la morale de socrate

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1 UNIVERSITE JEAN-MOULIN LYON 3 FRANCE ECOLE DOCTORALE DE DROIT UFR CENTRE LYONNAIS DES ETUDES DE SECURITE INTERNATIONALE ET DE DEFENSE CLESID ETUDE DE LA CONCEPTION MORALE ET POLITIQUE DE SOCRATE GBECHOEVI A Alexandre Docteur en Droit international et Relations internationales Chercheur post-doctoral en Sciences Politiques Tél : + 229 97 48 10 41 E-mail ; [email protected] 02 BP 1327 PORTO-NOVO Rép du Bénin 1

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UNIVERSITE JEAN-MOULIN LYON 3 FRANCE

ECOLE DOCTORALE DE DROIT

UFR

CENTRE LYONNAIS DES ETUDES DE SECURITE INTERNATIONALE ET DE DEFENSE

CLESID

ETUDE DE LA CONCEPTION MORALE ET POLITIQUE DE SOCRATE

GBECHOEVI A Alexandre

Docteur en Droit international et Relations internationales

Chercheur post-doctoral en Sciences Politiques

Tél : + 229 97 48 10 41

E-mail ; [email protected]

02 BP 1327 PORTO-NOVO Rép du Bénin

1

2

Résumé

Mots-clés

Abstract

2

3

Key-words

I : LA MORALE SOCRATIQUE

Socrate, philosophe grec (470-399) avant J. C. était fils du

sculpteur sophroniste et de la sage femme phénarète. Philosophe

souvent confondu par certaines traditions à un illettré parce qu’on

pensait qu’il ne savait pas écrire, pourrait être considéré

simplement comme un érudit c’est-à-dire un intellectuel de haut

niveau maîtrisant presque tous les domaines et qui avait la paresse

d’écrire. Ces superbes qualités intellectuelles n’était pas un

produit du hasard mais résultaient de profonde recherche lui ayant

permis d’étudier tous les philosophes antiques, tous les physiciens

et les métaphysiciens. Il était alors un esprit plein de volonté

d’observation, d’analyse de juste déduction et de traduction des

réalités du vécu en des analyses théorisées qu’il faisait souvent

passer dans les discours publics sous forme de dialogue et

d’enseignement dualistique. Socrate avait alors eu sur la société

athésienne une emprise et une audience que nul ne pouvant lui

contester à moins d’être décidé à renverser la vérité et le bon

sens. Le désir de savoir et l’ardent amour du vrai et du bien non

pas de manière relative, mais dans une perspective universaliste

devraient favoriser chez Socrate son influence considérable sur ses

concitoyens. La philosophie socratique qui était supposée un

héritage culturel (père sculpteur mère accoucheuse) mettait en prise

le beau et le vrai, l’intelligibles et le concret etc, il ne cessait

de dire : l’esprit est gros de vérité … il faut que je l’aide à

3

4

accoucher. Le sens de la vérité chez Socrate était fondamentalement

lié à sa notion de l’amélioration de la qualité de l’esprit

(raisonnement, mode de conduite, manière de penser) chez les autres.

Mais une chose était sûre, Socrate était présent dans une Athènes

décadente où la démagogie (source d’immortalité) et la malheureuse

guerre de peloponèse (430-402). De même que les grandes occasions de

haine et de dissention… ne pouvaient pas favoriser l’harmonie

sociale. C’était alors une évidence que de retrouver Socrate âgé de

70 ans dans des combats de rétablissement de sens et de lutte pour

apaiser les tensions sociales de même que dans les combats pour

lutter contre l’injustice. Socrate s’était inspiré de la culture

gnomatique c’est-à-dire des pensées morales inscrites au fronton du

temple de Delphes pour élaborer sa philosophie, sa conception morale

et politique. La morale de Socrate pétrie de vertu sophistique

devrait le conduire à concevoir que l’homme est fait pour poser des

actes conformes à son essence. Selon Socrate : « l’objet à connaître

est l’homme dans sa vie raisonnable, se révélant à notre expérience

par ses paroles et ses actes plus simplement encore, c’est l’homme

expérimentant lui-même » (1). Alors il nous faut nous interroger sur

la conception morale de Socrate que nous qualifions d’hédonisme

finaliste.

A - L’ HEDONISME FINALISTE DE SOCRATE

Le concept hédonisme vient du grec ‘‘hédonè’’ qui signifie

plaisir. L’hédonisme est donc la conception morale qui attribue au

plaisir une prédominance sur toutes les autres formes de réalité et

sur toutes les préoccupations de l’être humain. Mais plus que

hédoniste, la morale socratique est eudémoniste c’est-à-dire vise

fondamentalement le bonheur considéré comme le souverain bien. C’est1 F. J. Thonnard A. A. ; Précis d’histoire de la philosophie, éd, Desclée etCie, Editeur P. Paris, Tournai, Rome, 1937 page 36

4

5

cela alors qui nous permet d’aborder chez Socrate la question de

l’intelligibilité et celle de l’unité du bien.

1- L’intelligibilité du bien

Le concept ‘‘Bien’’ vient du mot latin ‘‘bene’’ duquel dérive

l’adjectif bonus qui traduit bon. Il correspond à ce qui est

satisfaisant, qui fait correspondre le désir ou le souhait à la

satisfaction morale ou affective que l’on préfigure. Le Bien est par

opposition au mal exactement comme dans vieille problématique

métaphysique du Bien (symbole de Dieu) et du mal (symbole du

Diable). Le bien tel qu’il correspond à la bonté universelle et

intelligible est à la fois une perspective morale que le philosophe

Empédocle d’Agrigente avait essayé d’assimiler à l’amour en prenant

son contraire ou son opposé comme la haine ; et selon lui ce sont

ces deux principes qui gouvernent l’univers et que l’un tente à

dominer l’autre dans un mouvement dialectique sans que pour autant

nous nous retrouvons dans l’univers de la dichotomie. Le Bien,

déclarait le philosophe L. LAVELLE dans Introduction à l’ontologie

n° 98 « c’est l’être tant qu’il est voulu, c’est l’absolu même, ce

qui le rend digne d’être voulu, c’est-à-dire digne d’être. » 2 Mais

comment comprendre cette affirmation ?

En réalité selon métaphysicien L. LAVELLE, le Bien tient lieu

de tout ce qui se retrouve dans le système des valeurs. Ce sont les

valeurs elles-mêmes qui représentent le Bien. Cette conception du

Bien a tellement préoccupé LAVELLE qu’il a pensé qu’ »On peut dire

du Bien en effet qu’il est l’essence de l’être. » Op-Cit 110 3

2 Paul Foulquié et Raymond Saint Saint-Jean, Dictionnaire de la langue philosophique. Edition PUF, Paris 19693 L. LAVENNE, Op-Cit

5

6

Il traduit alors ce que les grecs appellent souverain Bien ; c’est

de cette forme de Bien que traite la philosophie de Socrate. En

effet selon Socrate : »Tout homme veut et veut nécessairement son

bonheur qui est dans la possession du vrai Bien, c’est-à-dire du

Bien connu comme tel par l’intelligence »4. La présente formule comme

principe moral ne se retrouve pas clairement identifiée dans les

dialogues de Socrate. Mais la compréhension globale que dégage la

lecture de Menon permet d’en arriver à cette déduction chez Socrate.

Au fait pour Socrate : »Le bien réduit à l’utile. », cela revient à

dire que les choses humaines ne sont bonnes que dans la mesure où

elles sont utiles pour procurer notre bonheur. Dans cette

compréhension on a tendance à considérer Socrate non plus comme

recherchant le Bien absolu qui planerait au dessus de l’humanité

comme dans la philosophie métaphysique mais recherchant plutôt un

bien relatif à l’humanité. C’est cette méthodologie de

conceptualisation qui a permis de rendre la philosophie cache est la

lutte contre un mal social que représente l’injustice et qu’il ne le

souhaiterait d’ailleurs pas, parce que nul ne peut vouloir

délibérément le mal pour les autres ni pour lui-même s’il n(était

pas un véritable perverti. Or la perversion ou la méchanceté est

opposition au bien qui est l’essence de l’être (tout homme veut et

veut nécessairement son meilleur bien). Mais d’où vient chez Socrate

la formule : « Nul n’est méchant volontairement… Nul n’a tort sans avoir raison. » ?

La présente formule dans son libellé traduit que c’est par

ignorance que l’on commet un acte mauvais. La personne humaine

consciente d’elle-même et remplissant toutes les conditions

d’équilibres psychique lui permettant d’être présent au monde et

d’avoir l’esprit de clairvoyance et de rétroprojection par rapport à

tout ce qu’il fait… ne peut mal agir. La présente conception découle

4 Cité par F. J. Thonnard A. A. ; Précis de la philosophie, éd Desclée et Cie, Editeur Pontificiaux Paris, Tournai, Rome, 1937 page 38

6

7

de ce que l’on nomme l’intellectualisme grec. Au fait, pour les

Grecs l’homme de bon cœur agit bien parce qu’il ignore le Bien. De

manière prudente les théoriciens du couple moral bonheur/perfection

ne pensent pas comme les théologiens chrétiens d’obédience

calvinienne qu’il ait des gens qui sont nés pour vivre ici bas et

dans le monde à venir les félicités de Dieu et sa grâce éternelle,

parce qu’ils ont été présélectionnés dès le départ par Dieu, tandis

qu’il est d’autres qui ont été prédestinés au malheur, à la

désolation et à la réprobation passant d’abord par la déréliction.

Mais ils pensent plutôt que de manière objective, le Bien existe

dans la nature ou dans le cosmos, il le remplit d’ailleurs, et ne se

laisse découvrir que par ceux qui l’acceptent et qui font des

efforts de pouvoir le vivre. Il y a là à la fois une combinaison

entre la volonté humaine individuelle et la possibilité latente des

lois naturelles à réglementer notre vie et à attribuer à chacun la

juste rétribution. De là, on ne peut faiblir à son devoir si l’on

est acquis à la bonne cause et que si l’on connaît l’utilité du

devoir en tant que piste permettant de tendre vers le suprême Bien ;

c’est cette approche qui conduit dans la pensée socratique à

l’universalité du bonheur.

2- L’universalité du bonheur

La question de l’universalité du bonheur dans la pensée

socratique se fonde sur au moins trois paramètres : la présence de

la nature comme une réalité matérielle et tangible, la présence des

lois a temporelles dans la nature et enfin la présence de l’homme

(être humain) obligé de se soumettre aux lois de la nature pour

pouvoir bénéficier du bonheur qui se trouve dans cette réalité

matérielle qui est la nature. Selon O. Hamelin dans Essai, 169 :

« Les lois en général sont des rapports nécessaires, l’universalité

7

8

n’étant qu’une conséquence de la nécessité : car l’universalité ne

saurait s’expliquer et se justifier par elle-même. »5

A travers cette affirmation, nous découvrons que l’univers lui-

même n’existe pas au-delà de ce que les Grecs appelaient DIKE (les

lois de la nature). Il se présence comme une généralité normée et

normativée dès le départ de la création. Les normes universelles

qui sont cachées à l’esprit et que celui-ci peut découvrir que de

manière graduelle, légitiment les bonnes causes et les mauvaises

causes dans la nature. Mais comment comprendre que selon Socrate,

que le bonheur est universel ? D’abord, si nous nous référons à

l’allégorie de la caverne présentée par son disciple Platon, le

meilleur interlocuteur de Socrate, c’est le prisonnier sui a eu la

chance et le mérite de s’élever au-dessus de la caverne qui a pu

contempler les merveilles du monde physique ensoleillé, image du

monde intelligible dans l’idéalisme platonicien. Or cet idéalisme

n’était rien d’autre que la traduction théorisée de la conception

socratique qui démontre que la vérité existe dans la société humaine

de manière factuelle mais très peu de personnes y ont accès. C’est

d’ailleurs l’une des raisons fondamentales qui avait poussé le

philosophe Socrate à entamer les enquêtes de vérifications à propos

des connaissances spécifiques en général et à propos de la sagesse

en particulier, suite à l’information qu’il avait reçu chez l’oracle

de Delphes. Or, malheureusement l’enquête fut faite et même auprès

d’un homme réputé sage dont il avait la défaillance. Socrate se

refuse de donner le nom de ce sage ; c’est cette situation qui avait

envenimé la colère des délateurs de Socrate. Socrate répéta encore

ce même scénario avec un autre sage et eu le même résultat « Il amorça

alors l’ironie qui se manifeste par le savoir du nom savoir »6

5 Cité par Paul Foulquié et Raymond Saint jean, Dictionnaire de la langue philosophique. Edition Presses Universitaires de France, Paris 19696 Platon, Apologie de Socrate, livre 1er section V et VI, éd Garnier Flammarion, Paris 1965 traduction Emile Chambry

8

9

« La progression des investigations de Socrate pour la vérification de son talent et de

sa supériorité intellectuelle n’avait épargné aucune couche sociale : poète, devins, prophètes,

artisans, hommes d’état… »7

La présente démarche vise à démontrer qu’avant que le bonheur

ne se manifeste dans une société comme émanation du suprême Bien, il

faut d’abord que l’intelligence se manifeste comme finalité de la

visée humaine car elle correspond à l’intelligibilité. Le bonheur

est donc non seulement social mais universel. C’est donc au nom de

ce bonheur universel que Socrate s’était décidé à engager des luttes

sévères contre : l’imperfection dans les sociétés humaines,

l’amoralité, la corruption, l’injustice, le mensonge, la

criminalité, les délations et l’iniquité. La même question du

bonheur universel a dans son importance préoccupé le sociologue A.

Comte au point où dans son ouvrage intitulé catéchisme positiviste

s’est exprimé à travers son interlocuteur le Prêtre dans la formule

suivante : « c’est ainsi que le positivisme consolide

irrévocablement le précepte fondamental de la théocratie initiale ;

connais-toi, pour t’améliorer ».8 Le principe intellectuel y concourt

avec le motif social. En effet, la plus utile de toutes les sciences

en est aussi la plus complète, ou plutôt la seule complète ; puisque

ses phénomènes comprennent subjectivement tous les autres, quoi

qu’ils leur soient, par cela même, objectivement subordonnées. Le

principe fondamental de la hiérarchie théorique fait donc prévaloir

directement le point de vue moral comme le plus compliqué et le plus

spécial.

Il s’agit pour nous de chercher à comprendre cette affirmation

en essayant d’observer le lien possible qui puisse exister entre

elle et le principe de l’universalité du bonheur qui se trouve dans

7 Op-Cité section VII ; VIII ; XI8 A. Comte, catéchisme positiviste, ed, texte Intégral, G.F ;, Paris 1966, P. 94

9

10

la morale socratique. En effet selon A. Comte c’est par la doctrine

positiviste ou par la philosophie du positivisme que le gouvernement

par Dieu se révèle comme une réalité fondamentale dans l’univers en

général et dans les sociétés humaines en particulier. Or pour

Auguste Comte, la base initiale de la théocratie est le gouvernement

individuel de l’homme par lui-même ou plus précisément la maîtrise

de soi qui peut être rapprochée du psychologisme socratique

consistant à se connaître soi-même. C’est par là seulement que

chaque être humain portera en lui-même l’humanité globale en tant

que microcosme. Ce concept ne traduit pas dans l’utilisation

comtienne le gouvernement de la cité par Dieu dans sa première

forme, mais dans sa deuxième dimension. Par conséquent comment peut-

on établir une relation entre cette pensée et la logique

socratique de l’universalité du bonheur. A vrai dire, le bonheur à

la socratique se distingue de la compréhension banale qu’n font les

sociétés humaines.

Généralement pensé, les personnes humaines dans toutes les

sociétés conçoivent le bonheur comme l’étape au cours duquel l’on

possède : santé, biens matériels et bonheur. Mais ce n’est pas que

Socrate rejette ces paramètres du bonheur ; il les place en dépit de

tout à un niveau de la hiérarchie hédoniste et eudémoniste. Socrate

est bien conscient que la santé humaine est le départ de toutes les

possibilités d’action et de mouvement de la personne humaine. Il ne

doute pas que le bien matériel n’est utile. Il ne rejette pas

l’honneur en tant qu’ensemble de représentations sociales positives

dont peut jouir un individu ; mais il sait bien que sa conception de

l’honneur diffère de celle de la société athésienne. C’est le

dépassement du contentement que donnent les biens matériels qui

produit la tranquillité de l’esprit chez Socrate. C’est là une

première phase du bonheur. Celle-ci s’appelle la dépossession et le

désencombrement. L’homme riche pour Socrate n’est pas10

11

obligatoirement celui qui possède le maximum de richesse, mais celui

qui se contente du peu ou du raisonnable que la nature lui donne

conformément à ses efforts personnels. C’est par rapport à cela que

Socrate ne commercialise pas ses enseignements au même titre que ces

autres confrères comme Prodicos de Kéos, Evenos, Hippias d’Elis et

Gorgias de Léontin. Il avait alors adapté à cet effet la démarche

d’une pédagogie non lucrative. Ainsi dans section IV de l’Apologie

de Socrate (Platon), Socrate avait engagé un dialogue entre Callias

le fils d’Hipponicos et lui-même à propos de ces deux fils. Au fait

Socrate concevant mal la débrouillardise qui est un massacre

intellectuel, s’était profondément moqué de ce phénomène consistant

à engager n’importe qui pour faire n’importe quoi à n’importe quel

prix ; mais c’est malheureusement le système dont faisait usage les

sophiste pour s’enrichir, et ils pensaient être heureux avec cette

forme de richesse… ils ne pouvaient jamais partager la même

conception de la richesse comme un Socrate pour qui richesse n’est

pas bonheur, mais bonheur est richesse et on est d’ailleurs plus

heureux selon Socrate quand on réussit à bien former la génération

montante. C’est par rapport à cette compréhension de la vie que nous

pouvons traiter de la valorisation du principe de l’honneur comme un

sous groupe de l’éthique socratique.

3- La valorisation du principe de l’honneur dans l’analyse de la

portée éthique de l’Apologie de Socrate

La notion d’honneur de la personne humaine a été toujours pour

Socrate la pierre charnière de sa conduite morale éthique et

politique. Tous les discours de Socrate en public (à l’agora),

auprès de ses disciples et ailleurs, ont toujours porté la marque de

la pureté de l’esprit et de la simplicité dans les démarches.

L’honneur dans la pensée éthique de Socrate se rapportait beaucoup

11

12

plus à ce que l’homme doit faire pour ne pas se corrompre lui-même,

pour ne pas dévier le sens des lois et pour ne pas induire autrui en

erreur. Cette conception de Socrate est la jonction entre

l’esthétique de le pensée et celle de la conduite. C’est pour cela

qu’il déclarait : « Tu ne peux dire que le juste, pris comme juste, ne soit pas

toujours beau ! »9. Mais comment comprendre cette déclaration ? En

réalité selon Socrate le bien et le beau doivent se correspondre

dans une certaine mesure comme doivent l’être aussi le vrai et le

juste et par surcroît comme le juste et le beau. L’individu pour ce

qui le concerne devrait chercher à atteindre les valeurs

universelles qui sont transpatiales et transtemporeles ; c’est cela

l’honneur que Socrate valorise dans son système éthique. Ce

mécanisme avait permis à Socrate au moment où il avait été accusé

par Mélétos, Anytos et Lycoa de ne pas faire usage du mensonge pour

se disculper au tribunal. Ainsi dans la section XI de l’Apologie de

Socrate où le philosophe devait se défendre contre ses adversaires,

il avait choisi de répondre à son principal accusateur à savoir

Mélétos : « En effet 399 avant Jésus Christ Mélétos avait déposé une graphéin (plainte

écrite) contre Socrate. Cela pourrait traduire le faite que Socrate soit accusé pour injustice

sociale. L’action intentée contre lui devrait avoir pour conséquence sa culpabilisions par

surcroît sa condamnation. Les principales causes étaient liées à la perversion morale que les

accusateurs avaient pensé que Socrate développe. Socrate se décide à son tour de réserver

sur Mélétos l’accusation dont il le change »10 Or toue la pratique socratique en

cette matière d’autodéfense réactionnelle respectait l’art du

rétablissement de la vérité et non de l’esprit de culpabilisation de

ses adversaires. L’honneur réclame alors le respect de soi et le

respect d’autrui ; c’est la jonction entre individualité et

altérité ; c’est aussi la mise en commun de l’identité et de la

9 Platon, Gorgias, édition G Flammarion, Paris 1987 page 19210 Gbèchoévi A. Alexandre, Comprendre l’Apologie de Socrate par analyse du contenu : les résumés des 33 section, édition Agora Plus, Porto-Novo 2007 P4

12

13

réciprocité. Cette logique induit donc celle de l’équité, de la

proportionnalité et de la justice mesure.

Examinons les dessous de cette attitude.

A vrai dire la philosophie de Socrate est pétrie à la fois de

morale, d’éthique, de spiritualité, de science profonde inspirée de

la gnomatique et de politique. C’est alors toute cette somme de

science et de connaissance qui justifie le comportement de Socrate

vis-à-vis de la question de la justice et de l’injustice. Ecoutons

alors à cet effet les déclarations du philosophie à propos de cette

question :

- « On ne doit d’abord jamais commettre l’injustice »11

- « On ne doit donc pas non plus répondre à l’injustice par l’injustice, puisqu’il n’est

jamais permis d’être injuste »12

-« Il ne faut donc pas répondre à l’injustice par l’injustice ni faire du mal à aucun

homme, quoi qu’il nous ait fait »13

L’honneur chez Socrate se trouve alors dans la sauvegarde de la

notion du bien et du juste malgré tout. Ce principe chez lui

débouche sur la question de l’équité.

B - LA QUESTION DE L’EQUITE CHEZ SOCRATE

De la racine latine acquittas qui traduit le caractère de ce

qui est égal et acquis traduisant ce qui est conforme à l’idéal de

la justice, l’équité est la justice naturelle supérieure à la

justice déterminée par la loi positive et plus souple qu’elle. Ainsi

dans l’examen de la portée éthique et politique dans l’apologie de

11 Platon, criton, 48c-49d12 Op-Cit13 Op-Cit

13

14

Socrate : la juste mesure, la persistance dans la vérité et la

valorisation de la sérénité contribuent à décrire et à comprendre la

position de Socrate.

1- La notion de la juste mesure

La juste mesure en terme philosophique traduit équité. Ce

concept dérive d’un mot latin justus qui traduit ce qui est bon

selon le droit. Du point de vue droit, la juste mesure est la

légalité proportionnelle, la légitimité adéquate, l’équitabilité

raisonnable justifiée ou fondée. Ce concept appliqué dans les

relations humaines surtout dans le point de vue de la morale traduit

le fait de rendre à chacun ce qui lui est dû de manière exacte.

La morale socratique prend donc ce concept dans le sens le plus

approprié de la justice naturelle ou de la justice divine. La

conception d’une juste mesure chez Socrate au plan naturel est un

héritage de la philosophie stoïcienne dans laquelle : il faudrait

demander que les choses arrivent telles qu’elles arrivent, mais pas

qu’elles arrivent comme nous souhaiterions qu’elles arrivent. Cette

forme de morale permet d’éviter les troubles physique parce qu’elle

prône l’ataraxie ou paix intérieure. Prenant le jugement de Socrate

et sa condamnation sous cette forme nous dirons que Socrate avait

considéré l’injustice et la mort de même que les complots… comme

étant inscrits dans l’ordre de ce qui devait lui arriver

naturellement.

Cette conception chez Socrate motive sa monologie et la

conception de la vie et de la mort qui en découle. C’est à cet effet

qu’il pouvait faire parler les lois en des termes suivants : « Tu n’es

pas juste de vouloir nous traiter comme tu le projettes aujourd’hui. C’est nous qui t’avons fait

naître, qui t’avons nourri et instruit ; nous t’avons part comme aux autres citoyens de tous les

biens dont nous disposions, et nous ne laissons pas de proclamer, par la liberté que nous

14

15

laissons à tout Athénien qui veut en profiter, que, lorsqu’il aura été inscrit parmi les citoyens

et qu’il aura pris connaissance des mœurs politiques et des non, les lois, il aura le droit, si

nous lui déplaisons, de s’en aller où il voudra en emportant ses biens avec lui. Et si l’un de

vous veut se rendre dans une colonie parce qu’il s’accommode mal de nous et de l’Etat, ou

aller s’établir dans quelque ville étrangères, nous ne l’empêchons ni ne lui défendons d’aller

où il veut et d’y emporter ses biens. Mais, qui que ce soit de vous qui demeure ici, où il voit de

quelle manière nous rendons la justice et administrons les autres affaires publiques, de là

nous prétendons que celui-là s’est de faire engagé à faire ce que nous commanderons et s’il

ne nous obéit pas, il est trois fois coupables, d’abord parce qu’il nous désobéit, à nous qui lui

avons donné la vie, ensuite parce qu’il se rebelle contre nous qui l’avons nourri, enfin parce

que, s’étant engagé à nous obéir, ni il ne nous obéit, ni il ne cherche à nous convaincre si

nous faisons quelque chose qui n’est pas bien, et, bien que nous proposions nos ordres, au

lieu de les imposer durement, et que nous lui laissions le choix de nous convaincre ou de

nous obéir, il ne fait ni l’un ni l’autre. »14

Mais comment comprendre cette problématique ?

La proposée à laquelle fait recours Socrate dans cette

monologie traduit le sentiment légaliste presque pathologique de

Socrate. Défenseur acharné des lois, Socrate se retrouve dans un

mécanisme auto construit comme par processus de l’introversion

psychologique où il se parle à lui-même au nom de la loi et où se

crée et se fait enveloppé d’un univers d’éventuel sentiment de

réprobation et de punition qui lui viendrait des lois qu’il n’aurait

pas défendu en fuyant l’injustice et la condamnation par complot que

les mauvais juges lui réservent. Cherchant à comprendre cette

position, l’explication suivant la logique de la martyrisassions

nous conduit à penser et à accepter que Socrate a fait preuve d’un

bon exemple en matière du respect de la loi. Mais plus tard, c’est

d’abord la connaissance rousseauienne de l’autorité politique qui a

déduit que Socrate avait choisi le chemin de la fuite légère et

14 Platon, Criton, 51b-52e15

16

justifiée du monde des difficultés qu’est la société humaine pour se

conformer à sa philosophie de l’acceptation de la mort comme

changement d’état. En principe, montrait Jean Jacques

Rousseau : « S’il faut obéir par force, on n’a pas besoin d’obéir par devoir, et si l’on n’est

plus forcé d’obéir, on y est plus obligé (…) obéissez aux puissances. Si cela veut dire : céder à

la force, le précepte est bon, mais superflu, je réponds qu’il ne sera jamais violé. Toute

puissance vient de Dieu, je l’avoue : mais toute malade en vient aussi. Est-ce à dire qu’il soit

défendu d’appeler le médecin ? »15

La notion de la juste mesure dans la conception socratique est

d’abord un mécanisme d’auto évaluation, d’introspection consistant à

confronter ce que je dois faire à ce qui m’est autorisé de faire.

Ensuite elle permet d’établir les rapports d’équitabilité de

mutualité, réciprocité entre autrui et moi ; car le chemin qui part

de moi vers moi ne peut en rien différent du chemin qui part de moi

vers autrui. Les théologiens ont donc pensé la présente situation en

terme relation triangulaire entre Dieu-moi-autrui. Nous devons comme

le pensait Socrate apprendre à gérer l’altérité comme nous gérons

l’individualité et à ne pas créer frustration pour autrui. C’est la

seule condition qui permettra de réduire la zone de la méchanceté

source des perturbations. Voilà donc ce qui conduit Socrate de

manière inévitable à la persistance dans la vérité.

2- La persistance dans la vérité

Si nous considérons la définition classique de la vérité comme

provenant de la racine latine ‘‘veritas’’, la vérité est le

caractère de ce qui est vrai. Et, ce qui est vrai c’est ce que notre

intellect ou notre perception peut identifier comme existant et

présentant une adéquation avec notre pensée. La vérité doit alors15 Jean Jacques Rousseau, Du Contrat Social, Nouveau Classique Larousse, Imprimerie de Herissery, Evreu, 1973 P.P22-23

16

17

être objective. Loin de nous égarer dans la perception

protagonisienne selon laquelle le vrai est ce qui paraît à chacun,

montrant ainsi le caractère individuel et relatif de la vérité… Il

nous plait à présent de montrer que la vérité est ce qui doit

attirer l’assentiment ou l’accord de ceux qui vivent dans la société

retreinte de manière particulière et de tous ceux qui vivent dans

l’univers en général. Mais pourquoi la question de la vérité

revient-elle chez Socrate ? En effet toute la philosophie de Socrate

est centrée autour de la question de la vérité. C’est ainsi que nous

retrouvons chez lui la confirmation des paroles gnomatiques à

savoir :

- « Nul n’est méchant volontairement »

- « Connais-toi ; toi-même »

Doublée de ses propres paroles : »L’esprit est gros de vérité,

il faut que je l’aide à accoucher. »

« Ma mère phénarete est une accoucheuse d’homme, moi j’accoucherai de

l’esprit. » Pour réussir à progresser dans cette logique Socrate a

utilisé la méthode dialectique se fondant sur l’ironie et la

maïeutique. Mais revenant au cas particulier qui a occasionné sa

condamnation, il avait été question chez Socrate d’étudier la

société et tous ses rouages comme un objet de laboratoire. Ainsi se

fondant sur sa consultation à l’oracle de Delphes, Socrate avait été

désigné par l’oracle comme le seul sage. Pour donc vérifier cette

hypothèse, Socrate s’est donc lancé dans les enquêtes. (Section VI

et VII) de la première partie de l’Apologie de Socrate.

Ici le souci de la vérité a amené Socrate à faire des enquêtes

de confirmations à propos de la commission que khaïréphon lui a

ramené du temple du Delphes. Socrate avait alors vérifié cette

information auprès d’un supposé sage qui révéla sa défaillance. Il

se fit des ennemis à cet effet mais s’enficha pas mal. De plus, il

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avait progressé dans ces investigations de vérification de sa

supériorité intellectuelle auprès des poètes, des devins, des hommes

d’état et des prophètes. C’est cette persistance dans la recherche

de la vérité qui avait réveillé les inimitiés de ses accusations qui

ont fini par intenter un procès contre le philosophe.

Socrate avait donc été invité à faire sa déposition au

tribunal. Le souci de la vérité l’avait alors amené à exposer les

heurts des Athéniens contre lui, confer section I Apologie de

Socrate (17d-17d), De plus, il se plaignait contre ses adversaires

qui avaient utilisé contre lui la stratégie de l’inculpation

gratuite (section II Apologie de Socrate 18d-19d). Il met en

évidence ces détracteurs à savoir Anytos et ses associés. Il montre

d’abord comment les bruits qui ont couru contre lui se sont

progressivement transformés en vérité populaire car étant transmis

de génération en génération. Au nombre de ces bruits, il y a le fait

qu’on dise que Socrate n’honore pas les dieux et qu’on dise encore

que Socrate fait qu’une bonne chose, une mauvaise et réciproquement,

c’est là une manière de dénigrer une personne innocente.

L’injustice athésienne consiste à porter de fausses accusations

contre l’homme innocent ou bien contre l’homme juste, Socrate va

alors préparer sa justification afin de pouvoir se défendre. En ceci

il fait preuve de persistance dans la vérité en répondant aux

anciennes accusations portées contre lui. C’est l’occasion pour lui

de démontrer et de citer les anciennes calomnies qui ont été portées

contre lui. Selon les calomniateurs, Socrate est étranger à la

physique c’est-à-dire qu’il se fait philosophe en ne s’occupant pas

des réalités terrestres et naturelles. Ce qui le préoccupe surtout

c’est l’examen des choses souterraines et supraterrestres.

L’incommodité de Socrate est ici caractéristique. Socrate, selon

Mélétos, le second accusateur se serait alors singularisé en

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s’écartant du schéma social qui demande la conformité. Cette

accusation a une origine à savoir la représentation scénique et

théâtrale de Socrate pour Aristophane dans les nuées. Dans cette

scène, Aristophane avait fait déjà l’état de l’athéisme socratique

et incroyance. Ici encore, et en plus, on pense que Socrate

s’investit dans la production des schémas identique à sa personne.

Socrate serait ainsi un dangereux révolutionnaire à mettre hors

d’état de nuire ; c’est le prix que les athéniens avaient réservé au

prophète de la vérité qu’est Socrate. Tous les comportements de

Socrate traduisaient l’état de celui qui ne se troublait pas et qui

ne s’alarmait pas malgré la grandeur ou l’importance des afflictions

et des chagrins dont il était victime. Il s’agit là de ce que nous

nommons la sérénité du philosophe.

3- La valeur de la sérénité

Le concept de sérénité traduit l’état de ce qui est exempt de

trouble, d’inquiétude ou de perturbation. Point de vue morale, on

dit qu’un individu est serin lorsqu’il se tranquillise et ne règle

pas les divergences auxquelles il est confronté par la vois de la

brutalité ; mais pas l’intelligence et la patience. Chez Socrate, ce

caractère est comme porté à son plus haut degré. Dans la section

XVIII de l’Apologie de Socrate c’est-à-dire dans la première partie

de cet ouvrage, il est question pour le philosophe de faire face aux

athéniens et de leur faire la démonstration de sa bonne foi. Anytos,

Mélétos et Lycon lui ont fait du mal en l’accusant et en déposant

contre lui une plainte pour amener les juges à le condamner ou à le

criminaliser.

Cependant, celui-ci plein de courage, d’ardeur, d’abnégation et

de sérénité ne s’en était pas ébranlé, c’est ce qui l’amènerait à

déclarer : « Soyez persuadés que, si vous me faites mourir, sans égard à l’homme que

prétends être, ce n’est pas à moi que vous ferez le plus mal, c’est à vous-même. Car pour, ni

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Mélétos, ni Anytos ne sauraient me nuire, si peu que soit. Comment le pourraient-ils, s’il est,

comme je le crois, impossible au méchant de nuire à l’homme du bien ? Ils pourront peut

être bien me faire condamner à la mort ou à l’exil ou à la perte de mes droits civiques, et ce

sont là, sans doute de grands malheurs aux yeux de mes accusateurs et de quelques autres

peut-être ; mais moi je ne pense pas ainsi : je considère que c’est un mal bien autrement

terrible de faire ce qu’ils font, quand ils entreprennent de faire périr un innocent. »16

En analysant cette déclaration du philosophe, nous pouvons

découvrir plusieurs niveaux d’interprétations. Le premier à rapport

à la banalisation par Socrate des incriminations et de la

condamnation de même que de leurs implications sur sa vie. Le second

niveau de cette analyse est l’impossibilité pour l’homme du mal de

vaincre l’homme du bien. Le troisième niveau de cette analyse est la

considération par Socrate comme agitation fébrile et matérialiste de

tous les mécanismes de nuisance développés par ses accusateurs. Le

quatrième niveau de cette analyse est que Socrate se considère comme

étant en mission divine et tout offense contre lui n’est lui n’est

qu’offense contre les dieux et par surcroît une perte très lourde

d’une personne de bonne renommée et de bon caractère pour la cité

athénienne. Il faudrait alors comprendre par là que le philosophe

Socrate développe des comportements moraux qui sont universels et

qui se retrouvent au dessus de la méchanceté des athéniens ; c’est

ce qui nous conduira à l’étude de l’éthique socratique.

CONCLUSION

16 Platon, Apologie de Socrate, Criton Phédon édition G. Flammrion, traduction, notices et note par Emile Chambry, Paris 1965, P.42

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BIBLIOGRAPHIE

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