l’avenir de la « diaspora » orthodoxe

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REVUE FRANQAISE DE L'ORTHODOXIE Comprendre les enjeux du prochain Concile de PEglise orthodoxe Colloque organise par I'lnstitut de theologie orthodoxe Saint-Serge et le Centre oecumenique de PUniversite catholique de Leuven en partenariat avec le College des Bernardins et la revue Contacts Paris, 18-20 octobre 2012 N 243 Juillet-Septembre 2013 LXV e Annee Prix de ce numero : 16 € (frais de port non inclus)

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REVUE FRANQAISE DE L'ORTHODOXIE

Comprendre les enjeux du prochain Concile de PEglise orthodoxe

Colloque organise par I ' lnstitut de theologie or thodoxe Saint-Serge

et le Centre oecumenique de PUniversite cathol ique de Leuven en partenariat avec le Col lege des Bernardins

et la revue Contacts

Paris, 18-20 octobre 2012

N 243 Jui l le t -Septembre 2 0 1 3 LXV e Annee

P r i x d e c e n u m e r o : 16 € ( f r a i s d e p o r t n o n i n c l u s )

Sommaire du numero 243 Liminaire 297 Preparation et reception du Concile

No6l Ruffieux 305 Le r6le des observatoires au Concile Vatican II

Peter De Mey 327 Pourquoi une reforme du calendrier liturgique ?

Pierre Sollogoub 351 Problemes pastoraux d'une reforme du calendrier liturgique en Russie

Vladimir Khoulap 363 Le probleme du calendrier commun

Thomas Pott 377 Autocephalie et autonomie

John Erickson 391 La question canonique des diptyques ecclesiaux

Gregoire Papathomas 413 Autocephalie, interrogations d'un catholique romain

Joseph Fameree 437 La question de la « diaspora » au Concile panorthodoxe

Antoine Arjakovsky 455 L'avenir de la « diaspora » orthodoxe

Ivana Noble 477 Relations cecumeniques des Eglises orthodoxes

Tamara Grdzelidze 501 Relations cecumeniques et reconnaissance du bapteme des autres Eglises

Michel Stavrou 519 Eglises sceurs, principe hermeneutique dans les relations entre Eglises ad intra et ad extra

Barbara Hallensleben 534 L'orthodoxie face aux questions ethiques

Radu Preda 551 Le jeune Chretien dans la societe postmoderne

Athanase N. Papathanassiou 570 Plaidoyer pour I'actualite du jeune Chretien

Anne Marie Reijnen 593 Quelques reflexions conclusives au terme du colloque

Pantelis Kalai'tzidis 607 Le Concile panorthodoxe

Georges Nahas 628 Bibliographie 635

Liminaire

Ce vo lume except ionnel de la revue Contacts est consa-cre a un evenemen t except ionnel : un grand co l loque interor-thodoxe et oecumenique sur « Les enjeux du prochain conci le de I'Eglise or thodoxe » qui s'est tenu du 18 au 20 octobre 2012 a I'lnstitut Sa in t -Serge (Par is) . Coorgan ise par I'lnsti-tut et par le Centre de recherches cecumeniques de I'Uni-versi te Catho l ique de Leuven (Belg ique) en partenar iat avec le Col lege des Bernard ins (Paris) et la revue Contacts, ce co l loque a permis de rassembler , dans un cl imat studieux et cha leureux, envi ron 150 personnes (dont de nombreux etudiants) - o r thodoxes, mais aussi catho l iques et protes-tants - a u t o u r de 18 conferenc iers pr incipaux et 8 conferenc iers paral le les, issus de douze pays (France, Belg ique, Grece , Etats-Unis, Italie, L iban, Po logne, Rouman ie , Russ ie, Republ ique tcheque, Suisse, Ukraine) .

Nous publ ions en frangais dans cette l ivraison les Actes de ce co l loque qui se proposai t de revisiter les t hemes du futur « Grand Conci le panor thodoxe » - conci le qu i , malgre les efforts dep loyes par le patr iarcat cecumenique et les autres Egl ises au tocepha les depuis des decenn ies , n'a helas pas encore pu se reunir.

Lors de la seance inaugurale, Noel Ruff ieux (Fr ibourg) , remplacant Parcheveque Gabr ie l de C o m a n e s malade, a par le de « La preparat ion et la recept ion du Conci le ». II a soul igne la necessi te d 'une convers ion de la part du peuple de Dieu pour qu 'un conci le soit b ien prepare et porte les fruits que Ton peut esperer. Puis Peter De Mey (Universi te Catho l ique de Leuven) , dans sa ref lexion histor ique sur « Le role des observateurs durant le Conci le Vat ican II », justif iait impl ic i tement la presence d 'observateurs acti fs a ce Col loque.

La premiere session etait consacree a la quest ion d 'un Calendrier liturgique commun a tous les Chretiens. Pierre So l logoub (Paris) exp l iqua pourquoi sont necessa i res et possib les une reforme du calendr ier et une date c o m m u n e de

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synonyme de gouverneur, d'apres le verbe exarchein, "dinger, gouverner". L'exarque etait un haut fonctionnaire, delegue dans un territoire eloigne de la capitale, detenant simultanement les pouvoirs civil et militaire, lesquels etaient separes dans le reste de I'Empire. Cette organisation visait a reagir de fagon optimale aux dangers menagant I'empire dans ses regions peripheriques, sans avoir a attendre les ordres venus de Constantinople. [...] Un exarchat possede un statut derogatoire par rapport au principe de la territorialite de I'organisation ecclesiastique. L'eveque mentionne dans les diptyques n'est pas I'eveque du lieu, mais le primat represente par I'exarque. On peut comparer I'exarchat ecclesiastique a extra-territorialite de batiments diplomatiques. Les metropolites des "Nouvelles Terres" du Nord et de I'Est de la Grece ont regu du patriarche cecumenique de Constantinople des titres d'exarque qui rappellent leur appartenance au patriarcat oecumenique de Constantinople. »

« Autocephaly should be granted to all the churches of the countries mentioned above [Western Europe, America, Australia]. The local synods of the autocephalous mother churches should decide on it and determine its boundaries » : G. Lemopoulos, op. cit, p. 64. Cf A. Arjakovsky, En attendant le Concile.., op. c/t., p. 663. Voir A. Arjakovsky, Qu'est ce que I'orthodoxie ?, ed. Gallimard, Paris, 2013.

L'avenir de la « diaspora » orthodoxe* Point de vue d'une observatrice

Ivana Noble

Le theme de m a conference releve du defi : par quel biais aborder un futur qui n'existe pas encore , a part peut-etre in nuce ? Jusqu 'a quel point pouvons-nous le prevoir en nous fondant sur les apergus que nous avons du passe ? Le pere John Behr, c i tant K ierkegaard , nous le rappel le : « Nous comprenons la vie de maniere retrospect ive, alors que nous devons la v iv re en al lant de I'avant » 1 . Comprendre de maniere retrospect ive, c o m m e le soul igne jus tement Jacques Derr ida, ce la veut dire que nous ne « tenons » la presence que par le biais d 'une ref lex ion. Nous la comprenons ret rospect ivement , alors qu'e l le n'est plus la, ou , selon les mots de Derr ida, en son absence. Nous pouvons dire que dans I 'absence nous creons une f ict ion de ce qui etait la. En m e m e temps, cependant , I'idee que la vie nouvel le qui parvient a la presence est une source de cr i t iques pour notre construct ion f ict ionnel le est le propre de la dia lect ique ouver te de I' interpretation. Cet te p resence qui advient brise les cert i tudes f igees et depourvues d 'une dynamique de v ie . 2 En m e m e temps , ce la inclut tout ce qui est passe - et qui const i tue a present notre ref lex ion. 3 C'est en ces termes- la que je vais tenter de parler de la « d iaspora » or thodoxe, en explorant la maniere dont les souven i rs du passe peuvent etre acceptes et guer is et la maniere don t I 'orthodoxie en Occident peut alter de I'avant vers une p lus grande pleni tude de vie.

*Cette conference fait partie du projet de recherche « Symbolic Mediation of Wholeness in Western Orthodoxy », GACR P401/11/1688. Texte traduit de I'anglais par Stephane Sollogoub.

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A propos des souveni rs , il faut etre conscient que chacun d'entre eux possede plusieurs st rates et, en tant que tels, a un impact sur le mouvemen t vers I'avant ou bien sur la decis ion de vivre tourne vers le passe. C'est ega lement le cas pour le concept de « d iaspora ». Dans cette conference, je commencera i par m' interesser aux l ieux et aux per iodes ou ces souveni rs presentes par le biais de la ref lexion montrent la presence d 'or thodoxes en Occ ident en te rme de diaspora, et aux l ieux ou la s i tuat ion apparaTt plutot en te rmes d'Egl ise locale ; il s 'agira alors de demander ce que signif ie cette di f ference pour les fo rmes de vie et de mission a mener dans I'avenir. J 'abordera i ensui te le p rob leme de la mult ipl ici te des jur idict ions, tout en explorant les aspects pol i t ique et ethnique de la f ragmentat ion de I 'orthodoxie a la lumiere des souveni rs d ivers d 'appar tenance et d 'a l ienat ion passees.

J 'explorerai p lus prec isement I 'hypothese selon laquel le la d iaspora or thodoxe a ete fo rmee par un sens d 'une rel igion par tagee et d 'exper iences d 'une marginal isat ion par tagee, dans les patr ies d'or igine des or thodoxes venus en Occident . Puis je considerera i I 'heritage spir i tuel et theolog ique qui a contr ibue a fagonner I 'orthodoxie en Occident , en part icul ier les mouvements de rena issance dans la Russie d 'avant la Revolut ion. Dans cette perspect ive, j 'examinera i ou et dans quel sens la comprehens ion de ces mouvements et la part ic ipat ion a leurs decouver tes permet a I 'orthodoxie en Occident d'ouvrir I 'espace d 'une nouvel le v ie, o u , pour reprendre les te rmes de Florovsky, d 'avancer vers la t rad i t ion 4 , et ou ceux-c i vont plutot vers le futur a reculons, supposant qu'i l puisse exister une uni formite theolog ique et spir i tuel le. Dans ma conc lus ion je tenterai d' identif ier les points cles qui , de mon point de vue, restent v i taux m e m e apres que le procede mult iple d 'enrac inement de Porthodoxie en Occident a largement reussi .

1. Diaspora ou Eglise locale ?

La vie spir i tuel le, eccles ia le et theo log ique des o r thodoxes en Occident peut se comparer a une etoffe t issee de plusieurs

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fils u i u n t l s s u n e c o m P o r t a n t a u c u n e couleur ou mat iere d o m i n . i n a n t e , et qui a besoin de se livrer a une negociat ion c o n s t g i t a n t e de maniere a mainteni r sa plural i te ainsi qu 'un s e m b ( j 3 l a n t d 'uni te. Interroger les deux aspects de cette d J a i e c t C !Ct ique ouver te est vi tal , a mon sens, pour evoluer de la d j a s pora vers I'Eglise locale. Pour bien comprendre I'identite des o r f r t h o d o x e s e n Occ ident il est ega lement important de se

l^eler que ceux qui sont arr ives dans des c i rconstances d i v e r s € r s e s o n t a P P o r t ® a v e c e u x di f ferents mode les d 'or thodoxie dans u 3 u n n o u v e a u terr i toire, ainsi que dif ferents mode les de

r e l a t i o r ' 0 0 a v e c l e s ^ 9 l i s e s m e r e s . L e e premier type de g roupes a s' instal ler en Europe occ i -

d e n t a l e a l e f u t c e l u i d e s i m m i 9 r a n t s economiques et pol i t iques, au d e b ' ® b u t d u x v l " e s ' ® c , e - " ® t a i t n a t u r e l P o u r e u x de fonder des Ec ^ 9 l i s e s e thn iques . 5 Bien que le choix de leur lieu de r £ J n s t g p t a l l a t i o n fut plus ou moins del ibere, leur « chez-eux », au sens Dr3 P r o f o n d e t souvent ideal ise du te rme, se trouvait ai l leurs aue \h l a o u i l s v i v a i e n t - C e s g roupes ont cont r ibue a ce que I'on D e i p e u t a P P e ' e r l a " d iaspora or thodoxe en Occ ident ». Mais m e m e n e ' a ' '' e s t i m P o r t a n t de noter que ce concept ant ique de dia£*'aspora a b e s o i n d 'etre t ranspose pour au moins deux r a i s o n s o n s : P r e m i e r e m e n t - n e P e u t P a s f a i r e reference a un t e r r i t o i r i t o ' r e " p a r m i l e s b a r b a r e s dont parte le 2 8 e canon du C o n ^ o n c ' ' e ^ e Cha lcedo ine, et qu i , se lon ce canon , t ombe a u t o m g ) m a t i q u e m e n t sous la jur idict ion de Constant inop le 6 . Dans les t e m f e m , : > s m ° d e r n e s , les or thodoxes arr iverent dans des pays avant d d ^ a u n e l o n 9 u e t radit ion chret ienne et appor terent de chez e u z e u x d e s t r a d i t i o n s o r thodoxes di f ferentes. Cela m 'amene ^ m o n i o n deux ieme argument . La not ion de diaspora passe de s i m r . s i m p l e a P l u r i e l l e ' c a r 11 n V e u t p a s u n e s e u l e d iaspora ni une i n e s e u l e J u n d i c t i o n , cel le de Constant inop le , mais une m u l t - l j ( t ip l ic i te non canon ique de jur id ict ions emergean t en un seul ten 1 t e r r i t o i r e > c e ^ p rovoqua des desaccords incessants au sein d e 1 d e l ' o r t n ° d o x i e . Cet te anomal ie etait de ja presente des les o r e r P r e m i e r s a r n v a n t s ' m a ' s connut une ver i table exp los ion l o r s a u e i q u e d e s c e n t a i n e s de mil l iers d 'emigres pol i t iques fuirent ou f u r e i f u r e n t depor tes en Occ ident depu is la Russie, apres la R e v o l u t / o l u t i o n - 7

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Les o r thodoxes d 'Occident , si Ton regarde vers le passe plutot que vers I'avenir, ont deve loppe des not ions polar isees de leur « chez-eux » et de I 'Occident, auss i bien que des strategies v isant a preserver leurs cul tures d'or igine, ainsi que des vers ions de I 'orthodoxie cons t i t u t es c o m m e immuab les . Importer son « chez-soi » hors les f ront ieres de son pays avait aussi un cote positif. II ne faut pas oubl ier les contr ibut ions prec ieuses de ceux qu i , dans les temps modernes , ont appor te avec eux les fruits du renouveau sous la fo rme d'un p rocessus a plusieurs strates dans la Russie prerevolut ionnaire, et qui ont contr ibue de maniere vi tale a la v is ion panor thodoxe, au d ia logue avec le chr is t ian isme occidental et avec di f ferentes fo rmes de vie intel lectuel le et culturel le en Occident . Nous devons nous rememorer les cerc les an imes par Nicolas Berd iaev qui ont a m e n e pour la premiere fois un d ia logue entre or thodoxes, catho l iques et protestants en F rance 8 ; ou encore I 'expression pastorale du pere Serge Bou lgakov du « tout -en-un », que Ton peut retrouver dans son inf luence , en tant que pere spir i tuel , sur plusieurs personnes qui se sont souvent tenues a la l imite de leur propre tradi t ion : I'aide appor tee aux juifs par mere Marie Skobtsova et pere Dimitr i Klepin ine, la v is ion de la tradit ion or thodoxe de Vladimir Lossky et des f reres Kova levsky avec sa profondeur spir i tuel le dans la g a m m e culturel le occ identa le , la not ion de miss ion nouvel le en Occ ident des peres Georges Florovsky, A lexandre S c h m e m a n n et Jean Meyendorf f et leur travai l tourne vers la t ransformat ion de la d iaspora en Egl ise locale actual isee dans I'Eglise or thodoxe en Amer ique .

La comprehens ion propre a I 'orthodoxie amer ica ine de I'Eglise locale a t rouve un appui dans la ref lexion qu'el le a menee sur ses or ig ines, di f ferentes de cel les de I 'orthodoxie en Europe occ identa le . Le souvenir de la miss ion incul turee en A laska peut servir d ' inspirat ion a I'Eglise, pour aller de I'avant avec I'espoir que I'Esprit, en cooperat ion avec les gens vifs d'esprit , peut apporter une vie nouvel le en quant i te inesperee, c o m m e , par exemple , lorsque les mo ines du monas te re de Va laam defendi rent les droits des pauvres, integrerent la culture locale dans la l i turgie, I ' iconographie, la mus ique et

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le droit canon et insisterent sur I 'education theo log ique locale afin de permet t re aux populat ions regionales d 'administrer leur propre Egl ise.

Cet espoir de t ransformat ion est necessa i re , car nous ne pouvons plus au jourd 'hu i , ni en Europe occ identa le ni en Amer ique du Nord , parler un iquement d 'Egl ise locale. La mult ipl ici te des Egl ises e thn iques, et leur maint ien dans le statut de diaspora - ou plutot de diasporas, car el les appor tent aussi avec el les la mult ipl ici te non canon ique de jur id ict ions sur un terr i toire, c ree une tens ion incessante entre les deux mode les de la p resence or thodoxe en Occident . II semblera i t que le futur de I 'orthodoxie en Occ ident depende en g rande part ie de la gest ion de cette tens ion et, le cas echeant , de la maniere dont cet te tens ion sera geree.

2. Le probleme des jur id ict ions paralleles

L'existence non canon ique de jur id ict ions paral le les en Occident a ete mot ivee par les aspects pol i t ique et e thnique. On a pu en mesurer I ' impact pol i t ique dans I 'Archidiocese grec en Amer ique , qu i , au momen t ou il a ete etabl i , etait d iv ise entre royal istes et repub l i cans venize l is tes 9 , mais surtout dans les tens ions parmi ceux qui emigra ient de Russie, en c o m m e n c a n t par I 'EHROF 1 0 p lacee sous le patr iarche serbe nouve l lement re ins t i tue" et dont le p rog ramme ant icommunis te et monarch is te de droi te, incluant un serment de restaurat ion du tsar isme autocrat ique et de la dynast ie des Romanov en Russie, n'etait pas acceptab le pour d 'autres groupes de I 'emigration russe. Le metropol i te Euloge en Europe occ identa le et le metropol i te Platon aux Etats-Unis, qui voulaient , eux auss i , proteger les emigres or thodoxes russes de I 'emprise de I'Eglise contra inte de se soumet t re au reg ime commun is te , ne desira ient pas part iciper au retabl issement de I 'autocratie tsar iste. Selon eux, le tsar isme etait responsable , du moins en part ie, de I 'effondrement pol i t ique et social de la Russie. A la sui te de negociat ions compl iquees , la metropole basee a Paris se plaga sous I 'obedience du patr iarcat de Cons tan t inop le , 1 2 tandis que la metropole aux Etats-Unis

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proclamai t son independance et luttait pour I 'autocephalie, f ina lement ob tenue en 1 9 7 0 . 1 3 II y avait aussi ceux qui se sentaient f ideles au patr iarcat de Moscou , et qu i , tout en se distangant des proc lamat ions p rocommun is tes de leur Eglise mere, n'eurent pas le desir de quit ter cet te Egl ise alors qu'el le etait dans le beso in , et pour qui les ra isons pol i t iques n'etaient pas suf f isantes pour just i f ier une tel le dec i s i on . 1 4

S'il est comprehens ib le , d 'un cote, que la si tuat ion po­l it ique ex t reme ait donne lieu a des solut ions hors-normes, et que le souci pastoral des emigres ait pris le dessus sur le pr incipe de terri torial i te canon ique, il est ega lement important de se demande r pourquoi ces solut ions cor respondant a une per iode de cr ise ont perdure et, en al lant plus loin, pourquoi , apres la chute du c o m m u n i s m e , la f ragmentat ion jur idict ionnel le est de fait p lus impor tante encore qu'e l le ne I'etait aupa ravan t . 1 5

Mis a part les raisons pol i t iques a I'origine de ces jur id i ­ct ions paral le les, il y a aussi des moti fs e thn iques. Se lon I 'archimandrite Gregoi re Papa thomas , I 'ethnophylet isme est la plus g rande heresie des t emps modernes , br isant la c o m m u n i o n de I'Eglise, div inisant des preoccupat ions qui ne sont pas des preoccupat ions essent ie l les 1 6 . Tout en etant d 'accord avec cet a rgument , il m e semb le qu 'en explorant les anomal ies jur id ict ionnel les a mot ivat ion ethn ique, au lieu des cr i t iques plus repandues de la comprehens ion moderne de la nat ion qui ont servi de subst i tut secul ier au lien d'uni te donne par I 'appartenance a I'Eglise, il serait utile d 'analyser les causes p re -modernes du prob leme.

Af in de comprendre les souveni rs de marginal isat ion et leur impact sur la s i tuat ion actuel le, il nous faut retourner jusqu 'au t emps lointain des miss ions byzant ines, ou deux mode les etaient en rivalite : I'un reposai t sur le desir de fonder de nouvel les Egl ises locales equ iva lentes a I'Eglise mere ; I'autre assujett issai t , tant sur le p lan ecc les iast ique que pol i t ique, les nouveaux terr i toires chr ist ianises a une source ideal isee d' ident i te ve r i tab le 1 7 Parmi les consequences de tel les pol i t iques, on t rouve de ja aux xn e et xm e s iecles la lutte des Bulgares et des Serbes pour leur l iberation pol i t ique et

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leur independance eccles ia le. Le patr iarcat de Constant inop le ne representai t pas un iquement pour eux un ancrage spir i tuel et ecclesia l ma is ega lement une source de pouvoi r les forgant a se soumet t re et a accepter un statut d ' inegal i te dans le m o n d e byzant in , inferieur a celui des G r e c s . 1 8 Les souveni rs d ' inegal i te v iennent pourtant ega lement de la per iode de I 'oppression o t tomane : ainsi je n 'adhere pas a cette interpretat ion du passe se lon laquel le, sous le joug o t toman, I 'experience de la marginal isat ion etait par tagee ; pour les Bulgares, les Serbes et d 'autres, il s 'agit souvent de souveni rs d 'une doub le marginal isat ion issue de deux instances : I'une o t tomane et I'autre g recque. Accepter et comprendre ces souveni rs d ' inegal i te est vital afin de pouvoi r avancer sa inement vers I'avenir, car, sans un processus de guer ison, ces souveni rs cont inuera ient a provoquer amer tume et def iance dans le d ia logue inter-or thodoxe tant en Or ient qu 'en Occ iden t . 1 9

Avancer sa inement vers I'avenir peut signif ier ici que la comprehens ion retrospect ive pourrai t necessi ter ce que Vladimir Lossky appel le « I'attitude apophat ique ». Lossky par le de cette att i tude a un n iveau personne l , en te rme de metanoia, de changemen t du cceur, dans l e q u e l « l e repentir de la personne huma ine devant la face du Dieu vivant » impl ique I 'abandon des idoles, de nos representat ions part iel les de la realite qui pretendent a la p leni tude alors qu 'e l les ne peuvent I 'atteindre, de nos att i tudes fondees sur cette fausse conna issance , mais aussi nos at t i tudes de decouragement , par lesquel les nous ecar tons le Dieu v ivant de I 'espace de notre abat tement . L'att i tude apophat ique, c o m m e « une tendance vers une pleni tude tou jours plus grande » revelee et expr imee par son « Init iateur », I'Esprit Sa in t 2 0 , peut, selon moi , etre ega lement recherchee et d e m a n d e e en pr ieres a un niveau communau ta i re . Elle peut etre un ant idote contre les pol i t iques de dominat ion , o u , ainsi que les n o m m e Aristote Papan iko laou, les « pol i t iques de harce lement » qu 'e l les soient passees ou presentes, des pol i t iques qui ont permis a des Etats ou des Egl ises se croyant super ieurs aux autres

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de causer du tort a grande echel le , et de provoquer en consequence la colere, la peur ou la ha ine . 2 1

Bien qu' i l n'existe pas de solut ion ev idente au prob leme de la mult ipl ici te jur id ict ionnel le e thn ique et pol i t ique, il semb le que le fait de cult iver Yattitude apophatique ment ionnee plus haut pu isse aider a aller de I'avant en permet tant de se detacher des b lessures p rovoquees par « I'autre fautif » et en permet tant le pardon. Le travai l qui peut etre fait au niveau spir i tuel et pastoral peut alors jeter une nouvel le lumiere sur le debat theo log ique et canon ique .

3. Des chemins par-dela I 'uniformite theologique et spir i tuel le

Dans cet te derniere part ie je voudra is parler du paradoxe qui subsis te dans le fait que si Ton explore la si tuat ion canon ique de I 'orthodoxie en Occ ident , il semblera i t qu'i l y ait plural i te sans unite ; et, si Ton explore le paysage theo log ique, il semblera i t qu'i l y ait uni formite sans plural i te. Bien sur, cela releve d 'une simpl i f icat ion drast ique, ma is pour autant cet te idee meri te ref lexion. Je me concentrera i sur la separat ion de I'ecole neo-patr is t ique d 'avec les autres fo rmes de rena issance qui y furent in tegra lement l iees . 2 2 Cel les-ci comprena ien t I 'hesychasme, le mouvemen t Slavophile, les tentat ives chre t iennes visant a st imuler la re forme socia le, et, surtout, la soph io log ie . 2 3 En Occ ident , un confl i t a oppose d 'une part ce que le pere Florovsky a appele la « rena issance rel igieuse russe », qu'il a caracter isee de « pseudomorphose » de la t rad i t ion , 2 4 et d 'autre part la neo-patr is t ique. La plural i te fut remplacee par la synthese, la synthese negat ive de la rena issance rel ig ieuse russe, dans laquel le, excepte pour I 'hesychasme, tous les courants ont recu une classi f icat ion, et la syn these posit ive des Peres, ou risquait de disparaTtre I 'espace de la contr ibut ion s ingul iere de chacun d 'entre eux ainsi que I 'espace des tens ions et des d i s a c c o r d s entre les di f ferentes voix.

En-dehors de que lques except ions notables, tel les que les f igures de Vladimir Lossky et Dimitru Stani loae, la syn these

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neo-patr is t ique est devenue la nouvel le via affirmativa, ou bien, pour r ions-nous aller jusqu 'a dire, une nouvel le scolast ique au sein de I 'orthodoxie, promet tant une identi te or thodoxe dist incte, dans sa po lemique avec I 'Occident et la modern i te . La generat ion actuel le des theo log iens or thodoxes tels que le pere John Behr, Ar istote Papaniko laou ou Pantel is KalaTtzidis nous a fourni la cr i t ique a igu isee et detai l lee d 'une tel le construct ion i den t i t a i r e 2 5 : la tache qui , a mon avis, reste a accompl i r est la sauvegarde de la plural i te perdue.

Al ler de I'avant ex ige aussi d ' integrer une vis ion de ce que le tournant neo-patr is t ique a a m e n e de bon, en commencan t par I'attention donnee a I'etude detai l lee des Peres de I'Eglise, qui ont en fait appor te un ant idote a I 'uniformite. Chez eux, la syn these etait cont reba lancee par le paradoxe, tand is que Paffirmation etait cont reba lancee par la voie apophat ique vers le mystere de Dieu. L'or ientat ion vers la l i turgie, et en part icul ier vers la celebrat ion euchar is t ique, a pose les fondat ions d 'une ecclesio logie non legal iste, eschato log ique, fondee sur la commun ion , ainsi que cel les d 'une spir i tual i te l i turgique. La perspect ive histor ique a ete comple tee par une perspect ive eschato log ique. Je pourra is cont inuer ainsi longtemps.

En m e m e temps , il faut dire c la i rement que ce qui a ete re-vele par I'ecole neo-patr is t ique c o m m e etant la force pr incipale de I 'orthodoxie est aussi devenu , a cause de I ' isolement, sa pr incipale fa ib lesse. La perspect ive eschato log ique denuee de perspect ive histor ique tendai t vers la mytholog ie ; la spir i tual i te l i turgique denuee d'un engagement concret envers les pauvres et les marg inaux perdai t son fondement ; la theolog ie myst ique denuee d 'une ref lexion quant a son uti l isation pol i t ique et quant aux abus de I 'orthodoxie devenai t coupee de la real i te. L'etude detai l lee des Peres souffrait du manque de consc ience cr i t ique quant a ses propres choix de f igures et de themes a inclure dans la synthese et a en exclure ; un travai l plus sol ide d' interpretat ion patr ist ique des Ecr i tures faisait souvent defaut, tout c o m m e I'attention portee aux themes moins at t rayants chez les Peres de I'Eglise, tels que I'antijudaTsme implici te et expl ic i te ou la diabol isat ion des

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femmes . C e s sujets r e p r e s e n t e d un def i pour la theolog ie o r thodoxe au xx i e s iec le, tant en Or ient qu 'en Occ ident .

Deve lopper ce qui est reconnu c o m m e I'heritage theo­logique or thodoxe peut nous aider ici, sans oubl ier de reest imer les aut res courants de renouveau, tempora i rement marginal ises. C e processus a de ja c o m m e n c e 2 6 mais , a m o n avis, il aurait interet a etre poursuiv i p lus avant. La contr ibut ion appor tee par ce processus s 'avere de ja t res utile. Par exemple , malgre le fait que I 'hesychasme ait ete etudie en theo log ie dans les semina i res occ identaux, et que les peres F lorovsky et Meyendorf f aient appor te de prec ieuses e tudes a ce sujet - e tudes que nous ut i l isons avec grat i tude jusqu 'a ce jour - , il n'etait pas, a que lques except ions p r e s , 2 7 accompagne d 'une prat ique hesychaste spir i tuel le chez les emigres des deux premieres generat ions post- revolut ionnaires. En fait, la spir i tuali te l i turgique a ecar te la spir i tual i te hesychaste . Ce la du mo ins a change grace a des l ieux c o m m e le monas te re Saint -Jean-Bapt is te en Essex et d 'autres, ou al ler de I'avant signif ie lutter pour I'unite de la vie spir i tuel le, intel lectuel le et sociale.

De la m e m e facon, nous pouvons voir que le mou -vement Slavophi le ne s'est pas eteint avec I ' ideologie du pans lav i sme . 2 8 La not ion de sobornost mise en ev idence par Alexis Khomiakov a en part ie t rouve une nouvel le express ion dans I 'ecclesiologie euchar is t ique du pere Nicolas Afanassief f puis dans I 'ecclesiologie l i turgique d u pere A lexandre S c h m e m a n n . Neanmoins , je pense que I 'ecclesiologie et I 'anthropologie myst iques de Khomiakov, qui conci l ient amour mutuel et l i be r ie , 2 9 ainsi que la not ion de conna issance integrale d ' lvan Kireievsky, reunissant les approches scient i f iques et les ra isons du cceur, 3 0 mer i tent d'etre es t imees plus en profondeur.

Les bases chre t iennes de la re forme socia le, sur tout apres I 'experience des reg imes commun is tes , sembla ien t u top iques . 3 1 Et pourtant, chez Berdiaev, le pere Serge Bou lgakov et la mere Marie Skobtsova, ce trait est reapparu , que ce soit dans la phi losophie de la l iber ie ou dans la ref lexion sur I'aide speci f ique a ceux qui sont dans le b e s o i n . 3 2

L'avenir de la « diaspora » orthodoxe 487

La sophio log ie a e te condamnee c o m m e heret ique a la suite du proces contre le pere Boulgakov, et pourtant elle ne peut etre reduite a I 'enseignement prob lemat ique sur la « quat r ieme hypostase » . 3 3 En rapport avec ses rac ines Slavophi les, el le a ete redecouver te en tant qu 'expans ion hol ist ique vers la pan-unite, def iant I 'exclusion de la conna issance incarnee, I 'exclusion de la conna issance myst ique, ainsi que cel le de la separat ion entre I'Orient et I 'Occident Chretiens, ou entre le chr is t ian isme et toute autre fo rme de mouvemen t cherchant la bonte, la beaute et la veri te. En tant que tel le, el le etait p lus souvent ut i l isee par les theo log iens cathol iques que par les theolog iens o r thodoxes 3 4 ; mais la encore il y a des except ions, tels Anto ine Ar jakovsky ou Stoyan Tanev 3 5 .

C e sont la des exemp les de la plural i te perdue, qui n'excluent pourtant pas d'autres possibi l i tes de vie theolog ique et spir i tuel le, tout aussi o r thodoxes. La sauvegarde de la plural i te perdue n'est pas un moyen de perdre les sources dont depend la vie chret ienne et o r thodoxe, et ce la n 'exonere pas du beso in de d iscernement , mais il est important que ce d iscernement ne s 'exerce pas sur des bases ideologiques.

Conclusion

En conc lus ion, resumons les def is ainsi que les que lques s ignes d 'esperance d 'une v ie tournee vers I'avant, do tee d 'une comprehens ion du passe et de ce que Vladimir Lossky appel le « I'attitude apophat ique » 3 6 de I 'orthodoxie en Occident .

Premierement , il y a le desir d 'une comprehens ion non reduct ionniste du passe qui permet te d 'en dissiper les ombres . En fait, cet te commun ica t ion m e m e est une express ion de ce desir. Al ler au-de la de ce que I 'orthodoxie occ identa le b lessee nous a t ransmis au cours du siecle dernier, c o m m e je I'ai esqu isse dans ma presentat ion, impl ique de chercher a connaTtre les l ieux ou I 'orthodoxie en Occ ident n'a pas evolue en Egl ises locales et pourquoi : les p rob lemes d 'e thnophy le t isme mais aussi le souveni r accumule d'avoir ete trai tes c o m m e des c i toyens ecc les iaux de second ordre ;

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le p rob leme de la mult ipl ici te des ju r id ic t ions ; enf in le p rob leme de I 'uniformite theo log ique et spir i tuel le p resupposee. Laisser derr iere soi cer ta ines impasses du deve loppement de la d iaspora au xx e s iecle va alors de pair avec la recherche de nouvel les solut ions aux p rob lemes recurrents.

P rem ie remen t , a l o r squenouspouvonsd i r eque l ' o r t hodox ie a de ja pris racine en Occident , nous devons ajouter que ce n'est pas un processus acheve et que des moyens creat i fs, avec une sensibi l i te pastora le, al lant vers une cont inuat ion organ ique sont et seront tou jours necessai res. C o m m e ce la a deja ete dit, il est inappropr ie de parler en te rmes de diaspora des Egl ises au tocepha les b ien etabl ies, c o m m e I'Eglise or thodoxe en Amer ique , ou m e m e des o rgan ismes ecc les iaux et academiques r iches d 'une longue tradi t ion, tels que I'lnstitut Sa in t -Serge ou le Semina i re Saint-Vladimir. Mais peut-etre serait- i l uti le de se demande r en quels l ieux s'est ma in tenue une mental i te de diaspora. En effet, cer ta ines caracter is t iques de la vie de d iaspora subsistent , her i tees des si tuat ions emigrees . La quest ion de savoir ou se t rouve le « chez-so i » au sens le plus pro fond, d 'un point de vue cul turel autant qu 'ecc les ia l , change avec la deux ieme et surtout la t ro is ieme generat ion des fami l ies qui etaient venues en tant que refugiees. Le « chez-so i » d 'or ig ine est t ransfere dans le pays et la cul ture dans lesquels les gens v ivent en realite. Et en m e m e temps , avec le flux cont inu de nouveaux immigrants , les l iens avec les Egl ises et les cul tures meres cont inuent cependant a poser a I 'orthodoxie en Occ ident le def i de ne pas deveni r un musee des cul tures nat ionales o r thodoxes du passe. Pour v ivre tourne vers I'avenir, I 'hospitalite au sein de I 'orthodoxie (mais auss i envers les autres) et le d ia logue semblen t d 'une impor tance vi tale, et il est pr imordial pour I'avenir de I 'orthodoxie en Occident de t rouver des l ieux qui faci l i tent les rencontres.

La mult ipl ic i te des jur id ict ions ne faci l i te pas la s i tuat ion. Bien que le passe ne puisse etre change , la fagon de voir le passe peut etre modu lee et la guer ison peut entrer par cette porte, cel le du repentir. C o m m e Lossky nous le rappel le, la guer ison qui nous vient du grand Init iateur de

L'avenirde la « diaspora » orthodoxe 489

I'attitude apophat ique, le Saint-Espr i t , « qui comb le toutes les lacunes, su rmonte toutes les l imitat ions » 3 7 , comprend a la fo is le lacher-pr ise et la possibi l i ty d'etre pardonne. L'att i tude apophat ique app l iquee a ce doma ine de la v ie eccles ia le or thodoxe en Occ ident impl iquerai t , autant que ce la est huma inement possib le, que Ton cesse de s' identif ier avec les utopies o r thodoxes autocrat iques (qu'i l s 'agisse du renouve l lement de I 'empire byzant in ou de la Russie c o m m e t ro is ieme Rome, etc) ou encore de justif ier la d is tance avec d 'autres en restant dans une posi t ion v ic t ima i re 3 8 , ce la permet tant dans les deux cas au grand Init iateur de mener les gens et les communau tes au-de la des cert i tudes de la d iv is ion, vers une plus g rande pleni tude. Les s ignes d'espoir de v ivre tourne vers I'avenir en ce doma ine sont ceux qui essaient cons tamment , de man iere credib le et constante , de rappeler a I'Eglise que I'ultime « chez-soi » des Chretiens ne se t rouve pas dans les ident i tes d iv isees, mais dans le Royaume de Dieu. Ici, les monas te res jouent un role important en tant que l ieux d 'accuei l offrant, c o m m e le formule KalaTtzidis, une « consc ience eschato log ique de I'Eglise » 3 9 . En outre, il est important d 'etre consc ient du fait que, m e m e si les s i tuat ions compl iquees ne peuvent encore etre resolues au n iveau eccles ia l , el les peuvent etre vecues prophet iquement a echel le humaine . Sui te aux consequences d 'un passage de I 'ecclesiologie a I 'anthropologie c o m m e theme centra l , ainsi que I'a plaide le metropol i te Kal l istos W a r e 4 0 , il se peut que nous decouvr ions , depu is une perspect ive di f ferente, que I 'anthropologie rad ica lement relat ionnel le a ega lement des impl icat ions ecc les ia les.

Enf in, lorsqu'on par le de chemins par-dela I 'uniformite spir i tuel le et theo log ique, il est important de noter qu'i l s 'est agi d 'une uni formite plus souvent supposee que reel lement vecue . C'etait la « comprehens ion , » la comprehens ion de la tradit ion c o m m e la synthese tout en exc luant ces voies qui t roublaient ses f ront ieres ideologiques. Si je reconnais vo lont iers que la cr i t ique de I 'uniformite dans la theolog ie or thodoxe n'est jamais mor te , j 'a i tout de m e m e insiste sur les doma ines su ivants qui doivent encore etre renforces :

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il est necessai re d'al ler au-de la du monopo le theo log ique de I'ecole neo-patr is t ique, tout en conservant et en deve loppant ses mei l leurs accomp l i ssements . Ici, il se ra utile de reest imer la fagon dont d 'autres courants du renouveau or thodoxe moderne ont eux auss i travai l le avec les Peres de I'Eglise ; la maniere dont ils ont eux aussi pu ise dans la spir i tual i te hesychaste tout en valor isant la spir i tual i te l i turgique, les ra isons et les man ie res qui les ont poussees a voir, dans les deux courants de pensee , une impuls ion de d ia logue avec le monde moderne , de m e m e que les Peres de I'Eglise ont d ia logue avec le monde de leur temps . Cet te expans ion de la comprehens ion du passe peut avoir besoin d'etre accompagnee d 'une ref lexion cr i t ique et d 'une revis ion de la not ion inter ior isee qu 'a I 'Occident, au sein de I 'orthodoxie (en tant que cet te v is ion ne cor respond pas toujours a I 'Occident reel) de ('utilisation pol i t ique (de nos jours genera lement de droite) de I 'orthodoxie, et d 'une at tent ion insuff isante aux impl icat ions soc ia les de la v ie l i turgique de I'Eglise et de I 'enseignement dogmat ique de notre temps . A mon avis, c 'est dans ces doma ines que se t rouve la cle de nouvel les possibi l i tes pour aller de I'avant spir i tuel lement et theo log iquement , et de (r)animer I'esprit de renouveau a I'interieur mais aussi a I 'exterieur de I 'orthodoxie en Occ ident .

Notes

1 Voir John Behr, The Mystery of Christ: Life in Death, St Vladimir's Seminary Press, Crestwood, New York, 2006, p. 15.

2 La notion de dynamisme de la tradition et de ces certitudes n'est pas etrangere a I'orthodoxie. Nous pouvons prendre en compte le travail de saint Gregoire de Nysse sur la notion paulinienne de I'epectase et la maniere dont celle-ci est reapparue par exemple dans la theologie de Dumitru Staniloae, pour qui la creation se trouve dans un stade dynamique de devenir, et la vie et le changement sont dans tout leur mouvement en rapport avec Dieu. Voir Dumitru Staniloae, The Experience of God: The Orthodox Dogmatic Theology I: Revelation and Knowledge of the Triune God, Brookline, MA, 1998, p. 12, 203, 206, etc.

3 Voir Jacques Derrida, « How to Avoid Speaking: Denials » , dans

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Derrida and Negative Theology, ed. H. Coward and T. Foshay, State University of New York Press, Albany, 1992, p. 74-142. Derrida presente ici une critique de ce qu'il appelle la metaphysique de la presence. II dit que nous vivons dans I'illusion que la presence est« postulee » dans les evenements. Pourtant, pour I'experience et la comprehension des evenements, nous devons les voir en leur absence. Parce que leur absence aide a reconstituer leur presence dans la reflexion, cela rend possible I'appropriation de ce qui etait present. D'un autre cote, la presence nous fournit une destruction permanente de nos constructions fictionnelles a propos de ce qui etait present. Voir Georges Florovsky, Ways of Russian Theology I, Nordland Publishing Company, Belmont MA, 1979, p. xvm. Voir Tim Noble, « Pravoslavna misie v Americe a zapadni Evrope pfed rokem 1920 », dans Ivana Noble, Katefina Bauerova, Tim Noble et Parush Parushev, Cesty pravoslavne teologie ve 20. stoleti na Zapad, CDK, Brno, 2012, p. 148-156. Le texte entier de ce canon, son interpretation et son application se trouvent dans John Erickson, « Chalcedon Canon 28: Yesterday and Today » , voir http://www.svots.edu/content/chalcedon-canon-28-yesterday-and-today (charge en date du 28/8/2012). Venant de Grece, il y avait surtout des emigres economiques, comme c'etait le cas aussi des pays des Balkans et des pays arabes. La migration principale vers les Etats-Unis s'est faite a peu pres surtrente ans entre 1890 et 1920. C'est seulement avec les Yougoslaves qu'il y a eu une migration importante apres la Seconde Guerre mondiale, puis encore des mouvements apres 1989. Voir Tim Noble, « Springtime in Paris: Orthodoxy Encountering Diverse Others Between the Wars » , communication presentee a la XVII e Consultation Academique de la Societas Oecumenica : Rencontre avec d'autres religions, Belfast, 25 aout 2012. Voir Katerina Bauerova and Tim Noble, « Cesty od diaspory k mistnim cirkvim », in Cesty pravoslavne teologie ve 20. stoleti na Zapad, p. 237-240. Le synode d'une partie des hierarques orthodoxes s'est rassemble a Sremsky Karlovtsy en 1921-1922 et a forme I'Eglise orthodoxe russe dite hors-frontieres (EORHF). En ce qui concerne la restauration du patriarcat serbe, voir Radomir Popovich, Serbian Orthodox Church in History, ed. Artprint, Belgrade, 2005, p. 10-19, 90-93 ; Jan Rychlik, Mezi Vidni a Cafihradem 1, Vysehrad, Prague, 2009, p. 30-31.

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1 2 Cela fut une reaction a la Proclamation de Loyaute au regime communiste signee par le metropolite Serge (Stragorodskij) en 1927. II y eut une breve reunification avec le patriarcat de Moscou apres la Deuxieme Guerre mondiale, mais avec la politique stalinienne qui suivit la metropole retourna sous Constantinople ou elle se trouve jusqu'a ce jour. Voir Dimitry Pospielovsky, The Russian Church under the Soviet Regime, 1917-1982 Vol. I. ed. St Vladimir's Seminary Press, Crestwood, 1984, p. 108.

1 3 Voir « The Tomos of Autocephaly. Tomos of Alexis, by the Mercy of God, Patriarch of Moscow and All Russia (10.4.1970) », http://www.oca.org/DOCtomos.asp?SID= 12.

1 4 En Europe occidentale, aussi bien qu'en Amerique, des hierarques etaient institues pour representer egalement le patriarcat de Moscou. Parmi les figures qui appartenaient a cette juridiction on trouve Nicolas Berdiaev, Vladimir Lossky, Leonide Ouspensky, les freres Kovalevsky et I'institut Saint-Denys jusqu'en 1953, jusqu'a ce que, prenant I'institut avec eux, les Kovalevsky partent pour fonder l'« Eglise catholique orthodoxe de France » (ECOF), qui, depuis, a change de juridiction plusieurs fois. Voir a propos de l'« Eglise catholique orthodoxe de France » Questions posees par six theologiens orthodoxes (p. Cyril le Argenti , p. Boris Bobrinskoy, Olivier Clement, Michel Evdokimov, Nicolas Lossky, Jean Tchekan), Supplement au SOPn° 39 (juin 1979), document 39.A, 1-18 ; Michel Stavrou, « Vladimir Lossky et le temoignagede I'orthodoxie universelle », Contacts n° 238, avril-juin 2012, p. 205-231, notamment p. 217.

1 5 Voir Tim Noble and Katefina Bauerova, « Cesty od diaspory k mistnim cirkvim », in Cesty pravoslavne teologie ve 20. stoleti na Zapad, p. 254-257.

1 6 Archim. Grigorios Papathomas, « In the age of the Post-Ecclesiality (The emergence of post-ecclesiological modernity) », Kanon 19, 2006, p. 3-21.

1 7 La mission en Russie, contrairement a la mission de Cyrille et Methode, etait liee beaucoup plus au controle territorial. Ainsi depuis le xi e siecle, dans les territoires slaves appartenant au patriarcat de Constantinople, I'Empire byzantin affaibli utilisait une politique ecclesiale hellenisante, et s'assurait que seuls les Grecs soient autorises a occuper des postes eleves dans I'Eglise. Voir Robert Bideleux and Ian Jeffries, History of Eastern Europe: Crisis and Change, ed. Routledge, New York, 2007, p. 72-73.

1 8 Cette discrimination etait tellement forte que jusqu'a ce que les Byzantins decident d'accorder le statut de patriarcat a la Serbie

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i •! de renouveler le patriarcat en Bulgarie, les Bulgares comme les I lorbes envisagerent de s'unir a la papaute occidentale. Voir John Moyendorff, Byzantium and the Rise of Russia, CUP, Cambridge London-New York, 1981, p. 7. La Serbie regut le statut de

patriarcat en 1219, et le patriarcat bulgare fut renouvele en 1235. Comparer Popovich, Serbian Orthodox Church in History, p. 10-19; ApxuMaHf lpuT HecTop (Kp-bCTeB), « 'TbpHOBCxa naTpnapu ju f i " , i) HJIHH UoHeBCKM, OTT. PeaaKTop », 6"bnrapcKaTa naTpnapuunR npe3 BeKOBeTe. CnHOAa/iHO H3f laTe / icTB0, Sofia, 1980, p. 16-21 , ici p. 17-18 ; flaMHH CTOMHOB, "npef lCTORTe/iM-naTpviapcn," B MJIMO UoHeBCKM, OTT. peaaKTop, B tJ i rapcKaTa naTpnap iuna npe3 BeKOBeTe. CMHOfla/iHO l / l3AaTe / icTB0, Sofia, 1980, p. 83-85. Nous devons reconnaTtre que I'Eglise orthodoxe, aussi bien dans les pays traditionnellement orthodoxes qu'en Occident, n'ira jamais au-dela d'un certain discours ethnocentrique jusqu 'a ce que, comme le dit Pantelis KalaTtzidis, elle abandonne « toute illusion de retourner a une theocratie byzantine, ou a toute autre idee romantique et antimoderne de "societe chretienne", comme la "Sainte Russie", les monarchies balkaniques sacralisees, etc ». Je suis d'accord avec son analyse, qui met en lumiere non seulement le fait que la preference politique est en jeu, mais aussi le fait que cela touche, de fagon ultime, a la comprehension de I'Eglise, la theocratie et le neo-nationalisme etant, comme il le rappelle, des « formes seculieres d'eschatologie ». Pantelis Kalai'tzidis, Orthodoxy and Political Theology, WCC, Geneve, 2012, p. 136. Kalai'tzidis se refere ensuite a Nicolas Berdyaev, Realm of the Spirit and Realm of Cesar, ed. Victor Gollancz, Londres, 1952, p. 7 1 . Vladimir Lossky, The Mystical Theology of the Eastern Church. James Clark & co., Cambridge, 2005, p. 238-239. Voir Aristotle Papanikolaou, The Mystical as Political: Democracy and Non-Radical Orthodoxy, University of Notre Dame Press, Notre Dame, 2012, p. 197-198.

Le monastere russe d'Optino, ou I'hesychasme etait pratique depuis la fin du xvme siecle, devint aussi au xixe siecle un important centre de vie intellectuelle. Sa bibliotheque contenait des ecrits de saint PaTssy Velitchkovsky, habituellement ses propres premieres editions, des manuscrits des homelies de saint Isaac le Syrien, la bibliotheque personnelle de Macaire I'Ancien, des exemplaires des traductions en vieux slavon de saint Macaire le Grand, saint Jean Climaque, saints Barsanuphe et Jean, editees par saint PaTssy lui-meme, des homelies et des travaux catechetiques de saint Maxime le Confesseur, des textes de saint Theodore Studite traduits du grec

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moderne, des homelies de saint Gregoire Palamas et d'autres ecrits hesychastes. En 1845, un grand travail de traduction commenca la-bas, initie par Ivan Vassilievitch Kirei'evsky, un protagoniste du mouvement S lavoph i l e , qui se convertit a I'orthodoxie en meme temps que son pere spirituel Macaire, sous la protection du metropolite saint Philarete de Moscou. A la fin du xvm e siecle, I'histoire de I'Eglise des premiers temps fut reintegree dans la theologie comme alternative au neo-scolasticisme de Methode Smirnoff, un recteur de I'Academie de Kiev. Un demi-siecle plus tard, I'archeveque de Tchernigov, Philarete (Goumilevsky), avec son ancien professeur Korounsky, initierent un plan systematique de traduction du corpus patristique. Dans I'Academie de Moscou, les Peres Grecs du iv e au vn e siecle furent traduits et dans I'Academie de Saint-Petersbourg, les histoires de I'Eglise des premiers temps et les chroniques byzantines, les liturgies d'Orient et d'Occident, une grande partie des travaux de saint Jean Chrysostome et de saint Theodore Studite. L'Academie de Kiev traduisit les Peres latins, et I'Academie de Kazan les documents des Conciles cecumeniques, des conciles locaux de I'epoque patristique, les apocryphes, aussi bien qu'Origene, Hippolyte de Rome et Gregoire le Grand. Un journal, Pravoslavnoje obrozenje, continuait le travail avec les traductions des textes pre-niceens, et divers academiciens orientaux ajouterent leurs traductions de manuscrits armeniens, georgiens et ethiopiens. Philarete ecrivit la premiere patrologie {McTopmecKoe yneHMe 06 oruax LlepKBM, 1859) et vingt ans plus tard le metropolite Macaire Boulgakov ecrivait I'histoire de I'Eglise russe (yicropvm pyccxofi uepKBH, 1879). Leurs eleves publierent ensuite de petites monographies dediees aux Peres. Grace aux efforts poursuivis a differents niveaux en Russie a la fin du xix e siecle, de nouvelles possibilites provenant de sources anciennes apparurent, comprenant des questions telles que la maniere de suivre les Peres de I'Eglise en reponse aux problemes sociaux de leur temps. Voir CeprnPi HeTBepuKOB, OnTMHa l lycTHHb, YMCA Press, Paris, 1998, p. 50 ; P. Leonid Kavelin, Elder Macarius of Optina, St Herman of Alaska Brotherhood, Platina, 1995, p. 158-175 ;Aidan Nichols, Theology in the Russian Diaspora: Church, Fathers, Eucharist in Nikolai Afanas'ev (1893-1966). CUP, Cambridge - New York - Port Chester, 1989, p. 15.

La contribution de chacun de ces courants a ete analysee dans Ivana Noble, « Ruske pravoslavi vstupujici do moderni doby », in Cesty pravoslavne teologie ve20. stoleti na Zapad, p. 85-107 ; cela

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a ete traite plus en detail dans la presentation collective d'lvana Noble, Tim Noble, Parush Parushev et Katerina Bauerova, « Going forward to the Roots: The Problem of Pre-Eschatological Absolute Reference Points and their critique in Orthodox Ecclesiology in XXth Century (Russian) diaspora » au congres Where We Dwell in Common: Pathways for Dialogue in the 21s' Century a Assise le 20 avril 2012. Florovsky prit le concept meme de renaissance rel igieuse russe chez Nicolas Zernov (Voir Nicolas Zernov, The Russian Religious Renaissance of the Twentieth Century, ed. Harper&Row Publishers, New York, 1963), mais il lui donna une nouvelle signif ication negative. En particulier, le slavophi l isme et la sophiologie constituaient pour lui des exemples d'abandon de la tradition au nom de la modernite ; c'est pourquoi il parle de « pseudomorphose ». La philosophie religieuse russe representait pour lui une histoire d'erreurs, et ce point de vue fut largement accepte par d'autres representants de I'ecole neo-patristique, tels que le p. Alexandre Schmemann, ou, a un moindre degre, le p. Jean Meyendorff et Vladimir Lossky. Voir Florovsky, Ways of Russian Theology I, Nordland Pub. Co., Belmont, 1979, p. xvii-xviii; pour le recit du conflit entre p. Florovsky et la renaissance religieuse russe, voir Andrew Blane, Georges Florovsky: Russian Intellectual and Orthodox Churchman. St Vladimir's Seminary Press, Crestwood, 1993, p. 60-68; 110-111.

Voir par exemple John Behr, « Faithfulness and Creativity », dans John Behr-Andrew Louth-Dimitri Conomos (eds.), Abba: The Tradition of Orthodoxy in the West, St Vladimir's Seminary Press, Crestwood, 2003, p. 159-177. Aristote Papanikolaou,,« Tradition or Identity Politics : The Role of the 'West' in Contemporary Orthodox Theology », Theologia3-4 (2010), p. 18-25 ; Pantelis Kalaitzidis, « Between the 'Return to the Fathers' and the need for a Modern Orthodox Theology », St Vladimir's Theological Quarterly 54/1 (2010), p. 5-36 ; specialement ici p. 7-8 ; « Challenges of Renewal and Reformation Facing the Orthodox Church », Ecumenical Review 6M2 (2009), p. 136-164. Voir, par exemple, le programme des cours du seminaire Saint-Vladimir, ou le p. John Behr et Peter Bouteneff enseignent la theologie non pas comme une synthese abstraite, mais a travers la lecture contextuelle des Peres et a travers les developpement multiples de la theologie du xx e siecle et de la pensee religieuse ; ou le programme de I'Academie de Volos ou des penseurs orthodoxes occidentaux sont regulierement etudies ; ou la nouvelle

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et interessante serie de conferences sur la theologie orthodoxe moderne au Centre de Theologie orthodoxe orientale d'Amsterdam. Ce ne sont la que quelques exemples de changements plus profonds.

2 7 Parmi les exceptions, il y avait Vladimir Lossky ou les freres Kovalevsky. Olivier Clement raconte par ecrit la maniere dont Lossky I'avait initie a la pratique de la priere de Jesus, qui etait a I'epoque pratiquee aussi chez les catholiques, et dans le groupe il y avait aussi le p. Sophrony, qui fonda plus tard son monastere dans I'Essex. Voir Olivier Clement, L'autre soleil, ed. Desclee de Brouwer, Paris, 2010, p. 120, 135, 139-154.

2 ( 1 Nicolas Zernov, tout en critiquant les extremes de I'ideologie Slavophi le , comprend aussi toute la valeur initiale du mouvement; il di t : « Les Slavophi les etaient douloureusement conscients du fait que la majorite des gens de leur classe sociale etaient etrangers sur leur propre terre. Ces gens etaient convaincus que la Russie pouvait apporter a I'Europe autant qu'elle pouvait en recevoir, sous reserve qu'elle reconnaisse I'originalite et la valeur de leur culture orthodoxe ». Nicolas Zernov, Eastern Christendom: A Study of Development of the Eastern Orthodox Church. Weidenfeld and Nicolson, Londres, 1961, p. 185. Pour une critique du programme nationaliste et des abus du slavophilisme, voir Parush Parushev, « Romanticke vlivu na pocatku ruskeho slavjanofilskeho hnuti », in Ivana Noble, Jifi Hanus a kol., Kfest'anstvi a Romantismus. CDK, Prague, 2011, p. 64-83 ; Susanne Rabow-Edling, Slavophile Thought and the Politics of Cultural Nationalism, SUNY, New York, 2006.

2 9 Voir Alexis Stepanovich Khomiakov, « Onbir KarexmtwecKoro n3fio>KeHMP yneHMfi o LlepKBM. UepKOBb o f lHa », XOMRKOB, no/ iHoe coSpaHMe coni/memiM ///. 3annc«n o BceMi/ipHoti MCTOPMH. yHMBepcnTeTCKan Tunorpadpnn, Moscou, 1882.

3 0 Voir Ivan Vasilievich Kirejevsky, « O xapaicrepe npocBemeHna EBponbi M o ero OTHOiueHMM K npocBemeHwo POCCMH », [« O Heo6xo/inMOCTH H BO3MO>KHOCTH HOBbix Hanan Ann dpn/iocodpuM », in nonHoe CoSpaHne CoHi*iHem/M e AByx TOMax, nyTb, Moscou, 1861, p. 174-222 ; 223-264 ; en anglais : « On the Necessity and Possibility of New Principles in Philosophy », in Boris Jakim et Robert Bird (ed.), On Spiritual Unity: A Slavophile Reader, ed. Lindisfarne Books, Hudson, 1998, p. 233-273.

3 1 Voir Ivana Noble, « Politika, spolecnost a kultura v kontextu sakramentalni teologie Alexandra Schmemanna », Studia Historica Brunensia C 53 (2006), Masarykova Universita, Brno, 2007, p. 25-36.

L 'avenir de la « diaspora » orthodoxe 497

3 2 Voir Katerina Bauerova, « 'Vydat se az do krajnosti': svedectvi mucedniku », in Cesty pravoslvne teologie na Zapad ve 20. stoleti, p. 315-326.

3 3 Voir e.g. Sergej Bulgakov, Sophia, The Wisdom of God: An Outline of Sophiology, ed. The Paisley Press - Williams and Norgate, New York - London, 1937. Pour I'affaire contre Boulgakov, voir Blane, Georges Florovsky, p. 60-68 ; Katerina Bauerova, « Zkusenost a teologie ruskych emigrantu », in Cesty pravoslvne teologie na Zapad ve 20. stoleti, p. 284-393.

3 4 Voir par exemple Tomas Spidlik, « Sofiologie », in Tomas Spidlik -Marko I. Rupnik (ed.), Nove cesty pastoraini teologie: krasajako vDDhodisko. Refugium, Velehrad, 2008.

3 5 Antoine Arjakovsky, « Glorification of the Name and Grammar of Wisdom (Sergii Bulgakov and Jean-Marc Ferry) », in Encounter Between Eastern Orthodoxy and Radical Orthodoxy: Transfiguring the World Through the Word, Adrian Pabst - Christoph Schneider (ed.), ed. Ashgate, Farnham, 2009, p. 29-39 ; Stoyan Tanev, « Divine Sophia and Energeia in 14th and 20th Century Orthodox Theology », in Joost van Rossum-Goran Sekulovski (ed.), L'heritage du pere Jean Meyendorff, erudit et homme d'eglise (1926-1992), YMCA, Paris, a paraitre.

3 6 Voir Lossky, Mystical Theology, op. cit, p. 238. 3 7 Lossky, The Mystical Theology of the Eastern Church, , op. cit.,

p. 239. 3 8 J'ai traite le probleme de la victimisation comme une identite

permanente in Ivana Noble, Theological Interpretation of Culture in Post-Communist Context, Ashgate, Farnham -Burlington, 2010, p. 112-116.

3 9 Kalai'tzidis, Orthodoxy and Political Theology, p. 139. 4 0 Le metropolite Kallistos Ware dit que, alors que la theologie

orthodoxe du xx e siecle etait dominee par I'ecclesiologie, la theologie du xx i e siecle se doit de se concentrer sur I'anthropologie. La question « Qu'est ce que I'Eglise? » devrait se lier a une question plus fondamentale : « Qu'est ce que la personne humaine ? » : Kallistos Ware, Orthodox Theology in the 21 Century, WCC, Geneve, 2012, p. 25.