intérêt de l’angioscanner corps entier dans la prise en charge du patient en état de mort...

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J Radiol 2010;91:37-44 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés article original technique Intérêt de l’angioscanner corps entier dans la prise en charge du patient en état de mort encéphalique A Fregeville (1), C de Bazelaire (2), AM Zagdanski (2), M Albiter (2), F Desgrandchamps (3) et E de Kerviler (3) epuis sa description initiale en 1959 (1) et grâce à la loi Caillavet du 22 décembre 1976 (2) la mort encéphalique a permis les prélèvements d’organes et de tissus en vue d’une gref- fe thérapeutique pour des patients en défaillance d’organes. Les lois de Bioéthi- que, promulguées en juillet 1994 et révi- sées en août 2004, ont posé les principes généraux du prélèvement (anonymat, gratuité, consentement) pour permettre cet acte médical dans le respect de la personne et imposé les modalités du dia- gnostic de mort encéphalique en Fran- ce : il repose sur l’examen clinique con- firmé par un examen complémentaire, par décret d’application (3). Dupas et al ont ensuite montré que l’angioscanner donnait des résultats identiques à l’an- giographie pour le diagnostic de mort encéphalique (4). Suite à cette publica- tion, une conférence d’experts, sous l’égide de la Société Française de Réanimation de Langue Française (SFLF) et de la So- ciété française d’anesthésie réanimation (Sfar) s’est réunie en 2003 et a publié un texte sur la prise en charge des sujets avant explantation. Elle a recommandé l’angioscanner comme moyen de con- firmation de l’arrêt circulatoire encéphalique (5). Il s’est imposé récem- ment comme le « gold standard », dans un article du J. de Neuroradiologie (6), face à l’angiographie conventionnelle et aux deux électroencéphalogrammes. Le « prélèvement multi organe » (PMO) est devenu une urgence chirurgicale (après les urgences hémorragiques et obsté- tricales). De plus, au vu de l’amélioration des techniques chirurgicales et dans un contexte épidémiologique de vieillisse- ment des donneurs et de pénurie d’orga- nes, la tendance actuelle est à l’élargisse- ment des critères de sélection des organes. Dans un objectif d’améliora- tion de la qualité des greffons et de leur survie, nous avons envisagé la réalisa- tion d’un angioscanner spiralé « corps entier », réalisé dans le même temps que l’angioscanner encéphalique dia- gnostique de mort encéphalique, pour l’évaluation des organes du potentiel donneur et l’optimisation de sa prise en charge. Le but de ce travail est d’éva- luer l’impact de l’exploration corps en- tier dans la prise en charge du donneur potentiel. Abstract Résumé Value of whole body CTA in the management of brain-dead patients. J Radiol 2010;91:37-44 Purpose. To assess the value of whole body CTA, as a complement to head CTA, in the management of brain-dead patients as potential organ donors. Materials and Methods. A total of 27 consecutive brain-dead patients admitted in a center authorized in the harvesting of organs between October 2006 and January 2008 were included. The imaging protocol used was the protocol recommended by the French Society of Neuro- radiology, with additional arterial phase helical acquisition of the chest, abdomen and pelvis, and parenchymal phase helical acquisition of the abdomen and pelvis. The imaging findings were then correlated to the surgical reports after organ harvesting. Results. CTA readily demonstrates tissue lesions, a contraindication to harvesting (14 cases, including one false positive), and anatomical variants of the vascular system (7 arterial variants and 3 venous variants) and liver (8 patients). Conclusion. CTA, the gold standard paraclinical examination for brain death assessment, allows, in a single examination, the identification of contraindications to organ harvesting that may modify the surgical approach and even avoid unnecessary mobilisation of the transplant team. It may also provide valuable preoperative evaluation by detecting anatomical variants of the liver and kidneys. Objectifs. Évaluer l’impact de l’exploration par angioscanner corps entier, en complément de l’angioscanner cérébral, dans la prise en charge du donneur potentiel en état de mort encéphalique. Matériels et méthodes. Notre étude porte sur 27 patients consécutifs en état de mort encéphalique, admis dans un centre autorisé au prélè- vement entre octobre 2006 et janvier 2008. Le protocole d’exploration était celui recommandé par la Société Française de Neuroradiologie pour le diagnostic de mort encéphalique, complété par une hélice artérielle thoraco-abdomino-pelvienne, éventuellement suivie d’une hélice parenchymateuse abdominopelvienne. Les analyses radiolo- giques étaient ensuite comparées aux comptes rendus opératoires des patients prélevés. Résultats. L’angioscanner dépiste aisément les lésions d’organes, à l’origine d’une contre indication au prélèvement (14 cas, dont un récusé par excès) et met en évidence les variantes vasculaires de la normale, rénales (7 variantes artérielles et 3 veineuses) et hépatiques (8 patients). Conclusion. L’angioscanner, examen paraclinique de référence pour le diagnostic de mort encéphalique, permet, dans un même temps d’examen, un bilan des contre-indications au prélèvement à l’origine d’une modification des décisions chirurgicales, voire d’une non- mobilisation des équipes. Il est enfin un support au geste chirurgical par dépistage des variantes anatomiques vasculaires hépatiques et rénales. Key words: Brain death. Whole body CTA. Organ harvesting. Vascular anatomical variants. Mots-clés : Mort encéphalique. Angioscanner corps entier. Sélection d’organes. Variantes anatomiques vasculaires. D (1) Service de Radiologie, CHU Cochin, 27, rue du Fau- bourg Saint Jacques, 75679 Paris cedex 14. (2) Service de Radiologie, CHU Saint Louis, 1, avenue Claude Velle- faux, 75475 Paris cedex 10. (3) Service d’Urologie, CHU Saint Louis, 1, avenue Claude Vellefaux, 75475 Paris cedex 10. Correspondance : A Fregeville E-mail : [email protected]

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J Radiol 2010;91:37-44© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010

Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

article original

technique

Intérêt de l’angioscanner corps entier dans la prise en charge du patient en état de mort encéphalique

A Fregeville (1), C de Bazelaire (2), AM Zagdanski (2), M Albiter (2), F Desgrandchamps (3) et E de Kerviler (3)

epuis sa description initiale en1959 (1) et grâce à la loi Caillavetdu 22 décembre 1976 (2) la mort

encéphalique a permis les prélèvementsd’organes et de tissus en vue d’une gref-fe thérapeutique pour des patients endéfaillance d’organes. Les lois de Bioéthi-que, promulguées en juillet 1994 et révi-sées en août 2004, ont posé les principesgénéraux du prélèvement (anonymat,gratuité, consentement) pour permettrecet acte médical dans le respect de lapersonne et imposé les modalités du dia-

gnostic de mort encéphalique en Fran-ce : il repose sur l’examen clinique con-firmé par un examen complémentaire,par décret d’application (3). Dupas et alont ensuite montré que l’angioscannerdonnait des résultats identiques à l’an-giographie pour le diagnostic de mortencéphalique (4). Suite à cette publica-tion, une conférence d’experts, sous l’égidede la Société Française de Réanimationde Langue Française (SFLF) et de la So-ciété française d’anesthésie réanimation(Sfar) s’est réunie en 2003 et a publié untexte sur la prise en charge des sujetsavant explantation. Elle a recommandél’angioscanner comme moyen de con-firmation de l’arrêt circulatoireencéphalique (5). Il s’est imposé récem-ment comme le « gold standard », dansun article du J. de Neuroradiologie (6),face à l’angiographie conventionnelle etaux deux électroencéphalogrammes. Le

« prélèvement multi organe » (PMO)est devenu une urgence chirurgicale(après les urgences hémorragiques et obsté-tricales). De plus, au vu de l’améliorationdes techniques chirurgicales et dans uncontexte épidémiologique de vieillisse-ment des donneurs et de pénurie d’orga-nes, la tendance actuelle est à l’élargisse-ment des critères de sélection desorganes. Dans un objectif d’améliora-tion de la qualité des greffons et de leursurvie, nous avons envisagé la réalisa-tion d’un angioscanner spiralé « corpsentier », réalisé dans le même tempsque l’angioscanner encéphalique dia-gnostique de mort encéphalique, pourl’évaluation des organes du potentieldonneur et l’optimisation de sa prise encharge. Le but de ce travail est d’éva-luer l’impact de l’exploration corps en-tier dans la prise en charge du donneurpotentiel.

Abstract Résumé

Value of whole body CTA in the management of brain-dead patients.

J Radiol 2010;91:37-44

Purpose.

To assess the value of whole body CTA, as a complement to head CTA, in the management of brain-dead patients as potential organ donors.Materials and Methods. A total of 27 consecutive brain-dead patients admitted in a center authorized in the harvesting of organs between October 2006 and January 2008 were included. The imaging protocol used was the protocol recommended by the French Society of Neuro-radiology, with additional arterial phase helical acquisition of the chest, abdomen and pelvis, and parenchymal phase helical acquisition of the abdomen and pelvis. The imaging findings were then correlated to the surgical reports after organ harvesting.Results. CTA readily demonstrates tissue lesions, a contraindication to harvesting (14 cases, including one false positive), and anatomical variants of the vascular system (7 arterial variants and 3 venous variants) and liver (8 patients). Conclusion. CTA, the gold standard paraclinical examination for brain death assessment, allows, in a single examination, the identification of contraindications to organ harvesting that may modify the surgical approach and even avoid unnecessary mobilisation of the transplant team. It may also provide valuable preoperative evaluation by detecting anatomical variants of the liver and kidneys.

Objectifs.

Évaluer l’impact de l’exploration par angioscanner corps entier, en complément de l’angioscanner cérébral, dans la prise en charge du donneur potentiel en état de mort encéphalique.Matériels et méthodes. Notre étude porte sur 27 patients consécutifs en état de mort encéphalique, admis dans un centre autorisé au prélè-vement entre octobre 2006 et janvier 2008. Le protocole d’exploration était celui recommandé par la Société Française de Neuroradiologie pour le diagnostic de mort encéphalique, complété par une hélice artérielle thoraco-abdomino-pelvienne, éventuellement suivie d’une hélice parenchymateuse abdominopelvienne. Les analyses radiolo-giques étaient ensuite comparées aux comptes rendus opératoires des patients prélevés.Résultats. L’angioscanner dépiste aisément les lésions d’organes, à l’origine d’une contre indication au prélèvement (14 cas, dont un récusé par excès) et met en évidence les variantes vasculaires de la normale, rénales (7 variantes artérielles et 3 veineuses) et hépatiques (8 patients).Conclusion. L’angioscanner, examen paraclinique de référence pour le diagnostic de mort encéphalique, permet, dans un même temps d’examen, un bilan des contre-indications au prélèvement à l’origine d’une modification des décisions chirurgicales, voire d’une non-mobilisation des équipes. Il est enfin un support au geste chirurgical par dépistage des variantes anatomiques vasculaires hépatiques et rénales.

Key words: Brain death. Whole body CTA. Organ harvesting. Vascular anatomical variants.

Mots-clés : Mort encéphalique. Angioscanner corps entier. Sélection d’organes. Variantes anatomiques vasculaires.

D

(1) Service de Radiologie, CHU Cochin, 27, rue du Fau-bourg Saint Jacques, 75679 Paris cedex 14. (2) Service de Radiologie, CHU Saint Louis, 1, avenue Claude Velle-faux, 75475 Paris cedex 10. (3) Service d’Urologie, CHU Saint Louis, 1, avenue Claude Vellefaux, 75475 Paris cedex 10.Correspondance : A FregevilleE-mail : [email protected]

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Intérêt de l’angioscanner corps entier dans la prise en charge du patient en état de mort encéphalique

A Fregeville et al.

Patients et méthodes

Population et échantillon

Vingt-sept patients (10 femmes et 17 hom-mes, âge moyen 53 ans, extrêmes 23-83 ans)ont été inclus dans notre étude entre octo-bre 2006 et janvier 2008. Tous les patientsétaient adressés en Réanimation à SaintLouis, centre autorisé au prélèvement,drainant le réseau Nord Francilien deprélèvement d’organes et de tissus, avecun diagnostic clinique de mort encéphali-que afin d’en faire une confirmation pa-raclinique, dans l’éventualité d’un prélè-vement d’organes. Pour tous les patientsinclus dans la cohorte, une évaluationclinique complète avait été préalablementeffectuée, remplissant simultanément lestrois critères cliniques de mort encéphali-que (aréactivité motrice, abolition de l’en-semble des réflexes du tronc cérébral etabsence de ventilation spontanée).Dans tous les cas, la non-opposition auprélèvement a été obtenue après le dia-gnostic définitif paraclinique de mortencéphalique.

Méthodes d’exploration

Après un délai de 6 heures suivant le dia-gnostic clinique de mort encéphalique,un angioscanner hélicoïdal est réalisé. Lepatient est hémodynamiquement stabilisé,afin de reproduire systématiquement lesmêmes conditions d’examen (PAM> 65mmhg, diurèse > ou = 100 ml/h). Ilest également recommandé de maintenirune volémie suffisante (PVC = 6-8 mmHg),afin de prévenir l’insuffisance rénale liéeà l’injection de produit de contraste iodé(Recommandations SFNR (6)). On doitégalement disposer d’une voie veineusepériphérique antécubitale ou d’une voiecentrale dédiée à l’injection intraveineusede produit de contraste par injecteurautomatique, à raison de 2 ml/kg de Io-dixanol (7), à un débit de 3 ml/s. Cesangioscanners ont été réalisés sur desScanners Philips Brillance 16 puis 40 dé-tecteurs, selon le protocole recommandépar la Société française de neuroradio-logie (SFNR) en 2007 (6) pour le diagnosticpar angioscanner de mort encéphalique re-vu par Leclerc,

et al

. (8) puis Frampas etDupas (9) en 2009, comprenant une hélicecérébrale sans injection, complétée parune hélice artérielle thoraco-abdomino-pelvienne après injection de produit decontraste (à 20 secondes), suivie d’unehélice cérébrale à plus de 60 secondes

(requise pour le diagnostic de ME) etéventuellement d’une hélice thoraco-abdomino-pelvienne, si l’on estime néces-saire d’évaluer une lésion d’organe enphase parenchymateuse.La durée d’examen est estimée à 3 minutessi l’on ne prend en compte que la duréed’acquisition. En moyenne, la durée totalede l’examen comprenant l’installation dupatient nécessite 15 à 20 minutes

(fig. 1)

.Un compte rendu radiologique (premièrelecture) est établi en urgence pour dresserle procès-verbal du constat de ME avantprélèvement. Une analyse radiologiquepostérieure (seconde lecture) a été réaliséepour l’étude, en aveugle des données de lapremière lecture, et l’ensemble des résul-tats ont ensuite été comparés aux donnéesmacroscopiques peropératoires colligéesdans les comptes rendus opératoires for-malisés de prélèvement (CROFP) afind’évaluer la capacité de détection des lésionset variantes anatomiques par angioscanner.L’analyse des hélices thoraco-abdomino-pelviennes, était la suivante :• parenchyme pulmonaire : rechercherdes arguments évocateurs de tumeur, depneumopathie, de contusion et préciserleur caractère uni ou bilatéral ; Donnerdes indications quant à la présence d’unesurcharge œdémateuse pour une éven-tuelle correction avant transplantation.• médiastin : évoquer des variantes ana-tomiques vasculaires de la normale, ca-ractériser les densités des nodules pulmo-naires et évaluer les calcifications descoronaires et des valves cardiaques.

• abdomen et pelvis : évaluer la morpho-logie hépatique (surcharge, contours), re-chercher des lésions parenchymateusessuspectes, noter la disposition des artèreshépatiques (modale, artère hépatiquedroite, artère hépatique gauche…). Éva-luer la morphologie des reins (variantesanatomiques, taille), l’aspect du parenchy-me (rehaussement cortical synchrone), re-chercher des lésions kystiques ou tissulai-res, analyser l’arbre urinaire (lithiases) etla disposition artérielle. Analyser la mor-phologie pancréatique et rechercher dessignes de pancréatite chronique. Analyserles artères abdomino-pelviennes (aorte etaxes iliaques), leur degré d’athéromatoseet de calcification, en insistant sur le tronccœliaque, l’artère mésentérique supérieu-re et les artères rénales dans leur ensemble.Rechercher la présence d’adénomégaliesthoraco-abdomino-pelviennes suggestivesd’une pathologie infectieuse ou tumorale.Pour l’analyse de la vascularisation (arté-rielle et veineuse) des différents organesexplorés, des reconstructions multiplanairessont réalisées ainsi que des coupes épaissesMIP, à partir des coupes inframillimétri-ques natives.

Résultats

Sur les 27 scanners réalisés chez les patientsen ME de notre cohorte :• dix-huit ont bénéficié d’un angioscannersuivant le protocole décrit précédem-ment (hélice artérielle thoraco-abdomi-

Fig. 1 : Protocole d’angioscanner.

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no-pelvienne). Trois de ces 18 angioscan-ners étaient complétés par une hélice enphase parenchymateuse (environ 70 à80 secondes après injection de produit decontraste).

• sept patients n’ont eu qu’une hélicethoraco-abdomino-pelvienne en phaseparenchymateuse ou tardive. Ces erreursde manipulation, survenues en débutd’étude, semblaient liées au faible rodagedu protocole, dans un contexte d’urgence.Ainsi, sur ces 7 examens, l’analyse mor-phologique des différents organes à préleverrestait faisable mais l’analyse de la distri-bution vasculaire artérielle hépatique etrénale ne pouvait être fiable.

• deux examens étaient fortement artefac-tés en raison de problèmes techniques.

• sur les 27 patients donneurs poten-tiels, 22 ont été prélevés et l’analyse se-condaire des images a alors été comparéeaux données macroscopiques opératoires.Trois ont été récusés pour contre-indica-tions médicales générales, dont deux dedécouverte radiologique fortuite (lésionstumorales hépato-pulmonaires et tuber-culose active) et un, devant la survenue detrois arrêts cardiaques en cours de procé-dure. Deux n’ont pas été prélevés en rai-son de refus exprimés par les proches.

Analyse morphologique com

parative : critères « classiques

»

Le

tableau I

et le

tableau II

montrent lesperformances de l’angioscanner pour ladétection des anomalies morphologiques.

Analyse vasculaire : l’apport de l’angioscanner

En seconde lecture des 18 angioscannersréalisés au temps artériel (20 secondesaprès injection de produit de contraste),sur les coupes natives avec analyse multi-planaire et utilisation du MIP, on dépis-tait plusieurs anomalies vasculaires. Pourles reins, 7 variantes anatomiques artériellesde la normale étaient notées : 6 artères po-laires (4 pour le rein gauche et 2 pour lerein droit) et une artère principale supplé-mentaire à destinée du rein droit. Troisvariantes anatomiques veineuses de lanormale étaient relevées : 1 cas de doubleveine rénale droite (confluence tardive)et 2 cas de double veine rénale gauche,circumaortiques et rétroaortiques. La

Tableau IAnalyse par angioscanner des données morphologiques évaluées classiquement par échographie ou radio standard et comparées ensuite aux données des CROFP.

Patients (27) Reins Foie Poumons Pancréas

Opposition (Refus) 2

Récusés pour CI générales

3 dont 1 obstacle médical technique (ACR en cours de procédure).

3 3 dont 1 tumeur hépato-pulmonaire

3 dont 1 tumeur hépato-pulmonaire

3

1 tuberculose active pulmonaire et 1 EP massive avec ADP médiastinales (ACR en cours de procédure)

Prélevés (P) 22 19 16 (1 SPLIT) 8 5

Non Prélevés (NP) 33 : FdR cardiovasculaires à traduction artérielle rénale 1 : anévrismes multiples de l’artère RD (RG prélevé)

61 : stéatose hépatique et OH chronique3 : dysmorphie hépatique1 : âge > 83 ans1 : sous CEC (Gillot)

14 5 : pneumopathies bilatérales1 : nodule suspect de lésion 1re

2 : pneumothorax sur poumons pathologiques3 : OAP malgré optimisation pulmonaire (PaO2/FiO2 < 200)2 : bronchiolites bilatérales1DIAG par EXCÈS : bronchiolite

171 : pancréatite chronique

Cœur : aucun cœur prélevé (10 P) ne présentait d’athérome calcifié des coronaires ; Poumons : la majorité (21/27) des patients présentait des atélectasies bilatérales plus ou moins étendues.

Tableau IICapacité de détection par angioscanner.

Reins Foie

Prélevés Non Prélevés Prélevés Non Prélevés

Lésions d’organes 2 infarctus rénaux

droits limités

(1, non transplanté)

1 cas d’infarctus rénaux

multiples

5 foies stéatosiques, 1 foie stéatosique,

2 tumeurs bénignes (P : 1HNF, 1hamartome biliaire)

1 tumeur maligne

Variantes anatomiques morphologiques

Double uretère gauche Syndrome de jonction (NP pour refus)

1 foie dysmorphique 3 foies dysmorphiques

Variantes anatomiques vasculaires

7 variantes artérielles, Anévrysmes multiples

de l’artère rénale droite

8 variantes artérielles de la distribution modale

hépatique3 variantes veineuses

En caractères gras : détectés par angioscanner ; En caractères normaux : constatations peropératoires.

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concordance radio-chirurgicale, pour lespatients prélevés, était de 100 %. Pour lefoie, 8 variantes anatomiques artériellesde la distribution modale hépatiqueétaient notées, 3 artères hépatiques droites(issues de l’artère mésentérique supérieure),5 artères hépatiques gauches (issues del’artère gastrique gauche), dont unecoexistence d’une artère hépatique droiteet d’une artère hépatique gauche chez unmême patient. Aucune comparaison radio-chirurgicale n’avait pu être réalisée, lesvariantes artérielles de la vascularisationhépatique n’étant pas mentionnées sur lesCROFP. Par ailleurs, une infiltrationathéromateuse calcifiée diffuse contre-indiquait le prélèvement rénal pour 2 pa-tients ; dans un cas, l’athérome était associéà des infarctus rénaux bilatéraux. Enfin,la découverte fortuite d’anévrismes mul-tiples de l’artère rénale droite contre-indiquait le prélèvement de ce rein chezune jeune patiente.

Modifications des décisions chirurgicales

Au total, plusieurs anomalies de décou-verte fortuite à l’angioscanner ont modifiél’attitude chirurgicale. Ainsi, deux patientsont été récusés du PMO pour contre-indica-tions générales (images suspectes pulmonai-res ou hépato-pulmonaires), deux autresont été récusés d’un prélèvement rénal dufait d’une importante infiltration athéro-mateuse calcifiée (associée à des facteursde risques tels qu’une HTA chroniquepour l’un et une HTA et un DNID pourl’autre). Une jeune patiente a été prélevéed’un seul rein devant des anévrismes multi-ples de l’artère rénale controlatérale. Deuxfoies dysmorphiques, dont un avec signesd’hypertension portale (cirrhotique à labiopsie hépatique), ont été récusés du pré-lèvement hépatique. Une intoxicationalcoolique était relevée dans ces 2 cas. Sixpatients ont été récusés d’un prélèvementpulmonaire sur les images radiologiques,cinq pour pneumopathies bilatérales etune jeune patiente pour des dilatations debronches variqueuses diffuses associées àun verre dépoli. Enfin, une pancréatitechronique a été réfutée pour un prélève-ment de glande ou d’îlots pancréatiques.Il faut également noter qu’un patient a étérécusé à tort devant un compte renduradiologique jugé « trop alarmiste » pourdes images d’atteinte des petites voiesaériennes alors que ses paramètres deventilation (PaO2/FiO2) étaient parfaits

et que six patients n’ont pas été prélevésde leurs poumons sans raisons radiologiquesobjectivées. Chez tous, on visualisait desatélectasies bilatérales étendues (imagesretrouvées sur la quasi-totalité des an-gioscanners réalisés).

Discussion

Alors que l’angioscanner s’est imposé enFrance comme le « gold standard » desexamens complémentaires angiographi-ques médico-légaux pour le diagnostic dela mort encéphalique, son extension im-médiate, simple et simultanée à l’étude del’ensemble des organes prélevables nous aparu logique et efficace en terme de sélec-tion d’organes. À terme, la diffusion del’angioscanner corps entier permettrait desuppléer au classique couple échographieabdomino-pelvienne/radiographie thora-cique, examens opérateurs et lecteursdépendants, souvent réalisés au lit du pa-tient, dans des conditions difficiles (etdonc « chronophages ») avec un matériel(portatif ou du service de réanimation)généralement moins performant que ce-lui dont nous disposons dans nos servicesde radiologie.En effet, quel que soit l’organe, la supé-riorité des greffes en termes de durée, dequalité de vie et de coûts, par comparaisonavec les thérapeutiques palliatives (dialyse ettraitements médicamenteux) ont amené leséquipes de greffes à en élargir les indica-tions. Parallèlement, grâce aux effortsconjoints des services de réanimation, descoordinations hospitalières et des équipeschirurgicales de prélèvement, le nombred’organes greffés augmente régulièrement(depuis le Plan-Greffe de 2000-2003 enFrance, passant de 18 donneurs prélevéspar millions d’habitants (pmh) à plus de24 pmh en 2007). Cependant, l’inscriptiondes malades en liste d’attente augmenteplus vite que le nombre de donneurs recen-sés et prélevés et il existe, de fait, une pénuried’organes : en 2007, plus de 13 000 maladesattendaient une greffe, moins de 4 700 ontpu être greffés (même si le nombre degreffes augmente de nouveau de 8,3 %).Cette pénurie touche de façon évidente lagreffe rénale, par augmentation constantedes cas d’insuffisance rénale chronique,par vieillissement de la population et parles quelque 30 000 patients dialysés dontmoins de 6 000 sont effectivement inscritsen liste d’attente. Pour la greffe hépatique,le risque de pénurie d’organe vient du

grand nombre de patients VHC+, évo-luant vers la cirrhose et/ou le carcinomehépatocellulaire. Pour le poumon, au vude l’amélioration des résultats de la greffe(plus de 50 % de survie à 5 ans), les indica-tions tendent à s’étendre de la mucovisci-dose aux fibroses et aux emphysèmes.Pour le foie comme pour le poumon, la pé-nurie d’organes reste le facteur limitant…Par ailleurs, le nombre de morts encépha-liques (représentant moins de 0,01 % desdécès) diminue régulièrement du fait del’efficacité des campagnes de préventionen terme d’accidentologie et de maladiescardio-vasculaires (10, 11). Cependant, lepotentiel de donneurs en état de ME, sourceessentielle des organes en France, offre en-core des possibilités d’extension par amé-lioration du recensement dans les régionsencore peu actives (majoration de 2 % en2007), par réduction du taux des refus(stabilisé à environ 30 % depuis 10 ans etabaissé à 28 % en 2007) et par élargissementdes critères de prélevabilité.Ainsi, dans un contexte épidémiologiquede vieillissement des donneurs et de pénuried’organes est apparue la notion de « don-neurs limites » et avec elle, la prise encompte du concept de « balance bénéfice/risque » dans la pratique médicale et dansl’allocation des greffons par l’Agence dela Biomédecine. D’où l’utilité d’une éva-luation fiable, reproductible, standardiséeet rapide, dans ce contexte d’urgence, desorganes prélevables du donneur potentiel.D’un point de vue technique, les perfor-mances technologiques des scanners multi-barettes de dernière génération, rapides etaccessibles en permanence, ont ouvert denouvelles opportunités d’exploration. Ilen ressort également un bénéfice pratiquepuisqu’en un seul déplacement du patientdu service de réanimation au service deradiologie, on réalise à la fois le diagnosticde certitude de la mort encéphalique et lebilan d’organes corps entier. Le patientdoit être auparavant hémodynamique-ment stable et ses constantes respiratoiresoptimisées. La translation du patient surla table du scanner mobilise médecins etparamédicaux pour un temps d’examentotal estimé à 20 minutes environ. Comptetenu des déplacements de table importantsnécessaires à l’enchaînement des 3 voire4 hélices du protocole, il faut veiller aupositionnement adéquat des tubulures etautre matériel de réanimation (notam-ment pour les patients sous CEC), afind’éviter tout incident au passage du corpsdans l’anneau. La qualité des images se

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voit parfois détériorée par le matériel deréanimation et la position du patient « lesbras le long du corps ». Cependant, lasituation permet de s’affranchir des pro-blèmes d’irradiation et ainsi de réduirel’impact de ces artefacts. Enfin, le proto-cole proposé n’impose pas de réinjectionde produit de contraste iso-osmolaire(Iodixanol), (12) si on s’affranchit de laréalisation d’une hélice à 20 secondes surl’encéphale comme le préconisent Leclercet al (8), et semble peu pourvoyeur denéphrotoxicité.Concernant la détection des lésions authen-tiques (fig. 2 et 3) ou variantes morpho-logiques de la normale, recherchées habi-tuellement par échographie ou radiographiestandard, l’angioscanner corps entier s’avè-re très satisfaisant, quel que soit l’organeétudié, comme en témoignent nos résul-tats, avec des conséquences directes sur ladécision chirurgicale de non-prélèvementou de non-déplacement des équipes chi-rurgicales.Après étude de nos résultats, trois réservespeuvent apparaître. Deux de nature dia-gnostiques, où l’angioscanner réalisé selonnotre protocole (hélice artérielle thoraco-abdomino-pelvienne) a méconnu 2 tumeurshépatiques bénignes authentiques et unemalformation des cavités excrétrices ré-nales. La troisième concerne l’absence de« guidelines » pour le thorax. La grandemajorité des patients présentant des ano-malies parenchymateuses (atélectasiesquasi-constantes), un compte rendu ra-

diologique péjoratif pour des lésions pul-monaires sans répercussion sur les gaz dusang (notamment concernant les infec-tions des voies aériennes, très fréquenteschez ces patients intubés et ventilés (80 %)(13)) peut être à l’origine d’une récusationà tort d’un prélèvement pulmonaire.Ainsi, il semble nécessaire de généraliserle temps parenchymateux après injectionde produit de contraste, en complémentd’une hélice artérielle, afin de maximiserles capacités de détection et de caractéri-sation des lésions parenchymateuses hé-patiques ou rénales. Une hélice tardivepermettrait également de détecter laprésence de variations morphologiquesde l’arbre urinaire.Pour le thorax, l’absence de « guidelines »couplée à la fréquence des images anor-males doit contraindre le radiologue à uncompte rendu descriptif de ces anomalies,à en spécifier le caractère uni ou bilatéral,mais en aucun cas à influencer, par les ter-mes employés, la décision des équipes detransplantation qui devront les pondérerpar la mesure des gaz du sang et pard’éventuels prélèvements sous fibroscopie(14).C’est à l’étude de la vascularisation dufoie et des reins que revient l’apport indis-cutable de l’angioscanner (15). En effet,notre étude a permis de dépister 100 %des variantes anatomiques artérielles ré-nales, résultats similaires à ceux décritspar Raman and al sur un scanner 16 bar-rettes (16). Cette analyse soigneuse des

images natives acquises au temps artériel,se fait idéalement en vues multiplanaires(MPR) et en intensité maximale de pro-jection (MIP), dans des plans coronal obli-que et sagittal (17, 18) (fig. 4).Les distances entre artère principale etartères polaires rénales issues de l’aortepeuvent être mesurées, donnant ainsi auchirurgien la notion de possibilité de patchaortique commun ou séparé.Enfin, l’analyse angiographique per-met de dépister des anomalies intrinsèquesdes artères rénales, telle qu’une fibro-dysplasie ou des anévrismes

(fig. 4)

. LeMIP renseigne également sur le degréd’infiltration athéromateuse des artèresrénales, ce que ne permet pas une re-construction tridimensionnelle (Volu-me Rendering). L’analyse des variantesveineuses est moins aisée mais permise,au temps artériel, comme l’ont démon-tré S Namasivayam,

et al

. (18, 19) par leretour veineux précoce dans les veinesrénales, notamment en ce qui concerneles variantes veineuses « majeures » (20)telles que les veines surnuméraires (plusfréquentes à droite qu’à gauche), lesveines circumaortiques, rétroaortiquesgauches, les confluences tardives ou lesdoubles veines caves inférieures. Les va-riantes mineures (gonadiques, surréna-liennes ou lombaires) sont de détectionplus difficile (non analysées dans notreétude). On peut enfin préciser la distan-ce séparant ces veines multiples (veinesrénales droites), pour évaluer la lon-

Fig. 2 : Patient de 61 ans, en EME suite à un traumatisme crânien, non prélevé pour contre-indication médicale. Découverte fortuite, par angioscanner corps entier, d’une tumeur nécrotique hépatique dans le segment VIII (autre localisa-tion probable dans le segment IVa).

Fig. 3 : Patient de 51 ans, aux antécédents d’éthylisme chronique, en EME suite à un traumatisme crânien, non prélevé devant l’opposition présumée du patient (refus exprimé par les proches). Découverte fortuite, lors de l’angioscanner corps entier d’une pancréatite chronique.

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gueur de section de la veine cave infé-rieure. Ces renseignements, transmisau chirurgien préleveur, permettraientde réduire les éventuelles complicationsassociées aux procédures de prélève-ment (plaies artérielles et hémorragies)ainsi que le temps opératoire (tempsd’ischémies chaude et froide)… et doncd’augmenter les chances de réussite dela greffe (17).Concernant les variantes artérielles de ladistribution modale hépatique

(fig. 5)

, ilest aisé, sur les scanners multibarrettesactuels, par les mêmes procédés d’analyse(MPR et MIP), de dépister les artères hépa-tiques droites et/ou gauche, issues respecti-vement de l’artère mésentérique supérieureet de l’artère gastrique gauche (21).

Ces renseignements permettent égalementde planifier les procédures de prélèvement,de diminuer le nombre de plaies arté-rielles accidentelles (22, 23) et de pré-voir le site et les éventuels montagesanastomotiques de ces variantes arté-rielles, de calibre souvent moindre, ré-duisant ainsi l’incidence des sténosessur anastomoses (24). Dans l’objectifd’augmenter le nombre de patientstransplantés et d’y inclure la populationpédiatrique, la Split Transplantation(25) est une technique chirurgicalepointue consistant à partager le foie prélevéen un greffon droit et un greffon gau-che (le gauche contenant habituelle-ment le pédicule hépatique et la veinesus-hépatique moyenne). Dans ces rares

Fig. 4 : Variantes anatomiques artérielles rénales décelées lors de l’hélice artérielle de l’angioscanner corps entier, en reconstructions multiplanaires (MPR) coronales obliques, à l’aide du MIP.

a Artère supplémentaire rénale (polaire inférieure gauche) distante de 23 mm de l’artère principale rénale gauche.

b Artère supplémentaire rénale (polaire supérieure gauche), distante de 13 mm de l’artère principale rénale gauche.

c Artère supplémentaire hilaire droite, dont l’origine est quasiment conjointe à celle de l’artère principale rénale droite (patch commun en « canon de fusil » selon le CROFP).

d Jeune femme de 46 ans, en EME suite à une hémorragie méningée avec inondation ventriculaire, prélevée du foie, rein gauche, cœur-poumon et pancréas. Découverte fortuite par angioscanner (hélice tardive, au temps excrétoire) d’anévrismes multi-ples de l’artère rénale droite, contre-indiquant le prélèvement du rein droit.

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cas de procédure, un temps veineuxs’impose également pour caractériser ladistribution veineuse portale (varian-tes) et sus-hépatique (sus-hépatique ac-cessoire) et pour valider le choix dudonneur (26).L’angioscanner corps entier permet enfind’étudier l’infiltration athéromateuse plusou moins calcifiée des grands axes arté-riels (pouvant contre-indiquer un prélève-ment rénal, si elle est importante et diffuse)et de réfuter un éventuel prélèvement vas-culaire.Il est évident que le temps de lecture parle radiologue est nettement augmenté etqu’il demande une attention particulièrepour la connaissance et le dépistage desvariantes vasculaires. Cependant, l’ana-lyse structurée des images permet de dis-poser d’informations utiles au déroule-ment et à l’organisation optimale duprélèvement. Ainsi, on peut proposer, à titreindicatif, la grille de lecture colligée enannexe 1.Les limites de notre étude ont été liéesaux conditions d’urgence du prélève-ment. Ainsi, l’angioscanner n’a pu êtrecomparé à l’échographie abdomino-pel-vienne, pour le dépistage des contre-indica-tions au prélèvement. Enfin, il est essentielque, dans l’agitation de l’urgence, les in-formations recueillies par angioscannersoient transmises au chirurgien préle-veur et à la coordination hospitalière,afin de ne pas déplacer inutilement deséquipes chirurgicales (à l’origine d’unsurcoût évident) ou de prélever un orga-ne non fonctionnel avec augmentationconsécutive du temps d’ischémie froide(notre étude a hélas montré un cas derein prélevé, non transplanté, par défautd’information).

Conclusion

L’angioscanner corps entier, réalisédans le même temps que l’angioscannerencéphalique diagnostique de la mortencéphalique, est donc un moyen rapi-de, accessible, standardisé et fiable pourle bilan des organes prélevables en subs-titution du couple habituel « radiogra-phie pulmonaire/échographie abdomi-nale ». Le protocole optimal comprendl’enchaînement de deux hélices, l’uneartérielle thoraco-abdomino-pelvienne,l’autre parenchymateuse abdomino-pelvienne pour l’étude des viscères.

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Fig. 5 : Variantes artérielles de la distribution modale hépatique, détectées par l’hélice arté-rielle de l’angioscanner corps entier, en reconstructions multiplanaires, à l’aide du MIP.

a Distribution artérielle modale.b Artère hépatique droite (naissant de l’AMS). c Artère hépatique gauche (naissant de l’AGG).d Artère hépatique droite et artère hépatique gauche.

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Il est une aide évidente à la prise encharge globale du patient avec un im-pact direct sur les décisions de prélève-ment d’organe ou d’absence de mobili-sation des équipes chirurgicales. Enfin,il peut être un support au geste chirurgicalpar la description préopératoire des va-riantes anatomiques morphologiques etvasculaires. Il s’inscrit dans l’évolution des prati-ques radiologiques et dans l’obligationde moyens du contrat de performance2007-2010 de l’Agence de la biomédeci-ne. Il entre également dans le cadre plu-ridisciplinaire de la prise en charge dessujets en état de mort encéphalique.Celle-ci requiert en effet une compé-tence médicale et chirurgicale de hautniveau, des possibilités d’organisationintra et interhospitalière ainsi qu’uneréelle capacité à faire preuve d’humani-té. Toutes ces tâches ne s’improvisentpas, exigent compétence, disponibilitéet communication au sein de la commu-nauté médicale et paramédicale et fontpartie des missions de la coordinationhospitalière du prélèvement, codifiées par laloi, structurées par les établissements accré-dités et la mobilisation des équipes hos-pitalières.

Annexe 1 : Proposition d’une grille de lecture

DIAGNOSTIC DE MORT ENCEPHALIQUE :

Score de non opacification à 5 (Leclerc and al (14))

– branches corticales des artères cérébrales moyennes : droite (1)/ gauche (1)

– veines cérébrales internes : droite (1)/ gauche (1)– grande veine de Gallien : (1)

ÉTUDE MORPHOLOGIQUE THORACO-ABDOMINO-PELVIENNE :

THORAX : Lésion parenchymateuse : localisation/uni ou bilatérale/bénin-malin Médiastin : adénomégalie, embolie pulmonaire Cœur : calcifications coronaires

ABDOMEN :foie : Dysmorphie, signes d’hypertension portale

Stéatose Lésion : localisation/bénin-malin (caractérisation)

pancreas : Calcifications de pancréatite chroniquereins : Taille

Parenchyme : rehaussement Lésion : localisation/bénin-malin Arbre urinaire : variante/lithiase

vascularisation : (Reconstructions MPR/MIP)– Hépatique : distribution modale ou variantes artérielles– Rénale : variantes artérielles et veineuses – Axes vasculaires : artériels coeliaque, mésentérique supé-

rieur, rénaux, Aortique et iliaques

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