Éditorial le tungurahua refait parler de lui...du volcan, populations affectées par les chutes de...

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Le journal de l'IRD Éditorial n° 56 - septembre-octobre 2010 bimestriel T rafic aérien interrompu, nuées ardentes menaçant les villages du versant occidental du volcan, populations affectées par les chutes de cendres… Si le panache de cendres émis par le Tungurahua (Équa- teur) ce matin du 28 mai 2010 était de taille plus modeste que celui du volcan islandais qui a perturbé toute l’Europe en mars dernier, cette éruption a surpris tout le monde. Sauf les chercheurs de l’Institut de Géophysique de Quito et de lIRD sur place. « Quelques jours d’activité sismique et de dégazage modérés ont été les seuls signes annon- ciateurs de l’événement », raconte Pablo Samaniego, volcanologue à lIRD. La surveillance exercée 24h/24 a permis d’émettre des bulletins spéciaux sur l’évolution de l’activité du volcan équa- torien. Les autorités de la zone de Guayaquil – située sur la plaine côtière à quelques centaines de kilomètres – ont donc cette fois pu prendre les mesures nécessaires pour protéger les populations de ses effets. Et pour cause, la région n’en est pas à sa pre- mière éruption. En juillet et août 2006 et plus récemment encore, en février 2008, le Tungurahua a fait parler de lui. Pour les scientifiques, chacun de ces épi- sodes apporte son lot d’informations. « L’expérience acquise par notre équipe pendant 10 ans de surveillance nous permet de dire que l’éruption du 28 mai a gagé une quantité d’énergie simi- L ’annonce du choix de Montpellier pour accueillir le siège du nouveau consortium du Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale ( CGIAR ) est une profonde satisfaction pour l’ensemble de la communauté scientifique hexagonale. Ce succès est une véritable reconnaissance du haut potentiel de recherche et de formation français pour des questions touchant au développement dans les pays du Sud. D ans une planète de 9 milliards d’individus à horizon 2050, et dans le contexte actuel d’insécurité alimentaire affectant particulièrement les pays les plus pauvres, la recherche a été repositionnée au centre des agendas internationaux afin que des solutions innovantes et durables puissent être identifiées. En effet, l’accroissement des disparités et inégalités au Sud, aggravées par les crises économiques et financières, montre que l’agriculture reste un acteur fondamental du développement durable et de la réduction de la pauvreté. Mais la recherche agricole pour le développement nécessite aujourd’hui une approche plurielle alliant travaux sur la biodiversité, le réchauffement climatique ou bien encore les services écosystémiques… D ans le cadre d’une approche transversale et pluridisciplinaire, l’ IRD a su consolider une coordination scientifique très importante avec le CGIAR et les Centres Internationaux de Recherche qui en dépendent. Avec l’affectation de chercheurs dans les domaines des sciences de l’eau, des sols, du riz par exemple et la contribution à de grands projets de recherche communs, l’ IRD est aujourd’hui, avec le Cirad, un des tous premiers partenaires français du CGIAR . L a décision du consortium d’implanter le Siège à Montpellier va donner à l’Agence inter-établissements de recherche pour le développement ( AIRD ) l’occasion d’œuvrer au renforcement de la coopération entre les Universités et les Établissements de recherche français et les centres du CGIAR autour de projets fédérateurs dans les pays du Sud. Montpell ier au cœur de la recherche agricole pour le veloppement Sciences au Sud : Du spectre de la famine au Niger aux émeutes de la faim au Mozambique, où en est-on sur le front de la crise alimentaire ? Pierre Janin : À l’heure actuelle, la « crise alimentaire de 2008 », mondiali- sée et systémique, a vécu. Mais les conditions économiques (instabilité des marchés et volatilité des prix) et agri- coles (concurrences d’usages entre ali- mentation animale et humaine, production d’agrocarburants…) de sa réémergence n’ont pas fondamentale- ment disparu. De nouveaux épisodes d’ampleur comparable peuvent ressur- gir et des événements plus ponctuels viennent rappeler que toute crise est multiforme. Il en va ainsi des deux épi- Par Michel Laurent Président de l’IRD bulles de gaz qui éclatent dans le cra- re », assure Pablo Samaniego. En com- binant la composition chimique des cristaux piégés dans les produits expul- sés et la chronologie éruptive, les aus- culteurs de volcans concluent que les grandes éruptions de ce volcan sont dues à une réalimentation du réservoir magmatique par des magmas profonds riches en gaz. Si d’autres résultats sont attendus, la surveillance continue… Les chercheurs équatoriens et français res- tent au chevet du Tungurahua qui réserve peut être encore des surprises. Contacts pablo.samaniego@ird.fr jeanluc.lepennec@ird.fr UMR Laboratoire Magmas et Volcans (IRD, CNRS, Université Blaise Pascal (Clermont Ferrand), Université Jean Monnet (Saint-Étienne). Jorge Bustillos (Institut de Géophysique de Quito). Pour en savoir plus : http://www.mpl.ird.fr/suds-en-ligne/fr/ volcan/volcans.htm @ IRD/A. Debray sodes les plus récents. Au Mozambique, il s’agissait essentiellement d’un risque économique importé, l’État contraint de réduire ses déficits ne pouvant plus sub- ventionner les denrées de base, tandis qu’au Niger il était davantage question d’une conjonction de phénomènes : mauvaises récoltes, stockages spéculatifs de la part des commerçants et grande précarité économique des populations ne pouvant se fournir sur les marchés. En fait, la notion même de crise alimen- taire est complexe et souffre d’interprétations variées : elle est tantôt considérée comme un phénomène conjoncturel, aléatoire et exogène, lié par exemple à une hausse brutale des prix ou aux aléas climatiques, et tantôt comme un phénomène endogène dû à l’affaiblissement progressif des capacités de réponse au risque. Dans la réalité, elle est souvent une combinaison des deux. De plus, la crise n’existe en tant que telle que dans un cadre temporel et géographique particulier, dans un contexte économique, social et poli- Partenaires Conférence de Fortaleza P . 5 Recherches Les pygmées, un peuple en transition P. 7 Le genre au cœur du développement P . 8 Dans ce numéro laire à celles de juillet 2006 et février 2008 mais inférieure à celle de l’éruption d’août 2006 », explique Pablo Samaniego. Qua- lifiée de « soudaine et énergétique », l’éruption de mai 2010 se démarque des précédentes par les mécanismes en jeu. « Le début de cette phase éruptive pré- sentait un mode opératoire nouveau, souligne le chercheur. Une forte explo- sion de courte durée, de type vulcanien a conduit à la destruction d’un bouchon dans le conduit du volcan avec émission d’un panache de 7 km de hauteur. Deux jours après, la phase majeure a été mar- quée par une forte explosion qui a libéré un mélange de cendres, de gaz et de blocs à haute température. Le rythme des explosions s’est accéléré les jours sui- vants jusqu’à atteindre près de 300 par jour le 31 mai ! ». Au-delà de l’observation directe et des enregistrements sismologiques, com- ment en apprendre davantage sur cette éruption ? Par l’examen des matériaux expulsés – cendres, scories et blocs dans les nuées ardentes – prélevés sur le ter- rain par les volcanologues. Ainsi les chercheurs ont mis en évidence qu’après le débouchage explosif du conduit, un deuxième type de méca- nisme est intervenu, cette fois de type strombolien. « Le magma qui est remonen surface montre des struc- tures suggérant une faible viscosité associée à de petites explosions causées par l’arrivée en surface de grandes Le Tungurahua refait parler de lui © IRD / B. Bernard « Vaincre les causes plutôt que lutter contre les conséquences » Le géographe Pierre Janin, spécialiste de la sécurité alimentaire, revient sur la situation de la lutte contre la faim, sur les crises et les annonces récentes. suite en page 16 © DR manière très différente selon les grandes aires géographiques. Ainsi, Entret i en avec P i erre Jan i n tique précis et avec des causes enchevê- trées. Enfin pour certaines catégories de la population, elle est avérée bien avant dêtre reconnue comme telle. SAS : La FAO annonce cette année une baisse du nombre de per- sonnes souffrant de la faim, pour la première fois depuis quinze ans, comment faut-il l'interpréter ? PJ : C’est une annonce à double tran- chant : il faut distinguer le contenu politique et le contenu technique de la déclaration, car peu d’actions interna- tionales concrètes sont nées de la crise passée. De même, il faut relever le caractère à la fois estimatif et réducteur des données chiffrées nationales utili- sées. Au positif, il y a bien eu une amé- lioration conjoncturelle sur le « front de la faim » en 2010, même si elle inter- vient après l’aggravation de la situation en 2009, consécutive à la crise alimen- taire de 2008. La faim a reculé cette année certes, mais principalement grâce à la détente momentanée des prix internationaux agricoles et de

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Page 1: Éditorial Le Tungurahua refait parler de lui...du volcan, populations affectées par les chutes de cendres… Si le panache de cendres émis par le Tungurahua (Équa-teur) ce matin

Le journal de l'IRD

É d i t o r i a l

n° 56 - septembre-octobre 2010bimestriel

T rafic aérien interrompu,nuées ardentes menaçant lesvillages du versant occidental

du volcan, populations affectées par leschutes de cendres… Si le panache decendres émis par le Tungurahua (Équa-teur) ce matin du 28 mai 2010 était detaille plus modeste que celui du volcanislandais qui a perturbé toute l’Europeen mars dernier, cette éruption a surpristout le monde. Sauf les chercheurs del’Institut de Géophysique de Quito et del’IRD sur place. « Quelques joursd’activité sismique et de dégazagemodérés ont été les seuls signes annon-ciateurs de l’événement », racontePablo Samaniego, volcanologue à l’IRD.La surveillance exercée 24h/24 a permisd’émettre des bulletins spéciaux surl’évolution de l’activité du volcan équa-torien. Les autorités de la zone deGuayaquil – située sur la plaine côtièreà quelques centaines de kilomètres –ont donc cette fois pu prendre lesmesures nécessaires pour protéger lespopulations de ses effets. Et pourcause, la région n’en est pas à sa pre-mière éruption. En juillet et août 2006et plus récemment encore, en février2008, le Tungurahua a fait parler de lui.Pour les scientifiques, chacun de ces épi-sodes apporte son lot d’informations. «L’expérience acquise par notre équipependant 10 ans de surveillance nouspermet de dire que l’éruption du 28 maia dégagé une quantité d’énergie simi-

L ’annonce du choix de Montpellierpour accueillir le siège du

nouveau consortium du GroupeConsultatif pour la RechercheAgricole Internationale (CGIAR) est uneprofonde satisfaction pour l’ensemblede la communauté scientifiquehexagonale. Ce succès est unevéritable reconnaissance du hautpotentiel de recherche et deformation français pour des questionstouchant au développement dans lespays du Sud.

Dans une planète de 9 milliardsd’individus à horizon 2050, et dans le contexte actuel d’insécuritéalimentaire affectantparticulièrement les pays les pluspauvres, la recherche a étérepositionnée au centre des agendasinternationaux afin que des solutionsinnovantes et durables puissent êtreidentifiées. En effet, l’accroissementdes disparités et inégalités au Sud,aggravées par les crises économiqueset financières, montre quel’agriculture reste un acteurfondamental du développementdurable et de la réduction de lapauvreté. Mais la recherche agricolepour le développement nécessiteaujourd’hui une approche pluriellealliant travaux sur la biodiversité, le réchauffement climatique ou bienencore les services écosystémiques…

Dans le cadre d’une approchetransversale et pluridisciplinaire, l’IRD

a su consolider une coordinationscientifique très importante avec leCGIAR et les Centres Internationaux deRecherche qui en dépendent. Avecl’affectation de chercheurs dans lesdomaines des sciences de l’eau, dessols, du riz par exemple et lacontribution à de grands projets derecherche communs, l’IRD estaujourd’hui, avec le Cirad, un destous premiers partenaires français duCGIAR.

La décision du consortium d’implanterle Siège à Montpellier va donner àl’Agence inter-établissements derecherche pour le développement(AIRD) l’occasion d’œuvrer aurenforcement de la coopération entreles Universités et les Établissementsde recherche français et les centresdu CGIAR autour de projets fédérateursdans les pays du Sud. ●

Montpellierau cœur de larechercheagricole pour ledéveloppement

Sciences au Sud : Du spectre de lafamine au Niger aux émeutes de lafaim au Mozambique, où en est-onsur le front de la crise alimentaire ? Pierre Janin : À l’heure actuelle, la « crise alimentaire de 2008 », mondiali-sée et systémique, a vécu. Mais lesconditions économiques (instabilité desmarchés et volatilité des prix) et agri-coles (concurrences d’usages entre ali-mentation animale et humaine,production d’agrocarburants…) de saréémergence n’ont pas fondamentale-ment disparu. De nouveaux épisodesd’ampleur comparable peuvent ressur-gir et des événements plus ponctuelsviennent rappeler que toute crise estmultiforme. Il en va ainsi des deux épi-

Par Michel LaurentPrésident

de l’IRD

bulles de gaz qui éclatent dans le cra-tère», assure Pablo Samaniego. En com-binant la composition chimique descristaux piégés dans les produits expul-sés et la chronologie éruptive, les aus-culteurs de volcans concluent que lesgrandes éruptions de ce volcan sontdues à une réalimentation du réservoirmagmatique par des magmas profondsriches en gaz. Si d’autres résultats sontattendus, la surveillance continue… Leschercheurs équatoriens et français res-tent au chevet du Tungurahua quiréserve peut être encore des surprises.●

[email protected]@ird.frUMR Laboratoire Magmas et Volcans(IRD, CNRS, Université Blaise Pascal(Clermont Ferrand), Université JeanMonnet (Saint-Étienne).Jorge Bustillos (Institut de Géophysiquede Quito).

Pour en savoir plus :http://www.mpl.ird.fr/suds-en-ligne/fr/volcan/volcans.htm

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sodes les plus récents. Au Mozambique,il s’agissait essentiellement d’un risqueéconomique importé, l’État contraint deréduire ses déficits ne pouvant plus sub-ventionner les denrées de base, tandisqu’au Niger il était davantage questiond’une conjonction de phénomènes :mauvaises récoltes, stockages spéculatifsde la part des commerçants et grandeprécarité économique des populationsne pouvant se fournir sur les marchés.En fait, la notion même de crise alimen-taire est complexe et souffred’interprétations variées : elle est tantôtconsidérée comme un phénomèneconjoncturel, aléatoire et exogène, liépar exemple à une hausse brutale desprix ou aux aléas climatiques, et tantôtcomme un phénomène endogène dû àl’affaiblissement progressif des capacitésde réponse au risque. Dans la réalité,elle est souvent une combinaison desdeux. De plus, la crise n’existe en tantque telle que dans un cadre temporel etgéographique particulier, dans uncontexte économique, social et poli-

PartenairesConférence de Fortaleza P. 5

RecherchesLes pygmées, un peuple en transition P. 7Le genre au cœurdu développement P. 8

Dans ce numéro

laire à celles de juillet 2006 et février 2008mais inférieure à celle de l’éruption d’août2006 », explique Pablo Samaniego. Qua-lifiée de «soudaine et énergétique»,l’éruption de mai 2010 se démarque desprécédentes par les mécanismes en jeu.« Le début de cette phase éruptive pré-sentait un mode opératoire nouveau,souligne le chercheur. Une forte explo-sion de courte durée, de type vulcaniena conduit à la destruction d’un bouchondans le conduit du volcan avec émissiond’un panache de 7 km de hauteur. Deuxjours après, la phase majeure a été mar-quée par une forte explosion qui a libéréun mélange de cendres, de gaz et deblocs à haute température. Le rythmedes explosions s’est accéléré les jours sui-vants jusqu’à atteindre près de 300 parjour le 31 mai!».Au-delà de l’observation directe et desenregistrements sismologiques, com-ment en apprendre davantage sur cetteéruption? Par l’examen des matériauxexpulsés – cendres, scories et blocs dansles nuées ardentes – prélevés sur le ter-rain par les volcanologues. Ainsi leschercheurs ont mis en évidencequ’après le débouchage explosif duconduit, un deuxième type de méca-nisme est intervenu, cette fois de typestrombolien. « Le magma qui estremonté en surface montre des struc-tures suggérant une faible viscositéassociée à de petites explosions causéespar l’arrivée en surface de grandes

Le Tungurahua refait parler de lui

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« Vaincre les causes plutôt que lutter contre les conséquences »

Le géographe Pierre Janin,spécialiste de la sécuritéalimentaire, revient sur lasituation de la lutte contrela faim, sur les crises et lesannonces récentes.

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manière très différente selon lesgrandes aires géographiques. Ainsi,

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tique précis et avec des causes enchevê-trées. Enfin pour certaines catégories dela population, elle est avérée bien avantd’être reconnue comme telle.SAS : La FAO annonce cette annéeune baisse du nombre de per-sonnes souffrant de la faim, pour lapremière fois depuis quinze ans,comment faut-il l'interpréter ?PJ : C’est une annonce à double tran-chant : il faut distinguer le contenupolitique et le contenu technique de ladéclaration, car peu d’actions interna-tionales concrètes sont nées de la crisepassée. De même, il faut relever lecaractère à la fois estimatif et réducteurdes données chiffrées nationales utili-sées. Au positif, il y a bien eu une amé-lioration conjoncturelle sur le « front dela faim » en 2010, même si elle inter-vient après l’aggravation de la situationen 2009, consécutive à la crise alimen-taire de 2008. La faim a reculé cetteannée certes, mais principalementgrâce à la détente momentanée desprix internationaux agricoles et de

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Des parasites très discrets…

En Afrique, les zébus (Bos taurus indicus) sont les bovins les plus sensibles aux trypanosomoses

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Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

L a population du Sahel a plusque doublé en 30 ans. Enréponse, la surface cultivée au

Niger s’est étendue de 40 %. Une telleaugmentation de la production agri-cole est le plus souvent perçue commesynonyme d’érosion de la biodiversitédes cultures. Celle du sorgho, secondecéréale la plus cultivée après le mil,demeure pourtant intacte : « Les chan-gements de pratiques agraires au Nigerne se sont pas traduits par une réduc-tion de sa richesse génétique »,témoigne Yves Vigouroux, chercheur àl’IRD. Ce dernier vient de co-publier uneétude1 sur la diversité de la graminée,Sorghum bicolor de son nom scienti-fique. « Il existe plus de variétés aujour-

d’hui que dans les années 70 », affirmele généticien.Cette étude a bénéficié d’une ressourceexceptionnelle de données : une collec-tion de graines réalisée en 1976 pardeux chercheurs de l’IRD dans 71 villagesnigériens, conservées encore aujour-d’hui à 4°C au centre de l’IRD à Montpel-lier. « C’est une véritable aubaine d’avoireu accès à du matériel génétique vieuxd’une trentaine d’années », se réjouitYves Vigouroux. Forts de cet élémentde comparaison, les chercheurs sontretournés dans les mêmes villages,représentatifs des conditions pluviomé-triques et agroécologiques del’ensemble des aires cultivées du pays,pour effectuer une nouvelle collecte desorgho. « Nous avons alors extrait l’ADN’des graines puis, grâce à 28 marqueursmicrosatellites2ss , comparé leur génome2

aux deux dates d’échantillonnage »,relate l’auteur de l’étude. Paradoxale-ment, les changements sociaux et envi-ronnementaux que subit le Saheldepuis 30 ans ont permis de maintenir,voire augmenter, la biodiversité du sor-gho. En réponse au doublement de lapopulation, les paysans nigériens ont dûse tourner vers des terres agricoles mar-ginales, jusque-là inexploitées car troppauvres. « Ils ont ainsi sans doute déve-loppé des variétés spécifiques à ces nouvelles niches agroécologiques »,explique le scientifique. Par ailleurs,

pour faire face à la grande variabilité cli-matique (sécheresses récurrentes dansles années 1970-1985, baisse globaledes précipitations de 30 %), les agricul-teurs doivent pouvoir choisir chaqueannée les variétés les mieux adaptées. Ilsont donc conservé, testé, développé oumême importé des variétés diversifiées.« Des créations locales par croisementsintervariétaux ont même alors pu seproduire », renchérit-il.Les cultivateurs nigériens ont ainsi supréserver la biodiversité du sorgho.Dans le contexte de profondes muta-tions démographiques et agroécolo-giques, cette richesse génétiqueconstitue pour eux une garantie depouvoir faire face aux variations futuresde l’environnement. ●

1. Theoretical and Applied Genetics, 2010.Ces travaux ont été réalisés en collaborationavec des chercheurs du Cirad, de l’InstitutNational de la Recherche Agronomique duNiger et de l’International Crop Research Ins-titute for the Semi-Arid Tropics au Niger. Ceprojet a été financé par l’Institut Français dela Biodiversité (aujourd’hui Fondation pour laRecherche sur la Biodiversité).2. Petits motifs d’ADN répétés.

[email protected]@ird.frUMR DIA-PC (Cirad, Inra, IRD, MontpellierSupAgro, université Montpellier 2)

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Au Niger, malgré une production agricole décuplée, les paysans ont su conserver la biodiversité du sorgho. En 30 ans, la richesse génétique de cette céréalea même augmenté. Une garantie pour eux de faire face aux divers aléas.

Sorgho rouge.

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parasite ou détournent la réaction dusystème immunitaire de l’hôte et parfois,induisent les deux réactions.Les molécules isolées sont en cours deproduction pour pouvoir être utiliséesdans des tests qui permettront de mesurerleur impact réel. Elles permettent égale -ment d’envisager des traitements innovantscontre la maladie qui décime lestroupeaux de bovins dans la ceintureintertropicale. Dans cette dernièreperspective, l’idée est soit d’éliminer lesprotéines en question, soit – par inoculationdes protéines sécrétées – d’éduquer lesystème immunitaire de l’hôte à lesreconnaître et à les éliminer. Désormaisles scientifiques vont pouvoir aller plusloin. La compréhension de ce modèle chezl’animal va permettre d’identifier précisé -ment les mécanismes en cause et lesprotéines impliquées dans la forme humainede la maladie afin de mettre au point untraitement apte à déjouer l’astuce de cesparasites maîtres de l’illusion... ●

1. Principal agent des trypanosomosesbovines africaines.

[email protected] interations-hôtes-vecteurs-parasitesdans les trypanosomes (IRD-Cirad)

[email protected] Sextant – 44, bd de Dunkerque

CS 9000913572 Marseille cedex 02Tél. : 33 (0)4 91 99 92 22Fax : 33 (0)4 91 99 92 28

Directeur de la publicationMichel Laurent

Directrice de la rédactionMarie-Noëlle Favier

Rédacteur en chefManuel Carrard([email protected])

Comité éditorialJacques Charmes, Bernard Dreyfus,Thomas Changeux, Yves Duval,Günther Hahne, Christian Marion,Jacques Merle, Jean-Baptiste Meyer,Georges de Noni, Stéphane Raud,Malika Remaoun, Pierre Soler,Hervé Tissot Dupont

RédacteursFabienne Beurel-Doumenge([email protected])Olivier Blot ([email protected])

Ont participé à ce numéroGaelle Courcoux, Juliette Henny,François Rebufat,Ouidir Benabderrahmane,

CorrespondantsMina Vilayleck (Nouméa)

Photos IRD – Indigo BaseDaina RechnerChristelle Mary

Photogravure, ImpressionIME, certifié ISO 14001,25112 Baume-les-DamesISSN : 1297-2258

Commission paritaire : 0909B05335Dépôt légal : octobre 2010

Journal réalisé sur papier recyclé.Tirage : 15 000 exemplaires

abonnement annuel / 5 numéro : 15 €

Le journal de l'IRD

Pour se jouer du système immunitaired’un hôte, certains parasites sont capablesde créer comme un écran de fumée ! Defait, pendant les premières semaines quisuivent l’infection d’un mammifère, d’unanimal ou d’un humain par les trypano-somes dits « africains » – responsables dela maladie du sommeil chez les humains –,le système immunitaire de l’hôte détectel’intrusion du parasite mais éprouve lesplus grandes difficultés à la contrer. De telsmécanismes de leurre sont connus chezdes parasites mais pas les acteurs de cettestratégie très sophistiquée. Une équipe de chercheurs de l’IRD et duCirad vient de percer à jour cette énigmeaprès avoir analysé le génome dutrypanosome ainsi que les substancessécrétées par celui-ci dans le sang del’animal parasité. « Le secret de cettestratégie immunologi quement silencieuseréside dans les protéines secrétées pendantla phase d’invasion par le parasite »,dévoile Pascal Grébaut, spécialiste à l'IRDdes trypanosomes. « Une dizaine deprotéines d’intérêt ont été révélées dont la calréticuline, fortement surexprimée et donc bon marqueur de virulence et de pathogénicité chez Trypanosomacongolense1 », précise-t-il. Concrètement,ces protéines masquent la présence du

Des parasites très discrets…

L’analyse de la distribution biogéographique despoissons d’eau douce et des événements tectoniques de la Vallée du Rift éthiopien apporte des informationssur l’origine et la répartition actuelle de cette faune.

R i f t é t h i o p i e n

Un patchwork de communautés de poissons

D ans la province abyssinienne– Éthiopie, l’Érythrée et unepartie de la Somalie – pas

moins de 128 espèces de poissons vien-nent d’être inventoriées dans13 bassins hydrographiques par uneéquipe de chercheurs. « La compositiondes populations de poissons dans cettezone est un véritable patchwork », noteDidier Paugy, ichtyologue à l’IRD, qui acoordonné cette étude. Il a notammenttravaillé à comparer ces populations àcelles d’un bassin de la province orien-tale d’Afrique et de quatre systèmesfluviaux du Proche-Orient. L’analysemathématique de leur composition fau-nistique ainsi que la prise en compte desévénements géologiques ont conduit àdistinguer quatre « sous-provinces ich-tyologiques » associées à des zonesgéographiques : Nilo-Soudanienne, dulac Tana, de la région Oromia ou encore

de la côte de la mer Rouge. « La richessespécifique et la diversité sont contras-tées d’une zone à l’autre », constate lechercheur. La région Nilo-Soudanienne,la plus riche en espèces, comprendl’Omo, quelques affluents du haut Nil etquelques petits lacs du sud de l’Éthiopie.La faune y est typiquement d’originenilotique c’est-à-dire aux trois quartsidentique à celle du Nil jusqu’au Séné-gal. La remarquable homogénéité despopulations de la rivière Awash et descinq lacs de la sous-province Oromia est,quant à elle, expliquée par l’histoirehydrologique de la zone : à la fin de l’éretertiaire (Pliocène), ces lacs n’en formaientqu’un seul qui s’est scindé en plusieursau fur et à mesure que l’érosion creusaitle relief. Une partie de l’ichtyofaune decette sous-région est vraisemblablementd’origine arabique. Du côté du lac Tana,source du Nil Bleu et qui s’est isolé voilà

environ 2,5 millions d’années, la particu-larité est le fort taux d’endémisme1 quitouche la famille des Cyprinidés. Ceux-ciconstituent désormais un « essaimd’espèces » de 15 entités dont l’ancêtre,vraisemblablement Barbus intermedius,a colonisé des niches écologiquesvariées. Enfin, les communautés depoissons des petits bassins côtiers de lamer Rouge, très pauvres en espèces,présentent une importante affi-nité avec les peuplements de lapéninsule arabique. « Ce patch-work résulte ainsi de plusieursprocessus de colonisation (ori-gine nilotique et arabique entreautres) auxquels s’est parfois superposé un phénomène deradiation adaptative2 commedans le lac Tana. Ces originesdiverses et les nombreux événe-ments géologiques qui ontjalonné l’histoire de la régionconstituent son originalité etexpliquent sans doute sonimportant taux d’endémisme »,conclut le chercheur. ●

1. L’endémisme caractérise la présence exclu-sive et naturelle d’un groupe biologique dansune région géographique délimitée.2. Évolution à partir d’un ancêtre commun.

[email protected] Biologie des organismes et écosystèmes aquatiques (CNRS, IRD,MNHN, université Paris6).

L e s o r g h o

Quand agriculture rime avec biodiversité

Le sorgho est la cinquième céréalemondiale, en termes de volume deproduction ou de superficies culti-vées, après le maïs, le riz, le blé etl’orge. Sa production mondiale estd’environ 60 millions de tonnes paran d’après la FAO, principalement enAfrique et en Asie où se concentrentplus de 95 % de son utilisationalimentaire. Originaire d’Afriquesubsaharienne, le sorgho est parti-culièrement robuste et résiste trèsbien à la chaleur et à la sécheresse.Il consomme par exemple deux foismoins d’eau que le maïs.

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Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

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modium falciparum, responsable de laforme la plus grave de paludisme chezl’homme et transmis par les moustiquesdu genre Anopheles. Restait à clarifierl’origine du virulent parasite : qui del’homme ou du grand singe a infectél’autre ? « Pour le savoir, nous avonsretracé, avec cette méthode de hauteprécision, l’arbre phylogénétique3 dumicroorganisme », explique le chercheur.Résultat : « les Plasmodium humainsdérivent de ceux du gorille, à partir d’unseul et même ancêtre commun », pré-cise Martine Peeters, directrice derecherche à l’IRD, qui a égalementparticipé à cette étude.

«Les gorilles ont contaminé leshumains, et non l’inverse ! »,affirme Eric Delaporte, cher-

cheur à l’IRD et à l’Université de Montpel-lier 1. L’étude qu’il vient de co-publierdans le journal Nature1 démontre, grâceà une technique de séquençage de l’ADN

appelée single genome amplification(SGA), la concordance génétique quasiparfaite entre les pathogènes déceléschez le gorille et ceux qui infectent leshumains. Preuve qu’il s’agit bien de lamême espèce.Des chercheurs du CNRS et de l’IRD2

avaient récemment détecté, chez le plusgrand des primates, la présence de Plas-

Porteur de la même espèce de parasite,véhiculé par les moustiques Anopheles,le gorille constitue un réservoir du palu-disme. Comme le révèle également la nouvelle étude, l’infection à Plasmo-dium est en effet très répandue, notam-ment, chez les gorilles de l’Ouest4 : plusde la moitié des individus sont infectésdans certaines communautés. Les cher-cheurs ont analysé plus de 2 700 échan-tillons fécaux de chimpanzés et gorillessauvages, collectés sur 57 sites à traversl’Afrique centrale. Cette méthode noninvasive, développée il y a dix ans pardes équipes de l’IRD et leurs partenairesde l’Université d’Alabama, a permis de

L’infection à Plasmodium falciparum, le parasite responsable du paludisme chezmml’homme, est très répandue chez le plus grand des primates. Les pathogènes du gorillese sont adaptés aux humains pour donner lieu à la pandémie que l’on connaît.

Actu

alités

Le gorille est à l’origine du paludisme chez l’homme

M i n e s d e B o l i v i e

Le revers de la médaille Géochimistes, écologues, épidémiologistes, géographes et sociologues étudient depuis2006, dans le cadre du programme ToxBol, l’origine, la propagation et l’impact des minessur l’environnement et la santé à Oruro, sur l’Altiplano bolivien.

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miques et sociaux, du fait d’une percep-tion réduite du risque sanitaire et de ladifficulté à observer les impacts concretsde la pollution, regrette le géographe. Eneffet, la richesse naturelle en métaux dessols et les multiples sources de contami-nation (mines, fonderies, terrils, etc.)brouillent les pistes. » Face à l’absencede politiques d’aménagement du terri-toire et une expansion urbaine incontrô-lée sur les terrils eux-mêmes, l’équipe deToxBol mise sur les jeunes scientifiquesboliviens formés lors du programmepour être un levier actif et faire en sorteque ces recherches donnent lieu à uneaction publique. Le pari est lancé. ●

1. Ce programme, financé par l’ANR, a étémené en collaboration par l’IRD, la Universi-dad Mayor de San Andrés à La Paz et laUniversidad Mayor de San Simón à Cocha -bamba en Bolivie, la Universidad de Chile àSantiago au Chili, l’Université Paul Sabatier à Toulouse et le Centre for Research in Envi-ronmental Epidemiology à Barcelone enEspagne.2. Des opérations de pompage doivent êtreeffectuées en continu pour éviterl’inondation des galeries de mines.3. L’IRD et ses partenaires ont diffusé lesrésultats de ces travaux aux populationsconcernées en langues aymara et quechua.

[email protected]@ird.fr

Il ne fait pas bon respirer dans la villed’Oruro, au beau milieu des Andesboliviennes. Bien que perchée à

3 700 m, son atmosphère est fortementpolluée : « Arsenic, zinc, cadmium,étain… un véritable cocktail polymétal-lique est présent dans l’air sous forme departicules très fines, les plus toxiques »,affirme David Point, géochimiste à l’IRD,impliqué dans le programme ToxBol1.Les eaux et les sédiments des grands lacsenvironnants sont également contami-nés : « Nous avons mesuré des concen-trations très fortes en métaux lourds,principalement en cadmium, en mercureet parfois en plomb, dans les poissonsdes lacs Poopó et Uru-Uru, les princi-pales zones de pêche du département »,témoigne François-Marie Gibon, biolo-giste à l’IRD, participant aussi à ToxBol.Le sous-sol d’Oruro renferme quantité demétaux précieux et d’intérêt commercial,que les hommes exploitent depuis plusde cinq siècles. Outre l’activité minièreactuelle, qui disperse les éléments tracesdans l’air et les eaux de surface, via letransport des minerais et les rejets d’eauxacides provenant du pompage des gale-ries2, la ville subit l’impact du passé : deuxmillions de tonnes de déchets miniersstockés à l’air libre, au pied des collines,sous forme de terrils. Le vent et la pluiedisséminent également les métaux lourdsde ces résidus dans l’environnement.

E n réponse aux inondations sur-venues dans la ville de Saint-Louis suite à une crue du fleuve

en 2003, le creusement artificiel d’unenouvelle embouchure au sud de la villea eu un impact significatif sur cet éco-système fragile. Mais comment mesurerl’incidence de cet aménagement del’estuaire du fleuve Sénégal ?L’approche adoptée par une équipe dechercheurs IRD s’appuie sur la réactionde certaines populations de microorga-nismes à ces modifications environne-mentales. « En 2002, avantl’aménagement de l’estuaire, l’analysedes collectes sur 17 sites a montré desconcentrations faibles en bactériesfécales et des concentrations en pico-phytoplancton1 et nanoflagellés2ss éle-vées. Ces données indiquent donc unréseau trophique microbien très actif »,rapporte Marc Bouvy, microbiologiste àl’IRD. En 2006, après aménagement, laquantité de chlorophylle (directementliée à la biomasse de phytoplancton) atriplé tandis que les valeurs du picophy-toplancton ont diminué de plus de moi-tié et les concentrations en nanofla gellésont été divisées par plus de 200. Ces der-niers ont même complètement disparudes sites les plus pollués de l’estuaire.Dans le même temps, l’augmentation dela matière organique dissoute issue del’océan a profité au nanophytoplanctonet aux microalgues dinoflagellés tandisque celle en bactéries fécales d’origine

L’air des habitations, des écoles, l’eau durobinet… : l’ensemble de l’aggloméra-tion est touché. « Pourtant, la contami-nation n’atteint pas toute la population,précise Jacques Gardon, épidémiolo-giste à l’IRD et coordinateur du pro-gramme. Seuls des groupes à risquessont affectés : les habitants des zonesde fonderies ou de quartiers de mineurs,ou encore les foyers où sont introduitsdes outils provenant de la mine, des sacsde minerai, etc. » Par exemple, l’une des populations les plus affectées estconstituée des cooperativistas, petits etmoyens entrepreneurs qui représententla majorité des exploitants du secteur :« le minéral est souvent stocké dans lesmaisons avant d’être acheminé, une foisen quantité suffisante, vers le centre detransformation », explique HubertMazurek, géographe à l’IRD et égale-ment membre de l’équipe. D’où unetrès forte exposition des ménages, enparticulier des enfants en bas âge, lesplus vulnérables face à cette pollution.Une étude, menée dans deux hôpitauxde la ville, a notamment montré chez lesnourrissons des symptômes liés à l’expo-sition au plomb, comme l’instabilitéémotionnelle ou l’irritabilité.L’un des enjeux de demain demeurel’information des populations3 et desdécideurs. « Le problème est sous-estimé, y compris par les acteurs écono-

réunir du matériel génétique en quan-tité, sans pour autant perturber cetteespèce protégée.Ces résultats ne disent pas si le parasiteprovoque chez le gorille une maladie,telle que le paludisme chez l’homme.Reste également à préciser le rôle desPlasmodium falciparum du primate dansla pandémie humaine, qui affecteaujourd’hui 250 à 500 millions de per-sonnes chaque année, tuant plus d’unmillion d’entre elles.Comprendre les mécanismes qui ontpermis leur adaptation du singe àl’homme et entraîné leur capacité à pro-voquer une maladie chez ce dernier

ouvre de nouvelles voies de recherchethérapeutique et vaccinale. ●

1. Nature, 2010, 467 (7314), p. 420-425.

2. PNAS, 2010, 107 (4), p. 1458-1463. Sciences auSud n° 54 - avril / mai 2010.

3. La phylogénie est l’étude des liens de parenté entreespèces permettant de retracer l’histoire évolutive desêtres vivants.

4. Le gorille de l’Ouest (Gorilla gorilla) est une des deuxespèces distinctes présentes dans les forêts d'Afriquecentrale, avec le gorille de l'Est (Gorilla beringei).ii

[email protected]@ird.frUMR VIH/Sida et maladies associées (IRD, Université Montpellier1)

Les déchetsminiers côtoientles habitationsdans le quartierdes mineurs àOruro (Bolivie).

Des témoinsmicroscopiques Des chercheurs viennent d’évaluer l’impact des travauxd’aménagement dans l’estuaire du fleuve Sénégal à l’aide de microorganismes.

anthropique multiplie les risques demaladies pour les populations. Pour ceschercheurs, d’autres données fournissentégalement des indications sur l’état desanté du milieu. D’une part, le rapportentre abondance des bactéries et abon-dance des flagellés et, d’autre part,le rapport entre picophytoplancton etnanophytoplancton. « Ces deux rapportspermettent de conclure que l’arrivéed’eau de mer par la nouvelle embou-chure a totalement modifié le fonction-nement de l’écosystème estuarien,passant d’une chaîne alimentaire de typemicrobien en 2002 à une chaîne alimen-taire de type herbivore en 2006 »,explique Marc Bouvy pour qui l’étude deces deux rapports biologiques pourraitêtre une aide précieuse dans le suivi deseffets à long terme des aménagementshydrologiques... ●

1. « Pico » signifie de taille inférieure à 2 x10-6 m / « nano » signifie de taille compriseentre 2 et 20 x 10-6 m.2. Organismes unicellulaires munis d’un fla-gelle.3. Estuarine Coastal and Shelf Science, 2010.

[email protected] Écosystèmes lagunaires(CNRS, IFREMER, IRD, UniversitéMontpellier 2)

Pirogues de pêche et pêcheurs le longde l’estuaire du fleuve Sénégal avecSaint-Louis en arrière plan.

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Page 4: Éditorial Le Tungurahua refait parler de lui...du volcan, populations affectées par les chutes de cendres… Si le panache de cendres émis par le Tungurahua (Équa-teur) ce matin

Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

E tablir une politique agricolesachant concilier efficacitééconomique, conservation de

la biodiversité et qualité des sols n’estpas chose aisée… L’enjeu est d’autantplus grand qu’il s’applique à une zoneoù s’entremêlent déforestation sansfrein et pauvreté des familles exploitantcette ressource naturelle vierge : laforêt amazonienne. Le programmeAmaz « Biodiversité et services écosys-témiques des paysages amazoniens ;déterminants socio-économiques etsimulation de scénarios », conduitentre 2007 et 2010, offre aujourd’huides réponses. Pas moins de 16 institu-tions1 françaises, brésiliennes et colom-biennes ont porté cet ambitieux projetdans le cadre d’une approche multidis-ciplinaire.Les chercheurs de l’IRD et leurs parte-naires ont, dans un premier temps,confirmé le lien étroit entrel’environnement socio-économique, lespaysages que les gens construisent enfonction de cet environnement, la bio-diversité qui habite ces paysages et laproduction de biens et de services éco-systémiques qui y est réalisée. « Tandisqu’avançait le projet, s’est dégagé avecforce le concept d’écoefficience del’usage de l’espace, défini comme lacapacité d’une exploitation à produirede façon efficace des richesses – rap-portées à la surface et à la maind’œuvre – tandis que la qualité du solet la biodiversité sont maintenues àdes valeurs élevées », raconte Patrick

Lavelle, écologiste du sol à l’IRD. L’étudemulti-paramètres de ces différentesdimensions dans plusieurs typesd’exploitations de la zone a livré unimpressionnant jeu de données (voirencadré chiffres) et a mis en évidenceles conditions permettant une exploita-tion éco-efficiente du milieu. Pourmesurer cette dernière, les scientifiquesont concocté un indicateur spécifiquequi synthétise les variations de tousles paramètres observés et conçu laméthodologie permettant de le calcu-ler. L’indicateur d’éco-efficience d’uneferme est le produit de trois termescomplémentaires : l’efficacité de la pro-duction ; la qualité du sol exprimée parun paramètre synthétique2 ; un indicede biodiversité.« Cet indicateur très sensible permetde dire comment des populationsvivant dans des conditions socio-éco-nomiques déterminées adoptent unsystème de production et construisentainsi un type de paysage particulier »,explique l’écologiste. De fait, il prendles valeurs les plus élevées dans lesfermes où, soit les modes de produc-tion, soit le mode d’occupation du ter-ritoire, soit une combinaison des deux,conservent le sol et la biodiversité.C’est le cas de l’agroforesterie. Acontrario, dans les sites de Colombiedéfrichés depuis plus de 60 ans et sou-mis à des modes de gestion en majoriténon durables, il prend les valeurs lesplus faibles : dans ces grandes exploita-tions, l’élevage est extensif sur des pâtu-

rages aux sols passablement dégradéset dans un environnement totalementdénué de forêt, la productivité est faible,les sols très dégradés et la biodiversitéréduite. Toutefois aucune situation n’estirréversible comme en témoignent cer-taines initiatives. « Les efforts des col-lègues colombiens pour régénérer desparcelles de pâturages très dégradéesont porté leurs fruits ! Ainsi, sur cesespaces où l’Université d’Amazonie ainitié de l’agroforesterie avec les popula-tions, l’indice a doublé en 15 ans »,conclut Patrick Lavelle. ●

1. IRD, Inra, Cirad, Universités de Pau,Rennes et Lyon, Universités du Para (UFRA,UFPA), Museu Paraense Emilio Goeldi (Bré-sil), Centro Internacional de Agricultura Tro-pical (Colombie), Universités UTC de Pereira,Ulamaz de Florencia, Universidad del Valle etUniversidad Nacional de Colombia à Cali

4

Avec leurs partenaires vietnamiens, deux laboratoires montpelliérains tentent decomprendre comment s’organise la diversité des agents pathogènes et en quoi elleinfluence l’émergence ou la réémergence des maladies infectieuses. Premiers résultatssur un virus du riz.

Des virus, des plantes et des hommes

La famille Santana vit dans lacommune de Pacajá, État duPará, Brésil. Elle se compose

des parents et de trois garçons,tous scolarisés. Les Santana

exploitent 12 hectares sur les 100que compte leur lot peu

déforesté. Leurs activités sontdiversifiées et le revenu est

assuré, à parts presque égales,par l’élevage bovin, le petit

élevage, les cultures annuelles(riz, haricot) – partiellementconsommés par la famille –

et par l’arboriculture (cacao).

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res

Entretienavec Claude Payri,pilote du réseauPacenetLa région du Pacifiquereprésente un laboratoiregrandeur nature pour denombreux questionnementsscientifiques de portéemondiale, comme lechangement climatique oul’accès aux ressources, quiconcernent directement lesétats insulaires. L’Europe, par son expertise et sesressources financières et scientifiques, pourraitcontribuer à répondre à cesenjeux. C’est un des buts duréseau PACENET.TT

Sciences au Sud: quels sont lesobjectifs du réseau Pacenet?Claude Payri : PACENET vise à identifier lespriorités en science et technologie dans larégion du Pacifique en s’appuyant sur lesréseaux de coopération internationaleexistants dans la région. Il s’agit de renforcerle dialogue bi-régional entre l’Europe et larégion Pacifique, de conforter et développerles réseaux et les outils financiers ettechniques pour répondre aux questionsprioritaires pour la région. Le consortium quiréunit 10 partenaires (6 du Pacifique, 4 del’Europe) s’appuiera sur un grouped’organismes et d’experts et réalisera sonprogramme en organisant 3 plates-formesd’échange bi-régionales, 6 ateliersthématiques accompagnés de journéesd’information sur les programmes et outilseuropéens. Le défi à relever est celuid’intéresser les 15 pays de la région ACP1

concernés par le programme, de mobiliser lesmoyens pour une meilleure intégrationrégionale et de renforcer et mieux coordonnerl’implication de l’Europe dans la région.

SAS : Quels en sont les enjeuxscientifiques ?CP : Il s’agit de faire émerger les enjeuxprioritaires, en ciblant ceux insuffisammenttraités. Certaines thématiques paraissentd’ores et déjà importantes : le changementclimatique, la sécurité alimentaire, la santédes populations, l’accès et la gestion durabledes ressources… On s’attend à desconvergences entre les états insulaires, quipartagent dans cette vaste région duPacifique des contraintes climatiques etgéomorphologiques similaires, avec desdensités de population relativement faibleset une expertise scientifique et techniquesouvent insuffisantes. Il ne s’agit pas de fairedes doublons avec les programmes derecherche déjà existants. L’état des lieuxactuellement en cours montreracertainement l’abondance et la diversité deprojets et le diagnostic devra justementrévéler les carences, les « barrières » etproposer des solutions au bénéfice des étatsinsulaires du Pacifique. ●

1. Afrique, Caraïbes, Pacifique.

[email protected]

L’élaboration des politiques agricoles en Amazonie pourradésormais s’appuyer sur les outils mis au point par leprogramme Amaz, arrivé à son terme.

A m a z

Nouveaux outils pour politiques agricoles innovantesNouveaux outils pour politiques agricoles innovantes

➥ AMAZ en chiffres360 enquêtes socio-économiques

14 classes socio-économiques

10 catégories de systèmes de production

27 types d’usage des sols

4 000 espèces animales et végétales

(Colombie). Amaz a été financé par deuxprojets ANR.2. Méthode mise au point par E. Velasquez,allocataire de thèse de l’IRD entre 2003 et2006.

ContactsUMR Biochimie et écologie des milieuxcontinentaux (AgroParistech, Cnrs, ENSParis, INRA, IRD, Université Paris 6 etParis 12)[email protected] @ird.fr

Q uels sont les liens entrel’émergence ou la réémer-gence des maladies infec-

tieuses et la diversité des agentsQQpathogènes ? Avec leurs partenairesvietnamiens, les laboratoires « Géné-tique et Évolution des Maladies Infec-tieuses » et « Résistance des Plantesaux Bioagresseurs » cherchent lesréponses à cette question dans le cadredu programme « Biodiversité et mala-dies infectieuses au Vietnam ». Ce der-nier a débuté en 2009 pour 4 ans avecle National Institute of Health and Epi-demiology de Hanoï, le Plant Protec-tion Research Institute (PPRI), lesInstituts Pasteur au Vietnam et quatrehôpitaux nationaux (Danang, Hué, HoChi Minh et Hanoï).Les premiers résultats se font jour dansle domaine des plantes. La caractérisa-

tion moléculaire des souches de Ricegrassy stunt virus, un virus du riz, réali-sée à Montpellier, a permis d’observerque la diversité des souches trouvéesau Vietnam est largement supérieure àcelles figurant actuellement dans lesbases de données. Les chercheurs ontmontré que cette diversité n’était passtructurée géographiquement et queson organisation diffère en fonctiondes segments du génome viral. Deshypothèses sur les mécanismes impli-qués dans cette diversité sont actuelle-ment en phase d’analyse.Retour sur la démarche. « Dans un pre-mier temps, il s’agit de comprendrecomment s’organise la diversité desagents responsables de maladies tellesque la tuberculose, la dengue, la rou-geole ou la coqueluche mais aussi deuxpathologies du riz », explique Anne-Laure Bañuls, coordinatrice du Groupe-ment de recherche internationalCNRS-IRD qui soutient les travaux. « Leprojet est centré sur les interactionsentre l’agent pathogène, l’hôte, leréservoir, le vecteur et

l’environnement. Et ceci à différenteséchelles, du foyer local à l’ensemble dupays », ajoute la chercheuse. L’une deces maladies, la tuberculose, est ungros problème de santé publique auVietnam, avec des profils épidémiolo-giques contrastés entre le Nord et leSud, l’émergence de souches multiré-sistantes aux antituberculeux et descofacteurs non négligeables tels que leSida ou les problèmes de nutrition.L’inventaire de la diversité génétique deson agent, Mycobacterium tuberculo-sis, est en cours.Du côté des pathologies végétales,deux virus émergents – le Rice grassystunt virus et le Rice ragged stunt virus – sont sous surveillance. Des iso-lats de chaque virus ont été rapportés àl’issue d’une vaste collecte dans huitprovinces du Delta du Mékong. De fait,ces pathogènes avaient provoqué desépidémies dans les rizières au Vietnamdès 2006, si dévastatrices que le paysavait dû stopper ses exportations alorsqu’il est le deuxième au rang mondial.Ces deux virus qui ne sont pourtant pas

apparentés sur le plan génétique sontvéhiculés par le même insecte hémi-ptère : une cicadelle (Nilaparvatalugens). Pour s’attaquer au problème,Eugénie Hébrard, virologiste IRD, béné-ficie de compétences acquises sur unautre virus du riz responsable de lapanachure jaune en Afrique. L’étudeest menée en collaboration avec leurcollègue vietnamien Anh Ta Hoang duPlant protection research institutegrâce à une bourse de l'IRD. À moyen etlong terme, les clés de compréhensionissues de la recherche seront le pointde départ de nouvelles stratégies deprévention. ●

[email protected] Génétique et Évolution des Mala-dies Infectieuses (CNRS, IRD, Universi-tés Montpellier 1 et 2) [email protected] Résistance des Plantes aux Bio-agresseurs (Cirad, IRD, Université Mont -pellier 2)

Front pionnier amazonien.

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000_004_004_IRD56:SAS54.qxd 29/10/10 14:16 Page 4

Page 5: Éditorial Le Tungurahua refait parler de lui...du volcan, populations affectées par les chutes de cendres… Si le panache de cendres émis par le Tungurahua (Équa-teur) ce matin

Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

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de préparer la Conférence des Nationsunies pour le développement durablede Rio en 1992. L’objectif, pour lesscientifiques comme pour les déci-deurs, est de parvenir à développerdurablement ces régions où vivent lamajeure partie des populations sou-mises à l’insécurité alimentaire dans lemonde. « Les processus impliqués dansle phénomène de désertification sontdéjà bien connus, explique le cher-cheur, et la science dispose d’outilspour les maitriser. » L’agronomie, lesbiotechnologies, la climatologie,l’hydrologie apportent d’ores et déjàdes réponses techniques concrètespour faire face aux conditions deszones arides. Ainsi, dans la région deMarrakech au Maroc, grâce à une

« La désertification est plus quejamais d’actualité, affirmeRichard Escadafal, le prési-

dent du comité scientifique françaisconsacré à cette question, en marge dela deuxième conférence internationalesur le climat, la durabilité et le dévelop-pement des régions semi-arides (ICID)qui vient de se tenir au Brésil. Ellemenace l’existence de plus d’un mil-liard de personnes, dans une centainede pays, et s’intensifie au gré du chan-gement climatique. » L’enjeu, pour lesspécialistes réunis à Fortaleza, estd’élaborer des recommandations quiserviront de feuille de route pour lesommet mondial de l’environnement« Rio +20 » à venir en 2012, comme lapremière édition de l’ICID avait permis

connaissance poussée des plantes culti-vées dans ces régions et au suivi de leurdéveloppement au jour le jour parsatellite, on parvient à optimiserl’utilisation des modestes ressources eneau et à obtenir plus de productionavec moins d’eau. Au Sahel, on saitaussi utiliser au mieux certains arbres,notamment les symbioses micro-biennes fixatrices d’azote atmosphé-rique, de telle sorte que leur cultureaméliore et enrichit les sols pauvresdans lesquels ils poussent. De même, ledéveloppement de l’agroforesteriemenée à l’échelle locale par les ONG

avec les communautés paysannes adonné des résultats très convaincantsau sud du Niger, par exemple.« La réflexion des scientifiques doit

Dix huit ans après la première conférence ICID, une nouvelle édition de cettemanifestation d’envergure internationale revient sur le climat, la durabilité et ledéveloppement des régions semi-arides, avec une perspective et un objectif pratique :influencer les politiques publiques en faveur de la lutte contre la désertification,identifier les potentialités de ces terres et promouvoir le développement durable.

C o n f é r e n c e d e F o r t a l e z a

Composer avec l’aridité

3 q u e s t i o n s à

Antonio Magalhães,directeur de la conférence internationale sur le climat,la durabilité et le développement des régions semi-arides (ICID(( ).DD

Le colloque de restitution du projet Ifora qui s’est tenu à Montpellier vient de livrerquelques clés de compréhension de la structuration de la biodiversité dans une zoneforestière d’Afrique centrale.

Bilan du projet Ifora

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ID

drosophiles et les coléoptères. Cesrésultats sont cohérents avec ceuxobtenus pour les végétaux ou les ron-geurs. Chez ces derniers par exemple,le genre Lamottemys du Cameroun seserait différencié des Desmomys éthio-piens il y a environ 4,5 millions d’années.« Le projet Ifora contribue à mieuxcomprendre l’origine des peuplementsanimaux et végétaux de cette zoneforestière, explique Philippe Le Gall.Au-delà des aspects fondamentaux, lesconnaissances acquises aideront à défi-nir des régions prioritaires pour affinerles programmes de conservation. »D’autres projets vont émerger sur labase de l’ensemble des investigationsmenées. Les réponses des forêts et deleurs hôtes aux changements clima-tiques récents sont également dessujets en ligne de mire. Mais dès à pré-sent, les résultats obtenus, fruits d’unpartenariat exemplaire, ont déjàconduit à 27 co-publications, une tren-taine de communications orales et unedizaine de conférences de vulgarisationassociant les centres de recherche etuniversités d’Afrique et d’Europe. ●

1. « Les îles forestières africaines :modèle d’une nouvelle approche dela dynamique de structuration de labiodiversité » ; avec comme parte-naires : en Belgique (Université Librede Bruxelles), au Cameroun (Herbierde Yaoundé, IRAD, université deYaoundé), en France (Cirad, CNRS,IRD, Muséum National d’Histoire Natu -relle), au Gabon (Cenarest, ENEF, Her-bier de Libreville, IRET), en Guinéeéquatoriale (Herbier de Bata), auxUSA (Missouri Botanical Garden). Ceprogramme est Financé par l’ANR-Biodiversité.2. http://www.mnhn.fr/oseb/IFORA-colloque

[email protected]é « Biodiversité et évolution descomplexes plantes-insectes ravageurs-antagonistes »

L a ligne volcanique du Came-roun appartient à l’un des25 points chauds de la bio -

diversité mondiale à préserver. Cettelarge zone d’Afrique s’étendant sur2 000 km de la Guinée équatoriale jus-qu’au Nigeria vient, entre 2007 et2009, de faire l’objet d’une étudeapprofondie dans le cadre du projet« Iles forestières africaines1 » (Ifora).« Les îles forestières sont en fait desmassifs forestiers montagnards où l’onsuppose que les espèces animales etvégétales ont trouvé refuge lors de ladernière glaciation », explique PhilippeLe Gall, entomologiste à l’IRD et l’undes protagonistes de cette aventure.Ce territoire, tout en étant l’un desprincipaux centres de diversité etd’endémisme de l’Afrique sub-saha-rienne, est soumis à une très forteanthropisation et à une destructionintense des habitats naturels d’où laforte attente de la communauté scien-tifique à disposer du bilan des inven-taires zoologiques et botaniques !Les résultats de ce travail collectif, réa-lisé en partenariat avec des laboratoires

et universités africaines, viennent defaire l’objet d’une restitution lors d’unrécent colloque2. Du côté de la récolteen insectes, notre entomologiste estaux anges. « La connaissance sur lesmouches Drosophilidae du Cameroun,un des principaux modèles d’étude del’évolution, a considérablement avancé.Sur les 360 espèces de guêpes récoltées,la majorité est nouvelle pour la Science.Le nombre d’espèces de papillons foreursde graminées (Noctuelles) connues duCameroun a plus que doublé avec denouvelles espèces à décrire. Enfin, denombreux coléoptères sont répertoriéscomme espèces inconnues », indique-t-il. L’étude de l’ADN de certains gènes afourni une ample moisson de donnéesmoléculaires qui éclaireront les scienti-fiques sur l’histoire des plantes et ani-maux de cette région. Pour aller plusloin, l’étude des schémas de répartitiongéographique de ces différents groupeszoologiques a permis de comprendreles liens de parenté étroits existant entreles faunes de montagne d’Afrique del’Est et celles présentes au Cameroun,aussi bien pour les papillons que les

intégrer la contrainte supplémentaire duchangement climatique, explique-t-il,car dans les zones arides il se traduitconcrètement par une aggravation dudéficit hydrique et une irrégularitéaccrue des précipitations. » Les régionssèches, à l’image de l’Afrique sahé-lienne, subissent en effet depuisquelques années une alternance inéditede sécheresses et d’inondations dévas-tatrices. Mais paradoxalement, un desobstacles les plus prégnants au déve-loppement des régions sèches n’estpas d’ordre environnemental : il tient àl’homme et à la société. « L’articulationentre les techniques efficaces sur le ter-rain et les politiques régionales, natio-nales ou globales est le talon d’Achille

de la lutte contre la désertification,estime Richard Escadafal. Ce qui fonc-tionne sur la parcelle peine souvent àêtre étendu à une plus large échelle et,à l’inverse, les décisions élaborées auplan national sont difficilement diffu-sées auprès des communautés ruralesconcernées. » La gouvernance, l’édu-cation et la vulgarisation des techniquesoccuperont, à n’en point douter, uneplace importante parmi les recomman-dations que la conférence transmettraaux décideurs de Rio +20. ●

[email protected] Cesbio( Cnes-CNRS-IRD, Univer-sité Paul Sabatier)

Partenaires

Sciences au Sud : Quels sont les défis

scientifiques identifiés à l’occasion de

cette conférence internationale ?

précise, car les défis sont nombreux. D’une

part, les hommes politiques disent qu’il n’y

a pas de grands défis scientifiques, mais

essentiellement un manque de priorités et

de soutien alloués aux régions pauvres

confrontées à des problèmes de sècheresse

et d’aridité. D’autre part, il y a ceux qui pen-

sent que tout reste à faire, et que la science

a des réponses à apporter. Je pense que la

réalité est entre les deux. Le principal défi

est que dans de nombreux écosystèmes

arides et semi-arides la pression humaine

exercée a déjà dépassé le niveau tolérable.

Nous avons besoin d’accroître la producti-

vité tout en conservant les ressources des

sols, l’eau et la biodiversité. C’est ça le

grand défi. Comment exploiter les res-

sources naturelles, avec une plus grande

productivité, dans une situation où nous

devons constamment maintenir une popu-

lation croissante ? Je crois que la science

devrait se pencher sur cette question et

trouver des moyens pour générer des reve-

nus et des emplois qui soient moins dépen-

dants des ressources rares dans ces régions.

SAS : Comment le scientifique et le poli-

tique doivent-ils s’articuler pour y

répondre ?

AM : Premièrement, il est nécessaire que les

relations soient plus étroites entre le scienti-

fique et le politique. Souvent, ils semblent

parler des langues différentes. La première

chose à faire est d’essayer de comprendre

ce que chacun dit et croit. Il s’agit d’une

question centrale dans l’ICID : rapprocher la

science et les décideurs. Deuxièmement, les

scientifiques doivent se soucier davantage

de la nature de leurs recherches et chercher

à définir leurs projets à partir des besoins

concrets du développement durable. Troisiè-

mement, les décideurs doivent accorder plus

de priorité à la science et la recherche, ce

qui devrait se traduire par davantage de res-

sources, plus d’éducation, plus de forma-

tion des ressources humaines.

SAS : Comment la coopération (partena-

riat) renforcée entre la France (IRD), le

Brésil et l’Afrique peut-elle contribuer à

promouvoir et encourager le dévelop-

pement des régions arides et semi-

arides ?

AM : Compte tenu de l’ampleur des défis,

nous devons unir nos forces. Le Brésil a plus

de cent ans d’expérience avec les politiques

publiques pour le développement du Nor-

deste semi-aride et de nombreuses leçons

ont été ou peuvent être tirées de cette

expérience.

La France a une très grande expérience de

recherche dans de nombreuses régions du

monde, y compris dans les régions sèches

de son propre territoire. L’Afrique, en parti-

culier, doit faire face au défi du développe-

ment durable dans ses régions sèches, mais

a aussi des expériences dont des leçons

peuvent être tirées. Des travaux conjoints,

menés de manière coordonnée – entre le

Brésil, la France et des pays africains – pour-

ront conduire à de meilleurs résultats. La

France et le Brésil pourraient consacrer

davantage de ressources financières et

humaines pour trouver des solutions viables

pour les régions sèches du monde en déve-

loppement, particulièrement en Afrique. ●

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Page 6: Éditorial Le Tungurahua refait parler de lui...du volcan, populations affectées par les chutes de cendres… Si le panache de cendres émis par le Tungurahua (Équa-teur) ce matin

Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

D epuis plus de 10 ans, l’IRD

octroie chaque année unequarantaine de bourses de

thèses à des doctorants des pays duSud dont les projets sont sélectionnéssur appels d’offres selon les critèresd’excellence scientifique, de qualité dupartenariat et d’impact en termes derenforcement des capacités de rechercheau Sud. Parmi eux, une majoritéd’hommes (60 %), une petite moitiéoriginaire d’Afrique sub-saharienne,40 % d’Amérique latine, 10 % duMaghreb/Moyen-Orient et 4 % d’Asie/Pacifique. Sur plus de 450 boursiersrecensés sur 10 ans de programme,79 % ont soutenu leur thèse1 ; les tra-jectoires de 155 d’entre eux ont pu êtreretracées. Une première analyse desrésultats obtenus montre que pasmoins des trois quarts (77 %) desanciens boursiers dont le devenir a étérenseigné trouvent un emploi dans larecherche ou l’enseignement supérieur.En affinant l’analyse, on remarque quela moitié d’entre eux ont un emploistable, majoritairement dans le secteurpublic. Les 26 autres pourcents serépartissent entre CDD dans la rechercheou l’enseignement supérieur et post-doc, souvent dans des pays du Nord.L’expertise offre un autre débouchéimportant pour 17 %, dans les secteurspublic ou privé, ou au sein d’ONG. À lamarge, 3 % occupent une activité nonscientifique, les 3 pourcents restantsétant sans emploi à la date de l’enquête.Une approche par genre laisse toute-fois apparaître que ce chômage toucheexclusivement les femmes, soit 10%d’entre elles. De même, alors que lesCDD occupent davantage les femmesque les hommes, les postes stablesdans la recherche ou l’enseignement

sont pourvus à plus de 50 % par deshommes. Ainsi, à niveau égal d’étudeset de qualité des formations, lesfemmes éprouvent davantage de diffi-cultés à s’insérer et à se stabiliser.Un autre facteur clivant est l’originegéographique des boursiers. Alors queles trois quarts des docteurs d’Amé-rique latine trouvent une insertion« stable » dans la recherche ou l’ensei-gnement supérieur, ils ne sont plus« que » la moitié en Afrique.L’expertise occupe quant à elle près duquart des docteurs africains contre 14% de leurs homologues latino-améri-cains. Terrain privilégié des ONG ? Inadé-quation de la formation à la demandelocale au moment de l’insertion ?Moindre engagement des États ?Attractivité des salaires proposés ? Laréponse n’est certes pas unique. Enrevanche, le chômage ne touche queles docteurs latino-américains, le profild’insertion de ces derniers présentantd’ailleurs d’intéressantes similitudesavec celui des docteurs français2.Un autre résultat important de cetteenquête réside dans le fait que 65 %des anciens bénéficiaires trouvent uneinsertion dans leur pays d’origine,31 % migrant vers un pays tiers. Enoutre, si l’immense majorité (83 %) deceux qui migrent le font vers un paysdu Nord, près de 17 % s’installent dansun autre pays du Sud. La moitié desmigrants au Nord occupent un posteen France, mais la majorité en CDD oupost-doc. Une typologie des postestous pays d’émigration confondusmontre d’ailleurs qu’il s’agit pour moitiéde post-doc ou de CDD. Ainsi et contretoute attente, la situation en termesd’emploi s’avère meilleure pour lesdocteurs restés au pays que pour ceux

ayant migré au Nord2.Les critères de sélection, le principe dethèses en alternance entre le paysd’origine et la France et/ou un autrepays du Sud, les capacitésd’encadrement au Nord comme au Suddes équipes IRD ne sont sans doute pasétrangers au succès du programme desoutien du DSF. En maintenant ou enrenforçant pour l’une le lien entre ledoctorant et son tissu de recherched’origine à travers une co-direction dethèse ou un accueil, en assurant pourl’autre un encadrement de qualité, cesdeux modalités du programme engen-drent un effet anti-brain drain par uneformation professionnelle sur mesure,gage d’une insertion locale et d’uneproduction scientifique au Sud dequalité (voir encadré). ●

1. Parmi les 21% de « non-soutenants »,figurent de fait les doctorants en fin de thèse/ phase de soutenance au moment del’enquête ; à titre de comparaison, enFrance, selon les documents officiels del’enseignement supérieur, 18 500 étudiantss’inscrivent chaque année en 1re année dedoctorat et 10 500 soutiennent leur thèse,soit un ratio de 58 % d’une cohorte.2. Là où « plus de 70 % souhaitaient tra-vailler dans la recherche académique oupublique », on constate que « l'insertiondans la recherche privée concerne plus de20 % des docteurs alors que la rechercheacadémique emploie 41 % d'entre eux troisannées après leur soutenance de thèse [etque] près de 30 % […] occupent d'autresfonctions que la recherche », « L'insertiondes docteurs. Enquête génération 2004.Interrogation 2007 » Julien Calmand, dépar-tement Entrées et évolutions dans la vieactive du Céreq, et Jean-François Giret, Iredu,université de Bourgogne, Céreq, juillet 2010.

[email protected]

biologie appliquée, écologie et sciencesde l’univers, les cinq autres macro-disciplines (chimie, mathématiques,physique, sciences de l’ingénieur etmultidisciplinaire) restant peu ou pasreprésentées. Pour quels résultats ? Au total, 151 doc-torants hors SHS cumulent 471 publi-cations dont 450 « citables »1, soit enmoyenne 3 publications par docto-rant. L’indice de citation moyen d’unarticle est d’environ 10, l’amplitudeallant de 52 citations, pour un articleen phytopathologie publié en 2002, à1 seule. Sur les 113 articles analysés(pour 48 doctorants), une quinzaineseulement n’ont jamais été cités, soità peine 13 % du total. Faiblementproductrice si l’on considère le nombreabsolu de publications, la recherchemédicale apparaît en revanche commela discipline la plus dynamique pardoctorant. De même, si les docto-rants africains et du Maghreb/Moyen-Orient sont ceux qui publientle plus, ce sont les doctorants latino-américains et d’Asie/Pacifique quiprésentent le plus grand nombre depublications par individu, soit près de 4.Autre résultat encourageant : horspublications IRD, la plupart en co-publication avec le Sud, plus de lamoitié de l’échantillon a publié avecune institution du Sud (université, ins-titut de recherche, organisation inter-nationale), total plus que significatifen termes d’autonomisation.

1. Publications « citables » : Article, Bookreview, Letter, Review, Proceedings Paper.Publications non « citables » : Biographi-cal-Item.

[email protected]

Une production scientifiquede premier rangDans le prolongement de l’enquêtesur le devenir des anciens doctorants,un travail complémentaire de mesurede l’impact bibliométrique avait pourobjectif d’apprécier la qualité de laproduction induite par le programme.Il s’agissait en somme de quantifier lavaleur ajoutée du programme entermes de renforcement des capa -cités des communautés scientifiquessoutenues.Quelle méthode ? L’étude s’estappuyée sur la base de donnéesScience Citation Index Expanded(SCIE) du Web of Science® (wos) qui,selon l’Observatoire des sciences etdes techniques (ost), « ne doit pasêtre considéré comme un échantillonreprésentatif de la production scienti-fique mondiale mais plutôt commeun recensement raisonné des meilleuresrevues de niveau international ».Ainsi, le faible taux de recouvrementdu WOS avec les publications des cher-cheurs de l’IRD dans la plupart dessciences humaines et sociales (SHS)exclut d’emblée ces dernières del’étude. La classification disciplinaireutilisée ici reprend la répartition stan-dard en neuf macro-disciplines del’OST.Quel échantillon ? Le choix s’estnaturellement porté sur les boursiersdont le devenir avait pu être renseigné(voir article ci-contre), soit 185 per-sonnes. Afin d’éviter tout biais, unéchantillon témoin de 100 anciensboursiers dont le devenir n’est pasencore renseigné a été constitué. Lapériode considérée couvre les 5 annéesqui suivent la fin du financement. Lespublications des anciens boursiers setrouvent pour l’essentiel ventiléesdans quatre macro-disciplines : biologiefondamentale, recherche médicale,

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Dans son numéro précédent, Sciences au Sud donnait la parole à Adou Yao,enseignant-chercheur à l’Université Abobo-Adjamé d’Abidjan en Côte d’Ivoire.Ancien boursier du programme de bourses de thèses de l’IRD’’ , il a trouvé une insertionDD

dans la recherche sur la biodiversité, qui plus est dans son pays d’origine. Mais en est-ilde même pour tous les anciens boursiers de thèse ? L’IRD’’ atteint-il ses objectifsde renforcement des capacités de recherche au Sud ? C’est tout l’objet de l’enquêtemenée auprès des encadreurs IRD de ces « anciens »…

Autour de la biodiversité L’insertion professionnelledes doctorants

Un ancien doctorant béninois,une jeune équipe internationale

Luc DJOGBENOUet 2 étudiants

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Originaire du Bénin, Luc Djogbénou abénéficié d’une bourse (2006-2009)pour une thèse sur la « Dynamique etcaractérisation des résistances duesaux modifications de cibles dans lespopulations naturelles d’Anophelesgambiae en Afrique de l’Ouest »,soutenue à Montpellier 2 en octobre2008.

Dans le prolongement de ce travail, ilmontait dès 2009 la Jeune équipe1

Résistance Insecticide Santé Agri-culture (RISA) sur 3 pays : Bénin,Burkina Faso et Togo. Le projet vise àfédérer l’effort régional d’évaluationde l’impact de l’utilisation des pesti-cides en agriculture sur la sélection dela résistance aux insecticides chezAnopheles gambiae, vecteur majeurdu paludisme, et chez les ravageursBemisia tabaci et Plutella xylostella,

insectes d’importance médicale etagricole majeure. Dans un contexte detension sur les ressources alimentaires,il s’agit de mettre en place des straté-gies de gestion des programmes deprotection des cultures afin de limiterles risques écotoxicologiques liés à unemploi massif de pesticides. ●

1. l’unité IRD associée est l’UR Caractérisa-tion et contrôle des populations devecteurs.

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Mobilité et dispersionLa structure démographique des Pygmées pourrait fournir de précieuses infor-mations pour comprendre certains mécanismes de l'histoire génétique de l'Homme.Ils constituent en effet actuellement le plus grand groupe de chasseurs-cueilleursau monde, conservant en cela un mode de vie fait de petits groupes semi-nomades qui a prévalu pendant 99 % de l'existence de l'humanité. Une étude,entreprise auprès des Pygmées du groupe Baka au Cameroun, apporte ainsi deséléments inédits sur les processus de dispersion déterminant la distribution géo-graphique de la diversité génétique humaine. Le rapport entre la mobilité et ladiffusion locale, défini par la distance entre le lieu de naissance des parents etcelui des enfants, reste mal connu chez l'Homme. Ce travail, basé sur l'échan-tillonnage de trois zones de 2 500 km2 chacune, établit la corrélation entredistance génétique et distance géographique, pour estimer la dispersion de cespopulations particulièrement mobiles. Et il révèle de façon surprenante que ladispersion des Baka est très limitée : malgré une mobilité certaine tout au longde l'année, les enfants voient le jour à quelques dizaines de kilomètres au plusdu lieu de naissance de leurs parents. Ce comportement pourrait être l'un desmecanismes essentiels de l'isolement génétique des populations Pygmées, unprocessus décrit par les généticiens comme le modèle de l'isolation par ladistance, cette tendance des individus à trouver des partenaires parmi lesgroupes proches plutôt qu'éloignés. ●

Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

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ancêtres des Bantous auraient choisid'habiter la savane tandis que ceuxdes Pygmées s'adaptaient progressi-vement à la forêt, où vivent toujoursleurs descendants. » Ainsi, c'est labarrière de la forêt équatoriale quiaurait longtemps maintenu l'isole-ment génétique des Pygmées. Desévénements climatiques plus récents,impliquant la régression des massifsforestiers lors de périodes particu-lièrement sèches et le confinementdes Pygmées dans de rares réduitsforestiers, auraient abouti à la for-mation des sous-groupes actuels duCameroun, voilà moins de 3 000 ans.Les études génétiques, paléo-clima-tiques et botaniques2 semblentconcorder en ce sens. « Par la suiteet jusqu'à maintenant, la distanceentre Pygmées et Bantous s'est per-pétuée du fait de leurs modes de viedissemblables, raconte le scienti-fique, les premiers ayant conservéune subsistance fondée sur la chasse,alors que les seconds ont adoptél'agriculture. » Mais aujourd'hui lesPygmées, comme toutes les sociétésmarginales, doivent négocier leurplace dans un monde de plus en plusglobalisé : l'intensification de l'exploi-tation forestière et minière, le déve-loppement urbain et leur propre

La trajectoire des Pyg-mées est étroitementliée à leur choix d'envi-ronnement et de mode

de vie », explique l'anthropologue etmédecin Alain Froment1. Ce peupled'Afrique centrale, constitué de plu-sieurs groupes, se distingue nette-ment des autres occupants de larégion, tant au plan morphologiquequ'au plan social : ils sont le peuplele plus petit – par la taille – de lavariation humaine et ils mènent uneexistence semi-nomade, basée sur lacueillette et la chasse. « Leur origineest très ancienne, estime le cher-cheur, dont l'équipe a mené la plusvaste enquête jamais entreprise surla génétique des populations afri-caines. La divergence entre leursancêtres et ceux de leurs voisinsagriculteurs – appartenant au groupelinguistique Bantou – est estimée,selon les mutations accumulées dansl'ADN, entre 70 000 et 90 000 ans. »Au regard de l'histoire des hommesmodernes, apparus il y a 200 000ans, c'est effectivement assez pré-coce. « Comme à l'époque tous leshommes étaient chasseurs-cueilleurs,on suppose que l'éloignement de cespeuples tient initialement à leurschoix écologiques, précise-t-il : les

croissance démographique lesconfrontent à un épuisement de leurmilieu, surtout en gibier. « Pour vivrede la forêt équatoriale, il ne faut pasdépasser une densité d'un individupar kilomètre carré, précise AlainFroment, ce qui est de plus en pluscompromis, notamment parce qu'aunom de la préservation de la biodiver-sité, une partie de leurs territoiresest transformée en aires protégéesdont l'accès leur est interdit. » Pous-sés vers la sédentarité et l'agricul-ture, en bute aux préjugés tenacesdes autres communautés, les Pyg-mées vivent actuellement des transi-tions culturelle, démographi que,alimentaire et épidémiologique rapi-des. Tiraillés entre attirance de lavie urbaine et tentation de l'indigé-nisme3, ils font certainement face auplus grand bouleversement de leurlongue histoire. ●

1. IRD, UMR Patrimoines locaux (IRD,MNHN).2. Pour caractériser les traces de ces iso-lats forestiers.3. Repli sur la notion de communautéautochtone.* Au Cameroun, au Gabon, en Républiquecentrafricaine, en République démocra-tique du Congo, au Congo, au Rwanda, enOuganda et au Burundi.

Les changements globaux actuels menacent le mode de vie des Pygmées. La pressionéconomique, démographique et politique sur la forêt tropicale d’Afrique centrale, leur

environnement ancestral, est intense. Elle pourrait bouleverser à court terme ledestin de ce dernier grand groupe de chasseurs-cueilleurs, de près d'un demi million

d'individus, réparti en multiples ethnies sur huit pays*

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erches

Les Pygmées, un peuple en transition

maîtres dans la chasse à l’éléphant,

transition sont les auteurs d’œuvres

musicales polyphoniques tout à fait

particulières, et leur connivence avec

les esprits de la forêt justifie leur

prestige de guérisseurs. » La compré-

hension des interactions multiples

liant ces peuples aux forêts et à leurs

nombreux autres occupants – qu’ils

soient humains, végétaux, animaux,

minéraux ou surnaturels – mobilise

de vastes compétences scientifiques :

archéologie, histoire, anthropologie

sociale et physique, biomédecine, lin-

guistique, musicologie, écologie histo-

rique sont à pied d’œuvre pour

recueillir les ultimes témoignages de

ce mode de vie en perdition.

« Quelle que soit leur discipline, les

chercheurs ont l’obligation morale

de collaborer avec les acteurs du

développement et de la société civile

pour concourir favorablement à

l’avenir de ces populations fragili-

sées », juge le spécialiste. Que

restera-t-il du patrimoine culturel

des Pygmées – qui ne se nomment

jamais ainsi eux-mêmes parce qu’ils

trouvent cela péjoratif – lorsqu’ils ne

pourront plus arpenter les forêts en

quête des ressources spontanément

prodiguées par la nature ? ●

1. IRD, UR Dynamiques socio-environne-mentales et gouvernance des ressources.2. International Conference on CongoBasin Hunter-Gatherers, Montpellier 22-24 septembre 2010.

Patrimoine en péril

Sous le règne de l’environnement

Feuilles d'Aframomum mises à brûler pour empêcher la pluie avant une expédition de chasse (Baka, Est Cameroun).

Abattage d'un grand arbre, témoin de la forêt dense

disparue, par deux Pygmées Aka.

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La sédentarisation et la

précarité, qui guettent

les Pygmées à mesure

que leurs territoires

s’amenuisent, pourraient avoir raison

d’un formidable trésor culturel »,

estime l’ethnoécologue Edmond Dou-

nias1, en marge d’une conférence

internationale qui vient de se tenir

sur le sujet2. Car ces peuples, comp-

tant 400 000 personnes réparties en

une vingtaine d’ethnies dispersées à

travers toute l’Afrique centrale, ont

leur destin étroitement lié à celui des

forêts. Ils possèdent des traditions

très riches et variées, qui dépassent

largement les clichés simplistes de

l’imaginaire populaire occidental.

« La réalité est bien plus complexe

que les lieux communs faisant du Pyg-

mée un noble sauvage, vivant en

totale autarcie et harmonie avec la

jungle luxuriante », explique le cher-

cheur. Ainsi, ils entretiennent des

relations très anciennes et fluc-

tuantes avec les autres populations

de la région vouées à l’agriculture. Et

s’ils partagent tous le mode de vie ori-

ginellement nomade et privilégiant la

collecte des produits sauvages, les

peuples réunis sous le terme de Pyg-

mées se démarquent les uns des

autres par leurs spécificités linguis-

tiques et culturelles. « Ils incarnent

des coutumes matérielles et symbo-

liques intégralement dédiées à la

forêt, raconte le chercheur : ils excel-

lent dans l’art de collecter du miel et

des tubercules sauvages, sont passés

Dents et mode de vieL'analyse de la micro-usure dentairepermet de reconstituer le régime ali-mentaire des hominidés. Pour mieuxconnaître le rapport entre la striationde l'émail et la nature de la subsis-tance, une étude a été menée auprèsde Pygmées Baka du Cameroun, quiont une alimentation fondée sur lacueillette et la chasse. Les moulagesdentaires fins de 42 d'entre eux ontainsi été examinés, au microscopeélectronique à balayage, et comparésà ceux de squelettes de 5 PygméesBabinga et 6 Babongo du Congo etdu Gabon – issus du fond du Musée

de l'Homme –, ainsi qu'à ceux de 36 Européens contemporains utilisés commecontrôle. Sans surprise, les traces relevées sur la dentition des Pygmées se sontavérées bien différentes de celles des Européens, dans leur longueur et dans leurdensité. Mais ce qui est plus intéressant, et qui atteste de la précision de ce mar-queur, ce sont les dissemblances relevées entre les groupes pygmées : la densitédes micro-stries est ainsi plus élevée chez les Babongo, ce qui les rapproche des Européens, et indique des composantes plus abrasives dans leuralimentation liées à un pourcentage plus élevé de végétaux cultivés. Ce résultatest conforme au mode de vie plus sédentaire et aux relations plus étroites desBabongo avec les populations Bantou agricultrices. La présence de longues strieschez les autres Pygmées est en rapport avec une alimentation plus riche enviande, tandis que leur densité plus basse est due à une alimentation végétale àbase de plantes sauvages plus faiblement abrasives. Ces résultats ont des appli-cations immédiates en paléo-anthropologie, aidant à reconstituer l'alimentationdes populations disparues, et notamment lors de la transition néolithique. ●

[email protected][email protected]

Consommation de miel d'abeillessans dard (Baka, Est Cameroun).

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Depuis les années 90, l’approche scientifique « genre et développement » a pris le passur la thématique « femmes et développement ». Les femmes sont ainsi désormaispensées comme acteurs et partenaires, et non simples bénéficiaires, des processus

de développement. Qu’en est-il concrètement vingt ans après…

Le genre au cœur du développement

If not engendered, deve-lopment is endange-red », clamait le fameuxslogan du rapport mon-

dial du PNUD1 en 1995, exhortant àintégrer des indicateurs des progrèsen matière d’égalité de genre etd’autonomisation des femmes dansl’Indice de développement humain.Deux marqueurs, l’Indice Sexo-spé-cifique de Développement Humainet l’Indice de participation desfemmes, virent le jour. « Des effortsimportants ont été accomplis depuis,estime l’économiste Jacques Char -mes2, en vue de dépasser le carac-tère un peu trop simpliste de cesindices, fondés sur un petit nombrede variables – espérance de vie, édu-cation et revenu pour le premier,représentation parlementaire, repré -sentation dans les décisions écono-miques et revenu pour le second. »Dès 2004, le Centre africain pour legenre et le développement3 a ainsiconçu un indice de développement etdes inégalités entre les sexes en

Afrique (Idisa) et l’a appliqué à 12pays représentatifs de l’ensembledes sous-régions ; les résultats ontété présentés dans le Rapport sur lafemme africaine de 2009. Il estconstitué de deux composantes :l’Indice de la condition de la femmeet le Tableau de bord des progrès dela femme africaine. Le premier est une mesure quantitative des écartsde performance entre femmes ethommes sur plus de quarantevariables réparties en trois blocs(l’un « pouvoir social » correspon-dant aux « capabilités4 » dans lathéorie d’Amartya Sen, l’autre « pou-voir économique » correspondantaux opportunités, et le dernier« pouvoir politique » correspondantau pouvoir d’action). « Cet indice a lemérite d’introduire l’emploi dutemps parmi les variables utilisées,dont on sait qu’il est le meilleur indi-cateur de mesure de la pauvreté desfemmes, comparée à celle deshommes », note le chercheur. LeTableau de bord des progrès de la

Vers un Indice africain du genrefemme africaine, seconde compo-sante du nouvel indice, est unemesure qualitative de la façon dontles pouvoirs publics mettent enœuvre les traités, recommandationset résolutions adoptés au niveauinternational en vue d’améliorer lestatut des femmes et leur autonomi-sation. Là encore, une trentained’items correspondant aux troisblocs précédents, plus une sur lesdroits de la femme, sont croisés avecune douzaine de modalités permet-tant d’apprécier la volonté etl’engagement des pouvoirs publics àréduire les inégalités de genre. « Lacombinaison des deux approches,quantitative et qualitative, et l’uti -lisation des budget-temps repré -sentent des avancées notables dansl’appréhension des inégalités degenre en Afrique et dans ladémarche de sensibilisation de pouvoirs publics dont ce n’est pas toujours la priorité affichée »affirme-t-il. À l’heure où les Nationsunies se penchent sur le bilan des

a crise économique peutavoir des effets inatten-dus sur les relations degenre ! En Afrique sub-

saharienne et particulièrement enAfrique de l'Ouest, elle impulse unnouveau positionnement des femmesdans les sphères domestique et éco-nomique. « Les difficultés chroniques,que connaît cette région depuis lesdernières décennies du XXeXX siècle,entrainent une redéfinition des rap-ports sociaux qui bouleverse les rela-tions de genre », explique la socio-démographe Agnès Adjamagbo1. Ladégradation des modalités de produc-tion dans les campagnes et l'effondre-ment de l'offre de travail salarié dansles villes a en effet abouti à une pau-périsation sensible de la société.Cette récession impacte directementles conditions de vie des ménages, etles baisses de revenus induites sonten grande partie compensées, selondes études menées sur les retombéesde la crise des années 80, parl'activité des femmes, qu'elles soientchef de famille ou non. « Au Sénégal par exemple, les mutations liées à la conjoncture économique se tra -duisent notamment par un retard

d'entrée en union des hommes – àcause des contraintes d'emploi et delogement – et par un désir accru d'au-tonomie chez les femmes, explique lachercheuse. Cette revendication semanifeste plus par le divorce que parle célibat. » En outre, la plupart desétudes menées sur cette partie dumonde s'accordent pour établir unlien direct entre la dégradation desconditions d'existence et la réductionde la fécondité. « Ces tendances sontégalement renforcées par un certainnombre de facteurs cruciaux tels quel'amélioration du niveau de scolarisa-tion – et donc d'instruction – desfemmes ou encore la mondialisationdes archétypes occidentaux », note-t-elle. Ainsi, les modèles classiques departage des responsabilités entrehommes et femmes changent : dansbien des ménages, en milieu urbaintout particulièrement, ce sont désor-mais ces dernières qui tiennent lescordons de la bourse. « Le relaiss'opère dans la plus grande discré-tion, estime la scientifique, et celaéchappe encore largement aux statis-tiques. » Les femmes sont souvent lespremières à cacher leurs nouvellesprérogatives, pour ne pas faire perdre

la face à leur mari devant le voisinageet la famille. « Mais dans les faits, lanécessaire substitution des rôles ausein du ménage n'est pas forcémentsynonyme de liberté pour les femmes,estime-t-elle. Elle s’opère au prixd'un accroissement considérable deleur charge de travail. Certainesdoivent cumuler les occu pa tions :employées la journée et commer-çantes le soir et le week-end. » Deplus, la nécessité de se faire seconderdans les tâches ménagères, pourcelles qui travaillent hors de leurdomicile, génère de nouvelles formesd'assujettissement des femmes parles femmes. « La difficile conciliationentre quête de revenus et obligationsconjugales et familiales – le mariageet la maternité restent des compo-santes consubstantielles de l'identitéféminine africaine – est vécue commeun pénible dilemme par les femmesd'aujourd'hui », conclut-elle. ●

1. UMR Laboratoire population-environne-ment-développement (IRD, Université deProvence).

[email protected]

l'homme, et le Yémen vient d'aug-menter l'âge minimum du mariagepour lutter contre les unions pré-coces... « Le processus de codifica-tion entraîne l'intégration de normesreligieuses dans les textes juridiqueset permet à l'État d’affirmer sonautorité sur la société, en se posantcomme centre unique de décision etseul habilité à dire le droit », note-t-elle. Le législateur arabe s'estefforcé de trouver des solutionsendogènes, légitimées par le recoursaux enseignements de la sharia. Au gré des réformes, la situation desfemmes s'est ainsi transformée toutau long du XXe siècle. « Mais la misepar écrit et l'unification des normes– ainsi que l'amélioration du statutde la femme dans les relations fami-liales qui en résulte – ne constituentqu'une première étape, estime lascientifique. Dans un second temps,les femmes arabes doivent pouvoiraccéder à la connaissance des droits qui leur ont été octroyés etparvenir à les imposer et à les fairerespecter. » La question de la miseen œuvre effective de ces réformes,qui subissent la concurrence d'au -tres normes – religieuses et socialesnotamment –, se pose plus quejamais. ●

1. Programme des Nations unies pour ledéveloppement.2. IRD, UMR Développement et Sociétés.3. Code du statut personnel marocain.

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Le droit de la famille instrument de développement

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bant

e refusd ’accorderaux femmesl'égalité des

chances et l’absence deréalisation de leur pleinpotentiel entravent le pro-grès et la prospérité dessociétés arabes. Cetteassertion sans appel n'estpas le slogan d'une ONG

militante mais émane duRapport arabe sur ledéveloppement humain duPNUD1, consacré en 2005 ala promotion des femmesdans le monde arabe.« Dans la sphère publique,des facteurs culturels,juridiques, sociaux et éco-nomiques empêchent eneffet encore les femmesarabes de mener leur vieà l'égal des hommes, explique lajuriste Nathalie Bernard-Maugiron2.Elles ne peuvent accéder comme euxà l'éducation, à la santé, aux opportu-nités professionnelles, aux droitsciviques et à la représentation poli-tique. » Il en va de même dans lasphère privée, où les schémas éduca-tifs traditionnels et les dispositionsdiscriminatoires du droit de la familleperpétuent les inégalités et la subor-dination.« Le droit de la famille, en particu-lier, continue de traiter différem-ment l'homme et la femme, précisela chercheuse, alors que les autresbranches du droit sont généralementneutres en matière de genre – dansles textes, car ce n'est pas toujoursle cas dans la pratique. » Le droit dela famille, qui est le domaine juri-dique le plus empreint de droitmusulman – et donc a priori le plusimmuable et monolithique – connaîtpourtant des évolutions importantesdepuis quelques années. « Au nom duprogrès social, des réformes législa-tives ont été introduites dans diffé-rents pays arabes, afin de mieuxrépondre aux besoins sociaux et éco-nomiques changeants des femmes etde la famille dans les sociétésmodernes », explique la chercheuse.L'Égypte a ainsi modifié ses lois dustatut personnel en 2000, 2004 et2005 et de nouveaux amendementssont en cours d'élaboration.Le Maroc a révisé sa moudawana3aaen 2004 et l’Algérie son code du sta-tut personnel en 2005, pour garantirà la femme plus d'égalité avec

objectifs du millénaire pour le déve-loppement5 – et notamment sur lesréalisations et les retards en vued’atteindre l’Objectif 3 « Promouvoirl’égalité des sexes et l’autonomisa-tion des femmes » – et tandis qu’uneagence « ONU-Femmes » vient ainside voir le jour, le programme Idisaentre dans une seconde phase et vaêtre étendu à 23 pays supplémen-taires. ●

1. Programme des Nations unies pour ledéveloppement.2. IRD.3. De la Commission Économique desNations unies pour l’Afrique.4. En rapport avec les états (santé, éduca-tion, etc) et les actions des individus.5. OMD, visent à réduire de moitié la pau-vreté d’ici 2015.

[email protected]

Genre etconjonctureéconomique en Afrique de l'Ouest

q g

Page 9: Éditorial Le Tungurahua refait parler de lui...du volcan, populations affectées par les chutes de cendres… Si le panache de cendres émis par le Tungurahua (Équa-teur) ce matin

Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

Faute de moyens poli-tiques et de concertationslocales, les solu tionstech niques pour lutter

contre la désertification, l'appauvris-sement des sols et l'épuisement de labiomasse sont peu mises en œuvre en Afrique de l'Ouest, affirme

l’anthropologue Peter Hochet1, dont

les recherches portent sur les suites

des sécheresses des années 70 et 80.

Les régions soudaniennes sont ainsidirectement menacées de dégradationpar une activité humaine non régu-lée. » Ces zones intermédiaires jouent

en effet un rôle de soupape de sécu-

rité, en accueillant les migrants agri-

coles et pastoraux chassés des zones

sahéliennes par les sécheresses suc-

cessives. Elles subissent, de ce fait,

une pression anthropique intense,

avec des institutions pas toujours

adaptées à l'accueil massif de

migrants. Des stratégies de gestion et

de préservation sont pourtant élabo-

rées au plan international et décli-

nées, aux échelles nationales des

pays concernés, en politiques. Mais la

question de leur application est sou-

vent laissée dans un angle mort : les

populations ont peu accès à une infor-

mation claire et les autorités locales

disposent rarement des moyens

matériels, financiers et politiques

pour les mettre en œuvre. « Luttercontre la désertification, ce n'est passeulement aligner des réponses tech-niques, souligne le chercheur. C'estsurtout affronter la question de la tra-duction des résultats de sciencesnaturelles et sociales en politiquespubliques, puis la traduction de ces

politiques en pratiques quotidiennesdes acteurs locaux. » En somme, il

faut réguler les modalités et les

termes de l'accès aux ressources, en

disant « Qui peut faire quoi ? Quandet comment ? À propos de quelle res-source ? ». Cela touche à des enjeux

d'appartenance, de droit, d'équité et

de citoyenneté. « S'agissant de tellesquestions, le passage de la scienceaux politiques publiques ne sauraits'affranchir d'un ancrage local, aumoyen de la négociation, du débatpublic », précise-t-il. Une telle

concertation suppose une connais-

sance fine du contexte sociopolitique

et des savoir-faire rôdés car il y a une

superposition de registres de normes

– État, ONG, coutumes, marché... – et

une multiplicité d'usagers aux objec-

tifs variés – éleveurs, agriculteurs,

bûcherons, populations locales... Sans

ce travail d'explication, d'appropria-

tion, les mesures efficaces restent

lettre morte ou peuvent s’avérer

contre-productives sur le long terme.

Ainsi, la zone pastorale de Samoro-

guan au Burkina Faso, créée en 1975

pour préserver les ressources des

éleveurs, s'est muée en véritable

front pionnier agricole et les arbi-

trages tendent désormais à y

condamner les éleveurs pour dégâts

dans les champs ! ●

1. IRD, UR Dynamiques socio-environne-mentales et gouvernance des ressources,Laboratoire Citoyennetés (Ouagadougou)Centre Norbert Elias (EHESS/CNRS).

[email protected]

Rech

erches

9

u fait de leur environne-

ment très particulier, les

milieux arides et semi-

arides sont à la fois

extrêmement fragiles et susceptibles

d’évolutions très rapides. Des modifi-

cations importantes peuvent ainsi

survenir à l’échelle d’une décennie

avec des conséquences majeures pour

les populations. Un tel contexte justi-

fie que des ressources aussi fonda-

mentales que l’eau ou les services

rendus par les écosystèmes fassent

l’objet d’une attention toute particu-

lière de la part de l’IRD et de ses par-

tenaires. Dans les régions semi-

arides, la gestion du carbone, et donc

de la biomasse, est indissociable de la

maîtrise des contraintes hydriques.

Gérer la matière organique du sol

devient une des principales clés de la

production végétale après l’eau. « Lesspécialistes maîtrisent les concepts et

les outils d’évaluation et de prévisiondes ressources en eau », souligne

Christian Leduc, hydrogéologue et

directeur adjoint de l’UMR G-Eau.

Cependant, depuis plusieurs dizaines

d’années les réseaux d’observation se

détériorent et les données scienti-

fiques de terrain manquent. De même,

« la distribution du carbone dans lessols est mal connue car les donnéesdisponibles sont éparses, incomplèteset nécessitent encore d’importantsefforts d’acquisition », estime Michel

Brossard, chercheur à l’UMR Eco &

Sols. Les chercheurs insistent sur la

nécessité d’assurer la pérennité des

dispositifs d’observation de longue

durée et des bases de données. La FAO

estime que 20 % des régions semi-

arides sont dégradées à différents

degrés. L'érosion par l'eau et par le

vent est de loin le processus le plus

important avec comme principales

causes le déboisement, le surpâturage

et une gestion inappropriée du sol.

Non seulement certains usages tradi-

tionnels deviennent des causes de

dégradation lorsque les populations

augmentent, mais les modifications

des formes de production entraînent

aussi des changements d’usages

parfois préjudiciables. La dimension

socio-économique interagit en perma-

nence avec le milieu biophysique et

doit être prise en compte à l’échelle

des décisions politiques afin que

soient intégrées les réalités et les

attentes des populations. Les déci-

deurs ayant besoin de réponses

claires et rapides, un décalage existe

souvent entre le temps scientifique et

le temps politique, car observations,

mesures et évaluations se font néces-

sairement sur le long terme. Tant pour

la gestion de l’eau que pour celle du

carbone, des pistes de recherche per-

tinentes et novatrices devront intégrer

les dimensions économique et socio-

culturelle. Alors que dans ces régions

arides et semi-arides l’offre en eau

atteint ses limites, les chercheurs

suggèrent de se concentrer sur la

demande. Eau, sols et biomasse étant

liés, gérer la demande en eau permet

d’améliorer la gestion de la biomasse

et de mieux prendre en compte les

contraintes climatiques fortes aux-

quelles sont soumises ces régions. ●

[email protected]

[email protected]

i de tous temps les zones

arides et semi-arides

se révèlent pau vres en

eaux, l’activité humaine et

les changements climatiques font peser

sur ces régions des risques accrus de

pénuries de la ressource. « L’équationde la gestion de l’eau doit prendre encompte un développement mal maîtriséde l’urbanisme, du tourisme et de ladémographie, ainsi que des besoinsd’irrigation en augmentation dans cesrégions particulièrement fragiles etsensibles aux variations climatiques »,

explique Abdelghani Chehbouni, direc -

teur de recherche à l’IRD et représentant

de l’IRD au Moyen-Orient. Fournir aux

décideurs des outils afin de les aider à

mieux planifier l’utilisation de l’eau est

alors un objectif important des

recherches qui sont menées par les

équipes de l’IRD dans ces régions.

Pour Abdelfettah Sifeddine, paléocli-

matologue, « les reconstructions cli-matiques passées permettent decontraindre les modèles climatiquesafin d’améliorer les prévisions pour lefutur ». En étudiant les sédiments

lacustres et les spéléothèmes (des

concrétions calcaires trouvées dans

les grottes) de la région semi-aride du

Sciences, politiques et pratiquescontre la désertification

Ressources naturelles, entre savoirs et usages

Nordeste brésilien, le chercheur docu-

mente les variations climatiques natu-

relles sur des échelles variant de mille

à dix mille ans. L’objectif est de com-

pléter les données instrumentales

obtenues ces dernières décennies

pour décrire les modes d’oscillation

du climat à l’aide d’informations sur

les variations naturelles sur des

échelles plus longues. Des travaux

que ceux qui s’intéressent aux

impacts des variations climatiques

futurs sur le terrain ne manquent pas

de suivre en y trouvant des pistes de

recherche à explorer. « Pour prédirele futur, il faut connaître le passé :d’où nous venons et où nous allons ? »,

résume Abdelghani Chehbouni, pour

qui l’étude des contributions des diffé-

rents facteurs aux régimes des pluies

passés donne les moyens de mieux

interpréter les observations actuelles

et à terme anticiper l’avenir.

Alors que les spécialistes de l’eau

s’accordent pour dire que mesurer

et évaluer la ressource est aujourd’hui

techniquement maîtrisé, les

difficultés pour prévoir les évolutions

en fonction des variations climatiques

résident dans la prise en compte des

usages de la ressource. Comment

© E

.Dur

on

Barrage El Haouareb (Tunisie).

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D/C

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Les recherches menées dans le domaine des sols, de l’eau, du climat… offrent des pistes de compréhension et d’action pour améliorer de la sécurité alimentaire et

de la protection de l’environnement en zones arides et semi-arides.

Zones semi-arides en ligne de mire

Comprendre pour prévoir les sécheressesquantifier les pompages non autori-

sés ? Comment prédire les besoins en

fonction de scénarios d’occupation du

sol ? Comment intégrer l’évolution du

couvert végétal dans des prévisions ?

Ces questions s’adressent à différentes

disciplines scientifiques, allant de la

sociologie à la pédologie, dont les

acteurs ne sont pas toujours habitués

à travailler ensemble. « Il est indispen-sable que ces travaux soient menéspar des équipes pluridisciplinairespour aboutir à des résultats pouvantservir aux décideurs », explique Abdel-

ghani Chehbouni, à qui la dimen sion

politique de ces questions n’échappe

aucunement. Alors que des modèles et

des outils sont déjà opérationnels et

disponibles, la difficulté est mainte-

nant de faire accepter les contraintes

d’usages que la science préconise par

la société et les décideurs. ●

[email protected]

UMR Locean (CNRS, IRD, MNHN,

Université Paris 6) et au LMI Paleo-

traces.

[email protected]

UMR Cesbio (Cnes, CNRS, IRD, Uni-

versité Paul Cezanne).

q g

Page 10: Éditorial Le Tungurahua refait parler de lui...du volcan, populations affectées par les chutes de cendres… Si le panache de cendres émis par le Tungurahua (Équa-teur) ce matin

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Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

10

Rec

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Sous toutes les latitudes, des arbres particuliers sont mêlés de près aux activitéshumaines comme c’est le cas du palmier babaçu au Brésil ou des Ficus à Madagascar.

Quant au Cecropia, il est devenu un auxiliaire de recherche précieux…a

Des arbres singuliers

u Brésil, les grands pro-priétaires ruraux oufazendeiros et certainscitadins considèrent le

palmier babaçu comme une planteenvahissante à détruire tandis que lesmigrants et les familles sans terre leconservent et l’utilisent. Ces palmiersqui sont présents dans la forêt pri-maire résistent au défrichement, nenécessitent ni engrais ni protectionphytosanitaire et s’adaptent aussibien en milieu urbain que rural.Entre 300 000 et 400 000 famillebrésiliennes survivraient grâce àl’extractivisme1 de cette plante. Pourles Quebradeiras de coco babaçu(casseuses de coco) qui en extraientles semences, cette ressource estsouvent leur seul gagne-pain. Regrou-pées en mouvement national2, ellesont réussi à faire voter la loi dite du« babaçu libre » qui leur garantit danscertaines municipalités le libre accèsà la ressource même sur des terresprivées ! « Le babaçu est la premièreespèce extractiviste du Brésil,explique Danielle Mitja, botaniste à

l’IRD. De fait, sa part dans l’économieest significative : la production degraine à elle seule a générél’équivalent de 43 millions d’euros en2007. » Cette valeur pourrait mêmeêtre plus élevée car la disponibilité dela ressource est bien supérieure auprélèvement effectué. Mais revers dela médaille, cette capacitéd’adaptation voire cette facilité à pro-liférer dans les cultures jusqu’à for-mer des forêts secondairespratiquement monospécifiques poseun véritable souci car le palmierentre alors en concurrence avec lescultures. L’enjeu des recherchesaujourd’hui réside d’une part dans lanécessité d’évaluer avec précisioncette ressource et d’autre partd’envisager les moyens d’en contrôlerla prolifération. La télédétectionpourrait permettre d’accéder à uneappréciation fiable de ces végétauxcar les données cartographiques dis-ponibles d’occurrence du babaçu auBrésil sont anciennes ou partielles.« Après adaptations méthodologiques,il devrait être possible grâce à l’outil

Le babaçu, un palmier à facettes satellitaire à très haute résolution derepérer des individus de babaçu dansle paysage, d’identifier les facteursenvironnementaux et humains déter-minant sa présence et son abondance,et d’en suivre ainsi la dispo ni bil itépour les populations locales », estimeMichel Petit, chercheur à l’IRD. Desdonnées qui sauront contribuer à opti-miser la gestion durable de cesarbres3 dans les agrosystèmes. ●

1. Collecte puis commercialisation deplantes sauvages.2. MIQCB – le Movimento Interestadualdas Quebradeiras de Coco Babaçu estreprésenté dans 4 états Brésiliens sous laforme de 6 bureaux régionaux qui organi-sent les actions locales de récolte, trans-formation et commercialisation desproduits issus du babaçu.3. Les palmiers ne sont pas botanique-ment parlant des arbres – leur « tronc »n’en est pas un – mais leur port arborépermet de les y assimiler.

[email protected] Expertise et spatialisation desconnaissances en environnement.

a forêt tropicale est unénorme réservoir de car-bone. Ce fait établi est ànuancer en fonction du

type de forêt et de son âge, mais com-ment accéder à cette dernière informa-tion ? La réponse pourrait venir d’unprotocole d’estimation de l’âge desforêts en cours de régénération sus-ceptible de mieux évaluer la capacitéde ces milieux à stocker le carbone.Cette méthode mise au point il y a peupar Paul Camilo Zalamea1, doctoranten accueil à l’IRD, est basée sur desarbres du genre Cecropia dont lacroissance périodique en fait une« horloge végétale ».« Lorsqu’une trouée – naturelle ou non– se fait dans la forêt, certainesespèces, dites « pionnières », sont lespremières à réoccuper l’espace créé.Si l’on pouvait connaître l’âge de cesplantes, cela nous donnerait l’âgeapproximatif de la parcelle une fois lavégétation reconstituée », explique lebotaniste. Il s’est donc intéressé auxCecropia connus dans les forêts tropi-cales du continent américain comme

l’une des plantes pionnières les pluscaractéristiques. « Le genre Cecropiaest très pratique, s’exclame PaulCamilo Zalamea, parce qu’il est impor-tant tant en nombre d’individus qued’espèces et se trouve dans différentsmilieux, du niveau de la mer jusqu’à2 400 m d’altitude. » Concrètement, cedernier a inventorié sur les arbres lessignes visibles qui pourraient êtrereliés à leur croissance et donc à leurâge et a finalement retenu les cica-trices foliaires2. « Restait à connaîtrela vitesse et le rythme de productionde ces feuilles, explique le chercheur.J’ai suivi des individus pendant troisans en mesurant les distances entredeux feuilles, en notant les périodes defloraison, etc. Au final, j'ai constatéque le nombre de feuilles produitesannuellement est constant. Pourconnaître l'âge de l'arbre, il suffit doncde compter les cicatrices foliaires surle tronc. »Cette horloge naturelle a été calibréesur le terrain pour l’espèce Cecropiasciadophylla puis validée pour plu-sieurs autres en Colombie et en

Guyane sur différents sites où la datedes perturbations subies par la forêtétait connue : agriculture sur brûlis,piste forestière, sites aurifères.La corrélation entre l’âge trouvé pourdeux espèces de Cecropia et celui desparcelles s’est révélée excellente !« En jonglant avec les différentesespèces du genre ayant le mêmerythme de croissance, on dispose dechronomètres végétaux sur l’en-semble du massif forestier néotropi-cal », explique Paul Camilo Zalamea.La méthode ne permet pas de remon-ter très loin dans le passé. De fait, 30 à 50 ans paraissent brefs auregard du temps qu’il faut à une forêtpour reconstituer complètement sabiomasse, au minimum 200 ans. Tou-tefois cette datation naturaliste estun excellent indicateur pour suivreles phases intenses de la reconstruc-tion de l’écosystème forestier, recons-tituer les défrichements pirates, lesouvertures de piste et les trouéesconsécutives à une chute naturelled’arbres.« La méthode de Camilo est un outilau service de l’expertise sur lesimpacts de ces cinquante dernièresannées », renchérit Daniel Sabatierqui a co-encadré les travaux du jeunedocteur colombien. Ce dernier rap-porte une application inattendue :L’ONF de Guyane l’utilise déjà pourexpertiser des sites d'orpaillageabandonnés afin de diagnostiquer ladynamique naturelle de revégétalisa-tion et d’appréhender l'impact decette activité sur l'environnement. ●

1. Actuellement attaché de recherches àl’université de Los Andes, Bogota, Colom-bie.2. Trace laissée sur le tronc après la chuted’une feuille.

ContactsPaul Camilo Zalamea

[email protected]

UMR Botanique et bioinformatiquede l'architecture des plantes(Cirad, CNRS, INRA, IRD, Université

de Montpellier 2)

[email protected]

[email protected]

tales. « Ces arbres assurent le rôlede corridor, permettent aux oiseauxde se déplacer en passant d'un arbreà l'autre – ce qu'ils ne feraient pasdans un milieu ouvert dépourvud’arbres –, et autorisent donc desflux d’espèces et de gènes entre lemilieu cultivé et la forêt proche »,explique Stéphanie Carrière quiavait déjà mis en évidence ce rôlepositif au Cameroun où ils sontappelés « arbres orphelins »3. Aufinal, « autant utiliser toutes les res-sources et tous les savoirs pourconserver la biodiversité partout oùcela est possible et pas uniquementdans les aires protégées », relèvecette chercheuse qui fait preuve depragmatisme pour défendre l’idéeque même les parcelles cultivées etdonc productives peuvent – souscertaines conditions – contribuer àcette nécessité. Et en guise deconclusion, plaide pour que « cespratiques traditionnelles bénéfiquespour la biodiversité soient identi-fiées, étudiées et valorisées... ». ●

1. Avec AgroParisTech et la Faculté desSciences d’Antananarivo.2. Appelés Trees Outside Forest par la FAO.3. Fiches actualité N°170.

[email protected] Dynamiques socio-environnemen-tales et gouvernance des ressources.

Le rôle clé des Ficus

© IR

D/D

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atie

r

rbre isolé dans les pay-sages agricoles mal-gaches, le ficus pourraitrendre des services bien

plus grands que son caractèreesseulé ne le laisse présager. « Il estd’ailleurs protégé lors de défrichage,voire même planté, indique Stépha-nie Carrière, chercheuse à l’IRD. Ilpeut avoir une importance symbo-lique, comme dans l’ethnie betsileooù cet arbre est lié au culte desancêtres, mais également procurerdes services écologiques et écono-miques ou encore avoir une utilitéalimentaire ou médicinale. » L’étudequ’elle vient de conduire1 montre lerôle prépondérant de ces arbresdans la conservation de la biodiver-sité en milieu rural. Et ce, en rela-tion avec leur propension à attirerpréférentiellement des oiseaux frugi-vores. « Les oiseaux sont de bonsindicateurs de la biodiversité desmilieux agricoles », souligne cettedernière. Les résultats de ses travauxsoulignent que la richesse spécifiqueavienne est nettement plus élevéedans les espaces où se trouvent cesarbres relais. La densité d’oiseauxfrugivores y est remarquable avec unavantage pour les Ficus. Si les arbres isolés2 – au premierrang desquels les Ficus – ont un effetpositif sur la diversité animale, enretour, les oiseaux contribuent àenrichir le milieu en espèces végé-

L’arbre qui date la forêt

Arbres et Ficus isolés aux abords d'une rizière, en pays betsileo, HautesTerres malgaches.

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Page 11: Éditorial Le Tungurahua refait parler de lui...du volcan, populations affectées par les chutes de cendres… Si le panache de cendres émis par le Tungurahua (Équa-teur) ce matin

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D/M

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Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

11

relle Marine de La Réunion en 2007, ontéchantillonné le peuplement de pois-sons récifaux. « En une décennie, la bio-diversité s’est érodée au sein de l’habitatcorallien », témoigne Pascale Chabanet.Les poissons herbivores, tels que cer-tains poissons demoiselles et chirur-giens, dominent désor mais largementl’éco système. Ils représentent 68 % dunom bre total d’individus sur le platier,c’est-à-dire entre la zone sableuse et labarrière de corail, et 40 % sur la penteexterne du récif. « L’augmentation de18 % en moyenne des herbivores en dixans traduit une prolifération des alguesdans le lagon, au détriment du corail. Lamort de ce dernier provient de la dégra-dation du milieu récifal, due à la fortepression humaine qui s’exerce à LaRéunion », indique-t-elle. En effet, entre

D es couleurs ternies, des alguesen abondance, une biodiver-sité appauvrie… Qui croirait

que cet accablant tableau dépeint lerécif de La Réunion, connu pour sabeauté et sa richesse ? Depuis lesannées 80, ce dernier perd de sasuperbe. À la demande de la RéserveNaturelle Marine de La Réunion, PascaleChabanet, chercheuse à l’IRD1, et uneingénieure du bureau d’études-conseilPareto, spécialisé en gestion intégréedes zones côtières, dressent le bilan dedix ans de suivi du milieu récifal. Celles-ci rendent un rapport sans équivoque :la qualité de l’eau du lagon se dégradeet les coraux meurent.De 1998 à 2008, les scientifiques et lesécogardes de l’Association Parc Marinde la Réunion, devenu la Réserve Natu-

1999 et 2006, la population réunion-naise a augmenté de 11 %, d’après l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (Insee), pouratteindre 780 000 habitants. « Les sta-tions d’épuration sont devenues sous-dimensionnées. Les eaux usées ne sontplus correctement traitées et finissentsouvent à la mer peu dépolluées »,explique la chercheuse. Urbanisation etaménagements en zone littorale, agri-culture et déforestation sur les bassinsversants augmentent le ruissellementdes eaux de surface et l’apport de terreet d’engrais vers le lagon. « La surfré-quentation contribue également à dégra-der le récif corallien, poursuit EmmanuelTessier, directeur de la Réserve NaturelleMarine de La Réunion. Coups de palmes,marche sur les coraux... avec quelque

Une chercheuse de l’IRD’’ co-publie un rapport, destiné à la Réserve Naturelle Marinede La Réunion, issu de dix ans de suivi de la barrière corallienne. Celui-ci fait état d’une forte dégradation de l’écosystème récifal de l’île, victime de sa surfréquentation,des aménagements littoraux, des rejets d’eaux usées et de la déforestation.

Valo

risation

L e s c o r a u x r é u n i o n n a i s

Bilan de santé négatif

Jeune société calédonienne, Geophysical propose aux sociétés minières des services deprospection géophysique de pointe. Sa géranteCécile Savin nous en brosse le portrait.

Sciences au Sud : Quels sont les objectifs de Geophysical ?Cécile Savin : Nous sommes experts en prospection géophysique appliquéeaux ressources minières. Grâce aux profils de sols que nous réalisons, jusqu’àdes profondeurs de 100 m, les sociétés minières disposent d’une vision 3D desdiverses couches, structures et natures des roches. Nos analyses leur permet-tent ainsi de localiser les amas altérés potentiellement nickélifères. Ce qui,d’une part, leur évite des forages inutiles et, d’autre part, contribue à mieuxpositionner ceux qui sont nécessaires. Nos résultats aident les sociétésminières à construire leur modèle géologique du gisement.

SAS : En quoi l’IRD a-t-il favorisé l’émergence de cette jeune pousse ?Cécile Savin : L’IRD a toujours été lié à cette entreprise, puisque nous appli-quons les recherches sur l’usage de la tomographie de résistivité électriquecomme méthode de prospection géologique, d’abord au Sénégal en 2000, puis àpartir de 2002 en Nouvelle-Calédonie au sein d’une unité de recherche aujour-d’hui rattachée au Cerege. Dans le cadre de mon post-doctorat en géophysique,j’ai testé cette technique en étroite collaboration avec la SLN (Société Le Nickel),la plus ancienne société minière du territoire. Fin 2003, une réelle campagne deprospection électrique sur le massif de Dome a été menée, ce qui a permis devalider cette technique. J’ai alors pris un statut de travailleur indépendant, puisdécidé en 2005 de créer la SARL Geophysical. J’en étais alors la seule salariée.De 2006 à 2010, j’ai pu bénéficier de l’appui de l’IRD dans le cadre de ses incu-bateurs d’entreprises scientifiques innovantes. Durant cette période, un techni-cien puis une ingénieure ont été embauchés. Et en 2010, Geophysical a pris sonessor en quittant le centre IRD de Nouméa pour de nouveaux locaux !

SAS : Quels sont les axes de développement ?Cécile Savin : Actuellement, 80 % de nos prestations concernent les res-sources minières. J’aimerais pouvoir développer des applications dans d’autressecteurs. En géotechnique, nous interviendrions avant la mise en œuvre d’unchantier de construction par exemple. Pour le suivi environnemental, nousavons récemment analysé pour les collectivités locales les intrusions du biseaud’eau salée au sein de plaines alluviales, afin de pouvoir installer de façon per-tinente un réseau de piézomètres. Par ailleurs, nous continuons encored’affiner les protocoles de mesures et disposons maintenant d’un catalogue descaractéristiques géo-électriques du territoire bien fourni. J’aimerais avoir letemps de publier toutes ces données, de développer de nouvelles applications,concernant la mesure précise entre deux forages par exemple (Cross BoreholeTomography). Il faudrait pouvoir accueillir un étudiant en thèse ou en post-docpour poursuivre ces recherches… Ce ne serait qu’un juste retour des choses !

Contact ➥ PROFIL [email protected] Nom : Geophysical

Statut : SARL Nombre de salariés : 4 + 1 stagiaireChiffre d’affaires : 420 000 euros.

E n t r e t i e na v e c C é c i l e S a v i n

Geophysical société pionnière

Intégrer milieu et société afin de fournir des cartes de risques de désertificationutiles aux gestionnaires des territoires, tel est le service rendu par le « Systèmed’information sur l’environnement à l’échelle locale ». Utilisé depuis 2003 dans lesobservatoires ROSELT/TT OSS// 1, ce logiciel est non seulement un outil d’aide à la décision,1

mais surtout une plate-forme de dialogue entre scientifiques de différentes disciplines et gestionnaires des ressources.

Un logiciel pour évaluer le risque de désertification

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D/P

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bane

t

ouvre aussi le dialogue entre scienti-fiques et gestionnaires de l’environne-ment et des ressources », précise MaudLoireau qui souligne qu’un ingénieur enenvironnement peut en quelques joursde formation acquérir une maîtrise suffi-sante de l’outil pour l’utiliser dans sontravail. Ce système d'information cibleaujourd'hui les zones rurales et la théma-tique de la dégradation des ressourcesvégétales, mais des élargissements auxmilieux forestier et urbain et à d'autresthématiques, comme la biodiversité oules risques sanitaires sont dès à présentenvisagés ●

1. Réseau d’Observatoires de SurveillanceEnvironnementale à Long Terme del’Observatoire du Sahara et du Sahel.

[email protected] – Unité Espace

E n intégrant données socio-éco-nomiques et biophysiques leSystème d’information sur

l’environnement à l’échelle locale (SIEL)permet de construire une cartographiedu risque de désertification sur des uni-tés de paysage. Le premier usage de ce logiciel est de stocker des données struc-turées géographiquement sur un terri-toire. Ciblant une échelle locale, ellesportent sur les ressources, sur les usagesdes terres et sur leurs exploitants. c’estaussi un outil de diagnostic spatialisé durisque de désertification. Il produit descartes de risque actuel à l’aide de don-nées issues d’observations de terrains etdes cartes prospectives en utilisant desparamètres évalués en fonction de sce-narii construits par les gestionnaires.Le premier prototype, réalisé au Sahelagro-pastoral nigérien lors de la thèsede Maud Loireau, ingénieur derecherche - à l'origine et aujourd'hui

l'une des chevilles ouvrière du projet -, acontribué au projet ROSELT/TT OSS// 1 à partir de 2000. Dans le cadre de ce projet quivise entre autre à établir un réseaud’échanges entre les institutions concer-nées par la lutte contre la désertification,le logiciel a joué un rôle structurant pourorganiser les méthodologies de sur-veillance de la désertification. Bénéficiantdes retours d’utilisateurs dans plusieursrégions arides circum-sahara, l’IRD a déve-loppé une version qui évalue uniquementle risque de dégradation sur la ressourcevégétale. Depuis un an, l’IRD et l’Institut desRégions Arides en Tunisie œuvrent pourprofessionnaliser les fonctionnalités dulogiciel et en assurer une utilisation pluslarge et sécurisée dans les observatoires duSud tunisien, ainsi qu’à l’international.« Non seulement l’outil permet de fédé-rer différentes disciplines scientifiquespour aboutir à des consensus dans lafaçon de stocker les informations, mais il

Les technos de l’IRD… Les technos de l’IRD…

10 000 vacanciers et baigneurs, certainsweek-ends, sur les 25 km de plage del’île, les colonies de corail subissent denombreuses casses. »Aux grands maux, les grands remèdes :« réglementer l’accès et l’usage du récifs’impose, avec des sentiers balisés, deszones interdites ou zones sanctuaires,une surveillance accrue de la pêche etdes loisirs, etc. », juge Pascale Chabanet.Le gestionnaire Emmanuel Tessier préco-nise quant à lui « un aménagement har-monieux et concerté, associant lagestion des bassins versants à celle desrécifs coralliens de La Réunion, afin delimiter les pollutions d’origine terrestre ».Particulièrement sensibles aux variationsde l’environnement, les coraux sont enpremière ligne dans le contexte actuelde changement global (climat, démo-

La tomographie de résistivité électriqueCette technique de géophysique consiste à injecter un courant entre deux élec-trodes plantées dans le sol, puis à mesurer la différence de potentiel. On cal-cule ainsi la résistance du milieu puis, grâce à une inversion mathématique, larésistivité du sol. Or, ce paramètre dépend de la nature de la roche et en par-ticulier de son degré d’altération. Par exemple, les saprolites sont assez conduc-trices alors que la roche saine non minéralisée est très résistante. Grâce à cettetechnique, appliquée en faisant un maillage d’électrodes sur de grandes sur-faces, il est possible de couvrir en deux heures environ 1 300 points pour réa-liser un profil (630 mètres de long sur 100 mètres de profondeur). Cetteméthode ne nécessite que l’ouverture de sentiers pédestres, elle est non intru-sive et n’a donc aucun impact sur l’environnement.

graphie, etc.). « Le récif joue un rôle debarrière naturelle contre l’érosionmarine de la côte et constitue un réser-voir de biodiversité, rappelle la spécia-liste. Il représente également une sourcede revenus importante pour les popula-tions locales grâce à la pêche et autourisme qu’il génère. » Concilier acti-vité humaine et préservation de cetécosystème très vulnérable est doncessentiel au développement écono-mique de l’île. ●

1. UMR CoRéUs2 - Biocomplexité des écosystèmescoralliens de l’Indo-Pacifique (IRD et UniversitéPierre et Marie Curie - Paris 6).

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Matériel de tomographie électrique.

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D u filet à papillons au labora-toire, une expédition natu-raliste dans le Haut-Congo

vient d’ouvrir la voie à un précieux par-tenariat entre chercheurs français del’IRD et chercheurs congolais de la pro-vince orientale de RDC. « Cette vasterégion, dont le rôle est déterminant àl’échelle du continent, connaît un bou-leversement lié à l’anthropisation quimobilise les compétences scientifi -ques », explique l’entomologiste BrunoLe Ru1, membre de cette mission bap-tisée « Boyekoli Ebale Congo 2010 »2

et organisée dans le cadre de l’annéeinternationale de la biodiversité. Lenord de la république démocratique duCongo, qui accueille la moitié desforêts pluviales d’Afrique et recèle uneformidable biodiversité, joue en effetun rôle essentiel dans les équilibresenvironnementaux. Mais l’impact desactivités humaines en pleine expansion– le bassin du fleuve Congo compteaujourd’hui plus de 40 millionsd’habitants, contre quelques millionsseulement par le passé – sur ce milieuéquatorial fragile reste largement

méconnu : les nombreuses donnéesdisponibles sur la biodiversité de larégion remontent à la période colonialebelge, il y a plus de cinquante ans…« Nous avons été conviés à cette expé-dition, organisée par un consortiumd’universités et d’instituts scientifiquesbelges et congolais, pour venir étudierla diversité des lépidoptères foreurs degraminées », raconte le chercheur. Cesinsectes ravageurs, qui grèvent lesrécoltes céréalières, pourraient en effetconstituer un fléau majeur pour leCongo car le maïs est devenu la princi-pale culture vivrière depuis les années90, supplantant largement le tradition-nel manioc. « Contrairement au tuber-cule, qui nécessite 10 à 18 mois deculture, le maïs donne quatre récoltesannuelles, un avantage incomparabledans ce pays qui a connud’innombrables conflits armés et dépla -cements de populations durant les 20dernières années », note-t-il. L’IRD etl’ICIPE3 développent, depuis 2003, unprojet commun avec les institutions derecherche de 15 pays d’Afrique sub-saharienne sur la diversité, la biogéo-

graphie et la phylogénie des lépido-ptères foreurs de graminées ayant unimpact économique sur la productionagricole. « La participation de notreéquipe à cette expédition fut l’occasionde récolter du matériel dans l’un deshot-spots4 africains les plus inacces-sibles et ainsi de commencer à comblerun énorme hiatus de connaissanceentre l’Afrique de l’Est (Ouganda etKenya) et l’Afrique de l’Ouest (Came-roun), précise Bruno Le Ru. Elle a éga-lement permis d’établir des contactsavec la communauté scientifiquecongolaise. » Ces relations, aux béné-fices mutuels, se concrétisent d’ores etdéjà par un échange avec l’Universitéde Kisangani, qui enverra prochaine-ment un chercheur à l’Icipe pour uneformation sur les insectes ravageurs. «L’idée, ajoute l’entomologiste, est dedévelopper un réseau entre nos troisinstitutions autour d’une thématiqueayant trait à l’impact de l'homme surles milieux forestiers. » ●

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Une expédition internationale sur le fleuve Congo jettedes ponts inédits entre les communautés scientifiquesfrançaises et congolaises de RDC. CC

R é p u b l i q u e d é m o c r a t i q u e d u C o n g o

Une expédition riche de promesses

L’écologie scientifique à l’honneur

Une aventure scientifique et sportiveL’IRD, le Cnes et l’Ifremer ont lancé De l’espace pourla mer, un projet éducatif sur les sciences de la merà destination des écoles primaires, des collégiens etdes lycéens. La navigatrice Véronique Loisel s’asso-cie à cette aventure pédagogique originale en pro-posant à une trentaine de classes impliquées dansle projet de suivre l’ensemble de ses courses en soli-taire. ●

[email protected]

En savoir plushttp://veroniqueloisel.blogspot.com

Coopérationfranco-béninoiseEn mission au Bénin fin septembre,Michel Laurent, président de l’IRD, adébuté sa visite par le renouvellement del’accord-cadre de coopération scienti-fique et technique entre l’IRD et l’Uni-versité d’Abomey-Calavi. Il a ensuiteparticipé à l’inauguration du laboratoirede biologie du Centre de lutte intégréecontre le paludisme (CLIP), l’un des septprojets du « Programme accord santédéveloppement solidaire » conclu en2008 entre le Bénin et la France. L’IRD

gère les crédits de mise en place et parti-cipera au conseil scientifique du CLIP qui,à terme, regroupera l’ensemble desstructures de recherche spécialisées dansla lutte contre le paludisme. Enfin, MichelLaurent a rencontré les équipes derecherche franco-béninoises et effectuédes visites de terrain. Elles ont permis defaire le point sur les programmes encours et futurs. Outre les maladies vecto-rielles et la variabilité climatique, deuxdomaines de recherche se structurent auBénin : l’étude des populations et desressources végétales. ●

Inauguration duCPRBI en PolynésieLe président de l’IRD a inauguré le 2 sep-tembre le Centre polynésien de recher -che et de valorisation de la biodiversitéinsulaire (CPRBI-Campus d’Arue). Situé surle campus d’Arue, le centre fédère désor-mais les trois principaux acteurs locaux dela recherche : l’Université de Polynésiefrançaise, l’Institut Louis-Malardé et l’IRD.Il a pour objectif de doter la Polynésiefrançaise d’un instrument de recherche àrayonnement régional et international.Au cœur de la recherche en Polynésie leCPRBI s’est d’ores et déjà intégré dansdeux initiatives fortes structurant larecherche en Polynésie : le Grand obser-vatoire de l’environnement et de la biodi-versité terrestre et marine du PacifiqueSud et une future unité mixte derecherche qui réunira des équipes del’Ifremer, de l’Université de Polynésiefrançaise, de l’Institut Louis-Malardé etde l’IRD pour travailler sur l’environne-ment insulaire océanien. Le CPRBI apporteaussi l’expertise et une plate-forme scien-tifique sur laquelle pourra s’appuyerl’association « Tahiti Fa’ahotu » pourcréer le pôle d’innovation « Valorisationdes ressources naturelles et éco-innova-tion de la Polynésie française ». ●

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Signature de l'accord-cadrede coopération avec l'UAC. Une des deux baleinières (celle de

l’Université de Kisangani) utiliséepour l’expédition sur le fleuveCongo et certains de ces affluents.

L’impact des lépidoptères foreursde graminées, des ravageurs

de céréales, s’intensifie tandis quele maïs a supplanté le manioc

comme principale culture vivrièredans le Haut-Congo.

1. IRD, UR Biodiversité et évolution des com-plexes plantes-insectes ravageurs-antago-nistes.2. Réunissant 80 scientifiques du 1er mai au10 juin, sur un transect fluvial de 400 km.3. African insect science for food and health,Nairobi (Kenya).4. Zone biogéographique possédant uneforte biodiversité.

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Alliés ou frères ennemis ?Que se passe-t-il quanddeux parasitesse rencontrent dans lemême hôte ? Voici l’unedes questions abordées au colloque Écologie 2010.

« C’est la première fois qu’uncolloque d’écologie scienti-fique réunit l’ensemble des

acteurs de cette vaste thématique en

France, se félicite Alain Brauman, écolo-giste du sol à l’IRD et animateur d’unesession sur le monde bactérien lors de lamanifestation montpellieraine “Écologie2010 (1)”. La venue de 1000 partici-pants témoigne de l'intérêt suscité etnous espérons que l’initiative sera réité-rée.» Un large éventail de thématiquesont pu être abordées à cette occasiondont certaines explorées depuis peu.Voilà par exemple moins de 10 ans queles chercheurs travaillent sur l’écologieet l’évolution des co-infections. « Nous

commençons à prendre la mesure del’importance de ce phénomène sur leplan biologique. La majorité des hôtessont rarement infectés par un seulpathogène, ceux-ci doivent donc se par-tager la ressource hôte, explique YannisMichalakis, spécialiste de la biologie évo-lutive. Nous nous intéressons aux consé-quences des infections multiples – ouco-infections – sur l’évolution hôte-para-site. » En effet, l'étude des interactionsente hôtes et pathogènes suggère queles hôtes pourraient développer desmoyens pour répondre au parasitisme.De leur côté, les agresseurs usent de nou-velles stratégies pour contrecarrer lesréponses de l’hôte mais aussi pour domi-ner les autres pathogènes en lice. »L’étude de petits crustacés – les gam-mares – fournit l’occasion de voir àl’œuvre ces mécanismes. « Ils sont lechamp de bataille de deux parasites trèsdifférents. L’un est un ver qui doit tuerson hôte intermédiaire – le crustacé –pour se transmettre à l’hôte final, unoiseau. Le parasite se transmet lorsquel’oiseau mange le gammare. Le verinduit chez ce dernier des modificationsde comportement qui augmentent laprobabilité que l’oiseau mange le crus-tacé et donc accroît la probabilité detransmission du parasite. L’autre enva-hisseur est une microsporidie2 qui vitprincipalement dans les ovaires du gam-mare et se transmet par les œufs de cedernier. Le deuxième parasite a donc

besoin que l’hôte survive et se repro-duise. Dans ce conflit d’intérêt entre lesdeux pathogènes, c'est la microsporidiequi gagne car sabote l’effet du ver enbloquant les effets de sa manipula-tion », raconte Thierry Rigaud, écologueet biologiste de l’évolution. Ces travaux permettront de mieux com-prendre des phénomènes tels quel’évolution de la virulence des différentsparasites. Cette thématique a encorebesoin du développement de basesthéoriques prenant en compte les parti-cularités des systèmes biologiques. Encomplément, des études expérimentalesmettront en évidence les mécanismesimpliqués dans ces interactions. ●

1. Colloque National d'Écologie Scientifiqueau Palais des Congrès (2 au 4 septembre2010, Montpellier),http://www.ecologie2010.fr/2. Être unicellulaire proche des champi-gnons, parasite endocellulaire obligatoire.

[email protected] Écologie fonctionnelle et biogéo-chimie des sols tropicaux (IRD, INRA,Montpellier SupAgro). [email protected] UMR Génétique et évolution des mala-dies infectieuses (CNRS-IRD)[email protected] biogéosciences (CNRS-Universitéde Bourgogne)

Le crustacé Gammarus pulex parasitépar l'acanthocéphale Pomphorhynchus

laevis. Le parasite est visible partransparence sous la forme d’une

grosse tache orange environ aux 2/3du corps de l'animal.

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ration de cette mission spatiale, le CNES,l‘IRD et plusieurs laboratoires français ontcollaboré pour mettre en œuvre, enaoût 2010, quatre semaines d’explora-tion intensive des systèmes convectifsdans la région de Niamey. L’objectifétait de collecter de nouvelles informa-tions sur la nature des cristaux de glaceprésents au sommet des nuages et queles canaux haute fréquence2 du radio-mètre Madras, embarqué sur Megha-Tropiques, permettront de détecter pouren déduire la pluie au sol. Un avion Fal-con 20 instrumenté de l’unité Safire3 aainsi réalisé une dizaine de vols dansces systèmes pluvieux pour en percer lessecrets microphysiques. Au sol, desradars météorologiques assuraient leguidage de l’appareil et récoltaient desmesures complémentaires dans unrayon de 250 km autour de Niamey eten trois dimensions. Le radar polarimé-

G age de confiance, l’observa-toire AMMA-CATCH1 de Niameya été choisi pour mener une

campagne de mesures préparatoire aulancement du futur satellite atmosphé-rique Mégha-Tropiques. Avec trois ins-truments complémentaires à bordet une orbite basse et inclinée de 20° surl’Équateur, l’appareil franco-indienbalayera la zone intertropicale et pourraeffectuer jusqu’à 6 observations quoti-diennes des points situés sous sa trajec-toire. À terme, il permettra d’enrichir lesconnaissances scientifiques sur la contri-bution du cycle de l’eau à la dynamiqueet au bilan énergétique de l‘atmosphèretropicale. Il fournira également de pré-cieuses informations sur les processusliés à la convection tropicale, un phéno-mène météorologique responsable entreautres de l’abondance ou de l’insuffi-sance des pluies sur le Sahel. En prépa-

Scientifiques et équipements du programme AMMA-CATCH au Niger participent aux procédures de validation du satellite atmosphérique Mégha-Tropiques.ss

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Validation du sol au satellite

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conférence franco-phone VIH-Sida setenait pour la pre-mière fois dans unpays du Sud etplus particulière-ment en Afrique,continent le plustouché par l’épi-démie de Sida.Originale a plusd’un titre, cettemanifestation arassemblé 1 700participants etproposé la première journée de formation médicale continue, consacrée à des mises au point de très hautniveau en matière de virologie et de prise en charge des patients.Concernant la prise en charge, l’essai réussi de décentralisation mené au Cameroun1 apporte de réelsespoirs. Ce programme, mis en œuvre par le gouvernement camerounais depuis 2002, visait à favoriserl'accès aux traitements antirétroviraux tant dans les hôpitaux centraux que régionaux ou de district.L’évaluation réalisée par des chercheurs de l’IRD dont Fred Eboko, socio-politologue, montre que cet essaiconstitue un pas important dans les réponses pratiques à l’épidémie. « Sans négliger le fait que la forma-tion et les effectifs du corps médical puissent être un point faible, cet exemple montre qu’un bon maillagedu territoire permettrait aux pays d’Afrique australe de faire face à leur fort taux de prévalence », rapporteFred Eboko qui nuance : « Un pays présentant peu de cas de Sida, comme le Mali, n’a pas besoin d’uneforte décentralisation. Il faut adapter l’effort au contexte épidémique. »

Cette conférence a également été l'occasion de rappeler que face au coût de la pandémie qui ne cesse de

croître , le financement demeure une des questions clés. « Nous sommes à une période charnière où se

pose le problème de l’engagement des États à abonder le fonds mondial du Sida et celui des États réci-

piendaires à tenir leurs promesses », conclut Eric Delaporte, Professeur de Maladies infectieuses au CHU de

Montpellier et coprésident de la Conférence. ●

1. Accès décentralisé au traitement du VIH/Sida : évaluation de l’expérience camerounaise.Sous la direction de Fred Eboko, Claude Abé et Christian Laurent, Éditions ANRS.

[email protected] UMR VIH-Sida et maladies associées (IRD, Université Montpellier 1)[email protected] Sciences économiques et sociales, systèmes de santé, sociétés(Inserm, IRD, Université de la Méditerranée)

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Débats et avancées autour du Sida

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Le satellite atmosphériqueMégha-Tropiques évoluera bientôt à 867 km d’altitude

au-dessus des régions tropicales,pour sonder leur climat.

trique Xport du LTHE4, installé dans larégion de Say au sud de Niamey, et leradar doppler du MIT5, déployé sur labase aérienne de la capitale nigérienne,tous deux déjà impliqués dans le pro-gramme AMMA, ont été mobilisés. Dans le futur et après le lancement deMegha-Tropiques, le site AMMA-CATCH

sera encore mis à contribution pour lavalidation des estimations pluviomé-triques délivrées par le satellite. Commetout matériel de précision, les capteursembarqués à bord de Mégha-Tropiquesnécessitent en effet une importantephase de calibration et de validation.Grâce à son radar hydro-météorolo-gique Xport, à ses 54 pluviographes,installés depuis plusieurs années sur ledegré carré de Niamey, et aux 15 autresappelés à être mis en place sous peuen zone plus humide, le dispositifd’AMMA-CATCH doit fournir des informa-

tions précieuses pour ces opérations devérification. Il contribuera à contrôlerdepuis le sol les produits « pluie » deMégha-Tropiques, obtenus à partir desobservations faites sur l’orbite satellitaireà 867 km d’altitude. ●

1. Analyse Multidisciplinaire de la MoussonAfricaine - couplage de l'atmosphère tropi-cale et du cycle hydrologique.2. 89 et 157 GHZ.3. Service des avions français instrumentéspour la recherche en environnement (CNES,Météo France, INSU).

4. IRD, UMR LTHE (Laboratoire d'étude destransferts en hydrologie et environnement).5. Massachusetts Institute of Technology.

[email protected]@ird.fr

La cinquième conférence francophone VIH-Sida a été organiséeHHau Maroc récemment par l’Alliance francophone des acteurs desanté contre le VIH. Retour sur les espoirs et les points de débat.HH

Le monde du café s'est réuni à Bali début octobre.Les chercheurs de l’IRD’’ sont intervenus dans deux domaines clés.

D eux annonces importantes ont été faites au cours de la 23e Conférence de l’Association pourla science et l’information sur le café à Bali (Indonésie)1. Elles concernent la génétique etl’agronomie, deux des quatre domaines abordés lors de la conférence2 dans lesquels les cher-

cheurs de l’IRD sont impliqués. Avec des partenaires internationaux tels que le pôle Recherche & Dévelop-pement du groupe Nestlé et l’Indonesian Coffee and Cocoa Institute, l’IRD a bien progressé dansl’établissement de la carte génétique du caféier Canephora qui produit le café Robusta. Ce travail prépa-ratoire au séquençage consiste à placer des marqueurs dans les chromosomes. Quant au séquençage lui-même, il est réalisé à plus de 50 % et sera achevé fin 2010. Cette avancée est portée par un consortiumdont la forte participation française est coordonnée par Philippe Lashermes, généticien à l’IRD. « Ces tra-vaux fourniront 200 à 300 groupes de séquences qui seront agencées sur les chromosomes à l’aide de lacarte génétique et auxquelles il faudra encore assigner des fonctions. Nous espérons terminer l’ensembledes opérations fin 2011 », prévoit le chercheur.Côté agronomie, « C’est la première fois que l’on évalue de manière approfondie la technologie quiconsiste à créer des variétés hybrides d’Arabica », explique Philippe Lashermes. Ces études co-développéesavec des partenaires du Sud ont permis de mettre en évidence une forte vigueur associée à la naturehybride de ces plants de caféier. « Par exemple, les nouvelles variétés hybrides sont 30 à 40 % plus productives que les meilleures variétés actuellement cultivées, cela intéresse au plus haut point les produc-teurs », poursuit le généticien. Pour les petits producteurs, cible privilégiée des travaux de l’équipe mixteCirad-IRD, l’importance est plutôt accordée aux capacités des hybrides à s’adapter à un environnement pluscontraignant, à bien réagir aux stress. Rendre les systèmes agroforestiers plus compétitifs grâce à ces qua-lités est un enjeu de taille. « De plus, comme le caféier peut se bouturer, les agriculteurs ne seront pasdépendants des producteurs de semences hybrides. En effet, lorsqu’on sème les graines d’un hybride,on n’est pas sûr du tout de ce que l’on va obtenir ! », assure le chercheur. Restera à contourner le défautinhérent à toute culture mono-variètale : un manque de diversité qui rend la culture plus vulnérable auxmaladies. Encore un défi à relever pour les scientifiques. ●

1. http://www.asic2010bali.org/2. Produits du café en liaison avec la santé humaine ; chimie – technologie ; agronomie ; génétique.

[email protected] Résistance des Plantes aux Bioagresseurs (Cirad, IRD, université Montpellier 2)

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Café : de la génétiqueà l’agronomieCafé : de la génétiqueà l’agronomie

Essais hybrides d’Arabica en conditions agroforestières

au Nicaragua.

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Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

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Biologie évolutive Frédéric Thomas, Thierry Lefèvre, Michel RaymondÉditions Deboeck – 89€

Ce livre s’adresse aux étudiants de Master, aux chercheurs,à tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la biolo-gie évolutive. Ce livre est une invitation à découvrir la bio-logie évolutive, aussi bien au travers de l’élégance de saformulation, l’étendue de ses applications, que par lacomplexité de ses dérivations. La biologie évolutive est une science récente, que l’onpeut faire débuter en 1859, au moment de la parution de« L’origine des espèces». Depuis un siècle et demi, lespreuves dans toutes les disciplines scientifiques se sont ac-cumulées, et l’évolution des espèces est dorénavant un faitqui ne sera jamais scientifiquement remis en question. Enétudiant les mécanismes mêmes qui conduisent à l’évolution des êtres vivants, labiologie évolutive porte un éclairage vigoureux sur le monde vivant et propose uneméthode éprouvée pour le comprendre. C’est une science encore jeune, et de nom-breux aspects sont encore l’objet d’intenses recherches.

Nature du mondeDessins d’enfants Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiquessous la direction de Hélène Pagezy, Stéphanie Carrière et Catherine Sabinot – 27 €

À l’initiative d’anthropologues, cet ouvrage rassemble plusde deux cents dessins réalisés par des enfants de onze ré-gions du monde. De Sibérie, du Gabon ou d’ailleurs, tous ontrépondu à la même demande : «Dessine-moi ta nature.»Munis de feutres, de crayons, de gouache et de papier à

dessin, ils ont livré leurs connaissances et leurs perceptions d’une nature familière do-mestique ou sauvage ; mis en scène des animaux qui leur sont proches tels que le renneou la tortue marine ; témoigné des effets de la pollution, du tsunami ou encore repré-senté tout ce qui façonnent leur vie quotidienne. Utilisant leurs connaissances fines ducontexte socioculturel ou écologique, les chercheurs nous livrent les clés permettant de décrypter chaque représentation graphique. Au-delà des savoirs sur les natures et lescultures du monde, ces dessins nous étonnent et nous invitent à l’évasion.

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Les chevaux de la satireLes Korèdugaw du MaliDe Jean-Paul Colleyn – Édition Gourcuff Gradenigo – 34

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Parmi les objets d’art du Mali et des pays limitrophes du suddu fleuve Niger, les chevaux des korèdugaw constituent uneétrange cavalerie. Ces chevaux de bois pour adultes, dontles qualités plastiques sont à découvrir, sont l’emblèmed’une catégorie de sages qui a le privilège de se moquer detout et de tous. Le korèga est un personnage haut en cou-leur qui s’habille de manière extravagante et contrevient àtoutes les règles de bienséance. Il porte presque toujoursune tunique en haillons sur un pantalon avec la jambegauche raccourcie. Cette tunique est recouverte d’un filetauquel sont accrochés des coquilles d’escargots, des amu-lettes, des fragments de calebasses, des bâtonnets, desplumes et des becs d’oiseaux. Dans toutes les manifesta-

tions publiques, ces « bouffons sacrés » rançonnent gentiment les villageois qui, pours’attirer leurs bonnes grâces, s’y prêtent volontiers.Au cours de ses enquêtes sur le terrain, depuis une trentaine d’années,l’anthropologue Jean-Paul Colleyn les a souvent rencontrés et a suivi leurs ébats.

Le bassin de l’OubanguiDe Jacques Callède, Yves Boulvert, Jean-Pierre ThiébauxÉditions IRD – 12 €

Ce CD-Rom rassemble les données hydrolo -gi ques collectées de 1950 à 1975 dans le bassinde l’Oubangui par les hydrologues de l’Officede la recherche scientifique outre-mer (Orstom) – aujourd’hui Institut de recherche pour le déve-loppement (IRD(( ) – qui gérait alors le réseau Dhydrométrique.La géographie du bassin (relief, réseau hydrogra-

phique, géologie, géomorphologie, pédologie et végétation), sa climatologie, l’équipe-ment pour les mesures hydrométriques, l’étude des écoulements (débits annuels, crueset basses eaux), les transports des sédiments et les aménagements fluviaux sont successivement examinés. Au-delà du public des enseignants et des chercheurs, ce document fournira aux responsables de projet et aux décideurs un précieux recueil surles conditions hydrométriques, climatologiques et environnementales du bassin del’Oubangui.

Hazo mena, leshommes du boisrouge DVD - écrit, réaliséet produit par Federico Varrasso.Durée 52’17’’. Laterit Production /Paris

Le film Hazo mena– Les hommes dubois rouge, en

français –, auquel l’IRD a apporté unconcours scientifique1, vient derecevoir le prix de la protection de l’envi-ronnement au festival Cinéma Nature de Dompierre et le 2e prix du festival Territoires en Images de l’Institut degéographie. Issu de recherches enanthropologie visuelle, il retracel’existence et l’activité d’exploitants sai-sonniers traditionnels de la forêtd’eucalyptus malgache. Chaque hiver,ces hommes quittent leurs familles pourarpenter les plantations à la recherched’un maigre salaire.À la fois travail scientifique et œuvre ciné-matographique, ce film constitue uneethnographie précise de la pratique arti-sanale de production de bois d’œuvredans cette région, un témoignage sur lesrouages d’une économie de subsistanceet un hommage au remarquable savoirfaire agro-forestier local.

1. Conseil scientifique de Stéphanie Carrière, IRD-UR Dynamiques socio-environnementales et gou-vernance des ressources.

Biotechnologies du palmierdattier Éditions Aber-lenc-Bertossi F.Éditions IRD28 €

Le palmier dat-tier est une plan-te d’intérêt éco-l o g i q u e ,économique etsocial majeur

pour de nombreux pays des zonesarides qui comptent parmi les pluspauvres du globe. En effet, en créant aumilieu du désert un microclimat favorableau développement de cultures sous-ja-centes, le palmier dattier constitue l’axeprincipal de l’agriculture dans les régionsdésertiques et représente la principaleressource vivrière et financière des popu-lations oasiennes. Pour traiter les problématiques liées àla culture du palmier au Maghreb, enAfrique et en Europe du Sud, 60 cher-cheurs font ici un bilan de leurs recher -rrches sur l’évaluation, la conservation etla valorisation des ressources génétiquesdu palmier dattier, ouvrant ainsi de nou-velles perspectives pluridisciplinaires.L’ouvrage présente les dernières avan-cées scientifiques sur la production àgrande échelle, les variations somaclo-nales et l’amélioration génétique. Enfin,il pose les bases de nouveaux projetsinternationaux sur la conservation desressources génétiques du palmier dattier,un enjeu important pour développerl’agriculture oasienne.

«La riqueza deesas comarcas»Catalogode exposicionLa paz,Cochabamba,Sucre,Santacruz, 2010Museo de historianatural-Alliancefrançaise-IRD

Alcide d’Orbignyest parti bien jeune à la découver-

te du monde américain avec le bagagedes sciences naturelles de son temps.Le lecteur s’étonnera de trouver dans cecatalogue sans prétention érudite le détail de désignations successives des objets d’étude du naturaliste.Entre 1835 et 1989, une jolie tortue à la carapace colorée, d’abord nomméeTrachemys dorbignyi, aura connu six appellations. On pourra, bien sûr, secontenter de l’appeler « tortue d’Orbi-gny», mais il est aussi bon de savoir quecet animal a continué d’intéresser les naturalistes bien après la disparition deson découvreur et que l’enjeu de trouverle nom juste est celui de la connaissancede son espèce. Célébrant l’année de la biodiversité, cetteexposition a pris prétexte de quelquesbelles gravures de ce voyage pour offrirau public bolivien à la fois le souvenir dece regard subjugué et de cet esprit méti-culeux et rationnel qui reste l’idéal duchercheur.

NutrisetL’autonomie nutritionnelle pour tousUne entreprise racontéepar Christian TroubéÉdité avec le concours de l’pp

IRD15 €

Depuis sa création, en 1986, la société Nutriset s’est choisiune activité très particu lière : l’élaboration et la productiond’aliments nutritionnels spécifiques destinés aux populationssous-alimentées des pays du Sud. Des produits qui ont permisdes avancées sans précédent dans le combat contre la malnu-trition. C’est l’histoire de cette entreprise originale que ce livre racon-te, retraçant ses constants efforts de recherches, portés parles motivations et convictions profondes de ses dirigeants.Un parcours singulier qui a radicalement changé la donne dans le combat de ce quiconstitue toujours le plus grand scandale de notre siècle et qui ouvre des pistes pourl’avenir.

Atlas des pêcheries thonières de l’océan IndienDe Alain FonteneauÉditions IRD – 30 €

Fruit de la collaboration entre l’Institut de re-cherche pour le développement et la Com-mission des Thons de l’Océan Indien (CTOI(( ),IIcet atlas dresse un bilan détaillé de l’évolution des pêcheries thonières tropi-cales de l’océan Indien depuis les années 50.Les données géo-référencées transmises à la

CTOI y sont restituées sous forme d’un ensemble de près de 300 cartes traduisantl’évolution, par tranche de 5 années, des captures pour les principales espèces cibléesdans l’océan Indien : thons tropicaux (albacore, patudo et listao), thons tempérés (ger-mon, thon rouge du Sud) et espadons, par pays et en fonction des engins de pêche.Les données sur la capture par tailles et la dynamique spatiotemporelle des pêcheriesgérées par la CTOI sont également présentées. S’adressant à la fois aux scientifiques, aux professionnels de la pêche et aux décideurs,l’ouvrage constitue un document de référence indispensable à tous les acteurs impli-qués dans la conservation des thons de l’océan Indien et l’avenir de ses pêcheries.

Geología y geofísica marina y terrestre del EcuadorDesde la Costa Continental hasta las Islas GalápagosGuayaquil, Équateur, 2009Co-édition : CNDM de l’Équateur, IRD, D INOCAR de l’ÉquateurÉditeurs scientifiques : Jean-Yves Collot (

qIRD(( , France), D

Valenti Sallares (CSIC(( , Espagne) et Pazmiño Nelson (CC CNDM(( ,MMÉquateur)

Cet ouvrage, fruit d’années de coopération entre scientifiquesfrançais et équatoriens, présente, à travers 15 articles en espa-gnol, une série d’études géologiques, géophysiques et géochi-miques sur le domaine maritime, insulaire (Iles Galapagos) etcontinental de l’Équateur.

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L’utilisation simultanée de techniques géophysiques et géolo-giques variées (bathymétrie multi-traces, GPS, sismologie – notamment grâce aux SS OBS1 –,sismique, réflexion et réfraction, flux de chaleur, gravimétrie, datations…) permet decartographier les fonds océaniques au large de l’Équateur et la région côtière, et de com-

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prendre les mécanismes à l’origine des morphologies et des déformations observées. Ellepermet également de caractériser les champs de contraintes et de replacer le risquesismique dans le cadre géodynamique de la convergence entre les plaques Nazca et sud-américaine. Jointe à la compilation de données géochimiques de la littérature, elle permet enfin de caractériser la nature et l’origine des roches issues du manteau quiconstituent les différents domaines océaniques équatoriens.Cet ouvrage constituera une référence incontournable pour tous ceux – académiques,industriels, aménageurs, décideurs – qui s’intéressent au domaine maritime et la régioncôtière d’Équateur.

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1. Ocean Bottom Sismometer.

Education et conflitsLes enjeux de l’offre éducative en situation de criseautrepart / Revue de sciences sociales au Sud n° 54Éditions

pIRD et Sciences Po les presses – 25 €

Que ce soit pour protéger les enfants de violences généraliséesou promouvoir des dispositifs d’enseignements tournés vers lapaix, « l’éducation en situation de crise » constitue aujourd’huiun nouveau paradigme d’intervention de l’humanitaire. Dé-passant la dimension normative et idéalisée que les organisa-tions internationales lui attribuent, on analysera de manièretrès concrète dans ce volume ce qu’il advient des services édu-catifs lorsqu’un pays est touché par une guerre ou une situa-tion de violence généralisée. De la destruction partielle ou totale de l’école à la création de nouveaux territoires

d’éducation dans des espaces humanitaires ou dans des zones rebel les, les contributionslld’anthropologues, de sociologues et de géographes examinent comment différentesformes d’offre éducative – publiques, privées, associatives et le plus souvent plurielles ethybrides – se maintiennent, se transforment ou se rompent dans des situations ex-trêmes. Posant la question de la production et de la transformation d’un bien collectifen temps de crise, ce numéro s’inscrit dans une réflexion plus large sur les remodelagesque connaissent les systèmes éducatifs et les espaces publics locaux.

Regards de climatologuesLes scientifiques face aux changements climatiquesDVDCNRS,SS IRD, D SCEREN/CNDP – 19,90 €

Comment reconstituer les climats du passé ? Qu’est-ce qu’unmodèle climatique? Comment observe-t-on les océans et lesglaciers ? Quelle sera l’ampleur du réchauffement global ? Quefait la communauté scientifique pour alerter l’opinion et lespouvoirs publics ? Afin de suivre les travaux des climatologueset de comprendre comment ils évaluent les changements pas-sés, actuels et à vernir des climats sur la planète, ce double DVDpropose : – Chercheurs de climats, un film retraçant les aventures d’uneéquipe franco-chilienne de glaciologues en Patagonie.

– les « Focus », 34 films courts où les chercheurs dévoilent les coulisses de la climatolo-gie : ils expliquent l’étude des climats du passé, l’observation de la Terre actuelle, la modélisation de la « machine climatique » et comment la coopération internationales’organise autour de cette discipline.

Faune de MadagascarInsecta Coleoptera Tenebrionidae – Pedinini PlatynotinaDe Dariuzs IwanÉditions IRD – QUAE – MNHN – 62 €

Ce volume est consacré à l’étude taxonomique des ColeopteraTenebrionidae Platynotina de Madagascar, qui comptent 37 es-pèces réparties dans 11 genres. Des clés de détermination illus-trées sont proposées en français et en anglais pour identifier lesgenres et les espèces. Cet ouvrage de synthèse apporte unecontribution à la connaissance de la biodiversité malgache, richeen espèces endémiques. Il s’adresse aux entomologistes et àtoutes les personnes qui œuvrent pour la connaissance et la pro-tection de la nature à Madagascar.

L’appui au stockage des récoltesUne solution pour la sécurité alimentaire dans les zonesagricoles difficiles ? L’exemple du Grand Sud de MadagascarDe Florence Thouillot et Jérémie MaharetseÉditions du Gret

Le pays Antandroy au sud de Madagascar constitue un vasteterritoire enclavé dont le milieu contraint l’installation del’homme, l’agriculture et l’élevage. Face au déficit chroniquedes denrées et des semences, rares sont les ménages qui parviennent à l’autosuffisance alimentaire chaque année. LeGret, œuvrant pour l’amélioration de la sécurité alimentaire

dans la zone, a développé diverses actions d’appui aux ménages agricoles dontl’amélioration du stockage... Dans cet ouvrage, Le Gret retire plusieurs enseignements de cette expérience pilote, ildécrit les difficultés rencontrées et évalue les résultats obtenus.

Gestion durable de l’eau et des sols au MarocValorisation des techniques traditionnelles méditerranéennesRoose É., Sabir M., Laouina A.,

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Éditions IRD – 46€

Soutenue par le réseau érosion de l’AUF’ , l’équipe franco-FFmarocaine de géographes, d’agronomes et de forestiers réunie dans cet ouvrage a analysé une trentaine de tech-niques traditionnelles de gestion de l’eau et des sols auMaroc. Testées dans différentes zones agro-écologiques et en tenantcompte des facteurs économiques et humains, les techniquespaysannes de lutte antiérosive sont présentées et commen-tées à la lumière des derniers acquis scientifiques.À partir de ces expériences, l’ouvrage propose des combinai-

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sons de techniques traditionnelles de gestion des sols, opti-misées et adaptées aux conditions locales. Il s’adresse aux enseignants, aux étudiants et aux chercheurs, mais égale-ment aux ONG et aux décideurs en charge des programmes

de développement rural au Maghreb et dans les régions semi-arides.

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Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

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les « Prix IRD » qui récompenseront chaque année des cher-cheurs pour l’excellence de leurs travaux et leurs impacts signi-ficatifs sur le développement social, économique et cultureldes pays du Sud.Ainsi, le prix « Recherche Sud » récompense l’originalité et laqualité des travaux de chercheurs dont l’apport scientifiqueaux pays du Sud est mondialement reconnu et prometteur, leprix « Innovation Sud » distingue des agents de l’IRD dont lesactions en matière de valorisation sont particulièrement utileset source importante de progrès au Sud, et le prix « LaurenceVergne » est remis depuis 2008 à de jeunes chercheursfrançais ou étrangers, auteurs de thèses préparées au sein de l’IRD.Mettre en lumière ces talents et les travaux pluridisciplinairesassociés est l’objectif prioritaire de ces récompenses afin desouligner l’engouement et l’énergie des équipes de rechercheà travers le visage et les idées d’une personne passionnée. ●

M ener des programmes de recherche avec et dans lespays du Sud, dans une perspective de développement

de ces pays, implique la mise en place de plates-formes etd’équipements scientifiques, mais aussi d'y former les compé-tences de demain. C’est pourquoi le triptyque recherche, for-mation et innovation est absolument indissociable. Larecherche doit nourrir l'innovation, à travers les brevets etl'incubation de start-up, et s'accompagner de la formation desscientifiques, notamment de docteurs à travers la formation parla recherche.Pour asseoir cette idée et donner de la visibilité à cetteapproche de la recher che pour le développement, l’IRD lance

L’IRD’’ lance la première édition des « Prix IRD » en récompensant, une fois par an,l’excellence de la recherche, l’esprit d’innovation et l’implication des personnels de l’Institut au service des pays du Sud. Ces prix soulignent l’importance de latransmission des connaissances acquises en équipe, du jeune docteur au chercheurconfirmé, au bénéfice des pays qui font de la science et de la technologie un levieressentiel de leur développement. Les prix « Recherche Sud », « Innovation Sud » et « Laurence Vergne » ont ainsi été décernés par Michel Laurent, président de l’IRD’’ , DD

le jeudi 23 septembre 2010 à Marseille.

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L’IRD récompense la science et l’innovationau service des pays du Sud

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Six lauréats et de grandes avancées

Nominations■ Michel Bouvet, directeur général délégué à l’Agence

Michel Bouvet a été nommé directeur général déléguéà l’Agence, par décision du Président du 28 septembre2010. Cette nomination complète le dispositif organi-sationnel de l’Institut en trois directions générales délé-guées. Âgé de 52 ans, Michel Bouvet est poly tech nicien,ingénieur général de l’Armement. Docteur en Sciencesphysiques, spécialiste en traitement du signal et dessystèmes sonar, il a débuté sa carrière au sein du minis-tère de la Défense où il a notamment exercé la fonction

de chef du Centre militaire d’océanographie du Service hydrographique etocéanographique de la Marine (SHOM). Plus récemment, il a été directeur de lastratégie, du développement et des relations extérieures à l’Institut de radio-protection et de sûreté nucléaire.Depuis 2009, Michel Bouvet était chef du Service de la performance, du finan-cement et de la contractualisation avec les organismes de recherche au sein de la Direction générale pour la recherche et l’innovation (DGRI) du ministère del’Enseignement supérieur et de la Recherche. À ce titre, il était membre duconseil d’administration de plusieurs organismes de recherche. Il était en outreCommissaire du gouvernement du Centre national d’études spatiales (CNES) etdu Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique.

■ Jean-Paul Toutain, représentant de l’IRD en IndonésieJean-Paul Toutain prendra, le 1er novembre prochain,les fonctions de représentant de l’IRD en Indonésie où ilsuccédera à Michel Larue. Physicien, Jean-Paul Toutainest responsable du thème de recherche « Cycles systè-miques et volcaniques, déformations associées » ausein de l’UMR LMTG. Il est également en charge de lacoopération franco-indonésienne en volcanologie. Professeur invité dans diverses universités – Manille(Philippines), Palerme, Florence et Urbino (Italie) – Jean-

Paul Toutain a par ailleurs réalisé de nombreuses missions de terrain, en Indo-nésie, en Europe, en Amérique latine, aux Comores et aux Philippines.

Contact : [email protected]

P r i x C n r s

Un Irdien récompenséThierry Lebel, directeur derecherche à l’IRD et directeur del’UMR LTHE, et Jean-Luc Redelsper-ger, directeur de recherche auCNRS, se sont vus décerner cetteannée une médaille d’argent duCNRS pour leurs travaux et leurinvestissement dans le pro-

gramme Amma (Analyses multidisciplinaires de la mous-son africaine), dont la seconde phase est en cours deconstruction.

Jean-François Trape entre Eric Servat (à gauche sur la photo),Michel Laurent et Bernard Dreyfus (à droite).

Michel Laurent entre Stephane Raud et Jean-LoupLemesre (à droite).

Prix « RECHERCHE SUD »■ Jean-François Trape, 60 ans, médecin, Sénégal

Vaincre le paludisme et la borréliose en Afrique

À partir de l’observation étroite et prolongée des populations et de leur environne-ment, Jean-François Trape a mesuré la morbidité et la mortalité attribuables au palu-disme, identifié leurs déterminants biologiques et épidémiologiques et proposé desstratégies de lutte adaptées. La publication de ses travaux a eu beaucoup de reten-tissement et a abouti à l’élaboration d’un plan de financement de production mas-sive d’ACT pour l’Afrique. Depuis 2003, Jean-François Trape et son équipe ont entreprisun programme de recherche sur la répartition géographique en Afrique de la borré-liose et de son vecteur, la tique. Ils ont notamment montré que cette maladie mécon-nue représentait la première cause de morbidité après le paludisme en zone ruraleau Sénégal.

■ Olivier Dangles, 35 ans, écologue, ÉquateurBiodiversité et changements globaux en Équateur

Olivier Dangles a créé un réseau international d’étude et demodélisation de la dynamique d’insectes ravageurs en relationavec les changements globaux dans la région nord-andine(Équateur, Pérou, Bolivie). Il apporte un soutien majeur à lapublication et à la formation d’étudiants au sein de plusieurslaboratoires de l’Université pontificale catholique d’Équateur

(Puce) à Quito et a activement participé à la création du premier master de Biologiede la conservation en Équateur.

Prix « INNOVATION SUD »■ Jean-Loup Lemesre, 55 ans, immunobiologiste,

MontpellierVaccin contre la leishmaniose viscérale canine

Ses activités de recherche ont eu principalement pour objetl’étude de trois parasites responsables de maladies redoutablesvoire mortelles : la maladie de Chagas, la trypanosomosehumaine africaine et les leishmanioses. Maladie dites « négli-gées », leurs conséquences sur de très nombreuses régions dumonde en font un handicap majeur au développement despays les plus pauvres et un fléau en matière de santé publiqueavec des répercussions socio-économiques lourdes. Jean-LoupLemesre a contribué à la mise au point de « CaniLeish », le pre-mier vaccin contre la leishmaniose viscérale canine développépar BVT (groupe Virbac, et dont le dossier d’autorisation demise sur le marché a été déposé récemment en Europe).

■ Robin Duponnois, 47 ans,microbiologiste, SénégalTermites et champignons au service de l’agriculture

L’équipe de Robin Duponnois a déve-loppé des études sur le rôle des poudresde termitières en tant que bio-engraispour stimuler la croissance des plantes,

et en tant que biopesticide pour les cultures vivrières ou maraî-chères tropicales. L’utilisation d’inocula fongiques pour amélio-rer la production agricole consiste à mélanger des poudres determitières à des sols de cultures céréalières, fourragères, maraî-chères, fruitières ou horticoles pour lutter, sans apport de pes-ticide chimique, contre des vers parasites des plantes. Cettetechnique permet, à un coût très faible, de dégrader la paroides œufs de nématodes et, ainsi, de lutter efficacement contrel’infestation des cultures et le potentiel infectieux des sols.L’équipe a également mis au point de nouvelles compositionsd’inocula fongiques permettant d’améliorer la croissance descultures. Plus récemment, Robin Duponnois et son équipe vien-nent de créer deux cellules pilotes de production de champi-gnons comestibles au Sénégal (SENEMYCEL) et à Madagascar(MADAMYCEL).

Prix « LAURENCE VERGNE »■ Anne Poinsignon, 31 ans,

biologiste, AustralieMaladies tropicales comprendre larelation hommes- vecteurs

L'objectif principal de son projet étaitd'identifier des bio-marqueurs immuno-logiques permettant d'évaluer le niveaud’exposition des populations humaines

à la piqûre des insectes vecteurs. Dans cette thématique, elle aplus particulièrement initié et développé une approche com-plémentaire sur les mouches Glossina responsables de la trans-mission de la maladie du sommeil et sur les moustiquesAnopheles, responsables de la transmission du paludisme.Anne Poinsignon effectue actuellement un post-doctorat dansune équipe renommée en Australie où elle travaille sur ladengue.

■ Arsène Alain Sanon, Burkinabé,34 ans, écologue, SénégalRestaurer les sols et le couvertvégétal sahélien

L’intérêt de ces travaux se trouved’abord au niveau fondamental par uneacquisition de nouvelles connaissancessur l’organisation et la dynamique des

peuplements végétaux, et sur l’écologie des partenaires micro-biens qui leur sont associés. Ces travaux présentent égalementde réelles perspectives dans la restauration et la revégéta -lisation des terres dégradées, dans le maintien de la biodiver-sité végétale et dans la gestion durable des écosystèmesterrestres.

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elle a régressé en pourcentage enAfrique subsaharienne, mais s’y main-tient en nombre d’habitants concernésdu fait de la croissance démogra-phique. Toutefois, les pays importa-teurs de céréales restent à la mercid’une nouvelle hausse spéculative descours. Par ailleurs, on peut égalementrester circonspect quant aux chiffresavancés. Il s’agit avant tout de ten-dances et de projections, fauted’appareil statistique fonctionnel, demesures précises à grande échelle etpar suite de données très disparates,même si certaines réussites sont à rele-ver depuis deux décennies2. Enfin,cette déclaration s’inscrit dans unchamp de l’aide humanitaire et del’appui au développement où les insti-tutions semblent de plus en plus enconcurrence les unes envers les autres,à la fois pour obtenir des ressources etpour se légitimer.

SAS: Quel est le rôle de la recherchepour la sécurité alimentaire ? PJ : La recherche participe au renouvel-lement des outils techniques essentiels

vrent une réalité extrêmement large, ilsne sont pas équivalents. On le sait, le terme de réfugié renvoie àune catégorie très particulière demigrants que le droit international aentérinée par la Convention de Genèvede 1951. Sans rapport avec la problé-matique environnementale – et fondéau contraire sur le respect des droits del’homme et la protection des individuscontre diverses formes de violences etd’exclusion liées à l’appartenance « eth-nique » ou aux convictions politiques oureligieuses –, le concept de réfugié ren-voie de manière claire à la question del’appartenance, à la nationalité et autracé des frontières politiques qui défi-nissent géographiquement les États. Dans la dynamique induite par les travauxdes chercheurs sur les diverses manifesta-tions de la dégradation de la planète,diverses organisations, œuvrant pour laprotection de la nature, s’efforcent de fairedes « réfugiés climatiques» ou des « réfu-

aux crises. Concrè-tement, pour anti-ciper les épisodescritiques et préci-ser au mieux lesactions à mener, larecherche tenddésormais à com-biner les aspectsagro-environne-mentaux, les fon-d e m e n t séconomiques et ladimension socialeet politique del’insécurité alimen-

taire. La recherche de terrain garde donctout son sens : elle seule permet, à côtédes batteries d’indicateurs sophistiquéset de tous les instruments techniquesperformants, de comprendre le fonc-tionnement des sociétés exposées. Unemeilleure connaissance du contextelocal, atout majeur de l’IRD, reste indis-pensable pour produire une analyse cir-constanciée et transmissible auxdécideurs politiques. Idéalement, larecherche doit permettre de vaincre lescauses plutôt que lutter contre lesconséquences de l’insécurité alimen-taire, comme c’est encore souvent le casaujourd’hui. ●

1. UMR Développement et sociétés(IRD,Université Panthéon-Sorbonne).2.Comme le montrent les enquêtes EDS(enquêtes démographie et santé) et LSMS(living standards measurement study)yymenées régulièrement depuis les années 80à l’initiative de la Banque mondiale et del’USAID.

[email protected]

destinés à diagnostiquer l’insécurité ali-mentaire, afin de tenter de prévenir lesphénomènes de crise. Historiquement,elle a longtemps été conduite demanière segmentée, par champ théma-tique et disciplinaire : agronomique pourl’amélioration de l’offre alimentaire,économique pour le renforcement descapacités d’accès, nutritionnel pour lalutte contre la malnutrition. Mais cedécoupage, qui correspondait àl’évolution des définitions de la sécuritéalimentaire depuis les années 80, tendaujourd’hui à s’estomper face à la com-plexité des situations : les récentes crisesalimentaires – sous-régionale en Afriquede l’Ouest en 2005 et mondiale en2008 – étaient marquées à la fois pardes déficits localisés conjoncturels, desruptures d’approvisionnement résultantde la géopolitique des marchés céréa-liers et des difficultés accruesd’accessibilité économique aux alimentspour certains groupes de population.Elles ont démontré la nécessité de fédé-rer les approches, pour développer unecapacité d’analyse des processus, decompréhension des interactions menant

� Suite de l’entretien avec Pierre Janin

Entretien

Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 56 - septembre/octobre 2010

À propos du moustique tigreSciences au Sud : Des cas autoch-tones de dengue et de chikungunyaviennent d’être déclarés dans le Var(France). Comment est-ce possible ? ssDidier Fontenille : Ces deux virus sonttrès régulièrement importés en Europedepuis les zones tropicales et leur vec-teur, Aedes albopictus, plus communé-ment appelé moustique tigre, estdésormais implanté dans le sud de laFrance. Il a suffi que vecteur et virus se rencontrent. Le moustique, originaire del’Asie du sud-est, envahit peu à peu les autres continents. Il est arrivé en Europe dès1990 en Italie. Le système de surveillance mis en place dès ce moment a permis dele repérer sur le sol français métropolitain en 2005. Depuis lors, il a gagné tous lesdépartements du littoral méditerranéen dont la Corse.

SAS : Quels sont les risques ? DF: Il y a un risque réel d’apparition récurrente de foyers de chikungunya ou dedengue dans le sud de la France métropolitaine. L’Institut Pasteur avait montré – enlaboratoire – que les populations européennes du moustique tigre pouvaient trans-mettre les deux virus. Ces quatre cas, bien qu’isolés, confirment qu’une épidémieest prévisible, c’est une question d’années ou moins! Aussi le ministère de la Santéva-t-il renforcer la lutte contre l’insecte dans le but de limiter la propagation des virusqu’il transmet.

SAS : En quoi l’expertise de l’IRD’ , acquise pour le Sud, elle peut servir dansD

cette éventualité ? DF: Les virus et les moustiques ne connaissent plus de frontières. L’expérience del’IRD en matière de surveillance et de lutte dans les régions tropicales, où les pro-blèmes de transmission de dengue et de chikungunya sont anciens, est directementtransférable à la métropole. ●

[email protected] Caractérisation et contrôle des populations de vecteurs.

E n t r e t i e na v e c D i d i e r F o n t e n i l l e

T r i b u n e

Faut-il un statut pour les victimes des crises environnementales ?D ans le contexte des dégrada-

tions de l’environnement etdu réchauffement climatique,

les prévisions relatives à l’accroissementdu nombre de victimes des crises et descatastrophes se font sans cesse plusinquiétantes. Ces sombres perspectivesse sont accompagnées au cours des troisdernières décennies de l’émergenced’une palette de termes nouveaux pourdésigner ces victimes. Les «réfugiés del’environnement», les «éco-réfugiés»,ou, plus récemment encore, les «réfu-giés climatiques» sont aujourd’hui desexpressions entrées dans le langage cou-rant pour qualifier toute populationcontrainte de quitter son espace de viehabituel à la suite d’un événementd’origine naturelle, mais qui pourraitêtre aggravé, voire déclenché, parl’action humaine; notamment par cer-tains types d’aménagements (barrage,centrale nucléaire, bétonnage dessols…). Or, parce que ces termes recou-

giés de l’environ-nement » une caté-gorie juridique à partentière justifiant etpermettant l’inter-vention et la protec-tion de la communauté internationale.Dans cette perspective, cette évolution dudroit serait d’autant plus nécessaire qu’ontente de plus en plus d’établir un lien entreles catastrophes environnementales et lescrises politiques, les guerres civiles ou lesconflits pour l’accès aux ressources, et ce,aussi bien en se projetant dans l’avenirqu’à propos de conflits actuels.Cette thèse pose plusieurs questions.Dans le contexte des tensions politiquesqui entourent la question des migra-tions internationales, la protection etl’asile des « vrais » réfugiés est un droitfragile sans cesse menacé par la tenta-tion d’en limiter le champ d’application.En outre, si l’actualité médiatique pro-pulse les questions environnementales

sur le devant de la scène, on peuts’interroger sur l’absence d’un engage-ment similaire en faveur d’un statut de« réfugié économique » pour lesdizaines de millions de migrants enquête d’un emploi et d’un titre de séjourdans les pays du Nord. Après les espoirs et les polémiques sou-levés par la Conférence de Copen-hague, la « cause » de l’environnementpeut moins que jamais servir d’alibi à laconfusion, au catastrophisme ou à l’ap-proximation. Des travaux récents mon-trent ainsi que la corrélation entre lechangement climatique et les conflits deces dernières décennies en Afrique sub-saharienne est loin d’être aussi claire-ment établie que des travaux antérieurs

ne le laissaient entendre (Le Monde du11/09/10) et qu’il faut revenir finale-ment aux analyses pourtant longtempsmises en évidence : sous-développe-ment, pauvreté, rivalités ethniques,gouvernance, accaparement des res-sources… Ainsi, entre les « vrais » et les«faux» réfugiés, il est clair que lessciences sociales et celles del’environnement ont non seulement deschoses à se dire mais qu’elles ont aussila responsabilité partagée d’apporter unpeu de clarté dans la confusion desdébats publics. ●

ContactLuc Cambrézy, géographe, UMRCEPED (INED, IRD, Université Paris 5)

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