maladie de von hippel-lindau : progrès génétiques et cliniques récents

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J. Neuroradiol., 2005, 32, 157-167 © Masson, Paris, 2005 Dossier thématique MALADIE DE VON HIPPEL-LINDAU : PROGRÈS GÉNÉTIQUES ET CLINIQUES RÉCENTS* S. RICHARD (1,2) , F. PARKER (3) , N. AGHAKHANI (3) , G. ALLEGRE (1) , F. PORTIER (4) , P. DAVID (3) , K. MARSOT-DUPUCH (5) (1) Laboratoire de Génétique Oncologique EPHE, UMR 8125, Faculté de Médecine Paris-Sud, 94276 Le Kremlin-Bicêtre et Institut Gustave Roussy, 94800 Villejuif, France. (2) Service d’Urologie, Hôpital de Bicêtre, 94276 Le Kremlin-Bicêtre. (3) Service de Neurochirurgie, Hôpital de Bicêtre, 94276 Le Kremlin-Bicêtre. (4) Service d’ORL, Hôpital de Bicêtre, 94276 Le Kremlin-Bicêtre. (5) Service de Neuroradiologie, Hôpital de Bicêtre, 94276 Le Kremlin-Bicêtre. RÉSUMÉ La maladie de von Hippel-Lindau (VHL) est une affection héréditaire due à des mutations germinales du gène suppres- seur de tumeur VHL et qui prédispose au développement de tumeurs bénignes et malignes richement vascularisées. Les manifestations cliniques majeures comprennent des hémangioblastomes du SNC et de la rétine, des tumeurs du sac endo- lymphatique, des cancers à cellules claires et des kystes rénaux, des phéochromocytomes, des kystes et des tumeurs endo- crines du pancréas. Le gène VHL joue un rôle fondamental dans la réponse tissulaire à l’hypoxie en ciblant le facteur de transcription HIF pour sa dégradation dans le protéasome. Des altérations acquises du gène VHL sont également à l’origine de la majorité des cancers du rein à cellules claires sporadiques et d’une partie des hémangioblastomes sporadiques. Ces découvertes majeures ouvrent la voie au développement de nouvelles approches thérapeutiques qui pourraient avoir éga- lement des applications en Cancérologie. Mots-clés : von Hippel-Lindau, hémangioblastome, cancer du rein, facteur de transcription inductible par l’hypoxie, inhibiteurs des récepteurs tyrosine-kinase. SUMMARY Von Hippel-Lindau disease: recent advances in genetics and clinical management Von Hippel-Lindau (VHL) disease is a hereditary cancer syndrome that predisposes to the development of a panel of highly vascularized tumors including CNS and retinal hemangioblastomas, endolymphatic sac tumors, clear-cell renal cell carcinomas (RCC), pheochromocytomas and pancreatic neuroendocrine tumors. CNS hemangioblastomas and RCC are the two main life-threatening manifestations. The disease is caused by germline mutations in the VHL tumor-suppressor gene that plays a major role in regulating the oxygen-sensing pathway by targeting the hypoxia-inducible factor HIF for degradation in proteasome. Somatic inactivation of the VHL gene occurs also in most sporadic RCC and sporadic CNS hemangioblastomas. The demonstration of the critical role of VHL in angiogenesis is paving the way for the development of new specific drugs that could represent an attractive potential treatment for VHL but also for sporadic RCC and other cancers. Key words: von Hippel-Lindau, hemangioblastoma, renal cell carcinoma, hypoxia-inducible factor, PTK-inhibitors. INTRODUCTION La maladie de von Hippel-Lindau (VHL) est une prédisposition héréditaire au développement de tumeurs bénignes et malignes richement vascu- larisées qui est due à des mutations germinales du gène suppresseur de tumeur VHL. Les manifesta- tions cliniques majeures comprennent des héman- gioblastomes du SNC et de la rétine, des tumeurs du sac endolymphatique, des cancers à cellules claires et des kystes rénaux, des phéochromocy- tomes, des kystes et des tumeurs endocrines du pancréas (tableau I) [17]. Jusqu’à la fin des années 1970, la maladie était surtout connue pour l’atteinte de la rétine (décrite par Eugen von Hip- pel en 1895) et du névraxe (identifiée par Arvid Lindau en 1926) et les lésions viscérales de l’affec- tion étaient sous-estimées (en dépit de leur par- faite description par Lindau) [29]. Elles sont maintenant au premier plan de l’affection et la maladie de VHL est reconnue comme la première cause de cancer du rein héréditaire. En quelques années, des progrès considérables ont été réalisés dans la caractérisation fonctionnelle du gène VHL dont le rôle est fondamental dans l’angiogénèse et plus généralement la réponse tissulaire à l’hypoxie. Des altérations acquises du gène VHL sont égale- ment à l’origine de la majorité des cancers du rein à cellules claires sporadiques et d’une partie des hémangioblastomes sporadiques. Ces découvertes majeures ont ouvert la voie au développement de nouvelles approches thérapeutiques qui pour- raient avoir également des applications en Cancé- rologie. Tirés à part : S. RICHARD, à l’adresse ci-dessus. e-mail : [email protected] * Travail réalisé avec le soutien de la Ligue Nationale contre le Can- cer (Comité du Cher) et de l’Association Française de Recherche Génétique.

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J. Neuroradiol., 2005, 32, 157-167© Masson, Paris, 2005Dossier thématique

MALADIE DE VON HIPPEL-LINDAU :PROGRÈS GÉNÉTIQUES ET CLINIQUES RÉCENTS*

S. RICHARD (1,2), F. PARKER (3), N. AGHAKHANI (3), G. ALLEGRE (1), F. PORTIER (4), P. DAVID (3), K. MARSOT-DUPUCH (5)

(1) Laboratoire de Génétique Oncologique EPHE, UMR 8125, Faculté de Médecine Paris-Sud, 94276 Le Kremlin-Bicêtre et InstitutGustave Roussy, 94800 Villejuif, France.(2) Service d’Urologie, Hôpital de Bicêtre, 94276 Le Kremlin-Bicêtre.(3) Service de Neurochirurgie, Hôpital de Bicêtre, 94276 Le Kremlin-Bicêtre.(4) Service d’ORL, Hôpital de Bicêtre, 94276 Le Kremlin-Bicêtre.(5) Service de Neuroradiologie, Hôpital de Bicêtre, 94276 Le Kremlin-Bicêtre.

RÉSUMÉ

La maladie de von Hippel-Lindau (VHL) est une affection héréditaire due à des mutations germinales du gène suppres-seur de tumeur VHL et qui prédispose au développement de tumeurs bénignes et malignes richement vascularisées. Lesmanifestations cliniques majeures comprennent des hémangioblastomes du SNC et de la rétine, des tumeurs du sac endo-lymphatique, des cancers à cellules claires et des kystes rénaux, des phéochromocytomes, des kystes et des tumeurs endo-crines du pancréas. Le gène VHL joue un rôle fondamental dans la réponse tissulaire à l’hypoxie en ciblant le facteur detranscription HIF pour sa dégradation dans le protéasome. Des altérations acquises du gène VHL sont également à l’originede la majorité des cancers du rein à cellules claires sporadiques et d’une partie des hémangioblastomes sporadiques. Cesdécouvertes majeures ouvrent la voie au développement de nouvelles approches thérapeutiques qui pourraient avoir éga-lement des applications en Cancérologie.

Mots-clés : von Hippel-Lindau, hémangioblastome, cancer du rein, facteur de transcription inductible par l’hypoxie, inhibiteurs des récepteurs tyrosine-kinase.

SUMMARY

Von Hippel-Lindau disease: recent advances in genetics and clinical managementVon Hippel-Lindau (VHL) disease is a hereditary cancer syndrome that predisposes to the development of a panel of

highly vascularized tumors including CNS and retinal hemangioblastomas, endolymphatic sac tumors, clear-cell renal cellcarcinomas (RCC), pheochromocytomas and pancreatic neuroendocrine tumors. CNS hemangioblastomas and RCC arethe two main life-threatening manifestations. The disease is caused by germline mutations in the VHL tumor-suppressorgene that plays a major role in regulating the oxygen-sensing pathway by targeting the hypoxia-inducible factor HIF fordegradation in proteasome. Somatic inactivation of the VHL gene occurs also in most sporadic RCC and sporadic CNShemangioblastomas. The demonstration of the critical role of VHL in angiogenesis is paving the way for the developmentof new specific drugs that could represent an attractive potential treatment for VHL but also for sporadic RCC and othercancers.

Key words: von Hippel-Lindau, hemangioblastoma, renal cell carcinoma, hypoxia-inducible factor, PTK-inhibitors.

INTRODUCTION

La maladie de von Hippel-Lindau (VHL) estune prédisposition héréditaire au développementde tumeurs bénignes et malignes richement vascu-larisées qui est due à des mutations germinales dugène suppresseur de tumeur VHL. Les manifesta-tions cliniques majeures comprennent des héman-gioblastomes du SNC et de la rétine, des tumeursdu sac endolymphatique, des cancers à cellulesclaires et des kystes rénaux, des phéochromocy-tomes, des kystes et des tumeurs endocrines dupancréas (tableau I) [17]. Jusqu’à la fin des années1970, la maladie était surtout connue pour

l’atteinte de la rétine (décrite par Eugen von Hip-pel en 1895) et du névraxe (identifiée par ArvidLindau en 1926) et les lésions viscérales de l’affec-tion étaient sous-estimées (en dépit de leur par-faite description par Lindau) [29]. Elles sontmaintenant au premier plan de l’affection et lamaladie de VHL est reconnue comme la premièrecause de cancer du rein héréditaire. En quelquesannées, des progrès considérables ont été réalisésdans la caractérisation fonctionnelle du gène VHLdont le rôle est fondamental dans l’angiogénèse etplus généralement la réponse tissulaire à l’hypoxie.Des altérations acquises du gène VHL sont égale-ment à l’origine de la majorité des cancers du rein àcellules claires sporadiques et d’une partie deshémangioblastomes sporadiques. Ces découvertesmajeures ont ouvert la voie au développement denouvelles approches thérapeutiques qui pour-raient avoir également des applications en Cancé-rologie.

Tirés à part : S. RICHARD, à l’adresse ci-dessus. e-mail : [email protected]

* Travail réalisé avec le soutien de la Ligue Nationale contre le Can-cer (Comité du Cher) et de l’Association Française de RechercheGénétique.

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ASPECTS CLINIQUES : UNE MALADIEÀ IMPACT TISSULAIRE MULTIPLE

La maladie de VHL est une affection autosomiquedominante dont l’incidence à la naissance est d’envi-ron 1 sur 36 000 et la pénétrance est quasi complète à60 ans [17, 27]. Elle se révèle en général entre 18 et30 ans mais peut aussi se manifester dès l’enfance(tableau I). Il existe le plus souvent une histoire fami-liale démonstrative et le diagnostic clinique requiert laprésence d’une seule manifestation majeure. Les for-mes « cryptiques » dues à des néomutations sont esti-mées à 20 % et le diagnostic clinique nécessite alorsla présence d’au moins deux lésions majeures dont unhémangioblastome. Deux grands types cliniques sontdistingués selon la présence (« VHL type 2 ») oul’absence de phéochromocytome (« VHL type 1 »).Dans une même famille, il existe également une hété-rogénéité phénotypique, certains patients souffrantd’une forme grave avec de multiples tumeurs nécessi-tant des interventions répétées tandis que d’autres ontseulement un petit nombre de lésions sans retentisse-ment clinique.

L’hémangioblastome du SNC est la manifestationla plus emblématique de la maladie de VHL [27,32]. Il s’observe chez 60 à 80 % des patients etrévèle l’affection dans près de la moitié des cas(figures 1 et 2). Il s’agit d’une tumeur vasculairebénigne constituée de cellules tumorales au cyto-plasme clarifié (« cellules stromales ») séparées parun abondant réseau capillaire sanguin. Les héman-gioblastomes sont souvent multiples et se dévelop-pent avec prédilection dans la fosse postérieure(cervelet et tronc cérébral) et le cordon médullaire,les localisations sustentorielles étant très rares. EnIRM, les hémangioblastomes sont bien mis en évi-dence sur les séquences T1 après injection de gado-linium et s’accompagnent souvent d’un kyste parfoisvolumineux. Une cavitation centromédullaire estfréquente dans les localisation spinales. Les localisa-tions infratentorielles sont responsables d’hyper-tension intracrânienne et de syndrome cérébelleux.Les hémangioblastomes spinaux s’accompagnent deparesthésies ou de douleurs radiculaires et peuventse compliquer de paralysies. La classique polyglo-bulie secondaire s’observe dans environ 20 % des

hémangioblastomes cérébelleux et est due à uneproduction d’érythropoïétine par la tumeur. Lagrossesse peut s’accompagner de l’apparition d’unkyste ou de l’augmentation rapide de volume d’unkyste préexistant, parfois à l’origine de complica-tions dramatiques.

La tumeur du sac endolymphatique est un adéno-carcinome papillaire de bas grade, parfois bilatéral,affectant jusqu’à 11 % des patients [17, 18, 27]. Safréquence est peut-être sous-estimée en raison del’absence d’IRM systématique centrée sur lesrochers. Les tumeurs du sac endolymphatique sedéveloppent dans l’angle ponto-cérébélleux ou versl’oreille moyenne en érodant ou détruisant le tempo-ral. En imagerie (scanner et IRM), il s’agit d’unelésion destructrice centrée sur la région rétro laby-rinthique, fortement rehaussée après injection deproduit de contraste (figure 3). Les symptômes sont

TABLEAU I. – Fréquence et âge de révélation des manifestations de la maladie de VHL [17, 27].TABLE I. – Frequency of manifestations and age at onset of VHL disease manifestations [17, 27].

Manifestation clinique Fréquence chez les patients Âge de diagnostic (ans)

Hémangioblastome infratentoriel 40-60 % 29 (9-68)

Hémangioblastome spinal 13-50 % 30 (12-66)

Tumeur du sac endolymphatique 11 % 22 (12-55)

Hémangioblastome rétinien 40-60 % 25 (1-68)

Cancer et kystes rénaux 30-70 % 39 (13-70)

Phéochromocytome 10-24 % 27 (5-58)

Kystes pancréatiques 30-75 % 37 (14-68)

Tumeurs endocrines pancréatiques 12 % 35 (19-46)

FIG. 1. – Hémangioblastome kystique du cervelet chez unepatiente de 40 ans, déjà opérée à cinq reprises d’hémangio-blastomes du SNC. (IRM T1 Gadolinium).

FIG. 1. – Cystic cerebellar hemangioblastoma in a 40-year-old woman who previoulsy underwent five surgeries for CNShemangioblatomas. (Mid-sagittal postcontrast T1-weightedMRI).

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essentiellement otologiques (acouphènes, vertiges,perte d’audition progressive ou brusque).

Les hémangioblastomes rétiniens surviennentchez la moitié des patients et révèlent l’affection unefois sur trois, souvent dans l’enfance [7, 17]. Il s’agitde tumeurs rougeâtres situées le plus souvent enpériphérie rétinienne avec une artère nourricièretortueuse et une veine de drainage, toutes deux dila-tées. Les lésions sont souvent multiples et bilatéraleset leur taille peut atteindre plusieurs diamètrespapillaires. Les localisations papillaires sont obser-

vées dans 15 % des cas. En l’absence de découverteet de traitement précoce, les hémangioblastomesrétiniens peuvent se compliquer de décollementrétinien, d’hémorragies et de glaucome pouvantconduire à la perte de la vision. Le diagnostic en estfait par l’examen du fond d’œil et l’angiographie à lafluorescéine (figure 4).

Le cancer du rein à cellules claires représentemaintenant une complication majeure de la maladiede VHL. Il s’observe chez un patient sur deux et estdevenu la principale cause de décès [5, 17]. Il estsouvent bilatéral et multicentrique et se révèle20 ans plus tôt que le cancer du rein sporadique.Histologiquement, il s’agit toujours d’un cancer àcellules claires mais l’aspect macroscopique en estvariable, tumeurs solides (comme pour les cancerssporadiques) ou tumeurs kystiques cloisonnées, àparois épaissies (figure 5). La majorité des tumeursrénales sont asymptomatiques et sont découverteslors des explorations radiologiques, trop souvent àun stade avancé. Des kystes rénaux bénins s’obser-vent également et leur possible transformation can-céreuse est encore discutée. Le diagnostic et lasurveillance des lésions rénales se fait au mieux parscanner ou IRM.

Le phéochromocytome touche de 10 à 25 % despatients et se voit essentiellement dans certainesfamilles (VHL type 2) [14]. Il révèle souvent la mala-die mais peut rester la seule manifestation de celle-ci.Le phéochromocytome est souvent bilatéral maisrarement malin. Il peut entraîner des palpitations, dessueurs, des céphalées, et de l’hypertension artérielleen relation avec la production de catécholamines. Lediagnostic des phéochromocytomes repose à la foissur le dosage des métanéphrines urinaires et sur lescanner ou l’IRM (hypersignal en T2 caractéristique)

FIG. 2. – Hémangioblastome radiculaire L3 chez unepatiente de 44 ans, déjà opérée à trois reprises d’hémangio-blastomes spinaux. (IRM T1 Gadolinium).

FIG. 2. – L3 nerve root hemangioblastoma in a 44-year-oldwoman who previously underwent three surgeries for spinalhemangioblastomas (Sagittal postcontrast T1-weighted MRI).

FIG. 3. – Tumeur du sac endolymphatique gauche chez unepatiente de 29 ans (flèche). (C : volumineux kyste en relationavec un hémangioblastome du cervelet). (IRM T1 Gadoli-nium).

FIG. 3. – Left endolymphatic sac tumor in a 29-year-oldwoman (arrow). (C: large cyst in relation with a cerebellarhemangioblatoma)(Axial postcontrast T1-weighted MRI).

FIG. 4. – Hémangioblastome rétinien chez une patiente de29 ans. Angiographie (cliché dû à la courtoisie du ProfesseurAlain Gaudric).

FIG. 4. – Retinal hemangioblastoma in a 29-year-old woman.Fluorescein angiography (courtesy of Prof. Alain Gaudric).

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(figure 6). La scintigraphie au Métaiodobenzylguani-dine (MIBG) est utile pour révéler d’éventuelles loca-lisations extrasurrénaliennes (paragangliomes).

L’atteinte pancréatique consiste le plus souventen kystes multiples ou cystadénomes séreuxbénins, s’accompagnant de calcifications, observéschez 70 % des patients et n’entraînant pratique-ment jamais de retentissement clinique (figure 5)[12]. L’échographie et le scanner sont les examensde choix pour leur diagnostic. Les tumeurs neu-roendocrines (TNE), souvent multifocales, sontprésentes chez 12 % des patients et présentent unréel potentiel malin (figure 7). Leur diagnostic sus-pecté sur l’imagerie de routine est affirmé parl’échoendoscopie et la scintigraphie à l’octréoïdemarqué.

Les cystadénomes papillaires de l’épididyme sur-viennent chez la moitié des hommes affectés par lamaladie de VHL et sont souvent bilatéraux [17]. Ilssont non spécifiques, généralement asymptomatiqueset décelés à l’examen clinique ou à l’échographie.Lorsque les kystes sont volumineux et bilatéraux, ilspeuvent occasionner une gène mécanique et être res-ponsable d’une baisse de la fertilité. Les cystadéno-mes du ligament large semblables histologiquementsont observés de manière très rare chez les patienteset le diagnostic en est fait par l’échographie et le scan-ner [17].

PROGRÈS GÉNÉTIQUES

Le gène VHL a été identifié en 1993 et des pro-grès majeurs ont été faits dans les cinq dernièresannées dans la compréhension de ses fonctions. Ilapparaît maintenant comme un gène essentiel auxfonctions multiples, dont le nombre total de gènescibles pourrait être de plusieurs centaines [16].

RÔLE DU GÈNE VHL DANS LA RÉPONSE TISSULAIRE À L’HYPOXIE

Le gène VHL est situé sur la partie distale du brascourt du chromosome 3 (3p25-26). Il est composé detrois exons codant une protéine de 213 acides aminés(pVHL) exprimée dans tous les tissus et localiséemajoritairement dans le cytosol. La pVHL fait partied’un complexe multiprotéique, comprenant égale-ment les élongines B et C et la culline 2, qui est impli-qué dans la dégradation des protéines cellulaires.

Une des caractéristiques des tumeurs associées à lamaladie de VHL est l’hypervascularisation qui résulteen grande partie de la surexpression du facteur decroissance vasculaire VEGF. Il fut d’abord montré

FIG. 5. – Multiples cancers infiltrant l’ensemble des deuxreins et kystes pancréatiques chez un patient de 40 ans. (Scan-ner après injection).

FIG. 5. – Bilateral multifocal renal cell carcinoma destroyingboth kidneys and pancreatic cysts in a 40-year-old patient.(Axial postcontrast CT scan).

FIG. 6. – Phéochromocytome surrénalien droit chez un patient de 68 ans (flèche). (CS : cystadénome séreux du pancréas). a) Scan-ner après injection b) Hypersignal en T2 en IRM.

FIG. 6. – Right adrenal pheochromocytoma in a 68-year-old patient (arrow). (CS: serous pancreatic cystadenoma). a) PostcontrastCT-scan. b). Axial T2-weighted MRI demonstrating typical hyperintensity.

a b

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que la pVHL régulait négativement le VEGF puisd’autres gènes inductibles par l’hypoxie commel’érythropoïètine (EPO), le platelet derivative growthfactor (PDGF-β ), le transforming growth factor α(TGF-α ), le transporteur du glucose Glut-1 et un grandnombre d’autres gènes aux fonctions variées [19].

Le mécanisme de cette fonction est maintenant engrande partie élucidé [16]. La pVHL régule le niveaud’expression du facteur de transcription inductiblepar l’hypoxie « HIF » (il en existe deux, « HIF-1 » et

« HIF-2 » qui seront regroupés sous le même termepar souci de simplification) en le ciblant pour sadégradation dans le protéasome, sous contrôle del’ubiquitine (figure 8). HIF joue un rôle critique dansla réponse tissulaire à l’hypoxie et est responsable del’activation de plus de 40 gènes cibles impliqués dansl’angiogénèse, le métabolisme ou l’apoptose. HIF estcomposé d’une sous-unité α cytosolique, rapidementdégradée dans le protéasome en normoxie grâce à lapVHL, et d’une sous-unité β nucléaire. En situationd’hypoxie, la sous-unité α est au contraire stabilisée etpasse dans le noyau où elle se conjugue à la sous-unitéβ . L’hétérodimère formé par les deux sous-unités sefixe ensuite sur des séquences d’ADN spécifiques desgènes cibles pour activer leur transcription.

La pVHL possède d’autres fonctions indépendan-tes du facteur HIF et le nombre de ses gènes cibless’accroît régulièrement. La pVHL est ainsi impliquéenotamment dans la régulation du cycle cellulaire, ladifférenciation et la polarité cellulaire, l’inhibition decontact des cellules cancéreuses et l’assemblage de lamatrice extracellulaire [16].

PHYSIOPATHOLOGIE DES TUMEURS DANS LA MALADIE DE VHL

Le gène VHL est un gène suppresseur de tumeur etle développement d’une tumeur nécessite donc l’inac-tivation successive des deux copies du gène. Lespatients porteurs de la maladie de VHL ont une muta-tion d’origine germinale dans toutes leurs cellules etune seule mutation somatique dans les tissus cibles estsuffisante pour le développement des tumeurs : celles-

FIG. 7. – Multiples tumeurs neuroendocrines du pancréaschez une patiente de 26 ans. La plus grosse (20 mm) est situéedans la queue du pancreas (flèche). (scanner après injection,au temps artériel).

FIG. 7. – Multiple neuroendocrine pancreatic tumors in a26-year-old woman with the largest tumor in the pancreatic tail(arrow). Postcontrast CT-scan arterial sequence.

FIG. 8. – Schéma simplifié du rôle de la pVHL dans la réponse tissulaire à l’hypoxie. En situation de normoxie, HIF- α se lie àla pVHL qui le cible pour dégradation dans le protéasome. En hypoxie, HIF-α est stabilisé et entraîne l’expression des gènesinductibles par l’hypoxie. EloC : élongine C ; EloB : élongine B ; Cul2 : culline 2.

FIG. 8. – Simplified diagram of the physiologic role of pVHL in oxygen-sensing pathway. In normoxia, HIF- α binds to pVHLand is targeted for degradation in proteasome. In hypoxia, stabilization of HIF-α leads to hypoxia-inducible genes transactivation.EloC: elongin C; EloB: elongin B; Cul2: cullin 2.

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ci sont en général multiples et apparaissent précoce-ment. Chez les patients qui présentent une tumeursporadique (non héréditaire), les deux mutations dugène VHL sont au contraire nécessairement soma-tiques : les tumeurs sont en général uniques et sur-viennent à un âge plus avancé. Les étapes de latumorogénése commencent à être comprises pour lesdeux tumeurs principales de la maladie de VHL.

Hémangioblastomes

Les études de microdissection laser ont montré queles cellules stromales étaient les véritables cellulestumorales et étaient responsables du développementsecondaire des vaisseaux sanguins. Très récemment, ila été suggéré que les cellules stromales dériveraientde précurseurs mésenchymateux angioformateursbloqués dans leur maturation comme en témoigneraitla présence de récepteurs à l’EPO [31]. L’inactivationdu gène VHL entraîne l’accumulation de HIF et lasurexpression de ses gènes cibles. Le VEGF stimule laprolifération des cellules endothéliales et le PDGF-βagit sur les péricytes, aboutissant au développementde néocapillaires sanguins. Comme le VEGF est éga-lement le facteur de perméabilité vasculaire, sa surex-pression expliquerait aussi la survenue des kystes. Laproduction anormale de l’EPO par les cellules stro-males est responsable de la polyglobulie secondairequi accompagne certains hémangioblastomes du cer-velet. Enfin, le TGF-α et son récepteur (EGF-R),sont également surexprimés par les cellules stromaleset suggèrent l’existence d’une boucle autocrine stimu-lant leur prolifération.

Kystes et cancers rénaux

Le problème est plus complexe car les patientspeuvent développer des kystes bénins, des kystes aty-

piques et de véritables cancers. Les cellules épithé-liales bordant les kystes bénins présentent déjà uneinactivation des deux copies du gène VHL et des alté-rations génétiques supplémentaires sont certainementrequises pour la transformation maligne, comme lelaissent présager les nombreux remaniements chro-mosomiques observés dans les cancers rénaux [16].Les cellules épithéliales rénales sont très sensibles auxeffets mitogènes du TGF-α dont la surexpressionexpliquerait le développement des kystes en conjonc-tion avec des anomalies dans l’assemblage de lamatrice extracellulaire. Après la transformation mali-gne des cellules, la production anormale de VEGF etPDGFβ serait responsable, comme pour les héman-gioblastomes, du développement important de la vas-cularisation.

MUTATIONS GERMINALESET CORRÉLATIONS GÉNOTYPE-PHÉNOTYPE

Les mutations germinales du gène VHL sontmaintenant identifiées chez près de 100 % despatients [17]. Plus de 160 mutations distinctes dans500 familles ont déjà été rapportées (cf. VHL database <http//www.umd.necker.fr>]. La majorité desmutations correspondent à des mutations ponctuel-les incluant des mutations faux-sens (entraînant unesubstitution d’acide aminé), des mutations non-sens(codon stop), des microinsertions ou des microdélé-tions aboutissant à la synthèse d’une protéine tron-quée [34]. Dans 30 % des cas, il s’agit de délétionsétendues du gène VHL, responsables d’une absencetotale de pVHL.

L’étude des corrélations génotype-phénotype aconfirmé la distinction clinique basée sur le phéochro-

TABLEAU II. – Corrélations génotype-phénotype.TABLE II. – Genotype-phenotype correlations in VHL disease.

Manifestation clinique Résultat de la mutation Conséquence fonctionnelle

Type 1 Hémangioblastome du SNC Protéine tronquée Surexpression de HIF et de ses gênes cibles

Hémangioblastome rétinien

Cancer rénal

Tumeurs/kystes pancréatiques

Type 2A Phéochromocytome Substitution d’acide aminé Surexpression de HIF et de ses gênes cibles

Hémangioblastome du SNC

Hémangioblastome rétinien

Type 2B Phéochromocytome Substitution d’acide aminé Surexpression de HIF et de ses gênes cibles

Hémangioblastome du SNC

Hémangioblastome rétinien

Cancer rénal

Tumeurs/kystes pancréatiques

Type 2C Phéochromocytome Substitution d’acide aminé Dégradation de HIF maintenue

Défaut d’assemblage de la matrice extra-cellulaire

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mocytome (tableau II). Dans le type 1 (risque minimede phéochromocytome), la majorité des mutationsaboutissent à la production d’une protéine tronquée.Dans le type 2 (risque élevé de phéochromocytome),la majorité des mutations correspondent à une substi-tution d’acide aminé (protéine de longueur normalemais non fonctionnelle). Le type 2B est associé à unrisque élevé de cancer rénal et de tumeur endocrinedu pancréas et les mutations responsables touchent larégion du contact entre la pVHL et l’élongine C avecun « hot-spot » au codon 167 [16, 34]. Le type 2A estassocié à un risque faible de cancer rénal et de tumeurpancréatique et est dû à un effet fondateur survenu enAllemagne au 16e siècle : la mutation touche le codon98 et empêcherait la fixation de HIF à la pVHL [3].Enfin, le type 2C est caractérisé par la survenue dephéochromocytomes isolés et la mutation la pluscaractéristique (codon 188) conserve la capacité dedégrader HIF, suggérant un autre mécanisme pour ledéveloppement tumoral [15].

Par ailleurs, l’existence de gènes modificateurs àl’origine de l’hétérogénéité phénotypique intrafa-miliale est suspectée mais demande à être précisée[33].

GÈNE VHL ET POLYGLOBULIES CONGÉNITALES

En 2002, il a été montré que la polyglobulie deChuvash, une affection autosomique récessive endé-mique dans une république de l’ex-URSS, était dueà une mutation spécifique du gène VHL au codon200, touchant les deux copies du gène [2]. Cetteaffection est associée à une élévation plasmatique del’EPO mais aucune manifestation tumorale n’ajamais été rapportée.

Des mutations germinales classiques du gèneVHL ont également été identifiées chez des patientsavec polyglobulie congénitale sporadique qui peutdonc constituer un nouveau mode de révélation dela maladie de VHL [25].

GÈNE VHL ET TUMEURS SPORADIQUES

L’inactivation du gène VHL (par mutation ouhyperméthylation du gène) est habituelle dans lescancers du rein à cellules claires sporadiques(jusqu’à 75 %) et les hémangioblastomes spora-diques (environ 40 %) [16, 28]. Dans le cancer rénal,des mutations spécifiques du gène VHL ont étédécrites chez les patients ayant présenté une exposi-tion professionnelle à forte dose au trichloréthylène.Des mutations somatiques ont également été misesen évidence dans les tumeurs du sac endolymphati-que sporadiques mais elles sont en revanche trèsrares dans les phéochromocytomes.

PRISE EN CHARGE CLINIQUE

La maladie de VHL est une affection qui peutêtre grave et menacer la vie des patients mais la plu-part des tumeurs sont accessibles à un traitement

efficace, sous réserve d’un diagnostic précoce etd’une prise en charge multidisciplinaire [17, 27, 28].

DIAGNOSTIC GÉNÉTIQUE DE LA MALADIE DE VHL

Le diagnostic devrait être facilement évoqué chezun patient porteur de manifestations cliniques typi-ques même en l’absence d’histoire familiale. L’expé-rience quotidienne montre que ce n’est pas toujoursle cas et que le diagnostic est fréquemment tardif. Lamise en évidence d’une mutation germinale du gèneVHL apparaît ainsi essentielle pour un diagnostic pré-coce et proposer ensuite un dépistage présymptoma-tique chez les personnes à risque de l’entouragefamilial. Conformément à la législation et aux règleséthiques, la mise en œuvre d’un test génétique néces-site une consultation spécialisée avec un généticien etle recueil du consentement éclairé avant toute analyse[9].

MUTATIONS GERMINALES CHEZ LES PATIENTS AVEC TUMEUR APPAREMMENT SPORADIQUE

Un problème crucial est de ne pas méconnaître unemaladie de VHL devant une tumeur apparemmentisolée. L’indication d’un test génétique apparaît ainsitrès souhaitable chez les patients présentant l’une destumeurs pouvant faire partie de la maladie de VHL[9, 24].

Les hémangioblastomes rétiniens sont quasi-pathognomoniques de la maladie de VHL et larecherche d’une maladie de VHL devrait être larègle dans tous les cas. Pour les autres tumeurs, letest génétique est recommandé en cas de révéla-tion précoce ou de lésions multiples. Ainsi 30 %de l’ensemble des patients avec hémangioblas-tome du SNC présentent une maladie de VHL etcette proportion atteint jusqu’à 58 % avant l’âgede 30 ans [27]. Les tumeurs du sac endolymphati-que sont associées dans 20 % des cas à une mala-die de VHL mais ce pourcentage est sans doutesous-estimé en l’absence d’étude génétique systé-matique. La fréquence des prédispositions hérédi-taires est de 24 % chez les patients porteurs dephéochromocytome et une mutation du gène VHLest en cause dans près de la moitié des cas, lesgènes RET (responsable de la néoplasie endocri-nienne multiple de type 2) et SDHD et SDHB (àl’origine des paragangliomes familiaux) étant res-ponsables des autres cas [21]. Enfin, pour le can-cer rénal à cellules claires (5 000 par an enFrance), la proportion de patients avec maladie deVHL est estimée à moins de 2 % [20].

DIAGNOSTIC PRÉSYMPTOMATIQUE CHEZ LES PERSONNES À RISQUE

Lorsque la mutation causale du gène VHL estidentifiée chez un patient, un diagnostic présymp-tomatique peut être proposé aux membres à ris-

164 S. RICHARD et al.

que de la famille [9, 17]. Le test génétique estactuellement proposé à partir de l’âge de 4 ou5 ans en France, aucune manifestation clinique dela maladie n’ayant été observée avant cet âge dansles familles suivies par le Groupe d’Étude Franco-phone de la maladie de VHL (GEFVHL). Ce testa transformé la prise en charge des familles enpermettant de proposer une surveillance cliniqueaux seuls porteurs d’un gène muté et de rassurerdéfinitivement les personnes indemnes.

SURVEILLANCE MÉDICALE

La surveillance régulière des patients et desapparentés porteurs de la mutation familiale estessentielle pour découvrir précocement les mani-festations cliniques de l’affection et éviter leurscomplications [9, 17, 28]. La prise en charge dans lecadre d’une consultation pluridisciplinaire spécia-lisée est vivement recommandée. Le rôle des asso-ciations de familles de patients (la « VHL FamilyAlliance » regroupe l’ensemble des groupes natio-naux <http//www.vhl.org>) est très précieux enpermettant aux patients d’avoir un soutien psy-chologique et de discuter avec d’autres patients deleur propre expérience. La surveillance clinique« standard » inclue en général une IRM du SNC,un scanner ou une IRM abdominale, un dosage desmétanéphrines urinaires et un examen ophtalmolo-gique dont la périodicité dépend de l’âge dupatient, du nombre et du type de manifestationsprésentes.

POSSIBILITÉS THÉRAPEUTIQUES ACTUELLES

Les hémangioblastomes du SNC nécessitentune intervention neurochirurgicale à un momentou à un autre chez la majorité des patients, sou-vent dans un contexte d’urgence [17, 27]. Lecaractère multiple des tumeurs et les possibleslocalisations inextirpables expliquent que leshémangioblastomres du SNC restent encore unecause importante de décès. L’embolisation préo-pératoire peut s’avérer utile dans certaines cir-constances pour éviter un saignement opératoireexcessif. La radiochirurgie stéréotaxique est appa-rue récemment comme une alternative possible àla chirurgie qui permettrait de contrôler la majo-rité des hémangioblastomes cérébelleux inférieursà 3 cm [4, 22]. Cette méthode permet aussi de trai-ter plusieurs lésions en une seule séance mais neprévient pas la formation éventuelle de kystes etdes interventions complémentaires peuvent êtrenécessaires.

Les tumeurs du sac endolymphatique sont trai-tées chirurgicalement et une intervention précoceest souhaitable pour éviter la perte de l’audition.Une embolisation préopératoire est parfois réaliséepour limiter le saignement de ces tumeurs particu-lièrement vascularisées mais l’exérèse complète detumeurs localement avancées s’avère rarement pos-sible [17].

Les hémangioblastomes rétiniens sont traitéspar photocoagulation laser pour les tumeurs depetite taille ou cryothérapie quand les lésions fontplus de 3 mm [7, 17]. Une chirurgie vitréo-réti-nienne est parfois nécessaire dans le cas de lésionsévoluées. Le traitement précoce n’évite pas tou-jours la baisse de la vision et l’énucléation estparfois inévitable en cas d’œil non fonctionneldouloureux.

Le cancer rénal représente actuellement le pro-blème le plus délicat en raison de la multiplicitéfréquente des tumeurs nécessitant des interventionsrépétées [17]. Chaque fois qu’elle est réalisable, lachirurgie conservatrice est recommandée et lestumeurs solides sont enlevées à partir d’une taille de3 cm ainsi que les kystes atypiques. Elle apparaîtcomme la meilleure solution pour préserver la fonc-tion rénale tout en minimisant le risque de dissémi-nation et les grandes équipes en ont maintenant uneexpérience de plus de 10 ans [13]. Dans le cas detumeurs avancées, la binéphrectomie est inévitablemais une transplantation rénale peut être discutéeaprès une période de deux ans sans métastase. Laradiofréquence (déjà utilisée avec succès pour letraitement des tumeurs hépatiques) est actuellementen cours de développement pour le traitement destumeurs rénales de petite taille et pourrait s’avérerd’un grand intérêt pour éviter ou retarder la chirur-gie classique seule ou en combinaison avec les futurstraitements médicaux [26]. Le traitement est bientoléré et les premiers résultats sont très encoura-geants mais le recul est encore trop court pour jugerde l’efficacité à long terme de cette nouvelle appro-che.

Les phéochromocytomes sont traités chirurgicale-ment, par coelioscopie quand les tumeurs ne sontpas trop volumineuses [14, 17]. Une surrénalectomiepartielle quand elle est possible est précieuse pourpréserver la fonction corticosurrénalienne et la qua-lité de vie.

Les TNE du pancréas nécessitent une exérèse chi-rurgicale lorsque leur taille dépasse 2 à 3 cm afind’éviter un envahissement locorégional et le risquede métastases à distance [12]. Les kystes ne justifientaucun geste chirurgical mais un drainage percutanéou la mise en place d’un stent biliaire est indiquéelors de compression mécanique.

La chirurgie est aussi indiquée pour les kystessymptomatiques de l’épididyme et les lésions volu-mineuses du ligament large [17].

PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES

Il n’y a pas actuellement de médicament permet-tant de prévenir le développement des tumeurs de lamaladie de VHL ni de les traiter. Des essais de trai-tement par l’interféron-2 alpha (en raison de sonaction antiangiogénique) ont été réalisés chez despatients avec hémangioblastomes du SNC et de larétine mais sans résultat évident [23].

L’élucidation du rôle de la pVHL dans la régula-tion de la réponse tissulaire à l’hypoxie a ouvert lavoie à l’utilisation de molécules bloquant le facteurHIF ou s’opposant à l’effet de ses principaux gènescibles qui pourraient représenter une nouvelle

MALADIE DE VON HIPPEL-LINDAU 165

approche pour la maladie de VHL mais aussi pourle traitement du cancer (figure 9).

Inhibiteurs des récepteurs tyrosine-kinase

Plusieurs drogues bloquant les récepteurs tyso-sine-kinase tels que le récepteur au VEGF, auPDGF-β et au TGF-α sont actuellement en coursd’évaluation en Cancérologie [8] (<www.cancer-trials.nci.nih.gov>). La possibilité d’utiliser ces médi-caments pour la maladie de VHL fut évoquée dès1998 mais seuls les résultats de deux études effec-tuées avec une même molécule, le SU5416 (SugenInc.), ont été jusqu’à présent rapportés. Le SU5416est un inhibiteur du VEGFR-2 (le récepteur auVEGF le plus important) et de c-Kit (récepteur dufacteur de croissance des cellules souches), initiale-ment testé avec des résultats prometteurs dans lescancers digestifs et ayant entraîné une rémission sta-ble chez un patient avec leucémie myéloïde aiguë.Les études cliniques menées indépendamment auxUSA et par notre Groupe ont mis en évidence uneaction bénéfique marquée sur la vision de deuxpatients avec hémangioblastomes rétiniens, avec uneréduction marquée de l’oedème associé aux tumeurs[1, 10]. En revanche, aucun effet direct n’a étéobservé sur la taille des hémangioblastomes réti-niens ni ceux du SNC [28].

Le SU5416 a été arrêté en raison de l’absenced’efficacité prouvée en phase 3 pour le cancer colo-rectal mais une nouvelle génération de médicaments

anti-récepteurs est en cours de développement. Cer-taines de ces drogues pourraient présenter un grandintérêt pour la maladie de VHL et notamment cellesqui agiraient à la fois sur les récepteurs aux troisprincipaux facteurs surexprimés lorsque le gèneVHL est inactivé (VEGF, PDGF-β et TGF-α(figure 9) [16, 28].

Médicaments agissant directement sur HIF

Le niveau du facteur HIF est régulé à la fois auniveau de la synthèse et de sa stabilisation. Indépen-damment des anomalies du gène VHL, HIF estsurexprimé dans de nombreuses autres tumeurs à lasuite d’altérations d’oncogènes tels que Ras, v-Src etAkt ou du gène suppresseur de tumeur PTEN [30].Le développement de molécules inhibant l’activitéde HIF serait donc d’un intérêt capital pour la mala-die de VHL mais aussi pour le traitement du canceren général (figure 9) et l’association à des médica-ments antiangiogéniques serait sans doute particuliè-rement efficace. Il n’y a pas actuellement demolécules spécifiques disponibles mais de nombreu-ses études sont en cours afin d’identifier des inhibi-teurs sélectifs de HIF.

Bien que cela sorte du cadre de cet article, la sta-bilisation de HIF, à l’inverse de l’effet recherché encancérologie, apparaît comme une voie prometteusedans le traitement des affections ischémiques(infarctus du myocarde, accidents vasculaires céré-braux…) [16].

FIG. 9. – Perspectives thérapeutiques. Quand le gène VHL est inactivé, l’accumulation de HIF-α entraîne une surexpression deVEGF, PDGF-β et TGF-α (et d’autres gènes inductibles par l’hypoxie). Le VEGF entraîne la prolifération des cellules endothé-liales et le PDGF-β est responsable du recrutement des péricytes. TGF-α induirait la prolifération des cellules stromales deshémangioblastomes et des cellules épithéliales rénales. Les cibles thérapeutiques potentielles sont les récepteurs tyrosine kinase(1) et/ou HIF lui-même (2).

FIG. 9. – Therapeutic perspectives. When VHL is inactivated, accumulation of HIF-α lead to overexpression of VEGF, PDGF-βand TGF-α (and other hypoxia-inducible genes). VEGF is responsible for proliferation of endothelial cells and PDGF- β for recruit-ment of pericytes whereas TGF-α could induce proliferation of stromal cells in hemangioblastomas and epithelial tubule cells inrenal lesions. Potential targets of drugs are receptors tyrosine kinase (1) and/or HIF itself (2).

166 S. RICHARD et al.

POSSIBILITÉS FUTURES DE THÉRAPIE GÉNIQUE ?

Plusieurs travaux ont montré que la restaurationde la fonction de la pVHL dans des lignées de can-cer rénal ayant perdu les deux copies du gène VHLétait suffisante pour arrêter la capacité à formerdes tumeurs chez la souris nude et pour corriger lasurexpression des gènes cibles de HIF [16]. Plusrécemment, l’introduction d’une courte séquencespécifique de la pVHL, via un vecteur rétroviral, apu inhiber la croissance et l’invasion tumorale chezla souris nude [6]. En dépit de ces résultats pro-metteurs, les limitations techniques sont encoretrop importantes. Le principal problème estl’absence de modèle animal permettant d’effectuerdes essais de thérapie génique. Les souris chez quiune délétion des deux gènes VHL est effectuéemeurent in utero prématurément en raison d’undéfaut de vascularisation du placenta. En revan-che, l’inactivation conditionnelle du gène VHLchez la souris entraîne le développement d’héman-giomes caverneux du foie avec des cellules richesen lipides qui ressemblent histologiquement auxcellules stromales des hémangioblastomes maisaucune des manifestations de la maladie humaine[11]. Ainsi, si la thérapie génique représente tou-jours le but ultime des recherches, elle ne semblepas applicable cliniquement dans un délai prévi-sible.

REMERCIEMENTS : Nous tenons à remercier l’ensembledes membres du GEFVHL pour leur aide et particu-lièrement le Professeur Gérard Benoît, le ProfesseurSerge Bobin, le Docteur Jean Michel Corréas, leProfesseur Alain Gaudric, le Docteur Sophie Giraudet le Docteur Pascal Hammel.

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