la stratigraphie horizontale des remparts antérieurs à la domination génoise dans le quartier du...

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189 La stratigraphie horizontale des remparts antérieurs à la domination génoise dans le quartier du Cioussu. Observations et réflexions pour un examen archéologique de la Vintimille médiévale * GIUSEPPE PALMERO * Dans laire urbaine que nous examinons ici - où sest perpétué le toponyme historique Cioussu 1 (Fig. 1) - on peut observer des éléments dintérêt notable : damples portions de remparts (qui par endroits sont crénelés) et dautres structures défensives, dotées de puissants murs et dune imposante porte fortifiée 2 protégée sur sa gauche par une tour semi-circulaire. Sous cette porte et en contrebas des parties de rempart citées plus haut, il y avait autrefois une rue 3 , qui apparaît sur un plan de la cité du XVIII e siècle, qui conduisait vers Via Piemonte sise au- dessus 4 . En parcourant Vico del Mulino, depuis la Piazza Costituente, pendant environ quarante mètres et à proximité dune bosse, on note distinctement, sur le côté droit, un mur crépit à la chaux (dune hauteur moyenne au-dessus du sol dun mètre et dune épaisseur de 0,40 m) qui fait partie de la ceinture défensive construite au XVI e siècle. Ce mur, qui est distant denviron 70 m à vol doiseau de la rive droite de la Roya (le long de laquelle court, en parallèle, la route nationale qui conduit en France), se distingue à lextérieur, au-dessus dun terrain quil domine de 7 m 5 . Entre la route nationale et ledit mur, on note un vallonnement du terrain, denviron 4 à 5 m en dessous du niveau de la route ; cette fosse, large dune cinquantaine de mètres et longue de plus dune centaine, jouxte et délimite lenceinte défensive décrite ci-avant. On peut penser sérieusement que dans une telle zone qui aujourdhui est en grande partie enterrée il a existé réellement une dépression naturelle, et que les eaux de * La relation que je présente ici reprend et met à jour une partie de mon étude déjà publiée (cf G. PALMERO, Ventimiglia medievale. Topografia e insediamento urbano, Genova 1994, p. 122-132 et passim). Pour toutes les images, la planimètrie et les fiches techniques relatives au sujet présenté et que je ne puis insérer dans ce texte, je renvoie à mon ouvrage (en particulier aux illustrations 10 à 32). * Docteur en histoire médiévale de lUniversité de Nice, Université de Sienne. 1 Le mot Cioussu appartient au dialecte local et désigne un terrain enclos dans les remparts de la cité. Ce toponyme est encore en vigueur aujourdhui ; il délimite une aire sise au nord-est du bourg médiéval. Le périmètre de la zone, décrit au sens large, a comme limites : à louest, la rangée des maisons dont les façades donnent sur la rue Piemonte, au nord la Scala Santa et les murs du XVIe siècle, à lest le parcours final du Vico del Mulino et au sud un mur encore visible aujourdhui, qui descend depuis le milieu de cette ruelle jusquà la Rocchetta. Le Cioussou est actuellement lunique poumon vert du centre historique ; le sol est aménagé en terrasses et il est utilisé comme jardin potager, quelquefois pour la culture des fleurs. 2 Une telle porte, appelée aujourdhui porte du Cioussu, pourrait selon certains être identifiée avec la porta Paramuri, qui est souvent mentionnée dans les actes notariés du XIIIe siècle (cf. O. ALLAVENA, Le mura e i quartieri di Ventimiglia medievale, in "Riv.Ing.Int.", n.s., anno II (1947), n. 3-4, p. 36 et cf. AA. VV., I Castelli della Liguria, Genova 1973, Vol. I, p. 141. Mais il pourrait aussi sagir de la porta de Lacu : "... sotto le mura, tra San Michele e il ponte sulla Roia". Cfr. L. BALLETTO, Toponimi medievali del territorio di Ventimiglia,in "Rivista Ingauna Intemelia", XXXI (1976), p. 69, nota 13. 3 La rue en question nest plus utilisable, sinon pour un bref trajet initial jusquà la porte fortifiée. De plus, tout à son début elle est fermée par un portail privé, bien que le terrain en cause fasse partie du domaine communal. Par ailleurs ce terrain est devenu de nos jours une vraie décharge. 4 Cf. G. PALMERO, Ventimiglia medievale, cit., ill. 12. 5 Un tel terrain est au niveau des flots du fleuve Roya. Pour une vision densemble, se reporter aux plans de mon ouvrage, p. 52-53.

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La stratigraphie horizontale des remparts antérieurs à la domination génoise dans le quartier du Cioussu. Observations et réflexions pour un examen archéologique de la Vintimille médiévale* GIUSEPPE PALMERO*

Dans l�’aire urbaine que nous examinons ici - où s�’est perpétué le toponyme historique Cioussu1 (Fig. 1) - on peut observer des éléments d�’intérêt notable : d�’amples portions de remparts (qui par endroits sont crénelés) et d�’autres structures défensives, dotées de puissants murs et d�’une imposante porte fortifiée2 protégée sur sa gauche par une tour semi-circulaire. Sous cette porte et en contrebas des parties de rempart citées plus haut, il y avait autrefois une rue3, qui apparaît sur un plan de la cité du XVIIIe siècle, qui conduisait vers Via Piemonte sise au- dessus4.

En parcourant Vico del Mulino, depuis la Piazza Costituente, pendant environ

quarante mètres et à proximité d�’une bosse, on note distinctement, sur le côté droit, un mur crépit à la chaux (d�’une hauteur moyenne au-dessus du sol d�’un mètre et d�’une épaisseur de 0,40 m) qui fait partie de la ceinture défensive construite au XVIe siècle. Ce mur, qui est distant d�’environ 70 m à vol d�’oiseau de la rive droite de la Roya (le long de laquelle court, en parallèle, la route nationale qui conduit en France), se distingue à l�’extérieur, au-dessus d�’un terrain qu�’il domine de 7 m5.

Entre la route nationale et ledit mur, on note un vallonnement du terrain,

d�’environ 4 à 5 m en dessous du niveau de la route ; cette fosse, large d�’une cinquantaine de mètres et longue de plus d�’une centaine, jouxte et délimite l�’enceinte défensive décrite ci-avant. On peut penser sérieusement que dans une telle zone �– qui aujourd�’hui est en grande partie enterrée �– il a existé réellement une dépression naturelle, et que les eaux de

* La relation que je présente ici reprend et met à jour une partie de mon étude déjà publiée (cf G. PALMERO, Ventimiglia medievale. Topografia e insediamento urbano, Genova 1994, p. 122-132 et passim). Pour toutes les images, la planimètrie et les fiches techniques relatives au sujet présenté et que je ne puis insérer dans ce texte, je renvoie à mon ouvrage (en particulier aux illustrations 10 à 32). * Docteur en histoire médiévale de l�’Université de Nice, Université de Sienne. 1 Le mot Cioussu appartient au dialecte local et désigne un terrain enclos dans les remparts de la cité. Ce toponyme est encore en vigueur aujourd�’hui ; il délimite une aire sise au nord-est du bourg médiéval. Le périmètre de la zone, décrit au sens large, a comme limites : à l�’ouest, la rangée des maisons dont les façades donnent sur la rue Piemonte, au nord la Scala Santa et les murs du XVIe siècle, à l�’est le parcours final du Vico del Mulino et au sud un mur encore visible aujourd�’hui, qui descend depuis le milieu de cette ruelle jusqu�’à la Rocchetta. Le Cioussou est actuellement l�’unique poumon vert du centre historique ; le sol est aménagé en terrasses et il est utilisé comme jardin potager, quelquefois pour la culture des fleurs. 2 Une telle porte, appelée aujourd�’hui porte du Cioussu, pourrait selon certains être identifiée avec la porta Paramuri, qui est souvent mentionnée dans les actes notariés du XIIIe siècle (cf. O. ALLAVENA, Le mura e i quartieri di Ventimiglia medievale, in "Riv.Ing.Int.", n.s., anno II (1947), n. 3-4, p. 36 et cf. AA. VV., I Castelli della Liguria, Genova 1973, Vol. I, p. 141. Mais il pourrait aussi s�’agir de la porta de Lacu : "... sotto le mura, tra San Michele e il ponte sulla Roia". Cfr. L. BALLETTO, Toponimi medievali del territorio di Ventimiglia,in "Rivista Ingauna Intemelia", XXXI (1976), p. 69, nota 13. 3 La rue en question n�’est plus utilisable, sinon pour un bref trajet initial jusqu�’à la porte fortifiée. De plus, tout à son début elle est fermée par un portail privé, bien que le terrain en cause fasse partie du domaine communal. Par ailleurs ce terrain est devenu de nos jours une vraie décharge. 4 Cf. G. PALMERO, Ventimiglia medievale, cit., ill. 12. 5 Un tel terrain est au niveau des flots du fleuve Roya. Pour une vision d�’ensemble, se reporter aux plans de mon ouvrage, p. 52-53.

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la Roya l�’ont recouverte totalement, au point d�’en démonter les murs6. Dans cette aire dans les environs immédiats est situé le �“Lago�” (c�’est un méandre du fleuve sur la rive droite), appelé ainsi dans la tradition locale jusqu�’à la fin du XIXe siècle. Le toponyme Lago fut par la suite utilisé également pour désigner le quartier qui s�’étendait sur cette anse de la ruelle du Vico del Mulino7.

Dix mètres plus loin, dans Vico del Mulino, après une courte descente, le sentier

parvient à un niveau inférieur de 2,50 m en dessous du précédent, et, alors que sur la droite l�’enceinte du XVe siècle est toujours présente, sur la gauche commence à se dessiner une autre structure de maçonnée8. Après vingt autres mètres �– et parallèlement à la construction du XVIe siècle �– cette structure maçonnée assume un aspect typologique beaucoup plus homogène, tant par les matériaux employés que par les techniques de construction, et également par la crénelure qu�’il présente à son sommet et qui le garnit jusqu�’à son extrémité.

Cette structure appartient à un système défensif complexe qui n�’est pas évident à

dater, mais qui est clairement antérieur de plusieurs siècles à l�’enceinte du XVe siècle. Elle continue jusqu�’à la fin du Vico del Mulino9, pendant environ vingt-cinq mètres ; puis, se détournant vers l�’est, le mur se prolonge sur près d�’une vingtaine de mètres avant de s�’intégrer dans une autre structure du mur, datant sans aucun doute d�’une époque postérieure.

Le mur, qui s�’étend sur la partie terminale du Vico del Mulino, est d�’environ 3,50 m de hauteur au-dessus du sol. Il a une épaisseur moyenne de 0,80 m (plus à la base, moins en partie haute). L�’ouvrage est construit pour l�’essentiel avec des cailloux du fleuve, de petites et moyennes dimensions, presque entièrement recouverts d�’une abondante couche de chaux blanche tirant sur le gris. Les cailloux, disposés en rangées plutôt

6 Outre les divers témoignages déjà énoncés, sur le fait que les eaux de la Roya ont léché pendant longtemps les murs de la cité à l�’est (cf. Ibidem, en particulier p. 27-28, 56 et note 61), on peut se reporter à un rapport sur l�’état de la cité, établi par deux commissaires génois en 1564: �“"... avendo visto il disviamento del fiume, qual prima correva presso le muraglie della città e adesso essersi disviato ... ordinando ancora ... che nel volgere de l'aqua del fiume al suo letto antiquo, presso la muraglia ... poiché concerne la fortezza della città ...". Cfr. G. ROSSI, Storia della città cit., pp. 200-201 (trad. « ayant vu le détournement du fleuve, qui auparavant courait près du rempart de la cité et qui est aujourd�’hui dévié ... nous ordonnons en outre ... que l�’eau du fleuve revienne vers son lit ancien, près du rempart ... parce qu�’il concerne la sécurité de la cité » ). 7 Cf. G. PALMERO, Ventimiglia medievale, cit., p. 18-19 et plus généralement, sur la zone du Lago p. 27-29, 55-56, 89-90. 8 Le mur en question, long d�’une vingtaine de mètres, présente de nombreuses réfections et interventions qui en rendent la lecture assez complexe. Il pourrait en réalité être relié à la structure de mur crénelé qui débute juste après, étant donné qu�’il a quelques caractéristiques en commun avec celui-ci (galets du fleuve de diverses dimensions, certains étant fendus ; en quelques points la chaux utilisée comme liant ou pour le crépissage semble la même ; de plus, on note des trous dans la maçonnerie, pour l�’emplacement de l�’échafaudage, qui ressemblent à ceux pratiqués plus avant, même s�’ils sont plus irréguliers et sans ordre précis ; mais les éléments dont nous disposons paraissent insuffisants pour nous permettre d�’affirmer que les deux structures en cause sont contemporaines. Ceci ne pourra être établi qu�’après une intervention archéologique, qui fouillerait l�’abondante couche de remblai pour pouvoir analyser les fondations. 9 A cet endroit, où se termine Vico del Mulino et débute une longue et rapide montée (appelée Scala Santa), on voit une sorte de bastion qui s�’intègre dans la maçonnerie dont nous traitons ici et qui était située sous la même ruelle. Le bastion, tant par les matériaux utilisés (à l�’exception de quelques pierres de réemploi, dans la partie basse, provenant probablement de parties détruites du mur crénelé), que par la qualité du liant et par la technique employée, semble devoir être rapproché, typologiquement, du mur du XVIe siècle. Les dimensions des briques sont de 20 à 25 cm de long, de 12 à 15 cm de large, et de 3 à 4 cm de haut.

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irrégulières, apparaissent presque toujours avec leur partie arrondie vers l�’extérieur, et ils sont mêlés à des fragments de briques ; et là où le crépi est moins dense, on entrevoit aussi quelques petits blocs de pudding grossièrement dégrossis. Sur toute la superficie de la construction, à intervalles réguliers, on relève divers trous quadrangulaires (dont la base est d�’environ 0,10 m et la hauteur de 0,15 m), qui sont obtenus en disposant des dalles, ou des pierres de grès, avec le côté le plus plat vers l�’intérieur. Ces trous, selon toute probabilité, devaient servir de logement pour les poutres qui soutenaient les planches de l�’échafaudage.

Sur le sommet du mur, la crénelure est bien visible (Fig. 2). Entre deux créneaux, l�’espace est de 1,20 m ; ils présentent un volume de forme parallélépipédique ; leur hauteur varie d�’un minimum de 0,90 m à un maximum de 1,05 m ; leur largeur moyenne est de 0,45 m et leur profondeur moyenne de 0,40 m ; ils sont construits avec de petites pierres mêlées à des éclats de brique et sont recouverts presque entièrement d�’une couche de chaux.

Dans l�’espace qui court entre deux créneaux, à une époque plus récente, le

rempart a été rehaussé en moyenne de 0,60 m, sur une épaisseur de 0,35 m, en utilisant les mêmes pierres, et aussi des morceaux de grès éclatés et liés au moyen d�’une chaux qui, à première vue, semble identique à celle employée dans le mur d�’origine.

A l�’endroit où le rempart crénelé tourne vers l�’ouest et en direction de la porte du

Cioussu - et nous observons alors un plus grand soin dans le choix des pierres de grès, qui apparaissent de taille moyenne �– on note les mêmes caractéristiques de construction que celles qui ont été observées dans les deux portions de mur analysées précédemment. C�’est dans le remplissage de la partie haute qu�’on peut par contre relever l�’unique différence, qui est considérable. Ce remplissage �– si nous pouvons l�’appeler ainsi �– se présente divisé en deux strates : le premier, haut de 0,60 m, est tout à fait semblable à celui décrit plus haut, tandis que le second s�’appuie sur une base de petites briques doubles10, disposées presque toujours avec leur partie la plus étroite tournée vers l�’extérieur et passant d�’une face du mur à l�’autre. L�’utilité de cette double rangée de briquettes consistait à niveler les assises11, afin que celles-ci, planes, puissent servir de base d�’appui pour le rehaussement d�’un nouveau mur, qui dans ce cas est d�’une hauteur d�’environ un mètre (et la partie crénelée est ici entièrement noyée dans l�’ensemble). Les deux remplissages, qui à eux deux présentent une hauteur de 1,60 m, semblent contemporains, étant donné qu�’ils ont été construits selon la même technique et à partir des mêmes matériaux. Le rempart crénelé, tel qu�’il a été décrit un peu plus haut, continue, après le virage, sur 18 autres mètres.

10 Les dimensions des briques sont de 20 à 25 cm de long, de 12 à 15 cm de large, et de 3 à 4 cm de haut. 11 Cette technique décrite ici rappelle celle, beaucoup précise (utilisée dans la région à l�’époque romaine) dans laquelle on disposait toutes les 4 à 5, ou plus, couches un lit de briques de deux rangées (cf. F. PALLARES, "Le tecniche murarie di Albintimilium", Revue d'études Ligures, LIIe année (1986), N. 1-4, p. 34-35.

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Quelques mètres après le virage, dans la partie finale �– crépie de chaux en abondance �– la crénelure disparaît, mais on retrouve le rehaussement du mur décrit précédemment. A cet endroit, à proximité d�’une passerelle (dont la construction ne remonte qu�’à quelques décennies), le mur cesse et, après un intervalle d�’à peine plus d�’un mètre, reprend jusqu�’au moment où il disparaît dans une autre structure du mur, présentant des caractéristiques très différentes.

Là où le mur cesse, nous voyons sur la gauche un portail de facture moderne qui

barre l�’accès à une propriété privée. Passé le portail, et progressant toujours sur la gauche, on observe que le terrain est complètement enclos d�’un mur crénelé. L�’enceinte se trouve constituée d�’une structure crénelée (à l�’est) qui apparaît sur le trajet final du Vico del Mulino (décrite plus haut), et qui montre, en cet endroit précis, sa face interne. En face, et parallèlement, à une distance de près de 7 m, repart un mur qui sort de terre sur une hauteur moyenne de 2 m, doté lui aussi de créneaux. De par sa consistance et sa technique de construction, ce mur est tout à fait semblable à celui qui lui fait face12 ; l�’unique différence consiste dans le fait que l�’on ne remarque aucun remplissage dans l�’intervalle entre chaque créneau.

Au fond de ce terrain, clôturant le périmètre fortifié en direction de la mer, il y a

un autre mur recouvert de végétation ; cependant si ce mur, pour autant qu�’il est possible de voir, se trouve être abondamment couvert d�’un crépi de chaux, celle-ci est d�’une teneur différente de celles décrites jusqu�’ici13.

Le terrain, de forme quasi rectangulaire, mesure environ 25 m de long14 sur 8 m de large ; par rapport à Vico del Mulino il a été surélevé, en moyenne de 2,50 m. L�’ensemble défensif ainsi décrit, qui comprend donc une double rangée de remparts crénelés et s�’étend sur deux niveaux en terrasse - dont il faut remarquer qu�’il est unique de ce type sur le territoire du comté de Vintimille et dans les zones limitrophes - nous offre un exemple de fortification antérieure à la domination génoise (1251).

Il convient d�’ajouter, pour compléter la description d�’un tel ensemble que, là où on peut voir aujourd�’hui les murs du XVIe siècle ainsi que le comblement qui s�’en est suivi du Vico del Mulino, coulaient auparavant les eaux du fleuve Roya, qui rendaient ainsi une telle position difficile à emporter pour d�’éventuels assaillants.

Un autre exemple de fortification antérieure à la domination génoise, et qui est sans doute postérieure à celle qui vient d�’être décrite, est le complexe défensif que nous allons maintenant présenter (Fig. 3). Celui-ci a été construit à angle droit et est formé d�’un

12 Dans l�’évaluation d�’ensemble, les deux constructions présentent des caractéristiques semblables, mais il faut préciser que, sur quelques parties, on note une plus grande sélection dans le choix des moellons (en particulier celui-ci, qui nous retrouvons aussi dans la partie finale du mur en dessous). 13 Comme il s�’agit d�’une propriété privée, il n�’a pas été possible, même partiellement, de déplacer la végétation touffue et les buissons qui recouvrent le mur aux fins d�’en analyser plus attentivement la structure. On peut cependant ajouter que celui-ci commence perpendiculairement à Vico del Mulino et se termine, en montant de l�’autre côté de la colline, aux environs de la Rocchetta (cf. G. PALMERO, Ventimiglia medievale, cit., p. 53, planimétrie III, points B e M). 14 Le terrain est plus large dans la partie nord, à proximité du portail d�’accès.

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bâti de large épaisseur, sur le sommet duquel, et perpendiculairement, se dresse une porte voûtée, surmontée et flanquée d�’une structure du mur qui présente, à l�’intérieur, une tour semi-circulaire qui saille vers l�’extérieur et protège la porte. Nous allons en faire maintenant une description détaillée et ordonnée.

A huit mètres environ du portail mentionné plus haut, qui donne accès au terrain fortifié, à l�’endroit où finit le mur crénelé et dans son alignement, nous pouvons observer un puissant ouvrage de maçonnerie qui sort de terre d�’environ 8 m, sur une longueur de 11 m. La base de cette construction, jusqu�’à une hauteur de 3 m, présente de gros blocs de pudding rectangulaires, grossièrement taillés ; au-dessus d�’eux la structure se prolonge en moellons de grès, travaillés à partir de blocs gros et moyens, et disposés �– avec leur partie plane visible �– en rangées à peu près régulières15. Le liant utilisé est encore la chaux, mais selon une technique totalement différente de celle examinée plus haut, où le crépi prévalait. Dans ce cas, les moellons sont nettement en relief et la couche de chaux entre deux moellons est d�’environ 1 cm.

Au bout de cette construction, et à angle droit, se profile la porte du Cioussu (Fig.

4 à 6). Elle présente des dimensions notables et des caractéristiques très particulières par rapport aux autres portes de la cité. La largeur interne de la porte est de 2,20 m, la hauteur depuis le niveau du seuil jusqu�’à la voûte est d�’environ 6 m16 et la profondeur de 0,60 m. La construction située sur la droite, qui va rejoindre celle qui est perpendiculaire, est longue de 0,90 m et haute d�’environ 8 m. Celle-ci est réalisée, à la base et sur tout le périmètre (la corniche de la porte, y compris l�’arche) au moyen de gros blocs de poudingue bien taillés d�’une forme rectangulaire, dont les dimensions varient d�’une longueur de 0,40 m à 0,80 m, d�’une épaisseur moyenne de 0,40 m et d�’une hauteur de 0,20 à 0,25 m; les autres sont carrées, de 0,40 m de côté. En dehors du poudingue on peut distinguer clairement des moellons de grès taillés en cubes, dont les dimensions varient pour la longueur de 0,15 à 0,30 m et la hauteur moyenne de 0,15 m. La technique d�’utilisation du liant est identique à celle décrite plus haut.

Le niveau du seuil de la porte, ou mieux, sa base, est surélevé par rapport à

l�’actuel niveau du remblai, qui atteint près d�’un mètre. Ce qui est visible en-dessous du seuil devrait pourtant faire partie des fondations, mais après une analyse attentive de la construction du mur, on note que celle-ci correspond intégralement aux parties basses. Si l�’on considère en outre l�’état d�’abandon de cette zone, qui dure depuis plus d�’un siècle, on comprend comment la masse de terre déposée ainsi que les détritus divers ont fait monter notablement le niveau du sol. On peut donc affirmer que le niveau d�’origine du terrain par rapport au seuil de la porte a été sans aucun doute plus bas que celui que nous pouvons observer maintenant. Aujourd�’hui, en fonction des éléments en notre possession, toute hypothèse qui tendrait à mesurer le changement de niveau serait due à un pur hasard,

15 La partie constituée de moellons de grès présente une forte similitude, tant par les matériaux que par la technique, avec les modes de construction utilisés lors de la réédification de la Cathédrale au XIe siècle. 16 Les mesures ont été prises avec grande difficulté, à cause de petits buissons et d�’autres encombrements qui se trouvent dans cette zone ; on ne peut pas toujours accéder aux nombreuses propriétés privées qui sont dans cette zone.

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dans la mesure où le territoire alentour a subi, depuis le Moyen Age jusqu�’à nos jours, des transformations très importantes. Rappelons que, jusqu�’en 1221, les eaux de la Roya coulaient en contrebas des remparts et que l�’actuel Vico del Mulino est le résultat d�’un remblaiement ultérieur, et aussi que, comme toute la zone alentour a été aménagée en terrasses soutenues par des murs en pierres sèches, l�’état d�’origine du territoire a été entièrement modifié. L�’ensemble de ces facteurs et d�’autres encore ne nous permettent pas de définir concrètement la conformation de ce site. L�’unique fait certain se retrouve en rapprochant les courbes hypsométriques aux points de référence que nous avons relevées sur la planimétrie communale : le niveau du seuil de la porte du Cioussu devrait se trouver à 9 m d�’altitude par rapport à l�’écoulement du fleuve Roya.

Selon toutes probabilités, il y avait, en face de cette structure, un fossé17 et à

proximité de celui-ci �– nous ne pouvons évaluer la distance - il y avait le fleuve (ou mieux, cette partie du fleuve qui était alors appelé le �“lago�”). Il est aisé d�’imaginer que la porte du Cioussu a été munie d�’un pont-levis ou de quelque structure similaire18 susceptible de favoriser le passage.

Avant de passer à la description de la maçonnerie qui se trouve à gauche de la porte du Cioussu sur environ 25 m, il faut encore ajouter que la porte est traversée vers l�’intérieur, sur le côté droit, par un mur construit plus tard19, et encore, sur l�’autre côté de celle-ci - à droite et en haut - on peut situer facilement le départ d�’une arche réalisée en moellons de poudingue soigneusement équarris. A gauche de la porte, l�’ouvrage du bâti apparaît, tant par sa substance que par sa consistance, conforme au reste du complexe défensif. Le matériel employé est le même, mais on note une différence dans le travail du poudingue : alors qu�’il était d�’abord débité en gros blocs, nous le trouvons maintenant, dans la partie basse de la construction, en dalles discrètement équarries. L�’épaisseur de la structure du mur, en partie haute, est en moyenne d�’un mètre. Dans la partie terminale de la construction (les derniers cinq mètres ) et à proximité de la Scala Santa, on observe dans la structure une technique de construction et un travail des matériaux différents, comme si la portion précédente, réalisée en rangées régulières, allait se fondre dans un mur déjà existant, de facture beaucoup plus grossière, ou encore comme si cette dernière partie avait été reconstruite à la suite pour en prolonger le tracé initial, en utilisant cette fois une main-d�’�œuvre moins experte.

17 L�’existence d�’un fossé à Vintimille est prouvée par une citation, à propos de la chute de cette cité assaillie par les Génois en 1222 : "...con un atto stipulato presso il fossato di Ventimiglia, perché i genovesi non erano riusciti a mettere piede nella città...". cf. N. CALVINI, Relazioni medioevali tra Genova e la Liguria Occidentale (secoli X - XIII) Bordighera 1950, p. 62. Nous ne pouvons certes affirmer que le fossé cité est le même que celui qui est présenté comme hypothèse dans ce texte, mais ceci atteste sans aucun doute, même pour notre territoire, l�’utilisation de fossés pour l�’équipement des structures défensives. Je voudrais de plus rappeler un acte notarié de 1258 dans lequel est mentionné un fossé situé dans l�’aire en question : prope ecclesiam Sancti Michaelis ... inferius via et fossatus (cf. G. PALMERO, Ventimiglia medievale, cit., p. 88.) 18 Dans une première analyse, les structures latérales de la porte ne présentent aucun reste de gonds ni de leurs traces d�’occupation dans la construction, ce qui permettrait de poser l�’hypothèse de l�’existence d�’un pont-levis. 19 Une évaluation sommaire pourrait nous amener à retenir que le mur faisait partie de la structure défensive décrite ici, mais il est certain qu�’il a été construit à une époque ultérieure. Une telle déduction provient essentiellement du fait que ce mur sépare en deux la lumière interne de la porte ; de plus, la technique de construction employée diffère nettement de celle déjà examinée. Selon toute probabilité, ce mur a été édifié en vue de servir de limite entre deux propriétés voisines, au cours des siècles suivants.

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A environ 10 m de la porte et à l�’intérieur du rempart susdit, une tour semi-circulaire est bien visible. Elle est elle aussi construite en rangées discrètement régulières et au moyen de moellons de grès, les uns taillés et les autres seulement dégrossis ; il faut relever entre ceux-ci la présence de quelques petits blocs de poudingue. Le liant utilisé est encore la chaux, sur une épaisseur d�’environ 1 cm entre les deux éléments. Grâce au fait qu�’il manque quelques pierres dans la structure du mur, il est possible d�’en observer l�’intérieur. Celui-ci est réalisé par un remplissage en mortier de chaux. En analysant ensuite la structure du sommet, nous pouvons nous rendre compte que la tour, comme par ailleurs toute la maçonnerie à laquelle elle est reliée, a l�’aspect d�’un sommet : on parvient cependant à la conclusion que la hauteur actuelle ne correspond pas à celle d�’origine. La tour semi-circulaire a un diamètre interne de 2,50 m et la construction présente une épaisseur moyenne de 0,60 m. En poursuivant l�’analyse du terrain surplombant la porte du Cioussu �– le long du sentier qui conduisait dans la Via Piemonte et à environ vingt mètres de cette dernière �– on a pu observer une portion de mur longue d�’un peu plus de 6 m20, qui présente des caractéristiques identiques au rempart crénelé situé dans Vico del Mulino. Cette découverte laisse clairement entendre que le développement du complexe défensif crénelé n�’était pas circonscrit au parcours final du Vico del Mulino mais allait bien au-delà, et rejoignait probablement la carriera Sancti Michaelis (aujourd�’hui Via Piemonte).

En conclusion de cette intervention, nous pouvons donc tenter de définir synthétiquement les deux méthodes de construction que nous avons rencontrées. La première, relative au complexe défensif marqué par une crénelure, présente les paramètres suivants : galets du fleuve de tailles petite et moyenne, dont certains sont cassés et disposés avec leur partie arrondie vers l�’extérieur ; menus fragments de briques et de petits blocs de poudingue à peine dégrossis. La construction est constituée de rangées assez irrégulières et elle est liée à la chaux ; en certains endroits on note un épais crépi avec une couverture presque complète ; dans les autres parties, le liant utilisé dans les jointures est très abondant. Sur toute la superficie des murs, on note des trous pratiqués avec une discrète précision et à des intervalles à peu près réguliers, préparés pour soutenir l�’échafaudage. Enfin, les merlons se trouvent disposés eux aussi avec régularité et construits avec de petits galets et du tout-venant, liés par de la chaux en abondance. Ces paramètres - et en particulier l�’utilisation abondante de la chaux et la grossièreté dans le travail des matériaux - pourraient se rapporter à l�’époque médiévale ; mais une telle hypothèse, même si on peut la présenter, n�’est pas soutenue par des éléments suffisants. La seconde typologie par contre, rencontrée dans le complexe défensif de la porte du Cioussu, présente des caractéristiques de construction notablement différentes par rapport à la précédente (avec une unique exception : la chaux

20 La portion de mur localisée ici délimite la petite rue sur la droite (aujourd�’hui profondément enterrée), sur laquelle il apparaît, du côté extérieur, sur une hauteur de 2 m. La construction décrite ici prend fin à quelques mètres en avant, en s�’intégrant dans les murs du périmètre d�’une citerne (recouverte récemment au mortier de ciment). La construction crénelée, comme nous l�’avions déjà dit, présente la même technique de construction et le même choix de matériaux que la haute construction crénelée déjà analysée et de plus ce choix apparaît tout semblable à celui du remplissage qui est entre les créneaux, alors que la partie haute du remplissage, de 5 cm de haut, sur laquelle ont été plantés des éclats de verre, paraît plus moderne.

GIUSEPPE PALMERO

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employée apparaît identique). Les paramètres définis sont les suivants : dans la partie basse de la construction l�’emploi de gros blocs ou de dalles de poudingue, alors qu�’au-dessus on a utilisé des moellons obtenus par une taille discrètement régulière de galets de grès, moyens et grands, qui sont disposés en rangées parallèles et avec leur face plate vers l�’extérieur. Le liant utilisé est la chaux, qui présente dans les joints une épaisseur (vers l�’intérieur) de 1 cm. Enfin, je rappellerai le remplissage interne en mortier de chaux.

Ainsi que nous l�’avons dit par ailleurs, nous pouvons relever de notables affinités

en comparant les paramètres relatifs à la phase de reconstruction de la cathédrale (au XIe siècle) avec ceux que nous venons de décrire (exception faite pour la base, réalisée en poudingue). Ceci peut nous amener à émettre l�’hypothèse que les deux ouvrages pouvaient avoir été réalisés à la même époque ou qu�’il ne s�’est écoulé qu�’un bref laps de temps entre les deux constructions. Toutefois, nous ne pouvons sous-évaluer que l�’équation entre technique et matériel d�’une part et la datation des structures de l�’autre n�’est pas encore valide ; à plus grande raison lorsque les constructions comparées - comme c�’est le cas ici - appartiennent à des règles et à des fonctions sociales différentes.

Les hypothèses que j�’ai formulées ici - pour lesquelles comme on peut le voir les

éléments imprécis ne manquent pas - ne peuvent être définitivement retenues ou annulées que suite à une intervention archéologique menée dans toute l�’aire du Ciossou, dans le but de définir une stratigraphie verticale précise de la zone entière, ainsi qu�’au recueil et à la classification de la céramique qui, nous le savons bien, continue à avoir, pour l�’archéologue médiéval, un rôle des plus importants et direct pour la datation21.

Fig. 1 : Vue aérienne de Vintimille avec localisation de l�’aire urbaine du Cioussu (© Google Earth)

21 T. MANNONI, �“L'analisi delle tecniche murarie medievali in Liguria�”, in Atti del colloquio internazionale di archeologia medievale, Palermo 1976, p. 297.

LA STRATIGRAPHIE HORIZONTALE DES REMPARTS DU CIOUSSU (VINTIMILLE)

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Fig. 2 : Vico del Mulino : rempart crénelé (détail) (cl. G. Palmero)

Fig. 3 : Porte du Cioussu protégée sur sa gauche par une tour semi-circulaire (cl. G. Palmero)

GIUSEPPE PALMERO

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Fig. 4 : Porte du Cioussu, vue rapprochée (cl. G. Palmero)

Fig. 5 : Porte du Cioussu, détail (cl. G. Palmero)

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.) Avant-propos (Mise en bouche)

« L’archéologie, pensons-nous spontanément, consiste à retrouver ce qui s’est effacé de l’histoire, à reconstituer les civilisations disparues, à dévoiler les trésors d’un passé enfoui. Mais ce n’est pas

cela, l’archéologie. Elle met au jour des vestiges de ce qui a vécu. Le vestige est une archive, un document de mémoire bien plus que d’histoire.

Les objets que l’archéologie « remonte » à la surface ne découvrent pas un passé disparu, mais l’énigme de leur existence, car il nous faut reconstituer leur signification la plupart du temps

perdue. […] Abordant le passé à partir des résidus ou des déchets de l’histoire, l’archéologue est un « chiffonnier du passé ». Il recueille le souvenir des temps anciens, que l’histoire a enfoui ou

recouvert, mais qu’elle n’a pas effacé. […] L’archéologie est une science des mémoires sans cesse recomposées, une discipline de l’étude des filiations. Elle devient la science humaine qui explore le

« sombre abîme du temps » dans lequel le passé est englouti. »

Laurent Olivier, Le sombre abîme du temps. Mémoire et archéologie.

Ed. Seuil, Paris, 2008

Le comté de Vintimille et le site de Sainte-Agnès sont tous deux tombés dans le « sombre abîme du temps » il y a quelques siècles. Leur mémoire ne s’est perpétuée qu’avec les hommes du passé qui nous ont transmis ce dont ils se souvenaient. Le colloque qui s’est déroulé en novembre 2006 avait pour objet de poursuivre cette transmission, avant que nous-mêmes soyons devenus des hommes du passé. Ce qu’il reste du comté de Vintimille et de Sainte-Agnès ce sont des souvenirs à bords troubles et aphones, des écrits retrouvés à déchiffrer, des maçonneries entremêlées à déconstruire, des sédiments bigarrés à fouiller et des espaces silencieux dans lesquels nous vivons. Ces deux entités politiques vivent encore parmi nous. Nous les côtoyons tous les jours. Elles ne sont pas seulement dans les archives et sous nos pieds, elles sont aussi devant nos yeux. Chaque nouvelle construction de route, d’immeuble, de jardin hérite et prend en compte, sans que nous en ayons le plus souvent conscience, ce que le comté de Vintimille et Sainte-Agnès ont construit dans le passé. La surrection du passé est une réalité avec laquelle nous vieillissons. Elle déforme nos actions autant que nous déformons sa structure et sa vitesse, provoquant un relief incertain, à l’image de celui qui nous entoure sur ce littoral mentonnais.

Les contributions qui vont être présentées participent de ce même phénomène d’interaction complexe entre les hommes du passé et ceux du présent. La rencontre de Menton, objet du passé, participe ainsi à la fabrique d’un relief historique et archéologique que nos successeurs ont déjà commencé à remodeler. C’est celui de l’ancien comté de Vintimille et d’une de ses dépendances, Sainte-Agnès, à partir desquels il nous est offert de réfléchir aujourd’hui.

Dans les actes de ce colloque, les textes présentés ne sont pas forcément à l’image de ce qui s’est réellement déroulé le 17 novembre 2006. Il fallait y être ! Et voici comment se fabrique l’Histoire, avec un nécessaire décalage entre ce qui a été et ce que nous en percevons d’après ce qu’il nous offert de lire ou de fouiller.

D’abord sur Sainte-Agnès. Entre la communication et la publication, deux années supplémentaires de fouilles ont été effectuées. L’état de nos connaissances en a été naturellement modifié et la maquette du passé que nous avions présentée s’est enrichie de nouvelles couleurs alors que d’autres se sont atténuées ; le relief n’est plus tout à fait le même. Ce que nous présentons ici est donc le dernier instantané de nos réflexions et de nos incertitudes : le Sainte-Agnès médiéval et moderne d’aujourd’hui. La partition des articles coïncide avec des approches et des regards différents, chacun ayant réfléchi à partir de sources distinctes dont le potentiel et la qualité cognitive varient en fonction de ce qui a déjà été écrit. D’un côté des sources sédimentaires à base de terres, de maçonneries, d’ossements et de tessons ; de l’autre des sources testimoniales à base d’encres, de papiers, de parchemins et d’illustrations. Deux sources profondément différentes, muettes toutes deux, que nous avons tenté de réunir en les confrontant, en les interrogeant l’une l’autre avec l’aide de nos savoirs et de nos imaginations. Deux productions de l’homme, fabriquées à des fins différentes, qu’il faut séparer, trier, regrouper, étudier, analyser pour tenter d’approcher un passé dont nous savons que nous n’en connaîtrons jamais la saveur exacte. Pis ! La recette est peut-être imparfaite, mais c’est le seul plat du jour ! Ensuite sur le comté de Vintimille. Tant de lignes lui ont déjà été consacrées. A l’origine de ces journées d’études, organisées par la Société d’Art et d’Histoire du Mentonnais, c’est bien le petit et éphémère comté qui était visé. Depuis Caïs de Pierlas – si quelques brillants historiens avaient bien tenté d’éclaircir la naissance, l’évolution et la disparition du comté – aucune recherche collective ne s’était attachée à en explorer les recoins. De Monaco à la haute Roya, en passant par la l’illustre Vintimille, nous souhaitions proposer une lecture mosaïquée de l’espace et de la société qui l’a construit. A la faveur d’une longue durée et d’un large territoire, on a souhaité réunir ici des visions différentes qui mettent en lumière toute la richesse et la diversité des problématiques relatives au comté de Vintimille. C’est la raison pour laquelle la charte de Tende côtoie les Grimaldi du Rocher, que l’échafaudage de la tour de La Brigue s’accroche aux remparts de Vintimille, ou encore que les ruines du vieux Castellar s’associent au testament du puissant Guillaume-Pierre Lascaris. Et pour ne pas oublier que le comté de Vintimille était un espace transfrontalier, ouvert sur la montagne autant que sur le littoral, et que la recherche s’envisage aujourd’hui comme une aventure également transfrontalière, transdisciplinaire ; c’est vers les montages de la Corse que nous avons souhaité semer nos réflexions, pour qu’elles s’enrichissent et fédèrent dès aujourd’hui les chercheurs.

Et de tous ces hommes dont nous allons vous parler, il y en a un dont nous pouvons vous assurer qu’il était un étudiant du Mentonnais sur les traces de son passé : Olivier Vadecar. C’est à lui que s’adressent avant tout les contributions de ces actes, car il consacra les trois dernières années de sa courte vie au chantier de fouilles. On lui doit notamment la localisation du cimetière et de l’église. Il fait aujourd’hui partie de la mémoire de Sainte-Agnès et nous lui dédions ces quelques histoires qui explorent « le « sombre abîme du temps » dans lequel le passé est englouti ».

Fabien Blanc Le 21 septembre 2008

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320 p. dont 60 entièrement en couleur