décès par valvulopathie attribuables au mediator
TRANSCRIPT
Une estimation du nombre de décès par
valvulopathie attribuables à la consommation de benfluorex (Mediator) en France
Agnès Fournier (Inserm CESP U1018, équipe 9), Mahmoud Zureik (Inserm U700)
Estimate of deaths due to valvular insufficiency attributable to the use of benfluorex in France, Pharmacoepidemiology and Drug Safety 2012
Séminaire axe « pratiques de santé » du CESP – 26 juin 2012
• Mesure du RR d’hospitalisation pour insuffisance valvulaire associé à la prise de benfluorex
• Données du SNIIR-AM : remboursements de médicaments * PMSI
• 1 million de patients diabétiques âgés entre 40 et 69 ans
• Mesure de l’exposition au benfluorex : année 2006 • RR (2007-2008) = 3,1 (IC 95% 2,4-4,0), pour les
individus avec au moins un rbt de benfluorex en 2006 vs. ceux sans rbt en 2006
• RR ajusté sur l’âge, le sexe, la présence d’une ALD cardiovasculaire
L’étude CNAM-1
• Mesure de l’incidence des hospitalisations pour insuffisance valvulaire parmi les utilisateurs de benfluorex
• Données du SNIIR-AM
• Diabétiques et non diabétiques
• 300 000 personnes avec au moins un rbt de benfluorex en 2006
• Suivi jusqu’à fin 2009
• 597 hospitalisations pour insuffisance valvulaire
L’étude CNAM-2
• Relation durée-effet pour le risque de valvulopathie probable (études sur d’autres fenfluraminiques)
• 145 millions de boites de benfluorex vendues = – Cas 1 : 30 millions de personnes traitées chacune trois mois
– Ou Cas 2 : 3 millions de personnes traitées chacune trois ans
• Si on suppose que sur-risque à partir de 1 an de traitement : – Cas 1 : 0 sur-risque, aucun cas attribuable
– Cas 2 : 6 millions de personnes-années à sur-risque
Besoin de données sur la durée d’utilisation du benfluorex dans la population
Principe du calcul et sources (1)
• Etude CNAM-2 : 597 hospitalisations pour insuffisance valvulaire, 303 000 consommateurs de benfluorex suivis en moyenne 3,7 ans
Mais quelles durées de traitement ?
• Etude CNAM-2 : biais de sélection par la durée
Les durées longues sont sur-représentées
Besoin de données sur la durée d’utilisation du benfluorex dans CNAM-2
Principe du calcul et sources (2)
• Etape 1 :
– estimer la distribution de la durée d’utilisation du benfluorex dans la population. Sources : informations du fabricant, de l’Afssaps, de la cohorte E3N
– estimer la durée d’utilisation moyenne du benfluorex avant la période d’observation (utilisation prévalente) dans l’étude CNAM-2. Source : étude CNAM-2
– On sait la durée moyenne de traitement minimale à laquelle s’applique l’incidence des insuffisances valvulaires dans CNAM-2. On calcule l’exposition au-delà de ce minimum dans la population générale. C’est l’exposition à laquelle on appliquera le sur-risque de valvulopathie.
Principe du calcul et sources (3)
• Etape 2 : calculer le nombre d’hospitalisations pour insuffisance valvulaire pendant la période d’exposition au sur-risque dans la population
Source : CNAM-2 : 597 hospitalisations entre 2006 et 2009 pour 303 000 personnes exposées en 2006, à extrapoler à l’ensemble de la population sur la période 1976-2009
• Etape 3 : en déduire le nombre d’hospitalisations attribuables à l’exposition au benfluorex
Source : étude CNAM-1, RR = 3,1, donc fraction de risque attribuable = (3,1 – 1) / 3,1 = 68%
Principe du calcul et sources (4)
• Etape 4 : en déduire le nombre de décès par valvulopathie attribuables à l’exposition au benfluorex
Source : Nkomo et al., Lancet 2006 – Etats-Unis, – 971 adultes avec un diagnostic de valvulopathie* modérée à
sévère entre 1990 et 1995, – Indication clinique pour la réalisation d’une échocardiographie, – HR(décès) = 1,75 (IC 95% 1,61-1,90)
Fraction étiologique = (1,75 – 1) / 1,75 = 0,43
43% des individus avec une valvulopathie modérée à sévère diagnostiquée suite à une échocardiographie avec indication
clinique vont décéder prématurément à cause de cette maladie
Principe du calcul et sources (5)
* Les plus fréquentes étant les insuffisances mitrales
Etape 1 : estimer la distribution de la durée d’utilisation du benfluorex dans la population
– Fabricant : 145 millions de boites vendues entre 1976 et 2009 – Afssaps : 18 mois de traitement en moyenne, 42% des utilisations < 3 mois – Cohorte E3N*: 41% < 3 mois, 10% 3-6 mois, etc (jusqu’à 18 mois). – CNAM-2 : la probabilité d’arrêter le traitement dans les mois qui suivent
diminue avec la durée du traitement
Résultats : étape 1
* Cohorte de femmes de l’éducation nationale nées entre 1925 et 1950
0
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More
than 1
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Duration of benfluorex use (Months)
%
Etape 1(bis) : estimer la durée d’utilisation moyenne du benfluorex avant la période d’observation (utilisation prévalente) dans l’étude CNAM-2
Source : étude CNAM-2 Principe :
– On calcule le nombre d’utilisateurs « prévalents » au 1/1/2006 (début du suivi)
– On calcule leur durée de traitement à partir du 1/1/2006 (« si le benfluorex n’avait pas été retiré du marché »)
– On en déduit « par symétrie » la durée de traitement avant janvier 2006
Résultat : 9 millions de boites consommées avant le début du suivi par les 303 000 consommateurs de benfluorex dans CNAM-2, soit 30 boites/personne ou 1,5 année de traitement.
Résultats : étape 1 (2)
- Durée moyenne de traitement minimale à laquelle s’applique l’incidence des insuffisances valvulaires dans CNAM-2 : 1,5 an (30 boites de benfluorex)
- A partir de la distribution estimée de la durée d’exposition dans la population générale, on calcule l’exposition au-delà de ce minimum dans la population générale : 54% des boites vendues entre 1976 et 2006, soit 78 millions de boites (145 millions * 0,54)
- C’est l’exposition à laquelle on appliquera le sur-risque
- Hypothèse : pas de sur-risque en deçà de cette durée minimale
Résultats : étape 1 (3)
Etape 2 : calculer le nombre d’hospitalisations pour insuffisance valvulaire pendant la période d’exposition au sur-risque dans la population, sur la période 1976-2009
Source : CNAM-2 : 597 hospitalisations pour insuffisance
valvulaire entre 2006 et 2009 pour 303 000 personnes exposées en 2006, ayant consommé 10 millions de boites de benfluorex au cours du suivi (après en avoir consommé en moyenne 30/personne)
Hypothèse : plus d’hospitalisations attribuables au benfluorex au-delà de la période de suivi dans CNAM-2
Résultat : 4500 hospitalisations pour 78 millions de boites consommées par des individus similaires (597 * 78 millions / 10 millions)
Résultats : étape 2
Etape 3 : en déduire le nombre d’hospitalisations attribuables à l’exposition au benfluorex
Source : étude CNAM-1, RR = 3,1, donc fraction de risque attribuable = (3,1 – 1) / 3,1 = 68%
Hypothèse : le RR de 3,1, calculé dans une population de diabétiques, est extrapolable à l’ensemble de la population et n’est pas biaisé
Résultat : 3100 hospitalisations attribuables au benfluorex parmi les 4500 (4500 * 0,68)
Résultats : étape 3
Etape 4 : en déduire le nombre de décès attribuables à l’exposition au benfluorex
Source : Nkomo Lancet 2006 : fraction étiologique associée aux valvulopathies pour le risque de décès = 43%
Hypothèse : HR(décès) non biaisé et extrapolable en moyenne aux insuffisances valvulaires ayant conduit à une hospitalisation entre 1976 et 2009
Résultat : 1300 décès (3100 * 0,43) attribuables au benfluorex faisant suite à 3100 hospitalisations pour insuffisance valvulaire attribuables au benfluorex
Résultats : étape 4
Probablement une sous-estimation (1)
• Faute de pouvoir quantifier le sur-risque pour des durées courtes de traitement, on a considéré qu’il n’y avait pas de sur-risque de valvulopathie pendant la première 1,5 année (30 boites) de traitement.
Optimiste selon les études sur les autres fenfluraminiques
En outre: • Dans la population générale, 54 boites en moyenne au-delà de 30, alors
que 34 boites dans CNAM-2 (exposition « tronquée »)
RR > 3,1
• Décès sans hospitalisation préalable non pris en compte
• HR(décès) pourrait être > 1,75 car valvulopathies ayant mené à une hospitalisation, et souvent plurivalvulaires.
Probablement une sous-estimation (2)
• Cependant, source possible de sur-estimation du nombre de décès attribuables : régression de certaines lésions valvulaires après arrêt du traitement ? Mais : – traitement pas toujours arrêté,
– pour les autres fenfluraminiques, régressions probables pour les insuffisances aortiques mais pas mitrales, pour des durées de traitement courtes et des insuffisances légères.
Probablement peu d’impact sur notre estimation se fondant sur des valvulopathies (dont 50% avec atteinte de la valve mitrale) vraisemblablement modérées à sévère (hospitalisation) et des durées de traitement > 1,5 an en moyenne
Discussion des hypothèses (1)
Hypothèse : plus d’hospitalisation attribuable au benfluorex au-delà de la période de suivi dans CNAM-2
Discussion : On peut calculer que dans CNAM-2, la durée moyenne d’arrêt du traitement est de 2 ans. Or :
– Etude cas-témoins de Brest : 17 des 18 cas de régurgitation mitrale inexpliquée ont été diagnostiqués chez des utilisateurs de benfluorex n’ayant pas arrêté le traitement depuis plus de deux ans.
– Etude CNAM-2 : parmi les 138 000 personnes ayant arrêté le benfluorex en 2006, l’incidence annuelle d’hospitalisation pour insuffisance valvulaire est de 28 pour l’année 2007, 20 pour l’année 2008 et 5 pour l’année 2009.
Discussion des hypothèses (2)
Hypothèse : le RR de 3,1, calculé dans une population de diabétiques (40-69 ans), est extrapolable à l’ensemble de la population et n’est pas biaisé
Discussion :
– Dans les études sur les autres fenfluraminiques, pas de suggestion forte d’interaction selon les antécédents de diabète ou l’âge raisonnable de penser que le RR trouvé chez les diabétiques de 40-69 ans est extrapolable à la population générale
– le RR est ajusté sur âge, sexe, antécédent de maladie coronarienne, d’insuffisance cardiaque, artériopathie des membres inférieurs, maladie cérébrovasculaire avec séquelles Biais de confusion résiduel (IMC et hypertension) ?
• L’IMC serait plutôt un facteur protecteur sa non prise en compte sous-estimerait donc la force de la relation
• Dans l’étude E3N, les antécédents d’hypertension ont à peu près la même fréquence chez les consommateurs que chez les non consommateurs de benfluorex leur non prise en compte n’aurait donc que peu d’impact
Discussion des hypothèses (3)
Hypothèse : HR(décès) associé aux valvulopathies non biaisé et extrapolable en moyenne aux insuffisances valvulaires ayant conduit à une hospitalisation entre 1976 et 2009
Discussion :
– Le HR (1,75) se rapporte à des valvulopathies diagnostiquées entre 1990 et 1995, i.e. au centre de la période 1976-2009
– Le HR est ajusté seulement sur l’âge et le sexe => biais de confusion résiduel ?
– Nkomo propose un HR ajusté également sur fraction d’éjection ventriculaire gauche, hypertension, diabète, maladie coronarienne (HR 1,36). Mais il inclut les maladies valvulaires diagnostiquées par échocardiographie en l’absence d’indication clinique (population avec échocardiographie systématique) moins symptomatiques, moins sévères (les symptômes sont un facteur prédictif majeur de survie) non adapté pour notre calcul.
Conclusion
• En une trentaine d’années de présence sur le marché, le benfluorex est vraisemblablement responsable d’un minimum de 3100 hospitalisations pour insuffisance valvulaire et 1300 décès liés à ces insuffisances valvulaires.
• Les décès dus à une hypertension artérielle pulmonaire attribuables au benfluorex, qui existent très vraisemblablement, n’ont pas été comptabilisés dans ce calcul.