dix événements marquants dans le domainede l'accès aux médicaments en 2010

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Au travers de sa Campagne d'Accès aux Médicaments Essentiels, Médecins Sans Frontières (MSF) suit régulièrement les évolutions liées à l'accès aux médicaments, vaccins et diagnostics. Voici une sélection des dix événements marquants concernant l'accès aux médicaments essentiels en 2010. Parmi les avancées de 2010, deux nouveaux outils médicaux sont disponibles pour les populations des pays en développement : un nouveau vaccin contre la méningite A pourrait prévenir d'importantes épidémies contre cette maladie en Afrique, à condition que la volonté politique de l'introduire dans les 25 pays les plus affectés soit présente ; et un nouveau test pourrait améliorer le diagnostique de la tuberculose, en réduisant le délai nécessaire pour dépister les formes résistantes de la maladie de trois mois environ à moins de deux heures. De nouvelles recherches sur le traitement du paludisme sévère chez les enfants démontrent clairement l'efficacité des injections d'artésunate au lieu de la quinine. Il faut maintenant faire évoluer les recommandations et les protocoles de soins. Après plusieurs années de campagne menée par MSF, une « communauté de brevets » (patent pool) pour les médicaments a été créée. Elle bénéficie notamment d'un soutien important de la part des Etats-Unis. Mais pour accélérer l'accès à des médicaments moins chers, les compagnies pharmaceutiques doivent désormais mettre à disposition leurs brevets. Depuis 2007, MSF fait campagne pour améliorer la qualité de l'aide alimentaire destinée aux enfants de moins de deux ans. Les premiers résultats sont visibles : les bailleurs de fonds internationaux commencent à revoir et adapter leurs stratégies de financement. Mais l'année 2010 a également été marquée par certains échecs. En dépit de l'importance d'un traitement efficace et précoce pour stopper la progression de la pandémie de VIH/SIDA, les bailleurs de fonds internationaux tournent le dos au sida : les financements stagnent et menacent la continuité des avancées réalisées au cours des dix dernières années. Aussi, le prix des médicaments les plus récents risquent de grimper à cause des politiques commerciales agressives de l'Union Européenne. MSF a lancé une campagne internationale contre les politiques menées par l'UE, et des milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs pays d'Asie, d'Afrique et d'Europe. Jusqu'à maintenant, l'UE n'a montré aucun signe d'infléchissement. La résurgence de la rougeole dans de nombreux pays africains montre que la couverture vaccinale contre cette maladie n'est pas suffisamment étendue : les épidémies survenues au cours de l'année ont provoqué des milliers de victimes. Parallèlement, les efforts engagés dans la lutte contre les médicaments contrefaits se révèlent contre- productifs : au lieu de protéger les populations des médicaments de mauvaise qualité, ces initiatives risquent de réduire l'accès aux médicaments génériques dont dépendent les vies de millions de personnes dans le monde. Enfin, le désintérêt pour les maladies tropicales perdure, alors que le Sud-Soudan est confronté à la plus importante épidémie de kala-azar de la décennie. 1 Dix événements marquants dans le domaine de l'accès aux médicaments en 2010 www.msfaccess.org Restez informés ! Une question ? N’hésitez pas. Envoyez-nous un courriel [email protected] Recevez nos mises à jour mensuelles, inscrivez-vous à notre newsletter Access Info (en anglais seulement) www.msfaccess.org Suivez-nous sur Twitter (en anglais seulement) http://twitter.com/MSF_access Rejoignez-nous sur Facebook (en anglais seulement) www.facebook.com/MSFaccess Photo credit: Niger © Michael Goldfarb/MSF

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Au travers de sa Campagne d'Accès aux Médicaments Essentiels, Médecins Sans Frontières (MSF) suit régulièrement les évolutions liées à l'accès aux médicaments, vaccins et diagnostics. Voici une sélection des dix événements marquants concernant l'accès aux médicaments essentiels en 2010.

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Page 1: Dix événements marquants dans le domainede l'accès aux médicaments en 2010

Au travers de sa Campagne d'Accès auxMédicaments Essentiels, Médecins SansFrontières (MSF) suit régulièrement lesévolutions liées à l'accès aux médicaments,vaccins et diagnostics. Voici une sélection desdix événements marquants concernant l'accèsaux médicaments essentiels en 2010.

Parmi les avancées de 2010, deuxnouveaux outils médicaux sont disponiblespour les populations des pays endéveloppement : un nouveau vaccincontre la méningite A pourraitprévenir d'importantes épidémiescontre cette maladie en Afrique, àcondition que la volonté politique del'introduire dans les 25 pays les plus affectéssoit présente ; et un nouveau testpourrait améliorer le diagnostique dela tuberculose, en réduisant le délainécessaire pour dépister les formesrésistantes de la maladie de trois moisenviron à moins de deux heures.

De nouvelles recherches sur letraitement du paludisme sévère chezles enfants démontrent clairementl'efficacité des injections d'artésunate au lieude la quinine. Il faut maintenant faireévoluer les recommandations et lesprotocoles de soins. Après plusieurs annéesde campagne menée par MSF, une « communauté de brevets » (patentpool) pour les médicaments a étécréée. Elle bénéficie notamment d'unsoutien important de la part des Etats-Unis.Mais pour accélérer l'accès à desmédicaments moins chers, les compagniespharmaceutiques doivent désormais mettreà disposition leurs brevets. Depuis 2007,MSF fait campagne pour améliorer laqualité de l'aide alimentaire destinéeaux enfants de moins de deux ans. Lespremiers résultats sont visibles : les bailleursde fonds internationaux commencent àrevoir et adapter leurs stratégies definancement.

Mais l'année 2010 a également été marquéepar certains échecs. En dépit del'importance d'un traitement efficace etprécoce pour stopper la progression de lapandémie de VIH/SIDA, les bailleurs defonds internationaux tournent le dosau sida : les financements stagnent etmenacent la continuité des avancéesréalisées au cours des dix dernières années.Aussi, le prix des médicaments les plusrécents risquent de grimper à cause despolitiques commerciales agressives del'Union Européenne. MSF a lancé unecampagne internationale contre lespolitiques menées par l'UE, et des milliers depersonnes ont manifesté dans plusieurs paysd'Asie, d'Afrique et d'Europe. Jusqu'àmaintenant, l'UE n'a montré aucun signed'infléchissement.

La résurgence de la rougeole dans denombreux pays africains montre que lacouverture vaccinale contre cette maladien'est pas suffisamment étendue : lesépidémies survenues au cours de l'annéeont provoqué des milliers de victimes.Parallèlement, les efforts engagés dansla lutte contre les médicamentscontrefaits se révèlent contre-productifs : au lieu de protéger lespopulations des médicaments de mauvaisequalité, ces initiatives risquent de réduirel'accès aux médicaments génériques dontdépendent les vies de millions de personnesdans le monde. Enfin, le désintérêt pourles maladies tropicales perdure, alorsque le Sud-Soudan est confronté à la plusimportante épidémie de kala-azar de ladécennie.

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Un vaccin prometteur contre la méningite développé pourl'Afrique, à un prix abordable

Dix événements marquants dans le domaine de l'accès aux médicaments en 2010

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« Pour moi, c'est une révolution. Leprojet qui a permis de développer cevaccin a été conçu en fonction des

besoins médicaux de la ceinture de laméningite africaine. Et le prix est à laportée des gouvernements. C'est une

avancée majeure, et ce modèle devraitpouvoir être répliqué à desproblématiques similaires. »

Dr. Cathy Hewison, Référent Médical MSF

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« Tant que nous ne disposerons pasd'un test simple et fiable, nous

passerons à côté d'un grand nombrede personnes atteintes de tuberculose,qui mourront sans avoir été soignés. »

Dr. Francis Varaine, Coordinateur Tuberculose

à MSF

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Mise au point d'un nouveau test prometteur pour lediagnostique de la tuberculose. Mais les efforts pour simplifierencore les outils doivent se poursuivre

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Un nouveau vaccin plus efficace a étéintroduit en 2010 et pourrait permettrede mettre fin aux épidémies de la formela plus mortelle de méningite en Afrique.Il n'a pas été développé par un grandgroupe pharmaceutique, mais grâce àune collaboration entre l'organisation àbut non-lucratif PATH et le SerumInstitute of India, ce qui a permis del'adapter aux besoins des populations enAfrique mais aussi de le produire à uncoût abordable.

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Le nouveau vaccin contre la méningite Apourrait prévenir la propagation desépidémies en fournissant une protectionde longue durée contre cette maladie.Pour MSF et les ministères de la Santé,cela pourrait modifier la manièred'intervenir. Au lieu d'intervenir enurgence pour interrompre la propagationdes épidémies par des traitements et desvaccins ne fournissant qu'une couverturelimitée, il sera désormais possible delancer des campagnes préventives avantle déclenchement des épidémies.

Le plus souvent, les vaccins sontdéveloppés en fonction des besoinsmédicaux des pays développés, et ensuiteintroduits dans les pays endéveloppement à des prix élevés. Mais cenouveau vaccin a été spécifiquementconçu pour s'adapter aux besoins des 25pays de la « ceinture de la méningite, »qui s'étend du Sénégal à l'Ethiopie. Et lesdifférents groupes participant à la mise aupoint de ce vaccin ont garanti qu'il seraitdès le départ vendu à un prix abordable :moins de 0,5 US dollar par dose.

En décembre 2010, MSF a participé àl'introduction du vaccin au Mali et auNiger. Mais la communauté internationaledoit encore planifier et assurer lesfinancements nécessaires pourl'introduction du vaccin à tous les paysafricains affectés par la maladie.

En 2010, un nouveau test pour lediagnostic de la tuberculose a été mis aupoint. Il devrait rendre le dépistage de cettemaladie plus rapide, plus simple et plusprécis. La tuberculose est une maladiecurable, pourtant responsable de presquedeux millions de décès par an.

Actuellement, la confirmation d'unesuspicion de tuberculose passe par l'examend'un crachat au microscope, un test delaboratoire vieux de 130 ans. Mais cet outilne permet pas de diagnostiquer la maladiedans un cas sur deux, notamment chez les

patients affectés par le VIH. Un nombrecroissant de patients présentent une formerésistante de la maladie ; pour eux, laconfirmation du diagnostic peut durerjusqu'à trois mois, une période pendantlaquelle ils sont nombreux à décéder.

Le nouveau test devrait permettre deréduire ce délai à moins de deux heures, derévéler une éventuelle résistance à un desmédicaments les plus couramment utiliséspour le traitement de la tuberculose etd'améliorer les capacités de diagnostic chezles personnes vivant avec le VIH/sida.

Ce test est une avancée majeure : il devraitêtre largement utilisé dans les programmesde traitement de la tuberculose et duVIH/sida.

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Dix événements marquants dans le domaine de l'accès aux médicaments en 2010

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« La balle est maintenant dans le campdes laboratoires pharmaceutiquespropriétaires des brevets sur les

médicaments anti-sida. Si les compagnies souhaitent réellement

élargir l'accès à de nouveauxmédicaments, elles doivent donner accès

à leurs brevets qui empêchent laproduction de génériques. Cela aura un

réel impact sur la vie des patients. »

Elodie Jambert, Coordinatrice pharmaceutique de la Campagne d'Accès aux

Médicaments Essentiels de MSF

Le premier brevet est cédé à la “communauté de brevets”,mais les groupes pharmaceutiques doivent assurer la suite 3

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En juillet 2010 était officiellement créée la« communauté de brevets » (patent pool)pour les médicaments, un mécanisme quidevrait permettre d'améliorer l'accès àdes médicaments moins chers dans lespays en développement. Deux mois plustard, le National Institutes of Health(NIH) américain apportait son soutienofficiel au nouveau mécanisme.

Depuis 2006, MSF fait campagne pour lacréation d'une communauté de brevets.La disponibilité de médicamentsgénériques à un prix modéré permetaujourd'hui à MSF de prendre en chargeprès de 160 000 personnes atteintes du

VIH/sida dans plusieurs pays. Mais lespatients développent au cours dutraitement des résistances à leursmédicaments : il est donc nécessaire deleur donner accès à des médicamentsplus récents - mais plus chers.

L'objectif de la communauté de brevetsest de faciliter la production demédicaments moins chers pour les paysen développement, en autorisant lesproducteurs de génériques à produiredes copies de médicaments brevetés. Enéchange, les dépositaires des brevetsreçoivent des royalties. Ce mécanismepermettrait également de développer de

nouveaux traitements, notamment descombinaisons à dose fixe associant deuxou plusieurs molécules dans un seulcomprimé, ou encore des traitementsspécifiquement adaptés aux enfants.

Le soutien du NIH s'est accompagné dela décision de céder ses brevets sur ledarunavir (un médicament utilisé pour letraitement du sida) à la communauté debrevets. Il s'agit d'un premier pasimportant que les laboratoirespharmaceutiques doivent suivre, afinque les patients puissent avoir accès àdes traitements abordables sur le longterme.

Mais un test encore plus simple et moins cher est nécessaire.Ce test requiert l'utilisation d'équipements sophistiquésfonctionnant à l'électricité et nécessitant une maintenancecomplexe. Au prix le plus avantageux, la machine coûte 17000 US$ et 17 US$ pour chaque test. Ces coûts rendent sadiffusion limitée, particulièrement pour les centres de santédes zones isolées.

MSF a participé à l'introduction de ce nouveau testdiagnostique dans son projet de Khayelitsha, en Afrique duSud, et va acheter ces équipements pour ses projetstuberculose et du VIH/sida. Mais il faut également continuerà exiger la mise au point d'un test plus rapide, plus simple etplus abordable, qui donne des résultats en temps réel et nenécessite pas d'équipements de laboratoire.Malheureusement, la mise au point d'un test rapide etpouvant être utilisé au plus près des patients va demanderquelques années de développement.

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Starved for Attention : vers la fin du double standard de l'aidealimentaire 4

En 2010, une crise alimentaireparticulièrement sévère a frappé le Niger,menaçant des centaines de milliers dejeunes enfants. La réponse humanitaireefficace déployée a illustré lesaméliorations majeures réalisées dans lesstratégies de lutte contre la malnutritionau cours des dernières années.

Il y a cinq ans, de nouvelles stratégiesavaient été mises en place : à l'exceptiondes cas les plus sévères, les enfantsatteints de malnutrition pouvaient êtresoignés à leur domicile, démultipliantainsi le nombre d'enfants pris en charge.Depuis, MSF a mis en place de nouvellesapproches, à travers notamment ladistribution de suppléments nutritionnelsà tous les enfants, afin de protéger lesplus jeunes de la malnutrition.

En 2010, les autorités nigériennes, lesagences des Nations-Unies et lesorganisations humanitaires comme MSFont utilisé cette stratégie pour tous lesenfants de moins de deux ans, les plusexposés à la malnutrition. Les enfants ontainsi reçu de nouveaux supplémentsnutritionnels, qui contiennent le mélange

de protéines (lait), lipides, vitamines etminéraux dont ils ont besoin. Pendant lapériode de crise, le ProgrammeAlimentaire Mondial (PAM) a distribué desrations supplémentaires de nourriture à525 000 enfants, et MSF a distribué dessuppléments nutritionnels à base de lait à150 000 autres.

Malgré cette avancée, la plupart desenfants qui bénéficient de l'aidealimentaire internationale continuent derecevoir une nourriture inadaptée à leursbesoins nutritionnels : les bailleurs defonds financent (ou envoient) encore dela nourriture inadaptée. En juin 2010,MSF a lancé la campagne « Starved forAttention - Un nouveau regard sur lamalnutrition », pour dénoncer le doublestandard entretenu par le système del'aide alimentaire : dans les pays les plustouchés par la malnutrition, les enfantsreçoivent une nourriture inadaptée quel'on ne distribuerait pas aux enfants despays riches.

La communauté internationale a réagi àcette pression: en 2010, le PAM a achetécinq fois plus de suppléments

nutritionnels que l'année précédente.Certains bailleurs de fonds internationauxont déjà changé leurs stratégies, etd'autres - comme les Etats-Unis et l'UnionEuropéenne - se sont engagés à distribueraux enfants en bas âge une nourriture dequalité. MSF continuera à se mobiliserpour que les changements nécessairessoient effectifs.

Signez la pétition. Réécrivons lesstratégies d'aide alimentaire pour 195millions d'enfants malnutris :www.starvedforattention.org

« La nourriture envoyée sous formed'aide alimentaire aux enfants les plusvulnérables des principaux foyers de

malnutrition d'Afrique sub-saharienneou d'Asie ne serait jamais distribuée ànos propres enfants. Il est temps demettre fin à ce double standard. »

Dr. Unni Karunakara, Président du ConseilInternational de MSF

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« Il y a dix ans, les gens ne venaient même pas faire un test pour le sida, puisqu'ilssavaient qu'ils ne pourraient pas se payer les médicaments. Je refuse de revenir dix en

arrière. On ne laissera pas les européens empêcher l'approvisionnement en médicamentsbon marché. MSF - et bien d'autres acteurs - en dépendent pour prendre en charge les

patients dans le monde. »

Dr. Peter Saranchuk, médecin pour MSF en Afrique du Sud

Dix événements marquants dans le domaine de l'accès aux médicaments en 2010

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L'Union Européenne (UE) négocieactuellement avec l'Inde un accord delibre-échange (ALE) qui pourrait restreindrela production de médicaments vendus àdes prix abordables pour traiter les patientsdes pays en développement. En octobre2010, MSF a lancé la campagne « Europe !Touche pas à mes médicaments » pour

dépendent eux aussi des médicamentsindiens abordables.

Or, ces nouvelles politiques commercialesengagées par l'UE pourraient aujourd'huiempêcher la production de génériques.L'Europe s'attaque à la loi indienne sur lesbrevets qui, dans l'intérêt de la santépublique, ne les accorde qu'auxmédicaments présentant une innovationmajeure. Cette disposition agace depuislongtemps les groupes pharmaceutiquesdes pays riches qui tentent régulièrementde changer cette loi dans les tribunauxindiens. Après avoir plusieurs fois perduleurs procès, ces groupes essayent

VIH/sida : Des avancées menacées 5

L'Europe s'attaque à l'Inde, “pharmacie des pays en voie dedéveloppement” 6

« Aujourd'hui, les bailleurs de fondsinternationaux attendent des médecins qu'ils

disent à leurs patients de revenir se fairesoigner aux derniers stades de la maladie, àl'approche de la mort. En tant que médecin,

je préfère tout de suite fournir desmédicaments à un patient plutôt que de lerevoir hospitalisé six mois après, souffrantd'une infection opportuniste du VIH/sida,

comme la tuberculose. »

Dr. Eric Goemaere, coordinateur médical MSF en Afrique

du Sud

En 2010, les bailleurs de fonds internationauxont détourné leur attention du sida,menaçant ainsi les progrès réalisés au coursdes dix dernières années dans le traitement dela maladie.

Les nouvelles preuves scientifiques ettraitements recommandés témoignent de lanécessité de fournir aux patients destraitements efficaces plus tôt, notammentpour minimiser les risques de tombergravement malade et réduire la transmissionde la maladie.

Cependant, la tendance générale est au retraitdes financements alloués au VIH/sida, avecpour conséquence une augmentation dansles traitements retardés, différés, voire refusés.

Le Fonds mondial, principal mécanisme definancement pour le traitement du VIH/sida,est confronté à un manque de fonds deplusieurs milliards de dollars. En décembre2010 ont été rejetées les propositionsambitieuses de prise en charge de plusieurspays confrontés à une forte prévalence de lamaladie comme le Malawi, le Swaziland ouencore le Mozambique - des pays danslesquels MSF mène des activités de prise encharge du sida. Le PEPFAR, programme dugouvernement américain et principal bailleurde fonds pour le traitement du sida aumonde, a décidé de plafonner sesfinancements pour la troisième annéeconsécutive.

Ce désengagement intervient après dixannées de progrès ; plus de 5 millions depersonnes ont été mises sous traitement,notamment grâce à l'introduction demédicaments génériques abordables et lamobilisation des pays donateurs. Aujourd'hui,le désengagement des bailleurs etl'augmentation du prix des nouveauxtraitements mettent en danger ces avancées.Dans le monde, environ 10 millions de personnes attendent toujoursun traitement.

MSF demande aux gouvernements la créationrapide de mécanismes de financementsinnovants et pérennes, comme une taxe surles transactions financières pour soutenir le

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Photo credit : Uganda ©

Brendan Bannon

convaincre l'UE d’abandonner cestentatives.

Plus de 80% des médicaments anti-sidautilisés par MSF pour traiter 160 000personnes dans le monde sont produits enInde. Et les programmes financés par lesbailleurs de fonds internationaux

Fonds mondial et les enjeux de santémondiaux.

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désormais d'affaiblir la concurrenceindienne à travers les politiquescommerciales européennes.

MSF ne peut pas rester indifférente àces attaques visant à modifier la loiindienne. Des milliers de personnesont manifesté leur soutien dans lesrues d'Inde, du Népal, de Thaïlande,d'Indonésie, du Kenya et d'Europe.Les négociations sur les accords delibre-échange sont en cours et MSF vacontinuer à dénoncer ces attaques.

Agissez dès maintenant : envoyez unelettre à Karel De Gucht, Commissaireeuropéen au Commerce, pour exigerqu'il ne « touche pas à nosmédicaments! » Visitezaction.msf.org

Les médicaments contrefaits, dont l'origineou la composition ne correspondent pas à cequi est mentionné, est un réel problème. En2010, des initiatives censées contrer cespratiques ont été mal engagées ; ellesabordent la contrefaçon comme unproblème commercial et non comme unenjeu de santé publique. Au lieu de s'attaquerexclusivement aux médicaments faux ouinefficaces, ces initiatives ont eu un impactnégatif sur l'accès aux médicamentsgénériques de qualité.

Les autorités kenyanes ont par exempleapprouvé une nouvelle loi contre lesmédicaments contrefaits. Mais la définitionchoisie du mot 'contrefait' est tellement largequ'elle inclut des médicaments génériquesefficaces et parfaitement légaux. A terme,cette loi pourrait mettre en danger la santédes populations puisque de nombreuxacteurs dépendent des médicamentsgénériques pour prendre en charge lespatients dans leurs programmes. En Avril2010, des groupes activistes de la sociétécivile kenyane ont gagné une premièrebataille juridique en mettant en cause laconstitutionalité de la loi ; elle estactuellement en cours de révision juridique.Mais des législations similaires risquent d'êtreapprouvées dans d'autres pays d'Afrique del'Est, dont l'Ouganda.

De plus, un groupe de pays riches a mis enplace en 2010 un accord commercial anti-

Photo credit : Kenya © Paul D

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eber/Atlas Press

La lutte contre les médicaments contrefaits sur la mauvaisepente 7

contrefaçon (ACTA). Derrière cet accordvisant à empêcher la contrefaçon se cachenten réalité des dispositions renforçant lesrègles de propriété intellectuelle : ACTApourrait empêcher la production et ladistribution de médicaments génériques ensanctionnant de manière excessive touteviolation des règles de propriétésintellectuelles, favorisant ainsi les positions demonopoles et renforçant les droits des grandslaboratoires pharmaceutiques.

« Ce n'est pas en renforçant exclusivement les règles de propriété intellectuelle que l'on vaefficacement protéger la santé publique. Cette approche a dérivé de son objectif initial visantà lutter contre les contrefaçons et a peu à peu conduit à de mauvaises solutions qui réduisent

in fine l'accès des patients à des médicaments efficaces et de qualité. »Michelle Childs, directrice du plaidoyer

Campagne d'Accès aux Médicaments Essentiels de MSF “ ”

La question des médicaments faux ou demauvaise qualité doit certes être abordée,mais ne doit pas porter préjudice à l'accèsaux médicaments génériques. Il faut établirune définition claire du « médicamentcontrefait » pour éviter que ce problème nese mêle à des enjeux commerciaux au lieu del'aborder comme une problématique desanté publique. Parallèlement, il faut accorderplus d'attention à cet autre problème : celuides médicaments de faible qualité.

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menée dans neuf pays d'Afrique montrentclairement les avantages de ce nouveautraitement chez les enfants. Dans sesprogrammes, MSF utilise déjà unmédicament à base d'artémisinine pourtraiter les enfants, et va désormais introduirel'utilisation de l'artésunate. Le traitement parartésunate des adultes et des enfants vapermettre de sauver un plus grand nombrede vies.

Mais des obstacles majeurs demeurent :l'OMS ne prend pas encore en compte dansses recommandations les résultats obtenuschez les enfants. La plupart des paysrecommandent encore la quinine au lieu del'artésunate pour le traitement des adultes oudes enfants. Les bailleurs de fondsinternationaux doivent également prendreposition en faveur de ce nouveau traitement.

Le retour de la rougeole aurait pu être évité9

Un meilleur traitement contre le paludisme permet desauver plus de vies 8

La recherche dans la lutte contre lepaludisme a donné des résultatsencourageants cette année, en montrantnotamment que le traitement des enfantsatteints de paludisme sévère par desinjections d'artésunate pourrait permettre desauver un plus grand nombre de vies.

Le paludisme est responsable du décèsd'environ un million de personnes chaqueannée. Dans neuf cas sur dix, il s'agitd'enfants africains. Le paludisme sévère,dont les symptômes peuvent être aussigraves que le coma, des convulsions ou desdifficultés respiratoires, évolue rapidement etest souvent mortel. Les enfants qui survivent

« Désormais, nous avons la preuve queles injections d'artésunate au lieu dequinine vont permettre de réduire le

nombre d'enfants mourant depaludisme sévère. De l’artésunate debonne qualité est disponible chez des

fournisseurs approuvés par l'OMS. Nousavons donc les preuves, et nous avons

les moyens : le défi est maintenant celuide l'introduction rapide de ce nouveau

traitement en Afrique. »

Dr. Martin De Smet,Coordinateur du groupe detravail Paludisme de MSF

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« Il est très frustrant d'assister à desépidémies de rougeole qui auraient

pu, et dû, être évitées. Cettemaladie et le renforcement de lavaccination de routine doivent

revenir dans les agendas politiques. »

Dr. Tido von Schoen-Angerer,Directeur Général

de la Campagne d'Accès aux Médicaments Essentiels de MSF“ ”

présentent souvent des séquellesneurologiques.

Le paludisme sévère continue d'être traitéavec de la quinine, alors que les cas simplesde la maladie sont soignés avec desmédicaments à base d'artémisinine, unemolécule extraite d'une plante chinoise.Début 2010, l'Organisation mondiale de laSanté (OMS) a émis une recommandationpour le traitement des cas sévères depaludisme avec de l'artésunate, un dérivé del'artémisinine plus efficace et provoquantmoins d'effets secondaires que la quinine.

Les résultats d'une étude à grande échelle

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Au cours des dernières décennies, lenombre de cas de rougeole a constammentdiminué jusqu'à susciter l'espoir d'uneéradication totale de la maladie. Maisl'année 2010 a montré la précocité de cesdéclarations. La réapparition d'épidémies enAfrique sub-saharienne entraîne souvent unefaible réponse et les financements mobiliséssont peu élevés. La maladie est loin d'êtresous contrôle. En 2008, la rougeole aentraîné le décès de plus de 160 000personnes, pour la plupart des enfants âgésde moins de cinq ans.

La rougeole est une maladie trèscontagieuse pouvant réapparaitre lorsque la

couverture vaccinale d'une populationdonnée est en-dessous d'un certain seuil. Lesenfants des pays en développement sont lesplus vulnérables face aux complicationsmédicales, et donc aux risques de décès.Depuis des années, MSF intervient enurgence en réaction à des épidémies dansde nombreux pays, en collaboration avec lesautorités sanitaires locales.

En 2010, des épidémies de rougeole onttouché plusieurs pays d'Afrique sub-saharienne, dont le Tchad, le Malawi, leZimbabwe, l'Afrique du Sud, le Nigéria et laRépublique Démocratique du Congo. Faitétonnant dans cette résurgence de la

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Dix événements marquants dans le domaine de l'accès aux médicaments en 2010

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En 2010, le Sud-Soudan est confronté à laplus importante épidémie de kala-azardepuis huit ans. De nouveaux moyens detraitement pour les maladies tropicalesnégligées dans les pays en développementdoivent donc être mis au point.

Le kala-azar, ou leishmaniose viscérale, esttransmis par la piqûre d'une mouche dessables (phlébotome), qui sert de réservoir auparasite. Les symptômes sont souvent uneaugmentation du volume de la rate, de lafièvre, un état de fatigue, une perte depoids. La maladie sévit dans les zonespauvres, reculées ou instables, où l'accès auxsoins est plus difficile. Environ 500 000nouveaux cas de kala-azar sont déclaréschaque année. Cette maladie constitue deplus en plus souvent l'une des maladiesopportunistes chez les personnes vivantavec le VIH/sida.

Fin novembre 2010, MSF avait pris encharge 2 355 cas de cette maladie au Sud-

Soudan, soit huit fois plus par rapport àl'année dernière. Sans traitement, la plupartdes patients atteints de kala-azar décèdenten l'espace de quatre mois. En revanche,lorsque le traitement est administré à temps,les taux de guérison peuvent aller jusqu'à95%.

Bien que les options de traitement soientnombreuses, chacune présente des limitesimportantes. L'amphotéricine B liposomique(AmBisome®) est un traitement trèsefficace, mais son coût élevé constitue unobstacle important à son utilisation à grandeéchelle. Le traitement couramment utilisépour la grande majorité des patients, saufdans les zones où des résistances se sontdéveloppées, contient des composésd'antimoine et du stibogluconate de sodium[SSG]. Il s'agit d'un traitement hautement

rougeole, ces dernières épidémies n'ont pas seulement touché des pays enguerre aux systèmes de santé défaillants. Des pays stables où desprogrammes de vaccination sont en place depuis des années ont égalementété touchés. Les moyens actuellement déployés pour faire face à la maladiesont donc inadéquats.

La rougeole nécessite plus d'attention afin que les progrès réalisés au coursdes dernières décennies ne soient pas vains. De même, un soutien politiqueet financier pour les vaccinations de routine et la réponse aux épidémies estnécessaire afin de contenir les épidémies de rougeole.

Le soutien a progressivement diminué alors que le montant nécessaire pourvacciner un enfant est faible (US$1) et fait de la vaccination contre larougeole l'une des actions de santé publique les plus intéressantes en termede rapport coût / efficacité.

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Les maladies tropicales comme le kala-azar continuentd'être négligées 10

toxique mis au point dans les années 1930.Il doit être administré par injectionsintramusculaires, très douloureuses, pendant30 jours. Chez les patients atteints de VIH etde kala-azar, les effets toxiques dutraitement augmentent, et son efficacitédiminue.

Des études sont actuellement en cours pourmettre au point de nouvelles combinaisonsavec des médicaments existants afin derendre le traitement plus efficace, de réduireles coûts et l'apparition des résistances. Lesrésultats de ces études pourraient amenerdes améliorations à court terme. Mais il fautsurtout développer de nouveaux traitementsmoins toxiques, plus courts, pouvant êtreadministrés par voie orale et adaptés auxfemmes enceintes ou en âge de procréer.

« Les groupes les plus exposés au kala-azar sont souvent des populations ayantdes difficultés d'accès aux soins, commecelles vivant en zone rurale ou déplacées

par un conflit. C'est pourquoi il estextrêmement important de disposer d'un

traitement simple et efficace. »

Dr. Nathan Ford, Médical de la Campagne pour

l'Accès aux MédicamentsEssentiels de MSF

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