dynamiques des agricultures écologisées dans les communautés scientifiques internationales : une...

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1 Dynamiques des agricultures écologisées dans les communautés scientifiques internationales : une rupture paradigmatique à rebondissements Ollivier Guillaume, INRA, Ecodéveloppement et AMANDES.TXT, [email protected] Bellon Stéphane, INRA, Ecodéveloppement, [email protected] Résumé Les interrogations sur les modèles agricoles ne sont pas nouvelles. La profusion de qualifications de l'agriculture au sein des mouvements sociaux et/ou de la recherche en atteste. Elles proposent des réformes plus ou moins radicales et/ou plus ou moins conceptuellement construites de l‘agriculture. Dans l‘arène scientifique, certains chercheurs ont mobilisé ou proposé des alternatives au mode de production agricole moderne. Nous proposons de mettre en évidence la dynamique d'émergence de ces conceptions au sein des communautés scientifiques internationales afin de caractériser leur nature paradigmatique et de mettre en évidence les facteurs influençant leur développement. En mobilisant les outils d'analyse textuelle et scientométrique, nous faisons l‘inventaire des formes d‘agriculture écologisées développées à partir d‘un corpus de notices bibliographiques internationales. Nous montrons les spécificités de chaque forme ainsi que les tendances communes du domaine qu'elles constituent. Même si les qualifications se différencient du point de vue de leur dynamique et de leurs attachements institutionnels, il existe pour certaines d‘entre elles une convergence paradigmatique liée à différents emprunts à la pensée écologique. Nous discutons ensuite la forte dépendance de ces recherches à différents facteurs qui renvoient à la relation entre activité scientifique et institutions politiques. Mots-clefs : écologisation, sciences agricoles, agriculture alternative, scientométrie I. Introduction Prenant acte de l‘irruption massive de l‘écologie et des préoccupations environnementales dans l‘agriculture et dans la recherche agronomique, cette contribution vise à clarifier le paysage des qualifications de l'agriculture dans l'arène scientifique internationale. Des travaux, dans le contexte français (Féret et Douguet, 2001 ; Pervanchon et Blouet, 2002), ont déjà identifié de nombreuses expressions en leur donnant des définitions institutionnelles sur un mode normatif. D'autres travaux ont porté exclusivement sur la production scientifique propre à certaines de ces qualifications. Nous contribuons à couvrir une lacune concernant une cartographie générale des qualifications de l'agriculture telles qu'elles sont définies dans l‘usage scientifique, c‘est à dire construites dynamiquement par les chercheurs dans le cadre de leurs publications. Ce travail s‘inscrit dans les débats posés au tournant des années 90 par les sociologues ruraux américains ayant contribué à déconstruire l‘agriculture modernisée et durable et à proposer des voies de reconstruction (Kloppenburg, 1991). Tout en fondant de grands espoirs dans une autre agriculture, ces auteurs questionnent alors son devenir (Beus et Dunlap, 1990). Ces questionnements semblent resurgir aujourd‘hui, comme en témoigne l‘activité intense autour de l‘agroécologie ou de l‘agriculture écologiquement intensive en France (AIAEI, 2009). Nous portons un regard rétrospectif sur le développement, et les mécanismes associés, de différentes propositions d’agriculture écologisées développés dans le monde académique. Comme de nombreux auteurs s‘intéressant à l‘évolution des modèles agricoles chez les chercheurs ou les agriculteurs (Beus et Dunlap, 1990 ; Wheeler, 2009 ; Wynen, 1996), nous nous référerons au concept de paradigme. Kuhn, en mobilisant ce concept, adopte une

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Dynamiques des agricultures écologisées dans les communautés scientifiques internationales : une rupture paradigmatique à

rebondissements

Ollivier Guillaume, INRA, Ecodéveloppement et AMANDES.TXT, [email protected]

Bellon Stéphane, INRA, Ecodéveloppement, [email protected]

Résumé

Les interrogations sur les modèles agricoles ne sont pas nouvelles. La profusion de qualifications de l'agriculture au sein des mouvements sociaux et/ou de la recherche en atteste. Elles proposent des réformes plus ou moins radicales et/ou plus ou moins conceptuellement construites de l‘agriculture.

Dans l‘arène scientifique, certains chercheurs ont mobilisé ou proposé des alternatives au mode de production agricole moderne. Nous proposons de mettre en évidence la dynamique d'émergence de ces conceptions au sein des communautés scientifiques internationales afin de caractériser leur nature paradigmatique et de mettre en évidence les facteurs influençant leur développement.

En mobilisant les outils d'analyse textuelle et scientométrique, nous faisons l‘inventaire des formes d‘agriculture écologisées développées à partir d‘un corpus de notices bibliographiques internationales. Nous montrons les spécificités de chaque forme ainsi que les tendances communes du domaine qu'elles constituent.

Même si les qualifications se différencient du point de vue de leur dynamique et de leurs attachements institutionnels, il existe pour certaines d‘entre elles une convergence paradigmatique liée à différents emprunts à la pensée écologique. Nous discutons ensuite la forte dépendance de ces recherches à différents facteurs qui renvoient à la relation entre activité scientifique et institutions politiques.

Mots-clefs : écologisation, sciences agricoles, agriculture alternative, scientométrie

I. Introduction Prenant acte de l‘irruption massive de l‘écologie et des préoccupations environnementales dans l‘agriculture et dans la recherche agronomique, cette contribution vise à clarifier le paysage des qualifications de l'agriculture dans l'arène scientifique internationale. Des travaux, dans le contexte français (Féret et Douguet, 2001 ; Pervanchon et Blouet, 2002), ont déjà identifié de nombreuses expressions en leur donnant des définitions institutionnelles sur un mode normatif. D'autres travaux ont porté exclusivement sur la production scientifique propre à certaines de ces qualifications. Nous contribuons à couvrir une lacune concernant une cartographie générale des qualifications de l'agriculture telles qu'elles sont définies dans l‘usage scientifique, c‘est à dire construites dynamiquement par les chercheurs dans le cadre de leurs publications.

Ce travail s‘inscrit dans les débats posés au tournant des années 90 par les sociologues ruraux américains ayant contribué à déconstruire l‘agriculture modernisée et durable et à proposer des voies de reconstruction (Kloppenburg, 1991). Tout en fondant de grands espoirs dans une autre agriculture, ces auteurs questionnent alors son devenir (Beus et Dunlap, 1990). Ces questionnements semblent resurgir aujourd‘hui, comme en témoigne l‘activité intense autour de l‘agroécologie ou de l‘agriculture écologiquement intensive en France (AIAEI, 2009). Nous portons un regard rétrospectif sur le développement, et les mécanismes associés, de différentes propositions d’agriculture écologisées développés dans le monde académique.

Comme de nombreux auteurs s‘intéressant à l‘évolution des modèles agricoles chez les chercheurs ou les agriculteurs (Beus et Dunlap, 1990 ; Wheeler, 2009 ; Wynen, 1996), nous nous référerons au concept de paradigme. Kuhn, en mobilisant ce concept, adopte une

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approche internaliste de la science fondée sur son contenu cognitif et externaliste visant à fournir une explication sociologique à son développement. Un paradigme est une manière spécifique de voir le monde, basée sur des faits, des métrologies et des modes d‘interprétation qui cherchent à expliquer et à résoudre des problèmes (Kuhn, 1962). Ce concept rompt avec la modèle du développement de la Science par l‘accumulation linéaire des connaissances. Kuhn montre que ce développement est une succession de paradigmes concurrents passant par des phases normales et des révolutions. Durant ces moments de crise, les chercheurs mettent en évidence les anomalies du pouvoir explicatif du paradigme préalable jusqu‘à l‘émergence du nouveau paradigme plus à même de répondre aux problèmes posés. Cette situation induit une compétition entre les chercheurs dont découlerait des clivages en communautés distinctes. Kuhn note finalement qu‘un changement de paradigme induit des glissements lexicaux pouvant mener à des "incommensurabilités" entre chercheurs.

Nous cherchons à discerner le type de changement paradigmatique qui s‘opère au sein de la production scientifique relative à l‘agriculture en particulier du point de vue des modes de production agricoles. Dans un premier temps, nous exposons la démarche mobilisée. Ensuite, les résultats sont présentés en inventoriant les formes de qualification de l‘agriculture, c'est-à-dire les expressions susceptibles de refléter le changement de paradigme. Nous mettons en évidence la dynamique de développement de la production académique associée à chacune de ses formes ainsi que leurs caractéristiques propres. Après avoir mis en évidence les différenciations, nous repérons leurs convergences paradigmatiques du point de vue disciplinaire et de leur base intellectuelle. Enfin, nous discutons la nature paradigmatique de ces différentes formes d‘agriculture écologisée et les facteurs influençant leur développement.

II. Matériels et Méthodes Comme le proposent différents auteurs (Chen et al., 2002 ; Small, 2003), nous appliquons une méthodologie scientométrique pour traiter du concept de paradigme. Nous utilisons les notices bibliographiques, reflets de l‘activité socio-cognitive des chercheurs, issus des bases de données internationales CAB, référence dans le domaine de l‘agriculture, et Web of Science, référence généraliste permettant les analyses de co-citations.

En premier lieu, nous inventorions les formes de qualifications de l‘agriculture à partir d‘un premier corpus de référence constitué à partir des termes contenant la racine agr ou farm, associé éventuellement à eco, de manière à saisir les formes écologisées d‘agriculture1. Pour des raisons de capacité de traitement, nous avons limité la requête au titre d‘articles de revues ce qui produit un corpus de 36206 notices (CAB-TI1) couvrant la période 1973-20082.

Ensuite, nous extrayons l‘ensemble des qualifications de l‘agriculture avec un parti pris linguistique en utilisant l‘outil morphosyntaxique du logiciel Prospéro (Chateauraynaud, 2003). Les qualifications, plus ou moins complexes, recherchées sont basées sur la syntaxe anglaise suivante : [(adjectif ou nom) + (0 à 4 mots) + (agriculture ou farming)].

Ensuite, nous catégorisons ces qualifications pour focaliser sur celles qui traitent des modes de production écologisés. Chacune des formes sélectionnées, et leurs variantes, a donné lieu à la production d‘un corpus spécifique sur deux bases de données bibliographiques : Web of Science (requête sur tous les champs textuels WoS-TS, N=6500) et CAB (CAB-TI2 pour la requête appliquée aux titres seuls3).

1 agriculture OR farming OR agroecology OR ecoagriculture

2 Les extractions et l‘analyse ont été menée pour la majorité des analyses durant l‘année 2009. Nous avons choisi de ne pas inclure

les enregistrements de cette année étant donnée la mise à jour décalée de certaines bases utilisées. Une mise à jour a été faite en février 2011 pour les analyses ne nécessitant pas un travail trop important 3 Le travail sur des formes spécifiques se fait à partir d‘une requête sur le titre dans la mesure où la base CAB utilise un thésaurus

et une description qui induit du flou lorsque la requête est appliquée à l‘ensemble des descripteurs (TS). En effet, les articles concernant les formes d‘agriculture que nous ciblons sont le plus souvent indexés avec les mots-clés organic agriculture ET ecoagriculture utilisés conjointement.

3

Nous utilisons des Analyses Factorielle de Correspondance (AFC) croisant les formes et une variable, soit successivement : auteurs, pays des auteurs, lexique et spécialité disciplinaire4. L‘AFC (c.f. annexes) permet d‘identifier les distances et proximités entre les différentes formes et avec certaines modalités des variables analysées (Lebart et al., 2006) pour informer à la fois la différenciation et les convergences entre formes. Enfin, nous menons une analyse de co-citation de documents (DCA) sous le logiciel Citespace (Chen et al., 2010). Un lien de co-citation est établi entre deux documents cités lorsqu‘ils sont présents dans le même article. La DCA repère, par classification automatique, les zones denses de co-citation qui reflètent les bases intellectuelles internes au domaine des agricultures écologisées.

III. Résultats

A. Inventaire des qualifications de l’agriculture dans la littérature internationale

Différents types de qualification apparaissent lors de l'inventaire (Figure 1). Le type dominant concerne les modes de productions agricoles (35% du volume d'articles) suivi de près par des qualifications géographiques de l'agriculture (34%: indian, european…). Les qualifications les moins présentes sont relatives à des déterminants environnementaux de l‘agriculture (8% : dryland, mountain, periurban…), à des attributs sociaux de l‘unité productive (family, domestic, community-based…), à des systèmes politico-économiques (capitalist, liberal, socialist, commercial…), à des produits et filières spécifiques (dairy, crop, animal…), à des techniques particulières (cybernetic, digitial, hydroponic…) et minoritairement aux échelles d‘exercice de l‘activité (large scale, local, field farming…), à ses performances (active, dependent, harm, aggressive…), à la temporalité (ancestral, future…) et enfin à l‘éthique (responsible, civic…).

Figure 1 : Qualifications de l’agriculture : types généraux (CAB-TI1)

Figure 2 : Qualifications de l’agriculture : sous-types des modes de production (CAB-TI2)

35% des qualifications de l‘agriculture concernent les modes de production sur lesquelles nous focalisons maintenant (Figure 2). Certaines formes désignent les modes de production issus de la modernisation (productive, conventional, industrial, intensive, modern). Nous choisissons de les laisser de côté pour ne pas alourdir les analyses et pour privilégier les formes qui marquent une volonté de rupture paradigmatique plus ou moins explicitement associée à une écologisation. Les formes associées à la modernisation seront néanmoins présentes dans les différents corpus surtout dans un contexte d‘usage antinomique, comme par exemple le motif très fréquent opposant "conventionnal" et "organic". Les formes écologisées, énoncées dans l‘ordre de leur occurrence dans le corpus CAB-TI2, sont : Sustainable5 (27%), Organic (22%),

4 Subject area : mode de catégorisation des spécialités disciplinaires utilisé dans WoS et CAB

5 Nous utilisons dans le texte les termes anglo-saxons ou français, respectivement : agriculture durable, organique (AB), de

précision, écologique, traditionnelle, alternative, agroécologie, intégrée, multifonctionnelle, écoagriculture, à bas intrants, de conservation, biologique, mixte, extensive, efficace, favorable à l‘environnement, sans labour, naturelle, biodynamique et régénérative.

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Precision (11%), Ecological (4%), Traditional (4%), Alternative (3%), Agroecology (3%), Integrated (2%), Multifunctional (2%) Ecoagriculture, Low-input, Conservation, Biological, Mixed, Extensive, Efficient, Environment-friendly, No-till, Natural, Biodynamic et Regenerative. Nous présentons les principales caractéristiques de chaque forme selon leur ordre d‘apparition historique (Figure 3), en nous référant aux résultats issus des analyses factorielles6 puis de co-citations et à des compléments issus du corpus afin de préciser leur origine et leur positionnement.

B. Dynamiques et attachements spécifiques des agricultures écologisées

Figure 3 : Dynamiques des agricultures écologisées a) globale, b) part de la production académique sur l'agriculture et c) formes dominantes (durable, organique et de précision) (CAB-TI2)

Les publications relatives aux agricultures écologisées représentent environ 12 % de la production scientifique totale sur l'agriculture7 sur l‘ensemble de la période considérée, avec un maximum de 24 % en 2008 (Figure 3b). Ce domaine, très minoritaire dans les années 70, s'accroit fortement à partir du milieu des années 80 grâce à l‘émergence successive de l‘agriculture durable, de précision et surtout organique (AB dans la suite du texte) (Figure 3c). Il se stabilise vers la fin des années 90 et semble amorcer une décroissance depuis le milieu des années 2000. Derrière cette dynamique d‘ensemble, il existe des dynamiques (Figure 3a) et des attachements spécifiques à chaque forme en particulier du point de vue lexical, disciplinaire et géographique. Certaines formes sont spécifiquement associées à des régions du monde alors que d‘autres sont utilisées de manière relativement universelle. Des formes sont attachées spécifiquement à certains termes reflétant des objets d‘étude, des enjeux ou des conceptualisations particuliers et parfois partagés.

Les travaux des années 70 concernent principalement l‘analyse des agricultures traditionnelles, dans de nombreux pays en développement qui sont alors en pleine révolution verte. Ces travaux, récurrents mais peu nombreux, se distinguent des autres formes par les approches anthropologiques mobilisées et l‘usage d‘un lexique économique particulier (resource allocation, capital, accumulation…).

Miguel Altieri, principal auteur de l‘agroécologie, y est également présent. En effet, certains travaux en agroécologie s‘intéressent alors aux agrosystèmes traditionnels n‘utilisant pas

6 Pour ne pas alourdir le corps du texte, les lecteurs se réfèreront aux annexes pour plus de précision

7 calculée à partir de la requête : agriculture OR farming appliquée aux titres dans CAB

a

b

c

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d‘intrants industriels pour y repérer des principes écologiques éprouvés, y compris dans des civilisations à forte densité de population. Les auteurs de l‘agroécologie, également contributeurs sur d‘autres formes (alternative, durable et régénérative), proviennent du Nord et du Sud du continent américain et de l‘Afrique anglophone. La production académique, peu volumineuse, croît de manière linéaire en reposant sur une communauté resserrée d‘auteurs. Le lexique spécifique de cette forme concerne la constitution de principes et de rapports disciplinaires entre agronomie et écologie qui est d‘ailleurs une discipline distinctive de l‘agroécologie. L‘agroécologie ne vise pas alors à instituer un mode de production mais plutôt à définir des principes d‘étude et de développement de l‘agriculture au Nord comme au Sud (Altieri, 1989) qui caractérise l‘ambition d‘une rupture paradigmatique. L‘agroécologie est associée successivement à l‘agriculture alternative (Altieri, 1983) puis à l‘agriculture durable (Altieri, 1995 ; Francis et Altieri, 1992) avant de questionner les contradictions de cette dernière (Altieri, 1998 ; Rosset et Altieri, 1997). La dimension éthique et sociale est également présente dans ces travaux avec une préoccupation pour la petite agriculture et la souveraineté alimentaire (Altieri, 2002).

L’alternative agriculture est très associée au contexte nord-américain des années 70-80. Ses travaux, principalement ancrés en agronomie et dans des approches multidisciplinaires, se distinguent des autres formes par leur lien spécifique à la sociologie et à l‘économie. Le lexique spécifique reflète une préoccupation concernant l‘institutionnalisation dans le monde politique et scientifique (representatives, agenda, legislation, States, fund, paradigm, decentralization) et l‘efficacité économique (economy, agricultural trade, independance). La référence majeure de cette forme est la synthèse "alternative farming methods in modern production agriculture" produite par le prestigieux National Research Council américain (1989). Ce livre est une évaluation, du point de vue environnemental et principalement économique, de la combinaison de méthodes conventionnelles et alternatives8 sur différents cas d‘étude. C‘est une appellation générique recouvrant une multitude d‘expériences qui insiste sur la dimension économique des systèmes agricoles et l‘amélioration de la politique agricole américaine. Malgré, des marqueurs d‘institutionnalisation (création d‘instituts et d‘une revue dédiée9), sa production scientifique croît jusqu‘en 1992 pour s‘effondrer ensuite.

L'agriculture durable remplace l‘agriculture alternative. Sa production académique émerge au début des années 80 particulièrement aux Etats-Unis. Elle s‘accroît exponentiellement jusqu‘au milieu des années 90, en suivant la dynamique instaurée dans les arènes internationales (rapport Brundtland 1987, Conférence de Rio 1992), période à partir de laquelle la production scientifique décroît régulièrement. Cette forme est fortement institutionnalisée comme l‘indiquent les nombreuses revues et institutions contenant l'expression10. Le lexique spécifique reflète les enjeux d‘institutionnalisation (education, extension) mais dans une version différente de celle de l‘AB davantage focalisée sur les enjeux de certification légale. L‘agriculture durable constitue une forme "parapluie" citée dans 42 % des sources du domaine, avec la couverture disciplinaire, thématique et géographique la plus large et co-occurrente d‘autres formes.

C‘est en particulier le cas de la low-input agriculture qui est souvent directement associée au terme durable comme dans le programme LISA (Low-Input Sustainable Agriculture) lancé en

8 Le rapport donne la définition suivante : ―Alternative agriculture is any system of food or fiber production that systematically

pursues the following goals: - More thorough incorporation of natural processes such as nutrient cycles, nitrogen fixation, and pest-predator

relationships into agricultural production process; - Reduction in use of off-farm inputs with the greatest potential to harm the environment or the health of farmers and

consumers; - Greater productive use of the biological and genetic potential of plants and animal species; - Improvement of the match between cropping patterns and the productive potential and physical limitations of agricultural

lands to ensure long-term sustainability of current production levels; and - Profitable and efficient production with emphasis on improved farm management and conservation of soil, water, energy,

and biological resources‖ 9 "American Journal of Alternative Agriculture" devenu "Renewable Agriculture & Food Systems" en 2009

10 Agronomy For Sustainable Development, International Journal Of Agricultural Sustainability, International Journal Of Sustainable

Agricultural Technology, Journal Of Sustainable Agriculture

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1985 aux Etats-Unis ou dans l‘Information Center for on Low External Input and Sustainable Agriculture (ILEIA) créé en 1982 aux Pays-Bas "pour compléter des approches conventionnelles"11. Cette proximité se retrouve aussi du point de vue lexical (Figure 7). Les auteurs de cette forme sont également impliqués en AB (par ex Alfoldi, Lockeretz…). Ceci explique un profil géographique très similaire, produisant des travaux resserrés autour des spécialités de l‘écologie et des sciences du sol. Le lexique dominant est centré sur le sol, les intrants, les pratiques d‘agriculteurs, l‘usage des pesticides et le rendement. La low-input agriculture se distingue des autres formes par un lexique spécifique autour du contrôle des adventices, les préoccupations liées au risque et aux prix. La production, peu volumineuse, culmine en 1990 et à partir de 2004 après une période d‘étiage.

L‘Organic Agriculture (AB) devient après l‘agriculture durable la conception dominant la production scientifique du domaine. Son accroissement est fort à partir de 1996, alors que la référence à l‘agriculture durable s‘amoindrit significativement (Figure 3c). Elle est particulièrement associée aux pays nord-américains et surtout européens. Les termes spécifiques de l‘AB concernent principalement les enjeux de la consommation, de l‘alimentation (consumers, food quality, standards) et de la conversion. Les enjeux institutionnels sont également présents - comme dans de nombreuses formes - avec un lien spécifique à la spécialité "government & law". La production académique sur l‘AB suit actuellement une expansion libre typique. Sa communauté des auteurs est conséquente (Figure 4) et structurée avec des institutions qui lui sont propres12. Ceci peut aisément être mis en rapport avec les processus externes à l‘arène scientifique. L‘AB s‘appuie sur une histoire longue depuis les travaux de précurseurs germaniques, anglais, américains, expliquant la distribution géographique des recherches, et des mouvements sociaux transnationaux constitués précocement dans leur lignée (Besson, 2007 ; Conford, 2001 ; Frye, 2009). Malgré la création de la Soil Association anglaise en 1946 ou de l’IFOAM13 en 1972, la légitimation de l‘AB par des institutions étatiques se produit à partir des années 8014. Les formes biological et biodynamic ont des proximités importantes avec l‘AB mais leur production est très faible. L‘ancrage sud-européen de la forme biological correspond à l‘usage de cette racine pour désigner l‘AB dans les langues de cette région avant les années 80. La forme biodynamic fait peu l‘objet de recherches et se trouve également associée à l‘AB, même si elle s‘en distingue avec des attributs liés à la vie et la gestion du sol15 qui renvoient à l‘anthroposophie qui est au fondement de la biodynamie (Besson, 2007).

L‘adjectif ecological est utilisé dans de nombreux pays, parfois associé aux racines biolog-, également pour designer l‘AB certifiée16 en particulier dans de nombreux pays de l‘ancien bloc communiste (Europe de l‘Est et Chine) ce qui explique le profil géographique de la production académique. La forme, utilisée de longue date, se renforce depuis 1989 date de la chute du Mur. Elle se distingue par son lien aux sciences alimentaires et aux enjeux toxicologiques. Alors que la forme est utilisée par des auteurs américains de l‘AB, la production dominante est issue de Chine dont le contexte pèse sur le lexique dominant (development, economy, yield, food, products) et spécifique (China, industrialization, insurance, safety, peasant, cea soit "chinese

11

http://www.agriculturesnetwork.org/magazines/global/introduce-ileia/may-we-introduce-to-you-ileia, ILEIA, portant aujourd‘hui le nom d'AgriCultures Network, édite également des magazines dans le monde entier : LEISA (Low Input External Sustainable Agriculture) en Chine et en Inde, LEISA - Revista de Agroecologia en Amérique Latine. Cette revue "traite des options techniques qui s'ouvrent pour les agriculteurs qui cherchent à améliorer leur productivité et leurs revenus. L'agriculture durable et à bas niveaux d'intrants externes ou l'agriculture écologique favorisent l'usage optimal des ressources locales et des processus naturels, et si besoin est, l'usage efficient d'intrants externes". 12

Danish Research Centre for Organic Farming (DARCOF) devenu en 2008 International Centre for Research in Organic Food Systems (ICROFS), l‘Institut de Recherche de l‘Agriculture Biologique autrichien, allemande et Suisse, l‘Organic Research Center anglais ou l‘Organic Farming Research Foundation et le Rodale Institue américains… 13

International Federation of Organic Agriculture Movements 14

reconnaissance officielle par l‘USDA et la loi d‘orientation agricole française en 1980, homologation de cahiers des charges à partir de 1981, premiers soutiens publics en Europe en 1987, vote de Règlements Européens à partir de 1991 et réglementation dans le Codex Alimentarius par la FAO en 1997 (Piriou, 2002). 15

lexique spécifique : earthworms, decomposition, amendments et disciplines : physiology, reproductive biology et mycology 16

Ecológico et biológico dans les pays hispaniques, ökologisch, biologisch en Allemagne, økologisk au Danemark, ökológiai en Hongrie, ecologic en Roumanie, ekologiškas en Lituanie…

7

ecological agriculture"). La forme ecoagriculture, correspond à la contraction de la précédente forme, est aussi associée à la Chine qui domine sa production académique et qui possède une revue dédiée17 depuis 1993. Une forte spécificité lexicale converge avec l‘ecological agriculture (certification, China, standards). Depuis les années 80, les termes ecological ou eco-agriculture, désignent une politique gouvernementale chinoise pour une alternative aux agricultures conventionnelle et traditionnelle par la standardisation industrielle de l‘alimentation.

La dynamique de l‘ecoagriculture est aussi particulière dans la mesure où la forme est utilisée dans les années 70, en particulier aux USA (Merrill, 1983), puis disparaît et réapparaît dans les années 90 pour exploser à partir de 2004. Un examen approfondi montre une pluralité interne d‘usage de la forme. En effet, ecoagriculture est également associée au contexte nord-américain surtout depuis les années 2000 selon un autre cadrage. L‘usage américain est aujourd‘hui associé à McNeely et Scherr (McNeely et Scherr, 2001, 2003), liés à l‘ONG Ecoagriculture Partners créée en 2000 à l‘Université de Cornell et financée par l‘USAID. Les deux auteurs sont respectivement chef de la conservation à l‘Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) et économiste de l‘Université du Maryland, ayant eu des responsabilités au sein des organismes du CGIAR18, de l‘ONG Forest Trends et du Katoomba Group19. Cette version, inscrite dans le système des instances internationales hégémoniques, responsables de la Révolution Verte (CGIAR, Banque Mondiale)20, défend l‘idée d‘une planification à l‘échelle du paysage pour conserver la Biodiversité. Elle insiste également sur le recours aux mécanismes du marché pour assurer à la fois la conservation de la biodiversité et la réduction de la pauvreté.

La production académique, non négligeable, sur l'integrated agriculture, suit quant à elle une croissance exponentielle de 1973 à 1995 pour diminuer drastiquement jusqu'en 2002 et de nouveau s'accroitre ensuite. Les propriétés spécifiques de la forme sont difficiles à interpréter, il est donc envisageable que la forme soit polysémique. Elle est spécifiquement utilisée en Asie et en Amérique et Europe du Nord (Pays-Bas surtout) dont sont issus les principaux auteurs21. Les termes spécifiques concernent le contexte asiatique (Mékong, Thailand, traditional agriculture). Integrated agriculture y est une manière de désigner l'étude du système d'agriculture traditionnelle basé sur la combinaison du riz et de l'aquaculture22. Un autre usage est plus conforme aux propriétés moyennes du domaine. Le lexique dominant de la forme concerne en effet l'agriculture industrielle, l'exploitant et l'exploitation, l'économie, la politique publique, l'énergie et la notion d'impact. Morris et Winter (1999) situent l'origine et les principes de cette version de la forme. Tout en reconnaissant la faible diffusion de l'integrated farming, ils se positionnent comme alternative à l'AB en affirmant : "au sein du mainstream de la science agricole et de l'agriculture il y a un intérêt considérablement grand pour ce qui est dénommé système d'agriculture intégrée". Cette forme constitue "un moyen terme entre les contraintes extrêmes des standards de l'AB et la poursuite de plus en plus inacceptable de la monoculture intensive de céréales". Les auteurs insistent sur le maintien des revenus et la sauvegarde de l'environnement par le recours à une combinaison de pratiques23 classiques, "associées à l'environnement hautement technique du business moderne de l'exploitation", et adaptées aux situations locales. Ils raccordent cette approche aux travaux de l'OILB et aux programmes d'Integrated Pest Management qui émergent à partir des années 50 et représentent une production conséquente (Kogan, 1998).

Une autre forme, sans ancrage historique et social fort, émerge, avec une production conséquente, en même temps que la production académique en AB explose : la precision

17

Chinese Journal of Eco-Agriculture 18

Consultative Group on International Agricultural Research 19

http://www.ecoagriculture.org/page.php?id=17&name=Staff , http://www.ecoagriculture.org/supporters.php 20

L‘approche s‘appuie d‘ailleurs sur le réseau des infrastructures du CGIAR pour développer et évaluer son expérience 21

Asperen P, Holland J, Wijnands, F, Cook S et El-Titi, A. 22

Disciplines spécifiques : fisheries, water biology 23

C'est-à-dire d'intégration : rotations, réduction du travail du sol, utilisation de variétés résistantes, usage rationnel de pesticides, création d'habitats pour les prédateurs, modification des temporalités d'intervention au champ

8

agriculture. Cette forme se distingue le plus de toutes les autres sur l‘ensemble des variables analysées. Avec un spectre géographique restreint (Amérique du Nord principalement et Asie) en comparaison de son volume, elle est très associée à un registre de la rationalité technologique et instrumentale24. Les AFC montrent une spécificité disciplinaire forte dans les domaines de l‘ingénierie agricole, l‘instrumentation et la télédétection. Les technologies numériques permettent d‘ajuster l‘usage des intrants à la variabilité intra-parcellaire (field variability) dans les grandes cultures, en vue de réduire les fuites d‘éléments minéraux et de pesticides dans l‘environnement. Après une croissance exponentielle, la production académique, la troisième en volume, culmine en 2004 et tend à décroitre depuis, malgré son institutionnalisation sous la forme d‘une revue dédiée.

Les formes Conservation et No-till sont proches dans la mesure où leurs spécificités lexicales concernent les pratiques et technologies de travail du sol dans les systèmes de culture accompagnées d‘une spécificité disciplinaire en sciences du sol et géosciences. Des différences apparaissent néanmoins entre les deux formes dans leur ancrage géographique et thématique. La no-till agriculture est associée aux contextes américains et africains avec un lexique spécifique associé au changement climatique, à la séquestration du carbone, à la matière organique, à la forêt, aux savoirs indigènes et aux pays en développement. La Conservation Agriculture, plus largement présente aux USA, dans les pays hispanophones et en Asie, se distingue par des termes relatifs aux effets des technologies de labour sur l‘érosion, le rendement et les maladies avec davantage de travaux en écologie et hydrologie. L‘enjeu de l‘adoption des innovations et le terme legislation sont également spécifiques. La production scientifique de la Conservation agriculture s‘accroît dans la décennie 2000. Elle reste faible et stable pour la no-till. La Conservation Agriculture est formalisée et instituée aux Etats-Unis25 depuis les années 30 comme une réponse à la catastrophe du Dust Bowl provoquée par le travail excessif du sol dans les grandes plaine (Goulet, 2008). Après une période de faible production académique, l‘accroissement contemporain de la production est lié à sa reconnaissance par la FAO26 comme modèle d‘agriculture depuis 2000. La FAO contribue ainsi à la structuration d'une communauté de recherche27 et à l‘accès aux ressources au niveau international (Goulet, 2008).

L‘agriculture multifonctionnelle émerge en recherche au début des années 90 et prend son essor, relatif, à partir de 1999. Par la suite, une production en dents de scie rend difficile l‘identification d‘une tendance entre accroissement et stabilisation. En revanche, la forme est très spécifiquement associée aux pays européens, avec une spécificité disciplinaire en économie, relations internationales et administration publique. Elle est marquée par un lexique également très spécifique au contexte de la politique agricole européenne (common agricultural policy subsidies, planning, reforms, policy) vue dans une perspective économique (remuneration, good and services, demand, willingness to pay, non production, market) et relativement au rôle social de l‘agriculture (society, rural development, roles). Ceci explique sa démarcation vis-à-vis des formes centrées sur l‘agronomie et/ou l‘écologie.

Certaines formes, difficilement caractérisables par leurs spécificités, ne donnent pas lieu à une production conséquente et ne sont pas l‘objet d‘une mobilisation par une communauté structurée. Il arrive également que l‘adjectif qualifiant la forme soit peu stabilisé ou polysémique.

L‘extensive agriculture est principalement développée dans les pays sud européens au milieu des années 90. Elle s‘intéresse aux enjeux territoriaux de l‘activité agricole (termes spécifiques : land, area, scale, habitats, region, landscape…) ainsi qu‘aux rapports entre intrants et extrants en comparaison avec l‘agriculture dite intensive. Là encore, un lien entre l'agenda politique et le développement de la forme apparaît. Alors que l'expression est utilisée dès 1975 dans la base de données CAB, les pics de production académique se produisent en 1994 puis en 2000 après

24

termes spécifiques : technology, remote sensing, GIS, GPS, sensors 25

Soil Conservation Service, moment marquant de la recherche à l‘interface entre agriculture et écologie (Masutti, 2004) 26

http://www.fao.org/ag/ca/fr/index.html 27

Organisation d‘un congrès mondial depuis 2001 tous les 2 ans

9

un petit démarrage en 1987, soit de manière concomitante au lancement de politiques d'extensification dans les pays européens (article 19 du règlement CEE 797/85 puis réforme PAC 1992 et 1999). Les AFC montrent que l'agriculture extensive concerne particulièrement les thématiques liées à l‘élevage qui explique pour une part la proximité avec la forme mixed agriculture. Celle-ci est peu développée avant 1990 par des auteurs des pays anglo-saxons et en développement. Elle s‘intéresse aux systèmes polyculture-élevage avec une orientation vers les sciences animales et une spécificité lexicale concernant l‘emploi et les revenus.

L‘efficient agriculture a également un profil géographique resserré avec un lien particulier à la Russie et des auteurs dominants chinois. Sa très faible production, maximale en 1993, est dominée par des termes relatifs à la politique publique, au marché, au rendement et à la qualité. Le lexique spécifique concerne l‘instabilité, la substitution d‘importation, la qualité et l‘irrigation. Il semble donc que cette forme soit très contingente de la situation de fragilité et de transition des pays du bloc communiste. La forme environnement-friendly agriculture est attachée à des auteurs plutôt européens et spécifiquement sud-coréens qui dominent la production. Son usage, débuté en 1990, ne donne pas lieu à une production importante ce qui rend très difficile sa caractérisation statistique. Enfin, les quelques recherches consacrées à la natural agriculture ont très peu dépassé les frontière du Japon, pays d‘origine de son inspirateur principal, M. Fukuoka. La forme est spécifiquement associée aux microorganismes et aux amendements organiques et à d‘autres agricultures écologisées (organic, biodynamic, low input et permaculture).

Tableau 1 : Typologie des cinétiques

Cinétique Développement Formes concernées Hypothèses sur les variables motrices

Développement incertain, erratique

Environment-friendly, Biodynamic, regenerative

Faible communauté de chercheurs

Développement linéaire et régulier

Agroecology, Traditional, No-till, Extensive, Ecological

Communauté structurée mais de petite dimension Usages localisés

Extension soudaine

Conservation, Multifunctional, Eco-agriculture

Soutien institutionnel soudain (FAO, UE, UICN)

Croissance exponentielle, extension libre

Organic Pratique agricole, mouvement social structuré,

communauté scientifique organisée attractive et reconnaissance institutionnelle

Croissance exponentielle puis atténuation

Precision, integrated Fonctionnement d‘une science normale,

essoufflement de la dynamique, communauté constituée se reproduisant

Extension exponentielle, stable puis avortée

Sustainable, Alternative, Biological, Natural, Low-input

Contradictions internes ? Disparition des soutiens institutionnels

C. Convergences paradigmatiques

Au-delà des ancrages et préoccupations spécifiques, parfois de manière très distincte (precision agriculture et ecoagriculture en particulier), se dégagent des convergences paradigmatiques. Chaque forme est mobilisée par des auteurs spécialisés formant des communautés plus ou moins importantes et structurées alors que de nombreux auteurs utilisent plusieurs de ces formes (Figure 4). Ces auteurs, les plus productifs du domaine, ont une position d‘autorité dans le réseau28 (

Tableau 2). Leur co-usage relève d‘une évolution au cours de la carrière d‘un même auteur ou d‘une volonté de synthèse ou au contraire de distinction dans le cadre de revues de littérature ou de papiers de positionnement. La visualisation des co-usages rend également compte des positions relatives entre les différentes formes (Figure 4). Les oppositions perçues au travers de l‘analyse lexicale se retrouvent pour partie ici entre deux groupes de forme principaux :

un groupe contenant la Precision, la Conservation et la No-till agriculture portant une vision principalement technologique de l‘agriculture un vaste ensemble, plus connecté, constitue un espace d‘échange entre auteurs sur les différentes formes. Les pôles de l‘AB et l‘agriculture durable sont les références majeures des

28

mesurée par l‘indicateur de centralité d‘intermédiarité

10

auteurs selon des modalités différentes. Les auteurs dominants de l‘agriculture durable sont leaders sur d‘autres formes29 alors que les auteurs les plus centraux de l‘ensemble du domaine mobilisent le plus souvent l‘AB. On note aussi la position influente de M Altieri malgré la faible production de l‘agroécologie. Au final, un gradient semble traverser le domaine allant d‘une perspective technologique de l‘agriculture à une vision vitaliste (AB) en passant par un intermédiaire holiste (agriculture durable).

Figure 4 : Graphe de co-usage des formes par les auteurs (seuils : occurrence > 2 et co-occurrence > 1)

Tableau 2 : Principaux co-utilisateurs des formes

Auteur Nombre total d’articles (>15) Formes utilisées (>3) Centralité Auteur dominant de la Forme

Lockeretz, W 209 8 9259.57 Organic

Alfoldi, T 145 8 9259.57 Organic

Lal, R 31 7 5889.29 No-till

Kopke, U 145 6 6860.39 Organic

Niggli, U 121 6 7454.15 Organic

Altieri, M 34 6 11144.5 Agroecology

Francis, C 34 6 5237.12 Sustainable

Edwards, C 22 6 2751.52 Sustainable

Madden, P 18 6 7085.44 Sustainable

Willer, H 122 5 2200.08 Organic

Caporali, F 74 5 4698.99 Organic

Cornish, P 38 5 6135.42 Organic

Neuhoff, D 104 4 1262.35 Organic

Halberg, N 81 4 1262.35 Organic

Rasmussen, I 73 4 1262.35 Organic

Hermansen, J 73 4 1262.35 Organic

Jensen, H 68 4 1262.35 Organic

Migliorini, P 68 4 1262.35 Organic

Lueck, L 68 4 1262.35 Organic

Martinez-Vilela, A 61 4 6211.67 Conservation

Garcia-Torres, L 60 4 6211.67 Conservation

Benites, J 60 4 6211.67 Conservation

Freyer, B 22 4 1286.52 Organic

29

Lal R pour la no-till, Lockeretz W pour l‘organic et Francis C en Agroecology par exemple

11

Les AFC permettent d‘identifier le fond commun à la majorité des formes : partage des spécialités disciplinaires30 Multidisciplinarity Agronomy et Environmental sciences et du lexique suivant : system, development, inquiry, agriculture, farmer, use, area, production, economy, effect, practices, management. Malgré des spécificités, le corpus intellectuel commun s‘appuie sur une vision systémique des modes de production, de leur impact et un intérêt pour les pratiques des agriculteurs qui passe par le recours à la multidisciplinarité et en particulier à l'atténuation des frontières disciplinaires entre agronomie et écologie.

Tableau 3 : Comparaison des profils disciplinaires des formes qualifiées ou non d'agriculture (WoS-TS)

Subject Area (Wos) Agriculture en général Agricultures écologisées Z-test signif. Sign

agriculture, multidisciplinary 4,90% 15,58% ** +

agronomy 5,37% 10,92% ** +

soil science 3,09% 8,99% ** +

ecology 4,60% 7,84% ** +

plant sciences 2,90% 5,13% ** +

agricultural engineering 1,43% 2,77% ** +

food science & technology 2,03% 2,66% ** +

economics 6,46% 1,98% ** -

water resources 3,45% 1,84% ** -

agriculture, dairy & animal science 1,02% 1,73% ** +

sociology 1,38% 1,60% ns +

veterinary sciences 1,02% 1,41% ** +

entomology 0,78% 1,12% ** +

history & philosophy of science 0,61% 1,07% ** +

biotechnology & applied microbiology 1,31% 1,01% * -

chemistry, applied 0,49% 1,01% ** +

agricultural economics & policy 3,63% 0,97% ** -

ethics 0,15% 0,51% ** +

anthropology 1,37% 0,36% ** -

toxicology 0,60% 0,24% ** -

political science 0,95% 0,20% ** -

history 1,55% 0,19% ** -

Le profil disciplinaire de ces agricultures est significativement différent de celui de la production sur l‘agriculture en général (Tableau 3). Les agricultures écologisées sont davantage liées à la multidisciplinarité, l‘agronomie, les sciences du sol, l‘écologie et aux sciences de l‘alimentation. En revanche, elles sont moins associées à l‘économie, à la biotechnologie pour les disciplines les plus fréquentes. Cette différenciation, et spécialement la forte contribution de la multidisciplinarité, peuvent être interprétées comme un fonctionnement de "science révolutionnaire" durant lequel les frontières disciplinaires, en particulier entre agronomie et écologie, sont redéfinies.

L'analyse dynamique des co-citations31 identifie également certaines de ces convergences en détaillant les spécialisations internes. Voici dans l‘ordre chronologique l‘évolution des spécialités au sein de la base intellectuelle du domaine depuis les années 70 (Figure 5). Globalement, la base intellectuelle, au départ atomisée autour d'une critique de la révolution verte, se structure fortement en fin de période autour de la Precision et surtout de l'Organic Agriculture après que l‘agriculture durable ne perde de sa valeur référentielle. Durant les années 70, plusieurs clusters de citations32 constituent la base intellectuelle atomisée du domaine. Le premier concerne la performance et la mise en œuvre d‘une "innovation agricole révolutionnaire" appelée le no-till farming. D‘autres clusters étayent des travaux sur l’agriculture traditionnelle particulièrement du point de vue du développement et de la sécurité alimentaire (citations de l‘ONU, l‘UNESCO et la FAO), de sa productivité (Sen, 1965) et des rapports entre pression démographique et intensification dans les civilisations méso-américaines et africaines (Allan, 1965 ; Boserup, 1965)

30

Nous utilisons les Subject Areas présentent dans Web of Science 31

Nous donnons ici les grands traits de l‘évolution de la base intellectuelle, des approfondissements sont possibles en modifiant les paramètres de l‘analyse 32

C'est-à-dire des documents très fréquemment cités ensemble

12

Les références citées à partir du début des années 80 appartiennent à un même cluster qui étaye des travaux de différentes formes (alternative, ecological, precision & organic). C‘est un moment de synthèse où les auteurs se réfèrent aux travaux relativement anciens tels que le livre pionnier de Carson (1962) sur l‘impact du DDT, de travaux théoriques en écologie écosystémique (Odum, 1953) et des travaux fondateurs sur l‘analyse des performances de l‘agriculture biologique (Lockeretz et al., 1976 ; Lockeretz et al., 1981 ; Lockeretz et al., 1980). La question énergétique, introduite par ces travaux, est présente jusque dans les années 90.

Figure 5 : Analyse de co-citation des documents cités par les articles des agricultures écologisées (WoS-TS, périodes de 5 ans, 1975-2009)

Les années 80 sont surtout marquées par la citation de travaux d‘auteurs de l‘agroécologie et de l‘agriculture traditionnelle (Altieri, 1983 ; Gliessman et al., 1981) encore une fois autour d‘une réflexion sur les modalités du développement au Sud (Chambers, 1983 ; Harwood, 1979). Quelques années avant la conférence de Rio (1992), ils introduisent une réflexion sur les concepts de durabilité et de conservation des ressources génétiques.

Les années 90 sont caractérisées par diversification des spécialités conjointement à l‘accroissement du volume de production du domaine. Ils ne sont pas strictement associés à une forme particulière même si les auteurs les plus cités (Lockeretz, Lal, Francis, Altieri…) utilisent, entre autres, l‘agriculture durable qui constitue alors une référence partagée. Les travaux de Lockeretz continuent d‘être cités, souvent associés au rapport Brundtland (WCED, 1987). Deux types de préoccupations dominent alors, d‘une part la dégradation des terres et la sécurité alimentaire dans les contextes de pressions démographique au Sud33 et d‘autre part l‘évaluation et l‘extension des agricultures alternatives, organiques et sans-labour en particulier dans le contexte nord-américain (Keeney, 1982 ; McRae et al., 1990). Au début des années 90, les travaux des sociologues ruraux américains caractérisant la portée paradigmatique de l‘agriculture alternative (Beus et Dunlap, 1990 ; Beus et al., 1991 ; Kloppenburg, 1991) constituent un cluster important du domaine cité également cité dans les années 2000 pour alimenter les débats sur la conventionnalisation de l‘AB et les agrifood systems (Allen et al., 2003 ; Guthman, 2004).

Le principal cluster, simultanément utilisée par plusieurs formes émergent des années 90, concerne le sol. Cette spécialité, parfois dénonmmé "edaphic paradigm" (de Orellana et Pilatti, 1999), traite de la fertilité et des cycles de l‘azote (Van Faassen et Lebbink, 1990) mis en relation avec la matière organique et les organismes du sol (Schnürer et al., 1985). L‘approche se développe à partir des travaux métrologiques de la revue "Soil Biology & Biochemistry" (Jenkinson et Ladd, 1981 ; Jenkinson et Powlson, 1976) avec une forte influence du programme néerlandais sur l‘écologie du sol (Dutch program on soil Ecology) (Brussaard et al., 1988 ; Kooistra et al., 1989). À la fin des années 90, la citation de travaux métrologiques s‘étend à de nombreux attributs biologiques du sol34 (Powlson et al., 1987 ; Vance et al., 1987) en étant associés à l‘évaluation comparée des systèmes de production, qu‘ils soient alternatifs (Doran et al., 1987), biodynamiques et surtout biologiques (Ferris et al., 1996 ; Fraser et al., 1988 ; Reganold et al., 1993) poursuivant ainsi les travaux fondateurs de Lockeretz qui continuent à être cités.

33

On remarquera que cette période précède la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la Désertification (1994) 34

microbes, nématodes, activités enzymatiques, qualité biologique…

13

Depuis les années 2000, une dispersion des citations réapparaît. Elle correspond à des spécialisations au sein du domaine associées à des sous-thématiques ou à des agricultures particulières qui émergent fortement (precision et AB). Une spécialité, le "second printemps silencieux" (Krebs et al., 1999), apparaît à partir de travaux, plutôt européen, en écologie et en biologie de la conservation. Cette spécialité, utilisant différentes formes d‘agricultures comme gradients de comparaisons, s‘intéresse aux impacts de l‘intensification sur différents taxons (Chamberlain et al., 2000 ; Fuller et al., 1995 ; Hyvönen et al., 2003 ; Kromp, 1999). Elle élargit ensuite les échelles spatio-temporelles d‘analyse (Matson et al., 1997 ; Tilman, 2001, 2002). La biodiversité est aussi abordée, de manière minoritaire, comme une ressource pour l‘agriculture (Altieri, 1999 ; Benton et al., 2003 ; Hole et al., 2005).

Un cluster spécifique à l‘agriculture de précision émerge. Il s‘appuie tout d‘abord sur une base intellectuelle dense comprenant un travail fondateur (Pierce et Nowak, 1999), des travaux sur la variabilité du sol et la gestion des adventices (Cambardella et Elliott, 1994) et enfin sur l‘usage des géostatistiques (Journel et Huijbregts, 1978). Plus tard, cette forme élargit ses références (sustainable, organic) et ses concepts (farming system, food security) en restant ancrée dans les technologies de la télédétection (Haboudane et al., 2002 ; Moran et al., 1997).

Les autres clusters de cette période sont fortement associés à des travaux sur l‘AB dont la production est devenue majoritaire. La recherche en AB s‘appuie sur une base intellectuelle diversifiée et structurée et davantage inscrite dans le mainstream de la recherche qu‘auparavant35. La spécialité édaphique, organisée dans la précédente décennie, perdure en s‘associant à de nouveaux thèmes comme la fixation du carbone (Drinkwater et al., 1998 ; Fliessbach et al., 2000) et la biodiversité (Mader, 2002). Un cluster propre aux sciences sociales, succédant à la spécialité du début des années 90, émerge de la masse des citations pour étayer différentes approches analysant la croissance du secteur de l‘AB : la structuration des agrifood systems (Allen et al., 2003 ; Buck et al., 1997), la conventionalisation (Allen et Kovach, 2000 ; Guthman, 2004) et les enjeux de conversion des agriculteurs et des acteurs du développement en particulier dans le contexte européen (Michelsen et al., 2001 ; Padel, 2001 ; Tovey, 1997). Enfin, une spécialisation des recherches en AB se forme autour de l‘alimentation (sécurité et nutrition) (Bourn et Prescott, 2002 ; Woese et al., 1997).

IV. Discussion : nature paradigmatique et facteurs influençant l'écologisation de la recherche agricole

A. Convergences paradigmatiques : penser écologiquement l’agriculture

Pour la majorité des formes d‘agriculture, des convergences fortes apparaissent du point de vue des co-usages par les auteurs, du lexique, de leur base intellectuelle et des orientations disciplinaires. Au niveau international, les agricultures écologisées ne sont pas le pré-carré de l‘agronomie. Les convergences sont en effet liées en grande partie à l‘insertion dans l‘analyse des modes de production agricole d‘objectifs, de principes, de concepts et d‘objets issus de l‘écologie. L‘écologisation de la connaissance agricole est structurée en pôles paradigmatiques ayant des niveaux graduels d‘intégration de la pensée écologique. Ces polarités convergent avec l‘évolution des dimensions et niveaux d‘organisations des définitions de l‘agroécologie décrits par Wezel et al. (2009) et le modèle Efficience-Substitution-Reconception (Hill, 1985) :

1. Efficience : l‘usage de technologies36 adaptées aux variabilités locales permet de limiter les impacts environnementaux de l‘agriculture (agriculture de précision, de conservation, à bas-intrants, intégrées). Les disciplines instrumentales (agronomie, télédétection, technologies alimentaires…) mobilisées sont centrées sur la parcelle.

2. Substitution : l‘intégration des concepts de l‘écologie (écoénergétique, agroécosystèmes, biodiversité, organismes auxiliaires…) dans la conception de

35

nombreuses revues de littératures, documents fortement cités, revues de haut niveau 36

Variétés végétales, intrants chimiques, pratiques aratoires adaptés à la variabilité des lieux

14

l‘agriculture permet d‘identifier les impacts et les services qu‘ils peuvent lui rendre (AB, agroécologie). Ces approches associent l‘agronomie à l‘écologie.

3. Reconception : les anomalies du paradigme conventionnel peuvent être réglés en dépassant la seule appréhension techniques et réductionnistes de l‘agriculture au profit d‘une perspective holiste intégrant une vision écologique (systèmes, fonctions) étendue à l‘ensemble des mécanismes structuraux du système alimentaire (multifonctionnalité, durable, agroécologie). Cette approche mobilise une large gamme de disciplines en particulier des sciences sociales associées ou non aux disciplines biotechniques.

Aucune des agricultures écologisées n'induit donc à elle seule une rupture paradigmatique radicale. Le changement de paradigme est progressif et nébuleux. Il se construit par des expériences successives ou concomitantes, plus ou moins pérennes et plus ou moins inféodées des attachements institutionnels. En analysant de manière plus fine les contenus et les conditions d‘émergence de ces formes, les divergences prennent du sens.

B. Dynamique de développement : stratégies de légitimation, de compétitions et d’appropriations institutionnelles

Dans le grand marché des mots pour penser le changement de l‘agriculture, toutes les formes n‘ont pas le même statut. Certaines formulations s‘inscrivent dans le monde social avec une stabilisation (toute relative) de leur contour, d‘autres sont plus fragiles (ecological, ecoagriculture….) tiraillées et définies dans différents contextes d‘usage, souvent restreints, qui rendent difficiles leur interprétation et leur usage même. Même si des évolutions cognitives internes ont lieu (conceptualisations, métrologies et technologies nouvelles), le développement successif de ces propositions paradigmatiques est aussi associé aux contingences sociopolitiques externes à l‘activité scientifique qui favorisent ou non leur succès. La dynamique de ces formes est associée à la vivacité, socialement construite, portée et politiquement reconnue au travers de mouvements sociaux et d‘institutions, des problèmes posés par les anomalies du paradigme moderniste. Buttel (1993) parle d'un cycle de vie selon lequel les symboles forgés par les mouvements critiques sont incorporés, ou non, par les institutions au travers d‘un processus d'appropriation qui banalise cette même critique en donnant l'impression que le problème est résolu. Ainsi, les problèmes refluent parfois de l'agenda scientifique et politique sans que la matérialité des faits soit fondamentalement changée.

Par exemple, l‘agriculture de conservation naît de la crise du Dust Bowl en donnant lieu au développement de l‘écologie et à sa légitimation auprès des institutions politiques fortement mobilisées, le temps de la crise tout du moins (Masutti, 2004). Cette crise passée, l‘agriculture de conservation, peu investie par les chercheurs, se calquera sur l‘agriculture conventionnelle du point de vue de son usage intensif de phytosanitaires, de l‘objectif d‘accroissement de la productivité et de ses relations à l‘agrofourniture (Goulet, 2008). La question énergétique disparaît des agendas alors même qu‘elle induit dans les années 70 la mise à l‘agenda politique et scientifique de la réforme de l‘agriculture aux Etats Unis et en Europe (Poly, 1978), à partir de travaux précurseurs en écologie écosystémique (Deleage et al., 1978 ; Madison, 1997 ; Pimentel et al., 1973), et du constat de son impact économique sur les exploitations. Enfin, le problème des pesticides identifié, publicisé et reconnu très tôt par des instances de haut niveau (Ehler, 2006 ; FAO, 1967 ; Jas, 2007, 2008 ; Kogan, 1998) réémerge massivement dans la dernière décennie par exemple dans l‘espace public français après une longue période muette (Bertrand et al., 2007).

Certains travaux mettent en évidence des mécanismes de mise en (in)visibilité des anomalies du paradigme moderne depuis les années 50 (Jas, 2007, 2008) et au sein de certaines alternatives contemporaines (Goulet, 2008). Un regard historique et sociopolitique porté sur la mobilisation et réception des agricultures écologisées au sein de la littérature permet de mieux comprendre les enchaînements et les différentiations mis en évidence dans notre analyse ainsi que les mécanismes qui y président.

15

1. Du biologique au durable : symbolique et stratégie de légitimation aux Etats-Unis

Les Etats-Unis sont un cas exemplaire dans la mesure où de nombreuses formes identifiées en sont originaires. Ce faisant une importante littérature permet de décrire les mécanismes de leurs émergences successives et entremêlées.

Dans les années 70, seul le mouvement de l'AB propose une critique organisée de l'agriculture conventionnelle. Sa contestation s‘élargit à partir du mouvement social critiquant la révolution verte au Sud, dont témoignent les travaux sur l‘agriculture traditionnelle et en agroécologie, mais aussi au Nord dans la lignée des agrarismes américains et européens qui revendiquent le maintien de l‘agriculture familiale, socle de la société, face à l‘industrialisation de l‘agriculture (Beus et Dunlap, 1990 ; Buttel, 1993 ; Hervieu, 1996). Ce mouvement s‘appuie par ailleurs sur deux conditions nouvelles : la crise environnementale constituée comme un problème public à l‘échelle internationale37 et la crise énergétique touchant l‘économie des exploitations (Buttel, 1993 ; Rushefsky, 1980). Néanmoins, ce mouvement ne constitue pas une alternative crédible tant l‘AB souffre d'une image d‘archaïsme, d‘improductivité et de non-scientificité38 dans la profession et auprès des pouvoirs publics (Gieryn, 1999 ; Youngberg et al., 1993). Sa production académique marginale témoigne également d‘un clivage avec les sciences agricoles.

Le mouvement alternatif rompt alors avec son précédent agrarien, contestant la science en tant que vecteur de la domination industrielle (Allen et Sachs, 1993), pour au contraire chercher une légitimité accrue dans et par la science naturelle (Buttel, 1993). Les travaux de Lockeretz et Pimentel sur le coût énergétique en AB, et plus généralement sur la performance comparée des systèmes, sont fondamentaux à ce titre. Par ailleurs, "les promoteurs de l'AB font un effort conscient pour identifier et promulguer un nouveau langage, de nouveaux mots pour décrire le caractère et les bénéfices d'une agriculture faiblement chimique (…) qui serait plus acceptable pour la communauté scientifique conventionnelle, les agriculteurs, et la communauté politique"" (Youngberg et al., 1993). Au tournant des années 80, l‘indétermination lexicale règne : radical, regenerative, independant, alternative, ecological, ecoagriculture, biological sont ainsi utilisés conjointement au sein du mouvement (Beus et Dunlap, 1990 ; Kloppenburg, 1991 ; Merrill, 1976 ; Youngberg et al., 1993). La "sustainable agriculture" s'impose progressivement dans l'agenda politique de l'époque, du fait de sa plus grande plasticité, son orientation vers le futur, sa moindre connotation suscitant le moins de discrédit (Youngberg et al., 1993). La forme bénéficie aussi de la validation dans l‘agenda politique international du développement durable grâce au rapport Brundtland (WCED, 1987). Enfin, le mouvement alternatif profite du début de reconnaissance par le camp conventionnel des anomalies de leur paradigme en particulier face à l'ampleur de la crise sociale liées à la flambée des coûts de production agricoles et de l‘urgence des pouvoirs publics américains à y répondre (Beus et Dunlap, 1990). Le rapport de l‘USDA sur l‘AB, commandité en 1979 pour tester la capacité de l‘AB à répondre aux enjeux de la crise de l‘agriculture conventionnelle, est symptomatique de cette convergence stratégique en affirmant : "l’intérêt croissant pour l’agriculture biologique reflète l’idéologie partagée par beaucoup d’urbains et de ruraux qu’une agriculture durable et stable peut être atteinte seulement au travers du développement de technologies nécessitant moins de ressources renouvelables, exploitant moins nos sols, et en même temps environnementalement et socialement acceptables. C’est à cause de ces intérêts et préoccupations que l’USDA a décidé de conduire une étude globale de l’agriculture biologique aux Etats Unis‖ (USDA, 1980). Ce rapport reflète l‘interprétation des pouvoirs publics de l‘AB puis de l‘agriculture durable, en particulier dans sa version "bas intrants".

37

Généralisation des ministères en charge de l‘Environnement à la fin des années 60, Conférence de Stockholm et création du Programme des Nations Unies sur l‘Environnement en 1972 38

Par exemple, en 1971, Earl Butz, ancien secrétaire d'Etat, affirme : "Nous pouvons revenir à une agriculture biologique dans ce pays si nous le devons - nous savons le faire. Cependant, avant de prendre cette direction, quelqu'un doit décider que 50 millions de personnes devront mourir de faim !" (Youngberg et al., 1993).

16

A la fin de la décennie, la symbolique de l‘agriculture durable touche tous les acteurs de l‘agriculture (agriculteur, politique, industrie et recherche) alors même que des débats lexicaux et sémantiques reflètent la disparité des interprétations et les conflits d‘intérêts réunis stratégiquement sous ce terme. Les confusions et hésitations sont en particulier visibles quand il s‘agit de définir au sein des lois agricoles les politiques d‘intervention et de recherches associées (Youngberg et al., 1993). La loi de 1985 crée le programme Low-Input Sustainable Agriculture, intégré au chapitre "Agricultural Productivity Research", finalement financé en 1988. Cette forme résulte d'un compromis politique axé sur la réduction de la dépendance économique aux intrants chimiques, édulcorant la radicalité du mouvement alternatif et préservant le paradigme conventionnel (Beus et Dunlap, 1990). Par ailleurs, "la combinaison de low-input et de durable était une tentative d'équilibrer le concept fourre-tout d'agriculture durable avec un terme plus précis" (Youngberg et al., 1993). Ajouter low-input signifie aux conventionnels que le "business as usual" n‘est pas la solution, tout en rappelant aux bios que le but n'était pas d'éliminer l'usage de la chimie (Beus et Dunlap, 1990). Ces confusions définitionnelles se reflètent aussi dans les débats de la loi agricole de 1990 qui constitue un affaiblissement significatif de l‘agriculture durable. Le texte final utilise les deux définitions qui se sont opposées au cours d‘un débat vif : la réduction d‘intrants versus l‘usage efficient des intrants (Youngberg et al., 1993). Grâce au renforcement du mouvement social et à une configuration politique plus favorable, la loi de 1996 marque un engagement plus clair pour l‘agriculture durable. Son impact est néanmoins limité par l‘appropriation ultérieure de ses budgets par un programme concurrent soutenant la biotechnologie, la recherche génomique et l‘agriculture de précision (Marshall, 2000).

2. Cadrages politico-économiques descendants européens et chinois

La mobilisation de conceptions alternatives n'a pas eu en Europe la même vivacité qu'aux Etats-Unis ; en particulier du fait d‘un formatage par l‘agenda politique lié aux réformes de la PAC, fortement déconnectées des mouvements sociaux. La politique agro-environnementale européenne, très progressivement et inégalement mise en place dès 1985, a cadré pour longtemps au plus haut niveau politique la configuration des relations entre l‘activité agricole et l‘environnement suivant le principe incontournable de compensation de manques à gagner ou le surcoût de production calculés par rapport à situation productive intensive de référence. Ce cadrage politique s‘exprime dans la dynamique de production académique concernant l‘agriculture extensive puis multifonctionnelle et dans l‘orientation de certains travaux. Ainsi, quelques travaux sur l‘évaluation écologique de cette politique (Kleijn et al., 2001) contribuent à la base intellectuelle du domaine. Même s‘il gagne progressivement le noyau dur de l‘agriculture avec la réforme de 2003, le dispositif agri-environnemental n‘induit pas une refondation en profondeur de l‘activité agricole mais plutôt un ajustement à la marge comme l‘indiquent son impact limité sur l‘exploitation ou sur les territoires, son instabilité ainsi que son poids financier limité (Deverre et De Sainte-Marie, 2008). Le cas de l‘agriculture multifonctionnelle, est lui aussi criant de cette marginalisation. Dans le contexte de négociations politiques de l‘OMC de la fin des années 90, les recherches sur l‘agriculture multifonctionnelle peuvent être interprétées a posteriori comme une tentative de légitimation d‘un argument stratégique justifiant des protectionnismes agricoles principalement en Europe plutôt qu'un outil efficace d'évolution des pratiques productives (Bjørkhaug et Richards, 2008). Pourtant, en France entre 1998 et 2001, une ambition sincère et une émulation animent les discussions entre mondes politiques et scientifiques au moment de la conception des Contrats Territoriaux d‘Exploitation (Brun, 2003). Cette fenêtre d‘opportunité politico-scientifique, se ferme avec pertes et fracas39, face aux contraintes du cadre de la politique agricole européenne et au changement des conditions politiques nationales (Daniel et Perraud, 2009 ; Ollivier et al., 2001 ; Plavinet, 2004). Dans le cas européen, il nous semble donc que la production scientifique a été jusqu‘ici fortement déterminée par un cadrage politique normalisateur.

39

Suppression du CTE en 2002 puis instabilité/affaiblissement des dispositifs de remplacement (EAE, CAD…)

17

En Chine la situation est très différente. L‘investissement sur les formes agricoles (ecological et eco-agriculture) est néanmoins piloté au plus haut niveau de l‘Etat. La Chinese Ecological Agriculture est initialement lancée dans les années 70 pour résoudre les problèmes posés par l‘agriculture traditionnelle et l‘agriculture conventionnelle sur le marché intérieur en intégrant des principes écologiques et en limitant les intrants. Avec l‘ouverture de la Chine sur le marché mondial, la situation évolue vers les enjeux d‘industrialisation de la démarche. La Chine se dote d‘une politique de certification des produits au sein du Green Food program à partir de 1990. Ce système est basé sur des standards locaux centrés sur la certification des procès industriels de traitements des produits alimentaires, et non des modes de production ; il est conçu au départ pour concurrencer les standards internationaux de l'AB. Cette version industrielle d‘une agriculture écologisée ne s‘impose pas sur le marché international faute d‘une crédibilité suffisante de ses standards. Alors que l‘AB s‘installe timidement en Chine à partir de 1990, le gouvernement chinois choisit finalement d‘investir fortement sur l‘AB en adoptant en 2005 les standards de l‘AB reconnus internationalement pour exister sur le marché d‘exportation. La Chine devient ainsi très rapidement un acteur majeur de l‘AB au niveau mondial40 tout en conservant l‘ecological agriculture comme standard pour le marché intérieur (Paull, 2008). La production scientifique chinoise reflète ainsi la stratégie économique de son gouvernement.

3. Concurrences entre institutions internationales : le face à face CGIAR - FAO

A l‘échelle internationale, la FAO se positionne fortement sur l‘Agriculture de Conservation tandis que l‘UICN, accommodée au libéralisme (Buttel, 1993 ; Conca, 1995 ; McAfee, 1999) et associée au système CGIAR-Banque Mondiale, soutient l‘écoagriculture dans le même temps. Cette concurrence des propositions, en tout cas de leur dénomination, est à resituer dans l‘histoire des positions contrastées sur l'agriculture et des relations concurrentielles de la FAO et du CGIAR (Fouilleux, 2009). La FAO, créée à Rome en 1945, a pour but la diffusion des connaissances, et non leur production, pour lutter contre les problèmes de nutrition de l‘après-guerre. La FAO est essentielle au développement international de l'Integrated Pest Management41. Dès 1965, elle reconnait ainsi les impasses techniques du tout chimique sans pour autant en rejeter l'usage (Kogan, 1998). Arguant de la nécessité de produire des connaissances adaptées aux contextes tropicaux au sein de Centres de Recherche Internationaux, les fondations Rockfeller et Ford avec le soutien de la Banque Mondiale créent le CGIAR en 1968 à Washington (McCalla, 2007). En ciblant la réduction de la pauvreté et la sécurité alimentaire dans les pays en développement au travers de la Révolution Verte durant les années 70 et 80, ce dispositif constitue un instrument de la politique américaine pour contrer la "Révolution Rouge" et abaisser l'influence des Etats-Nations au profit de l'économie de marché (Daño, 2007). Tandis que la FAO préconise l‘amélioration des techniques agricoles (Fouilleux, 2009), le CGIAR investit sur la sélection variétale classique puis biotechnologique (McCalla, 2007), d‘abord sur les hauts rendements et en reconnaissant tardivement (années 80) les problèmes de résistance, puis sur les résistances variétales et enfin dans les années 90 sur les pratiques culturales avec l'IPM soit 40 ans après la FAO (Kogan, 1998). La FAO est en fait marginalisée dans le système international où domine le courant libéral de la Banque Mondiale (Daño, 2007 ; Fouilleux, 2009 ; McCalla, 2007 ; Staples, 2006). La FAO pèse peu dans les débats mondiaux du fait d‘un dysfonctionnement bureaucratique42, d'un contrôle politique des pays développés - entre instrumentalisation et neutralisation - et d‘une non-association des organisations paysannes à ses réflexions (Fouilleux, 2009). S‘agissant d‘agricultures écologisées, la FAO souffre ainsi de "défaillances discursives" que reflètent le "blocage total de tout discours utilisant le terme de multifonctionnalité" depuis 1999 sous la

40

La Chine passe de la 45ème

à la seconde place entre 2000 à 2006 pour la surface certifiée 41

L'IPM constitue un bon marqueur de la mise à l'agenda des préoccupations environnementales dans les institutions. La notion est elle-même traversée par des mécanismes similaires à ceux discutés dans ce papier, en particulier la démarcation lexicale du fait d'appropriations et d'attachements institutionnels troublant le contenu des notions (Kogan, 1998). 42

Présence de sous cultures internes, tensions cognitives au sein de l'organisation, problèmes de leadership

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pression des Etats-Unis et du groupe de Cairns (Fouilleux, 2009) ou de sa valse-hésitation vis-à-vis de l'AB43 (FAO, 2007).

Malgré cette concurrence entre institutions, les deux conceptions qu'elles promeuvent sont convergentes sur certains points. En particulier, elles défendent la notion de sécurité alimentaire plutôt que celle de souveraineté alimentaire. Elles sont par ailleurs attachées, par des soutiens financiers directs ou au travers de fondation étiquetées "durable"44, à certains acteurs de l‘industrie agricole qui se sont appropriés la rhétorique de la durabilité (Daño, 2007). Elles promeuvent également les positions pro-OGM de certains pays et multinationales selon un activisme (CGIAR-Banque Mondiale) ou un "suivisme mou" (FAO) (Fouilleux, 2009).

4. Stratégies d’appropriation par les acteurs de la recherche

Sur un fond général de compétition sur les ressources, les institutions de recherche ou de financement, ainsi que les chercheurs adoptent des stratégies en mobilisant différentes formes lexicales. Ces stratégies lexicales et sémantiques visent en premier lieu à rester acceptables vis-à-vis des mondes sociaux (professionnels, politiques, collègues) attachés à la recherche sur l'agriculture que ce soit du côté d'une agriculture conventionnelle verdie (Morris et Winter, 1999) ou d'alternatives plus radicales (Youngberg et al., 1993). Par exemple, "l'intérêt croissant pour la low-input agriculture au sein des LGU est juste un autre cas dans une longue lignée d'appropriation de symboles progressistes par ces institutions quand il est politiquement opportun de le faire" (Beus et Dunlap, 1990). Cette appropriation procède d‘une purification et dépolitisation de la critique par évacuation des enjeux sensibles et de mise en conformité avec les intérêts agricoles dominants par absorption de l‘image positive des nouveaux symboles, acceptation des critiques les moins menaçantes, ignorance voire déni des plus radicales (Beus et Dunlap, 1990 ; Buttel, 1993 ; Harp et Sachs, 1992). Cette stratégie de désamorçage est aussi facilitée par les faiblesses des conceptions et la faible structuration de ses défenseurs.

La recomposition disciplinaire, repérée dans notre analyse, est une stratégie identifiée par les travaux sur le système de recherche agricole aux Etats-Unis. Buttel (1993) évoque la formation d‘une large coalition multidisciplinaire pour répondre aux enjeux de l‘agriculture durable et attirer les financeurs. Mais, cette coalition prend la forme d‘une appropriation disciplinaire reflétant la hiérarchie en place au sein du système de recherche. Deux ensembles distincts au sein des sciences naturelles investissent le domaine de manière asymétrique. D‘une part, les chercheurs, issus des Land-Grant Universities45 (LGU) orientés vers les recherches agronomiques appliquées à la production, dominent le domaine en promouvant l‘approche ‗low-input’ à partir de connaissances existantes. Beus et Dunlap (1992) montrent d‘ailleurs un attachement de ces chercheurs au paradigme conventionnel plus important que ne l‘est celui des agriculteurs en général. D‘autre part, les écologues et agroécologues, extérieurs aux LGUs, sont intéressés par la fondation d‘une approche spécifique basée sur des travaux théoriques, fondamentaux et appliqués à l‘agriculture plutôt que l‘aide de leur collègues agronomes à la résolution de problèmes de production (Buttel, 1993). Enfin, cet ensemble minoritaire est pour partie associé aux sociologues ruraux américains pour déconstruire l‘interprétation dominante de l‘agriculture durable et proposer des voies de reconstruction plus ambitieuses d‘une agriculture « vraiment » durable (Altieri, 1998, 2002 ; Beus et Dunlap, 1992 ; Kloppenburg, 1991). Ce mouvement d‘appropriation est proche de celui amorcé en France autour de l‘agroécologie ces dernières années où l‘agronomie tend à vouloir absorber l‘agroécologie définie en des termes limités aux dimensions biotechniques malgré des interprétations divergentes avec le mouvement social qui le porte (Ollivier et Bellon, 2011).

43

"on peut souligner le très faible investissement de la FAO sur l‘AB, tant sur le plan discursif (qualifié de «vaste champ stérile de la pensée FAO » par un fonctionnaire interrogé) que sur le plan technique, deux personnes seulement étant affectées à mi-temps à cette question, malgré un nombre croissant de demandes d‘assistance technique et de montage de projets de la part de pays membres" (Fouilleux, 2009) 44

Syngenta Foundation for Sustainable Agriculture, Institut d‘Agriculture Durable en France regroupant Syngenta, Monsanto 45

Institutions de recherche et d‘enseignement des Etats américains fondées dès la fin du XIXème siècle pour promouvoir la révolution industrielle en agriculture

19

Ce phénomène peut s‘expliquer par la dépendance des chercheurs au dispositif de recherche qui favorise le conformisme de la science normale. Les chercheurs problématisent leurs travaux à partir d‘une négociation continue entre divers facteurs internes et externes (Busch et al., 1983 ; Buttel, 1993). Golderberg (2001), reprenant l‘enquête de Busch et Lacy (1983), confirme la prédominance, en particulier en agronomie, du facteur "orientation par le client" qui prime sur les facteurs internes à la production scientifique : approbation par les pairs, idéal scientifique, avancement dans la carrière et utilité. En France, l‘influence des clients industriels joue aussi sur la réorientation de l'INRA au tournant des années 80. Alors que des "aspirations consuméristes, socio-territoriales et environnementales", les recherches en agriculture, "pétrole vert de la France", sont axés sur la compétitivité de l'agro-industrie plutôt que sur un "projet de "modernisation" globale de l'agriculture"46 (Bonneuil et Thomas, 2009). Le rapport "pour une agriculture plus autonome" et sa notion de "valeur ajoutée biologique" (Poly, 1978), préfigurant cette réorientation, marque, de manière ambiguë, une volonté de répondre aux critiques de la modernisation mais dans une version moléculariste et industrielle. Cette version peut paraître incohérente aujourd'hui tant la critique radicale récente a imposé l'image d‘une incompatibilité des OGM avec le respect de l'environnement. A l'époque, et encore actuellement, les biotechnologies sont aussi présentées comme vecteurs d‘une agriculture plus autonome, économe et respectueuse de l'environnement.

Les systèmes de recherche, dans les régimes de productions de connaissance successifs47 (Bonneuil et Thomas, 2009), sont dépendant des modalités de financement, publics ou privés, et des finalités données à la connaissance. Les chercheurs sont contraints dans leurs choix de recherche par les politiques de recherches, cadrant leur possibilité d‘action. Ces politiques traduisent les compromis complexes et peu transparents entre les revendications des différents mouvements sociaux plus ou moins puissants et les intérêts défendus par les acteurs agricoles (Bonneuil et Thomas, 2009 ; Buttel, 1993). Les chercheurs adoptent des stratégies discursives de problématisation pour accroitre leur probabilité d‘être financés : relabellisation de travaux anciens, mobilisation des concepts-slogans en vogue, effacement de la profondeur historique des problèmes au profit d‘un présentéisme des enjeux enrobé de promesses de performance et d'innovation. Les contradicteurs du paradigme dominant porté par les institutions et politiques de recherche, s‘ils refusent la conformité, prennent le risque du déclassement voire de la relégation aux marges du système de recherche. C‘est le cas par exemple d‘agronomes, économistes et sociologues anciens de l‘INRA, parfois très actifs dans le mouvement de contestation de l‘agriculture (Barthez, 2006 ; Bonneuil et Thomas, 2009 ; Giraud, 2002).

5. Reconfigurations suite à l’épuisement du cadre commun de la durabilité

Au-delà d‘une fonction stratégique et communicationnelle, et malgré certaines convergences cognitives qui se lisent dans nos résultats, les débats sur les contenus des différentes propositions expriment des suspicions sur la portée effective de la rupture paradigme, sur les intentions et les dimensions prises en compte. De nombreux contributions significatives du domaine, en particulier des sociologues proches de l'agroécologie (Allen et Sachs, 1993 ; Altieri, 1998 ; 2002 ; Buttel, 1993 ; Kloppenburg, 1991 ; Youngberg et al., 1993), ont pointé l‘affaiblissement progressif de l‘agriculture durable qui se reflète dans la production académique internationale. Cet affaiblissement est le produit d‘une instabilité des soutiens politiques et budgétaires face à une définition loin d‘être univoque (Buttel, 1993 ; Goodman, 2000 ; Johnson, 2006 ; Marshall, 2000 ; Youngberg et al., 1993). Il est aussi le fruit d‘une appropriation par les institutions dominantes qui ont évacué les critiques radicales en intégrant à moindre coût la durabilité dans leur agenda. Le concept s‘épuise ainsi faute d‘innovations significatives par absence de recherche fondamentale et de connaissance sur la reconception rompant avec

46

"le courant systémicien du SAD, qui aurait pu constituer le ferment d'une véritable réorientation de l'Inra, sera cantonné à la marge de l'Institut, par Jacques Poly lui-même, et pèsera peu sur un développement agricole fermement entre les mains de la "profession". Les préoccupations de revitalisation des campagnes, d'environnement et de qualité alimentaire pèseront finalement bien moins lourd que les demandes faites à l'Inra de valorisations sonnantes et trébuchantes." (Bonneuil et Thomas, 2009) 47

Dominé par le mode colberstiste-corporatif jusque dans les années 70 puis marchand

20

l‘agronomie classique (Buttel, 1993). L‘hégémonie des sciences naturelles (agronomie, écologie), à la fois source de légitimité pour le mouvement alternatif et continuité de la structuration historique de la recherche agricole (Buttel, 1993), a des effets sur l‘agenda scientifique des agricultures écologisées. Ainsi, il induit un cadrage instrumental des problèmes et des silences concernant des voies agroécologiques ou sociopolitiques48 liés à la marginalisation de leurs portes paroles chercheurs ou activistes. Ces silences ne permettent pas une analyse efficace des causes structurales de non-durabilité (Allen et Sachs, 1993 ;

Buttel, 1993 ; Goldberger, 2001).

Ces clivages internes à l‘agriculture durable, identifiés très tôt, se rejouent plus tard en donnant lieu à une fragmentation du domaine et à l'hégémonie de l'AB. Le débat entre agroécologie et écoagriculture, tenu lors du 3ème Congrès mondial de l‘UICN en 2004 est exemplaire. Des membres de l‘UICN, avec M.A. Altieri en tête, contestent alors la motion proposant l‘adoption de l‘écoagriculture par l‘UICN comme modèle d‘agriculture. La critique porte sur le moindre fondement écologique d'une vision de l'écoagriculture dichotomisant le paysage agricole entre espace naturel à préserver et espace agricole intensifié, et oubliant les interactions au sein des agroécosystèmes. Enfin, ils critiquent la place donnée par ce mouvement à l‘agribusiness et aux (bio)technologies aux dépends de la petite agriculture (Altieri, 2004 ; Farvar, 2004). Les mêmes arguments se retrouvent dans les analyses portant sur la nouvelle Révolution (doublement) Verte menée en Afrique où les instances internationales (CGIAR, Banque Mondiale) s‘associent aux organisations philanthropiques49 et aux agroindustriels (Daño, 2007). La même critique concerne l‘agriculture de conservation soutenue par la FAO qui développe "des discours gommant les controverses autour de l’utilisation des herbicides ou des organismes génétiquement modifiés en agriculture de conservation" (Goulet, 2008). Derrière un habillage vert, se cachent donc des projets visant l‘industrialisation de l‘agriculture des pays où la Révolution Verte n‘a pas encore abouti.

En fin de période, alors que le principe unificateur s‘épuise et malgré des convergences cognitives internes, le domaine se fragmente autour de l‘usage des technologies, chimiques et/ou biologiques, et des questions sociopolitiques associées. L‘agriculture de précision, de conservation ou l'écoagriculture poursuivent une version technologique de l‘agriculture moderne en faisant suite à des approches, acceptables par les chercheurs du mainstream, qui n‘envisagent pas l‘absence d‘usage de la chimie (Harp et Sachs, 1992). L'AB y est minorée dans un statut de prototype parmi d‘autres ou de production de niche. Devenue dominante dans la structuration cognitive interne du domaine et dans sa visibilité scientifique, l‘AB rompt depuis son origine avec l‘agriculture chimique. Elle est aussi la seule50 à s‘être clairement positionnée contre l‘usage des biotechnologies au travers du Codex Alimentarius en 1997, du Règlement Européen de 1999 (Lamine et al., 2010 ; Piriou, 2002). Néanmoins, l‘AB, aujourd‘hui hégémonique, n‘est pas exempte de ces problématiques. Le débat majeur sur la conventionnalisation, c'est-à-dire l‘introduction des mécanismes d‘industrialisation tout au long de la chaîne de production en AB, met également en lumière le soupçon sur la nature "révolutionnaire" de cette forme. Si elle ne veut pas suivre le même sort que l‘agriculture durable, l‘AB est contrainte d‘approfondir ces questions en science, dans le mouvement social et les institutions qui la portent.

C. Conclusions : limites et perspectives

Notre parti-pris méthodologique de cibler les formes syntaxiques de qualification de l‘agriculture a pour conséquence de passer à côté de certaines propositions d‘agriculture écologisées qui ne s‘expriment pas de cette manière (ecological intensification, evergreen, permaculture, post-productivisme…). Ce premier travail permettait de constituer des corpus traitables visant

48

En particulier la lutte contre la faim par redistribution équitable de l‘alimentation, les conditions de travail, la santé des travailleurs ou encore la prise en compte des rapports de domination ethnique ou de genre. 49

Gordon Conway promoteur de la double révolution verte (Conway, 1997) préside la Fondation Rockeller entre 1997 et 2004 50

On notera également la radicalisation de M Altieri, leader historique de l‘agroécologie, sur cette question au moment de sa prise de distance avec l‘agriculture durable (Altieri, 2000, 2003, 2005).

21

spécifiquement l‘agriculture en tant que système d‘activité productive. Cette caractérisation générale pourra ensuite être étendue à d‘autres formes pour compléter le panorama. L‘identification des variables influençant les productions académiques des différentes formes pourraient être approfondies par des enquêtes et de la modélisation statistique plus poussée. Néanmoins, la combinaison des approches employées (AFC et co-citation) permettent de produire des résultats qui entrent en cohérence avec la littérature plus focalisée sur les différentes formes et sur la dynamique d'ensemble.

Par ailleurs, l‘analyse fine des débats entre et au sein de formes spécifiques en rapport avec leurs conditions d‘émergence dans et hors de l‘arène académique (politiques de recherche, politique publiques et mouvements sociaux) est intéressante. Ce déplacement du regard nécessite d‘adopter des méthodes plus fines d‘ordre historiques et sociologiques. L‘approfondissement des articles incontournables des différentes formes permettrait d'entrer davantage dans les contenus, les argumentations et les controverses associées. L‘analyse en détail de la structuration et de la polysémie interne passe par le repérage des acteurs porteurs et de leurs positions respectives comme nous avons commencé à le faire dans le cas de l‘agroécologie en France et au Brésil.

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25

VI. Annexes

Tableau 4 : Résumé des Analyses Factorielles et autres caractéristiques de chaque forme

Forme extension Pays fréquents Pays spécifiques % pays %

Continent

Sources dédiées %

sources Premiers auteurs Termes associés fréquents Termes associés spécifiques

Organic 1978-2009,

max en 2007

Usa, Germany, Denmark, England,

Netherlands

Denmark, Usa, Austria,

Germany, Finland, Sweden, Switzerland, Italy

44.8 100 Bulletin International Federation Of Organic

Agriculture Movements 22.3

Lockeretz, W ; Alfoldi, T ; Willer, H ; Niggli, U

System, production, Farmer ,development, Use, Crop Yield, Scale, Effect, EUROPE Area Soil inquiry farms, products, Economy, market, Practices farm, Field,

State, environment, Sustainable-Agriculture, quality, Management farming, Input, food

consumers, EUROPE standards, growth, Conventional-Agriculture, conversion, products

Sustainable 1982-2009,

max en 2000

Usa, England, Canada,

Netherlands Germany, Usa 71.2 100

Agronomy For Sustainable Development, International

Journal Of Agricultural Sustainability, International

Journal Of Sustainable Agricultural Technology, Journal Of Sustainable

Agriculture

42.8

Sajjapongse, A ; Pretty, J ; Lal, R ;

Francis, C ; Singh, S ; Lockeretz, W

Sustainable-Agriculture, System Farmer Soil development, inquiry Crop Use sustainability Economy

production ,Scale, Area ,Yield, Practices Effect Technology Management SCIENTISTS extension, land, Input Resource farm, environment, USA policy, food,

Water problems

extension, Sustainable-Agriculture

Precision 1994-2008,

max en 2003 Usa Usa, Canada 31.2 85.7 Precision Agriculture 9.6

Robert, P ; Stafford, J ; Larson, W ; Rust, R

Precision-Agriculture, Field, Yield, System, Technology, Management information, Area, data, Implementation

Agriculture Crop Methodology, inquiry, Use, development, variability

Field Technology Implementation variability, gps applications, fertilizer application, gis, remote

sensing, Japan, sensors, information technology, sensing, decision, cotton, sampling, maps, grid

Figure 6 : Analyse factorielle sur les pays associés à chaque forme

Figure 7 : Analyse factorielle et classification hiérarchique sur le lexique associé à chaque forme

26

Traditionnal 1971-2009,

max en 1983 Usa, England, Spain, India

Zambia, Mexico, Uganda, Nigeria

52.8 100 - 15.0 Jodha, N ; Marten, G ;

Altieri, M

Agriculture Traditionnal-Agriculture, Farmer System development, production, Economy Area Crop

Technology land, Use, farm, Input Effect State farming, Scale Yield study, Resource labour, efficiency,

problems, food, Modern-Agriculture

Modern-Agriculture, resource allocation, modernization, capital, tenure, hypothesis,

population, transformation, crisis, subsistence, forms, irrigation, Côte-Ivoire households, surplus,

accumulation, pattern, unemployment

Mixed 1972-2008,

max en 1992

England, Usa, Australia, Kenya, Germany, India,

Ethiopia, Netherlands

Kenya, Ethiopia, Malaysia, Niger,

England, Usa, Burkina Faso

27.2 100 - 4.1 Renard, C ;

Fernandez-Rivera, S ; Powell, J

Mixed-Agriculture, Farmer System farm, land, production, Crop Area Economy farming, Scale Use

study, Input livestock, food, Yield income, farms, policy, Management Organic-Agriculture, cultivation,

employment, model, animal

coconut,Zimbabwe discourse, employment, livestock, farming systems, cultivation, densities, income, lack, prices, diversification, horticulture,

dairy, response

Alternative 1979-2008,

max en 1995 Usa Usa 25.6 85.7

Alternatives ; American Journal of Alternative

Agriculture 6.8

Karlen, D ; Paula Junior, T ; Altieri, M ; Duram, L ; Smolik, J ;

Bowler

Alternative-Agriculture, System, inquiry, Sustainable-Agriculture, farm, Farmer production, Effect ,Yield

policy, Use, Crop, Economy, USA, SCIENTISTS

representatives, center, agenda, paradigm, legislation, states, Fund pollination,

contradiction, effectiveness, homegarden, alternative systems, emphasis, agricultural trade, decentralization, document, erosion, harmony,

independence, man, sources

Low-input-Agriculture

1980-2008, max en 1990

Usa, England, Germany,

Netherlands, Denmark,

Canada

- 16.8 85.7 - 3.9 Lueck, L ; Thommen,

A ; Neuhoff, D ; Alfoldi, T ; Veen, J ;

Low-input-Agriculture, System, Sustainable-Agriculture, Soil Input Farmer, Practices Use Effect Crop, USA, inquiry, Economy, Pesticide, Field, Yield

Technology farm, plant, Organic-Agriculture, development, Weed, programmes, conditions, Scale

Area

virginia, elimination, rhizobium, Availability, varieties, weed control, maize, Biodynamic-

Agriculture, risk, county, prices, Weed

Agroecology 1969-2008,

max en 2003 Usa, England,

Brazil Ethiopia, Ghana 26.4 85.7

Manejo Integrado De Plagas Y Agroecologia

6.2 Altieri, M ; Scoones, I

; Gliessman, S ; Francis, C ; Lieblein, G

Agro-Ecology, System, Yield inquiry Soil Farmer food, Crop development, Field SCIENTISTS production, Scale

Effect Use Input Sustainable-Agriculture

discipline, courses, west bengal, villages, ecology, agronomy, incidence, structure, Principle, manner, multidisciplinary, tomato, tropics,

enterprises, agroecosystems

Integrated 1980-2008,

max en 1999

Netherlands, Germany, Usa, England, India,

Thailand, Vietnam

Vietnam, Thailand,

Netherlands, Slovakia, Usa

20.8 71.4 Integrated Pest Management

Reviews 4.4

Asperen, P ; Holland, J ; Wijnands, F ; Cook, S

; El-Titi, A

Industrial-Agriculture, production, Farmer Economy System farming, food, USA Use farms, scale effect

energy, State policy, labour, development, Sustainable-Agriculture, problems, inquiry Yield,

technology, management, animal, humans policies

System stones, editorial, delta, budgets, mekong, aquaculture employment, Thailand Traditionnal-

Agriculture, experiment

Ecological 1976-2008,

max en 2007 Germany, Usa,

Peoples R China

Germany, Czech Republic,

Peoples R China 30.4 85.7 - 10.8

Huang, G ; Shi, T ; Petr, J ; Granstedt, A ;

Matthes, H ; Lockeretz, W

Ecological-Agriculture, development, System, CHINA production, inquiry Area Use Economy Soil Crop paper,

Yield Farmer -Practices Methodology Sustainable-Agriculture, Field problems, food, environment, region, Organic-Agriculture, cea, Scale products,

conditions, Resource

CHINA shanghai, cea, county, space, industrialization, course, agricultural insurance, ideas, safety, Peasant, evaluation, Farm plant,

characteristics

Extensive 1973-2009,

max en 2001

Spain, France, England, Usa, South Africa,

Germany

Estonia, South Africa, Spain, Hungary, Usa

20.8 85.7 - 4.2 Lugasi, A ; Lardon, S ;

Kontraszti, M ; Gergely, A

Agriculture Extensive-Agriculture, land, production, Area Scale Effect Farmer farming, Use region, System farms, EUROPE Soil development, Crop Methodology

Economy Input data, factors, habitats, farm, time, output, policy, Italy

Intensive-Agriculture, densities, time, part, Italy CAP, labour, output, Landscape production

Conservation 1982-2008,

max en 2007 Usa, Australia,

Belgium, Mexico Mexico,Belgium, Sri Lanka, Syria

16 85.7 - 2.3 Martinez-Vilela, A ; Benites, J ; Garcia-

Torres, L

Conservation-Agriculture, Soil Farmer System, tillage Agriculture Crop Effect Yield -Practices Use, adoption,

Technology conservation, conservation tillage, erosion, Management model, Sustainable-Agriculture, good,

control

Tillage conservation tillage, mechanization, legislation, cropping, Soil, notes, diseases, cereal,

good, maize, crop production

No-till 1980-2008,

max en 2000 Usa Usa 3.2 57.1 - 1.0

Phillips, S ; Uri, N ; Lal, R

System, no-tillage, Soil, No-till-agriculture, Agriculture -Tillage Farmer Use no-till, Management -Practices

benefits, Crop maize, indigenous knowledge

placement,Botswana kentucky, amazon, streams, turnover,Iraq Climate-Change previous crop,

Productivist-Agriculture, pollutants, conservation tillage, no-tillage, sequestration, Honduras

timing, states, cropping, forest, Soil

27

Multifonctional 1994-2008,

max en 2008

Netherlands, France,

Germany, Usa, England, Spain

Netherlands, Slovakia, Czech

Republic 15.2 42.8 - 4.1

Groot, Jc ; Rossing, W ; Lankoski, J ;

Stobbelaar, D ; Makowski, D ; Tichit,

M

Agriculture Multifonctional-Agriculture, Multifonctionality policy, paper, development,

Economy Landscape production, analysis, goods, Area Farmer market, Scale concept, System Goal benefits,

article, functions, subsidies, MethodologyEUROPE Use

Multifonctionality, common agricultural policy, roles, remuneration, non-commodity, willingness

to pay, gardens, goods and services, non-production, demand, society, rural development, modelling, planning, tasks, supply, trends, notion

Norway concerns, design, reforms, Landscape subject

Biological 1974-2008,

max en 1997

Germany, France,

Switzerland, Italy - 13.6 57.1

Agribiological Research ; Biological Agriculture And

Horticulture 2.9 Hodges, R

Biological-Agriculture, Agriculture Soil Effect production, farm, products, Use System

fertilizers,EUROPE Yield Crop control, Methodology data, development

regulationItaly time, fertilizers, differences, Fertilisation prices, dynamics, applications, weed

control, diseases, notion, production systems, part

Eco-Agriculture 1979-2009,

max en 2008 Usa, Germany,

Peoples R China Germany,

Peoples R China 6.4 42.8

Chinese Journal Of Eco Agriculture

1.6 Scherr, S ; Mcneely, J ;

Ren, T ; Wicks, G ; Egger, K

Eco-Agriculture,CHINA System development, Area ,model, production, ,Agriculture Economy county, Use ,paper , ,province, region, Methodology Management

Scale

Certification, shandong, province, bases, biomass,CHINA garden, layer, standards,

construction, Biofuel demonstration, pattern

Efficient-Agriculture

1973-2007, max en 1993

Usa, Germany, Italy, India,

Russia Russia 14.4 57.1 - 2.0

Ma, K ; Xing, W ; Wang, A ; Guo, Hh ;

Li, Bq ; Hou, L ; Pfeiffer, A

Agriculture Efficient-Agriculture, production, development, policy, System Scale State Farmer

Economy Yield market, EUROPE Goal quality, problems, farming, paper, price

preconditions, conflicts, fist, instability, import-substitution, good-quality, bay, corridor, defense, defenses, good, instrument, reserves, peasantry,

Irrigation, Yield consideration, Methodology

Biodynamic 1996-2007,

max en 2007

Usa, Netherlands,

Sweden, Germany, Australia

Russia 6.4 71.43 - 0.8 Mendonca, E seed, System Biodynamic-Agriculture, plant, Yield

inflorescence, content, manure, oil, Organic-Agriculture, number, Alternative-Agriculture, weight

chromatography, respiration, crystallography, decomposition, moscow, earthworm,

comparisons, Low-input-Agriculture, Agro-Ecology, seed, Natural-Farming, Germany

Alternative-Agriculture, Organic-Agriculture, cropping

Envt-friendly 1990-2007,

max en 2006

England, France, Norway, Usa, Greece, South

Korea, Denmark

South Korea 6.4 57.14 - 0.8 Kim, C ; Kang, J ; Shin,

Y ; Kurup, M

Envt-friendly-Agriculture, Farmer Agriculture Organic-Agriculture, Sustainable-Agriculture, study, Economy

perception, sustainability ,farm, development, quality, Biodiversity Effect survey, emphasis, performance,

food

mites, exposure, palm, agro-tourism, cosmopoliteness, sao paulo, media, parana,

perception, description, emphasis, age, farm size, experience, family, participation, income,

Sustainable-Agriculture, extension

Natural 1981-2008,

max en 1998

Usa, Japan, Netherlands,

Germany, Peoples R China

Japan 5.6 57.14 - 0.8 Senanayake, Y ; Sangakkara, U ;

Katano, M ; Xu, H

Agriculture Natural-Farming, Alternative-Agriculture, Ecological-Agriculture, System farming, land, Water

Soil approaches,India FarmerPoland Sustainable-Agriculture, Humans agricultural systems, Crop

fukuoka, fibre-production, Integrated-Agriculture, aquaculture prevalence, Organic-

Agriculture, association, origins, places, permaculture, Biodynamic-Agriculture, districts,

Low-input-Agriculture, System, -

Regerenerative 1986-1998,

max en 1991 - 2.4 28.57 - 0.4

Uphoff, N ; Sherwood, S ; Parr, J;

Francis, C

Regerenerative-Agriculture, Farmerinstitute, network, Resource Input System inquiryUSA Alternative-

Agriculture, Scale strategies, Field training, importance,

laboratories, Guatemala, reconstruccion, development agencies, Alternative-Agriculture,

views, Agro-Ecology, techniques, world, Sustainable-Agriculture