les établissements de religieux d'outre-manche sur le territoire de la province...

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. CENTRE INTERNATIONAL DE RECHERCJIE ET DE DOCUMENTATION SUR LE MONACHISME CELTIQUE BRltl\UUll\ 5. .

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. CENTRE INTERNATIONAL DE RECHERCJIE

ET DE DOCUMENTATION SUR LE MONACHISME CELTIQUE

BRltl\UUll\ 1· 5 . rn~nKXtia .

L e CIRDoMoC, créé en 1986, à la suite du colloque du quinzième centenaire (1985) de la fondation de l'abbaye de Landévennec, s'est assigné pour objectif l'étude du monachisme celtique sous tous ses

aspects.

Le quinzième volume de la série Britannia Monastica rassemble les textes des communicatiol)s présentées lors des dernières journées d'études accueillies par l'abbaye,

Soazick KERNEIS :/Le soin des âmes et l'administration des corps Les premières plebes d'Armorique.

Patrice LAJOYE : Les établissements de religieux d'outre-Manche sur le territoire de la province ecclésiastique de Rouen (V-VIf siècle).

Dominique BARBET-MAssiN: Apertio aurium: la liturgie du baptême et l'enluminure insulaire.

Philippe lAHELLEC : Postérité littéraire de. la Vira de sainte Ninnoc .. sous la plume d'Albert Le .Grand.

Louis LEMOINE : Les lettres significatives dans la cantillation de la Passion.

Michel LAHELLEC : Commentaires sur un texte de Godefroy de Viterbe .

.-

André-Yves BouRGÈs : En tournant les pages du Bréviaire imprimé 'de Léon de 1516: Quelques réflexions sur l'hagiographie bretonne à la fin du MoyenAge. ·

Pierre-Yves lAMBERT : .!lspects de la réception d1sidore de Séville dans les pays celtiques.

Armelle Le Î-luërou : Le rôle de témoin du bréviaire dans la transmission des textes médiévaux: l'exemple du bréviaire imprimé de Dol de 1519 comme conservatoire d'un texte du XII siècle.

Pou·r en savoir plus, consultez le site du CIRDoMoC :

http:l 1 cirdomoc.free.fr

Les établissements de religieux d'outre-Manche sur le territoire de la province ecclésiastique de Rouen

(ve-vue siècle)

Patrice LAJOYE 1

L'une des différences profondes existant entre les historiographies bretonnes et normandes concernant le haut Moyen Age tient en ce fait qu'en Bretagne, les Vies de saints ont depuis toujours été considérées comme des sources valides. Depuis Dom Lobineau, et ses successeurs dont La Borderie, Duine, et pour le xx• siècle Léon Fleuriot, la Bretagne dispose d'une suite ininterrompue et variée d'études. La situation normande est toute autre. Au xiX" siècle et au début du xx• siècle, les études s'y sont menées non à l'échelle de l'entière province de Rouen, mais à celle des diocèses, avec l'abbé J.-B.-N . Blin pour Sées, le chanoine E.-A. Pigeon pour Avranches et Coutances, l'abbé J.-B. Mesnel pour Evreux, Jules Lair et l'abbé Do pour Bayeux. Les diocèses de Lisieux et de Rouen n'ont jamais connu d'hagiologue ayant une vision d'ensemble. Autre retard remarquable, celui de l'introduction de l'hypercriticisme: jusqu'au bout du xrx• siècle et même au-delà, il s'en est trouvé certains, comme Blin ou Do, pour croire que certains évêques ont pu être envoyés en Gaule par le pape Clément au r•r siècle. Cette crédulité face aux sources, alors que par ailleurs ces histo­riens pouvaient parfaitement dresser des dossiers hagiographiques complets, pousse justement l'historien moderne à décrédibiliser totalement celles-ci. De ce fait, les études modernes portent principalement sur le culte des saints, et non sur leur histoire2.

La question des religieux bretons (ou plus généralement d'outre­Manche) venus s'installer en Neustrie aux VI•-vu• siècles est donc quasiment neuve. Le seul saint breton ayant attiré (et à plusieurs reprises) l'attention des chercheurs normands est Samson, dont la Vie est considérée comme particulièrement fiable. Les autres restent dans l'ombre, et c'est paradoxale­ment un historien breton (mais quel historien!), Léon Fleuriot, qui a pour la première fois abordé la question avec une vision d'ensemble, les travaux

1. Je remercie particulièrement André-Yves Bourgès, dont l' invitation au CIRDOMoC m'a permis de réactualiser ce dossier qui dormait dans mes archives depuis presque 10 ans, er Christophe Maneuvrier (Université de Caen), qui fu t à l'origine, grâce à une saine émulation, de ce travail.

2. On peut prendre pom exemple le cas du récenr colloque de Cerisy-la-Salle, P. Bou ET er F. N evEux (dir.), Lts Saints dans la Normandie médiévale, Caen, Presses universitaires de Caen, 2000 : sur les 16 communications, par ailleurs intéressantes, une seule, celle de Mgr Bernard Jacqueline, traite du haut Moyen Âge. Notons au passage la bibliographie générale de l'ouvrage, particulièrement lacunaire (il y manque par exemple l'ensemble des publications du chartiste Jules Lair sur Bayeux, qui som pourtant ce qui s'est fait de plus sérieux en matière d'étude des ~~s de sainrs).

Britannia M onastica n" 15 - 2011

Patrice LA]OYE

de Mgr Jacqueline sur le sujet lui étant postérieurs, et surtout limités au Cotentin 3.

Or les saints bretons venus évangéliser la Neustrie pré-normande sont nombreux : il n'y a en effet aucune raison à ce qu'ils en soient absents : Bretagne et Neustrie septentrionale forment encore, au haut Moyen Âge, la même entité géographique et sans doute administrative, héritée de l'Anti­quité, l'Armorique4. Mais il faut parfois faire un effort pour les chercher et les identifier, les études sur ce sujet étant rares, et souvent critiquables.

Les prémices (me?- V' siècles)

Le plus ancien des religieux bretons venus dans la province de Rouen serait saint Mellon, c'est-à-dire Melanius5, premier évêque de Rouen au m• siècle. Sa Vie, paradoxalement, ne date que du xm• siècle, et c'est un véritable roman 6. En tout cas, elle le fait venir de Grande-Bretagne, d' une ville nommée Cardiola, que les spécialistes de la matière arthurienne ne manqueront pas de reconnaîrre7. La donnée n'est pas très fiable8.

À une date indéterminable, deux jumeaux, Raven et Rasiphe, donnés comme Bretons, s'installent à Macé, près de Sées dans l'Orne9. Leur passion est fabuleuse, et leur nom même semble être une pure invention 10, mais cette origine n'est pas anodine 11 • Une autre donnée, qui peut induire les chercheurs en erreur, se trouve dans l'épitome des Actes de saint Latuin, évêque de Sées, sans doute au v" siècle : Ex Britanniae finibus beatissimus Lainus, urbis sagiensis episcopus 12. Lainus est déjà une forme évoluée d'un

3. Malheureusement, ce chercheur avec le temps prend ses hypothèses (parfois très inréressantes au demeurant) pour des vérités. Par exemple dans B. JACQUELINE, « Saints celtes en Cotemin •, in Nédilèquerits. Recueil d'articles offerts à Yves Nédtlec, 1994, Sainr-Lô, Société d'Archéologie et d'His­toire de la Manche, p. 247-254.

4. La restriction de ce rer me à la seule Pttite-Bretagtzt est, pour cette époque, un parfait anachronisme : cf infi-a avec le cas de Potentin us.

5. Même si les formes anciennes sont de type Mellonm ou Mallomts. 6. Abbé SAUVAGE, Actes de saim Mel/on, premier tvêque de Rouen, Rouen, 1884; AASS, 22 ocr., t. IX,

p. 554-574. 7. Abbé SAUVAGE, ibid., p. 143 : «Me/lon us, in Majori Britannia non infimis parentibus ortlls, ci vis fidt

Cardiolae w·bis •. 8. Norons qu'il aura tout de même parmi ses successeurs saint Victrice, contemporain er ami de Martin

de Tours, quj effectuera une mission évangélisatrice en Bretagne. 9. On ruspose à leur sujet d'un récit de translation rédigé 50 ans après cellc·ci sous l'épiscopat de

Hugues de Bayeux (l" moitié du xt' siècle), mais leur Passion n'est que du xn' siècle: AASS, 23 juil., t. v, p. 389-394.

10. Analecta BoUandiana, LXXXIX, 196 1, p. 303-319. I l. Les bréviaires de Bayeux er de Sées, au xvu' siècle, ne comprenant plus le nom Britannia, les font

venir de Britannia minore: J. B. N. BLIN, Vies dessaints du diocese de Séez, 1873, l:Ngle, s. v. Raven et Rasiphe.

12. J. B. N. BLIN, op. cit., sv. • Saint Laruin •, d'après des Acres intitulés Epitomae vitae bMti Latuini, sagiensis episcopi, conservés dans l'église d'Anet (Dreux). Cet abrégé n'est connu que par une rusroire de Sées imprimée en 1678. Voir aussi Vic01nre ou MoTEY, Saint Latllin et son temps, Alençon, Imprimerie Alençonmùsc, 1921, même si cet ouvrage s'avère d'une crédulité sans égale: l'auteur resre persuadé que Laruin a bien été envoyé par Clément au t" siècle pour évangéliser la Gaule ...

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Les établissements de religieux d'outre-Manche ...

nom peut-être germanique, et ces « confins de la Bretagne» se rapportent sans doute à une donnée d'époque carolingienne, quand Erispoe attaquait la Neustrie, allant jusqu'à Bayeux, et que son successeur Salomon prenait possession d u Cotentin et de l'Avranchin . Le rédacteur du texte aura donc confondu, peut-être à partir d'une source plus ancienne, la localisation du saint à l'époque carolingienne, et le lieu de sa naissance.

Les premiers éléments sérieux : le VI" siècle

Saint Lô et son successeur Romphaire

C'est cependant au VIe qu'une majorité d'ecclésiastiques rransmarins vont débarquer.

Au début du VIe siècle, l'évêché de Briovère puis Coutances est donné à saint Lô. Là encore, la Vie de ce saint est tout sauf un document histo­rique13. Aussi peut-on dire qu'on ne sait rien de lui. Monseigneur Jacqueline a proposé il y a quelques années de l'identifier avec le gallois Lleuddad Llydaw, disciple d'Iltud, sur lequel on sait aussi peu de choses 14. C'est tout à fait possible, d'autant plus que son successeur, saint Romphaire, connu par Grégoire de Tours et Venance Fortunat 1S, vient d'outre-mer. La Vie de Romphaire est très tardive, et elle lui donne une origine « anglaise » : il débarque à Barfleur. Son nom latin, Romacharius16, pourrait bien être un composé celto-latin *Romacarius: « [Celui qui est] aimé de Rome ». Si l'on en croit sa Vie, ses parents eux-mêmes portent des noms très classiques et absolument pas « anglais» : Hermolaus et Delphina. C'est tout à fait le type de nom que pourrait porter un Breton, donc un pro-Romain, de

Le cuire de sainr Lain n'est pas arresré avant le xv< siècle, er son nom ne l'esr auparavanr que par les lisres épiscopales du XII' siècle.

13. EUe n'est datée que du x< ou XI' siècle au mieux, er fair de son héros un évêque ... à l'âge de 12 ans!: E.-A. Pigeon, Vüs d~s saints du diocèse de Coutances tt Avranch~s, r. 1, Avranches, Imprimerie Alfred Perrin, 1892-1898, p. 137- 144. Elle esr unanimemenr reconnue comme un tissu d'invraisemblances.

14. B. jACQUELINE, • Sainr Lô, évêque de Courances er Briovère (VI' siècle) •, Revue de la Manche, r. 35, fasc. 139, 1993, p. 39 (36-53) . Cerre hypothèse figure déjà chez W SMITH er H . WACE, A Dictionary of Christian Biography, Literature, Sects and Doctrines, parr. VI,julianus-Myensis, Kessinger Publishing, 1877, rééd. 2004, p. 627, où Lleuddad apparalt sous la forme latine Laudatm, qui facilite l'assimilation à saint Lô. Lleuddad a fair l'objet d'un cuire populaire attesté dès le xn' siècle, sans qu'on puisse ti rer parti de cette info rmation du point de vue historique: N . A. JoNES er M. E. ÜWEN, " Twelfrh-cenrury Welsh hagiography : the Gogynfeirdd poems ro saints "• in Jane Cartwright, Ce/tic Hagiography and Saints Cult, Cardiff, University ofWales Press, 2003, p. 45-76. Le surnom du saim, Llydaw (c'esr-à-dire : "de (Petite-) Bretagne") allait déjà clairement dans ce sens.

15. Il vient à Rouen ensevelir l'archevêque Prétexrat, assassiné sur ordre de Frédégonde (Grégoire de Tours, Historia Francorum, VIII, 31) er à Nan res pour y consacrer une église avec Eufrone de Tours (Venance Forrunar, Carmina, m , 6).

16. I:évolurion de Romacharius à Romphaire peur sembler curieuse mais esr bien attendue phonéti­quement. Le même phénomène se produit, par exemple dans les Virat bretonnes, avec le nom de Childebert, écrit régulièrement Philiben.

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Patrice LA}OYE

cette époque 17. Notons que Romphaire avait primitivement le dessein de se rendre en Aquitaine, et non en Neustrie 18.

Saint Tudual

Toujours au VI" siècle, le cas de Tudual n'est pas très connu, mais j'ai, dans plusieurs travaux récents, contredisant ceux de Monsieur Guillorel, bien affirmé sa présence à Lisieux, grâce à des éléments locaux que les hagio­graphes bretons ne connaissent pas 19. Son identification avec Theudobaudus évêque de Lisieux strictement contemporain attesté uniquement dans les canons des conciles d'Orléans de 538, 541 et 549, est plausible. Je repren­drai ici des travaux antérieurs, en les complétant. Le premier évêque de Lisieux est connu sous le nom de Theudobaudis (sans doute pour un ancien Teudobaudus20) . Il a assisté aux conciles d'Orléans de 538 et 549, et s'est fait remplacer par le prêtre Edibius à celui de 541 21 . C'est tout ce que l'on sait officiellement de lui. En fait, il semble qu'il faille sortir de l'actuelle Normandie pour en apprendre plus. Une hypothèse vieille de plus d'un siècle veut que saint Tudual, fondateur du monastère de Tréguier, aurait été, comme l'affirment ses Vies, évêque de Lisieux22• Cette hypothèse, plutôt hardie, a été admise récemment encore par Christophe Maneuvrier23,

mais elle est le plus souvent rejetée, et pour cause : en dépit du saint « Udual » qui a été signalé à Léon Fleuriot dans la région de Lisieux, sans que celui-ci puisse vérifier son existence24, jamais Tudual n'a été rencon­tré en Normandie. Pourtant la première Vita, comme la seconde25, sont assez claires : « [ ... ] et il reçut en don beaucoup de paroisses. Et il en

17. Ceci coïncide assez ma! avec l'hypmhèse de Bernard Jacqueline qui veut identifier Romphaire avec le saint Rom far du Vastmanland : B. jACQUEUNE, • Saint Romphaire •, Revue du département de la Manche, t. 25, fasc. 100, 1983, p. 5-7. On voir ma! comment un Scandinave aurait pu devenir évêque en Corentin dès l'époque de Grégoire de Tours .. .

18. Pour rous ces détails (sans les interprétations): E. A. PIGEON, Vies des saints ... , t. 11, p. 1-11 , avec œxre er traduction de la Vie.

19. En dernier lieu P. LAJOYE, Religions et cultes à Lisieux dans l'Antiquité et le haut Moyen Âge. !'-VIf sitcle, Lille, l heBookEdirion. corn, 2008a, p. 39-40.

20. Les graphies données par les canons des conciles varient : 'kodabaudus en 538, 7heudobaudo en 541 et 7heudobaudis en 549. Les historiens locaux ont retenu 7heudobaudis, mais il f.~ur sans doute restituer Teudobaudus.

21. L. DucHESNE, Fasus épiscopaux de l'ancienne Gaule, t. 11, [Aquitaine et les Lyonnaises, 1910, Paris, Fomemoing, p. 236.

22. Tudual, neveu du corme Riwal, émigre en (Petite) Bretagne, qu'il traverse d 'est en ouest en recueillan t des dons de terres. Puis il va à Paris rencontrer Childebert. Celui-ci Jui donne confirma­tion des dons de paroisses qu'il a reçus. Mieux, ille nomme évêque. Enfin, Tudual retourne (selon la Vie brève) dans sa patrie où il meurt.

23. C. MANEUVRIER, Paysages et sociétés rurales au Moyen Âge: le Pays d'Auge jusqu'à la jin du Xllf siècle, t . 1, thèse sous la direction d'André Debord puis de Claude Lorren, Université de Caen, 2000, p. 55-60 er 67-70. Ce passage de la thèse, qui offre le premier regard normand sur ce dossier, devrait faire l'objet d 'une publication.

24. L. FLEUR!OT, Les origines de la Bretagne, Paris, Payor, 1999, p. 15 1, n.135. 25. J'adopte ici, pour faire simple, la terminologie de La Borderie, même s'il faut, comme l'a renté

Hubert Guillorel, réviser ce classement.

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Les établissements de religieux d'outre-Manche ...

reçut en don beaucoup d'autres, tant en Bretagne que dans le pays des Gaulois » 26, «Saint Tudual, avec la bienveillance et la permission du roi [Childebert] retournant vers ses disciples, va revoir la ville de Lexovie au pays de Neustrie >>

27. Mieux: l'auteur de la seconde Vita mentionne le fait que certains doutent du lieu de la mort de Tudual et réaffirme que celui-ci est mort dans le Trégor, comme si dès le XIe ou le xn• siècle il y avait des raisons de penser qu'il était mort ailleurs !

Léon Fleuriot lui-même l'admettait clairement : « Quant à saint Tu dual, il est bien vraisemblable qu'il reçut effectivement l'évêché de Lisieux. Plus tard, confinés dans leurs étroites limites, les hagiographes bretons ont consi­déré le fait comme invraisemblable et ont cherché à localiser Lexovium en Bretagne occidentale, au Coz-Gueaudet en Ploulec'h le plus souvent , 28•

Mais Tudual n'est hélas plus connu en Normandie. Peut-être l'est-il en fait sous un autre nom ? Tudual est une forme moderne dérivant du brittonique Tutwal ou Tutowal. Au Pays de Galles, au x• siècle, ce nom a été latinisé en Tutagualus29. En Bretagne continentale, il l' a été sous la forme Tutgualus, forme qui, avec un [gu] interne, traduit une influence du français du xr• siècle. Ces deux formes montrent que le nom de Tudual a subi une évolu­tion classique sur le plan linguistique au cours du temps. Cependant, cette

26. Première vie de Tudual, éditée par A. de LA BoRDERIE, • Saint Tudual. Texte des uois vies les plus anciennes de ce saint et de son ancien office publié avec des notes et commentaires historiques »,

Mémoires de la Société historique et archéologique des Côtes du Nord, 1887, p. 84-117; voir aussi son • Commentaire h istorique sur les t rois Vies de saint Tudual », ibid, p. 286-366. Je remercie C hristophe Maneuvrier de m'avoir transmis ces documents. Cerre première Vie a aussi été éditée par A. DE BARTHÉLEMY, " Étude sur une Vie inédite de saint Tudual attribuée au VI' siècle », Mémoires de la Société nationale des antiquaires de France, 1883, p. 10 4-123. A. DE BARTHÉLEMY, ib id. , p. 108 note 1, di t bien: « On a complètement renoncé, aujourd'h ui, à admettre l'existence d'une ville de Lcxobie, en Bretagne ; dès le XVI' siècle, on n'y ajou tait aucune foi; en effet, d ans le p lus vieux bréviaire de Saint-Brieuc, nous lisons, à la 6' leçon de Matines, à propos du retour de T udual en Bretagne : Lexovimsem urbem, in pago Neustrie siram, revisit • ·

27. Deuxième vie de Tudual, A. de LA BoRDERlE, • SainrTudual ... op. cit. 28. L. FLEURlOT, Les origines ... , op. cit., p. 150-151. Quelques historiens bretons n ient toujours ce fait,

ainsi H. GUILLOTEL, • Le dossier hagiographique de l'érection du siège de Tréguier •, in Mi/anges offim à Uon Fleuriot, Rennes, PUR, 19 92 , p. 2 13-226, après avoir dressé un dossier solide, se con tente de vagues homophonies encre un évêché de Tréguier proche de l'évêché d'Auximorum (Léon) et un évêché de Lisieux proche d 'un évêché Osismemis {l'Hiémois), hom ophonie qui aurait favorisé le rapprochement pour des questions de prestige. Or le Hiém ois est un pagur, et non une cité ou un diocèse, et il est peu probable qu'en Bretagne on se soit souvenu, en plein xn ' siècle, que l'évêché de Sées ait d'abord eu son siège à Exmes. De plus, il n'y a absolument aucun prest ige à tirer en plaçant , au x n ' siècle, un grand saint dans le d iocèse de Lisieux. Q u'on en juge: au xn' siècle, Lisieux n'est qu'une petite ville à l'étroit dans son cas/non antique en ruine {enraillé par l'évêque Herbert qui voulait se consuuire une nouvelle cathédrale). Indéfendable, elle est pourtant pourvue d' une garnison de mercenaires bretons, qui n' hésitent pas à l'incendier avant de s'enfuir lorsque des troupes anglaises viennent à la menacer ! Pourtant sur ce point, Hubert Guillotel a été suivi par les principaux hagiologues b retons actuels, donc A.-Y. I3ouRGÈS, "La production hagiographique du scriptorit1m de Tréguier au xr' siècle: des miracula de saint C unwal aux vitae des saines Tugdual, Maudez et Efflam "• Britannia Monastica, n• 9, 2005, p. 55-80, et B. MERDRIGNAC," Le processus de réécriture dans l'hagiographie b retonne et sa signification "• Britannia Monasrica, n• 9, 2005, p. 36-39 (23-43).

29. Annales de Cam brie, Joseph Loch (éd.) in d'Arbois de Jubainville, Cours de Littérature celtique, tome IV, Lts Mabinogion, t. Il, Paris, Thorin, p. 347-357.

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Patrice LA;oYE

évolution ne fut pas la même d'une région à l'autre. Or on sait que dès le VI' siècle un [w] interne en breton ou en gaulois tardif a eu tendance, ou bien à tomber, ou bien à évoluer en [v]3°. De même, dans le domaine linguistique normano-picard, le son [w] n'a pas été rendu en [gu] comme en français, mais en [v] . Ainsi, si Tudual s'était installé dans la région de l'actuelle Normandie, et plus précisément dans la région de Lisieux, son nom se serait prononcé * Tutoval et écrit *Tutovalus, le [ t] interne pouvant aisément évoluer, par spiranrisation comme dans la forme moderne, en [d] et le [v] en [b].

Or, on l'a dit, au VIe siècle, Lisieux connaît son premier évêque : il s'agit d'un dénommé 7heudobaudis, autrement dit Teudobaudus. La ressem­blance phonétique entre Teudobaudus et * Tutovalus est évidente, et est d'autant plus remarquable que Léon Fleuriot cite plusieurs cas de germa­nisations de noms bretons31 • Y a-t-il donc identité entre Theudobaudis et Tudual? Plusieurs éléments permettent de penser que oui. Tout d'abord, Theudobaudis est connu comme évêque de Lisieux au moins de 538 à 549, par sa présence ou sa représentation à trois conciles d'Orléans, soit durant le règne de Childebert 1•'. Tudual est contemporain de Childebert. La Borderie va même plus loin en fixant la date de son passage sur le continent vers 525-530 et sa mort entre 553 et 559 32• On aurait donc deux évêques parfaitement contemporains. On peut citer d'autres éléments de comparaison : dans les Vitae de Tudual, celui-ci est censé faire son voyage à Paris, en ambassade auprès de Childebert, accompagné de saint Aubin, évêque d'Angers. Or les trois conciles d'Orléans où l'on signale Theudobaudis sont aussi les seuls où était présent Aubin. On notera au passage que le culte de saint Aubin est particulièrement bien attesté au sein de l'ancien diocèse de Lisieux. Mieux encore: dans la première Vita, Tudual vient voir Childebert afin d'avoir son agrément pour conserver les paroisses qui lui ont été données, mais dans la seconde Vita, il est précisé aussi que Tudual était alors menacé par le roi Conomor, qui avait usurpé le trône de D omnonée. Or là encore il y a convergence avec Theudobaudis puisque celui-ci, par l'intermédiaire de son représentant Edibius, a souscrit aux canons du concile de 541 qui sont essentiellement orientés vers une protection accrue des biens de l'Eglise, notamment de ceux acquis par dons de terres (canons 7, 9, 11, 17, 18, 26, 33, 34, 35) 33. Ce sont les premiers canons de concile visant à légiférer sur les domaines ecclésiastiques.

Ajoutons un dernier détail, d'ordre topographique, plutôt troublant. La troisième Vie nous dit qu'alors qu'il revient de Paris vers Lisieux, la veille de son arrivée, il fait étape chez un noble malade, qu'il guérit,

30. L. fLEURIOT, Les origines ... op. cil., p. 69 sq. 31. Ibid, p. 136, avec deux exemples: Bretta/dus et Britobaudem. 32. A. de LA B ORDERI E, • Saim Tudual ... , op. cit. 33. O. Po:-~TAL, Histoiredesconciles mérovingiens, Paris, Cerf. 1989, p. 118-119.

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Les établissemmts de religieux d'outre-Manche ...

en un lieu nommé Curmau (var. Curmanu ou Curman) : « De là il se rend près de Lexobie, au coucher du soleil, et s'arrête à la maison d 'un seigneur non éloignée de la cité ». Le seigneur en question est en fait très malade, au point de ne plus pouvoir bouger. Et pourtant, l'homme se lève en pleine forme au commandement du saint. Bernard Tanguy pense pouvoir identifier l'endroit avec un lieu nommé Coulmou, ancien manoir au sud de Ploulec'h (commune où se trouve le Yaudet), sur la commune de Ploumilliau 34• Cependant, il est intéressant qu'une grande paroisse, localisée à quelques heures de marche au nord-est de la ville normande, se nomme ... Cormeilles! Cormeilles se trouve à une lieue au nord de la route de Paris, sur la route de Pont-Audemer, d'où ensuite on peut se rendre à Pentale. Or sur la paroisse de Cormeilles, jusqu'au XIX" siècle, se trouvait une chapelle Saint-Firmin à laquelle on amenait les enfants qui ne pouvaient pas marcher. Jouxtant Cormeilles se trouvent les paroisses Saint-Pierre et Saint­Sylvestre de Cormeilles. La parenté de nom dénote l'existence d'un grand domaine foncier démembré en trois paroisses. Enfin, Cormeilles est certes attesté sous la forme Cormeliae en 1060, mais il est fort probable qu' il faille l'identifier avec un lieu nommé Curmillanda villula35dans un acte falsifié de Charles le Chauve de 860/861, ce qui nous rapproche singulièrement du Curmau de la Vita III Tugduali.

Tout, donc, tend à rendre possible l'identité entre Tudual et l'évêque de Lisieux Theudobaudis. S'il est bien possible que les trois Vies aient été rédigées au xn• siècle, il n'en reste pas moins qu'elles ont pu se baser sur un document plus ancien, et plus fiable.

Des Bretons anonymes dans le Hiémois et dans le Bessin

Au vr• siècle, saint Germain de Paris passe dans le Hiémois, donc non loin de Sées, et y rencontre un prêtre breton resté anonyme. Ce prêtre demande au saint de prier pour la maladie du « chef de sa patrie>>, ce qui tend à montrer qu'il n'est pas seul dans la région.

Dans le Bessin, le monastère de D eux-Jumeaux aurait été fondé, selon Ordéric Vital, par saint Martin de Vertou, de retour d'une mission en Bretagne36. Cependant, la Vie de saint Jacut, rédigée elle aussi au xn• siècle,

34. B. TANGUY, " !.:évêché mythique de Lexobie "• in B. CuNLIFFE et P. GALLIOU (dir.), Les Fouilles du Yaudet en Ploulec'h, Côtes-d'Armor, vol. 1, Le site: Le Yaudet dam l'histoire et dam la légende, Rennes, CRBC, 2004, p. 27 (25-48). Auparavant, A.-Y. BouRGÈS," I..:évêché de Lcxobie et l'archldiaconé de Plougastel :autour des origines religieuses du Trégor », Ti'égor mémoire vivante, n' 7, 2' semestre 1994, p. 3-17, a pensé pouvoir retrouver ce toponyme dans la Villa Uuormauui mentionnée par la Vie de saint Pol Aurélien. Mais Bernard Tanguy (ibid.) s'y oppose, tant pour des raisons phonétiques que topographiques.

35. C. MANEUVIUER, Paysages et sociétés rurales . . . , op. cit., p. 79-80. 36. A. LE PRÉVosT (éd.), Histoire ecclésiastique, lib. 6, r. rn, Paris, Renouard, 1845, p. 53. Cf Aussi la

Vi ta Martini, du xn' siècle : AASS, ocwbre, r. x, p. 794-818.

35

Patrice lA}OYE

attribue cette fondation à son héros, Jacut étant d'ailleurs un jumeau 37. Lequel des deux documents donne la vérité? Il est impossible de le dire, tous deux étant, de plus, très tardifs. Mais ils inclinent toutefois à penser que le monastère a été fondé par un religieux d'outre-mer.

Les pérégrinations de saint Samson

Malheureusement, ces témoignages ne permettent pas d'en dire plus sur ces installations. Par contre, le cas de Samson est plus intéressant38 . J'ai eu l'occasion d'y travailler à plusieurs reprises. Le monastère de Pen tale, mentionné dans sa Vie la plus ancienne, est bien identifié : cette fondation a donné lieu à la création d'une enclave entre les diocèses de Lisieux et d'Évreux, sur l'estuaire de la Seine, enclave appartenant bien évidemment au diocèse de Dol 39.

Un autre cas est celui de Pennante, mentionné dans des sources plus tardives40 . On s'est perdu longtemps en conjecture po ur le localiser. Pourtant, il semble qu'il faille bien l'identifier avec ce qui deviendra au xr< siècle le monastère de Saint-Martin de Troarn, situé au fond de l'estuaire de la Dives (ce qui en fait un candidat sérieux du point de vue topogra­phique : la pointe de l'estuaire pouvant être considérée comme la tête

37. B. MERDRIGNAC, " Les deux portes du paradis •, Revue archéologique de !"Ouest, supplément n• 2, 1990, p. 389 (385-392). Cerre abbaye de Deux-Jumeaux renfermait le corps de saint Manvieu, évêque de Bayeux au v" siècle. J. I...APORTE, « Sur les origines du monachisme dans la province de Tours •, Revue Mabillon, 1941, a pensé faire de lui un Scot : c'est sans fondement solide.

38. Sa Vie ancienne a été éditée et traduite par P. FLOBERT, La Vie anciemu de saim Samson de Dol, Paris, CNRS Éditions, 1997, tandis que la Vira ua, ou Vie carolingienne l'a été par F. PLAINE,« Vi ta antiqua sancti Sarnsonis Dolensis episcopi »,Analecta Bollandiana, VI , 1887, p. 76-150. Tour récem­ment, de nouvelles études ont été effectuées sur ce dossier littéraire, mais, pour intéressantes qu'elles soient, elles n'ajourenr rien à notre problématique: P. FtODERT, «Le remaniement carolingien (Vira secunda, ua, BHL 7481, 7 483) de la Vie ancienne de saint Samson », Britannia Monastica, n• 9, 2005, p. 45-54; A. LE HuËROU, " La Legenda Sancti Sansonis archiepiscopi Do/emis. Proposition d'une édition er d'une traduction provisoires de quelques chapitres du Chronicon Briocmse (Bnflat. 6003, f". 35v•-4zv• & Bnflat. 9888, f"•. 3Sv•-45v•), in G. BuROK, H. BIHAN et B. MERDRIGNAC (dir.), A tmvm les fies celtiques. A dreuz an inizi keltiek. Per inmlas scotticas. Mélanges à la mémoire de Gwénail Le Duc, Brirannia Monasticr1, n• 12, Klask (coéditeur), 2008, p. 121-172; B. MERDRIGNAC, • Saint Samson et saint Germain», in G. BuRON, H. BIHAN et B. MERDRIGNAC (dir.), A 1i-avm les îles celtiques. A dreuz an inizi ke!tiek. Per insu/as scotticas. Mi/anges à la mimoire dt Gwinaël Le Duc, Britannia Monastica, n• 12, Klask (coéditeur), 2008, p. 249-254.

39. En dernier lieu : ) . LE MAHO," Ermitages et monastères bretons dans la province de Rouen au haut Moyen Âge (VI'-IX" siècle) •, in J. QuAGHEili!UR et B. M!!RDJUGNAC (dir.), Bretom tt Normands au Moyen Âge. Rivalités, malemendus, convergences, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 65-96, avec bibliographie anrérieure.

40. Le testament d'Anségise, abbé de Fontenelle mort en 833, et un martyrologe carolingien. Jacques Le Mabo (in B. BooiNIER (éd.), L'Eure de la Prihistoire à nos jours, Sainr-Jean-d'Angély, Éditions J.-M. Bordessoules, 2001, p. 110), repris et développé dans J. LE MAHO, « Ermitages et monastères bretons ... op. cit. p. 87-91, a tenté de localiser ce monastère à Saint-Pierre-du-Val (Eure), mais sans élémenrs réellement déterminants. Il ne suffi t pas qu'une paroisse possède deux églises proches l'une de l'autre, et que celle-ci soit à la source d'une vallée pour admettre une identification. Des éléments plus solides (dédicace ou culte à Samson au moins) seraient attendus. Mais il n'y en a pas.

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Les ùablisuments de religieux d'outre-Manche ...

de la vallée) 41 • Troarn jouxte une paroisse Saint-Samson, et d'ailleurs les dédicaces à ce saint sont particulièrement nombreuses dans ce secteur42.

Mieux : en plaçant ce monastère à cet endroit, on peut aisément isoler ce que j'appellerai le « chemin de Samson » : les dédicaces à ce saint en Normandie semblent s'égrainer selon un axe précis, en direction de Dol.

Un troisième monastère est mentionné dans la Vie carolingienne : Rotmon ou Rotinon, lui aussi non localisé jusqu'ici, malgré les tentatives, peu convaincantes, de Léon Fleuriot par exemple. Mais j'aurai à y revenir.

Saint Germain l'Écossais, saint Clair et sain t Samson : des destins croisés

Il me faut en effet présenter deux cas particuliers, peu étudiés, même en Normandie, ceux de saint Clair et de saint Germain l'Écossais. Les Vies de ces deux hommes ont pour point commun d'être des romans hagio­graphiques43. Pourtant, elles mêlent toutes les deux à la mythologie44

d'authentiques éléments historiques : ceux-ci ne sont pas à rechercher dans le déroulement de l'histoire, mais plutôt dans la topographie, qui y est remarquable de finesse.

Saint Germain aurait été baptisé par sain t Germain d'Auxerre. Il faut donc placer son existence dans la deuxième moitié du ye siècle. Saisi d'une volonté évangélisatrice, il traverse la Manche et arrive à Diélette, dans le Cotentin. D e là, il traverse la Gaule vraisemblablement jusqu'à Troyes45,

où il est sacré évêque. Un évêque d'un type spécial, puisque régionnaire, sans siège, à la bretonne. À partir de là, son itinéraire se fait fantasque, je n'en parlerai donc pas. Puis il retourne en Bretagne. Plus tard, il se décide à retraverser la Manche. Il passe alors par un endroit nommé Mogdunum, qualifié alors de « port », puis il se dirige à nouveau vers l'Est, en passant par Bayeux, puis par Mortemer, jusqu'à la Bresle, rivière qui sépare les actuelles Normandie et Picardie. Là, il rencontre un seigneur franc païen, qui le décapite. Ce martyr a lieu en un endroit nommé le Vieux-Rouen, mais la tête du saint est emportée de l'autre côté de la rivière, en un lieu qui a pris depuis son nom.

Le parcours de saint Clair est très semblable46. Il serait né dans une ville nommée Orcestria ou Olchestria, localisée par certaines versions sur

41. Bloqué par sa localisation à Saint-Pierre-du-Val, J. LE MAHO," Ermitages et monastères bretons . .. op. cit., p. 91-95, a tout à fait raison de placer à Troarn un monastère samsonien, mais il ne peut s'agir, comme ille propose, et comme nous le verrons plus bas, de Rotmon.

42. P. U JOYE, Religions et cultes à Lisieux . .. op. cit. p. 43. 43. Les Actes de saint Germain (AASS, 2 mai, t. 1, p. 266-274) datent vraisemblablement du XJI' siècle ;

la Vïe de saint Clair (AASS, 4 nov., t. II, 1" part., p. 436-455) , est de la même date. 44. P. LAJOYE, • Saint Germain l'Ecossais, un Jupiter qui s'ignore», 01/odagos, t. XXII, 2008b, p. 39-48. 45. Le texte dit« Trèves». 46. Pour les détails du dossier : E.-A PIGEON, Vïer tks saintJ .. . op. cit. t. n , p. 251-259. Cet auteur ne va pas

assez loin dans la critique historique de ce texte, notamment au sujet de la datation du saint, trop tardive.

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Patrice LA]OY.t:

la Tamise. La ville d'Orchester, forme qu'on attendrait de nos jours, n'exis­tant pas, on a reconnu depuis le xvn• siècle, une variante de Rochester, dans le Kent47. Il serait donc bien anglo-saxon, et non breton. Toutefois, il convient de ne pas tenir compte du fait que sa vie place son existence sous le règne du roi Edmond. Edmond règne de 855 à 870. D e même, selon une série de variantes, il aurait été fait prêtre par l'évêque de Coutances Sigenand, connu de 866 à 87648• Par déduction , la mort de Clair a été placée en 884. Or il apparaît déjà dans le martyrologe d'Usuard, rédigé une bonne dizaine d'années avant, et une autre source le montre relevant le corps de saint Nicaise, martyr en Vexin au u• ou m• siècle49 ... Clair n'est donc a priori pas un bon candidat à l'édification de l'histoire de la Normandie ancienne : son existence est, de fait, indatable 50. Examinons cependant les données biographiques qui le concernent. Bon chrétien, il veut rester chaste, passe la Manche pour échapper à un mariage, et aborde à C herbourg. De là, il se réfugie dans un monastère nommé Malduin 51,

dirigé par un abbé nommé Odoben52• Là, selon certaines variantes, il s'ins­talle à l'écart, dans un ermitage localisé près d'un ruisseau nommé Costus, lequel ruisseau prendra ensuite le nom du saint 53. S'il n'était donc pas direc­tement moine de Malduin, il se rendait, selon les mêmes variantes, tous les dimanches à la messe dans la principale église du monastère, une église Saint-Paul. Il fait preuve d'une piété qui attire les foules, et notamment l'attention d'une femme qui tombe amoureuse de lui. Pour échapper à ça, Clair quitte le lieu et traverse lui aussi le territoire normand d'Ouest en Est, jusqu'à l'Epte (encore une limite frontalière de la future Normandie), où il est rattrapé par deux serviteurs de la femme, qui le décapitent.

Mogdunum et Malduin sont-ils des noms qu'il faut rapprocher ? Les ressemblances entre les deux vies incitent à le penser, même si on a souvent identifié Malduin au Mandane mentionné par la Vie de saint Pair, de Venance Fortunat 54, lieu lui-même non localisé avec exactitude, mais situé dans l'Avranchin. Pour s'en assurer, il convient de faire appel à d'autres noms de lieux en Gaule bâtis sur le même schéma. Mogdunum vaut sans doute pour un plus ancien *Magodunum avec une fermeture tardive du a en o, telle qu'on peut l'observer aussi dans le cas de Rouen (Ratumacos > Rotomagus). Or sur la base de *Magodunum, on connaît

47. On trouve une forme du type Rowcestre dans des documents anglo-saxons des xu'-xm' siècles. 48. L. DuCHESNE, Fastes épiscopaux . . . op. cit. p. 240. 49. Dans la Passion de saint Nicaise, datée du XI' siècle. Sur ce sujet, voir les RR. PP. BÉ:-lÉDICTINS

de Paris, Vies des saints et des bimheureux, t. XI, Novembre, Paris, Letouzey er Ané, 1954, p. 126. 50. Voir déjà les do ures de C. TRIGAN, Histoire ecclésiastique de la province de Normandie avec des obser­

vationscritiquesethistoriques, t. JI, Caen, Chalopin, 1759, p. 103. 51. C. TRIGAN, ibid. p. 101, donne la forme Maduin d'après les actes qu' il a consultés. On trouve dans

les AASS, 4 nov., t. Il, l" part., p. 436-455, les variantes Maldium et Maliduni. 52. Cet abbé n'a par ailleurs laissé aucune trace dans la littérature. 53. E.-A. PIGEON, Vies des saints ... op. cit. t. JI, p. 258 n. 1. 54. Déjà dans le bréviaire de Courances de 1741.

38

Les établissements de religieux d'outre-Manche ...

aussi Médan (Yvelines) : Magedon (IX• siècle); Mehun-sur-Yèvre (Cher) : Magdaini castri (vu( siècle), Maidunus (820); Meung-sur-Loire (Loiret) : in pago Magdunense (651) 55 . Les formes anciennes de Mehun s'avèrent remarquablement proches de Malduin, qui pourrait être considéré comme une cacographie de * Maidun.

Mo dunum ~------------------------------~

L-----------~--~M~al~d=u~in __________________________ ~ Médan

Mogdunum est qualifié de portus, ce qui fait qu'on l'a souvent identifié à Montebourg, siège d'une abbaye près de Cherbourg, depuis le xr• siècle. Mais cette identification n'est fondée sur aucun élément solide. De fait, il est possible de proposer Moon-sur-Elle, qui du point de vue étymolo­gique, est beaucoup plus satisfaisant 56• Or l'église de Moon est actuellement dédiée à Notre-Dame, ce qui en Normandie peut constituer un indice de fondation ancienne. Et la paroisse qui la jouxte au sud est Saint-Clair-sur­Elle, village tout près duquel se trouve une fontaine Saint-C lair, laquelle coule vers le ruisseau de la Rousserie, un affluent de l'Elle. Moon possède aussi sur sa limite nord un toponyme qui est tout simplement « Canivet ».

Nous verrons un peu plus tard l'importance de ce toponyme, analysé en son temps par Léon Fleuriot. Enfin, juste au sud de Saint-Clair, se trouve un toponyme « Bretel » (* Brito-ialum) sur la com mune de Couvains, et, à quelques centaines de mètres à l'est, un Hôtel-Escot 57. Il n'est pas question ici de l'église Saint-Paul mentionnée dans la Vie de saint Clair, mais celle-ci n'était que la principale des églises : elle a pu disparaître au profit d'une autre. Notons que Moon se trouve à la frontière entre le Cotentin et le Bessin : les frontières entre les diocèses semblent bien être le lieu de prédi­lection pour l'implantation de monastères aux v<-vu< siècle.

À partir de là, saint Clair ne nous intéressera plus. Par contre, Germain l'Écossais, lui, n'achève pas là sa carrière. Nous avons vu, donc, qu'il vient mourir au Vieux-Rouen-sur-Bresle. La tradition locale est ici très précise: c'est dans un bois encore nommé Canivet qu'il a été décapité. On retrouve le Canivet de Moon-sur-Elle ... Or selon Léon Fleuriot, ce nom

55. A. DAUZAT er C. RosTAING, Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, Paris, Guénégaud, 1989, p. 445, s .v. «Médan »; ]. lAFAURJE, « Monnaies d'argenr mérovingiennes des vn' et vm' siècles : les trésors de Sainr-Pierre-les-Erieux (Cher), Plassac (Gironde) er Nohanent (Puy-de­Dôme)», Revue Numismatique, 1969, p. 166 (98-219).

56. Moon apparaît sous la forme Moun dans une charre darée d'encre 1165er 1205 : V BouRIENNE, Antiquus Carlu laris Ecc/esiae Baiocensis (Livre Noil~, Rouen/Paris, LemingandPicard, 1902.

57. Tous les roponymisres disenr que les noms de lieux de rype • Ecor », « Escot », etc. proviendraienr du francique skot, qui désignerait un bout de bois. Mais il n'y a rien d'impossible à ce que certains dérivent de Scottus ou Scottia.

Patrice LA;oYE

proviendrait d'un vieux breton Catn~met58. Mieux encore, le Canivet, siège d'une maladrerie durant le Moyen Age, fait partie de nos jours d'un bois nommé le bois de Brétizel 59, du nom d'un hameau situé rive droite de la Bresle, non loin du château Humbaut, censé être l'ancienne demeure du seigneur païen qui décapita Germain. On peut donc penser qu'un Breton nommé Catnimet a aussi fréquenté les deux endroits. Autre nom de lieu intéressant: le Vieux-Bert, qu'on devine être une forme métathétique d'un *Vieux-Bret60.

Pourquoi le Vieux-Rouen ? La Vie de Germain ne l'explique que par une volonté divine: le saint doit y subir le martyre. Mais pour l'historien, c'est une explication bien faible.

On connaît au Vieux-Rouen un exemple particulièrement spectaculaire de villa de type palatial, officiellement datée du w siècle, mais pouvant être plus tardive61. Nous avons donc la certitude que le Vieux-Rouen était le siège d'un important domaine foncier, suffisamment riche pour permettre la construction de ce type de monument très luxueux. Malheureusement, aucune trace d'occupation d'époque mérovingienne n'y a été relevée, mais la faible ampleur des fouilles ne permet pas d'étendre cette absence à l'ensemble du site. Par contre, dans le cimetière entourant l'église parois­siale, des débris de vases mérovingiens ont été collectés dès le XIX< sièclé2.

Revenons donc à saint Samson, et notamment à sa Vie carolingienne 63.

Celle-ci nous raconte un miracle étonnant : alors que Samson se rend à Paris, la roue du char qui le porte vient à casser. Mais le saint prononce alors Rota move et la roue est réparée. Ayant entendu parler de ce miracle, le roi Childebert donne au saint la terre où celui-ci a eu lieu, et l'endroit prend le nom de Rotmo ou selon les manuscrits, Rotino 64 • Or Rotmo est à une

58. L. FLEURIOT, Les origines ... op. cit. p. 103. 59. Bmmllum en 1149: J. GARNIER, Dictionnaire topographique du dipartemmt de la Somme, vol. 1,

Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, t. XXI, 1867, p. 169. 60. Brer est en ancien français le singulier de Bretons. Tous les lieux mentionnés ici ont livré des vestiges

gallo-romains : 1. ROGERET, Carte archéologique de la Gaule- La Seine-Maritime, Paris, Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1997, p. 563.

61. Ibid., p. 564. La datation tardive est amenée par la découverte d'une mosiique à motifs géomé­triques très inhabituelle pour l'Antiquité. 62. Ibid. 63. Edüée par Fr. Pu r NE, • Vi ta antiqua sancti Samsonis . .. op. cit. Le miracle de la roue se trouve au

chapitre 21. 64. Voici la traduction française d'après la Vi ta n a, 21 : • Sainr Samson continuait son chemin [assis

sur un char] qu'il avait fait venir avec lui de sa parrie, car ses divers voyages l'avaient déjà épuisé et affaibli. Il traversait un pays (pagus] appelé Begesim{us}; il n'y avait-là aucune forêt en vue, mais un terrain plat, er pas d'artisan dans un large périmètre; il advint alors qu'une roue du char cassa er se désagrégea entièrement. [Le saint homme] descendit du char er se tinr parmi ses disciples. Ils lui dirent: "qu'allons-nous fai re, père ? Tu es déjà affaibli er il t'est difficile de continuer [à pied]". Mais il répondit, d'un air joyeux: "c'est facile si Dieu est avec nous!" Ils dirent alors qu' ils reparti raient dès qu'ils pourraient trouver un artisan capable de réparer la roue. "Ce n'est pas nécessaire, affirma [le saint homme]. N'ai-je pas un jour, en votre présence, dit à une femme dont les deux enfants malades étaient à l'agonie : 'femme, si tu crois, ru verras les prodiges de Dieu'? À cette occasion, vous avez vu, sans en douter, un grand prodige; si vous n'avez pas de doute à ce propos, pourquoi

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Les établissements de religieux d'outre-Manche ...

lettre près, un nom similaire à celui de Rouen au haut Moyen Âge: Rotomo ou Rodomo 65 • Le miracle est sensé avoir lieu dans un pagus bien précis: le pagus Begesimus ou Vegesinus, selon les versions. Il s'agit bien évidemment du Vexin, même si ces formes sont aberrantes 66. Mais comment doit-on prendre cette expression « dans le pays du Vexin »? S'agir-il du seul pagus historiquement attesté ou bien de l'ensemble du diocèse de Rouen 67?

À Rouen même, aucun culte de saint Samson n'est attes té. On peut donc aisément identifier Rotmo avec le Vieux-Rouen-sur-Bresle, Vetus Rothomagus au xn< siècle. Rothomagus est une forme canonique, restituée à partir de celle de la métropole, mais il a pu exister, plus tôt, aux époques mérovingiennes et carolingiennes, une forme du type *Veto Rotomo.

Lequel des deux saints a l'antériorité sur l'autre? Germain, évidem­ment, en tant que disciple de Germain d'Auxerre. Alors que Samson est disciple d'Iltud, lui-même disciple de Germain. Il est alors possible de dire que Samson a pu fonder Rotmo sur le lieu de la mort de Germain, encore connu de son temps, mais totalement ignoré des hagiographes bretons de l'époque carolingienne.

Là encore, on peut étendre le dossier à un autre cas problématique, celui de la fameuse Domus Veteres, qui vit Erispoë et Charles le Chauve signer un

parlez-vous d'aller chez un artisan, alors que l'artisan de toute chose, le Christ, esr présent où qu'on l'invoque? Car il a di t : 'là où deux ou trois s'assembleront en mon nom, là je serai présent parmi eux'; et ailleurs : 'si deux d'entre vous sur cette cerre s'accordent pour demander quoi que ce soir, ils l'obtiendronr de mon père qui est dans les cieux' et dans un autre passage : 'demandez et vous recevrez' . Nous allons demander à celui qui a tenu ce discours que notre roue soir réparée, qu'elle retrouve son état premier er [puisse] enfin se déplacer". Alors il fit un signe de croix sur la roue et dit : "Roue, meus-toi" [rota move]. Elle revint à son état antérieur, er [le saint homme] parvint jusqu'au palais sans subir aucun [aurre] accident. Le roi ressentit une grande joie à son arrivée. Saint Samson fur enfin accueilli par le roi Hilbert- dont nous avons déjà parlé- [et] avec tant de déférence, que tout ce qu'il voulair, non seulement [le roi] le lui accordait avec largesse, mais encore il le lui donnait sans retard et de bonne grâce, que ce soit du personnel ou des domaines, ainsi que nombre des droits spéciaux [praerogativa]. Comme le roi avait entendu parler du lieu de la réparation de la roue ct qu'il se réjouissait vraiment beaucoup [de ce miracle], il ordonna que soir construit à cer em placement un monastère, sous la dépendance duquel il plaça route la terre anenanre; il remit le tout aux soins de saint Samson, en renonçant pour toujours à ses droits sur ce domaine [in discumbitione - sic, pour dmanbitiont - perpetua]. Ce monastère s'appelle aujourd'hui encore Rotmon, d'apr~ (les mots) rora move. Saint Samson, avec la permission du roi H ilbert, confia l'honneur et les dépendances de ce monastère à Dol-de-Bretagne, en renonçant pour toujours à ses droits sur ce domaine. Il plaça des disciples comme garrliens du monastère, afi n qu'ils veillent à la pratique du cuire, qu'ils remplissent un digne office, qu'ils accueillent en hospitalité les pauvres qui viendraient et qu'ils versent la redevance [hono1~ de ce monastère à Dol-de-Bretagne." Merci à Fabrice Emont pour son aide à la traduction.

65. P. UJOVE, • I:évolurion du nom de Rouen dans l'Antiquité et au haur Moyen Âge en domaines celtique, larin er germanique "• Annalts de Normandie, vol. 57, n•3-4, 2007, p. 223-229.

66. À l'époque carolingienne, le Bessin s'écrir, sans trop de variations, pagus Bagasilws. Il esr donc peur probable que, lorsque Baudry de Dol corrige le Begesimus carolingien en 'l&gtsinus, ille fasse abusivement.

67. Pour mémoire, une des Vi($ de saint Tudual dit: in pago Neustrùu. !.:ensemble de la Neustrie est désigné sous le vocable de pagus.

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Patrice LA;oYE

traité. Ce traité est attesté par deux chartes, le récit de la Translation de saint Regnobert et saint Zénon 68 et un passage de Heiric d'Auxerre.

La localisation a été âprement débattue. La dernière localisation accep­tée, proposée par Ferdinand Lot, est Louviers, mais ses arguments s'appuient sur un passage de Dudon de Saint-Quentin qui n'a pas force de preuve 69•

Pourtant, le passage des Miracles de saint Germain par H eiric d'Auxerre nous informe que le lieu est localisé in pago Rotomagensi, et que, contigüe au palais où se sont rencontrés Charles le Chauve et Erispoë, se trouve une chapelle Saint-Germain.

Cerre « Vieille Demeure », finalement, ne serait-elle pas notre Vieux­Rouen, où l'on peut penser qu'il existait encore une communauté monas­tique bretonne, et donc lieu propre à la signature d'un traité entre un comte breton et un roi franc?

Le vu• siècle : une implantation structurée par le monachisme colombanien

Passons maintenant au vn• siècle, durant lequel les cas se raréfient. Vers 610, un disciple de saint Colomban, Potentinus, fonde un monas­

tère non loin de Coutances 70. Cependant, il ne le fait pas au moment du débarquement de Colomban sur le continent, mais alors que celui-ci vient d'être chassé de Luxeuil. Notons au passage que Coutances est alors donné comme appartenant à l'Armorique.

Saëns, Ribert et Condède

Toujours au vu• siècle, mentionnons le cas particulier de saint Saëns, c'est-à-dire Sidonius, sans doute d'un ancien irlandais Setna71 . Saëns est un Irlandais, captif des Saxons et racheté par des moines de Jumièges, monas­tère fondé par saint Philibert. Il suivit Philibert à Noirmoutiers lorsque ce dernier fut chassé de Jumièges, puis revint dans le diocèse de Rouen pour fonder son propre monastère, qui deviendra le bourg de Saint-Saëns72.

68. Textes dans O. LARUE, • La Translation des corps de saint Regnobcrt er de saint Zénon (textes er critique)», Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, r. u, 1952, p. 238-239 (2 17-264): Veu111 Domus, var. \&ures Domu.s.

69. F. LOT, • Mélanges carolingiens,!, Vereres Dom us • , Le Moyen Âge, r. XVII, 1904, p. 465-477. 70. T. jARRY, « Les débuts du christianisme dans l'Ouest de la Normandie», Annales de Normandie, 48'

année, n"2, 1998, p. 122 (115-149). Cf. La Vifll Colombani de Jonas de Bobbio: • ù1 suburbano Consrantinae urbis "· Pour Lucien Musser, il pourrait s'agir d'Orval : L. MussET, • Le monachisme sur le rerri roire normand avant la fondation du duché. Aperçus er hypothèses •, Art de Basse­Normandü, n• 77, 1979, p. 8.

7 1. J .-M. PICARD, • Les saints irlandais en Normandie», in P. BouEr er F. NEVEUX (dir.), Les Saints dam la Normandie médiévale, Caen, Presses universitaires de Caen, 2000, p. 60-61 (49-69).

72. La position de nos connaissances sur ce saint er ses sources est bien établie par les RR. PP. BÉNÉDICTINS DE PAlUS, Vies dfs saints ... , op. cit., t. IX, p. 436-437 . Abbé LEGIUS, «Vie de saint Saens, abbé au diocèse de Rouen. vn' siècle>, Analecta Bollandiana, r. x, 1B91a, p. 406-440, pour

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Les établissements de religieux d'outre-Manche .. .

Saint Ribert (Ricbertus ou Ribertus) est probablement son exact contem­porain, même si on ne dispose pas de Vie ancienne permettant de s'en assurer, et on lui donna à évangéliser la vallée de la Varenne (qui coule d'ailleurs à Saint-Saëns), où il fonda sans doute un monastère. D epuis le xvm• siècle et le Martyrologe universel de Chastelain, on le donne comme originaire des îles Britanniques 73. C'est possible, étant donné l'exemple de saint Saëns, mais tout à fait invérifiable en l'absence de Vie ou de mention ancienne détaillée. Tous ces cas sone issus de l'essor du monachisme colom­banien en Neustrie, monachisme à la base, mais qui a vite conquis les Francs. Les cas de l'actuelle Haute-Normandie (Saëns et Riberc) sone bien le fait des monastères de Fontenelle et de Jumièges, deux sites colombaniens majeurs, mais fondés par des Francs.

Au vu• siècle, saint Condède ou Cande, c'est-à-dire vraisemblablement Candidus74 , débarque en un endroit nommé Fontaine-Valéry (Fontana Walarici, peut-être Saint-Valéry-en-Caux), avec trois disciples dont un s'appelle Conomail75 . Il s'installe ensuite à Saint-Wandrille, où son abbé remarque que Condède est plus doué pour la vie érémitique que pour la vie monacale. Il se choisit un ermitage sur la Seine, sur l'île de Belcinac (Caudebec), qui lui est concédée par le roi Thierry III, île disparue vers le xm• siècle. C'est donc en définitive un moine qui ne tient pas en place. Il signe deux testaments, l'un en 675 et l'autre en 679-680, mais on ignore la date de sa mort. Mais on constate que cela en fait le quasi contemporain d'un abbé de Iona qui n'a pas laissé de trace autre que la mention de sa mort en 710. Cet abbé porte le nom de Conamail mac Failbi : est-ce le même que le Conomail disciple de notre Condède76?

Un cas à part, ]oudry

On notera par contre un cas hors norme, celui de saint Gildéric (ou Galdericus) ou ]oudry, fêté le 14 mai, second patron de Chauvigny dans le Perche. On ne dispose d'aucune Vie ancienne le concernant, mais seule­mene de traditions recueillies par Blin 77. Il serait né en Écosse, aurait débar-

les détails. 'LÉpitome (x' -XI' siècle) er la Vie de sai nt Saëns sont tardifs, mais reposent sur une bonne documentation.

73. Abbé L!!GRIS, • Saint Ribert, abbé au diocèse de Rouen "• Aua!ecta Bollaudiana, c. x, 1891b, p. 441-452.

74. Mais il peur s'agir, comme dans le cas de saint Saëns, d'une latinisation d'un nom bien celtique, comme le breton Coner ou gallois Cynidr, tous deux d'un ancien *Conhedr : A. O!!SHAYES, Dictionnaire des prénoms celtiques, Douarnenez, Le Chasse-Marée/Ar Men, 2000, p. 79.

75 . Diverses variantes manuscrites sont données par les éditeurs de sa Vie (AASS, 21 ocr., c. IX,

p. 355-357 et MGH, Scriptores rerum merov., r. V, 1910, p. 644-651) : Conomailus, Cino mai/us, Cynomailus, Cinobailus. Les deux autres disciples sont Jean et Zachée.

76. Annales de Tigernach, année 710: Conamail mac Failbi, abb /ne pausai'. Il est vraisemblablement connu en Bretagne sous le nom de saint Convel: A. DESHAYES, Dictionnaire ... ibid., p. 80.

77. Il est aussi connu par l'ancien bréviaire de Blois, par un résumé qui semble avoi r éré rédigé suite à la rranslaùon du saint dans le Vendômois : Ch. BouCHET, « Rapport sur un mémoire de M. de

Patrice LA;oYE

qué dans le diocèse de Coutances, puis se serait retiré comme ermite près d'Exmes. Il serait contemporain d'Annobert, donc de la fin du vu• siècle78.

Malgré cette date tardive, son parcours semble typiquement breton: arrivée dans le Cotentin et installation dans le Hiémois. H élas, son nom semble bien germanique . . .

En dehors du douteuxJoudry, ces gens d'outremer sont donc tous liés au monachisme colombanien, soit directement pour Potentin us, soit indirec­tement pour Saëns, Ribert et Condède, qui dépendent de Jumièges et de Fontenelle, deux monastères fondés par des adeptes francs de la doctrine de saint Colomban. Leur implantation géographique, dans le diocèse de Rouen, ne doit donc rien au hasard : elle se fait dans la sphère d'influence de ces deux puissants monastères 79 .

Les causes de ces implantations

L'une des causes de cette présence remonte peut-être au v< siècle. En effet, en 448, saint Germain d'Auxerre passe une deuxième fois en Grande-Bretagne pour combattre le Pélagianisme. Voici ce qui s'y est passé: «Ensuite la prédication s'adresse à la foule pour la correction de l'hérésie et sur une décision générale, les instigateurs de la perversité, chassés de l'île, sont livrés aux évêques pour être transportés sur le continent afin que la région puisse profiter de sa délivrance et eux de leur pénitence80 ».Sachant que Germain est probablement passé par la future Normandie pour ce voyage, et qu'il n'a vraisemblablement pas emmené les hérétiques déportés jusqu'à Auxerre, il n'est pas impossible qu' il les ait implantés là où il l'a pu, aussitôt débarqué. Cela reste bien sûr de l'ordre de l'hypothèse, mais elle n'est pas invraisemblable. Il s'agirait alors là d'une des plus anciennes mentions d'installation de Bretons sur le continent.

Pourtant, il existe d'autres traces de cette installation, qui datent proba­blement du v" ou du VIe siècle : les toponymes.

Les toponymes bretons sont très difficiles à discerner sur le sol normand. Seul quelques-uns ont été attestés avec certitude : Saint-Hilaire du Harcouët (50), par exemple 81 . Toutefois, le cas de Saint-Hilaire peut probablement être daté au-delà du r siècle.

Meckenheim relatif à la commune de Chauvigny, camon de Droué », Bulletin de ln Sociité archlolo· gique, scientifique etlitrirnire du Vendômoir, nt' année, 1864, p. 206-213, p. 207, n. 1, et p. 211-212.

78. J. B. N . BuN, Vies des saints ... , r. 1, op. cit., s. v. Gildéric. 79. Sur les aspects colombaniens de Wandrille et Philibert , J.-M. PrCARD, " Emre Bretagne et

Normandie. Le culte des Saints irlandais •, in joëlle Quaghebeur et B. MERDR.IGNAC (dir.), Bretom et Normands nu Moyen Âge. Rivalitls, mnlemendus, convergmces, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 51-64.

80. Constance de Lyon, Vie de saim Germain d'Auxerre, R. Bo~>. rus (éd. ct trad.), Paris, Cerf, 1965, p. 173. Ce passage n'est curieusement pas mentionné dans les études sur l' immigration bretonne.

81. L. FtEURJOT, Les origines ... op. cit., p. 103.

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Les établissements de religieux d'outre-Manche ...

Au sud-est de Lisieux, on connaît une localité du nom de Cordebugle. Les formes anciennes sont le français Cuer de Bugle ( 1198) et le latin Cornu Bubali (1283). I.:un comme l'autre semblent être des reconstructions basées sur des étymologies populaires82

. Mais ils fon t singulièrement penser aux noms anciens de la Cornouallle, avec par exemple la forme Cornubia, attes­tée à l'époque carolingienne. Cela n'aurait rien d'impossible puisqu'on connaît un autre exemple en Maine-et-Loire avec La Cornouaille (Cornu Gallia en 1050). Reste les nombreux Bretteville, Brette ou Breteuil que Léon Fleuriot a signalés83. Ceux-ci semblent bien être des ethna-toponymes désignant des Bretons du haut Moyen Âge. On en trouve un peu partout en Normandie, mais c'est surtout dans la frange est du Bessin, la Plaine de Caen et le nord du Hi émois qu'on les trouve.

On a bien vu aussi les « Canivet » relevés plus haut et déjà analysés par Léon Fleuriot pour le cas de Vlllers et Saint-Pierre Canivet (14) 84 •

La localisation des dérivés de Brito- et des« Canivet» n'est pas anodine85.

On remarque que ces installations coïncident géographiquement parlant avec celles des Saxons, bien attestés par la toponymie et même par des vestiges archéologiques86. Ceux-ci se localisent dans une zone située entre l'Orne et la Dive, au nord de la plaine de Caen, et à Lisieux87. La présence saxonne est aussi bien attestée par la toponymie avec des noms de lieux qu'on retrouve aussi bien en Angleterre qu'en Normandie 88 et surtout par les textes, avec Grégoire de Tours. Ces mêmes Saxons sont d'ailleurs employés par les rois francs dans les conflits liés aux Bretons d'Armorique. Pourquoi? Par souvenir d'une haine d'outre-Manche ou bien à cause d'élé­ments bretons mêlés aux troupes saxonnes?

I.:emplacement de la plus grande concentration des toponymes bretons n'est pas dû au hasard. I.:est du Bessin, la plaine de Caen, le Cinglais et le nord du Hiémois correspondent à la seule plaine de grande ampleur du

82. Sur ce genre de reconstruction populaire, voir l'exemple, rou jours dans le Calvados, de Lion-sur­Mer, qui procède d'un ancien *Lugdunum, mais qui esr connu au xm• siècle sous la forme apud Ltontm super mart!

83. L. FuuruoT, us origines ... op. cit., p. 102-103. 84. Ibid., p. 103. 85. La carte que je propose (Fig. 1) n'est sans doute pas exhaustive, puisque basée sur la liste topony­

mique de Géoportail, qui ne comprend que les noms de lieux actuellement habités. Elle est cepen­dant déjà très parlante.

86. Cependant, la réparti tion de leurs vestiges archéologiques peut n'être due qu'à un simple effet de loupe: le fair qu'à l'heure actuelle, l'essentiel des nécropoles mérovingiennes normandes a été fouillé dans la plaine de Caen.

87. On note d'ailleurs que certains des cimetières qui ont livré ce matériel saxon attestent d'une impor­tante augmentation de la population rurale. P. VIPARD, La Ciré d~regenua (Vieux, Calvados). Chef/ieu des Viducasses. Etat des connaissances, Paris, Exé productions, 2002, p. 134, a tenté de faire le lien entre ceae augmentation et la désertification parallèle de la ville d'Aregenua/ Vieux, chef-lieu de cité déchu de son rang à la fin du m• siècle. Cependant, une origine étrangère est rout aussi probable, faute de comparaison amhropologique effectuée avec les populations d'outre-Manche.

88. L. GuiNET, Contribution à l'étude des établissements saxom m Normandü, Caen, Publicacions de la Facul[é des Lemes et Sciences H umaines de Caen, 1967.

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territoire normand, le reste étant composé d'un paysage de collines qui forment autant de positions aisément défendables. Cette situation géogra­phique, couplée avec l'effondrement de l'antique cité des Viducasses (dont la capitale était Vieux, actuellement un petit village au sud de Caen), n'a pu que favoriser une immigration d'outre Manche pas forcément pacifique. Grégoire de Tours nous montre d'ailleurs que les Saxons de Bayeux sont suffisamment belliqueux pour pouvoir servir de mercenaires.

Fallait-il cependant nécessairement faire appel à un clergé d'outre­Manche pour encadrer ces populations immigrantes? Normalement non, le clergé issu de l'élite gallo-romaine locale aurait dû se suffire à lui seul. Cependant, on constate pour le Vle siècle, dans l'ensemble de la province de Rouen, une crise qui semble être autant religieuse que politique : dans la plupart des évêchés, on fait appel à des horsains pour occuper le poste d'évêque : saint Pair (mort vers 565) à Avranches vient de Poitiers 89; Romphaire (2• moitié du vi• siècle) à Coutances (et sans doute aussi son prédécesseur Lô) vient d'outre-Manche. À Bayeux, Vigor, un probable Saxon, vient en Gaule par la mer du Nord. Cela ne touche pas que les évêques : toujours originaire de Bayeux, Marcoulf, lui aussi probable Saxon, peut fonder le monastère de Nantus par donation de Childebert. À Sées, tous les évêques portent, dès les origines, des noms qui ne sont pas gallo­romains. Mais ce qui est valide pour les diocèses de l'Ouest ne l'est pas pour ceux de l'Est. Il faut attendre le début du Vlle siècle pour avoir régulièrement à Rouen des évêques au nom germanique. Idem à Évreux avec l'épiscopat de Laudulfus.

Si l'on veut aller jusqu'au bout de la logique, on peut avancer, sans prendre de grands risques, qu'une immigration en provenance d'o utre­Manche90 a bien eu lieu au v• et au VIe siècle, et que celle-ci a majoritaire­ment touché l'ouest de la province de Rouen. Cet événement, sans doute important mais pas assez pour avoir entraîné un quelconque changement culturel, s'est accompagné d'un réel effort de prise en main du pouvoir ecclésiastique dans les diocèses concernés, effort au profit du roi franc Childebert. On entre finalement dans une logique similaire à celle de la Petite-Bretagne, à la différence près qu'aucun nouveau diocèse n'a été créé aux dépens des anciennes cités gallo-romaines.

Patrice LAJOYE

Docteur MRSH -Caen

89. Les évêques qui lui succèdent portent mus des noms germaniques. 90. Étant donné la situation géographique du Cotentin, où débarque une bonne pan de nos saints,

on peur penser que cette immigration s'est faire à partir de l'ouest de l'île, exacœmem comme en P~tiu-Brnagne.

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Les établissements de religieux d'ouM-Manche ...

ANNEXE!

Inventaire de quelques toponymes bretons dans l'actuelle Normandie

Cet inventaire n'a pas de caractère exhaustif Il est issu d'un dépouille­ment des dictionnaires topographiques du Calvados, de l'Eure et de la Seine-Maritime (il n'en existe pas pour la Manche ou l'Orne), des nomen­clatures de l'INSEE établies dans les années 1960 et de la base toponyme de Géoportail (www.geoportail.fr).

'Ijpe « Canivet » ou « Canevet »

Calvados Canivet, corn. de Gonneville-sur-Honfleur. Canivet, corn. de Saint-Denis-Maisoncelles. Les Bois, Villers, Saint-Pierre et Saint-Loup de Canivet ( Quenivetum,

1150). Manche Le Canevet, corn. d'Etang-Burtrand. Canivet, corn. d'Airel. Canivet, corn. de Notre-Dame d'Elle. Canivet, corn. des Ecoles. Le Moulin Canivet, corn. de Joganville. Seine-Maritime La Croix Canivet, corn. de Mathonville. Fond du Canivet, corn. du Vieux-Rouen-sur-Bresles (Quenivet, xm<

siècle). Le Canivet, corn. de Saint-Aubin-Celloville. Canivet, corn. d'Aumale (Kenivet, 1258). Canivet, corn. de Crosville-sur-Scie.

Type Britanniolum

Eure Bretagnolles (Bretingnolles, xn< siècle).

Type Britannorum villa

Eure Berthenonville (Bretenouvilla, 1156; Brettonvilla, xn• siècle).

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TypeBrito

Calvados Le Brec ou La Brette, corn. de Magny. Seine-Maritime Le Vieux-Bret, corn. du Vieux-Rouen-sur-Bresles («vieux» est pour le

latin vadus, le gué). Les Berts, corn. de Vittefleur.

Type Brito-villa

Calvados Bretteville, corn. de Blay. Bretteville, corn. de Crouay. Bretteville, corn. de Sainte-Honorine-du-Fay. Bretteville-le-Rabet (Breteville-Larabel, 1250). Bretteville-l'Orgueilleuse (Brittivilla, 1 077). Bretteville-sur-Bordel (réunie à Tessel) (Bretheville-sur-Bourdel, 1371). Bretteville-sur-Dives. Bretteville-sur-Laize (Brettevilla super Laisam, 1077). Bretteville-sur-Odon (Bretevilla Sancti Michaelis, 1161). Brettevillette, corn. Noyers. Eure

Chapelle de Bretteville, corn. de Bonneville-Aptot. Berthouville (Bertouville, 1198). Berthouville, corn. de Brétigny. Manche Bretteville-en-Saire. Bretteville-sur-Ay. Bretteville, corn. de Géfosses. Bretteville, corn. de Sorrosville. Berteville, corn. de Saussey. Seine-Maritime Bretteville-du-Grand-Caux (Brittam vi/lam, v. 1 034). Bretteville, corn. de Varneville-Bretteville (Bretevilla, vers 1 034). Bretteville, corn. de Blosseville-sur-Mer. Bretteville, corn. de Bouville. Bretteville, corn. de La Crique. Bretteville, corn. de Croixrnare. Bretteville, corn. de Ouville-la-Rivière. Bretteville, corn. de Quiberville. Bertreville. Bertreville-Saint -Ouen.

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e

Les établissements de l'f!iigieux d'outre-Manche ...

Deux faux amis : Bretteville, corn. Saint-Paër (Bradevilla, v. 1060). Bretteville-Saint-Laurent (Breutevilla, xu• siècle, Broetevilla, 1188-1199).

Type Brito-ialum

Calvados Bretel, corn. de Fresné-la-Mère (Bretheil, 1082). Eure Breteuil (Britullum, xr• siècle; Britolium, 1 060). Bretel, corn. de Beaumont-le-Roger. Breteuil, corn. d'Etreville. Breteuil, corn. de H eudreville-en-Lieuvin. Breteuil, corn. de Saint-Georges-sur-Eure. Manche Bretel, corn. Laulne. Bréthel, corn. Millières. Orne Bréthel. Seine-Maritime Bretelle, corn. Wanchy-Capval. Breteuil, corn. de Thil-Manneville. Breteuil, corn. de Criquetot-le-Mauconduit. Breteuil, corn. de Fultot. Breteuil, corn. de Montivilliers. Breteuil, corn. de Mont-Saint-Aignan. Breteuil, corn. de Notre-Dame-du-Bec. Breteuil, corn. de Offranville. Breteuil, corn. de Quevillon.

Type brito-sellum

Seine-Maritime Bois de Brétizel, corn. du Vieux-Rouen-sur-Bresles.

Type brito-acum (peut dériver de l'anthroponyme gaulois Brittus)

Eure Brétigny (Breteni, xu• siècle). Deux faux amis: Seine-Maritime Bretigny, corn. de Bailly-en-Rivière (Briquegny , 1505). Bretigny, corn. de Martin-Eglise (Briquegny, 1151-1153; Bricheneio, 1170).

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FIG. 1. -Les toponymes dérivés de Brito- (en gris claù) ou de type Canivet {en gris foncé).

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FIG. 2. - Objets saxons découverts lors de fouilles archéologiques.

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