le comportement d'épargne des ménages

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Revue française d'économie Le comportement d'épargne des ménages Patrick Allard Citer ce document / Cite this document : Allard Patrick. Le comportement d'épargne des ménages. In: Revue française d'économie, volume 6, n°2, 1991. pp. 177-232; doi : 10.3406/rfeco.1991.1285 http://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_1991_num_6_2_1285 Document généré le 06/06/2016

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Revue française d'économie

Le comportement d'épargne des ménagesPatrick Allard

Citer ce document / Cite this document :

Allard Patrick. Le comportement d'épargne des ménages. In: Revue française d'économie, volume 6, n°2, 1991. pp. 177-232;

doi : 10.3406/rfeco.1991.1285

http://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_1991_num_6_2_1285

Document généré le 06/06/2016

ZusammenfassungThis paper first reviews the life-cycle - permanent income hypothesis approach explanations ofaggregate households' saving behavior. Then, the paper attempts to assess, through empirical work inselected industrial countries, the extent to which this approach explains recent trends in personnalsaving ratios.

AbstractThis paper first reviews the life-cycle - permanent income hypothesis approach explanations ofaggregate households' saving behavior. Then, the paper attempts to assess, through empirical work inselected industrial countries, the extent to which this approach explains recent trends in personnalsaving ratios.

RésuméAprès avoir rappelé le rôle et le poids des principaux déterminants de l'épargne des ménages dans lecadre de l'hypothèse du cycle de vie - revenu permanent, l'article examine, à partir des travauxempiriques menés dans quelques grands pays industrialisés, la capacité de cette approche à expliquerl'évolution observée du taux d'épargne des particuliers au cours des dernières années.

Patrick

ALLARD

Le comportement

d'épargne des ménages

e déclin du taux d'épargne des ménages observé depuis deux ou trois lustres dans les grands pays industrialisés suscite un intérêt, voire une inquiétude, d'autant plus grands qu'il s'accompagne de perspectives de croissance économique plus soutenue et de besoins de financement durablement accrus en certaines zones du globe : en effet, un taux d'épargne insuffisant à l'échelle mondiale — et même dans un seul pays si la mobilité des capitaux est imparfaite — peut entraîner des tensions du-

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rabies sur les taux d'intérêt et freiner la croissance du niveau de vie en limitant l'accumulation du capital.

Un renouveau de la réflexion sur le comportement d'épargne des ménages s'est manifesté depuis le début des années quatre-vingt, en premier lieu aux Etats-Unis qui ont subi un recul particulièrement sévère du taux d'épargne des particuliers. Le cadre théorique le plus souvent retenu pour l'analyse des déterminants de l'arbitrage consommation-épargne se conforme à deux approches très voisines : l'une reposant sur l'hypothèse du cycle de vie, l'autre sur l'hypothèse du revenu permanent.

Initialement formulée dans les années cinquante pour expliquer la stabilité du taux d'épargne observée sur longue durée aux Etats-Unis, l'approche en termes de cycle vital/revenu permanent se trouve confrontée aujourd'hui au défi d'expliquer la baisse tendancielle du taux d'épargne.

Après avoir rappelé le rôle des principaux facteurs du comportement d'épargne des ménages retenu dans le cadre de cette approche, on examinera, à partir des travaux empiriques menés dans quelques grands pays industrialisés, sa capacité à expliquer l'évolution observée du taux d'épargne des particuliers.

Le cadre théorique dominant :

l'hypothèse du cycle de vie/revenu

permanent

Ces deux approches, la première attachée au nom de F. Modigliani, la seconde à celui de M. Friedman, ont en commun l'idée que les ménages ne déterminent pas leur consommation en considérant seulement leur revenu courant (du trimestre, de l'année, ...), mais en considérant leur revenu anticipé sur une période beaucoup plus longue.

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Arrivées à ce point, les deux approches divergent légèrement.

Friedman [1957] retient l'hypothèse d'une vie infiniment longue : il envisage les liens qu'entretiennent entre eux les membres d'une lignée qui opèrent des transferts intergé- nérationnels volontaires. Dans cette perspective, il introduit la notion de revenu permanent, c'est-à-dire le revenu constant au cours du temps qui donne au ménage le même revenu actualisé que ses revenus futurs. Le revenu permanent mesure également le flux constant de consommation qu'un ménage peut financer tout au long de son existence. Friedman n'exclut pas cependant que le ménage planifie effectivement sa consommation sur un horizon plus bref (de trois à cinq ans par exemple), en réajustant progressivement sa consommation pour tenir compte de modifications jugées durables du revenu. Mais, à la différence du comportement qui lui est prêté dans la théorie du cycle vital, dans l'approche de Friedman, le ménage ne liquide pas son patrimoine pour assurer sa consommation à partir d'un certain âge.

L'approche en termes de cycle vital (voir Brum- berg et Modigliani [1954, 1979]) insiste sur l'idée de fini- tude de l'existence : la consommation est réglée par les ressources totales anticipées sur toute la durée de la vie. Dans ce cadre d'analyse, les ménages anticipent une baisse de leurs revenus après leur cessation d'activité et ils épargnent principalement afin de se constituer un patrimoine pour financer leur consommation après leur retraite.

Aussi, les deux approches accentuent différemment les motifs de l'épargne : la théorie du cycle vital privilégie l'épargne en vue de la constitution d'un patrimoine qui financera la consommation pendant les vieux jours ; l'hypothèse du revenu permanent retient également cette motivation mais, à travers la conservation du patrimoine, attribue également une grande importance au désir de laisser un héritage.

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L'analyse économique moderne tend à mêler les intuitions des deux approches, en intégrant la notion de revenu permanent à la théorie du cycle vital et en introduisant l'héritage comme motif secondaire d'épargne ou comme conséquence de l'incertitude sur la durée de la vie.

Au niveau agrégé, la théorie du cycle vital/revenu permanent avance que le taux d'épargne moyen de l'ensemble des ménages d'une nation dépend d'abord de variables démographiques. Dans une situation limite, associée à l'idée de stationnante de l'économie, elle prédit un taux d'épargne nul au niveau macroéconomique. C'est donc en direction des facteurs de croissance et d'incertitude dans l'économie, ou encore du côté des dispositifs institutionnels existants, qu'il convient de rechercher les déterminants du niveau et de l'évolution du taux d'épargne agrégé.

Le modèle de base du cycle vital

Des incitations les plus évidentes à constituer un patrimoine — couvrir ses besoins après la retraite et transmettre un « héritage» à ses descendants ou se constituer un pécule par précaution — la théorie du cycle de vie privilégie la première. On parvient cependant sans difficulté à généraliser l'approche pour intégrer les legs et l'épargne de précaution.

Les ménages maximisant l'unité intertemporelle de leur consommation, épargnent principalement en vue de leur retraite

Dans la perspective de la retraite, l'épargne est une consommation différée. L'individu ou le ménage cherche à tirer le maximum d'utilité de son revenu sur l'ensemble de son existence. Pour cela, il doit égaliser pour chaque période la valeur actualisée de ses consommations futures à la somme de son patrimoine net actuel et de la valeur actualisée du total de ses revenus du travail futurs.

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Dans sa formulation originelle, l'approche en termes de cycle de vie/revenu permanent ne prend pas en compte l'incertitude : on suppose que les comportements reposent sur une anticipation parfaite du futur et qu'ils ne sont pas contraints par des imperfections du marché des capitaux ; ainsi, les ménages connaissent leur durée de vie et leurs revenus du travail dans le futur; ils peuvent emprunter et placer à un taux unique et identique pour tous, sans autre limite que l'obligation de laisser à leur mort un patrimoine net non négatif.

Le profil d'évolution dans le temps de la consommation dépend alors : — de la séquence anticipée du revenu ; — du taux d'intérêt qui sert à actualiser consommation et revenus humains futurs ; — du taux subjectif de préférence pour le présent, qui indique quelle quantité donnée de consommation présente le consommateur estime égale à une quantité donnée de consommation dans le futur ; — de son aversion pour le risque.

Connaissant le profil de la consommation et celui du revenu, le ménage peut alors déterminer quel sera le profil d'évolution de son épargne, ou encore le profil de ses actifs patrimoniaux.

Dans une représentation très simplifiée où l'on suppose : a) que le revenu est constant jusqu'à la retraite et nul ensuite, b) que les préférences des ménages les conduisent à maintenir un niveau constant de consommation (sans laisser d'héritage), c) que le taux subjectif d'actualisation est égal au taux d'intérêt du marché, on obtient le schéma classique d'évolution «en cloche» de l'épargne.

On voit que l'épargne est positive durant la période d'activité et négative durant la période de retraite.

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Graphique n° 1

Profil selon l'âge, du revenu, de la consommation et du patrimoine (modèle de base du cycle de vie)

i i Montant

Revenu y^

УХ/Ш/ШУ////.

Profil

\

i

d'accumulation

Consommation

Age

Retraite Fin de vie

D'autres motifs d'épargner

Une autre raison d'épargner résulte du motif de solidarité intergénérationnelle correspondant au désir des ménages de laisser un héritage à leurs descendants. Ce nouveau motif ne bouleverse pas le raisonnement précédent : si l'on suppose que le ménage souhaite laisser un legs, il épargne pour lisser sa propre consommation sur sa durée de vie, mais également pour transmettre un héritage qu'on peut voir comme une consommation différée au profit des générations suivantes.

Les hypothèses retenues jusqu'ici et notamment l'absence d'incertitude et la perfection des marchés éliminent d'autres motifs d'épargne sur lesquels on reviendra plus bas : en particulier l'épargne de précaution, liée à l'incertitude sur la durée de l'existence ou sur les revenus

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futurs, ou encore l'épargne préalable à l'achat d'un bien durable important, ou à une dépense courante lourde (éducation des enfants, mariage...). Ici, les ménages peuvent toujours s'endetter pour effectuer des dépenses de ce genre et réalisent ensuite seulement l'épargne nécessaire sous forme du remboursement progressif de la dette contractée. On notera, en outre, que l'hypothèse relative à la perfection des marchés implique l'existence de marchés «d'occasion» où les ménages peuvent recéder à un prix «d'argus» la totalité des biens durables qu'ils ont acquis.

Epargne et taux d'intérêt

Le taux d'intérêt contribue à déterminer le profil intertemporel de la consommation du ménage. En principe, l'épargne réagit positivement à une augmentation du taux d'intérêt, puisque celle-ci abaisse le prix d'une consommation future par rapport à celui de la consommation présente : il est donc intéressant d'épargner aujourd'hui pour consommer plus demain. C'est l'effet dit de substitution. Mais cet effet peut être compensé par un effet dit de revenu, qui découle du fait qu'il est moins nécessaire d'épargner puisque, compte tenu de la baisse de son prix, la consommation future requiert un patrimoine moindre. On peut donc consommer plus aujourd'hui et demain.

Au total, le sens de la réaction de l'épargne au taux d'intérêt est en théorie indéterminé. Si la consommation présente et la consommation future sont fortement subs- tituables aux yeux des ménages, l'effet de substitution sera fort et l'emportera sur l'effet de revenu. Au contraire, si la consommation future est ressentie comme plutôt complémentaire de la consommation présente, l'effet de revenu l'emportera sur un effet de substitution faible. Ce second cas correspond, par exemple, à la situation des ménages

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qui désireraient maintenir une relation constante entre leurs consommations avant et après la retraite.

Les déterminants du taux d'épargne agrégé dans le modèle du cycle vital

Le cas limite de l'économie stationnaire permet de faire ressortir les conditions d'une épargne positive au niveau de l'ensemble des ménages dans le modèle de base : la croissance démographique et/ou la croissance économique.

Un cas limite : l'économie stationnaire

Si l'on suppose que la population est composée de « sosies » (F. Perroux), autrement dit que sont réunies les conditions d'agrégations suivantes : — tous les ménages ont la même fonction d'utilité, le même taux d'actualisation subjectif et la même aversion pour le risque ; — le revenu humain de la période en cours et attendu est constant et identique pour tous les ménages ; — la répartition entre les ménages du revenu et du patrimoine reste constante, on montre que la consommation globale au cours d'une période donnée dépend du revenu humain de l'ensemble des ménages ainsi que du patrimoine existant en début de période.

Dans une économie en équilibre stationnaire, caractérisée par une croissance nulle des revenus et de la population, l'agrégation des comportements d'épargne individuels détermine un taux d'épargne net global nul. En effet, dans ce cas, l'épargne positive des ménages «jeunes» (c'est-à-dire actifs) est exactement compensée par la dés- épargne des retraités.

Ce résultat peut être lu du point de vue de la

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demande de capital : dans une économie stationnaire aucune épargne nette n'est requise pour augmenter le stock de capital productif.

De même, l'existence des legs n'a d'effet sur le taux d'épargne global des ménages que dans une économie en croissance. Si l'économie est stationnaire, les générations se transmettent les unes aux autres un montant constant d'actifs.

Le taux d'épargne agrégé et la croissance : aspects démographiques et aspects économiques

L'incidence de la croissance sur le taux d'épargne agrégé des ménages résulte d'effets démographiques — augmentation du nombre des ménages — et économiques — augmentation du revenu des ménages.

• Les facteurs démographiques

Les facteurs démographiques sont, au premier chef, susceptibles d'avoir une influence sur le taux d'épargne de l'ensemble des ménages. La croissance démographique, tout d'abord, détermine un accroissement des cohortes de «cadets» par rapport aux cohortes «d'aînés» : il en résulte, en conservant l'hypothèse d'une population composée de «sosies», un taux d'épargne positif, puisque les premiers sont plus nombreux à épargner que les seconds à dés- épargner.

D'autres facteurs démographiques, liés ou non à la croissance de la population, sont également susceptibles d'avoir une influence sur le taux d'épargne agrégé : — l'augmentation de la durée de vie : son allongement a pour effet d'augmenter le taux d'épargne, chaque individu ayant besoin d'accumuler un patrimoine plus élevé ; — la modification de la répartition par âge : une augmentation de la part des «aînés» tend à déprimer le taux d'épargne global ;

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— l'évolution de la taille des ménages et celui du taux d'activité féminin jouant également un rôle dans la détermination du taux d'épargne global, en influant sur le profil intertemporel de la consommation et sur les revenus agrégés.

• La croissance économique

Elle n'est susceptible d'influencer le taux d'épargne global que si elle est intensive, se traduisant par des gains de productivité ayant pour effet une augmentation du revenu par tête ou par ménage. Dans ce cas, l'impact sur le taux d'épargne est positif, la désépargne des ménages âgés étant moindre que celle des ménages plus jeunes, puisqu'elle a été réalisée à partir de revenus par hypothèse plus faibles. Cet effet peut toutefois être amorti si les ménages de tous âges sont associés à l'augmentation générale du revenu.

Enfin, dans une économie en croissance, qu'il s'agisse d'une croissance démographique et/ou d'une croissance du revenu humain, l'impact des legs sur le taux d'épargne dépend du taux d'intérêt et de l'importance de l'héritage transmis par rapport au revenu (Farrel [1970]) : si les donateurs visent un certain ratio entre la valeur des legs et celui du revenu initial de leurs héritiers, l'héritage transmis de génération en génération s'accroît et détermine également un taux d'épargne global positif.

• Des propositions parfois paradoxales

Le modèle de base du comportement d'épargne déduit de l'hypothèse du cycle de vie conduit à des propositions dont certaines peuvent paraître paradoxales (Modigliani [1986]).

Tout d'abord, le taux d'épargne des ménages agrégé dans un pays donné est indépendant du niveau du revenu par tête.

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Les divergences entre taux d'épargne nationaux ne résultent pas seulement de divergences entre les propensions à épargner de leurs citoyens : les taux d'épargne peuvent diverger alors même que les comportements individuels au cours du cycle de vie sont identiques.

Dans des pays où les comportements individuels sont semblables, le taux d'épargne global sera d'autant plus élevé que le taux de croissance à long terme de l'économie est plus fort.

Le modèle de base, tel qu'il a été exposé jusqu'ici, repose sur des hypothèses trop restrictives pour être appliqué aux économies réelles. D'autres phénomènes susceptibles d'influer sur le taux d'épargne des ménages doivent être pris en compte.

Des hypothèses plus réalistes

La théorie du cycle vital permet d'identifier certaines caractéristiques des économies réelles modernes qui peuvent avoir des effets très significatifs sur le comportement d'épargne des ménages : l'incertitude de l'environnement économique, l'imperfection des marchés financiers, l'inégalité des revenus, l'existence de transferts publics obligatoires et d'effets de patrimoine liés à l'inflation ou à l'évolution du prix des actifs financiers ou immobiliers, la réglementation de l'accès au crédit.

L'imperfection des marchés et la prise en compte de l'incertitude

Dans une économie caractérisée par des marchés financiers parfaits, la consommation d'un ménage pendant une période quelconque de sa vie n'est limitée, compte tenu de ses préférences et du taux d'intérêt, que par son patrimoine total net, lequel comprend à la fois des actifs non humains et des actifs humains (revenus du travail futurs

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capitalisés). On peut dire que les marchés sont parfaits quand, d'une part, ils sont complets et que d'autre part, ils n'introduisent pas dans le traitement des différents agents d'autres discriminations que celles fondées sur le coût des transactions et le risque objectif qu'ils représentent.

Dans la réalité, les marchés ne sont ni complets ni parfaits et ces entorses à l'idéal ont deux conséquences : elles incitent les ménages à réaliser une épargne de précaution ; elles peuvent laisser peser sur eux des contraintes de liquidités.

• L'épargne de précaution

Elle trouve sa justification dans l'incertitude qui entoure les décisions des ménages. Celle-ci peut avoir plusieurs causes. Incertitude quant à la durée de vie, tout d'abord : dans ce cas, l'épargne de l'individu, même désireux de disparaître sans laisser de legs, est augmentée par rapport à une situation où la durée de l'existence serait connue avec certitude. Yaari [1964] montre que si les ménages ont accès à un marché concurrentiel d'annuités d'assurance, le plan optimal d'affectation des ressources sur le cycle vital est pratiquement inchangé, les décisions d'épargne étant basées sur l'espérance de vie et le patrimoine détenu sous forme de droits à annuités. Incertitude quant aux flux futurs du revenu ensuite : elle tend également à induire un taux d'épargne plus élevé (voir Skinner [1988] etZeldes [1989]), notamment dans une économie en croissance, en incitant les ménages à augmenter leur demande d'actifs de précaution. L'incertitude sur le rendement futur des actifs peut entraîner un effet identique dans la mesure où l'épargne est sensible au taux d'intérêt.

• Les contraintes de liquidité

Elles sont la conséquence de l'imperfection des marchés financiers. Elles peuvent apparaître même dans les pays à

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marchés financiers développés dès lors que, pour quelque raison que ce soit : — le taux de rendement de l'épargne est inférieur au coût du capital emprunté (King [1986]) ; — l'accès du crédit est limité en fonction de l'actif net en patrimoine non humain ou en fonction d'autres critères d'éligibilité : en ce cas des consommateurs solvables peuvent se trouver «rationnés» (voir Stiglitz et Weiss [1981]).

L'existence de contraintes de liquidités empêche les ménages d'ajuster leur consommation à leur revenu permanent, en les contraignant à se rabattre sur leur revenu courant (voir Charpin [1988, 1989]). Les contraintes de liquidités ont donc plutôt pour effet de relever le taux d'épargne. La levée des réglementations dans l'accès du crédit pour les particuliers, qu'on a pu observer dans la plupart des grands pays développés, pourrait donc avoir pour effet un affaiblissement du taux d'épargne des ménages. On notera que la déréglementation a pu agir sur les deux facteurs pouvant susciter des contraintes de liquidités : elle a facilité l'accès des ménages au crédit et augmenté la palette et la rémunération des placements accessibles aux ménages.

L'inégalité et la composition des revenus

La théorie du cycle vital n'attribue guère d'influence sur le taux d'épargne à la répartition personnelle des revenus ni à la répartition fonctionnelle. La répartition personnelle du revenu (répartition par taille) n'est susceptible d'influer sur le taux d'épargne que si la propension marginale à épargner diffère selon les catégories de revenus. Une telle hypothèse est exclue par construction au plan agrégé puisqu'on suppose, pour parvenir aisément à la formulation d'une fonction macroéconomique de consommation, que la société est formée de « sosies ». Blinder [1975] a toutefois

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montré que, même dans ce cas, l'absence de tout effet de la distribution du revenu sur le taux d'épargne suppose soit l'absence des legs soit une une utilité marginale des legs égale à l'utilité marginale du revenu.

L'existence de contraintes de liquidités pesant particulièrement sur les catégories les plus défavorisées des ménages pourrait également justifier un impact de la répartition des revenus sur le taux d'épargne.

Les effets de la répartition fonctionnelle paraissent pouvoir être ramenés aux précédents, dans la mesure où la répartition de certains types de revenus est plus concentrée sur certaines tailles de revenus (revenus du capital, par exemple, ou revenus de transferts). Ainsi, une augmentation des transferts publics au profit des ménages les plus défavorisés paraît devoir exercer un effet positif sur la consommation. Boskin et Kotlikoff [1985] considèrent cependant que l'effet sera inverse : d'une part compte tenu du desserrement des contraintes de liquidités pesant sur les « pauvres », ceux-ci pourront parvenir à mieux lisser leur consommation; d'autre part, les «riches» augmenteront leur propre épargne en anticipant une augmentation future des impôts.

La répartition intergénérationnelle du revenu possède une influence potentielle sur le taux d'épargne global, en modifiant les besoins d'épargne des différents âges : on reviendra sur cet aspect dans la seconde partie.

Les transferts publics

On n'examinera que les dispositifs institutionnels susceptibles d'avoir une influence directe sur le taux d'épargne (outre la réglementation des marchés financiers évoquée ci-dessus) : la fiscalité, les régimes publics de retraites obligatoires et la dette publique.

Patrick Allard 191

La fiscalité

Les dispositions fiscales agissent sur le taux d'épargne par le biais de la contrainte budgétaire intertemporelle des ménages. De ce point de vue, l'hypothèse du cycle de vie conduit à distinguer l'imposition de la consommation de celle des revenus.

L'imposition proportionnelle de la consommation (ou du revenu du travail dans un modèle où l'offre de travail est exogène) a, du point de vue théorique, pour seul effet de diminuer les flux de revenus et de consommation sur l'ensemble du cycle de vie. La substitution d'un impôt progressif sur le revenu à un impôt proportionnel sur la consommation est susceptible d'avoir une incidence sur le taux global d'épargne des ménages, surtout si on suppose, contrairement aux hypothèses retenues jusqu'ici, que la propension à consommer décroît avec le revenu. Dans les modèles plus complets, où l'offre de travail est endogène, la taxation du revenu du travail peut introduire des modifications de l'arbitrage loisir-travail : l'effet final résulte d'un effet de substitution — il est moins intéressant de travailler puisque la consommation associée au revenu est amoindrie — et d'un effet revenu — il faut travailler plus pour maintenir la même consommation.

Dans le contexte de la théorie de cycle de vie/ revenu permanent, l'imposition des revenus du capital agit sur l'allocation intertemporelle de la consommation, en modifiant le taux net de rendement de l'épargne. Elle peut donc avoir une influence sur le taux d'épargne dans la mesure où celui-ci réagit au taux d'intérêt. On notera que, dans le cas de l'épargne investie en capital productif, l'effet de l'impôt est le même, que celui-ci soit à la charge de l'entreprise (société) ou du ménage.

192 Patrick Allard

• Les régimes de pensions obligatoires

Selon la théorie du cycle de vie/revenu permanent, l'existence des systèmes de retraites publiques par répartition peut affecter le niveau de l'épargne global de plusieurs manières : tout d'abord, par le biais des prélèvements obligatoires, en modifiant les flux de revenus et de consommation sur la période d'existence ; en second lieu, par un effet de richesse lié à la valeur présente des droits à pension diminuée de la valeur présente des cotisations à payer. Le besoin d'épargner peut se trouver affaibli si l'équivalent patrimonial des droits à pension est positif et substituable à la richesse privée. Cela n'est jamais totalement le cas, ne serait-ce qu'en raison de l'illiquidité du patrimoine constitué par les droits à pension. Enfin, il peut exister un effet induit par le raccourcissement de la période d'activité, dans la mesure où l'instauration de système de retraite obligatoire tend à inciter les individus à prendre plus tôt leur retraite. Le premier et le second effet ont un impact négatif sur le taux d'épargne. Le dernier effet a, au contraire, une influence positive. Ainsi, une fois encore, l'effet final sur l'épargne est-il indéterminé en théorie.

• La dette publique

Le financement des dépenses publiques par la dette représente un autre moyen de réaliser des transferts intergéné- rationnels. C'est même, dans la théorie classique des finances publiques, le partage de certaines charges (infrastructures, guerre) entre différentes générations qui légitime le recours à l'emprunt plutôt qu'à l'impôt pour lever les ressources nécessaires. Dans le cadre de l'hypothèse du cycle de vie, le financement des dépenses par l'emprunt à un effet positif sur la consommation, puisqu'il a pour effet d'augmenter le bien-être de toutes les générations existantes qui bénéficient des biens publics1 sans

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en supporter la charge, reportée sur les générations qui devront, dans le futur, rembourser la dette en payant des impôts. Au contraire, si l'on admet, avec Barro [1974] , que les ménages ont un comportement dynastique et se soucient non seulement de leur bien-être mais également de celui de leurs descendants, alors l'effet sur l'épargne sera nul, les agents privés ayant à cœur de compenser la charge de la dette future qu'auront à supporter leurs héritiers en augmentant par une épargne supplémentaire les legs qu'ils envisagent de faire.

On peut penser que cet argument est trop général, notamment en ce qu'il repose sur le postulat d'improductivité totale des dépenses publiques. Buchanan [1976], renouant avec l'analyse classique des finances publiques, retient, à rencontre de l'argumentation de Barro, la possibilité que les générations présentes ne capitalisent pas la totalité de l'impôt futur, laissant volontairement reposer une partie de la charge de remboursement de la dette sur leurs descendants. En particulier, si les dépenses publiques financent un investissement en capital humain (éducation) pour les générations futures, l'argumentation de Barro n'est pas valide (voir Dražen, [1978].

Les effets de patrimoine

Si l'on admet que les ménages se fixent un objectif de patrimoine en valeur réelle, que cet objectif soit un patrimoine nul ou positif à leur mort, il convient de s'interroger sur les facteurs susceptibles d'affecter leur comportement d'épargne au travers des modifications de la valeur du patrimoine qu'ils possèdent.

Ainsi, la hausse (respectivement la baisse) de la valeur réelle du patrimoine par rapport à celle du revenu peut entraîner une diminution (une augmentation) de l'épargne nécessaire pour réaliser l'accumulation désirée.

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En outre, les comportements d'épargne peuvent être affectés par l'évolution des possibilités d'endettement.

La valeur des actifs patrimoniaux existants peut se modifier sous l'effet : — de l'inflation, — des mouvements du taux d'intérêt réel, — des variations des prix relatifs de certains actifs, la suite de phénomènes fondamentaux ou spéculatifs.

• L'inflation

II est généralement admis que les variations de rythme de l'inflation, surtout quand elles ne sont pas ou sont mal anticipées par les ménages, ont un effet de même sens sur le taux d'épargne. Les mécanismes par le biais desquels l'accélération de l'inflation, par exemple, influence le comportement d'épargne des ménages, sont divers.

Tout d'abord, l'accélération de l'inflation accroît l'incertitude de l'environnement économique des ménages : incertitudes sur le revenu futur, incertitude sur la valeur réelle future des actifs. Elle incite donc à augmenter l'épargne de précaution.

Ensuite, elle fausse le jugement des ménages et fait naître des phénomènes d'illusion monétaire. Dans le cas où celle-ci est totale, autrement dit quand les ménages confondent augmentation nominale de revenu et augmentation réelle, l'accélération de l'inflation peut même entraîner une baisse du taux d'épargne. Un autre type d'illusion monétaire, induisant une hausse du taux d'épargne, peut se produire quand les ménages anticipent une inflation plus faible que l'inflation effective: mal informés du niveau général des prix, ils interprètent la hausse des biens qu'ils ont l'habitude d'acheter comme une hausse de leur prix relatif et en consomment moins. Transposé à l'échelle globale, ce phénomène tend à déprimer la consommation

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de tous les biens et à augmenter le taux d'épargne si le revenu reste constant (voirDeaton, [1977]).

A long terme, l'inflation tend à être anticipée et/ ou à se stabiliser et les effets de ses variations sur l'évolution du taux d'épargne disparaissent. Il reste que dans une économie inflationniste, le taux d'épargne (mesuré de manière standard sans imputation des pertes en capital du revenu) risque d'être plus élevé. Le facteur principal réside dans les moins-values engendrées par la hausse des prix. L'inflation tend à éroder la valeur réelle de certains actifs, non seulement les liquidités peu ou non rémunérées, mais également les obligations à taux fixes, en raison de la rigidité, fréquemment observée, des taux d'intérêt nominaux. Si les taux réels sont modifiés avec l'évolution de l'inflation, les revenus et la consommation réels peuvent être affectés dans la mesure où les ménages se fixent comme objectif le maintien d'un certain rapport patrimoine réel/revenu réel et doivent augmenter leur épargne pour rétablir le niveau souhaité. L'incidence de l'inflation sur le taux d'épargne peut également se manifester dans le long terme par les effets sur le revenu de l'interaction entre hausse des prix et fiscalité ou encore par le niveau des épargnes de précaution, si l'inflation est liée positivement avec l'incertitude perçue sur le revenu réel.

• L'évolution du prix des actifs

La valeur du patrimoine des ménages est tout d'abord affectée par les variations des taux d'intérêt : une hausse du taux d'intérêt tend à déprimer la valeur des actifs patrimoniaux. Elle incite donc à épargner du fait de la dévalorisation des actifs, mais elle permet par ailleurs un accroissement de la consommation des ménages créanciers, dont le revenu augmente. On notera que le «capital humain» est également affecté par la variation des taux d'intérêt : la baisse de la valeur nette présente des revenus anticipés du

196 Patrick Allard

travail en cas de hausse du taux d'intérêt incite à épargner plus, cet effet n'étant pas compensé par un effet revenu (voir Summers [1981]).

La valeur du patrimoine des ménages peut être également affectée, pour sa partie composée d'actifs réels (biens immobiliers, capital productif) ou de droits sur des actifs réels (actions) par les modifications de l'environnement économique: amélioration des résultats des entreprises, innovations, bulles spéculatives...

• Les possibilités d'endettement des ménages

L'évolution des possibilités d'endettement des ménages est un autre facteur pouvant influencer le comportement d'épargne: une modification des conditions d'accès des ménages au crédit peut les inciter à financer une plus ou moins grande part de leur consommation (y compris les achats de biens durables) par endettement. L'accès des ménages à l'endettement peut être facilité, ou limité, tout d'abord par des dispositifs institutionnels, comme l'obligation d'un apport préalable, la réglementation des taux, etc. Il peut être aussi contrôlé par les prêteurs eux-mêmes qui, en l'absence de certitude sur la capacité de remboursement des ménages, les «rationnent» en limitant les encours de crédits par rapport aux actifs réels ou financiers détenus.

De la théorie aux faits

En dépit des critiques auxquelles elle peut prêter le flanc, la théorie du cycle de vie/revenu permanent paraît fournir

une analyse robuste des déterminants structurels des niveaux du taux d'épargne dans les grands pays industrialisés. Elle permet également d'éclairer, non sans controverses

Patrick Allard 197

sur le rôle et l'importance des phénomènes en jeu, les raisons de l'évolution des taux d'épargne depuis le début des années quatre-vingt.

La validité empirique de l'hypothèse du cycle vital/ revenu permanent

Les travaux empiriques menés au niveau national et international ou encore les études sur données individuelles tendent à montrer que les taux d'épargne des ménages dans les différents pays, ainsi que les différences entre pays, peuvent être expliqués de façon satisfaisante à partir des principales variables démographiques et économiques mises en avant par la théorie du cycle de vie/revenu permanent. Toutefois, les travaux empiriques ont également mis en évidence l'importance des phénomènes plus ou moins dédaignés par l'approche du cycle vital, ce qui a ouvert la voie à des tentatives d'explications complémentaires voire alternatives du comportement d'épargne.

Les travaux empiriques tendent à confirmer la validité de l'hypothèse du cycle de vie/revenu permanent

• Comparaisons internationales

La diversité des taux d'épargne d'un pays à l'autre fournit, en effet, le moyen d'éprouver la validité de l'hypothèse du cycle vital à travers sa capacité à expliquer les écarts observés.

Sur un échantillon de cinq pays, Galibert et Le Dem [1989] parviennent à établir, à partir des facteurs démographiques et économiques suggérés par la théorie du cycle vital, un classement qui restitue la hiérarchie observée des taux d'épargne (après harmonisation statistique et correction du prélèvement inflationniste), (voir tableau

Illustration non autorisée à la diffusion

198 Patrick Allard

Tableau n° 1

Déterminants structurels des taux d'épargne (Moyenne 1977-1985)

[1]

[2]

[3]

[4] [5]

R m

[8]

Population de plus de 65 ans (en % du total) Population de moins de 15 ans (en % du total) Taux d'activité des plus de 60 ans (%) Retraites versées/PIB (en %) Croissance population + croissance productivité* Taux d'activité des femmes (en %) Indicateur synthétique de classement**

Taux d'épargne [9]*** (en %)

Signe prévu

+

Etats- Unis 11,3

24,4

21,0

8,7 1,7

60,3 -2,5

9,6

Japon

9,3

23,1

34,7

5,3 3,9

53,0 5

17,9

RFA 15,1

17,6

8,6

11,0 1,7

49,0 1,5

11,9

France

13,3

23,7

11,0

12,0 2,4

54,4 0

10,3

Royaume- Uni 14,9

22,3

15,8

10,5 1,8

60,5 -4

6,2

* Taux de croissance annuel moyen. ** Pour chaque déterminant on classe les pays, compte tenu du signe théorique prévu, de celui pour lequel l'effet est le plus favorable (+ 2) à celui pour lequel l'effet est le moins favorable (— 2). L'effet moyen a donc une note égale à 0. On somme ensuite les six effets. *** II s'agit de la ligne [9] du tableau 4, c'est-à-dire du taux corrigé du prélèvement inflationniste. Sources: O.C.D.E. et base de données MIMOSA.

Le cas britannique, par exemple, combine plusieurs éléments défavorables à l'épargne : une population assez âgée (ligne 1), dans une situation démographique et économique déprimée (ligne 5), et un taux d'activité des femmes parmi les plus élevés (ligne 6). La proportion de jeunes n'est pas particulièrement faible (ligne 2) et le taux d'activité des plus de 60 ans (ligne 3) est moyen. Quant aux retraites versées, elles sont plutôt dans la moyenne supérieure (ligne 4). A l'inverse, le Japon cumule tous les facteurs favorables à l'exception d'un seul: peu de personnes âgées, une croissance forte, le système de retraites le moins développé et des femmes restant souvent à la

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maison. Seul le fort taux d'activité des plus de 60 ans peut abaisser le taux d'épargne.

La France occupe une position moyenne : le taux de dépendance totale est plus fort qu'en République fédérale d'Allemagne ou au Japon et voisin du taux du Royaume-Uni ; le taux d'activité des plus de 60 ans est faible, mais moins qu'en République fédérale d'Allemagne; en revanche, les refaites versées paraissent plus importantes en part de produit intérieur brut ; la croissance du revenu est parmi les plus élevées sur la période de comparaison et le taux d'activité féminin est encore faible par rapport aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, mais fort par rapport à la République fédérale d'Allemagne.

L'attribution d'une note comprise entre —2 et +2 pour chacun de ces six critères au regard de l'effet qu'il est censé avoir sur l'épargne permet aux auteurs de construire par sommation un indicateur synthétique de classement (ligne 7). Bien que très fruste, cet indicateur suggère que le cadre théorique du cycle de vie est bien adapté à la comparaison des taux d'épargne des cinq pays. Le classement observé est très exactement celui qui se dégage des taux d'épargne harmonisés dès lors qu'ils sont corrigés de la dépréciation des encaisses réelles.

Les résultats de plusieurs études économétriques menées au niveau international entre les années soixante et les années quatre-vingt permettent de préciser la signi- ficativité et l'ampleur des effets des variables retenues. Il convient de souligner certaines difficultés des études empiriques de cette nature : bon nombre de variables retenues sont corrélées les unes avec les autres, ou bien sont déterminées simultanément ou encore présentent des relations non linéaires avec le taux d'épargne : l'interprétation des résultats doit donc être menée avec précaution. Il reste que les travaux dont les résultats sont reportés dans Sturm [1983] corroborent le plus souvent les prédictions du mo-

200 Patrick Allard

dèle de cycle de vie en ce qui concerne le rôle des variables démographiques. Des taux de dépendance élevés, tant pour les jeunes que pour les personnes âgées, exercent un effet négatif sur le taux d'épargne ; le taux d'activité des personnes âgées tend à le tirer vers le haut. Le rôle positif de la croissance sur le taux d'épargne est également confirmé par les travaux empiriques. D'autres variables ont des effets incertains (variables de Sécurité sociale) ou parfois non conformes au signe attendu (taux d'activité féminin).

• Les études sur données nationales

Les premiers travaux de validation de la théorie du cycle vital ont été réalisés sur données américaines au cours des années soixante. Ando et Modigliani [1963] testent sur séries temporelles une équation de consommation dont le revenu humain anticipé et le patrimoine de la période précédente sont les arguments.

De très nombreux travaux ont été réalisés dans la foulée de celui-ci, tant aux Etats-Unis (Evans [1967]), qu'à l'étranger: par exemple, Stone [1964], Davidson et alii [1978] pour la Grande-Bretagne.

Récemment, Artus et alii [1989] ont estimé une équation, sur données françaises, dérivée de la théorie du cycle de vie.

Selon la relation retenue, on peut chiffrer ainsi les effets sur la consommation d'une variation :

à court terme à long terme

de 1 % du revenu humain 0,19 % 0,32 % de 1 % de la richesse 0,16 % 0,50 % de 1 point du rythme d'inflation — 0,0007 % — 0,009 %

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II est à noter que les tentatives de validation empirique sur données nationales consistent de fait à tester principalement la signifïcativité des variables de richesse. Elles ont également confirmé l'influence du taux de croissance du revenu et de l'inflation. Cependant, elles ne font pas apparaître de variables démographiques2, bien que celles-ci répondent aux propositions les mieux établies de la théorie du cycle vital. En particulier, le taux d'épargne agrégé devrait évoluer non seulement en fonction du revenu et de la richesse, mais encore accompagner des modifications dans la pyramide des âges, ainsi que les changements dans la distribution par âge du revenu ou de la richesse nette.

On peut penser que l'évolution des variables démographiques est trop lente pour que leurs effets soient captés par des estimations sur des périodes courtes à l'échelle de ces phénomènes. On notera en outre qu'une part de leurs effets est capturée par la variable de taux de croissance du revenu.

• Les travaux sur données individuelles

Une troisième catégorie de travaux, sur données individuelles, apporte des éléments de validation de l'hypothèse du cycle vital/revenu permanent, tout en introduisant certaines interrogations sur le rôle des motifs d'épargne tenus pour seconds par cette approche.

Les résultats de ces travaux font d'abord ressortir l'influence de l'âge sur l'importance du patrimoine; ils montrent également que celui-ci connaît un sommet qui coïncide avec la période de la retraite. Mais les enquêtes montrent de plus que la décroissance du patrimoine à âge élevé n'est pas aussi généralement observée que la théorie le laisserait attendre. Pour la France par exemple, selon l'enquête «actifs financiers» de 1986 (voir Arrondel et Mas- son [1989]), le rapport patrimoine/revenu permanent croît

202 Patrick Allard

bien avec l'âge jusqu'à 60-64 ans, pour décroître ensuite ; son évolution s'inverse cependant après 75 ans. La plupart des études étrangères (voir King et Dicks Mireaux [1982], Diamond et Hausman [1984], Bernheim [1986], Hurd [1987]) confirment cette observation: les ménages, volontairement ou non, ne consomment pas la totalité de leur patrimoine sur leur cycle vital et transmettent des biens à leurs descendants.

Les travaux sur données de panel permettent également de préciser l'influence de variables complémentaires, telles l'activité des épouses, et le nombre d'enfants présents dans le ménage. Sur données françaises, le premier facteur a un effet négatif (voir Arrondel et Masson, [1989]), qui résulterait d'une diminution de l'épargne de précaution et de la montée de certaines dépenses des ménages (gardes, entretien,...) ; le second effet est positif, à la différence de ce qui est observé sur données anglo- saxonnes et il s'exercerait au travers de la possession d'actifs immobiliers (logement).

Des approches complémentaires ou alternatives

Toutefois, de nombreux travaux théoriques et empiriques menés principalement aux Etats-Unis ont révélé l'importance de phénomènes contradictoires avec les prédictions du cycle de vie, en particulier un parallélisme fort entre croissance de la consommation et croissance du revenu d'une part, et l'importance des legs d'autre part.

• La « sensibilité excessive » de la consommation par rapport au revenu et le rôle des contraintes de liquidité

La popularité actuelle du modèle de cycle de vie doit beaucoup au renouveau des travaux sur la consommation et l'épargne à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, marqués par l'application de la théorie

Patrick Allard 203

des anticipations rationnelles à l'hypothèse du cycle vital. Dans ce cas, ainsi que l'a montré Hall [1978], le meilleur prédicteur de la consommation à la période t est fourni par la consommation de la période antérieure : cette dernière est optimale compte tenu des informations disponibles à ce moment-là.

Testant cette proposition, Hall obtient, à sa propre surprisé, des résultats satisfaisants, mais finalement rejette son modèle en trouvant un effet significatif d'une autre variable que la consommation décalée, à savoir l'indice des cours boursiers (Hall, [1978]). Des travaux ultérieurs (Fia- vin [1981, 1985], Hayashi [1982], Campbell et Mankiw [1987, 1988]) ont, à la suite des travaux de Hall, révélé que la consommation réagit au moment de leur réalisation aux modifications anticipées de la croissance du revenu, ce qui apparaît incompatible avec la théorie du cycle vital augmentée des anticipations rationnelles. L'explication proposée à ce phénomène recourt à l'hypothèse de contraintes de liquidités pesant sur une partie des ménages.

Une partie des ménages se comporterait conformément à l'hypothèse du cycle de vie et lisserait sa consommation par rapport à son revenu, qu'elle ait besoin ou non d'emprunter pour cela; une autre partie, au contraire, se trouverait dans l'impossibilité d'emprunter ou d'emprunter suffisamment, et se verrait obligée de maintenir un lien étroit entre sa consommation et son revenu courant. Selon Campbell et Mankiw ([1987], [1989]), environ 30 à 60% des ménages américains seraient dans ce cas. Selon les mêmes auteurs [1989] , la part des ménages contraints irait de 20 % en Grande-Bretagne sur la période 1977-1986, à 60 % au Canada sur la période 1963-1986 ou en République fédérale d'Allemagne (1962-1986).

Caroll et Summers [1989] mettent en évidence le parallélisme entre croissance du revenu et croissance de la

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consommation aux Etats-Unis et dans d'autres pays de l'O.C.D.E. Ils en concluent que le lissage de la consommation n'est pas réalisé par les ménages sur l'ensemble du cycle vital mais sur une période plus courte: quelques années et non quelques décades, conformément à l'intuition originelle de M. Friedman [1957]. Selon les auteurs, le parallélisme entre consommation et revenu s'expliquerait alors par l'existence de contraintes de liquidités, mais également par l'importance de l'épargne de précaution ou la volonté de laisser un héritage.

Une autre explication consiste à attribuer aux ménages une «myopie» qui empêcherait, quand bien même les revenus seraient correctement anticipés, l'accumulation de réserves suffisantes pour les vieux jours (voir Shefrin et Thaler [1985]). Cette dernière rationalisation, toutefois, paraît peu compatible avec les études américaines sur données individuelles d'où il ressort que le patrimoine des ménages proches de la retraite paraît suffisant3 pour maintenir le niveau de consommation (voir Kotlikoff, Spivak et Summers [1982] et Blinder, Gordon et Wise [1983]) d'avant la cessation d'activité.

• Le rôle de l'héritage

L'hypothèse du cycle de vie fait également l'objet de critiques s'en prenant au fondement principal qu'elle donne à l'épargne individuelle, à savoir la constitution d'un patrimoine pour les vieux jours. La plupart des analyses empiriques sur données individuelles montrent que le patrimoine des ménages tend bien à décliner après avoir atteint un sommet dans la classe de 60-65 ans (Shorrocks [1975], King et Dicks-Mireaux [1982], Diamond et Hausman [1985]). Mais de nombreux travaux ont mis en évidence que le comportement d'épargne des personnes retraitées n'était guère conforme aux prédictions de la théorie : on observe, en effet, une faible décumulation des patrimoines,

Patrick Allard 205

voire une poursuite de l'accumulation après la retraite : la désépargne ne se manifesterait dans le cas général que sous la forme de consommation des pensions de retraite (voir par exemple Mirer [1979]). En outre, l'observation montre que la planification et la transmission des héritages sont concentrées dans les strates supérieures de la distribution des revenus. De ces deux phénomènes, il résulte qu'une partie importante de la richesse n'est pas consommée pendant la retraite, mais fait l'objet d'une transmission par héritage. Selon les travaux américains, la part des legs dans la richesse possédée est forte : 20 % pour Modigliani [1985] jusqu'à 50 % d'après Kotlikoff et Summers [1981].

Deux explications sont concevables : — Epargne de précaution... Selon une première explication, le comportement d'épargne après la retraite s'expliquerait par l'incertitude sur la durée de vie. En théorie, les conséquences de celle- ci en termes de patrimoine accumulé peuvent en être levées par la souscription de contrats d'annuités. En réalité, le recours à cette forme d'assurance-vie est rare, pour des raisons mal connues d'ailleurs4. En conséquence, si les individus sont caractérisés par une certaine aversion pour le risque, ils constituent une épargne de précaution qui se traduit par un legs non intentionnel lors de leur décès (voir Davies, [1981]). Cette hypothèse est également étayée par la prise en compte de l'incertitude sur les dépenses de soins. Dans la mesure où les legs seraient en majeure partie redevables de l'explication qui vient d'être exposée, leur existence paraît aisément réconciliable avec l'hypothèse du cycle de vie, moyennant la prise en compte explicite de l'incertitude sur la durée de vie. Il n'en va pas forcément de même pour la seconde explication. — ...Ou «plaisir de donner» (Abel et Warshawsky [1988]) Une seconde ligne de raisonnement met, au contraire, l'accent sur le caractère principalement volontaire des legs,

206 Patrick Allard

qui résulterait d'un altruisme intergénérationnel se traduisant par un comportement «dynastique» (Barro, [1974]).

L'hypothèse de l'altruisme intergénérationnel ne fournit cependant qu'une explication fragile au comportement d'épargne: d'une part, elle se trouve en porte-à- faux vis-à-vis du comportement des personnes sans enfants et d'autre part, elle se doit d'admettre des situations sans solutions économiques satisfaisantes, par exemple dans le cas où l'individu ou le ménage maximiserait son utilité en transmettant un legs négatif, c'est-à-dire en s 'endettant sur les revenus de ses descendants.

En outre, même dans un pays comme le Japon, où l'altruisme intergénérationnel paraît un puissant motif d'épargne (Hayashi, [1986]), un nombre croissant d'économistes affirme que les héritages sont en réalité une forme de viager, les aînés recevant aide et soins de leurs descendants en échange d'une promesse du legs. De même, Ando et Kennickell [1987] rapprochent les relations enfants/parents au Japon du système américain de fonds de retraite privé. S 'agissant des Etats-Unis, Bernheim, Schleiffer et Summers [1989] vont plus loin et suggèrent que les parents conservent leur richesse afin de maintenir un pouvoir sur leurs enfants: ils apportent comme preuve la fréquence des visites aux parents malades mais riches, opposées aux visites plus rares aux parents pauvres, quoique malades.

• L'altruisme intergénérationnel et la neutralité des transferts publics

Cependant si elle était vérifiée, l'hypothèse d'altruisme intergénérationnel ou de comportement «dynastique» des ménages trancherait définitivement le débat concernant l'influence des systèmes de transferts publics (régimes de pensions de Sécurité sociale, dette) sur le comportement d'épargne des particuliers. Dans la mesure où les administrations publiques sont soumises à une contrainte inter-

Patrick Allard 207

temporelle de solvabilité et doivent donc couvrir par des recettes futures leurs dettes présentes augmentées des intérêts à payer et si les ménages ont un comportement dynastique, il y aura neutralité, ces derniers compensant par une épargne transmise sous forme de legs les transferts de charges imposés à leurs descendants. — La dette publique et le principe d'équivalence ricar- dienne. S'agissant des effets de la dette publique, l'hypothèse de neutralité débouche sur le principe d'équivalence ricardienne5. Assez curieusement, compte tenu des présupposés forts que sous-tend l'hypothèse (outre un horizon de décision des ménages extrêmement long, il faut admettre que les marchés financiers sont parfaits), beaucoup de tests économétriques ne la rejettent pas: par exemple, Seater et Mariano [1985] trouvent sur données américaines que les taxes futures sont effectivement prises en compte dans le comportement de consommation des ménages. De même, Kormendi [1983] et Evans [1988] vérifient l'hypothèse d'équivalence ricardienne. En revanche, Blinder [1981] la rejette pour ce même pays, de même que Poterba et Summers [1987] qui montrent que les mesures fiscales annoncées à l'avance n'ont d'effet qu'au moment de leur application.

De même encore, Koskela et Viren [1983] ainsi que Nicoletti [1988] rejettent l'équivalence ricardienne pour plusieurs pays de l'O.C.D.E. En France, Artus et alii [1989] la rejettent également. — L'influence des systèmes de retraites publiques. L'impact des systèmes obligatoires de retraites sur le taux d'épargne fait l'objet de controverses restées ouvertes depuis les travaux de Feldstein et de Munnel en 1974. Le premier, sur données américaines, concluait à un effet fortement négatif des retraites publiques sur l'épargne des particuliers, alors que la seconde considérait que l'effet

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négatif lié au patrimoine retraite est compensé par l'effet de l'avancement de l'âge du départ en retraite. Au plan international, Feldstein [1977, 1980] met en évidence, d'une part une relation inverse entre l'épargne et le taux d'activité des personnes âgées et, d'autre part, un effet négatif du montant des pensions de Sécurité sociale. Les travaux de Feldstein ont été critiqués par Barro et Mac Donald [1980] ainsi que par Koskela et Viren [1983] . Barro [1978] utilisant les mêmes données que Feldstein, conclut à la neutralité des systèmes de pensions publiques, les ménages compensant par des legs plus importants la charge des pensions pesant sur leurs héritiers.

Sur données temporelles américaines, Henders- hott et Peek [1985] confirment un effet positif sur l'épargne de l'augmentation du pourcentage de retraités et un effet négatif de l'augmentation du patrimoine sous forme de droits à pensions publiques. Diamond et Hausman [1984], ainsi que Hubbard [1986] montrent une substituabilité partielle entre patrimoine de Sécurité sociale et autres formes de richesse, un accroissement de 1 % des premières réduisant de 0,3 à 0,5 % les secondes. De même sur données japonaises, Shibuya [1988] et Yamada et Yamada [1988] concluent à une substituabilité imparfaite de la richesse constituée des droits à pension et de la richesse privée.

Des résultats inverses sont avancés, outre ceux de Barro déjà mentionnés, par Horioka [1986] pour le Japon, Boyle et Murray [1979] pour le Canada, Pfaff, Hurler et Don- nerlein [1979] pour la République fédérale d'Allemagne.

Pour la France, Kessler, Masson et Strauss-Kahn [1980] concluent à la difficulté de mettre économétrique- ment en évidence un effet des systèmes de retraite sur l'épargne des ménages. Utilisant des évaluations de l'équivalent patrimonial des droits à retraite, Vernière [1990] et Allard [1990] trouvent un effet négatif des retraites publiques sur le taux d'épargne des ménages.

Patrick Allard 209

• Les ménages maximisent-ils vraiment leur utilité intertemporelle ?

Une interrogation plus radicale encore pèse sur l'approche cycle de vie/revenu permanent: les ménages se comportent-ils réellement comme l'implique la théorie, en réalisant une allocation intertemporelle de leurs ressources ?

Ainsi qu'on l'a vu, l'analyse théorique n'apporte pas de conclusions fermes quant au sens et à l'ampleur de la variation de l'épargne vis-à-vis du taux d'intérêt réel. Toutefois, la réponse empirique à la question de la vraisemblance de la substitution intertemporelle suppose que l'on considère un modèle complet du comportement des ménages, englobant non seulement les décisions de consommation mais également celles d'offre de travail, qui contribuent à la détermination du revenu. Les études qui ont cherché à mettre en évidence les paramètres de la substitution intertemporelle du comportement des ménages n'apportent le plus souvent que des résultats décevants : si Seater et Mariano [1985] acceptent l'hypothèse de substitution intertemporelle sur données américaines, d'autres auteurs, Hall et Miskhi [1982], Flavin [1981], Mankiw, Ro- temberg et Summers [1985] la rejettent. Sur données françaises, Benabou [1985] rejette l'idée d'un arbitrage intertemporel entre loisir et travail, mais ne la rejette pas pour la consommation de biens.

Les principales critiques portées au modèle de comportement déduit de l'hypothèse de vie — poids des contraintes de liquidités et rôle de l'altruisme intergéné- rationnel comme motif, principal ou du moins important, d'épargne — , ne sont pas sans rapport avec la differentiation sociale des ménages: les contraintes de liquidités concernent les jeunes défavorisés, le motif d'héritage concerne les plus âgés, riches. Ainsi peut-on sans doute

210 Patrick Allard

admettre, avec Arrondel et Masson [1989] , que l'hypothèse de trois comportements — myope, cycle de vie et dynastique — qui se succéderaient le long de l'échelle sociale fournit un schéma permettant de réconcilier la diversité empirique des conditions et des attitudes vis-à-vis de l'épargne avec la théorie.

Il reste à vérifier que celle-ci parvient à donner une explication de la baisse tendancielle des taux d'épargne observée depuis le début des années quatre-vingt.

Quels sont les déterminants de l'évolution récente des taux d'épargne?

Ainsi qu'on l'a rappelé en introduction, les taux d'épargne brut des ménages ont reflué sensiblement dans quasiment tous les pays de l'O.C.D.E. au cours des années quatre- vingt. Le mouvement général des taux d'épargne peut-il être expliqué à l'intérieur du paradigme du cycle vital ? On envisage d'abord l'influence des évolutions démographiques, puis l'impact du mouvement des taux d'intérêt et puis des effets de richesse, y compris par le biais de l'inflation et enfin, le rôle des politiques économiques en matière fiscale et de réglementation des marchés financiers.

Le rôle des évolutions démographiques

La plupart des pays développés sont entrés au cours des années soixante-dix dans une nouvelle phase de transition démographique. La croissance démographique s'est ralentie et, conjuguée avec l'allongement de la durée de vie, se traduit d'ores et déjà par un vieillissement de la population et une augmentation du taux de dépendance des personnes âgées, aux Etats-Unis, au Japon et en Grande-Bretagne par exemple.

Parallèlement, le taux d'activité des personnes âgées a fléchi dans la plupart des pays ; aux Etats-Unis, il

Patrick Allard 211

passe de 16,7 % dans les années soixante à 10,8 % entre 1981 et 1986 ; au Japon, de 25,6 % à 25,1 % ; en République fédérale d'Allemagne de 12,4 % à 3,6 % ; en Grande-Bretagne de 12,6 % à 5,3 % ; en France, de 8,6 % dans les années soixante-dix à 3,6 % entre 1986 et 1971. En revanche, le taux d'activité féminin a fortement progressé.

La modification de la pyramide des âges de même que l'accroissement général de la proportion des retraités parmi les personnes âgées, tendent à peser négativement sur l'évolution des taux d'épargne. Heller [1988], étudiant les effets de l'évolution démographique sur l'évolution du taux d'épargne de sept grands pays de l'O.C.D.E., montre que le vieillissement de la population a réduit l'épargne et devrait continuer à faire de même sur le premier quart du xxie siècle. Horioka [1986] estime que la transformation prévisible de la pyramide des âges devrait entraîner à la baisse le taux d'épargne japonais après 1995. Le vieillissement de la population pourrait avoir une conséquence analogue en République fédérale d'Allemagne et dans d'autres pays (voir Hageman et Nicoletti [1989]).

Toutefois, les modifications démographiques évoquées, vieillissement de la population, baisse du taux d'activité des personnes âgées et hausse du taux d'activité féminin, sont susceptibles d'avoir globalement des effets mal assurés et probablement faibles sur le taux d'épargne agrégé : le vieillissement démographique n'en est qu'à ses débuts et l'importance relative des cohortes d'âge mûr est plutôt de nature à soutenir le taux d'épargne, tandis que la baisse du taux d'activité des personnes âgées joue en sens contraire de l'évolution du taux d'activité des femmes. Des simulations sur données américaines (Auerbach et Kotlikoff [1989]) montrent que les facteurs démographiques expliquent pour une part seulement l'évolution du taux d'épargne dans les années quatre-vingt.

Un autre facteur, lié à la déformation de la pyra-

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mide des âges, a pu jouer négativement sur les taux d'épargne, à savoir l'amélioration de la situation économique des personnes âgées. Aux Etats-Unis, Boskin, Kot- likoff et Knetter [1985] , ainsi que Carol et Summers [1987] ont soutenu que l'augmentation du bien-être relatif des personnes âgées était un facteur important de baisse des taux d'épargne dans ce pays. L'interrogation renvoie aux effets des variations de taux d'intérêt réel et aux effets de patrimoine qui sont abordés dans les paragraphes suivants. Elle renvoie également pour une part, à l'analyse des effets des systèmes de retraites publiques sur la consommation, dont on a vu qu'elle était controversée.

De fait, les dépenses publiques de retraite ont augmenté très sensiblement dans la plupart des pays de l'O.C.D.E. dans les années quatre-vingt: pour les pays du groupe des Sept, elles ont représenté en moyenne 9 % du produit intérieur brut dans cette période contre 7 % dans les années soixante-dix.

Dans la mesure où l'amélioration de la condition économique des personnes âgées résulte principalement de l'extension et de la revalorisation des pensions privées ou publiques, elle a accru la part des annuités dans les ressources des retraites et, comme telle, elle a pu peser sur l'épargne de précaution liée à l'incertitude sur la durée de vie et réduire l'importance des legs involontaires (voir Auerbach et Kotlikoff [1989]).

L'évolution démographique en France n'a probablement pas encore eu de forts effets négatifs sur le taux d'épargne, même si elle n'a pas eu d'effets contraires : en effet, le processus de vieillissement s'est jusqu'à présent seulement traduit par une baisse du taux de dépendance des plus jeunes, alors que la proportion de personnes âgées de 60 ans ou plus est restée stable sur les trente dernières années : le ratio de dépendance global a donc reculé, avec un effet potentiellement positif, selon les propositions de

Patrick Allard 213

la théorie du cycle vital, qui attribue à la population active la plus forte contribution à l'épargne.

L'évolution des taux d'intérêt réels

Les travaux économétriques n'ont pas levé de manière conclusive l'ambiguïté théorique concernant le sens de l'influence du taux d'intérêt réel sur l'épargne : l'effet de substitution intertemporelle, qui tend à réduire la consommation en cas de hausse du taux réel, l'emporte-t-il sur l'effet de revenu, lié à la hausse du rendement des actifs financiers ? D'un côté, dans la lignée de Boskin [1978] , une série de travaux sur données américaines conclut à une élasticité positive mais faible de l'épargne par rapport au taux d'intérêt réel. Gyfalson [1981] puis Makin [1987] ont trouvé des élasticité proches de celles estimées par Boskin, soit 0,3 à 0,4. Tullio et Contesso [1986] , étudiant huit pays industrialisés dont les Etats-Unis, ont trouvé un effet positif du taux d'intérêt réel (ou parfois nominal) après impôt. Un effet positif du taux d'intérêt sur l'épargne a été mis en évidence par Dicks [1988] pour la Grande-Bretagne.

A l'inverse, d'autres travaux sur données américaines, concluent à l'absence d'effet du taux d'intérêt sur l'épargne (Evans [1983], Henderschott et Peek [1985], Baum [1986]) ainsi que sur données japonaises (Makin [1986]), ou même, trouveraient plutôt un effet négatif (Friend et Hasbrouck [1983]).

En France, l'influence du taux d'intérêt réel sur la consommation est très incertaine: la plupart des travaux (Sterdyniak [1987] et Artus et alii [1989]) ne parviennent pas à établir une relation significative. Tullio et Contesso [1986] font apparaître une élasticité négative au taux d'intérêt nominal sur la période 1973-1983, mais faible et inférieure à celle des autres pays. Cette étude, qui ne prend pas en compte les effets de l'inflation (corrélée avec le taux d'intérêt nominal, précisément) ne paraît toutefois pas de

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nature à remettre en cause les conclusions des travaux précédents. Une étude du Fonds monétaire international [1989] trouve pour sa part une élasticité positive entre consommation et taux d'intérêt, qu'elle attribue à la dominance de l'effet revenu.

Les effets des taux d'intérêt réels sur le taux d'épargne ont pu se combiner dans certains pays avec les conséquences du vieillissement. Ainsi, aux Etats-Unis, Tanzi et Sheshinski [1989] considèrent que la remontée des rendements réels depuis le début 1980 a profité principalement aux couches les plus âgées de la population, caractérisées par une plus forte propension à consommer.

Encore faudrait-il pouvoir préciser les causes de la montée des taux d'intérêt depuis le début des années quatre-vingt. Celle-ci est-elle due à des développements favorables dans les techniques de production qui stimuleraient l'investissement ou à un changement dans les préférences des ménages se traduisant par une augmentation de leur préférence pour le présent? Peut-on penser que les niveaux d'intérêt réels qui se maintiennent depuis plusieurs années reflètent l'amélioration des rendements du capital productif (voir Blanchard et Summers [1986]) ou, au contraire, un renforcement de l'égoïsme générationnel (voir Blanchard [1985])?

Il reste qu'en dépit de la progression « titanesque» (Blinder [1987]) des taux d'intérêt réels depuis le début des années quatre-vingt, les taux d'épargne, loin de progresser, ont reculé dans la plupart des pays. D'autres facteurs, non sans liens avec les taux d'intérêt, sont susceptibles d'avoir influencé de manière plus directement lisible les comportements d'épargne.

L'inflation et la désinflation

De nombreux travaux empiriques font apparaître une relation entre taux d'inflation et taux d'épargne. On a vu que

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d'après la théorie, celle-ci pouvait résulter soit d'effets d'encaisses réelles, soit de l'incertitude liée à la variabilité, voire au rythme même de la hausse des prix.

Une influence positive du taux d'inflation sur le taux d'épargne peut être mise en évidence pour la plupart des pays. Les résultats les plus anciens concernent les Etats- Unis (Houthakker-Taylor [1970]). Plus récemment, Bos kin [1978] et Montgomery [1986] confirment le diagnostic. Au Japon, Shiba [1979] conclut à une forte incidence du taux d'inflation sur le taux d'épargne. Dans une étude transversale entre pays, Horioka [1986] montre également une relation positive entre le taux d'épargne et le taux d'inflation.

Certains travaux mettent l'accent sur les effets de l'inflation par le biais des encaisses réelles ou de la situation patrimoniale des ménages. Howard [1978], à partir d'une fonction d'épargne par habitant normalisée, met en évidence un effet positif et significatif de l'inflation sur les taux d'épargne dans cinq pays : République fédérale d'Allemagne, Canada, Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni, par le biais des effets d'encaisses réelles.

De même en Grande-Bretagne, Hendry et Ungern- Sternberg [1980] testent avec succès une équation où le revenu courant des ménages est corrigé des pertes inflationnistes sur les actifs liquides. Le second auteur démontre également les effets des pertes inflationnistes sur le taux d'épargne en élargissant la recherche à la République fédérale d'Allemagne (Ungem-Sternberg [1981]).

D'autres travaux mettent l'accent sur le rôle de l'inflation non anticipée : dans ce cas, Deaton [1977] montre sur données américaines et anglaises l'existence d'une « illusion monétaire sur les prix relatifs » qui pèse sur la consommation. Howrey et Hymans [1978] récusent l'idée d'une relation entre taux d'inflation et taux d'épargne, mais admettent que l'accroissement de l'incer-

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titude concernant l'inflation future a un effet positif sur le taux d'épargne.

En France, les travaux montrent un effet positif, robuste et souvent puissant, du taux d'inflation sur l'épargne. Pour ne prendre que cet exemple selon le modèle Metricx (voir Equipe Metricx, [1989]) une augmentation du taux annuel d'inflation de 1 point diminue à long terme le ratio consommation fongible/revenu de 0,64 points.

Minczeles et Sicsic [1988] confirment l'importance des effets d'encaisses réelles en montrant l'influence sur la consommation du revenu corrigé des pertes inflationnistes sur les liquidités. Des travaux réalisés à la Direction de la Prévision (Allard et Dubois [1988]) confirment ce résultat.

Des travaux évoqués, il ressort clairement que la forte accélération de l'inflation dans les années soixante- dix est l'une des causes de la montée des taux d'épargne observée alors. La désinflation aurait, en sens inverse, contribué au recul des taux d'épargne : le ralentissement des prix limite le prélèvement inflationniste sur les liquidités et réduit l'épargne consacrée à la reconstitution des encaisses ; en second lieu, la désinflation diminue l'incertitude sur le niveau futur des prix et des revenus et affaiblit l'épargne de précaution.

Les modifications de la situation patrimoniale des ménages

Depuis le début des années quatre-vingt, les patrimoines financiers et immobiliers des ménages ont généré des plus- values susceptibles d'affecter leur comportement de consommation. Cette évolution a été contemporaine d'une déréglementation des marchés financiers qui a facilité l'accès des ménages au crédit, ces deux phénomènes ayant pu entrer en interaction.

Patrick Allard 217

• La valorisation des actifs boursiers et immobiliers

La forte progression du cours des actions (en dépit du krach de 1987) et du prix des biens immobiliers au cours des cinq ou sept dernières années se traduisent dans la plupart des pays, par une sensible augmentation de la valeur du patrimoine net des ménages par rapport à leur revenu. La République fédérale d'Allemagne toutefois, fait exception, en raison de la faible part des actions dans le portefeuille de titres des ménages.

Aux Etats-Unis, Bovemberg [1988] et Hendershott et Peek [1985] considèrent l'amélioration de la position patrimoniale des ménages, liée à la montée des cours boursiers et des prix de l'immobilier, comme un facteur ayant joué un rôle majeur dans la baisse du taux d'épargne. Caroll et Summers [1987] montrent que le rapport de la richesse des ménages à leur revenu contribue à expliquer la divergence entre le taux d'épargne des ménages aux Etats-Unis et au Canada au cours des années 1970-1980.

Des conclusions semblables ont été tirées d'études japonaises : Shibuya [1988] montre que le rapport des actifs patrimoniaux des ménages au revenu anticipé sur la totalité de l'existence exerce une influence négative sur le taux d'épargne des particuliers.

En France, si Minczeles et Sicsic [1988] rejettent l'hypothèse d'une influence des plus-values boursières sur la consommation, Artus et alii [1989] font ressortir un effet significatif du ratio de la richesse nette totale sur la consommation : à long terme, une augmentation de 1 % de la richesse entraînerait une augmentation de 0,5 % de la consommation en volume.

Pour sa part, Summers tire argument de l'importance des effets de richesse liés à la valorisation des titres boursiers pour justifier une forte élasticité positive de l'épargne au taux d'intérêt, en remarquant que la crois-

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sance de la consommation aux Etats-Unis, depuis le début des années quatre-vingt, est restée très en deçà de ce qui aurait été permis par l'évolution du revenu des ménages augmentée des plus-values constatées (Summers, [1988]).

En tout état de cause, l'effet des plus-values boursières sur le taux d'épargne ne peut qu'avoir été contenu dans des limites assez étroites : ainsi Auerbach et Kotlikoff [1989] retenant une propension moyenne à consommer la richesse de 3 % par an, calculent que l'augmentation de la valeur du patrimoine boursier entre 1980 et 1988 aurait abaissé le taux d'épargne observé en 1988 de 0,2 point, à 6,3 % contre 6,5 %. En France, un calcul utilisant l'équation proposée par Artus et alii [1989] montre qu'une hausse de 1 % de la valeur du patrimoine financier réduit de 0,3 point le taux d'épargne (environ 12 % en 1989). De plus, il conviendrait sans doute pour mieux cerner l'impact des effets liés à la valorisation du patrimoine sur la consommation, de distinguer les effets de richesse anticipés de ceux qui ne le sont pas : a priori seuls les premiers devraient avoir un impact sur le comportement d'épargne. Ainsi, Blinder et Deaton [1987] nuancent les résultats obtenus aux Etats-Unis, en montrant que seules les variations non anticipées de la richesse affectent la consommation, tandis que les variations anticipées n'ont pas d'impact.

• La situation financière des entreprises et le comportement d'épargne des ménages

L'augmentation du prix des actifs financiers des ménages est en relation avec l'amélioration de la situation financière des entreprises. La question peut se poser de savoir si les ménages percent le «voile sociétaire» et compensent, par une réduction de leur épargne, l'augmentation de celle des sociétés. Dension [1958] puis David et Scadding [1974] concluaient à une compensation totale, la répartition de

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l'épargne entre ménages et sociétés n'ayant donc pas d'effet sur le taux d'épargne privé.

Feldstein [1973], dans une étude sur données américaines, puis avec Fane [1973] sur données anglaises, aboutit à une conclusion plus mitigée, montrant qu'une modification du taux d'épargne des sociétés ne se répercute qu'en partie sur celui des ménages. Bathia [1979] , Von Furstenberg [1981] ainsi que Poterba [1987] concluent de même à une substituabilité partielle de l'épargne des ménages et de l'épargne des sociétés.

Une question connexe à la précédente porte sur l'effet de l'augmentation des dividences distribués et des réalisations «forcées» de gains en capitaux liées aux O.P.A. Poterba, sur données américaines, canadiennes et britanniques [1989] montre cependant, quoique de manière peu robuste, que les ménages ajustent leur consommation aux variations anticipées des dividendes. De même, les gains en capitaux réalisés par les ménages à l'occasion d'O.P.A. paraissent avoir un effet positif sur la consommation.

On ne dispose pas d'études semblables pour la France. Toutefois, si l'on admet que l'épargne des sociétés n'est également qu'un substitut imparfait de l'épargne des ménages, la forte remontée de l'épargne des sociétés depuis 1984 n'aurait eu que des effets limités sur le taux d'épargne des ménages.

• Elargissement des facilités de crédit

L'aisance du recours au crédit à la consommation est souvent citée comme une des raisons de la faiblesse du taux d'épargne aux Etats-Unis (voir Sturm [1983] , Friend [1986] , Caroll et Summers [1987]). A l'inverse, un accès au crédit à la consommation limité notamment par l'importance des apports personnels, expliquerait pour partie le niveau élevé du taux d'épargne japonais (voir Makin [1986], Hayashi [1986],Shinohara [1983]).

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Aux Etats-Unis comme dans beaucoup de pays européens, l'accroissement du patrimoine net des ménages s'est accompagné d'une augmentation rapide de leur endettement brut, en liaison avec la libéralisation des conditions d'accès au crédit, tant à court terme qu'à long terme.

S 'attachant à mettre en évidence l'impact de la libéralisation et des innovations financières des dix ou quinze dernières années sur les comportements des agents privés, une étude réalisée par l'O.C.D.E. [1989] conclut à un net affaiblissement de l'importance des phénomènes de contraintes de liquidités sur la consommation des ménages au cours des années quatre-vingt en montrant que les variations du revenu courant ont désormais moins d'influence sur celle-ci dans la plupart des grands pays membres.

Les études menées en France sur l'incidence des crédits sur la consommation sont inconclusives : Pecha et Sicsic [1988] admettent un effet positif des crédits de trésorerie sur la consommation et ils en déduisent que l'expansion récente de ceux-ci a eu pour effet de desserrer les contraintes de liquidités pesant sur les ménages. Toutefois, cet effet est peut être dû à une prise en compte partielle de Г investissement-logement dans la variable de dépenses des ménages modélisée. En effet, en retenant une modélisation, plus classique, de la seule consommation des ménages, Sterdyniak [1987] et Artus et alii [1989] rejettent l'hypothèse d'un effet de l'augmentation des crédits de trésorerie sur la consommation.

Les mesures d'incitation à l'épargne

Depuis le début des années quatre-vingt de nombreux pays ont pris des mesures d'allégement général de la fiscalité des ménages, mais ont également cherché à favoriser les revenus du capital ou à instituer des déductions fiscales

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pour favoriser l'épargne. L'imposition des résultats des entreprises a été également allégée dans certains pays, avec des effets potentiels sur l'épargne des ménages.

• L'allégement de l'imposition des revenus du capital

L'impact de mesures d'allégement, par l'abaissement général des taux ou au travers de mesures spécifiques, comme la possibilité de capitaliser les revenus d'O.P.C.V.M. en France, dépend de l'incidence du taux d'intérêt après impôt sur l'épargne. Si celle-ci est faible ou inexistante, une modification de la taxation n'aurait pas d'effet sur le niveau global de l'épargne, mais seulement un effet éventuel sur son affectation entre différents placements.

Les travaux réalisés, principalement au Japon (Shi- buya [1987] [1988], Makin [1986]) et aux Etats-Unis ou au Canada (Jump [1982]), concluent en règle générale à une influence nulle ou très faible sur l'épargne des mesures d'exemption des intérêts. En France, Artus et alii [1989] rejettent également l'hypothèse d'une influence des mesures d'incitation à l'épargne : modification du plafond (en termes réels) du livret A, taux d'avantage fiscal sur les assurances-vie, introduction des C.E.A. en 1978 (loi Monory).

• Incitation à l'épargne en vue de la retraite

Les expériences canadiennes et américaines ont été abondamment sollicitées en ce domaine par les analystes. L'instauration au Canada dans les années soixante-dix d'un système de déduction des contributions à des plans d'épargne en vue de la retraite (Registered Retirement Saving plans, RRSP'S) a été considérée par certains auteurs comme un élément important d'explication de l'évolution divergente des taux d'épargne constatée depuis lors entre ce pays et les Etats-Unis. L'explication de l'impact au moins partiel de

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ces mesures sur le taux d'épargne canadien reposerait, soit sur une forte élasticité de l'épargne du taux d'intérêt (Caroll et Summers [1987]), soit sur l'existence d'un «effet de reconnaissance» lié à une sensibilisation des ménages à l'importance de l'épargne pour la retraite.

Des possibiblités de déduction semblables à celle du Canada ont été récemment introduites aux Etats-Unis (Individual Retirement Accounts, IRA's). Venti et Wise [1987] ont trouvé des raisons de penser qu'elles avaient eu pour effet d'augmenter l'épargne financière globale des ménages américains.

• L'imposition des entreprises

Beaucoup de pays de l'O.C.D.E. ont, parallèlement à l'allégement de la fiscalité pesant sur les ménages, aménagé l'imposition des sociétés, soit par des réductions de taux, soit par l'introduction d'aides fiscales à l'investissement. Les Etats-Unis, en particulier, ont pratiqué successivement les deux politiques, aides fiscales dans un premier temps, allégement des taux accompagné d'élargissement de l'assiette fiscale dans un second temps.

Ces mesures paraissent avoir provoqué des effets de richesse qui ont pu affecter de manière contradictoire l'épargne des ménages. D'une part, l'introduction d'incitations fiscales à l'investissement, qui a pour effet de réduire le prix du capital nouveau par rapport au capital ancien, abaisse la valeur de ce dernier. Dans la mesure où le capital «ancien» est détenu majoritairement par les «aînés», Auer- bach et Kotlikoff [1982] croient pouvoir en déduire un effet dépressif sur la consommation, lié à un effet de redistribution de la richesse entre générations. A l'inverse, la réforme de 1986, qui introduit une réduction des avantages fiscaux à l'investissement et une baisse du taux d'imposition entraînant une hausse des rendements du capital, pourrait s'être traduite par des gains en capital au profit des plus âgés et

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pourrait avoir accentué la baisse du taux d'épargne aux Etats- Unis.

Le sentiment général qui se dégage des travaux sur les mesures d'incitation est que celles-ci ont peu d'effet sur le niveau de l'épargne, mais plutôt sur sa composition. En tout état de cause, l'incidence des mesures fiscales sur l'épargne, qu'elles agissent par l'élévation du rendement réel du patrimoine après impôt du fait de déductions de revenu, ou indirectement, par des effets de richesse, demande dans la mesure où elle est significative, certainement des années, voire plus, pour devenir manifeste, ainsi que le montrent les simulations effectuées, par exemple, par Summers [1981].

On le voit, la plupart des explications avancées pour justifier la tendance des taux d'épargne depuis le début des années quatre-vingt se situent dans le cadre du paradigme du cycle vital/revenu permanent, attestant de son succès et de sa fécondité. Toutefois, le foisonnement même et la subtilité des raisonnements ne doivent pas faire oublier les limites de la modélisation ainsi que la fragilité et la partialité de ses résultats. Pour Auerbach et Kotlikoff [1989] «ce qu'il est advenu de l'épargne aux Etats-Unis dans les années quatre-vingt demeure une "énigme non résolue"». La remarque vaut largement pour d'autres pays.

Plus sans doute qu'aucune approche en économie, la théorie du cycle de vie/revenu permanent rappelle que les grandeurs économiques sont sensibles aux changements intervenant dans les valeurs sociales et les modes de vie. En effet, comme modèle de comportement, cette hypothèse possède un solide enracinement dans la tradition anthropologique et philosophique de l'individualisme libéral anglo- saxon : le consommateur représentatif de la théorie est égoïste, calculateur, prévoyant mais également «bon citoyen, bon père, bon époux». Il se soucie de son bien-être au même titre que de celui de sa famille et pour cela il est prêt à

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renoncer au loisir, pesant avantages et inconvénients, comparant les utilités présentes et à venir, sans attendre pour lui et sa famille aide et appui de quiconque en dehors de la protection tutélaire d'un Etat imposant le respect des conventions privées.

La remise en cause de ces postulats moraux est parfaitement compatible avec le paradigme originel (voir von Furstenberg [1988]. Elle suggère, compte tenu de l'importance des innovations dans les modes de vie depuis les années soixante, que de nombreux facteurs non directe- ments économiques ont pu affecter l'épargne en interaction avec les variables économiques. Pour ne prendre qu'un aspect, qui paraît les résumer tous, Boskin et Lau [1978] sont arrivés à la conclusion que les Américains nés depuis 1939 ont une propension à épargner plus faible que leurs aînés. Pour la France, Kessler [1989] estime que les Français âgés, en 1988, de 25 à 45 ans ont une propension à consommer plus forte que leurs parents au même âge.

Notes

1. Si l'on admet que le surcroît de moine revenu permanent à 60 ans doit biens publics ne se substitue pas to- être compris entre 2 et 6 pour être talement à des biens privés. «adéquat». 2. Une exception, la fonction de 4. Friedman et Warshawsky [1990] consommation estimée par la London montrent que le rendement attendu Business School [1988], qui fait appa- des annuités d'assurance-survie est raître un effet négatif — conforme à la très nettement inférieur à celui de pla- théorie — du ratio : population âgée cements alternatifs. De leurs simula- de 45 à 65 ans/population totale mais tions, il ressort que, même en l'ab- avec un ordre de grandeur suspect. sence de motif de legs, les jeunes 3. Selon des simulations effectuées retraités ne souscriront pas d'an- par Diamond [1977], avec des hypo- nuités. thèses « plausibles» concernant les va- 5. On attribue en effet à Ricardo la pâleurs des paramètres (préférence pour ternité de ce raisonnement. Feldstein le présent notamment) et le taux de [1982] doute du bien fondé de cette couverture retraite, le rapport patri- attribution.

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