caractérisation de l'endommagement du béton par mesures électriques

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Materials and Structures/Mat6riaux et Constructions, Vol.35, May 2002, pp 204-210 Caractdrisation de I'endommagement du bdton par mesures dlectriques (Electrical measurement to characterize concrete damage) C. Sirieixl,j.-F. Lataste2, D. Breysse I et M. Frappa 1 (i) CDGA, Universit( Bordeaux 1, Avenue des Facult&, 33405 Talencecedex, France (2) LERM, 23 Avenue de la Madeleine, BP 136, 13631 Arles cedex, France Paper received:July7, 2000; Paper accepted:September 20, 2001 Rr ~ Le contrNe non destructif des ouvrages de g~nie civil en b4ton et bfton armd repr~sente un int4rfit majeur pour la gestion du patrimoine bfiti. Les m&hodes g4ophysiques, rdguli6rement employees en g4ologie, restent encore mal maltris4es dans ce cadre. Nous donnons les premiers r&ultats d'&udes de mesures 4lectriques men&s sur des b&ons et des b&ons arm&. Nous d&rivons dans un premier temps le mat&iel utilis~, notam- ment un quadrip61e carr4 developp~ 5 ces fins. Puis, l'utilisation de la technique sur des ouvrages in situ est envisage. Pour cela les r&ultats de modelisations num&iques sur l'influence des armatures ou de fissures de surface sont pr&ent&, Ces rdsultats confirment l'analyse des mesures r4alisdes sur des corps d'@reuves ou des ouvrages existants. Nous montrons, en particulier, la compldmentarit4 des mesures dlectriques rdalis&s pour deux directions d'injection du courant, qui permettent de d&ecter et de localiser des fissures conductrices ou r&is- tantes 41ectriquement et des armatures. ABSTRACT Non destructive testing on concrete and reinforced con- crete civil engineering structures represent a great interest in the management of built heritage. Geophysics methods, currently used in geology, are still insufficiently validated for this purpose. This article deals with results of electrical measurement on plain and reinforced concrete. First, the equipment is described, particularly a square configuration quadripole specially developed. The applications on real components and structures are thus considered. Numerical computations help us to quan- tify the influence of existing cracks or rebars. These results are confirmed through in situ investigations. We show the complementarity of electrical measurements for two direc- tions of current injections, this allowing the detection, loca- tion, and characterisation of cracks and rebars. iN 1. INTRODUCTION La caract&isation des matdriaux cimentaires est n&es- sake pour d~finir l'&at de vieillissement d'un ouvrage et les &entuels travaux de r4fection 5 y apporter. L'estima- tion de l'&at passe le plus souvent par une inspection visuelle detaillde qui peut, en cas de probl~mes pr&um&, conduire 5 des investigations plus pouss&s. Afin de limi- ter le nombre de prdlhvements 5 effectuer et de pr4ciser dans quelles zones de l'ouvrage ces pr41hvements seront susceptibles d'apporter le plus d'information, nous pen- sons que l'utilisation de m4thodes g~ophysiques peut ~tre une contribution utile, en particulier les m&hodes repo- sant sur les mesures de r&istivit6 dlectrique. Ces m&hodes sont couramment employ&s en gdo- technique pour caract&iser le sous-sol sur quelques dizaines de metres [1, 2]. Les variations de nature litho- logique (sable, argile, calcaire...) peuvent ~tre d&ermi- ndes ainsi que celles de teneur en eau. Dans le cas de la reconnaissance de structures en b&on, ce type de m&hode est encore peu d~veloppd. Le dispositif de mesure doit &re de dimensions restreintes pour &re adaptd aux gdom&ries rencontr&s d'autant plus qu'une reconnaissance des premiers centim~tres suffit. I1 doit aussi prendre en compte que les dlectrodes ne devront pas, si possible, fitre enfoncEes dans le mat~riau et le contact dlec- trode mat&iau devra &re dtudid. L'appareil doit aussi per- mettre d'identifier, de localiser et de d&erminer le degrd 1359-5997/02 204

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Materials and Structures/Mat6riaux et Constructions, Vol. 35, May 2002, pp 204-210

Caractdrisation de I'endommagement du bdton par mesures dlectriques (Electrical measurement to characterize concrete damage)

C. Sirieixl,j.-F. Lataste 2, D. Breysse I et M. Frappa 1 (i) CDGA, Universit( Bordeaux 1, Avenue des Facult&, 33405 Talence cedex, France (2) LERM, 23 Avenue de la Madeleine, BP 136, 13631 Arles cedex, France

Paper received:July 7, 2000; Paper accepted: September 20, 2001

R r ~

Le contrNe non destructif des ouvrages de g~nie civil en b4ton et bfton armd repr~sente un int4rfit majeur pour la gestion du patrimoine bfiti. Les m&hodes g4ophysiques, rdguli6rement employees en g4ologie, restent encore mal maltris4es dans ce cadre.

Nous donnons les premiers r&ultats d'&udes de mesures 4lectriques men&s sur des b&ons et des b&ons arm&. Nous d&rivons dans un premier temps le mat&iel utilis~, notam- ment un quadrip61e carr4 developp~ 5 ces fins.

Puis, l'utilisation de la technique sur des ouvrages in situ est envisage. Pour cela les r&ultats de modelisations num&iques sur l'influence des armatures ou de fissures de surface sont pr&ent&, Ces rdsultats confirment l'analyse des mesures r4alisdes sur des corps d'@reuves ou des ouvrages existants. Nous montrons, en particulier, la compldmentarit4 des mesures dlectriques rdalis&s pour deux directions d'injection du courant, qui permettent de d&ecter et de localiser des fissures conductrices ou r&is- tantes 41ectriquement et des armatures.

A B S T R A C T

Non destructive testing on concrete and reinforced con- crete civil engineering structures represent a great interest in the management of built heritage. Geophysics methods, currently used in geology, are still insufficiently validated

for this purpose. This article deals with results of electrical measurement

on plain and reinforced concrete. First, the equipment is described, particularly a square configuration quadripole specially developed.

The applications on real components and structures are thus considered. Numerical computations help us to quan- tify the influence of existing cracks or rebars. These results are confirmed through in situ investigations. We show the complementarity of electrical measurements for two direc- tions of current injections, this allowing the detection, loca- tion, and characterisation of cracks and rebars.

iN

1. I N T R O D U C T I O N

La caract&isation des matdriaux cimentaires est n&es- sake pour d~finir l'&at de vieillissement d'un ouvrage et les &entuels travaux de r4fection 5 y apporter. L'estima- tion de l'&at passe le plus souvent par une inspection visuelle detaillde qui peut, en cas de probl~mes pr&um&, conduire 5 des investigations plus pouss&s. Afin de limi- ter le nombre de prdlhvements 5 effectuer et de pr4ciser dans quelles zones de l'ouvrage ces pr41hvements seront susceptibles d'apporter le plus d'information, nous pen- sons que l'utilisation de m4thodes g~ophysiques peut ~tre une contribution utile, en particulier les m&hodes repo- sant sur les mesures de r&istivit6 dlectrique.

Ces m&hodes sont couramment employ&s en gdo- technique pour caract&iser le sous-sol sur quelques dizaines de metres [1, 2]. Les variations de nature litho- logique (sable, argile, calcaire...) peuvent ~tre d&ermi- ndes ainsi que celles de teneur en eau.

Dans le cas de la reconnaissance de structures en b&on, ce type de m&hode est encore peu d~veloppd. Le dispositif de mesure doit &re de dimensions restreintes pour &re adaptd aux gdom&ries rencontr&s d'autant plus qu'une reconnaissance des premiers centim~tres suffit. I1 doit aussi prendre en compte que les dlectrodes ne devront pas, si possible, fitre enfoncEes dans le mat~riau et le contact dlec- trode mat&iau devra &re dtudid. L'appareil doit aussi per- mettre d'identifier, de localiser et de d&erminer le degrd

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Sirieix, Lataste, Breysse, Frappa

d'alt&ation du mat&iau. Sous la ddnomination commune d'alt&ation sont regroup& ici des &ats correspondant 5 des m&anismes divers que l'on peut r&umer en une modifica- tion gdn&ale de la microstructure due, en gSn&al, 5 l'alt& ration d'origine chimique ou physique, comme la prdsence de discontinuit&. En termes de reconnaissance et d'&alua- tion de l'&at des ouvrages, il s'agit de d&ecter et de distin- guer les diff&ents types d'alt&ation. Les difficult& portent donc sur les capacit& de r&olution de la technique et sur son aptitude h identifier les causes pr&ises d'une mesure particuli~re. Dbs lors que l'on considbre des ouvrages r~els, les difficult& sont augment&s du fait des incertitudes et des impr&isions de diverses natures: &at initial du mat& riau, histoire du chargement, influence de l'humidit4 ambiante, variation spatiale des propri&& du mat&ian, etc.

Pour remplir ces diffdrents objectifs, nous avons tout d'abord conduit une s&ie d'essais h l'&helle du labora- toire afin de ddfinir la pr&ision, la r@&abilit4 et les limites de ce type de mesures. Par la suite, des mesures in situ ont dr4 r&lis&s sur des portions d'ouvrages endom- magds afin de mesurer l'effet de l'alt&ation du mat&iau sur ses propri&& 41ectriques. Des simulations num~- riques mendes dans quelques configurations typiques fournissent une aide utile 5 l'interpr&ation des mesures.

2. MATI~RIEL DE MESURE ET PROTOCOLE EXPI~RIMENTAL

2.1. Principe des mesures

Deux types de dispositif dlectrique ont 8t6 utilisds pour mesurer les propri&& dlectriques des b&ons : un systhme dit de mesures par transparence et un systbme appel6 quadripdle carrd.

Le premier (Fig. 1) est constitu~ d'un appareil de type RLC (Rdsistance, Impddance, Capacitance) injectant un courant alternatif de frdquence 120 Hz entre deux 61ec- trodes en cuivre appliqudes sur deux faces opposdes du mat&iau ~ ausculter. La mesure de la diff&ence de potentiel r&lis& entre ces deux mdmes 41ectrodes per- met de ddduire la r&istance ~lectrique du mat&ian.

Le quadrip61e carr4 est un dispositif comprenant un systbme d'41ectrodes disposdes en carrY, distantes de quelques centim~tres, et d'un r&istivim~tre (Fig. 2). Ce dispositif permet de r&liser des mesures sur une seule face du mat&iau. On mesure la diff&ence de potentiel

Pression de mahtien n ~ . . . I D e s 61ectrodes

/ ~ ~ . _ Electrode

] [ [ ~ Interface de contact 111 I 41ectrode-b~on

Pont RLC~._ ~ . ~ 4prouvette

Fig. 1 - Principe du dispositif de mesure par transparence.

entre les dlectrodes r&eptrices (Met N), suite au champ ~lectrique impos~ entre les 61ectrodes ~mettrices (A et B) par l'injection d'un courant d'intensitd constante. On en ddduit la r&istivit~ dlectrique apparente du mat&iau par l'interm~diaire du facteur gdom&rique k du dispositif.

La profondeur de mat&ian concern4 par la mesure est fonction de l'&artement des dlectrodes. En compa- raison, la configuration plus classique du quadripgle en ligne (du type dispositif Wenner) se caract&ise par une sensibilit6 plus faible anx singularitds de contact [3] que reprdsentent les 6lectrodes. De par le caracthre symG trique du dispositif carrd, les effets de l'anisotropie appa- rente lids ~t la configuration sont faibles et l'interpr&ation des rdsultats sur le terrain plus immddiate [4].

AV =k.-i-

a B

2~ca k - 2_x/~

k : le facteur g~om~trique

Fig. 2 - Schdma de principe du quadrip61e.

2 .2 . L imi tes des m e s u r e s e x p ~ r i m e n t a l e s en

l a b o r a t o i r e

Les premieres mesures par transparence ont montrd l'existence d'une ddrive temporelle. Une sdrie d'essais a &d conduite afin de d&erminer l'origine de la d~rive et, si possible d'en diminuer l'effet. Deux types de ddrive ont dt~ distingu& : h court et 5 moyen terme (les routes premieres secondes puis les minutes suivantes).

La ddrive h court terme a &d dtudide par Lataste et al. [5]. On a montr~ que le mat&iau servant d'interface entre ~lectrode et b&on jouait un rdle d&erminant au cours de ces mesures mais anssi la pression exerc& sur les dlectrodes, la prdsence d'ean sur les surfaces libres de l'&hantillon et l'&at de saturation du mat&iau (Fig. 3).

La deuxi~me forme de d&ive correspond h la dessatura- tion du mat&ian quand les @rouvettes conserv&s dans

80 ,

6prouvette essuy~e, 6ponges imbibees d'eau douce _.=v ~ . . b - -

75 1 ~ - - ~ . . . . b . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

! 70 ~ '~ "~ ' -

65 /

6prouvette non essuy6e, 6ponges imbibdes d'eau sal6e 80 I"~e --_ - - - ~ - i i ~-

6prouvette essuyee, eponges imbib6es d'eau salee

00 :00 01 :00 02 :00 0 :3 :00 04 :00 05 :00

temps (mln:s)

Fig. 3 - Influence des param&res de mesures.

2 0 5

Materials and Structures/Mat&iaux et Constructions, Vol. 35, May 2002

l'eau sont essuy&s en surface pour la mesure. En effet, Villesuzanne [6] a montr4 qu'une baisse de r&istivit8 de 8% mesur& au bout de 7 minutes correspondait ~ un asshche- ment, constat4 visuellement, sur 5 mm d'4paisseur. Un mo&le de r&istances en s&ie repr&entant scMmatique- ment l'alternance b&on sec puis b&on humide et ~ nou- veau sec (simulant l'ass~chement sur les deux faces de l'4prouvette), donne une diminution de la r&istivit4 globale de 6%, du m4me ordre de grandeur que la d&ive mesur&.

Par ailleurs, comme le montre la Fig. 3, la valeur de la mesure sera li4e aux conditions exp&imentales. U n ensemble d'exp&imentations a permis d'&udier les dif- f&ents facteurs [5] et nous a conduit ~ retenir le proto- cole suivant, pour les mesures par transparence : - l'utilisation d'une 4ponge imbib& d'eau sal& 5 50g/1 assurant le contact entre le b4ton et les 4lectrodes en cuivre ;

- une press ion de con tac t assur4e par une masse constante de 1,5 kg ;

- la r4alisation des mesures ~ temps constant aprhs la raise en marche du dispositif, soit 120 secondes,

La Fig. 4 illustre la mise en ~euvre de ce protocole pour des mesures r4p&&s sur plusieurs jours , pour quatre 4prouvettes appartenant ~ deux s&ies de b&ons diff&ents (E et F). L'&art maximum entre les mesures est de 1 t im pour des b&ons de m4me composition, et de r&istivit~ de l'ordre de 70 ~m.

Ces exp&imentations ont permis de s'assurer que la pr&ision de la mesure serait de l'ordre de 1,4% et devrait donc &re certainement suffisante pour caract&iser le b&on et les mat&iaux de construction endommag&.

3. MESURES ELECTRIQUES DE L'ENDOMMA- GEMENT DE STRUCTURE EN BETON IN SITU

3.1 Repr6sentativit6 des mesures par quadrip61e carr6

L'ensemble des mesures de laboratoire ayant &~ r&lis4 au moyen du dispositifpar transparence, une comparaison avec le quadrip61e carr4, destin4 aux mesures in situ, a 4t4 conduite sur des &hantillons de diff&ents b&ons et mor- tiers. Ces mesures sont comparables : nous observons la m4me hi&archisation des donn&s. Les valeurs mesur&s au moyen du quadrip61e carr~ sont comparables bien que sup&ieures de 10% h celles obtenues par transparence, comme l'illustre la Fig. 5. La difference de valeurs des r&istivit& apparentes peut s'expliquer par des effets de bord. Dans le cas des mesures r&lis&s au moyen du qua- drip61e, les lignes de courant sont canalis&s dans le volume investigu4 par ce dispositif soit sensiblement un bulbe au droit des quatre ~lectrodes. Darts le cas des mesures par transparence, les lignes de courant peuvent emprunter la surface cylindrique de l '4prouvette quand celle-ci est humide, diminuant ainsi la r&istivit4 apparente. Ce biais des mesures par transparence ne devrait pas exister dans le cas des mesures in situ, &ant donn~ que les bords seront g4n&alement loin par rapport au dispositifde mesures.

80

75

N 65

".~ 60

55

I

t t+12h t+24h t+36h t+48h t+60h t+72h date de la mesure

dprouvette E4 -.,~.. ~prouvette E5 + 4prouvette F4 ..o.. dprouvette F5

Fig. 4 - Exemple d'homog6n6it6 et pr6cision de la mesure 61ectrique sur deux s6ries de b6ton, pendant 3 jours, d'apr6s Lataste [7].

120

100

80

60

40 30 40 80

R6sistivitds en Ohm.m

Mesures par pont RLC

50 60 70

Fig. 5 - Comparaison des moyennes, par s6ries, des mesures de r6sis- tivit6 par quadriD31e et des mesures de r6sistivit6 par transparence.

3.2. Mesure sur une dalle en b4ton alt6r6e

Des mesures au moyen du quadrip6le carr4 ont dtd rdalisdes sur une dalle en b&on servant de toit terrasse [6]. Cette dalle fig& d'une quarantaine d'ann&s, a &~ choisie en raison de l'identification visuelle de signes de v&ust~ et de son accessibilitY.

Elle a une ~paisseur de 20 cmet n'est pas arm& sur sa face sup&ieure, face sur laquelle nous effectuons les mesures. La surface auscult& est large de 0,5 m pour 1 m de long. Visuellement (Fig. 6), nous observons une fis- sure principale qui est la trace en surface d'une disconti- nuit4 d'ouverture variable et inclin&. De plus, deux zones de d41aminage ont pu &re localis&s au moyen de la r~ponse acoustique du mat&iau 5 une percussion manuelle (Fig. 6).

Les mesures sont r4alis4es selon un carroyage de 10 cm de cot~, soit un pas de 5 cm. Dans chaque carr4, quatre mesures sont effectu&s comme l'indique la Fig. 7 ; chaque ~lectrode tenant successivement les quatre rhles possibles (A, B, M ou N). Nous retenons les moyennes des deux valeurs mesur&s pour chaque direction parallhle d'injection du courant. Au total, 800 mesures sont n&es- saires pour couvrir cette surface. Avant la r&lisation des mesures, le parement est l~g~rement humidifi~ afin d'assurer un meilleur contact 41ectrique. Pour chaque positionnement du dispositif, un temps de stabilisation du signal de 15 secondes est n4cessaire.

206

Sirieix, Lataste, Breysse, Frappa

Fig. 6 - Description de la dare.

Fig. 8 - Carte de r&istivit6, injection du courant parallble h l 'axe Y.

Fig. 7 - Sch&na des diff&entes positions de mesure du quadrip61e.

partir de ces donn&s, deux cartes d'isovaleurs de r&istivit6 apparente ont &~ construites : - l'une, Fig. 8, pour la disposition des dlectrodes d'injec- tion parallOles 5 l'axe des Y, soit perpendiculaires 5 la fissure ; - l 'autre, Fig. 9, pour la disposition des ~lectrodes d'injection parall~les 5 l'axe des X.

Ces cartes sont tr~s contrast&s et l '&art entre les zones alt&&s et les zones saines est de l'ordre de plu- sieurs centaines d'ohm m~tres, bien sup&ieur 5 la pr&i- sion du dispositifemploy&

La carte off les ~lectrodes d'injection sont parall~les l'axe Y (Fig. 8) permet de localiser les deux zones de ddlaminage, marqudes par une augmentation de la r&is- tivitd de l 'ordre de 200%. La zone fissur& apparalt moins r&istante, avec une valeur voisine de 400 f~.m, que le milieu environnant (800 ~2.m) mais ses contours sont peu pr&is.

A contrario, la carte obtenue au moyen des ~lec- trodes perpendiculaires 5 l'axe Y, donc parall~les ~ la fis- sure, permet de localiser pr&is~ment cette derni~re (Fig. 9). Elle se marque par une baisse de r&istivit~ de l'ordre de 400 f~.m alors que le milieu environnant a une valeur moyenne de 800 ~.m. Cette fissure encore imbi- b& d'eau apr~s une p&iode de pluie se comporte donc comme un meilleur conducteur dlectrique que le b&on sain alors que, comme nous l'avons montr~, les zones ddlamindes parall~les ~ la surface, plus s~ches, ont au contraire un comportement plus isolant.

Fig. 9 - Carte de r&istivit~, injection du courant parall~le h l 'axe X.

3.3 I~tude num6rique de I'influence de la direction des fissures ou armatures m6talliques sur les mesures

Une mod~lisation num&ique en trois dimensions a &~ conduite sur le logiciel CESAR. LCPC afin d'appr& cier le r61e des armatures pour diff&entes ~paisseurs d'enrobage d'une part, et l'influence d'une fissure plus ou moins isolante d'autre part. I1 prend en compte la forme du dispositif de mesure (quadrip61e carrY) qui influence les valeurs de r&istivit~ apparente. Ces deux mo&les montrent dans un premier temps sur la Fig. 10, que la rdponse du syst~me est anisotrope et est fonction de l'orientation des ~lectrodes d'injection par rapport l'anomalie.

Par ailleurs, pour les armatures : - plus l'enrobage est important et moins les mesures sont influenc&s par les aciers ; - on observe que le rapport des mesures (~lectrodes d'injec- tion perpendiculaires 5 l'armature)/(~lectrodes d'injection parall~les ~t l'armature) faites 5 la verticale de l'armature, diminue quand l'6paisseur d'enrobage augmente ; - la rdsistivit~ apparente, quel que soit l'enrobage, sera plus influenc& dans le cas o ) les ~lectrodes d'injection

2 0 7

Materials and Structures/Matdriaux et Constructions, Vol. 35, May 2002

350

300. ~ c m ...-'~5~-~; . . . . . . . . . . . . .... _ _

E~. 250 parall~le

\~'\~ ~" .. . . . ~" / / 7 --4-1011 pe~endieallaire .r 200. \ - " i . . . = / " / . . . . 2 = parali.le

~ 150 ' . "~ \ . . . . / . . . . 2 r pe~endieulair,

100 ~ ..~.. 3 cm parallele

50 ..... 3 cm per~endiculair~

0 -5 0 5 10 15 20 distance centre-acier (cm)

Fig. 10 - Mod~lisation de la r6ponse du quadrip61e selon l 'orientation des ~lectrodes d'injection par rapport h l ' a r m a t u r e .

sont parall~les 5 l'armature que dans le cas off elles lui sont perpendiculaires.

Pour les fissures, repr&ent&s simplement par deux surfaces planes parall~les, comme le montre la Fig. 11 : - si les fissures sont plus conductrices que le b&on, elles ne peuvent &re ddtectdes que lorsque les dlectrodes d'injection leur sont parall~les (r&istivit6 apparente plus faible que le b&on sain) ; - si elles sont plus isolantes que le b&on, elles condui- rout 5 une r&istivit4 apparente mesur& diff&ente de celle observ& sur un b&on sain (r&istivit4 plus grande ou plus faible que le b&on en fonction de l'orientation des dlectrodes par rapport ~ la direction de la fissure).

De fagon synth&ique, il est int&essant de constater que, lorsque les dlectrodes d'injection sont parall~les h la fissure, le signal obtenu traduit toujours une r&istivit4 apparente plus faible, quelle que soit la propridtd 4lec- trique de la fissure. Pour une orientation perpendiculaire de ces m4mes dlectrodes par rapport ~ la fissure, elle ne sera d&ect& que dans le cas off elle est plus r&istante que le milieu.

La compldmentaritd des mesures effectu&s pour dif- f&entes orientations du dispositif permet de mieux caractdriser la direction et les propridtds dlectriques des fissures.

3.4 Anisotropie du dispositif et int6r6t pour le diagnostic

Les rdsultats obtenus par la moddlisation out dt6 confront& h rinterpr&ation des mesures r4alis4es sur des poutres de 3 m, en b&on armd, alt&&s chimiquement et e n d o m m a g & s [8] au Laboratoire M a t & i a u x et Durabilit~ des Constructions de I'INSA de Toulouse. Les r4sultats obtenus sont compar4s aux plans de fer- raillage des poutres, ainsi qu'au rapport d'inspection visuelle &abli avant les mesures, qui recense les princi- paux ddfauts visibles (Fig. 12).

Les mesures rdalis&s au moyen du quadrip61e carrd montrent sur la Fig. 13 : - une partie des cadres transversaux se mat&ialisent par une faible rdsistivitd quand les 41ectrodes d'injection sont

1000 Orientation des 61ectrodes .,~ E" d'injection vis-&-vis de la fissure :' E~ 800 :' 0 - - Paralleles .-r

600 ..,. Perpendiculaires ..." Q) ,,~"

,oo

i 200

~ 0 10 100 1000 10000 100000

Resistivit6 de la fissure (Ohm.m)

Fig. 11 - Mod61isation de l'influence de la r&istivitd de la fissure sur la r&istivit6 apparente en fonction de l 'orientation des 61ectrodes d'injection, pour un b&on de 400 ~.m.

parall~les aux cadres (rdsistivit6 inf&ieure 5 100 ~.m, en comparaison h la r&istivitd apparente du b&on de 200 ~.m). Cependant, certains d'entre eux ne sont pas d&ectables dlectriquement, sans doute en raison de la formation d'une couche isolante entre le bdton et l'acier (par exemple de type fissure) ; - les armatures transversales ne provoquent aucune variation de r&istivitd 61ectrique quand les dlectrodes d'injection leurs sont perpendiculaires ; - les fissures, quand dies sont perpendiculaires aux ~lec- trodes se manifestent par une augmentation de r&istivit~ apparente (la rdsistivitd apparente moyenne est de l'ordre de 200 ~.m, au droit des fissures on observe des r&isti- vit& de plus de 300 ~ .m); - les fissures quand elles sont parall~les aux dlectrodes d'injection, provoquent une baisse de la r&istivitd appa- rente (inf&ieure h 50 ~.m). Ceci se v&ifiant de la mSme mani~re que les fissures soient transversales ou longitudi- hales.

On notera que le croisement des informations issues des mesures effectu&s dans les deux directions d'injec- tion du courant permet de penser que les fissures out ici une rdsistivitd plus faible que celle du b&on : elles se comportent comme des corps relativement isolants. En effet nous observons une baisse de r&istivit~ dans le cas off l'injection est parall~le ~ la fissure, et une augmenta- tion dans l'autre cas, ce qui est conforme aux r&uhats de la moddlisation num&ique (Fig. 11), mais n'est pas conforme au sens commun. Un dispositif carr~ induit des biais sur la mesure de la r&istivit~ apparente du type une r&istivitd apparente faible pour un corps isolant quand les ~lectrodes d'injection sont parall~les ~i la fis- sure. On peut l'expliquer physiquement par le fait que la fissure constitue une barri~re au passage des lignes de courant et qu'ainsi la diff&ence de potentiel mesur6e entre M e t N est tr~s faible (Fig. 14).

Les ~l~ments conducteurs (armatures), conform& ment ~i la mod61isation, n'induisent aucune perturbation visible de la mesure lorsque la direction d'injection du courant leur est parall~le. Pour une direction d'injection orthogonale 5 ces structures, on observe une augmenta- tion de la r&istivit~ apparente.

Cette m&hode permettrait donc de d&ecter, de loca-

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Sirieix, Lataste, Breysse, Frappa

Fig. 12 - Ferraillage et fissuration de la poutre ~tudi~e.

Fig. 13 - Cartes des r6sistivit~s ~lectriques mesur~es sur la poutre.

4. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Fig. 14 - Sch6ma de la distribution des lignes de courant, h proximit6 d 'une fissure plus isolante que le b6ton.

liser, et de caract4riser fissures et armatures sur des struc- tures en b&on arm4. I1 semble toutefois que la distinc- tion entre armatures (conductrices) et fissures conduc- trices ne soit pas toujours possible, en particulier dans le cas oh les fissures sont parallhles aux armatures.

Uensemble de ces travaux a permis de montrer que la mesure des propri&ds dlectriques de mat4riaux cimen- taires semble pouvoir permettre de caract~riser leur endommagement. Sices mesures apparaissent suffisam- ment discriminantes pour caract~riser un endommage- ment de type fissuration, des types d'endommagement de nature chimiques ou de type gel/d~gel sont ~ aborder. Une campagne exp&imentale est en cours actuellement.

Dans le cadre d'un protocole de mesure rigoureux, la pr&ision des mesures en laboratoire pour la m&hode par transparence, est de l'ordre de 1,4%. Elle paralt satisfai- sante pour d&ecter des variations lides 5 l'endommage- ment du mat~riau rant en laboratoire qu'in situ si cette valeur se confirme. Ces mesures sont sensibles 5 l'&at de la structure. Ainsi ddlaminage et fissuration sont d&ec- tables et engendrent des variations de r~sistivitd de l'ordre de la centaine de fl.m.

La mesure de l'anisotropie lide h l'utilisation d'un qua- drip61e carrd permet de diff4rencier les structures conduc- trices des isolantes et de d4finir pour partie leurs g~om&

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Materials and Structures/Mat&iaux et Constructions, Vol. 35, May 2002

tries, et cela en une seule pose du dispositif (4 mesures), contrairement aux ddclinaisons plus classiques des quadri- p61es en ligne (Wenner, dip61e-dip61e...) qui, pour fournir ce type d'information, n&essitent un repositionnement de l'appareil, donc une manipulation suppldmentaire.

Notre &ude n'a portd que sur des cas de gdom&rie simple o~ les <~ anomalies >~ &aient parallhles ou perpendi- culaires aux directions d'injection du courant. I1 reste ~i s'assurer de la forme des r@onses pour d'autres orienta- tions des d~fauts ou structures.

La teneur en eau des fissures et du matdriau paralt un facteur d&erminant et devra &re pris en compte dans la suite des travaux.

De plus, le mat&iel de mesure doit encore &re perfec- tionnd, afin d'accroltre la quaJitd d'interpr&ation des phd- nomhnes observds, en particulier pour des mat&iaux plus r&istants comme des b&ons trhs secs, et afin d'augmenter la vitesse d'acquisition et de traitement des donndes. Un protocole op&ationnel de mesure et d'interprdtation devrait ainsi pouvoir &re 4labor4 pour une large gamme de mat&iaux (b&on ou roche) et de structures.

REMERCIFMENTS

Une partie de l'&ude exp&imentale a pu &re r&lisde grfice 5 la mise 5 disposition gracieuse du mat&iel du Laboratoire de Mat&iaux et Durabi l i td des

Constructions de I'INSA de Toulouse, et les conseils de cette dquipe. Nous tenons 5 remercier Raoul Francois, Ginette Arliguie ainsi que Bertrand Villesuzanne qui a mend certains de ces essais.

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