doc. la participation des citoyens

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 Doc. 1 - Droit pénal n° 10, Octobre 2011, étude 21 La participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale Etude par Géraldine MAUGAIN  Neuf mois se sont éco ulés entre l'intervention télévisée du président de la République déclarant vouloir « rapprocher le peuple des magistrats » et l'adoption de la loi n° 2011- 939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. La procédure législative accélérée, décidée par le Gouvernement, a duré moins de quatre mois. Elle s'est achevée par une décision du Conseil constitutionnel, en date du 4 août 2011, qui n'a censuré que quatre des cinquante-quatre articles du texte et exprimé une réserve. De prime abord, cette réforme apparaît donc comme une évidence. Pourtant, on peut en douter. La loi tente de combiner des objectifs ambitieux mais parfois contradictoires comme une plus grande implication des citoyens dans la justice pénale et une professionnalisation de cette dernière. Il en résulte une  participation toute relative, et une gara ntie des droits des justiciables déceva nte. L. n° 2011-939, 10 août 2011 : Journal Officiel 11 Aout 2011 1. - Genèse. - C'est dans un contexte un peu particulier que le Gouvernement a annoncé, fin 2010, vouloir associer davantage les citoyens à la justice pénale. L'actualité était alors émaillée d'affaires impliquant des récidivistes et les Français s'insurgeaient de se voir si mal protégés. Un projet de loi a rapidement été déposé mais sa rédaction n'a pas dû être évidente. Aux souhaits du président de la République de « rapprocher le peuple des magistrats » s'est ajoutée une autre préoccupation, inévitable en raison de la crise de la justice. Il s'agit de la recherche d'une bonne administration de la justice  Note 1  qui allie bonne gestion de cette dernière  Note 2  et garantie des droits des justiciables. Or cette recherche s'inscrit dans une logique différente de celle conduisant à vouloir une  plus grande participation des cito yens au fonctionnement de la justice péna le. Ainsi, la bonne administration de la justice s'accommode mal de la présence des jurés dans les cours d'assises car cela nécessite la mise en place d'une procédure lourde, chronophage et coûteuse et qui, de surcroît, aboutirait à des décisions imprévisibles  Note 3 . La bonne administration de la justice prône donc la « reconquête par les magistrats de la maîtrise de leur espace  professionnel en matière de justic e criminelle »  Note 4 . Dès le début, le projet de loi déposé le 13 avril 2011 était donc porteur d'une aporie. D'un côté, il multipliait les cas de participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale. De l'autre, il favorisait la  professionnalisa tion de cette dernière. Les modifications apportées tout au lon g du processus législatif n'ont pu résoudre cette difficulté et l'ambitieuse réforme (1) se révèle décevante (2). 1. Une réforme ambitieuse 2. - La loi du 10 août 2011  Note 5  contient un certain nombre de dispositions qui, dans leur principe, ne peuvent être qu'approuvées. Certaines recherchent une plus grande implication des citoyens dans une justice qu'ils connaissent mal (A) et d'autres, une meilleure garantie des droits des justiciables dans le procès pénal (B). A. - La volonté d'une plus grande implication des citoyens 3. - Controverse. - Une nouvelle implication des citoyens dans la justice pénale a pu être motivée par des raisons discutables. En effet, à cause du mécontentement ambiant qui régnait lors de son annonce, certains ont vu dans la réforme une marque de défiance vis-à-vis des magistrats  Note 6 . D'ailleurs, les motifs du projet de loi énoncent que la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale permet de mieux assurer « le respect du pacte républicain »  Note 7 . Ne serait-ce pas le cas lorsque la justice est rendue uniquement par des juges professionnels ? Laissant de côté cette controverse, il faut admettre qu'une plus grande participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale peut avoir des effets positifs. 4. - Implication citoyenne. - Tout d'abord, elle « assure que les décisions juridictionnelles ne sont pas déconnectées des évolutions de la société »  Note 8 en associant aux compétences des professionnels, l'expérience des justiciables. Ainsi, les citoyens sont présents depuis longtemps dans la formation du tribunal pour enfants et de la chambre de l'application des peines. Ils sont choisis en raison de l'intérêt qu'ils portent respectivement aux  problèmes liés à l'enfa nce ( COJ, art. L. 251-4, al. 2) et à la réinsertion des condamnés ou à l'aide aux victimes (CPP, art. 712-13, al. 2). La loi du 10 août 2011 s'inscrit dans cette logique en instituant les citoyens assesseurs. Ceux-ci vont intégrer le tribunal correctionnel, la chambre des appels correctionnels, le tribunal de l'application des peines et la chambre de l'application des peines de la cour d'appel ( CPP, art. 10-1 et s.  , réd. L. n° 2011 -93 9,  10 aoû t 2011). Pour officialiser cette nouvelle catégorie, la loi divise l'actuel titre préliminaire du Code de  procédure pénale en deux so us-titres, le premier reprenant les disposition s relatives à l'action publique et à l'action civile et le second s'intitulant « De la participation des citoyens au jugement des affaires pénales ». Ce sous-titre commence par l'article 10-1 qui énonce que les citoyens peuvent participer au fonctionnement de la  justice pénale, soit com me jurés, soit comme citoyens asses seurs. Cette dissociation n'est pa s due au mode de désignation, comme on aurait pu le penser. Les citoyens assesseurs ne sont ni élus, comme les assesseurs du

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Doc. 1 - Droit pénal n° 10, Octobre 2011, étude 21La participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénaleEtude par Géraldine MAUGAIN

 Neuf mois se sont écoulés entre l'intervention télévisée du président de la République déclarant vouloir « rapprocher le peuple des magistrats » et l'adoption de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation

des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. La procédure législativeaccélérée, décidée par le Gouvernement, a duré moins de quatre mois. Elle s'est achevée par une décision duConseil constitutionnel, en date du 4 août 2011, qui n'a censuré que quatre des cinquante-quatre articles du texteet exprimé une réserve. De prime abord, cette réforme apparaît donc comme une évidence. Pourtant, on peut endouter. La loi tente de combiner des objectifs ambitieux mais parfois contradictoires comme une plus grandeimplication des citoyens dans la justice pénale et une professionnalisation de cette dernière. Il en résulte une

 participation toute relative, et une garantie des droits des justiciables décevante.L. n° 2011-939, 10 août 2011 : Journal Officiel 11 Aout 20111. - Genèse. - C'est dans un contexte un peu particulier que le Gouvernement a annoncé, fin 2010, vouloir associer davantage les citoyens à la justice pénale. L'actualité était alors émaillée d'affaires impliquant desrécidivistes et les Français s'insurgeaient de se voir si mal protégés. Un projet de loi a rapidement été déposémais sa rédaction n'a pas dû être évidente. Aux souhaits du président de la République de « rapprocher le peupledes magistrats » s'est ajoutée une autre préoccupation, inévitable en raison de la crise de la justice. Il s'agit de la

recherche d'une bonne administration de la justice Note 1 qui allie bonne gestion de cette dernière Note 2 et garantie desdroits des justiciables. Or cette recherche s'inscrit dans une logique différente de celle conduisant à vouloir une

 plus grande participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale. Ainsi, la bonne administration dela justice s'accommode mal de la présence des jurés dans les cours d'assises car cela nécessite la mise en placed'une procédure lourde, chronophage et coûteuse et qui, de surcroît, aboutirait à des décisions imprévisibles Note 3. La bonne administration de la justice prône donc la « reconquête par les magistrats de la maîtrise de leur espace

 professionnel en matière de justice criminelle » Note 4.Dès le début, le projet de loi déposé le 13 avril 2011 était donc porteur d'une aporie. D'un côté, il multipliait lescas de participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale. De l'autre, il favorisait la

 professionnalisation de cette dernière. Les modifications apportées tout au long du processus législatif n'ont purésoudre cette difficulté et l'ambitieuse réforme (1) se révèle décevante (2).

1. Une réforme ambitieuse

2. - La loi du 10 août 2011 Note 5  contient un certain nombre de dispositions qui, dans leur principe, ne peuvent êtrequ'approuvées. Certaines recherchent une plus grande implication des citoyens dans une justice qu'ilsconnaissent mal (A) et d'autres, une meilleure garantie des droits des justiciables dans le procès pénal (B).

A. - La volonté d'une plus grande implication des citoyens

3. - Controverse. - Une nouvelle implication des citoyens dans la justice pénale a pu être motivée par des raisonsdiscutables. En effet, à cause du mécontentement ambiant qui régnait lors de son annonce, certains ont vu dans laréforme une marque de défiance vis-à-vis des magistrats Note 6. D'ailleurs, les motifs du projet de loi énoncent quela participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale permet de mieux assurer « le respect du pacterépublicain » Note 7. Ne serait-ce pas le cas lorsque la justice est rendue uniquement par des juges professionnels ?

Laissant de côté cette controverse, il faut admettre qu'une plus grande participation des citoyens aufonctionnement de la justice pénale peut avoir des effets positifs.4. - Implication citoyenne. - Tout d'abord, elle « assure que les décisions juridictionnelles ne sont pasdéconnectées des évolutions de la société » Note 8 en associant aux compétences des professionnels, l'expériencedes justiciables. Ainsi, les citoyens sont présents depuis longtemps dans la formation du tribunal pour enfants etde la chambre de l'application des peines. Ils sont choisis en raison de l'intérêt qu'ils portent respectivement aux

 problèmes liés à l'enfance (COJ, art. L. 251-4, al. 2) et à la réinsertion des condamnés ou à l'aide aux victimes(CPP, art. 712-13, al. 2). La loi du 10 août 2011 s'inscrit dans cette logique en instituant les citoyens assesseurs.Ceux-ci vont intégrer le tribunal correctionnel, la chambre des appels correctionnels, le tribunal de l'applicationdes peines et la chambre de l'application des peines de la cour d'appel (CPP, art. 10-1 et s. , réd. L. n° 2011-939, 10 août 2011). Pour officialiser cette nouvelle catégorie, la loi divise l'actuel titre préliminaire du Code de

 procédure pénale en deux sous-titres, le premier reprenant les dispositions relatives à l'action publique et àl'action civile et le second s'intitulant « De la participation des citoyens au jugement des affaires pénales ». Ce

sous-titre commence par l'article 10-1 qui énonce que les citoyens peuvent participer au fonctionnement de la justice pénale, soit comme jurés, soit comme citoyens assesseurs. Cette dissociation n'est pas due au mode dedésignation, comme on aurait pu le penser. Les citoyens assesseurs ne sont ni élus, comme les assesseurs du

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tribunal des baux ruraux (C. rur. pêche marit., art. L. 492-2), ni nommés, comme ceux du tribunal pour enfants(COJ, art. L. 251-4). Ils sont tirés au sort (CPP, art. 10-4, al. 1 nouveau). Ce mécanisme assure un processus dereprésentation non parasité par l'intervention d'un choix volontaire et évite l'accaparement de la fonction par unnombre limité de personnes car la participation au fonctionnement de la justice pénale est considérée comme undevoir. L'article 10-1 du Code de procédure pénale qui énonce que les citoyens peuvent être appelés comme

 jurés ou citoyens assesseurs, n'exprime pas plus une autorisation qu'il n'offre une faculté. Le verbe « pouvoir »

exprime la probabilité de devoir remplir cette charge et seul le tirage au sort permet de la faire peser équitablement sur chaque citoyen. Le choix du terme « assesseur » semble davantage résulter de la volonté defaire un parallèle entre ces citoyens et les magistrats professionnels qui siègent aux côtés des présidents dechambres ou du président de la cour d'assises (CPP, art. 248 à 253). Cette idée est confortée par un ensemble demesures qui veillent à l'impartialité, la moralité et l'aptitude des citoyens assesseurs : « recueil d'informations »destiné à la commission chargée d'établir les listes annuelles de jurés et de citoyens assesseurs (CPP, art. 10-4, al. 3, nouveau), possibilité pour cette commission d'auditionner les potentiels citoyens assesseurs (CPP, art. 10-5, al. 3, nouveau), système de récusation calqué sur celui des magistrats (CPP, art. 10-12 , nouveau).5. - Finalité pédagogique. - En outre, une plus grande participation des citoyens dans la justice pénale aura desvertus pédagogiques. En effet, le comportement des citoyens est pour le moins paradoxal. Ils traînent souvent les

 pieds lorsqu'ils sont convoqués en tant que jurés et ne s'y rendent qu'en raison de l'obligation qui pèse sur eux etde la menace de la sanction Note 9. Mais, ils n'hésitent pas à donner leur avis sur la justice rendue, à la condamner en raison de sa lenteur ou de son laxisme... Or, après avoir rempli leur devoir de jurés, les citoyens auraient une

opinion plus modérée du système judiciaire. Cette participation bousculerait leurs idées reçues. « Justicerassurante, inspirant confiance et respect, faisant honneur au pays, mais justice difficile à rendre, imparfaite

 parce qu'humaine, malgré les efforts déployés » Note 10, voilà quel serait le ressenti des jurés. La multiplication descas de participation des citoyens à la justice pénale Note 11 ne peut que favoriser une meilleure compréhension de la

 justice. C'est ainsi que cet acte « d'intégration », « de citoyenneté », « de prise de participation aux décisions les plus difficiles de la République » doit servir à « rapprocher le peuple des magistrats ». De plus, ce sentiment serarenforcé par la formation dispensée aux citoyens assesseurs quant au fonctionnement de la justice pénale et quantà leur rôle. Les modalités doivent être fixées par décret en Conseil d'État (CPP, art. 10-14, 1°, nouveau).

B. - La recherche d'une meilleure garantie des droits des justiciables

6. - Lutte contre la correctionnalisation. - La participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale estégalement l'occasion de mieux garantir les droits des justiciables, à commencer par ceux des victimes.

Initialement, un des grands objectifs du projet de loi était de remédier à la correctionnalisation judiciaire. Cettedernière consiste, pour le Parquet ou les juridictions d'instruction, à ne pas tenir compte de certains éléments Note 12

afin que ce qui constituerait normalement un crime relève du champ délictuel et soit jugé par un tribunalcorrectionnel. Le but est d'échapper à la procédure criminelle dont les délais sont particulièrement longs. Il fautenviron un an pour l'audiencement en raison de la composition spécifique de la cour d'assises, plus environ deuxans d'instruction Note 13. En outre, la procédure est particulièrement lourde car les jurés, ignorant tout ce qui a puêtre dit ou fait pendant la phase d'instruction, doivent être informés afin de pouvoir décider en fonction de leur intime conviction Note 14. Pour cela, le prévenu, la partie civile, les témoins et les experts s'expriment devant la cour d'assises et l'affaire est examinée jusqu'au jugement, sans suspensions autres que celles qui sont imposées par lesnécessités du repos des juges, de l'accusé et de la partie civile. Enfin, il est souvent reproché une certaineimprévisibilité des décisions d'assises en raison de la composition du jury et de sa sensibilité au réquisitoire duParquet ou à la plaidoirie de la défense. Le problème est que la correctionnalisation est contraire à la loi

 puisqu'elle aboutit à méconnaître la compétence matérielle des juridictions de jugement alors que les règles quila régissent sont d'ordre public. En outre, la partie civile se trouve confrontée à un déni partiel du crime dont ellea été victime et pour lequel l'auteur n'est pas expressément condamné. Pour remédier à cette pratique judiciaire,le projet du 13 avril 2011 prévoyait d'instaurer, pour connaître des crimes les moins graves, une formation de

 jugement identique à celle du tribunal correctionnel dans sa nouvelle formation citoyenne. Ainsi pour les crimes punis d'une peine maximale de quinze ou vingt ans de réclusion criminelle, et à l'exception des crimes commisen état de récidive légale, les neuf jurés de cour d'assises devaient être remplacés par deux citoyens assesseurs(CPP, art. 181-1, tel que prévu par le projet). La disqualification d'un crime en délit perdait alors en grande partiede son intérêt. Le texte définitif n'a pas retenu cette proposition.7. - Sévérité dans l'aménagement des peines. - En revanche, la loi fait preuve de plus de compassion à l'égard desvictimes au moment de l'éventuel aménagement des peines. C'est en tout cas comme cela que peuvent êtreinterprétées les dispositions instituant, dans certains cas, deux citoyens assesseurs auprès des juridictions del'application des peines (CPP, art. 712-3, 720-4-1 et 730-1 , nouveaux). L'idée est la suivante : puisque les peines

de détention sont prononcées « au nom du peuple français » – et demain peut être davantage « par le peuplefrançais » – le choix de libérer la personne reconnue coupable avant qu'elle n'ait purgé l'intégralité de sa peinedoit aussi être le fait du peuple lui-même Note 15. Nul doute que l'on cherche à « tabler sur l'hostilité prêtée au

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 public à l'égard des mesures de liberté conditionnelle des condamnés à de longues peines pour réduire le nombrede celles-ci » Note 16. Cette sévérité conforterait alors les condamnations et témoignerait d'une certaine empathievis-à-vis des victimes.8. - Motivation des décisions de cours d'assises. - Quant à la nouvelle exigence d'une motivation des décisionsdes cours d'assises, elle doit être perçue comme un progrès pour toutes les parties. La motivation est vertueusecar elle force le juge à prendre conscience de la valeur de son opinion, elle procure au plaideur une justification

de la décision, elle permet le contrôle du travail du juge et la constitution d'une jurisprudence. C'est pourquoi laloi des 16 et 24 août 1790 a fait de la motivation une obligation Note 17, sur laquelle veille la Cour européenne desdroits de l'homme Note 18. Il existe toutefois des exceptions. C'était le cas jusqu'à présent pour les décisions de coursd'assises et ce, en raison de la nature singulière et du caractère souverain, au sens politique, de ces coursconstituées par les représentants du peuple Note 19. En outre, en présence de douze personnes dont neuf ne sont pasdes juristes, la motivation est possible mais plus compliquée. Pour la Cour de cassation, la garantie d'autrescomposantes du procès équitable supplée le défaut de motivation Note 20. La Cour européenne fait également

 preuve de pragmatisme Note 21. Enfin, le Conseil constitutionnel estime également que l'obligation de motiver n'a pas un caractère général et absolu : « à la condition que soient instituées par la loi des garanties propres à exclurel'arbitraire » Note 22. Ces arguments n'ont cependant pas pleinement convaincu les rédacteurs de la loi du 10 août2011. Celle-ci prévoit qu'en cas de condamnation par une cour d'assises, « le président ou l'un des magistratsassesseurs par lui désigné rédige la motivation de l'arrêt » (CPP, art. 365-1, nouveau). Deux modificationsnotables ont été apportées au projet initial par le Sénat. La motivation n'est pas limitée aux seules

condamnations. Quant à la feuille de motivation, elle doit être signée par le président et le premier juré, afin degarantir le contrôle du jury sur la motivation retenue par le magistrat. La loi a également retenu une modificationde l'Assemblée nationale. Lorsque la complexité de l'affaire ne permet pas la rédaction immédiate de la feuille demotivation, elle peut être rédigée dans les trois jours suivant le prononcé de la décision (CPP, art. 365-1, al. 4,nouveau), comme cela est actuellement le cas pour les jugements correctionnels (CPP, art. 486).

2. Une réforme décevante

9. - La poursuite d'objectifs antagonistes ne pouvait qu'aboutir à un résultat décevant. La nouvelle participationdes citoyens au fonctionnement de la justice pénale est toute relative (A) tout comme la garantie des droits des

 justiciables (B).

A. - Une participation des citoyens plus symbolique qu'effective

10. - Domaines limités. - La participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale risque d'êtresymbolique, tout d'abord, parce qu'en matière délictuelle, leur intervention est limitée à certains domaines. Sur ce

 point, la discussion a été vive. Le projet prévoyait de confier aux tribunaux correctionnels composés de troismagistrats et de deux citoyens assesseurs, certains délits graves d'atteintes aux personnes (CPP, art. 399-2 , telque prévu par le projet). La matière correctionnelle étant très importante, on comprend aisément quel'instauration d'un dispositif aussi lourd que celui prévu pour les tribunaux correctionnels dans leur formationcitoyenne ne puisse être générale Note 23. Mais le choix opéré par le projet résonnait comme un double aveu defaiblesse. Tout d'abord, « juger est un métier, requérant des connaissances et une expérience particulière, difficileà acquérir et à exercer » Note 24 et qui conduit à écarter, de ce fait, un certain nombre d'infractions. Ensuite, on ne

 pouvait s'empêcher de penser que le critère choisi par le projet était celui de l'émotion suscitée en raison del'actualité judiciaire. C'est pour cela que le Sénat a amendé cet article. Partant du constat qu'un grand nombre dedélits portant atteinte aux personnes échappaient à la nouvelle formation du tribunal correctionnel, ce qui ne

 pouvait contribuer à rapprocher les citoyens de l'oeuvre de la justice, il a proposé de lui confier l'ensemble desatteintes à la personne humaine passibles d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinqans. Cet amendement a été adopté et n'a plus été remis en cause, par la suite, lors des débats parlementaires. Cen'est pas le cas de l'usurpation d'identité et des infractions prévues par le Code de l'environnement, passiblesd'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans. Le Sénat souhaitait les inscrireégalement dans le domaine de compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne. L'Assembléenationale y était opposée car les délits prévus par le Code de l'environnement sont parfois très complexes etnécessitent, à ce titre, des semaines voire des mois d'audiences alors que la présence de citoyens assesseurs estlimitée, par principe, à dix jours par an (CPP, art. 10-10 , nouveau). Toutefois, la Commission mixte paritaire lesmaintient dans le champ de compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne. De l'aveu mêmede M. Lecerf, rapporteur pour le Sénat, ce choix devait servir à lever l'objection d'un risque d'une « justice declasse ». Le Conseil constitutionnel supprime l'artifice au motif que lesdites infractions prévues par le Code de

l'environnement – mais également l'usurpation d'identité prévue à l'article 434-23 du Code pénal – « sont denature telle que leur examen nécessite des compétences juridiques spéciales qui font obstacle à ce que des personnes tirées au sort y participent » Note 25. Est-ce à dire que les atteintes à la personne humaine passibles d'une

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 peine d'emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans ne nécessitent pas de compétences juridiques spéciales ?On ne peut alors s'empêcher de penser aux mots de M. Lecerf, dans son rapport pour la commission des lois duSénat. « La spécialisation sur les violences aux personnes conduit à « cibler » une catégorie de délinquants qui,le plus souvent, se recrutent au sein d'une frange particulièrement démunie de la population. D'autres formes dedélinquance moins sociologiquement « marquées » continueront de relever des seuls magistrats professionnels. Iln'est pas sûr que ce traitement différencié contribue à rapprocher les citoyens de l'oeuvre de justice » Note 26.

11. - Citoyens minoritaires. - Ensuite, la participation sera sans doute pédagogique pour les personnes tirées ausort, mais elle ne leur donnera que peu de poids dans les décisions. Pour les juridictions qui, jusqu'à présent,étaient composées seulement de trois magistrats professionnels, la participation de deux citoyens assesseurssemble bien dérisoire puisqu'ils seront en minorité. On peut alors s'interroger sur les raisons d'adjoindreseulement deux citoyens assesseurs. Pour le tribunal correctionnel et la chambre des appels correctionnels, cechoix s'explique par la décision du Conseil constitutionnel du 25 janvier 2005. Les auteurs de la saisinesoutenaient que la possibilité pour le président du tribunal de grande instance d'établir une liste des juges de

 proximité susceptibles de siéger en qualité d'assesseurs au sein de la formation collégiale du tribunalcorrectionnel méconnaissait l'article 66 de la Constitution et le principe d'égalité devant la justice. Après avoir 

 précisé que « s'agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire » Note 27, le Conseil constitutionnel a estimé qu'il n'y avait pasd'inconstitutionnalité. Le nombre de deux citoyens assesseurs s'imposait donc pour la nouvelle formation dutribunal correctionnel et de la chambre des appels correctionnels qui comportent chacun trois magistrats

 professionnels. Concernant les juridictions d'application des peines, on peut imaginer que la volonté d'adopter une même composition au moment du prononcé de la peine et au moment de son éventuel aménagement estmotivée par un souci de cohérence. En outre, du point de vue de l'économie de la justice et compte tenu de lamultiplication des juridictions intégrant des citoyens, il serait difficile d'imaginer un nombre plus important.12. - Juridictions des mineurs. - Enfin, en ce qui concerne les juridictions des mineurs Note 28, il ne faut pas seméprendre. Les aménagements apportés par la réforme n'ont pas pour objectif une plus grande implication descitoyens mais bel et bien une plus grande sévérité qui se traduit par une professionnalisation insidieuse de ces

 juridictions. En effet, la loi a souhaité une réponse pénale plus adaptée à la délinquance des mineurs, « plussolennelle » et de nature à « prévenir la répétition des infractions » Note 29, afin « de signifier l'aggravation de lasituation pénale de ces mineurs et le renforcement de la réponse pénale à leur encontre » Note 30. Cela se traduit toutd'abord par l'apparition du tribunal correctionnel pour mineurs qui empiète sur les compétences du tribunal pour enfants. En effet, si des mineurs âgés de plus de seize ans sont poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d'une

 peine d'emprisonnement égale ou supérieure à trois ans et commis en état de récidive légale, ils seront jugés par 

le tribunal correctionnel pour mineurs Note 31. Ce dernier est alors composé comme l'actuel tribunal correctionnel,c'est-à-dire de trois magistrats professionnels, avec comme spécificité d'être présidé par un juge des enfants Note 32, en tout cas jusqu'au 1er janvier 2013 Note 33. C'est donc une juridiction entièrement composée de juges

 professionnels qui aura à connaître d'infractions qui relevaient du tribunal pour enfants composé, comme on l'adéjà souligné, d'un magistrat et de deux citoyens portant un intérêt aux questions de l'enfance (COJ, art. L. 251-4al. 1). Dans certains cas, deux citoyens assesseurs viendront compléter le tribunal correctionnel pour mineurs Note

34. Il s'agit, comme pour les majeurs, des délits énumérés au nouvel article 399-2 du Code de procédure pénale , àsavoir essentiellement les atteintes aux personnes punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Mais cescitoyens seront minoritaires face aux trois magistrats du tribunal correctionnel alors qu'ils sont majoritaires dansle tribunal pour enfants. De plus, ils seront tirés au sort tandis que les assesseurs des tribunaux pour enfants sontnommés parmi des personnes intéressées et compétentes pour connaître des questions de l'enfance. De ce fait,leur avis aura inévitablement moins de poids lors des débats. Outre une participation citoyenne effective moinsimportante, c'est la question de la spécificité de ces nouvelles formations pour mineurs qui s'est posée. Selon un

 principe fondamental reconnu par les lois de la République, il existe « [une] atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme [une] nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral desenfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridictionspécialisée ou selon des procédures appropriées » Note 35. Le Conseil constitutionnel a conclu que le tribunalcorrectionnel des mineurs, qui ne comprend qu'un seul juge des enfants quelle que soit sa formation, n'est pasune juridiction spécialisée. Il doit donc être saisi selon des procédures appropriées. Or ce n'est pas le cas puisquele mineur peut être convoqué ou comparaître directement devant la juridiction de jugement sans instruction

 préparatoire. C'est pourquoi le Conseil constitutionnel a décidé de censurer ces dispositions Note 36 épargnant, par làmême, le tribunal correctionnel pour mineurs.

B. - Des résultats incertains quant à une meilleure garantie des droits

13. - Échec de la lutte contre la correctionnalisation. - En ce qui concerne le phénomène de correctionnalisation,la volonté d'impliquer des citoyens dans la justice pénale a eu raison d'une meilleure protection des victimes. Eneffet, le Sénat a estimé que la solution apportée par le projet de loi, au phénomène de correctionnalisation, n'était

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 pas satisfaisante, au motif qu'elle complexifiait la procédure de jugement en matière criminelle et que le bénéficeattendu n'était pas évident. Davantage influencés par des considérations de bonne administration de la justice, lesSénateurs ont donc intégralement réécrit l'article 8 du projet en faveur d'une réduction généralisée du nombre des

 jurés, soit six en première instance et neuf en appel Note 37. L'Assemblée nationale a souligné que le texte dessénateurs ne permettait pas de lutter efficacement contre le phénomène de la correctionnalisation. Elle a donc

 proposé de combiner la proposition du Sénat et celle du Gouvernement consistant à alléger la composition de la

cour d'assises pour les crimes les moins graves. Mais afin de respecter l'esprit de la loi et « la volonté proclaméede l'exécutif d'accroître la participation directe des citoyens à la justice pénale » Note 38, le texte définitif s'en tient àla proposition du Sénat. « Le jury de jugement est composé de six jurés lorsque la cour statue en premier ressortet de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel » (CPP, art. 296 al. 1 , nouveau). Cela permet de maintenir la

 prépondérance des jurés par rapport aux magistrats et de préserver l'exigence d'une majorité qualifiée pour obtenir la condamnation de l'accusé (CPP, art. 359). Dans ces conditions, la correctionnalisation conserve unintérêt et les victimes ne sont toujours pas protégées contre un déni de justice partiel.14. - Sévérité incertaine. - Les victimes pourraient également être déçues par les décisions émanant des

 juridictions de l'application des peines complétées par des citoyens assesseurs. Il n'est pas certain qu'elles leurssoient si favorables. Il se pourrait même que ce soit l'effet inverse qui se produise. Il est probable que lescitoyens soient plus sensibles au ressenti de la victime qu'au sort du condamné et que cela se traduise par unecertaine sévérité de leur part. Mais ils sont en minorité et les magistrats pourront être tentés de prendre le parti ducondamné, pour contrebalancer l'opinion des citoyens assesseurs. En outre, la victime comme le condamné

seront bien moins représentés qu'ils ne l'étaient jusqu'à présent et ce, notamment, en appel. L'actuel article 712-13 du Code de procédure pénale prévoit que l'appel des décisions relevant de la compétence du juge del'application des peines est porté devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel composée detrois magistrats, soit un président et deux conseillers. Or, cette formation est parfois complétée d'un responsabled'une association de réinsertion des condamnés et d'un responsable d'une association d'aide aux victimes Note 39

(CPP, art. 712-13, al. 2). Bien que sa rédaction soit sibylline, le nouvel article 712-13-1 semble remplacer systématiquement les deux responsables d'associations par deux citoyens assesseurs. En effet, le deuxième alinéade l'article 712-13 qui prévoit l'intervention de deux responsables d'associations n'est pas abrogé et a priori lenouvel article 712-13-1 qui introduit des citoyens assesseurs semble ne prévoir qu'un aménagement. Mais cesdeux textes visant la même situation – l'examen de l'appel des jugements mentionnés à l'article 712-7 – ce quiapparaît de prime abord comme un aménagement, se révèle être, en réalité, une véritable abrogation. Descitoyens sans compétence particulière sont préférés à des citoyens impliqués dans la réinsertion des condamnéset l'aide aux victimes. À nouveau, il y a une professionnalisation insidieuse de la justice pénale, car l'avis des

citoyens, même minoritaires, a plus de poids lors des débats avec les magistrats, lorsqu'il émane de personnalitésimpliquées et compétentes que lorsqu'il émane d'individus désignés par un tirage au sort. Cette évolution dessertles intérêts des victimes comme ceux des condamnés.15. - Motivation symbolique. - Quant à la motivation des décisions d'assises, qui doit mieux garantir les droitsdes parties au procès, il se pourrait bien qu'elle ne soit, elle aussi, que symbolique. Tout d'abord, il existe une

 pratique qui remet en cause la réalité concrète de la motivation. « L'habitude française n'est pas de motiver lesdécisions, même en correctionnelle ; il faut l'écrire en levant l'hypocrisie qui consiste à affirmer un principe dontchacun sait qu'il est violé tous les jours par de nombreux tribunaux correctionnels » Note 40. Sont ainsi dénoncéesune tendance pour les juges à recopier l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction et la pratique d'unemotivation a posteriori au moment de l'appel. Rien ne garantit qu'il n'en sera pas de même pour les motivationsdes cours d'assises. En outre, plusieurs des interlocuteurs du rapporteur de la commission des lois du Sénat ontobservé que certains jurés n'émettaient aucune opinion lors de la délibération ou votaient, à bulletin secret, dansun sens différent de celui exprimé publiquement Note 41. Dans ces conditions, il n'est pas toujours aisé dereconstituer les raisons qui ont déterminé le choix du jury. Enfin, une difficulté risque de surgir lorsque larédaction de la feuille de motivation sera différée de trois jours en raison de la particulière complexité del'affaire. Il peut s'avérer très difficile, sur un plan pratique, de faire signer le premier juré, qui ne sera plusforcément présent dans les locaux de la juridiction. Par ailleurs, sur un plan juridique, le premier juré pourraitrefuser de signer la feuille de motivation, au motif qu'elle ne correspond pas aux motivations exprimées par les

 jurés au cours du délibéré ou à son intime conviction Note 42. C'est pour cette raison que l'Assemblée nationale proposait de limiter la signature de cette feuille de motivation au seul président. Le texte final ne tient pascompte de cette difficulté.16. - Aggravation de la crise de la justice. - Aux doutes concernant la faculté de la loi a atteindre ses objectifss'ajoutent des risques d'aggraver la crise de la justice. La première difficulté va résulter de l'allongementconsidérable des délais dans lesquels la justice sera rendue. Tout d'abord, les magistrats et les greffiers devrontconsacrer une partie de leur temps à la procédure de sélection des citoyens assesseurs mais aussi à la gestion des

audiencements et des sanctions des citoyens non comparants. L'étude d'impact qui accompagne le projet estimeque cette surcharge de travail équivaut à 18,9 ETP de magistrats et 76 ETP de greffiers Note 43. Mais surtout, c'est ledélai des décisions rendues par les juridictions correctionnelles qui va s'accroître. L'étude d'impact prévoit que le

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temps de procédure devant les tribunaux correctionnels dans leur formation citoyenne sera doublé. Actuellement,la formation collégiale du tribunal correctionnel examine six affaires par audience, affaires du type de celles quiseront soumises aux tribunaux comprenant des citoyens assesseurs. Or, l'introduction de ces citoyens, quinécessite de mieux exposer les tenants et les aboutissants de l'affaire Note 44, conduira à n'audiencer que troisaffaires. En outre, le même allongement va se retrouver en appel et devant les tribunaux de l'application des

 peines, lorsque des citoyens assesseurs viendront compléter la formation de trois magistrats professionnels Note 45. 

Enfin, il se pourrait que les juges du tribunal de grande instance du lieu de la tenue des assises se trouventaccaparés par les audiences correctionnelles et qu'ils aient moins de temps à accorder aux assises (CPP, art. 249).Dans ces conditions, le respect du délai raisonnable, inscrit dans l'article préliminaire du Code de procédure

 pénale, va être difficile à assurer. Cela risque à nouveau d'affecter la crédibilité de la justice, mais également denuire aux intérêts des parties poursuivantes, privées d'une réponse judiciaire efficace, et à ceux de la personne

 poursuivie, dont la présomption d'innocence se trouve érodée tant que le voile sur la question de sa culpabilitén'est pas levé Note 46.Plus encore, la réforme pourrait aggraver la crise budgétaire qui frappe notre justice. L'intégration de citoyensdans les formations pénales nécessite un important budget, notamment pour aménager voire créer des sallesd'audience afin d'accueillir des personnes supplémentaires. L'étude d'impact estime que ces investissementsimmobiliers pourraient s'élever à 30 M € Note 47. En outre, elle prévoit également la création de 154,9 ETP demagistrats et 108,6 ETP de greffiers, création de postes qui représenterait un investissement de 2,7 M €. À cetteenveloppe de départ, s'ajouterait une enveloppe de roulement de l'ordre de 8,4 M €, nécessaire aux indemnités

des citoyens assesseurs et aux dépenses d'activité et de structure de chaque nouveau poste. Or, comment trouver de telles sommes quand on sait que nombre de juridictions sont en cessation de paiement ? Note 48 Seront-ellessupportées par le justiciable, comme l'est la suppression des avoués ? Si tel est le cas – et on ne voit pascomment faire autrement – cela fournira une nouvelle raison aux citoyens de se plaindre de la justice qui, en plusd'être lente, devient de plus en plus coûteuse. Conscient de ces difficultés, le législateur a prévu une mise en

 place progressive des nouvelles dispositions. La plupart doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2012 qu'ils'agisse de la nouvelle composition des cours d'assises (CPP, art. 296 , modifié), de la présentation orale que les

 présidents de ces cours devront désormais faire de l'affaire (CPP, art. 327, modifié), et de la motivation des arrêts(CPP, art. 365-1, nouveau). Mais tout ce qui a trait à la participation des nouveaux citoyens assesseurs à la

 justice pénale va d'abord faire l'objet d'une expérimentation. Les dispositions seront « applicables à titreexpérimental à compter du 1er janvier 2012 dans au moins deux cours d'appel et jusqu'au 1er janvier 2014 dansau plus dix cours d'appel ». Un arrêté du garde des Sceaux doit désigner ces cours d'appel. « Six mois au moinsavant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son

évaluation » Note 49. On ne peut qu'espérer que l'avenir de la participation des citoyens à la justice pénale tiendracompte de cette évaluation.▪  Note 1 J. Robert, La bonne administration de la justice : AJDA 1995, spéc. p. 117. – N. Laval, La bonne administration de la justice : LPA12 août 1999, n° 160, spéc. p. 12.Note 2 J.-P. Jean et H. Pauliat, L'administration de la justice en Europe et l'évaluation de sa qualité : D. 2005, p. 598.Note 3 B. Bouloc, Procédure pénale : Dalloz, Précis, 22e éd., 2010, n° 491, p. 474 .Note 4 F. Lombard, Les citoyens-juges. La réforme decour d'assises ou les limites de la souveraineté : Rev. sc. crim. 1996, p. 773 .Note 5 L. n° 2011-939, 10 août 2011 : Journal Officiel 11 Aout2011, p. 13744.Note 6 R. Badinter, Faire siéger de simples citoyens au tribunal correctionnel est démagogique : Le Monde, 27 avr. 2011, « ...ils'agit d'une expression de plus de la défiance de l'exécutif à l'égard des magistrats qui s'est souvent manifestée dans les dernières années. Face àla montée croissante de la violence physique, s'il faut recourir à des citoyens ordinaires pour assurer la répression, c'est donc que les magistrats professionnels ne suffisent pas à la tâche... ».Note 7 Projet de loi (sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs) : Sénat, n° 438, (2010-2011), spéc. p. 3 (http://www.senat.fr/leg/pjl10-438.pdf).Note 8 Ibidem.Note 9 D. Weber,L'angoisse d'être juré : Gaz. Pal. 1992, 1, doctr. p. 493-494. –  CPP, art. 288, al. 4 : « Tout juré qui, sans motif légitime, n'a pas déféré à laconvocation qu'il a reçue peut être condamné par la cour à une amende de 3 750 € ». Note 10 D. Weber, L'angoisse d'être juré : op. cit.Note 11L'étude d'impact prévoit qu'environ 9 000 personnes supplémentaires seraient associées chaque année à l'oeuvre de justice : étude d'impact du

Projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, 11 avr. 2011, spéc. p. 49(http://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl10-438-ei/pjl10-438-ei.pdf) .Note 12 C'est le cas des circonstances aggravantes ou de l'intentioncriminelle...Note 13 Les chiffres clefs de la justice, éd. 2009 : http://www.justice.gouv.fr/budget-et-statistiques-10054/chiffres-cles-de-la- justice-10303/les-chiffres-cles-de-la-justice-18078.html.Note 14 Le nouvel article 327 du CPP , applicable au 1er janvier 2012, fera d'ailleursmaintenant obligation au président de présenter « de façon concise, les faits reprochés à l'accusé tels qu'ils résultent de la décision de renvoi »,d'exposer les éléments à charge et à décharge concernant l'accusé, de présenter le cas échéant la décision de première instance, ses motivationsainsi que la condamnation prononcée, sans jamais manifester son opinion sur la culpabilité de l'accusé .Note 15 Le Conseil constitutionnel atoutefois formulé une réserve. Les citoyens assesseurs ne pourront que participer à l'appréciation des conditions de fond qui déterminentl'aménagement des peines. « La complexité juridique du régime d'application des peines ne saurait permettre que les citoyens assesseurs participent au jugement de toute autre question sur laquelle le tribunal de l'application des peines ou la chambre de l'application des peines seraitappelé à statuer, tel que l'appréciation des conditions de recevabilité des demandes ou l'examen des incidents de procédure » : Cons. const., déc.4 août. 2011, n° 2011-635 DC, consid. n° 16.Note 16 R. Badinter, Faire siéger de simples citoyens au tribunal correctionnel est démagogique :op. cit.Note 17 S. Gjidara, La motivation des décisions de justice : impératifs anciens et exigences nouvelles : LPA 26 mai 2004, p. 4 .Note 18Le procès équitable suppose « le droit d'obtenir une décision motivée, tranchant définitivement le litige » : CEDH, 5 févr. 2002,n° 51564/99, Conka c/ Belgique. – CEDH, 10 nov. 2004, n° 46117/99, Taskin et a. c/ Turquie. – CEDH, 13 janv. 2009, n° 926/05, Taxquet c/Belgique : Procédures 2009, comm. 116, J. Buisson ; Gaz. Pal. 13-14 mai 2009, p. 11, note Desprez. – J. Simon-Delcros, Cour d'assises, levez-

vous ! : Gaz. Pal. 13-14 mai 2009, p. 3.Note 19 La règle a été fixée pour la première fois par l'article 24 du titre VI de la loi du 16-29 septembre1791, repris par l'article 342 du Code d'instruction criminelle, et, enfin, par l'article 353 du Code de procédure pénale . Note 20 Cass. crim.,30 avr. 1996, n° 95-85.638 , P-F : JurisData n° 1996-002487 : « sont ainsi satisfaites les dispositions de l'article 6 Conv. EDH, sur l'exigenced'un procès équitable, dès lors que sont assurés l'information préalable des charges fondant l'accusation, le libre exercice des droits de la défense

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et la garantie d'impartialité des juges ». – Plus récemment, Cass. crim. 14 oct. 2009, n° 08-86.480, F-P+P+F : JurisData n° 2009-049887 ; Gaz.Pal. 8-10 nov. 2009, p. 8, obs. Renucci ; JCP G 2009, 456, note H. Matsopoulou ; D. 2009, p. 2545, note Gachi et p. 2778, note Pradel, quimentionne aussi le caractère public et contradictoire des débats.Note 21 CEDH, 15 nov. 2001, n° 54210/00, Papon c/ France : « si le jury n'a purépondre que par « oui » ou par « non » à chacune des questions posées par le président, ces questions formaient une trame sur laquelle s'estfondée sa décision (...) la précision de ces questions permet de compenser adéquatement l'absence de motivation des réponses du jury ». – CEDH, 16 nov. 2010, n° 926/05, Taxquet c/ Belgique, spéc. § 92.Note 22 Cons. const., déc. 1er avr. 2011, n° 2011-113/115 QPC : JournalOfficiel 2 Avril 2011, consid. n° 11 : parmi ces garanties, on trouve les principes d'oralité et de continuité, le fait que la cour d'assises soit saisie par un acte juridictionnel motivé, le contrôle exercé par la Cour de cassation...Note 23 Sur 952 682 infractions sanctionnées en 2009, près de

94 % étaient des délits : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_2_stat_conda09_20110225.pdf  Note 24 R. Badinter, Faire siéger de simplescitoyens au tribunal correctionnel est démagogique : op. cit .Note 25 Cons. const., 4 août. 2011, op. cit., consid. n° 14.Note 26 Rapp. Sénatn° 489, 2010-2011, J.-R. Lecerf, spéc. p. 29.Note 27 Cons. const., déc. 20 janv. 2005, n° 2004-510 DC : Journal Officiel 27 Janvier 2005,consid. 16.Note 28 La loi prévoit de nombreuses autres dispositions, prises en opportunité, concernant le jugement des mineurs : prise encompte de la personnalité du mineur, de l'adaptation de la réponse pénale à l'évolution de la délinquance des mineurs, renforcement de laresponsabilisation des parents des mineurs délinquants...Note 29 Projet de loi (sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs) Sénat, n° 438 (2010-2011), spéc. p. 12.Note 30 Étude d'impact du Projet de loi sur la participation descitoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, 11 avr. 2011, spéc. p. 82 .Note 31 Ord. n° 45-174, 2 févr. 1945, art. 24-1 al. 1, nouveau.Note 32 Ord. n° 45-174, 2 févr. 1945, art. 24-1 al. 2 , nouveau.Note 33 Le Conseil constitutionnel a censuré la possibilitéque le juge des enfants qui a instruit l'affaire puisse présider le tribunal correctionnel des mineurs. Afin de permettre au législateur de mettre finà cette inconstitutionalité, la censure ne prendra effet qu'au 1er janvier 2013 ; Cons. const., déc. 4 août 2011, op. cit., consid. 53. Note 34 Ord.n° 45-174, 2 févr. 1945, art. 24-4 , nouveau.Note 35 Cons. const., déc. 9 août 2007, n° 2007-554 DC, consid. 24.Note 36 Cons. const., déc.4 août. 2011, op. cit., consid. n° s 49 à 52. Note 37 Cette idée est récurrente. Un projet de loi, présenté en 1995 voulant instaurer un second degréde juridiction, proposait de passer de neuf à cinq jurés en première instance. Le 1er avril 2010, le député et magistrat Jean-Paul Garraud,déposait une proposition de loi prônant la création, en première instance, d'un tribunal criminel départemental composé d'un président, de deux juges assesseurs et de deux juges citoyens (Prop. de loi AN n° 2421, 1er avr. 2010).Note 38 R. Badinter, Faire siéger de simples citoyens au

tribunal correctionnel est démagogique : op. cit.Note 39 Il s'agit essentiellement du relèvement de la période de sûreté, de la libérationconditionnelle et de la suspension de peine qui ne relèvent pas de la compétence du JAP (CPP, art. 712-7). Note 40 S. Guinchard et Alii, Droit processuel, droit commun et droit comparé du procès équitable : Dalloz, coll. Précis droit privé, 5e éd., 2009, n° 438, b), 1), β), p. 940.Note 41 Rapp. Sénat n° 489, 2010-2011, J.-R. Lecerf, spéc. p. 79 (http://www.senat.fr/rap/l10-489/l10-4891.pdf).Note 42 Rapp. AN n° 3532, 2010-2011, S. Huyghe, spéc. p. 37 (http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rapports/r3532.pdf).Note 43 étude d'impact du Projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, 11 avr. 2011, spéc. p. 57(http://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl10-438-ei/pjl10-438-ei.pdf) .Note 44 Il faudra laisser s'exercer à l'audience le droit de poser desquestions aux prévenus, à la partie civile, aux témoins et aux experts (CPP, art. 461-5, issu du projet). Il faudrait, ensuite, susciter un délibéréspécial pour arrêter la décision à la majorité et faire approuver les grandes lignes du jugement qu'un magistrat aura ensuite pour mission demettre en forme.Note 45 Étude d'impact du Projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugementdes mineurs, 11 avr. 2011, spéc. p. 52-53 (http://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl10-438-ei/pjl10-438-ei.pdf). .Note 46 « Tout retard indu estune injustice envers celui ou ceux qui attende(nt) d'être jugé(s) » : A. Sériaux, Les enjeux éthiques de l'activité de jurisdictio : RRJ 1998, 2, p. 445, spéc. p. 450.Note 47 Étude d'impact du Projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, 11 avr. 2011, spéc. p. 58 (http://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl10-438-ei/pjl10-438-ei.pdf)..Note 48 C. Kleitz,Justice populaire : ça s'en va et ça revient... : Gaz. Pal. 25 nov. 2010, p. 3 .Note 49 L. n° 2011-939, 10 août 2011, art. 54, II .

Doc. 2 - Expérimentation des citoyens assesseurs au tribunal correctionnel de Toulouse - Questions à MaîtreSylvain Laspalles, membre du conseil de l'Ordre du barreau de Toulouse

La loi du 10 août 2011, sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs( N° Lexbase : L9731IQH), a été publiée au Journal officiel du 11 août 2011. L'une des mesures phares de ce texte, visant à rapprocher lescitoyens et la justice, réside dans l'évolution de la formation du tribunal correctionnel appelée à juger notamment les personnes accusées de volsavec violence, d'agressions sexuelles, de destruction et de dégradation de biens dangereuses pour les personnes. Cette formation citoyenne a étémise en place, à titre expérimental, dans les tribunaux des ressorts des cours d'appel de Dijon et Toulouse depuis le 1er janvier 2012. Leséditions juridiques Lexbase ont interrogé Maître Sylvain Laspalles, membre du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Toulouse àl'occasion de sa première "confrontation" à cette nouvelle formation du tribunal correctionnel. Il nous a livré son sentiment sur la réformeengagée avant et après sa première audience correctionnelle face aux jurés citoyens.

Lexbase : Quel est votre sentiment général sur la réforme intégrant des "citoyens assesseurs" au sein destribunaux correctionnels ?

Sylvain Laspalles : D'une manière générale les avocats sont critiques à l'égard de la réforme introduisant descitoyens assesseurs au sein des tribunaux correctionnels.Ils estiment notamment que le législateur s'est appuyé sur un postulat infondé en prétendant répondre ainsi aulaxisme des juges.Il est tout à fait contestable de dire que les magistrats feraient preuve de laxisme dans leur jugements.De plus, il apparaît difficile de prédire que des citoyens non professionnels du droit jugeront les délits soumis àla nouvelle formation du tribunal correctionnel avec plus de sévérité bien que l'on puisse craindre

 ponctuellement certaines réactions épidermiques sur des dossiers sensibles.Les premiers jugements rendus par la nouvelle formation du tribunal correctionnel semblent à ce titre confirmer que les peines prononcées ne devraient pas être sensiblement différentes de celles qui étaient prononcées avantl'intégration de citoyens assesseurs.

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Les avocats considèrent que juger est un métier difficile imposant de prendre en compte de nombreux paramètresque ne maîtriseront pas nécessairement les personnes désignées à l'issue de leur formation. De ce point de vue,seule la pratique pourra confirmer ou infirmer ces craintes.Toutefois cette réforme aura inévitablement le mérite de confronter les citoyens aux difficultés du métier et ainsi

 peut-être de faire disparaître ou d'atténuer certains préjugés sur le sujet.Enfin, un dernier reproche peut-être adressé à cette réforme concernant son coût. Face aux nombreuses

difficultés du système judiciaire il aurait pu être plus opportun d'affecter le budget consacré au financement decette nouvelle formation du tribunal correctionnel à d'autres projets. L'affectation du budget de la justicedemeure un éternel débat.Lexbase : Abordez-vous vos futures audiences correctionnelles comme vous les abordiez avant la réforme ?Sylvain Laspalles : De mon point de vue l'arrivée des citoyens assesseurs ne doit pas changer fondamentalementle travail de l'avocat.Elle risque simplement d'allonger légèrement les audiences dans la mesure où chacun des acteurs (magistrat,

 procureurs, avocats) devra faire preuve d'un peu plus de pédagogie sur certains domaines plus techniques.Les avocats ne seront donc pas les seuls à devoir adapter leur comportement.Lexbase : Au-delà des considérations de politique judiciaire, pensez-vous que la présence de ces citoyensassesseurs peut raviver l'intérêt de la plaidoirie dans le déroulement du procès pénal ?Sylvain Laspalles : Raviver n'est pas un terme approprié dans la mesure où j'estime que la plaidoirie a toujourseu un intérêt particulier au tribunal correctionnel et d'une manière générale en matière pénale.

Elle conservera donc son intérêt mais il me paraît erroné de penser qu'elle aura une importance supérieure à cequ'elle avait par le passé.Il convient de garder à l'esprit que le tribunal correctionnel demeure composé en majorité de magistrats

 professionnels. En toute hypothèse, les citoyens ne sont pas impressionnés par les effets de manches et il seraitde mon point de vue contre-productif de modifier sa façon de plaider devant cette nouvelle formation dutribunal.Lexbase : Le conseil de l'Ordre a t-il pris des mesures particulières pour assister les avocats toulousainsconfrontés à cette nouvelle composition du tribunal correctionnel (formation spécifique, réuniond'information...) ?Sylvain Laspalles : L'Ordre a participé par l'intermédiaire de l'un de ses membres à la constitution des listes decitoyens assesseurs et à leur formation.[N.D.L.R : Avant leur entrée en fonction les jurés sont astreint à une journée de formation sur le fonctionnement de la justice pénale et leur rôle au sein du tribunal au cours de laquelle ils sont notamment amenés à visiter un

établissement pénitentiaire.] Les avocats du barreau de Toulouse ont été informés de cette réforme comme de toute réforme majeure dusystème judiciaire.Lexbase : A l'issue de votre première expérience face à cette nouvelle formation du tribunal correctionnelquelles sont vos premières impressions ?Sylvain Laspalles : Le changement est difficilement perceptible. La sanction prononcée à l'encontre de monclient m'a paru totalement adaptée et proportionnée et je n'ai pas le sentiment qu'il y ait une quelconqueévolution de ce point de vue.Lexbase : Avez-vous perçu un changement de comportement de la part du président du tribunalcorrectionnel ou de l'une des parties prenantes de l'audience ?Sylvain Laspalles : Le président a fait montre de pédagogie. Il a pris le temps lors des débats de mettre enexergue les éléments du dossier et de se soucier de savoir si les citoyens assesseurs avaient des questions

 particulières. S'agissant de la défense j'ai pris le soin, par exemple, d'expliquer en quoi consistait une mesure desuivi socio-judiciaire.

Doc. 3 - Revue de science criminelle 2011 p. 667E. Verges - La justice pénale citoyenne : derrière une volonté politique, l'élaboration d'une catégorie

 juridique (loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs)

L'année 2011 est le théâtre d'une profonde modification de la physionomie de la procédure pénale. Elle estmarquée par un enchaînement de décisions jurisprudentielles de principe et par un important mouvementlégislatif. Si la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue a retenu l'attention générale de la

doctrine, il ne faut pas négliger l'apport de la loi dite « LOPPSI 2 » n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation etde programmation pour la performance de la sécurité intérieure (qui a notamment créé les fichiers d'antécédents,d'analyse sérielle, des personnes recherchées, mais a aussi légalisé les logiciels de rapprochement judiciaire, et la

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 procédure de captation de données informatiques). De même, on retiendra les modifications issues de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (création du cadre légal del'autopsie et ajustements divers du code de procédure pénale). Enfin, la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la

 participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs constitue uneréforme historique de la justice pénale.

Face à un tel flot législatif, la présente chronique se concentrera sur les modifications majeures apportées à la justice pénale dite « citoyenne », puisque cette expression est désormais consacrée par le code de procédure pénale. La réforme concerne non seulement l'introduction de citoyens assesseurs dans les juridictions de jugement et d'application des peines, mais aussi, la modification de la composition de la Cour d'assises et lesadaptations procédurales qu'implique la participation de juges non-professionnels à la justice pénale.

À l'origine de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 se trouve un engagement présidentiel affiché lors de lacampagne électorale en 2007. À l'approche de la fin de son mandat, le président de la République présentait un

 bilan mitigé s'agissant de la procédure pénale. Contraint d'abandonner son projet de réforme d'ampleur de la miseen état des affaires pénales face à la contestation du milieu judiciaire et tenu d'accélérer la refonte de la garde àvue sous la pression des juridictions européenne et internes, le président de la République devait faire un geste

 politique fort et rapide pour reprendre la main sur la justice pénale et pour y marquer son empreinte. C'est ainsique le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des

mineurs fut examiné en Conseil des ministres au mois d'avril, soumis par le parlement selon la procédured'urgence à partir du mois de mai et adopté définitivement en juillet avant d'être validé par le Conseilconstitutionnel au début du mois d'août.

Cette réforme d'ampleur de la procédure pénale prévoit la création de « citoyens assesseurs » siégeant aux côtésde magistrats professionnels au sein de plusieurs juridictions et notamment du « tribunal correctionnel dans saformation citoyenne ». Elle a pourtant été largement occultée par la médiatisation de la loi relative à la garde àvue. De surcroît, les débats parlementaires ont été peu importants. L'opposition a marqué son désaccord de

 principe avec le projet et les élus de la majorité ont apporté quelques ajustements sans toucher à l'architectured'ensemble du projet. Tout s'est passé comme si cette réforme d'inspiration purement politique ne méritait pas unvéritable débat ; comme si l'échéance électorale avait piloté le travail des parlementaires ayant pour mission decocher une case supplémentaire sur une liste d'engagements présidentiels. L'enjeu était pourtant de taille, puisquela loi - en généralisant la participation des citoyens à la justice pénale et en créant une procédure adaptée à cette

 participation - achève la construction d'une catégorie juridique à part entière : la justice pénale citoyenne.

La loi n° 2011-939 du 10 août 2011 marque une rupture avec les réformes de la procédure pénale depuis plusieurs décennies. Ces réformes étaient généralement dominées, soit par un clivage entre la garantie des droitsde la personne poursuivie et la protection des intérêts de la société et de la victime, soit par une rationalisation dela procédure et une adaptation des techniques probatoires à l'évolution technologique. Au cours des années 2000,les clivages politiques semblent s'être atténués en procédure pénale. Des majorités de gauche ont adopté des loissécuritaires (par ex. la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne qui a suivi lesattentats du 11 septembre) alors que des majorités de droite ont été conduites à accroître les droits de la défense àla suite d'affaires médiatiques (loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure

 pénale, qui a été inspirée par l'affaire dite d'« Outreau »). La finalité poursuivie par la loi du 10 août 2011 esttoute autre. Elle échappe non seulement aux traditionnels clivages, mais encore, à la volonté de rationaliser etrénover le fonctionnement de la justice pénale. L'exposé des motifs parle de « renforcer le lien devant exister entre la population et l'institution judiciaire » afin que « les décisions juridictionnelles ne [soient] pasdéconnectées des évolutions de la société ». La loi vise également à démontrer que « la justice pénale, est rendueau nom du peuple français ». Pour renforcer ce lien entre la population française et sa justice, la loi accroît la

 participation des citoyens à la justice pénale. L'objectif noble affiché par le garde des Sceaux masque uneopinion de défiance à l'égard des magistrats de carrière, exprimée par certains parlementaires. Le rapporteur du

 projet de loi à l'Assemblée nationale affirme que la réforme proposée « constituera une réelle révolutionculturelle pour le monde judiciaire ainsi soumis à un contrôle citoyen direct dont il n'avait jusqu'ici guèrel'habitude » (1). L'idée d'un contrôle de l'autorité judiciaire méritocratique par le peuple légitime inspire doncégalement ce texte. L'étude d'impact du projet de loi affiche, quant à elle, un objectif pédagogique, visant à «faire découvrir » le système judiciaire aux citoyens (2).

Historiquement, la présence de citoyens dans les juridictions pénales provient de l'héritage révolutionnaire et de

l'introduction du jury dans les juridictions de jugement en matière criminelle (3). Par la suite, les formes de participation de juges non-professionnels à la justice pénale se sont diversifiées. En 1942, l'échevinage a étéinstitué dans le tribunal pour enfants. Deux assesseurs volontaires étaient alors associés à trois magistrats de

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carrière. L'échevinage différait de l'institution du jury populaire. Il correspondait au recrutement à moyen termede personnes présentant une certaine aptitude pour juger les mineurs. C'est le même esprit qui a inspirél'institution par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, d'unechambre de l'application des peines composée de magistrats de carrière, mais également de représentantsd'associations de réinsertion de condamnés et d'associations d'aides aux victimes. Une autre étape importante futfranchie avec la loi du 9 septembre 2002 qui institua la juridiction de proximité. Composée d'un juge unique

semi-professionnel (4), mais qui n'est pas magistrat de carrière, la juridiction de proximité est à mi-cheminentre le professionnalisme et l'échevinage. Par ailleurs, les personnes recrutées comme juges de proximité peuvent siéger au sein d'une juridiction correctionnelle collégiale, depuis la loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005.La participation de citoyens bénévoles à une juridiction correctionnelle est moins connue. Elle est pourtant

 prévue par la loi du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. Cette loi permet à des citoyens assesseurs de siéger au sein du tribunal correctionnel de Nouvelle-Calédonie. Ces assesseurs bénévoles sont volontaires et recrutés après un contrôle de leur impartialitéet de leur compétence.

La participation citoyenne aux juridictions pénales françaises présente donc une grande diversité. Elle ne seréduit pas à la dichotomie entre jurés et échevins, mais comporte de multiples strates. À la base figurent les jurés,qui sont recrutés ponctuellement par session et dont la participation à la justice est un devoir civique. Onrencontre ensuite plusieurs formes d'échevinages. Certains sont recrutés en fonction de leur intérêt pour un

domaine particulier de la justice (jugement des mineurs, application des peines), d'autres en fonction de leur souhait de participer au jugement des affaires (tribunal correctionnel de Nouvelle-Calédonie). Enfin, les juges de

 proximité représentent un pas de plus vers la professionnalisation. Ils n'occupent pas la fonction d'assesseur,mais siègent seuls au sein de la juridiction de proximité. Ils se différencient néanmoins du magistrat de carrière

 par la durée de leur mandat. La loi du 10 août 2011 ajoute une nouvelle strate entre le juré et l'échevin. Elle crééune catégorie de citoyens assesseurs, qui occuperont leur fonction par devoir civique et seront tirés au sort sur leslistes électorales, mais qui feront l'objet d'une sélection au regard de critères d'aptitude.

Si elle ne remet pas en cause la diversité des formes de participation des citoyens à la justice pénale, la loi du 10août 2011 procède à une harmonisation souhaitable des procédures devant les juridictions de jugement quicomprennent des citoyens. Ainsi, la prétendue représentativité du jury d'assises - et ce que certains appelaient la« présomption d'infaillibilité » (5) - ont longtemps permis de justifier le caractère dérogatoire de la procéduredevant la Cour d'assises (absence d'appel et motivation réduite). Par la suite, la loi du 15 juin 2000 a créé un

véritable double degré de juridiction en matière criminelle et la loi commentée impose la motivation des arrêts deCour d'assises. Le particularisme de la procédure criminelle tend à disparaître. À l'inverse, la nouvelle procéduredevant le tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne s'inspire de l'audience criminelle. L'instruction àl'audience y est renforcée et les éléments du dossier (témoignages, expertises, etc.), généralement occultés durantles audiences correctionnelles, y sont exposés.

Malgré l'enjeu politique, la marge de manoeuvre du législateur était assez réduite. La jurisprudence du Conseilconstitutionnel et celle de la Cour européenne des droits de l'homme définissaient un cadre strict pour la

 participation des citoyens à la justice pénale. Certes, la présence de magistrats non-professionnels au sein des juridictions était admise (6). Mais pour le Conseil constitutionnel, les juges non-professionnels devaient présenter des garanties d'indépendance inhérentes à leur fonction (7). De plus, la proportion des juges non- professionnels devait rester minoritaire au sein des formations correctionnelles (8). Enfin, l'évolution de la

 jurisprudence européenne devait inciter le législateur à aménager une motivation explicite des arrêts d'assises(9).

En définitive, la réforme adoptée par le Parlement présente une certaine cohérence :

- d'une part, elle modifie la composition de plusieurs juridictions de jugement et d'application des peines (letribunal correctionnel, la Cour d'appel, la Cour d'assises, le tribunal de l'application des peines et la Chambre del'application des peines, le tribunal correctionnel pour mineurs (10)) ;- d'autre part, elle harmonise les procédures des juridictions dans lesquelles des citoyens sont amenés à siéger,soit en tant que jurés, soit en tant que citoyens assesseurs.

L'étude d'impact montre que cette réforme possède un coût non négligeable. Le budget de fonctionnement lié àl'indemnisation des citoyens assesseurs a été évalué à 8 millions d'Euros annuels. Le budget d'investissement lié

à la nécessité de créer de nouvelles salles d'audiences correctionnelles a été chiffré à 32 millions d'Euros. Enfin,l'étude d'impact évalue les nécessités de recrutement à 155 ETP (11) de magistrats et 108 ETP de greffiers. Cessurcouts peuvent paraître surprenants dans le contexte général de révision des politiques publiques voulu par le

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 président de la République. Tous sont liés à l'introduction de citoyens assesseurs dans l'organisation juridictionnelle pénale. Le sentiment que la réforme échappe à toute rationalité, tant économique que procédurale, se renforce à la lecture de cette étude d'impact.

C'est notamment pour cette raison que les dispositions du code de procédure pénale relatives aux citoyensassesseurs entrent en vigueur à titre expérimental (12). Elles seront appliquées entre 2012 et 2014 dans deux

Cours d'appel au moins et dix Cours d'appel au plus. Six mois avant le terme de l'expérimentation, legouvernement devra adresser au Parlement un rapport procédant à son évaluation. Il semble donc que la pérennité de la réforme soit doublement conditionnée par l'absence de remise en cause politique à l'issue deséchéances électorales de l'année 2012 et par l'établissement d'un rapport favorable à l'issue de l'expérimentation.L'article 37-1 de la Constitution autorise le recours à l'expérimentation législative (13). La question s'esttoutefois posée de savoir si l'expérimentation pouvait avoir lieu dans un nombre limité de juridictions sansrompre le principe d'égalité devant la loi. Dans sa décision n° 2011-635 DC du 04 août 2011, le Conseilconstitutionnel a considéré que le législateur pouvait déroger au principe d'égalité « pour un objet et une duréelimités » si l'objet et les conditions de l'expérimentation étaient définis de façon suffisamment précise. LeConseil a ensuite estimé que, s'agissant de la loi du 10 août 2011, ces exigences étaient réunies et quel'expérimentation était conforme à la Constitution.

Cette saisine a permis au Conseil constitutionnel de préciser sa jurisprudence sur la participation des citoyens à

la justice. Il a d'abord affirmé clairement que « si les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire,la Constitution ne fait pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à desmagistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autantembrasser la carrière judiciaire » (consid. 10). Le Conseil a également rappelé que la participation des citoyens àla justice pénale doit être accompagnée de garanties d'indépendance et de capacité (14) des personnes qui sontappelées à occuper ces fonctions. En revanche, les citoyens assesseurs ne doivent pas nécessairement être soumisaux droits et obligations des magistrats de carrière (consid. 11). Il a enfin précisé qu'en présence de citoyens nedisposant pas de compétences juridiques, les « questions de droit ou de fait sur lesquelles les citoyens assesseurssont appelés à statuer, ainsi que les procédures selon lesquelles ils statuent » doivent être définies « de manière àce qu'ils soient mis à même de se prononcer de façon éclairée sur les matières soumises à leur appréciation ». LeConseil constitutionnel a ainsi validé l'ensemble des dispositions de la loi relative à la participation des citoyensà la justice pénale, à l'exception des 4° et 5° de l'article 399-2 du code de procédure pénale qui étendaient la

compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne aux atteintes à l'environnement et au délitd'usurpation d'identité (15).En définitive, la petite révolution, aménagée à titre expérimental par la loi du 10 août 2011, a passé avec succèsl'examen de constitutionnalité. Les travaux préparatoires montrent que le cadre supra-législatif avait été

 particulièrement pris en compte par les rédacteurs du texte. La loi apporte ainsi de nombreuses modifications à lacomposition des juridictions pénales (I) et définit un régime procédural harmonisé devant les juridictions quicomprennent des citoyens (II).

I. Le renouvellement de la composition des juridictions pénales

De façon symbolique, la participation des citoyens à la justice pénale a été introduite dans le titre préliminaire ducode de procédure pénale. Ce titre, anciennement consacré aux actions publique et civile, est désormais intitulé «dispositions générales ». Il comprend un sous-titre consacré aux actions et un autre intitulé « la participation descitoyens au jugement des affaires pénales » (art. 10-1 à 10-14). L'article 10-1 du code de procédure pénale

 prévoit ainsi que les citoyens peuvent être appelés à composer une juridiction pénale, soit comme jurés, soitcomme citoyens assesseurs. Les autres dispositions de ce sous-titre sont consacrées aux citoyens assesseurs (A)amenés, comme les jurés, à composer les juridictions pénales citoyennes (B).

A. Les citoyens assesseursLa procédure de désignation des citoyens assesseurs est mixte. Elle est soumise en partie au processus desélection des jurés d'assises, mais présente des particularités, liées notamment au contrôle de l'exigenceconstitutionnelle de capacité. La sélection repose donc tout à la fois sur le tirage au sort et sur un contrôle decritères d'aptitude et d'impartialité.Les citoyens assesseurs sont sélectionnés à partir des listes annuelles de jurés d'assises établies par le maire (C.

 pr. pén., art. 10-4). Un tirage au sort est effectué à partir des listes électorales, pour établir une liste globale de

 jurés et de citoyens assesseurs potentiels. Par la suite, une liste autonome de citoyens assesseurs est fixée pour chaque tribunal de grande instance. Cette liste est établie par la commission instituée à l'article 262 du code de procédure pénale (16). Cette commission procède d'abord à certaines exclusions (C. pr. pén., art. 10-3). Ne

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 peuvent être retenues, les personnes qui ont été inscrites la même année sur la liste annuelle du jury d'assises oucelles qui ont été inscrites l'année précédente sur une liste de jury d'assises ou de citoyens assesseurs. Sontégalement exclues les personnes qui ont exercé les fonctions de juré ou de citoyen assesseur au cours des cinqannées précédant l'année en cours. Les personnes qui ne remplissent pas les conditions pour être jurés (C. pr.

 pén., art. 255 à 257) ne peuvent occuper la fonction de citoyen assesseur. Enfin, la liste de citoyens assesseurs ne peut comprendre que des personnes résidant dans le ressort du tribunal de grande instance.

La commission qui établit la liste des citoyens assesseurs peut encore procéder à des exclusions en fonction decritères d'aptitude différents des jurés d'assises. Les personnes ayant été sélectionnées sur la liste préliminaireétablie par le maire reçoivent un questionnaire (appelé « recueil d'information ») qu'elles ont l'obligation derenseigner. Sur la base de ce questionnaire, et de la consultation des fichiers de police, la commission écarte les

 personnes qui « ne paraissent manifestement pas être en mesure d'exercer les fonctions de citoyen assesseur »notamment s'il apparaît des raisons de contester « leur impartialité, leur honorabilité ou leur probité ». Par ailleurs, la capacité des citoyens assesseurs pourra être contestée par le mécanisme de la récusation (C. pr. pén.,art. 10-12).Lorsqu'ils sont inscrits sur la liste définitive du TGI, les citoyens assesseurs ont le devoir civique de siéger auxaudiences pour lesquelles ils seront appelés. Le service des audiences est fixé chaque trimestre par les présidentsde juridiction (TGI et Cour d'appel) et les citoyens désignés sont avertis au moins quinze jours avant le début dechaque trimestre. Ils peuvent être appelés à siéger dix jours dans l'année. Cette durée peut être

exceptionnellement plus longue si l'examen d'une même affaire dépasse les dix jours. Le code du travail protège particulièrement les salariés qui occupent des fonctions de jurés ou d'assesseurs. Ces personnes ne peuvent fairel'objet d'aucune sanction, discrimination et d'aucun licenciement en raison de leur participation à la justice pénale(C. trav., art. 1132-3-1). En revanche, s'ils ne se présentent pas aux audiences pour lesquelles ils sont convoqués,les citoyens assesseurs encourent une amende de 3 750 €. La même peine s'applique aux personnes qui refusentde remplir le recueil d'information qui leur a été envoyé par le maire après leur tirage au sort (17). En revanche,les citoyens assesseurs peuvent bénéficier d'une dispense dans les mêmes conditions que les jurés (C. pr. pén.,art. 10-4 et 258).Les citoyens assesseurs désignés pour siéger dans une juridiction peuvent faire l'objet de plusieurs causes derécusation (C. pr. pén., art. 10-12). D'abord, les causes de récusation des magistrats s'appliquent aux citoyensassesseurs. Ensuite, un citoyen assesseur peut être récusé s'il existe une raison objective de contester sonimpartialité, son honorabilité ou sa probité. Enfin, le mécanisme de l'abstention est étendu aux citoyensassesseurs frappés par une cause de récusation ou à ceux qui estiment « en conscience devoir s'abstenir » (18).

La récusation peut être demandée par les parties avant l'examen de l'affaire au fond. La demande est alorsexaminée par les magistrats professionnels qui siègent dans la juridiction.Les citoyens assesseurs qui sont amenés à siéger prêtent serment (C. pr. pén., art. 10-11) et reçoivent uneformation spécifique (19). Une indemnité leur est due pour chaque audience. Son montant doit être fixé par décret et a été évalué par l'étude d'impact à 150 € en cas de compensation de la perte de salaire et à 78 € enabsence de compensation.Après avoir défini le statut des citoyens assesseurs, la loi du 10 août 2011 a modifié en substance la compositiondes juridictions citoyennes.

B. Le renouvellement de la composition des juridictions pénales citoyennesCe renouvellement concerne les juridictions correctionnelles (1), d'application des peines (3) et la Cour d'assises(2).

1. Les juridictions correctionnellesLa principale innovation de la loi du 10 août 2011 consiste à créer une formation spéciale, dite « formationcitoyenne » au sein du tribunal correctionnel et de la Cour d'appel. Comme le précisent les travaux

 parlementaires (20), il ne s'agit pas d'une nouvelle juridiction, mais d'une émanation du tribunal correctionnelde droit commun. Cette formation est composée de trois magistrats et de deux citoyens assesseurs (C. pr. pén.,art. 399-1). De même, la formation citoyenne de la chambre des appels correctionnels (21) est composée d'un

 président, de deux conseillers et de deux citoyens assesseurs (C. pr. pén., art. 510-1) (22).

La formation citoyenne est compétente pour connaître des délits mentionnés à l'article 399-2 du code de procédure pénale. La liste de ces délits est la suivante :

1° Les atteintes à la personne humaine passibles d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou

supérieure à cinq ans prévue au titre II du livre II du code pénal ;2° Les vols avec violence prévus au dernier alinéa de l'article 311 4, au 1° et au dernier alinéa de l'article 311 5 età l'article 311 6 du code pénal, ainsi que les extorsions prévues aux articles 312 1 et 312 2 du même code ;

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3° Les destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes passibles d'une peined'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans prévus à la section 2 du chapitre II du titre II dulivre III du code pénal.

La compétence de la formation citoyenne est donc limitée aux délits graves contre les personnes. Elle afortement évolué durant les débats parlementaires. Initialement resserrée autour des violences graves sur les

 personnes, la liste des infractions visées par l'article 399-2 du code de procédure pénale a été sensiblementélargie par les sénateurs. Le rapporteur du projet de loi au Sénat a fait remarquer que la rédaction initiale du texteétait orientée autour d'une forme de délinquance sociologiquement marquée (23). Le projet de loi proposaitainsi aux citoyens de porter un regard partiel et quelque peu caricatural sur la délinquance. Dès lors, l'objectif derapprocher la justice de la population s'éloignait. Le Sénat a ainsi proposé d'étendre la compétence de laformation citoyenne à l'ensemble des atteintes aux personnes passibles d'une peine d'emprisonnement égale ousupérieure à cinq ans afin d'englober « des formes de délinquance d'origine plus diverse que celle des faits deviolences » (24). Furent également ajoutées à la liste, les atteintes à l'environnement punies de cinq ansd'emprisonnement au moins et le délit d'usurpation d'identité prévu par l'article 434-23 du code pénal. Cetélargissement fut partiellement censuré par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 4 août 2011, leConseil affirma que « les infractions prévues au livre IV du code pénal et celles prévues au code del'environnement sont d'une nature telle que leur examen nécessite des compétences juridiques spéciales qui fontobstacle à ce que des personnes tirées au sort y participent » (consid. 14). La motivation de la décision ne

convainc qu'à moitié. Si les délits environnementaux présentent une complexité évidente, l'argument ne vaut pas pour l'ensemble des délits prévus par le livre IV du code pénal. On lit néanmoins entre les lignes que lesformations citoyennes peuvent être compétentes pour juger les atteintes aux personnes, voire aux biens(s'agissant de la Cour d'assises), mais qu'il semble exclu de confier à des citoyens non spécialisés des infractionsvisées par un texte spécial ou portant atteinte à la chose publique, plutôt qu'aux intérêts privés.

L'article 399-2 in fine prévoit une réduction de compétence de la formation citoyenne, s'agissant des délits quirelèvent de la criminalité organisée ou de la compétence du juge unique. L'article 399-3 du code de procédure

 pénale prévoit de son côté une extension de compétence à un ensemble d'infractions connexes : lescontraventions, certains délits prévus par l'article 398-1 du code de procédure pénale et certaines atteintes aux

 biens prévues par le code pénal.Si la formation citoyenne du tribunal correctionnel et de la chambre des appels correctionnels possède unecompétence qui s'avère assez étendue, le législateur a souhaité réduire le rôle joué par les assesseurs aux

questions qui semblent nécessiter le moins de compétences techniques (25) : la qualification des faits, laculpabilité et le choix de la peine (C. pr. pén., art. 399-4). Les autres questions, telles que les exceptions de

 procédure, l'attribution des dommages-intérêts ou l'application des mesures de sûreté, ne pourront être jugées que par la formation restreinte aux magistrats. La division de compétence reproduit ici le système adopté aux assises.Elle permet de concentrer le rôle des citoyens assesseurs sur les questions pénales de fond et sur l'appréciationdes preuves. La formation restreinte aux magistrats est également compétente exclusivement pour juger le

 prévenu non comparant par défaut et pour fixer le montant de la consignation liée à une constitution de partiecivile par voie d'action (C. pr. pén., art. 399-5 et 399-6).À l'origine du projet de loi, la présence de citoyens assesseurs devait être étendue à la Cour d'assises. La réformea évolué sur ce point vers un allégement de la composition de cette juridiction.2. La nouvelle composition de la Cour d'assisesLa Cour d'assises rencontre actuellement deux difficultés connexes. L'engorgement du rôle des Cours d'assises

 provoque un allongement des délais d'audiencement incompatibles avec les règles strictes relatives à la détention provisoire (26). Pour cette raison, certaines juridictions procèdent à des correctionnalisations (27) afin desatisfaire aux exigences de jugement dans un délai raisonnable.

Pour résoudre ce problème, le projet de loi avait imaginé la création de Cours d'assises composées de troismagistrats et de deux citoyens assesseurs pour juger les crimes passibles de quinze et vingt ans de réclusioncriminelle, commis en l'absence de récidive. Les parties pouvaient s'opposer à cette compétence et demander lerenvoi de leur affaire devant une formation traditionnelle de la Cour d'assises. Outre le fait que cette nouvellecomposition était identique à celle du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne, le Sénat a estimé que ledispositif proposé était trop complexe. Il a néanmoins tenu compte de la nécessité d'améliorer le rendement desCours d'assises et a réduit le nombre de jurés dans chacune des juridictions criminelles. En conséquence, la Cour d'assises du premier degré est désormais composée de trois magistrats et de six jurés. En appel, la juridiction estcomposée de trois magistrats et de neuf jurés. Le nombre de jurés susceptibles d'être récusés est réduit en

conséquence (quatre et trois en premier ressort, cinq et quatre en appel). La constitution des listes de jurés estégalement allégée (28).

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Par ailleurs, la loi du 10 août 2011 a modifié les règles relatives au rythme des audiences. Avant l'entrée envigueur de la loi, une audience d'assises était organisée chaque trimestre. L'article 236 du code de procédure

 pénale prévoit désormais qu'une audience sera programmée « chaque fois qu'il est nécessaire ».Enfin, pour coordonner la composition des jurys d'assises avec celle des juridictions citoyennes, l'article 258-2du code de procédure pénale prévoit que les personnes qui ont occupé la fonction de citoyen assesseur durant lescinq années qui précèdent l'année en cours ne peuvent être sélectionnées comme jurés d'assises.

En définitive, la nouvelle composition de la Cour d'assises est légèrement réduite. On peut douter de l'efficacitéde cette modification sur le rendement des juridictions criminelles, puisque la réforme ne s'accompagne pas, sur ce point, d'une augmentation de postes de magistrats de carrières. Seul le travail de composition des jurys seraallégé, mais les audiences ne pourront pas être multipliées. L'innovation est plus importante s'agissant des

 juridictions d'application des peines.3. Les juridictions d'application des peinesLa présence de juges non-professionnels au sein des juridictions d'application des peines était limitée et fondéesur le système de l'échevinage. Des représentants d'associations de réinsertion des condamnés et d'associationsd'aide aux victimes étaient associés aux magistrats professionnels. Cette composition d'inspiration paritairesoulevait plusieurs difficultés d'application. D'une part, la présence des représentants des associations n'était pastoujours assurée (29). D'autre part, les associations de réinsertion les plus actives sur le terrain étaientégalement les plus présentes dans les juridictions, de sorte que les mesures de réinsertion envisagées par la

chambre d'application des peines pouvaient être mises en oeuvre au sein de l'association représentée dans la juridiction. Un problème d'impartialité se posait donc.

Les travaux parlementaires ont fait apparaître que les juridictions d'application des peines ayant un important pouvoir pour modifier l'exécution de la sentence des juridictions de jugement, la présence de citoyens assesseurss'avérait nécessaire. Cette participation devrait également permettre de « lever le risque de stigmatisationinfondée sur les décisions prises par les juges d'application des peines » (30).

La loi introduit la présence de deux citoyens assesseurs aux côtés des trois magistrats professionnels au sein dutribunal d'application des peines et de la chambre d'application des peines de la Cour d'appel. En premièreinstance, le tribunal d'application des peines dans sa formation citoyenne sera compétent pour se prononcer sur lerelèvement de la période de sûreté ainsi que sur la libération conditionnelle des personnes condamnées à une

 peine égale ou supérieure à cinq ans (C. pr. pén., art. 720-4-1 et 730-1). La chambre d'application des peines

dans sa formation citoyenne sera, quant à elle, appelée à statuer sur l'appel des jugements mentionnés à l'article712-7 (31).Les raisons avancées pour introduire des citoyens assesseurs au stade de l'application des peines sontcompréhensibles. Il serait difficilement concevable que les peines soient prononcées par des juridictionscomposées de citoyens et qu'elles soient ensuite aménagées par des magistrats professionnels. Le sentiment descission entre l'institution judiciaire et la société en sortirait renforcé. Toutefois, la loi n'a pas restreint lacompétence des formations citoyennes aux seules questions de fond (la mesure d'application de la peine), ce qui

 présentait le danger de soumettre aux citoyens assesseurs des questions techniques débordant leurs compétences.Le dispositif légal a donc été complété par une réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel selon laquelle« même en l'absence de disposition expresse limitant cette participation à ces seules questions de fond, lacomplexité juridique du régime de l'application des peines ne saurait permettre que les citoyens assesseurs

 participent au jugement de toute autre question sur laquelle le tribunal de l'application des peines ou la chambrede l'application des peines serait appelé à statuer, tel que l'appréciation des conditions de recevabilité desdemandes ou l'examen des incidents de procédure » (32). Le parallélisme est donc établi avec les juridictionsde jugement. Les citoyens assesseurs ne peuvent statuer que sur l'opportunité de la mesure d'exécution de la

 peine.

Ce parallélisme définit, pour toutes les juridictions, un cadre procédural harmonisé et adapté à la présence decitoyens au sein de la justice pénale.

II. La définition d'un régime procédural harmonisé

L'harmonisation des procédures de jugement provient, dans un premier temps, de l'influence de la procédurecriminelle sur les audiences correctionnelles et d'application des peines (A). Elle résulte, dans un second temps,d'un rapprochement de la procédure d'assises vis-à-vis de la procédure correctionnelle (B). Ce double

mouvement permet de dégager un régime juridique commun à toutes les procédures devant les juridictionscitoyennes.

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A. L'influence de la procédure criminelle sur les audiences correctionnelles et d'application des peines

L'harmonisation de la procédure devant les juridictions citoyennes constitue un des points marquants de laréforme. Les sections relatives aux débats et au jugement devant le tribunal correctionnel ont été augmentées de

 paragraphes consacrés aux « dispositions applicables devant le tribunal correctionnel dans sa formationcitoyenne » (33). Cette procédure spécifique est également applicable à la Cour d'appel lorsqu'elle comprend

des citoyens assesseurs (34).La procédure correctionnelle est marquée par une instruction à l'audience plus légère que dans la procédurecriminelle. L'un des magistrats qui composent le tribunal correctionnel présente son rapport et interroge le

 prévenu. Les témoins et experts ne sont généralement pas entendus. Cette instruction courte est suivie duréquisitoire et des plaidoiries avant que la juridiction délibère.

Cette procédure simplifiée est mal adaptée à une audience devant des citoyens assesseurs, qui ne connaissent pasle dossier au moment où ils siègent et qui ignorent les subtilités juridiques qui peuvent être sous-tendues par l'affaire. Pour cette raison, l'article 461-2 prévoit que le magistrat professionnel en charge du rapport « expose,de façon concise, les faits reprochés au prévenu et les éléments à charge et à décharge figurant dans le dossier ».Ce rapport ne doit pas faire apparaître une opinion sur la culpabilité du prévenu. À l'issue du rapport, le magistraténonce la qualification légale des faits objets de la poursuite. Ensuite, les débats peuvent se dérouler sansaudition des témoins et des experts, mais le président doit alors donner lecture des déclarations écrites des

témoins et des conclusions des experts, intégralement ou par extraits (C. pr. pén., art. 461-3). De surcroît, le président doit veiller à ce que les assesseurs puissent prendre connaissance de toutes les pièces utiles du dossier.Les assesseurs peuvent, avec l'autorisation du président, poser des questions aux parties, ainsi qu'aux témoins etaux experts qui comparaissent (C. pr. pén., art. 461-4). Cette possibilité est également prévue dans les

 juridictions d'application des peines (C. pr. pén., art. 712-13-1). Durant les audiences, les citoyens assesseurs ontl'interdiction de manifester leur opinion. Ainsi, sans que le principe de l'instruction orale soit appliqué à la lettre,l'audience devant les juridictions correctionnelles en formation citoyenne est plus étoffée que devant desmagistrats professionnels. L'étude d'impact estime à ce titre que le temps d'audience devant une formationcitoyenne pourrait doubler (35).

L'influence de la procédure criminelle se poursuit après les débats, puisque l'article 486-2, alinéa 2, prévoit que «le délibéré se tient à l'issue des débats, avant l'examen de toute autre affaire », « sauf lorsque le président endécide autrement dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ». On retrouve ici l'idée qui inspire le

 principe de continuité des débats et des délibérés devant la Cour d'assises. Cette continuité donne tout son sens àl'instruction orale. Les membres de la juridiction possèdent une vision globale du dossier et peuvent en débattreimmédiatement, sans que d'autres affaires viennent perturber cette impression d'ensemble. Cette procédure estadaptée à la présence des citoyens assesseurs, mais augmente la durée des audiences correctionnelles.

Le délibéré doit également tenir compte de la présence de non-professionnels. Pour cette raison, il se déroule endeux phases. La première phase concerne la qualification et la culpabilité. Le président de la juridiction doitrappeler aux citoyens assesseurs les éléments constitutifs de l'infraction, les éléments des circonstancesaggravantes et certaines dispositions fondamentales du code pénal relatives à la responsabilité (C. pr. pén., art.486-3) (36). La seconde phase concerne la peine. Si le prévenu a été déclaré coupable, le président doitrappeler les peines encourues, l'existence des modes de personnalisation des peines et certaines dispositions ducode pénal relatives à la peine (C. pr. pén., art. 486-4) (37).

Après avoir défini le droit commun devant la juridiction citoyenne, le législateur a dû procéder à unaménagement des règles de comparution immédiate. Dans les petites juridictions, la réunion d'une formationcitoyenne dans un temps très court peut poser des difficultés pratiques. Si la réunion du tribunal ne peut avoir lieu le jour même, le procureur de la République peut alors traduire le prévenu devant le juge des libertés et de ladétention pour solliciter un placement en détention provisoire. Le délai de droit commun de trois jours ouvrables

 prévu pour ce placement est alors porté à huit jours.

La procédure devant les juridictions composées de citoyens assesseurs permet de mettre en évidence un régime juridique homogène. Ce régime présente plusieurs caractéristiques : importance de l'instruction à l'audience,oralité des débats ou lecture des pièces du dossier durant l'audience, continuité des débats et des délibérés, rôle

 pédagogique du président ou des magistrats professionnels vis-à-vis des citoyens. Toutes ces caractéristiques seretrouvent dans la procédure devant la Cour d'assises, procédure qui a également fait l'objet d'adaptations.

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B. L'adaptation de la procédure criminelle au droit commun

La procédure devant la Cour d'assises a subi plusieurs modifications qui ne présentent pas toutes la mêmeimportance.Certaines dispositions ajustent les règles de majorité au cours des délibérés pour prendre en compte lamodification du nombre de jurés dans la composition de la juridiction. Ainsi, l'article 359 du code de

 procédure pénale prévoit que toute « décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de six voix aumoins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel. ». Cette règle s'applique également pour le prononcé du maximum de la peine

 privative de liberté encourue (C. pr. pén., art. 362). La modification est ici de pure technique puisquel'équilibre de la majorité qualifiée des deux tiers est conservé.Plus importante est la simplification de la procédure qui marque l'ouverture de l'audience. L'article 327 ducode de procédure pénale prévoyait que le président de la Cour d'assises devait procéder à la lecture de ladécision de renvoi. Durant les auditions parlementaires, certains magistrats ont cité des exemples de décisionsde renvoi de centaines de pages dont la lecture occupait plusieurs journées d'audience (38). La disposition aété entièrement réécrite par la loi du 10 août 2011. Le président n'est plus tenu de lire la décision de renvoi,mais il doit présenter de façon concise les faits reprochés à l'accusé, les éléments à charge et à décharge telsqu'ils résultent de la décision de renvoi, ainsi que la qualification légale des faits. En appel, le président nedoit plus lire les questions posées à la Cour d'assises ayant statué en premier ressort et les réponses faites par 

la juridiction, mais il doit désormais donner le sens de la décision rendue en premier ressort et sa motivation.

La modification la plus significative tient à l'introduction d'une obligation de motivation explicite des arrêtsd'assises. Cette motivation a donné lieu à un intense débat doctrinal, mais également à un foisonnement

 jurisprudentiel dont l'interprétation était parfois délicate. La Cour de cassation a longtemps considéré que «l'ensemble des réponses, reprises dans l'arrêt de condamnation, qu'en leur intime conviction, magistrats et

 jurés ont donné aux questions posées conformément à l'arrêt de renvoi, tient lieu de motifs aux arrêts de lacour d'assises statuant sur l'action publique » (39). Toutefois, la Cour de cassation a récemment transmis auConseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité concernant la motivation des arrêtsd'assises. Dans une décision du 1er avril 2011 (40), le Conseil a déclaré que l'absence de motivation explicitedes arrêts d'assises était conforme à la Constitution. Tout en admettant que l'obligation de motivation desdécisions de justice était une « garantie légale d'une exigence constitutionnelle », le juge constitutionnel aconsidéré que la procédure criminelle était entourée de suffisamment de garanties pour que « les magistrats et

les jurés ne forgent leur conviction que sur les seuls éléments de preuve et les arguments contradictoirementdébattus » et pour que la Cour d'assises ne dispose pas d'un pouvoir arbitraire pour décider de la culpabilitéd'un accusé. La CEDH s'est également prononcée sur cette question dans un arrêt Taxquet rendu par la grandechambre (41). La Cour européenne a considéré que l'absence de motivation des arrêts d'assises ne violait par le droit au procès équitable, si l'accusé était en mesure de « comprendre le verdict qui a été rendu ». Dans uneaffaire antérieure (42), la CEDH avait pu juger que les 768 questions soumises à la Cour d'assises et au jury« formaient une trame sur laquelle s'est fondée la décision » et avaient permis « de compenser adéquatementl'absence de motivation des réponses du jury ». En revanche, dans l'affaire Taxquet, elle a considéré que « laformulation des questions posées au jury était telle que le requérant était fondé à se plaindre qu'il ignorait lesmotifs pour lesquels il avait été répondu positivement à chacune de celles-ci, alors qu'il niait toute implication

 personnelle dans les faits reprochés ». La CEDH a ajouté, de façon plus générale, que « ces réponseslaconiques à des questions formulées de manière vague et générale ont pu donner au requérant l'impressiond'une justice arbitraire et peu transparente ». Si elle ne condamne pas le principe même de l'absence demotivation, la Cour européenne examine au cas par cas la liste des réponses aux questions, pour savoir si cettemotivation implicite a permis de comprendre la décision rendue. Au regard de cette exigence, unecondamnation de la France n'était pas à exclure ; et c'est avec une certaine prévoyance que le législateur a créél'obligation de motivation des arrêts criminels à l'article 365-1 du code de procédure pénale.

Cette motivation doit être rédigée par l'un des magistrats professionnels de la Cour d'assises. Elle décrit les « principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises »et qui ont été repris au cours des délibérations qui précèdent le vote. La motivation ne se substitue pas auxréponses aux questions posées à la Cour, mais elle est exposée dans une « feuille de motivation » annexée à lafeuille des questions. En principe, la motivation doit être rédigée immédiatement après la délibération, mais

 par exception, en « raison de la particulière complexité de l'affaire, liée au nombre des accusés ou des crimesqui leur sont reprochés », elle peut être réalisée dans les trois jours du prononcé de la décision.

L'introduction d'une obligation de motivation explicite des arrêts d'assises (43), si elle constitue une netteavancée des droits fondamentaux dans le procès criminel, participe également au mouvement d'harmonisation

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des procédures au sein de la justice pénale citoyenne. Le législateur montre que la motivation des décisions de justice est compatible avec la présence de citoyens dans les juridictions, qu'il s'agisse de citoyens assesseursou de jurés d'assises. Elle permet également de considérer que la motivation n'est pas antinomique avec le

 principe de l'intime conviction (44).

En définitive, la loi du 10 août 2011 laisse deux impressions contradictoires. D'un côté, on a le sentiment que

l'introduction des citoyens pour le jugement des délits et accessoirement pour certaines mesures d'applicationdes peines, donne à cette loi uns dimension politique dont l'utilité reste à démontrer. Elle apparaît comme uneréponse à une question qui ne se posait pas. D'un autre côté, une fois que l'on admet la présence généraliséedes citoyens dans les juridictions pénales (délits, crimes, application des peines), on peut saluer l'effort dulégislateur pour faire émerger une véritable catégorie juridique, la justice pénale citoyenne, catégorie dotéed'un régime cohérent et harmonisé.

(1) S. Huyghe, Rapp. n° 3532, Rapport fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée Nationale, p. 22.(2) Étude d'impact du 11 avr. 2011, p. 49 : « en s'impliquant concrètement dans le jugement des délits qui portent atteinte quotidiennement àla sécurité et à la tranquillité de la population, ils auront l'occasion de découvrir le fonctionnement de notre système judiciaire et pourrontappréhender les principes de la sanction pénale. Cette expérience est le point essentiel de l'objectif de rapprochement des Français avec une justice qu'ils connaissent mal pour la plupart ».(3) La loi des 16 et 29 sept. 1791 qui a créé le tribunal criminel départemental, puis le code d'instruction criminelle de 1808 qui a institué laCour d'assises composée de douze jurés statuant sur la culpabilité.(4) Le juge de proximité est un juriste qui exerce cette fonction à temps partiel. Il peut s'agir d (5) V. Jean-René Lecerf, Rapp. n° 489, fait au

nom de la commission des lois du Sénat, p. 12.(6) Cons. const., 19 févr. 1998, n° 98-396 DC, AJDA 1998. 380  ; ibid . 305, note J.-E. Schoettl ; D. 2000. 53 , obs. J.-C. Car  , laloi organique portant recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire, CEDH, 16 nov. 2010, n° 926/05, Taxquet c/ Belgique, D.

2011. 47, obs. O. Bachelet , note J.-F. Renucci ; ibid . 48, note J. Pradel   ; AJ pénal 2011. 35, obs. C. Renaud-Dupar c ; cette

Revue 2011. 214, obs. J.-P. Marguénaud ; Procédures 2009, comm. 172.'un magistrat à la retraite.

(7) Cons. const., 20 févr. 2003, n° 2003-466 DC, D. 2004. 1271 , obs. S. Nicot ; cette Revue 2003. 602, obs. V. Bück , à propos dela juridiction de proximité.

8) Cons. const., 20 janv. 2005, n° 2004-510 DC, D. 2006. 826 , obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino  ; cette Revue 2006. 124, obs. V.

Bück , à propos de la participation des juges de proximité aux juridictions correctionnelles collégiales.(9) V. CEDH, 16 nov. 2010, n° 926/05, Taxquet c/ Belgique, préc.10)  Nous avons choisi de ne pas traiter dans cette chronique les aspects de la réforme liée à la justice des mineurs.(11) Équivalent temps plein.(12) Art. 54 de la loi.(13) Art. 37-1 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de laRépublique : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental »".(14) Le terme « capacité » ne s'entend pas de compétences juridiques (consid. 12).(15) Les dispositions validées et censurées seront envisagées individuellement dans la suite de l'article.(16) Cette commission est alors présidée par le Président du TGI.(17) La personne qui ne s'est pas présentée à une convocation peut être également retirée des listes de citoyens assesseurs.(18) Ce mécanisme de l'abstention est le même que celui applicable aux magistrats.(19) Les modalités de cette formation doivent être prévues par décret.(20) S. Huyghe, Rapp. n° 3532, Rapport fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée Nationale, p. 11.(21) L'expression « formation citoyenne » n'est pourtant pas retenue par le C. pr. pén. s'agissant de la chambre des appels correctionnels.(22) Le code précise que les citoyens assesseurs siégeant en appel ne peuvent avoir connu de l'affaire devant le tribunal correctionnel dans saformation citoyenne.(23) Le rapport parlementaire parle d'une « frange particulièrement démunie de la population ». Jean-René Lecerf, Rapp. n° 489, fait au nomde la commission des lois du Sénat, p. 29.(24) Ibid . p. 30.(25) Il est évident que les difficultés juridiques liées à la qualification ou à l'éventail des peines applicables nécessiteront des explicationsadéquates de la part des magistrats.(26) V. par ex. Crim., 2 sept. 2009, n° 09-83.949, Dr. pénal 2009, n° 11, comm. 145. Dans cette affaire, l'encombrement du rôle de la Cour d'assises spécialement composée n'avait pas permis de faire comparaître l'accusé dans le délai d'un an, même prolongé exceptionnellementune première fois pendant six mois. La Cour de cassation a jugé, sur le fondement de l'art. 5, § 3, de la Conv. EDH, que « la chambre del'instruction, ne pouvait justifier la mesure de prolongation de la détention à titre exceptionnel par les difficultés récurrentes defonctionnement de la juridiction appelée à statuer au fond ».(27) Jean-René Lecerf, Rapp. n° 489, fait au nom de la commission des lois du Sénat, préc. p. 30.(28) V. les art. 266 et 289-1 C. pr. pén. qui réduisent le nombre de jurés figurant sur ces listes.(29) Seuls un représentant, un titulaire et un suppléant étaient désignés pour chaque juridiction. L'étude d'impact (p. 12) indique quel'audiencement pouvait susciter des difficultés.(30) Jean-René Lecerf, Rapp. n° 489, préc. p. 31.(31) Relèvement de la période de sûreté, libération conditionnelle, suspension de peine.(32) Cons. const., 4 août 2011, n° 2011-635 DC, consid. 16.(33) C. pr. pén., art. 461-1 à 461-4 s'agissant des débats, et 486-1 à 486-5 s'agissant du jugement.(34) C. pr. pén., art. 512-1 qui renvoie aux art. 461-1 à 461 4 et 486-1 à 486-4 (V. note préc.).(35) Trois affaires par audience en formation citoyenne plutôt que six affaires par audience en formation collégiale professionnelle (étuded'impact, p. 53).

(36) Les dispositions des art. 121-5 et 121-7 (tentative et complicité) ainsi que du chapitre II du titre II du livre Ier du code pénal (causesd'irresponsabilité pénale).(37) Les dispositions des art. 132 19, 132 20, 132 24 et, s'il y a lieu, 132 19 1 et 132 19 2 C. pén..

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(38) Jean-René Lecerf, Rapp. n° 489, préc. p. 72.(39) V. not. Crim., 30 avr. 1996, RSD 1996. 877.

(40) Cons. const., 1er avr. 2011, n° 2011-113/115 QPC, AJ pénal 2011. 243, obs. J.-B. Perrier  ; Constitutions 2011. 361, obs. A. Cappello

 ; Dr. pén. 2011, comm. 70.(41) CEDH, 16 nov. 2010, n° 926/05, Taxquet c/ Belgique, Procédures 2009, comm. 172.

(42) CEDH, 25 juill. 2002, n° 54210/00, Papon c/ France, D. 2002. 2572, et les obs. , obs. J.-F. Renucci .(43) La liste des questions et réponses pouvant être considérée comme une motivation implicite et imparfaite.

(44) Contrairement à ce qu'on lit trop souvent, l'intime conviction est un démembrement du principe de liberté de la preuve. Cette règle nedispense pas de motiver sa décision.

Doc. 4 - Procédures n° 11, Novembre 2011, étude 11 - Commentaire de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. Etudepar Anne-Sophie CHAVENT-LECLÈRE

La loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugementdes mineursNote 1 n'est pas une réforme anodine. Elle touche à l'essence même de nos équilibres procéduraux en revisitant la plupart des juridictions de l'ordre pénal. La Cour d'assises, amputée de deux de ses jurés, perd sa dominante populaire, letribunal correctionnel, élargi pour certaines infractions à deux citoyens assesseurs, perd son professionnalisme, quant à la justice des mineurs, elle s'allège, du fait de la création d'un tribunal correctionnel pour mineur, composé de seuls magistrats,

de sa spécialisation.

1. - Si le texte est présenté comme apte à rapprocher le citoyen d'aujourd'hui de sa justice et ramener celui dedemain sur le droit chemin, il n'est pas à en douter un texte procéduralement sévère avec pour point de mirel'accélération des délais de jugement, la lutte contre la correctionnalisation judiciaire et la prévention de larécidive. Il vise aussi incontestablement à répondre aux injonctions européennes en prévoyant la motivationdes décisions d'assises et le renforcement des décisions relatives à l'application des peines. La présente études'intéressera tant aux dispositions affectant la justice des majeurs que celles touchant à la justice des mineurs.

1. La justice des majeurs

A. - Le jugement des délits2. - La création d'un tribunal correctionnel populaire avait largement été annoncée. Elle est aujourd'hui sur le

 point de voir le jour. Sur le point seulement, car du fait d'une forme de prudence, l'entrée en vigueur de la loirelativement à la nouvelle composition du tribunal correctionnel est au mieux différée au 1er janvier 2012, et pour la plupart des dispositions et notamment les plus emblématiques, reportées au 1er janvier 2014 sil'expérimentation prévue par l'article 54 de la loi se révèle fructueuse. Un arrêté du 12 octobre 2011 vient à cetégard de désigner les cours d’appel de Dijon et de Toulouse comme celles qui accueilleront les tribunauxcitoyens jusqu’au 1er janvier 2014 avant une éventuelle extension à d’autres juridictions.

1° La composition du tribunal correctionnel en sa formation citoyennea) Les citoyens assesseurs3. - Le nouveau tribunal correctionnel ne sera pas l'équivalent de la Cour d'assises. En matière criminelle, ledroit français consacre une véritable justice populaire, en ce sens que les jurés amenés à trancher desquestions de culpabilité et de peine sont des citoyens ordinaires. Aux termes des articles 254 et suivants duCode de procédure pénale, n'importe quel citoyen, sous réserve de quelques incompatibilités liées à une

condamnation Note 2, incapacité ou activité politique ou judiciaire, est susceptible de composer un jury criminel.Au contraire, le fameux « citoyen assesseur » qui composera le jury correctionnel, n'est pas un citoyen tout àfait ordinaire. Si le vivier originel est identique au jury d'assises – les listes électorales – les personnesamenées à être « citoyen assesseur » sont au final sélectionnées en fonction de critères dont on ne connaît pasencore la substance, mais dont on présume qu'ils tentent d'assurer une forme de compétence intellectuelle.Le nouvel article 10-4 du Code de procédure pénale prévoit en effet que le maire qui gère la liste préparatoirede la liste annuelle adresse « un recueil d'informations dont le contenu est fixé par décret en Conseil d'État ».Le président de chaque tribunal de grande instance examine alors les informations obligatoirement fournies eten les croisant avec « une consultation des traitements automatisés » détermine avec la commission qu'ilcompose si les « élus » « paraissent manifestement être en mesure d'exercer les fonctions de citoyensassesseurs » Note 3. Le décret n° 2011-1271 du 12 octobre 2011 vient justement renseigner sur le profil desfameux citoyens assesseurs. Selon le récent texte, les informations obligatoirement données par les citoyens etqui serviront de fondement au fameux tri opéré sont pour une partie d’entre elles classiques, notamment celles

relatives à l’état civil, à la situation professionnelle, à l’existence d’une mesure de protection ou à l’exercicede fonctions électives publiques ou juridictionnelles, d’autres le sont beaucoup moins. Ainsi, les citoyensdevront également renseigner sur l’exercice de leurs activités, y compris associatives, en lien avec l’institution

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 judiciaire, mais également sur « la date et la nature des infraction sont l’intéressé, son conjoint, son partenairelié par un pacte civil de solidarité, son concubin ou l’un de ses parents ou alliés en ligne directe aurait étévictime dans l’année en cours ou dans les deux années précédentes ». On comprend que le citoyen assesseur 

 pourra être choisi, comme les échevins, pour son aptitude ou l’intérêt qu’il porte aux questions judiciaires,sans pour autant être concerné de près ou de loin, comme sujet, par la justice. Relativement au mode defonctionnement en revanche, le système est semblable au jury d'assises, puisque les citoyens assesseurs

siègent dix jours au plus dans l'année, qu'ils prêtent le même serment que les jurés criminels, sont soumis auxmêmes causes de récusation, de même qu'ils sont sanctionnés par la même amende de 3 750 € s'ils neremplissent pas leurs obligations. Le système choisi est ainsi qualifié par d'aucuns de « mixte », seulsusceptible d'assurer la double exigence de l'impartialité et de l'égalité Note 4.Dans sa décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011, le Conseil constitutionnel valide à cet égard la formationretenue en précisant que « si les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées

 par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire, la Constitution nefait pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats decarrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire » Note 5.

b) Les magistrats professionnels4. - Le tribunal correctionnel en sa formation citoyenne est, contrairement à ce que son nom le laisse penser,

un tribunal majoritairement composé de magistrats. L'article 399-2 du Code de procédure pénale dispose qu'ilest composé, outre les deux assesseurs, de trois magistrats professionnels. Ceci implique bien évidemment,que contrairement au jury populaire présent en cours d'assises, les magistrats professionnels ont la majoritédes voix, qu'ils participent au délibéré (CPP, art. 486-2) et que le président détient un rôle prépondérant(CPP, art. 486-2 et s.). Pour des questions techniques comme l'examen des exceptions de procédure, l'octroide dommages et intérêts, le prononcé des mesures de sûreté (399-4) ou en cas de requalification entraînantmodification de compétence, voire en cas de défaut (CPP, art. 399-5), la décision sera prise par les seulsmagistrats (CPP, art. 486-5).

2° La compétence du tribunal correctionnel en sa formation citoyenne

5. - Le tribunal n'a pas une compétence de droit commun. Le législateur lui octroie une compétence tant sur le principe de la peine que sur son application, mais il limite son intervention à certains domaines.

a) Concernant le jugement relatif à la culpabilité et à la peine6. - L'exposé des motifs de la loi insiste sur le fait que les citoyens assesseurs ne seront présents que pour le

 jugement « des délits qui portent quotidiennement atteinte à la sécurité et la tranquillité de nos concitoyens ».Le choix du périmètre des infractions entrant dans le champ de compétence du tribunal correctionnel citoyenconstituait l'un des enjeux les plus sensibles de la réforme. Les travaux parlementaires montrent clairement àcet égard les difficultés à cibler certaines infractions en fonction de leur simplicité ou de leur nature, laissantressortir le danger d'une stigmatisation d'une frange particulière de la population Note 6. Allant au-delà des

 préconisations, le législateur retient une liste importante d'infractions touchant aussi bien les personnes que les biens. Aux termes de l'article 399-2 du Code de procédure pénale, la compétence du tribunal correctionnelcitoyen comprend, les atteintes à la personne humaine passibles d'une peine d'emprisonnement d'une duréeégale ou supérieure à cinq ans, les vols avec violences et extorsions, les dégradations de biens dangereuses

 pour les personnes passibles d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans. Laliste s'étendait également au nouveau délit d'usurpation d'identité ainsi qu'aux délits environnementaux.Considérant cependant que ces dernières infractions étaient « d'une nature telle que leur examen nécessite descompétences juridiques spéciales », le Conseil constitutionnel a invalidé la compétence du tribunal en saformation citoyenne sur ce point.

b) Concernant le jugement relatif à l'application des peines7. - Les turbulences médiatiques autour de décisions hâtivement contestées rendues par des juridictionsd'application des peines ont conduit le législateur à introduire aussi une dose de citoyenneté au stade del'aménagement de la sanction. La loi prévoit ainsi que les citoyens assesseurs participent au jugement enmatière d'application des peines pour statuer sur la réduction de la période de sûreté (CPP, art. 720-4-1), sur lalibération conditionnelle lorsque la peine privative de liberté est d'une durée supérieure à cinq ans et, dans cecas pour ordonner que la peine s'exécutera sous le régime de la semi-liberté et du placement sous surveillanceélectronique (CPP, art. 730-1 et s.), ainsi que sur l'appel des décisions du tribunal d'application des peines

(CPP, art. 712-13-1).

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3° Le fonctionnement du tribunal correctionnel en sa formation citoyenne

a) La saisine8. - Étant donné la compétence matérielle du tribunal, la saisine classique de ce dernier se fera naturellement

 par la voie de l'ordonnance de l'article 179 du Code de procédure, dont il est prévu qu'elle précise «  s'il y a

lieu que les faits relèvent de l'article 399-2 et que l'affaire est renvoyée devant le tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne » (CPP, art. 399-7 ). Le législateur a également prévu que le tribunal ainsi composé puisseêtre saisi en cas de comparution immédiate, selon une procédure identique à ce qui existe déjà devant letribunal correctionnel classique, à la différence près que le délai pour réunir le tribunal citoyen peut être portéà huit jours au lieu de trois.

b) La connexité et les renvois9. - Comme toute juridiction et pour des raisons tenant à une bonne administration de la justice, le tribunalcorrectionnel en sa formation citoyenne peut être amené à juger de délits ou de contraventions connexes audélit qui saisit la juridiction citoyenne, quand bien même ils seraient hors du champ originaire de sacompétence (CPP, art. 399-3). Seuls les délits spécialisés relevant de la délinquance organisée ou financièrerestent hors d'atteinte du tribunal citoyen et restent de la compétence des seuls juges professionnels (CPP, art. 399-4). De la même sorte, la loi organise les divers renvois nécessaires en cas de saisine erronée du

tribunal citoyen ou à l'inverse du tribunal classique (CPP, art. 399-9 à 399-11).

c) La procédure d'audience10. - L'article 6 de la loi organise la procédure applicable aux audiences devant le tribunal correctionnelcomprenant des citoyens assesseurs en insérant à cette fin cinq articles (CPP, art. 461-1 à 461-5) à la suite del'article 461 du Code de procédure pénale Note 7. Ces adaptations procédurales – qui ont « pour objet d'assurer que les citoyens assesseurs seront en mesure de participer de façon éclairée au jugement des affaires » Note 8 – serapprochent des règles applicables devant la cour d'assises. Il est entre autre prévu qu'avant l'ouverture desdébats, le président rappelle aux citoyens qu'ils sont tenus de respecter le serment des jurés (CPP, art. 304),qu'en début d'audience ce dernier procède, dans un rapport oral, à un exposé synthétique du dossier, en

 précisant les éléments à charge et à décharge et sans manifester son opinion sur la culpabilité du prévenu.L'article 461-3 précise que le président donne lecture de tout ou partie des témoignages des témoins noncomparants, ainsi que des conclusions des experts. Il doit veiller à ce que les citoyens assesseurs puissent

 prendre utilement connaissance de tous les éléments du dossier. Les citoyens assesseurs peuvent, comme lesmagistrats, poser des questions après avoir demandé la parole au président. Ils ont aussi le droit de prendre desnotes. Le délibéré se tient – sauf exception – à l'issue des débats et laisse un rôle prépondérant au présidentmagistrat, qui s'assure de la maîtrise des enjeux juridiques de la décision.

B. - Le jugement des crimes11. - La loi du 10 août 2011 réforme également la procédure criminelle par un chapitre 3 consacré à la« participation des citoyens au jugement des crimes et amélioration de la procédure devant la cour d'assises ».Loin d'élargir la participation des citoyens à la justice criminelle, présente en France depuis la loi des 16 et29 septembre 1791, elle aurait plutôt tendance à en restreindre l'étendue. La loi a en effet pour objectif, àtravers plusieurs dispositions modifiées du Code de procédure pénale, de désengorger le rôle des coursd'assises et de limiter la correctionnalisation judiciaire. Elle s'intéresse aussi à l'épineuse question de la

motivation des décisions criminelles.1° Une formation allégée12. - La loi n'entérine pas le projet d'une cour d'assises simplifiée sur le modèle des tribunaux correctionnelscitoyens. Le projet de loi avait en effet prévu, pour les crimes souvent correctionnalisés – ceux passibles dequinze à vingt ans de réclusion criminelle – une Cour d'assises simplifiée dont le jury aurait été remplacé par deux citoyens assesseurs Note 9. L'idée était de réduire significativement le temps d'audience et la lourdeur de la

 phase de constitution du jury Note 10. Devant le risque d'engendrer une confusion avec les tribunauxcorrectionnels en leur formation citoyenne sur lesquels sa composition se serait alignée et la crainte deremettre en cause la prépondérance des représentants du peuple dans l'essentiel des affaires criminelles, la loiabandonne le projet. Finalement, le nouvel article 296 du Code de procédure pénale se contente de réduire lenombre de jurés, qui passent à six au lieu de neuf en première instance et à neuf au lieu de douze en appel. Laloi prend également la mesure de cet allégement humain en les répercutant tant sur les règles purement

formelles (réduction du nombre de jurés tirés au sort ou du nombre des jurés suppléants ( CPP, art. 266 et 289-1), que sur les règles substantielles (réduction proportionnelle du nombre de jurés pouvant faire l'objet derécusation Note 11 et du nombre de voix relatives au vote Note 12. Concernant cette dernière règle de majorité

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applicable, il peut être constaté que la réduction des voix ainsi opérée a pour effet que la décision défavorableà l'accusé n'est plus désormais prise à la majorité absolue des jurés.

2° Une audience simplifiée13. - Par la refonte de plusieurs dispositions du Code de procédure pénale, la loi du 10 août 2011 fait en sortede rationnaliser les sessions d'assises avec pour objectif une simplification de la procédure et un gain de temps

nécessaire.À ce titre, il convient de mentionner que la tenue des assises n'est plus par principe trimestrielle comme ellel'était – au moins en théorie – jusqu'à maintenant. La loi nouvelle, par souci évident de réalisme, modifiel'article 236 qui dispose désormais que « la date d'ouverture des sessions de la Cour d'assises est fixée chaque fois qu'il est nécessaire ». Cette modification aura au moins pour mérite de correspondre à la pratique judiciaire tant on sait que l'exception des sessions supplémentaires est devenue, dans bien des juridictions, le principe.De la même sorte, la lecture de l'arrêt de renvoi par le greffier, formalité obligatoire et fastidieuse estlargement allégée et remplacée par la présentation d'un résumé circonstancié et objectif de la procédureantérieure par un magistrat. Désormais, le président de la Cour d'assises présente, « de façon concise », lesfaits reprochés à l'accusé tels qu'ils résultent de la décision de renvoi. Il a également pour mission d'exposer les éléments à charge et à décharge concernant l'accusé. Lorsque la cour d'assises statue en appel, le présidentdoit donner connaissance « du sens » de la décision rendue en premier ressort, « de sa motivation » et de

l'éventuelle condamnation. Afin de garantir l'écueil d'une déformation propre à toute synthèse, le nouvelarticle 327 prévoit qu'à travers cette présentation, le président « ne doit pas manifester son opinion sur laculpabilité de l'accusé ». Il nous apparaît que cette présentation simplifiée inaugurant le procès d'assisesconstitue une réelle amélioration du système antérieur que l'indépendance des magistrats du siège devrait êtreen mesure de porter.

3° Une motivation inéluctable14. - La plus grande innovation de la loi ressort sans doute de la modification de l'article 353 du Code de 

 procédure pénale relative à la motivation des décisions criminelles. Le caractère populaire de notre justicecriminelle a longtemps eu pour conséquence deux corollaires dont personne n'aurait imaginé la déchéance :l'impossible remise en cause et l'impossible reddition de compte de la décision rendue par le peuple. Pourtant,sous l'influence tempérée de la Cour européenne des droits de l'homme Note 13, la première brèche à l'édifice

 populaire est intervenue grâce à l'institution d'un appel en matière criminelle Note 14. Dès lors, l'absence de

motivation devenait de plus en plus difficilement tenable même dans le contexte d'un appel dit « circulaire »,c'est-à-dire d'un réexamen de l'affaire en son entier. La seconde brèche est ainsi portée par la loi du 10 août 2011 qui formalise le principe de la motivation des décisions d'assises, même si son absence n'avaitréellement été condamnée ni par la juridiction européenne Note 15, ni par la Cour de cassation Note 16, ni par leConseil constitutionnel Note 17. Ceci explique que la consécration reste timide. À partir du 1er janvier 2012, est-il ainsi toujours prévu que laloi ne demandera pas « compte à chacun des juges et jurés composant la Cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus », « sous réserve » cependant, « de l'exigence de motivation de la décision ».Techniquement, la tâche de la motivation incombe à un magistrat (président ou assesseur) et consiste dansl'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu lacour d'assises et ont pu être exposés lors des délibérations préalablement aux votes sur les questions qui sontmaintenues. La motivation figure d'ailleurs sur une « feuille de motivation », annexée à la feuille desquestions et transmise immédiatement sauf en cas de « particulière complexité » où un délai de trois joursfrancs supplémentaire est prévu (CPP, art. 365-1). Ce report de motivation ne va pas être sans poser de

 problème au regard des brefs délais d'appel et des très brefs délais de pourvoi en cassation.Conceptuellement, il est difficile de percevoir à travers le peu de clarté de la disposition si la Cour d'assisesdoit exposer les raisons qui l'ont convaincue ou si elle peut s'en passer. Le législateur semble avoir eu du malici à concilier le principe immuable de l'intime conviction avec la récente exigence de la motivation, quand

 bien même cette cohabitation n'a jamais posé de problème s'agissant des décisions correctionnelles.

15. - Conclusion de la première partie. - Sur le volet relatif à la justice des majeurs, la loi du 10 août 2011 incarne une politique criminelle contradictoire visant d'un côté à rationaliser la procédure par des allègementssignificatifs de formalités et de délais pour les infractions les plus graves, et de l'autre à intégrer la lourdeur etle coût d'une participation citoyenne pour les infractions de moyenne gravité. L'impression est ainsi laisséeque la participation du citoyen à la justice de ses semblables vise plus à légitimer socialement que

 juridiquement les décisions dites « sensibles ». En outre, il peut être constaté que pour les infractions les plusgraves le caractère populaire de la justice est largement atteint par la loi, tant du fait de la réduction dunombre de jurés et de ses conséquences sur les nouvelles majorités, que de l'accroissement du rôle du

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 président de la Cour d'assises. La participation des citoyens à la justice ressemble bien plus à « uneinvitation » à constater le fonctionnement de notre système juridictionnel qu'à une popularisation effective destribunaux Note 18.

2. La justice des mineurs16. - Préférant réajuster une énième fois l'ordonnance du 2 février 1945 plutôt que de procéder à une refonte

globale de la justice des mineurs, le législateur modifie significativement un certain nombre de règles de procédure pénale. La plupart des nouvelles mesures s'inscrit dans l'optique du rapport rendu par lacommission dite Varinard en 2008 Note 19 et tend assurément à renforcer la sévérité du dispositif applicable auxdélinquants mineurs.

A. - La prise en compte accrue de la personnalité du mineur

17. - La loi du 10 août 2011 institue une mesure qui vise à la fois à répondre à la spécificité de la justice pénale des mineurs et à en renforcer l'efficacité : il s'agit de la création du dossier unique de personnalité. Sila personnalité du mineur est censée être un élément à prendre en compte dans la mise en oeuvre d'une

 procédure le concernant Note 20, elle pouvait jusqu'à présent l'être très imparfaitement. Les mesuresd'investigation obligatoirement ordonnées dans le cadre d'une ou plusieurs procédures pénales, voire dans lecadre des procédures d'assistance éducative se croisaient plus qu'elles ne se complétaient, lorsque de surcroît

elles n'étaient pas réalisées dans l'urgence d'une procédure de jugement accéléré, se réduisant souvent ainsi ausimple recueil de renseignements socio-éducatifs.Suivant ainsi la 53e proposition du rapport Varinard , le législateur complète l'article 5 de l'ordonnance du2 février 1945 en consacrant d'une part, le principe général de la nécessité de l'investigation de personnalitéavant toute décision Note 21, et en instituant d'autre part, le dossier unique de personnalité Note 22.Ce dossier, placé sous le contrôle du procureur de la République et du juge des enfants « qui connaissenthabituellement la situation du mineur », comprend l'ensemble des éléments relatifs à la personnalité du mineur et à son environnement social et familial recueillis tant au cours des enquêtes, qu'à l'occasion des procéduresd'assistance éducative. Ce dossier est réactualisé à chaque procédure contribuant à éviter la dispersion deséléments d'information éparses comme dans l'ancien système.Du fait de l'extrême sensibilité des données qu'il contient, son accès est particulièrement encadré par la loi. Il

 peut être consulté par les avocats du mineur, ses père et mère, tuteur ou représentant légal, par les magistrats,les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse. La partie civile ne peut avoir librement accès au

dossier qu'à l'occasion d'une procédure pénale, jamais à l'occasion d'une seule procédure d'assistanceéducative. Exceptionnellement, le juge des enfants peut autoriser sa consultation par les établissements encharge de faire exécuter une mesure judiciaire concernant le mineur. La confidentialité du contenu du dossier est alors non seulement garantit par le secret professionnel dont est tenu chacun des consultants, maiségalement par une amende de 3 750 € visant toute « partie à la procédure » qui ferait état auprès d'un tiers desinformations contenues dans le dossier. Dans le même esprit, la loi organise une copie très restreinte dudossier « aux seuls avocats, pour leur usage exclusif ». Sur avis conforme du magistrat, ces derniers peuventcependant transmettre une reproduction au mineur ou à ses représentants. Enfin, un décret doit organiser laconservation des données après la majorité du mineur en cause.

B. - La rapidité des procédures

18. - Dans le même esprit que les lois qui avaient créé le jugement à délai rapproché  Note 23, puis la présentationimmédiate au profit du mineur  Note 24, la loi du 10 août 2011 tente de réduire le temps séparant la commission del'infraction du mineur de son jugement. Deux mesures visent explicitement à accélérer la réponse pénale. Ils'agit de la procédure de convocation par officier de police judiciaire et de la césure.

1° La convocation par officier de police judiciaire19. - L'article 8-3 de l'ordonnance du 2 février 1945 consacre désormais la possibilité pour le procureur de laRépublique de saisir le tribunal pour enfant ou le tribunal correctionnel pour mineur par convocation par OPJ.Cette procédure, déjà applicable aux majeurs, vise à faire juger le mineur dans un bref délai sans passer par une phase d'instruction préparatoire devant le juge des enfants. La procédure ne peut viser qu'un mineur d'aumoins 13 ans si l'infraction reprochée est punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement ou un mineur d'aumoins 16 ans lorsque le délit est puni d'une peine minimum de trois ans d'emprisonnement. Il est prévu quecette forme de saisine de la juridiction ne sera possible que si des investigations sur la personnalité du mineur 

ont déjà été réalisées au cours des douze mois précédents la poursuite, se contentant le cas échéant, du simplerapport fourni par la protection judiciaire de la jeunesse Note 25. On constate ici, qu'en dépit de l'existence du

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nouveau dossier de personnalité, la connaissance du mineur peut apparaître comme insuffisante, tant sasituation peut changer en quelques mois.Le Conseil constitutionnel, à l'occasion de l'examen de la dernière loi d'orientation et de programmation pour la justice intérieure, avait d'ailleurs censuré l'extension de la procédure de citation directe pour le mineur,

 possible si des investigations sur la personnalité avait été accomplies dans les six mois précédents, parce queselon lui elle ne garantissait pas « que le tribunal disposera d'informations récentes sur la personnalité du

mineur lui permettant de rechercher son relèvement éducatif et moral » Note 26

. En tout état de cause,l'allégement de l'instruction obligatoire ne pourra être possible que si les faits ne nécessitent aucuneinvestigation. Le mineur sera en outre obligatoirement assisté d'un avocat à l'audience qui se tiendra dans undélai compris entre dix jours et deux mois.On constate ici, qu'à quelques garanties près, le droit des mineurs s'aligne sur celui des majeurs.

2° La césure20. - Préconisée par le rapport Varinard , la possibilité de différencier l'audience de culpabilité et d'indemnitéde celle relative à la peine est entérinée par la présente loi. Aux termes des nouveaux articles 25-5 à 24-8 del'ordonnance de 1945, le juge devant lequel se présente l'affaire mettant en cause le mineur peut décider dedispenser, voire d'ajourner le prononcé de la mesure éducative, de la sanction éducative ou de la peine dansles mêmes conditions que pour les majeurs (C. pén., art. 132-60), c'est-à-dire en cas de constat d'une proximitédu reclassement du mineur, d'une réparation du dommage et d'une cessation du trouble, mais également dans

des conditions particulières au mineur. Aussi, la césure est également possible si les perspectives d'évolutionde la personnalité du mineur le justifient ou si des investigations supplémentaires sur la personnalité dumineur sont nécessaires.La césure est d'ailleurs rendue obligatoire lorsqu'une présentation immédiate ou une convocation par OPJ aété décidée alors même que du fait de l'absence du mineur, des investigations approfondies n'avaient pu êtreréalisées. La loi du 10 août 2011 utilise ici très utilement les six mois prévus pour se prononcer sur la seule

 peine dans l'objectif de réaliser l'investigation sur la personnalité. Si les délais de jugement du mineur et deréparation à la victime sont en phase de devenir raisonnables du fait du dédoublement de l'instance, peut-onnéanmoins se demander si la connaissance du mineur n'est pas également un élément indispensable pour juger de sa culpabilité ? La césure apparaît ici comme une mesure particulièrement répressive, d'autant quel'article 24-7 prévoit qu'elle peut être accompagnée d'un placement, d'une liberté surveillée et d'une activité deréparation ou de jour.

C. - Le renforcement des mesures de contrainte21. - La sévérité du nouveau dispositif touche également la phase préparatoire du procès. Ainsi peut-onévoquer l'extension du contrôle judiciaire pour les mineurs de moins de 16 ans en cas d'infraction sexuelle oude violences dont la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans, qui aura pour conséquence pratique de

 pouvoir placer ce mineur en centre éducatif fermé Note 27. Dans le même esprit, le placement sous assignation àrésidence avec surveillance électronique est développé pour les mineurs. Il ne pourra en revanche, aprèscensure du Conseil constitutionnel Note 28, ne concerner que les mineurs de 16 à 18 ans, qui ont commis uneinfraction dont la peine encourue est d'au moins deux ans et ne jamais constituer un placement mobile. Desurcroît, lorsqu'il se réalise au domicile des parents, leur accord est rendu nécessaire.

D. - Le nouveau tribunal correctionnel pour mineur22. - Dans le but « d'adapter la réponse de l'institution judiciaire au profil des mineurs récidivistes, ancrés dans

la délinquance et que la menace d'une sanction par le tribunal pour enfants ne paraît plus dissuader »

 Note 29

, laloi du 10 août 2011 insère dans l'ordonnance du 2 février 1945 un nouveau chapitre relatif au tribunalcorrectionnel pour mineur. On l'aura compris, ce tribunal essentiellement professionnel Note 30, est compétent

 pour juger des délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans, en récidive, commis par des mineurs âgés de plus de 16 ans.La professionnalisation, accompagnée d'une déspécialisation, apparaît comme une mesure répressive dont le

 principe n'a pas été censuré par le Conseil constitutionnel à deux nuances près. Le Conseil a estimé, d'une part, que l'absence de spécialisation de ses membres n'est possible que si sa saisine est précédée par uneinstruction préparatoire. En ce sens, il censure les dispositions qui permettaient une saisine directe etimmédiate de ce dernier. Le Conseil a considéré, d'autre part, que le tribunal ne pourrait être présidé par lemême juge des enfants qui aurait instruit l'affaire en amont. Il s'aligne ici sur sa jurisprudence récente du8 juillet 2011 à l'occasion de laquelle il avait déclarer contraire au principe d'impartialité l' article L. 251-3 du Code de l'organisation judiciaire n'assurant pas la séparation entre les fonctions d'instruction et de jugement Note

31

, reprenant d'ailleurs l'apport d'une décision européenne remarquée sur la question Note 32

. Il reporte à cet égardl'inconstitutionnalité de cette présidence jugée partiale au 1er janvier 2013, date à laquelle sa premièredécision entrera en vigueur.

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23. - Conclusion de la seconde partie. - Sur le volet relatif à la justice des mineurs, la loi du 10 août 2011 marque un sérieux tournant de l'éducatif vers le répressif. Sous couvert de s'adapter à la nouvelle délinquancedes mineurs, la loi aligne très largement la justice pénale d'une catégorie de délinquants jusqu'à présentconsidérée comme « spéciale » sur la justice pénale des majeurs. On regrettera que la réforme plus ambitieusede l'écriture d'un Code de la justice pénale des mineurs ait fait place à ces nouvelles dispositions dont ilconvient de mériter certains aspects, comme le dossier unique de personnalité, l'information des victimes,

ainsi que la responsabilisation des parents des mineurs délinquants. ▪  Note 1  Journal Officiel 11 Aout 2011 , p. 13744. Note 2 Notons que la loi augmente l'incapacité à être juré du fait d'une condamnation pénale, puisque désormais, aux termes du nouvel article 256 du Code de procédure pénale, aucun délit ne pourra plus figurer au bulletin n° 1 ducasier judiciaire, là où précédemment une peine inférieure ou égale à six mois d'emprisonnement n'entraînait pas d'incapacité (art. 2).Note 3 « Il en va notamment ainsi si ces éléments font apparaître des raisons de contester leur l'impartialité, leur honorabilité ou leur probité » :CPP, art. 10-5, 3°. Note 4  J. Pradel, Le citoyen comme juge pénal – À propos de la loi du 10 août 2011 : JCP G 2011, 923. Note 5 Consid.10. Note 6 Sénat, Rapport n° 489, J.-R. Lecerf, p. 29. Note 7 L'article 8 de la loi ajoute également deux articles 510-1 et 510-2 au Code de procédure pénale prévoyant la présence de deux citoyens assesseurs dans la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel lorsquel'appel est formé contre une décision rendue par le tribunal correctionnel comportant des citoyens assesseurs .Note 8 Motifs de la loi. Note 9  Projet de loi du 13 avril 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs,art. 8. Note 10 Selon l'étude d'impact opérée en amont de la loi, la formation simplifiée aurait réduit de moitié le temps d'audience (une journée contre deux en moyenne actuellement), p. 52.Note 11 Selon le nouvel article 298 du Code de procédure pénale, l'accusé ne peutrécuser plus de quatre jurés (cinq avant la loi) et le ministère public plus de trois (anciennement quatre). En appel, l'accusé ne peut récuser  plus de cinq jurés (anciennement six), le ministère public plus de quatre (anciennement cinq).Note 12 CPP, art. 359 : la décisiondéfavorable à l'accusé se forme désormais à la majorité de six voix au moins (contre huit avant) en première instance et à la majorité de huit

voix au moins en appel (contre dix avant).Note 13 La Cour intègre le droit à un recours dans le « droit à un tribunal » mais n'a jamaiscondamné la France pour l'absence de procédure d'appel en matière criminelle dans la mesure où la possibilité de se pourvoir en cassationconstituait une voie de contestation (V. notamment CEDH, 21 févr. 1975, Golder c/ Royaume-Uni, série A n° 18, p. 18, § 36 : Rec. CEDH 2000-II. – CEDH, 31 juill. 2001, n° 42195/98, Mortier c/ France, § 33. – CEDH, 3 déc. 2002, n° 48221/99, Berger c/ France, § 30 : Rec.CEDH 2002-X ).Selon la Cour de cassation également, « si l'article 2-1 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme reconnaît à toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou lacondamnation, les réserves formulées par la France, lors de la ratification dudit protocole, prévoient que l'examen de la décision decondamnation par une juridiction supérieure peut se limiter à un contrôle de l'application de la loi, tel que le recours en cassation » (Cass.crim., 23 juin 1999, n° 98-80561, n° 98-80573 et n° 98-80571). Note 14 L. n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes : Journal Officiel 16 Juin 2000 , p. 9038. Note 15 Pour la France, V. CEDH, 15 nov. 2001, n° 54210/00, Papon c/ France. – pour la Belgique, V. CEDH,13 janv. 2009, n° 926/05,Taxquet c/Belgique. – CEDH, 16 nov. 2010, n° 926/05, Taxquet c/ Belgique . Les arrêts rendus peuvent cependantêtre analysés comme condamnant plus l'imprécision du système de questions au jury que l'absence de motivation en elle-même. Note 16 Cass. crim., 20 janv. 2010, 4 espèces : Procédures, 2010, comm. 129, note A.-S. Chavent-Leclère. – Cass. crim., 15 juin 2011, n° 09-87.135et n° 10-80.508 : JurisData n° 2011-011605 ; Procédures, 2011, comm. 277, obs. A.-S. Chavent-Leclère. Note 17 Cons. const., déc. 1er avr.

2011, n° 2011-113/115, QPC. Note 18  F. Saint-Pierre, La réforme masquée de la justice criminelle : Le Monde.fr, 30 août 2011. Note 19 Commission de propositions de réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 relative aux mineurs délinquants, « Entre modificationsraisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions pour adapter la justice pénale des mineurs ».Note 20 Le Conseil constitutionnela consacré en 2002 « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âgeet à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » en tant que principe fondamentalreconnu par les Lois de la République (Cons. const., déc. 29 août 2002, n° 2002-461 DC ).Note 21 Ord. 2 févr. 1945 , préc. art. 5-1. Note 22 Ord. 2 févr. 1945 , préc., art. 5-2 Note 23  L. n° 2002-1138, 9 sept. 2002, d'orientation et de programmation pour la justice, art. 14-2 : Journal Officiel 10 Septembre 2002 p. 14934. Note 24  L. n° 2007-297, 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, nouvel art. 14-2 : Journal Officiel 7 Mars 2007, p. 4297. Note 25 Dans un souci de cohérence, la loi étend les conditions relatives à la personnalitédu délinquant à la procédure de présentation immédiate (art. 14-2).Note 26 Cons. const., déc. 10 mars 2011, n° 2011-625, consid. 34. Note27 Ord. 2 févr. 1945 , préc., art. 10-2, III, 3°. Note 28  Cons. const., déc. 4 août 2011, n° 2011-635 DC, consid. 38 : « en permettantl'assignation à résidence avec surveillance électronique des mineurs de 13 à 16 ans comme une alternative au contrôle judiciaire dans descas où le mineur ne peut pas faire l'objet d'une mesure de détention provisoire, les dispositions contestées ont institué une rigueur quiméconnaît les exigences constitutionnelles précitées ».Note 29  J.-R. Lecerf, Rapp. préc., p. 44. Note 30 Le tribunal correctionnel pour mineurs comprendra également deux assesseurs citoyens en cas d'infractions visées au nouvel article 399-2 du Code de procédure  pénale. Note 31 Cons. const., déc. 8 juill. 2011, n° 2011-147, QPC . Note 32 CEDH, 2 mars 2010, n° 54729/00, Adamkiewicz c/ Pologne.

Doc. 5 - LPA, 30-01-12, n° 21, p. 3, S. ANTONICELLI, Participation des citoyens à la justice pénale : le jeudes vases communicants

Les citoyens assesseurs ont fait leur entrée en ce début d'année sur la scène juridique française. Institués par laloi no 2011-939 du 10 août 2011, ils participent au souhait du Gouvernement de voir le rapprochement entre lescitoyens et la justice. Dans le même temps, le nombre de jurés d’assises a été réduit. On assiste ainsi à unredéploiement des forces en présence.La place des citoyens dans le processus judiciaire pénal a complètement été repensée par la loi n o 2011-939 du10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.C'est un véritable jeu des vases communicants qui a été mis en place.

Ça s'en va...

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La loi du 10 août 2011 prévoit la réduction du nombre de jurés citoyens en cour d'assises. Désormais, celle-cisera composée de six jurés en première instance et de neuf jurés en appel (contre respectivement neuf et douzeauparavant). Le but étant de limiter la correctionnalisation des dossiers qui va grandissante.En effet, cette pratique répandue consiste à poursuivre un crime sous une qualification délictuelle afin de porter l'affaire devant le tribunal correctionnel et non devant la cour d'assises. L'objectif étant d'alléger la charge detravail des cours d'assises, particulièrement encombrées. Cependant, cette correctionnalisation n'est pas sans

 poser de problèmes ; elle porte notamment à mal les informations contenues dans les casiers judiciaires. Enoutre, elle n'est pas appliquée de façon identique dans tous les ressorts (elle varie selon l'encombrement des coursd'assises). En réduisant le nombre de jurés, le législateur vise à permettre aux cours d'assises de réduire leursdélais de traitement des affaires et ainsi à diminuer le recours à cette correctionnalisation.Par ailleurs, le texte prévoit la motivation des arrêts des cours d'assises.Qu'en est-il alors du rapprochement des citoyens et de la justice souhaité par le Gouvernement ?

... et ça revient !Parallèlement à la diminution du nombre de jurés en assises, le législateur a introduit des citoyens assesseurs encorrectionnelle, appelés à siéger aux côtés de magistrats professionnels.Désormais deux citoyens siègent aux côtés de trois magistrats professionnels au sein du tribunal correctionnel etde la chambre des appels correctionnels, pour juger les atteintes violentes aux personnes. Cela concernenotamment les affaires de vols avec violence, d'agressions sexuelles ou d'extorsions de fonds.

« Le choix fait par le législateur a été de fixer une liste limitative d'infractions. Quand on se penche sur le détaildes infractions qui ont été retenues, on voit que ce sont des infractions certes très graves, mais qui sont faciles àcomprendre. (...) C'est à l'image de ce qui se fait dans les cours d'assises qui sont amenées à juger des volscommis avec armes, des viols, précisément des infractions dont tout le monde perçoit la signification et la portée», a déclaré Bruno Badre, porte-parole du ministère de la Justice et des Libertés.Les citoyens assesseurs intègrent également le tribunal correctionnel des mineurs pour le jugement des délitsviolents les plus graves commis par des mineurs récidivistes âgés de plus de seize ans.Enfin, des citoyens assesseurs sont également prévus pour les tribunaux d'application des peines et des chambresde l'application des peines, qui se prononcent sur l'octroi des mesures de libérations conditionnelles et sur lesrequêtes en relèvement de période de sûreté.Les citoyens assesseurs, qui doivent être âgés de plus de vingt-trois ans, sont tirés au sort puis sélectionnés à

 partir des listes électorales. Ils sont informés par courrier et bénéficient de deux demi-journées d'information.Lors de la première, ils sont informés sur le fonctionnement de la justice, le déroulement des audiences et le rôle

de chaque intervenant (procureur, avocat, greffier...). La seconde prévoit la visite d'un établissement pénitentiaire.Ils sont convoqués, au cours de l'année suivant leur inscription sur la liste annuelle, pour des audiences, au moinsquinze jours avant le début de chaque trimestre. Cependant, sous réserve de son accord, un citoyen assesseur 

 peut être appelé à siéger sans délai en cas d'urgence. Les audiences se tiennent du lundi au vendredi et durent engénéral une demi-journée.Il est également possible d'être convoqué comme suppléant, ceci afin de permettre le remplacement de titulairesen cas d'absence (si le titulaire est présent, le suppléant peut s'en aller et il sera tout de même indemnisé).Une indemnité est prévue, mais attention elle n'est pas automatique ! Il faut en faire la demande auprès du greffede la juridiction en remplissant après l'audience un formulaire intitulé : « Mémoire de frais de justice ». Ceformulaire est à adresser au service centralisateur des mémoires de frais de justice, accompagné des justificatifsdemandés.Un guide du citoyen assesseur est disponible en ligne sur le site du ministère de la Justice (www.justice.gouv.fr ).

Une expérience encore limitée dans le temps et l’espaceLes tribunaux actuellement concernés par la réforme sont ceux de Dijon, Toulouse, Chalon-sur-Saône, Mâcon,Chaumont, Albi, Castres, Foix et Montauban.Les premières audiences ont déjà eu lieu, notamment dans les ressorts des cours d'appel de Dijon et de Toulouse,

 pour le jugement des délits graves d'atteinte aux personnes.Lors de ses vœux aux personnalités du monde judiciaire, le 18 janvier dernier, Michel Mercier, garde desSceaux, ministre de la Justice et des Libertés, évoquait des premiers retours positifs : « les premiers participantsexpriment leur sentiment d'accomplir un acte civique et mesurent mieux sans doute la responsabilité quereprésente le fait de rendre la justice ».L'expérimentation devrait s'étendre et perdurer jusqu'au 1 er juin 2014. Un bilan devrait être dressé devant leParlement d'ici un an et demi, ensuite la réforme aura vocation à se généraliser.

Bien que l'objectif affiché soit louable (faire participer les citoyens à l'œuvre de justice), cette mesure ne manque pas de soulever certaines questions. Alors que la lenteur du système juridique français est souvent pointée du

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doigt, l'introduction de « citoyens magistrats non professionnels » — à qui il faut prendre le temps d'expliquer toutes les subtilités juridiques des dossiers — ne risque-t-elle pas d'aggraver la situation ?...Gageons que l'efficacité de la justice française ne soit pas sacrifiée sur l'autel de la démocratie participative...

Doc. 6 - LPA 21 octobre 2011 n° 210, P. 6 - Florence CHALTIEL, Réflexions sur la participation descitoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (À propos de la décision du

Conseil constitutionnel du 4 août 2011)

La participation des citoyens au fonctionnement de la justice semble une des pistes de réforme en profondeur dela conception qu'une société se fait de sa justice. La notion de capacité, présente depuis la Déclaration des droitsde l'homme et du citoyen, est au cœur de cette réflexion. Le juge constitutionnel, tout en validant le principed'une participation accrue des citoyens au fonctionnement de la justice, apporte des précisions sous forme deréserves d'interprétation et censure un champ jugé trop vaste de participation des citoyens. Le jugement desmineurs s'inscrit aussi dans une réflexion sur la prise en charge des délinquants par une société. Le jugeconstitutionnel valide l'essentiel des réformes législatives en la matière.Depuis plusieurs mois, la justice pénale fait l'objet de plusieurs réformes législatives (1)  . La loi déférée (2)  auConseil constitutionnel, donnant lieu à sa décision du 4 août 2011 (3)  , porte à la fois sur la participation descitoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs. Le mécanisme de la question

 prioritaire de constitutionnalité avait déjà permis au juge constitutionnel, quelques semaines plus tôt (4) , de venir 

apporter des précisions, sur ce qu'autorise ou non la Constitution en matière de justice pour les mineurs.Dans l'affaire jugée le 4 août 2011, le juge constitutionnel doit se prononcer sur notre justice à travers un double

 prisme : celui de l'introduction étendue de juges non professionnels au sein des juridictions pénales et celui de lamanière dont notre société doit juger pénalement ses mineurs. Ce sont deux sujets d'importance majeure et sur lesquels les enjeux sont autant de conception de la société que de rigueur juridique. Par l'introduction de non-

 professionnels du droit dans la fonction judiciaire, le législateur recherche à la fois l'accélération du rendu de la justice, mais aussi une responsabilisation citoyenne vis-à-vis de la société. En effet, le fait d'être citoyenassesseurs apparaît comme une fonction civique à part entière et la loi vise à l'organiser précisément. Par l'évolution des modalités du jugement des mineurs, la loi cherche à améliorer la manière dont notre société peutrépondre à une délinquance précoce et à permettre une réinsertion la plus efficace de jeunes en difficulté. Ce sontdes sujets sensibles, pour lesquels les normes constitutionnelles de référence sont nombreuses. C'est à uneconciliation de plusieurs exigences constitutionnelles que le juge doit se livrer pour apprécier une telle loi. Ilapparaît que plusieurs articles doivent être revus, en raison de leur non-conformité aux exigencesconstitutionnelles.Cette nouvelle loi, si elle respecte la procédure législative, elle ne respecte pas l'ensemble des principesconstitutionnels nécessaires au bon fonctionnement de la justice. En matière de procédure, les requérantsinvoquaient l'existence d'un cavalier législatif. Cette suspicion portait sur l'article 19 de la loi, qui abrogel'article 131-36-1 du Code pénal, lequel prévoit que le placement sous surveillance électronique mobile doit êtreordonné soit par une décision spécialement motivée du tribunal correctionnel soit, s'agissant de la cour d'assises,dans des conditions de majorité qualifiée. Or le juge constitutionnel estime que le lien avec l'ensemble de la loiest avéré et qu'en conséquence, l'article 45 de la Constitution selon lequel « Sans préjudice de l'application desarticles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, mêmeindirect, avec le texte déposé ou transmis » a bien été respecté (5) .Sur le fond, en revanche, la loi est censurée et assortie de réserves d'interprétation. Le principe essentiel invoqué

 par les requérants est celui du droit à un tribunal indépendant et impartial, tel que garanti par la Déclaration des

droits de l'homme et du citoyen, et décliné par les autres dispositions constitutionnelles pertinentes. Qu'il s'agissede la participation des citoyens comme assesseurs ou des réformes relatives à la justice pénale des mineurs, le juge constitutionnel vient dans certains cas, censurer la loi, dans d'autres, lui apporter de substantielles réservesd'interprétation.C'est ainsi que non seulement le juge constitutionnel estime que l'indépendance et la capacité des citoyens

 participant au fonctionnement de la justice pénale sont insuffisamment garanties (I), mais encore que larecherche du relèvement éducatif et moral des mineurs est insuffisamment respectée (II).

I. L'indépendance et la capacité des citoyens participant au fonctionnement de la justice pénaleinsuffisamment garanties

Le principe même de la participation de citoyens à la justice pénale n'est pas contraire à la Constitution. Ce principe existe déjà dans une certaine mesure, surtout dans le cadre des cours d'assises (6) . Dans un contexte delutte contre la lenteur de la justice et de recherche d'une meilleure compréhension des décisions de justice pour 

les citoyens, le choix du législateur est celui d'un renforcement de la présence citoyenne au sein des juridictions.La loi étend donc ce principe à un champ plus large. Il va de soi qu'une telle extension ne peut s'accompagner que de fortes garanties quant au respect des règles inhérentes au bon fonctionnement de la justice. C'est cette

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exigence qui conduit le juge constitutionnel à apporter des précisions dans certains cas et à décider d'une censuredans d'autres cas. Ainsi, la soumission de la loi au juge constitutionnel permet d'observer une gradation dans le

 jugement, de la conformité sous réserves (A) de certaines dispositions à la censure d'autres éléments du dispositif législatif (B).

A. La constitutionnalité sous réserve du principe comme de l'expérimentation de la participation citoyenne à

la justice pénaleLe législateur a fait le choix d'une extension de la participation citoyenne à la justice pénale. Le principe a été jugé conforme à la Constitution, sous un certain nombre de réserves énoncées par le juge constitutionnel,conformément à son rôle d'interprète de la Constitution (1.). La nature expérimentale d'une partie de la loi a,quant à elle, été jugée conforme à la Constitution (2.).

1. Le principe de la participation citoyenne à la justice pénale jugé conforme à la Constitution sous réserveSi la participation de citoyens aux cours d'assises est traditionnelle, elle se voit modifiée (a) par la loi soumise àl'examen du juge constitutionnel et étendue à des juridictions de droit commun (b).a) La participation aux juridictions de droit commun étendue et conforme sous réserve

 — Le principeC'est le chapitre Ier  de la loi qui est consacré aux citoyens assesseurs. Selon son article 1er , il est inséré denouveaux articles dans le Code de procédure pénale : les articles 10-1 à 10-14. Précisément, les trois derniers

alinéas de l'article 10-1 prévoient que les citoyens peuvent être appelés comme citoyens assesseurs à compléter le tribunal correctionnel et la chambre des appels correctionnels   (7) , dans les cas prévus aux articles 399-2 et 510-1 du Code de procédure pénale, et à compléter  le tribunal de l'application des peines et la chambre del'application des peines de la cour d'appel   (8)  , dans les cas prévus aux articles 712-13-1, 720-4-1 et 730-1 dumême code.

 — Les modalités précisées par le juge constitutionnel : garanties d'indépendance et de capacité etproportion minoritaire des citoyens dans la juridiction

Les modalités précisées par la loi. La loi décrit, en ses articles 10-2 à 10-14, les modalités de participation descitoyens assesseurs à la fonction de juger, en tentant de veiller au respect des exigences inhérentes aufonctionnement d'un tribunal, au sens générique du terme. Selon l'article 10-2, une liste de citoyens assesseursest établie, chaque année, pour chaque tribunal de grande instance. L'article 10-3 fixe les conditions requises

 pour pouvoir figurer sur cette liste. L'article 10-4 prévoit que les citoyens assesseurs sont désignés parmi les personnes inscrites sur une liste préparatoire établie par tirage au sort sur les listes électorales. L'article 10-5

détermine les modalités selon lesquelles la liste des citoyens assesseurs est établie par la commission prévue par l'article 262 qui examine la situation des personnes inscrites sur la liste préparatoire dans un ordre déterminé par le tirage au sort. Le même article prévoit que la commission exclut les personnes qui ne remplissent pas lesconditions requises, celles à qui une dispense est accordée et celles qui ne « paraissent manifestement pas être enmesure d'exercer les fonctions de citoyen assesseur », notamment pour des raisons qui font douter de leur impartialité, leur honorabilité ou leur probité. L'article 10-6 détermine les motifs pour lesquels les citoyensassesseurs peuvent être retirés de la liste par décision du premier président de la cour d'appel. Les articles 10-7 à10-9 déterminent les modalités selon lesquelles est défini le service des citoyens assesseurs. L'article 10-10

 prévoit que chaque citoyen assesseur ne peut, en principe, être appelé à siéger plus de dix jours d'audience par an. L'article 10-11 prévoit le serment des citoyens assesseurs. L'article 10-12 définit les causes pour lesquelles ils

 peuvent être récusés. L'article 10-13 dispose que l'exercice des fonctions de citoyen assesseur constitue un devoir civique et réprime les manquements à ce devoir. L'article 10-14 renvoie à un décret en Conseil d'État le soin defixer les modalités d'application des dispositions précitées et notamment « les modalités selon lesquelles lescitoyens assesseurs doivent bénéficier, avant d'exercer leurs fonctions, d'une formation sur le fonctionnement dela justice pénale ainsi que sur le rôle des citoyens assesseurs.L'appréciation par le juge. Ces précisions ont semblé insuffisantes aux requérants, se fondant sur le droit à untribunal indépendant et impartial et aux exigences de capacité qui lui sont inhérentes. Après avoir rappelé lesnormes de références applicables en la matière, le juge constitutionnel a apporté une réponse circonstanciée. Lesnormes de référence applicables résident à la fois dans l'article 64 de la Constitution selon lequel « le présidentde la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Il est assisté par le Conseil supérieur de lamagistrature. Une loi organique porte statut des magistrats. Les magistrats du siège sont inamovibles ». Selonl'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de laliberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » et dans l'article 6 dela Déclaration de 1789, selon lequel tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, places etemplois publics, « selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

Après avoir rappelé que les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire, le juge précise que laConstitution ne fait pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des

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magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autantembrasser la carrière judiciaire (9)  . En outre, poursuivant son interprétation du texte constitutionnel, etnotamment de son article 66 (10)  , le juge précise que des mesures privatives de libertés ne sauraient être prises

 par une juridiction composée exclusivement de citoyens non magistrats professionnels. Cependant, rienn'empêche selon son interprétation, que puissent siéger des citoyens au sein de juridictions. Dans ce cas, ilsouligne, et c'est le point décisif, que doivent être apportées des garanties appropriées permettant de satisfaire au

 principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires, ainsi qu'aux exigences de capacitéqui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789  (11)  ; il précise enfin que, s'agissant des formationscorrectionnelles de droit commun, la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire  (12) .

 — L'importance du titre « temporel et partiel » des fonctions attribuées aux citoyens assesseursLe titre temporel et partiel des fonctions attribuées aux citoyens assesseurs, sur lequel insiste le jugeconstitutionnel (13)  , permet de ne pas leur imposer les mêmes droits et obligations qu'aux magistrats

 professionnels. Il faut rappeler que le juge avait déjà eu à se prononcer sur ce caractère partiel et temporel. En1992, examinant la loi organique modifiant l'ordonnance no 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organiquerelative au statut de la magistrature, le Conseil constitutionnel a eu à connaître des dispositions instituant « desconseillers et des avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire ». Il s'est alors prononcé sur le principe même de l'exercice des fonctions de magistrat pour un temps limité. Il a jugé, dans sa décision du21 février 1992 (14)  , « qu'il résulte tant des dispositions mêmes de l'article 64 de la Constitution que durapprochement de ces dispositions avec celles des articles 65 et 66, qui constituent avec ledit article 64, le titre

VIII relatif à « l'autorité judiciaire », que l'alinéa 3 de l'article 64, aux termes duquel « Une loi organique portestatut des magistrats », vise seulement les magistrats de carrière de l'ordre judiciaire ; « Considérant qu'il suit delà que les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes quientendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire ; que la Constitution ne fait cependant pasobstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière

 puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire, à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire au principed'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires » (15) .Une autre réforme apportée par la loi déférée au juge constitutionnel vient modifier le fonctionnement de la Cour d'assises. Ces dispositions sont jugées conformes à la Constitution.

b) La participation à la cour d'assises modifiée et conforme à la ConstitutionLa loi vient modifier le fonctionnement de la cour d'assises en apportant des évolutions sur le nombre de jurés et

les exigences de motivations. Tout en jugeant les nouvelles dispositions conformes à la Constitution, le jugeapporte des précisions sur la manière de reconnaître un principe fondamental reconnu par les lois de laRépublique.

 — Les réformes apportées par la loiLes nouvelles dispositions législatives relatives à la cour d'assises réduisent de neuf à six le nombre de juréssiégeant à la cour d'assises en premier ressort et de douze à neuf le nombre de ceux qui siègent à la cour d'assisesen appel. Elles modifient les dispositions de l'article 359 du Code de procédure pénale relatives à la majorité desvoix nécessaire à l'adoption d'une décision défavorable à l'accusé. Elles insèrent dans ce même code unarticle 365-1 relatif à la motivation des arrêts de la cour d'assises.Avant de se prononcer sur la constitutionnalité des dispositions contestées, le juge constitutionnel rappelle lesdispositions pertinentes. Il se fonde sur les articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789 pour rappeler qu'ilappartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, de fixer des règles de droit pénal et de procédure

 pénale de nature à exclure l'arbitraire dans la recherche des auteurs d'infractions, le jugement des personnes poursuivies ainsi que dans le prononcé et l'exécution des peines. Il déduit de ces dispositions que l'obligation demotiver les jugements et arrêts de condamnation constitue une garantie légale de cette exigence constitutionnelle.L'article 13 de la loi contrôlée donne une nouvelle rédaction de l'article 359 du Code de procédure pénale relatif aux règles de majorité applicables aux délibérations de la cour d'assises. Selon cet article : « Toute décisiondéfavorable à l'accusé se forme à la majorité de six voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel ». Au regard desdispositions législatives, comme des arguments d'inconstitutionnalité présentés par les requérants, le Conseilconstitutionnel rappelle la définition d'un principe reconnu par les lois de la République.

 — Le rappel de la définition d'un principe reconnu par les lois de la RépubliqueOn sait que le juge constitutionnel dégage, depuis sa grande décision de 1971 relative à la liberté d'association(16) , des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) ». Ces principes sont dégagés

 par le juge en se fondant sur des lois adoptées sous la Troisième République.

Selon les requérants, en permettant qu'une décision défavorable à l'accusé soit adoptée avec seulement l'accordde trois jurés et trois magistrats ces dispositions portent atteinte « au principe fondamental reconnu par les lois dela République selon lequel l'existence d'un jury populaire suppose que ses décisions ne peuvent être prises qu'à la

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majorité absolue des jurés ». Les requérants estiment aussi qu'elles méconnaîtraient le sens de la décision du1er avril 2011 (17) sur la motivation des arrêts d'assises et porteraient atteinte, en tout état de cause, aux exigencesrésultant des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789.À cet argumentaire, le juge constitutionnel répond qu'une tradition républicaine ne saurait être utilementinvoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu'autant qu'elleaurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il convient de rappeler 

ici les conditions de reconnaissance d'un « PFRLR (18) 

». Pour être « fondamental », le principe doit énoncer unerègle suffisamment importante, avoir un degré suffisant de généralité et intéresser des domaines essentiels pour la vie de la nation, comme les libertés fondamentales, la souveraineté nationale ou l'organisation des pouvoirs

 publics (19)  . Le principe doit trouver un ancrage textuel dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régimerépublicain antérieur à 1946 (20) . Il faut enfin qu'il n'ait jamais été dérogé à ce principe par une loi républicaineantérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 (21) .Le juge estime, en l'espèce, qu'aucune loi de la République antérieure à la Constitution de 1946 n'a fixé le

 principe selon lequel lorsque les jurés et les magistrats délibèrent ensemble, les décisions de la cour d'assisesdéfavorables à l'accusé ne peuvent être adoptées qu'à la majorité absolue des jurés (22) .La réforme du fonctionnement des cours d'assises est donc jugée conforme à la Constitution. Il en va de mêmede la nature expérimentale de la participation citoyenne à la justice pénale.

2. La nature expérimentale des participations citoyennes à la justice pénale jugée conforme à la Constitution

Le principe de l'expérimentation législative a été inscrit dans la Constitution française à l'occasion de la révisionconstitutionnelle de 2003 (23) . C'est ce que rappelle le juge constitutionnel (a) avant de juger l'espèce conformeaux dispositions constitutionnelles (b).

a) Le rappel des conditions de l'expérimentation législativeSelon l'article 37-1 de la Constitution désormais : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet etune durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».L'interprétation faite de cet article par le juge constitutionnel est que, si, sur le fondement de cette disposition, leParlement peut autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant,

 pour un objet et une durée limités, au principe d'égalité devant la loi, il doit en définir de façon suffisamment précise l'objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle (24)  . Ilapparaît que la loi déférée au juge constitutionnel respecte les exigences prévues par la réforme de 2003 (25) .b) L'absence d'atteinte au principe d'égalité d'une expérimentation en matière de participation citoyenne à

la justice pénalePlusieurs des nouvelles dispositions contenues dans la loi déférée au juge constitutionnel sont applicables à titreexpérimental à compter du 1er  janvier 2012 dans au moins deux cours d'appel et jusqu'au 1er janvier 2014 dans au

 plus dix cours d'appel. Les cours d'appel concernées sont déterminées par un arrêté du garde des Sceaux. Lesdispositions concernées prévoient l'expérimentation de l'adjonction de citoyens assesseurs aux tribunauxcorrectionnels, aux chambres des appels correctionnels, aux tribunaux et aux chambres de l'application des

 peines et aux tribunaux correctionnels pour mineurs.Selon le Conseil constitutionnel, le législateur a défini de façon suffisamment précise l'objet et les conditions del'expérimentation en cause. Le juge estime que le législateur n'a pas méconnu sa compétence en renvoyant à unarrêté du garde des Sceaux le soin de déterminer les cours d'appel dans le ressort desquelles cetteexpérimentation aura lieu et qu'enfin, il a fixé le terme de l'expérimentation qu'il a autorisée. Le juge en déduitque les modalités de l'expérimentation législative relative à la participation des citoyens assesseurs à la justice

 pénale ne violent aucun principe constitutionnel.Si le principe d'une participation citoyenne accrue à la justice pénale est jugé conforme à la Constitution, avecles réserves que nous avons mises en évidence, le juge apporte un certain nombre de précisions relatives à lacapacité de juger. Se fondant de nouveau sur l'article de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il

 précise que les procédures selon lesquelles les citoyens assesseurs statuent, doivent être définies de manière à cequ'ils soient mis à même de se prononcer de façon éclairée sur les matières soumises à leur appréciation (26)  .C'est cette exigence que la loi ne respecte pas suffisamment, conduisant le juge à censurer un certain nombred'articles de la loi déférée.

B. L'inconstitutionnalité du champ d'application de la participation citoyenne à la justice pénaleAyant observé les domaines prévus par la loi pour la participation citoyenne à la justice pénale le juge censure uncertain nombre de dispositions en raison de leur champ trop vaste.S'agissant de la participation des citoyens assesseurs au jugement des délits, le juge censure une partie des

dispositions nouvelles, conformément à sa jurisprudence antérieure.Il faut d'abord rappeler que le Conseil a jugé que, « si aucune règle de valeur constitutionnelle ne s'oppose à desconditions de recrutement différenciées aux fonctions de juge de proximité, c'est à la condition que le législateur 

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organique précise lui-même le niveau de connaissances ou d'expérience juridiques auquel doivent répondre lescandidats à ces fonctions, de manière à satisfaire aux exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de laDéclaration de 1789 et afin que soit garantie, en application du même article, l'égalité des citoyens devant la

 justice ;« Considérant que l'exercice antérieur de « fonctions impliquant des responsabilités dans le domaineadministratif, économique ou social » ne révèle pas par lui-même, quelles que soient les qualités professionnelles

antérieures des intéressés, leur aptitude à rendre la justice ; qu'en définissant de telles catégories de candidats auxfonctions de juge de proximité sans préciser le niveau de connaissances ou d'expérience juridiques auquel ilsdoivent répondre, le législateur organique a manifestement méconnu l'article 6 de la Déclaration de 1789 » (27) .Dans l'affaire ici commentée, le Gouvernement faisait valoir dans ses observations que l'exigence de capacité

 pour l'accès aux emplois publics ne pouvait faire obstacle à l'organisation d'une participation ponctuelle etdirecte du peuple souverain, au nom duquel la justice est rendue, à la fonction de juger. Le Conseil n'a toutefois

 pas repris cet argument.La Constitution ne reconnaît pas le tirage au sort comme un mode de représentation du peuple souverain.L'exigence de capacité devait donc être examinée. Le Conseil constitutionnel a estimé que cette exigenceimposait « que la nature des questions de droit ou de fait sur lesquelles les citoyens assesseurs sont appelés àstatuer, ainsi que les procédures selon lesquelles ils statuent, soient définies de manière à ce qu'ils soient mis àmême de former un jugement éclairé sur les matières soumises à leur appréciation » (28) .Selon l'article 399-4 du Code de procédure pénale que les citoyens assesseurs ne participent aux décisions du

tribunal correctionnel que sur la qualification des faits, la culpabilité du prévenu et la peine et que toute autrequestion est jugée par les seuls magistrats.Le juge constitutionnel estime que le législateur a ainsi adopté des règles propres à garantir que le jugement desdélits du droit pénal général par des personnes tirées au sort ne soit pas incompatible avec les exigences del'article 6 de la Déclaration de 1789. Cependant, il observe que les infractions prévues au livre IV du Code pénalet celles prévues au Code de l'environnement sont d'une nature telle que leur examen nécessite des compétences

 juridiques spéciales qui font obstacle à ce que des personnes tirées au sort y participent. Il en déduit que, les 4o et5o de l'article 399-2 doivent être déclarés contraires à la Constitution. Les infractions prévues au livre IV portentsur les crimes et délits contre la nation, l'État et la paix publique.En somme, le principe même d'une participation accrue des citoyens à la fonction de juger est conforme à laConstitution, le juge lui apporte des précisions, sous forme de réserves d'interprétation. Cependant, il censure lechamp d'application trop large retenu par le législateur, en se fondant sur la notion de capacité.Le deuxième volet de la loi porte sur la justice pénale des mineurs. De nouveau, le juge constitutionnel déclare

non conforme un certain nombre de dispositions.

II. La recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs insuffisamment respectée

La justice pénale des mineurs doit trouver un équilibre entre la notion de punition, nécessaire dans toute société,et celle d'aide au retour du mineur à une vie sans délinquance. La formule employée est la recherche du «relèvement éducatif et moral des enfants délinquants ». La législation de la justice pénale des mineurs est doncspécifique, dans ses juridictions comme dans ses procédures. La loi déférée au Conseil constitutionnel apporteune série de modifications dont la constitutionnalité est contestée.Plusieurs dispositions étaient contestées par les requérants. Ils estimaient contraires à la Constitution lesdispositions de l'article 38, relatives à l'assignation à résidence avec surveillance électronique, des dispositionsrelatives à la saisine du tribunal pour enfants ou du tribunal correctionnel des mineurs, ainsi que des nouvellesdispositions relatives au tribunal correctionnel des mineurs. Après avoir rappelé les règles applicables auxmineurs (A), le juge valide une série de réformes introduites par la loi (B) et censure deux types de dispositions :l'assignation à résidence des mineurs avec surveillance électronique et mise en place d'un tribunal correctionneldes mineurs (C).

A. Les règles constitutionnelles applicables aux mineursSi les règles fondatrices présentes dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sont applicables àl'ensemble des individus (1.), qu'ils soient mineurs ou majeurs, un certain nombre de règles sont spécifiques auxmineurs (2.).1. Les principes de justice communs présents dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyenSont bien évidemment applicables aux individus majeurs comme mineurs, les articles 8 et 9 de la Déclaration de1789 comprenant le principe de la présomption d'innocence, celui de la nécessité et de la proportionnalité des

 peines et celui des droits de la défense. Enfin, le Conseil constitutionnel rappelle, si besoin était, que doit être

respectée également la protection de la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution

(29) 

.

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2. Le rappel des dispositions législatives relatives à la justice des mineursLes principes juridiques relatifs à la justice des mineurs trouvent notamment des bases dans plusieurs lois plusque centenaires. Ainsi, le juge rappelle la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, celle du22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants ainsi que le texte fondamental en la matière, l'ordonnance du2 février 1945 sur l'enfance délinquante.Le juge constitutionnel souligne néanmoins que, la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la

Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctionsdevraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives. Il indique qu'en particulier, lesdispositions originelles de l'ordonnance du 2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs etn'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, lasurveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention. Le Conseil constitutionnel insistedonc sur le fait que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matièrede justice des mineurs (30) . De ce considérant, on constate que le Conseil constitutionnel n'entend pas avoir uneinterprétation extensive des principes constitutionnels reconnus par les lois de la République relatifs auxmineurs.Cet ensemble de dispositions doit se concilier avec la nécessité de rechercher les auteurs d'infractions et de

 prévenir les atteintes à l'ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens, qui sont nécessairesà la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle (31)  . Ces règles le conduisent à valider une série dedispositions législatives nouvelles

B. La constitutionnalité de nouvelles dispositions législatives sur la justice pénale des mineurs

1. Les nouvelles modalités de saisine du tribunal pour enfant jugées conformes à la ConstitutionLes dispositions législatives soumises à l'appréciation du juge constitutionnel permettent la convocation d'unmineur devant le tribunal pour enfants selon des modalités de la procédure pénale applicable aux majeurs quiautorisent le procureur de la République à faire convoquer directement un mineur par un officier de police

 judiciaire devant le tribunal pour enfants sans instruction préparatoire. Selon les nouvelles dispositionslégislatives, cette procédure est applicable aux mineurs de plus de seize ans poursuivis pour un délit puni d'aumoins trois ans d'emprisonnement et aux mineurs de plus de treize ans poursuivis pour un délit puni d'au moinscinq ans d'emprisonnement. Le juge souligne, pour son raisonnement, que dans les deux cas, elle ne peut êtremise en œuvre que si le mineur a, antérieurement, été poursuivi en application de l'ordonnance du 2 février 1945.Il souligne en outre qu'elle ne peut être engagée que si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et sides investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies au cours des douze mois précédant laconvocation. Par ailleurs, il n'est pas dérogé aux dispositions particulières imposant l'assistance du mineur par unavocat et la convocation de ses représentants légaux. En somme, le juge considère que ces dispositions tiennentcompte de l'âge du mineur, de la gravité des faits qui lui sont reprochés et de ses antécédents ; il en déduitqu'elles ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs. Cesdispositions sont donc déclarées conformes à la Constitution. Dans le même sens, le juge constitutionnel estimeque l'obligation faite au juge de saisir la juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines lorsqu'il estime,à l'issue de l'instruction, que les faits constituent un délit répondant à ces conditions, ne méconnaît pas lesexigences constitutionnelles, sachant que les dispositions contestées ne sont applicables qu'aux mineurs de plusde seize ans qui ont été mis en examen par le juge des enfants ou le juge d'instruction pour des faits punis d'aumoins trois ans d'emprisonnement et commis en état de récidive légale.2. La notion de césure de procès pénal validée par le Conseil constitutionnel

L'article 50 de la loi déférée insère dans l'ordonnance du 2 février 1945 un chapitre III ter intitulé : « De la césuredu procès pénal des mineurs » et comprenant les articles 24-5 à 24-8. Afin de permettre de séparer, pour le jugement des mineurs, les débats sur la culpabilité des débats sur les mesures, les sanctions ou les peines, cesarticles rendent expressément applicables au jugement des mineurs les dispositions des articles 132-58 à 132-65du Code pénal relatifs à la dispense de peine, l'ajournement simple et l'ajournement avec mise à l'épreuve.Permettent également la dispense et l'ajournement des mesures éducatives et des sanctions éducatives etdéterminent des cas supplémentaires dans lesquels l'ajournement peut être ordonné. Selon les requérants, cesdispositions permettent au procureur de la République de s'affranchir des conditions requises pour recourir à laconvocation par officier de police judiciaire et à la procédure de présentation immédiate au seul motif qu'ilentend requérir la césure. Par conséquent, elles méconnaîtraient le principe fondamental reconnu par les lois dela République en matière de justice pénale des mineurs ; le juge constitutionnel ne suit pas l'argumentation desrequérants. Pour étayer sa démonstration, il se fonde d'abord sur l'article 24-7 nouveau, qui autorise le procureur de la République, dès lors qu'il requiert l'application de la césure, à faire convoquer ou comparaître directement

un mineur devant le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel des mineurs selon les procédures prévuesaux articles 8-3 et 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, malgré le caractère insuffisant des élémentsd'information sur la personnalité du mineur. Le Conseil constitutionnel souligne bien qu'en pareil cas, la

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 juridiction de jugement est tenue d'ajourner le prononcé de la mesure, de la sanction ou de la peine, notamment pour permettre que des investigations supplémentaires sur la personnalité du mineur soient réalisées. De tellesdispositions ne dérogent pas aux autres conditions qui permettent le recours aux procédures prévues dans detelles situations. Le Conseil constitutionnel juge donc qu'il n'est pas porté atteinte au principe fondamental enmatière de justice pénale des mineurs.Si ces éléments de la loi sont jugés conformes, d'autres sont censurés par le juge.

C. Les dispositions inconstitutionnelles : l'assignation à résidence avec surveillance électronique du mineuret la mise en place d'un tribunal correctionnel des mineurs jugées contraire à la Constitution

1 Les conditions de l'assignation à résidence avec surveillance électronique du mineur censurées. Lesdispositions contestées prévoient l'organisation d'une surveillance électronique du mineur, dans certains cas etavec modulation en fonction de l'âge de l'intéressé. La loi prévoit ainsi que les mineurs âgés de seize à dix-huitans peuvent être placés sous assignation à résidence avec surveillance électronique dans les conditions et selonles modalités prévues aux articles 142-5 à 142-13 du Code de procédure pénale lorsqu'ils encourent une peined'emprisonnement d'au moins deux ans. Les mineurs âgés de treize à seize ans ne peuvent être placés sousassignation à résidence avec surveillance électronique, selon les mêmes conditions et modalités, que dans les casoù, en application de l'ordonnance de 1945, ils peuvent être placés sous contrôle judiciaire. En cas d'assignation àrésidence avec surveillance électronique au domicile des représentants légaux du mineur, leur accord écrit doitêtre préalablement recueilli par le magistrat compétent pour ordonner la mesure. Les dispositions relatives au

 placement sous surveillance électronique mobile ne sont toutefois pas applicables aux mineurs. Les requérantsmettent en cause la possibilité instaurée par la loi de placer sous surveillance électronique des mineurs entretreize et seize ans. Selon eux, une telle rigueur n'est pas nécessaire et, en outre, elle est accrue par le fait que laloi assouplit les conditions permettant de placer un mineur sous contrôle judiciaire, sachant que la loiconditionne la surveillance électronique aux cas où les mineurs concernés peuvent être placés sous contrôle

 judiciaire.Le juge constitutionnel fait droit à la demande des requérants selon le raisonnement suivant. En premier lieu, le

 juge rappelle que selon l'article 10-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, le contrôle judiciaire d'un mineur detreize à seize ans est possible en matière criminelle ; il indique par ailleurs qu'en matière correctionnelle, cecontrôle est possible lorsque la peine encourue est supérieure à sept ans ou, dans certains cas à raison desantécédents du mineur ou de la nature des faits qui lui sont reprochés, lorsqu'elle est supérieure à cinq ans. Enfin,il rappelle que l'assignation à résidence peut être ordonnée dans un lieu distinct du domicile des représentantslégaux du mineur et sans leur accord. Il en déduit, par suite, qu'en permettant l'assignation à résidence avec

surveillance électronique des mineurs de treize à seize ans comme une alternative au contrôle judiciaire dans descas où le mineur ne peut pas faire l'objet d'une mesure de détention provisoire, les dispositions contestées ontinstitué une rigueur qui méconnaît les exigences constitutionnelles concernées. Les dispositions mises en causessont donc censurées (32) .2 Le tribunal correctionnel des mineurs est composé de trois magistrats du tribunal de grande instance ainsi que,

 pour les délits mentionnés à l'article 399-2 du Code de procédure pénale, de deux assesseurs citoyens. Il est présidé par le juge des enfants, mais il est aussi majoritairement composé de personnes qui ne disposent pas decompétences particulières sur les questions de l'enfance. Si selon le juge constitutionnel, le principe fondamentalreconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs ne fait, en soi, pas obstacle à ceque le jugement des mineurs soit confié à une juridiction composée de trois magistrats ou de trois magistrats etdeux assesseurs dont seul le président est un magistrat spécialisé dans les questions de l'enfance. Néanmoins, unetelle juridiction ne peut être regardée comme une juridiction spécialisée au sens de ce principe fondamental. Il enrésulte que ce dernier impose que le tribunal correctionnel des mineurs soit saisi selon des procéduresappropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs (33) .Les nouvelles dispositions législatives prévoient que le tribunal correctionnel des mineurs peut être saisi selonles modalités prévues aux articles 8-3 et 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 qui permettent de faireconvoquer ou comparaître directement le mineur devant la juridiction de jugement sans instruction préparatoire.Or le juge constitutionnel estime que ces dispositions conduisent, en méconnaissance des exigences du principefondamental en matière de justice pénale des mineurs, à ce que les mineurs ne  soient jugés ni par une juridiction spécialisée ni selon des procédures  (34)  appropriées. Il juge donc que les 2o et 3o de l'article 24-2 doivent êtredéclarés contraires à la Constitution.En outre, le juge constitutionnel rappelle qu'au considérant 11 de sa décision n o 2011-147 QPC du 8 juillet 2011,le Conseil constitutionnel a jugé que « le principe d'impartialité des juridictions ne s'oppose pas à ce que le jugedes enfants qui a instruit la procédure puisse, à l'issue de cette instruction, prononcer des mesures d'assistance, desurveillance ou d'éducation. Cependant, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d'accomplir les

diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d'impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution. Il en résulte que l'article

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L. 251-3 du Code de l'organisation judiciaire est contraire à la Constitution ». Pour les mêmes motifs, le jugedéclare contraire à la Constitution le deuxième alinéa de l'article 24-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 quidispose que le tribunal correctionnel des mineurs est présidé par un juge des enfants. Pour les mêmes motifsenfin, que ceux énoncés au considérant 12 de cette même décision du 8 juillet 2011, le juge estime devoir reporter la date de cette déclaration d'inconstitutionnalité au 1er janvier 2013 (35) .De cette riche décision portant à la fois sur les citoyens participant à la justice et sur la justice des mineurs, il faut

retenir une vigilance particulière du juge sur la notion de capacité, en plaçant des garde-fous pour l'accès descitoyens à la fonction de juger. Il faut relever, s'agissant des mineurs, une difficulté à trouver les bonnesméthodes. On s'interrogera aussi sur l'opportunité de modifier la formule un peu ancienne, mais toujours utilisée,de « relèvement éducatif et moral ». Si les termes sont compréhensibles, ils pourraient être utilement modernisés

 par une expression plus simple et moins connotée de « vertu éducative de la justice » par exemple.