décès, rapatriement du corps, cas de festivités, mariage, nouveau ne, l’association soutient la famille -Il y a une cotisation ? -Chaque mois, 5000226 -Plus récolte de fonds annuelle. L’association fait aussi le nouvel an ensemble, la journée internationale de la femme, la fête des mères… -La journée internationale des femmes, forcement, avec la majorité de membres féminins dans l’association ! (petit rire) -Est ce que vous pourriez, qu’est ce qui distingue les migrants d’Antalaha d’autres migrants ici à Diego ? (trad) -gasy. Débrouiller. Ils sont ici pour chercher les travails. Ils ne font pas de sélection entre bon et mauvais travail, et on les trouve dans n’importe quel secteur. Ils ne sont pas comme les ressortissants de Tana qui font surtout du commerce. Les originaires d’Antalaha il y a des commerçants, il y a aussi des employés de maison, des simples domestiques. Klaxons incessants. Début de la grève des taxis-motos. Elle fait suite a la grève des taxis-voiture (et des

restrictions imposées aux ‘touk-touks’) la semaine d’avant. Le bureau de poste où nous nous trouvons fait face à

l’Hôtel de Ville, direction des revendications des chauffeurs. -Et, qu’est ce que vous diriez, quels aspects de la ville des femmes changent le plus en arrivant à D/S? Principaux changements dans leur quotidien ? (trad)

226 FMG, comme souvent lorsque la devise n’est pas précisée.

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-On peut dire qu’elles savent s’adapter, elles savent gérer les transformations. Nombre de jeunes filles qui sont venues ici d’Antalaha sont maintenant parties à Koweït. Elles sont arrive ici mais elles ont fini par partir a Koweït. -C’est souvent des travails d’employés de maison, au Koweït aussi, non ? -Oui oui -Parce que les gens de Diego n’ont pas tres tres envie d’y aller. C’est en majorité les gens de SAVA qui vont. -D’accord. Bon. C’est pas vraiment la raison de ma venue, mais est-ce que vous savez comment elles rencontrent des gens du Koweit ? il y a des gens a Diego qui s’occupent de rechercher des femmes…? -Il y a des annonces au bloc administratif -Mmmm -Ma sœur est partie là-bas -Oui, tu m’en avais parlé -Oui, avec ma fille aussi… -Ah ! Et vous avez des nouvelles ? Tout se passe bien là-bas ? (Petit rire) -Oui oui, on les entend tous les dimanches -Est ce qu’il y a beaucoup de membres de l’association qui sont parties au Koweït ? -Oui, il y a pas mal. A Seychelles aussi, et Ile Maurice. -Et pour quelles raisons partent-elles ? -Par rapport ici, ma sœur m’a raconte… -Valeur 2 millions…. -400.000 ariary -Mmmmmm. Et pour celles qui sont restées à Diego, est ce que vous pensez qu’elles ont trouvé ce qu’elles cherchaient ? Vous dites qu’elles savent s’adapter, mais la réalité qu’elles ont trouvé ici correspondait elle à leurs attentes ? -Presque. En général, presque -Parce qu’elles sont déjà au courant de la situation depuis là-bas, elles ont des contacts ici. -Je demande ca parce que par exemple, des migrants africains qui veulent venir en France peuvent se retrouver dans des situations très difficiles. Ils doivent beaucoup travailler, ils sont parfois exploites, ils gagnent très peu, la vie est très chère, le climat difficile, la société différente, et ils vivent mal… -Il y en a aussi ici certains qui finissent de se prostituer ici, mais je ne sais pas si c’était déjà leur ambition de venir à Diego pour faire cela…

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-A part les filles qui partent au Koweït, etc. est-ce qu’il y a aussi des filles qui rentrent a Antalaha ? (trad) -Oui, presque (gasy) Trad -Tsy nahita (…) -Il dit que c’est pas a cause de la recherche d’emploi, mais plus a cause de l’insécurité, elles sont pas habituées à la vie dans la ville… -A Antalaha, c’est peut-être, la moitié (d’habitants) de D/S -Par rapport au nombre des membres, elles sont nombreuses, ces filles qui rentrent a Antalaha ? -ia. Peut-etre 70%. -Au bout de combien de temps en moyenne ? -Disons, quelques années. Elles ne s’habituent pas. C’est pour cela que le nombre de membres se stagne, entre les nouveaux migrants et ceux qui rentrent. -Et pourquoi les migrant/e/s choisissent Diego plutôt que Sambava, Tamatave ou Tananarive etc. ? -(trad, vazaha, vola zegny mora mora) -Diego est plus proche, c’est plus facile de trouver de l’emploi. A cause de l’exode rural. -Y-a plus d’exode rural dans les autres villes ? -Oui, c’est plus difficile de trouver du travail ailleurs. -D’un point de vue plus administratif, quelles procédures les nouveaux migrants doivent suivre vis-à-vis de la commune, du fokontany ? Trad -Les migrants ne se présentent pas généralement, mais ils devraient se présenter au bureau de fokontany227. L’association les incite a le faire. Les fokontany n’arrivent pas à les surveiller. -Qu’est ce que tu veux dire par ‘surveiller’ ? -Euh, les nouveaux migrants, ils ne les connaissent pas qu’il y a des nouveaux habitants dans le fokontany. Et souvent, c’est quand le migrants quitte le quartier sans payer son loyer que les autorités apprend qu’il habitait la. -Et vous pensez que ca pourrait aider les jeunes filles d’entre repérées par les chefs fokontany ? -A mon avis c’est bien, ca va élargir ses relations dans le quartier, sa sécurisation aussi -En tout cas, c’est juste une démarche attendue des migrants. Il n’y a pas de restriction pour la venue de nouveaux arrivants ?

227

Quartier. Bureau de quartier, ou siège le chef fokontany, nommé par le chef du district (équivalent de la préfecture française) depuis 2007. Auparavant, ils étaient nommés par le Maire.

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-Non non. -Est-ce-que vous avez l’impression que la commune, les fokontany s’intéressent a ces nouveaux arrivants ? Essaient d’aider à l’adaptation, ou au contraire de faire en sorte qu’il y ait moins de nouveaux arrivants ? -Moi je connais bien le président fokontany de Lazaret228, c’est mon ami. Il, vraiment, en collaboration avec les chefs secteurs, il se renseigne sur les nouveaux venus. De la brousse, mais aussi d’autres fokontany de la ville. Pour des raisons de sécurité surtout, ou ils habitaient avant, si ce sont pas des brigands etc. Il demande des certificats de résidence. -Et, qu’est ce qui se passe s’il apprend qu’un des nouveaux venus est un ancien ‘brigand’ ? -C’est la le problème, on ne peut rien faire. Mais on ne fait que le surveiller. Si jamais il y a une infraction… (gasy) -Souvent c’est quand il y a un problème chez lui (le nouveau venu), comme un cambriolage, et qu’il veut se plaindre qu 'il se presente. -C’est dommage de faire connaissance dans ces circonstances-la ! … En tout cas, au niveau de la ville il n’y a pas de mesure pour faire en sorte attirer, ou repousser les flux migratoires ? -Non non pas jusqu’ici. -Ils font comme si ca n’existait pas. Mais en 2009 je me souviens bien, du temps de Ravalomanana229 il y a eu un décret municipal du Ministère de l’Intérieur qui régissait les flux migratoires. Lorsqu’on quitte un fokontany, on doit avoir l’autorisation de ce fokontany pour pour pouvoir s’ installer dans un autre fokontany. Mais ca n’était pas applique. -Ok. Mais qu’est ce qui a motive un tel texte ? Pourquoi un fokontany refuserait le déménagement d’un foyer ? -C’est mmm… en général ce sont des raisons sécuritaires. Dans le sud de Madagascar c’est très très obligatoire. Les fokontany ne reçoivent pas les nouveaux venus s’ils ne présentent pas leur… -Oui, ca je comprends la démarche pour le fokontany d’arrivée, mais… pour le fokontany de depart ? S’il y a des bandits dans leur quartier, ils devraient être content de les voir partir, de signer le document leur permettant d’habiter ailleurs, de… (petit rire) -Oui mais eux ne s’enregistrent pas. Et a leur depart, ils s’en fichent de se presenter [au bureau du fokontany] -En tant qu’originaires d’Antalaha, est-ce-que, de votre propre perception, ou des choses qui se disent dans la ville, est-ce-que les originaires de SAVA, d’Antalaha ont une réputation en particulier a Diego ? Pour quoi etes vous connus ? (trad) la majorite zegny -Tous les bureaux, presque personnel région SAVA, surtout d’Antalaha, surtout a Tana. Dans tous bureaux, tous les ministères, surtout les chefs de services.

228

Fokontany de Diego-Suarez 229

President malgache entre 2002 et 2009. Il a ete destitue suite a un coup d’Etat en 2009, il n’y a jamais eu d’elections depuis,

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-dans le cas de Diego aussi ? -Oui, le cas de Diego -Ce n’est qu’a partir de 95 ou… qu’on trouve des originaires de la region DIANA au sein des administrations ici a Diego. Avant c’était plus des originaires de la SAVA. C’est souvent critiqué aussi. « pourquoi il y a tant d’originaire de SAVA…. -Dans une administration de DIANA ?! Il s’est passe quoi en 95 ? -l’ancien maire a inscirt les originaires de DIANA pour ces postes la. C’est peut-etre la raison pour le manque d’education…Peut-etre c’était le système de l’éducation, ou les jeunes quittaient l’ecole. Si on quitte l’ecole tot… dans les universités ici, les gens de Diego sont moins que les gens de la SAVA. -Mais alors… avant 95… Bon. Vous me dites que de nos jours, les migrants de SAVA sont surtout des jeunes filles déscolarisées…c’est pas elles qui vont etre chef de service dans… -Oui, c’est pas elles qui… -Donc, peut-etre qu’il y avait un type de migration qui était different avant… -Oui, avant c’était different. Il y avait d’autres personnalites qui s’installaient ici a Diego, originaire de la SAVA -D’accord. Donc, dans les annees 90, peut-etre 80, il y avait d’autres profils de migration originaires de SAVA vers Diego, c’est ca que tu dis ? -Oui. Mon père est arrive en 82, et il nous presentait souvent des chefs de service, des chefs district… ce sont tous des originaires d’Antalaha. Meme maintenant, le chef de District Diego II est originaire d’Antalaha, un chef de service de Diego I est aussi originaire d’Antalaha… -Et le directeur du territorial… -De l’amenagement du territoire… il y a encore plein, jusuq’a maintenant ! A mon avis, c’est qu’ils s’interessent a l’administration. Peut-etre les originaires de Diego ils s’interessent pas… ils s’interessent aller a l’exterieur. C’est ca qui est plus interessant pour eux. -Donc, il y a encore quelques decennies, les migrants de SAVA étaient plutôt eduques. Pourquoi ne viennent-ils plus ? -Euh, ils viennent encore, mais il y a encore plus de jeunes non eduques qui viennent a Diego parce que c’était du aux problemes de la region SAVA entre 2000…En 2000 il y avait le prix de la vanille qui a beaucoup augmenté, et les jeunes ont fini par quitter l’ecole. -Parce qu’il y avait beaucoup d’emplois rémunérateurs dans la culture de la vanille ? -Oui, tout a fait, il y avait de l’argent dans la region SAVA. En 2000, meme les jeunes de la region DIANA partaient dans la region SAVA pour chercher de l’emploi. Mais en 2004…2004 ou 2005… -2005 -Le prix de la vanille a très très chuté, et… -Il n’y avait plus les travails

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-Donc beaucoup de jeunes ont perdu leur emploi. -Ils ont quitte l’ecole, et ils ont perdu leur emploi. Et jusqu'à maintenant. Les autres aussi ont tenté de… apres la vanille il y avait le bois de rose. Et c’est le meme parcours le bois de rose maintenant. -Comment ca, le cours a chuté aussi ? -Non, ca n’a pas chuté mais l’administration a bouclé le trafic. -Ah bon. J’avais entendu l’inverse. Qu’en ce moment, a cause du gel de certains financements extérieurs, le gouvernement avait tendance a diversifie ces fonds par le biais du commerce, ou le trafic, du bois de rose… -Oui, on vend ceux qui sont déjà coupé, mais c’est tout. Et les jeunes ont encore fini par perdre leur emploi. C’est cela peut-etre qui explique qu’il y a beaucoup de jeunes qui s’immigrent vers Diego. -Mais c’est tous les produits agricoles qui… -Et aussi, ils en ont marre des catastrophes naturelles. Tous les ans, tous les ans -des cyclones ? -Oui, des cyclones, des inondations. Toutes les années. Ici à Diego, on ne trouve pas ca - Est-ce-que vous savez ce qu’elles font en rentrant à Antalaha ? -Elles retournent à la case de départ. (petit rire) -Elles retournent même pas dans les petites villes, mais dans les campagnes -Est-ce-que vous pensez que l’association a un role a jouer ? pour les aider a mieux s’adapter etc. ? -Auparavant nous avons fait des demarches aupres des grandes entreprises de Diego, pour qu’ils recrutent des originaires de SAVA, mais a cause de la crise, du manque de besoin de main d’œuvre ca n’a pas abouti. -Est ce qu’il y a moins d’emploi a Diego ces dernieres annees, est-ce que c’est stable ? (trad) PFOI, Star… gasy… chomage technique. -c’est les deux plus grandes entreprises a Diego donc. -Mmmm. -Depuis apres la crise, toutes les societes a perdu les emplois. -Je vous remercie pour les questions -Oh mais c’est moi… DUREE 47’16

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Annexe 3 – Entretien avec le président de l’association villageoise

Antesaka Mangasoa 1

Depuis quand l’association existe?

C’est une association sociale, elle existe depuis longtemps. Je ne suis pas né l’association c’est déjà existé.

Donc c’est une association sociale, tout ce qui concerne par exemple les événements comme ca [fora,

circoncision]. Ca c’est association Sud-est de Madagascar. Tout ca c’est la race Antesaka. Il y a de nombreuses

associations. Ici il y a Mangasoa 1, il y a aussi Mangasoa 2…Ambahimity… c’est toutes des associations du Sud-

est. Ils sont venus ici [au fora] pour le fihavanana. Ils sont venus pour aider…

Le fihavanana, c’est la famille, la famille élargie c’est ca ?

Voila. Tout ce qui concerne les personnes ils sont venus ici.

D’accord. Alors l’association, c’est uniquement pour les fêtes ?

Non non. L’association c’est aussi pour les problèmes. Les problèmes d’argent, de sante…c’est pour aider les

membres.

Il y a combien de…

L’Association des Sud-est, il y a 20, peut-être 30 associations. Par exemple moi je suis le président de Mangasoa

1, c’est le nom du village, a Vangaindrano. Il y a beaucoup de membres, il y a 200 personnes. 200 filles, 70

garcons.

Il y a beaucoup de femmes ! Comment ca se fait ?

Parce qu’elles dansent pour les cérémonies, ca ca démontre que l’association est présente.

Quel type de migrants depuis Mangasoa ?

Il y différents types, il y a des jeunes, des bonaka [les vieilles personnes]. Il y a beaucoup de vieilles, beaucoup

de jeunes aussi. Mais les vieux sont venus quand ils étaient jeunes.

Quand ils viennent, ils partent tout seul, avec leur famille ?

Il y a différents types. Parce que le Sud-est c’est beaucoup les hommes qui sont venus ici. Possible il est venu

tout seul, et après la famille. Le plus souvent c’est toute la famille.

Ils préfèrent les femmes du village ou de Diego ?

Les Antesaka c’est une ethnie… presque Antesake-Antesaka. Rarement l’homme Antesaka crée une famille

avec une femme de Diego.

President depuis 2008. J’habite a Diego depuis 2006.

Vous avez l’impression qu’entre 2006 et maintenant, +- migrants ?

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Oui, les migrants viennent très très nombreux ici. Donc à partir de 2000, jusqu'à maintenant, c’est très très

nombreux. Avant pas aussi nombreux. Avant , 10 a 20 persnones.

Et pourquoi ?

Parce que cote sud-est de Madagascar cote très très aride, donc le peuple c’est presque émigré ici pour

chercher l’argent.

Mais avant 2000 c’était déjà aride, non ?

Oui oui, mais ils venaient pas encore ici

Est-ce que si y’a plus de migrants est ce que tous trouvent du travail ?

Justement, si le nombre est trop nombreux, donc le travail presque rien. Oui oui. Le travail a Diego c’est presque

pousse-pousse, les gardiens… ce n’est pas… c’est travail difficile.

Les gens qui ont migre le plus recemment ont plus de problemes qu’avant 2000 ?

Je crois bien que c’est ca. C’est les tres recemmnet, avant 2000 moins nombreux, c’est très difficile pour les

nouveaux

Quels genres de problèmes ?

Premierement, mentalement. Le mental, les différents types de mental. Il y a aussi les problèmes à la maison.

Différents problèmes.

Comment ca, les problemes de mental, je ne suis pas sure de comprendre… vous auriez un exemple ?

Par exemple… donc ils sont mariés, presque fâchés. Des conversations…tu sais ca hein ? Il y a des

conversations a la maison, donc, il y a des combats, les enfants c’est… des problèmes tout ca.

Et ca vous pensez que c’set lié a la migration, que ca ne se serait pas produit a Vangaindrano ?

Euuuh..oui. Les migrants très nombreux ici, ca n’empêche pas. Mais ils vivent ensemble comme ca. Parce que

c’est ca l’existence de l’association. C’est aussi résoudre les problèmes comme ca. S’ils viennent parler des

problèmes a l’association, nous on va dans les problèmes ou va résoudre.

Ah ! Et comment vous faites pour régler les problèmes des gens?

Par exemple il y a les filles qui parlent aux filles et les garçons aux garçons, qui dit ‘tu ne fais pas comme ca,

parce-que nous sommes… nous venons dans un…lieu … ici nous sommes dans ville de Diego, on ne fait pas

comme ca’.

Est-ce que, parmi les membres de l’association, il y a beaucoup de monde qui décident de partir, de rentrer a

Vangaindrano ?

Oui, chaque dimanche il y a des partages pour Vangaindrano. Beaucoup de gens reviennent à Vangaindrano,

beaucoup de monde reviennent vers Diego aussi.

Mais est ce que c’est pour des vacances, ou pour s’y installer ?

Ca dépends, il y a possible vacances, il a apporté les cadavres… après ils retournent.

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Il y en qui retournent pour habiter, ne plus revenir a Diego ?

Mmmmmm, pas beaucoup. Ca arrive que certains partent, pas pour Vangaindrano mais Mahajunga ou

Tamatave, mais c’est très rare.

Donc une fois qu’ils arrievnt a Diego, ils veulent plus aller ailleurs

Oui oui, parce que il a déjà venu ici, la vie est tres facile…

C’est facile de’ s’installer a Diego, de s’adaptaer a la vie

C ;eeeeeets tres difficile. Si tu as juste arrivé, c’est difficile, différent. Mais une fois ca fait longtemps, la vie c’est

facile.

Qu’est ce qui est tres difficile en arrivant ?

C’est chercher le travail. Si il travail pas l’argent il trouve pas

L’association aide à trouver le travail ?

Bien sur. Par exemple l’association il a parle ‘j’ai vu ici il cherche…’ s’entraider.

Vous pensez que, pour aider les migrants, la commune, le gouvernement elle pourrait faire quelque chose ?

Oui. Le gouvernement malgache, jusqu'à présent… il n’y a pas des travails. Les tireurs de pousse-pousse ils sont

nombreux ici. Les gardiens ici. Mais il n’y a pas des travails dans les usines. Même ici il n’y a que trois usines : la

STAR, SECREN et Pêche et Froid.

Beaucoup de gens de l’association travaille pour ces usines ? C’est le seul problème qu’ils rencontrent ?

C’est le problème principal. Il n’y a pas d’autres problèmes. Parce que, ils venaient pour chercher de l’argent.

Alors si n’’ont pas le travail pour gagner l’argent, c’est ca le problème.

Quelle perception des Antesaka par les habitants de Diego ?

En général les Antesaka pas facile a vivre, il vit comme il veut. ll est associé avec, a ses autres gens. Si il y a des

personnes de Diego, il a déclaré, il y a la loi ici. Si tu ne sais pas la loi, bon… c’est ca les Antesaka.

Pourquoi ils sont pas facile à vivre ?

Les Antesaka-antesaka c’est pas facile, d’un autre côté, comment dirais-je…les mentalement des Antesaka c’est

très difficile a… discuter. Mais si vous discutez avec ces gens la, c’est très longtemps, discussion sans fin. Les

filles d’Antesaka c’est des filles faciles, mais difficiles aussi.

Vous avez l’impression que ces dernières années la ville change ? C’est plus facile / difficile de s’installer /

trouver un travail ?

Oui, évolutions. Avant 2000, les gens Antesaka pas nombreux. Apres, trop nombreux. Changement, très très

changement. L’homme, les femmes, c’est… s’entraider sur l’association.

Les changements sont bons ou mauvais ?

Mmmmmm bon. Je dis bon parce que les hommes entre les hommes et les femmes entre les femmes s’entraider

Plus de solidarité car plus de monde, c’est ca ?Oui oui oui, c’est ca. Merci !

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Annexe 4 – carte de Madagascar. Origines et destinationsdes migrants

Diego-Suarez

(Antsiranana)

L’hinterland de Diego (Joffreville,

Sakaramy, Anivorano…)

Antalaha, région SAVA (cote de la

vanille)

Terres Antesaka

(Vangaindrano, Faranfangana)

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Annexe 5 – Enquêtes panel de migrants

ANTESAKA – 50 interrogés

ANTALAHA – 44 interrogés

HINTERLAND – 41 interrogés

CONSEIL AUX VILLAGEOIS

D’IMMIGRER A DIEGO POUR AUGMENTER

SES REVENUS

Non, il n’y a pas assez de travail 68% (34) 3%(7) 13%(31)

Non, il y a trop de migrants 6%(12) 1%(3) 0%(0)

Oui, s’ils veulent travailler dur 2%(4) 15%(33) 4%(10)

Non 1%(2)

CAPACITES A FAIRE

DES ECONOMIES

Oui, plus facilement qu’auparavant 2%(4) 4%(9) 11%(28)

C’est plus difficile,

Mais j’envoie toujours de l’argent 6%(12) 3%(7) 2%(4)

Et j’envoie moins d’argent 16%(32) 4%(9) 4%(9)

Mais l’argent est pour moi 1%(2) 8%(19) /

EVOLUTION DE L’OCCUPATION

J’ai du diversifier mes sources de revenus 14%(28) 2%(4) 5%(13)

J’ai changé de travail 7%(14) 4%(9) 11%(28)

Le travail est dur a trouver mais je travail a plein temps

4%(8) 14%(31) /

TYPOLOGIE DES

FOYERS

Célibataire / divorcé 16%(8) 15%(35) 1%(3)

Conjoint au village 14%(7) 1%(2) 2%(5)

Conjoint à la ville / / 14%(33)

Foyer réunià la ville 70%(35) 3%(7) /

VOISINNAGE J’habite entoure de ma ‘communauté’ migrante 100%(50) 5%(12) 2%(5)

Je n’habite pas entoure de ma communauté migrante / 14%(32) 15%(36)