l’ouvrage poststructuraliste de michel foucault

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1 ORLANDO VICENTE LIZALDES ESPINOSA Universidad Nacional de Loja Instituto de Idiomas L’ouvrage poststructuraliste de Michel Foucault INTRODUCTION Spontanéité bouleversante face à la façon d’exprimer le concept de la problématique du sexe et du pouvoir dans la société occidentale. C’est la manière de formuler une notion généralisée de Michel Foucault, historien et philosophe français, qui démarre l’agiotage de la doctrine de l’explosion discursive. Cette nouvelle pensée logique a été très mal perçue dans la société conservatrice et politiquement autoritaire au milieu du dernier siècle. C’est Foucault qui a commencé l’éloignement accéléré de l’ankylose philosophique française des années 50, qui a conservé très profondément l’emblème marxiste à cette époque. Il donne, d’une manière épistémologiquement révolutionnaire, des nouvelles découvertes d’un des sujets les plus difficiles à parler : le sexe, et, anarchiquement contraire à l’absolutisme social, il suggère dans ses écrits un précepte de rapports de pouvoir non marxiste. Quand Foucault a déclenché cette chaîne d’oeuvres socialement polyvalentes à la fin des années 60, personne n’était intéressé en Europe à propos de ce sujet, alors que les nord- américains interpellaient déjà quelques curieux. Il ne contredit pas l’épuration discrète pour tomber dans le vulgarisme, puisqu’il s’accroche fortement à l’évolution de la pastorale catholique, comme une technique (la plus valorisée selon lui), pour produire la vérité en se focalisant sur des mécanismes langagiers.

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ORLANDO VICENTE LIZALDES ESPINOSA

Universidad Nacional de Loja

Instituto de Idiomas

L’ouvrage poststructuraliste de Michel Foucault

INTRODUCTION

Spontanéité bouleversante face à la façon d’exprimer le concept de la problématique du

sexe et du pouvoir dans la société occidentale. C’est la manière de formuler une notion

généralisée de Michel Foucault, historien et philosophe français, qui démarre l’agiotage de la

doctrine de l’explosion discursive. Cette nouvelle pensée logique a été très mal perçue dans la

société conservatrice et politiquement autoritaire au milieu du dernier siècle.

C’est Foucault qui a commencé l’éloignement accéléré de l’ankylose philosophique

française des années 50, qui a conservé très profondément l’emblème marxiste à cette époque.

Il donne, d’une manière épistémologiquement révolutionnaire, des nouvelles découvertes d’un

des sujets les plus difficiles à parler : le sexe, et, anarchiquement contraire à l’absolutisme

social, il suggère dans ses écrits un précepte de rapports de pouvoir non marxiste.

Quand Foucault a déclenché cette chaîne d’oeuvres socialement polyvalentes à la fin

des années 60, personne n’était intéressé en Europe à propos de ce sujet, alors que les nord-

américains interpellaient déjà quelques curieux. Il ne contredit pas l’épuration discrète pour

tomber dans le vulgarisme, puisqu’il s’accroche fortement à l’évolution de la pastorale

catholique, comme une technique (la plus valorisée selon lui), pour produire la vérité en se

focalisant sur des mécanismes langagiers.

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Foucault a posé les hypothèses de travail, dessiné le plan, défini la méthodologie

d’oeuvres à venir. Il s’inquiète profondément sur le système pénitencier et sur l’organisation

de milieux hospitaliers et carcéraux, plus remarquablement, il se met dans les corridors noirs

pénitentiaires pour essayer de trouver des solutions. Il se tracasse principalement, sur la

science du sexe « Scientia Sexualis » qui débouchera toutefois sur une analytique du pouvoir.

Il a défriché un secteur de l’histoire de la vérité sous une encoignure prodigieusement neuve.

Considéré comme le parrain du New Historicism, il a élaboré son projet postmarxiste, appuyé

dans les dénonciations sociales du pouvoir, laissant clairement expliquer son éloignement de

l’existentialisme absolu et intellectuel total incarné par Jean-Paul Sartre.

Dans une systématisation philosophique de l’oeuvre de Michel Foucault, on arrive

toujours à la signification véritable de cette rébellion discursive : « L’épistémè ».

L’épistémè, c’est l’Acide Désoxyribonucléique de son ouvrage, qui représente le grand

nombre de dispositifs discursifs de toutes les pratiques sociales, et qui dévoile l’antagonisme

structural entre langue et parole. L’épistémè nous amène à abandonner le concept de

structures et à adopter celui de la tactique qui nous apprend à être des sujets influencés par des

pratiques et des discours.

L’une des pensées majeures dans le discours instructif de Michel Foucault, c’est L’a

priori historique, où il joue un rôle dominant. Il prend son importance pas uniquement dans

l’arrangement de l’ensemble des sédiments empirico - historiques (positivités selon Foucault)

dans une période attribuée, mais dans les écrits mêmes de l’auteur, qui ne cesse de se référer

à cet artifice rétrospectif qui rend possible le champ du savoir et qui l’organise. Il utilise ses

concepts dans son premier livre qu’il a publié en 1954, Maladie Mentale et Psychologie. Il en

va de même en ce qui concerne son livre monumental Histoire de la folie à l’âge classique,

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publié en 1961 et son livre intitulé Naissance de la clinique. Et dans son opus magnum, Les

Mots et les choses, on trouve une archéologie des sciences humaines où on trouve une

définition de l’a priori historique comme une glèbe d’organisation pour un savoir possible.

Son ouvrage L’archéologie du savoir (1969) qui a été publié à la suite d’une série

d’interrogations que les ouvrages précédents avaient laissé sans résolution, à savoir la notion

du discours et de l’énoncé, la pratique et la formation discursives, la science et le savoir,

l’archéologie et l’histoire des idées, inclut un sous-chapitre intitulé : l’a priori historique et

l’archive. Il psychanalyse d’une manière approfondie la notion d’a priori historique comme

un espace d’émergence et d’organisation pour les énoncés qui se juxtaposent, et se

transforment dans un champ associé que Foucault appelle l’archive.

Néanmoins, une explication de l’a priori historique n’est pas possible sans d’autres

notions comme la positivité, de l’épistémè, de l’archive, du discours et de l’énoncé qui la

complètent. Il a ce qui le délimite du dehors (positivité, épistémè,..), mais il a aussi ce qui le

déborde du dedans (discours, énoncé, archive,..). S’il est défini comme l’ensemble des règles

qui caractérisent une pratique discursive, s’il est délimité comme condition de réalité pour les

énoncés, et s’il est déterminé enfin comme ce qui se rapporte à un système de positivités, on a

là donc tout un réseau de notions compliquées et interpénétrées, dont il faut savoir la structure

et la fonction des règles auxquelles obéissent l’ensemble des pratiques discursives

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CHAPITRE 1

Foucault. Prémisse Biographique

1.1. Background Personnel

Paul-Michel Foucault est née à Potiers en 1926 dans le milieu d’une famille

bourgeoise de province. Il a grandi avec la tutelle de sa mère jusqu’au la naissance de

son frère Denys, qui diminuera le contact direct avec sa génitrice. Son père, Paul

Foucault, a été un chirurgien célèbre qui avait des grands espoirs pour que son fils aîné

suive les traces de la médecine. Michel lui, étant très jeune, il a été rapidement attiré

par l'histoire.

Pendant sa jeunesse son éducation est un panachage de succès et de résultats

médiocres, jusqu'à son entrée à la Société des Jésuites, au collège Saint Stanislas où

bientôt il excelle. Après la guerre et l'occupation allemande, Foucault échoue une

première fois au concours d'entrée à l'École normale supérieure (ENS), rue d'Ulm à

Paris, et entre en khâgne au lycée Henri-IV. Il est finalement reçu à l'ENS en 1946.

Comme Normalien, il rencontre Louis Althusser avec qu’il découvre la pensée de

Marx, Nietzsche et Heidegger. Louis le prépare à l’agrégation et influe sur son

adhésion au parti communiste.

L’autre rencontre décisive fut celle de George Dumézil (qui avait dans son

adolescence été proche de Charles Maurras et de l’action française) et qui propose au

jeune Normalien un poste de lecteur à l’université d’Uppsala (Suède). Ces deux

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amitiés montrent que Michel Foucault s’est formé au contact d’écoles philosophiques

diamétralement opposées mais ces deux rencontres furent aussi deux expériences de

la marginalité : la lisière trouble de la folie (Louis Althusser devait être interné) et

l’homosexualité. Ce double vécu sensibilisa Michel Foucault à toutes les formes

d’exclusion. Il voulut être « l’historien du présent » et rendre ainsi appréciables les

articulations du savoir et du pouvoir qui débouchent sur des effets répressifs. De là,

ses engagements à la fois théoriques et pratiques.

La vie quotidienne de Michel Foucault à l’École normale est pénible et

mouvementée ; il souffre de dépression tragique, marquée par deux tentatives de

suicide en 1948 et 1950. On assume préalablement que c’est le moment où il

abandonna et laisse tomber aux oubliettes le « Paul » de son nom pour des raisons qui

demeurent toujours inconnues. C’est dans cette période là qu’il connaît son premier

psychiatre, le Dr. Gaillot, pendant une courte période, mais dans laquelle il restera

fasciné pour la psychologie. Ainsi, en plus de sa licence en philosophie à La Sorbonne,

il obtient une licence en psychologie, dont la chaire venait tout juste d'être créée. Il

participe alors très vite à la branche clinique de cette discipline où il est amené à

côtoyer différentes personnalités, dont le psychiatre suisse Ludwig Binswanger et

collabore à des mouvements comme l’antipsychiatrie et le Groupe Information sur les

Prisons.

Comme des nombreux autres normaliens de cette époque, Foucault adhère au

Parti Communiste Français pendant une très courte période, de 1950 à 1953, due à

l’influence d’Althusser. Cohérente, il quitte le parti sur la base des informations qui

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commençaient à filtrer sur la situation réelle et sur le Goulag1 en Union Soviétique

sous la dictature de Staline. En 1951, il est reçu à l'agrégation de philosophie, après

avoir essuyé un échec l'année précédente.

1.2. Rhizome Foucaldienne

A l’âge de 27 ans et en occupant un emploi de répétiteur à l’École normale,

Foucault accepte au même temps d’y être assistant à l’Université de Lille, où il

enseigne pendant un an la psychologie liée au compositeur Jean Barraqué. C’est en

donnant ce cours qu’il commence à répondre au questionnaire donné par Althusser

concernant la personnalité humaine. Il écrit alors son premier essai débutant intitulé

Maladie mentale et personnalité.

Déçu par les commentaires de son mentor et après certaines semaines de

chagrin pour l’édition de ce premier transcrit « errata », il devient rapidement

vraisemblable qu’il n’est pas intéressé par une carrière d’enseignant ; il reprendra vite

alors la proposition de George Dumézil pour aller en Suède, à l’Université d’Uppsala

en tant que conseiller culturel et lecteur, où il reste quatre ans. Il devint son ami, et peu

après, son nouveau mentor.

Michel Foucault est en général connu pour ses critères des institutions sociales,

plus consciemment pour la psychiatrie et la médecine, le système carcéral, l’image de

la mort de l’homme, l’idée de subjectivation, et pour ses idées et développements sur

1 Le Goulag. Direction Principale des Camps de travail ; était l’organisme gérant les camps de

travail forcé en Union Soviétique.

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l’histoire de la sexualité. Sa pensé a déclenché l’ouverture des portes des théories

générales concernant le pouvoir et la juxtaposition complexe avec la connaissance ;

aussi bien que pour ses apports protagonistes de la nouvelle histoire sociale imbriqués

à une critique politiquement antagoniste.

Après son expérience en Suède, Foucault admet être le responsable d’une

démarche sociale en Pologne vers fin 1958. Il y est chargé de la réouverture du Centre

de Civilisation Française à Varsovie, où il a eu beaucoup de temps pour réfléchir sur

ses prochains projets. Malheureusement pour lui et ses proches, la police l’a inquiété

et a exigé qu’il quitte le pays, suite à ses travaux et ses fréquentations.

A son retour en France en 1960, Foucault se mit à élaborer sa thèse pour tâcher

d’occuper un poste philosophique à l’Université de Clermont-Ferrand, et il réussit. Un

an après, il obtient son doctorat en soutenant deux thèses : Kant, Anthropologie

rapportée par Jean Hyppolite d’un côté, et Folie et Déraison. Histoire de la Folie à

l’âge classique rapportée par G. Canguilhem et D. Lagache. C’est ce deuxième travail

qui est très bien accueilli, faisant du Foucault un écrivain très prolifique sur sa lancée.

En 1963, il publia Naissance de la clinique : une archéologie du savoir médical

ainsi qu’une réédition de son premier livre sous un nouveau titre : Maladie mentale et

psychologie. Durant la même année, il entra au premier conseil de rédaction de la

revue « Critique » auprès de Jean Piel avec Roland Barthes et Michel Deguy.

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1.3. Vision Non Marxiste

Quand Foucault a commencé à connaître les barbarismes qui se passent avec

les gens dans les prisons et les camps de travail, –sans que personne ne dise ou ne

fasse rien - il a lâché les réunions et les prédilections pour tout ce qui s’attache aux

pratiques communistes. Il a exprimé se mécontentement neo-marxiste en disant que les

communistes étaient très attentifs à cacher tout ce qui se passait dans le Gulag et

camps de détention de l’ex U.R.S.S et les internements psychiatriques dans toute

l’Europe et ailleurs.

« Dans le régime soviétique –qu’il s’agisse d’une ‘dictature du prolétariat’ où

de ‘l’état du people tout entier’, demandez à Marchais-, la distinction du ‘politique’ et

de du ‘droit commun’ doit s’effacer, c’est vrais. Mais au profit, me semble-t-il, du

politique…. Je comprendrais les Soviétiques s’ils disaient : ‘Il n’y a plus un seul délit

qui ne soit politique. Le droit, de commun qu’il était, est devenu entièrement

politique’. Au ministre soviétique il faut répondre d’abord : ‘Vous êtes un menteur ;

vous savez que vous avez des prisonniers politiques’ ; et d’ajouter aussitôt : ‘et,

d’ailleurs, comment, après soixante ans de socialisme, avez-vous encore une pénalité

de droit commun ? » (‘Le nouvel Observateur’ : Un Entretien avec K.S. Karol. Lundi

26 janvier, 1976. (Pages 34 - 37)

En abusant de leur autorité contre les êtres humains enfermés et transportés

comme des bêtes, le cynisme fonctionnant, c’était l’élément pivotant de cette censure.

Plates-formes, barbelés, chiens policiers, faisceaux de lumières, sentinelles dans la

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nuit sont des images classiques de l’univers carcéral. Pour Foucault, ils ne pouvaient

rien cacher, tout était avéré.

Dans ce milieu discordant et agaçant, émerge la théorie qui considère que la

subjectivité2 est un produit du discours et des dispositifs de pouvoir. Ce qui éloigne

Foucault du Marxisme classique, c’est sa position négative pour les hypothèses qui

postulent l’existence des structures transcendantes aux réalités sociales.

En 1966 il publie Les Mots et les Choses, qui connaît immédiatement un

immense succès dû à l’enthousiasme structuraliste de l’époque et à son paroxysme

émancipateur. Une quantité assez importante des débats, échanges et interviews

impliquant Foucault, se font alors les échos de l’opposition entre l’humanisme et son

affranchissement par l’étude de systèmes et de leurs structures. Nonobstant, Foucault

s’écarte bien vite de cette étiquette affiliative de structuraliste. Lors, il a été considéré

comme un historien qui analyse proprement l’histoire des sciences humaines sur la

base de mécanismes langagiers. Malgré ça, et dû à son perceptible désaccord pour

Saussure, Lévi-Strauss et pour l‘école de Prague, il a été nommé comme un promoteur

poststructuraliste.

Il faut noter que cette année 1966 est celle d’une effervescence sans pareille

dans les sciences humaines : Lacan, Lévi-Strauss, Benveniste, Genette, Greimas,

Doubrovsky, Todorov et Barthes publient certains de leurs ouvrages les plus

importants.

2 Caractère de ce qui appartient à un sujet. Au sens ordinaire, couvre l'ensemble des particularités psychologiques

n'appartenant qu'à un sujet. Plus philosophiquement, est synonyme de vie consciente, telle que le sujet peut la saisir en lui, et

où il cerne sa singularité.

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Foucault se trouve après un certain temps en Tunis pendant les événements de

mai 1968, où il est très profondément ému par la révolte des étudiants tunisiens, la

même année. À l'automne 1968 il revient en France où il publie L'Archéologie du

savoir, une réponse à ses critiques.

1.4. Vortex3 Néo-marxiste et déclin philosophique

Le vortex Foucaldienne se va faire sentir plutôt ailleurs que dans les espaces

européens après la suite des événements de la fin des années 60 jusqu’à aujourd’hui

(consciemment aux Etats-Unis, où il gagnera les adeptes historiens de la nouvelle

génération des années 80-90).

Ultérieurement aux événements de 1968, Foucault a été appelé par le

gouvernement pour pendre direction du département de philosophie d’une université

expérimentale à Vincennes. Un peu plus de temps après, le retrait de son accréditation

au département par le Ministère de l’Education émerge à cause du radicalisme interne.

En 1970, et après plusieurs représailles dans les bâtiments administratifs du

campus à Vincennes, Foucault est élu au Collège de France -l’institution la plus

prestigieuse du corps académique- comme professeur d’Histoire des Systèmes de

pensées où il édifie L’Ordre du discours, qui paraît un an plus tard. Il fonde Le Groupe

d’Information sur les Prisons (GIP) vers la fin de cette même année et après multiples

déclarations et recherches, la presse journalière et les radios sont autorisées dans les

3 Un vortex est une interprétation picturale spiroïde humaine tendant à montrer une description de l'infini.

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prisons. Deux ans plus tard (1972) il crée avec Serge Livrozet le Comité d’Actions des

prisonniers (CAP).

L’étude des structures des micro-pouvoirs qui se développent dans les sociétés

occidentales est développée dans son livre Surveiller et Punir, qui paraît en 1975.

C’est un étude approfondie et émouvant (si on le veut) sur les prisons et les écoles,

image panoptique (le panopticon de Bentham) qui se basse dans le principe

d’enfermement. Ces considérables apparitions aux palestres et débats au sujet de la loi

de la pudeur fait agrandir son activisme politique.

En 1977, pendant que le Parlement français dialogue sur la réforme du code

pénal, il a signé une pétition demandant l’abrogation de certains articles pour

dépénaliser toutes les relations consenties entre adultes et mineurs en dessus de quinze

ans, parce que c’était un acte de création d’un individu dangereux pour la société.

Un nouveau groupe de philosophes apparaît sur scène à la fin des années 70.

Ils sont tous déçus du militantisme politique de gauche. C’est durant cette période de

transition que Michel Foucault se met à l’écriture d’un projet de L’Histoire de la

Sexualité dont il publiera trois volumes au lieu des six initialement prévus.

Il voyage de plus en plus : aux Etats-Unis à Sunny Buffalo, plus précisément à

l’Université de Berkeley où ses conférences ont un succès imprévisible. En

conséquence, il est le point de départ pour les théoriciens qui s’intéressent dans les

spectraux limitées de l’organisation de pouvoir qui tâchent de réguler les idées

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Foucaldiennes pour arriver aux explorations théoriques de la domination et la

résistance.

Il se rend à Téhéran (après la massacre de la place Jaleh) pour rédiger plusieurs

articles polémiques sur la révolution iranienne. Il arrive au Japon avec un vaste intérêt

sur les limites de la rationalité occidentale. Depuis 1970 à avril 1984, il poursuit ses

activités pédagogiques au Collège de France, étudiant les principes de

gouvernamentalité et la biopolitique, sur Le gouvernement de soi et les autres et sur la

parrhésia. Il publie pendant ce temps Moi Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma

sœur et mon frère, 1973 ; Herculine Barbin dite Alexina B., 1978 ; Le Désordre des

familles, Lettres de cachet des archives de la Bastille au XVIIIe (en collaboration avec

Arlette Farge), 1982 ; Les Anormaux (cours prononcé au Collège de France en 1975),

Il faut défendre la société (cours prononcé au Collège de France en 1976), ;

L'Herméneutique du sujet (cours prononcé au Collège de France en 1982).

Il est hospitalisé à Paris début juin 1984, et décède le 25, d'une maladie

opportuniste liée au virus VIH.

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CHAPITRE 2

Conceptualisation Poststructuraliste et vision de Pouvoir

2.1 Définition poststructuraliste

« Ne me demandez pas qui je suis et ne me dites pas de rester le même »

Il y a un problème très difficile de nos jours, c’est de donner une définition

exacte au terme Poststructuralisme. Effectivement, considérant en première ligne les

témoignages intellectuels du psychanalyste Jacques Lacan, du sémiologue Roland

Barthes ou du philosophe et anthropologue Claude Lévi-Strauss (considérés comme

des pionniers dans le domaine de la ‘méthodologie structuraliste’), on a du mal à

positionner le moment de départ de cette ramure des théoriciens, qui, intéressés

d’abord par les Américains, sont devenus des symboles structuralistes de l’époque.

Analysant aussi les fondements classiques de Jacques Derrida (qui a été un des

premiers en démarquant certaines limitantes théoriques du structuralisme), de Jean-

François Lyotard (qui aborde le savoir d'un point de vue épistémologique, élaborant

son propos à l'aide du vocabulaire de la phénoménologie), de Jean Boudrilliard (qui

pense simultanément dans une relation réciproque des systèmes de signification et

d'interprétation), et plus précisément de Michel Foucault (il se réclame de Bachelard,

Canguilhem et Guéroult, l'influence majeure est celle de Nietzsche et Heidegger) qui

passent d’une analyse philosophique à historique, dans laquelle, et d’après eux, nous

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avons le fondement de la connaissance et les mécanismes du pouvoir, biens pour

enquérir et manipuler, ou pour réprimer et produire quelque chose.

Le mot ‘poststructuralisme’, c’est donc un accord employé dans la

conceptualisation de la critique d’une perspective anarchiste, libertaire et égalitariste,

qui concerne une branche de théoriciens apparue à la fin des années 60. Ils avaient

comme dogme et conviction, croire et exprimer l’idée que la culture de sociétés

humaines constitue un phénomène langagier, ils laissaient entrevoir soit un

scepticisme, soit un optimisme libertaire dans un discours guidé par des signifiants, et

qui avait comme embasement l’intertextualité sémiotique.

Il y a deux raisons pour comprendre cet événement. Premièrement, les livres de

Foucault ne se présentent pas comme des ouvrages délibérément spéculatifs, mais

plus modestement comme un long commentaire de textes, un voyage dans une

bibliothèque close où se trouve rassemblé tout ce qui reste du discours qu’une société

a produit sur elle-même.

Deuxièmement, Jacques Derrida, dans sa « Lettre à un ami Japonais », refuse

toutes les explications, qui en principe, amènent à la découverte de la vérité absolue où

les faits concernent le monde. Paul Harrison dans ses « Théories post-

structuralistes » dit que simplement très peu de gens ont accepté volontiers de se

laisser étiqueter comme des « poststructuralistes ». Ils sont plutôt acceptés d’être

nommés ainsi par les autres. Malgré tout, personne n’a rien fait pour construire un

'manifesto' poststructuraliste jusqu'à aujourd’hui.

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2.2 A propos du pouvoir productif

Il y a aussi une autre branche des penseurs –critiqueurs à propos du même

sujet, qui manifestent de leur façon : ils estiment que les poststructuralistes sont (les

uns plus consciemment que les autres) également postmodernistes pour la

ressemblance existante par rapport au projet politique structuraliste basé en la

diversité, l’hétérogénéité et le multiculturalisme. Etonnant au pas, aucun membre de ce

groupe susnommé n’a manifesté son mécontentement pour cette désignation ; en plus,

d’une manière directe ou consciente, ils ne se sont pas identifiés comme des

modernistes non plus.

C’est dans cette controverse que les arguments entre ceux qui acceptent d’y

être supporters poststructuralistes aujourd’hui, sont si stridents comme leur objection

pour le structuralisme.

De ce fait, et contrairement à la théorie postmoderniste de ‘paires minimales’

dans laquelle Hassan conclut en disant que le modernisme est essentiellement une

esthétique de la transcendance, il n’y a nulle part une étude de cette ‘science du savoir’

rédigée et considérée comme le statut pluraliste qui peut servir au même temps de

plateforme poststructuraliste. Cependant, Foucault n’a pas invité tous ses lecteurs à

utiliser leur propre système d’analyse du pouvoir parce que, lui, s’interroge d’abord

explicitement sur l’épistémologie de l’histoire et tente de déterminer plus

spécifiquement comment le devenir d’un savoir doit être décrit.

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Foucault a manifesté que dans une société comme la nôtre il y a toute sorte de

relations du pouvoir qui permutent, caractérisent et constituent le corps social. Toutes

ces relations du pouvoir ne se sont pas établies, consolidées ou fixées elles-mêmes

sans la production, l’accumulation, la circulation et le fonctionnent d’un discours.

Lorsqu’on applique les idées poststructuralistes de Foucault, chacun devient

incrédule par rapport à la vérité, parce qu’il explique que la compréhension humaine

existe dans le discours, ce qu’il appelle une ‘économie de discours’. Ce discours peut

être aussi un obstacle pour ceux qui ont le pouvoir, mais Foucault souligne la structure

du pouvoir dans le discours.

Dans la problématique qu’entame la question de discours, l’image foucaldienne

ni soutient ni n’enlève plus le pouvoir. Lui se montre persuadé face à la complexité de

concepts et au procès vulnérable dans lequel le discours peut être soit l’instrument, soit

l’effet du pouvoir, mais aussi l’épreuve, la pierre d’achoppement, le point de résistance

et le point de départ pour une stratégie antinomique. Pour Foucault, le discours

fabrique et transmet le pouvoir, le renforce, l’entame, l’expose, le rend fragile mais le

détruit au même temps.

Les hypothèses du pouvoir de Foucault amènent à notre attention le fait que

dans un terrain d’une connaissance spécialisée, toutes nos actions sont gouvernées par

des constituants de structures puissantes. Il considère toutes les connaissances comme

‘arbitraires’, -notions de vérité inclues- subséquemment, les connaissances

représentent le seul moyen de garder les structures du pouvoir solides et en

fonctionnement. En plus, le pouvoir moderne, manipulé à partir d’un niveau plus haut,

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distribue des pratiques dans une norme évidemment plus haute et d’une manière

beaucoup plus localisée et spécifique ; il est donc ‘productif’. Si un anarchiste

apparaît, c’est parce qu’il croit principalement dans une société libre de domination.

Cette domination, c’est le résultat ‘négatif’ du pouvoir. Cependant, Foucault établit

dans ses œuvres que le pouvoir ne doit pas être négatif s’il ne conduit pas à la

domination. L’affaire du pouvoir moderne, c’est l’administration du corps et le respect

calculés de la vie ; néanmoins, la vérité est toujours l’instrument du pouvoir dans nos

vies.

Foucault insiste dans nombreuses occasions qu’il n’a jamais affirmé que ‘vérité

et pouvoir’ soient la même chose. Evidemment il a été très intéressé en la relation

complexe entre les deux, argumentant que si un terme n’est pas également exclusif de

l’autre, ça ne veut pas dire que ces deux éléments établissent un seul constituant.

2.3 La micro pouvoir

Le raisonnement foucaldienne a comme point de départ l’objection de l'idée

que le pouvoir serait une substance. Il est, selon lui, impossible de déterminer une

source unique de pouvoir homogène qui dominerait l'ensemble de la société, comme le

propose la théorie marxiste. Après lui, au lieu de s'interroger sur le pouvoir, il convient

donc d'analyser les pratiques disciplinaires, c'est-à-dire le pouvoir en tant qu'exercice

ou stratégie.

Il oppose ainsi à une métaphysique du pouvoir généralement dressée par les

philosophes modernes, il est donc pas de tout accord avec ça : « Or l'étude de cette

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microphysique suppose que le pouvoir qui s'y exerce ne soit pas conçu comme une

propriété, mais comme une stratégie, que ses effets de domination ne soient pas

attribués à une ‘appropriation’ mais à des dispositions, à des manœuvres, à des

tactiques, à des techniques, à des fonctionnements ; qu'on déchiffre en lui plutôt un

réseau de relations toujours en activité, plutôt qu'un privilège qu'on pourrait détenir

(...). Il faut en somme admettre que ce pouvoir s'exerce plutôt qu'il ne se possède, qu'il

n'est pas le "privilège" acquis ou conservé de la classe dominante, mais l'effet

d'ensemble de ses positions stratégiques » (Volonté de savoir. P. 35).

Foucault défend toujours l’idée que le pouvoir doit être considéré comme

l’instrument de régulation de la conduite des individus ; il se met à comparer les

conceptions de pouvoir du marxisme, mais à les critiquer, aussi bien que les idées

psychanalystes et structuralistes de Lévi-Strauss. Foucault se mit dans une guerre

idéologique contre Michel Crozier au début des années soixante, qui soutient dans Le

Phénomène bureaucratique (1964) que le pouvoir ne doit pas être analysé tant au

niveau de la règle juridique que de son application qui laisse à l'acteur une large liberté

de manœuvre.

La pensé foucaldienne propose, par contre, une nouvelle modalité du pouvoir

dans le domaine du vivant où il s'agit moins de ‘faire mourir’ et ‘laisser vivre’, comme

c'était le cas auparavant dans le modèle de la souveraineté, que de ‘faire vivre et laisser

mourir’ (voir 2.4 Biopouvoir) Au-delà de cette affirmation, pour Foucault, on doit être

capable d’observer cette modalité du pouvoir tout à fait antagonique a celle existant au

temps de la souveraineté, qui a servit notamment dans le domaine de la science

politique contemporaine.

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Egalement, on ne doit pas se servir du pouvoir pour réprimer une inclination

sexuelle (quelle qu’elle soit), comprise au sein d’un dispositif d’attaque. Pour

Foucault, la façon du déroulement de ce pouvoir régulateur de conduites, est de l’ordre

de la règle des conduites de gouverner, c’est modeler le champ d’action des autres. Un

tel pouvoir n'a plus pour modèle le partage du permis et de l'interdit qu'effectue la loi,

mais la ‘norme’ qui sépare les conduites entre normal et anormal.

Le Micro-pouvoir foucaldien c’est l’idée de produire quelque chose dans un

discours qui permet le contrôle de ce qui est ou non dans la norme avec l’usage

d’instrument simples : la discipline par exemple. « La discipline ‘fabrique’ des

individus ; elle est la technique spécifique d’un pouvoir qui se donne les individus à la

fois pour objets et pour instruments de son exercice. C’est ne pas un pouvoir

triomphant qui à partir de son propre excès peut se fier à sa surpuissance ; c’est un

pouvoir modeste, soupçonneux, qui fonctionne sur le mode d’une économie calculée,

mais permanente ». (Surveiller et punir, page 200)

2.4 Le Biopouvoir

Depuis des milliers d’années que l’homme se pose les mêmes questions :

quand la vie a-t-elle réellement commencé ? C’était une explosion ou une création

miraculeuse ? Quelle est l’origine du langage ? … Siècles de recherche et milliers des

neurones ne peuvent pas répondre à ce que tout le monde ignore. On a essayé de

chercher d’innombrables techniques pour comprendre ce phénomène passionnant et

mystérieux. On ne peut que se reposer sur nos recherches, penser et faire un parcours

historique de nous-mêmes ; c’est donc la seule ‘preuve’ des sciences futures comme

20

un héritage métaphysique. C’est le départ de notre généalogie du penser, la

philosophie elle-même.

Cet philosophie doit rendre compte, non pas des représentations des hommes,

leur vision du monde et leur théorie de la connaissance, mais ce qu’ils font et la

manière dont ils le font. Elle doit ainsi rendre compte des trois grands domaines : celui

des rapports de maîtrise sur les choses (le savoir), celui des rapports d’action sur les

autres (le pouvoir), celui des rapports à soi-même (l’éthique).

Il y aura toujours une série de questions ouvertes dans ce champ philosophique,

mais ce qui intéressé beaucoup à Michel Foucault c’était celle de pouvoir. Pourrions-

nous parler d’un biopouvoir et d’une genèse créés par des dispositifs discursifs et des

pratiques locales ? Oui.

« En effet, la mise en abîme de ce aspect transcendantal par Foucault, qui s’est

réveillé de son sommeil anthropologique, et le surgissement du discours comme une

instance instauratrice de toutes les pratiques et les formes du penser, du dire et du

faire, impliquent que ‘la finitude’ occupe une place fondamentale dont il s’agit de

créer des modes d’individuation au-delà d’un savoir prégnant et d’un pouvoir régnant.

On dit ceci, on fait cela : quel mode d’existence cela implique-t-il ? Parfois un geste,

un mot suffisent. Ce sont des styles de vie, toujours impliqués, qui nous constituent

comme tel ou tel» (G. Deleuze, "La vie comme une œuvre d’art", Foucault vivant, Le

Nouvel Observateur, aout-septembre 1986, p.60).

21

L’ontologie de biopouvoir du Foucault est une manière d’expérimenter nos

limites avec prudence de nos jours (‘faire vivre et laisser mourir’). Il nous amène à

découvrir doucement notre côté impatience pour la liberté, qui explique l’intérêt qu’il

portait au thème du rapport de pouvoir entre l’institutionnel el l’individu.

Dans cette nouvelle forme tout à la fois généalogique, critique et archéologique

d’exercice du pouvoir, les travaux consacrés à des problèmes très concrets sont

indissociables de ceux qui portent sur les formations discursives.

Ce que Foucault appelle biopouvoir, c’est donc les outils biologiques de la population

qui gèrent les mécanismes du pouvoir individuel et devient ainsi un enjeu essentiel

pour la vie ; (concept repris et développé depuis par François Ewald, Giorgio

Agamben, Judith Revel et Antonio Negri, notamment).

Le biopouvoir est un type de pouvoir qui s'exerce sur la vie : la vie des corps et

celle de la population. Selon Foucault, l'exercice de ce pouvoir constitue un

gouvernement des hommes ; avant de s'exercer à travers les ministères de l'État, il

aurait pris racine dans le gouvernement des âmes exercé par les ministres de l'Église.

L'homme, pendant des millénaires, est resté ce qu'il était pour Aristote un

animal vivant, et de plus capable d'une existence politique ; l'homme moderne est pour

Foucault un animal dans la politique duquel sa vie d'être vivant est en question

22

CHAPITRE 3

Analyse synthétique Foucaldienne

3.1 Folie et Déraison. Histoire de la Folie à l’âge classique

« Les hommes sont si nécessairement fous que serait être fous par un autre tour

de folie que de n’être pas fou » (Pascal)

« Ce n’est pas en enfermant son voisin qu’on se convainc de son propre bon

sens » (Dostoïevski)

« C’est aux imaginations déréglées que nous devons l’invention des arts. Le

caprice des peintres, des poètes et des musiciens n’est qu’un nom civilement

adouci pour exprimer leur folie » (St. Evremond)

Au moyen Age, le lépreux est retranché du monde mais non de la communion de

Saints, les fous leur succèderont ; chez les grecs, Ubris4 n’est pas vraiment folie. A la

Renaissance, les nefs des fous c’est l’errance, envers de la raison ou de la vie. La

montée de la folie et sa sourde invasion indique que le monde est proche de sa dernière

catastrophe, c’est la démence des hommes qui l’appelle et la rend nécessaire. Il

4 Dans la mythologie grecque, Hybris est une divinité allégorique personnifiant l’hybris (du grec ancien ὕϐρις / húbris)

notion grecque que l'on peut traduire par « démesure ».

23

faudrait savoir reconnaître le serpent malin ; ce savoir, si inaccessible et si redoutable

que le fou dans sa niaiserie innocente le détient, opposé à la prudence et à la suprême

sagesse (Don Quichotte, R. Lear) et au quiproquo, donc factice.

A l’âge classique, commence l’adaptation des hospices pour vagabonds et fous

ainsi que les maisons de travail, la police contrôle le désordre et être fou, c’est

synonyme de paresseux, inadapté, asocial ; contrairement aux criminels fous du

Moyen Age dont le repentir et le châtiment sont publics, l’insensé est caché comme

quelque chose d’honteux.

Le fou est vu comme un animal non dressé à enchaîner (animalité déchaînée) ;

on le montre comme un animal de zoo qu’on enchaîne et on le considère comme

insensible aux maladies et à la température, immortelle et déraisonnable ; comme

avant Rousseau, on se méfiait de tout ce qui était ‘naturel’ ; conclusion, si ces gens

sont enfermés, c’est la fin de la folie, de la croix, et du scandale de la foi.

Paradoxalement, cette conscience chrétienne de l’animalité prépare le moment

où la folie sera trouvée comme un fait de nature ; on oubliera vite alors ce que

signifiait cette ‘nature’ pour la pensée classique : non pas le domaine toujours ouvert

d’une analyse objective, mais cette région où naît pour l’être humain le scandale

toujours possible d’une folie qui est à la fois sa vérité ultime et la forme de son

abolition.

24

Les figures de la folie sont un mélange physique et mental, vrai en fait, mais ne

permettant pas l’analyse médicale. Au lieu de faire de l’aveuglement la condition de

possibilité de toutes les manifestations de la folie, elle (la science) la décrit comme

l’effet psychologique d’une faute morale. Et par là se trouve compromis ce qu’il y

avait d’essentiel dans l’expérience de la déraison. Ce qui était aveuglement va devenir

inconscience, ce qui était erreur va devenir faux, tout ce qui désignait dans la folie la

paradoxale manifestation du non-être deviendra châtiment naturel d’un mal moral. On

distingue donc, manie et mélancolie ; hystérie et hypocondrie.

Bicêtre5 était à la fois un hôpital et une prison ; on enferme le fou dans un

système de récompenses et punitions, c’est le passage d’un monde de la réprobation à

un univers de jugement. L’asile réduira les différences, réprimera les vices, effacera

les irrégularités. Il dénoncera tout ce qui s’oppose aux vertus essentielles de la société ;

c’est une espèce de célibat comme disait Philipe Pinel dans ces écrits psychologiques.

Tout est organisé pour que le fou se reconnaisse dans un monde du jugement

qui l’enveloppe de toute part ; il doit se savoir surveillé, jugé et condamné ; de la faute

à la punition, le lien doit être évident comme la culpabilité reconnue par tous. La

déraison était mise hors jugement pour être livrée dans l’arbitraire aux pouvoirs de la

raison.

Maintenant elle est jugée, et non pas en une seule fois à l’entrée de l’asile, de

manière à être reconnue, classée, innocentée pour toujours ; elle est prise au contraire

5 Bicêtre, dont la construction lancée par Louis XIII en 1633 sur les ruines d'une forteresse a été un hôpital, un asile d'aliénés

et une prison parisienne. Le nom de Bicêtre vient du fait que la forteresse était construite sur des terrains appartenant à

l'évêque de Winchester (francisé Vincestre, puis Bicestre)

25

dans un jugement perpétuel qui ne cesse de la poursuivre et d’appliquer ses sanctions,

de proclamer des fautes et d’exiger des amandes honorables, d’exclure enfin ceux dont

les fautes risquent de compromettre le bon ordre social. La folie a échappé à

l’arbitraire pour entrer dans une sorte de procès indéfini pour lequel l’asile fournit à la

fois policiers, instructeurs, juges et bourreaux.

Ces guérisons sans support et dont il faut bien reconnaître qu’elles ne sont pas

des fausses guérisons, deviendront les vraies guérisons de fausses maladies. La folie

était favorisée par la liberté, la religion, la civilisation et la sensibilité. La folie était

soignée par le silence, la reconnaissance dans le miroir (sorte de prise de conscience),

le jugement perpétuel, apothéose du personnage médical : juge, père, famille, loi ;

même Freud ne se libéra pas du pouvoir écrasant du médecin.

3.2 Surveiller et punir. Naissance de la prison

Jusqu’au XVII siècle les délits étaient le fait de grandes bandes de malfaiteurs

et dans les actes délictuels, c’était le Roi qui se sentait visé en sa personne ou dans ses

organes. A partir de XVIII siècle les bandits font place aux voleurs. « La plupart des

observateurs soutiennent que la délinquance augmente ; l’affirment bien sûr ceux qui

sont partisans d’une plus grande rigueur ; l’affirment aussi ceux qui pensent qu’une

justice plus mesurée dans ses violences serait plus efficace, moins disposée à reculer

d’elle-même devant se propres conséquences » (C. Dupaty. Dans Mémoire pour trois

hommes condamnés à la roue, 1786, p. 247. – inclus dans Surveiller et punir, p.74).

La justice était moins liée à un appauvrissement qu’une distribution mal réglée du

pouvoir. La justice était un monopole royal qu’il vendait au gré de sa trésorerie.

26

«Puisque les plus pauvres n’ont pas la possibilité de se faire entendre en justice » (C.

Dupaty, Ibid).

Des groupes sociaux entiers vivaient dans l’illégalité, grâce à des privilèges, ou

à cause des désuétudes des lois, ou par impossibilité de faire respecter la loi. Au XVIII

siècle, il y a eu une poussée démocratique qui a renforcé la propriété des biens :

l’illégalisme des droits fait place a l’illégalisme des biens. L’illégalisme qui sera le

plus accessible aux classes populaires sera celui de bien –transfert violent de

propriétés- sanctionné par les tribunaux ordinaires et les châtiments. L’illégalisme des

droits, tourner ses propres règlements et lois, s’assurer une marge de sécurité par le

silence de la loi ou une tolérance de fait, sanctionné par les tribunaux d’exception. La

bourgeoisie législatrice (et ensuite juge) s’est réservé ce dernier domaine. Le Trosne,

1764, trouve qu’il faut être plus sévère pour les vagabonds que pour les

contrebandiers.

« Il faut concevoir un système pénal comme un appareil pour gérer

différemment les illégalismes, et non point pour les supprimer tous » (p. 106) Si après

un siècle et demi de prisons, la délinquance n’as pas diminué, n’est-ce pas la preuve

de l’échec de la prison et du régime répressif que nous connaissons ?

La prison et le châtiment ne sont pas destinés à supprimer les infractions, mais

à les distinguer, les distribuer, les utiliser…. aménager la transgression des lois dans

une tactique générale des assujettissements. « La prison doit être un appareil

disciplinaire exhaustif. La pénalité serait alors une manière de gérer les illégalismes,

de dessiner des limites de tolérance, de donner du champ à certains, de faire pression

sur d’autres, d’en exclure une partie, d’en rendre utile une autre » (p. 273)

27

Les illégalismes politiques refusèrent les impôts, la conscription, les pillages, la

lutte ouvrière, qui déboucheront parfois sur des changements de régime ; on ne se bat

plus contre les agents du roi, mais contre la loi et les tribunaux chargés de l’appliquer,

contre les employeurs, les entrepreneurs, contre le nouveau régime de propriété établis

par les bourgeois de la révolution.

Le actes criminelles ont pas attiré depuis toujours l’intérêt ou les passions des

hommes, mais ils le font à une certaine classe sociale, les plus pauvres, les

malheureux, les vicieux, ou bien et contrairement, à les intelligents, les sagaces est les

plus astuces. « La délinquance, c’est la vengeance de la prison contre la justice… il

faudra chercher la raison de cette redoutable efficacité de la prison… L’une d’elles,

c’est qu’en fabriquant de la délinquance, elle a donné à la justice criminelle un champ

d’objets unitaire, authentifié par des ‘sciences’ et qu’elle lui a ainsi permis de

fonctionner sur l’horizon général de la ‘vérité’ » (p. 297)

La loi n’est pas fait pour tout le monde au nom de tout le monde ; elle est faite

pour quelques-uns et qu’elle porte sur d’autres ; en primer lieu elle est faite pour tous

les citoyens mais elle s’adresse principalement aux classes les plus nombreuses et les

moins éclairées.

Le châtiment et son esprit de prépondérance c’est l’élément qui fabriquerait un

illégalisme fermé, séparé et utile pour certaines. La délinquance est maintenant

contrôlée. Plutôt que le grouillement des siècles antérieurs, on n’a pratiquement plus

qu’une catégorie de délinquants qui se tirent les oreilles fatalement sur un acte

28

criminel focalisé, sans danger politique et sans aucune conséquence économique. Le

monde prétexté de la délinquance est relié ou au moins maintenu à un niveau assez

bas.

Démesurément, la délinquance c’est acte qui est devenue une pratique commun

dedans les marges de la légalité ; la prostitution, le trafic d’armes et de drogue devient

sérieux quand les sommes en jeu sont considérables. C’est une utilisation du pouvoir

politique sous forme de mouchards, surveillés par la police, surveillant et

s’introduisant dans les milieux suspectés, permettent un quadrilla généralisé de la

population.

La prison a servi à établir le dispositif de l’illégalisme parce qu’elle fournit à la

prison les infracteurs qui celle-ci transforme en délinquants, cibles et auxiliaires. Pour

Foucault la justice est un instrument pour le contrôle différentiel des illégalismes dont

les juges aident à la constitution de la délinquance, c'est-à-dire à la différenciation des

illégalismes, au contrôle, à la colonisation et à l’utilisation de certains d’entre eux par

l’illégalisme de la case dominante ; l’exemple, Vidocq et Vautrin devient chef de la

police et la criminalité devient un rouage de pouvoir.

Lacenaire montre à ce moment-là le triomphe de la délinquance sur

l’illégalisme, celui-ci étant confisqué par l’esthétisme. Son exécution bloqua le

retentissement de l’attentant de Fieschi, petit criminel débouchant sur la violence

politique de l’ère. « La coupure entre la délinquance et les illégalismes, son

retournement contre eux, sa colonisation par les illégalismes dominants » (p. 333)

« On a utilisé les procédés généraux de cette ‘moralisation’ des classes pauvres, on lui

29

a donné importance capitale au point de vue politique (remplacement des coutumes

par le code) et économique (propriété individuelle, travail, famille, stabilité)… On a

confondu systématiquement les délits de droit commun et ces infractions à la lourde

législation… pour lesquelles (revendication de droits) les ouvriers demandaient la

reconnaissance d’un statut politique. On a très régulièrement accusé les actions

ouvrières, animées sinon manipulées par de simples criminels. On a montré dans les

verdicts une sévérité souvent plus grande contre les ouvriers que contre les voleurs. On

a mélangé dans les prisons les deux catégories de condamnés, et accordé un traitement

préférentiel au droit commun… » (p. 334)

« Longue entreprise pour présenter les délinquants comme tout proches,

partout présents et partout redoutables. C’est la fonction du fait divers qui envahit une

partie de la presse. Le fait divers par sa redondance quotidienne, rend acceptable

l’ensemble des contrôles judiciaires et policiers qui quadrillent la société » (p.334 -

335). Il y a une remise en question de la justice pénale, soulignant les causes sociales,

économiques de la délinquance, dénonçant la pourriture morale des classes

dirigeantes. Contrefait divers.

Même système de panoptisme et de formation dans les couvents, les écoles, les

hôpitaux, les ateliers, l’armée, les prisons (et les zoos) pour surveiller et dresser d’une

certaine façon des groupes de gens qui, volontairement ou non, sont hors société.

Il existé une continuité entre enfermement, châtiment et institution disciplinaire

qui ne cesse pas. Dans cette disposition, la prison transforme, dans la justice pénale, la

30

procédure punitive en technique pénitentiaire, l’atmosphère carcérale amène cette

technique de l’institution pénale au corps social tout entier.

«L’adversaire du souverain puis l’ennemi social s’est transformé en un déviant,

qui porte avec lui le danger multiple du désordre, du crime, de la folie. Le carcéral,

avec ses filières, permet le recrutement des grands ‘délinquants’… Du hors la loi, on

passe à la filière disciplinaire, de l’orphelinat à l’hospice, passant par les patronages,

les bataillons disciplinaires, les colonies pénitentiaires et autres ‘établissements de

bienfaisance’ (p. 351)

« Le système carcéral (comprit comme l’effet plus importante)… parvient à

rendre naturel et légitime de pouvoir punir » (p. 353) « Dans la gradation savamment

progressive des appareils de discipline et des ‘encastrements’ qu’ils impliquent, la

prison ne représente pas du tout le déchaînement d’un pouvoir d’une autre nature mais

juste un degré supplémentaire dans l’intensité d’un mécanisme qui n’a pas cessé de

jouer dès les premières sanctions » (p. 354). Le droit de punir n’est pas la conséquence

du contrat social mais la suite normale du droit de discipliner et réglementer.

« Séries d’effets : La dislocation interne du pouvoir judiciaire ou du moins de

son fonctionnement; de plus en plus une difficulté à juger, et comme une honte à

condamner ; un furieux désir chez les juges, d’apprécier, de diagnostiquer, de

reconnaître le normal et l’anormal ; et l’honneur revendiqué de guérir ou de réadapter

(p. 355). « Le tissu carcéral de la société assure à la fois les captations réelles du corps

et sa perpétuelle mise en observation… Après l’âge de la justice inquisitoire, voici

celui de la justice examinatrice » (p. 356)

31

3.3 Histoire de la Sexualité.

3.3.1 La Volonté de savoir

Foucault, dans La Volonté de Savoir, essaye de comprendre comment la

sexualité est devenue un objet de connaissance, comment elle a été ‘mise en discours’.

Et il est par autre part de comprendre comment la sexualité a été liée à un mécanisme

de pouvoir via les discours dont elle a fait l'objet. Cette double articulation fait de ce

premier tome, un livre à superpositions, avec des décrochements quelquefois

inattendus.

Ainsi Foucault établit une langue continuité entre la sexualité des Grecs de

l’époque classique et celle des Latins du deuxième siècle, reposant sur une maturation

de cette morale de l’autonomie individuelle. Pour lui, cette « tique s’oppose à celle qui

se construira avec le christianisme et qui se fonde sur la soumission à des règles

transcendantes énoncées et imposées par des instances de domination.

La Volonté de Savoir, c’est une histoire originale qui révolutionne ni plus ni

moins la façon par laquelle on peut comprendre l'histoire occidentale. C’est

l’introduction théorique volontairement rapide et fragmenté d’un ensemble

philosophique qui est toujours en mouvement : la sexualité. L’ouvre est

principalement marqué pour l’influence persistante de la pudibonderie victorienne où

la base sociale c’est la couple reconnue légitiment pour la procréation (nous ne

connaîtrons pas une oscillation différente jusqu’au la libération avec Freud).

32

« La sexualité est une figure historique très réelle, et c'est elle qui a suscité

comme élément spéculatif, nécessaire à son fonctionnement, la notion de sexe. Ne pas

croire qu'en disant oui au sexe, on dit non au pouvoir; on suit au contraire le fil du

dispositif général de sexualité. C'est de l'instance du sexe qu'il faut s'affranchir …

Contre le dispositif de sexualité, le point d'appui de la contre-attaque ne doit pas être le

sexe-désir, mais les corps et les plaisirs » (p. 208)

Les rapports sexuels doivent se passer dans une chambre bienséante et fermée

comment le faisaient les parents et non pas comme les marginales hystériques de la rue

ou les prostituées. Au XIX siècle l’incompatibilité de la liberté sexuelle et du travail

en général était intensifiée par le contrôle économique et politique.

Pour Foucault, l’histoire ne montre presque aucun changement dans les

comportements et conduites sexuelles depuis des siècles. L’histoire contredit ce qu'il

appelle ‘l'hypothèse répressive’, c'est-à-dire cette hypothèse qui dit que le sexe en

Occident est bafoué et réprimé depuis au moins deux cents ans. Cette hypothèse c’était

la suite de cette période de ‘révolution sexuelle’ qui a commencé dans les années '60

(génération de 68).

Pour Foucault, cette hypothèse ne peut pas constituer l'élément déterminant

d'une histoire de la sexualité mais le point de départ pour répondre la question de la

‘répression sexuelle’. La sexualité, est une invention moderne qui, par la religion,

l’éducation, la morale, la psychologie, la médecine, la justice, la politique familiale, la

biologie, nous gouverne tous. C’est la genèse donc de cette hypothèse qui ouvre les

33

portes au secret le moins bien gardé qui soit et nous ne cessons pas de l’interroger pour

qu’il nous dise la vérité sur nous-mêmes.

« La sexualité ne se divise pas en home ou hétéro sexualité, mais entre

comportements actifs (réservés aux mâles adultes) et passifs. Le devoir de l’homme est

de montrer en toute occasion sa supériorité virile et son sens de honneur, en n’exerçant

aucune violence envers l’objet de son amour, en particulier son épouse…selon Michel

Foucault, il est surtout question dans les textes, ce n’est pas l’amour avec les femmes,

qui répond à des règles claires, mais celui avec les garçons, qui se heurte à la difficulté

de taille » (Frédéric Gaussen – Le Monde. Michel Foucault, les plaisirs et la morale

Vendredi 22 Juin 1984. Pp. 17 – 20)

Vers la fin de XVIIe siècle et le début de XVIII e, la chair était la racine des

toutes les péchés et le désir. Le discours sur le sexe était basé dans la confession pour

éviter l’hypocrisie et le scandale. La population a eu besoin des règles de sexe utiles

vis-à-vis à des problèmes des libérations charnelles ; d’où l’on chasse tout ce qui n’est

pas la reproduction ? Légitime ? Être un Don Juan c’est libertin ou pervers ?

« Ce qui est propre aux sociétés modernes, ce n’est pas qu’elles aient voué le

sexe à rester dans l’ombre ; c’est qu’elles se souviennent vouées à en parler toujours,

en le faisant valoir comme LE secret » (p. 49)

L’Ars Erotica a un but essentiellement hédonique fondé dans le plaisir ; la

Scientia Sexualis soutient l’idée que le sexe est doté d’un pouvoir causal inépuisable et

polymorphe née de l’avoue et la vérité. Il y a une tergiversation intrinsèque entre la

34

répression d’instincts et la loi du désir qui amène à tout le monde dans un lac vide

d’intelligibilité. L’occident a donné assez d’importance à l’amour pour rendre la mort

acceptable. « Plus que les vieux interdits, cette forme de pouvoir demande pour

s’exercer, des présences constantes, attentives, curieuses aussi : examens,

observations, aveux, confidences, approche » (p. 60)

Au XIX siècle, il y a pas un seule renoncement au plaisir ni une

disqualification de la chair mais une intensification du corps et la problématisation de

la santé et de ses qualités de fonctionnement avec des nouvelles techniques pour

maximaliser la vie (remplacement du sang par le sexe pour la pureté de la race). Les

guerres ne se font plus au nom du souverain qu’il faut défendre, elles se font au nom

de l’existence de tous. On dresse des populations entières à s’entretuer réciproquement

au nom de la nécessite de vivre, dont les massacres sont devenues vitaux.

Les églises s’occupent de la mort et des mortes. Les états s’occupent de la vie

(sécurité social, santé) et des vivants, c’est une morale ascétique sur la formation du

capitalisme. L’homme reste un animal vivant éventuellement capable d’avoir une

existence politique dans la société puisque la vie est devenue un critère de droit de vie,

de sécurité et de bonheur.

Le pouvoir et le sexe forment une relation négative de rejet ou bourrage dont le

pouvoir dicte sa loi sur le sexe. Le pouvoir serait toujours un fond passablement

tolérant dans le cycle de l’interdit face à un renoncement logique de la censure ou

oblitération. C’est une situation complexe et stratégique dans une société qui rapports

35

une conformité sur l’organisation dans laquelle, penser de sexe sans loi et de pouvoir

sans roi est synonyme de mort.

3.3.2 L’Usage des plaisirs

Une histoire, qui ne serait pas une histoire recueillie dans les connaissances,

mais une analyse des ‘jeux de vérité’, du vrai et du faux à travers lesquels l’être se

constitue historiquement comme expérience, c’est-à-dire, pouvant et devant être pensé.

Pourquoi la sexualité, les activités et les plaisirs qui en relèvent font-ils l’objet d’une

préoccupation morale ? Préoccupation là où souvent il n’y a pas d’interdit,

d’obligation ou de prohibition.

C’est là le début de ce que Michel Foucault a appelé le grand renfermement,

dont allait hériter le XIXe siècle médical. Mais, en 1656, les objectifs de l’Hôpital

Général n’ont rien de médical. C’est en fait un instrument du pouvoir pour contrôler

les mendiants, les malades mentaux et les invalides qui hantent les rues de Paris. Ils

étaient considérées comme des ‘pauvres mendiants comme membres vivants de Jésus-

Christ’ et non pas comme membres inutiles de l’Etat. Dedans l’hôpital s’agissait d’une

conduite d’un si grand œuvre non par ordre de police, mais par le seul motif de la

charité.

Le 13 mai 1657, on chanta une messe solennelle du Saint-Esprit dans l’église

de la Pitié et le 14, l’enfermement du pauvre fut accompli sans aucune émotion, c’est

en tout cas ce qu’affirme une brochure anonyme publiée vingt ans après.

36

Il faut dire que, sur les 40 000 pauvres dénombrés à Paris au début de 1656,

35 000 s’enfuirent de la capitale pour se réfugier en province avant l’entrée en vigueur

du décret. Seuls 4 ou 5 000 mendiants incapables de fuir, « eurent le grand bonheur de

trouver retraite à l’Hôpital ». Cette structure étend bientôt son réseau sur toute la

France. En 1676, un nouvel édit du roi ordonne la création d’un Hôpital Général dans

chaque ville du royaume.

Soranus et Arêtée considéraient que l’activité sexuelle était moins favorable à

la santé qu’abstraction et virginité. Certains la valorisaient comme la bonne conduite

de la vie (Caton le jeune) et beaucoup d’anciens comme Aristote prônait la fidélité

envers la femme légitime quoique ce ne fût requis ni par la loi ni par la coutume.

L’abstention était directement liée à une forme de sagesse disait Socrate. Il a eu

des différences entre les penseurs de l’austérité pythagoricienne, stoïcienne,

épicurienne ; les femmes sont astreintes à des contraintes très strictes mais tout ce qui

suivra concerne les hommes avec des règles essentiellement viriles ; il ne faut pas

parler de prohibitions mais de style de vie pour exercer son pouvoir et sa liberté.

La morale est l’ensemble de valeurs et de règles d’action qui sont proposée aux

individus et aux groupes par l’intermédiaire d’appareils prescriptifs divers, tels que la

famille, les institutions éducatives, l’Eglise, etc. Les différences sont une règle de

conduite ; manière dont on doit se conduire, c’est à dire se constituer soi-même

comme sujet moral agissant en référence aux éléments prescriptifs qui constituent le

code.

37

La morale ne consiste pas seulement à poser certains actes, mais comporte un

rapport au réel et à soi ; non seulement ‘conscience de soi’ mais constitution de soi

comme ‘sujet moral’. A partir de XIII siècle se présente la ‘juridiction’ et la

‘codification’ de la morale chrétienne.

Chez les Grecs et les Romains, on ne trouve pas les notions de ‘sexualité’

vinculées à la problématisation de la morale des plaisirs, autrement dit, les soucis de

la chair. L’Aphodisia est la ‘substance éthique’ du comportement sexuel dont les

œuvres, les actes d’Aphrodite -la déesse de l’amour- qui réalise ces actes, gestes,

contacts qui procurent du plaisir. La pudeur restera comme une assez grande réserve,

malgré iconographie et littérature.

La nature a voulu que l’accomplissement de l’acte soit lié à un plaisir –plaisir

qui suscite un mouvement naturel vers ce qui fait plaisir- Il ne saurait y avoir de désir

sans privation. Si l’activité sexuelle est soumise à des règles, ce n’est pas qu’elle soit

un mal en soi, ni qu’elle porte la marque d’une déchéance première. Mais elle appelle

une délimitation de la mesure convenable de la pratiquer. Donc, il est essentiel que les

humains se donnent une descendance attraite. Il ne faut pas que la satisfaction

l’emporte sur le but de l’acte.

La curesis6 amène à prendre son plaisir ‘comme il faut’, selon les modalités et

usages de ce temps. Il existe un besoin organique de se sentir bien avec soi-même et

tant avec les autres du sexe opposé, geste de Diogène, qui expliqué ce caractère public

de la chose. Mais peut-elle, aphrodisia, être honteuse si elle est naturelle ?

6 La cure naturelle

38

Un besoin physique pressant peut-il être satisfait sans dommage ? Il ne faut

pas créer des désirs qui vont au-delà des besoins. C’est un spectraux difficile quant à

déterminer le moment opportun. Il faut user du plaisir en considération de celui qui en

use, selon son statut propre : le goût des honneurs et des louanges qui sont propres aux

hommes, leur permet d’endurer des dangers et des privations. Cure

L’enkrateia7 laisse sa disposition : on oppose l’intériorité de la morale

chrétienne à l’extériorité d’une morale païenne qui n’envisagerait les actes que dans

leurs manifestations. Les vertus de l’homme sont la piété, la sagesse, le courage, la

justice et la tempérance. On ne peut devenir tempérant sans avoir soutenu la lutte

contre les plaisirs et désirs, ni remporté la victoire par exercice et l’art. Longue

tradition du combat spirituel.

Ce sont les combats contre les ennemis de l’extérieur et aussi de l’intérieur, en

soi, qu’il faut vaincre, c’est la maîtrise de soi. Chez les anciens hommes vertueux, ça

s’explique comme un rapport de domination et d’obéissance, de commandement et de

soumission, de maîtrise et de docilité et non comme chez les chrétiens comme un

rapport d’élucidation et de renoncement, de déchiffrement et de purification ; mais il

existe aussi un rapport domestique : le maître et sa maisonnée ; et pédagogique : le

maître et l’élève. De ce fait, il est bien présent dans les esprits que pour l’emporter

dans cette lutte, il faut requérir un processus qui a besoin de l’exercice et

l’entraînement.

7 Terme utilisé par Xénophon pour décrire le control personnel

39

« C’est en s’écartant des plaisirs qu’on devient tempérant, mais c’est quand on

l’est devenu qu’on peut le mieux s’en écarter » (Aristote)

Cette ‘ascétique’ n’est ni organisée ni réfléchie comme un ensemble de

pratiques singulières, mais n’est pas distincte de la vertu elle-même. Elle permet de se

constituer comme sujet moral, pratiquant une vie vertueuse.

Dans la ‘sophrosunê’8 on obtient les vertueux de la liberté et de la vérité. Ils

sont des caractéristiques des bienfaisants obtenues par maîtrise, retenue est précisé

comme une liberté. Seuls les pythagoriciens voulaient ainsi conserver leur pureté ;

comme Platon visaient la maîtrise de soi.

La liberté doit être acquise par rapport aux plaisirs, aux besoins, ne pas être

leur esclave. « L’homme intempérant l’emporte t’il sur la bête la plus stupide ? »

(Xénophon). Le mauvais tyran est incapable de maîtriser ses propres passions

(Pisistrate, Périandre, Tarquin, el Rey Rodrigo et Don Julian) ; toujours enclin à abuser

de son pouvoir aux dépends de ses sujets ; ceux-ci se révolteront à cause de cette

violence. Le déshonneur des épouses, filles, enfants souvent invoqué comme motif

pour renverser le tyran (caractère viril de la tempérance).

« L’homme choisit parmi les actions celle qu’il juge la plus avantageuse »

(Xénophon).

8 L’état d’acquérir la tempérance

40

Une façon de vivre dont la valeur morale ne tient ni à sa conformité, ni à un

principe dans l’usage des plaisirs. L’humanité se serait séparée du monde animal par

une rupture de diète. « La diététique aurait donc précédé la médicine » (Hippocrate)

dont le régime couvre les exercices, aliments, boissons, sommeil, rapport sexuels et

rendu la vie utile et heureuse des limites qui lui ont été fixées.

Chez les pythagoriciens d’abord, l’amour affaiblit ; il faut le faire le moins

possible. Le cerveau est le premier organe à être affecté par l’acte sexuel comme le

disait Aristote, Balzac et Hemingway. Les athlètes doivent pratiquer l’abstinence

sexuelle. Ne rien faire volontairement de malsain de peur que ça n’imprègne l’âme et

le corps de l’enfant. Il y a des saisons plus favorables pour procréer. Si les enfants

humains ne ressemblent pas à leurs parents, c’est que ceux-ci les ont conçus avec une

âme agitée, ne pensant pas à ce qu’ils font.

C’est la naissance de la ‘violence de l’acte’. Déséquilibres charnels dont le

plaisir est mélangé aux souffrances et contraintes, « le plaisir a la forme d’une petite

épilepsie » (Hippocrate). « C’est une dépense corporelle puisque le sperme est extrait

de la cervelle » (Pythagore). « Il ne faut pas le faire (l’acte sexuel) trop jeune parce

que l’énergie est consacrée à la croissance, ni trop vieux parce qu’il y a perte

d’énergie, mais procréer entre 25 et 35 ans » (Aristote).

Croyants ou pas à ces pensées contradictoires des uns et des autres, il y aura

aussi un « dégoût pour la premier femme résultant de l’effort et de l’abattement

consécutif à la première relation sexuelle » (Aristote). L’aspect de la loi du plus fort

vient s’enchaîner à la vie quotidienne et on comprend la mort et l’immortalité : les

41

animaux qui se tuent pour assurer leur descendance. « Engendré la beauté de l’âme du

jeune garçon » (Platon)

Assez loin, dans la culture chinoise (van Gulik) l’acte sexuel est irrépressible et

coûteux ; on s’interroge beaucoup aux effets nocifs de l’acte sexuel mais on se

préoccupe au même temps d’avoir une descendance correcte (procédés de rétention

volontaire de la semence). Le danger des abus des plus violents et les plus couteux des

plaisirs, question de la vie et de la mort.

L’érotisme c’est une relation privilégiée est basé sur une différence d’âge et de

statut. S’il en était autrement, deux hommes faits, celui qui aurait le rôle passif serait

sujet à moquerie. Jouir d’un garçon malgré lui est contraire à l’amour (le mariage,

femme donnée à l’homme). Le temps est limité à partir duquel le garçon est trop

vieux.

L’honneur du garçon concerne son statut d’homme en devenir où on le jugera

sur sa tenue, son regard, sa façon de parler, ses fréquentations. On lui déconseille tout

ce qui serait humiliant, passif, complaisant. La double supériorité de l’homme sur soi

et des autres ne peut se faire aux dépens du garçon.

L’objet du plaisir, c’est la valorisation de la domination à travers la pénétration

qui est un élément synonymique de supériorité. On comprend bien pourquoi l’esclave

est à la disposition du maître, la femme est dont la partie inférieure de nature et de

condition. Il y a aussi de l’oscillation entre ces caractères naturels au nom de ces

42

amours. Un garçon ne peut être pensé comme un objet de plaisir. Il peut éprouver du

plaisir mais le garçon trop voluptueux est sévèrement condamné.

« Les courtisanes, nous les avons pour le plaisir, les concubines, pour les soins

de tous les jours, les épouses pour avoir une descendance légitime et une gardienne

fidèle du foyer » (Démosthène)

A l’époque, cette activité servait à dissocier la constance d’un rapport conjugal

unique de la recherche du plaisir, non comme celle de la doctrine chrétienne qui se

divulgue comme la finalité procréatrice, que n’exclut pas toujours le plaisir. Le statut

familial et civique de la femme mariée lui impose les règles de conduite d’une pratique

sexuelle strictement conjugale, la volonté et la raison avant la vertu.

Il existe aussi une thématique de l’austérité maritale. Valeur attachée à la

beauté de l’épouse est très importante pour avoir des rapports sexuels avec elle. La

réputation de citoyen est étayée par façon de gérer l’économie domestique. « N’avoir

de rapport qu’avec son épouse est la meilleure façon pour le mari d’exercer son

pouvoir sur la femme » (Isocrate).

L’économique de Xénophon -traité de la vie matrimoniale grecque par

excellence- c’est l’art de commander, de régir sa ‘maison’, de viser le petit monde des

propriétaires fonciers de la cité grecque et des citoyens actifs pour s’endurer et

encourager pour savoir commander)

43

« Est-il quelqu’un à qui tu confies plus d’affaires importantes qu’à ta

femme » ? (Xénophon)

Le lien matrimonial est dissymétrique puisque l’homme décide. La famille

décide pour la fille et la donne à la famille de l’homme dans une double finalité : la

maison et les enfants. Maison pour ne pas vivre en plein air comme le bétail, les

enfants pour garantir la descendance. « Qu’aurais-je à conserver, dit la femme, si tu

n’étais pas là pour faire rentrer quelques provisions du dehors…si tu n’étais pas là

pour conserver ce que j’ai ramené à la maison, je serais comme ces gens ridicules qui

versent de l’eau dans une jarre sans fond » (Xénophon)

La nature de la conduite sexuelle a doté la femme d’une tendresse particulière

pour s’occuper des enfants avec modération et attachement. L’honnêteté de la femme

est un postulat ; celle de l’homme basé sur la communauté de vie, de biens, d’enfants

en est le corollaire. L’épouse doit être traitée comme la seule maîtresse de la maison et

de tout son contenu, enfants et domestiques inclus (comme dans le mariage chrétien,

difficultés pour femme stérile)

La femme ‘règne’ sur son mari par ses qualités de mère et maîtresse de maison

(le plaisir pris de force est moins agréable que celui donné de plein gré). La fidélité du

mari est le maintien du statut de l’épouse, de ses privilèges et de sa prééminence sur

les autres femmes. Celle de la femme n’est pas seulement sexuelle mais ‘conduite

économique’ dans et à l’égard de la maison. La tempérance du mari relève de l’art de

gouverner, lui-même, femme et maison.

44

Platon a exprimé dans ses écrits sur la loi, que les prescriptions conjugales ne

relèvent pas d’une morale volontaire mais d’une réglementation coercitive. Inceste,

objet de haine pour la divinité, de réprobation publique qui prend un caractère

religieux. Aussi tenant d’une ascèse certaine, pour réussir mieux.

Isocrate a promulgué d’éviter les mélanges, c’est la source de bâtards

illégitimes de divers lits qui auraient des droits différents. Il doit persister

l’homogénéité et la continuité de dynastie et association pour le respect de

l’engagement.

Aristote a cru toujours dans l’homme naturellement ‘syndyastique’ destiné à

vivre à deux parce que les animaux ne connaissent que la conjonction procréatrice.

L’homme cherche toujours le bien-être. « La femme arrive dans la maison du mari

comme une suppliante, une personne enlevée à son foyer » (Pythagore) ; la femme

n’est pas une esclave mais libre, ni un enfant mais jouit d’une relation contractuelle

dans la maison, comme gouvernées et gouvernants dans la cité ; c’est une relation

différente dans son inégalité. La Tempérance était prescrite aux époux mais sur un

mode différent du rapport à soi : le mari pour sa maison, la femme pour son mari.

Plutarque a distingué l’importance du plaisir réciproque dans l’attachement des

époux. L’art érotique c’est d’avoir des mœurs relâchées, ne résister ni aux femmes ni

aux garçons. C’est le reproche à Alcibiade. « Détourner maris des épouses, femmes de

leur mari » (Platon). L’amour s’attache d’abord à ce qui est le plus fort, le plus

intelligent. Mépris pour les jeunes gens trop faciles, les hommes efféminés. Les pères

protègent leurs fils et obligent les pédagogues à faire de même.

45

Il émerge une situation dans laquelle il y a une opposition entre l’amour et le

véritable amour. L’amour qui ne s’intéresse qu’au plaisir de l’amant et celui qui

s’intéresse à l’aimer lui-même, puisque l’amour fugitif devient égalitaire, réciproque et

durable, partage entre l’amour du corps et l’amour de l’âme. S’il y a les deux, l’amour

du corps l’emporte et la flétrissure fait passer l’amitié.

Xénophon disait que les hommes ‘honnêtes’ n’aimaient que l’âme du garçon et

ne visaient qu’à son amitié (dans un monde idéal comme la Sparte de Lycurgue) et à la

vie commune. Platon a exprimé ce point de vue en disant que c’est simplement une

question d’attentions réciproques et de sentiments partagés durables parce ce que si le

beau et le vrai sont unis, cet amour n’a rien de honteux « le bon gré s’accorde au bon

gré »

On entre dans le passage de la question de la conduite amoureuse à

l’interrogation sur l’être de l’amour. Qu’est-ce que l’amour, sa nature, ses œuvres ? Le

passage de la question de l’honneur du garçon à celle de l’amour de la vérité.

S’attacher à l’objet aimé pour ce qu’il porte en lui de reflet et d’imitation de la beauté

elle-même.

Ce passage ne fonde pas l’amour sur la dignité du garçon et le respect qu’on lui

doit mais sur ce qui dans l’amant lui-même, détermine l’être et la forme de son amour

(désir d’immortalité aspiration au beau, pureté, réminiscence de ce qu’il a vu au-

dessus du ciel). Le mouvement vers le beau corps devrait mener à celui vers la belle

âme. Ce n’est pas l’exclusion du corps, mais à travers l’apparence de l’objet, le rapport

à la vérité.

46

On traverse aussi le passage de la question de la dissymétrie des partenaires à

celle de la convergence de l’amour. Il faut que l’aimé aussi ait été porté au vrai par la

force de l’Eros ; passage du point de vue de l’amant à celui de l’aimé. L’amour est le

même pour chacun puisqu’il les porte chacun au vrai. C’est le couloir de la vertu du

garçon aimé à l’amour du maître et à sa sagesse. Le plus avancé sur le chemin de

l’amour et de la vérité guidera l’autre et l’écartera des plaisirs bas. Socrate n’est aimé

que dans la mesure où il est capable de résister à la séduction parce que c’était sa

capacité de l’abstention de son corps et de concentrer en lui-même toute l’énergie de

son âme.

Quel est le statut à donner aux garçons et aux hommes comme objet de plaisir ?

Quel est le rapport de l’amour à la vérité ; reconnaître ce qu’est véritablement l’amour

qui s’est saisi de lui ? Quelle conduite à tenir pour que s’équilibrer à l’offre et

demande’ ? Comment l’amant pourra t’il établir pour toujours son rapport à l’être

vrai ? C’est une économie des plaisirs par domination qu’on exerce sur soi.

Questionnement dans son être sur le rapport à l’objet du désir reconnu comme vrai.

Tout cet ascétisme n’est pas pour disqualifier l’amour pour les garçons, mais

c’est une manière de la styliser, lui donner forme, figure, valeur. Les Grecs ont

recherché la forme de modération requise au comportement sexuel. On oppose la

tolérance, la liberté antique, à la sévérité, au puritanisme chrétien. Or cette tempérance

sexuelle rigoureuse ne date ni du christianisme ni du stoïcisme et du rigorisme de

l’Antiquité tardive, mais bien du IV siècle avant JC. Cette austérité ne se présente pas

sous forme d’une loi, mais comme une conduite personnelle de vie, la plus belle et la

plus accomplie.

47

« Les Grecs n’ont pas hérité de la croyance qu’une puissance divine a révélé à

l’humanité un code qui réglerait le comportement sexuel » (JK. Dover. Greek

homosexuality), diététique, tempérance contre violence, épuisement, pour l’espèce.

La tempérance maintien la position de l’homme, l’organisation domestique et

économique. La tempérance faire place à la liberté de l’autre dans la maîtrise qu’on

exerce sur soi et l’amour vrai qu’on lui porte.

L’éthique sexuelle grecque qui reposait sur des inégalités, fut pensée comme

libre exercice de sa liberté, les formes de son pouvoir, son accès à la vérité. C’était un

nouveau déplacement du problème au XVIII siècle de la femme vers le corps. St.

Augustin disait à ce propos que l’origine de l’unification doctrinale occidentale, c’est

le mariage qui amène à la vérité.

3.3.3 Le souci de soi

Le développement de cette morale sexuelle rigoureuse n’est pas le résultat du

renforcement de l’autorité publique mais plutôt l’affaiblissement du cadre politique et

social dans lequel se déroulait dans le passé la vie des individus. Moins fortement

insérés dans la cité, plus isolés les uns des autres et plus dépendants d’eux-mêmes, ils

auraient cherché dans la philosophie des règles de conduite plus personnelles.

Les stoïciennes insistaient sur la nécessité des devoirs à accomplir envers

l’humanité, les citoyens et la famille. L’individualisme c’était la valeur absolue

attribuée à l’individu dans sa singularité, son indépendance par rapport au groupe, aux

48

institutions, à sa valorisation de la vie privée, à sa famille, à ses intérêts patrimoniaux

et l’intensité des rapports à soi, c’est à dire, se prendre soi-même pour objet de

connaissance et action pour faire son salut. Ça va lui permettre de s’assurer de la santé

de son âme, de se tourner vers soi-même pour la pratique sociale au service des âmes

réciproques et pour être en corrélation avec la pensée médicale contre les perturbations

(phatos (anxiété), nosêma (infections sexuelles, kakia (vices)).

Les images que excitent artificiellement sont appelés phantasiai. Discours,

pensées, nourritures qui échauffent, spectacles, attitudes, représentation de nu et le

danger du regard, de la lumière -pour faire l’amour dans l’obscurité (ne laisse pas

pénétrer la lumière par toutes les fenêtres de la chambre à coucher parce que il y a bien

des parties du corps gagnant à ne pas être vues au grand jour).

« La masturbation, c’est plutôt positif, c’est un remède du dépouillement

naturel » (Dion). C’est une partie du régime sexuel dont la médicine ne connaît guère

les déviations maladives. L’acte sexuel n’est pas un mal mais le foyer permanent

amènera des maux possibles. La virginité est un choix, un style de vie, une forme plus

haute d’existence essentielle pour le rapport à soi et à l’autre. Il faut se réserver l’un

pour l’autre jusqu’au moment où l’amour trouve son accomplissement dans le mariage

pour la préservation de l’intégrité physique et de la pureté du cœur dans la chasteté.

Dans le Christianisme, l’acte sexuel sera considéré comme un mal sauf dans le

mariage. Le monde Gréco-romain a-t ’il pressenti l’austérité sexuelle chrétienne ?

L’intensification du souci de soi va de pair avec la valorisation de l’autre lien conjugal.

« S’il est une chose conforme à la nature, c’est bien de se marier » (Musonius Rufus)

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La conjugalité est pour l’activité sexuelle la condition de sa légitimité et la

poursuite trop intense du plaisir contredit la nécessité de le maîtriser.

C’est traiter sa femme en adultère que de se comporter trop ardemment avec

elle. Il ne faut pas traiter sa femme comme une maîtresse, il faut se conduire en mari et

non en amant. Le plaisir n’est légitime qu’en vue de la procréation et de

l’aménagement d’une vie commune entièrement partagée.

La femme épousée se cache dans la nuit sans qu’on puisse voir son corps parce

qu’elle doit faire briller ce qu’il y a de vertueux en elle ; sa constance et son affection.

Il y a un risque d’une mauvaise première expérience « comme l’apiculteur qui, ayant

subi les premiers piqûres des abeilles, renonçait à récolter son miel » (Plutarque).

C’est parce qu’elle cherche des plaisirs pas trop forts au début de peur de lassitude et

évite les disputes dans la chambre à coucher.

La tâche de Dionisios n’est pas que de boire du vin enivrant…. Celle

d’Aphrodite n’est pas dans la simple relation des corps mais dans le sentiment de

l’amitié. « Aphrodite est l’artisan qui crée la concorde et l’amitié entre hommes et

femmes, car à travers leurs corps et sous l’effet du plaisir elle lie et fond en même

temps les âmes » (Plutarque). Ce n’est pas une réglementation du permis et du

défendu, c’est une manière d’être, un style de rapports, se sont des principes universels

pour donner à leur existence une forme honorable et belle.

La beauté est la fleur de la vertu et les femmes produisent cette fleur et ont

tendance à la vertu. De même l’amitié peut aussi exister entre hommes et femmes ou

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du moins avec sa femme. Une tempérance qui viendrait de l’extérieur ne serait qu’une

obéissance aux lois. La maîtrise de soi, la loyauté, la pudeur, la retenue par l’effet

d’Eros peut donner le plaisir et la vertu. La volupté est comme un germe à partir

duquel croissent de jour en jour, entre les époux, le respect mutuel, la complaisance,

l’affection et la confiance.

Le rapprochement, même lorsqu’il n’en résulte pas d’enfant, est un hommage

rendu à une femme honnête ou une marque d’affection qui dissipe les contrariétés.

Dans le mariage, il y a pas plus grand bien qu’être aimé, il unifie le physique et

l’esprit, et il est un privilège exclusif de la communauté vertueuse qui puisse unir

amour et vertu.

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REFERENCES

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France.

2. Foucault, Michel. Naissance de la Biopolitique. Cours de College de France 1978

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13. Sheridan, Alan. Discours, Sexualité et Pouvoir. Initiation à Michel Foucault.

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14. Tremain, Shelly. Foucault and the goverment of disabilituy. University of

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