les enjeux de l’entreprenariat immigré

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© 2005 by PCERII. All rights reserved./ Tous droits réservés. ISSN: 1488-3473 JIMI/RIMI Volume 6 Number/numéro 3/4 (Summer/été Fall/automne 2005): 377-403 Les enjeux de l'entreprenariat immigré Antoine Pécoud Unité de Recherches Migrations Société (URMIS) Universités de Paris VII et Nice Cet article présente les acquis de la littérature sur les économies immigrées et interroge de manière critique l’usage qui y est fait de la notion d’ethnicité. Il analyse d’abord le contexte et les opportunités des entrepreneurs (micro- et macro-contexte, politique de soutien, transnationalisme, économies informelles), avant de décrire les ressources déployées par les entrepreneurs. Celles-ci incluent notamment les réseaux et le capital social de type ethnique, dont les rapports avec les facteurs de classe, de genre et de culture et l’impact sur la mobilité sociale sont analysés. L’article interroge finalement la notion même d’économies ethniques, montrant comment celle-ci peut aboutir à une sur-ethnicisation des pratiques commerciales des populations immigrées. This article reviews the major findings of the scholarship on immigrant economies and critically analyses the use of the notion of ethnicity therein. It first presents the context and the opportunities of entrepreneurs (micro- and macro-context, support policies, transnationalism, informal economies), before describing the resources mobilized by businesspeople. These include, in particu- lar, networks and ethnic/social capital, whose relationships with factors such as class, gender, culture, and social mobility are investigated. The article concludes by questioning the very notion of ethnic economies, arguing that it may lead to an over-ethnicisation of business practices within immigrant groups. Key words/Mots-clefs: Entrepreneurship/Entreprenariat; Ethnicity/Ethnicité; Immigration; Migration policies/Politiques en matière de migration; Integration/Intégration.

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© 2005 by PCERII. All rights reserved./ Tous droits réservés.ISSN: 1488-3473

JIMI/RIMI Volume 6 Number/numéro 3/4 (Summer/été Fall/automne 2005): 377-403

Les enjeux de l'entreprenariat immigré

Antoine PécoudUnité de Recherches Migrations Société (URMIS)Universités de Paris VII et Nice

Cet article présente les acquis de la littérature sur les économies immigrées et interroge de manière critique l’usage qui y est fait de la notion d’ethnicité. Il analyse d’abord le contexte et les opportunités des entrepreneurs (micro- et macro-contexte, politique de soutien, transnationalisme, économies informelles), avant de décrire les ressources déployées par les entrepreneurs. Celles-ci incluent notamment les réseaux et le capital social de type ethnique, dont les rapports avec les facteurs de classe, de genre et de culture et l’impact sur la mobilité sociale sont analysés. L’article interroge fi nalement la notion même d’économies ethniques, montrant comment celle-ci peut aboutir à une sur-ethnicisation des pratiques commerciales des populations immigrées.

This article reviews the major fi ndings of the scholarship on immigrant economies and critically analyses the use of the notion of ethnicity therein. It fi rst presents the context and the opportunities of entrepreneurs (micro- and macro-context, support policies, transnationalism, informal economies), before describing the resources mobilized by businesspeople. These include, in particu-lar, networks and ethnic/social capital, whose relationships with factors such as class, gender, culture, and social mobility are investigated. The article concludes by questioning the very notion of ethnic economies, arguing that it may lead to an over-ethnicisation of business practices within immigrant groups.

Key words/Mots-clefs: Entrepreneurship/Entreprenariat; Ethnicity/Ethnicité; Immigration; Migration policies/Politiques en matière de migration; Integration/Intégration.

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Introduction

L’entreprenariat est un phénomène central dans le processus d’incorporation socioprofessionnelle des immigrés et de leurs descendants dans les pays occidentaux. Chinois et Maghrébins en France, Pakistanais et Indiens en Grande-Bretagne, Turcs en Allemagne ou Asiatiques en Amérique du Nord sont autant d’exemples de cet étonnant processus de mutation sociale qui voit des travailleurs immigrés, souvent pauvres et sans qualifi cations, devenir des entrepreneurs, voire des employeurs. Si Simmel écrivait, en 1908, que ‘toute l’histoire économique montre que l’étranger fait partout son apparition comme commerçant, et le commerçant comme étranger’ (Simmel, 1990, p. 54), l’émergence des économies immigrées n’avait été prévue ni par les sciences sociales, ni par les pouvoirs publics. Depuis les années quatre-vingt, la littérature sur les ‘commerces ethniques’ s’est développée et ceux-ci sont devenus un sous-domaine à part entière de l’étude des migrations. Cet article présente les principaux enjeux qui animent la recherche actuelle sur les économies immigrées. Celle-ci est mal connue dans le monde francophone1. De plus, l’approche dominante de l’entreprenariat immigré, qui a longtemps insisté sur les réseaux et le capital social, est de plus en plus contestée. Il importe donc d’analyser ce possible tournant en jetant un regard rétrospectif sur les acquis de la recherche et en analysant les tendances qui détermineront peut-être les enjeux à venir. Cet article présentera, dans une première partie, le contexte des économies immigrées avant d’analyser, dans la deuxième partie, les ressources grâce auxquelles les entrepreneurs saisissent les opportunités qui se présentent à eux. La troisième partie sera consacrée à une discussion de la pertinence de la no-tion d’ethnicité dans les recherches sur les économies immigrées.

Opportunités et Contexte

Depuis, notamment, les travaux de Waldinger, Aldrich et Ward (1990), la littérature sur les économies immigrées a accordé une place importante aux opportunités et au contexte dans lequel travaillent les entrepreneurs immigrés. Dans cette perspective, le développement des économies im-migrées est la conséquence d’un environnement propice, qui se compose à la fois d’opportunités et de contraintes favorables à l’entreprenariat.

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Le Micro-ContexteÀ un niveau micro, un ensemble de facteurs a joué un rôle dans la nais-sance des économies immigrées.

- Le chômage, aggravé par les discriminations dont peuvent être victimes les immigrés, constitue une motivation pour beaucoup d’entrepreneurs. La transformation post-industrielle des économies occidentales a supprimé beaucoup d’emplois peu qualifi és occupés par les immigrés, rendant nécessaires d’autres perspectives professionnelles.

- Les entrepreneurs immigrés ont investi des secteurs commerciaux abandonnés par les entrepreneurs occidentaux (Waldinger, 1994). Ce processus de transition s’inscrit dans la mobilité sociale des décennies d’après-guerre, qui a vu les travailleurs ‘autochtones’ quitter des secteurs exigeants comme les petites épiceries, la restauration bon marché et, en Grande-Bretagne, les kiosques à journaux. Par la suite, cette succession s’est opérée entre populations immigrées2.

- Les entrepreneurs ont initialement répondu aux besoins commerciaux de leurs compatriotes en termes de vêtements, de loisirs, d’alimentation ou de services (traduction, télécommunications ou transports notam-ment). Ce ‘marché protégé’ a été renforcé par le regroupement familial et l’établissement durable de familles immigrées. Ces commerces com-munautaires n’ont cependant constitué qu’une étape : l’expansion des économies immigrées a rendu l’accès à une clientèle non-immigrée nécessaire.

- En Europe, beaucoup de travailleurs immigrés souhaitaient créer leur entreprise à leur retour au pays, projet rendu diffi cile par les conditions économiques des pays d’origine, et réalisé alors dans les pays d’accueil. Les années d’émigration leur avaient donné une familiarité avec les sociétés d’accueil, les connaissances linguistiques et administratives et les économies nécessaires à l’ouverture d’un commerce. Juridiquement, la durée de leur séjour leur donnait droit à un permis de résidence leur permettant de devenir entrepreneur.

- Dans une perspective géographique, le développement des économies immigrées peut être expliqué par l’évolution des espaces urbains. Les entrepreneurs autochtones renoncent à leurs activités commerciales dans les quartiers investis par les immigrés et les leur cèdent (Aldrich,

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Zimmer et McEvoy, 1989). La concentration spatiale des populations immigrées peut également favoriser le commerce en renforçant les liens entre entrepreneurs et en rapprochant clients et commerçants (Kaplan, 1998). Le succès et la nature des économies immigrées dépendent alors en partie des caractéristiques urbaines des zones où elles sont implantées (Razin et Langlois, 1996).

Le Macro-Contexte Des travaux récents ont inclus dans le contexte et les opportunités des économies immigrées des facteurs macro-institutionnels liés au fonc-tionnement légal, politique et économique des sociétés d’accueil (Kloos-terman et Rath, 2003 ; Rath, 2000), renouvelant en profondeur l’analyse des économies immigrées.

- Sur le plan légal, les lois encadrant la création et le fonctionnement des commerces présentent une grande diversité, notamment en ce qui con-cerne les qualifi cations requises pour devenir commerçant. En Allemagne, l’exercice de presque toutes les professions exige une formation spécifi que (Maurice, 1993), ce qui constitue un obstacle pour les immigrés qui n’ont pas de formation ou qui ont été formés dans leur pays d’origine. Ces exigences légales sont plus souples en Amérique du Nord.

- La manière dont les lois sont appliquées relève d’un contexte politique. L’existence de pratiques informelles dépend par exemple de la tolérance des autorités à leur égard. Dans le secteur du textile en Californie, beau-coup de grandes fi rmes sont en relations de sous-traitance avec des petites entreprises immigrées dont les prestations sont très bon marché. Mais ces dernières se caractérisent par des conditions de travail informelles et désavantageuses pour les immigrés. Bien qu’informées, les autorités n’interviennent pas, protégeant ainsi les intérêts des grandes entreprises (Bonacich, 1993)3. Des choix politiques peuvent donc favoriser ou décour-ager l’expansion des entreprises immigrées.

- Sur le plan économique, les modèles institutionnels nord-américains et européens ont un impact différent sur les trajectoires des entrepreneurs immigrés (Kloosterman, 2000). Aux États-Unis et au Canada, le taux de chômage est bas et la motivation première des entrepreneurs immigrés n’est pas de trouver n’importe quel travail, mais un bon travail : ils se recrutent donc parmi ceux qui, dotés de qualifi cations, ne parviennent pas à les exploiter. En Europe continentale, le chômage touche beaucoup

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d’immigrés et les catégories économiquement vulnérables de la société ne sont pas les ‘travailleurs/actifs pauvres’ (working poor) mais les chômeurs. Les immigrés qui ont un emploi ont donc peu de raisons de se mettre à leur compte, et les entrepreneurs potentiels se recrutent parmi ceux qui n’ont pas de perspectives sur le marché du travail et sont contraints de créer eux-mêmes leur emploi.

La prise en compte de ces facteurs macro-institutionnels permet une mise en perspective des économies ‘libérales’ (nord-américaine et britan-nique) et d’Europe continentale. D’un côté, la faible régulation étatique de la sphère économique et un contexte légal favorable facilitent l’accès à l’entreprenariat et le recours aux réseaux ethniques, permettant ainsi aux entrepreneurs d’améliorer leur niveau de vie. D’un autre côté, les activités économiques sont plus fortement régulées et le travail davantage protégé, ce qui limite l’impact de l’entreprenariat sur la mobilité sociale. Le premier modèle serait ainsi globalement plus favorable aux entrepreneurs immigrés que le second. Les liens entre mobilité sociale et entreprenariat sont complexes et ne correspondent pas toujours à ce schéma théorique (voir Ethnicité et Mobilité Sociale ci-dessous). Mais cette approche institutionnelle permet néanmoins d’envisager une analyse des économies immigrées propre à l’Europe continentale. Si les recherches européennes se sont longtemps inspirées des travaux nord-américains qui les avaient précédées, l’utilisation du même cadre théorique des deux cotés de l’Atlantique ne va pas de soi, la littérature anglo-saxonne considérant comme acquis un type de société qui diffère de l’Europe continentale.

Le Soutien aux Entrepreneurs ImmigrésLe contexte institutionnel et politique des économies immigrées comprend parfois des mesures de soutien à l’entreprenariat immigré. Si celui-ci s’est généralement développé dans un climat d’indifférence (voire d’hostilité) de la part des pouvoirs publics, il est de plus en plus l’objet de mesures poli-tiques visant à promouvoir la création d’entreprises au sein des populations immigrées. Dans les années quatre-vingt, le gouvernement britannique de Margaret Thatcher a élaboré des mesures de soutien aux entrepreneurs immigrés (Jones et McEvoy, 1992). Celles-ci ont également été tentées aux États-Unis (Gold et Light, 2000). En France, dans la seconde moitié des années quatre-vingt, l’intérêt du gouvernement et des milieux patronaux pour ce phénomène a favorisé l’essor de la recherche sur l’entreprenariat immigré (Ma Mung et Simon, 1990)4. Aujourd’hui, plusieurs pays européens

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s’intéressent à l’entreprenariat immigré (Betz et Haberfellner, 1999 ; Entre-preneurship and Regional Development, 2003) et les commerçants immi-grés ont fait leur apparition dans la presse économique internationale5. L’intérêt des pouvoirs publics pour l’entreprenariat immigré est mo-tivé par la possibilité de créer les perspectives professionnelles manquant souvent aux populations issues de l’immigration. Il s’inscrit dans le regain d’intérêt pour les petites et moyennes entreprises dans la lutte contre le chômage (Bögenhold, 2000). Le petit nombre de recherches consacrées à ces mesures d’encouragement permettent de faire un certain nombre d’autres observations :

- Outre ces considérations économiques, des raisons politiques expliquent cet intérêt. En Grande-Bretagne, le soutien du gouvernement aux en-trepreneurs est partiellement dû à leur rôle dans le maintien de l’ordre dans les quartiers diffi ciles (Ram, 1998) et à leur poids électoral (Jones et McEvoy, 1992).

- L’impact de ces politiques est mitigé. En Grande-Bretagne, Oc et Tiesdell (1999) observent que beaucoup de commerçants estiment le recours à une aide extérieure inutile, voire humiliant ; de plus, leur demande de soutien arrive souvent trop tard, auquel cas elle ne permet pas de créer des emplois. Par ailleurs, l’impact de ces politiques est faible par rapport aux politiques de dérégulation par exemple qui, si elles ne visent pas directement les immigrés, ont des conséquences importantes sur leurs activités commerciales (Barrett, Jones et McEvoy, 2001).

- Ces mesures reposent parfois sur des bases fragiles. Kontos (2003) montre que les pouvoirs publics en Allemagne ont une compréhension limitée et stéréotypée du fonctionnement des économies immigrées, ce qui handicape l’effi cacité de leurs initiatives. Ma Mung et Simon (1990) soulignent que les immigrés qui deviennent entrepreneurs sont rarement motivés par des problèmes d’emploi, mais développent un projet conçu de longue date.

- Le soutien aux entrepreneurs immigrés a des conséquences sur le fonc-tionnement des populations immigrées. Aux États-Unis, ces mesures ont avivé des rivalités entre groupes, rendant diffi ciles les efforts des autorités pour aider les commerçants (Gold et Light, 2000). En Allemagne, le biais ethnique de ces politiques conduit à une ethnicisation des entrepreneurs, tenus de se présenter comme turcs afi n d’accéder aux soutiens étatiques (Pécoud, 2002).

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Il est par conséquent diffi cile de conclure que l’intérêt des pouvoirs publics à l’égard des économies immigrées a créé des opportunités décisives. Mais ces politiques confèrent à l’entreprenariat immigré une visibilité et une respectabilité qui lui ont longtemps fait défaut.

Les Opportunités Transnationales Thème aujourd’hui central dans l’étude des migrations, le transnation-alisme fait référence aux liens que les immigrés entretiennent avec leur pays d’origine ou avec des compatriotes vivant dans d’autres pays. Dans un contexte de mondialisation, caractérisé notamment par les facilités de transport et de télécommunication, les immigrés transnationaux participent simultanément à la vie de plusieurs sociétés et rendent obsolète l’opposition entre intégration/assimilation et retour. Les migrations transnationales remettent en cause les logiques d’appartenances nationales et débouchent sur de nouvelles formes de diaspora (Schnapper, 2001). Les économies immigrées ont toujours eu une dimension internatio-nale, ayant longtemps importé des produits du pays d’origine vers le pays hôte afi n de répondre aux besoins des populations immigrées. Aujourd’hui, le contexte transnational apporte des ressources nouvelles aux entrepre-neurs immigrés (Zhou, 2004). De par la dispersion géographique inhérente aux diasporas, les entrepreneurs disposent de ressources adaptées à la mondialisation des échanges commerciaux (Ma Mung, 2000 ; Sassen, 1992), leur permettant de saisir des opportunités commerciales internationales dans ce qui apparaît comme une ‘mondialisation par le bas’ accompagnant la mondialisation des grandes fi rmes multinationales (Portes, 1999)6. Une part importante des investissements en Turquie dans des secteurs comme le tourisme ou le textile provient ainsi d’entrepreneurs turcs vivant en Europe (Zentrum für Türkeistudien, 2001), et beaucoup d’entreprises dans les pays latino-américains sont créées par des émigrés vivant aux États-Unis (Portes, 1999). Ces entreprises transnationales combinent un capital fi nancier et un savoir-faire commercial obtenus dans le pays d’accueil et des réseaux socio-familiaux qui accroissent la sécurité de l’investissement et réduisent les coûts d’exploitation dans le pays d’origine. Dans une logique diasporique, les activités commerciales transnationales se développent également en ignorant le pays d’origine. Les produits ‘sud-asiatiques’ vendus dans les pays occidentaux proviennent souvent de Grande-Bretagne, pays dans lequel la population indo-pakistanaise a développé ses propres sites de production. De manière légèrement dif-férente, les pratiques commerciales transnationales peuvent prendre une forme circulatoire et se caractériser par des dispositifs transfrontaliers au

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sein desquels des entrepreneurs extrêmement mobiles circulent au gré des opportunités commerciales (Peraldi, 2002)7. La dimension transnationale ne caractérise cependant pas tous les entrepreneurs immigrés. L’internationalisation des pratiques commerciales exige un certain niveau de ressources, et n’est pas toujours accessible aux entrepreneurs qui travaillent dans la précarité. Parmi les entrepreneurs latino-américains aux États-Unis, seule une minorité est véritablement transnationale, même si celle-ci joue un rôle important au sein du groupe (Portes, Haller et Guarnizo, 2002). En Allemagne, seuls les entrepreneurs turcs d’un certain niveau parviennent à investir à l’étranger (Pécoud, 2002).

Entreprenariat Immigré et Economies Informelles Le développement de secteurs informels est une caractéristique relative-ment récente des économies post-industrielles occidentales. Les économies informelles ne caractérisent plus seulement les économies en voie de dével-oppement mais aussi les économies post-fordistes, et sont généralement liées à l’affaiblissement du secteur de la production et à la croissance de celui des services, ainsi qu’à l’accroissement de la compétition dans une économie moins régulée et plus mondialisée (Castells et Portes, 1989 ; Sassen, 1996). Cette informalisation des économies occidentales converge avec un certain nombre de pratiques qui ont longtemps caractérisé les économies immigrées : emploi non contractuel des travailleurs, circulation non écrite de l’argent et rôle important des réseaux sociaux et familiaux notamment. Le développement de secteurs informels représente donc une source d’opportunités pour les entrepreneurs immigrés8. De la même manière que les entrepreneurs transnationaux ne sont pas à l’origine de la mondialisation de l’économie, les pratiques informel-les des entrepreneurs immigrés ne sont pas la cause du développement de secteurs informels. Le lien entre économies informelles et immigration, bien que souvent dénoncé dans l’opinion publique, est davantage affaire de convergence que de causalité (Light, 2000). Les premières victimes des pratiques informelles sont les immigrés eux-mêmes, dont la vulnérabilité les expose à des activités offrant des conditions de travail et des salaires inférieurs à la norme. Pour les immigrés en situation irrégulière et les re-quérants d’asile (dont le statut les empêche de travailler dans beaucoup de pays), le secteur informel est en effet le seul débouché possible. La forte présence des immigrés dans des secteurs informels, comme la restauration, le travail domestique ou les entreprises textiles (Ambrosini, 1999), s’explique aussi par l’utilité des liens sociaux forts qui peuvent exister

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entre immigrés et qui constituent un avantage dans ce type d’activités. En l’absence de contrat, l’interdépendance entre immigrés de même origine peut contribuer à leur régulation (Landa, 1981). Les opportunités fournies par les économies informelles aux immigrés dépendent beaucoup du con-texte national. En Italie par exemple, les pratiques informelles concernent beaucoup de travailleurs, même dans des secteurs à haute valeur ajoutée, et un emploi non-déclaré constitue donc une option acceptable pour les immigrés, clandestins ou non (Reyneri, 1998). En Allemagne en revanche, les pratiques informelles sont stigmatisées et ne concernent guère que les immigrés, qui n’ont alors que peu de chance d’y trouver une perspective professionnelle de qualité (Hillmann, 2000).

Ressources et Ethnicité

Les opportunités décrites dans la première partie de cet article ne con-stituent qu’un aspect du développement des économies immigrées ; elles doivent être saisies et c’est là qu’interviennent les ressources mobilisées par les immigrés. Comme l’indique la notion fréquente de commerce ‘ethnique’, ces ressources sont souvent appréhendées en termes d’ethnicité ; étant donné les ambiguïtés qui entourent cette notion et les nombreux sens qui lui ont été donnés, il importe d’en défi nir les contours. On peut commencer par distinguer deux manières d’utiliser l’étiquette ‘ethnique’ qui, si elles se confondent souvent, gagnent à être dissociées. ‘Ethnique’ peut d’abord avoir un sens descriptif : est alors ethnique tout ce qui a trait aux processus migratoires et les économies ‘ethniques’ se com-posent de toutes les activités commerciales qui sont le fait d’entrepreneurs d’origine immigrée. Mais ‘ethnique’ peut également avoir une signifi cation analytique et faire référence à un mode de fonctionnement commercial plutôt qu’à l’origine des entrepreneurs. Les ‘économies ethniques’ désignent alors des activités commerciales qui, parce qu’elles sont en rapport avec les populations issues de l’immigration, présentent une spécifi cité qui les distingue de l’entreprenariat de la majorité. Dans cette seconde acceptation, l’ethnicité fait référence aux liens so-ciaux forts qui existent au sein d’une population immigrée, et qui découlent d’une origine ou d’une expérience migratoire commune (qu’elles soient réelles ou imaginées), du partage d’une langue, de pratiques socioculturelles ou religieuses, ou d’un statut commun au sein de la société d’accueil. Ces liens sociaux de type ethnique permettent aux entrepreneurs de disposer d’un capital social et de réseaux qui contribuent au succès commercial en

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facilitant l’accès à l’information, à la main d’œuvre ou au capital fi nan-cier. L’ethnicité permet de comprendre comment les immigrés, dont les compétences, l’expérience commerciale et la crédibilité auprès des banques sont généralement limitées, surmontent ces obstacles et deviennent entre-preneurs. Le fonctionnement des économies immigrées révèle le rôle es-sentiel de ces réseaux. Les fonds sont récoltés par le biais de prêts informels auprès d’autres immigrés ; les employés du commerce sont issus de la même population que le propriétaire et, sans être toujours formellement employés, fournissent une aide occasionnelle et peu coûteuse (Aldrich et Waldinger, 1990). L’ethnicité infl uence également l’acquisition des compétences, qui se fait souvent informellement auprès d’un entrepreneur du même groupe, tandis que les liens entre entrepreneurs et employés permettent de rédu-ire les risques inhérents à l’investissement dans la formation (Bailey et Waldinger, 1991). Ces interactions entre ethnicité et entreprenariat soulignent la dimen-sion collective des économies immigrées et leur encastrement (embedded-ness) dans un contexte socioculturel. Individuellement, les commerçants n’auraient pas disposé des ressources nécessaires à l’ouverture d’un com-merce. Leur réussite – ou, du moins, leur accès à l’entreprenariat – est due à leur appartenance à un groupe, qui compense les handicaps individuels. L’entreprenariat immigré constitue alors un exemple de l’importance de facteurs non-économiques dans vie économique, argument qui converge avec la Nouvelle Sociologie Économique (Portes et Sensenbrenner, 1993). Rejetant l’approche de l’économie néoclassique, celle-ci considère les ac-tivités économiques comme partie intégrante de la société et non comme un champ distinct dans lequel les rapports sociaux ne joueraient qu’un rôle frictionnel (Lévesque, Bourque et Forgues, 2001). Les relations entre ethnicité et entreprenariat représentent un des prin-cipaux acquis de la littérature. Afi n de mieux en cerner les implications, cette partie analyse les rapports entre ethnicité, classe, genre et culture, avant d’aborder les grandes questions soulevées par l’ethnicité, de la créa-tion d’enclaves ethniques aux rapports entre ethnicité et opportunités, en passant par les liens entre ethnicité et mobilité sociale.

Ethnicité et ClasseLe rôle accordé à l’ethnicité remet en cause le primat des explications en termes de classe. Les ressources de classe sont universelles dans la mesure où elles s’appliquent à n’importe quelle société et n’importe quel groupe ; elles peuvent être abordées par le biais des différents types de capitaux – fi -

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nancier, humain, culturel et social – inégalement répartis parmi les membres d’une société. Ouvrir un commerce requiert de l’argent, des compétences, des réseaux et une familiarité avec les milieux sociaux qui dominent un certain secteur de l’économie, et sera donc plus facile pour les individus issus des classes sociales qui disposent de ces ressources. Mais cette explication en termes de classe ne parvient pas à rendre compte de la manière dont des immigrés situés au bas de l’échelle sociale deviennent entrepreneurs. C’est dans ce contexte que l’ethnicité apparaît comme une ressource compensant les handicaps de classe. Le développe-ment des économies immigrées serait le signe que des facteurs comme l’identité, la langue ou la culture peuvent modifi er les rapports de classe et l’insertion socio-économique des immigrés. Même si la littérature a très tôt reconnu l’importance des ressources de classe (Light, 1984), la plupart des études sociologiques insistent davantage sur les ressources ethniques (Min et Bozorgmehr, 2000). Cette insistance a provoqué des débats avec les économistes : ceux-ci contestent l’impact économique de l’ethnicité, soutenant que les études de cas fournies par les sociologues ne sont pas généralisables et sont contredites par les données statistiques, selon lesquelles le succès com-mercial est déterminé par les qualifi cations, les compétences et le capital des immigrés (Bates, 1997 ; Borjas, 1994). Le rôle de l’ethnicité ne serait qu’apparent et ne remettrait pas en cause le primat des rapports de classe. Les matériaux empiriques invitent cependant à penser classe et ethnicité comme complémentaires ; rien n’empêche les entrepreneurs de mobiliser simultanément des ressources issues de leur appartenance à un groupe spécifi que et de leur position au sein de la hiérarchie sociale (Kim et Hurh, 1985), ou de se tourner vers les ressources de classe après avoir épuisé les ressources ethniques (Yoon, 1991). Le rapport entre classe et ethnicité se complique du fait de la strati-fi cation sociale au sein des économies immigrées. Si l’entreprenariat est souvent une manière de survivre, le succès est parfois au rendez-vous ; des différences croissantes en termes de réussite économique traversent les économies immigrées et débouchent sur l’émergence de classes moyennes et de ce qu’on pourrait qualifi er d’élites commerciales immigrées. Cette hiérarchie interne aux populations immigrées en modifi e l’équilibre. Le succès commercial de certains entrepreneurs peut leur conférer un poids politique et en faire des porte-parole de la minorité dont ils sont issus. Leur existence peut servir de modèle aux immigrés non-commerçants et modifi er leurs aspirations professionnelles, tout en changeant l’image du groupe à l’extérieur. À cela s’ajoutent les entreprises créées par des migrants

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hautement qualifi és dans des secteurs très compétitifs comme les nouvelles technologies (Leung, 2001 ; Marger et Hoffman, 1992). Pour ces entrepreneurs immigrés dotés de ressources de classe, la situ-ation est contrastée. L’élite commerciale turque en Allemagne, par exemple, a de faibles relations avec la population dont elle est issue. Elle a en effet moins besoin des ressources ethniques qu’elle mobilisait initialement et est amenée à interagir surtout avec des commerçants non-immigrés. Les entrepreneurs à succès perdent donc leur dimension ethnique (Pécoud, 2002). Le succès de certains entrepreneurs remet en question la cohérence ‘ethnique’ ou ‘communautaire’ des milieux issus de l’immigration, et un confl it peut apparaître entre différences de classe et ethnicité partagée. Mais d’autres exemples montrent que les ressources ethniques peuvent être mobilisées à tous les niveaux d’entreprenariat. Ma Mung (2000) observe que les jeunes générations de Chinois en France ont de plus en plus ac-cès à des formations de haut niveau mais restent parfois dans l’économie chinoise, en tant qu’avocats ou consultants. Les entrepreneurs d’un certain niveau de réussite peuvent donc mobiliser leurs ressources de classe et avoir des contacts intensifs avec des partenaires hors de leur groupe, tout en conservant de forts liens ethniques (Leung, 2001 ; Menzies, Brenner et Fillion, 2003). Si le rôle de l’ethnicité apparaît plus spectaculairement dans le cas d’entrepreneurs modestes et privés de ressources de classe, ethnicité et classe ne sont pas incompatibles. Il n’existe pas de cas ‘purs’ qui verraient les entrepreneurs immigrés avoir recours exclusivement à un type de ressources (Min et Bozorgmehr, 2000).

Ethnicité et Genre La question du genre apparaît peu dans la littérature sur les économies immigrées. Sur 95 études passées en revue par Menzies, Brenner & Fil-lion (2003), seulement trois en traitaient directement. Les femmes sont longtemps apparues comme des rouages effacés mais essentiels, dans une distribution des tâches qui voit les hommes jouer le rôle de propriétaire et gérant du commerce, et les épouses collaborer informellement et s’occuper des tâches domestiques et des enfants (Phizacklea, 1988). Zhou et Logan (1989) montrent que, au sein de l’enclave chinoise à New York, le succès des entrepreneurs repose sur le statut subordonné des femmes. Si ce schéma reste valable, de plus en plus de femmes immigrées deviennent elles-mêmes commerçantes. En Allemagne par exemple, la proportion de femmes immigrées dans l’entreprenariat a crû de 235% en-tre 1985 et 2000 ; les hommes sont toujours davantage représentés, mais leur croissance a été de ‘seulement’ 139% (Kontos, 2003). Dans la mesure

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ou femmes et immigrés représentent deux catégories traditionnellement vulnérables sur les marchés du travail occidentaux, l’apparition de commer-çantes d’origine immigrée constitue un phénomène intriguant (Aptizsch, 2003), dont l’étude a débouché sur plusieurs observations importantes :

- Les femmes sont moins insérées dans des réseaux ethniques essentiel-lement masculins. Leur accès aux ressources ethniques (main d’œuvre familiale, capital, formation) est par conséquent limité (Morokvasic, 1991).

- Elles doivent concilier vie commerciale et vie de famille : si un emploi au sein d’une entreprise familiale peut leur permettre de concilier ces deux objectifs, cette situation peut être un obstacle à la création d’une entreprise (Westwood et Bhachu, 1988).

- La trajectoire commerciale des femmes immigrées peut différer de celles des hommes. Ces derniers sont davantage dépendants de leurs réseaux ethniques que les femmes qui, de par leur situation au sein des popula-tions immigrées, doivent quitter leur rôle traditionnel et développer des réseaux hors du groupe pour se mettre à leur compte (Dallalfar, 1994 ; Hillmann, 1999).

- L’entreprenariat peut donc répondre à un désir d’autonomie de la part des femmes et constituer une forme d’émancipation. L’ouverture d’un commerce revêt une dimension identitaire et s’inscrit dans un itinéraire biographique qui ne se réduit pas à une question de chômage, de revenus ou de mobilité sociale (Apitzsch, 2003).

L’accès des femmes à l’entreprenariat ne s’explique donc pas exclusivement par la mobilisation de ressources ethniques, celles-ci étant moins accessibles aux femmes qu’aux hommes. Le paradigme ‘ethnicité et entreprenariat’ doit alors être confronté à la problématique du genre et à la croissance des créations d’entreprises par des femmes immigrées. Ethnicité et CultureLa notion d’ethnicité entretient un rapport complexe avec celle de culture dans la littérature sur les économies immigrées. De manière weberienne, le dynamisme commercial des immigrés a parfois été expliqué par leurs traits culturels ou religieux qui seraient adaptés aux exigences de la vie de commerçant. Jiobu (1988) et Woodrum (1985) affi rment par exemple que

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le succès des Japonais aux États-Unis est lié à leurs valeurs ‘confucéennes’ : train de vie frugal, patience, stoïcisme face à l’adversité, esprit de sacrifi ce et de solidarité, valorisation du travail, importance de la communauté et de la respectabilité (voir aussi Iyer et Shapiro, 1999 ; Werbner, 1990). À l’inverse, la faible représentation des populations d’origine africaine ou hispanique dans les économies immigrées s’expliquerait par l’absence de ces traits dans leur culture. Contrairement aux Afro-Américains, les Asiatiques auraient une conception de la famille comme soudée autour de l’entreprise familiale et disposée à la soutenir (Boyd, 1990). Cette ‘culture commerciale’ peut être soit réactive (produite dans le pays d’accueil par un climat de discrimination), soit d’origine (se composant de traits propres à la culture du pays d’origine importés par les migrants). Light (1972) montre que l’existence de pratiques bancaires informelles dans plusieurs pays asiatiques a favorisé l’essor des entreprises asiatiques aux États-Unis tandis que les Afro-Américains étaient pénalisés par l’absence de telles pratiques dans leur culture. Cet argument culturaliste a été critiqué à la fois par les chercheurs d’inspiration marxiste, pour lesquels une cul-ture commerciale n’est que le produit des conditions socio-économiques (chômage, discrimination) qui poussent les immigrés à l’entreprenariat, et par beaucoup d’anthropologues, qui rejettent cette réifi cation des caracté-ristiques culturelles (Vermeulen, 2000). L’entreprenariat est cependant porteur d’enjeux culturels. Il introduit des transformations dans les pratiques de consommation alimentaire, non seulement parmi les immigrés, mais aussi au sein du reste de la population. En Allemagne, l’industrie du Döner Kebab génère un chiffre d’affaires supéri-eur à celui de toutes les chaînes de restauration rapide américaines réunies (Caglar, 1995) ; de même, les produits alimentaires venus du monde entier et vendus par les immigrés aux États-Unis ont contribué à l’élaboration de l’identité américaine (Gabaccia, 1998). Les commerces remplissent égale-ment une fonction culturelle au sein de leur groupe, servant de lieux de rencontres et soutenant les activités non commerciales (modes vestimen-taires, musique, mariages, fêtes) d’une population immigrée (Raulin, 2000). Ils constituent des lieux interculturels, ou propriétaire, employés, clients et fournisseurs de diverses origines interagissent, contribuant ainsi aussi bien à la cohésion sociale et à la convivialité de certains quartiers (Barrot, 1999) qu’au cosmopolitisme des villes contemporaines (Pécoud, 2004). Les critiques adressées à l’approche culturelle des économies immigrées contrastent avec le succès des arguments de type ethnique. Portes et Zhou (1992) récusent par exemple le rôle attribué à la culture des immigrés, af-fi rmant qu’il est plus judicieux de réfl échir en termes de réseaux ethniques

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et de capital social. Mais le fonctionnement de ces réseaux repose sur le partage d’attributs ‘culturels’ (langue, manière de travailler, représentations, etc.) et suppose une intimité culturelle qui, si elle n’inspire pas directe-ment la création d’entreprises, n’en joue pas moins un rôle. La culture des immigrés et l’appartenance à un groupe culturellement distinct font donc partie des ressources ethniques, même si une des raisons derrière le succès du concept d’ethnicité est probablement qu’il permet de parler de culture sans tomber dans les travers du culturalisme.

Les Enclaves EthniquesLe lien entre ethnicité et entreprenariat trouve sa forme la plus spectacu-laire dans la notion d’ethnic enclave, le plus souvent associée aux travaux d’Alejandro Portes sur l’économie cubaine de Miami. Ceux-ci montrent comment les Cubains sont concentrés dans un nombre limité de secteurs commerciaux et y sont devenus dominants (Portes et Bach, 1985) ; cette situation de quasi-monopole évite aux immigrés les obstacles (diffi cultés linguistiques, discrimination, validation des compétences) qu’ils rencon-treraient sur le marché du travail américain, leur offrant ainsi de meil-leures conditions de travail et des possibilités de mobilité sociale plus rapide. L’intérêt des immigrés serait donc de ne pas s’intégrer à la société américaine et de préférer sa communauté à l’assimilation ; les perspectives de carrière et de réussite seraient meilleures à l’intérieur de l’enclave qu’à l’extérieur (voir aussi Jiobu, 1988 ; Zhou, 1992).

Ces résultats contredisent deux théories bien établies :

- Ils contredisent le point de vue assimilationniste, selon lequel seul l’abandon par les immigrés de leur spécificité socioculturelle peut améliorer leur situation économique. Depuis l’École de Chicago (Park et Burgess, 1969), cette corrélation entre assimilation et mobilité sociale constitue un des fondements de l’étude des migrations.

- Ils remettent en question les théories plus récentes de la dualité du marché du travail, selon laquelle il existerait un marché primaire, caractérisé par des emplois qualifi és, relativement protégés et bien rémunérés, et un marché secondaire, doté d’emplois beaucoup plus précaires ou se con-centreraient les travailleurs immigrés (Piore, 1979). Les enclaves ethniques représenteraient une troisième alternative, permettant aux immigrés de quitter les mauvaises conditions de travail du marché secondaire sans pour autant pénétrer le marché primaire.

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Ces résultats ont généré des débats intenses et parfois confus (Waldinger, 1993), notamment en ce qui concerne ‘l’anarchie conceptuelle’ (Light, Sabagh, Bozorgmehr et Der-Martirosian, 1994) entourant la notion d’enclave ethnique. Ma Mung (2000) et Werbner (1990) notent que les immigrés dominent rarement un secteur commercial et que, même s’ils y parviennent, les conditions de travail y sont généralement inférieures à la moyenne. Le cas de l’économie cubaine de Miami apparaît diffi cilement généralisable, dans la mesure ou peu d’économies immigrées correspondent à une enclave ethnique (Logan, Alba et McNulty, 1994). Si, pour Portes et ses associés, la notion d’enclave est de nature organisationnelle, elle a souvent été comprise en termes spatiaux comme la concentration de commerces dans une zone urbaine. Malgré (ou à cause de) cette confusion, le terme est encore fréquemment utilisé et, plus de deux décennies après les premiers travaux sur l’enclave cubaine à Miami (Wilson et Martin, 1982 ; Wilson et Portes, 1980), ces questions occupent encore les chercheurs (Davis, 2004 ; Logan, Alba et Stults, 2003).

Ethnicité et Mobilité SocialeComme l’illustre le débat sur les enclaves ethniques, le succès socio-économique des entrepreneurs immigrés est l’indicateur le plus évident du potentiel des économies immigrées et de l’ethnicité en termes de mobilité sociale. Si, au sein du groupe, les entrepreneurs s’en sortent mieux que les salariés, c’est que, à situation initiale égale, les activités commerciales et le recours aux réseaux ethniques sont un vecteur d’ascension sociale. À l’inverse, si les économies immigrées ne génèrent pas de mobilité sociale, c’est que l’ethnicité ne joue pas un rôle économique décisif et que les ex-plications en termes de classe demeurent pertinentes. Beaucoup de travaux ont donc procédé à ce type de comparaisons (voir par exemple Bradley, 2004 ; Davis, 2004 ; Maxim, 1992 ; Spenner et Bean, 1999 ; Zhou et Logan, 1989). Malgré l’abondance de données, les résultats sont diffi ciles à interpréter, et ce pour plusieurs raisons:

- Défi nitions et hétérogénéité des économies immigrées: il existe différ-entes manières de déterminer qui fait partie d’une économie immigrée. En fonction de la défi nition adoptée, on arrive à des résultats différents. De plus, ce qui est vrai pour une économie immigrée n’est pas vrai pour les autres ; l’entreprenariat produit des conséquences parfois positives, parfois négatives, et il est diffi cile de généraliser (Bradley, 2004 ; Logan, Alba et Stults, 2003).

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- Mesure du succès : la plupart des travaux se basent sur le revenu des entrepreneurs, qui apparaît comme l’indicateur le plus simple à mesurer. Mais celui-ci varie selon qu’on prend en compte le niveau de forma-tion de l’entrepreneur, le salaire des employés, le nombre d’heures de travail ou la présence de membres de la famille non-payés. Plusieurs études aboutissent ainsi à la conclusion ambiguë que les entrepreneurs peuvent gagner plus mais qu’ils travaillent davantage (Logan, Alba et Stults, 2003 ; Özcan et Seifert, 2000). La méthode statistique employée importe également, selon qu’elle insiste sur la moyenne des revenus des entrepreneurs ou la présence d’un petit nombre d’entrepreneurs à succès (Portes et Zhou, 1996).

- Coûts psycho-sociologiques de l’entreprenariat : Min (1990) montre que les entrepreneurs coréens, s’ils gagnent davantage, sont affectés par des horaires de travail démesurés, qui entraînent absence de loisirs, manque de sommeil, faibles contacts avec l’extérieur du groupe, voire dépression (voir aussi Fong et Ooka, 2002). Les économies immigrées ont égale-ment des implications sociologiques, pouvant notamment favoriser les tensions entre groupes, l’exploitation entre employeurs et employés du même groupe ou la ségrégation sociale et urbaine (Waldinger, 1995). La mobilité sociale engendrée par l’entreprenariat a des coûts qui, bien que diffi ciles à quantifi er, doivent être pris en compte.

- Biais idéologique : l’attention portée au revenu témoigne d’une orien-tation intellectuelle qui valorise la réussite individuelle et fait des gains économiques l’unique mesure d’ascension sociale (Werbner, 1999). Dé-nonçant la médiocrité des conditions de travail dans les économies im-migrées, Bonacich (1993) affi rme que la corrélation entre entreprenariat et mobilité sociale s’inscrit dans une idéologie capitaliste inspirée par le mythe du self-made man à l’américaine qui fait l’impasse sur les injustices engendrées par ce contexte économique.

Les travaux qui prennent en compte l’ensemble de ces facteurs sont rares et débouchent sur des résultats contrastés (Light et Gold, 2000, chap. 3). Même les études portant sur le seul cas de l’économie cubaine de Miami arrivent à des conclusions divergentes (Davis, 2004 ; Perez, 1986 ; Sanders et Nee, 1987 ; Wilson et Martin, 1982 ; Wilson et Portes, 1980). Par ailleurs, d’autres études récentes témoignent d’un possible essouffl ement des économies immigrées en Europe (Hillmann, 2000 ; Jones et Ram, 2003) et, bien que n’étant pas généralisables, indiquent peut-être les limites de

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l’option commerciale pour les immigrés et la saturation des secteurs com-merciaux dans lesquels ils sont actifs. En l’absence de résultats incontestables, le débat tend à se prolonger et, parfois, à prendre une tournure polémique, entre économistes et socio-logues d’une part, mais aussi entre sociologues optimistes et pessimistes. La question récurrente est alors celle de la désirabilité morale et politique des économies immigrées : celles-ci constituent-elles un débouché sérieux et durable, ou sont-elles les symptômes de l’impasse socio-économique dans laquelle se trouvent des immigrés qui, victimes des injustices du capitalisme, sont contraints de recourir au commerce ?

Ethnicité et OpportunitésIl existe un consensus pour interpréter le développement des économies immigrées comme le résultat de l’interaction entre, d’une part, les oppor-tunités des entrepreneurs et le contexte dans lequel ils travaillent et, d’autre part, les ressources qu’ils mobilisent (Waldinger, Aldrich et Ward, 1990). La diffi culté est de déterminer la part relative de ces deux ensembles de facteurs. La place centrale accordée à la notion d’ethnicité conduit à une insistance sur les ressources des immigrés, sur leur capacité à utiliser leurs réseaux pour modifi er le cours de leur incorporation socio-économique dans les pays de destination. À cette attention portée à ce que les anglo-saxons nomment agency s’oppose une vision selon laquelle les activités commerciales des immigrés sont avant tout le produit de facteurs externes structurants, qu’il s’agisse d’exploitation capitaliste (Bonacich, 1993), des transformations post-ford-istes des économies occidentales (Rath, 2000), d’évolutions spatiales des villes d’immigration (Aldrich, Cater, Jones, McEvoy et Velleman, 1985 ; Waldinger, 1989), etc. L’attention portée au contexte institutionnel des économies immigrées (voir Le Macro-Contexte ci-dessus) souligne que, tout autant que de l’ethnicité, les entrepreneurs immigrés dépendent de l’environnement dans lequel ils travaillent et que la possibilité même d’avoir recours à l’ethnicité, loin d’être un attribut inhérent aux entrepre-neurs d’origine immigrée, est fonction d’un macro-contexte qui confère aux rapports ethniques une utilité et une fonction. Problème classique des sciences sociales, cette opposition entre ini-tiative individuelle et déterminisme se teinte, dans le cas des économies immigrées, d’idéologie. Dans un contexte d’inégalités le long de critères ethniques, la réussite par le biais du commerce en vient en effet à incarner l’immigration réussie, la preuve de la validité du modèle du self-made man parti de rien, et constituer l’exemple à suivre pour toutes les victimes de discrimination (Waldinger, 1995).

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Des Économies ‘Ethniques’ ?

L’approche des économies immigrées en termes d’ethnicité, si elle a permis plusieurs avancées, ne va pas sans diffi culté. Plusieurs auteurs ont émis des réserves à l’égard de l’usage réservé à cette notion complexe et du rôle qui lui est attribué. Cette section propose donc une analyse critique des rela-tions entre entreprenariat et ethnicité. - Ethnicité et confl its sont compatibles. Les réseaux et la ‘solidarité’ entre

immigrés n’empêchent pas l’exploitation des employés ou la compé-tition entre entrepreneurs (Sanders et Nee, 1987). L’approche en termes d’ethnicité s’accompagne parfois d’une vision idyllique des rapports sociaux qui occulte les tensions propres aux activités entrepreneuriales.

- L’ethnicité n’est pas toujours un atout. La dépendance des entrepreneurs à l’égard de leur milieu immigré peut entraver le développement de leurs activités commerciales ; l’insertion dans des réseaux crée des obligations potentiellement contre-productives, motivant parfois certains entrepre-neurs à se détacher volontairement de leur groupe.

- Les frontières entre groupes ethniques varient. Des expressions comme économies ‘chinoise’, ‘cubaine’ ou ‘turque’ reposent sur une continuité apparente mais fausse entre une nation d’origine, une population im-migrée et ses activités commerciales. Light, Sabagh, Bozorgmehr et Der-Martirosian (1992) montrent par exemple qu’il existe, au sein de la population iranienne de Los Angeles, quatre ‘sous-économies ethniques’ dont les réseaux ne se recoupent pas. Ces différences intra-ethniques sont très peu prises en compte : dans la revue de la littérature précitée (Menzies, Brenner et Fillion, 2003), une seule leur était consacrée. À l’inverse, une ethnicité supranationale peut émerger : à Marseille, les réseaux de commerçants sont devenus pan-africains, regroupant des immigrés venus de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et parfois même du Maghreb (Bredeloup, 2002).

- L’ethnicité est une construction sociale produite dans le contexte migratoire et infl uencée par les opportunités et les contraintes des immigrés. Elle est le résultat d’interactions sociales et de recompositions identitaires pos-sibles mais non obligatoires. Cela signifi e qu’ethnicité et entreprenariat apparaissent simultanément : l’ethnicité favorise les activités commer-ciales de la même manière que celles-ci donnent une raison d’être à des réseaux qui n’auraient autrement pas vu le jour.

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- Les ‘ethniques’ ne sont pas seulement les autres, les non-Occidentaux. Très peu d’études abordent l’entreprenariat des non-immigrés sous un angle ethnique, alors que, d’un point de vue socio-économique, toutes les activités économiques s’inscrivent dans des réseaux sociaux et que cette caractéristique ne saurait faire la différence entre économies im-migrées ‘ethniques’ et économies non-immigrées ‘neutres’9. La confusion entre les acceptations descriptive et analytique du terme ‘ethnique’ est à la base de ce biais intellectuel, qui alimente un a priori selon lequel les immigrés sont par défi nition différents du reste de la société (Nederveen Pieterse, 2003).

- L’approche ethnique des entreprises immigrées sous-estime leur inter-culturalité. Les entrepreneurs immigrés peuvent employer des immigrés venus d’autres groupes (Light, Bernard et Kim, 1999) ou des non-immi-grés. La clientèle ou les fournisseurs viennent fréquemment de l’extérieur du groupe ethnique ; la recherche de nouveaux marchés, en particulier, incite les entrepreneurs à quitter les limites de leur groupe (Pécoud, 2004). De plus, les frontières entre économies ethniques et non-ethniques sont poreuses et les immigrés les franchissent durant leur vie professionnelle (Nee, Sanders et Sernau, 1994). La plupart des entreprises sont donc hybrides, conjuguant ressources ethniques et non-ethniques.

Ces deux derniers points soulignent la diffi culté de penser le rapport entre ethnicité et entreprenariat. Il faut d’une part, suivant les acquis de la sociologie économique (voir notamment Granovetter, 2000), ap-préhender l’ensemble des activités commerciales – immigrées et non-immigrées – comme imbriquées dans des réseaux sociaux, qu’ils soient qualifi és d’ethniques ou non. Et d’autre part, il faut prendre en compte l’hétérogénéité des entrepreneurs immigrés, en termes de classe et de genre notamment, et analyser les variations dans le degré d’encastrement des entrepreneurs immigrés dans leur milieu10. Dans une petite minorité de cas, les commerces sont entièrement imbriqués dans une population socio-culturellement spécifi que, qui fournit employés, clientèle, bailleurs de fond et produits. Mais cette dimension communautaire est l’exception plutôt que la règle. Il existe aussi des commerçants pour lesquels l’appartenance commu-nautaire ne joue aucun rôle ou qui, pour le dire autrement, s’inscrivent dans des réseaux qui n’ont que peu à voir avec leur milieu immigré, devenant des ‘entrepreneurs immigrés non-ethniques’. Analysant l’entreprenariat immigré en Suisse, Piguet (1999) montre qu’il y a une corrélation entre

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indépendance économique et assimilation. Les activités commerciales des immigrés présentent rarement une spécifi cité ethnique et ressemblent à l’entreprenariat non-immigré. En toute logique, il faudrait alors renoncer à parler d’immigrés ou d’ethniques à propos de gens qui ne se caractérisent pas (ou plus) par ces attributs (Streiff-Fénart, 2002). Cela conduit à débattre de la pertinence même de la notion d’économies ‘immigrées’ ou ‘ethniques’, puisque celles-ci peuvent englober des activités qui, si elles ont en commun l’origine immigrée des entrepreneurs, présen-tent une grande diversité du point de vue de la nature de ces activités et de leurs relations au groupe dont elles sont censément issues. Il existe sans au-cun doute des caractéristiques propres à certaines économies immigrées qui ont trait à l’origine de leurs acteurs. Mais établir un lien systématique entre immigration, ethnicité et entreprenariat conduit à une sur-ethnicisation des pratiques des immigrés. Si la littérature sur les économies immigrées est parvenue à développer une approche, nouvelle et souvent convaincante, des économies immigrées en termes d’ethnicité, son prochain défi sera peut-être de ‘dé-ethniciser’ son sujet et, tout en conservant ses principaux acquis, de mieux cerner la part de spécifi cité et d’universalité de son objet d’études.

Conclusion

Nées dans l’indifférence et l’incrédulité, les économies immigrées se sont développées et sont devenues incontournables dans l’insertion socio-économique et culturelle des populations d’origine immigrée dans les so-ciétés occidentales. Elles ont donné naissance à une littérature importante et stimulé l’émergence (ou la réactivation) de nouveaux paradigmes. Le lien entre ethnicité et entreprenariat est aujourd’hui considéré comme un des fondements des travaux sur l’immigration. Cet article a néanmoins cherché à montrer que, à la lumière d’évolutions à la fois empiriques et théoriques, il est devenu nécessaire de repenser certains acquis de ces recherches. Empiriquement, l’intérêt des décideurs politiques et économiques et leurs interventions dans le champ des écono-mies immigrées, le nombre croissant de commerçantes, le succès de certains entrepreneurs, la diversité des commerçants et des contextes dans lesquels ils évoluent remettent en question les schémas explicatifs. Théoriquement, c’est l’objet même des recherches sur les économies immigrées qui devra être questionné. Le critère ‘immigré’ ne suffi t pas à en garantir la cohérence, et les travaux à venir devront interroger la pertinence

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de leur sujet. L’ancienneté du lien entre entreprenariat et immigration laisse penser que les économies immigrées ne disparaîtront pas. Mais, refl étant l’évolution de la situation des populations d’origine immigrée dans les sociétés occidentales, celles-ci trouveront de nouvelles formes d’expression qui appelleront de nouveaux cadres conceptuels.

Notes

1 Comme le notent Vuddamalay et Wihtol de Wenden, les recherches sur l’entreprenariat im-migré en France sont récentes et relativement marginales, au point que ce sont ‘des équipes de province [qui] ont été à l’origine de travaux sur l’ethnic business’ (2003, p. 13).

2 À New York, Waldinger (1996) observe que les nouveaux-venus reprennent les commerces des immigrés qui les ont précédés, dans ce qu’il nomme ‘un jeu de chaises musicales’. De même, en Allemagne, les enfants des restaurateurs italiens ou grecs ont de meilleures perspectives professionnelles que leurs parents et ne reprennent pas l’entreprise familiale, laissant ainsi la place à des entrepreneurs turcs qui n’ont pas connu la même mobilité (voir aussi Rath, 2000).

3 Dans une étude sur les commerçants tunisiens à Paris, Bruno (2005) montre que la Chambre de Commerce et d’Industrie émet des avis sur les candidats à une carte de commerçants qui ne dépendent pas uniquement de critères professionnels, mais aussi d’une vision normative du profi l de l’entrepreneur, auquel les immigrés correspondent rarement.

4 Je remercie Emmanuel Ma Mung pour cette information. 5 Voir notamment: ‘Secret of Success for Many Turks in Germany Lies in Start-Ups’ (K. Richter,

The Wall Street Journal, 13 juillet 1999), ‘Unsung heroes. Europe’s immigrant entrepreneurs are creating thriving businesses - and thousands of jobs’ (Business Week, édition européenne, 28 février 2000, pp. 20-24) et ‘La création d’entreprises joue un rôle moteur dans l’intégration des immigrés’ (Le Monde Economie, 8 mai 2001, p. V).

6 La ville de Marseille illustre ce processus (Peraldi, 2001) : tandis que son port sert de plaque tournante à une circulation mondiale de marchandises, ses immigrés développent des relations commerciales avec le reste du continent européen, le Maghreb, la Turquie ou l’Asie, construisant ainsi ce que Tarrius (1995) nomme avec emphase une ‘puissance économique internationale souterraine’.

7 Salem (1981) avait déjà décrit les réseaux de colporteurs mourides, dont les activités sont enraci-nées dans une région du Sénégal, mais qui se déploient dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest et de l’Europe méditerranéenne. Il faut noter que ce type de commerçants ressemble peu aux transmigrants qui vivent à cheval entre leur pays d’origine et de résidence ; ce sont plutôt des nomades imbriqués dans des réseaux présents dans une multitude de pays et de métropoles. Si la notion de transnationalisme est abondamment utilisée, elle recouvre des réalités assez différentes qui ne sont pas toujours bien distinguées.

8 Les activités informelles doivent être distinguées des activités illégales. Dans l’opinion publique, les économies immigrées sont parfois associées à des activités illégales (vente de cigarettes de contrebande, prostitution, trafi c de drogues), mais beaucoup d’activités informelles ne sont pas illégales par nature mais seulement parce qu’elles ne sont pas déclarées (Light et Gold, 2000, p. 39-46).

9 La forte présence des Auvergnats et de leurs réseaux régionaux dans le secteur des cafés parisiens ferait par exemple d’une bonne partie de ces établissements des ‘commerces ethniques’. Jenkins (1984) montre également comment l’ethnicité du groupe dominant joue un rôle dans le cas des Protestants d’Irlande du Nord.

10 Confrontés à cette diffi culté, Guillon et Taboada-Leonetti (1986, p. 73-79), ainsi que Ma Mung et Simon (1990, p. 41), établissent une typologie pour évaluer les ‘degrés d’ethnicité’ des entreprises. Sont ‘ethniques’ ou ‘communautaires’ les entreprises qui vendent des produits immigrés à des clients immigrés, ‘exotiques’ ceux qui proposent des produits immigrés à une clientèle non-im-migrée, et ‘français’ ou ‘banals’ ceux dont ni les produits ni la clientèle ne sont immigrés. Cette typologie basée sur les critères des produits et des clients ignore malheureusement la question centrale des réseaux sur lesquels s’appuient les entreprises.

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