archetypes et paradoxes des instruments de musique

15
1 Archétypes et paradoxes des nouveaux instruments de musique Martin Laliberté Compositeur et maître de conférences Université de Bourgogne [email protected] Publié dans les actes du Colloque « Les nouveaux gestes de la musique », Marseille, 1999 Résumé : cet article propose des outils pour éclairer la complexe histoire du développement des nouveaux instruments de musique. Quelles sont les constantes sous la multiplicité des formes ? Quels besoins poussent les concepteurs ? Quels archétypes plus ou moins conscients suggèrent des solutions aux problèmes instrumentaux ? La diversité des instruments de musique récents s’éclaire si on en comprend la nature vocale, percussive ou mixte. 1. Des nouveaux instruments de musique !? Pourquoi faire ?! Depuis plus de soixante-dix ans, les promoteurs des nouvelles technologies se passionnent de musique. L'électricité musicale l’électromécanique des guitares électriques, des ondes Martenot ou de l’orgue Hammond, l'électronique des synthétiseurs ou l'informatique musicale aux multiples ramifications, sans oublier les dispositifs nombreux d'une haute fidélité attentive et d'une radiophonie mélomane — est bien venue transformer notre univers sonore de manière radicale. La table rase esthétique voulue après 1945 par Boulez, Stockhausen et leurs collègues — bien préparée par Webern, Varèse, Messiaen, Schaeffer ou Eimert — a permis d'enraciner profondément ces nouvelles technologies dans la pratique musicale contemporaine. Pourtant, ces nouvelles technologies musicales constituent la résurgence de tendances historiques bien plus anciennes des instruments de musique occidentaux. Cet article et les recherches dont il témoigne découlent d’une fascination depuis le début de ma formation musicale pour ces nouvelles technologies et les nouvelles sonorités [Laliberté 1994]. Plus spécifiquement, elles découlent d’une observation qui m’a toujours étonné : les compositeurs arrivent à trouver un sens au capharnaüm technique des studios électroacoustiques et numériques, à trouver leur chemin dans ce labyrinthe complexe et multiforme et, surtout, à acquérir une maîtrise certaine des différentes générations de matériel pour faire de la musique. Comment est-ce possible ? Pour répondre à cette interrogation, il s’agit de chercher le fil d’Ariane, les constantes sous les apparences multiples et l’avalanche de détails de ces nouvelles technologies protéiformes. 2. Archétypes instrumentaux Le fil conducteur que je propose tient dans cet énoncé simple : les instruments de musique de notre siècle, ces « nouvelles technologies musicales », comme les instruments acoustiques traditionnels évoluent entre deux pôles essentiels, deux archétypes complémentaires : la voix et la percussion. En effet, pour bien saisir les différents développements de l’histoire des instruments de musique, il est utile de considérer l’hypothèse suivante : nos instruments de musique évoluent dans un champ de forces impliquant deux pôles primordiaux de notre musique. Ils oscillent entre une tendance vocale et une tendance instrumentale primaire, nommées respectivement la voix et la percussion. Afin de les distinguer des instruments réels, j’emploie la graphie italique pour les

Upload: u-pem

Post on 26-Jan-2023

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

1

Archétypes et paradoxes des nouveauxinstruments de musique

Martin LalibertéCompositeur et maître de conférences

Université de [email protected]

Publié dans les actes du Colloque « Les nouveaux gestes de la musique », Marseille, 1999

Résumé : cet article propose des outils pour éclairer la complexe histoire du développement desnouveaux instruments de musique. Quelles sont les constantes sous la multiplicité des formes ? Quelsbesoins poussent les concepteurs ? Quels archétypes plus ou moins conscients suggèrent des solutionsaux problèmes instrumentaux ? La diversité des instruments de musique récents s’éclaire si on encomprend la nature vocale, percussive ou mixte.

1. Des nouveaux instrumentsde musique !? Pourquoifaire ?!

Depuis plus de soixante-dix ans, les promoteursdes nouvelles technologies se passionnent demus ique . L'électricité musicale —l’électromécanique des guitares électriques, desondes Martenot ou de l’orgue Hammond,l'électronique des synthétiseurs ou l'informatiquemusicale aux multiples ramifications, sans oublierles dispositifs nombreux d'une haute fidélitéattentive et d'une radiophonie mélomane — estbien venue transformer notre univers sonore demanière radicale. La table rase esthétique voulueaprès 1945 par Boulez, Stockhausen et leurscollègues — bien préparée par Webern, Varèse,Messiaen, Schaeffer ou Eimert — a permisd'enraciner profondément ces nouvellestechnologies dans la pratique musicalecontemporaine. Pourtant, ces nouvellestechnologies musicales constituent la résurgence detendances historiques bien plus anciennes desinstruments de musique occidentaux.

Cet article et les recherches dont il témoignedécoulent d’une fascination depuis le début de maformation musicale pour ces nouvellestechnologies et les nouvelles sonorités [Laliberté1994]. Plus spécifiquement, elles découlent d’uneobservation qui m’a toujours étonné : lescompositeurs arrivent à trouver un sens au

c a p h a r n a ü m t e c h n i q u e d e s studiosélectroacoustiques et numériques, à trouver leurchemin dans ce labyrinthe complexe et multiformeet, surtout, à acquérir une maîtrise certaine desdifférentes générations de matériel pour faire de lamusique.

Comment est-ce possible ?

Pour répondre à cette interrogation, il s’agit dechercher le fil d’Ariane, les constantes sous lesapparences multiples et l’avalanche de détails de cesnouvelles technologies protéiformes.

2. Archétypes instrumentaux

Le fil conducteur que je propose tient dans ceténoncé simple : les instruments de musique denotre siècle, ces « nouvelles technologiesmusicales », comme les instruments acoustiquestraditionnels évoluent entre deux pôles essentiels,deux archétypes complémentaires : la voix et lapercussion.

En effet, pour bien saisir les différentsdéveloppements de l’histoire des instruments demusique, il est utile de considérer l’hypothèsesuivante : nos instruments de musique évoluentdans un champ de forces impliquant deux pôlesprimordiaux de notre musique. Ils oscillent entreune tendance vocale et une tendance instrumentaleprimaire, nommées respectivement la voix et lapercussion. Afin de les distinguer des instrumentsréels, j’emploie la graphie italique pour les

2

archétypes et les caractères romains (droits) pourune voix donnée ou une percussion réelle.

Bien des traités d'organologie ou de musicologiehistorique ont exploré – et non sans mal – lespéripéties de l'histoire des instruments de musique.L'approche que je propose ici permet de se penchersur le domaine moins bien connu des motivationsprofondes de ces nombreuses transformations aucours des âges. Nous le verrons, cetteinterrogation s’avère particulièrement féconde pourl’étude des nouveaux instruments de musique.

2.1. La voix, expression etfluidité du timbreLe premier pôle de la dyade est constitué par cetélément le plus connu de notre tradition musicaleet musicologique, ce qui d’ailleurs n’est pasnécessairement exclusif à l’Occident. Depuis lesdébuts de la tradition musicale savante occidentale,avec les chants liturgiques médiévaux, la voix a detout temps été mise en avant comme modèle etcomme idéal. Cette mise en avant est une desconstantes de notre tradition et demeurerelativement indépendante de l’esthétique musicaledominante d’une époque donnée.

La voix prime pour les théoriciens médiévaux quirefusent même, au départ, toute intervention nonvocale dans l’office liturgique. Les formes vocalesont servi de sources à l’essentiel de la musiqueoccidentale savante. La voix constitue le modèledes virtuoses instrumentaux des dix-huitième etdix-neuvième siècles tandis que l’opéra agit commefigure emblématique des relations complexes etchangeantes de la musique et de la société [Cohen-Levinas 1990]. Malgré les extensions permisespar les instruments, le modèle de l’expressivitédemeure la voix, comme en font état la plupart destraités d'interprétation. De façon caractéristique,Mendelssohn écrit au milieu du XIXe siècle desRomances sans paroles pour piano seul. Lacantate a constitué l'exercice de maîtrise techniqueincontournable jusqu’au milieu du XXe siècle,comme en témoignent les déboires de Ravel. Lesprincipaux traités d’harmonie ou d’orchestration,insistent sur l’incidence de la voix sur l’écriture,Schönberg ne faisant pas exception.

Soulignons rapidement les caractéristiques de cetarchétype vocal avant de l’opposer à soncomplément.  La voix se caractérise d’emblée parla linéarité mélodique, par la production d’un

continuum monodique de hauteurs, par l’émissiond’un son quasi entretenu, phrasé par les possibilitésdu souffle ou par sa facilité pour les ornements. Une grande flexibilité de la hauteur, de ladynamique et du timbre constitue sa secondecaractéristique la plus essentielle. Il s’agit dumodèle de la synthèse soustractive. Grâce à cesmoyens, la voix véhicule une grande émotivité quilui permet d’atteindre une véritable puissanced’expression de la personnalité individuelle.L’archétype s’accomplit idéalement dans la voixseule, a capella, et les formes de contrepoint. Ilvise la clarté de la hauteur, une certaine pureté dutimbre et accorde une plus grande importance auxvoyelles, au détriment des consonnes.

Pour différencier clairement cet archétype de la voixhumaine réelle, on peut évoquer l’image du sonsinusoïdal éternel utilisé par Joseph Fourrier :totalement stable, à la hauteur totalement claire etfixe, à l’intensité et à la phase parfaitementconstantes. Ceci représente en fait un cas-limite,une asymptote un peu absurde vers laquellepourrait tendre l’instrument vocal. Pour devenirréellement musical, l’archétype implique en plusdes variations essentielles : certes, l’archétype voixpousse les instruments de musique vers la pureté dela hauteur mais il les guide aussi vers unel’expressivité dynamique. Comme le montre cetteimage d’une voyelle réelle, figure 1, la voixhumaine n’est pas abstraite ou idéalement stable :

Fig. 1. Une voyelle et son enveloppe dynamique

L’éternité des sons est coupée par la durée dusouffle, l’intensité fluctue légèrement malgré sastabilité statistique. Ceci constitue en fait un

3

premier exemple de percussification distinguant lavoix réelle de l’archétype, ce dernier tendant bien àla durée infinie. L’artiste conceptuel LaMonteYoung a fort bien compris cette nuance encomposant les célèbres Drift Studies pour troisoscillateurs analogiques : cette série de pièces portesur les fascinants micro-effets de battements detrois oscillateurs tentant d’émettre la mêmefréquence mais n’y arrivant jamais vraiment.

Autre élément essentiel, les mots véritablescomportent des articulations, des consonnes et dessyllabes structurant et rythmant le continuumsonore, figure 2 :

Fig. 2. Un mot articulé

La même chose peut être observée dans les sonsindividuels des instruments de musique réels : ilscomportent eux aussi des articulations essentielles,nommées transitoires. L’attaque et la fin du sonsont particulièrement importants, cela est bienconnu.

Au niveau du timbre, la trop grande pureté du sinusest évidemment lassante. Dans l’univers vocal, lespectre peut se nuancer en devenant harmonique,mettant à contribution une des dérivées d’ondes endent-de-scie. Les spectres essentiels de la plupartdes instruments de musique occidentauxappartiennent à cette famille.

D’autre part, la tendance de l’archétype à la pureté,à la simplicité et à l’individualité forte constitueune manifestation d’une certaine volonté ascétiqueoccidentale d’échapper aux limites du corps et de lamatière. La volonté de dépassement de soi des

virtuoses vocaux est une recherche d’émancipationqui porte les traces d’un souci de transcendance deslimites physiques humaines et d’une attirance versle surnaturel très caractéristique. Ainsi, l’usage desinstruments de musique comme représentation desvoix des divinités est fort ancien et est attesté parune masse considérable de littératureanthropologique et ethnomusicologique [Schaeffner1980, Rouget 1990 ou Jeanmaire 1991]. Lamaîtrise du chant implique une maîtrise intérieurede soi et des émotions. Le corps doit être dominépour être oublié et faire place à cette musiqueultimement dépouillée et individuelle. L’effort doitavoir disparu, le chanteur doit atteindre un état dedétachement et de sérénité intérieure profonde pourmaîtriser son «instrument», même au coeur d’unemusique hautement expressive ou dramatique.Ceci diffère considérablement de la maîtrisecorporelle du geste, plus extérieure, caractérisant lapercussion. Pour un chanteur sur scène,l’identification musicale au contenu émotif doitdemeurer relativement détachée, ce qui peut être unerelation «apollinienne» avec l’émotion, pouremprunter le vocabulaire de Nietzsche. Le chantclassique exige davantage une attitude théâtraletraditionnelle qu’une entière identification aupersonnage de type Actors’ Studio. La projectioncapable de remplir une grande salle de concert exigeplus une extériorité émotive parfaitement maîtriséequ’une intériorisation vraisemblable maisperceptible qu’à courte distance. Par contre,l’arrivée du microphone et de l’enregistrementmusical est toutefois venue modifier cet équilibretraditionnel et permettre, comme la caméra, uneintériorisation plus forte [Schaeffer 1977]. Quoiqu’il en soit, la v o i x serait la base de lapersonnalité humaine ou son miroir le plus direct— songeons, par exemple, à La conditionhumaine de Malraux ou à La leçon de Musique deQuignard.

Pour résumer, la voix s’intéresse davantage auxhauteurs qu’aux bruits, aux phrasés continus et auxornements qu’à des effets rythmiques percussifs, àla mobilité expressive du timbre plutôt qu’à saparfaite stabilité, bien que la complexité du filtrageeffectué par les cavités buccales et frontales sur lesignal brut des cordes vocales demeure difficile àcontrôler parfaitement. Même un chanteurspécialisé dans ces questions éprouve de grandesdifficultés à dissocier certaines actions. On seheurte ici à des limites autant corporelles queculturelles. La voix  ne permet que peu decontrôle objectif et peu de rationalisation — leschanteurs utilisent davantage des métaphores et des

4

images mentales assez floues que de notionsacoustiques objectives —, quoiqu’une certaineintelligence corporelle de verbalisation difficile soitaussi en jeu. Au bout du compte, un contrôleefficace du timbre est possible : la parole, cecontrôle raffiné des timbres vocaux, en est unepreuve quotidienne et universelle.

2.2. La percussion ou le gestecristallisé et l’éternelle cavitéA l’opposé, on trouve l’archétype percussif. Lapercussion représente le corps de l’homme stylisé,la manifestation de l’éternelle cavité résonante(ventre, poitrine…), ou, au moins, unecristallisation du geste instrumental primordial.Les essais musicaux de Bobby McFarrinconstituent une illustration récente de cetteconception. Si on préfère évoquer le surnaturel, lesgestes des danseurs primordiaux faisant résonner le«ventre maternel de la terre» semblent aussi d’àpropos, bien que je serais personnellement enclin àévoquer comme principe les nécessités acoustiquesd’une cavité résonante comme amplificateur simpledes gestes d’excitation. L’instrument archétypeimplique surtout la main, l’outil et la pensée, danscette boucle rétroactive caractéristique dudéveloppement de l’espèce humaine, selon lespaléontologues [Leroi-Gourhan 1964-1965]. Legeste humain se retrouve magnifié et amplifié parl’instrument, rendu dramatique et héroïque par soninteraction complexe avec la pensée technique. Ceprincipe tranche complètement avec le dénuementet la recherche ascétique propre à la voix Ilconstitue une forme de croisement de l’humain etde l’inhumain ou du surhumain, intégrant l’outil etsa tendance à produire des machines de plus en pluscomplexes. Loin de fuir le monde réel parl’abstraction et l’idéalisation, l’archétypepercussion vise une intégration de plus en plusforte de la matière et de la musique et participe auxtendances techniques générales de notre culture.

Plus spécifiquement, la percussion implique uneintensité sonore disparaissant progressivementaprès une attaque assez intense ainsi qu’un spectreplutôt inharmonique ou à hauteur floue etglissante. Cette forme acoustique en attaque-résonance s'oppose à celle des sons entretenus,comme ceux de la voix chantée, qui durent sansdiminuer, dans les limites du souffle, figure 3 :

Fig. 3. Une cymbale et son enveloppe dynamique

Au niveau musical, les limitations mécaniques despercussions réelles entraînent souvent uneorganisation collective de ces instruments : larecherche d’une variété sonore viable implique lacréation de familles d’instruments, d’ensembles oud’orchestres. Cet aspect collectif caractériseessentiellement l’archétype percussion, tant parcette tendance à développer des famillesd’instruments complémentaires que par le fait quel’instrument de percussion individuel propose déjàdes collections très variées d’objets sonores, pourparler comme Schaeffer. Ainsi, manifestationparticulièrement significative, l e s tablasconstituent à elles seules un orchestre percussifriche et varié. On s’en doute, le répertoire le pluscaractéristique de cet archétype implique une naturesurtout rythmique, avec un centre d’intérêt pour lestimbres complexes — consonantiques — nonréductibles à de simples agrégats de hauteurs. Ils’agit d’un monde sonore complexe et multiforme,s’intéressant au parasite et au transitoire. Lapercussion favorise non seulement des spectresriches mais aussi des enveloppes variées des diversparamètres sonores, transformant dynamiquementla perception des objets musicaux produits par lesinstruments. Elle recherche davantage les objetssonores ambigus, comme les compositestimbre/harmonie, que les objets sonoresmélodiques simples. Il s’en suit une natureverticale, harmonique ou massique, contrastantavec la nature horizontale de la voix. Cette fois, lecas-limite, l’asymptote serait un bruit parfaitementblanc, tellement désordonné qu’il paraîtrait statiqueet mort.

5

Comme son opposé, la percussion est uninstrument de musique très sensible. Elle demeuretoutefois imprécise au niveau des hauteurs enproduisant plutôt des bruits à bandes plus oumoins étroites que des sons toniques simples. Lasensibilité de cet archétype est en lien étroit avec legeste déclencheur et la nature physique desmatériaux utilisés plutôt qu’avec le travail continucaractérisant la voix. La percussion se caractériseaussi par une dépendance totale de la culturetechnique dans laquelle elle se manifeste. Il n’y apas de percussion abstraite : l’archétype esttoujours réalisé concrètement. Puisqu’il s’agitd’un objet fabriqué — à l’exception du corpshumain employé comme percussion —, cetarchétype est donc nettement plus plastique quel’archétype v o c a l résultant de l’évolutionbiologique. La personnalité de l’archétypepercussion est très forte et met essentiellement enoeuvre le paradigme acoustique attaque/résonance.Contrairement à la voix, il est caractéristique delui associer les modes de synthèse non-linéairescomme la modulation de fréquence ou, mieuxencore, les différentes synthèses modélisant lecomportement mécanique ou physique desinstruments de musique. Toujours à cause de sonétat d’objet manufacturé pour une tâche spécifique,il est supérieur à l’objet biologique au niveau de larationalité. Cela lui permet une certaine logiquedes accès et une adaptation de l’outil à sa fonction— en autant que les matériaux et la technologienécessaires soient disponibles. L’accessibilité dela percussion est non moins grande que celle de lavoix. Elle hérite d’une longue histoire depuis leclaquement de main ou le coup de pied originel.Les cultures les plus démunies matériellementsavent produire des instruments percussifs.

Étant donnée l’obligatoire confrontation del’instrument percussif avec un matériau réel ainsique son incontournable statut d’objet manufacturéet technique, les domaines de la hauteur et desenveloppes temporelles se retrouvent souventlimités. Tout est conditionné par la nature desmatériaux et leur mode de mise en action. Deplus, la forme acoustique caractéristique du modèlepermet peu de contrôle micro-temporel, une fois leson lancé. Sa coordination temporelle dépend donc

des temps de réflexe du musicien, ce qui présenteune résistance aux développements. Le domainesonore est un peu plus malléable car on retrouve àce niveau une grande richesse dans les différentsmatériaux résonnants fournis par la nature oul’invention humaine. Les cataloguesinstrumentaux des musées et les publicationsattestent de la haute créativité et de la diversité desfacteurs d’instruments à ce niveau. Les dimensionscontinues sont moins accessibles à l’archétypepercussif, comme en témoignent les difficultés dela norme MIDI [Moore 1988], de natureessentiellement percussive. Enfin, au plantechnologique, la percussion bénéficie directementdes acquis techniques de l’homme. Toutes lesgrandes techniques ont contribué à la fabricationd’instruments de musique, au point où certainsobservateurs affirment que la musique se situeconstamment à la pointe des développementstechnologiques [Chowning 1981].

La percussion est donc un bon instrument demusique. On pourrait sans doute lui reprocher sonintérêt plutôt tiède pour le domaine des hauteurs —et c’est ce qui explique, entre autres, la lenteadmission des véritables percussions dansl’instrumentarium occidental — mais ce choix estau profit d’une concentration de l’archétype sur lacomplexité sonore et sur la richesse des timbres. Les limitations mécaniques des instrumentssimples entraînent aussi une restriction de lavariété des paradigmes de travail possibles maiscelle-ci est généralement compensée par la créationd’orchestres d'instruments complémentaires. Cettetendance à la juxtaposition d’outils simples est unecaractéristique importante de l’archétype ; elleentraîne souvent la recherche d’un méta-instrumentcollectif — comme le sera le studioélectroacoustique ou l’instrument de Serge deLaubier portant ce nom.

2.3. Une mixité vitaleCes deux archétypes exercent une influence assezcontradictoire sur les instruments de musique réelsqui sont tous des mixtes au sens de Platon ou, plusprès de nous, de Jean Molino (1988). Le tableau 1résume les principales oppositions :

Tableau 1 : un champ d’opposition

Origine parolehomo sapiens

gestehomo faber

Caractéristiques Voix Percussion

6

Partie du corps tête/gorge/souffle ventre/thorax et mainForme d’intelligence abstraction, idéal

raison et déductionsintelligence de la matière,du monde ,raison et induction

Forme émotive émotivité, subjectivité individuelle émotivité collective,fusion dans la masse

Monde humain tendant vers le surhumain(ascèse)

non-humain tendant vers l’humain(machine quasi-vivantes)

Domaine social individuel ou solitaire collectifTendance apollinienne-dionysiaque dionysiaque-apollinienneIdéal sonore pureté complexitéForme acoustique son entretenu son percussifType de son harmonique inharmonique/flou/glissantAnalogie avec langage voyelle consonneFormes musicales thématisme des hauteurs et motifs

rapsodies, improvisations surréservoirs motiviques(ou formes couplet-refrain,selon le texte)

non-thématismerépétitions-variations(formes de danse)développements des figures et despersonnages rythmiquesdéductions logiques

Densité linéarité/voix individuelles effets de massesimpact global

Dominante mélodie timbre et rythmeÉcriture ligne/contrepoint

phrasé expressifharmonie

Orchestration idéale solo, a capella ensemble ou orchestreComplexité atteinte par ornementation accroissement de la masseConception du temps limité par le souffle et le corps

mais vise les continuum (hauteurs,temps, timbre, etc.)

illimité (recours auxmachines) mais favorise lesévénements discrets

Perception synchronique/synthétique diachronique/historiqueTechnologie analogique numériqueParadigme de synthèse synthèse soustractive

modèle source/filtre, sourcesharmoniques

synthèses non-linéaires etpar modèles physiquesmodèle source/filtre, sourcesinharmoniques

On le voit bien, les deux archétypes manifestentdans une série d'oppositions duales relativementclassiques : tête-main et ventre, parole–geste,homo sapiens–homo faber, individuel–collectif,simplicité–complexité, déduction–induction,continuité–discontinuité, diachronie–synchronie.Essentiellement, le premier terme des oppositions,associé à la voix, oppose l'humain et l'individuelau non-humain souvent collectif du percussif. Lavoix tend aussi vers le surhumain, par le biais del'ascèse et de la concentration, tandis que lapercussion rend les créations de l'homme de plus enplus complexes par mimétisme du vivant. D'unpoint de vue acoustique ou musical, les archétypess'affirment aussi dans des catégories comme :voye l le–consonne , son harmonique–son

inharmonique, enveloppe entretenue–enveloppepercussive, mélodie–timbre et rythme, contrepoint-harmonie, voix seule–orchestre, thématisme-athématisme, formes rhapsodiques–formes àrépétitions, voire synthèse soustractiveanalogique–synthèses numériques non-linéaires. Anouveau, l'élément simple, continu et linéaires'oppose au complexe, à la discontinuité et auvertical.

Bien entendu, ces énumérations demeurent quelquepeu schématiques. L’histoire de la musiqueoccidentale offre de nombreux contre-exemplesapparents dont j’ai traité en détail dans ma thèse dedoctorat. Il s’agit ici moins d’analyser des casconcrets d’instruments que de trouver les pôles

opposés entre lesquels la démarche instrumentaleréelle oscille. Les archétypes ne sont pas, commele rappelle la graphie italique, des voix ou despercussions véritables mais plutôt des pôles idéauxn’existant pas dans la réalité de façon pure. Comme je l’ai suggéré dans les paragraphesprécédents, les deux cas-limites — la sinusoïde deFourrier et le bruit parfaitement blanc — sont tropabstraits pour servir de modèle musical. La mixitéqui était une imperfection pour Platon devient alorsune source essentielle de richesses. Par exemple,la voix réelle est vocale par son aspect mélodiqueet par sa fonction de communication des idéesabstraites tandis qu’elle est percussive par la naturediscontinue de ses mots et syllabes ou sescontraintes nombreuses issues de son inéluctableappartenance au monde réel.

La forme d'analyse duale que je propose rejoint laconception d'André Schaeffner [1980], pour lequelil existe une nature double de la musique. Cechercheur a proposé une distinction primordialeentre le chant et les instruments — inspirant laprésente démarche — qui implique une doubleorigine de la musique : le chant serait issu de laparole et le geste instrumental proviendrait de ladanse (mouvements de sonnailles, tapotagescorporels, etc.). En dépit de cette dichotomieprimordiale, ces deux aspects sont pourtant reliéspar des forces communes. Malgré leur oppositionfondamentale, les deux archétypes trouvent unevéritable unité dans le corps humain : la voix(tête) et la percussion (ventre stylisé) appartiennenttous deux à l’humain  — l’homme et son histoiresont autant conditionnés par ses idées que par sesgestes, comme le disait Leroi-Gourhan. Ouencore, tous deux partagent des hautes qualitésmusicales et d’ouverture technique — il s’agit desformes instrumentales les plus répandues. Lesdeux archétypes possèdent des lacunes communes àcause de leurs restrictions aux réflexes humains.La manifestation dans le monde réel de ces deuxtendances générales n’est possible que par leurparticipation commune : tous les instruments demusique possèdent un dosage particulier des deuxarchétypes qui en conditionnent l’impactspécifique.

3. Archétypes et instrumentsde l’électricité

La question des nouveaux instruments et desnouveaux gestes pose deux problèmesfondamentaux : la pertinence et la qualité.Pertinence du modèle sonore manipulé pour la

perception du musicien comme de l’auditeur etincontournable qualité instrumentale pourpermettre une maîtrise et une pérennité. Pourqu’un nouvel instrument soit un succès, il lui fautaussi franchir le redoutable obstacle d’une qualitémusicale suffisante, tant du point de vue de lafinesse de contrôle par le musicien que du point devue de la qualité sonore effectivement produite et desa lisibilité par l’auditeur-spectateur. Serait-ce lepoïetique, le neutre et l’esthésique de l’instrumentde musique [Nattiez 1987] ? La grande majoritédes nouveaux instruments furent des échecs à causede lacunes fondamentales dans un des aspectsessentiels propres aux instruments de musique.Non seulement les nouveaux instruments demusique ont-ils besoin d’une ouverture sonore,d’une richesse des approches et des solutionsproposées aux différents problèmes musicaux maisaussi doivent-ils s’incarner de façon probante. Levrai instrument de musique est un outilredoutablement efficace. Un peu comme lesarchétypes, ces deux dimensions s’affrontent etgénèrent un champ de mutations assez intéressantmais débordant le cadre de cet article [Laliberté1994 ou 1992].

Je le soulignais au début de cet article, la plupartdes « réformes » instrumentales ont étéofficiellement placées sous le sceau d'un« retour » à l'archétype vocal — par exemple, enprônant une ouverture toute vocale du domaine destimbres (Varèse) — et bien que le modèle percussifait eu un rôle constant à jouer et ait fini paroccuper la place que l'on sait. Ainsi, la grandetradition occidentale, entre le chant grégorien desorigines et le bel canto de la décadence romantique,est principalement influencée par lescaractéristiques naturelles de la voix humaine etl'archétype vocal. Qu’en est-il des nouveauxinstruments électriques apparus au cours de notresiècle ?

Situons-en les principales étapes historiques, avantde s’attarder sur quelques figures instrumentalesessentielles. Après l’invention de la lampe triodeau début du siècle, les années 1920-1940 voient sedévelopper les premiers instrumentsélectromécaniques ou électriques. Avec leurrecherche de continuité sonore et l'extrême légèretéde leurs modes de contrôle, voire de leur quasiinvisibilité, ils sont à classer dans la famillevocale. Nous le verrons plus loin, il s’agit d’unerésurgence très intéressante du mythe del’instrument de musique « parfait », immatériel etinvisible.

A l’opposé, la génération suivante de compositeurset de luthiers électriques marque une coupurefranche. La génération des années 1950-60 rejetteles quasi-instruments comme les ondes Martenotou la guitare électrique – ressentis comme tropproches de la tradition – et tente de créer uninstrumentarium plus approprié à sa penséemusicale. La conception instrumentale de cetteépoque hérite d’une façon essentielle de l'émergencedes instruments de percussion, apparus au carrefourdu choc en retour des anciennes colonies et del'esprit relativiste moderne avec son admissioncroissante de la complexité et de la non-linéarité.Ces deux facteurs contribuent grandement à unessor de l'archétype percussion au cours de notresiècle.

Troisième grande étape, l'évolution générale depuisles années 70 et l’informatisation progressive de lamusique entraînent une situation de plus en plusmixte. L’informatique musicale a au départ unprojet vocal assez radical. Elle connaît ensuiteune instrumentalisation, percussive, progressiveavec les interfaces de contrôle gestuel. Cetteaccentuation de l'aspect percussif s'accroît avec lesannées 80 et la norme MIDI, de conceptionessentiellement percussive, bien qu'on ait aussiassisté à un retour secondaire du modèle alternatif,par exemple avec les contrôleurs à vent ou lesdifférents paramètres continus. Les années 90 nouslaissent enfin dans une mixité assez fascinante.D'un côté, le modèle percussif a conquis l'essentieldu domaine musical commercial. De l'autre, onassiste à un retour du matériel analogique, pluscontinu et plus vocal, comme si les musicienstentaient de compenser un déséquilibre tropaccentué.

3.1. Quelques mutationssignificativesEn guise d’illustration, attardons-nous maintenantau développement des guitares électriques.L'instrument acoustique original, tel l'ud ou sescousins, était un instrument fortement percussif :il permettait des sonorités sèches et incisives, decourte durée de résonance et de timbre assezmordant, légèrement inharmonique. Sa touchelisse lui permettait en plus un travail microtonal.En traversant la Méditerranée et en subissant lesdemandes d'une esthétique musicale différente, il estdevenu luth : un instrument plus sonore, souventplus volumineux, à cordes doublées et temps de

résonance plus long, en particulier dans lesmédium et graves. Ses frettes en boyau lerestreignait à un tempérament relativement fixe. Al’époque Baroque, le luth servait en juxtapositionavec des voix chantés et reprenait volontiers cerépertoire à sa manière : en un mot, il devenaitplus vocal. Le processus s'est accentué avecl'apparition des guitares proprement dites auxXVIIIe et XIXe siècles. Cette variante s'eststabilisée en un instrument encore plus sonore à larésonance encore plus longue, aux attaques moinsbrutales et au mode de jeux imprégné de l'art vocalexpressif du siècle dernier. La guitare à cordesd'acier de la fin du XIXe et la guitare amplifiée dudébut du XXe accentuent davantage cettevocalisation. Enfin, plus de trente ans après sanaissance officielle, la guitare électrique des années1960-70 a finalement permis de compléter latransformation de cette forme instrumentale. Unesérie de dispositifs de traitement — plusparticulièrement les très fortes amplifications et lefiltre wah-wah accentuant la finesse du jeu deshauteurs et timbres, le compresseur ou l'expanseuret l’archet électronique prolongeant le son à l'infini— ont fait de cet instrument parvenu à maturitéune quasi-voix mélodique, toute en phraséscontinus, ornements et expression. Un descommentaires louant Jimi Hendrix était justementqu'il faisait littéralement « chanter » sa guitare. La guitare électrique s'est ainsi développéeprincipalement pour s’approcher du modèle vocal.Les deux figures suivantes résument cettetrajectoire :Vocal PercussifMixte

Instruments de musique réels

Temps

Fig. 4. Opposition des archétypes

Vocal PercussifMixte

Ud

Luth

Guitare classiqueGuitare folk

Guitare électriqueavec traitements

Fig. 5. Vocalisation des guitares

A l'inverse, en se développant l'orgue est passéd'un modèle médiéval relativement vocal à un

comportement percussif de plus en plus évident, dumoins pour une partie importante de sescomposantes. Examinons pour le momentl’évolution percussive. L'orgue classique, partoutes ses imitations instrumentales — flûtes,anches, vox humana et trémulants divers —cherchait à soutenir les choeurs des congrégationsmonastiques. Bien qu’électromécanique l’orgueproposé par Hammond dans les années 1930 seréférait encore à cette conception traditionnelle.Pourtant, une tradition percussive minoritaireexistait aussi depuis assez longtemps, manifestéepar les jeux en «mixtures» relativement dissonantsou des jeux de véritables percussions contrôlées pardes pédales dans les orgues de théâtre du XIXesiècle. Après l’invention de Hammond, lestraditions gospel, blues-rock et jazz de l'orgueélectrique ont fortement accentué cet aspect. Elles'est approprié le nouvel instrument électrique endépit de sa tradition classique et a mis ses élémentspercussifs en valeur : les clics de contact destouches électriques — un «défaut» jamais résolupar l’inventeur —, le mode d'attaque percussifcaractéristique de l'appareil, la distorsion desamplificateurs et haut-parleurs Leslie, sans oublierle mode de jeux agressif des interprètes.

En dépit de leur similarité de surface, il est àremarquer que l’usage des distorsions (la saturationet le Leslie) chez l’orgue manifeste une tendanceinverse de celle de la guitare électrique. Cettedernière utilise ces artifices pour obtenir une haussede continuité des dynamiques et timbre ainsi qu’unessentiel amplificateur gestuel, ce qui est de naturevocale. A l’inverse, l’orgue électrique utilise ladistorsion pour enrichir un son trop harmonique etsimple, élargissement de type percussif. De façonsignificative, un des organistes rock vedette desannées 1970, Keith Emerson, s’est fait connaîtrepar une accentuation de cette tendance en tirant dessons très bruiteux de son orgue électrique en court-circuitant les touches à l’aides de couteauxmétalliques, technique complémentée par son jeubrutal, par moment. Sans devenir une véritablepercussion, on peut ainsi voir une percussificationassez nette de l'instrument. Toutefois, commel’indique la figure 6, des aspects vocaux sedéveloppent parallèlement, se manifestantparticulièrement dans la pédale d’expression del’orgue romantique et contemporain ainsi que dansles tirettes harmoniques de l’orgue électrique.

Vocal MixteOrgue médiéval

Mode percussif,distorsion et bruits

Pédale d'expression Traction pneumatique,percussion ajoutée

Tirettes de jeux,pédale d'expression

Jeux imitatifs Clavier

Orgue romantique

Orgue électrique

Percussif

Fig. 6. Percussification et vocalisation des orgues

3.2. Des formes récurrentesEn prolongement, il est intéressant d’observer queles archétypes ont favorisé l’émergence de formesinstrumentales récurrentes, étonnamment similairesen dépit des grandes transformations technologiquesde notre siècle. A des fins de brièveté, je mecontenterai d’en commenter trois cas importants.

3.2.1. L’instrument invisibleOn retrouve depuis l’aube de la musique électriqueles traces constantes du mythe de la machinesonore invisible qui répond idéalement à la penséemusicale — soit du compositeur, soit del’interprète. Le premier cas de figure serafinalement résolu par l’ordinateur musical maisavant il faut traiter de la perspective du concertiste.Le Theremin, les ondes Martenot, la guitareélectrique, les synthétiseurs analogiques, le« Lightning » de Buchla, voire les systèmesinteractifs à base d’ondes cérébrales (GordonMumma) ou d’électricité corporelle (Atau Tanaka)ou le spectaculaire « Méta-Instrument » de Sergede Laubier, sont tous des réalisations d’uneobsession des nouveaux luthiers de créerl’instrument « parfait », du point de vue del’interprète. Les attributs de celui-ci sontessentiellement vocaux : continuité sonore deshauteurs, des dynamiques et du timbre, apesanteurmatérielle et base technologique invisible. Onrecherche ainsi une sensibilité instrumentale idéale,favorisant une immédiateté et une entière efficacitéde la réalisation de l’Idée musicale. Cette rechercheest certainement à mettre en rapport avec le mythede la machine universelle décrit par Pierre Lévy[1987].

Cet instrument idéal se caractérise principalementpar ses aspects continus et vocaux. Ainsi, lesondes Martenot offrent un contrôle continu de lahauteur par le biais du ruban, de l’intensité par latouche appropriée ou une pédale et même du timbre

grâce aux outils de dosage du son « gambé », unesorte de timbre en dent-de-scie, par rapport au sonprincipal, essentiellement un sinus. S’ajoute àcette base une rare possibilité de faire vibrer le sonde façon très expressive et coordonnée avec lamodulation dynamique ou du timbre. Cettedescription pourrait aussi convenir au Theremin.Pour sa part, la guitare électrique de la maturité,munie de ses pédales et accessoires divers, offrepratiquement la même ouverture musicale : sonjeu peut être continu en hauteur, grâce au« bottleneck », en dynamique (compresseur,expanseur, E-Bow), et en timbre (wah-wah etautres effets). La recherche d’invisibilité est moinsflagrante ici que pour le Theremin ou la premièreversion des ondes, mais elle s’illustre tout demême par des variantes de guitare comme laSteinberger sans tête, le Stick ou la grande légèretédes guitares depuis la Stratocaster. Enfin, la modepersistante pour les non musiciens de jouer d’uneguitare invisible dans les discothèques, la célèbre« air guitar », est suffisamment significative pourêtre prise au sérieux dans ce contexte. Ladémonstration pourrait se poursuivre pour lesautres instruments cités.

3.2.2. La recherche de lapercussion ultime. A l’opposé, certains luthiers se sont attelés à laréalisation de l’instrument de percussion« absolu », bien que cette recherche soit moinsimportante en quantité d’inventions. Jeregrouperais dans ce champ l’orgue électrique, lessynthétiseurs numériques, l’interface gestuellerétroactive de l’ACROE, le « RadioDrum » deMathews, le « WaveDrum » de Korg, certainsaspects du « Méta-Instrument » de Laubier ainsique quelques autres instruments moins connus.

De façon logique, ces instruments percussifscherchent à leur tour à exacerber leurs aspectscaractéristiques. Le paragraphe sur l’orgueélectrique en soulignait quelques éléments : naturediscrète du son, enveloppe dynamique percussive,spectre inharmonique ou bruiteux, etc. Toutefois,si l’orgue électromécanique de Hammond n’a pasréellement achevé le processus de percussificationde l’instrument, les instruments issus del’informatique en sont des illustrations plus claires.En effet, la nature irréductiblement discrète dunumérique accentue fortement les aspects percussifsdes synthétiseurs et nouveaux instruments des

années 1980-90. La synthèse soustractive vocaledes machines analogiques fait place aux techniquesnon-linéaires comme la modulation de fréquence oula synthèse par modèles physiques, approchespercussives par leur complexité. La continuité deshauteurs, dynamiques ou des nuances de timbredisparaît nettement avec le Dx-7 de Yamaha et sesnombreux successeurs. Le clavier discontinu règnedésormais partout, comme le démontre la structureintime de la norme MIDI [Laliberté 1994].

Cette discrétisation fondamentale s’est pourtantaccompagnée d’une formidable recherche sur lesinterfaces gestuelles : il est vite apparu auxnouveaux luthiers que tout outil musicalinformatique n’est en réalité qu’une formed’interface entre le geste du musicien et le moteurnumérique de production sonore. Si tous lesalgorithmes de synthèse devenaient envisageablesgrâce aux simulations numériques — voilà lemythe fondateur de l’informatique musicale —, leschercheurs se sont tournés vers des moyensefficaces de les manipuler.

Nourris par les découvertes en ergonomie et enpsychologie expérimentale, divers chercheurs ontproposé des interfaces gestuelles très sophistiquées.Les leviers à rétroaction tactile développés àl’ACROE poussent la simulation sonore jusquedans les comportements mécaniques artificiels duclavier musical de l’instrument. L’objectif est icide coordonner au maximum la nature acoustique(simulée) du son manipulé et la sensation perçuepar le musicien qui en joue afin de favoriser la plushaute finesse musicale possible. Ainsi, unesimulation d’un objet dur et résonnant donnera auxdoigts du musicien une toute autre perception quecelle d’un très élastique archet virtuel. Autreexemple, le RadioDrum et le WaveDrum proposentaux musiciens des interfaces gestuelles similairesaux percussions acoustiques classiques : le premierest une sorte de timbale virtuelle tandis que lesecond ressemble à un tom-tom ou une petiteconga. Les pseudo baguettes du premier et lafausse peau de tambour du second favorisent un jeumusical percussif héritant de toutes les traditionsacoustiques et de leur bon adéquation au corpshumain. Pourtant, tous deux sont davantage des« méta-percussions », pour calquer De Laubier,que des instruments ordinaires : le rapport de cetteinterface au son manipulé est plutôt arbitraire. Deplus, les usages assez variés qu’ont fait lesmusiciens de ces outils ont aussi fait comprendre lanécessité incontournable d’une coordination efficacedu modèle sonore piloté et de l’interface : ces

instruments percussifs font de piètres contrôleursde continuité et se prêtent mal aux simulationsvocales.

3.2.3. Aujourd’hui commet o u j o u r s , d e s mixtesirréductiblesA ce point de l’article, il devient possible etintéressant d’étudier les influences combinées desdeux archétypes sur les instruments de musique denotre siècle. En réalité, la distinction rhétoriquefaite dans les deux paragraphes précédents estquelque peu schématique et réductrice. Je l’ai déjàdit, la réalité des instruments de musique,acoustiques comme électroniques ou numériquesest nettement plus nuancée. Les archétypes sontdes asymptotes tandis que tous les instrumentssont réellement des mixtes.

Par exemple, j’ai classé les ondes Martenot, laguitare électrique et les synthétiseurs analogiquesdans le champ du vocal. Cela demeureessentiellement vrai. Pourtant, ces instrumentsrecèlent des aspects percussifs indéniables :contrairement au Theremin, les ondes Martenot ontun clavier, un générateur de bruit, des haut-parleursvenant colorer le son de façon inharmonique et,surtout, une qualité d’interface gestuelle rarementégalée. Il s’agit de qualités éminemmentpercussives. De même, les guitares ou lessynthétiseurs proprement réglés bruissent etexplosent avec autant d’impact que toutes lesbatteries du rock. En fait, en devenant de vrais etbons instruments de musiques, tous les nouveauxinstruments vocaux subissent une tellepercussification.

De façon plus significative encore, le cas del’ordinateur musical mérite une étude attentive. Ils’agit d’un outil aussi complexe que notre culturemoderne. Rapidement dit, l’ordinateur est uninstrument de musique percussif qui rêve de devenirvocal et devient en fait un excellent outil mixte.En effet, malgré la nature discrète indiscutable dunumérique, l’ordinateur approche au mieux de notretechnologie la parfaite vocalité du virtuel. Lemythe fondateur de l’informatique musical —1957, « L’ordinateur peut créer tous les sons !!! »—, s’avère au fond être un rêve vocal proche dumythe de l’instrument idéal et invisible [Laliberté1993]. Dans ce sens, il constitue la réponse auxdésirs nombreux et contradictoires des

compositeurs. Pourtant, par le fait même de cesapplications nombreuses et contrastées, lesrecherches les plus intéressantes autour de cet outildes plus puissants ont presque toujours été dans ledomaine percussif de l’interface. Du projet« Groove » de 1968 au Méta-Instrument deLaubier, en passant par celui de l’ACROE, tout ledéveloppement de l’informatique musical l’entraînevers le champ percussif.

Le résultat actuel de ces deux tendancescontradictoires : des instruments mixtes, souventcapables des meilleurs aspects de deux archétypes.Malgré sa percussification caractérisée, l’orgueélectrique demeure surtout un outil de hauteursclaires et vocales, mixte irréductible des claviers engénéral, tout comme celui de la batterie-MIDI quijoue des notes et des mélodies ! La présenceintentionnelle du Méta-Instrument dans chacun destrois paragraphes qui précèdent constitue uneillustration significative de la mixité toutepart iculière des nouveaux instrumentsinformatiques. Il s’agit d’une mixité consciente etparticulièrement bien réalisée.

Ultime paradoxe, l’ordinateur musical, percussifpar nature mais qui rêve de simuler le vocal vientde passer à un degré de complexité supérieure : ladernière génération de machines de qualité arrive,grâce aux gains de vitesse des processeurs récents, àsimuler de façon très crédible la continuité dessynthétiseurs analogiques. En effet, il est fortsignificatif que les synthétiseurs numériquescomme le « North Lead » ou quelques modèles deRoland et Yamaha, imitent aujourd’hui très bienles vieux « Minimoog » du début de 1970 !Contrairement aux imitations passées, cettedernière génération possède tous les rubans,curseurs et boutons nécessaires à une synthèseorganique improvisée, sans oublier une « intimitéde contrôle » [Moore 1988] assez efficace etconvaincante. La figure suivante résume lasituation des synthétiseurs depuis 1960 :

Vocal PercussifMixte

Synthétiseur modulaireMoog

Synthétiseur polyphoniqueKorg

Synthétiseur néo-analogiqueNorth Lead

Synthétiseur numériqueYamaha DX-7

Boutons et curseurs continus,ruban

Clavier non-dynamique

Meilleurs clavier et oscillateursmémoires des timbres

Polyphonie,apauvrissement mélodique

Synthèse par modulation de fréquencePerte des boutons continus

Norme MIDI

Retour apparent des boutonset curseurs continus

Synthèse soustractive

Clavier dynamiques

Fig. 7. Eparpillement des synthétiseurs

Loin d’être un fait du seul commerce, on peutclairement retrouver cette tendance complexe de lanouvelle lutherie musicale informatique dans lesrecherches fondamentales de l’équipe de Luminytravaillant sur la transformée par ondelettes, danscelles de l’ACROE, de l’équipe du Méta-Instrument ou de celle des principaux centresétrangers comme le STEIM d’Amsterdam, le MediaLab de Boston ou le CNMAT de San-Francisco.Les deux archétypes se font face, comme deuxmiroirs inversés et génèrent un fascinant abîme. Leproche avenir révélera de nouvelles ramifications etsubtilités de l’indispensable mixité instrumentalebien comprise.

4. Pour conclure : pourquoices nouveaux instruments !?

Cette question s’éclaire considérablement si onenvisage l’évolution des formes instrumentales à lalumière des deux archétypes. Les nouveautéstechnologiques du XXe siècle, venant soutenir à unmoment-clé de l'histoire musicale une volontéesthétique de transformation très marquée, ontamené une transformation radicale du paysagemusical. Pourtant, cette réforme essentielle etfascinante plonge ses racines dans une longuetradition de mutations des formes instrumentales.Deux archétypes président à ces mutations engénérant un champ de force qui dynamise le devenirdes instruments de musique, révélant une nouvellefois la complexité des phénomènes culturels etleurs tendances souvent contradictoires : la voix etla percussion.

Pour synthétiser l’ensemble de la discussion quiprécède, l’apparition et le développement desnouveaux instruments constitue un systèmeinteractif complexe aux croisement de l’esthétiquemusicale, de l’état historique du langage et desformes musicales, des moyens d’expression d’uneépoque donnée et de l’état des technologies. Unemutation de l’esthétique musicale favorise larecherche de nouvelles solutions mieux adaptées àla série d’états évoqués, comme si la nouvelleesthétique cherchait à s’incarner dans un nouvelinstrumentarium, plus satisfaisant. Longtemps cesmutations se sont faites en relative douceur, lestechnologies mécaniques des instrumentsacoustiques ayant évolué lentement depuis laRenaissance. A l’inverse, le vingtième siècle,siècle de toutes les mutations, a vu apparaîtrerapidement un très grand nombre de nouvellessolutions grâce à la bonne fée électricité.

En Occident, il est connu que les grandes époquesde mutations esthétiques voient refondrel’instrumentarium. Que ce soit à l’époque baroque,la classique, la romantique ou la contemporaine,chaque grande évolution musicale a cherché à sedoter d’instruments adaptés à sa sensibilitémusicale. Ainsi, il me semble essentiel derappeler que la musique électronique et la musiqueinformatique sont essentiellement nées de l’utopiesérielle de l’après-guerre et de sa volonté de pousserl’écriture musicale jusque dans les derniersretranchements du son. Il est très significatif qu’àchacune de ces époques on a invoqué la nécessité derendre les instruments de musique « meilleurs » etsurtout « plus expressifs ». A l’instar de cettedernière expression, les « améliorations » sontgénéralement à mettre sur le compte d’unerecherche de type vocal. Pourtant, l’adjectif« meilleur » implique aussi pour sa part unehausse de l’« efficacité », de la qualité de laréalisation d’un instrument, d’une meilleureadéquation entre son projet instrumental et sa miseen oeuvre concrète. Ce genre de recherche est defaçon caractéristique plutôt percussif. L'histoire denotre siècle révèle une tendance assez nouvelle enOccident de retour en force de la percussion. Sansdoute est-ce l'effet d'une communication mondialeaccrue, du tribut incontournable payé par lesmétropoles aux anciennes colonies et aux autrescivilisations. Cette force, traditionnellementocculte ou minoritaire dans notre traditionmusicale, a acquis un statut nouveau etparticulièrement créatif, comme en témoignentplus de quarante années de musique contemporaineavec instruments percussifs. La démarched’abstraction instrumentale associée à l’archétypevoix représente sans doute une manifestation d’uncertain esprit occidental de résistance au monde réelet corporel. En revanche, l’archétype percussionconstitue une réponse, non moins vitale, ducorporel et de la matière, un genre de retour durefoulé. Vu sous cet angle, le XXe siècle, siècleoù l’abstraction vocale et le virtuel ont pris unrôle incontournable dans la vie quotidienne, estaussi celui où les musiques populaires commesavantes ont fait un retour des plus fondamentauxvers le rythme organique de la percussionexacerbée.

Du Telharmonium aux toutes récentes stationsd’informatique musicale personnelle sur ordinateurSilicon Graphics Indigo, les inventeurs etchercheurs de notre siècle ont proposé un nombretrès surprenant de nouveaux instruments. La trèsgrande créativité de ces nouveaux luthiers ne suffit

pas pour expliquer le succès étonnant et le pouvoirde fascination incontestable de ces nouvellestechnologies musicales. La seule recherche denouvelles façons de faire ne justifie pas le grand etmême parfois très grand succès de certains de cesnouveaux instruments, à témoin la très fécondeguitare électrique. J’ai tenté de montrer grâce à laperspective des archétypes que la richesse de tellenouvelle forme instrumentale se mesure dans saréalisation convaincante des grands courants de fonddu développement organologique, par un succèsdans la réalisation des tendances vocales secrètesd’un instrument de percussion ou par la floraisonde l’aspect percussif d’un instrument en apparencevocal.

En fait, les projets musicaux les plus abstraits, lesplus vocaux, se sont tous transformés à cause ducontact avec la réalité, avec la matière réelle. Si leprojet sériel est bien vocal dans ses motivations etson discours, il a dans les faits favorisé ledéveloppement d’une musique très percussive parson goût pour les bruits instrumentaux ouélectriques divers, l es sons nettementinharmoniques et, évidemment, par l’usage sansprécédent de grandes batteries de percussionsréelles. Cette percussification du monde musicalsavant occidental constitue le miroir d’unphénomène identique de la culture populaire. A-t-on encore besoin en 1997 de rappeler l’effectifinstrumental des orchestres de rock ou de musiquesà danser comme la “techno” et ses multiplesvariantes comme le “drum and bass” ? En fait,cette percussification me semble tellement netteque j’attends depuis un moment la prochaineréforme vocale dans les musiques savantes commepopulaires. Une évolution de cette nature mesemble s’être produite dans la France des années1980 avec l’essor de la musique spectrale venantrelancer la vie musicale post-sérielle. La mêmechose est peut-être en passe de se produire auxUSA, si on en juge par l’impact certain de l’écolefrançaise autour de New York et de la Californieces derniers temps.

A l’instar du Yin et du Yang du symbole bienconnu, les instruments sont tous des mixtes quicontiennent toujours une part de l’archétype adversedans leurs caractéristiques les plus vocales ou lesplus percussives. Heureusement d’ailleurs, puisqueles cas-limites comme la sinusoïde éternelle ou labouffée de bruit électronique parfaitement blancsont finalement bien moins intéressants que lessituations “impures”. Même s’il sont nettementplus musicaux que les cas-limites, les archétypes

demeurent des asymptotes tandis que les meilleursinstruments du siècle ont cultivé leur vitaleambivalence. L'informatisation totale de notreculture va prochainement présider à une nouvelletransformation de notre monde musical. Lesqualités techniques de l'informatique, en particulierl'accélération des vitesses d'échanges de données,vont bientôt devenir tellement importantes que lanature foncièrement discrète de cette technologiedisparaîtra pour les usagers [Ridout 1995]. Ainsi,paradoxalement, les nouvelles autoroutesinformatiques produiront des continuum apparents,diffusant par modem des flux de musiques et desons. Comme la matière constituée d'atomes etqui pourtant paraît continue et solide, la musiqueinformatisée des réseaux aura en apparence toutesles caractéristiques de la continuité : débit sansheurts, son de très longues durées lorsque cela estnécessaire, travail des hauteurs et du timbre sansfaille, expressivité et personnalité, etc.Musicalement, le médium le plus percussifretrouvera alors la nature voca l e que luisouhaitaient ses fondateurs !

Les paradoxes des instruments de musique sontavec nous pour un bon moment encore…

Références[Chowning 1981], J. Chowning, La nouvellemusique et la science : interdépendance desconcepts in Le compositeur et l'ordinateur , TodMachover ed., Ircam/Centre Georges Pompidou,Paris, 1981.

[Cohen-Levinas 1990], D. Cohen-Levinas, Opéra,opéra que me veux-tu ? Petit essai de généalogiede l'institution opéra, in Inharmoniques no 7,Ircam/Centre Georges Pompidou, 1990.

[Jeanmaire 1995], H. Jeanmaire, Dionysos,histoire du culte de Bacchus., Bibliothèquehistorique Payot, Paris, 1991.

[Laliberté 1992] M. Laliberté, A la recherche dunouvel instrument, in Entretemps , no 10, Paris,1992.

[Laliberté 1993] M. Laliberté, Informatiquemusicale : utopies et réalités. 1957-1990, in Lescahiers de l’Ircam, no 4, Ircam/Centre GeorgesPompidou, 1993.

[Laliberté 1994] M. Laliberté, Un principe de lamusique électroacoustique et numérique et son

incidence sur la composition musicale. Doctorat àl’EHESS sous la direction de H. Dufourt, Paris,1994.

[Leroi-Gourhan 1964-1965], A. Leroi-Gourhan,Le geste et la parole., Albin Michel, Paris, deuxtomes, 1964-1965.

[Lévy 1987], P. Lévy, La machine univers. LaDécouverte, Paris, 1987.

[Molino 1988], J. Molino, Geste et musique :prolégomènes à une anthropologie de la musique,in Analyse Musicale , no 10, Paris, 1988.

[Moore 1988], F. R. Moore, The dysfunctions ofMIDI, in Proceedings of the 1987 ICMC , S.Tipei et J. Beauchamp, éd., 1988.

[Nattiez 1987], J.J. Nattiez, Musicologie généraleet sémiologie, Bourgois, Paris, 1987.

[Schaeffner 1980], A. Schaeffner, Origine desinstruments de musique. Mouton, Paris, 2/1980.

[Schaeffer 1977], P. Schaeffer Traité des objetsmusicaux. Seuil, Paris, 2/1977.

[Rouget 1990], G. Rouget, La musique et latranse, Gallimard, coll. Tel, Paris, 2/1990.

[Ridout 1995], E. Ridout, The next twenty yearsin Keyboard , septembre, Miller Freeman, SanFrancisco, 1995.

Tableau 1 : un champ d’opposition

Origine parolehomo sapiens

gestehomo faber

Partie du corps tête/gorge/souffle ventre/thorax et mainForme d’intelligence abstraction, idéal

raison et déductionsintelligence de la matière,du monde ,raison et induction

Forme émotive émotivité, subjectivité individuelle émotivité collective,fusion dans la masse

Monde humain tendant vers le surhumain(ascèse)

non-humain tendant vers l’humain(machine quasi-vivantes)

Domaine social individuel ou solitaire collectifTendance apollinienne-dionysiaque dionysiaque-apollinienneIdéal sonore pureté complexitéForme acoustique son entretenu son percussifType de son harmonique inharmonique/flou/glissantAnalogie avec langage voyelle consonneFormes musicales thématisme des hauteurs et motifs

rapsodies, improvisations surréservoirs motiviques(ou formes couplet-refrain,selon le texte)

non-thématismerépétitions-variations(formes de danse)développements des figures et despersonnages rythmiquesdéductions logiques

Densité linéarité/voix individuelles effets de massesimpact global

Dominante mélodie timbre et rythmeÉcriture ligne/contrepoint

phrasé expressifharmonie

Orchestration idéale solo, a capella ensemble ou orchestreComplexité atteinte par ornementation accroissement de la masseConception du temps limité par le souffle et le corps

mais vise les continuum (hauteurs,temps, timbre, etc.)

illimité (recours auxmachines) mais favorise lesévénements discrets

Perception synchronique/synthétique diachronique/historiqueTechnologie analogique numériqueParadigme de synthèse synthèse soustractive

modèle source/filtre, sourcesharmoniques

synthèses non-linéaires etpar modèles physiquesmodèle source/filtre, sourcesinharmoniques

Caractéristiques Voix Percussion