le maroc des "années de plomb": équité et réconciliation?

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« Comment en est-on arrivé là ? » Au 18 avril 2004, l’Instance équité et réconciliation (IER), installée par le roi Mohammed VI le 7 janvier 2004, avait reçu 20 000 dossiers de victimes des violations graves des droits de l’homme 1 . Il est vrai qu’en plus de quarante années d’autoritarisme « la responsabilité de l’État dans ce qui s’est passé est bien établie 2 ». Les répertoires d’action coercitive déployés par les différents services de sécurité ont donné lieu à des disparitions forcées, exécu- tions extrajudiciaires, torture et procès inéqui- tables, exactions contre la population, mises en détention au secret et répression tous azimuts des mouvements sociaux assortie de siècles de prison. Les pages qui suivent portent sur les consé- quences de ces politiques coercitives 3 . Elles interrogent la manière dont ces séquelles constituent matière à politique et sujet de mobilisation. Elles dessinent les termes d’un désaccord avec certaines tendances de la production savante 4 et journalistique 5 récente se référant à la transition politique, sinon démocratique, marocaine. Une énigme sensi- blement différente permettra de discuter cette vulgate. Elle rompt avec la logique simple- ment classificatoire des exercices d’entomo- logie politique qui, sans raison réelle, font passer le Maroc des pays « autoritaires » au label aussi incertain qu’enviable de « régime en transition ». L’intrigue tire sa substance de l’éclairage que les mobilisations autour des années de plomb sont susceptibles d’appor- ter sur les transformations de l’autoritarisme marocain au cours des années 1990. Quelques distances seront prises avec certaines formu- lations qui, bien imprudemment sans doute, tendent à réduire cet ensemble de mobilisa- tions à un « retour mémoriel ». On montrera Politique africaine n° 96 - décembre 2004 181 Frédéric Vairel Le Maroc des années de plomb : équité et réconciliation * ? Au Maroc, la politique de clôture du dossier des années de plomb a accéléré le regroupement des victimes en un Forum vérité et justice, inscrivant régime et militants dans un cycle international de mobilisations contre les violences d’État. Les victimes ont imposé leur cause dans la rue et les débats publics. Réponse institutionnelle à la mobilisation et référence ambiguë aux expériences étrangères, la mise en place d’une Instance équité et réconciliation participe d’un autoritarisme renouvelé.

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«Comment en est-on arrivé là ? » Au18 avril 2004, l’Instance équité et réconciliation(IER), installée par le roi Mohammed VI le7 janvier 2004, avait reçu 20 000 dossiers devictimes des violations graves des droits del’homme 1. Il est vrai qu’en plus de quaranteannées d’autoritarisme « la responsabilité del’État dans ce qui s’est passé est bien établie 2 ».Les répertoires d’action coercitive déployéspar les différents services de sécurité ontdonné lieu à des disparitions forcées, exécu-tions extrajudiciaires, torture et procès inéqui-tables, exactions contre la population, misesen détention au secret et répression tous azimutsdes mouvements sociaux assortie de siècles deprison.

Les pages qui suivent portent sur les consé-quences de ces politiques coercitives 3. Ellesinterrogent la manière dont ces séquellesconstituent matière à politique et sujet de

mobilisation. Elles dessinent les termes d’undésaccord avec certaines tendances de laproduction savante 4 et journalistique 5 récentese référant à la transition politique, sinondémocratique, marocaine. Une énigme sensi-blement différente permettra de discuter cettevulgate. Elle rompt avec la logique simple-ment classificatoire des exercices d’entomo-logie politique qui, sans raison réelle, fontpasser le Maroc des pays « autoritaires » aulabel aussi incertain qu’enviable de « régimeen transition ». L’intrigue tire sa substance del’éclairage que les mobilisations autour desannées de plomb sont susceptibles d’appor-ter sur les transformations de l’autoritarismemarocain au cours des années 1990. Quelquesdistances seront prises avec certaines formu-lations qui, bien imprudemment sans doute,tendent à réduire cet ensemble de mobilisa-tions à un « retour mémoriel ». On montrera

Politique africaine n° 96 - décembre 2004

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Frédéric Vairel

Le Maroc des années de plomb :équité et réconciliation* ?

Au Maroc, la politique de clôture du dossier des années de

plomb a accéléré le regroupement des victimes en un Forum

vérité et justice, inscrivant régime et militants dans un cycle

international de mobilisations contre les violences d’État.

Les victimes ont imposé leur cause dans la rue et les

débats publics. Réponse institutionnelle à la mobilisation

et référence ambiguë aux expériences étrangères, la mise

en place d’une Instance équité et réconciliation participe

d’un autoritarisme renouvelé.

comment les entrepreneurs de la cause desvictimes sont parvenus à articuler ou, préci-sément, à mettre en mouvement un certainnombre de scènes dont la moindre n’est pasla rue. Il convient de ne pas forcer la distinc-tion entre la politique instituée et la politiqueprotestataire en complétant le propos parl’analyse des conséquences des mobilisations. À nombre d’égards, en effet, l’IER peut secomprendre comme un dispositif institu-tionnel prenant en charge, sous des réservesque l’on énoncera, les revendications desvictimes des années de plomb à des fins dedémobilisation. Pris dans les compétitionspolitiques autour du règlement des annéesde plomb, les termes d’équité et de réconci-liation ne sont pas sans ambiguïté. Enfin, le déplacement et la réitération du débat sur cette période fournissent des indices detransformation et de continuité du régimemarocain.

L’ajustement politique

des années 1990 : de quoi

parlons-nous ?

Les réformes institutionnelles qui ajustentle Maroc, au moins dans les termes, au versantpolitique du consensus de Washington, letriptyque société civile-droits de l’homme-good governance, participent du contexte danslequel les victimes des violations graves desdroits de l’homme vont se mobiliser. Au cours des années 1990, le régime passe de la dénégation systématique des violationsgraves perpétrées depuis l’indépendance àleur reconnaissance timide. Certes, le tempss’éloigne où Hassan II niait l’existence desbagnes6 et les mesures actuelles concernant lesdroits de l’homme caractérisent le mieux cetajustement politique 7.

Cependant, considérer ces indices commeconstitutifs de changement à l’instar de poli-tistes s’inspirant de la transitologie fait courirle risque de confondre le lexique de la réformeavec ses usages 8. Or, c’est précisément autourde cette équivoque que fut menée la réforme del’ordre politique. L’ajustement politique durégime ne préjuge en rien de sa démocratisa-tion. Il s’inscrit dans le cadre des échanges entrele roi et son opposition qui conduisent de façonheurtée à «l’alternance gouvernementale9 » de1998. Ouvrant le « temps de la réforme», l’ar-rivée à la tête du gouvernement de A. Youssoufi,secrétaire général de l’Union socialiste des forcespopulaires (USFP), modifie les perceptions del’environnement politique des militants desdroits de l’homme. Malgré les limites appa-rentes de ce lent processus de recompositionpolitique «sans toucher au politique», il sem-blait alors possible de «changer les choses».

L’action militante est facilitée dans lamesure où les politiques coercitives desannées 1970 et 1980 n’ont plus cours. Cestransformations du contexte n’assurent pasd’une ouverture de la « structure des oppor-tunités politiques 10 », pour autant que cetoxymore ait valeur descriptive. Au contraire,les décisions du Conseil consultatif des droitsde l’homme (CCDH), rendues lors de sesdouzième (20 avril et 28 septembre 1998) ettreizième réunions (2 avril et 2 juillet 1999),sont le signe d’une volonté du régime de «cloredéfinitivement les dossiers en suspens » enmatière de droits de l’homme sur un terrainet dans des termes qui lui soient favorables.Créé par Hassan II afin d’améliorer l’imageinternationale du pays, le CCDH se caracté-risait par son absence complète d’autonomieet sa composition n’en faisait guère un allié desmilitants. Le mémorandum du 2 avril 1999

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est particulièrement éclairant sur ce point :« Les fidèles serviteurs de votre Majesté,membres du Conseil sollicitent de votreMajesté, […] d’accorder sa généreuse grâce àtoute personne s’étant rendue coupable decrime d’atteinte à la sécurité de l’État, à saquiétude, d’y avoir participé ou incité, avectoutes les conséquences qui en ont résulté auniveau de la réaction des autorités concernéeset de leurs auxiliaires pour préserver la quié-tude de l’État et sa sécurité. »

Le CCDH tire ainsi un trait sur quatredécennies de violence d’État en indemnisantfinancièrement les victimes. Au-delà, le régimemontre une capacité réelle à tirer profit descourants d’idées qui circulent dans la mon-dialisation, reprenant à son compte la « théo-rie des deux démons » du président argentinR. Alfonsín renvoyant dos à dos victimes et bourreaux. Ce changement drastique desrègles du jeu constitue un motif puissant demobilisation pour les anciennes victimes. La mise en pratique du mémorandum du2 avril 1999 aboutit, en effet, à leur dénier toutdroit à des réparations autres que financièresainsi qu’à toute réhabilitation au sein de lacommunauté politique marocaine. En outre,elle écrase sous le sceau d’une vérité officielledes plus partiales leurs combats et idéauxpassés, ne reconnaissant que 112 victimes dela disparition forcée. Les espoirs déçus de« l’alternance » ont également joué commedes frustrations individuelles transforméesen raisons d’agir.

Réseaux sociaux et stratégies

militantes : la création du Forum

vérité et justice

Le déclenchement des mobilisations nes’opère pas dans un vide social. La répression

de l’ensemble des générations militantesdepuis l’indépendance a, aussi paradoxal quecela puisse paraître, donné forme à des réseauxsociaux multiples. Chacune d’elles, gauchedu mouvement de l’indépendance, socialistes,communistes et marxistes-léninistes, Sahraouiset leurs soutiens marocains, militaires desputschs et enfin islamistes, a eu à souffrir sonlot de répressions. L’Association marocainedes droits de l’homme (AMDH), créée en 1979par les secteurs les plus à gauche de l’USFP,pour occuper le terrain des organisations paral-lèles, s’affirme vite comme point de ralliementdes détenus nouvellement libérés 11. À lamême époque, certains secteurs de l’Unionmarocaine du travail (UMT) accueillentégalement des détenus libérés et ouvrent lesdéfilés du 1er mai aux familles des disparus.Malgré l’hétérogénéité, les concurrences et lesantagonismes entre ces différentes positionspolitiques, des liens et solidarités naissent.Mohammed Raïss, militaire rescapé de Taz-mamart, raconte ainsi comment un islamisteet un marxiste l’ont aidé à préparer ses bagageslors de sa sortie de la prison de Salé 12. Dessolidarités se nouent parmi les proches desdisparus. Elles donnent naissance à la Com-mission des familles, constituée autour desfamilles Menouzi et Rouissi, qui s’active aussibien en France qu’au Maroc à partir de Casa-blanca 13. Malgré les divergences politiquesentre les prisonniers, des liens très forts setissent, à l’extérieur, entre les familles, faceaux expériences communes de l’attente à laporte des prisons, aux vexations de l’adminis-tration pénitentiaire, à l’échange de combinespour faire circuler livres et correspondancespolitiques et face à l’espoir d’une grâce 14.Pour autant, il convient de ne pas dissimulerles vives oppositions perpétuées, durcies et

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entretenues en prison, notamment entre lesmilitants d’Ila al Amam, qui prône au procèsde janvier 1977 l’autodétermination du Saharaoccidental, et le mouvement 23-Mars quiaccepte sa marocanité 15. Les anciens disparusdes bagnes se regroupent, après leur réappa-rition, selon leur lieu de détention secret,Tazmamart, Agdz, Kela’at M’gouna, pour neciter que les plus connus. Enfin, au cours desannées 1990, des groupes de parole sont mis en place à l’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH) et à l’AMDH. Ilspermettent de resserrer des liens mais aussid’apporter une aide minime, médicale et juri-dique, plus rarement financière, aux diffé-rents groupes de victimes 16.

On est ainsi en présence d’un univers par-couru de divergences politiques tenaces, degrandes amitiés et de petites haines. En d’autrestermes, on est fort éloigné d’un secteur ano-mique de l’espace social lorsque la politiqued’amnésie par indemnisation menée par lePalais et entérinée par les partis politiquesest proposée comme voie royale du règlementdes années de plomb au printemps 1999. Àelle seule, l’expérience commune des enlève-ments, de la torture, de la détention au secret,des exécutions extrajudiciaires ne suffit paspour structurer la population des victimes.Elle est cependant à l’origine de réseauxsociaux peu à peu regroupés par les entre-preneurs de la cause des victimes après lapublication de la décision du CCDH.

La recommandation du CCDH fait l’objetd’une réception contrastée sur la scène poli-tique marocaine. Pour les partis politiques, il s’agit d’une avancée en matière de droitsde l’homme. L’OMDH et la Ligue marocainedes droits de l’homme (LMDH), liées par laprésence de leurs membres dans les cabinets

ministériels de « l’alternance » et dans cesmêmes partis, sont partagées entre l’assenti-ment à une recommandation acceptée par leroi, la volonté d’encourager le processus derèglement et le refus d’une solution qui dissi-mule explicitement la vérité sur le nombre réeldes disparus. L’AMDH, fidèle à son héritagemilitant, refuse catégoriquement l’ensembledes dispositions proposées par le Conseilconsultatif 17.

Percevant une dimension d’inachevé etd’incohérence dans la réaction du mouvementassociatif, entre refus de principe et accordlégitimant, certains militants issus des margesde l’AMDH et de l’OMDH, familiers desinstruments internationaux en matière derèglement des épisodes de violence d’État,s’activent pour définir une stratégie de contes-tation de la «solution» proposée par le régime.L’enjeu est pour eux d’éviter que « les victimesd’Hassan II ne soient les premières victimesde la “nouvelle ère” 18 » chantée par les thu-riféraires du régime et réputée s’ouvrir avecl’accession au pouvoir de Mohammed VI. Le processus n’a rien d’aisé, dans la mesureoù l’élaboration d’une stratégie inédite delutte contre l’impunité 19 rompt avec les rou-tines militantes.

Lors de l’assemblée constitutive du Forummarocain pour la vérité et la justice (FVJ), les27 et 28 novembre 1999, la constitution d’uneassociation venait, dans une certaine mesureseulement, formaliser le travail de mobili-sation des réseaux de victimes effectué par le Comité de coordination des victimes. Cedernier avait rassemblé, parmi d’autres, lesdifférentes têtes de réseaux durant l’été 1999.Cette période importe en ce qu’elle est signi-ficative d’un dernier moment de la structu-ration de ces réseaux. En outre, elle opère la

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délimitation et, en quelque sorte, la cristallisa-tion des identités des différents groupes quivont constituer le mouvement à partir de laspécificité des violations qu’ils ont eu à subir,de leur parcours politique et des revendicationspropres qui en découlent. Cette structurationmet un terme à l’éclatement des actions col-lectives et au caractère atomisé des groupes.

Le régime comme ses contestataires s’ins-crivent ainsi dans un cycle 20 international demobilisations contre les exactions et crimesd’État, qui vient solder par nombre d’aspectsla répression d’un cycle précédent de mobi-lisations, celles qui, dans les années 1970, s’op-posaient à « l’impérialisme et ses valets ». Lesformes et les enjeux de la mobilisation permet-tent de clarifier certains contrastes et simili-tudes que présente le cas marocain au regardd’autres expériences 21.

Des luttes autour de l’organisation

du Forum vérité et justice

Dans sa composition, le premier bureauexécutif compte, outre d’anciens marxistes-léninistes, un islamiste et un Sahraoui, témoi-gnant de la nouveauté du Forum vérité etjustice dans le paysage politique marocain.En effet, lors de sa création, il est le seul espacepolitique mettant en œuvre un pluralismeidéologique aussi poussé au Maroc. L’organi-sation même du FVJ porte la trace de l’histoiredes groupes qui le constituent et reflète l’hé-térogénéité de sa composition. Les réseauxsociaux préliminaires à la mobilisation latraversent après son déclenchement et enconstituent pratiquement le nerf. Organisé ensections à l’échelon des régions, le FVJ offreune part de souplesse à ses composantes. Pourdes raisons historiques, politiques et géogra-phiques, les Sahraouis et les exilés se distinguent

parmi les victimes des violations graves desdroits de l’homme. Chacune à leur manière,la section France et la section Sahara sont par-ticulièrement significatives de la force desidentités qui les traversent et posent des pro-blèmes de taille pour une association ayant àdéployer son action en situation autoritaire.Les Sahraouis viennent battre en brèche l’una-nimisme établi dans la violence par le régimesur la « marocanité » du Sahara occidental.Quant aux exilés, ils se sont regroupés dansune association française dénommée « Forumvérité et justice-section France» sous le régimede la loi de 1901. Leur éloignement du« contexte » marocain permet une liberté deprise de parole et d’action qui peut lesconduire à prendre des positions délicatespour leurs camarades marocains 22.

Les luttes autour du FVJ ne se sont paslimitées à sa création; elles se sont poursuiviespour son contrôle ultérieur. Une coalition demilitants de la gauche radicale marocaine,issus des partis de la Voie démocratique (AnNahj Ad Dimuqratî) et du Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste, en a acquisle contrôle à la faveur du premier congrèsordinaire en juillet 2002. Les divergences ausein de l’extrême gauche marocaine sur lesstratégies d’entrée dans le champ de la poli-tique instituée se superposaient à des désac-cords sur l’opportunité des contacts et desdiscussions avec les conseillers du roi, vécuscomme une compromission, sur leur efficacitéau regard des objectifs d’obtention de la véritéet de réhabilitation des victimes, particuliè-rement dans ses dimensions humanitaires lesplus urgentes, et sur le refus de la présence devictimes islamistes dans les rangs dirigeantsdu Forum. La nouvelle direction donnée lorsdu premier congrès, bien que comptant des

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militants ayant participé aux discussions avecles conseillers royaux, entend faire désormaisprévaloir une ligne qu’elle veut strictementmilitante, tournée vers les victimes et leursbesoins les plus urgents. Cette ligne activisteest renforcée par la présence affirmée de diri-geants ne cachant pas leurs sympathies pourle Front Polisario 23 et appartenant de longuedate à la gauche radicale marocaine. Para-doxalement, c’est dans le but de se distinguerd’un tel activisme, caractéristique à ses yeuxdes logiques militantes de la gauche radicalemarocaine et représentées par l’AMDH quel’équipe des fondateurs – la ligne incarnéepar son président D. Benzékri ou son vice-président S. El Ouadie et défaite lors ducongrès – inscrivait, elle aussi, les victimesau centre de ses préoccupations et des mobi-lisations.

Ces luttes rappellent que les considéra-tions organisationnelles n’ont pas seulementune portée logistique et ne se résument pas àdes dilemmes pratiques, comme le laisseentendre S. Tarrow 24. Elles sont un terrain delutte décisif au sein du groupe qu’aucunmoment organisationnel ne vient suspendreau profit de la recherche du mode de regrou-pement optimal. Quant à la pression des auto-rités, elle ne se relâche pas 25.

Poids des autorités et divergences entrecollectifs sur les répertoires d’action se retrou-vent dans les moyens de protester mis enœuvre pour dénoncer l’impunité des tor-tionnaires. L’hypothèse de rareté des moyensde protestation à la disposition des acteurspolitiques n’en rend que plus intéressantesles innovations introduites par le FVJ dans lerépertoire marocain. Ses dirigeants ont eneffet choisi de défendre dans la rue leur pro-gramme de lutte contre l’impunité : révélation

de la vérité sur les atteintes graves aux droitsde l’homme, exigence d’excuses officielles dela part de l’État, réhabilitation des victimes,réformes institutionnelles de nature à empê-cher la réédition des politiques coercitives 26.À partir d’un mode d’action éprouvé, le sit-in,les militants du FVJ revendiquent en imposantun style protestataire nouveau.

Au moment où le ministre de l’Intérieur del’époque, Driss Basri, est démis de ses fonctionspar le roi qui le remercie pour services rendus àla monarchie, le Premier ministre l’honore pourservices rendus à la nation. Le 6 décembre 1999,à la nuit tombée, l’allée des Princesses duquartier résidentiel Souissi à Rabat se remplitde militants et d’anciennes victimes, bougieset roses à la main, portraits de disparus bran-dis ou portés au cou, pour protester contrel’hommage rendu à l’homme qui les a tantfait souffrir 27.

Dans la soirée du 4 mars 2000, le Forumréitère ses revendications par un sit-in devantle Derb Moulay Chérif et reconduit ses rituelset sa symbolique. Cet ancien commissariat deCasablanca et centre de détention a vu passerles militants de tout le pays placés au secretet torturés avant de signer, selon l’expressionconsacrée, « sous la menace et les yeux ban-dés » les procès-verbaux de leurs aveux 28.Avec ces actions, le Forum se situe sur untriple registre : revendicatif tout d’abord – cesrassemblements permettent de réclamer quejustice soit rendue ; commémoratif ensuite,puisqu’il s’agit d’établir la vérité et d’empê-cher que la mémoire des crimes d’État nes’évanouisse, au besoin en associant à la pro-testation les populations des alentours descentres de détention ; émotionnel enfin, avecle retour des militants sur les lieux de leursouffrance, le rituel des bougies, des portraits

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et des roses, la présence des enfants des vic-times et la lecture de poèmes et témoignages29.La série de sit-in initiée par le Forum vérité etjustice est ainsi l’occasion d’un marquagesymbolique des lieux. Ce style revendicatifnouveau n’empêche pas les autorités de main-tenir leur emprise. Ainsi, le sit-in prévu enavril 2000 devant Dâr Al Moqrî à Rabat,ancien centre de détention secret, est interdit.Cependant, sous le prétexte de rappeler l’in-terdiction aux membres de l’association, lesdirigeants du Forum demeurent sur les lieuxet en profitent pour déposer roses et bougies.

La protestation acquiert une dimensionnouvelle, le 7 octobre 2000, avec un pèlerinageà Tazmamart. Dans la mesure où, fait inédit,les militants traversent tout le pays en cara-vane, le pèlerinage rencontre un écho inter-national certain. Surtout, il met en lumièreles divergences au sein des cercles dirigeantsdu régime et l’imparfaite consolidation duréseau de l’autoritarisme au lendemain de lasuccession. La décision d’organiser le pèleri-nage à l’ancien bagne discutée avec lesconseillers du Palais reçoit l’assentiment du roi, sans qu’il soit cependant possible d’y pénétrer et d’y enquêter. Par ailleurs, elle est contrecarrée par l’intervention de laGendarmerie royale et de la Direction de la sécurité du territoire (DST), qui accusentd’espionnage des journalistes de la chaîne de télévision France 3 venus couvrir l’évé-nement, rappelant ainsi que les appareilsrépressifs de l’autoritarisme demeurent desforces avec lesquelles il faut compter.

Autour de ces répertoires d’action, sit-inou pèlerinages, se fixent les enjeux et lestermes de la confrontation. Saisir ce qui se joueprécisément dans ces mobilisations impliquede ne pas les réduire à un débat de presse ou

à un retour de mémoire. En effet, la revendi-cation in situ permet, entre autres, une recon-quête par les militants de ces lieux mais aussipour les populations des alentours. « Vousnous avez délivrés », dit ainsi un habitant deKela’at M’Gouna aux participants de la cara-vane des 1er et 2 juin 2002 30. Surtout, lesacteurs investissent leur protestation de signi-fications, perceptibles notamment dans lesdifférents registres mobilisés. Pour participerd’un univers de rareté, les moyens de pro-tester s’inscrivent également dans un universde sens partagé en même temps que disputé.L’Association marocaine des droits de l’hommemet en œuvre, dans sa lutte contre l’impunité,un répertoire consistant en des rassemblementsrevendicatifs organisés sans autorisation, selonun légalisme strict, sur simple notificationaux autorités. L’AMDH prend ainsi le régimeau piège de son discours légaliste. Pour êtreplus classique dans sa forme, ce répertoiren’en est pas moins disruptif dans ses registres.Tout d’abord, après Tazmamart, où leur sou-tien aux journalistes de France 3 a valu auxmilitants de la section d’Er Rachidia des tracasjudiciaires, le porte-parole de l’AMDH a desmots très durs contre les planificateurs dubagne de Tazmamart, en particulier H. Laâ-nigri, devenu depuis directeur de la DST 31.L’association réplique ensuite par deux lettres,au ministre de la Justice puis au Parlement,réclamant l’établissement d’une commissiond’enquête sur une quinzaine de tortionnaires,tous dignitaires du régime. À l’appui des lettressont organisés des sit-in. Le premier devant leministère de la Justice, le 27 octobre 2000, estrepoussé par les forces de sécurité sans ména-gement et, de façon prévisible, les courriersrestent lettre morte. Le second, à l’occasionde la Journée mondiale des droits de l’homme

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le 9 décembre 2000, réclame devant le Parlementl’établissement d’une commission d’enquête.Cependant, avant même le rassemblement,les forces de sécurité attaquent les militants 32.Trente-six d’entre eux, appartenant aussi bienà l’AMDH qu’au Forum sont arrêtés au motifde trouble à l’ordre public. En première ins-tance, les militants sont condamnés à delourdes amendes et à de la prison ferme.

Le régime fixe ici les termes acceptablesdu débat sur les années de plomb. En l’espèce,le primat du recours aux tribunaux sur larecherche de la vérité dans la stratégie del’AMDH s’écarte du tolérable et du pensable.L’interdiction de l’association est d’ailleursévoquée en haut lieu. Peu de temps aupara-vant, trois hebdomadaires, Le Journal, As Sahifaet Demain, étaient interdits. Certes, ils avaientpublié une lettre d’un ancien dirigeant del’Armée de libération nationale, le fqih Basri,faisant état de collusions entre les dirigeantsde l’Union socialiste des forces populaires,devenus depuis ministres, et certains mili-taires pour renverser la monarchie dans lesannées 1970. Comme le Premier ministreYoussoufi l’indique dans le journal Le Monde,« les trois hebdomadaires interdits ont osés’attaquer à la monarchie et à l’armée 33 ».L’interdiction vient en l’occurrence sanction-ner la publication des listes de tortionnairespar l’AMDH et les relations entre cette presseet les militants contre l’impunité.

Cette première vague de mobilisationsrecèle plusieurs ordres d’implications. Le pre-mier renvoie à l’hétérogénéité des motifs demobilisation. Le primat accordé aux enjeuxde justice ou aux questions de vérité dans lesstratégies protestataires des acteurs s’appuiesur des définitions divergentes de la réalitépolitique. Les militants qui mettent l’accent

sur le traitement judiciaire des années deplomb – c’est la position de l’AMDH – ontpour appréciation la duplicité fondamentaledes dirigeants qui rend impossible toute trac-tation. À l’inverse, la stratégie des premièresinstances dirigeantes du Forum consiste àsuivre une ligne de conciliation possible avecles dirigeants et fait porter les efforts des mili-tants sur l’établissement de la vérité.

À un second niveau, ces stratégies heurtéesparticipent de relectures des héritages militantsde l’extrême gauche marocaine. La construc-tion de la cause des victimes des années deplomb et de la reconnaissance publique de lalégitimité de leur intérêt s’opère de manièreconflictuelle. L’une et l’autre font l’objet dedéfinitions concurrentes entre les collectifsmais aussi en leur sein. En raison de l’invita-tion de personnalités politiques, notammentle Premier ministre en exercice à l’époque del’installation du bagne, l’AMDH, qui soutientpourtant fidèlement le Forum, refusa de par-ticiper au pèlerinage. De même, à l’occasiondu pèlerinage au bagne de Kela’at M’Gouna,les Sahraouis du Forum conditionnaient leurvenue à une mention particulière de leur lutte.Les organisateurs du pèlerinage refusèrentce mélange des genres 34.

En définitive, de telles mobilisations indi-quent la capacité des militants à faire entendreleur voix sur une pluralité de scènes, dans lapresse et dans la rue, au Maroc et à l’écheloninternational, où ils se jouent, avec des succèsdivers, du pouvoir. Dans le même temps, situéau carrefour de la rareté des moyens d’actionet de leur flexibilité relative, le sit-in est emblé-matique des transformations politiques encours au Maroc: forme contrainte d’expressionet forme nouvelle d’expression de la contraintesur les stratégies et répertoires militants.

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Représenter les victimes

Ces luttes pour la définition de la réalitépolitique indiquent une piste sur ce qui sejoue dans les processus, empiriquementconfondus, de légitimation de la cause et dugroupe qui entend la défendre. Les instancesdirigeantes de l’AMDH, du FVJ et, dans unemoindre mesure, de l’OMDH, luttent pour leleadership des victimes. En d’autres termes,des enjeux de représentation se déclinent ici.La stratégie inédite au Maroc de règlementdes années de plomb inventée par le Forumdoit beaucoup de son efficacité au fait qu’ellelui confère une sorte de monopole sur le mar-ché des biens politiques, tout en s’opposantaux mécanismes d’amnésie et d’amnistieayant la faveur du régime. En outre, lesdirigeants du Forum sont d’autant plus auto-risés à parler au nom des victimes que la com-position du premier bureau de l’associations’approche d’une homothétie et d’une confor-mité quasi photographique du public qu’ilentend représenter 35. Constituées en associa-tion, les victimes passent du pluriel au collectif.L’association fait exister le groupe, du point devue juridique par exemple, en le construisant.L’intervention de la presse et de ses commen-tateurs patentés est décisive dans la recon-naissance de la légitimité des victimes à fairevaloir publiquement un intérêt. Deux pro-cessus se mêlent ici. D’une part, les « fuites »portant sur des témoignages de victimes oude demande de pardon d’anciens tortionnairessont le fruit de la collaboration avec une pressefaisant un usage bruyant d’une liberté de tonnouvellement acquise, principalement Le Journal,As Sahifa et Demain. De l’autre, des journauxentretiennent le débat sur les années de plombdans la lignée de la reconnaissance royale de cet enjeu sans pour autant se situer dans

l’opposition au régime. Au motif de faireentrer les revendications des victimes dansl’ordre des nouveaux consensus, ces journauxparticipent involontairement à la reconnais-sance du FVJ et de la cause qu’il défend.

Si le Forum a pu aussi facilement se préva-loir de sa légitimité à représenter les victimes,c’est sans doute et très largement dans lamesure où il a mis en place des mécanismes desoutien matériel à cette population. La créationen mai 2000 du Centre d’accueil et d’orienta-tion des victimes de la torture à Casablancarenvoie à un double but 36. Elle correspond àune prise en charge du groupe par lui-même,renforçant ou tissant de nouveaux liens avecdes victimes souvent largement désengagéesde la politique et socialement désaffiliées. Elle participe aussi du travail de productionde la vérité dans la mesure où, dès sa prise encharge au Centre, chaque victime fait l’objetnon seulement d’un bilan de santé, mais encoredes exactions dont elle a été ou est encorevictime. Ces deux dimensions ont pour effetde contribuer à une existence plus affirmée dugroupe dans les débats publics.

Qu’il s’agisse de ses revendications, de laconduite de sa stratégie politique, des sloganslancés lors des actions de rue et des rapportsinstaurés avec les populations des alentoursdes centres de détention secrets, le FVJ entendapparaître légitime dans son travail de repré-sentation en proposant un discours de réha-bilitation de la société marocaine dans sonensemble. Les représentants peuvent d’autantmieux prendre position en tant que porte-parole des victimes qu’ils réussissent à assi-miler cause des victimes et intérêt de la sociétémarocaine. Cette démarche de généralisationde la revendication est une manière de coupercourt aux critiques sur « l’intéressement » des

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victimes dont les « petits journaux 37 » destenants du régime font profession. Elle estprécisément à l’œuvre dans la recherche de lavérité et la lutte pour l’établissement desconditions institutionnelles et politiques denon-reproduction des crimes d’État. Le travailde représentation de la catégorie des victimespar l’élite du Forum est au principe de l’impo-sition de cette catégorie dans les débats publics.L’enjeu de ce travail politique est d’autantplus saillant qu’il met en cause la persistancede la violence au-delà de la fondation durégime. La mobilisation des victimes dévoile,en effet, l’institution de l’emprise du régimesur la société marocaine et le déploiement desrépertoires d’action coercitive qui l’ont accom-pagnée, donnant lieu jusqu’aux années 1990à des crimes d’État. Il n’est dès lors pas sur-prenant que le roi et ses conseillers se soientrapidement intéressés au Forum. Cet intérêttémoigne en retour de l’efficacité du travail demobilisation de l’association. Ce sont desacteurs évoluant dans des espaces flous entrele Palais et le monde associatif 38 qui jouent lerôle d’émissaires pour faire connaître aux diri-geants du FVJ l’intérêt du roi pour leur action.Dans l’esprit des militants, il ne s’agissait pasde négociations, tout au plus de «discussions»permettant aux parties de se « reconnaître ».

Ces rencontres se laissent difficilementappréhender sous l’angle réducteur de la« récupération » par le système. Certes, ladimension de leur publicité est problématiquecar elle n’est pas reconnue comme telle par lePalais et les conseillers royaux tentent de faireprévaloir les registres traditionnels de l’infor-malité et de la mansuétude royale. Le cadre ausein duquel le FVJ entend se situer permetde faire pièce à ces registres hiérarchisants etd’inscrire l’interaction sur un terrain où il

n’est pas forcément désavantagé. En effet,l’association choisit de régler ces rencontres aumoyen d’une grammaire des échanges démo-cratiques et du bien public39 où la confrontationdes points de vue et des positions s’opère enréférence à la civilité. Force est de constaterque ses demandes et positions comme leurformulation inhabituelle en termes civiquesont pris en défaut les conseillers royaux habi-tués à appuyer leur action sur le registre de lamagnanimité et de l’arbitraire royaux. Leurscatégories de l’entendement politique les ren-daient en effet peu aptes à saisir les demandesd’une association qui souhaitait réhabiliter lasociété plutôt que renverser le régime et pré-férait à des indemnités l’établissement de lavérité sur les souffrances et les douleurs queses membres subirent 40.

Enjeux et limites d’une instance

de règlement des années de plomb

Au travers de ces discussions, le roi setrouvait pris entre les impératifs contradictoiresdu règlement des années de plomb et de lacontinuité du régime, cet abécédaire du gouver-nant débutant41. En d’autres termes, l’attentionroyale pour «ce qui se passait autour du FVJ»était en même temps limitée par les phéno-mènes mêmes que le Forum entendait com-battre. La gestion de l’héritage hassanien prendun tour éminemment politique dès lors que lesresponsables, les planificateurs et les exécutantsdes violations graves des droits de l’hommedemeurent en poste aujourd’hui au Maroc. Dansle même temps, les tenants du régime ont àfaire face à une pression sans précédent de lapart des acteurs associatifs mobilisés, relayés par leurs soutiens internationaux, HumanRights Watch, Amnesty International et la Fédé-ration internationale des droits de l’homme.

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À l’issue du premier congrès ordinaire duFVJ, tenu à l’été 2002, plusieurs acteurs mis enminorité au sein des instances dirigeantes seretrouvent en situation de disponibilité bio-graphique. Les discussions entre D. Benzékri,ancien président du Forum, et les conseillersroyaux sur les moyens de rapprocher leCCDH 42 des principes de Paris relatifs à l’in-dépendance des institutions nationales desdroits de l’homme 43 aboutissent à sa nomina-tion, au mois d’octobre, au poste de secrétairegénéral du CCDH, O. Azziman devenant pré-sident de ce même conseil. La nomination deD. Benzékri est l’occasion d’une vigueur renou-velée de l’inusable discours de la récupérationpar le makhzen 44 et de la capacité de segmen-tation et de cooptation dont le régime ferait ànouveau preuve vis-à-vis de ses oppositions45.Formulée ainsi, la question ne permet de trou-ver dans la réponse que ce que l’on y apporte.Sans doute, un mode de recrutement indivi-duel prévaut ici, couronnant une série decontacts à la publicité des plus relatives entrele Palais et certains acteurs de la premièreéquipe du Forum.

Plus fondamentalement, si l’on s’en tient àl’argument de la cooptation par le régime, onmanque les processus à l’œuvre dans l’arrivéede D. Benzékri au CCDH. Tout d’abord, unetelle réforme et cette nomination signalentl’échec patent de la « première formule » duConseil consultatif et de la politique d’amnésiepar indemnisation. Ensuite, il est, semble-t-il,des cooptations plus efficaces pour mettre unterme aux mobilisations. Prétendre qu’il étaitpossible de contrecarrer les mobilisations desvictimes en nommant un ou plusieurs de leursdirigeants revient à méconnaître toute l’épais-seur du travail de ralliement réalisé par lesmontreurs de cause du FVJ, de l’AMDH et

de l’OMDH. Il se poursuit en effet sous la formed’une marche pour la Vérité dans les rues deRabat, le 15 décembre 2002, et d’un pèlerinageau centre de détention secret d’Agdz 46. Parailleurs, si le régime avait pour habitude de« coopter » des acteurs, il le faisait au sein despartis politiques avec qui il entendait nouer,maintenir ou renouer des liens, non dans lesrangs des acteurs mobilisés. En d’autres termes,le besoin se fait ici sentir d’une expertise issuedu mouvement protestataire lui-même. Ainsi,le Maroc, tout terroir exceptionnel qu’il serait,n’est pas étanche, s’il l’a jamais été, aux cyclesde mobilisation et à leurs solutions émergentesà l’échelon international.

Officialisée par le dahir du 10 avril 2004,l’Instance équité et réconciliation relève deces logiques. Par son installation, elle faitentrer le Maroc dans la catégorie des « pays àcommission de réconciliation » et constitueune expérience inédite dans le monde arabeet musulman. Elle témoigne, hors de touteconsidération sur ses résultats futurs, del’impossibilité de régler quarante années deviolations graves des droits de l’homme sansdonner voix au chapitre aux victimes. Enquê-tant sur les cas de « disparitions forcées et dedisparitions arbitraires », composée de « per-sonnalités faisant autorité pour leur compé-tence et leur intégrité intellectuelle et leurattachement sincère aux principes des droits del’homme 47 », mais aussi par l’expertise poli-tique en matière de réformes institutionnellesqui lui est confiée, l’IER se rapproche d’autresexpériences, notamment sud-américaines 48.

Une série de limites et de contraintes inviteà la circonspection à l’égard de cette instance.Elles se situent tout d’abord au plan procé-dural. L’écart entre la durée du mandat (neufmois renouvelables trois mois) et la séquence

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historique des atteintes considérées (entre1956 et 1999) la place parmi les commissionsayant eu à examiner les durées les plus longues.Cette contrainte de temps peut se révéler pré-judiciable au plein exercice de son mandat età la qualité de la « vérité » émergeant de sonrapport. Par ailleurs, ses membres sont soumisà une obligation de silence et ne bénéficientd’aucun pouvoir de contrainte ou de sanctiondans l’obtention des informations nécessairesà leur travail. L’Instance est en outre financée« sur le budget de la cour royale » ; autrementdit, par l’une des autorités dont elle doit exa-miner le rôle dans les atteintes aux droits de l’homme. Ce dernier point est susceptiblede contraindre l’indépendance de ses inves-tigations.

À un second niveau, il est remarquableque l’intitulé « équité et réconciliation » del’Instance l’écarte des institutions et procé-dures qu’elle entend importer dans le champmarocain. Par équité, il convient d’entendreles mesures de réparation, certes financières,mais également administratives, sociales etmédicales que la précédente instance dited’« arbitrage » avait escamotées 49. Quant à laréconciliation, ses enjeux et ses ambiguïtéstiennent à ce qu’elle ouvre à une reconductiondes termes du règlement précédemment envi-sagé : « clore définitivement le dossier desdroits de l’homme » dans la continuité des«réalisations», non seulement du règne actuelmais également du précédent 50. En d’autrestermes, l’Instance est inscrite dans un registreet appuyée sur des grandeurs de justificationcontradictoires avec son objet même. Cetintitulé est tout autant significatif des limites du mandat de la commission. Quelles que soientles extensions possibles que les commissairesconféreront aux notions de « disparitions

forcées » et de « détentions abusives », cettelimitation de son champ de compétence renddifficile l’investigation sur d’autres violationsmassives tels les pratiques de torture, les procèsiniques, les exécutions extrajudiciaires. Larecherche de la vérité n’apparaît pas dans laversion originale de l’Instance, tout au plusfigure-t-elle dans le sous-titre, « Commissionnationale pour la vérité, l’équité et la récon-ciliation», que les commissaires lui ont donné.

La distinction stricte entre ses prérogativeset celles d’organes judiciaires est une autrelimite de l’Instance. Il a été répété à satiétéque l’IER inscrivait son travail dans le domaine«extrajudiciaire 51 », «qu’elle ne peut en aucuncas soulever les responsabilités individuellesde quelque nature qu’elles soient » et « qu’ellese démarque de toute recherche de respon-sabilité pénale 52 ». Il est remarquable que lajurisprudence s’aligne sur ce point de vue,comme en témoigne le jugement rendu le 29 jan-vier 2004 par la cour d’appel de Casablanca.En l’espèce, la cour était amenée à statuer surla diffamation supposée d’une journalisteenvers un ancien commissaire de police qu’elleavait qualifié de « tortionnaire ». En refusantd’entendre une liste de témoins comprenantdes victimes du Derb Moulay Chérif, commeen ne convoquant pas au tribunal l’anciencommissaire, le juge El Mir El Aïdi fait le choixpolitique du refus de l’imputation de res-ponsabilité, « de ne prendre aucune initiativede nature à susciter la désunion ou semer ladiscorde 53 » et fait sien le postulat énoncé parun membre du bureau politique de l’Unionsocialiste des forces populaires : « Le recoursà la justice et la demande de la pénalisation etde la sanction pourraient introduire le paysdans un tourbillon sans fin 54. » À proprementparler, le constat de la faiblesse politique et

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matérielle de l’institution de la justice auMaroc ou les écueils juridiques qui s’oppo-seraient à une entreprise d’investigation judi-ciaire du passé n’ont pas influé sur une telledéfinition du mandat de l’Instance. Cetteimpossibilité relève plutôt de rapports deforce et de pouvoir.

À la différence d’expériences conduitesailleurs, l’Instance équité et réconciliation n’estpas le résultat d’un changement de régime. Onen veut pour preuve la déconnexion entre samise en place et le poids politique des insti-tutions de l’autoritarisme dans le systèmed’emprise du régime sur la société. L’IERsouligne en outre – et c’est sans doute là sonenjeu et sa difficulté – la capacité du régimeà détourner les ressources et les énoncés de lamondialisation à son profit, au-delà du sou-tien d’alliés fidèles comme la France et lesÉtats-Unis. Car l’enjeu de cette commission estbien qu’elle soit une commission « commesi… », comme si elle indiquait une transitionvers la démocratie, comme si elle allait produirede son propre chef une vérité endossable parles victimes. Envisager pareillement l’IER surle mode de la synecdoque présume fortementdes effets d’importation et des virtualités d’unmodèle dont le fonctionnement demeuretributaire du contexte de son déploiement 55.Comme si par le fait même d’organiser desprocédures d’investigation du passé autori-taire, la société politique marocaine et sesacteurs dominants allaient se conformer auxcanons des téléologies démocratisantes éla-borées sous d’autres cieux. Davantage, cetteinstance renseigne sur le passage d’une confi-guration de l’autoritarisme à une autre. Commethéorie en usage chez les acteurs, l’impro-bable « transition » que le Maroc a connue

renvoie peut-être à la mort du roi. Elle nesignifie en aucun cas celle de l’autoritarisme.Les enquêtes menées après les attentats du16 mai 2003, prétexte à une répression tousazimuts et à une pression largement inéditesur les acteurs de la scène islamiste les plusenclins à endosser les pratiques démocratiques,l’indiquent. Façon de rappeler qu’au momentmême où le Maroc se dote d’une Commissionvérité, le phénomène de la disparition poli-tique est toujours observable 56 ■

Frédéric VairelCSPC-Iremam, Aix-en-Provence

* Une thèse en cours sur les relations entre les mouvementssociaux et les transformations sans démocratisation durégime marocain a fourni l’occasion d’une enquête deterrain dont sont issus les points évoqués ici.1. Ne sont comptabilisés, conformément au mandat del’IER, que les cas de « disparitions forcées » et de « dispa-ritions arbitraires ».2. Voir La Vie économique, 23 janvier 2004.3. Les notions de répertoire d’action coercitive et depolitiques coercitives sont empruntées respectivement àD. Bigo, « Disparitions, coercition et violence symbolique »,Cultures et conflits, n° 13-14, printemps-été 1994, p. 3-16, et à D. Hermant, « L’espace ambigu des disparitionspolitiques », ibid., p. 89-118.4. Voir P. Vermeren, Le Maroc en transition, Paris, LaDécouverte, 2001, et B. Stora, Algérie-Maroc. Histoiresparallèles, destins croisés, Paris, Maisonneuve et Larose, 2002.5. Par exemple, J. Garçon parle d’un pays « en pleinetransition démocratique » en commentant le rapport n° 379de la FIDH: Les Autorités marocaines à l’épreuve du terrorisme :la tentation de l’arbitraire. Violations flagrantes des droits del’homme dans la lutte antiterroriste, février 2004. Voir J. Garçon, « Vague répressive au Maroc », Libération,12 février 2004.6. Par exemple, au cours de l’émission télévisée « 7/7 »réalisée au Palais royal de Rabat le 16 mai 1993.7. La thématique des « droits » fait l’objet de référencesappuyées par le régime : création d’un Conseil consultatifdes droits de l’homme (1990), d’un ministère des Droitsde l’homme (1993), libération de prisonniers politiques enaoût 1991 et mai 1994, retour des exilés (mai 1994), libérationdu bagne de Tazmamart (juillet 1995), inscription aupréambule de la Constitution de 1996 des droits de l’hommetels qu’universellement reconnus.

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8. Voir M. Tozy, « Réformes politiques et transition démo-cratique», Maghreb-Machrek, n° 164, avril-juin 1999, p. 67-84,et « Transitions politiques au Maghreb : état des lieux »,Prologues, dossier « L’avenir de la démocratie dans les paysdu Sud », n° 22-23, été-automne 2001, p. 68-90.9. Le lexique marocain la nomme tanâwub, qui désigne unerotation des élites au gouvernement, et non tadâwul, quiimplique un changement dans le détenteur du pouvoir.10. Définie, entre autres, par S. Tarrow, Power in Movement.Social Movements and Contentious Politics, Cambridge,Cambridge University Press, 1998 (2e éd.).11. M. Rollinde, Le Mouvement marocain des droits de l’homme.Entre consensus national et engagement citoyen, Paris, Karthala,Institut Maghreb-Europe, 2002.12. Il s’agissait de le faire réapparaître après dix-huit annéesde disparition dans la prison même d’où il avait été enlevévers Tazmamart. Voir M. Raïss, De Skhirat à Tazmamart. Retourdu bout de l’enfer, Casablanca, Afrique-Orient, 2002, p. 370.13. Sur ces liens de solidarité, on s’appuie sur un entretienavec un membre de la Commission des familles, Casablanca,mai 2001.14. K. Menehbi, Morceaux choisis du livre de l’oppression,Rabat, Multicom, 2001.15. D. Bouissef Rekab, À l’ombre de Lalla Chafia, Paris,L’Harmattan, 1989.16. Entretiens avec une ancienne victime, Casablanca,août 2001, et avec un dirigeant du Forum vérité et justice,Rabat, août 2001.17. Entretien avec un dirigeant de l’AMDH, Rabat,août 2001 : « Ce qui nous caractérise au niveau de l’AMDH,c’est notre attachement à la lutte contre l’impunité. Nousrejoignons un peu la formule de Pierre Sané, le secrétairegénéral d’Amnesty International qui disait “Pour nous,dans le domaine de l’impunité, nous sommes des inté-gristes”. » Le 6e congrès de l’AMDH se tint sous le slogan,« L’impunité politique et économique entrave la marchedu Maroc vers la démocratie», Rabat, 30 mars-1er avril 2001.18. Entretien avec un dirigeant du Forum vérité et justice,Rabat, mai 2001.19. Ces différents points s’appuient sur un entretien avecun dirigeant du Forum vérité et justice, Rabat, mai 2001.20. S. Tarrow, « Cycles of collective action : betweenmoments of madness and the repertoires of contention »,in M. Traugott (ed.), Repertoires and Cycles of Collective Action,Durham, Londres, Duke University Press, 1995, p. 89-114.21. Sur les cas argentin, chilien, uruguayen et sud-africain,on consultera l’ouvrage de référence de S. Lefranc, Politiquesdu pardon, Paris, PUF, 2003. 22. Entretien avec le président du FVJ-section France, Paris,août 2002.23. Le Front populaire de libération de la Saguia el-Hamraet du Río de Oro fut créé le 10 mai 1973 contre l’occupationespagnole puis marocaine du Sahara occidental.

24. S. Tarrow, Power in Movement…, op. cit, p. 124.25. « L’inattention d’un fonctionnaire » et non l’assentimentdes autorités revint plusieurs fois dans les discussions avecles militants sur l’autorisation de la création de l’association.26. Voir «Plate-forme des organisations initiatrices» (Forumvérité et justice, Organisation marocaine des droits del’homme, Association marocaine des droits de l’homme) et« Symposium national sur les atteintes graves aux droitshumains au Maroc », Rabat, 9-11 novembre 2001.27. « L’insulte. Youssoufi honore Basri », Le Journal, n° 99,4-10 décembre 1999.28. Le traitement dont faisaient l’objet les détenus au Derbest décrit de manière sarcastique et précise dans le livre dupoète S. El Ouadie, Le Marié, Casablanca, Tarik Éditions,2001.29. Observation effectuée par l’auteur lors du sit-in devantle centre de détention El Korbès, Casablanca, 27 mai 2001.30. Entretien avec l’un des organisateurs de la caravaneau bagne de Kela’at M’Gouna, militant de l’AMDH, Rabat,août 2003.31. Voir Demain, n° 24, 14-20 octobre 2000.32. Le lendemain, des militants de l’association islamisteJustice et Bienfaisance (Al ‘Adl wal-Ihsâne) manifestent paci-fiquement par des sit-in dans les grandes villes du royaumecontre les vexations systématiques dont ils sont victimes.Ils sont de même violemment réprimés. Symboliquement,les collectifs de défense de l’ensemble des militants arrêtésau cours de ces deux journées comptent des avocats desdeux bords.33. Le Monde, 21 décembre 2000. La décision d’interdictiondu 2 décembre 2000 avait été prise par le Premier ministreau motif que les trois journaux avaient « porté atteinte à lastabilité de l’État ».34. Entretien avec un dirigeant de l’AMDH, Rabat,août 2003.35. M. Offerlé, Les Partis politiques, Paris, PUF, 2002 (4e éd.),p. 109.36. Le Centre est géré par la Commission médicale du FVJ,instance autonome de la direction composée de médecinsmembres de l’association, sensibilisés dans leurs parcourspersonnels et militants aux pathologies des violationsgraves des droits de l’homme. Il est financé en partie ets’inspire des programmes de l’International RehabilitationCouncil for Torture Victims (IRCT) de Copenhague. Il aaussi bénéficié de l’expertise de Physicians for HumanRights de Boston. (Observation et entretiens des membresde la Commission médicale, octobre 2001 et août 2003.)37. Financés par les services secrets, le Palais ou le minis-tère de l’Intérieur, ils ont vocation à défendre le point de vuede ces acteurs. Entretien avec le dirigeant du FVJ, Rabat,février 2001.38. Mohammed M’jid, président de la Fédération maro-caine de tennis, et Khalid Jamaï, éditorialiste connu.

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39. Au sens où l’entend D. Cefaï dans « Les cadres del’action collective. Définitions et problèmes », in D. Cefaï etD. Trom (dir.), Les Formes de l’action collective. Mobilisationsdans des arènes publiques, Paris, éd. de l’EHESS, 2001, p. 51-97.40. Ces différents points s’appuient sur un entretien avecun dirigeant du FVJ, Rabat, février 2002.41. Ibid. 42. Par le dahir du 10 avril 2001, le Conseil avait auparavantfait l’objet d’une première réforme en demi-teinte quin’avait pas rencontré l’assentiment des militants.43. En 1991, une réunion organisée à Paris à l’initiative dela Commission nationale consultative des droits de l’homme(CNCDH) adopte des « principes directeurs » garantissantl’indépendance et le pluralisme des institutions nationalesdes droits de l’homme. Ces principes sont consacrés auplan international par la Commission des droits de l’hommeen mars 1992 (résolution 1992/54) et par l’Assembléegénérale des Nations unies (résolution A/RES/48/134,20 décembre 1993). 44. Cette théorie indigène protéiforme, reprise tradition-nellement dans certaines analyses savantes, recouvre d’unmot du lexique local les dimensions traditionnelle, per-sonnelle et arbitraire de l’exercice du pouvoir au Marocen lui prêtant des qualités d’omnipotence et d’ubiquité.Mis à part ce rappel du lexique local, on ne voit pas laplus-value que la reprise d’un mot d’acteur fait obtenirdans l’analyse de l’autoritarisme marocain.45. Par exemple, « Que veut la monarchie ? », Le Journal heb-domadaire, 14-20 décembre 2002, et «Les militants “entristes”ont-ils trahi ? », Le Journal hebdomadaire, 24 décembre 2003.Consulter le site <http://www.lejournal-hebo.com>.46. Le pèlerinage, après avoir été reporté à cause des atten-tats du 16 mai 2003 qui firent une quarantaine de morts àCasablanca et menacé d’interdiction lors de la visite duprésident français en octobre 2003, eut finalement lieu les18 et 19 octobre.47. XXe recommandation du CCDH. Elle compte ainsi des

juristes, des membres de partis politiques mais aussi d’an-ciens prisonniers politiques, exilés ou condamnés à mort.48. Voir P. B. Hayner, « Fifteen Truth Commissions, 1974 to1994. A comparative study», Human Rights Quaterly, vol. 16,n° 4, novembre 1994, p. 597-659.49. L’importance conférée aux victimes a pour principaleffet de dissimuler les auteurs de crimes et de négliger « lesacteurs politiques ainsi que la complicité morale – de naturedifférente – des collaborateurs comme des témoins pas-sifs ». Voir A. du Toit, « La Commission vérité et réconci-liation sud-africaine : histoire locale et responsabilité faceau monde », Politique africaine, n° 92, décembre 2003, p. 111.50. Dans le discours d’installation de l’Instance, le 7 jan-vier 2004, le roi indique qu’elle est le « dernier jalon d’unparcours devant conduire à la clôture définitive d’un dos-sier épineux ».51. Discours royal lors de l’installation de la « Commis-sion équité et réconciliation », 7 janvier 2004.52. XXe recommandation du CCDH.53. Ibid., point n° 10.54. Mohamed Karam, député USFP de Casablanca, inA. Khamliche, « Un geste sans précédent », Aujourd’hui leMaroc, n° 553, 9 janvier 2004.55. A. Ross, «Les politiques de vérité ou la vérité sur les poli-tiques ? Amérique latine et Afrique du Sud : leçons d’ex-périences», Politique africaine, n° 92, décembre 2003, p. 18-38.De façon remarquable, le Maroc a vocation d’exemplaritépour d’autres pays arabes. Voir FIDH, AMDH, OMDH etFVJ, Les Commissions de vérité et de réconciliation : l’expériencemarocaine, Rabat, 25-27 mars 2004.56. FIDH-OMDH, Observations et recommandations relativesau rapport gouvernemental du Maroc en vertu de la Conventioncontre la torture et autres peines et traitements cruels inhumainsou dégradants, octobre 2003 ; FIDH, Les Autorités marocainesà l’épreuve du terrorisme…, op. cit. ; Amnesty International,« Lutte contre le terrorisme » et recours à la torture : le cas ducentre de détention de Témara, Londres, 24 juin 2004(MDE 29/004/2004).

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