de la notion d'ordre

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  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

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    \l

    h:

    ''i''

    'M

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    6/284

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    7/284

    l'abb

    a.

    CHOLLET

    DOCTEUR

    EN

    THEOLOGIE

    PROFESSEUR

    A L

    UNIVERSITE

    CATHOLIQUE

    DE LILLE

    DE

    LA

    NOTION

    D'ORDRE

    PARALLLISME

    DES

    TROIS

    ORDRES

    DE

    L'TRE,

    DU

    VRAI,

    DU

    BIEN

    PARIS

    P.

    LETHJELLEUX,

    LIBRAIRE-DITEUR

    10,

    RUE

    CASSETTE,

    10

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    8/284

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    9/284

    )

    DE

    LA

    NOTION

    D'ORDRE

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    10/284

    DU

    MME

    AUTEUR

    Chez

    M.

    P. LETHIELLEUX

    10,

    Rue Cassette,

    PARIS

    Lamorale

    stocienne en

    face

    de la

    moy^tle

    chrtienne,

    un

    beau

    vol.

    in-12,

    1898

    Prix :

    3,50

    Theologica

    Liicis

    theoria, un

    vol.

    in-8^,

    1893,

    Prix

    :

    5

    CHEZ M. A.

    TAFFIN-LEFORT

    30,

    Rue

    des

    Saints-Pres,

    PARIS

    24,

    Rue

    Charles -de

    -Mwjssart, LILLE

    Manuel

    de la

    dvotion au

    Saint

    Enfant

    Jsus mira-

    cul

    uo

    de

    Prague,

    un

    vol.

    gr.

    in-32 de

    411

    pages.

    dition

    ordinaire,

    broch

    0,90;

    percaline,

    tranche

    rouge,

    1,25.

    dition

    de

    luxe

    avec

    encadrement

    rouge et

    tranche

    dore,

    cuir anglais,

    2,50;

    mouton

    poli,

    4,50

    ;

    chagrin

    poli,

    5,25.

    CHEZ

    L'AUTEUR,

    3,

    Rue

    d'Isly,

    LILLE

    Oratio

    solemniler

    Jiabita

    in

    sacello

    arcliigymnasii

    catholici

    Insidis

    nonis

    Martlis

    MDCCCXCVII,

    de

    SYNTHESI

    PIULOSOPHICA

    D. TlIOM/E

    AqUINATIS,

    une

    brochure

    in-8

    Prix

    :

    0,50.

    Pangyrique

    de

    sainte

    Thrse,

    une

    brochure

    in-12.

    Prix

    :

    0,50.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    11/284

    l'abb

    a.

    CHOLLET

    DOCTEUR

    EN

    THEOLOGIE

    PROFESSEUR

    A

    L

    UNIVERSITE

    CATHOLIQUE

    DE

    LILLE

    DE

    LA

    NOTION

    D'ORDRE

    PARALLLISME DES TROIS

    ORDRES

    DE L'TRE,

    DU

    VRAI,

    DU

    BIEN

    PARIS

    P.

    LETHIELLEUX,

    Libraire-diteur

    10,

    rue Cassette, 10

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    12/284

    THE INSTITUTE OF

    MED AEVAL

    STUDES

    10

    ELMSLEY PLACE

    TOhQi^iTO

    5,

    CArvADA,

    DEC

    -2

    1931

    IS3I

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    13/284

    AVANT-PROPOS

    La notion

    doy^dre,

    qui n tait

    jjas

    ignore

    des

    ancie77s, est

    devenue, depuis

    quelque

    temps

    suyHout,

    Vobjet de nombreux travaux

    philosophiques.

    C'est

    d'elle que se proccupent

    les auteurs

    qui

    traitent de

    ((

    taxinomie

    ou

    d'harmonologie

    .

    Aussi

    nous

    a-tAl

    paru

    opportun

    de

    lareprendre

    et de

    V

    analyser,

    sous

    la

    direction

    du Docteur

    ange

    tique.

    Une

    telle

    tude

    nous

    semblait d'auta7it

    plus utile

    qu'elle

    peut,

    nos

    yeux,

    aider

    grandement

    la

    solution

    des

    problmes

    les

    plus graves

    de

    la

    philo-

    sophie,

    tels

    que

    celui

    de

    Vobjectivit

    de

    la

    connais-

    sance ou celui des bases ontologiques

    de

    la

    libert

    et

    du

    bien.

    Dans

    ce

    sicle,

    en particidier,

    on

    s est

    plu

    sparer le

    monde

    de l'tre,

    celui

    du

    vrai

    et

    celui

    du

    bien.

    On en

    a

    fait

    des7nondes totalement

    diffrents,

    ayant chacun

    sa

    nature,

    ses

    lois

    et

    mme

    son

    hidpendance

    .

    On

    a

    creus

    un

    abme entre

    eux

    et

    alors s

    est pos

    le

    trs

    gros problme

    du

    u

    po?it

    jeter

    de Vun

    Vautre,

    pour

    relier

    l'esprit au

    rel, la

    volont

    l'esprit

    et

    au

    rel.

    Bien des architectes ont

    travaill

    ce pont.

    Combie^i

    de

    fois

    a-t-il

    t

    dmoli et reconstruit? Est-

    on

    sr

    aujourd'hui

    de

    l'avoir

    dfinitivement

    assi^

    sur

    des

    piliers

    inbranlables

    ?

    N'tait-ilpas

    plus expdient et

    plus vrai de

    fondre

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    14/284

    VI

    avec saint

    Thomas

    ces

    trois

    mondes en un seul

    ? A

    en

    croire

    l'Ange

    de

    V

    Ecole,

    la

    sphre de

    la

    pense

    et

    celle

    de Vapptiiion

    ne sont

    pas

    si

    j^^^o

    fondement

    distinctes

    de

    celle

    de la

    ralit

    qu'on

    ne puisse

    et

    quon ne

    doive les

    y

    ramener.

    Le

    phnomne de

    la

    connaissance se

    prsente

    sous

    deux

    faces,

    ouplutt se

    dcompose en deux

    lynents:

    Vohjet

    et

    le

    sujet.

    Or,

    l'objet

    est

    un

    agent

    rel

    qui

    rentre dans la

    dfinition

    de

    tout

    agent

    et

    dont l'action

    suit

    les

    lois7nmes

    de

    l'action en

    gnral,

    de

    celle qui

    s'exerce

    partout,

    dans

    la ralit

    comme

    dans

    la

    connaissance. Le

    sujet,

    la

    facult,

    doivent

    galemejit

    tre

    ramens

    la

    catgorie

    commune de

    l'agent ou

    du

    patient.

    En

    un

    mot,

    les

    faits

    de

    connaissance

    ne sont

    qu'icne

    catgorie

    spciale

    qui

    rentre

    dans

    V

    universalit

    des

    faits

    rels. Ils

    ont

    les mmes

    lois,

    obissent

    aux mmes

    tendances et ne

    inanifestent

    leur

    vertu propre

    qu'en subordination avec les nergies

    gnrales du

    monde.

    Le

    phnoynne

    de

    tapptition

    et

    celui

    p)lus

    concret

    de

    la libert

    rpondent

    au

    mme

    concept.

    Ils sont

    des

    cas

    particuliers de

    tendances universelles

    : ils parti-

    cipent la

    nature de

    celles-ci, suivent

    le

    mme

    cours

    qu'elles.

    S'ils ont

    leur

    caractre

    particidier,

    ils

    ne

    se

    sparent

    pas

    plus du

    reste

    de la ralit que

    les

    tendances

    p)articidires

    d'un

    vgtal

    ou

    d'un orga-

    nisme

    animal

    ne

    se

    placent en dehors

    de

    la srie

    des

    activits

    fi)

    lie

    s.

    Il

    n'y

    a

    donc

    pas

    trois

    inondes

    spars,

    mais

    des

    sections

    distinctes et

    subordo7ines dans un

    ensemble

    total;

    il n'y

    a

    pas

    d'abhne

    entre ces

    trois

    mondes,

    rduits

    un

    seul,

    et

    la question

    du

    .

    pont

    est

    tellement

    simplifie

    que Von

    comprend

    son omission

    2nir

    le

    Docteur

    anglique.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    15/284

    vil

    Telle

    est

    Vide

    qui

    nous

    a

    guid dans

    ce

    travail.

    Pour

    la

    faire

    ressortir

    plus

    vivement,

    nous avons

    emprunt

    saint

    Thomas la

    plupart de

    ses

    affiyma-

    How^

    relatives

    au

    paralllisme qui

    unit

    le vrai

    et

    le

    bien

    Vtre.

    Ce

    paralllisme

    accuse

    Vunit,

    l'identit

    entre

    l'objet

    de ces

    trois

    concepts

    ^

    et

    ds

    lors

    y

    supprime toute

    opposition. Nous

    serions

    heureux si

    nous avions

    pu

    ce

    prix

    apporter notre

    modeste

    contribution

    la

    solution

    de

    difficults

    si

    aigus

    de

    la

    philosophie

    moderne.

    ^y^^

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    16/284

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    17/284

    CHAPITRE

    I.

    DE LA

    NOTION D'ORDRE

    1.

    Difficult

    de

    fixer

    cette

    notion.

    Notion

    gnrique

    de l'ordre.

    La

    ratio

    prioris

    et posterions,

    et

    le

    principe

    de

    l'ordre.

    1.

    Le concept d'ordre

    comme une foule

    de

    notions

    simples

    ou

    courantes

    est

    saisi

    par

    tout

    le

    monde.

    Demandez

    l'homme le

    plus grossier

    s'il sait

    ce

    que c'est que l'ordre, s'il

    saurait

    reconnatre

    quand

    une

    chose est

    ordonne

    et

    quand

    elle ne

    l'est

    pas. Sa

    rponse

    vous

    enlvera

    tout

    doute

    ce

    sujet. Mais si

    vous vous

    interrogez

    vous-mme

    :

    Qu'est-ce que

    l'ordre, quelle en est la dfinition,

    quels en

    sont

    les

    lments

    mtaphysiques, les

    conditions

    essentielles,

    alors

    la difficult

    apparat,

    et ce

    n'est

    pas

    sans

    maintes rflexions

    et

    sans un

    grand travail

    que

    vous

    parviendrez

    fixer ce

    concept,

    lui donner

    la prci-

    sion

    et

    la clart requises.

    Pour atteindre

    ce

    but,

    comparons

    plusieurs

    faits

    o

    il

    y

    a videmment de

    l'ordre,

    avec d'autres faits

    o

    il n'y

    en

    a

    pas.

    Je suis

    auprs

    d'un

    champ

    de

    manuvres :

    sur

    le

    terrain,

    des

    troupes

    et un

    gnral qui

    les

    passe

    en

    revue

    ;

    autour

    du

    terrain,

    une

    nombreuse

    assistance

    de

    curieux.

    Si

    j'observe les

    troupes,

    j'admire

    bientt

    la

    rgularit

    des

    lignes,

    la

    belle

    harmonie

    qui

    rgne

    dans

    cette

    masse

    d'hommes,

    o

    chacun a reu

    et

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    18/284

    2

    DE LA

    NOTION

    d'oRDRE

    occupe

    sa

    place, o

    les

    intervalles

    sont

    gaux, o

    la

    distinction

    des

    armes

    et

    des

    grades

    est

    parfaitement

    marque : c'est

    un effet

    de

    l'ordre.

    Je

    me

    retourne

    de

    l'autre

    ct,

    mes

    yeux

    rencontrent

    la foule

    des

    assistants : hommes,

    femmes,

    enfants, presss

    ple-

    mle au

    hasard de

    leur arrive :

    l

    aussi

    il

    y

    a

    des

    masses d'hommes comme de

    l'autre

    ct, mais sans

    cette

    belle disposition

    que j'admirais

    tout

    l'heure :

    l

    il n'y

    a

    pas

    d'ordre.

    Autre

    exemple

    : Je

    prends

    ma montre en

    mains,

    je

    l'ouvre,

    j'y

    vois

    un certain

    nombre de pices

    de

    formes

    diffrentes

    :

    des

    roues

    de

    diverses grandeurs,

    des

    rubis,

    des

    piliers, un

    ressort, un balancier,

    un

    spiral,

    un cadran,

    des

    aiguilles,

    etc. Tout cela

    tient

    un

    rang

    savamment tudi;

    toutes ces pices

    sont

    habilement

    montes

    et

    dpendantes les unes des

    autres,

    toutes

    marchent lentement

    et

    srement,

    et

    l'ensemble

    de

    leurs

    mouvements

    aboutit

    me

    faire

    connatre

    l'heure.

    Il

    y

    a

    de

    l'ordre

    dans

    ma

    montre.

    Mais

    je

    la

    dmonte; j'en enlve

    les

    pices les

    unes

    aprs

    les

    autres,

    je les

    dpose

    sur

    ma

    table;

    elles

    sont

    bientt

    l toutes,

    comme auparavant:

    il

    n'en

    manque

    pas

    une

    seule,

    mais

    elles

    sont

    ple-mle,

    il

    n'y a

    plus

    de dpendance,

    d'habile

    enchevtrement

    entre elles, elles

    ne se

    meuvent

    plus;

    je ne

    sais plus

    l'heure, je

    n'ai

    plus

    de montre.

    Qu'ai-je fait?

    J'ai

    rompu

    l'ordre

    qui

    existait

    entre

    toutes ces

    pices.

    2. Qu'est-ce

    donc

    que

    l'ordre?

    (1)

    Pour un

    ordre, il

    faut

    videmment

    quelque

    chose.'

    On

    n'ordonne

    pas

    le nant. Il

    faut

    plusieurs choses

    (l) Polnian [BrevUirlum thologie, n

    420)

    dfinit

    Tordre:

    Ordo

    est

    htdntudo

    et

    dispos Itio

    rerum

    ad

    aliquod

    principiian

    et

    inter

    se,

    secanduin

    prioritatein et

    posterioritateni

    oriuinis.

    naturte,

    causali-

    tatis,

    durationis,

    tiiinporis,

    dignitatis,

    priidentiai,

    situs,

    etc..

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    19/284

    DE LA

    NOTION D ORDRE

    3

    distinctes,

    parce que

    Tordre

    suppose

    des

    relations,

    lesquelles

    ne sauraient

    exister

    sans

    plusieurs

    termes.

    Ad

    hoc

    quod aliqua

    habeant

    ordinem,

    dit

    saint

    Thomas, oportet

    quod utrumque

    sit ens,

    et

    utrumque

    sit distjictimi,

    quia

    ejusdem

    ad seipsum non

    est

    ordo

    (1)

    ;

    et

    ailleurs

    :

    Ordo

    absque distinctione

    non

    est

    (2).

    Dans un

    autre endroit

    encore, num-

    rant

    les

    conditions

    requises

    pour

    constituer un ordre,

    il

    exige aussi

    cette distinction

    et cette

    multiplicit

    des

    choses

    ordonnes.

    Mais il

    a

    soin

    de

    remarquer

    aussitt

    que

    le

    mot

    'ordre suppose

    cela plutt qu'il

    ne

    le

    signifie

    (3).

    C'est ce

    qu'on

    pourrait nommer

    la

    matire de

    l'ordre,

    cet

    lment

    pralable

    et

    ncessaire

    qui

    est

    prsuppos

    et

    qui

    recevra

    le

    perfectionnement

    appel

    Vordre.

    En

    ralit, dans

    ma

    montre, il

    y

    a

    plusieurs

    pices

    distinctes,

    dans

    l'arme,

    il

    y

    a un grand

    nombre

    d'hommes,

    individuellement

    distincts

    aussi,

    et

    ces

    pices

    multiples,

    ces

    hommes

    nombreux

    sont

    la

    matire,

    la

    chose

    pralable

    que

    l'ordre

    viendra

    ensuite

    disposer

    en

    un

    ensemble harmonieux.

    La

    distinction

    tant

    ncessaire

    pour fournir

    matire

    un arrangement,

    un ordre, il

    s'ensuit

    que,

    dans

    la

    nature divine,

    cause de

    son

    infinie unit, il

    n'y

    a

    pas

    d'ordre rel

    possible

    ;

    que

    cet

    ordre

    ne se

    trouve

    que

    dans

    les

    Personnes

    divines,

    dans l'auguste

    Trinit,

    et

    que

    l

    il

    se confond

    avec

    ce qui fait la

    distinction

    des

    personnes.

    Un

    seul

    ordre est

    donc

    possible

    en Dieu,

    c'est

    l'ordre

    de

    procession, ordo

    originis

    (4).

    (1)

    De

    Pot,

    q.

    7,

    a.

    11.

    (2)

    De

    Pot,

    q.

    10,

    a. 3.

    (3)

    Ordo

    in

    ratione

    sua

    tria

    requirit

    :

    distinctionem quia

    non

    est

    ordo

    aliquorum,

    nisi

    distinctorum.

    Sed

    hoc magis

    prsupponit

    nomen

    ordinis

    quam

    significat.

    1 Sent.,

    d.

    20,

    q.

    1,

    a.

    3,

    q.

    2.

    (4)

    Cf.

    1 Sent.,

    ihid.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    20/284

    4

    DE

    LA NOTION

    D

    ORDRE

    3. Poussant plus

    loin

    l'analyse

    de

    ce concept,

    saint

    Thomas

    y

    trouve

    une ?^atio

    prioris

    etposterioris.

    Il ne faut pas

    seulement

    plusieurs

    choses, mais il

    est

    indispensable que

    ces

    choses, dj

    distinctes, soient

    en

    outre ingales, que

    les unes soient

    plus que

    les

    autres,

    suprieures

    aux

    autres, avant les autres

    (1).

    Les

    pices

    de

    la

    montre n'ont pas toutes

    une

    mme

    valeur,

    elles

    ne concourent

    pas

    d'une manire gale-

    ment prochaine au

    but

    qui

    est

    d'indiquer

    l'heure

    ;

    l'aiguille

    me

    renseigne immdiatement,

    le

    ressort

    lui

    aussi

    a

    sa

    part

    essentielle, mais

    bien plus

    lointaine,

    l'indication

    de

    l'heure.

    Ainsi

    chaque pice collabore

    son

    rang, les unes

    d'une

    manire

    plus

    imm-

    diate,

    les autres d'une

    faon

    plus

    loigne, les

    unes

    indispensables, les autres

    moins

    utiles,

    d'autres

    enfin

    inutiles

    et

    servant

    la

    dcoration

    seule.

    Les

    soldats passs en revue

    sont

    dans un semblable

    rapport rciproque

    de

    supriorit

    et

    d'infriorit,

    d'antriorit

    et

    de

    postriorit

    :

    les

    uns

    commandent,

    les

    autres obissent; les

    uns marchent en

    avant,

    les

    autres

    suivent

    :

    on

    peut

    facilement trouver

    parmi

    eux,

    la

    ratio prioris et posterioris requise par

    saint

    Thomas.

    4.

    Cette ingalit

    des

    parties, entre lesquelles

    l'ordre

    sera mis,

    doit

    s'expliquer par

    une

    relation

    diffrente

    de

    chacune

    d'elles

    un

    principe.

    De

    deux

    choses

    ingales,

    l'une est

    avant l'autre, au-dessus

    d'elle,

    prius, la seconde est

    aprs

    la

    i)remire,

    au-

    dessous

    d'elle,

    posterius,

    parce

    que

    toutes

    deux ne

    soutiennent

    pas

    le mme rapport un terme

    commun

    (1)

    Ordo in

    ratlone

    sua

    inclndlt... rationeni

    prioris

    et posterioris,

    unde

    secundum

    oninos

    illos

    modos

    potost dici esse

    ordo

    aliquoruni

    secundum

    quos

    ali((uid altero

    prius

    dicitur

    et

    secuiuhnn

    locum et

    secundum tempus et

    secundum omnia hujusmodi.

    Ibid.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    21/284

    DE

    LA

    NOTION D

    ORDRE

    O

    qui

    s'appelle

    25rmcip^.

    S'il

    s'agit

    par

    exemple

    d'tablir

    un

    ordre

    chronologique

    entre

    les

    divers

    vnements

    d'une

    poque,

    on fixera

    en

    premier lieu, le point

    de

    dpart de

    cette

    poque,

    puis

    on

    classera d'abord

    les

    faits

    synchroniques

    de

    ce

    point

    initial, ensuite

    les

    faits

    postrieurs

    les plus

    voisins,

    enfin les plus

    loigns.

    La rgle,

    qui

    nous

    guidera

    dans

    le classe-

    ment

    de

    ces

    faits,

    sera

    donc

    le

    plus

    ou

    moins

    de

    rapprochement avec

    la date

    premire,

    le principe de

    l'poque

    tudie.

    Si

    l'on

    veut, dans

    une

    autre

    sphre

    d'ides, crer

    un

    ordre

    scientifique

    entre les

    diffrentes

    vrits,

    probabilits,

    ou

    hypothses

    qui

    concernent

    un

    objet

    donn,

    on

    remarquera

    d'abord

    que

    ces

    affirmations

    n'ont pas

    toutes une

    gale certitude, que

    parmi les

    plus

    incontestables,

    tandis

    que

    les

    unes

    reoivent

    leur

    certitude

    d'autres

    vrits,

    celles-ci

    au

    contraire

    apparaissent

    certaines par

    leur

    propre vidence,

    communiquent

    leur

    vrit

    immanente

    aux

    conclu-

    sions

    qui

    en

    sont

    dduites

    logiquement,

    mais

    ne

    sont

    elles-mmes

    tires d'aucune prmisse. On

    constatera

    que de

    telles

    certitudes

    mritent

    et

    possdent

    la

    dignit de

    principes, on

    en

    fera

    la

    base

    du

    systme

    scientifique

    cherch,

    puis

    on

    y

    joindra

    leurs

    premires

    conclusions,

    ensuite

    leurs dduc-

    tions

    lointaines;

    aprs

    les

    vrits

    certaines

    et

    parfaitement dmontres,

    on

    classera

    les opinions

    probables,

    enfin

    les

    hypothses

    uniquement

    possi-

    bles.

    De la sorte

    s'tablira un

    ordre bas

    sur

    la rela-

    tion

    de

    priorit des vrits scientifiques

    et ces

    relations

    de

    priorit

    elles-mmes

    auront

    pour

    terme

    premier

    et

    pour

    source,

    un

    principe.

    Saint

    Thomas

    a

    donc raison

    de dire

    :

    Prius

    et

    posterius dicuntur

    in

    quolibet

    ordine

    per

    comparationem ad

    principium

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    22/284

    G

    DE LA NOTION d'oRDRE

    illius ordinis

    (1).

    Et

    on

    peut

    conclure

    que

    partout

    o

    il

    y a

    un

    principe,

    il

    y

    a

    un

    ordre

    et

    que

    partout

    o

    il

    y

    a

    un

    ordre, il se trouve

    un principe.

    5.

    Les deux

    exemples

    que

    nous venons

    de citer

    montrent que

    les relations

    avec

    un principe

    peuvent

    tre

    de nature

    diffrente

    :

    parfois elles sont

    tout

    extrinsques

    et

    bases sur

    une

    simple

    comparaison

    de

    lieux ou de

    temps, par exemple les relations entre

    les

    colonnes

    d'un portique, ou entre

    les vnements

    d'une

    anne.

    Dans ce cas, du

    principe

    ce

    qu'on

    lui

    compare,

    il n'y

    a

    que

    des rapports

    de

    proximit

    ou

    d'loignement.

    D'autres

    fois,

    ces relations sont

    intynsques

    et

    fondes

    sur

    une

    intime

    et

    relle

    communion la

    nature,

    aux

    qualits

    et

    perfections

    du

    principe. Par

    exemple,

    les diffrentes conclusions

    d'une

    mme

    science

    sont

    intimement

    lies

    avec ses

    principes

    :

    elles

    leur

    empruntent

    lumire

    et

    certitude,

    elles

    participent

    jeur

    nature et

    sont

    plus

    ou

    moins

    pro-

    chaines, suivant

    qu'elles

    communient plus ou

    moins

    leur

    vrit.

    Dans

    cette

    hypothse, les

    divers

    lments

    de

    l'ordre se

    rattachent

    au

    principe par

    des

    rapports

    d'effet

    cause,

    d'manation,

    de

    participation^

    6. La

    y^atio

    prloris

    et

    posterioris

    ,

    la relation

    avec

    un

    principe et

    la

    disposition

    harmonique rgle

    d'aprs

    la

    nature

    et

    les

    degrs

    de

    cette

    relation, cons-

    tituent

    essentiellement

    l'ordre

    et

    lui

    donnent

    cette

    unit

    dans

    la

    multiplicit

    sans

    laquelle

    il

    ne saurait

    exister.

    La

    multiplicit,

    c'est--dire

    les choses dis-

    tinctes

    que

    nous

    avons prsupposes,

    constituent

    ce

    (1)

    Qaol.

    V.

    a.

    19. Cf.

    Siimma

    theoL,

    1

    p., q.

    42,

    a. 3.

    Ferra-

    riensis,

    in Snmmani coatra

    gentes, 1.

    m,

    c.

    08.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    23/284

    DE LA

    NOTION

    D

    ORDRE

    7

    que nous

    avons

    appel

    la matire

    de

    l'ordre

    ;

    Vunit,

    c'est--dire

    ce

    groupement

    raisonn

    tabli

    d'aprs

    les

    degrs

    des

    choses et

    leurs

    rapports

    avec le

    prin-

    cipe

    de

    l'ordre,

    est

    la

    forme,

    ce

    qui

    fait que

    cet

    ordre

    est

    rellement

    un ordre,

    qu'il

    en

    possde

    la

    nature,

    et

    en

    ralise

    les

    conditions.

    II.

    Notion

    spcifique

    de

    l'ordre.

    La

    ratio

    communis.

    Rle prcis

    et

    multiple du

    principe

    dans

    la consti-

    tution de

    r

    ordre.

    7. Jusqu'ici

    nous

    n'avons

    encore

    expliqu que

    le

    concept

    en

    gnral,

    son genre,

    en

    un

    mot

    ce

    qui

    est

    ncessaire

    pour

    crer un

    ordre. Il

    nous

    reste

    cher-

    cher ce

    qui

    spcifie

    l'ordre,

    son espce,

    ce

    qu'il

    faut

    pour

    crer

    tel

    ordre

    dtermin,

    cet

    ordre et

    non tel

    autre

    ordre.

    Ici

    encore

    le

    principe

    dterminera

    l'espce,

    et

    suivant

    que

    le

    principe

    sera

    de

    telle

    ou

    telle

    essence^,

    l'ordre

    lui-mme sera

    de

    telle

    ou

    telle

    nature

    (1).

    Si

    le

    principe

    d'un ordre

    est

    un

    lieu

    dtermin, il

    est

    vident

    qu'on ne

    pourra

    lui

    comparer

    que des

    lieux

    occups

    par tel

    ou

    tel

    corps,

    et

    l'ordre

    qui

    en

    rsultera sera

    un ordre

    local

    ;

    si

    le

    principe est au

    contraire

    une vrit

    premire, on

    ne pourra

    lui

    com-

    parer

    et

    construire

    sur lui qu'un systme de

    vrits

    drives,

    c'est--dire

    un

    ordre

    scientifique.

    8.

    Et l'explication de

    ce fait

    est

    dans

    la

    nature

    mme

    du

    principe

    et

    dans la

    dpendance

    o

    sont

    envers lui

    tous les

    lments

    de

    l'ordre.

    (1;

    Ex

    ipso

    principio accipit ordo speciem,

    sicut est

    aliquis

    ordo

    secundum

    locum,

    aliquis est

    ordo

    secundum

    tempus,

    in

    quantum

    unus

    accipitur

    per comparationem ad

    principium

    loci,

    alius

    vero

    per

    comparationem ad

    aliquod principium temporis.

    Ferrariensis,

    in

    Summam

    contra

    gentes,

    1.

    m,

    c.

    98.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    24/284

    8

    DE LA

    NOTION

    d'oRDRE

    En effet, pour

    constituer

    un

    ordre, la

    distinction

    entre

    les

    parties

    ne

    suffit

    pas,

    il

    faut

    de

    plus

    une

    raison commune.

    On

    ordonne

    des

    hommes

    entre

    eux,

    des vrits avec

    des

    vrits,

    des

    chiffres

    avec

    des

    chiffres,

    non des

    vrits

    ou

    des

    chiffres avec

    des

    hommes.

    Il

    faut,

    en

    un

    mot,

    que

    les

    choses

    qui

    entrent dans

    la

    composition

    d'un

    ordre aient

    une

    mme

    nature,

    au

    moins

    une

    nature analogue,

    soient

    de mme

    espce,

    de

    mme

    genre, au

    moins

    loign.

    Les

    diffrences

    ne

    pouvant

    jamais

    tre

    totales,

    elles

    devront

    toujours

    supposer

    la

    base une

    essence

    analogue ou

    identique.

    9. Or, cette

    raison

    commune

    se

    rencontre

    minem-

    ment

    dans le

    principe de

    l'ordre. Ce

    principe

    s'entend

    parfois

    d'un premier ou

    d'un point

    de dpart;

    par

    exemple,

    dans

    l'ordre numrique,

    le

    principe

    sera le

    pi-emier

    nombre, l'unit;

    dans

    l'ordre'

    go-

    mtrique,

    il sera

    le point.

    Pris

    dans

    cette

    acception le principe

    n'est pas cause

    (1).

    Mais le

    plus

    souvent, il

    n'est

    pas

    seulement

    un

    premier,

    il

    est

    encore

    une cause

    dont

    la fcondit produit les

    autres

    parties du mme

    ordre.

    Par exemple,

    dans

    l'ordre

    du

    bien, le principe est

    le premier

    bien,

    lequel

    est

    en

    mme

    temps

    la

    source

    de

    tous les

    autres

    biens.

    Qu'il

    soit un premier, ou

    qu'il soit

    aussi

    une

    cause,

    le principe

    contient videmment et souvent

    minemment la

    raison commune; sans quoi il ne

    serait

    pas

    le premier

    de

    la srie et

    encore

    moins

    pourrait-il tre la cause des

    autres.

    Qu'il

    y

    ait

    une

    (1)

    Ne

    pourrait-on

    pas,

    mme dans ces

    cas,

    trouver

    une certaine

    causalit

    dans

    le

    principe?

    Saint Thomas aprs Aristote

    [in

    \III

    Met.,

    1.

    3.)

    ne

    re

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    25/284

    DE

    LA

    NOTION

    d'oRDRE

    9

    dpendance

    entre

    tre

    premier

    et

    tre

    cause,

    Aristote

    et

    saint

    Thomas

    l'ont

    compris

    lorsqu'ils

    ont

    affirm

    cet

    axiome

    de leur

    philosophie

    :

    lUud

    quod

    est

    primum

    in quolibet

    gnre,

    est causa

    omnium

    qu

    sunt

    post, ut

    dicitur II Met.

    text. 4

    (1).

    Ce

    qui,

    dans

    un

    genre

    dtermin,

    est le

    premier,

    est

    en

    mme

    temps

    la cause

    de

    tous

    les

    tres classs dans

    le

    mme

    genre

    ;

    rciproquement,

    ce

    qui

    est

    la

    cause

    de tous

    les

    individus

    d'un

    genre dtermin, doit

    tre

    class

    au

    premier

    rang

    de ce genre; et cela

    parce

    que

    tous

    ces

    individus participent

    des degrs

    divers

    sa

    nature,

    puisent en lui comme

    leur

    source natu-

    turelle

    et

    ne

    sont,

    n'appartiennent

    ce

    genre que

    dans

    la mesure o

    ils

    reoivent

    de ce

    premier

    prin-

    cipe,

    de

    cette

    cause

    suprme de

    leur

    genre.

    Dans

    la

    catgorie du

    vrai,

    il

    y

    a

    une vrit

    premire et

    infinie,

    qui

    n'est

    pas cette

    vrit-ci, ou

    cette

    vrit-l,

    mais

    qui

    est

    la

    Vrit

    ;

    tant la

    vrit

    premire,

    elle

    est

    l'origine

    de

    toute

    vrit

    et

    rien n'appartiendra

    la

    catgorie

    du

    vrai

    qui

    ne

    soit un

    reflet

    de

    la vrit

    premire. Il conviendrait d'en

    dire

    autant

    de

    la

    A

    Beaut,

    de

    la Bont

    premire,

    de

    l'Etre,

    du Moteur

    premier et par

    excellence,

    comparativement

    toute

    beaut,

    toute bont, tout tre,

    tout

    mouvement,

    moteur ou

    mobile.

    10.

    Cette

    raison commune,

    par exemple la vrit

    que

    l'on rencontre

    dans

    tout

    ce

    qui

    appartient

    l'ordre

    du vrai, la bont

    qui

    se

    trouve dans tout

    ce

    qui constitue

    l'ordre

    du

    bien,

    cette

    raison

    commune,

    qui fait

    le

    fond

    de

    toutes

    les

    parties de l'ordre

    et

    qui

    est

    ralise

    ncessairement

    et

    presque

    toujours

    un

    degr

    suprieur

    dans le

    principe

    du mme ordre, est

    (1)

    Sitmm.

    theoL,

    3

    p. q.

    56,

    a.

    3.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    26/284

    10

    DE LA

    NOTION

    d'oRDRE

    aussi

    la

    raison

    spcifique

    (1)

    de

    chaque

    ordre.

    C'est

    par elle

    qu'un ordre

    est

    dtermin en

    lui-mme

    et

    qu'il

    se

    distingue de tout autre

    ordre,

    comme

    c'est

    par

    la ratio

    prioHs

    et

    posterioris

    et

    l'harmonie

    qui

    en rsulte

    qu'un

    ordre

    se

    distingue

    de ce

    qui

    n'est

    pas

    ordonn.

    Nous

    touchons

    donc

    ici

    l'essence,

    la

    nature

    spcifique

    de

    chaque

    ordre. Il

    est

    vident,

    en

    effet,

    que

    ce qui distingue

    spcifiquement

    l'ordre

    du

    vrai,

    de

    l'ordre

    du

    bien,

    c'est

    prcisment

    cette

    raison

    commune,

    cette nature

    de

    vrit

    qui

    se

    ren-

    contre

    des

    degrs

    divers,

    mais rels dans

    chacun

    de ses lments

    :

    ce

    n'est pas le

    degr,

    la

    quantit de

    vrai qu'il

    contient

    au

    total

    ou

    chacun

    de

    ses che-

    lons,

    mais

    c'est

    la

    vrit

    seule, parce

    que seule,

    comme

    la nature

    spcifique,

    elle est

    contenue dans

    chacun

    des

    individus,

    dans chacune

    des

    parties

    de

    cet

    ordre.

    11.

    Or, cette

    raison

    commune

    et

    spcifique, avons-

    nous

    dit,

    existe dans

    le

    principe

    de

    l'ordre :

    ce

    principe

    pourra

    donc

    trs

    lgitimement spcifier

    l'ordre

    auquel

    il

    sert de

    source

    et de

    tte

    et

    on

    dira que

    ce

    qui spcifie l'ordre

    du vrai,

    c'est qu'il

    dcoule de

    la

    Vrit

    ternelle,

    et

    que

    ce

    qui spcifie

    l'ordre

    du

    bien,

    c'est

    qu'il jaillit

    de

    la

    Bont

    premire

    et infinie.

    D'o

    l'on

    peut

    tirer

    cette conclusion

    qu'autant

    on

    aura de

    principes,

    autant

    on

    devra

    distinguer

    d'ordres,

    et

    que

    la varit, la

    multiplicit

    des principes

    entrane

    la

    varit

    et

    la

    multiplicit

    des

    ordres

    (2).

    (1)

    Qu'on ne s'effraie

    pas

    de

    l'antinomie

    apparente

    (lu'il

    y

    a

    dire

    d'une

    raison

    qu'elle est en

    mme temps

    commune et

    spcifique, c'est-

    -dire propre. Elle

    est commune

    toutes

    les

    parties

    de l'ordre,

    mais

    elles

    seules,

    et

    par consquent

    elle

    est

    propre

    cet

    ordre.

    (2)

    Ordo

    semper

    dicitur

    per

    comparationem

    ad

    aliquod

    principium.

    Unde

    sicut'dicitur

    principium

    multipliciter.

    scilicet

    secundum

    situm,

    ut

    punctum

    ;

    secundum

    intellcctum,

    ut principium

    dcmonstrationis

    ;

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    27/284

    DE

    LA

    NOTION

    d'oRDRE

    11

    12. Nous

    avons expos

    maintenant

    quelle

    est

    la

    m

    atire

    premire

    de

    j

    /grdre,

    le

    substratum

    sur

    lequel

    il

    doit

    rgner;

    nous

    avons

    cherch

    aussi

    dter-

    miner

    ce

    qui

    en

    constitue

    la_natura_^niique,

    ce

    qui

    le

    fait tre

    im ordre

    ;

    puis ce qui en

    est la

    nature

    spcifique,

    ce qui

    le

    fait tre

    tel

    ordre

    spar,

    il

    ne sera pas inutile

    de

    rsumer

    en

    quelques

    mots

    le

    rle

    prcis

    et

    multiple

    du

    principe

    dans

    le

    problme

    que

    nous

    essayons de

    rsoudre. Le

    principe

    est

    la

    base de la

    dtermination

    gnrique

    comme

    de

    la

    dtermination spcifique

    de

    tout

    ordre. La dtermi-

    nation

    gnrique, nous

    l'avons

    montr, s'tablit

    d'aprs la ratio

    prioris

    et posterioris; or cette

    ratio

    n'est

    autre

    chose

    que

    le

    rapport

    d'loigne-

    ment

    ou

    de

    proximit

    des

    membres de

    l'ordre

    leur

    principe

    :

    on les

    classera suivant qu'ils seront

    plus

    ou

    moins

    rapprochs

    de

    ce principe

    (1).

    Dans l'ordre

    du vrai, on devra mettre

    en

    premier

    lieu

    les vrits

    les plus universelles,

    les

    plus

    videntes,

    parce

    qu'elles

    se

    rapprochent

    davantage

    et

    participent plus

    intimement

    de la

    certitude

    et de

    l'infinit de

    la vrit substantielle

    et premire. On

    devra mettre

    au

    dernier rang

    les

    vrits

    les plus

    particulires

    et

    les

    moins dmontres, parce

    qu'elles

    s'loignent

    le plus du rayonnement

    de

    la

    vrit

    ter-

    nelle.

    On

    voit

    par

    cet

    exemple

    que

    c'est

    le

    principe

    lui-mme

    et lui

    seul

    qui rgle

    la

    constitution

    de

    l'ordre.

    Ce sera encore

    lui

    qui en

    fixera

    l'espce.

    Un

    prin-

    et

    secundum

    causas

    singulas;

    itaetiam

    dicitur ordo.

    Summa

    theoL,

    1

    p. q.

    42.

    a. 3.

    Cf. in

    3

    Sent.,

    d.

    3,

    q.

    4,

    a.

    l;

    a.

    2

    in corp.

    et ad

    2;

    in Joan.,

    lect.

    \\

    in

    V

    Met., 1. 13.

    (1)

    Significatio prioris

    dependet

    a

    significatione

    principii.

    Nam

    principium

    in

    unoquoque

    gnre est

    id

    quod est

    primum

    in gnre.

    Prius aiitem

    dicitur

    quod

    est propinquius alicui

    determinato

    principio.

    in V Met.. 1. 13.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    28/284

    12

    DE

    LA NOTION d'oRDRE

    cipe de telle

    nature sera la source

    ou

    le

    point

    de

    dpart

    d'tres

    de mme

    essence

    ou

    d'essence

    ana-

    logue. La

    vrit

    ternelle sera la

    source

    de

    vrits

    participes.

    Son

    caractre

    indiquera

    celui des

    dri-

    vations.

    En

    un mot

    l'ordre

    se

    constitue en

    raison

    des

    rapports

    de

    distance

    de

    ses parties leur

    principe, il

    se

    spcifie

    en

    raison

    de

    la

    nature mme

    du

    principe

    ;

    et

    le principe

    occupe

    une place

    prpondrante

    et

    essentielle

    dans

    l'tude

    de

    la

    notion

    d'ordre.

    Il

    est

    encore pour tous les

    lments

    de

    l'ordre,

    la

    source

    de leur

    tre

    et

    de

    leur distinction

    : la

    source

    de

    leur

    tre parce

    qu'ils ne sont (sauf

    dans les cas

    o

    le

    principe est seulement

    un

    premier)

    qu'en

    sortant

    de

    lui,

    qu'en

    jaillissant

    de

    son

    sein

    et

    de la

    perfection

    de

    son tre

    ;

    la source

    de

    leur distbiction, puisqu'ils

    ne

    se

    distinguent les uns

    des

    autres

    que

    parce

    qu'ils

    communient

    ingalement

    la

    richesse

    du

    principe.

    III.

    L'ordre est le bien

    et

    la

    forme

    de V

    univers.

    13.

    Saint

    Thomas

    qui

    a

    si

    bien

    saisi

    la

    notion

    d'ordre,

    qui l'a si

    compltement

    analyse,

    qui

    a

    nettement

    prcis

    le rle

    du

    principe dans

    la

    consti-

    tution de

    l'ordre,

    affirme

    que l'ordre,

    c'est

    le

    bien

    de

    l'univers

    :

    Bonum

    et

    optimum

    universi

    consistit in

    ordine

    partium

    ipsius ad

    invicem

    (1).

    Cette

    belle

    thorie

    demande

    quelques

    explications

    et

    certains

    dveloppements.

    14.

    Quand l'Ange

    de

    l'cole parle

    de

    bonum

    universi,

    il

    a

    sans

    doute

    en

    vue

    le monde, l'univers

    tout

    entier

    et

    il entend

    dire que

    l'univers

    est

    bon

    parce

    qu'il

    est

    ordonn,

    parce

    que

    le

    Crateur

    y

    a

    (1;

    Coiit.

    Gent., 1.

    II,

    c. 39.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    29/284

    DE

    LA

    NOTION

    d'oRDRE

    13

    mis

    un

    ordre

    rel

    et

    admirable.

    Mais

    la

    thorie

    peut

    s'tendre

    et

    s'appliquer,

    non

    seulement

    l'univers,

    mais

    toute

    collection d'tres, tout

    ensemble

    dont

    les

    parties

    sont systmatiquement

    disposes

    et

    rationnellement ordonnes.

    L'ordre est

    donc

    le

    bien

    de

    toute

    srie d'tres,

    de

    toute

    collection

    o

    on

    le voit rgner.

    15.

    Et quand nous

    disons

    qu'il est le bien

    de

    toute

    srie

    d'tres,

    nous

    voulons

    le

    distinguer

    d'un

    autre

    bien,

    le

    bien individuel,

    le

    bomim individid.

    Car

    tout

    tre peut se considrer

    de

    deux

    manires

    :

    indivi-

    duellement

    ou

    en

    groupe.

    L'individu qui

    est un tre

    physique

    substantiel,

    a

    sa bont propre,

    sa perfec-

    tion

    lui. Le

    groupe qui

    est une entit accidentelle,

    a

    galement

    sa

    bont

    et

    sa

    perfection

    propre.

    Les

    individus

    d'un

    groupe peuvent

    tre

    tous trs

    bons,

    parfaits

    mme,

    sans

    que leur groupe soit bon

    et

    surtout parfait. Autre

    chose est

    donc le

    bien, la per-

    fection

    de

    l'individu,

    et

    autre

    chose,

    le

    bien,

    la

    perfection du groupe. Or, cette dernire perfection,

    disons-nous, c'est

    l'ordre,

    c'est

    l'harmonie

    entre les

    parties

    du

    groupe,

    de

    la

    collection

    d'individus.

    16.

    Le bien

    c'est

    ce

    qui parfait;

    et

    ce qui

    parfait,

    c'est

    ce

    qui

    finit,

    achve,

    donne

    une ralit

    sa

    consommation, son

    dernier

    complment,

    celui

    aprs

    lequel

    on

    ne peut

    plus rien dsirer,

    aprs lequel

    toucher

    encore

    cette

    ralit

    serait la dtriorer, en

    lui

    ajoutant quelque chose

    de disparate,

    ou

    en

    lui

    enlevant

    quelque

    chose

    de ncessaire

    ou

    d'utile.

    L'ordre sera

    donc le

    bien

    de

    l'univers, le

    bien

    d'un

    groupe, et

    d'une

    collection,

    s'il

    les

    parfait, s'il leur

    apporte ce

    caractre

    de

    fini,

    de

    complet, indispen-

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    30/284

    14

    DE LA

    NOTION d'oRDRE

    sable

    la

    notion

    de

    perfection. Et

    c'est

    ce que

    saint

    Thomas affirme

    :

    Per hune

    enim

    ordinem universum

    in

    sua

    totalitate

    constituitur,

    qu

    est optimum

    ipsius

    (1).

    Tant

    que

    la

    collection

    n'est

    pas

    ordonne,

    il

    lui

    manque

    quelque

    chose,

    elle ne

    jouit pas

    de

    son intgrit,

    de sa

    totalit

    :

    toutes

    ses

    parties

    sont

    bien l,

    aucune

    ne

    manque l'appel,

    mais

    elles

    sont dsagrges,

    elles

    ne

    sont

    pas

    rapportes

    l'une

    l'autre, elles

    ne

    peuvent

    pas

    jouir

    de

    leur

    mutuel

    con-

    cours

    ;

    chacune

    s'en va

    de

    son

    ct. Au contraire,

    que

    l'ordre

    vienne

    organiser

    cet

    ensemble,

    en

    mettre

    chaque

    partie sa

    place,

    les

    enchsser,

    les enchaner

    les

    unes

    aux

    autres,

    aussitt

    toutes concourent

    au

    but

    commun,

    chacune

    apporte

    l'ensemble

    son

    tre,

    son

    activit,

    sa

    beaut,

    sa

    valeur,

    et

    la

    collection

    jouit

    de

    ses ressources,

    elle

    est un

    tout,

    elle

    se pos-

    sde tout entire

    :

    in sua totalitate

    constituitur

    qu

    est

    bonum

    ipsius.

    L'ordre

    est

    donc

    rellement

    un bien, le bien

    de

    la

    collection

    laquelle il

    s'applique, il

    en

    est

    encore,

    dit

    saint

    Thomas,

    la

    forme

    :

    Forma

    universi

    consistit

    in distinctione

    et

    ordine

    partium

    ejus.

    Il est

    bien

    certain, en effet,

    qu'une masse sans

    ordre, est

    laide

    et

    informe,

    et

    ce

    qui

    caractrise l'enfer

    est cette

    absence

    complte

    d'ordre

    qui

    en

    fait

    la confusion

    la

    plus

    horrible

    et

    la

    plus

    hideuse.

    IV.

    Ordre essentiel

    et ordre

    accidentel.

    17. Mais

    ce

    bien a des

    degrs :

    toutes

    les

    collec-

    tions

    d'tres ne sont

    pas

    galement ordonnes

    et

    ne

    participent

    pas

    dans

    la

    mme

    mesure

    la

    perfection

    de

    l'ordre. Il

    y

    a

    des

    tres

    qui

    sont

    de

    mme espce,

    (1)

    Cont.

    Ge,tt., 1.

    ii,

    c.

    39.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    31/284

    DE

    LA

    NOTION

    d'oRDRE

    15

    de

    mme nature,

    individus

    distincts d'une

    seule et

    unique

    race.

    Entre

    eux

    il

    y

    a

    identit

    d'essence,

    la

    distinction

    n'est

    qu'individuelle.

    Or, d'aprs la philo-

    sophie

    scolastique,

    ce

    qui, dans

    une espce,

    nous

    fait

    distinguer

    les individus,

    ce

    sont

    les

    accidents.

    Ayant mme nature^

    ces

    individus

    ne peuvent

    tre

    discerns les uns

    des autres que

    par

    des lments

    constitutifs

    surajouts

    la nature,

    et

    tout

    ce

    qui

    est

    ajout la nature,

    est

    accident.

    Les

    tres

    dont il

    s'agit

    ne

    sont

    donc

    spars,

    distingus

    que

    par des

    diff-

    rences

    accidentelles

    (1).

    Et

    comme

    l'ordre

    est

    l'unit,

    l'harmonie

    apporte

    dans

    les

    choses distinctes, l

    o les diffrences

    ne sont

    qu'accidentelles, l'ordre

    lui-mme ne

    sera

    qu'accidentel.

    Il

    en

    rsulte

    que

    si

    je

    veux

    disposer

    des

    hommes

    dans un

    ordre dtermin,

    ces hommes tant de

    nature

    identique, l'ordre

    ne

    pourra

    porter

    sur la

    nature

    humaine;

    on

    se sou-

    jvient

    du mot de saint

    Thomas

    :

    ejusdem

    ad seipsum

    Inon

    est ordo

    ;

    mais il

    atteindra

    les

    accidents

    ajouts

    cette nature

    et distinctifs

    des individus

    ;

    il

    ne

    sera

    qu'accidentel.

    Accidentel, l'ordre

    de

    bataille donn

    des troupes;

    accidentel,

    l'ordre social

    des citoyens

    entre

    eux

    et avec les

    autorits

    (2).

    Mais

    si,

    au lieu de s'tablir

    entre les

    individus

    d'une

    mme

    espce, l'ordre

    rgit les

    espces d'un

    mme

    (1)

    La

    philosophie

    donne

    un

    double

    sens

    au

    mot

    accidentel.

    Tantt

    elle

    l'oppose

    la substance

    et entend

    par accident tout ce qui se joint,

    s'ajoute

    la

    substance

    sans

    la

    constituer. Il

    est

    vident

    que

    nous

    .n'entendons

    pas

    dans

    ce

    passage

    le

    mot

    accidentel

    en ce sens et

    que

    nous

    acceptons

    une distinction

    substantielle

    entre

    chaque

    individu

    d'une

    mme

    race.

    Tantt accidentel

    est oppos

    essentiel

    et

    se

    prend

    pour

    tout

    ce

    qui n'est

    pas lment

    constitutif

    de l'essence

    des

    tres.

    Ici,

    nous

    employons

    cette acception,

    et

    identifiant

    l'essence

    avec

    l'espce

    constitue

    par

    le

    genre

    et

    la

    diffrence

    spcifique, nous

    appe-

    lons

    accident

    tout

    ce

    qui

    s'ajoute

    l'espce

    pour

    en diffrencier

    les

    parties

    ou

    individus.

    (2)

    Les

    moralistes

    se placent

    un autre point de

    vue

    et

    ne

    contre-

    disent

    pas ce

    que

    nous

    disons ici,

    quand ils

    fondent

    les

    prceptes de

    la morale

    sociale

    sur

    ce

    qu'ils

    appellent

    l'essence des

    choses.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    32/284

    16

    DE

    LA

    NOTION

    d'oRDRE

    genre

    ou

    d'une

    mme

    catgorie,

    alors

    il devient

    essentiel.

    Les diffrences,

    en

    effet,

    les

    raisons

    de

    priorit et

    de

    postriorit,

    de

    supriorit

    et

    d'infrio-

    rit

    qui

    serviront

    de

    base

    cet

    ordre,

    sont

    elles-

    mmes

    spcifiques

    et

    essentielles.

    Elles

    communi-

    queront

    ce

    caractre

    l'ordre.

    On connat

    la

    thorie

    de

    saint

    Thomas

    sur

    la

    diversit des

    natures

    angliques.

    Pour

    l'Ange

    de

    l'cole, la

    matire

    est

    principe

    d'individuation,

    la

    forme,

    principe

    de

    spcification:

    l o

    il

    y

    a

    matire,

    il

    y

    a

    des

    individus,

    l

    o

    il

    y

    a

    forme,

    il

    y

    a espce.

    Mais

    aussi o

    la matire

    fait

    dfaut,

    il

    n'y

    a

    plus

    individuation,

    mais espce

    seule.

    Les

    anges

    sont des

    formes pures,

    nullement

    unies

    la

    matire

    ;

    ils

    sont

    donc

    des espces

    pures

    ;

    et

    les

    diffrences

    qui

    existent

    entre

    eux

    tant

    des diffrences formelles,

    sont

    aussi

    spcifiques, et

    il

    n'y

    a

    dans

    le

    monde

    anglique

    que

    des

    espces.

    L

    on ne rencontre pas,

    comme

    dans

    le

    genre

    humain, o

    les

    mes

    sont

    par leur

    union

    plu-

    sieurs

    matires,

    multiplies et

    individues, un

    grand

    nombre

    d'individus

    de

    mme

    race,

    mais

    autant

    il

    y

    a

    d'anges,

    autant

    il

    y

    a

    d'espces.

    La

    hirarchie

    ang-

    lique n'est

    plus ds lors

    un ordre accidentel,

    comme

    les

    hirarchies humaines,

    mais

    elle

    est

    un

    ordre

    essentiel,

    harmonie stable

    tablie

    entre

    des

    tres

    spcifiquement

    distincts.

    Pareillement,

    l'ordi-e

    qui

    rgne

    entre

    les

    espces

    vivantes, entre

    les

    espces

    animales ou

    vgtales, entre les

    espces

    mme

    min-

    rales, est

    un

    ordre

    essentiel

    (1).

    (1)

    Oportet autem (|uod

    superiores

    univorsi partes

    magis

    de

    bono

    univers

    participent, ({uod est

    ordo.

    Perfectius autem

    participant

    ordinem

    ea

    in

    (luibus

    est

    ordo per

    se,

    ([uam

    ea in quihiis est

    ordo

    per

    accidens

    tantuni.

    Manifestum

    est autem (jucd

    in

    omnibus

    individuis

    unius

    speciei

    non

    est

    ordo

    nisi

    secundum

    accidens

    ;

    l'oiiveniunt

    enim

    in

    natura et

    differunt

    secundum

    principia

    individuantia

    et

    diversa

    accidentia,

    qu

    per

    accidens

    se

    habent

    ad

    naturam

    speciei.

    Qute

    autem

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    33/284

    DE

    LA

    NOTION

    d'oRDRE

    17

    18.

    On

    comprend maintenant

    ce

    principe

    mis

    par

    saint

    Tliomas,

    que

    de

    la

    diversit

    des

    formes,

    c'est--

    dire

    des

    espces,

    on

    peut

    tirer

    la

    raison

    de

    l'ordre

    des

    choses :

    Ex diversitate formarum

    sumitur

    ratio

    ordinis

    rerum

    (1).

    Dans

    l'ordre

    essentiel,

    c'est

    la

    diversit

    des

    espces, des

    formes spcifiques

    qui sert

    de

    substratum

    l'ordre

    mme des

    choses

    ;

    les espces

    ne

    sont

    ordonnes

    qu'en

    raison

    de

    leurs

    diversits

    spcifiques.

    Mais

    ce

    principe,

    vrai

    de

    l'ordre essentiel,

    ne

    l'est

    pas

    de

    l'ordre

    accidentel

    (2),

    puisque l

    il

    n'y

    a

    pas diversit,

    mais

    unit

    de forme

    et d'espce.

    V.

    Diverses

    espces

    d'or^dres.

    Ordre

    de

    raison

    et ordre

    rel;

    ordre

    rel

    interne ou externe.

    19.

    Nous nous

    sommes

    efforc

    jusqu'ici

    d'clairer

    et de prciser

    la

    notion

    d'ordre, il nous

    reste

    la

    diviser,

    chercher

    s'il

    y

    a

    diverses

    espces d'ordres

    et

    combien

    il

    y

    en

    a.

    La

    philosophie

    distingue en

    premier

    lieu l'ordre

    de

    raison

    et

    l'ordre rel.

    Car

    l'ordre,

    c'est l'unit

    dans

    la

    multiplicit.

    Or,

    s'il

    existe une

    multiplicit

    relle,

    une

    diversit objective

    et

    fonde

    sur la nature

    mme des

    choses,

    telle

    est

    par

    exemple

    la

    multiplicit

    de

    la

    diversit des

    matriaux

    d'un

    difice,

    il

    est vrai aussi

    que,

    dans un

    tre simple,

    l'intelligence

    peut distinguer

    plusieurs

    aspects,

    plusieurs

    concepts

    et,

    l

    o

    relle-

    ment

    rgne l'unit,

    apporter

    une

    multiplicit

    logique.

    N'est-ce

    pas le

    procd

    que nous

    sommes

    sans cesse

    specie

    differunt,

    ordinem

    habent

    per

    se

    et

    secundum

    essentialia

    prin-

    cipia.

    Invenitur

    enim

    in

    speciebus

    rerum

    una abundare

    super aliam

    sicut

    et in

    speciebus

    numerorum,

    ut

    dicitur

    in

    viii Met.

    com.

    10.

    Saint

    Thomas,

    de

    Spirit. crt.,

    qust.

    un.,

    art.

    8.

    Cf.

    in

    I

    sent.,

    d.

    12,

    a.

    2,

    2-.

    (1)

    Cont. Gent.,

    1.

    m,

    c. 97.

    (2)

    A

    moins

    qu'on

    n'ait

    recours

    aux formes

    accidentelles.

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    34/284

    18

    DE LA NOTION

    d'oRDRE

    A

    obligs

    d'employer

    dans l'tude

    de

    l'Etre

    divin?

    Quoi de

    plus simple en

    soi que

    Dieu?

    Quoi

    de

    plus

    complexe

    pour notre esprit?

    Quel

    tre

    nous

    impose

    plus

    de

    concepts?

    Nous distinguons

    en

    Dieu

    l'essence,

    les

    proprits,

    les

    attributs,

    l'unit, la

    puissance,

    l'infinit,

    la

    vrit,

    la

    bont,

    que

    sais-je? Il n'y

    a

    pas

    dans

    le

    trsor

    de

    l'esprit

    humain,

    une

    seule

    ide

    de

    perfection

    qui

    ne

    puisse

    tre

    applique

    Dieu.

    En

    un

    mot

    l'tre de

    Dieu

    est

    infiniment simple,

    notre

    intelligence

    y

    cre une

    multitude d'aspects,

    de

    concepts,

    de

    distinctions,

    sans lesquels

    elle

    resterait

    dans

    l'ignorance de

    son

    crateur.

    Si

    l'intelligence

    aprs

    avoir

    distingu

    plusieurs

    concepts

    dans

    un

    tre

    rellement

    simple,

    compare

    ces

    concepts

    entre

    eux,

    en trouve de

    plus

    essentiels

    et

    de

    moins

    impor-

    tants,

    si

    elle les

    classe en

    consquence

    dans un

    ordre

    proportionn

    leur

    valeur,

    leur vrit et

    leur

    certitude

    ;

    cet

    ordre

    cr

    par la raison

    parmi

    des

    concepts

    galement distingus

    par elle,

    s'appellera

    ordre

    de raison.

    La

    logique

    et

    la

    grammaire

    crent,

    et

    c'est

    l

    leur

    fonction,

    des

    tres

    qu'on

    a

    appels

    tres

    de

    raison,

    parce

    qu'ils

    n'ont

    aucune existence

    relle et

    extrieure et

    sont

    de

    purs

    fruits

    du

    travail mental

    :

    la

    logique

    cre

    des

    classifications

    d'ides

    ,

    la

    grammaire des

    classifications de

    mots

    ;

    l'une

    nous

    parle

    de

    genres

    et

    d'espces,

    l'autre

    de

    dclinaisons,

    de

    conjugaisons

    ou

    des diverses

    parties

    du

    discours

    :

    multiplicit

    rationnelle

    que tout

    cela,

    dans

    laquelle

    l'esprit

    tablira

    pareillement un

    ordre

    rationnel,

    un

    ordre de

    raison:

    soit

    qu'il

    compare

    ses

    crations

    entre

    elles,

    les espces

    avec les

    genres,

    les

    accidents

    avec

    les

    proprits,

    soit

    qu'il

    les

    compare

    avec

    des ralits

    comme

    le genre

    avec

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    35/284

    DE

    LA

    NOTION

    d'oRD-RE

    19

    l'individu,

    la

    notion

    gnrale

    d'homme

    avec

    Tindi-

    vidu

    qui

    s'appelle

    Socrate.

    Toutes

    les

    fois,

    au

    contraire,

    que

    les

    parties

    d'un

    ordre

    sont des

    ralits,

    qu'elles

    existent

    rellement

    et

    qu'elles sont

    relle-

    ment

    distinctes,

    l'ordre

    qu'on

    y

    introduit

    est

    rel(l).

    20.

    L'ordre

    rel

    lui-mme

    n'est pas

    uniforme et

    comporte

    quelques

    subdivisions.

    Outre

    l'ordre essen-

    tiel

    et

    l'ordre

    accidentel

    qui

    sont

    plutt des

    degrs,

    que

    des

    varits ou des

    genres

    d'ordre

    diffrents, il

    y

    y

    a

    lieu de

    distinguer

    Tordre

    qui

    implique une

    pure

    juxtaposition

    ou

    succession

    entre

    les parties,

    de celui

    qui

    suppose

    en

    outre

    entre

    elles

    des

    relations

    de

    communion

    intime

    et

    des

    rapports de causalit.

    Nous

    avons

    dj

    dit

    quel

    rle

    fondamental

    le

    principe joue

    dans

    la constitution

    gnrique ou

    spcifique

    de

    l'ordre. Nous

    avons dit

    aussi

    que

    le

    [principe peut

    tre

    ou

    un

    premier

    ou

    une cause.

    Lorsqu'il

    est

    uniquement

    un

    premier

    aprs

    lequel

    d'autres,

    par

    exemple,

    dans l'espace,

    d'autres

    corps,

    ou,

    dans

    le

    temps,

    d'autres

    faits,

    sont

    harmonique-

    ment

    coordonns,

    il est

    vident

    qu'il

    y

    a

    l un ordre,

    mais sans

    liens

    intimes,

    essentiels et

    bien

    troits

    entre

    les

    parties.

    Au

    contraire

    quand

    le principe

    est,

    en outre,

    une

    cause,

    la

    cause

    de toute

    la srie

    qui

    lui

    est

    ordonne,

    alors

    entre lui

    et

    tous

    ses

    drivs,

    il

    y

    a

    dpendance

    ncessaire,

    ceux-ci

    n'existent

    pas sans

    celui-l

    ;

    dans cette

    hypothse

    l'ordre

    est

    plus

    profond

    et

    plus

    stable.

    Ce

    second

    ordre

    s'appelle

    ordre

    de

    nature^

    parce

    qu'il pntre

    la nature

    mme

    des choses,

    et

    saisit

    jusqu'aux

    plus

    intimes

    profon-

    (1)

    Ordo

    absque

    distinctione

    non

    est

    ;

    unde

    ubi

    non

    est distinctio

    secundum rem,

    sed solum

    secundum modum

    intelligendi,

    ibi non

    potest

    esse ordo,

    nisi secundum modum

    intelligendi.

    De

    Potent.,

    q.

    10,

    a.

    3.

    Cf.

    q. 7,

    a.

    11.)

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    36/284

    20

    DE LA

    NOTION

    d'oRDRE

    deurs

    des tres. Le premier

    prend

    des

    noms

    divers

    suivant les objets auxquels il s'applique et

    s'appelle

    tantt

    ordre

    local, et

    tantt

    ordre chy^onologique,

    etc.

    VI. Ordre de la 'puissance et

    ordre

    de l'acte.

    21. L'ordre

    de

    nature

    son tour est

    multiple

    et,

    si

    l'on en

    croit

    saint

    Thomas, on

    doit en compter

    deux.

    En

    effet,

    deux

    grands

    principes

    se

    partagent

    l'ensemble des tres et

    concourent

    leur constitution

    essentielle

    :

    c'est,

    d'une

    part, l'acte

    infini

    et

    pur en

    Dieu,

    fini

    et

    ml

    de

    puissance

    dans les

    cratures,

    plus actuel

    et

    moins

    potentiel dans

    les

    tres

    sup-

    rieurs plus

    rapprochs

    de

    Dieu,

    moins actuel et

    plus

    potentiel

    mesure

    qu'il

    s'loigne de sa

    source

    ter-

    nelle. C'est,

    d'autre

    part, la

    puissance

    passive

    sans

    autres

    limites que

    le monde

    corporel

    et

    pure

    dans

    la

    matire

    premire, limite et

    unie

    l'acte

    dans

    tout

    tre

    fini,

    plus

    potentielle et

    moins

    actue

    dans

    les

    corps

    infrieurs, moins

    poten-

    tielle

    et

    plus

    actue

    quand on

    a

    mont dans

    l'chelle

    des

    tres. L'acte

    et la

    puissance

    sont

    principes;

    l'acte

    est

    principe de

    perfection,

    de

    dtermination,

    d'tre,

    d'activit, d'unit.

    La

    puissance est

    principe

    d'imperfection,

    d'indtermination, de

    non

    tre,

    d'inertie,

    de

    multiplicit. Deux

    grands

    ordres

    se

    partagent

    donc

    le

    monde

    :

    Vordre

    des

    actes,

    avec

    Dieu

    sa

    source,

    puis

    toutes

    les

    espces

    depuis les

    anges jusqu'au

    moindre

    minral

    ;

    ordre de

    perfection

    qui

    va

    du plus

    parfait

    au

    moins

    parfait. Ensuite

    Y

    ordre

    de

    la puissance,

    ayant

    la matire premire

    sa

    base,

    puis

    toutes

    les

    natures

    corporelles

    soumises

    aux

    changements

    substantiels,

    la

    mobilit

    essen-

    tielle

    et

    continue,

    enfin toutes

    les

    natures

    spiri-

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    37/284

    DE

    LA

    NOTION

    d'oRDRE

    21

    tuelles

    (1)

    finies

    dont

    la potentialit

    est

    purement

    accidentelle

    et

    ne

    subit

    que

    des

    changements

    qui

    n'altrent pas la substance : ordre

    de

    potentialit,

    qui

    va

    du

    moins

    parfait

    au plus

    parfait.

    22.

    A

    l'ordre de la

    puissance

    appartient la

    cause

    matrielle^ puisque

    la

    puissance est la

    cause

    mat-

    rielle

    mme

    des

    tre

    finis.

    A

    l'ordre

    de

    l'acte

    appar-

    tiennent

    trois

    causes, la

    cause formelle, la

    cause

    efficiente

    et

    la

    cause

    finale;

    car, dans

    toutes trois, la

    causalit

    descend,

    va du plus

    au moins,

    du plus

    parfait

    au moins

    parfait;

    de l'acte

    plus

    pur

    l'acte

    moins

    pur.

    D'o

    la

    ncessit

    d'apporter

    une

    nouvelle

    division

    dans

    l'ordre

    de l'acte.

    On

    doit

    y

    dis-

    tinguer

    d'abord

    la

    hiraixhie

    des causes

    formelles,

    depuis

    Dieu

    qui est

    la

    forme,

    l'essence

    infinie,

    jusqu'

    la dernire espce

    cre

    en

    passant

    par

    tous

    les

    degrs

    des rgnes

    spirituel,

    animal,

    vgtal

    et minral.

    Puis

    la hirarchie

    des causes

    efficientes

    puisant

    toutes

    dans l'infinie nergie

    du

    Crateur,

    participant

    son

    activit

    essentielle,

    comme

    leurs

    formes

    participent

    son tre pur et

    se

    communiquant

    de

    proche

    en

    proche, le mouvement,

    la

    force

    qu'elles en

    ont

    reue.

    Enfin

    la

    hirarchie

    des

    causes

    finales

    par

    lesquelles

    s'opre

    vers

    Dieu le

    retour

    graduel

    des

    tres

    descendus

    de

    lui

    par la

    voie des

    causes

    efficientes

    :

    hirarchie

    qui

    son sommet

    a

    l'infinie

    bont

    de Dieu,

    laquelle

    fait

    rayonner

    sa

    bont

    sur

    toutes

    les fins

    secondaires,

    et les

    tire

    soi

    comme

    autant

    de

    moyens

    sagement

    proportionns

    et puissamment

    conduits

    ce but

    ternel

    et

    suprme

    (2).

    (1)

    Evidemment

    nous

    n'entendons

    pas

    dire

    que

    les

    natures

    spiri-

    tuelles tirent

    leur

    potentialit

    de

    la

    matire

    premire,

    celle-ci

    n'est

    cause que

    de

    la

    potentialit

    des

    natures

    corporelles.

    (2)

    Prius et

    posterius

    dicuntur

    in

    quolibet

    ordine

    per compara-

    tionem

    ad

    principium

    illius

    ordlnis

    ;

    sicut

    in

    loco per

    comparationem

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    38/284

    22

    DE LA

    NOTION

    d'oRDRE

    23. Nous

    dvelopperons

    plus longuement

    dans la

    suite

    la

    nature,

    les

    degrs,

    ainsi

    que

    le

    paralllisme

    de ces

    trois hirarchies,

    de ces

    trois

    ordres

    de causes

    formelles,

    de

    causes efficientes,

    de

    causes

    finales.

    Il

    suffit

    pour le moment

    de les

    avoir indiques et

    d'en

    avoir

    formul

    le

    principe;

    ajoutons

    seulement

    la

    dsignation

    que

    leur attribue ordinairement

    l'Ange

    de l'cole.

    L'ordre de

    nature

    constitu

    par

    la

    hirar-

    chie

    des

    causes

    formelles,

    est

    l'ordre des formes,

    proprement

    l'ordre

    de

    nature ou

    des natures

    ;

    l'ordre

    constitu

    par

    les causes

    efficientes

    est

    l'ordre

    d'ex-

    cution, ordo

    executionis, car

    il

    est

    tout

    entier

    renferm dans l'activit

    des

    tres,

    dans

    l'excution

    active

    du

    plan

    divin

    ;

    l'ordre

    constitu par la

    hirar-

    chie des

    causes

    finales

    est

    Vor^do intentionis,

    l'ordre

    d'intention

    :

    l'intention,

    c'est

    la

    tendance vers

    la

    fin,

    l'aspiration

    vers

    le

    bien

    ;

    il

    y

    a

    donc

    corrlation

    entre

    l'intention et la

    fin, celle-ci

    tant

    l'objet, le but de

    celle-l

    (1).

    VII.

    Manire de

    dsigner

    les ordres.

    Ordre

    gnral

    de

    la

    cause

    premiere et

    ordres

    particuliers

    des causes

    secondes. Ordre

    de

    l'tre, du vrai, du bien.

    24.

    D'aprs saint Thomas

    on peut

    dsigner

    un

    ordre

    d'une

    double

    manire:

    tantt on

    le

    dsignera d'aprs

    la

    raison

    commune

    et

    la

    forme,

    d'aprs

    la

    nature

    ad principium loci, in disciplinis

    per

    comparationem

    ad principium

    discipline. Sic ergo

    et in ordine

    natur

    dicitur

    aliquid esse

    prius

    per

    comparationem ad

    natur

    principia

    qua?

    quidem sunt

    quatuor

    caus.

    Quamvis autem

    causa?

    sint

    quatuor: trs

    tamen earum,

    scilicet

    effi-

    ciens,

    formalis

    et

    finalis,

    concurrunt in

    idem, unde

    relincpiitur

    quod

    ordo

    natur

    sit duplex,

    unus

    quidem

    secundum

    rationem

    caus

    materialis,

    secundum

    quod imperfectius

    est

    prius

    perfecto

    et potentia

    actu.

    Alius

    autem ordo natur

    est secundum

    rationem

    aliarum

    trium

    causarum, secundum

    quam

    perfectum

    est

    prius

    imperfecto et actus

    posentia.

    Qiiol.,

    a.

    10,

    c.

    (1)

    Cf.

    s.

    Thomas, in V

    Met.,

    1.

    13,

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    39/284

    DE

    LA NOTION d'oRDRE

    23

    intime participe

    par

    toutes les parties

    de

    l'ordre

    et

    qui

    sert

    unir ces

    parties

    et

    spcifier

    l'ordre

    ;

    ainsi

    on appellera ordre du

    bien,

    celui

    o toutes

    les

    parties

    sont

    ou

    le bien

    suprme,

    ou des biens drivs,

    rayonnements du bien suprme

    tendant

    s'unir

    et

    se

    runir

    lui. Tantt

    on dsignera l'ordre

    d'aprs

    \e

    nombre de ses

    parties,

    d'aprs

    les sujets

    o

    cette

    raison commune

    est

    ralise, d'aprs la matire

    mme de l'ordre

    ;

    par

    exemple,

    l'ordre du bien

    s'appellera

    encore

    ordre

    des

    fins

    et

    des

    moyens,

    parce

    que

    toutes ses parties sont ou des fins ou des

    moyens

    et que

    le bien

    y

    prend la

    forme

    de

    bien

    en

    soi ou

    de

    bien

    utile,

    de

    terme ou

    d'instrument

    d'op-

    ration. La premire

    dsignation

    se tire

    du

    principe

    d'unit, la seconde

    du

    principe

    do

    multiplicit

    (1).

    25. Quand il

    s'agit

    de

    l'ordre

    de

    nature, sous

    n'importe

    laquelle

    de

    ses trois

    faces, l'anglique

    docteur apporte une

    distinction

    qui sert de principe

    la

    description

    de la

    hirarchie

    des

    causes

    et de

    l'ordre

    qui

    en

    rsulte. Il

    faut,

    dit-il,

    considrer qu'il

    y

    a deux

    genres

    de

    causes

    :

    la cause premire

    et les

    causes secondes. La

    cause

    premire,

    dans

    chaque

    ordre,

    est

    le

    principe,

    la

    source

    de tout

    l'ordre,

    de

    toutes

    les

    causes secondes,

    de

    tous

    les

    tres

    qui

    s'y

    rencontrent

    et

    de

    tout l'tre

    de

    chacun

    de ces tres

    :

    (1)

    Ordinem

    autem universalem secundum

    quem

    omnia

    ex divina

    providentra

    ordinantur,

    possumus

    considerare

    dupliciter, scilicet quan-

    tum

    ad

    res

    quae subduntur ordini,

    et

    quantum ad ordinis

    rationem,

    quee

    ex

    principio ordinis dependet

    .

    Cont. Gent.,

    1.

    m,

    c. 98.

    Potest

    ergo

    considerari

    ordo

    rebus

    statutus ex

    divina

    providentia,

    aut

    ex parte

    rerum

    quibus imponitur

    et

    determinatur

    ordo,

    aut

    ex

    parte

    sui

    principii

    ex

    quo

    ipse

    ordo

    habet

    ut dicatur ordo

    divinae

    pro-

    videntisB

    et

    divines

    voluntatis

    et

    divines scientiee, sicut

    si

    diceremus

    ordinem

    aliquorum

    secundum

    locum

    posse

    considerari,

    aut

    in

    quantum

    est

    ordo

    talium

    rerum,

    aut in

    quantum est

    ordo secundum

    locum

    et

    iste est sensus

    hujus

    distinctionis.

    (Ferrarien.,

    in

    Summ.

    Cont.

    Gent.,

    1. III,

    c.

    98.)

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    40/284

    24

    DE

    LA NOTION

    d'oRDRE

    elle

    est

    donc

    principe

    universel

    et

    transcendant

    qui

    enveloppe

    tout

    l'ordre

    dans son influence

    et

    auquel

    rien

    n'chappe.

    Mais

    cette cause

    communique

    aux

    diffrentes

    parties de

    l'ordre,

    leur

    tre, et

    non

    seule-

    ment

    cela,

    mais

    encore elle

    leur

    fait part

    de sa

    causalit,

    elle

    leur

    donne d'tre

    principes, sources^

    comme

    elle

    l'est

    elle-mme : d'o

    des

    causes

    secondes,

    causes

    efficientes

    et

    causes finales

    secon-

    des.

    Mais

    ces

    causes

    secondes restent

    subordonnes

    la

    cause

    principale

    et premire,

    n'agissent

    et ne

    causent

    que

    dans

    sa

    dpendance, que

    par

    elle

    et

    pour

    elle.

    En

    outre,

    elles

    sont

    moins puissantes que

    la

    cause

    premire,

    n'atteignent

    pas le

    fond

    de

    l'tre

    comme

    celle-ci

    :

    tandis

    que

    la cause

    premire

    donne

    Ttre,

    la

    cause

    seconde

    qualifie l'tre;

    l'activit de

    celle-ci

    n'est

    pas

    seulement

    moins

    profonde,

    elle

    est

    encore

    moins

    tendue,

    elle

    s'adresse

    un

    plus

    petit

    nombre

    d'objets.

    Par exemple,

    dans

    l'ordre

    des causes

    efficientes,

    deux

    grandes

    causes

    secondes

    agissent

    sur

    le

    monde

    spirituel,

    l'intelligence et

    l'amour

    ;

    deux

    autres grandes

    causes secondes

    agissent

    sur

    le

    monde

    corporel,

    la

    lumire

    et

    la

    chaleur

    :

    mais il

    est

    vident

    que

    ces

    causes

    sont

    moins

    universelles

    que

    la

    cause

    premire.

    Dieu

    ;

    elles

    n'agissent

    pas en

    tout

    et

    l

    o

    elles

    agissent

    elles ne

    font

    pas tout

    comme

    Dieu.

    26. Or,

    de

    mme

    que

    tout

    se

    rapporte

    plus

    ou

    moins

    directement

    la

    cause

    premire, que

    tout

    est

    ordonn

    vers

    elle

    comme

    tout

    en vient, et

    que

    cet

    ordre

    universel

    des

    choses

    peut

    s'appeler l'ordre

    de

    la

    cause

    premire,

    pareillement

    tous

    les

    effets

    de

    chaque

    cause

    seconde

    se

    rapportent

    celle-ci,

    sont

    ordonns

    vers elle

    et

    constituent

    son ordre

    parti-

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    41/284

    DE

    LA

    NOTION d'oRDRE

    25

    culier : l'ordre

    intellectuel,

    l'ordre

    moral

    ;

    l'ordre

    et le

    systme

    thermique^

    etc.

    Il

    y

    a

    donc

    ordre

    de

    la

    cause

    premire,

    ordre

    de

    la cause

    seconde

    : ordre

    universel et ordres

    particuliers.

    Le caractre

    limit

    et

    particulier

    de

    ces

    derniers

    ordres explique

    pourquoi

    il

    y

    en

    a

    plusieurs, pourquoi

    il

    y

    en a un

    grand

    nombre. Non

    seulement

    tous les

    tres

    font

    partie

    de l'ordre

    universel

    bas

    sur la

    cause premire,

    mais

    encore

    tous

    et

    chacun

    entrent

    dans la constitution

    d'un

    ou de

    plusieurs ordres

    particuliers et

    parce qu'il n'y

    a

    pas

    une seule

    cause

    seconde qui puisse

    tendre sa

    sphre

    d'influence

    sur

    toutes

    choses, il

    a fallu

    que Dieu

    partaget

    le

    monde

    entre

    plusieurs

    causes

    secondes,

    entre

    plusieurs

    ordres

    particuliers.

    27

    .

    Et

    ces

    ordres

    particuliers

    ne

    sont

    pas indpen-

    dants les uns

    des

    autres.

    Si

    quelques-uns

    peuvent se

    rfrer

    des principes

    d'gale valeur,

    en gnral les

    causes secondes

    occupent

    des

    chelons divers:

    les unes sont

    au-dessus

    des

    autres,

    communiquent

    celles-ci leur

    activit

    propre

    et

    une partie

    de

    leur

    influence,

    comme

    Dieu les

    a

    fait

    participer

    elles-

    mmes son

    tre

    et

    son

    activit

    ;

    il

    y

    a donc

    des causes

    secondes

    qui jouent

    l'gard

    d'autres

    causes

    secondes

    un rle

    analogue

    celui

    que Dieu

    joue

    l'gard

    de

    toutes les

    causes secondes,

    et

    par

    suite il

    s'tablit,

    toutes

    proportions

    gardes,

    entre

    ces

    causes

    secondes

    infrieures

    et les

    causes

    secondes

    suprieures,

    les

    mmes

    rapports

    de

    subordination,

    les

    mmes

    diffrences

    de

    puissance

    et

    de

    juridiction

    que nous

    avons

    constates

    entre

    les

    causes

    secondes

    en

    gnral

    et

    Dieu.

    On

    saisit

    ainsi la

    belle

    harmonie,

    la

    splendide

    synthse

    qui,

  • 7/26/2019 De La Notion d'Ordre

    42/284

    26 DE

    LA

    NOTION

    d'oRDRE

    dans

    chaque

    ordre, unit

    toutes

    les causes entre

    elles,

    et avec

    leur

    principe,

    tout

    fait comme

    dans

    un tat on trouve l'ordre familial

    et domes-

    tique

    entrant

    dans l'ordre

    de

    la

    cit

    et

    lui tant

    subordonn,

    celui-ci dpendant

    de la

    province

    avec

    d'autres

    cits,

    les

    provinces

    dpendant

    de

    l'tat

    (1).

    28. De

    tous

    les

    ordres

    que

    nous venons d'nu-

    mrer, il

    y

    en

    a

    surtout trois

    dont

    l'Ange

    de

    l'cole

    aime s'occuper, qu'il esquisse chaque

    fois qu'il

    en

    a

    l'occasion

    et

    entre lesquels il

    afirme constamment

    un

    paralllisme universel

    :

    c'est

    l'ordre de

    Vtre qui

    contient

    la hirarchie des natures et

    celle des

    causes

    efficientes,

    ces

    deux

    hirarchies runies

    en

    un

    seul

    ordre, en

    vertu du

    principe

    que

    l'opration suit

    l'tre,

    operari

    sequitur esse; puis c'est

    l'ordre

    du

    vrai,

    ordre

    des choses intellectuelles,

    de

    la

    connaissance

    et

    des

    tres de

    raison

    ;

    enfin

    c'est

    l'ordre

    du

    bien,

    qui

    comprend

    la

    hirarchie

    des

    causes

    finales