l’ouvrage poststructuraliste de michel foucault
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ORLANDO VICENTE LIZALDES ESPINOSA
Universidad Nacional de Loja
Instituto de Idiomas
L’ouvrage poststructuraliste de Michel Foucault
INTRODUCTION
Spontanéité bouleversante face à la façon d’exprimer le concept de la problématique du
sexe et du pouvoir dans la société occidentale. C’est la manière de formuler une notion
généralisée de Michel Foucault, historien et philosophe français, qui démarre l’agiotage de la
doctrine de l’explosion discursive. Cette nouvelle pensée logique a été très mal perçue dans la
société conservatrice et politiquement autoritaire au milieu du dernier siècle.
C’est Foucault qui a commencé l’éloignement accéléré de l’ankylose philosophique
française des années 50, qui a conservé très profondément l’emblème marxiste à cette époque.
Il donne, d’une manière épistémologiquement révolutionnaire, des nouvelles découvertes d’un
des sujets les plus difficiles à parler : le sexe, et, anarchiquement contraire à l’absolutisme
social, il suggère dans ses écrits un précepte de rapports de pouvoir non marxiste.
Quand Foucault a déclenché cette chaîne d’oeuvres socialement polyvalentes à la fin
des années 60, personne n’était intéressé en Europe à propos de ce sujet, alors que les nord-
américains interpellaient déjà quelques curieux. Il ne contredit pas l’épuration discrète pour
tomber dans le vulgarisme, puisqu’il s’accroche fortement à l’évolution de la pastorale
catholique, comme une technique (la plus valorisée selon lui), pour produire la vérité en se
focalisant sur des mécanismes langagiers.
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Foucault a posé les hypothèses de travail, dessiné le plan, défini la méthodologie
d’oeuvres à venir. Il s’inquiète profondément sur le système pénitencier et sur l’organisation
de milieux hospitaliers et carcéraux, plus remarquablement, il se met dans les corridors noirs
pénitentiaires pour essayer de trouver des solutions. Il se tracasse principalement, sur la
science du sexe « Scientia Sexualis » qui débouchera toutefois sur une analytique du pouvoir.
Il a défriché un secteur de l’histoire de la vérité sous une encoignure prodigieusement neuve.
Considéré comme le parrain du New Historicism, il a élaboré son projet postmarxiste, appuyé
dans les dénonciations sociales du pouvoir, laissant clairement expliquer son éloignement de
l’existentialisme absolu et intellectuel total incarné par Jean-Paul Sartre.
Dans une systématisation philosophique de l’oeuvre de Michel Foucault, on arrive
toujours à la signification véritable de cette rébellion discursive : « L’épistémè ».
L’épistémè, c’est l’Acide Désoxyribonucléique de son ouvrage, qui représente le grand
nombre de dispositifs discursifs de toutes les pratiques sociales, et qui dévoile l’antagonisme
structural entre langue et parole. L’épistémè nous amène à abandonner le concept de
structures et à adopter celui de la tactique qui nous apprend à être des sujets influencés par des
pratiques et des discours.
L’une des pensées majeures dans le discours instructif de Michel Foucault, c’est L’a
priori historique, où il joue un rôle dominant. Il prend son importance pas uniquement dans
l’arrangement de l’ensemble des sédiments empirico - historiques (positivités selon Foucault)
dans une période attribuée, mais dans les écrits mêmes de l’auteur, qui ne cesse de se référer
à cet artifice rétrospectif qui rend possible le champ du savoir et qui l’organise. Il utilise ses
concepts dans son premier livre qu’il a publié en 1954, Maladie Mentale et Psychologie. Il en
va de même en ce qui concerne son livre monumental Histoire de la folie à l’âge classique,
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publié en 1961 et son livre intitulé Naissance de la clinique. Et dans son opus magnum, Les
Mots et les choses, on trouve une archéologie des sciences humaines où on trouve une
définition de l’a priori historique comme une glèbe d’organisation pour un savoir possible.
Son ouvrage L’archéologie du savoir (1969) qui a été publié à la suite d’une série
d’interrogations que les ouvrages précédents avaient laissé sans résolution, à savoir la notion
du discours et de l’énoncé, la pratique et la formation discursives, la science et le savoir,
l’archéologie et l’histoire des idées, inclut un sous-chapitre intitulé : l’a priori historique et
l’archive. Il psychanalyse d’une manière approfondie la notion d’a priori historique comme
un espace d’émergence et d’organisation pour les énoncés qui se juxtaposent, et se
transforment dans un champ associé que Foucault appelle l’archive.
Néanmoins, une explication de l’a priori historique n’est pas possible sans d’autres
notions comme la positivité, de l’épistémè, de l’archive, du discours et de l’énoncé qui la
complètent. Il a ce qui le délimite du dehors (positivité, épistémè,..), mais il a aussi ce qui le
déborde du dedans (discours, énoncé, archive,..). S’il est défini comme l’ensemble des règles
qui caractérisent une pratique discursive, s’il est délimité comme condition de réalité pour les
énoncés, et s’il est déterminé enfin comme ce qui se rapporte à un système de positivités, on a
là donc tout un réseau de notions compliquées et interpénétrées, dont il faut savoir la structure
et la fonction des règles auxquelles obéissent l’ensemble des pratiques discursives
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CHAPITRE 1
Foucault. Prémisse Biographique
1.1. Background Personnel
Paul-Michel Foucault est née à Potiers en 1926 dans le milieu d’une famille
bourgeoise de province. Il a grandi avec la tutelle de sa mère jusqu’au la naissance de
son frère Denys, qui diminuera le contact direct avec sa génitrice. Son père, Paul
Foucault, a été un chirurgien célèbre qui avait des grands espoirs pour que son fils aîné
suive les traces de la médecine. Michel lui, étant très jeune, il a été rapidement attiré
par l'histoire.
Pendant sa jeunesse son éducation est un panachage de succès et de résultats
médiocres, jusqu'à son entrée à la Société des Jésuites, au collège Saint Stanislas où
bientôt il excelle. Après la guerre et l'occupation allemande, Foucault échoue une
première fois au concours d'entrée à l'École normale supérieure (ENS), rue d'Ulm à
Paris, et entre en khâgne au lycée Henri-IV. Il est finalement reçu à l'ENS en 1946.
Comme Normalien, il rencontre Louis Althusser avec qu’il découvre la pensée de
Marx, Nietzsche et Heidegger. Louis le prépare à l’agrégation et influe sur son
adhésion au parti communiste.
L’autre rencontre décisive fut celle de George Dumézil (qui avait dans son
adolescence été proche de Charles Maurras et de l’action française) et qui propose au
jeune Normalien un poste de lecteur à l’université d’Uppsala (Suède). Ces deux
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amitiés montrent que Michel Foucault s’est formé au contact d’écoles philosophiques
diamétralement opposées mais ces deux rencontres furent aussi deux expériences de
la marginalité : la lisière trouble de la folie (Louis Althusser devait être interné) et
l’homosexualité. Ce double vécu sensibilisa Michel Foucault à toutes les formes
d’exclusion. Il voulut être « l’historien du présent » et rendre ainsi appréciables les
articulations du savoir et du pouvoir qui débouchent sur des effets répressifs. De là,
ses engagements à la fois théoriques et pratiques.
La vie quotidienne de Michel Foucault à l’École normale est pénible et
mouvementée ; il souffre de dépression tragique, marquée par deux tentatives de
suicide en 1948 et 1950. On assume préalablement que c’est le moment où il
abandonna et laisse tomber aux oubliettes le « Paul » de son nom pour des raisons qui
demeurent toujours inconnues. C’est dans cette période là qu’il connaît son premier
psychiatre, le Dr. Gaillot, pendant une courte période, mais dans laquelle il restera
fasciné pour la psychologie. Ainsi, en plus de sa licence en philosophie à La Sorbonne,
il obtient une licence en psychologie, dont la chaire venait tout juste d'être créée. Il
participe alors très vite à la branche clinique de cette discipline où il est amené à
côtoyer différentes personnalités, dont le psychiatre suisse Ludwig Binswanger et
collabore à des mouvements comme l’antipsychiatrie et le Groupe Information sur les
Prisons.
Comme des nombreux autres normaliens de cette époque, Foucault adhère au
Parti Communiste Français pendant une très courte période, de 1950 à 1953, due à
l’influence d’Althusser. Cohérente, il quitte le parti sur la base des informations qui
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commençaient à filtrer sur la situation réelle et sur le Goulag1 en Union Soviétique
sous la dictature de Staline. En 1951, il est reçu à l'agrégation de philosophie, après
avoir essuyé un échec l'année précédente.
1.2. Rhizome Foucaldienne
A l’âge de 27 ans et en occupant un emploi de répétiteur à l’École normale,
Foucault accepte au même temps d’y être assistant à l’Université de Lille, où il
enseigne pendant un an la psychologie liée au compositeur Jean Barraqué. C’est en
donnant ce cours qu’il commence à répondre au questionnaire donné par Althusser
concernant la personnalité humaine. Il écrit alors son premier essai débutant intitulé
Maladie mentale et personnalité.
Déçu par les commentaires de son mentor et après certaines semaines de
chagrin pour l’édition de ce premier transcrit « errata », il devient rapidement
vraisemblable qu’il n’est pas intéressé par une carrière d’enseignant ; il reprendra vite
alors la proposition de George Dumézil pour aller en Suède, à l’Université d’Uppsala
en tant que conseiller culturel et lecteur, où il reste quatre ans. Il devint son ami, et peu
après, son nouveau mentor.
Michel Foucault est en général connu pour ses critères des institutions sociales,
plus consciemment pour la psychiatrie et la médecine, le système carcéral, l’image de
la mort de l’homme, l’idée de subjectivation, et pour ses idées et développements sur
1 Le Goulag. Direction Principale des Camps de travail ; était l’organisme gérant les camps de
travail forcé en Union Soviétique.
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l’histoire de la sexualité. Sa pensé a déclenché l’ouverture des portes des théories
générales concernant le pouvoir et la juxtaposition complexe avec la connaissance ;
aussi bien que pour ses apports protagonistes de la nouvelle histoire sociale imbriqués
à une critique politiquement antagoniste.
Après son expérience en Suède, Foucault admet être le responsable d’une
démarche sociale en Pologne vers fin 1958. Il y est chargé de la réouverture du Centre
de Civilisation Française à Varsovie, où il a eu beaucoup de temps pour réfléchir sur
ses prochains projets. Malheureusement pour lui et ses proches, la police l’a inquiété
et a exigé qu’il quitte le pays, suite à ses travaux et ses fréquentations.
A son retour en France en 1960, Foucault se mit à élaborer sa thèse pour tâcher
d’occuper un poste philosophique à l’Université de Clermont-Ferrand, et il réussit. Un
an après, il obtient son doctorat en soutenant deux thèses : Kant, Anthropologie
rapportée par Jean Hyppolite d’un côté, et Folie et Déraison. Histoire de la Folie à
l’âge classique rapportée par G. Canguilhem et D. Lagache. C’est ce deuxième travail
qui est très bien accueilli, faisant du Foucault un écrivain très prolifique sur sa lancée.
En 1963, il publia Naissance de la clinique : une archéologie du savoir médical
ainsi qu’une réédition de son premier livre sous un nouveau titre : Maladie mentale et
psychologie. Durant la même année, il entra au premier conseil de rédaction de la
revue « Critique » auprès de Jean Piel avec Roland Barthes et Michel Deguy.
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1.3. Vision Non Marxiste
Quand Foucault a commencé à connaître les barbarismes qui se passent avec
les gens dans les prisons et les camps de travail, –sans que personne ne dise ou ne
fasse rien - il a lâché les réunions et les prédilections pour tout ce qui s’attache aux
pratiques communistes. Il a exprimé se mécontentement neo-marxiste en disant que les
communistes étaient très attentifs à cacher tout ce qui se passait dans le Gulag et
camps de détention de l’ex U.R.S.S et les internements psychiatriques dans toute
l’Europe et ailleurs.
« Dans le régime soviétique –qu’il s’agisse d’une ‘dictature du prolétariat’ où
de ‘l’état du people tout entier’, demandez à Marchais-, la distinction du ‘politique’ et
de du ‘droit commun’ doit s’effacer, c’est vrais. Mais au profit, me semble-t-il, du
politique…. Je comprendrais les Soviétiques s’ils disaient : ‘Il n’y a plus un seul délit
qui ne soit politique. Le droit, de commun qu’il était, est devenu entièrement
politique’. Au ministre soviétique il faut répondre d’abord : ‘Vous êtes un menteur ;
vous savez que vous avez des prisonniers politiques’ ; et d’ajouter aussitôt : ‘et,
d’ailleurs, comment, après soixante ans de socialisme, avez-vous encore une pénalité
de droit commun ? » (‘Le nouvel Observateur’ : Un Entretien avec K.S. Karol. Lundi
26 janvier, 1976. (Pages 34 - 37)
En abusant de leur autorité contre les êtres humains enfermés et transportés
comme des bêtes, le cynisme fonctionnant, c’était l’élément pivotant de cette censure.
Plates-formes, barbelés, chiens policiers, faisceaux de lumières, sentinelles dans la
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nuit sont des images classiques de l’univers carcéral. Pour Foucault, ils ne pouvaient
rien cacher, tout était avéré.
Dans ce milieu discordant et agaçant, émerge la théorie qui considère que la
subjectivité2 est un produit du discours et des dispositifs de pouvoir. Ce qui éloigne
Foucault du Marxisme classique, c’est sa position négative pour les hypothèses qui
postulent l’existence des structures transcendantes aux réalités sociales.
En 1966 il publie Les Mots et les Choses, qui connaît immédiatement un
immense succès dû à l’enthousiasme structuraliste de l’époque et à son paroxysme
émancipateur. Une quantité assez importante des débats, échanges et interviews
impliquant Foucault, se font alors les échos de l’opposition entre l’humanisme et son
affranchissement par l’étude de systèmes et de leurs structures. Nonobstant, Foucault
s’écarte bien vite de cette étiquette affiliative de structuraliste. Lors, il a été considéré
comme un historien qui analyse proprement l’histoire des sciences humaines sur la
base de mécanismes langagiers. Malgré ça, et dû à son perceptible désaccord pour
Saussure, Lévi-Strauss et pour l‘école de Prague, il a été nommé comme un promoteur
poststructuraliste.
Il faut noter que cette année 1966 est celle d’une effervescence sans pareille
dans les sciences humaines : Lacan, Lévi-Strauss, Benveniste, Genette, Greimas,
Doubrovsky, Todorov et Barthes publient certains de leurs ouvrages les plus
importants.
2 Caractère de ce qui appartient à un sujet. Au sens ordinaire, couvre l'ensemble des particularités psychologiques
n'appartenant qu'à un sujet. Plus philosophiquement, est synonyme de vie consciente, telle que le sujet peut la saisir en lui, et
où il cerne sa singularité.
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Foucault se trouve après un certain temps en Tunis pendant les événements de
mai 1968, où il est très profondément ému par la révolte des étudiants tunisiens, la
même année. À l'automne 1968 il revient en France où il publie L'Archéologie du
savoir, une réponse à ses critiques.
1.4. Vortex3 Néo-marxiste et déclin philosophique
Le vortex Foucaldienne se va faire sentir plutôt ailleurs que dans les espaces
européens après la suite des événements de la fin des années 60 jusqu’à aujourd’hui
(consciemment aux Etats-Unis, où il gagnera les adeptes historiens de la nouvelle
génération des années 80-90).
Ultérieurement aux événements de 1968, Foucault a été appelé par le
gouvernement pour pendre direction du département de philosophie d’une université
expérimentale à Vincennes. Un peu plus de temps après, le retrait de son accréditation
au département par le Ministère de l’Education émerge à cause du radicalisme interne.
En 1970, et après plusieurs représailles dans les bâtiments administratifs du
campus à Vincennes, Foucault est élu au Collège de France -l’institution la plus
prestigieuse du corps académique- comme professeur d’Histoire des Systèmes de
pensées où il édifie L’Ordre du discours, qui paraît un an plus tard. Il fonde Le Groupe
d’Information sur les Prisons (GIP) vers la fin de cette même année et après multiples
déclarations et recherches, la presse journalière et les radios sont autorisées dans les
3 Un vortex est une interprétation picturale spiroïde humaine tendant à montrer une description de l'infini.
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prisons. Deux ans plus tard (1972) il crée avec Serge Livrozet le Comité d’Actions des
prisonniers (CAP).
L’étude des structures des micro-pouvoirs qui se développent dans les sociétés
occidentales est développée dans son livre Surveiller et Punir, qui paraît en 1975.
C’est un étude approfondie et émouvant (si on le veut) sur les prisons et les écoles,
image panoptique (le panopticon de Bentham) qui se basse dans le principe
d’enfermement. Ces considérables apparitions aux palestres et débats au sujet de la loi
de la pudeur fait agrandir son activisme politique.
En 1977, pendant que le Parlement français dialogue sur la réforme du code
pénal, il a signé une pétition demandant l’abrogation de certains articles pour
dépénaliser toutes les relations consenties entre adultes et mineurs en dessus de quinze
ans, parce que c’était un acte de création d’un individu dangereux pour la société.
Un nouveau groupe de philosophes apparaît sur scène à la fin des années 70.
Ils sont tous déçus du militantisme politique de gauche. C’est durant cette période de
transition que Michel Foucault se met à l’écriture d’un projet de L’Histoire de la
Sexualité dont il publiera trois volumes au lieu des six initialement prévus.
Il voyage de plus en plus : aux Etats-Unis à Sunny Buffalo, plus précisément à
l’Université de Berkeley où ses conférences ont un succès imprévisible. En
conséquence, il est le point de départ pour les théoriciens qui s’intéressent dans les
spectraux limitées de l’organisation de pouvoir qui tâchent de réguler les idées
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Foucaldiennes pour arriver aux explorations théoriques de la domination et la
résistance.
Il se rend à Téhéran (après la massacre de la place Jaleh) pour rédiger plusieurs
articles polémiques sur la révolution iranienne. Il arrive au Japon avec un vaste intérêt
sur les limites de la rationalité occidentale. Depuis 1970 à avril 1984, il poursuit ses
activités pédagogiques au Collège de France, étudiant les principes de
gouvernamentalité et la biopolitique, sur Le gouvernement de soi et les autres et sur la
parrhésia. Il publie pendant ce temps Moi Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma
sœur et mon frère, 1973 ; Herculine Barbin dite Alexina B., 1978 ; Le Désordre des
familles, Lettres de cachet des archives de la Bastille au XVIIIe (en collaboration avec
Arlette Farge), 1982 ; Les Anormaux (cours prononcé au Collège de France en 1975),
Il faut défendre la société (cours prononcé au Collège de France en 1976), ;
L'Herméneutique du sujet (cours prononcé au Collège de France en 1982).
Il est hospitalisé à Paris début juin 1984, et décède le 25, d'une maladie
opportuniste liée au virus VIH.
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CHAPITRE 2
Conceptualisation Poststructuraliste et vision de Pouvoir
2.1 Définition poststructuraliste
« Ne me demandez pas qui je suis et ne me dites pas de rester le même »
Il y a un problème très difficile de nos jours, c’est de donner une définition
exacte au terme Poststructuralisme. Effectivement, considérant en première ligne les
témoignages intellectuels du psychanalyste Jacques Lacan, du sémiologue Roland
Barthes ou du philosophe et anthropologue Claude Lévi-Strauss (considérés comme
des pionniers dans le domaine de la ‘méthodologie structuraliste’), on a du mal à
positionner le moment de départ de cette ramure des théoriciens, qui, intéressés
d’abord par les Américains, sont devenus des symboles structuralistes de l’époque.
Analysant aussi les fondements classiques de Jacques Derrida (qui a été un des
premiers en démarquant certaines limitantes théoriques du structuralisme), de Jean-
François Lyotard (qui aborde le savoir d'un point de vue épistémologique, élaborant
son propos à l'aide du vocabulaire de la phénoménologie), de Jean Boudrilliard (qui
pense simultanément dans une relation réciproque des systèmes de signification et
d'interprétation), et plus précisément de Michel Foucault (il se réclame de Bachelard,
Canguilhem et Guéroult, l'influence majeure est celle de Nietzsche et Heidegger) qui
passent d’une analyse philosophique à historique, dans laquelle, et d’après eux, nous
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avons le fondement de la connaissance et les mécanismes du pouvoir, biens pour
enquérir et manipuler, ou pour réprimer et produire quelque chose.
Le mot ‘poststructuralisme’, c’est donc un accord employé dans la
conceptualisation de la critique d’une perspective anarchiste, libertaire et égalitariste,
qui concerne une branche de théoriciens apparue à la fin des années 60. Ils avaient
comme dogme et conviction, croire et exprimer l’idée que la culture de sociétés
humaines constitue un phénomène langagier, ils laissaient entrevoir soit un
scepticisme, soit un optimisme libertaire dans un discours guidé par des signifiants, et
qui avait comme embasement l’intertextualité sémiotique.
Il y a deux raisons pour comprendre cet événement. Premièrement, les livres de
Foucault ne se présentent pas comme des ouvrages délibérément spéculatifs, mais
plus modestement comme un long commentaire de textes, un voyage dans une
bibliothèque close où se trouve rassemblé tout ce qui reste du discours qu’une société
a produit sur elle-même.
Deuxièmement, Jacques Derrida, dans sa « Lettre à un ami Japonais », refuse
toutes les explications, qui en principe, amènent à la découverte de la vérité absolue où
les faits concernent le monde. Paul Harrison dans ses « Théories post-
structuralistes » dit que simplement très peu de gens ont accepté volontiers de se
laisser étiqueter comme des « poststructuralistes ». Ils sont plutôt acceptés d’être
nommés ainsi par les autres. Malgré tout, personne n’a rien fait pour construire un
'manifesto' poststructuraliste jusqu'à aujourd’hui.
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2.2 A propos du pouvoir productif
Il y a aussi une autre branche des penseurs –critiqueurs à propos du même
sujet, qui manifestent de leur façon : ils estiment que les poststructuralistes sont (les
uns plus consciemment que les autres) également postmodernistes pour la
ressemblance existante par rapport au projet politique structuraliste basé en la
diversité, l’hétérogénéité et le multiculturalisme. Etonnant au pas, aucun membre de ce
groupe susnommé n’a manifesté son mécontentement pour cette désignation ; en plus,
d’une manière directe ou consciente, ils ne se sont pas identifiés comme des
modernistes non plus.
C’est dans cette controverse que les arguments entre ceux qui acceptent d’y
être supporters poststructuralistes aujourd’hui, sont si stridents comme leur objection
pour le structuralisme.
De ce fait, et contrairement à la théorie postmoderniste de ‘paires minimales’
dans laquelle Hassan conclut en disant que le modernisme est essentiellement une
esthétique de la transcendance, il n’y a nulle part une étude de cette ‘science du savoir’
rédigée et considérée comme le statut pluraliste qui peut servir au même temps de
plateforme poststructuraliste. Cependant, Foucault n’a pas invité tous ses lecteurs à
utiliser leur propre système d’analyse du pouvoir parce que, lui, s’interroge d’abord
explicitement sur l’épistémologie de l’histoire et tente de déterminer plus
spécifiquement comment le devenir d’un savoir doit être décrit.
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Foucault a manifesté que dans une société comme la nôtre il y a toute sorte de
relations du pouvoir qui permutent, caractérisent et constituent le corps social. Toutes
ces relations du pouvoir ne se sont pas établies, consolidées ou fixées elles-mêmes
sans la production, l’accumulation, la circulation et le fonctionnent d’un discours.
Lorsqu’on applique les idées poststructuralistes de Foucault, chacun devient
incrédule par rapport à la vérité, parce qu’il explique que la compréhension humaine
existe dans le discours, ce qu’il appelle une ‘économie de discours’. Ce discours peut
être aussi un obstacle pour ceux qui ont le pouvoir, mais Foucault souligne la structure
du pouvoir dans le discours.
Dans la problématique qu’entame la question de discours, l’image foucaldienne
ni soutient ni n’enlève plus le pouvoir. Lui se montre persuadé face à la complexité de
concepts et au procès vulnérable dans lequel le discours peut être soit l’instrument, soit
l’effet du pouvoir, mais aussi l’épreuve, la pierre d’achoppement, le point de résistance
et le point de départ pour une stratégie antinomique. Pour Foucault, le discours
fabrique et transmet le pouvoir, le renforce, l’entame, l’expose, le rend fragile mais le
détruit au même temps.
Les hypothèses du pouvoir de Foucault amènent à notre attention le fait que
dans un terrain d’une connaissance spécialisée, toutes nos actions sont gouvernées par
des constituants de structures puissantes. Il considère toutes les connaissances comme
‘arbitraires’, -notions de vérité inclues- subséquemment, les connaissances
représentent le seul moyen de garder les structures du pouvoir solides et en
fonctionnement. En plus, le pouvoir moderne, manipulé à partir d’un niveau plus haut,
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distribue des pratiques dans une norme évidemment plus haute et d’une manière
beaucoup plus localisée et spécifique ; il est donc ‘productif’. Si un anarchiste
apparaît, c’est parce qu’il croit principalement dans une société libre de domination.
Cette domination, c’est le résultat ‘négatif’ du pouvoir. Cependant, Foucault établit
dans ses œuvres que le pouvoir ne doit pas être négatif s’il ne conduit pas à la
domination. L’affaire du pouvoir moderne, c’est l’administration du corps et le respect
calculés de la vie ; néanmoins, la vérité est toujours l’instrument du pouvoir dans nos
vies.
Foucault insiste dans nombreuses occasions qu’il n’a jamais affirmé que ‘vérité
et pouvoir’ soient la même chose. Evidemment il a été très intéressé en la relation
complexe entre les deux, argumentant que si un terme n’est pas également exclusif de
l’autre, ça ne veut pas dire que ces deux éléments établissent un seul constituant.
2.3 La micro pouvoir
Le raisonnement foucaldienne a comme point de départ l’objection de l'idée
que le pouvoir serait une substance. Il est, selon lui, impossible de déterminer une
source unique de pouvoir homogène qui dominerait l'ensemble de la société, comme le
propose la théorie marxiste. Après lui, au lieu de s'interroger sur le pouvoir, il convient
donc d'analyser les pratiques disciplinaires, c'est-à-dire le pouvoir en tant qu'exercice
ou stratégie.
Il oppose ainsi à une métaphysique du pouvoir généralement dressée par les
philosophes modernes, il est donc pas de tout accord avec ça : « Or l'étude de cette
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microphysique suppose que le pouvoir qui s'y exerce ne soit pas conçu comme une
propriété, mais comme une stratégie, que ses effets de domination ne soient pas
attribués à une ‘appropriation’ mais à des dispositions, à des manœuvres, à des
tactiques, à des techniques, à des fonctionnements ; qu'on déchiffre en lui plutôt un
réseau de relations toujours en activité, plutôt qu'un privilège qu'on pourrait détenir
(...). Il faut en somme admettre que ce pouvoir s'exerce plutôt qu'il ne se possède, qu'il
n'est pas le "privilège" acquis ou conservé de la classe dominante, mais l'effet
d'ensemble de ses positions stratégiques » (Volonté de savoir. P. 35).
Foucault défend toujours l’idée que le pouvoir doit être considéré comme
l’instrument de régulation de la conduite des individus ; il se met à comparer les
conceptions de pouvoir du marxisme, mais à les critiquer, aussi bien que les idées
psychanalystes et structuralistes de Lévi-Strauss. Foucault se mit dans une guerre
idéologique contre Michel Crozier au début des années soixante, qui soutient dans Le
Phénomène bureaucratique (1964) que le pouvoir ne doit pas être analysé tant au
niveau de la règle juridique que de son application qui laisse à l'acteur une large liberté
de manœuvre.
La pensé foucaldienne propose, par contre, une nouvelle modalité du pouvoir
dans le domaine du vivant où il s'agit moins de ‘faire mourir’ et ‘laisser vivre’, comme
c'était le cas auparavant dans le modèle de la souveraineté, que de ‘faire vivre et laisser
mourir’ (voir 2.4 Biopouvoir) Au-delà de cette affirmation, pour Foucault, on doit être
capable d’observer cette modalité du pouvoir tout à fait antagonique a celle existant au
temps de la souveraineté, qui a servit notamment dans le domaine de la science
politique contemporaine.
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Egalement, on ne doit pas se servir du pouvoir pour réprimer une inclination
sexuelle (quelle qu’elle soit), comprise au sein d’un dispositif d’attaque. Pour
Foucault, la façon du déroulement de ce pouvoir régulateur de conduites, est de l’ordre
de la règle des conduites de gouverner, c’est modeler le champ d’action des autres. Un
tel pouvoir n'a plus pour modèle le partage du permis et de l'interdit qu'effectue la loi,
mais la ‘norme’ qui sépare les conduites entre normal et anormal.
Le Micro-pouvoir foucaldien c’est l’idée de produire quelque chose dans un
discours qui permet le contrôle de ce qui est ou non dans la norme avec l’usage
d’instrument simples : la discipline par exemple. « La discipline ‘fabrique’ des
individus ; elle est la technique spécifique d’un pouvoir qui se donne les individus à la
fois pour objets et pour instruments de son exercice. C’est ne pas un pouvoir
triomphant qui à partir de son propre excès peut se fier à sa surpuissance ; c’est un
pouvoir modeste, soupçonneux, qui fonctionne sur le mode d’une économie calculée,
mais permanente ». (Surveiller et punir, page 200)
2.4 Le Biopouvoir
Depuis des milliers d’années que l’homme se pose les mêmes questions :
quand la vie a-t-elle réellement commencé ? C’était une explosion ou une création
miraculeuse ? Quelle est l’origine du langage ? … Siècles de recherche et milliers des
neurones ne peuvent pas répondre à ce que tout le monde ignore. On a essayé de
chercher d’innombrables techniques pour comprendre ce phénomène passionnant et
mystérieux. On ne peut que se reposer sur nos recherches, penser et faire un parcours
historique de nous-mêmes ; c’est donc la seule ‘preuve’ des sciences futures comme
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un héritage métaphysique. C’est le départ de notre généalogie du penser, la
philosophie elle-même.
Cet philosophie doit rendre compte, non pas des représentations des hommes,
leur vision du monde et leur théorie de la connaissance, mais ce qu’ils font et la
manière dont ils le font. Elle doit ainsi rendre compte des trois grands domaines : celui
des rapports de maîtrise sur les choses (le savoir), celui des rapports d’action sur les
autres (le pouvoir), celui des rapports à soi-même (l’éthique).
Il y aura toujours une série de questions ouvertes dans ce champ philosophique,
mais ce qui intéressé beaucoup à Michel Foucault c’était celle de pouvoir. Pourrions-
nous parler d’un biopouvoir et d’une genèse créés par des dispositifs discursifs et des
pratiques locales ? Oui.
« En effet, la mise en abîme de ce aspect transcendantal par Foucault, qui s’est
réveillé de son sommeil anthropologique, et le surgissement du discours comme une
instance instauratrice de toutes les pratiques et les formes du penser, du dire et du
faire, impliquent que ‘la finitude’ occupe une place fondamentale dont il s’agit de
créer des modes d’individuation au-delà d’un savoir prégnant et d’un pouvoir régnant.
On dit ceci, on fait cela : quel mode d’existence cela implique-t-il ? Parfois un geste,
un mot suffisent. Ce sont des styles de vie, toujours impliqués, qui nous constituent
comme tel ou tel» (G. Deleuze, "La vie comme une œuvre d’art", Foucault vivant, Le
Nouvel Observateur, aout-septembre 1986, p.60).
21
L’ontologie de biopouvoir du Foucault est une manière d’expérimenter nos
limites avec prudence de nos jours (‘faire vivre et laisser mourir’). Il nous amène à
découvrir doucement notre côté impatience pour la liberté, qui explique l’intérêt qu’il
portait au thème du rapport de pouvoir entre l’institutionnel el l’individu.
Dans cette nouvelle forme tout à la fois généalogique, critique et archéologique
d’exercice du pouvoir, les travaux consacrés à des problèmes très concrets sont
indissociables de ceux qui portent sur les formations discursives.
Ce que Foucault appelle biopouvoir, c’est donc les outils biologiques de la population
qui gèrent les mécanismes du pouvoir individuel et devient ainsi un enjeu essentiel
pour la vie ; (concept repris et développé depuis par François Ewald, Giorgio
Agamben, Judith Revel et Antonio Negri, notamment).
Le biopouvoir est un type de pouvoir qui s'exerce sur la vie : la vie des corps et
celle de la population. Selon Foucault, l'exercice de ce pouvoir constitue un
gouvernement des hommes ; avant de s'exercer à travers les ministères de l'État, il
aurait pris racine dans le gouvernement des âmes exercé par les ministres de l'Église.
L'homme, pendant des millénaires, est resté ce qu'il était pour Aristote un
animal vivant, et de plus capable d'une existence politique ; l'homme moderne est pour
Foucault un animal dans la politique duquel sa vie d'être vivant est en question
22
CHAPITRE 3
Analyse synthétique Foucaldienne
3.1 Folie et Déraison. Histoire de la Folie à l’âge classique
« Les hommes sont si nécessairement fous que serait être fous par un autre tour
de folie que de n’être pas fou » (Pascal)
« Ce n’est pas en enfermant son voisin qu’on se convainc de son propre bon
sens » (Dostoïevski)
« C’est aux imaginations déréglées que nous devons l’invention des arts. Le
caprice des peintres, des poètes et des musiciens n’est qu’un nom civilement
adouci pour exprimer leur folie » (St. Evremond)
Au moyen Age, le lépreux est retranché du monde mais non de la communion de
Saints, les fous leur succèderont ; chez les grecs, Ubris4 n’est pas vraiment folie. A la
Renaissance, les nefs des fous c’est l’errance, envers de la raison ou de la vie. La
montée de la folie et sa sourde invasion indique que le monde est proche de sa dernière
catastrophe, c’est la démence des hommes qui l’appelle et la rend nécessaire. Il
4 Dans la mythologie grecque, Hybris est une divinité allégorique personnifiant l’hybris (du grec ancien ὕϐρις / húbris)
notion grecque que l'on peut traduire par « démesure ».
23
faudrait savoir reconnaître le serpent malin ; ce savoir, si inaccessible et si redoutable
que le fou dans sa niaiserie innocente le détient, opposé à la prudence et à la suprême
sagesse (Don Quichotte, R. Lear) et au quiproquo, donc factice.
A l’âge classique, commence l’adaptation des hospices pour vagabonds et fous
ainsi que les maisons de travail, la police contrôle le désordre et être fou, c’est
synonyme de paresseux, inadapté, asocial ; contrairement aux criminels fous du
Moyen Age dont le repentir et le châtiment sont publics, l’insensé est caché comme
quelque chose d’honteux.
Le fou est vu comme un animal non dressé à enchaîner (animalité déchaînée) ;
on le montre comme un animal de zoo qu’on enchaîne et on le considère comme
insensible aux maladies et à la température, immortelle et déraisonnable ; comme
avant Rousseau, on se méfiait de tout ce qui était ‘naturel’ ; conclusion, si ces gens
sont enfermés, c’est la fin de la folie, de la croix, et du scandale de la foi.
Paradoxalement, cette conscience chrétienne de l’animalité prépare le moment
où la folie sera trouvée comme un fait de nature ; on oubliera vite alors ce que
signifiait cette ‘nature’ pour la pensée classique : non pas le domaine toujours ouvert
d’une analyse objective, mais cette région où naît pour l’être humain le scandale
toujours possible d’une folie qui est à la fois sa vérité ultime et la forme de son
abolition.
24
Les figures de la folie sont un mélange physique et mental, vrai en fait, mais ne
permettant pas l’analyse médicale. Au lieu de faire de l’aveuglement la condition de
possibilité de toutes les manifestations de la folie, elle (la science) la décrit comme
l’effet psychologique d’une faute morale. Et par là se trouve compromis ce qu’il y
avait d’essentiel dans l’expérience de la déraison. Ce qui était aveuglement va devenir
inconscience, ce qui était erreur va devenir faux, tout ce qui désignait dans la folie la
paradoxale manifestation du non-être deviendra châtiment naturel d’un mal moral. On
distingue donc, manie et mélancolie ; hystérie et hypocondrie.
Bicêtre5 était à la fois un hôpital et une prison ; on enferme le fou dans un
système de récompenses et punitions, c’est le passage d’un monde de la réprobation à
un univers de jugement. L’asile réduira les différences, réprimera les vices, effacera
les irrégularités. Il dénoncera tout ce qui s’oppose aux vertus essentielles de la société ;
c’est une espèce de célibat comme disait Philipe Pinel dans ces écrits psychologiques.
Tout est organisé pour que le fou se reconnaisse dans un monde du jugement
qui l’enveloppe de toute part ; il doit se savoir surveillé, jugé et condamné ; de la faute
à la punition, le lien doit être évident comme la culpabilité reconnue par tous. La
déraison était mise hors jugement pour être livrée dans l’arbitraire aux pouvoirs de la
raison.
Maintenant elle est jugée, et non pas en une seule fois à l’entrée de l’asile, de
manière à être reconnue, classée, innocentée pour toujours ; elle est prise au contraire
5 Bicêtre, dont la construction lancée par Louis XIII en 1633 sur les ruines d'une forteresse a été un hôpital, un asile d'aliénés
et une prison parisienne. Le nom de Bicêtre vient du fait que la forteresse était construite sur des terrains appartenant à
l'évêque de Winchester (francisé Vincestre, puis Bicestre)
25
dans un jugement perpétuel qui ne cesse de la poursuivre et d’appliquer ses sanctions,
de proclamer des fautes et d’exiger des amandes honorables, d’exclure enfin ceux dont
les fautes risquent de compromettre le bon ordre social. La folie a échappé à
l’arbitraire pour entrer dans une sorte de procès indéfini pour lequel l’asile fournit à la
fois policiers, instructeurs, juges et bourreaux.
Ces guérisons sans support et dont il faut bien reconnaître qu’elles ne sont pas
des fausses guérisons, deviendront les vraies guérisons de fausses maladies. La folie
était favorisée par la liberté, la religion, la civilisation et la sensibilité. La folie était
soignée par le silence, la reconnaissance dans le miroir (sorte de prise de conscience),
le jugement perpétuel, apothéose du personnage médical : juge, père, famille, loi ;
même Freud ne se libéra pas du pouvoir écrasant du médecin.
3.2 Surveiller et punir. Naissance de la prison
Jusqu’au XVII siècle les délits étaient le fait de grandes bandes de malfaiteurs
et dans les actes délictuels, c’était le Roi qui se sentait visé en sa personne ou dans ses
organes. A partir de XVIII siècle les bandits font place aux voleurs. « La plupart des
observateurs soutiennent que la délinquance augmente ; l’affirment bien sûr ceux qui
sont partisans d’une plus grande rigueur ; l’affirment aussi ceux qui pensent qu’une
justice plus mesurée dans ses violences serait plus efficace, moins disposée à reculer
d’elle-même devant se propres conséquences » (C. Dupaty. Dans Mémoire pour trois
hommes condamnés à la roue, 1786, p. 247. – inclus dans Surveiller et punir, p.74).
La justice était moins liée à un appauvrissement qu’une distribution mal réglée du
pouvoir. La justice était un monopole royal qu’il vendait au gré de sa trésorerie.
26
«Puisque les plus pauvres n’ont pas la possibilité de se faire entendre en justice » (C.
Dupaty, Ibid).
Des groupes sociaux entiers vivaient dans l’illégalité, grâce à des privilèges, ou
à cause des désuétudes des lois, ou par impossibilité de faire respecter la loi. Au XVIII
siècle, il y a eu une poussée démocratique qui a renforcé la propriété des biens :
l’illégalisme des droits fait place a l’illégalisme des biens. L’illégalisme qui sera le
plus accessible aux classes populaires sera celui de bien –transfert violent de
propriétés- sanctionné par les tribunaux ordinaires et les châtiments. L’illégalisme des
droits, tourner ses propres règlements et lois, s’assurer une marge de sécurité par le
silence de la loi ou une tolérance de fait, sanctionné par les tribunaux d’exception. La
bourgeoisie législatrice (et ensuite juge) s’est réservé ce dernier domaine. Le Trosne,
1764, trouve qu’il faut être plus sévère pour les vagabonds que pour les
contrebandiers.
« Il faut concevoir un système pénal comme un appareil pour gérer
différemment les illégalismes, et non point pour les supprimer tous » (p. 106) Si après
un siècle et demi de prisons, la délinquance n’as pas diminué, n’est-ce pas la preuve
de l’échec de la prison et du régime répressif que nous connaissons ?
La prison et le châtiment ne sont pas destinés à supprimer les infractions, mais
à les distinguer, les distribuer, les utiliser…. aménager la transgression des lois dans
une tactique générale des assujettissements. « La prison doit être un appareil
disciplinaire exhaustif. La pénalité serait alors une manière de gérer les illégalismes,
de dessiner des limites de tolérance, de donner du champ à certains, de faire pression
sur d’autres, d’en exclure une partie, d’en rendre utile une autre » (p. 273)
27
Les illégalismes politiques refusèrent les impôts, la conscription, les pillages, la
lutte ouvrière, qui déboucheront parfois sur des changements de régime ; on ne se bat
plus contre les agents du roi, mais contre la loi et les tribunaux chargés de l’appliquer,
contre les employeurs, les entrepreneurs, contre le nouveau régime de propriété établis
par les bourgeois de la révolution.
Le actes criminelles ont pas attiré depuis toujours l’intérêt ou les passions des
hommes, mais ils le font à une certaine classe sociale, les plus pauvres, les
malheureux, les vicieux, ou bien et contrairement, à les intelligents, les sagaces est les
plus astuces. « La délinquance, c’est la vengeance de la prison contre la justice… il
faudra chercher la raison de cette redoutable efficacité de la prison… L’une d’elles,
c’est qu’en fabriquant de la délinquance, elle a donné à la justice criminelle un champ
d’objets unitaire, authentifié par des ‘sciences’ et qu’elle lui a ainsi permis de
fonctionner sur l’horizon général de la ‘vérité’ » (p. 297)
La loi n’est pas fait pour tout le monde au nom de tout le monde ; elle est faite
pour quelques-uns et qu’elle porte sur d’autres ; en primer lieu elle est faite pour tous
les citoyens mais elle s’adresse principalement aux classes les plus nombreuses et les
moins éclairées.
Le châtiment et son esprit de prépondérance c’est l’élément qui fabriquerait un
illégalisme fermé, séparé et utile pour certaines. La délinquance est maintenant
contrôlée. Plutôt que le grouillement des siècles antérieurs, on n’a pratiquement plus
qu’une catégorie de délinquants qui se tirent les oreilles fatalement sur un acte
28
criminel focalisé, sans danger politique et sans aucune conséquence économique. Le
monde prétexté de la délinquance est relié ou au moins maintenu à un niveau assez
bas.
Démesurément, la délinquance c’est acte qui est devenue une pratique commun
dedans les marges de la légalité ; la prostitution, le trafic d’armes et de drogue devient
sérieux quand les sommes en jeu sont considérables. C’est une utilisation du pouvoir
politique sous forme de mouchards, surveillés par la police, surveillant et
s’introduisant dans les milieux suspectés, permettent un quadrilla généralisé de la
population.
La prison a servi à établir le dispositif de l’illégalisme parce qu’elle fournit à la
prison les infracteurs qui celle-ci transforme en délinquants, cibles et auxiliaires. Pour
Foucault la justice est un instrument pour le contrôle différentiel des illégalismes dont
les juges aident à la constitution de la délinquance, c'est-à-dire à la différenciation des
illégalismes, au contrôle, à la colonisation et à l’utilisation de certains d’entre eux par
l’illégalisme de la case dominante ; l’exemple, Vidocq et Vautrin devient chef de la
police et la criminalité devient un rouage de pouvoir.
Lacenaire montre à ce moment-là le triomphe de la délinquance sur
l’illégalisme, celui-ci étant confisqué par l’esthétisme. Son exécution bloqua le
retentissement de l’attentant de Fieschi, petit criminel débouchant sur la violence
politique de l’ère. « La coupure entre la délinquance et les illégalismes, son
retournement contre eux, sa colonisation par les illégalismes dominants » (p. 333)
« On a utilisé les procédés généraux de cette ‘moralisation’ des classes pauvres, on lui
29
a donné importance capitale au point de vue politique (remplacement des coutumes
par le code) et économique (propriété individuelle, travail, famille, stabilité)… On a
confondu systématiquement les délits de droit commun et ces infractions à la lourde
législation… pour lesquelles (revendication de droits) les ouvriers demandaient la
reconnaissance d’un statut politique. On a très régulièrement accusé les actions
ouvrières, animées sinon manipulées par de simples criminels. On a montré dans les
verdicts une sévérité souvent plus grande contre les ouvriers que contre les voleurs. On
a mélangé dans les prisons les deux catégories de condamnés, et accordé un traitement
préférentiel au droit commun… » (p. 334)
« Longue entreprise pour présenter les délinquants comme tout proches,
partout présents et partout redoutables. C’est la fonction du fait divers qui envahit une
partie de la presse. Le fait divers par sa redondance quotidienne, rend acceptable
l’ensemble des contrôles judiciaires et policiers qui quadrillent la société » (p.334 -
335). Il y a une remise en question de la justice pénale, soulignant les causes sociales,
économiques de la délinquance, dénonçant la pourriture morale des classes
dirigeantes. Contrefait divers.
Même système de panoptisme et de formation dans les couvents, les écoles, les
hôpitaux, les ateliers, l’armée, les prisons (et les zoos) pour surveiller et dresser d’une
certaine façon des groupes de gens qui, volontairement ou non, sont hors société.
Il existé une continuité entre enfermement, châtiment et institution disciplinaire
qui ne cesse pas. Dans cette disposition, la prison transforme, dans la justice pénale, la
30
procédure punitive en technique pénitentiaire, l’atmosphère carcérale amène cette
technique de l’institution pénale au corps social tout entier.
«L’adversaire du souverain puis l’ennemi social s’est transformé en un déviant,
qui porte avec lui le danger multiple du désordre, du crime, de la folie. Le carcéral,
avec ses filières, permet le recrutement des grands ‘délinquants’… Du hors la loi, on
passe à la filière disciplinaire, de l’orphelinat à l’hospice, passant par les patronages,
les bataillons disciplinaires, les colonies pénitentiaires et autres ‘établissements de
bienfaisance’ (p. 351)
« Le système carcéral (comprit comme l’effet plus importante)… parvient à
rendre naturel et légitime de pouvoir punir » (p. 353) « Dans la gradation savamment
progressive des appareils de discipline et des ‘encastrements’ qu’ils impliquent, la
prison ne représente pas du tout le déchaînement d’un pouvoir d’une autre nature mais
juste un degré supplémentaire dans l’intensité d’un mécanisme qui n’a pas cessé de
jouer dès les premières sanctions » (p. 354). Le droit de punir n’est pas la conséquence
du contrat social mais la suite normale du droit de discipliner et réglementer.
« Séries d’effets : La dislocation interne du pouvoir judiciaire ou du moins de
son fonctionnement; de plus en plus une difficulté à juger, et comme une honte à
condamner ; un furieux désir chez les juges, d’apprécier, de diagnostiquer, de
reconnaître le normal et l’anormal ; et l’honneur revendiqué de guérir ou de réadapter
(p. 355). « Le tissu carcéral de la société assure à la fois les captations réelles du corps
et sa perpétuelle mise en observation… Après l’âge de la justice inquisitoire, voici
celui de la justice examinatrice » (p. 356)
31
3.3 Histoire de la Sexualité.
3.3.1 La Volonté de savoir
Foucault, dans La Volonté de Savoir, essaye de comprendre comment la
sexualité est devenue un objet de connaissance, comment elle a été ‘mise en discours’.
Et il est par autre part de comprendre comment la sexualité a été liée à un mécanisme
de pouvoir via les discours dont elle a fait l'objet. Cette double articulation fait de ce
premier tome, un livre à superpositions, avec des décrochements quelquefois
inattendus.
Ainsi Foucault établit une langue continuité entre la sexualité des Grecs de
l’époque classique et celle des Latins du deuxième siècle, reposant sur une maturation
de cette morale de l’autonomie individuelle. Pour lui, cette « tique s’oppose à celle qui
se construira avec le christianisme et qui se fonde sur la soumission à des règles
transcendantes énoncées et imposées par des instances de domination.
La Volonté de Savoir, c’est une histoire originale qui révolutionne ni plus ni
moins la façon par laquelle on peut comprendre l'histoire occidentale. C’est
l’introduction théorique volontairement rapide et fragmenté d’un ensemble
philosophique qui est toujours en mouvement : la sexualité. L’ouvre est
principalement marqué pour l’influence persistante de la pudibonderie victorienne où
la base sociale c’est la couple reconnue légitiment pour la procréation (nous ne
connaîtrons pas une oscillation différente jusqu’au la libération avec Freud).
32
« La sexualité est une figure historique très réelle, et c'est elle qui a suscité
comme élément spéculatif, nécessaire à son fonctionnement, la notion de sexe. Ne pas
croire qu'en disant oui au sexe, on dit non au pouvoir; on suit au contraire le fil du
dispositif général de sexualité. C'est de l'instance du sexe qu'il faut s'affranchir …
Contre le dispositif de sexualité, le point d'appui de la contre-attaque ne doit pas être le
sexe-désir, mais les corps et les plaisirs » (p. 208)
Les rapports sexuels doivent se passer dans une chambre bienséante et fermée
comment le faisaient les parents et non pas comme les marginales hystériques de la rue
ou les prostituées. Au XIX siècle l’incompatibilité de la liberté sexuelle et du travail
en général était intensifiée par le contrôle économique et politique.
Pour Foucault, l’histoire ne montre presque aucun changement dans les
comportements et conduites sexuelles depuis des siècles. L’histoire contredit ce qu'il
appelle ‘l'hypothèse répressive’, c'est-à-dire cette hypothèse qui dit que le sexe en
Occident est bafoué et réprimé depuis au moins deux cents ans. Cette hypothèse c’était
la suite de cette période de ‘révolution sexuelle’ qui a commencé dans les années '60
(génération de 68).
Pour Foucault, cette hypothèse ne peut pas constituer l'élément déterminant
d'une histoire de la sexualité mais le point de départ pour répondre la question de la
‘répression sexuelle’. La sexualité, est une invention moderne qui, par la religion,
l’éducation, la morale, la psychologie, la médecine, la justice, la politique familiale, la
biologie, nous gouverne tous. C’est la genèse donc de cette hypothèse qui ouvre les
33
portes au secret le moins bien gardé qui soit et nous ne cessons pas de l’interroger pour
qu’il nous dise la vérité sur nous-mêmes.
« La sexualité ne se divise pas en home ou hétéro sexualité, mais entre
comportements actifs (réservés aux mâles adultes) et passifs. Le devoir de l’homme est
de montrer en toute occasion sa supériorité virile et son sens de honneur, en n’exerçant
aucune violence envers l’objet de son amour, en particulier son épouse…selon Michel
Foucault, il est surtout question dans les textes, ce n’est pas l’amour avec les femmes,
qui répond à des règles claires, mais celui avec les garçons, qui se heurte à la difficulté
de taille » (Frédéric Gaussen – Le Monde. Michel Foucault, les plaisirs et la morale
Vendredi 22 Juin 1984. Pp. 17 – 20)
Vers la fin de XVIIe siècle et le début de XVIII e, la chair était la racine des
toutes les péchés et le désir. Le discours sur le sexe était basé dans la confession pour
éviter l’hypocrisie et le scandale. La population a eu besoin des règles de sexe utiles
vis-à-vis à des problèmes des libérations charnelles ; d’où l’on chasse tout ce qui n’est
pas la reproduction ? Légitime ? Être un Don Juan c’est libertin ou pervers ?
« Ce qui est propre aux sociétés modernes, ce n’est pas qu’elles aient voué le
sexe à rester dans l’ombre ; c’est qu’elles se souviennent vouées à en parler toujours,
en le faisant valoir comme LE secret » (p. 49)
L’Ars Erotica a un but essentiellement hédonique fondé dans le plaisir ; la
Scientia Sexualis soutient l’idée que le sexe est doté d’un pouvoir causal inépuisable et
polymorphe née de l’avoue et la vérité. Il y a une tergiversation intrinsèque entre la
34
répression d’instincts et la loi du désir qui amène à tout le monde dans un lac vide
d’intelligibilité. L’occident a donné assez d’importance à l’amour pour rendre la mort
acceptable. « Plus que les vieux interdits, cette forme de pouvoir demande pour
s’exercer, des présences constantes, attentives, curieuses aussi : examens,
observations, aveux, confidences, approche » (p. 60)
Au XIX siècle, il y a pas un seule renoncement au plaisir ni une
disqualification de la chair mais une intensification du corps et la problématisation de
la santé et de ses qualités de fonctionnement avec des nouvelles techniques pour
maximaliser la vie (remplacement du sang par le sexe pour la pureté de la race). Les
guerres ne se font plus au nom du souverain qu’il faut défendre, elles se font au nom
de l’existence de tous. On dresse des populations entières à s’entretuer réciproquement
au nom de la nécessite de vivre, dont les massacres sont devenues vitaux.
Les églises s’occupent de la mort et des mortes. Les états s’occupent de la vie
(sécurité social, santé) et des vivants, c’est une morale ascétique sur la formation du
capitalisme. L’homme reste un animal vivant éventuellement capable d’avoir une
existence politique dans la société puisque la vie est devenue un critère de droit de vie,
de sécurité et de bonheur.
Le pouvoir et le sexe forment une relation négative de rejet ou bourrage dont le
pouvoir dicte sa loi sur le sexe. Le pouvoir serait toujours un fond passablement
tolérant dans le cycle de l’interdit face à un renoncement logique de la censure ou
oblitération. C’est une situation complexe et stratégique dans une société qui rapports
35
une conformité sur l’organisation dans laquelle, penser de sexe sans loi et de pouvoir
sans roi est synonyme de mort.
3.3.2 L’Usage des plaisirs
Une histoire, qui ne serait pas une histoire recueillie dans les connaissances,
mais une analyse des ‘jeux de vérité’, du vrai et du faux à travers lesquels l’être se
constitue historiquement comme expérience, c’est-à-dire, pouvant et devant être pensé.
Pourquoi la sexualité, les activités et les plaisirs qui en relèvent font-ils l’objet d’une
préoccupation morale ? Préoccupation là où souvent il n’y a pas d’interdit,
d’obligation ou de prohibition.
C’est là le début de ce que Michel Foucault a appelé le grand renfermement,
dont allait hériter le XIXe siècle médical. Mais, en 1656, les objectifs de l’Hôpital
Général n’ont rien de médical. C’est en fait un instrument du pouvoir pour contrôler
les mendiants, les malades mentaux et les invalides qui hantent les rues de Paris. Ils
étaient considérées comme des ‘pauvres mendiants comme membres vivants de Jésus-
Christ’ et non pas comme membres inutiles de l’Etat. Dedans l’hôpital s’agissait d’une
conduite d’un si grand œuvre non par ordre de police, mais par le seul motif de la
charité.
Le 13 mai 1657, on chanta une messe solennelle du Saint-Esprit dans l’église
de la Pitié et le 14, l’enfermement du pauvre fut accompli sans aucune émotion, c’est
en tout cas ce qu’affirme une brochure anonyme publiée vingt ans après.
36
Il faut dire que, sur les 40 000 pauvres dénombrés à Paris au début de 1656,
35 000 s’enfuirent de la capitale pour se réfugier en province avant l’entrée en vigueur
du décret. Seuls 4 ou 5 000 mendiants incapables de fuir, « eurent le grand bonheur de
trouver retraite à l’Hôpital ». Cette structure étend bientôt son réseau sur toute la
France. En 1676, un nouvel édit du roi ordonne la création d’un Hôpital Général dans
chaque ville du royaume.
Soranus et Arêtée considéraient que l’activité sexuelle était moins favorable à
la santé qu’abstraction et virginité. Certains la valorisaient comme la bonne conduite
de la vie (Caton le jeune) et beaucoup d’anciens comme Aristote prônait la fidélité
envers la femme légitime quoique ce ne fût requis ni par la loi ni par la coutume.
L’abstention était directement liée à une forme de sagesse disait Socrate. Il a eu
des différences entre les penseurs de l’austérité pythagoricienne, stoïcienne,
épicurienne ; les femmes sont astreintes à des contraintes très strictes mais tout ce qui
suivra concerne les hommes avec des règles essentiellement viriles ; il ne faut pas
parler de prohibitions mais de style de vie pour exercer son pouvoir et sa liberté.
La morale est l’ensemble de valeurs et de règles d’action qui sont proposée aux
individus et aux groupes par l’intermédiaire d’appareils prescriptifs divers, tels que la
famille, les institutions éducatives, l’Eglise, etc. Les différences sont une règle de
conduite ; manière dont on doit se conduire, c’est à dire se constituer soi-même
comme sujet moral agissant en référence aux éléments prescriptifs qui constituent le
code.
37
La morale ne consiste pas seulement à poser certains actes, mais comporte un
rapport au réel et à soi ; non seulement ‘conscience de soi’ mais constitution de soi
comme ‘sujet moral’. A partir de XIII siècle se présente la ‘juridiction’ et la
‘codification’ de la morale chrétienne.
Chez les Grecs et les Romains, on ne trouve pas les notions de ‘sexualité’
vinculées à la problématisation de la morale des plaisirs, autrement dit, les soucis de
la chair. L’Aphodisia est la ‘substance éthique’ du comportement sexuel dont les
œuvres, les actes d’Aphrodite -la déesse de l’amour- qui réalise ces actes, gestes,
contacts qui procurent du plaisir. La pudeur restera comme une assez grande réserve,
malgré iconographie et littérature.
La nature a voulu que l’accomplissement de l’acte soit lié à un plaisir –plaisir
qui suscite un mouvement naturel vers ce qui fait plaisir- Il ne saurait y avoir de désir
sans privation. Si l’activité sexuelle est soumise à des règles, ce n’est pas qu’elle soit
un mal en soi, ni qu’elle porte la marque d’une déchéance première. Mais elle appelle
une délimitation de la mesure convenable de la pratiquer. Donc, il est essentiel que les
humains se donnent une descendance attraite. Il ne faut pas que la satisfaction
l’emporte sur le but de l’acte.
La curesis6 amène à prendre son plaisir ‘comme il faut’, selon les modalités et
usages de ce temps. Il existe un besoin organique de se sentir bien avec soi-même et
tant avec les autres du sexe opposé, geste de Diogène, qui expliqué ce caractère public
de la chose. Mais peut-elle, aphrodisia, être honteuse si elle est naturelle ?
6 La cure naturelle
38
Un besoin physique pressant peut-il être satisfait sans dommage ? Il ne faut
pas créer des désirs qui vont au-delà des besoins. C’est un spectraux difficile quant à
déterminer le moment opportun. Il faut user du plaisir en considération de celui qui en
use, selon son statut propre : le goût des honneurs et des louanges qui sont propres aux
hommes, leur permet d’endurer des dangers et des privations. Cure
L’enkrateia7 laisse sa disposition : on oppose l’intériorité de la morale
chrétienne à l’extériorité d’une morale païenne qui n’envisagerait les actes que dans
leurs manifestations. Les vertus de l’homme sont la piété, la sagesse, le courage, la
justice et la tempérance. On ne peut devenir tempérant sans avoir soutenu la lutte
contre les plaisirs et désirs, ni remporté la victoire par exercice et l’art. Longue
tradition du combat spirituel.
Ce sont les combats contre les ennemis de l’extérieur et aussi de l’intérieur, en
soi, qu’il faut vaincre, c’est la maîtrise de soi. Chez les anciens hommes vertueux, ça
s’explique comme un rapport de domination et d’obéissance, de commandement et de
soumission, de maîtrise et de docilité et non comme chez les chrétiens comme un
rapport d’élucidation et de renoncement, de déchiffrement et de purification ; mais il
existe aussi un rapport domestique : le maître et sa maisonnée ; et pédagogique : le
maître et l’élève. De ce fait, il est bien présent dans les esprits que pour l’emporter
dans cette lutte, il faut requérir un processus qui a besoin de l’exercice et
l’entraînement.
7 Terme utilisé par Xénophon pour décrire le control personnel
39
« C’est en s’écartant des plaisirs qu’on devient tempérant, mais c’est quand on
l’est devenu qu’on peut le mieux s’en écarter » (Aristote)
Cette ‘ascétique’ n’est ni organisée ni réfléchie comme un ensemble de
pratiques singulières, mais n’est pas distincte de la vertu elle-même. Elle permet de se
constituer comme sujet moral, pratiquant une vie vertueuse.
Dans la ‘sophrosunê’8 on obtient les vertueux de la liberté et de la vérité. Ils
sont des caractéristiques des bienfaisants obtenues par maîtrise, retenue est précisé
comme une liberté. Seuls les pythagoriciens voulaient ainsi conserver leur pureté ;
comme Platon visaient la maîtrise de soi.
La liberté doit être acquise par rapport aux plaisirs, aux besoins, ne pas être
leur esclave. « L’homme intempérant l’emporte t’il sur la bête la plus stupide ? »
(Xénophon). Le mauvais tyran est incapable de maîtriser ses propres passions
(Pisistrate, Périandre, Tarquin, el Rey Rodrigo et Don Julian) ; toujours enclin à abuser
de son pouvoir aux dépends de ses sujets ; ceux-ci se révolteront à cause de cette
violence. Le déshonneur des épouses, filles, enfants souvent invoqué comme motif
pour renverser le tyran (caractère viril de la tempérance).
« L’homme choisit parmi les actions celle qu’il juge la plus avantageuse »
(Xénophon).
8 L’état d’acquérir la tempérance
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Une façon de vivre dont la valeur morale ne tient ni à sa conformité, ni à un
principe dans l’usage des plaisirs. L’humanité se serait séparée du monde animal par
une rupture de diète. « La diététique aurait donc précédé la médicine » (Hippocrate)
dont le régime couvre les exercices, aliments, boissons, sommeil, rapport sexuels et
rendu la vie utile et heureuse des limites qui lui ont été fixées.
Chez les pythagoriciens d’abord, l’amour affaiblit ; il faut le faire le moins
possible. Le cerveau est le premier organe à être affecté par l’acte sexuel comme le
disait Aristote, Balzac et Hemingway. Les athlètes doivent pratiquer l’abstinence
sexuelle. Ne rien faire volontairement de malsain de peur que ça n’imprègne l’âme et
le corps de l’enfant. Il y a des saisons plus favorables pour procréer. Si les enfants
humains ne ressemblent pas à leurs parents, c’est que ceux-ci les ont conçus avec une
âme agitée, ne pensant pas à ce qu’ils font.
C’est la naissance de la ‘violence de l’acte’. Déséquilibres charnels dont le
plaisir est mélangé aux souffrances et contraintes, « le plaisir a la forme d’une petite
épilepsie » (Hippocrate). « C’est une dépense corporelle puisque le sperme est extrait
de la cervelle » (Pythagore). « Il ne faut pas le faire (l’acte sexuel) trop jeune parce
que l’énergie est consacrée à la croissance, ni trop vieux parce qu’il y a perte
d’énergie, mais procréer entre 25 et 35 ans » (Aristote).
Croyants ou pas à ces pensées contradictoires des uns et des autres, il y aura
aussi un « dégoût pour la premier femme résultant de l’effort et de l’abattement
consécutif à la première relation sexuelle » (Aristote). L’aspect de la loi du plus fort
vient s’enchaîner à la vie quotidienne et on comprend la mort et l’immortalité : les
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animaux qui se tuent pour assurer leur descendance. « Engendré la beauté de l’âme du
jeune garçon » (Platon)
Assez loin, dans la culture chinoise (van Gulik) l’acte sexuel est irrépressible et
coûteux ; on s’interroge beaucoup aux effets nocifs de l’acte sexuel mais on se
préoccupe au même temps d’avoir une descendance correcte (procédés de rétention
volontaire de la semence). Le danger des abus des plus violents et les plus couteux des
plaisirs, question de la vie et de la mort.
L’érotisme c’est une relation privilégiée est basé sur une différence d’âge et de
statut. S’il en était autrement, deux hommes faits, celui qui aurait le rôle passif serait
sujet à moquerie. Jouir d’un garçon malgré lui est contraire à l’amour (le mariage,
femme donnée à l’homme). Le temps est limité à partir duquel le garçon est trop
vieux.
L’honneur du garçon concerne son statut d’homme en devenir où on le jugera
sur sa tenue, son regard, sa façon de parler, ses fréquentations. On lui déconseille tout
ce qui serait humiliant, passif, complaisant. La double supériorité de l’homme sur soi
et des autres ne peut se faire aux dépens du garçon.
L’objet du plaisir, c’est la valorisation de la domination à travers la pénétration
qui est un élément synonymique de supériorité. On comprend bien pourquoi l’esclave
est à la disposition du maître, la femme est dont la partie inférieure de nature et de
condition. Il y a aussi de l’oscillation entre ces caractères naturels au nom de ces
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amours. Un garçon ne peut être pensé comme un objet de plaisir. Il peut éprouver du
plaisir mais le garçon trop voluptueux est sévèrement condamné.
« Les courtisanes, nous les avons pour le plaisir, les concubines, pour les soins
de tous les jours, les épouses pour avoir une descendance légitime et une gardienne
fidèle du foyer » (Démosthène)
A l’époque, cette activité servait à dissocier la constance d’un rapport conjugal
unique de la recherche du plaisir, non comme celle de la doctrine chrétienne qui se
divulgue comme la finalité procréatrice, que n’exclut pas toujours le plaisir. Le statut
familial et civique de la femme mariée lui impose les règles de conduite d’une pratique
sexuelle strictement conjugale, la volonté et la raison avant la vertu.
Il existe aussi une thématique de l’austérité maritale. Valeur attachée à la
beauté de l’épouse est très importante pour avoir des rapports sexuels avec elle. La
réputation de citoyen est étayée par façon de gérer l’économie domestique. « N’avoir
de rapport qu’avec son épouse est la meilleure façon pour le mari d’exercer son
pouvoir sur la femme » (Isocrate).
L’économique de Xénophon -traité de la vie matrimoniale grecque par
excellence- c’est l’art de commander, de régir sa ‘maison’, de viser le petit monde des
propriétaires fonciers de la cité grecque et des citoyens actifs pour s’endurer et
encourager pour savoir commander)
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« Est-il quelqu’un à qui tu confies plus d’affaires importantes qu’à ta
femme » ? (Xénophon)
Le lien matrimonial est dissymétrique puisque l’homme décide. La famille
décide pour la fille et la donne à la famille de l’homme dans une double finalité : la
maison et les enfants. Maison pour ne pas vivre en plein air comme le bétail, les
enfants pour garantir la descendance. « Qu’aurais-je à conserver, dit la femme, si tu
n’étais pas là pour faire rentrer quelques provisions du dehors…si tu n’étais pas là
pour conserver ce que j’ai ramené à la maison, je serais comme ces gens ridicules qui
versent de l’eau dans une jarre sans fond » (Xénophon)
La nature de la conduite sexuelle a doté la femme d’une tendresse particulière
pour s’occuper des enfants avec modération et attachement. L’honnêteté de la femme
est un postulat ; celle de l’homme basé sur la communauté de vie, de biens, d’enfants
en est le corollaire. L’épouse doit être traitée comme la seule maîtresse de la maison et
de tout son contenu, enfants et domestiques inclus (comme dans le mariage chrétien,
difficultés pour femme stérile)
La femme ‘règne’ sur son mari par ses qualités de mère et maîtresse de maison
(le plaisir pris de force est moins agréable que celui donné de plein gré). La fidélité du
mari est le maintien du statut de l’épouse, de ses privilèges et de sa prééminence sur
les autres femmes. Celle de la femme n’est pas seulement sexuelle mais ‘conduite
économique’ dans et à l’égard de la maison. La tempérance du mari relève de l’art de
gouverner, lui-même, femme et maison.
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Platon a exprimé dans ses écrits sur la loi, que les prescriptions conjugales ne
relèvent pas d’une morale volontaire mais d’une réglementation coercitive. Inceste,
objet de haine pour la divinité, de réprobation publique qui prend un caractère
religieux. Aussi tenant d’une ascèse certaine, pour réussir mieux.
Isocrate a promulgué d’éviter les mélanges, c’est la source de bâtards
illégitimes de divers lits qui auraient des droits différents. Il doit persister
l’homogénéité et la continuité de dynastie et association pour le respect de
l’engagement.
Aristote a cru toujours dans l’homme naturellement ‘syndyastique’ destiné à
vivre à deux parce que les animaux ne connaissent que la conjonction procréatrice.
L’homme cherche toujours le bien-être. « La femme arrive dans la maison du mari
comme une suppliante, une personne enlevée à son foyer » (Pythagore) ; la femme
n’est pas une esclave mais libre, ni un enfant mais jouit d’une relation contractuelle
dans la maison, comme gouvernées et gouvernants dans la cité ; c’est une relation
différente dans son inégalité. La Tempérance était prescrite aux époux mais sur un
mode différent du rapport à soi : le mari pour sa maison, la femme pour son mari.
Plutarque a distingué l’importance du plaisir réciproque dans l’attachement des
époux. L’art érotique c’est d’avoir des mœurs relâchées, ne résister ni aux femmes ni
aux garçons. C’est le reproche à Alcibiade. « Détourner maris des épouses, femmes de
leur mari » (Platon). L’amour s’attache d’abord à ce qui est le plus fort, le plus
intelligent. Mépris pour les jeunes gens trop faciles, les hommes efféminés. Les pères
protègent leurs fils et obligent les pédagogues à faire de même.
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Il émerge une situation dans laquelle il y a une opposition entre l’amour et le
véritable amour. L’amour qui ne s’intéresse qu’au plaisir de l’amant et celui qui
s’intéresse à l’aimer lui-même, puisque l’amour fugitif devient égalitaire, réciproque et
durable, partage entre l’amour du corps et l’amour de l’âme. S’il y a les deux, l’amour
du corps l’emporte et la flétrissure fait passer l’amitié.
Xénophon disait que les hommes ‘honnêtes’ n’aimaient que l’âme du garçon et
ne visaient qu’à son amitié (dans un monde idéal comme la Sparte de Lycurgue) et à la
vie commune. Platon a exprimé ce point de vue en disant que c’est simplement une
question d’attentions réciproques et de sentiments partagés durables parce ce que si le
beau et le vrai sont unis, cet amour n’a rien de honteux « le bon gré s’accorde au bon
gré »
On entre dans le passage de la question de la conduite amoureuse à
l’interrogation sur l’être de l’amour. Qu’est-ce que l’amour, sa nature, ses œuvres ? Le
passage de la question de l’honneur du garçon à celle de l’amour de la vérité.
S’attacher à l’objet aimé pour ce qu’il porte en lui de reflet et d’imitation de la beauté
elle-même.
Ce passage ne fonde pas l’amour sur la dignité du garçon et le respect qu’on lui
doit mais sur ce qui dans l’amant lui-même, détermine l’être et la forme de son amour
(désir d’immortalité aspiration au beau, pureté, réminiscence de ce qu’il a vu au-
dessus du ciel). Le mouvement vers le beau corps devrait mener à celui vers la belle
âme. Ce n’est pas l’exclusion du corps, mais à travers l’apparence de l’objet, le rapport
à la vérité.
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On traverse aussi le passage de la question de la dissymétrie des partenaires à
celle de la convergence de l’amour. Il faut que l’aimé aussi ait été porté au vrai par la
force de l’Eros ; passage du point de vue de l’amant à celui de l’aimé. L’amour est le
même pour chacun puisqu’il les porte chacun au vrai. C’est le couloir de la vertu du
garçon aimé à l’amour du maître et à sa sagesse. Le plus avancé sur le chemin de
l’amour et de la vérité guidera l’autre et l’écartera des plaisirs bas. Socrate n’est aimé
que dans la mesure où il est capable de résister à la séduction parce que c’était sa
capacité de l’abstention de son corps et de concentrer en lui-même toute l’énergie de
son âme.
Quel est le statut à donner aux garçons et aux hommes comme objet de plaisir ?
Quel est le rapport de l’amour à la vérité ; reconnaître ce qu’est véritablement l’amour
qui s’est saisi de lui ? Quelle conduite à tenir pour que s’équilibrer à l’offre et
demande’ ? Comment l’amant pourra t’il établir pour toujours son rapport à l’être
vrai ? C’est une économie des plaisirs par domination qu’on exerce sur soi.
Questionnement dans son être sur le rapport à l’objet du désir reconnu comme vrai.
Tout cet ascétisme n’est pas pour disqualifier l’amour pour les garçons, mais
c’est une manière de la styliser, lui donner forme, figure, valeur. Les Grecs ont
recherché la forme de modération requise au comportement sexuel. On oppose la
tolérance, la liberté antique, à la sévérité, au puritanisme chrétien. Or cette tempérance
sexuelle rigoureuse ne date ni du christianisme ni du stoïcisme et du rigorisme de
l’Antiquité tardive, mais bien du IV siècle avant JC. Cette austérité ne se présente pas
sous forme d’une loi, mais comme une conduite personnelle de vie, la plus belle et la
plus accomplie.
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« Les Grecs n’ont pas hérité de la croyance qu’une puissance divine a révélé à
l’humanité un code qui réglerait le comportement sexuel » (JK. Dover. Greek
homosexuality), diététique, tempérance contre violence, épuisement, pour l’espèce.
La tempérance maintien la position de l’homme, l’organisation domestique et
économique. La tempérance faire place à la liberté de l’autre dans la maîtrise qu’on
exerce sur soi et l’amour vrai qu’on lui porte.
L’éthique sexuelle grecque qui reposait sur des inégalités, fut pensée comme
libre exercice de sa liberté, les formes de son pouvoir, son accès à la vérité. C’était un
nouveau déplacement du problème au XVIII siècle de la femme vers le corps. St.
Augustin disait à ce propos que l’origine de l’unification doctrinale occidentale, c’est
le mariage qui amène à la vérité.
3.3.3 Le souci de soi
Le développement de cette morale sexuelle rigoureuse n’est pas le résultat du
renforcement de l’autorité publique mais plutôt l’affaiblissement du cadre politique et
social dans lequel se déroulait dans le passé la vie des individus. Moins fortement
insérés dans la cité, plus isolés les uns des autres et plus dépendants d’eux-mêmes, ils
auraient cherché dans la philosophie des règles de conduite plus personnelles.
Les stoïciennes insistaient sur la nécessité des devoirs à accomplir envers
l’humanité, les citoyens et la famille. L’individualisme c’était la valeur absolue
attribuée à l’individu dans sa singularité, son indépendance par rapport au groupe, aux
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institutions, à sa valorisation de la vie privée, à sa famille, à ses intérêts patrimoniaux
et l’intensité des rapports à soi, c’est à dire, se prendre soi-même pour objet de
connaissance et action pour faire son salut. Ça va lui permettre de s’assurer de la santé
de son âme, de se tourner vers soi-même pour la pratique sociale au service des âmes
réciproques et pour être en corrélation avec la pensée médicale contre les perturbations
(phatos (anxiété), nosêma (infections sexuelles, kakia (vices)).
Les images que excitent artificiellement sont appelés phantasiai. Discours,
pensées, nourritures qui échauffent, spectacles, attitudes, représentation de nu et le
danger du regard, de la lumière -pour faire l’amour dans l’obscurité (ne laisse pas
pénétrer la lumière par toutes les fenêtres de la chambre à coucher parce que il y a bien
des parties du corps gagnant à ne pas être vues au grand jour).
« La masturbation, c’est plutôt positif, c’est un remède du dépouillement
naturel » (Dion). C’est une partie du régime sexuel dont la médicine ne connaît guère
les déviations maladives. L’acte sexuel n’est pas un mal mais le foyer permanent
amènera des maux possibles. La virginité est un choix, un style de vie, une forme plus
haute d’existence essentielle pour le rapport à soi et à l’autre. Il faut se réserver l’un
pour l’autre jusqu’au moment où l’amour trouve son accomplissement dans le mariage
pour la préservation de l’intégrité physique et de la pureté du cœur dans la chasteté.
Dans le Christianisme, l’acte sexuel sera considéré comme un mal sauf dans le
mariage. Le monde Gréco-romain a-t ’il pressenti l’austérité sexuelle chrétienne ?
L’intensification du souci de soi va de pair avec la valorisation de l’autre lien conjugal.
« S’il est une chose conforme à la nature, c’est bien de se marier » (Musonius Rufus)
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La conjugalité est pour l’activité sexuelle la condition de sa légitimité et la
poursuite trop intense du plaisir contredit la nécessité de le maîtriser.
C’est traiter sa femme en adultère que de se comporter trop ardemment avec
elle. Il ne faut pas traiter sa femme comme une maîtresse, il faut se conduire en mari et
non en amant. Le plaisir n’est légitime qu’en vue de la procréation et de
l’aménagement d’une vie commune entièrement partagée.
La femme épousée se cache dans la nuit sans qu’on puisse voir son corps parce
qu’elle doit faire briller ce qu’il y a de vertueux en elle ; sa constance et son affection.
Il y a un risque d’une mauvaise première expérience « comme l’apiculteur qui, ayant
subi les premiers piqûres des abeilles, renonçait à récolter son miel » (Plutarque).
C’est parce qu’elle cherche des plaisirs pas trop forts au début de peur de lassitude et
évite les disputes dans la chambre à coucher.
La tâche de Dionisios n’est pas que de boire du vin enivrant…. Celle
d’Aphrodite n’est pas dans la simple relation des corps mais dans le sentiment de
l’amitié. « Aphrodite est l’artisan qui crée la concorde et l’amitié entre hommes et
femmes, car à travers leurs corps et sous l’effet du plaisir elle lie et fond en même
temps les âmes » (Plutarque). Ce n’est pas une réglementation du permis et du
défendu, c’est une manière d’être, un style de rapports, se sont des principes universels
pour donner à leur existence une forme honorable et belle.
La beauté est la fleur de la vertu et les femmes produisent cette fleur et ont
tendance à la vertu. De même l’amitié peut aussi exister entre hommes et femmes ou
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du moins avec sa femme. Une tempérance qui viendrait de l’extérieur ne serait qu’une
obéissance aux lois. La maîtrise de soi, la loyauté, la pudeur, la retenue par l’effet
d’Eros peut donner le plaisir et la vertu. La volupté est comme un germe à partir
duquel croissent de jour en jour, entre les époux, le respect mutuel, la complaisance,
l’affection et la confiance.
Le rapprochement, même lorsqu’il n’en résulte pas d’enfant, est un hommage
rendu à une femme honnête ou une marque d’affection qui dissipe les contrariétés.
Dans le mariage, il y a pas plus grand bien qu’être aimé, il unifie le physique et
l’esprit, et il est un privilège exclusif de la communauté vertueuse qui puisse unir
amour et vertu.
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REFERENCES
1. Foucault, Michel. Naissance de la Clinique. 214 p. Presses universitaires de
France.
2. Foucault, Michel. Naissance de la Biopolitique. Cours de College de France 1978
– 1979. Editions Guillamard/Seuil. 2004.
3. Foucault, Michel. Dits et Ecrits. Edition établie sous la direction de Daniel Defert
et François Ewald ; avec la collaboration de Jacques Lagrange. 2001.
4. Foucault, Michel. Le pouvoir psychiatrique : cours au Collège de France (1973-
1974).
5. Foucault, Michel. Il faut défendre la société : cours au Collège de France, 1975-
1976.
6. Foucault, Michel. Histoire de la Clinique à l’âge Classique. Gallimard 1972.
7. Foucault, Michel. Surveiller et Punir. Naissance de la Prison. Gallimard, 1975.
8. Foucault, Michel. Histoire de la Sexualité. La Volonté de Savoir. Gallimard. 1984
9. Foucault, Michel. Histoire de la Sexualité. L’Usage des Plaisirs. Gallimard, 1984.
10. Foucault, Michel. Histoire de la Sexualité. Le Soici de Soi. Gallimard, 1984.
11. Granjon, Marie-Christine. Penser avec Michel Foucault. Théorie critique et
pratiques politiques. Editions Karthala. 2005. Paris.
12. MacNaughton, Glenda Mac. Doing Foucault in Early Childhood Studies
(Applying poststructural Ideas) Routledge Etitions. London 2005.
13. Sheridan, Alan. Discours, Sexualité et Pouvoir. Initiation à Michel Foucault.
Editions Pierre Mardaga. Bruxelles 1982.
14. Tremain, Shelly. Foucault and the goverment of disabilituy. University of
Michigan Press. 2005.