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Crise alimentaire et spéculation foncière : Insécurité alimentaire et accaparement des terres arables au Mali Travail de Afrique POL-8280 Département de science politique Par Raymond Bégin BEGR11078601 Présenté à M. Issiaka Mande Université du Québec à Montréal 16 décembre 2011

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Crise alimentaire et spéculation foncière :Insécurité alimentaire et accaparement des terres arables au Mali

Travail de AfriquePOL-8280

Département de science politique

ParRaymond BéginBEGR11078601

Présenté à M. Issiaka Mande

Université du Québec à Montréal16 décembre 2011

Crise alimentaire et spéculation foncière : Insécurité alimentaire et accaparement des terres arables au Mali.

Introduction du sujet:

La capacité d’un peuple à produire sa propre nourriture, et ainsi sortir du cercle vicieux des

famines, a toujours été le premier facteur permettant l'épanouissement des sociétés humaines. Pendant

longtemps, il était nécessaire pour chaque peuple de diviser sa propre population selon une classe rurale

et productrice de denrées alimentaires et une autre urbaine et consommatrice qui pouvait ainsi réaliser

d’autres tâches; et ce, historiquement de façon à ce que la classe rurale soit majoritaire sur la classe

urbaine. À titre indicatif, en 1800, c'est 2 % seulement de la population mondiale qui vivait en milieu

urbain; mais dès l'année 2000, c'est la moitié de la population mondiale qui habitait en milieu urbain.

En 2009, ce chiffre grimpe à une moyenne mondiale de 56 % de la population (Perspective Monde,

page consultée le 1 décembre2011). C'est à partir de l’époque coloniale qu'une autre étape est apparue

selon laquelle certains peuples étaient assujettis à une métropole afin de travailler à son développement

sans pouvoir aspirer à ce même développement pour soit même : c'est le colonialisme.

Ceci dit, c'est quoi le développement? Dépendant de notre vision idéologique, l'idée rejoint

souvent l’objectif d’améliorer les conditions d’existences d’une population donnée dans une

perspective philosophique occidentale de progrès et de modernisation. En effet, historiquement,

« depuis l’aube de l’humanité, la vie civilisée et la cohésion sociale ne sont possibles que lorsque la

nourriture, l’eau et l’énergie, ressources essentielles à la vie, sont en quantité suffisante pour répondre

aux besoins de la population.(Rivero De Oswaldo, 2003, p.190)» C’est lorsque la population à ses

besoins comblés qu’il lui est possible d’avoir le temps pour faire autre chose que de survivre. Ainsi,

sortant du cercle vicieux des pénuries continuelles et de la lutte pour la survie, l’esprit d’innovation

peut naître. Simplement, certains groupes d’intérêts peuvent s’accaparer les moyens de production afin

de se réserver des privilèges, grâce à l'Usufruit des exploitations, et la consommation exclusive, ou

l'usage exclusif, de certains biens aux dépens d’autres groupes qui forment souvent la vaste majorité. Il

arrive également que ce modèle d’exploitation soit extrapolé à l’internationale et qu’un peuple en

exploite un autre, ou même plusieurs autres, à son seul bénéfice et ce, souvent sans que la grande

majorité de ces peuples en aient conscience. C'est l'impératif des intérêts des élites qui priment. Ces

systèmes expansionnistes ou impérialistes ne se mettent pas en place du jour au lendemain et ils

naissent et évoluent sous diverses formes et sur de grands laps de temps.

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Plus tard, l'économie-monde capitaliste a imposé aux peuples colonisés, ou postcolonisés, les

lois de firmes multinationales monopolisant les capacités économiques de leurs pays, les laissant sans

espoir à leur propre souveraineté. Aujourd’hui, le système monde impose l'impératif absolu de la

rentabilité maximale qui a poussé à la spécialisation de la production des états par la division

internationale du travail et l'idée des avantages comparatifs. Dans le cas du Mali, c’est le riz blanc qui

fut choisi et ce riz est historiquement le principal «garant» de la sécurité alimentaire du peuple malien.

D’autres plants sont évidements cultivés, comme les oignons, le maïs et les patates par exemple; mais

le riz reste, avec le mil et le coton, une pièce maîtresse de l'activité agricole du Mali. Cette

spécialisation de la production rurale malienne est également de plus en plus sujette à la gestion de

possédants étrangers qui, pour que cette industrie soit rentable, pousse la production vers l’exportation

afin de pouvoir tirer des bénéfices de la vente du riz sur les marchés mondiaux; la Crise alimentaire de

2006-2008 n'a fait qu'accentuer et accéléré ce phénomène d'accaparement de terres arables. Cela étant

tout à fait encouragé par les politiques du gouvernement malien, de l'Office du Niger (ON) et de la

Banque mondiale (BM).

Les conditions de production :

Cette situation au Mali, qui tend à la précarisation de la sécurité alimentaire de la population, se

déroule sur fond de crise alimentaire au niveau mondial. Alors que les médias font le relais de la

tragédie vécu en Somalie, les différents États se bousculent dans la course à l'achat de terres arables

partout dans le monde afin d'assurer leur propre suffisance alimentaire (voir Annexe 1). La forte

spéculation foncière entraînée par cette mouvance n'épargne pas le Mali qui, étranglé financièrement

par la dette et les politiques de Bonne Gouvernance de la BM, se voit assujetti et incapable de

développer lui-même son territoire. D'ailleurs, le ministre malien des Affaires étrangères et de la

Coopération internationale, M. Soumeylou Boubèye Maïga annonçait que « l’Aide publique au

développement contribue à hauteur de 40 pour cent au budget national du Mali(Pana, page consultée le

9 novembre 2011)»; ce qui est remarquable pour un état qui a pourtant toujours été un bon élève des

Programmes d'ajustements structurels (PAS) et du concept de Bonne Gouvernance de la Banque

Mondiale et qui a même bénéficié de l'initiative Pays pauvres très endettés (PPTE), qui se devait être

un apprentissage de la BM sur les échecs des PAS, dés 1998(CADTM, page consultée le 25 octobre

2011). Le G20 de Cannes se terminant et ayant eu un silence total sur la question qui nous préoccupe,

on peut souligner la déclaration 2011 du Forum des Peuples, tenu au Mali du 21 octobre au 3 novembre

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2011, qui affirme textuellement que « l’accaparement des terres agricoles en Afrique est un facteur

d’appauvrissement et de famine, principalement pour les paysan-ne-s, vivant d’une agriculture de

subsistance sur des petits lopins de terre.(Forum des Peuples, Page consultée le 15 novembre 2011)»

Alors que le gouvernement malien tente par l'Initiative Riz de faire du Mali le grenier à riz de l'Afrique

de l'Ouest, la fin de la guerre en Lybie menace de se muter en conflit larvé notamment avec les rebelles

touaregs dans la zone du Sahel saharien. Il est alors évident que les instabilités provoquées par les

soulèvements africains, suite au printemps arabe, n'ont pas été sans traces sur les consciences des

peuples. En effet, jusqu'à quand les peuples africains vont-ils espérer des promesses de développement

qu'on leur fait depuis des décennies? D'où probablement la tension de plus en plus irréconciliable entre

le monde du formel et de l'informelle notamment au Mali.

Question de recherche :

Quels sont les impacts de l'accaparement des terres arables du Mali par des intérêts étrangers sur

l'aggravation de l'insécurité alimentaire du peuple malien?

Hypothèse de recherche :

L'accaparement des terres arables est devenu l'un des phénomènes importants aggravant

l'insécurité alimentaire au Mali.

Méthodologie et variables :

Comme cadre théorique, on se propose d'aborder cet ouvrage avec une perspective néo marxiste

inspiré des théories du système-monde et de la dépendance, entres autres, respectivement selon

Immanuel Wallerstein et Samir Amin. L'objectif de cette recherche est clairement qualitatif, puisqu'elle

cherche à explorer la problématique et à comprendre le phénomène qui s'y trouve, et causale, ou

corrélative puisque nous chercherons une corrélation entrent nos variables indépendantes et notre

variable dépendante. On propose alors la variable «Insécurité alimentaire» comme variable dépendante

de notre étude alors que les variables indépendantes sont: la «Libéralisation et restructuration», qui fait

référence aux réformes de l'Office du Niger de 1994, la «Réforme foncière», qui fait référence aux

réformes du Code foncier au Mali de 1996, le phénomène de «l'Accaparement des terres arables»,

entraîné par la ruée sur l'agriculture au niveau mondial dés 2007, et l'aggravation de la «Précarisation

des conditions de vie», qui fait référence aux conséquences multiples des trois variables précédentes

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sur la population. La question de la «Réforme foncière» et de la «Précarisation» comprend le couple

d'éléments «Possession et Dépossession» des paysans par des intérêts étrangers; également, la question

de la «Libéralisation et restructuration» et de «l'Accaparement des terres arables» comprennent le

couple d'éléments «Dépendance ou État Développementiste». Comme on le verra plus bas, notre

définition de la sécurité alimentaire comprend beaucoup plus d'indices significatifs que la seule

question de la propriété foncière; mais pour le bénéfice de ce travail on ciblera notre intervention sur

ces quatre variables. Alors, dans ce travail, on va aborder notre problématique en trois temps : d'abord,

on va argumenter que le développement des terres arables est, à la fois, un mythe et une réalité pour le

Mali qui s'enfonce inexorablement dans la dépendance aux intérêts étrangers; ensuite, on argumentera

que l'ON n'a plus de vision du développement et laisse aux investisseurs carte blanche; et, finalement,

on argumentera que la dépossession des populations paysannes aggrave la précarisation de leur vie et

force leur organisation et leur réaction.

Développement et sécurité alimentaire :

En premier lieu, le développement des terres arables est, à la fois, un mythe et une réalité pour

le Mali qui s'enfonce inexorablement dans la dépendance aux intérêts étrangers; ce qui a directement un

effet sur l'aggravation de l'insécurité alimentaire. Pour appuyer cet argument, on va débuter par définir

ce qu'on entend par sécurité alimentaire et développement, puis on va s'intéresser à quelques cas

d'investissements de grands intérêts au Mali.

Comment définir la sécurité alimentaire? Bien qu'on puisse trouver des références bien

antérieures à celle-ci, la sécurité alimentaire a été clairement définie lors du Sommet mondial de

l'alimentation de novembre 1996 ou les états membres se sont engagés à réduire de moitié le nombre de

personnes en situation d'insécurité alimentaire d'ici 2015. Ce sommet a abouti à la Déclaration de Rome

sur la sécurité alimentaire où la sécurité alimentaire a été défini comme étant : « lorsque tous les êtres

humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et

nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour

mener une vie saine et active.(Madeley, 2002, p.49)» C'est également le constat de l'urgence de la

situation, constatée depuis bien longtemps, qui a poussé les états à vouloir s'attaquer au problème; ceci

dit, faute est de constater la persistance et l'aggravation du problème jusqu'à aujourd'hui. En plus du

simple non-respect de la définition ci-haut, l'auteur John Madeley établit dans son livre « Le commerce

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de la faim » des indices de l'insécurité alimentaire, soit: la pauvreté, l'appauvrissement des sols, la

désertification, la méconnaissance du rôle des femmes en agriculture, les catastrophes naturelles, le

sous-financement de l'agriculture, la dette extérieure, les guerres, l'absence de démocratie, les

changements climatiques, la croissance démographique et la difficulté d'accès aux terres, la baisse de

biodiversité, la réduction des services médicaux et, finalement, la pêcherie locales prises d'assaut

(Madeley, 2002, p.62 à 68). Ce qu'on remarque dans ces indices, c'est que Madeley traite de la

problématique de l'accès aux terres en la liant à la démographie; or, le propos de notre travail viendrait

alors bonifier ces indices en y ajoutant un : la propriété foncière. L'interrogation de l'effet ce nouvel

indice pourrait être résumé en la question suivante : qui possède la terre et quels sont les conditions de

son usage et exploitation?

Maintenant, le concept de Développement serait au centre même de notre modèle de civilisation

si on en croit l'analyse historique que propose Immanuel Wallerstein. En quelques mots, le propos de

Wallerstein (2009) analyse le concept de développement comme constitué de l'idée de progrès et de

modernisation, de comparaison entre les sociétés dans un but d'universaliser la marche des peuples. Il

propose la théorie des «systèmes-mondes» afin de saisir les forces qui provoquent et façonne

l'évolution des sociétés de manière systémique (173 pages). La théorie de la dépendance chez Amin

(1972) se veut une contribution à la clarification de la pensée néo-colonialiste qui critique fortement le

développement; elle postule que les pays pauvres sont historiquement maintenus en situation de sous-

développement par les pays riches qui ont besoin de leur main-mise sur les pays du sud pour assurer

leur propre croissance économique (156 pages). Le sociologue Alain Touraine (1992) écrivit d’ailleurs

que le «développement s’oppose à l’inertie où a la reproduction, comme modernisation est associé à

modernité. C’est pourquoi la frontière a toujours été assez nette entre modernisation et développement.

La première indique la capacité qu’à un système social de produire de la modernité; le second se réfère

à la volonté qu’ont des acteurs sociaux, ou mieux, politiques, de transformer leur société. La

modernisation est un processus, le développement est une politique.(p.48)» Le développement serait

alors déterminé par les caractéristiques d’un processus de modernisation d’une société donnée qui est

propre à cette société ainsi que par les valeurs principales de celle-ci. Touraine (1992) affirme que

l’État dit «développementiste», ou entrepreneur du développement, est en fait celui qui transforme sa

société d’un ordre antérieur à un ordre nouveau notamment via des innovations technologiques (p.48);

la stratégie de développement malienne ne semble que peu répondre à cette observation.

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Crise et Investissements internationaux :

Le Mali tout comme les autres États du tiers monde qui ont dû se soumettre aux dictas de l’aide

de la BM et de ses PAS, se frappe inévitablement à un dilemme: même s'il s'agit d'un pays indépendant,

peut-on réellement parler de souveraineté? Ce qu’il en a résulté, que se soit la pauvreté des populations

ou encore le sous développement économique du pays, est loin de disposer le pays à avoir les moyens

d'améliorer la qualité de vie de sa propre population. En fait, le Mali est un pays du Sahel enclavé au

centre de l'Afrique de l'Ouest faisant 1 241 238 km2 qui vit avec une insécurité alimentaire latente (voir

Annexe 2) et un taux de croissance du PIB annuel de plus de 5 %. On peut souligner par exemple que

44,24 % de la population était âgée en 2008 de 0 à 14 ans, que 32,2 % de la population vivait en milieu

urbain en 2008 et qu’en 2004, le secteur de l’agriculture fournissait 41,5 % des emplois au pays

(Perspective Monde, Page consultée le 1décembre 2011). Cette population largement jeune, peut

scolarisé et travaillant surtout en milieu agricole représente une force de travaille non négligeable pour

l’avenir du pays; pourtant, le défi est d’assurer la qualité de vie de cette population. Du côté de la

Banque Mondiale, on apprend par exemple que : «malgré ce niveau de croissance favorable (5,3 % en

moyenne entre 2003 et 2006), le Mali reste l’un des pays les plus pauvres au monde: en 2006, il était

175e sur les 177 pays que compte l’Indice de développement humain du PNUD. Il compte

13,5 millions d’habitants dont la majorité vit en milieu rural, avec un taux de croissance

démographique de l’ordre de 3 % par an.(Page consultée le 15 novembre 2011)» En 2010, le Mali était

160e toujours selon le PNUD. En sommes, malgré les ambitions du Mali, il importe toujours plus de

biens et de services en pourcentage du PIB, soit 36,6 % d'importation qu'il n'en exporte, soit 26,2 %

d'exportation (Perspective Monde, Page consultée le 1 décembre 2011).

Il n’est pas caché que la course à l’accaparement des terres arables, ce nouvel or vert,

représente un enjeu de plus en plus important est, à la fois, géopolitique et économique. Pour les

affaires, les occasions de bénéfices ne manquent pas et on peut prévoir et spéculer sur l'achat de

récoltes bien avant que celles-ci n'aient été plantées... Du côté des États, l'intérêt est de pouvoir assurer

sa propre sécurité alimentaire si l'agriculture du pays ne suffit pas. On constate ainsi que ce sont les

élites technocratiques qui profitent du marché international alors que le reste du peuple n'aura

probablement jamais conscience des sommes en circulation. On le verra en observant trois cas de

Transactions Massives de Terres (TMT), définit comme: «la prise de possession ou le contrôle de

superficies de terres pour une production commerciale ou agro-industrielle bien supérieurs à la taille

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moyenne des parcelles dans une région.(GRAIN, 2011, p.6)» Aussi, appelé Session d'actifs agricoles

(qui renvoie à une autre définition), cet indice est compatible avec celle qu'on priorise à propos de

l'accaparement des terres, soit: «(land grabbing en anglais: action de se saisir, d'empoigner), le

processus d'acquisition ou de jouissance de terres à des fins principalement agricoles est souvent perçu

comme une nouvelle forme d'agrocolonialisme par les ONG et nombre d'organisations paysannes.

(Géoconfluences, 2011, p.7)» Les TMT, comme mesure, qu'on a sélectionnés se situent tous dans la

zone de l'Office du Niger située dans le delta intérieur du fleuve Niger (voir annexe 3). Ainsi, on va

donc ci-bas explorer les cas de Foras International Investment Company, de Malybia et de Millenium

Challenge Account (MCA).

D'abord, un exemple frappant qu’on a pu identifier est celui de la Foras International Investment

Company, un groupe initié par la Banque d’Investissement islamique et la Chambre de Commerce et

d’Industrie islamique directement encouragés par le roi Abdallah d'Arabie Saoudite, qui a profité de

nombreux avantages offerts par le gouvernement du Mali afin d’acheter des terres arables dans la

région. Quel intérêt pour l'Arabie Saoudite? Le pays importe 96 % de sa consommation alimentaire et,

étant pauvre en eau, le roi a ordonné la fin des cultures céréalières (Géoconfluences, 2011, p.10).

«Selon le compte rendu de la réunion établi par l’IRRI (International Rice Research Institute), Foras a

informé le centre du CGIAR (Consultative Group on International Agricultural Research) de son achat

de 500 000ha de terres agricoles au Sénégal et de 200 000ha de terres agricoles au Mali pour la

production de riz.(GRAIN, Page consultée le 14 novembre 2011)» La production rizicultrice de masse

prévue a de très bonne chance d'aller prioritairement à l’exportation vers les pays du golfe islamiques

afin d’assurer leur propre sécurité alimentaire; aucune garantie ne semble avoir été prise pour retenir

une partie de la production sur le marché national. Les ambitions de Foras dans la région devrait

appeler aux questionnements, sur son site web, Foras affirme que: «Agro Globe associe les projets

d'agriculture au Mali, le Sénégal et le Soudan, dont la partie porte l'objectif de produire 7 millions de

tonnes de riz sur 700,000 hectares de terre pendant 7 ans. Agro Globe fait partie des initiatives de Foras

qui s’engage à lutter contre la pauvreté et faire face efficacement devant l'insécurité alimentaire dans la

région.(Foras, Page consultée le 12 novembre 2011)» Les pressions sur la zone fertile de l’Office du

Niger sont de plus en plus importantes: à la fois, les investissements réalisent réellement des

infrastructures majoritairement par rapport à l'irrigation au bénéfice de l’étranger et, à la fois, cette

situation ne bénéficie pas nécessairement aux communautés locales. Les critiques sont d'ailleurs

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virulentes : pourquoi vendre les meilleures terres du Mali? En 2009, d'après les statistiques de la

FAO(2011), le Mali a produit pour 1 950 810 tonnes de riz (voir annexe 4), ce qui est une augmentation

substantielle si on compare aux années antérieures (Page consultée ce 23 novembre 2011). Ceci dit,

Foras semble bien s'intégrer au Mali puisqu'elle est bien accueillit par le gouvernement comme

partenaire au développement capable et stratégique faisant partie de la communauté de la société

civile(Secrétaire générale, Page consultée le 20 novembre 2011). Il serait intéressant de voir comment

cet accueil de Foras par le gouvernement est perçu par cette même société civile; on ne peut douter que

le poids de Foras est plus effectif que les groupes sociaux moins fortunés. Un exemple parmi d'autres,

l'entente de Foras avec le gouvernement prévoit également un contrat de construction immobilière, un

«projet d’exécution de 60.000 logements sociaux au Mali.(Présidence de la République du Mali, Page

consultée le 10 novembre 2011)» Ces logements seront construits probablement à Bamako ou la

demande est criante. La TMT entre Foras et le gouvernement est ainsi bonifié; les projets immobiliers

ont-ils été négociés en échanges par le gouvernement en contrepartie des terres arables?

Le cas de Malibya est un tout autre modèle, non seulement le projet comprend d'importants

investissements en infrastructures; mais il est (était?) clairement teinté par les bonnes relations entre le

président malien Amadou Toumani Touré avec l'ex-président lybien Mouamar Kadhafi. Malibya est un

projet d'agriculture industrielle de masse dont les terres sont toutes dans la zone de l'Office du Niger. Se

sont donc «100 000 hectares de «terres libres de toute entrave judiciaire» (qui) ont été offerts à la

société libyenne Malibya, pour une durée de cinquante ans renouvelables par la «Convention

d’investissement agricole» entre le Mali et la Libye.(Thomas, Page consultée le 20 novembre 2011)»

Cet immense projet, malgré les discours sur l'amitié entre les deux pays, a pour principal intérêt

d'assurer un apport important à la sécurité alimentaire de la Lybie. Ce qui n'empêche pas le directeur de

la zone rizicole de l’ON, M. Kassoum Denon (cité par Soumaila), de dire que :

«Le Mali cède ces terres pour les opportunités qu’offrent les demandeurs (…). Vous avez vu le chantier des Libyens. Ne nous voilons pas la face : en 50 ans d’indépendance, le Mali n’a pas pu faire ça, et nous pourrons encore faire 50 autres années sans pouvoir le faire. (…) À cause de la crise céréalière actuelle, tous les pays partenaires du Mali se tournent vers la zone Office du Niger. Nous devons donc profiter de cette crise pour réaliser ce que nous n’avons pas pu faire jusqu’ici.(Page consultée le 10 novembre 2011)»

En fait, l'enthousiasme de M. Denon se base essentiellement sur deux constats : la production augmente

et des projets d'aménagements se concrétisent. Ceci dit, les critères d'attribution des parcelles de terre à

des producteurs, après la finalisation du canal, semblent être d'un flou artistique alors que la prise en

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compte des populations paysannes n'est pas clarifiée (Troy, 2010, p.5). La capacité du canal prévue

pour 130m3/s inquiète également, car, non seulement il s'ajoute aux aménagements déjà en place ou

planifiés, mais on se demande si le barrage Markala pourra fournir avec le débit du fleuve qui est

pourtant calculé à, en moyenne, 1458 m3/s. Les considérations de l'ordre de la répartition et des

conséquences des marchés iront à plus tard. En fait, le gouvernement est extrêmement opaque

concernant les impacts environnementaux et sociaux du projet; il faut se tourner vers d'autres acteurs

pour avoir des informations.

Pour ce qui est du projet MCA financé par les É.-U. et annoncé officiellement dés 2007, on

prévoit 14000ha de terres irriguées à des fins de rizicultures dont 1000ha étaient annoncés prêt pour la

saison 2010-2011. Contrairement aux deux projets précédant, MCA prévoit une gestion foncière

ouverte aux producteurs locaux et une priorisation des personnes affectées par le projet; ceux-ci

recevront 2ha gratuitement sur 5ha prévus par parcelle (Troy, 2010, p.7). Le paysan devra payer les

titres des 3ha qui restent à «prix supportable» étaler sur 20 ans à deux commissions de MCA sur les

personnes affectées et nouvelles arrivantes. Celle-ci prévoit un volet d'Accompagnement de ces

paysans afin d'augmenter leur rendement qui comprendra des formations, l'attribution de parcelles

certaines infrastructures et des effets de démarrage. Plusieurs failles peuvent être notées ceci dit : une

stratégie de bail emphytéotique par de plus riches exploitants, l'installation de petites entreprises

d'agrobusiness, qu'une partie de la population soit trop pauvre pour pouvoir participer, etc. Pour ce qui

est de la commercialisation de la production, les documents restent flous cependant. Du point de vue

formel, ceci dit, le projet est également plus transparent que les deux précédents puisqu'ils publient tous

les documents officiels sur son site web. Par exemple, on y apprend qu'il y a trois critères favorisant

l'attribution de parcelles, soit: être capable d'exploiter la terre, être d'un groupe défavorisé comme les

femmes et démarrer une petite entreprise(MCA, Page consultée le 20 novembre 2011). Bien que ce

projet soit moins vaste que les deux précédents, il reste bien supérieur à la taille moyenne des fermes

familiales dans la zone de l'ON, soit : de 3,7ha par fermes; il reste donc un TMT.

Finalement, on ne peut non plus passer sous silence un acteur des plus important au Mali : la

Chine. Ainsi, pour ce qui est des Investissements directs étrangers (IDE) chinois, on peut presque dire

que la présence de la Chine est latente dans l'économie malienne; non seulement, parce que les deux

pays sont proches depuis l'indépendance socialiste du Mali, mais surtout puisque la Chine est depuis

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quelques années en recherche constante de marchés sécurisés pour les ressources naturelles dont elle a

tellement besoin pour sa croissance. Ceci dit, au Mali c'est surtout l'or qui intéresse et les terres arables

arrivent certainement en deuxième. Clairement, «la Chine (…) prend rapidement un rôle essentiel dans

le développement de l'Afrique subsaharienne. Sa forte croissance et les besoins en pétroles et autres

produits de base qu'elle entraîne ont stimulé le commerce avec l'Afrique.(Sanogo, 2008, p.7)» Les

investissement de la Chine au Mali suit également le cours générale, le CNUCED (Conférence des

Nations Unies sur le Commerce et le Développement) notait l'augmentation, après l'année 2000, des

IDE. La Chine comptait en 2008, 15 entreprises présentes au Mali actives dans différents secteurs. Elle

est même présente dans le projet de Malibya puisque c'est une entreprise chinoise qui creuse le canal de

40 km du projet: l'entreprise chinoise CGC pour 55 millions de dollars US. Les échanges économiques

entre les deux pays ne sont pas en reste, les importations de produits chinois au Mali comptaient en

2006 pour 125 348 697 dollars US, dont 6 174 150 dollars US de riz, alors que les exportations de

produits maliens vers la Chine comptaient pour 41 747 718 dollars US, dont 35 971 652 dollars US de

coton égrené. La locomotive économique entre les deux pays est facilement identifiable par cet

exemple. Soulignons tout de même l'accord de «tarif zéro» qui existe entre les deux pays et qui permet

au Mali d'exporter sans tarif douanier en Chine optionnellement plus d'une centaine de produits

(Sanogo, 2008, p. 7 à 23). Ainsi, bien qu'on puisse dire que la Chine construit des usines et des

infrastructures au Mali, la relation existante entre les deux pays ne crée-t-elle pas en réalité une

nouvelle dépendance de plus?

Ainsi, au vu des projets ci-haut et selon notre approche théorique, si on peut prétendre à un état

malien développementiste, cela ne se fait certainement pas au premier bénéfice de la souveraineté des

populations. C'est trois cas de TMT ne sont vraiment pas les seules non plus; par exemple, l'Institut

Oakland (2011) en identifiait trois autres: Moulin moderne du Mali, Groupe Tomota et Petrotech-AFN

Agro-MALI SA (p. 33 à 42). La crise alimentaire représente-t-elle donc un momentum important pour

le développement d'occasions d'affaires dans la région? Ou plutôt, une fuite en avant dans un modèle

d'état développementiste dépendant à l'économie monde? Quels apprentissages de la crise de 2006-

2008? Justement, on peut suivre avec une analyse de l'Office du Niger cette fois comme institution.

Le mal-développement de l'Office du Niger.

La prédominance de la stratégie développementiste par les investissements étrangers à l'ON fait

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en sorte qu'elle n'a plus de vision pour son développement et laisse ainsi carte blanche aux investisseurs

étrangers. Par vision, on entend d'abord et avant tout une dynamique de conception et de réalisation par

l'acteur concerné, or, l'ON «fait faire» beaucoup plus qu'elle ne «fait». Ce qui est paradoxal pour un

organisme qu'on qualifiait lors de sa création en 1932 «d'État dans l'État» puisque ses activités

touchent tous les plans de la vie en société. Avant de développer plus sur l'actualité, faisons d'abord un

retour historique de deux évènements déterminants qui ont changé l'ordre des choses pour le

développement du pays: les libéralisations de 94 et les réformes foncières de 96.

En fait, l’ON a été fondé en 1932 par le régime colonial français, au départ l’organisme était

privé et se concentrait sur des projets d’infrastructures tels le barrage de Markala construit en 1947;

comme projet intégré, elle avait toute la latitude nécessaire pour améliorer son développement.

L’organisme fut nationalisé en 1961 par le gouvernement socialiste après l'indépendance; en fait, l'ON

suivit la politique de planification de son économie jusqu'au début des années 80 ou la priorité nouvelle

ne jurait que par la commercialisation des activités. Dés 1994, elle fut carrément restructurée suite aux

impositions du PAS de la BM, de 1988 à 1998 qui se titrait «Projet de Consolidation de l’Office du

Niger (PCON)», et elle ne «garde dans son porte-feuille que les missions pour lesquelles il est reconnu

le plus compétent. Les autres activités comme l’aménagement des terres, le crédit agricole, la

transformation et la commercialisation ont été privatisées et les activités de type-conseil à l’élevage, à

la pisciculture, etc. élargies à d’autres organismes.(Office du Niger, Page consultée le 15 octobre

2011)» Cette restructuration allait de pair avec une refonte en 1996 des lois de gestion de l'eau et des

terres pour mieux codifier, entres autres, la question des baux d'exploitation. Ces réformes ont toutes

touché : les dispositifs d'accès à la terre, les garanties de l'état, la propriété, etc. On identifie quatre

différents types de titres fonciers précaires et définitifs: la concession rurale, le bail emphytéotique, le

bail avec promesse de vente et le titre foncier.(Mousa, Page consultée le 20 novembre 2011)

Aujourd'hui, d’après le site Internet du Ministère de l’Agriculture du Mali: «l'Office du Niger est un

Établissement Public à caractère Commercial (EPIC) restructuré en 1994. Il est placé sous la tutelle du

Ministère de l'Agriculture de l'Élevage et de la Pêche. Cette restructuration s'inscrivait dans la logique

de la libéralisation de l'économie et du transfert de responsabilité de l'État vers les acteurs privés.

(Office du Niger, Page consultée le 24 octobre 2011)» En effet, toujours sur le site du Ministère de

l’Agriculture du Mali, on spécifie qu’avant la réforme, l’ON avait le monopole sur l’ensemble des

activités liées à l’agriculture sur son territoire, et, justement, le PAS requérait d'éliminer les monopoles

12

étatiques. L’ON était alors accusée, entres autres, de n’être pas transparente et d’être inefficace dans ses

allocations de subventions publiques. En revanche, la réforme imposée en 1994 consista, entres autres,

à réduire les fonctionnaires de 70 %, à limiter les responsabilités de l’ON, à privatiser la majorité de ses

activités et à améliorer la sécurité foncière des producteurs. Principalement, il y a donc deux volets

principaux à cette réforme: privatisation et location-gérance (sous-traitance). En quelques chiffres, l'ON

contrôle une superficie de terres irriguées de 80 milles ha, a environ 25 milles exploitations familiales

d'une grandeur moyenne de 3,7ha, 56 % des exploitants ont au moins 3ha avec en moyenne 13

personnes par exploitations, sa population est d'environ 400 milles personnes, à un rendement de 4

tonnes par ha et produit entre 300 milles et 350 milles tonnes de riz par année (Dave, 2008a, page 1).

Les investissements étrangers ne sont que rarement synonymes de dons. D'ailleurs, dans une

étude datée de 2008, un apprend qu'au «sein de l'UEMOA ( Union Économique Monétaire Ouest

Africaine), le mali est le 3e pays à attirer le plus d'IDE sur la période (1995 à 2000) après la Côte

d'Ivoire et le Sénégal, (…)(Sanogo, 2008, p.11)» Sachant qu'avant 1995 le Mali n'attirait en moyenne

que 2 millions de dollars US par année et que cette moyenne passe à 64,5 durant la période de 1995 à

2000, il est remarquable qu’autant d'argent arrive dans le pays après les libéralisations de 1994. Cela

sans compter le PPTE de 1998 et, évidemment, les remboursements des services de la dette. Il faut dire

que même les chiffres officiels de l'ON qu'en à l'augmentation de sa production rizicultrice, qui lui vaut

sa notoriété de «success story», est remise en question par bien des enquêtes compilées et comparées

par le chercheur Benoît Dave (2008 b, p.19). La moyenne des conclusions de ces enquêtes démontre

plutôt que la production de l'ON aurait même baissée en tonne par hectare entre 1995 et 2007 (voir

Annexe 5)! Ces conclusions laissent songeur puisque la majorité de la littérature sur le sujet ainsi que

les rapports officiels sont majoritairement unanimes sur la conclusion contraire. La FAO, par exemple,

concluait dans son rapport 2010 qu'entre 2000 et 2008, le nombre de terres arables exploitées est passé,

en millier d'hectares, de 4589 à 4850; soit près de 4,12 % du territoire national(FAO, Page consultée le

10 novembre 2011). Normalement, si on a plus de terre d'usage à fin agricole, on devrait normalement

produire plus, ce qui en sommes reste vrai : la production de l'ON augmente; mais comment cela se

fait-il que le rendement par hectare diminue? On n’a malheureusement pas pu trouver d'études

répondant directement à cette question. Dans un document daté de février 2011, l'ON estimait qu’une

cinquantaine de titres d'exploitations foncières auraient déjà été signées pour près de 800000ha depuis

2003, dont 472000ha cédés aux investisseurs étrangers (Thomas, Page consultée le 20 octobre 2011).

13

Un simple questionnement serait de se demander si les méthodes agro-industrielles ne seraient pas, à

long terme, plus dommageables pour la richesse de la terre et moins productives que les fermes

familiales? On ne peut qu’en venir à l’évidence qu’encourager impérativement la mise en marché de la

production ne tient pas la route dans une optique ou les communautés locales devraient travailler de

concert afin d’améliorer leur qualité de vie collective.

Pour conclure, il est clair que l'agrobusiness seul ne peut bénéficier à tous. Le PAS de la BM et

les libéralisations et les réformes de 94-96 ayant lié le Mali dans une logique de «Tout au marché»,

alors que le pays connaît une insécurité alimentaire latente, que peut-on encore espérer du

développement à la sauce néo-libéral? Une note discordante est finalement venue avec l'Initiative Riz.

L’Initiative Riz.

L'IR, ou Initiative Riz, est une nouvelle politique gouvernementale annoncée par l’actuelle

premier ministre M. Modibo Sidibé dés 2008 qui ce présente comme garante d’un grand pas vers la

souveraineté alimentaire du Mali. Avant de présenter ce programme, il est pertinent de garder à l’esprit

ce point soulever par GRAIN concernant les investissements divers en agriculture en Afrique:

«l’investissement dans l’agriculture n’est pas une mauvaise chose. Il est évident que des efforts bien

supérieurs doivent être déployés pour soutenir la production de riz en Afrique et réduire sa dépendance

vis-à-vis des importations. Le problème est toutefois que les investissements qui affluent actuellement

sur le continent sont strictement orientés vers l’agriculture industrielle, soit dans le cadre de projets de

production à grande échelle, soit dans le cadre de programmes de production contractuelle avec des

paysans.(Page consultée le 20 novembre 2011)» Ainsi, la consolidation de l'assurance de la suffisance

alimentaire au niveau local n'est simplement pas à l'ordre du jour puisque ce discours ne va pas

directement dans le sens de l'économie de marché. Ainsi, avec l'IR, qui fait suite à tout ce qu'on a dit ci-

haut, l’important est de se poser la question : pourquoi cette politique est mise en place et à qui ça

profite?

Aussi, par exemple, il est important également de se rappeler que si les efforts pour améliorer la

production du riz en Afrique sont si grands, c’est bien parce que le riz est devenu une denrée

alimentaire de première importance dans les habitudes alimentaires des peuples africains. Pourtant, il

n’en a pas toujours été ainsi: le riz a été inséré dans l’agriculture nationale par la division internationale

du travail via les argumentaires de prétendus avantages comparatifs que ces pays avaient. L’analyste

14

Jean Nanga du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde parle même de «Famine

néolibérale» attendue puisqu’imposé (Page consultée le 21 novembre 2011). Le riz a donc été imposé

par les intérêts étrangers et les populations locales n’ont en réalité aucune souveraineté même sur ce

qu’elles mangent. Cet «Avantage comparatif» est un impératif si on a la commercialisation comme

priorité. Or, il a fallu attendre la presque-crise de 2005 pour que le concept de Stockage du riz, qui

s'oppose au concept de Tout au marché, arrive sur la scène politique. Le président Traore, par

populisme et opportunisme s'étant découvert un partisan de la souveraineté alimentaire, à ensuite mit

sur pied plusieurs initiatives de Stockage du riz pour apaiser les risques de famines comme le Stock

national de sécurité (SNS) et les Stock d'Intervention (SI)(Janin, 2008, p.98-99). Cette volonté concrète

de vouloir assurer la sécurité alimentaire du pays va de pair avec un multiplication des pays

pourvoyeurs d'Aide internationale comme la Chine, le Japon et l'Inde, ce qui permet au Mali de mieux

négocier et de «desserre quelque peu l'étau des conditionnalités (Janin, 2008, p.99)» C'est en ces

circonstances que survient la crise alimentaire mondiale de 2006-2008 à laquelle le gouvernement

répond par l'IR.

L’IR aurait coûté 34,54 milliards de FranCFA jusqu'à maintenant et consiste en un gigantesque

plan pour augmenter la production agricole des rizicultures du pays. Ramenant à l'ordre du jour la

subvention directe des fermes familiales, on ne s'attaque pas directement au prix, et l'impératif premier

est l'augmentation de la production pour la consommation nationale. On espère augmenter la

production afin que l’abondance de riz fasse baisser les prix sur le marché national. Lors d’une

conférence de presse qui avait lieu le 29 juillet 2009, Agathame Ag Alassane, ministre de l’Agriculture

à mentionné en honneur de l’IR: «au titre du bilan de l’initiative riz, il dira qu’à la fin de l’opération, le

Mali a produit 1 607 647 tonnes de riz sur une superficie de 629 573 ha au lieu de 602 973 ha

initialement prévus. Selon lui, sur une prévision de 42,65 milliards de francs CFA, l’initiative riz a

finalement coûté la somme de 34,54 milliards de FCFA à l’État, ses partenaires et aux paysans.(Afrique

en ligne, Page consultée le 20 octobre 2011)» Autrement dit, l’IR aurait réussi à augmenter la

production de riz; mais qu’en est-il de la sécurité alimentaire des populations? Un article du 26 mars

2009 de la BM concernant un atelier tenu à Bamako laisse entendre qu’au contraire, l’insuffisance

alimentaire frappe de plein fouet le Mali et que le gouvernement devrait même devoir interdire les

exportations de riz pour un moment indéterminé (Banque Mondiale, Page consultée le 10 novembre

2011). En fait, d’après le Conseiller et responsable de l’unité du Development Dialogue on Values and

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Ethics à la Banque Mondiale, M. Quentin Wodon : «afin de répondre à la crise alimentaire, soit à la

flambé des prix des denrées essentielles, le gouvernement malien à accordé des exonérations de Taxe

sur la Valeur Ajoutée (TVA), mais cette mesure visait plus à aider la consommation plutôt qu’à assurer

la production de bas prix à la vente. « Si la réduction des taxes à l’importation n’a pas été une mesure

pro pauvre, les efforts du gouvernement pour augmenter la production alimentaire locale à travers

l’initiative riz sont beaucoup plus prometteurs.(Banque Mondiale, Page consultée le 10 novembre

2011)»» On abandonne pas pour autant l'impératif de commercialisation ceci dit. En fait, selon le

premier ministre Mobido Sidibé: «le Mali ambitionne de prendre une part du marché de 8 millions de

tonnes que l'Afrique importe chaque année en riz (Afrique en ligne, Page consultée le 20 octobre

2011).» Comme on l’a montré plus haut, les investisseurs en présence ne sont pourtant pas motivés par

cette idée. Sidibé mentionne aussi que c’est au secteur privé de soutenir cette croissance de la

production : «il s'agira de lever les contraintes qui pèsent sur le développement du secteur privé et

l'attraction de l'investissement privé à travers la création de ponts entre l'augmentation de la

productivité et de la production agricole, le renforcement du partenariat public privé, le développement

du secteur financier dans sa capacité à disposer de ressources longues, de la mésofinance et l'émergence

de Petites et moyennes entreprises(Afrique en ligne, Page consultée le 20 octobre 2011)» Ce

programme qui mise tout sur l'innovation privée reste pourtant lourdement handicapé par la

prédominance de l'économie de la dépendance face aux investissements étrangers et à l'Aide

internationale.

Finalement, la libre commercialisation pourrait très bien empêcher l’IR d’atteindre le succès

espéré pour les années à venir. En effet, l’accaparement des terres par des intérêts étrangers fait que les

productions ne sont pas acheminées pour assurer la souveraineté alimentaire du Mali, mais bien pour

être exportées afin de dégager des plus grands bénéfices. On lorsque les récoltes sont bonnes, ces

acteurs vont même jusqu’à remiser des stocks afin de pouvoir jouer à la spéculation des prix; ce qui a

directement l'effet d'augmenter les prix (Indépendant, Page consultée le 18 novembre 2011). La crise

alimentaire de 2006-2008 avait pour cause notamment cette stratégie qui a fait monter les prix jusqu'à

la catastrophe... La crise à même obligé le Mali d'interdire l'importation de riz pendant un moment.

L'importation de riz subventionnée par l'État est une mesure en tension avec le soutien des producteurs

locaux; l'objectif étant de faire baisser les prix à la consommation sur le marché national. Il faut dire

que ce dernier indice a beaucoup augmenté alors que le niveau de pauvreté reste élevé (voir Annexe 6).

16

L'IR venait effectivement encourager l'augmentation de la production et, maintenant, on demande aux

producteurs de vendre à prix concurrentiels afin de s'adapter. Remarquons que les agroindustriels

maliens existent également, justement «le groupe malien Tomota, appuyé par des techniciens indiens,

produit déjà des oléagineux (tournesol) sur une zone de 2000ha, avec la possibilité de s’étendre sur

140000ha. Quant au Grand Distributeur céréalier du Mali (GDCM), il occupe 7400ha pour produire du

blé afin d’alimenter son moulin et de faire de l’élevage.(Camara, Page consultée le 20 novembre

2011)» Il y a donc un savoir-faire national déjà en place; seuls les capitaux manquent. Car l'enjeu,

encore une fois, est de produire plus tout en faisant diminuer le coût à la vente sur le marché local. En

fait, jusqu'à maintenant, la stratégie de s'en remettre aux investisseurs internationaux n'a donné qu'un

état latent d'insécurité alimentaire.

Pour conclure, alors que la tension entre commercialisation et stockage semble être un frein

important, en ce 23 novembre dernier, le journal L'indicateur Renouveau nous apprenait que :

«104 communes du Mali sont menacées d’insécurité alimentaire. L’alerte a été donnée hier 22 novembre lors de la réunion extraordinaire du Comité de coordination et de suivi des programmes de sécurité alimentaire (CCSPSA) par le Commissaire à la sécurité alimentaire, Yaya Nouhoum Tamboura qui a expliqué à l’occasion que pour faire face à la menace d’une crise bien réelle, il faut mobiliser 45.886 tonnes de céréales pour des distributions alimentaires gratuites au profit d’un million set cent mille personnes.(Sissoko, Page consultée le 16 novembre 2011)»

On ne peut donc que constater l'échec de l'ON de répondre à sa mission et son mal développement

via sa dépendance de l'étranger et de l'impératif de commercialisation.

Impacts des libéralisations.

En troisième lieu, on argumente que la dépossession des populations paysannes aggrave la

précarisation de leurs conditions de vie et force leur organisation et leur réaction. Autrement dit, y a t'il

des réactions actives directement liées à la question de l'accaparement des terres arables? Est-ce que ça

dérange? D'abord, fondamentalement, on se doit de noter que l’eau et la nourriture, tout comme l’air

que nous respirons, sont universellement essentielles à l’existence de toutes formes de vie et, par

conséquent, on ne peut les traiter de la même façon que d’autres types de biens matériels. Constatons

donc que «la nourriture est le point de référence que chacun peut reconnaître et partager; le manque de

nourriture est l’ultime exclusion (Madeley, 2002, p.47).» Dans cette même logique, ne pourrait-on pas

dire qu’un être humain sous-alimenté de manière persistante devient, en quelque sorte, un sous-

homme? Mouhandas Karamchand Gandhi affirmait que «la pauvreté est une insulte. La pauvreté pue;

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elle avilit, déshumanise, détruit le corps et l’esprit (…) sinon l’âme. C’est la forme de violence la plus

meurtrière.(Madeley, 2002, p.52)» La misère humaine, conséquence de l’économie-monde capitaliste,

est elle-même la cause de la faim. En fait, la dépossession des terres se manifeste au Mali de deux

manières : par un système public ayant un grand problème de corruption qui n'a pas la force de

s'imposer et par un État complaisant qui ne prend pas la défense de ses citoyens. En effet, en 2010, le

Mali était le 116e pays, sur 178, le plus corrompu du monde avec un IPC (Indice de perception de la

corruption) de 2,7 sur dix(Transparency International, Page consultée le 20 novembre 2011); mais, il

faut tout de même souligner progressions importantes: la mise en place du Bureau du Vérificateur

général, la tenue des états généraux de la lutte contre la corruption, les missions de contrôle de l’action

gouvernementale diligentée par l’Assemblée, etc. Dit catégoriquement, l’économiste en chef de la

Banque mondiale pour la Région Afrique, Shanta Devarajan, indiquait «qu’en parlant de la corruption

discrète, nous parlons des symptômes de la maladie qui est la faillite d’un système dans lequel les

citoyens n’ont pas voix au chapitre ».(Banque Mondiale, Page consultée le 15 novembre 2011)» Bien

que le Mali soit considéré comme un modèle démocratique en Afrique, la corruption fait que la

population se méfie de l'État. La confiance vacillante des maliens envers leurs outils publiques est un

autre facteur aggravant leur qualité de vie puisque ce sont ces mêmes outils qui gèrent le territoire sur

lequel ils habitent.

Une étude ressente de l'ONUD (Organisation des Nations Unies pour le développement

industriel) sur l'agribusiness affirmait d'ailleurs que: «l’agriculture africaine est principalement

composée de petites exploitations (...) Les études réalisées (...) du milieu des années 1980 à 2002 ont

montré que dans tous ces pays, moins de 50 % des petits exploitants vendaient plus de denrées qu’ils

n’en achetaient; (...)(Banque Mondial, Page consultée le 15 novembre 2011)» Cela veut dire que la

majorité des producteurs consomment en grande partie leur propre production. Dans des régions du

Mali ou se sont plus de 80 % de la population qui sont agriculteurs, il est clair que cette agriculture est

de subsistance et qui ne reste que peut de denrées pour alimenter un marché régional. Le «succes story»

de l'ON cache également un autre tableau: l'endettement quasi généralisé des familles et organisations

paysannes qui se retrouvent devant le choix difficile de vendre leurs boeufs de labour ou d'abandonner

l'exploitation d'une partie de leur parcelle; on dit que 45 % des familles ne possèdent pas d'attelage

complet pour le labour (Dave, 2008, p.2). L'endettement des familles peut même forcer des fils et des

filles à quitter pour les zones urbaines afin de trouver un travail salarié. L'objectif des efforts publics est

18

de toujours augmenter la productivité (ONUD, 2011, p.84). Ajoutons que les petites unités de laminage

du riz ne peuvent autant garantir une aussi bonne qualité que les grandes usines; ce sont pourtant ces

premières qui se sont imposées. Grâce à une main-d'œuvre bon marché et à des débouchés sur le

marché, une petite classe moyenne se dote de plus en plus de moulins cylindriques à échelle

intermédiaire. Malgré ces efforts, les marchés locaux, plus près des communautés, sont souvent plus

difficilement accessibles que ceux d'exportations pour plusieurs raisons: insuffisance des informations

sur le marché, infrastructures routières peut entretenues, déficience du système juridique et la

corruption.(Banque Mondiale, Page consultée le 15 novembre 2011) Alors que la productivité reste la

priorité, la question, de la finalité d'usage de cette production n'a pas de réponse claire. Pour des

fédérations et syndicats paysans, l'équation selon laquelle la possession des terres et l'impératif

d'exportation mèneront à l'insécurité alimentaire est claire: «the local farmers union, SEXAGON,

believes that when the millet-producing region is transformed to grow rice for export, the local people

who lose their land and livelihoods will no longer be able to feed their families.(Oakland Institute, Page

consultée le 20 novembre 2011)»

Un autre défi du Mali est notamment sa population qui augmente alors que l'accès à une terre

arable décroit rapidement. Dans de telles conditions, Devarajan (2011) avertissait qu'avec «l’explosion

démographique urbaine et sans sécurité alimentaire, énergétique et hydrique, les perspectives de

développement s’évaporeront.(p.1)» Si la population urbaine augmente en même temps que la

population nationale, c'est qu'on assiste également à une augmentation de l'inaccessibilité à de

nouvelles terres arables. Plus de gens, pas suffisamment de terres, augmentation de la pauvreté et une

productivité qui ne porte pas encore fruit: le cocktail pourrait devenir explosif à terme. En effet, «si on

chasse des paysans de leur terre sans leur offrir une base vitale alternative, on risque d’inonder la

capitale Bamako de gens déracinés et sans emploi qui pourraient devenir un problème politique.

(MacFarquhar, Page consultée le 20 novembre 2011)» Pourtant, la grande jeunesse du Mali reste un

principal atout de l'économie malienne.

De la dépossession.

Les visées prétendument développementistes du Mali, qui ouvre ses portes aux investissements

étrangers, ne font clairement pas que des heureux et plusieurs se révoltent contre ce qu'ils jugent

injuste. On est aujourd'hui bien loin de l'époque ou l'ON avait le monopole du contrôle des terres dans

19

sa zone (voir Annexe 7). La principale raison de cette révolte concerne le sentiment d'injustice et de

non-respect des droits des individus et des collectivités. Une tension claire est celle entre les tenants du

droit légaliste et formel et ceux du droit coutumier. Que le gouvernement agisse de manière

antidémocratique et peut transparent avec les investisseurs étrangers, c'est une chose, mais, pour ce qui

est des lois internes, le débat entre droits formels et coutumiers ne peut être ignoré. Plus haut, on a dit

que le concept même de la propriété était différent traditionnellement pour les Africains; il en va de la

question même: peut-on posséder la terre? L'exemple de la réaction de cet homme est représentatif de

cette idée: «Sekou Traoré, 69 ans, un ancien du village demeura sans voix lorsque des représentants du

gouvernement lui apprirent l’année passée que la Libye contrôlait désormais ses terres. Il les avait

toujours considérées comme sa propriété, transmises de génération en génération, du grand-père au

père, puis au fils (MacFarquhar, Page consultée le 20 novembre 2011).» La reconnaissance du droit

coutumier ou traditionnelle est un combat difficile mené tant pour assurer la possession des familles de

la terre par leur droit d'occupation et d'usufruit de celle-ci, mais aussi pour donner une protection

formelle contre les évictions. La Commercial Pressures on Land à fait une entrevue avec le juriste

malien Moussa Djiré afin qu'il donne son opinion sur ce phénomène; il fait état des défis réels que

constitue la transparence dans le dossier et des luttes sérieuses que les groupes paysans doivent faire

pour se faire respecter; cependant, pour lui, il n'y a pas d'opposition nécessairement entre l'agrobusiness

et le monde paysan. Djiré fait lui aussi état de la complexité du droit foncier au Mali comme l'un des

principaux problèmes pour faciliter les choses; il parle de pluralité des droits. Bien que la grande

majorité des terres ne sont pas immatriculées, donc non protégées par le Code domanial, il croit que

l'universalisation de l'immatriculation ne serait pas une avenue dans la situation présente ou un tel état

d'universalisation du droit formel ne pourrait que se faire au bénéfice de l'agrobusiness; il conclut que

les paysans n'ont rien à gagner avec les investissements de masse. Pour le cas de Malibya, l'inquiétude

est effective: «sans aucune assurance, à ce jour, que cette politique de cession de terres agricoles

permettra d'atteindre l'autosuffisance alimentaire», affirme le Memorandum. Il ajoute qu'une telle

politique suscite «de profondes inquiétudes des populations installées dans cette région dont certaines

risquent d'être chassées des terres qu'elles exploitent depuis plusieurs générations.(L'Expansion, Page

consultée le 20 novembre 2011)»» Cette inquiétude ne peut être apaisée que par des promesses de

délocalisation, comme chez Foras, pour une population d'agriculteurs, ils souhaitent rester sur leurs

terres et que les négociations de fassent de bonne foi avec eux. D'ailleurs, l'Association des

organisations professionnelles paysannes du Mali (AOPP) est mobilisée: «on veut être sûr que la terre

20

va continuer d'appartenir aux paysans. On ne veut pas devenir manœuvres pour des riches qui vont

nous exploiter. C'est à l'État malien de nous protéger.(L'Expansion, Page consultée le 20 novembre

2011)» L'État a clairement le premier rôle à jouer dans la protection du patrimoine des familles

maliennes; et cela est aussi vrai pour son instrument, ce qu'est l'ON. Amadou Tioulé Diarra,

responsable d'une Association malienne de défense des droits de l'homme, revendique que la liste des

bénéficiaires du l'ON et ses accords avec eux soient publiés; l'ON aurait même promis de le faire sur

son site web un jour.(L'Expansion, Page consultée le 20 novembre 2011) Cependant, Ibrahima

Coulibaly, président de la Confédération Nationale des Organisations Paysannes du Mali (CNOP), est

ferme: «no president anywhere has the right to give away his land like that.(Oakland Institute, Page

consultée le 20 novembre 2011)» C'est d'ailleurs la CNOP qui a prit l'initiative avec Via Campesina

d'organiser ce 20 novembre 2011 la «Conférence internationale : Stop aux accaparements de terres»

auquel plus de 250 paysans venus de 30 pays différents avaient participé. Cette alliance comprend un

plan d'action sur la collecte et le partage de données sur les accaparements de terres ainsi qu'un appel

large à la coordination des mobilisations pour promouvoir la revendication d'une réforme agraire basée

sur les exploitations familiales(Via Campesina et CNOP, 2011).

La multiplication des expériences de luttes, combiné à l'aggravation de l'insécurité alimentaire,

font que la résistance paysanne s'organise peu à peu. Les conséquences des programmes de la BM

peuvent être à la fois un moindre mal et un désastre humain. Un impact majeur de l’accaparement des

terres est les déplacements de populations qui peuvent, soit, avoir été expulsés des terres, soit, avoir été

attirés par les opportunités d’emplois. Heureusement, la BM reconnaît ce problème: «les projets

d'investissement en matière de réhabilitation de pistes rurales et d'infrastructures commerciales, prévus

au titre du PCDA, peuvent engendrer des déplacements involontaires de populations.(Banque

mondiale, page consultée le 23 novembre 2011) » Ces déplacements sont la conséquence de

l’assujettissement des paysans aux nouveaux possédants; il est donc juste qu’il soit établi de nouvelles

compensations pour ces populations déplacées. Par exemple, pour le PCDA, des modalités ont été

ajoutées disant que l’État malien et ses partenaires devaient compenser et aider ces populations.

Pourtant, l’organisme GRAIN, «il était quasiment inévitable que les instances internationales de la

recherche agricole se retrouvent dans la mêlée actuelle aux côtés des gouvernements et des

investisseurs privés qui cherchent des terres pour assurer une production alimentaire à l’étranger.

(GRAIN, Page consultée le 14 novembre 2011)» C’est donc dire qu’étant donné les phénomènes des

changements climatiques, de désertification, d’appauvrissement généralisé via la division internationale

21

du travail, etc. Il était inévitable, à l’exemple des républiques bananes d’Amérique centrale, que le

nombre de plus en plus limité de terres arables cause une compétition pour leur production partout dans

le monde. C’est exactement ce qui arrive dans le cas de l’accaparement des terres par Malibya ou des

IDE chinois indirectement. Comment des communautés, des coopératives ou des familles de paysans

pourraient, même grâce au micro crédit, faire compétition à ces grands joueurs? Déjà, en 2009, la

CNOP dénonçait cette situation en faveur de l’agriculture industrielle, entre autres, dans le cas de

Malybia(GRAIN, Page consultée le 14 novembre 2011).

Conclusion

Pour conclure, à la lumière de notre étude ci-haut, on peut affirmer que l'accaparement des

terres arables au Mali est l'un des phénomènes importants responsables, à la fois, des plus grands

changements en faveur de l'impératif à l’exportation de la production plutôt qu'en faveur d'assurer la

sécurité alimentaire du Mali, du mal développement de l’Office du Niger et de l'accroissement de la

précarisation des conditions de vie la population malienne; ce qui conduit à une aggravation de

l'insécurité alimentaire. Comme on l'a exploré, les programmes de la BM et l'IR se révèles inefficace à

augmenter suffisamment la production afin d'assurer une abondance de riz et la baisse des coûts à la

consommation comme promis; l'ON ne réussit pas à prouver qu'elle a une réelle vision du

développement de ses terres arables et semble laisser carte blanche à Foras, Malibya, MCA et aux IDE

chinois, ce qui conduit inévitablement à son mal développement; et finalement, les conséquences sur la

population paysanne sont effectives. L'État malien échoue donc, par la même occasion, à pouvoir se

qualifier d'état «développementiste» selon notre perspective néo-marxiste puisqu'il ne réussit pas à

dépasser son état de dépendance face aux investissements étrangers; et ce, bien qu'on puisse identifier

les restructurations et réformes du PAS comme ayant changer l'ordre des choses antérieurs à l'ON.

Comme l'entrée en jeu de la Chine n'a pas non plus réussi à changer la dynamique de dépendance du

Mali face à l'étranger, on peut se demander quelles sont les forces vives en présence au Mali qui

pourrait rendre cela possible?

22

Bibliographie :

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Wallerstein, Immanuel, 2009, «Comprendre le monde: introduction à l'analyse des systèmes-monde», La Découverte, Volume 301, Sciences humaines et sociales, 173p.

26

Annexe : Annexe 1)

Géoconfluences, 2011, «Agriculture sous tension, terres agricoles en extension: des transactions sans frontières», Dgesco, ENS de Lyon, Brève, p.11.

Annexe 2)

Janin Pierre, « Le soleil des indépendances (alimentaires)» ou la mise en scène de la lutte contre la faim au Mali et au Sénégal » ,Hérodote, 20 084 n° 131, p. 93.

27

Annexe 3)

Troy, B, 2010, «Office du Niger: quelles réalités entre l'accaparement des terres et développement agricole», FARM, p.2.

Annexe 4)

FAO, 2011, «Production alimentaire et produits agricoles», FAOSTAT, ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE, (Page consultée ce23 novembre 2011), http://faostat.fao.org/DesktopDefault.aspx?PageID=339&lang=fr

28

Annexe 5)

Dave, Benoît, 2008, «Office du Niger au Mali : les chiffres officiels de la production rizicole sont surestimés», CECID, Articles scientifiques, p.19, (Page consultée le 20 novembre 2011), http://www.cecid-ulb.be/images/pdf/txt/A3.pdf?4a1aaf2a3c5b1cb26a77f80bd9203f3a=ee2dbb56b7e5f17a778c947996fe2f4a

Annexe 6)

Perspective Monde, 2011, «Mali», Statistiques, Université de Sherbrooke, (Page consultée le 16 novembre 2011), http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codeTheme=2&codeStat=FP.CPI.TOTL&codePays=MLI&codeTheme2=2&codeStat2=SI.POV.2DAY&langue=fr

29

Annexe 7)

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