1992 - trois mille ans d'histoire pastorale au sud du sahara

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TROIS MILLE ANS D'HISTOIRE PASTORALE AU SUD DU SAHARA Christian Dupuy LAPMO - Université de kovence - CNRS Résruné : Despasteurs de bovins développèrent dans I'Adrar des Iforas rrn art rupestre datable du premiermillénaire avant notre ère. La prise en compte de données tiréesdestravaut( d'ethnologues, spécialistes dessociétés pastorales africaines, conduit à I'hypothèse selon laquelle lesauteurs decetartétaientdes pasteurspeuls qui, très probablement" furentimpliqués dans leprocessus dedéveloppementurbain qui toucha le deltaintérieurdu Niger audébut denctre ère. Ce faisant, ils abandonnèrent leur airedenomadisation traditionnelle, laquelle compenait I'Adrar des lforas, et, sirnultanément, leur tradition degravure nrpestre, avant qus19 s'insollent dans la région les auteurs de la phase finale. L'art rupestre quedéveloppèrent ces demiers nousrenvoieles images de raditions qui, tout demièrement encore, étaient propres aux Touaregs. læsgravures mais aussi les peintures qu'ils réalisèrentau Saharaetausuddu Sahara,relèventdeconventions figuratives proches de cellesqui commandèrent la réalisation de grawres et depeintures srn stèles funéraires dans I'Atlas sud-oranais d'Algérie. Cesstèles et desdonnées tiréesde textesantiques nord-africains font envisager le scénario suivant: forts de leur spécialité à éleveret à monter des chevaux etdes dromadaires, despasteursnomades qui étaientoriginaires d'AfriqueduNordserendirentmaîues, auxalentours duVesiècle denoue ère, deterritoires sahariens etsud-sahariens dontils gravèrentetpeignirentcertainsrochers, imposantsimultanémentdes manières nouvellesdeviwe, aujorud'huispécifiques auxTouaregs. Lestextes arabesrelatifs aupeuplementberbèresud-sahariendelafindu premier millénaires'accordentbien àcescénario. D'autres données tirées deces textes nous q)prefirentindirectementque certains groupes tôuaregs gravaient toujotus les rochers de leur territoire auX[e siècle. L'histoire ancienne desPeulset des Touaregs est en- core aujourd'hui en $ande partieinconnue. L'étude des arts rupesûes sahariens et sud-sahariens permet precisément de faire avancer nos connaissances sur l'histoire de ces deux peuples pasteurs africains. C'estceque je mepropose de démontrer : - encompæant, dans un premier æmps, lesgravures relatives aux deux phases d'art rupestre stylisé quej'ai reÆonnues dansI'Adrar des Iforas (t) à cellesrelevfus dansd'autres régions d'Afrique septentrionale, cela afin de délimiter des airesculturelles ; - en fixant ensuiteleur cadre chronologique à panir de données relatives à la paléoécologie, à la préhistoire- protohistoire, à I'histoire de la Vallée du Nil et à celle de I'Aftique du Nord ; - en identifiant enfin leurs auteurs grâce aux travaux d'eth- nologues, sÉcialisæsdes sociétés pastorales africaines. LA PREMIÈNE PHASE DE GRAVIJRESTYLISÉE DE L'ADRAR DESIFORAS NNUUTTATION D'UNE AIRE CULTURELLE Les auteurs de la première phase de gravure stylisee de I'Adrar des Iforas faisaientpanie d'une sociétéà forte hÉmsrorns ET AlrnrRorcLrc MÊDrrRRAxÉrNNes 1992 traditiond'élevage de bovins (Dupuy 1990, p. 93-106), Certaines de leursgravures sont situées à desendroits I'espace circonscrit aux rochers gravés est si restreint que les pasteurs qui s'y exprimaient nepouvaient qu'être seuls, Seuls ences lieux, ils représentaient un animal, ur person- nage, un objet,le ou les motifs qui recouwaient dans leur espritles plus fortes charges symboliques. I-es composi- tions nereprésentent jamais lesactivités domestiques d'une population pastorale. Ces compositions tout commedes représentations d'animauxfabulerx à silhouettes mi-gi- rafelmi-bæuf ou mi-girafe/mi-autmche suggèrent que les graveurs à cetteépoque visaient, par leur action,à fixer durablement sur les pierres les plansprofonds de mythes qui, si I'onen juge parla représentativité des sujets figurés, faisaientsouvent référence à un animal domestique, le bæuf, et à deuxanimaux sauvages, I'autruche et la girafe. Cesremarques s'appliquent aux arts rupesres stylisés de nombreuses régions d'Afrique septentrionale. Iæsstations de gravures sahariennes et sud-sahariennes riches en représentations de bæufs, d'autruches et de gira- fes,délimitent unevaste aire geographique qui s'étend de I'Adrar desIforas à la Vallée du Nil (fig. l). I-eur répar- titionpeut-être est€lle encore plusvaste. LesphotogBphies de gravures prises par S. Searight dans le Sudmarocain et celles prises parN. Lamben aunorddeI'Adrar mauritanien font supposer qu'ellepounaitaller jusqu'au rivage atlanti- que@). Comme dans I'Adrar des Iforas, lesgravures de ces diverses régions apparaissent soit isolément soit associées 105

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TROIS MILLE ANS D'HISTOIREPASTORALE AU SUD DU SAHARA

Christian DupuyLAPMO - Université de kovence - CNRS

Résruné : Des pasteurs de bovins développèrent dans I'Adrar des Iforas rrn art rupestre datable du premier millénaire avant notre ère. Laprise en compte de données tirées des travaut( d'ethnologues, spécialistes des sociétés pastorales africaines, conduit à I'hypothèse selonlaquelle les auteurs decetartétaientdes pasteurspeuls qui, très probablement" furentimpliqués dans leprocessus de développementurbainqui toucha le delta intérieur du Niger au début de nctre ère. Ce faisant, ils abandonnèrent leur aire de nomadisation traditionnelle, laquellecompenait I'Adrar des lforas, et, sirnultanément, leur tradition de gravure nrpestre, avant qus 19 s'insollent dans la région les auteurs dela phase finale.

L'art rupestre que développèrent ces demiers nous renvoie les images de raditions qui, tout demièrement encore, étaient propres auxTouaregs. læs gravures mais aussi les peintures qu'ils réalisèrentau Saharaetausuddu Sahara,relèventdeconventions figuratives prochesde celles qui commandèrent la réalisation de grawres et de peintures srn stèles funéraires dans I'Atlas sud-oranais d'Algérie. Ces stèleset des données tirées de textes antiques nord-africains font envisager le scénario suivant : forts de leur spécialité à élever et à monter deschevaux etdes dromadaires, despasteursnomades qui étaientoriginaires d'Afrique duNordserendirentmaîues, aux alentours du Vesiècledenoue ère, deterritoires sahariens etsud-sahariens dontils gravèrentetpeignirentcertainsrochers, imposantsimultanémentdes manièresnouvellesdeviwe, aujorud'huispécifiques auxTouaregs. Les textes arabesrelatifs aupeuplementberbèresud-sahariendelafindu premiermillénaire s'accordentbien àce scénario. D'autres données tirées de ces textes nous q)prefirentindirectementque certains groupes tôuaregsgravaient toujotus les rochers de leur territoire au X[e siècle.

L'histoire ancienne des Peuls et des Touaregs est en-core aujourd'hui en $ande partie inconnue. L'étude desarts rupesûes sahariens et sud-sahariens permet precisémentde faire avancer nos connaissances sur l'histoire de cesdeux peuples pasteurs africains. C'est ce que je me proposede démontrer :

- en compæant, dans un premier æmps, les gravures relativesaux deux phases d'art rupestre stylisé que j'ai reÆonnuesdans I'Adrar des Iforas (t) à celles relevfus dans d'autresrégions d'Afrique septentrionale, cela afin de délimiter desaires culturelles ;

- en fixant ensuite leur cadre chronologique à panir dedonnées relatives à la paléoécologie, à la préhistoire-protohistoire, à I'histoire de la Vallée du Nil et à celle deI'Aftique du Nord ;

- en identifiant enfin leurs auteurs grâce aux travaux d'eth-nologues, sÉcialisæs des sociétés pastorales africaines.

LA PREMIÈNE PHASE DE GRAVIJRE STYLISÉEDE L'ADRAR DES IFORAS

NNUUTTATION D'UNE AIRE CULTURELLE

Les auteurs de la première phase de gravure stylisee deI'Adrar des Iforas faisaient panie d'une société à forte

hÉmsrorns ET AlrnrRorcLrc MÊDrrRRAx ÉrNNes 1992

tradition d'élevage de bovins (Dupuy 1990, p. 93-106),Certaines de leurs gravures sont situées à des endroits oùI'espace circonscrit aux rochers gravés est si restreint queles pasteurs qui s'y exprimaient ne pouvaient qu'être seuls,Seuls en ces lieux, ils représentaient un animal, ur person-nage, un objet, le ou les motifs qui recouwaient dans leuresprit les plus fortes charges symboliques. I-es composi-tions ne représentent jamais les activités domestiques d'unepopulation pastorale. Ces compositions tout comme desreprésentations d'animaux fabulerx à silhouettes mi-gi-rafelmi-bæuf ou mi-girafe/mi-autmche suggèrent que lesgraveurs à cette époque visaient, par leur action, à fixerdurablement sur les pierres les plans profonds de mythesqui, si I'on en juge par la représentativité des sujets figurés,faisaient souvent référence à un animal domestique, lebæuf, et à deux animaux sauvages, I'autruche et la girafe.Ces remarques s'appliquent aux arts rupesres stylisés denombreuses régions d'Afrique septentrionale.

Iæs stations de gravures sahariennes et sud-sahariennesriches en représentations de bæufs, d'autruches et de gira-fes, délimitent une vaste aire geographique qui s'étend deI'Adrar des Iforas à la Vallée du Nil (fig. l). I-eur répar-tition peut-être est€lle encore plus vaste. Les photogBphiesde gravures prises par S. Searight dans le Sud marocain etcelles prises par N. Lamben au nord de I'Adrar mauritanienfont supposer qu'elle pounait aller jusqu'au rivage atlanti-que@). Comme dans I'Adrar des Iforas, les gravures de cesdiverses régions apparaissent soit isolément soit associées

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Trois mille ans dhistoire pastorale au sud du Sahara C. DUPUY

I - Foyers de gravures nrpestres stylisées riches en rcprésentations de bceufs, d'autnrches et de girafes.a -Trost l98l; b-Dupuy 1987; c-Quechon 1fl9 td -I.eQuellec l9t7 t e -Monod l94TetStaewen&Striedter 1987;f -VanNoæn 1978.Foyers de grewrcs nrpestres montfirnt des baufs aux comes sumuméraircs ou alD( comes fermées €n atmeau, d'autrcs aux corps rernplis de motifsgéomérriques ainsi que des vaches, des taureaux et des bceufs possédant plusieurs pendeloques sous-jugulaires.a-Monodl93E;b-Dupuy1985;c-læQuellec1987;d-Allard-Huard&Huardl9S3etStaewen&Striedter1987;e-VanNoænl97E;f-Al lard-Huard& Huard 1983.Répanition géographique de deux autres motifs caractéristiques de la phase moyenne de I'Adrar des Iforas :- lemot i fg i rafeàl ien: l -Monod1932:2-Huard&Pet i t1975;3- lhoæ1987;4-VanNoten1978:5-Mi l ls1983 l6-Kromer1970;- et celui du poneur de lance (voir figurc suivante, série IV).

à d'autres sur des parois verticales ou sur des dalles obli-ques ou horizontales parfois situées en hauteur par rapportâu niveau des vallées . L'éventail des sujets raités sur lesrochers varie peu d'une région à une autre. Les gravuresisolées des sites les mieux documentés, une fois regroupées,renvoient sensiblement aux mêmes thèmes que ceux dé-veloppés dans des compositions montrant des animauxagencés sans ordre apparent autour des représentationsrécurrentes de bæufs, d'autruches et de girafes.

Des girafes à lien, comme il en est représenté dansI'Adrar des Iforas, ont été, relevees dans I'Ahnet, dansI'Ahaggar, dans I'Aiï et beaucoup plus à I'est à Ouenat, àDakhla (oasis du Désert Libyque) et en Nubie (fig. l).D'une manière générale, le lien qui descend du mufle desgirafes aboutit dans la main de personnages à silhouettefiliforme de petite taille. Il aboutit parfois directement surleurs têtes (Adrar des Iforas, Aïr). En d'autres lieux, sonextrémité est connectée à des corps d'autruches (A'ir) oubien se referme sur le cou des girafes (Adrar des lforas) ouplus simplement n'aboutit à rien (Aïr, Dakhla, Nubie). Cesdiverses observations me font voir dans le lien en queslionun trait symbolique tiré de I'univers cosmogonique desgraveurs plutôt que la représentation d'une laisse ou d'unlasso. Si mon interprétation est correcte, le motif girafe àlien, étant donné sa spécificité et sa charge symbolique, està considérer comme un véritable marqueur culturel. Dansles régions où ce motif est gravé, sont aussi présentes desgravures de bovins aux caractères particuliers : bæufs,

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vaches et taureaux aux corps remplis de motifs géoméri-ques et aux cous sous-tendus de nombreuses pendeloques,ou bien individus au cornage fermé en anneau ou auxcornes à courbures alternfus démesurément longues ouencore aux cornes surnuméraires. ces deux derniers carac-tères échappent à la réalité. Les autres évoquent des prati-ques pastorales spécitiques : déformation des cornages,port de nombreuses pendeloques, décoration des rohs.J'assigne ces représentations à valeur de marqueur culturellorsque toutes sont réunies dans une même région ou re-groupees sur un même site. ces gravures délimitent uneaire géographique qui s'étend de I'est mauritanien à laVallee du Nil ; une aire à I'intérieur de laquelle furent aussigravés comme le montre la fig.2 :

- des motifs ovalaires bi-ponctués dont certains, dans I'Adrardes lforas, sont associés sur des parois communes à desgirafes à lien,

des personnages à silhouette filiforme de petite dimen-sion touchant la queue ou I'arrière-train de bovins,

- des personnages représentés de profil, armés d'un arc àsimple courbure, avec objet donal fixé au niveau des épau-les,

- des porteurs de lances du style de ceux représentés dansI'Adrar des Iforas.

Ces remarques montrent combien les arts rupestresstylisés de régions sahariennes et sud-sahariennes, richesen représentations de bæufs, d'autruches et de girafes, se

PnÉmsrorRE ET Arrnnopot clE MÉorrrnmxÉr,xms 1992

ADBAR DPS IFOEAS I - AIR

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I - Personnagei aux silhouettes filiformes touc

DJADO TIBESTI

ruy 1985; 2-Monod 1947;3-Steewe

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'ffik& G.M. 1968.

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aires bi-poncnrés: l -Védy 1962;2- \ lmagro B.M. & C.M. 1968; 3-Hell

8n8Rstrôm 1970.

m - Archers de profil avec objet dorsal attaché au niveau dr

3

rs épaules: l-Dupuy 1985;2-Rosetl97l;3-Monod 1947.

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h1: t \ î \947;5-Staewen & Striedter 1987; 5- Huard & Lnpatinski 1962;7-Huard 1963.

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O{ 2 - Morifs particuliers gravés sur des rochen rÉpartis de I'Adrar des lforar à la vallée du Nil (échelle de réduction différcnæ d'unc rcpésentation I une autre).

Trois mille ans dtristoire pastorale au sud du Sahara C. DUPUY

quent que les objets coudés représentés dans I'Adrar desIforas aient été à lames métalliques, lesquelles étaient gé-néralement longues et fines et fixées perpendiculairementaux manches. Bien qu'il soit impossible de dire au vu desfigurations si les lames étaient tranchantes - perçanteS, parcontre, elles l'étaient pour sûr de par leurs extrémités poin-tues - la morphologie générale de ces objets répond à ladéfinition de la hallebarde protohistorique ; terme certesfort mal adapté comme le souligne R. Chenorkian (1988,p. 130), mais que I'usage a consacré en protohistoire. Desporteurs de hallebardes furent donc représentés dans I'Adrardes Iforas au cours de la première phase de gmvure styli-sée. Sur d'autres parois, le furent des porteurs de lances(fig. 3). Certaines des lances portees ont des pointes foliaceesrenforcées d'une nervure centrale. Dans ce cas, leur naturemétallique ne fait aucun doute. La première phase de gra-vure stylisee de I'Adrar des Iforas est donc contemporained'un âge des mé[aux.

I-es dates les plus anciennes publiées à ce jour quisituent I'apparition de la métallurgie au sud du Sahara sontles suivantes :

- métallurgie du fer à Termit" 2628 + 120 B.P. (Quechon& Rosetl974,p.97). G. Quechon (1989) m'a signalé qu'ildisposait pour Termit de datations encore plus hautes (dateexftêrne : 3500 B.P.) ;

- métallurgie du cuiwe au sud de I'Aïr (Niger), 2800 t90 B.P. (Grébénart 1988, p. 123) ;

métal lurgie du cuivre dans la région d'Akjoujt(Mauritanie), 2776 ! 126 B.P. (Lambert 1975, p. 20).

En l'état des recherches actuelles, nous ne disposonsd'aucune donnée sur l'âge des métaux de I'Adrar des Iforaset de ses environs. Les plus anciens vestiges de métallurgiedu fer connus au Mali proviennent du plus bas niveau

d'occupation du site archeologique deDjenne-Djeno, lequel niveau est daté de210 t 180 B.C. (R.J. Mc Intosh & S.K.Mc Intosh 1980, p. 188). Contentons-nous donc de noter pour le moment quele massif de I'Adrar des Iforas est sen-siblement situé à mi-distance du massifde Termit et de la région d'Akjoujt ;deux régions où la métallurgie (fer pourla première et cuiwe pour la seconde) sedéveloppa dans le courant du premiermillénaire avant nore ère. Il serait sur-prenant que le massif de I'Adrar desIforas qui recèle du minerai de cuiwe,de zinc et de fer, n'ait pas été touché parcette évolution, compte tenu nolammentdes relations culturelles privilégiées quiexistaient avec I'Aïr, voire avec des ré-gions encore plus orientales dès l'épo-que des représentations de hallebardeset de lances ; ce dont attestent les artsrupestres stylisés du Sahua méridional

h.ÉmsrorRE ET A rnnoporrcrE MÊorrenn uÉEr.lxrs t992

ressemblent. Les similitudes observées sont nombreuses,trop nombreuses pour pouvoir s'expliquer, à mon avis, pardes convergences iconographiques répétées selon deséchelles régionales. Il me paraît plus logique d'y voir I'em-preinte d'un courant culturel auquel auraient été sensiblesdes groupes de pasteurs de bovins, à moins qu'il ne tailley voir les marques d'une migration de groupes de pasteursqui étaient issus d'un même horizon culturel et dont I'unedes raditions était de graver les rochers des régions qu'ilsparcouraient Le faible nombre des gravures auxquellesj'assigne valeur de marqueur culturel dans I'Adrar desIforas où pourtant j'ai entrepris des relevés exhaustifs (unetrentaine de girafes à lien et une quizaine de bovins auxcaractères particuliers sur plus de 5000 gravures relevees)semble plutôt jouer en faveur de la seconde hypothèse ; àsavoir en faveur de celle de pasteurs nomades qui, encertaines circons[ances, gravaient des rochers situés le longde leurs parcours migratoires, sans pour autant que celan'en devienne des parcours d'élection. Le cadre chrono-logique dans lequel se place la première phase de gravurestyl isée de l 'Adrar des I foras et les éléments depaleoclimatologie qui se rattachent à ce cadre ne donnenfcomme nous allons le voir, guo plus de force à I'hypothèsemigratoire.

npu urctTroN D'I\N SADRE 1HRONOLOGTQUE

Plus de 300 silhouettes de personnages furent gravéessur les rochers de I'Adrar des lforas au cours de la premièrephase de gravure stylisee. Quinze d'entre eux brandissentdans leur main droiæ ou dans leur main gauche un objetcoudé (fig. 3) dont certains appliquent I'extrémité surl'échine, sur le front ou sur I'arrière-train de bovins. Enrègle générale, la partie distale du manche de ces objets estpourvue d'un crochet ou d'un appendice annulaire indi-quant I'usage du métal. Tout laisse supposer par consé-

3 - Modes de représentatiqr différenciés des porteurs de hallebardes et des porteurs de lances.[æs silhouettes des prcmiers sont petites et flliformes. Ils brandissent des hallebardes qui leur

sont égales ou supérieures en taille. Les porteurs de lances sont rcprésentés en plan frontal dansdes dime,nsions irnpor"tttes. Ils sont fortements sexués. I-e volume de leur tête est sans

proponion avec le reste du corps.

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C. DUPUY

riches en représentations de bæufs, d'autruches et de gira-fes (fig. I etfrg.2).

Est-ce à dire que les plus anciennes représentations deporûeurs d'armes métalliques de I'Adrar des Iforas et lesnombreuses gravures qui leurs sont associée3 daænt dupremier millénaire avant notre ère ?

Quelques-unes de ces gnvures représentent des motifsque des peintres dessinèrent au plafond d'abris sous-rochedu Sahara central aux côtés de chars @upuy 1988a, p. 96).Le char est d'origine médiænanéenne. Il fut introduit enEgypte dans la première moitié du second millénaire avantnotre ère. Textes égyptiens et données iconographiquess'accordent pour situer son extension vers le Sahara dès lafin du IIe millénaire. Des populations du Sahara centralI'adoptèrentt3) et le représentèrent sur les rochers, proba-blement jusqu'aux alentours de notre ère (Camps 1987,p. 120). Il est donc fort waisemblable que les gravures quise rattâchent à la première phase d'art rupesFe stylisé deI'Adrar des Iforas (ou tout au moins un grand nombred'entre elles) datent du premier millénaire avant notre ère.Cette hypothèse comporte une part de vraisemblanced'autant plus large que les auteurs de ces gravures repré-sentèrent aussi des chars sans transformer pour autiant lecontenu mythographique des compositions dans lesquellesils les intégraient.

I-es découvertes de J.P. Roset dans I'Ait, sur le sited'Iwelen, confirment cene hypottrèse de chronologie. Cechercheur a exhumé d'un gisement archéologique toispointes de lances en cuiwe aux armatures identiques àcelles des lances qui sont représentées sur des rochenavoisinants. Ces lances sont tenues par des penonnages dustyle des porteurs de lances gravés dans I'Adrar des Iforas.I-e gisement qui est daté de 2680140 BP. à 21001 50BP. (Roset 1987, p.212), donne indirectement l'âge desgnvures de poræurs de lances d'Iwelen et simultanémentl'âge de celles de porteurs de lances de I'Adrar des Iforas,étant donné leur étroite parenté iconographique (fig. 2).

Trois mille ans tout au plus nous séparent donc de laréalisation de ces gravures. Compte tenu de leur âge sommetoute peu élevé, il paraît indiqué de chercher à identifierleurs auteurs en repérant celles des représentations gravéesqui renvoient à des croyances et à des traditions spécifi-ques à des peuples pasteurs d'Afrique septenrionale. Pré-cisons toutefois auparavant un point imporrant : au premiermillénaire avant notre ère, le climat au sud du Sahara étaitentré dans sa phase d'aridification actuelle(a), imposant defait aux groupes de pasteurs de bovins qui s'y trouvaient,d'étendre leur aire de nomadisation ou d'en changer oubien de changer de mode d'économie.

GRAVARES RAPESTRES ET COUTUMES PROPRESÀ ors GRouPEs DE PASTEaRS DU yAHEL

Le port de la lance

Ainsi se résume un conte enregisné au début du siècleau Fouta Toro par Hammadi (Fonds Gaden, cahier no 32) :

hÉmsronsEr AMHRoFor.dilEMÉDnnRANÉgrxrs 1992

Trois mille ans dhistoirc Pastorale au sud du Satrara

<< IJn Peul reçut un jour d'un diable de la brousse une sagaied'or qu'il donna à son neveu après l'avoir marié à sa fille.Iæ neveu décida alors de partir voler, arme à la main, lescent mille bæufs d'un riche Arabe vivant dans le nord dupays. La sagaie douée de pouvoirs magiques le rendit in-vulnérable et lui conféra une grande capacité de séduction.Si bien que son entreprise fut couronnee de succès. L'oncleet le neveu devinrent par la suite les chefs du pays >).

Dans la boucle du Niger, tout Peul arrivé à I' âge adultedoit tuer un taureau à coup de lances. Ce taureau, il lepren^d dans Ie troupeau de son oncle mflternel... Aw pluiessuivantes, Ie novice... doit tuer un deuxième taureau...Devenu Somburu par Ie dewième sacrifrce, on lui demandeencore un troisième... On dtt : o sombitake. Ensuite on letient quitte. (Fonds Vieillard, cahier no 25).

I-es Peuls du Macina possèdent plusieurs types de lan-ces. Parmi ces lances, seule la gawal transmise de père enfils est une arTne de prix (Fonds Vieillard, cahier no 44).Lalance est aussi I'arme de predilection des Peuls du Sénégaloù, comme au Macina, elle reçoit plusieurs appellations(Ndongo 1986, p. 191).

Ces données témoignent du rôle important joué par lalance chez les Peuls d'Afrique de I'Ouest, plus précisé-ment chez ceux qui sont sédentaires ou semi-sédentaires.I-es Peuls nomades wodaabe qui, eux, ne se sont attachesaucune caste d'artisans et ne se sont appropriés aucunterritoire, n'ont pas adopté cette uume. Leur armementcomprend I'arc et le bâton de berger (Fonds Vieillard,cahier no 44 &. Dupire 1962, p. 65). Ils utilisent aussi àI'occasion de leur cérémonie annuelle la gerewol, un objetcoudé que les ethnologues ont baptisé hache gerewol etdont ils ont fait les descriptions suivantes :

baguette recourbée en crosse à l'extrémité (FondsVieillard, cahier no 1, note 2). En L932, G. Vieillard pré-cise qu'il s'agit d'un bâton muni d'une crosse de fer quetiennent dans la main droite les garçons, appelébaramdami'el (p. 93) ;

- hachette en fe, de facture rustique qui porte sur le man-chc des incisions, transmise dans les familles de père en

fr\s... fabriquée par les forgerons haoussas (Dupire 1962,p. 316) ;

- stick about eighteen inches long with an iron axe-shapedhead, carried in the right hand said to be the miniature ofan old Fulani battle-ax,e, which was occasionally hitchedon to tlu shouldcr and left suspended there (Reed 1932, p.435).

De nombreux peuples pasteurs d'Afrique de I'Est ac-cordent, eux aussi, une grande importance au port de lalance. Dans son ouvrage sur les Nuers, E.E. Evans Pritchard(1956) consacre tout un chapitre à la symbolique de cettearme. Elle ecrit, entre autres, ceci : .. Jfie spear must havebeen a very valwble possession, and if lost, most dfficultto replace; and it was not just a private possession but a

family heirloom passed from father to son down thegenerations (t,.237)... .fff signiftcance is moral, not merely

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Trois mille ans dhistoire pastorale au sud du Satrara

utilitarian. It is rwt the spear itself, nor its possession,which ls srressed but the activities associatedwith it : warand raiding, dancing and display, an-d herding. The uses ofspear itself and the evaluations of its uses as an index ofsocial personaliry are blended, so that the spear is not justa weapon but also something which stands for a verycomplex set of social relations (p. 239). .. Its clear, however,that spears are clnrged with symbols expressing tlrc uniryand continuity of clans and lineageJ... (p.243).

Dans I'Adrar des lforas, et d'une manière plus généraleau sud du Sahara, I'homme porteur de la lance est repré-senté fortement sexué. Son vêtement, sa coiffure et seséléments de parure sont divers et variés (fig. 2 et 3).

Peintures faciales

Se peindre le visage à I'occasion de fêæs est une coutumetrès répandue chez les pasteurs de bovins de I'est et deI'ouest africain. Cette coutume est souvent réservée auxhommes. Lfn témoignage de L.N. Reed (1932) est, à cetégard, fort intéressant. L'auteur décrit comment les jeunesbergers peuls wodaabe de la province du Bornou (regiondu l-ac Tchad) se parent et se maquillent à I'occasion deleur danse annuelle, la gerewol : on the head were wornostrichfeathers stuck into a band which encircled a purpleor coloured turban... Softie two had strings of small bellsslung across the clwst. The face decoration consisted forthe most part of a line drawnfrom the centre of tlw foreheadto the tip of the rnse with two lines branching offfrom thelevel of tlte eyebrows, thus Y; at the corners were marluof the slwpe 4. Two or tltree of the youths had the face-marks picked out in white dots (p. 435).

C. DUPUY

Cette description est troublante à plusieurs dmes. D'abordparce que les têtes des porteurs de lances gravées au sud duSahara sont souvent surmontées d'appendices qui très pro-bablement représentent des plumes d'autruche. Ensuiteparce qu'un grand nombre de ceux représentés dans I'Adrardes Iforas portent des lanières croisées sur la poitrine.Enfin parce que les têæs de certains sont remplies de points,et, fait encore plus troublant, I'une d'elles est remplie d'uny à nois branches (fig. 3) identique au motif de peinturefaciale décrit ci-dessus par L.N. Reed.

Le rôle des femmes

Dans la société peule traditionnelle, Ies femmes sontpropriétaires de la totalitv ou d'unc Wrt dcs produitsIaitiers. EIIes n'ont cependnnt aucun droit juridique sur Iebétail. Ce droit appartient au^x hommes qui gèrent Ie trou-peau. IÆ bæuf est un moyen de transport Éservé auxfemmes (Dupire 1970).

Iæs pasteurs de bovins, auteurs de la première phase degra\rure stylisee de I'Adrar des Iforas omirent de représenterdes femmes à I'exception de I'un d'entre eux qui realisa, lelong de la vallée d'Egharghagh, une composition en mon-trant cinq parmi lesquelles trois sont à califourchon sur desbæufs (fig. 4).

Les relations hommes-bovins

Chez les Peuls de Haute-Volta, on dit d'un homme quisuscite I'admiration qu'il est un taureau, ur kalahaldi : lekalahaldi étant le taureau étalon du troupeau (Riesman1974, p. 93). M. Dupire (1970) pÉcise que I'attachementque portent les Peuls à leurs bovins est parfois tel qu'ils ne

4 - ReprÉsentations de fernmes aurr poitrines sotrlignées par deux petits traits parallèles.

l r0 PnÉmsrorRE sr A nnnoporrcrE MÊorrrnnexfu,nxes lgyz

C. DUPUY

Ies considèrent ni comme un bien, ni comme une richessemais comme des parents... C' est pltu précisément par lelait de vache que les pasteurs peuls se sentent apparentésà leurs bovins. Cette société par conséquent valorise lavache et non le bæ$ ou le taureau comm.e les Nuers....

Dans I'Adrar des lforas, quelques porteurs de lancestiennent en longe des bovins ou sont debout sur eux (fig. 5).Les autres apparaissent dans des contexæs figuratifs richesen gravures de bovins. Dans I'Aïr, deux personnages àsilhouette filiforme de petiæ dimension sont gravés sousles mamelles de vaches (Dupuy 1987, p. 130).

Les bovins

Un taureau à sept cornes inærvient dans un mythe contépar les pasteurs peuls wodaabe @upire L962,p. 33).Commeil est noté sur la fig. 1, des bovins à cornes surnumérairessont gravés sur des rochers répartis de I'est mauritanien àla Vallée du Nil. Ces mêmes Peuls prétendent que lescorncs tekkere, droites à Ia racine et tendant à se rencon-trer à leurs extrémités, sont un indice dc fécondité chez Iavache (Dupire 1962, p. 113). Mettre en parallèle les re-présentations de cornages fermés en anneau avec la formeteklcere est tentant puisque, dans I'Adrar des lforas, unesilhouette filiforme de petite taille qui pounait êre celled'un personnage, est gravée à I'intérieur de I'un de cescornages (fig. 6).

Chaque année, les Peuls du Macina ont coutume depeindre des motifs géométriques sur les robes de leun

Trois mille ans dhistoire pastorale au sud du Sahara

animaux avant que ceux-ci ne traversent vers la mi-novem-bre, un peu après I'hivernâge, le fleuve Niger au niveau deDiafarabe (5). La classification fypologique et l'étude de cesmotifs peints mériteraient d'être entreprises afin de voirs'ils présentent ou non des similitudes avec les signesgéométriques représentés sur les corps de bovins gravésdans I'Adrar des Iforas (fig. 6). T-a plupart des peuplespasteurs d'Afrique orientale décorent aussi les robes deleurs animaux. Les Samburus utilisent à cet effet des mot-tes d'argile qu'ils étalent à la main sur les pelages (Jones1984, p. 81 et p. 90). Les Massaïs brûlent, eux,superficiellement les robes de leurs animaux (Cervicek1979, p. 7).

I-es représentations de bovins à plusieurs pendeloques(fig. 6), elles, ne sont pas sans évoquer un concours devaches grasses organisé par les Peuls du Macina aprèsI'hivernage: la vache primée est à cetæ occasion ornée àvie de collien et de pendeloques qui sont suspendus à soncou et à ses cornas (Vieillard 1927 -1939). Iæs Massaïs etles Kavirondos parent leur bétail de la même manière(Baumann & V/estermann 1962, p.264).

Il me faut enfin parler de gravures de bovins à oreillesdentelées qui, dans l'état des connaissances actuelles, sontoriginales à I'art rupestre de I'Adrar des Iforas (fig. 6). Ilpourrait s'agir de représentations d'animaux dont les oreillesétaient incisées. IÂ pratique d'incisions aur oreilles dubétail est tès répandue en Afrique. Cetæ pratique vise àmarquer la propriété et a souvent aussi un rôle magique. .Sf,

111kÉmvrone nr Armrnou-rcMÉorrennenÉeNNEs 1992

5 - Poræurs de lances liés à des bovins.

Trois mille ans dhistoire pastorale au sud du Sahara

6-Bwinsauxcaractèrcsparticulien:a-tricome;b-représentationfiliformedansuncomagecnanneauouvert;cad-corpsrcmplisdemotifs géométriques; d - oreilles dentelées; e-pondeplusieun pendeloquesdontunefixéeenboutde come; f-motifénigmatique

s'échappant de I'orcille d'un bceuf.

par nécessité ou par oubli, un berger wodaabe s'est dé-placé un jour néfaste, il s'empresse d'entailler légèrementl'oreille d' un veau pour éviter les risques de maladie ou dem.ort qui menacent son troupeau (Dupire 1962, p. 99). F.Dumas-Champion (.1983) signale de son côté que les Masasdu Tchad incisent les oreilles de leurs veaux après avoirperdu plusieurs bêtes à la naissance. ,Si Ie veau aux, oreillestailladées surnit, les prochains veau^x, à naître les aurontpareillement (çt. I2I). Une photo$aphie de veau publieedans I'ouwage d'U. Almagor (1978, pl. 49) montre que lesDassanetchs du sud-ouest éthiopien ont aussi recours àcette pratique. Revenons alors aux gravures. OuEe les re-présentations d'individus à oreilles dentelées, de I'oreilled'un bæuf gravé dans I'Adrar des Iforas s'échappe unmotif énigmatique à I'intérieur duquel est figuré une sil-houette humaine filiforme de petite taille (fig. 6). Il sem-blerait donc qu'à l'époque où des pasteurs exprimaient surles rochers de l'Adrar des Iforas certaines de leurs preoc-

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C. DUPUY

cupations, les oreilles des bovins aient joué des fonctionstout aussi magiques que celles que leur font jouer aujourd'huide nombreux peuples pasteurs du Satrel.

ORIGINE ORIENTALE ET IDENTITN PNULE DESGRAVEURS ?

Les rapports qui s'établissent entre certaines gravureset des coutumes et raditions propres à des groupes depasteurs d'Afrique septentrionale révèlent que les preoccu-pations de la société à I'origine de la première phase d'artrupestre stylisé de I'Adrar des Iforas étaient proches decelles qui, aujourd'hui, commandent les manières de penseret de faire de groupes de pasteurs afticains. Faut-il voir encela de simples convergences ? Bien qu'il soit pour lemoment difficile de rejeter cette idee de manière formelle,les observations faites jusqu'ici conduisent, à mon sens, àune hypothèse beaucoup plus satisfaisante.

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PnÉmsrorRE ET ArnrnoporJoclE MÉorrmn nxÉENxes 1992

C. DUPUY

La sociétépeule est la seule société d'Afrique de l'Ouestchez qui l'élevage des bovins joue aujourd'hui encore unrôle central dans l'organisation des relations sociales. Outrelenr foræ expansion géographique (fi9.7), ce qui surprendchez les Peuls, ou tout au moins chez un certain nombred'entre eux, ce sont leurs raits physiques et leurs compor-tements sociologiques qui rappellent à maints égards ceuxdes groupes de pasteurs de bæufs d'Afrique orienale.Cependant" ni les données de la linguistique -les Peulsparlent une langue, le fulfulde, que M. Delafosse (1914) etses successeurs classent dans le groupe ouest-africain<sénégalo-guinéen>- ni l'étude comparée de leurs croyan-ces respectives n'ont foumi jusqu'à présent les preuvestangibles d'une origine commune. L'art rupestre pounaitconstihrer la première de ces preuves.

Rappelons les faits :

- les gravures de I'Adrar des Iforas présentent dê nombrcu-ses affinités avec celles relevées dans des régions plusorientales (fig. I et 2) ;

- dans toutes ces régions, des gravures renvoient à descrcyances et à des pratiques propres à des groupes depasûeurs peuls et à des groupes de pasteurs d'Afrique deI'Est (fig. 3 à 6) ;

- la plupart des gravures de I'Adrar des Iforas furent exé-cutées durant le premier miilénaire avant notre ère, soit àune époque où le sud du Sahara était entré dans sa phased'aridifi cation actuelle.

Le nomadisme des pasteus peuls wodaabe va nousaider à relier ces divers points entre eux.

L'absence de vie politique organisée conduit les Peulswodaabe à la fuite lorsqu'ils ne parviennent pas à se faireaccepter des inpulations autochtones sur les terres des-quelles ils nomadisent ou lorsque les pâturages ne répon-dent plus aux besoins de leur béail. Dans ces conditions,la migration-fuite et Ia migration-avance saisonnière pro-gressive... et non les conquêtes guerrières, provoquèrentl'eryansion des Peuls nomades en Afrique de I'Ouest(Dupire 1970, p. 224). I,es travaux d'A.M. Bonfiglioli(1988) nous apprennent par exemple que I'aire denomadisation d'une famille wodaabe du Niger s'est écar-tée en deux générations de plus de 200 km de son centreinitial. Une telle mobilité suppose :

- que trois ou quatre siècles auparavant, les ancênes de lafamille en question pouvaient se Eouver n'importe où enAfrique de I'Ouest, au sud du terrioire maure et touareg etau nord de la forêt tnopicale. Les zébus bororos des Peulswodaabe sont en effet sensibles aux piqûres de la mouchetsé-tsé, agent de transmission des trypanosomiases. Cetæmouche vit en lisière de forêt tropicale. Aussi, les Peulswodaabe éviænt-ils de se déplacer sous cette latitude ;

- que trois ou quatre millénaires plus tôt,les ancêtes desancêtres en question pouvaient vivre quelque pafi, entre laMer Rouge et I'Atlantique, là où les sinrations écologiqueset politiques du moment le leur permettaient.

hÊlsrcnrsr ArmnorclæMÉonanrxÉElrrEs I 992

Trois mille ans dtristofue Pastorale au sud du Sehara

I-e pastoralisme nomade des Peuls wodaabe rend parconséquent plausible I'idée selon laquelle les ancêtres degrcupes peuls achxels aient côtoyé, pr le passé, ceux degroupes de pasteurs qui aujourd'hui vivent en Afrique deI'Est. I-eur rencontre, si elle eut lieu, se fit à la charnière deleurs deux aires actuelles de peuplement, à savoir quelquepart entre le l-.ac Tchad et la Vallée du Nil.

Imaginons alors qu'un ou plusieurs de ces groupes aienteu pour fadition de gfaver les rochers des régions qu'ilsparcouraient, il y a quelque trois mille ans de cela. SousI'effet de la détérioration du climat sud-saharien dont leseffets durent véritablement se faire sentir à I'orée du Iermillénairc avant notre ère, .:es gtoupes s'éloignèrent deleur berceau originel dans des directions diverses et simul-tanément les uns des auhss. Ainsi, le flux et reflux auSahara et au sud du Sahara de groupes de pasteurs quiétaient issus d'un même horizon culturel dont le berceaud'origine se serait situé quelque part entre le l-ac Tchad etla Vallée du Nil, est une explication aux troublantes simi-litudes qui s'établissent entre des gravures rupestres styli-sées de régions éloignées parfois de plus d'un millier dekilomètres. Les groupes qui se déplacèrent vers I'est et lesud-est pourraient être les ancêres de pasteurs de bæufsd'Afrique orientale. Ceux qui se dirigèrent vers I'ouest etle sud-ouest, les ancêtres de cenains groupes peuls. S'ex-pliqueraient du même coup les comportementssociologiques communs aux Peuls et à des pasteurs debæufs de I'est africain ainsi que le pouvoir de certainesgravures à évoquer des pratiques pzlstorales communes àces populations. I-€s gfoupes qui avaient pour tradition degfaver les rochers des régions qu'ils parcouraient" laissè-rent derrière eux de nombreuses gmvures stylisées parmilesquelles celles de l'Adrar des Iforas datables pour laplupart du premier millénaire avant nore ère.

Si I'on s'en tient à ce scénario, tout en rappelant que lasociété peule est la seule société d'Afrique de I'Ouest chezqui les bovins jouent, aujourd'hui encore, utr rôle primor-dial dans I'organisation des relations sociales, les person-nes les plus indiquées pour avoir realisé les gravures deI'Adrar des lforas deviennent les ancêtres de certainsgroupes peuls actuels. Aussi séduisanæ soit-elle, cettehypothèse n'est pas sans poser quelques problèmes. Si lesauteurs des gravures étaient des Peuls, comment se fait-ilqu'aucun mythe peul actuel ne fournisse les clés de lecturedes mythogrammes gravés dans I'Adrar des Iforas et, pluslargement, de ceux gravés dans les régions situées au nordde I'aire de peuplement peul actuelle ? I-es mythogrammesne furent hès probablement plus $avés à panir du momentoù les mythes qui sous-tendaient leur représentation sefondirent dans d'autres mythes .I-& sens originel qui moti-vait leur réalisation s'évapora ainsi progressivement pourfinalement s'évanouir. Retrouver dans ces condit^ions, àtravers les traditions orales de groupes de pasteurs qui negravent plus les rochers de leur ærritoire, la significationde ces mythogrammes sera à n'en pas douær une tâche fondifficile. Cette hypothèse de mythes en évolution qui

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7 - Aires linguisriques peules (d'après l-avergne de Tressan, 1953).

C. DUPUY

auraient fini par entraîner I'abandon d'une tradition degavure est suggérée par I'art rupestre lui-même.

Avant de représenter des hommes armés de lances, Iesgraveurs de I'Adrar des Iforas repésentèrent des person-nages armés de hallebardes @upuy 1991, p. 162-173). Dèslors que la lance à large pointe foliacée fut préférée à lahallebarde, la repésentation de I'homme se fit imposanteet plus virile (fig. 3). Alors que I'environnement figuratifdes porteurs de hallebardes est surtout animalier, celui desporteurs de lances I'est beaucoup moins puisque là où ilssont gravés, leur nombre devient aussi important que celuides animaux domestiques etdes animaux sauvages auxquelsils restent néanmoins associés. Les préoccupations desgraveurs semblent donc devenir moins zoolâtres à partir dumoment où ils se mirent à représenær des porteurs delances. Cette évolution finit-elle par annihiler leur art ? Onpeut le supposer au vu des données ethnologiques et ar-chéologiques qui suivenl

Iâ où les Peuls se sont sédentarisés comme au FoutaToro ou au Fouta Djallon, ou ont formé des royaumescomme au ldacina (région située au sud de I'Adrar desIforas) ou au Tekrrour (Sénégal), la lance est un insigne decommandement doué d'un fort pouvoir magique. Elle estsouvent utilisée dans les rites d'initiation. Par contre, lespasteurs nomades wodaabe qui ne se sont attachés aucunecaste d'artisans et n'ont développé aucune forme d'ap-propriation de l'espace, n'ont pas adopté cette arme. Cæfais donnent à penser que les représentations gravées deporteurs de lances annoncent ou consacrcnt I'avènementd'un mode d'économie autre que le pætoralisme nomade,impliquant pour les groupes de pasteurs, auteurs de lapremière phase de gravure stylisée de I'Adrar des Iforas,dominations, conquêtes... des manières nouvelles de viwen'inclinant plus à la perpétuation d'un art dans lequel lesanimaux étaient -tout du moins en apparence sur les ro-chers- <rois> au même tine que I'homme armé de sa lance.

I-es travaux de S.K. Mc Intosh et R.J. Mc Intosh sur lesite archéologique de Djenne-Djeno au Mali (dela inté-rieur du Niger) révèlent I'existence d'agglomérations dèsles premiers siècles de notre ère: it is probable that Djenne-Djeno was a site of considerable dimcnsions, possiblymeasuring a half-kilotncter or nure along her main axis,by A-D.200. (1980, p. 189). Les groupes de pasæurs àI'origine des gravures de porteurs de lances de I'Adrar desIforas, que tout un faisceau d'indices me fait identifier auxancêtres de groupes peuls actuels, prirent-ils une part ac-tive au processus de développement urbain qui oucha leSahel malien au début de notre ère ? L'évolution propre deleur art rupestre nous le suggère. Ce faisant, ils abandon-nèrent progressivement leur aire de nomadisation tradi-tionnelle, laquelle englobait I'Adrar des Iforas et, simulta-nément, une tradition de gravure rupestre ancesEale avantque ne s'installsnt dans le sud du Sahara, aux alentours duVe siècle de notre ère, les auteurs de la phase finale. Cescénario conduit à fairc des Peuls du lvlacina les descen-dants des autours de la première phase de gmvure stylisée

hûnsronenAmnorclæMÉonanÆrÉENrEs 1992

Trois mille ans dhistofue Pastorale au sud du Sahara

de I'Adrar des lforas, ou tout du moins les descendants deceux qui décidèrent de se fixer dans la boucle intérieure duNiger au début de notre ère.

IÀ tradition orale rapporte que les Peuls du ldacinaseraient originaires du Fouta Toro (Dembélé 1991, p. 243)et qu'ils auraient formé à leur arrivée, vers la fin du XIVesiècle, le premier royaume peul d'Afrique de I'Ouest : leRoyaume des Jullubé @iallo 1986, p.227) . Les donnéesde I'art rupestre de I'Adrar des Iforas me font envisager unscénario quelque peu différent. L'Empfue peul du ldacinane serait pas né quasi-spontânément de la migration degroupes de pasteurs venus du Fouta Toro mais de la con-centration croissante de communautés peules qui se semientfixées dans le delta intérieur uu Niger à partir des premierssiècles de notre ère.

LA DEUXIÈTUP PHASEDE GRAVURE STYLISÉBDE L'ADRAR DES IFORAS

L'IDENTITÉ TOT]ARÈGUE DE SES AUTEURS

I-es gravures de la deuxième phine d'art rupestre styliséde I'Adrar des Iforas (ou phase finale) se distinguent decelles de la première phase en trois points :

1 - La plupart apparaissent sur des parois bien en vue desvallées et se concentrent à proximité immédiate de puits ;

2 -Elles repriésentent des personnages traités en plan frontaldans des dimensions imposantes et vêtus d'habits ampleset bien couwants et qui, lorsqu'ils sont armés, portentplusieurs javelots (fig. 8). Ces gra\rures de personnagessont entourées de compositions animalières montrant deschevaux à silhouetfe généralement lewettée et des dro-madaires, lesquels animaux sont parfois montés et associéssur des parcis communes à des espèces sauvages -autruches,antilopes, girafes- dans des scènes de chasse à courre(fig. 9) ;

3 - Des inscriptions alphabétiques complètent la majoritédes compositions.

Ce dernier point mérite un développement particuliercâr, comme nous allons le voir, il permet d'identifier lesgraveurs.

I-es inscriptions gravées se composent de signes géo-mériques et de signes à points identiques à maints égardsaux caractères tifinagh utitisés par les Touaregs pour trans-crire leur langue berbère, le tamasheq, Ainsi, 21 des 22signes tifinagh à simple valeur consonantique en usagechez les Touarcgs de I'Adrar des lforas se retrouvent gra-vés sur les rochers (tableau I). Qui plus est, les inscriptionscommencent par des formules initiales réÉtitives dont uneconæmporaine des autres et composée des detx gaphèmes,I l-, est apparentée à la formule de présen[ation, : | :' (trans-cription awa nek: littéralement <<ceci moi>>), par laquelleles Touaregs ont aujourd'hui coutume de débuter leustextes tifinagh. Ce constat est riche de conséquences. Il

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Trois mille ans dhistoirc pastorale au sud du Sahara

E - Poneurs de javelots entouÉs de lignes d'écriturcs. Celui de droite est associé à un personnage qui pourrait rcpésenter une femme.

9 - Chasse à courre à la gazelle.

permet d'affirmer que les inscriptions anciennes graveessur les rochers servaient à transcrire une langue proche dutamasheq. Leurs auteurs étaient donc les ancêtres desTouaregs, lesquels étaient aussi les auteurs des gravures depersonnages et d'animaux (6) dont ils signaient en quelquesorte la realisation de formules débutant par le pronompersonnel l:. (transcription nek: littéralement (moi>>). Auregard des Eaditions touarègues on peut même aller jus-qu'à avancer que les graveurs étaient des aristocrates puis-que leurs gravures nous renvoient les images d'activitésqui, encore récemment, étaient réservees aux nobles etconsidérees comme nobles par tous les membres de lasociété touarègue : la monte des chevaux et des dromadai-res, la chasse à courre et, derrière les images imposantes deporteurs de javelots, la guerre qu'elle soit d'honneur ou deconquête.

116

C. DUPUY

Ces remarques s'appliquent à des gravures et à despeintures rupestres qui ont été relevées dans les massifsde I'Arr, de I'Ahnet, de I'Ahaggar et du Tassili-n-Ajjer.L'apparentement de ces æuvres d'art rupestre avec cellesrelevées dans I'Adrar des lforas, ne fait guère de doute.Les stations sur lesquelles sont présentes ces gravures et,ces peintures délimitent une aire géographique qui recouwele domaine touareg actuel, exception faite de sa partieméridionale (fig. 10). Cette donnée, au même titre quecelles qui précèdent, prouve que les auteurs des gravureset des peintures de la phase finale de I'art rupestre saharienet sud-saharien, étaient les ancêtres de groupes touaregsactuels.

l^a phase finale se caractérise d'abord par les rois pointsénoncés plus haut, mais aussi et de manière plus fine, pard'autres caractères particuliers. Sa naissance dans I'Adrardes Iforas marque I'abandon de la lance à large zumature etde vêæments peu couvrants et non décorés pour le port deplusieurs javelots et de vêtements bien couvrants, souventremplis de motifs géométriques. L€s contours des têtes desporteurs de javelots sont relativement uniformes alors queceux des têtes des porteurs de lance de la phase précédenteétaient très variés (Dupuy 1991, p. 106-123 & p. 196-198).I a forme ronde dès lors est prédominante. Enfin, des sil-houettes de femmes vêtues d'habits bien couvrants sont,gravées, à certains endroits, aux côtés de celles de porteursde javelots dans les mêmes dimensions imposantes et selonles mêmes attitudes stéréotypeÆs (fig. 8). Ces compositionsne sont pas pour surprendre quand on sait le rôle importanttenu par les femmes dans la société touarègue (Claudot-Hawad 1989).

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PnÉmvrorRg ET ArnnoporJocrE MÉorrennexÊeNNEs 1992

C. DUPUY Trois mille ans dtristofue pastorale au sud du Satrara

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Tableau I - Alphabet tifinagh des Touarcgs de I'Adrar des Iforas ct signes alphabétiques gravés dans I'Adrar des lforas, disposés dans lc sens d'uneécriture venicele orientée de bas en haut.

N'l à I I : signes <invariants> ; signes ayant même graphie et même valeur phonique sur tout I'espa.ce touareg (selon M. Aghali Zakara et J. Drouinr973-1979,p.253).

N'12 à æ : signes <variants> d'une région de I'espace touareg à une autre 3 signes ayant m&ne graphie mais des valeurs phoniques différcntes selon lesrÉgiurs (sdan M. Aghali Zakara et J. Drouin 1973-1979,p.253-255).

(l) - Ccue lisæ de signes est établie sur recoupement des alphabets que m'ont transmis trois Touarags de I'Adrar des Iforas ayantrravaillé indépcndamment les uns des autrcs : Eghleze ag Foni (hofesseur dhisoirc et de géographie au Lycée de Gao), Dona agAratam (Guide) et Swellourn @esponsable de I'artisanat de Tessalit). H. Claudot avait abouti à la mâne lisæ en 1985.@) - D'après M. Aghali Zakarr a J. Drouin (1973-1979,p.253-255).

Les gravures de la phase finale de I'Adrar des lforastémoignent donc non seulement de la naissance de préoc-cupations et de pratiques pastorales nouvelles mais ausside manières nouvelles de s'armer, de s'habiller et de separer et simultanément d'une organisation sociale nou-velle. Ce sont tà autant d'innovations et de changementsprofonds apparaissant de manière synchronique qui sous-tendent la mise en place d'un nouveau peuplement auSahara et au sud du Sahara. Se pose alors la question du

kÉilsrone m A rmrnopor-oseMÊorrnneNÊeirNss 1992

berceau d'origrne des auteurs de cet art nouveau, ancêtresde certains groupes touaregs actuels.

ORIGINE NORD.AFRICAINE DES AUTEURS DE LAPHASE FINAIÆ

Parmi les données énoncées ci-dessus, trois retiennentI'attention au vu de donnees tirées de I'antiquité nord-afticaine : les inscriptions gravées, les représentations deporteurs de javelots et les compositions animalières.

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Trois mille ans dhistoirc pastorale au sud du Sahara C. DUPUY

s'empêcher de voir dans les compositions animalières de laphase finale montrant des chevaux et des dromadaires as-sociés à des animaux sauvages dans des scènes de chasseà courre, le reflet de cette dernière coutume berbère.

Une conclusion s'impose. L'usage de l'écriture, le ponde plusieurs javelots et, la chasse à courre sont trois tradi-ûons qui sont apparues en Afrique du Nord au cours dupremier millénaire avant notre ère et dont les Touaregsétaient encore tout dernièrement les gardiens, L'originenord-africaine de leur culture ne fait par conséquent guèrede doute. Il y a donc tout lieu de penser que le berceaud'origine de leurs ancêEes, auteurs des plus anciennesgravures et peintures de la phase finale de I'art rupesresaharien et sud-saharien, était nord-afticain. Reste alors àdéterminer l'époque à laquelle ils le quittèrent pour s'ins-taller au Sahara puis au sud du Sahara et y imposer simul-unément leurs manières de vivre.

MISE EN PI-4,C8 D'UNE ARISTOCRATIE BERBÊ:NNAT] SUD DU SAHARA AUX ALENTOUftS DU Vn SIÎi.CLE DE NOTRN ÈNN

Une formule initiale répétitive, composee des troisgraphèmes I O : , est frfuuemment gravée au sud du Saharaaux côtés de dromadaires qui parfois sont montés et dechevaux à silhouette lewettée. Cetæ formule est aussi gra-

- Adrar des Iforas : I - Calegari 1989,2 - Dupuy 1991,3 - Dupuy 1988a.

- Aïr: 4 - Dupuy 1987 & 1988b,5 - Lhore1972,1979 &. 1987,6 - Roset 1971.- Tassili-ouan-Ahaggar : 7 - Soleilhavoup 1989.- Blaka : 8 - Dupuy inédits.- Tassili-n-Ajjer : 9 - Grasiozi 1942,10 - Kunz 1977 &. L979.

- Ahaggar: 11 - Camps-Fabrer 1963, 12 - Hugot1974 et Lhote 1953.- Tefedest: 13 - Blanguemon 1955, Chasseloup-hubat 1938 etMaître 197L.- Ahnet : 14 - Monod 1932 et Soleilhavoup 1990.

+ + + + : Iimite du domaine touareg.

I-e tableau II montre que les tifinagh anciens gravésdans I'Adrar des Iforas tout comme d'ailleurs ceux gravésdans I'Aïr sont étroitement apparentés, sur le planscriptuaire, aux alphabets libyques qui se sont formés enAfrique du Nord dans le courant du premier millénaireavant notre ère (Camps 1977).

I-e port de plusieurs javelots est mentionné chez lesNord-Afticains depuis Polybe -fin du IIIe siècle av. J.-C.-jusqu'à Corripus -milieu du VIe siecle ap. J.-C. (Gsell1928,p.49). La stèle d'Abizar (Grande Kabylie) illusre enquelque sorte les textes les plus anciens puisque cette stèlemontre un cavalier armé de trois javelots et d'un bouclierrond à ombron central, chassant, semble-t-il, une autruche.La figuration du bouclier rond à ombron central est attesteeen Numidie au IIe siècle avant J.-C. @ertrandy 1986,p. 61). L'armement typiquement berbère du cavalier con-duit G. Camps (1980, p. 230) à dater cette stèle d'avantl'époque romaine, soit d'avant le IIe siècle av. J.-C. I,e,thème de la chasse à courre à I'autruche que semble avoirvoulu représenter I'artiste, sera encore figuré en Numidieau Ve siècle de nore ère (murs du Djeddar A : in DieNumider, p. 274, fig. 155). A cette même époque, eDCyÉnareue, Synésios, lui-même, participait, pour le plai-sir, aux chasses à I'autruche du haut de sa monture ; acti-vité qui était très prisee par I'aristocratie cyrénéenne dumoment (Roques 1987, p. 149 et 414). On ne peut alors

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Trois mille ans dhistoire pastorale au sud du Satrara

vée sur un bloc du tombeau d'Abalessa (Ahaggar). Lesinscriptions auxquelles elle est associée, sont en partieinterrompues. Elles le furent lors du débitage du bloc avantsa mise en place dans le monument funéraire. La réalisa-tion des inscriptions est donc antérieure à la constructiondu monument que G. Camps (1974, p. 506) date du IVesiècle de notre ère grâce au mobilier funéraire et à unedatation radiocarbone d'un morceau de bois du lit sur le-quel reposait le corps de la défunte. L'usage de laformule I o i dans I'Ahaggar est par conséquent antérieurau IVe siècle, de peu cependant, me semble-t-il, pour lesraisons qui suivent.

Une lampe d'origine romaine faisait partie du mobilierfunéraire du tombeau d'Abalessa. Plus important encore,G. Camps (1974) voit dans le plan du monument laconvergence de deux styles rès camctéristiques de I'archi-tecture funéraire berbère : le plan du tombeau est à la foisle monument à chapelle ou à clwmbres cotltrne ceux duTaftlalet et dc Mauitanie, et unmonuncnt à déambulatoirecomplexe comtnte certains Djedars de la région de Tiaret(p. 513). Mobilier et architecture funéraire témoignent doncau fVe siècle de relations énoites entre le Sahara central etle Maghreb. Dans ce context€ les stèles peintes et gravéesqui ont été découvertes dans des hrmulus à chapelle de laregion de DjorfTorba deviennent du plus haut intérêtpourmes propos. L'encadrement geométrique de certaines deces stèles a conduit G. Camps (1984, p. 565) à les consi-dérer comme contemporaines des dernien siècles de I'oc-cupation romaine. Ces stèles, par conséquent, datent sensi-blement de la même époque que le tombeau d'Abalessa.Certaines montrent des personnages de face, bras à demi-tendus (Camps 1984 & 1986). Des écritures disposéesverticalement et composées de signes qui furent gravés etpeints au Sahara et au sud du Sahara apparaissent au niveaudes têtes de sujets qui porænt des vêtements bien couvrants.Deux sont armés de trois javelots : un javelot étant tenudans la main droite, les deux autres en réserve dans la maingauche. Ces guerriers sont représentés aux côtés de fem-mes vênres de robes longues. Sur d'auEes stèles furentpeints et gravés des chevaux à silhouette levrettée@sperandieu 1953). Ce sont là autânt de conventions et dethèmes qui touchent des gravures et des peintures du Saharacental et méridional, lesquelles délimitent, rappelons-le, lamajeure partie du domaine touareg actuel (fig. 10). Com-ment ces conventions figuratives que rien n'annonçait auSahara ni au sud du Sahara pwent s'étendre à un ærritoireaussi vaste si ce n'est par la migration vers le sud deBerbères qui, javelots en main et du haut de leurs montu-res, se rendirent maîFes de territoires dont ils gravèrent etpeignirent des rochers à une époque où d'autres gravaientetpeignaient, selon les mêmes canons, des stèles funérairesà Djorf Torba ?

Au Ve siècle de noEe ère, les auteurs anciens font étatde l'effervescence de nomades chameliers sur le flanc sud-est de I'Afrique romaine (Camps 1980, p. l2tt-125) et dlmouvement de différenæs tribus sur la frange méridionaledu Maghreb (Roques 1987, p. 273). Nous ne disposons

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C. DUPUY

d'aucun témoignage sur le mouvement de tribus en direc-tion du sud ; mouvement qui, il est vrai, n'affectait pas lastabilité de I'Empire. Malgré le silence des textes à cesujet, plusieurs facteurs déterminants ne pouvaient que I'yencourager.

D'abord, la supériorité militaire des tribus nomades del'Afrique du Nord face à des populations sahariennes etsud-sahariennes qui, certes, connaissaient le cheval, maisqui ne semblaient pas l'élever et le dresser pour le combat.Aucun cheval gravé dans I'Adrar des Iforas au cours de lapremière phase de gravure stylisee n'est en effet représentémonté. I-es cinq individus que j'arrelevés, sont représentésdans des attitudes figees à la manière des bovins, autru-ches, girafes et autres animaux datables de la même épo-que. Rien n'indique donc que le cheval ait été utilisé dansI'Adrar des lforas et d'une manière plus générale au sud duSahara, pour le combat ou pour la chasse à courre, avantque les ancêres des Touaregs à l'origine de la phase finalene s'en fassent les spécialisæs. Cette remarque me paraîtaussi s'appliquer au Sahara central. I-es chevaux dont lessilhouettes furent peintes en plafond d'abris sous-rocheaux côtés de chars, participent à de paisibles scènes de viedomestique. Rien n'indique donc que la population pastoraledu Sahara central qui les élevait ait étÉ, un peuple guerrieret conquérant comme le seront les aristocrates berbères,cavaliers et méharistes qui leurs succMeront.La techniquedu lancé de javelots du haut des montures donnait à cesderniers la possibilité de mener en tout lieu des attaquesrapides que craignaient en l'occurrence les Romains quifirent construire le système défensif du limes dès les II-IIIesiècles, certainement pour pallier en partie à ceffe menace.

L'existence au Sahara central et méridional de pâtura-ges de qualité nutritive au moins aussi bonne que ceux quise développaient au sud du Tell pourrait aussi avoir été lesecond facteur à encourager le mouvement de tribus berbèresvers le sud. L'appropriation et la gestion des pâturagesjouaient certainement un rôle important dans la dynamiquerésidentielle de ces tribus, d'autant que, comme le signaleCorripusn ces Berbères nomades adoraient un dieu repré-senté par un taureau nommé <Gurzil> (Camps 1980, p. I?-6).Ce témoignage suggère que les bovins jouaient, dans l'éco-nomie de ces nomades, un rôle tout aussi important quicelui tenu par les chevaux et les dromadaires qui assuraientleur suprématie en régions semi-désertiques. I-es exigencesen eau et en nourriture des bovins et des chevaux devaientles amener à se déplacer selon les saisons sur des espacesplus ou moins grands vers le nord, mais aussi, très proba-blement, parfois vers le sud.

Car, oure la présence de pâturages de bonne qualité,cet appel vers le sud était encouragé par I'existence surplace d'artisans fort compétents dont cavaliers et méharistesberbères avaient besoin pour asseoir leur autorité et I'ins-crire dans la duree. Comme indiqué plus haut, la métallur-gie était connue au sud du Sahara depuis près de deuxmillénaires. Aussi, la maîtrise des forgerons à produire desarmes et autres objets en métal sous ces latitudes devaitêre grande. Des centres urbains d'autre part y étaient sû-

PnÉnrsrorRE ET ArnrnoporrcrE MÉorrrnnqNÉENNes 1992

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rement développés. Les travaux de S.K. Mc Intosh et RJ.Mc Intosh (1980) révèlent, rappelons-le, la présenced'agglomérations dans la panie méridionale du delta inté-rieur du Niger dès les premiers siècles de notre ère. Destextiles en coton et en laine y étaient peut-êEe déjà fabri-qués. R.M.A. Bedaux et R. Bolland (1980) ont en effetrecueilli le long de la falaise de Bandiagara (parrie cenralede la république du lvlali), dans des grottes utilisees dès leXIe siècle comme cimetières par lesTellem, des textiles encoton et en laine impressionnants par leur qualité et parleur variété. L€s auteurs en concluent que la relationsupposée entre l'introduction du tissage et I' islam ne pa-raît pas tellement plausible, compte tenu du fait que lestextiles étaient devenus d'un usage très courant chez lespopulations animistes dès le XIe siècle (p. 14).D'un autrecôté, des considérations techniques sur les métiers à tsserd'Afrique occidentale conduisent R. Boser-Sarivæcévanis(1975) à supposer qu'au moins un métier à tisser haute-m.ent archai4ue avait dû exister dans le Sahara au cours deIa période rupestre bovidienne..., métier d.ont auraienthérité <un complexe préberbère, iln complexc nègre et uncomplexe prépeul>. En se rendant maîne de régions sud-sahariennes et simultanément protecteurs de groupes d'ar-tisans qui s'y trouvaient, lesquels satisfaisant à leurs be-soins matériels, les Berbères nouveaux venus pouvaientviwe des jours paisibles, se prêter, par exemple, à I'un deleur exercice préféré, la chasse à coure, ou encore à leurtradition de gravure rupestre à proximité de puits autourdesquels s'organisait, peut-être non sans rivalités, une ges-tion nouvelle des espaces pâturés qu'imposait l'avancee dudésert

Dans I'Adrar des lforas, comme dans I'Aïr, des che-vaux montés à cru et non guidés sont gravés aux côtésd'individus montés de la même manière mais guidés, Deschevaux étaient donc conduits sans bride, ni mors p)au suddu Sahara alors que d'autres à la même époque étaientguidés. Les traits qui vont de la main des cavaliers à labouche des chevaux font penser à I'utilisation d'un mors(fig. 11). Il est en effet difficile d'y voir les représentationsde colliers freins (les colliers auraient entouré le cou desanimaux) ou de baguettes Qes baguettes auraient été pla-cées entre leurs oreilles), et encore moins celles de colliers

Trois mille ans dhistoire pastorale au sud du Sahara

carcans tels que ceux que J. Spruytte (1986b) a expérimen-tés à panir de peintures rupestres de I'Ennedi. Cet auteura récemmenl avancé l'hpothèse d'un mors qui aurait étÉ,inventé en Afrique du Nord entre les Ve et VIe siècles denore ère : le mors à la genette (1988, p. I 16). Les argu-ments sont convaincants. Aussi, ce mors pounait être celuireprésenté sur certains chevaux. Cette hypothèse paraîtd'autant plus waisemblable que la limiæ inférieure ducadre chronologique auquel j'arrive pour les gravures de laphase finale s'accorde bien avec I'hypothèse de daæ avan-cée par J. Spruytte : les plus anciennes gravures de chevauxà silhouette lewettée du Satrara méridional qui son[ son-temporaines de celles des dromadaires montés étant datablesdes alentours du Ve siècle d., notre ère. Elles ne peuvent,en effet, êEe guère plus anciennes puisque ce n'est qu'àpartir des IV-Ve siecles de notre ère que le dromadaire estdressé pour la méharée en Aftique du Nord et guère plusrécentes compte tenu du scénario migratoire avancé plushaut, mais aussi des témoignages d'Ibn Hawqal, écrivainarabe du Xe siècle.

Ibn Hawqal consacre dans son ouvrage, le Kitab SuratalArd, ûout un passage aux BaniTanamalc, rois de Tademekka(ville médiévale de I'Adrar des Ifonas appelee aussi Essouk)aux noms berbères et à la peau blanche auxquels plus de26tribus sont rattachees (Hamani 1989, p. 75). I-e chiffreéloquent de 26 suppose une histoire berbère déjà longuedans I'Adrar des Iforas à l'époque où Ibn Hawqal rédigeson ouwage. Les données de I'art rupestre confrontées àcelles tirees de I'archéologie nord-africaine et de laprotohistoire saharienne m'on[ fait situer I'origine de cettehisoire aux alentoun du Ve siecle de notre ère ; ce qui,somme toute, s'accorde bien avec les écrits d'Ibn Hawqalrelatifs au peuplement berbère sud-saharien de la fin dupremier millénaire. Signalons au passge que deux autresauteurs arabes ont relaté la présence de tribus berbères ausud du Satrara avant le début du IIe millénaire :

- Al Ya'qubi qui, au IXe siècle, parle de royaumes berbèresà proximité de Gao (Hamani 1989, p. 64),

- Ibn Khaldun qui, de manière indirecte, nous apprend quedes Lamtas, Berbères chameliers issus du massif deI'Ahaggff, avaient touché, la boucle du Niger dès les pre-mières decennies du VIIIe siecle (Cuoq 1984, p. 16).

UNE TRADITION D' ART RUPESTRE TOUJOUftS ENVIGT]EUR AA XIN SIÈ,CLE

Ibn Hawqal signale en 983, entre Awdaghust etSidjilmasa, la présence de Berbères qui se voilent le visage(Cuoq 1975, p. 75). I-€s écrivains de I'Antiquité ne signa-lèrent jamais le pon du voile. Corripus nous apprend queles populations berbères, au VIe siècle de notre ère, secoiffent la tête de plumes d'autruches (Roques 1987, p. 414).Al Bakri écrit en 1068 que toutes les tribus sahariennesportent le voile (Cuoq 1975, p. 94). Il semblerait donc quele port du voile ou tiggelruLel $) (désignation du voile detête en tamasheq) se soit généralisé au Sahara au XIesiècle. Les représentations gravées de porteurs de javelotsI t - Rryrésentations de drevaux guidés suggérant I'utilisation d'un mors.

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Trois mille ans dhistoire pastorale au sud du Sahara

non voilés qui sont majoritaires au sud du Sahara pour-raient donc dater, autant que I'on puisse se fier à I'inforrna-tion d'Al Balri, d'avant le XIe siècle et celles de person-nages voilés en êne contemporaines ou postérieures.

Des selles à pommeau et Eoussequin sont repÉsentéessur le dos de chevaux gravés dans I'Adrar des Iforas(fig. L2). Ce type de harnachement fut introduit en Afriquedu Nord par les Arabes au WIe siècle de notre ère, lors deleurs premières conquêtes. Tout le problème est de déær-miner l'époque à panir de laquelle les aristocrates touaregsqui vivaient dans I'Adrar des Iforas adoptèrent cette piecede harnachement et consécutivement la représentèrent surles rochers.

C. DUPUY

troussequin qu'ils se procuraient d'une manière ou d'uneautre auprès des caravanes qui traversaient leur ærritoire ;ce que ne purent faire leurs voisins orientaux, faute d'avoirvecu à cette époque à proximité d'un axe caravanier fré-quenté par les commerçants arabes.

IA FIN D'UNE TRADITION D'ART RUPESTRE

I-es Touaregs aujourd'hui ne gravent ni ne peignent lesrochers de leurs territoires si ce n'est parfois pour y inscrirequelques messages en tifinagh à I'attention d'un præhe.L'islamisation progressive des membres de cene sociétÉ,lanaissance des nouveaux mythes et la transformation deslégendes anté-islamiques qri ont accompagné cette con-version les ont conduits à abandonner leur tradition d'artrupesre dans le courant du IIe millénaire. I.Jne légende,vivace et populaire dans I'Adrar des lforas, rapportequ'Amamellen(\, héros mythique et, fondateur de la culturetouarègue, aurait realisé avec son sexe les gravures dumassif. Les Touaregs rient à l'évocation de cette légendequi, le moins que I'on puisse dire, n'encourage pas I'actionde graver les rochers. Qui avait intérêt à inventer puis àentretenir une telle légende ?

il est fait mention, au We siècle de notre ère, de laprésence d'une tribu du nom d'Ifuraces dans le sud-tuni-sien. Comme I'indique G. Camps (1988, p. 58) cette tribuest celle qui probablement donna son nom à I'Adrar malien.Au XIe siècle, Ibn Hawqal ne cite pas la tribu lfuracesdans la liste des tribus qui évoluent autour de Tademekka.On peut donc supposer que son arrivfu dans I'Adrar malienest postérieure à ceUe date, auquel cas ses membres pou-vaient être islamisés lorsqu'ils dominèrent ceux des tribusberbères qui étaient alors installées dans la région. LesIfuraces imposèrent-ils alors leur version de I'histoire auxtribus devenues vassales par la voix de leurs forgeronscomme le font aujourd'hui, par exemple, les Touaregs KelGress d'origine noble vivant dans I'Ader (Bonte & Echard1976) ? Si islamisés ils étaienttto), il était de leur intérêt derendre populaire la légende d'Amamellenpour que cesse etque ne renaisse I'hérésie locale qui voulait que l'on ox-prime par la gravure et, de la même manière, par la pein-nre, en un acte figuratif, ceruaines de ses préoccupations.

Ce n'est là bien entendu qu'une hypothèse. Aussi fra-gile soit-elle, son intérêt est de montrer combien il estdifficile d'identifier parrni les tribus touarègues actuellescelles dont les ancêtres gravèrent et peignirent les rochersdu Sahara. L'histoire des Touaregs s'est faite de domina-tions, de conquêtes, d'alliances et de mésalliances qui sesont très probablement exercées au Sahara et au sud duSahara des le Ve siècle de notre ère. La structure hiérarchi-sée de leur société rend compte de la complexité de cetæhistoire, une histoire dont les classes dominantes ilrangentle savoir pour mieux asseoir leur autorité. L'art rupestresaharien et sud-saharien au vu des données tirées de I'an-tiquité de I'Afrique du Nord puis des textes arabes nous apermis de retracer les grandes lignes d'une histoire, cellede la mise en place d'une aristocratie berbère au Sahara et

12 - ChevarDr harnachés de selles à punmeau et, troussequin.

En 1342-l349,Ibn Fadh Allah el Omari écrit à proposdes gens du Mali, royaume qui à cetre époque s'étend à laBoucle du Niger et englobe la ville de Gao : ... les hommesde ce royaume montent avec des selles arabes et, dans Iaplupart de leurs allures, ils semblent être des nôtres...(I-hote 1953, p. L203).Ia selle à pommeau et troussequinétait donc employæ, au XIVe siècle au sud du Sahara. Sonadoption sous cette latitude remonæ probablement au XIesiècle car à la fin du XIe siècle, Gao est dirigée par ladynastie des Za. La ville s'islamise et entre dès cette épo-que dans un jeu de relations suivies avec I'Andalousie viale Maroc (Cuoq 1984, p. 137). L,e, commerce nord-suds'effectue alors pour I'essentiel sur I'a:çe caravanier Ouargla-Tademekka-Gao (Devisse 1972, p. 51 &, Moares Farias1990, p. 76-79). Les aristocrates berbères vivant dansI'Adrar des Iforas eurent donc à n'en pas douær maintesfois I'occasion de voir le mode de harnachement arabe.L'adoptèrent-ils et le représentèrent-ils à cette époque,precisément au moment où le port du voile se gén&alisait ?Je le pense pour les raisons qui suivent.

Dans l'Adrar des lforas, des silhouettes de guerriersparés du tiggelmust sont gravees aux côtés de celles dechevaux harnachés de selles arabes. Dans I'Aiï, les person-nages, porteurs du tiggelmust, sont aussi représentés auxcôtés de chevaux, lesquels, à ma connaissance, ne sont, parcontre, jamais sellés. Comme il I'est dit plus haut, au XIesiècle, le commerce nord-sud passait essentiellement parI'Adrar des Iforas et non par I'Aïr. On peut donc supposerque les aristocrates berbères voilés de ces régions, parcequ'ils s'exprimaient au début du second millénaire, repré-sentèrent dans I'Adrar des lforas les selles à pommeau et

r22 PnÊryrorRg Er ArrnnoxlrJocrE MÊorrennrxÊsxNEs 1992,

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au sud du Satrara qui, dès le Ve siècle de notre ère jusqu'au

moins au XIe siècle, grava et parfois peignit les rochers deterritoires dont elle s'était rendu maître, des tenitoires dontles Touaregs ont hérité par filiation : puisse la paix enfinrégner sur ces territoires.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

(1) - La démonsnation détaillée de I'existence de ces deux phases d'artrupestre stylisé, appelées respectivement phase moyenne (ou phasestylisée I) et phase finale (ou phase stylisée II), est faite dans C. Dupuy 1991 G,.76-125). Aussi, je n'y reviendrai pas dans cet article.

(2) - Cesphoographies finentprésentées enmai l99i àStMartind'Ardèche àl'occasion de lapremière réunion de I'Association des Amisde l'Art Rupesre Saharien (AARS).

(3) - Les peinues qui appartenaient à ces populations représentaient des scènes de vie domestique d'une population pasorale qui élevaitdesbovins, des chèvresetdesmoutons etquipossédaitdes chars etdes chevaux. Lafidélitédes transcriptionsesttellequeJ. Spruytte (1986ap.29-55), après avoirconstruitàl'échelle 1 des chars d'après des représentationspeintes duTassili-n-Ajjea apu démontrerl'existenced'urmode d'attelage à <barre de traction> original au Sahara central et son efficacié pour le &essage des chevaux.

(4) - Pour plus de détails, on se reportera aux ouwages suivants: Maley 1981; Petit-Maire, Riser & al. 1983; Servant 1973.

(5) - Sereponer àlaphotodebeufàrobepeinæpriseparM. Raimbaultencettecirconstanceetprésentéedansmonmémoiredethèse @upuy1991, p.205).

(6) - La réalisation des irscriptions est contemporaine de celle des gravures de persotmages et d'animaux auxquelles elles sont associées,les preuves étant que maintes gravures et inscriptions réunies sur des parois communes présenænt les mêmes trais et les mêmes patines.

(7) - I-a monte sans bride ni mon est d'origine nord-africaine comme I'est, rappelons-le, I'usage de l'écriture, le port de plusieurs javelotsetlachasse à courre. Cene technique de monte est citee àplusianrsreprises dans les textes antiques, depuis Polybe - fin duIIIe sièæle av.J.-C. - jusqu'à Claudien - fin du IVe sièrle ap.J.{. (Spruytte 1988, p. 115).

(8) - Iæs Touaregs qui aujowd'hui portent tous le voile se désignent entre eux sous le nom de Kel tiggelmust, autrement dit ceux qui portentlevoileet, d'unemanièreplus générale, sous le nomdeKelTarnasfteq, autrementditceuxquiparlentlalangueTamasheq. Entouterigueur,KelTanusheq devrait êne le nom à donner aux Touaregs; Touaregs étant la désignation en uabe des KelTanasheq,

(9) - On se reportera à la synthèse de M. Aghali Zakara et J. Drouin (1979) tout comme à celle de H. Claudot-Hawad (1986) pour mieuxapprécier la populrité et le rôle de ce personnage mythique au sein de la société touarègue.

(10)-E.AgFoni(1979)écritceciàproposdesKellforas: selonlataditionorale...versbXllesiècledercteère...arrivadansl'Adrar,unéminentmarabout d'originc"CMrifiennet.Ils'appelait MohamedElMocto Aitta.llpritf*wnepumi les habitants dupays les KeI-Tallabit; et cefut le départ de la dynastie des lfuras <Cherift, qui sera au sonunct du pouvoir traditionncl jwqu'à nos jours. (p. 53).

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