de la notion d'ordre
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h:
''i''
'M
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l'abb
a.
CHOLLET
DOCTEUR
EN
THEOLOGIE
PROFESSEUR
A L
UNIVERSITE
CATHOLIQUE
DE LILLE
DE
LA
NOTION
D'ORDRE
PARALLLISME
DES
TROIS
ORDRES
DE
L'TRE,
DU
VRAI,
DU
BIEN
PARIS
P.
LETHJELLEUX,
LIBRAIRE-DITEUR
10,
RUE
CASSETTE,
10
-
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)
DE
LA
NOTION
D'ORDRE
-
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DU
MME
AUTEUR
Chez
M.
P. LETHIELLEUX
10,
Rue Cassette,
PARIS
Lamorale
stocienne en
face
de la
moy^tle
chrtienne,
un
beau
vol.
in-12,
1898
Prix :
3,50
Theologica
Liicis
theoria, un
vol.
in-8^,
1893,
Prix
:
5
CHEZ M. A.
TAFFIN-LEFORT
30,
Rue
des
Saints-Pres,
PARIS
24,
Rue
Charles -de
-Mwjssart, LILLE
Manuel
de la
dvotion au
Saint
Enfant
Jsus mira-
cul
uo
de
Prague,
un
vol.
gr.
in-32 de
411
pages.
dition
ordinaire,
broch
0,90;
percaline,
tranche
rouge,
1,25.
dition
de
luxe
avec
encadrement
rouge et
tranche
dore,
cuir anglais,
2,50;
mouton
poli,
4,50
;
chagrin
poli,
5,25.
CHEZ
L'AUTEUR,
3,
Rue
d'Isly,
LILLE
Oratio
solemniler
Jiabita
in
sacello
arcliigymnasii
catholici
Insidis
nonis
Martlis
MDCCCXCVII,
de
SYNTHESI
PIULOSOPHICA
D. TlIOM/E
AqUINATIS,
une
brochure
in-8
Prix
:
0,50.
Pangyrique
de
sainte
Thrse,
une
brochure
in-12.
Prix
:
0,50.
-
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l'abb
a.
CHOLLET
DOCTEUR
EN
THEOLOGIE
PROFESSEUR
A
L
UNIVERSITE
CATHOLIQUE
DE
LILLE
DE
LA
NOTION
D'ORDRE
PARALLLISME DES TROIS
ORDRES
DE L'TRE,
DU
VRAI,
DU
BIEN
PARIS
P.
LETHIELLEUX,
Libraire-diteur
10,
rue Cassette, 10
-
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THE INSTITUTE OF
MED AEVAL
STUDES
10
ELMSLEY PLACE
TOhQi^iTO
5,
CArvADA,
DEC
-2
1931
IS3I
-
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AVANT-PROPOS
La notion
doy^dre,
qui n tait
jjas
ignore
des
ancie77s, est
devenue, depuis
quelque
temps
suyHout,
Vobjet de nombreux travaux
philosophiques.
C'est
d'elle que se proccupent
les auteurs
qui
traitent de
((
taxinomie
ou
d'harmonologie
.
Aussi
nous
a-tAl
paru
opportun
de
lareprendre
et de
V
analyser,
sous
la
direction
du Docteur
ange
tique.
Une
telle
tude
nous
semblait d'auta7it
plus utile
qu'elle
peut,
nos
yeux,
aider
grandement
la
solution
des
problmes
les
plus graves
de
la
philo-
sophie,
tels
que
celui
de
Vobjectivit
de
la
connais-
sance ou celui des bases ontologiques
de
la
libert
et
du
bien.
Dans
ce
sicle,
en particidier,
on
s est
plu
sparer le
monde
de l'tre,
celui
du
vrai
et
celui
du
bien.
On en
a
fait
des7nondes totalement
diffrents,
ayant chacun
sa
nature,
ses
lois
et
mme
son
hidpendance
.
On
a
creus
un
abme entre
eux
et
alors s
est pos
le
trs
gros problme
du
u
po?it
jeter
de Vun
Vautre,
pour
relier
l'esprit au
rel, la
volont
l'esprit
et
au
rel.
Bien des architectes ont
travaill
ce pont.
Combie^i
de
fois
a-t-il
t
dmoli et reconstruit? Est-
on
sr
aujourd'hui
de
l'avoir
dfinitivement
assi^
sur
des
piliers
inbranlables
?
N'tait-ilpas
plus expdient et
plus vrai de
fondre
-
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VI
avec saint
Thomas
ces
trois
mondes en un seul
? A
en
croire
l'Ange
de
V
Ecole,
la
sphre de
la
pense
et
celle
de Vapptiiion
ne sont
pas
si
j^^^o
fondement
distinctes
de
celle
de la
ralit
qu'on
ne puisse
et
quon ne
doive les
y
ramener.
Le
phnomne de
la
connaissance se
prsente
sous
deux
faces,
ouplutt se
dcompose en deux
lynents:
Vohjet
et
le
sujet.
Or,
l'objet
est
un
agent
rel
qui
rentre dans la
dfinition
de
tout
agent
et
dont l'action
suit
les
lois7nmes
de
l'action en
gnral,
de
celle qui
s'exerce
partout,
dans
la ralit
comme
dans
la
connaissance. Le
sujet,
la
facult,
doivent
galemejit
tre
ramens
la
catgorie
commune de
l'agent ou
du
patient.
En
un
mot,
les
faits
de
connaissance
ne sont
qu'icne
catgorie
spciale
qui
rentre
dans
V
universalit
des
faits
rels. Ils
ont
les mmes
lois,
obissent
aux mmes
tendances et ne
inanifestent
leur
vertu propre
qu'en subordination avec les nergies
gnrales du
monde.
Le
phnoynne
de
tapptition
et
celui
p)lus
concret
de
la libert
rpondent
au
mme
concept.
Ils sont
des
cas
particuliers de
tendances universelles
: ils parti-
cipent la
nature de
celles-ci, suivent
le
mme
cours
qu'elles.
S'ils ont
leur
caractre
particidier,
ils
ne
se
sparent
pas
plus du
reste
de la ralit que
les
tendances
p)articidires
d'un
vgtal
ou
d'un orga-
nisme
animal
ne
se
placent en dehors
de
la srie
des
activits
fi)
lie
s.
Il
n'y
a
donc
pas
trois
inondes
spars,
mais
des
sections
distinctes et
subordo7ines dans un
ensemble
total;
il n'y
a
pas
d'abhne
entre ces
trois
mondes,
rduits
un
seul,
et
la question
du
.
pont
est
tellement
simplifie
que Von
comprend
son omission
2nir
le
Docteur
anglique.
-
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vil
Telle
est
Vide
qui
nous
a
guid dans
ce
travail.
Pour
la
faire
ressortir
plus
vivement,
nous avons
emprunt
saint
Thomas la
plupart de
ses
affiyma-
How^
relatives
au
paralllisme qui
unit
le vrai
et
le
bien
Vtre.
Ce
paralllisme
accuse
Vunit,
l'identit
entre
l'objet
de ces
trois
concepts
^
et
ds
lors
y
supprime toute
opposition. Nous
serions
heureux si
nous avions
pu
ce
prix
apporter notre
modeste
contribution
la
solution
de
difficults
si
aigus
de
la
philosophie
moderne.
^y^^
-
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CHAPITRE
I.
DE LA
NOTION D'ORDRE
1.
Difficult
de
fixer
cette
notion.
Notion
gnrique
de l'ordre.
La
ratio
prioris
et posterions,
et
le
principe
de
l'ordre.
1.
Le concept d'ordre
comme une foule
de
notions
simples
ou
courantes
est
saisi
par
tout
le
monde.
Demandez
l'homme le
plus grossier
s'il sait
ce
que c'est que l'ordre, s'il
saurait
reconnatre
quand
une
chose est
ordonne
et
quand
elle ne
l'est
pas. Sa
rponse
vous
enlvera
tout
doute
ce
sujet. Mais si
vous vous
interrogez
vous-mme
:
Qu'est-ce que
l'ordre, quelle en est la dfinition,
quels en
sont
les
lments
mtaphysiques, les
conditions
essentielles,
alors
la difficult
apparat,
et ce
n'est
pas
sans
maintes rflexions
et
sans un
grand travail
que
vous
parviendrez
fixer ce
concept,
lui donner
la prci-
sion
et
la clart requises.
Pour atteindre
ce
but,
comparons
plusieurs
faits
o
il
y
a videmment de
l'ordre,
avec d'autres faits
o
il n'y
en
a
pas.
Je suis
auprs
d'un
champ
de
manuvres :
sur
le
terrain,
des
troupes
et un
gnral qui
les
passe
en
revue
;
autour
du
terrain,
une
nombreuse
assistance
de
curieux.
Si
j'observe les
troupes,
j'admire
bientt
la
rgularit
des
lignes,
la
belle
harmonie
qui
rgne
dans
cette
masse
d'hommes,
o
chacun a reu
et
-
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2
DE LA
NOTION
d'oRDRE
occupe
sa
place, o
les
intervalles
sont
gaux, o
la
distinction
des
armes
et
des
grades
est
parfaitement
marque : c'est
un effet
de
l'ordre.
Je
me
retourne
de
l'autre
ct,
mes
yeux
rencontrent
la foule
des
assistants : hommes,
femmes,
enfants, presss
ple-
mle au
hasard de
leur arrive :
l
aussi
il
y
a
des
masses d'hommes comme de
l'autre
ct, mais sans
cette
belle disposition
que j'admirais
tout
l'heure :
l
il n'y
a
pas
d'ordre.
Autre
exemple
: Je
prends
ma montre en
mains,
je
l'ouvre,
j'y
vois
un certain
nombre de pices
de
formes
diffrentes
:
des
roues
de
diverses grandeurs,
des
rubis,
des
piliers, un
ressort, un balancier,
un
spiral,
un cadran,
des
aiguilles,
etc. Tout cela
tient
un
rang
savamment tudi;
toutes ces pices
sont
habilement
montes
et
dpendantes les unes des
autres,
toutes
marchent lentement
et
srement,
et
l'ensemble
de
leurs
mouvements
aboutit
me
faire
connatre
l'heure.
Il
y
a
de
l'ordre
dans
ma
montre.
Mais
je
la
dmonte; j'en enlve
les
pices les
unes
aprs
les
autres,
je les
dpose
sur
ma
table;
elles
sont
bientt
l toutes,
comme auparavant:
il
n'en
manque
pas
une
seule,
mais
elles
sont
ple-mle,
il
n'y a
plus
de dpendance,
d'habile
enchevtrement
entre elles, elles
ne se
meuvent
plus;
je ne
sais plus
l'heure, je
n'ai
plus
de montre.
Qu'ai-je fait?
J'ai
rompu
l'ordre
qui
existait
entre
toutes ces
pices.
2. Qu'est-ce
donc
que
l'ordre?
(1)
Pour un
ordre, il
faut
videmment
quelque
chose.'
On
n'ordonne
pas
le nant. Il
faut
plusieurs choses
(l) Polnian [BrevUirlum thologie, n
420)
dfinit
Tordre:
Ordo
est
htdntudo
et
dispos Itio
rerum
ad
aliquod
principiian
et
inter
se,
secanduin
prioritatein et
posterioritateni
oriuinis.
naturte,
causali-
tatis,
durationis,
tiiinporis,
dignitatis,
priidentiai,
situs,
etc..
-
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DE LA
NOTION D ORDRE
3
distinctes,
parce que
Tordre
suppose
des
relations,
lesquelles
ne sauraient
exister
sans
plusieurs
termes.
Ad
hoc
quod aliqua
habeant
ordinem,
dit
saint
Thomas, oportet
quod utrumque
sit ens,
et
utrumque
sit distjictimi,
quia
ejusdem
ad seipsum non
est
ordo
(1)
;
et
ailleurs
:
Ordo
absque distinctione
non
est
(2).
Dans un
autre endroit
encore, num-
rant
les
conditions
requises
pour
constituer un ordre,
il
exige aussi
cette distinction
et cette
multiplicit
des
choses
ordonnes.
Mais il
a
soin
de
remarquer
aussitt
que
le
mot
'ordre suppose
cela plutt qu'il
ne
le
signifie
(3).
C'est ce
qu'on
pourrait nommer
la
matire de
l'ordre,
cet
lment
pralable
et
ncessaire
qui
est
prsuppos
et
qui
recevra
le
perfectionnement
appel
Vordre.
En
ralit, dans
ma
montre, il
y
a
plusieurs
pices
distinctes,
dans
l'arme,
il
y
a un grand
nombre
d'hommes,
individuellement
distincts
aussi,
et
ces
pices
multiples,
ces
hommes
nombreux
sont
la
matire,
la
chose
pralable
que
l'ordre
viendra
ensuite
disposer
en
un
ensemble harmonieux.
La
distinction
tant
ncessaire
pour fournir
matire
un arrangement,
un ordre, il
s'ensuit
que,
dans
la
nature divine,
cause de
son
infinie unit, il
n'y
a
pas
d'ordre rel
possible
;
que
cet
ordre
ne se
trouve
que
dans
les
Personnes
divines,
dans l'auguste
Trinit,
et
que
l
il
se confond
avec
ce qui fait la
distinction
des
personnes.
Un
seul
ordre est
donc
possible
en Dieu,
c'est
l'ordre
de
procession, ordo
originis
(4).
(1)
De
Pot,
q.
7,
a.
11.
(2)
De
Pot,
q.
10,
a. 3.
(3)
Ordo
in
ratione
sua
tria
requirit
:
distinctionem quia
non
est
ordo
aliquorum,
nisi
distinctorum.
Sed
hoc magis
prsupponit
nomen
ordinis
quam
significat.
1 Sent.,
d.
20,
q.
1,
a.
3,
q.
2.
(4)
Cf.
1 Sent.,
ihid.
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
20/284
4
DE
LA NOTION
D
ORDRE
3. Poussant plus
loin
l'analyse
de
ce concept,
saint
Thomas
y
trouve
une ?^atio
prioris
etposterioris.
Il ne faut pas
seulement
plusieurs
choses, mais il
est
indispensable que
ces
choses, dj
distinctes, soient
en
outre ingales, que
les unes soient
plus que
les
autres,
suprieures
aux
autres, avant les autres
(1).
Les
pices
de
la
montre n'ont pas toutes
une
mme
valeur,
elles
ne concourent
pas
d'une manire gale-
ment prochaine au
but
qui
est
d'indiquer
l'heure
;
l'aiguille
me
renseigne immdiatement,
le
ressort
lui
aussi
a
sa
part
essentielle, mais
bien plus
lointaine,
l'indication
de
l'heure.
Ainsi
chaque pice collabore
son
rang, les unes
d'une
manire
plus
imm-
diate,
les autres d'une
faon
plus
loigne, les
unes
indispensables, les autres
moins
utiles,
d'autres
enfin
inutiles
et
servant
la
dcoration
seule.
Les
soldats passs en revue
sont
dans un semblable
rapport rciproque
de
supriorit
et
d'infriorit,
d'antriorit
et
de
postriorit
:
les
uns
commandent,
les
autres obissent; les
uns marchent en
avant,
les
autres
suivent
:
on
peut
facilement trouver
parmi
eux,
la
ratio prioris et posterioris requise par
saint
Thomas.
4.
Cette ingalit
des
parties, entre lesquelles
l'ordre
sera mis,
doit
s'expliquer par
une
relation
diffrente
de
chacune
d'elles
un
principe.
De
deux
choses
ingales,
l'une est
avant l'autre, au-dessus
d'elle,
prius, la seconde est
aprs
la
i)remire,
au-
dessous
d'elle,
posterius,
parce
que
toutes
deux ne
soutiennent
pas
le mme rapport un terme
commun
(1)
Ordo in
ratlone
sua
inclndlt... rationeni
prioris
et posterioris,
unde
secundum
oninos
illos
modos
potost dici esse
ordo
aliquoruni
secundum
quos
ali((uid altero
prius
dicitur
et
secuiuhnn
locum et
secundum tempus et
secundum omnia hujusmodi.
Ibid.
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
21/284
DE
LA
NOTION D
ORDRE
O
qui
s'appelle
25rmcip^.
S'il
s'agit
par
exemple
d'tablir
un
ordre
chronologique
entre
les
divers
vnements
d'une
poque,
on fixera
en
premier lieu, le point
de
dpart de
cette
poque,
puis
on
classera d'abord
les
faits
synchroniques
de
ce
point
initial, ensuite
les
faits
postrieurs
les plus
voisins,
enfin les plus
loigns.
La rgle,
qui
nous
guidera
dans
le classe-
ment
de
ces
faits,
sera
donc
le
plus
ou
moins
de
rapprochement avec
la date
premire,
le principe de
l'poque
tudie.
Si
l'on
veut, dans
une
autre
sphre
d'ides, crer
un
ordre
scientifique
entre les
diffrentes
vrits,
probabilits,
ou
hypothses
qui
concernent
un
objet
donn,
on
remarquera
d'abord
que
ces
affirmations
n'ont pas
toutes une
gale certitude, que
parmi les
plus
incontestables,
tandis
que
les
unes
reoivent
leur
certitude
d'autres
vrits,
celles-ci
au
contraire
apparaissent
certaines par
leur
propre vidence,
communiquent
leur
vrit
immanente
aux
conclu-
sions
qui
en
sont
dduites
logiquement,
mais
ne
sont
elles-mmes
tires d'aucune prmisse. On
constatera
que de
telles
certitudes
mritent
et
possdent
la
dignit de
principes, on
en
fera
la
base
du
systme
scientifique
cherch,
puis
on
y
joindra
leurs
premires
conclusions,
ensuite
leurs dduc-
tions
lointaines;
aprs
les
vrits
certaines
et
parfaitement dmontres,
on
classera
les opinions
probables,
enfin
les
hypothses
uniquement
possi-
bles.
De la sorte
s'tablira un
ordre bas
sur
la rela-
tion
de
priorit des vrits scientifiques
et ces
relations
de
priorit
elles-mmes
auront
pour
terme
premier
et
pour
source,
un
principe.
Saint
Thomas
a
donc raison
de dire
:
Prius
et
posterius dicuntur
in
quolibet
ordine
per
comparationem ad
principium
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
22/284
G
DE LA NOTION d'oRDRE
illius ordinis
(1).
Et
on
peut
conclure
que
partout
o
il
y a
un
principe,
il
y
a
un
ordre
et
que
partout
o
il
y
a
un
ordre, il se trouve
un principe.
5.
Les deux
exemples
que
nous venons
de citer
montrent que
les relations
avec
un principe
peuvent
tre
de nature
diffrente
:
parfois elles sont
tout
extrinsques
et
bases sur
une
simple
comparaison
de
lieux ou de
temps, par exemple les relations entre
les
colonnes
d'un portique, ou entre
les vnements
d'une
anne.
Dans ce cas, du
principe
ce
qu'on
lui
compare,
il n'y
a
que
des rapports
de
proximit
ou
d'loignement.
D'autres
fois,
ces relations sont
intynsques
et
fondes
sur
une
intime
et
relle
communion la
nature,
aux
qualits
et
perfections
du
principe. Par
exemple,
les diffrentes conclusions
d'une
mme
science
sont
intimement
lies
avec ses
principes
:
elles
leur
empruntent
lumire
et
certitude,
elles
participent
jeur
nature et
sont
plus
ou
moins
pro-
chaines, suivant
qu'elles
communient plus ou
moins
leur
vrit.
Dans
cette
hypothse, les
divers
lments
de
l'ordre se
rattachent
au
principe par
des
rapports
d'effet
cause,
d'manation,
de
participation^
6. La
y^atio
prloris
et
posterioris
,
la relation
avec
un
principe et
la
disposition
harmonique rgle
d'aprs
la
nature
et
les
degrs
de
cette
relation, cons-
tituent
essentiellement
l'ordre
et
lui
donnent
cette
unit
dans
la
multiplicit
sans
laquelle
il
ne saurait
exister.
La
multiplicit,
c'est--dire
les choses dis-
tinctes
que
nous
avons prsupposes,
constituent
ce
(1)
Qaol.
V.
a.
19. Cf.
Siimma
theoL,
1
p., q.
42,
a. 3.
Ferra-
riensis,
in Snmmani coatra
gentes, 1.
m,
c.
08.
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
23/284
DE LA
NOTION
D
ORDRE
7
que nous
avons
appel
la matire
de
l'ordre
;
Vunit,
c'est--dire
ce
groupement
raisonn
tabli
d'aprs
les
degrs
des
choses et
leurs
rapports
avec le
prin-
cipe
de
l'ordre,
est
la
forme,
ce
qui
fait que
cet
ordre
est
rellement
un ordre,
qu'il
en
possde
la
nature,
et
en
ralise
les
conditions.
II.
Notion
spcifique
de
l'ordre.
La
ratio
communis.
Rle prcis
et
multiple du
principe
dans
la consti-
tution de
r
ordre.
7. Jusqu'ici
nous
n'avons
encore
expliqu que
le
concept
en
gnral,
son genre,
en
un
mot
ce
qui
est
ncessaire
pour
crer un
ordre. Il
nous
reste
cher-
cher ce
qui
spcifie
l'ordre,
son espce,
ce
qu'il
faut
pour
crer
tel
ordre
dtermin,
cet
ordre et
non tel
autre
ordre.
Ici
encore
le
principe
dterminera
l'espce,
et
suivant
que
le
principe
sera
de
telle
ou
telle
essence^,
l'ordre
lui-mme sera
de
telle
ou
telle
nature
(1).
Si
le
principe
d'un ordre
est
un
lieu
dtermin, il
est
vident
qu'on ne
pourra
lui
comparer
que des
lieux
occups
par tel
ou
tel
corps,
et
l'ordre
qui
en
rsultera sera
un ordre
local
;
si
le
principe est au
contraire
une vrit
premire, on
ne pourra
lui
com-
parer
et
construire
sur lui qu'un systme de
vrits
drives,
c'est--dire
un
ordre
scientifique.
8.
Et l'explication de
ce fait
est
dans
la
nature
mme
du
principe
et
dans la
dpendance
o
sont
envers lui
tous les
lments
de
l'ordre.
(1;
Ex
ipso
principio accipit ordo speciem,
sicut est
aliquis
ordo
secundum
locum,
aliquis est
ordo
secundum
tempus,
in
quantum
unus
accipitur
per comparationem ad
principium
loci,
alius
vero
per
comparationem ad
aliquod principium temporis.
Ferrariensis,
in
Summam
contra
gentes,
1.
m,
c.
98.
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
24/284
8
DE LA
NOTION
d'oRDRE
En effet, pour
constituer
un
ordre, la
distinction
entre
les
parties
ne
suffit
pas,
il
faut
de
plus
une
raison commune.
On
ordonne
des
hommes
entre
eux,
des vrits avec
des
vrits,
des
chiffres
avec
des
chiffres,
non des
vrits
ou
des
chiffres avec
des
hommes.
Il
faut,
en
un
mot,
que
les
choses
qui
entrent dans
la
composition
d'un
ordre aient
une
mme
nature,
au
moins
une
nature analogue,
soient
de mme
espce,
de
mme
genre, au
moins
loign.
Les
diffrences
ne
pouvant
jamais
tre
totales,
elles
devront
toujours
supposer
la
base une
essence
analogue ou
identique.
9. Or, cette
raison
commune
se
rencontre
minem-
ment
dans le
principe de
l'ordre. Ce
principe
s'entend
parfois
d'un premier ou
d'un point
de dpart;
par
exemple,
dans
l'ordre numrique,
le
principe
sera le
pi-emier
nombre, l'unit;
dans
l'ordre'
go-
mtrique,
il sera
le point.
Pris
dans
cette
acception le principe
n'est pas cause
(1).
Mais le
plus
souvent, il
n'est
pas
seulement
un
premier,
il
est
encore
une cause
dont
la fcondit produit les
autres
parties du mme
ordre.
Par exemple,
dans
l'ordre
du
bien, le principe est
le premier
bien,
lequel
est
en
mme
temps
la
source
de
tous les
autres
biens.
Qu'il
soit un premier, ou
qu'il soit
aussi
une
cause,
le principe
contient videmment et souvent
minemment la
raison commune; sans quoi il ne
serait
pas
le premier
de
la srie et
encore
moins
pourrait-il tre la cause des
autres.
Qu'il
y
ait
une
(1)
Ne
pourrait-on
pas,
mme dans ces
cas,
trouver
une certaine
causalit
dans
le
principe?
Saint Thomas aprs Aristote
[in
\III
Met.,
1.
3.)
ne
re
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
25/284
DE
LA
NOTION
d'oRDRE
9
dpendance
entre
tre
premier
et
tre
cause,
Aristote
et
saint
Thomas
l'ont
compris
lorsqu'ils
ont
affirm
cet
axiome
de leur
philosophie
:
lUud
quod
est
primum
in quolibet
gnre,
est causa
omnium
qu
sunt
post, ut
dicitur II Met.
text. 4
(1).
Ce
qui,
dans
un
genre
dtermin,
est le
premier,
est
en
mme
temps
la cause
de
tous
les
tres classs dans
le
mme
genre
;
rciproquement,
ce
qui
est
la
cause
de tous
les
individus
d'un
genre dtermin, doit
tre
class
au
premier
rang
de ce genre; et cela
parce
que
tous
ces
individus participent
des degrs
divers
sa
nature,
puisent en lui comme
leur
source natu-
turelle
et
ne
sont,
n'appartiennent
ce
genre que
dans
la mesure o
ils
reoivent
de ce
premier
prin-
cipe,
de
cette
cause
suprme de
leur
genre.
Dans
la
catgorie du
vrai,
il
y
a
une vrit
premire et
infinie,
qui
n'est
pas cette
vrit-ci, ou
cette
vrit-l,
mais
qui
est
la
Vrit
;
tant la
vrit
premire,
elle
est
l'origine
de
toute
vrit
et
rien n'appartiendra
la
catgorie
du
vrai
qui
ne
soit un
reflet
de
la vrit
premire. Il conviendrait d'en
dire
autant
de
la
A
Beaut,
de
la Bont
premire,
de
l'Etre,
du Moteur
premier et par
excellence,
comparativement
toute
beaut,
toute bont, tout tre,
tout
mouvement,
moteur ou
mobile.
10.
Cette
raison commune,
par exemple la vrit
que
l'on rencontre
dans
tout
ce
qui
appartient
l'ordre
du vrai, la bont
qui
se
trouve dans tout
ce
qui constitue
l'ordre
du
bien,
cette
raison
commune,
qui fait
le
fond
de
toutes
les
parties de l'ordre
et
qui
est
ralise
ncessairement
et
presque
toujours
un
degr
suprieur
dans le
principe
du mme ordre, est
(1)
Sitmm.
theoL,
3
p. q.
56,
a.
3.
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
26/284
10
DE LA
NOTION
d'oRDRE
aussi
la
raison
spcifique
(1)
de
chaque
ordre.
C'est
par elle
qu'un ordre
est
dtermin en
lui-mme
et
qu'il
se
distingue de tout autre
ordre,
comme
c'est
par
la ratio
prioHs
et
posterioris
et
l'harmonie
qui
en rsulte
qu'un
ordre
se
distingue
de ce
qui
n'est
pas
ordonn.
Nous
touchons
donc
ici
l'essence,
la
nature
spcifique
de
chaque
ordre. Il
est
vident,
en
effet,
que
ce qui distingue
spcifiquement
l'ordre
du
vrai,
de
l'ordre
du
bien,
c'est
prcisment
cette
raison
commune,
cette nature
de
vrit
qui
se
ren-
contre
des
degrs
divers,
mais rels dans
chacun
de ses lments
:
ce
n'est pas le
degr,
la
quantit de
vrai qu'il
contient
au
total
ou
chacun
de
ses che-
lons,
mais
c'est
la
vrit
seule, parce
que seule,
comme
la nature
spcifique,
elle est
contenue dans
chacun
des
individus,
dans chacune
des
parties
de
cet
ordre.
11.
Or, cette
raison
commune
et
spcifique, avons-
nous
dit,
existe dans
le
principe
de
l'ordre :
ce
principe
pourra
donc
trs
lgitimement spcifier
l'ordre
auquel
il
sert de
source
et de
tte
et
on
dira que
ce
qui spcifie l'ordre
du vrai,
c'est qu'il
dcoule de
la
Vrit
ternelle,
et
que
ce
qui spcifie
l'ordre
du
bien,
c'est
qu'il jaillit
de
la
Bont
premire
et infinie.
D'o
l'on
peut
tirer
cette conclusion
qu'autant
on
aura de
principes,
autant
on
devra
distinguer
d'ordres,
et
que
la varit, la
multiplicit
des principes
entrane
la
varit
et
la
multiplicit
des
ordres
(2).
(1)
Qu'on ne s'effraie
pas
de
l'antinomie
apparente
(lu'il
y
a
dire
d'une
raison
qu'elle est en
mme temps
commune et
spcifique, c'est-
-dire propre. Elle
est commune
toutes
les
parties
de l'ordre,
mais
elles
seules,
et
par consquent
elle
est
propre
cet
ordre.
(2)
Ordo
semper
dicitur
per
comparationem
ad
aliquod
principium.
Unde
sicut'dicitur
principium
multipliciter.
scilicet
secundum
situm,
ut
punctum
;
secundum
intellcctum,
ut principium
dcmonstrationis
;
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
27/284
DE
LA
NOTION
d'oRDRE
11
12. Nous
avons expos
maintenant
quelle
est
la
m
atire
premire
de
j
/grdre,
le
substratum
sur
lequel
il
doit
rgner;
nous
avons
cherch
aussi
dter-
miner
ce
qui
en
constitue
la_natura_^niique,
ce
qui
le
fait tre
im ordre
;
puis ce qui en
est la
nature
spcifique,
ce qui
le
fait tre
tel
ordre
spar,
il
ne sera pas inutile
de
rsumer
en
quelques
mots
le
rle
prcis
et
multiple
du
principe
dans
le
problme
que
nous
essayons de
rsoudre. Le
principe
est
la
base de la
dtermination
gnrique
comme
de
la
dtermination spcifique
de
tout
ordre. La dtermi-
nation
gnrique, nous
l'avons
montr, s'tablit
d'aprs la ratio
prioris
et posterioris; or cette
ratio
n'est
autre
chose
que
le
rapport
d'loigne-
ment
ou
de
proximit
des
membres de
l'ordre
leur
principe
:
on les
classera suivant qu'ils seront
plus
ou
moins
rapprochs
de
ce principe
(1).
Dans l'ordre
du vrai, on devra mettre
en
premier
lieu
les vrits
les plus universelles,
les
plus
videntes,
parce
qu'elles
se
rapprochent
davantage
et
participent plus
intimement
de la
certitude
et de
l'infinit de
la vrit substantielle
et premire. On
devra mettre
au
dernier rang
les
vrits
les plus
particulires
et
les
moins dmontres, parce
qu'elles
s'loignent
le plus du rayonnement
de
la
vrit
ter-
nelle.
On
voit
par
cet
exemple
que
c'est
le
principe
lui-mme
et lui
seul
qui rgle
la
constitution
de
l'ordre.
Ce sera encore
lui
qui en
fixera
l'espce.
Un
prin-
et
secundum
causas
singulas;
itaetiam
dicitur ordo.
Summa
theoL,
1
p. q.
42.
a. 3.
Cf. in
3
Sent.,
d.
3,
q.
4,
a.
l;
a.
2
in corp.
et ad
2;
in Joan.,
lect.
\\
in
V
Met., 1. 13.
(1)
Significatio prioris
dependet
a
significatione
principii.
Nam
principium
in
unoquoque
gnre est
id
quod est
primum
in gnre.
Prius aiitem
dicitur
quod
est propinquius alicui
determinato
principio.
in V Met.. 1. 13.
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
28/284
12
DE
LA NOTION d'oRDRE
cipe de telle
nature sera la source
ou
le
point
de
dpart
d'tres
de mme
essence
ou
d'essence
ana-
logue. La
vrit
ternelle sera la
source
de
vrits
participes.
Son
caractre
indiquera
celui des
dri-
vations.
En
un mot
l'ordre
se
constitue en
raison
des
rapports
de
distance
de
ses parties leur
principe, il
se
spcifie
en
raison
de
la
nature mme
du
principe
;
et
le principe
occupe
une place
prpondrante
et
essentielle
dans
l'tude
de
la
notion
d'ordre.
Il
est
encore pour tous les
lments
de
l'ordre,
la
source
de leur
tre
et
de
leur distinction
: la
source
de
leur
tre parce
qu'ils ne sont (sauf
dans les cas
o
le
principe est seulement
un
premier)
qu'en
sortant
de
lui,
qu'en
jaillissant
de
son
sein
et
de la
perfection
de
son tre
;
la source
de
leur distbiction, puisqu'ils
ne
se
distinguent les uns
des
autres
que
parce
qu'ils
communient
ingalement
la
richesse
du
principe.
III.
L'ordre est le bien
et
la
forme
de V
univers.
13.
Saint
Thomas
qui
a
si
bien
saisi
la
notion
d'ordre,
qui l'a si
compltement
analyse,
qui
a
nettement
prcis
le rle
du
principe dans
la
consti-
tution de
l'ordre,
affirme
que l'ordre,
c'est
le
bien
de
l'univers
:
Bonum
et
optimum
universi
consistit in
ordine
partium
ipsius ad
invicem
(1).
Cette
belle
thorie
demande
quelques
explications
et
certains
dveloppements.
14.
Quand l'Ange
de
l'cole parle
de
bonum
universi,
il
a
sans
doute
en
vue
le monde, l'univers
tout
entier
et
il entend
dire que
l'univers
est
bon
parce
qu'il
est
ordonn,
parce
que
le
Crateur
y
a
(1;
Coiit.
Gent., 1.
II,
c. 39.
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
29/284
DE
LA
NOTION
d'oRDRE
13
mis
un
ordre
rel
et
admirable.
Mais
la
thorie
peut
s'tendre
et
s'appliquer,
non
seulement
l'univers,
mais
toute
collection d'tres, tout
ensemble
dont
les
parties
sont systmatiquement
disposes
et
rationnellement ordonnes.
L'ordre est
donc
le
bien
de
toute
srie d'tres,
de
toute
collection
o
on
le voit rgner.
15.
Et quand nous
disons
qu'il est le bien
de
toute
srie
d'tres,
nous
voulons
le
distinguer
d'un
autre
bien,
le
bien individuel,
le
bomim individid.
Car
tout
tre peut se considrer
de
deux
manires
:
indivi-
duellement
ou
en
groupe.
L'individu qui
est un tre
physique
substantiel,
a
sa bont propre,
sa perfec-
tion
lui. Le
groupe qui
est une entit accidentelle,
a
galement
sa
bont
et
sa
perfection
propre.
Les
individus
d'un
groupe peuvent
tre
tous trs
bons,
parfaits
mme,
sans
que leur groupe soit bon
et
surtout parfait. Autre
chose est
donc le
bien, la per-
fection
de
l'individu,
et
autre
chose,
le
bien,
la
perfection du groupe. Or, cette dernire perfection,
disons-nous, c'est
l'ordre,
c'est
l'harmonie
entre les
parties
du
groupe,
de
la
collection
d'individus.
16.
Le bien
c'est
ce
qui parfait;
et
ce qui
parfait,
c'est
ce
qui
finit,
achve,
donne
une ralit
sa
consommation, son
dernier
complment,
celui
aprs
lequel
on
ne peut
plus rien dsirer,
aprs lequel
toucher
encore
cette
ralit
serait la dtriorer, en
lui
ajoutant quelque chose
de disparate,
ou
en
lui
enlevant
quelque
chose
de ncessaire
ou
d'utile.
L'ordre sera
donc le
bien
de
l'univers, le
bien
d'un
groupe, et
d'une
collection,
s'il
les
parfait, s'il leur
apporte ce
caractre
de
fini,
de
complet, indispen-
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
30/284
14
DE LA
NOTION d'oRDRE
sable
la
notion
de
perfection. Et
c'est
ce que
saint
Thomas affirme
:
Per hune
enim
ordinem universum
in
sua
totalitate
constituitur,
qu
est optimum
ipsius
(1).
Tant
que
la
collection
n'est
pas
ordonne,
il
lui
manque
quelque
chose,
elle ne
jouit pas
de
son intgrit,
de sa
totalit
:
toutes
ses
parties
sont
bien l,
aucune
ne
manque l'appel,
mais
elles
sont dsagrges,
elles
ne
sont
pas
rapportes
l'une
l'autre, elles
ne
peuvent
pas
jouir
de
leur
mutuel
con-
cours
;
chacune
s'en va
de
son
ct. Au contraire,
que
l'ordre
vienne
organiser
cet
ensemble,
en
mettre
chaque
partie sa
place,
les
enchsser,
les enchaner
les
unes
aux
autres,
aussitt
toutes concourent
au
but
commun,
chacune
apporte
l'ensemble
son
tre,
son
activit,
sa
beaut,
sa
valeur,
et
la
collection
jouit
de
ses ressources,
elle
est un
tout,
elle
se pos-
sde tout entire
:
in sua totalitate
constituitur
qu
est
bonum
ipsius.
L'ordre
est
donc
rellement
un bien, le bien
de
la
collection
laquelle il
s'applique, il
en
est
encore,
dit
saint
Thomas,
la
forme
:
Forma
universi
consistit
in distinctione
et
ordine
partium
ejus.
Il est
bien
certain, en effet,
qu'une masse sans
ordre, est
laide
et
informe,
et
ce
qui
caractrise l'enfer
est cette
absence
complte
d'ordre
qui
en
fait
la confusion
la
plus
horrible
et
la
plus
hideuse.
IV.
Ordre essentiel
et ordre
accidentel.
17. Mais
ce
bien a des
degrs :
toutes
les
collec-
tions
d'tres ne sont
pas
galement ordonnes
et
ne
participent
pas
dans
la
mme
mesure
la
perfection
de
l'ordre. Il
y
a
des
tres
qui
sont
de
mme espce,
(1)
Cont.
Ge,tt., 1.
ii,
c.
39.
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
31/284
DE
LA
NOTION
d'oRDRE
15
de
mme nature,
individus
distincts d'une
seule et
unique
race.
Entre
eux
il
y
a
identit
d'essence,
la
distinction
n'est
qu'individuelle.
Or, d'aprs la philo-
sophie
scolastique,
ce
qui, dans
une espce,
nous
fait
distinguer
les individus,
ce
sont
les
accidents.
Ayant mme nature^
ces
individus
ne peuvent
tre
discerns les uns
des autres que
par
des lments
constitutifs
surajouts
la nature,
et
tout
ce
qui
est
ajout la nature,
est
accident.
Les
tres
dont il
s'agit
ne
sont
donc
spars,
distingus
que
par des
diff-
rences
accidentelles
(1).
Et
comme
l'ordre
est
l'unit,
l'harmonie
apporte
dans
les
choses distinctes, l
o les diffrences
ne sont
qu'accidentelles, l'ordre
lui-mme ne
sera
qu'accidentel.
Il
en
rsulte
que
si
je
veux
disposer
des
hommes
dans un
ordre dtermin,
ces hommes tant de
nature
identique, l'ordre
ne
pourra
porter
sur la
nature
humaine;
on
se sou-
jvient
du mot de saint
Thomas
:
ejusdem
ad seipsum
Inon
est ordo
;
mais il
atteindra
les
accidents
ajouts
cette nature
et distinctifs
des individus
;
il
ne
sera
qu'accidentel.
Accidentel, l'ordre
de
bataille donn
des troupes;
accidentel,
l'ordre social
des citoyens
entre
eux
et avec les
autorits
(2).
Mais
si,
au lieu de s'tablir
entre les
individus
d'une
mme
espce, l'ordre
rgit les
espces d'un
mme
(1)
La
philosophie
donne
un
double
sens
au
mot
accidentel.
Tantt
elle
l'oppose
la substance
et entend
par accident tout ce qui se joint,
s'ajoute
la
substance
sans
la
constituer. Il
est
vident
que
nous
.n'entendons
pas
dans
ce
passage
le
mot
accidentel
en ce sens et
que
nous
acceptons
une distinction
substantielle
entre
chaque
individu
d'une
mme
race.
Tantt accidentel
est oppos
essentiel
et
se
prend
pour
tout
ce
qui n'est
pas lment
constitutif
de l'essence
des
tres.
Ici,
nous
employons
cette acception,
et
identifiant
l'essence
avec
l'espce
constitue
par
le
genre
et
la
diffrence
spcifique, nous
appe-
lons
accident
tout
ce
qui
s'ajoute
l'espce
pour
en diffrencier
les
parties
ou
individus.
(2)
Les
moralistes
se placent
un autre point de
vue
et
ne
contre-
disent
pas ce
que
nous
disons ici,
quand ils
fondent
les
prceptes de
la morale
sociale
sur
ce
qu'ils
appellent
l'essence des
choses.
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
32/284
16
DE
LA
NOTION
d'oRDRE
genre
ou
d'une
mme
catgorie,
alors
il devient
essentiel.
Les diffrences,
en
effet,
les
raisons
de
priorit et
de
postriorit,
de
supriorit
et
d'infrio-
rit
qui
serviront
de
base
cet
ordre,
sont
elles-
mmes
spcifiques
et
essentielles.
Elles
communi-
queront
ce
caractre
l'ordre.
On connat
la
thorie
de
saint
Thomas
sur
la
diversit des
natures
angliques.
Pour
l'Ange
de
l'cole, la
matire
est
principe
d'individuation,
la
forme,
principe
de
spcification:
l o
il
y
a
matire,
il
y
a
des
individus,
l
o
il
y
a
forme,
il
y
a espce.
Mais
aussi o
la matire
fait
dfaut,
il
n'y
a
plus
individuation,
mais espce
seule.
Les
anges
sont des
formes pures,
nullement
unies
la
matire
;
ils
sont
donc
des espces
pures
;
et
les
diffrences
qui
existent
entre
eux
tant
des diffrences formelles,
sont
aussi
spcifiques, et
il
n'y
a
dans
le
monde
anglique
que
des
espces.
L
on ne rencontre pas,
comme
dans
le
genre
humain, o
les
mes
sont
par leur
union
plu-
sieurs
matires,
multiplies et
individues, un
grand
nombre
d'individus
de
mme
race,
mais
autant
il
y
a
d'anges,
autant
il
y
a
d'espces.
La
hirarchie
ang-
lique n'est
plus ds lors
un ordre accidentel,
comme
les
hirarchies humaines,
mais
elle
est
un
ordre
essentiel,
harmonie stable
tablie
entre
des
tres
spcifiquement
distincts.
Pareillement,
l'ordi-e
qui
rgne
entre
les
espces
vivantes, entre
les
espces
animales ou
vgtales, entre les
espces
mme
min-
rales, est
un
ordre
essentiel
(1).
(1)
Oportet autem (|uod
superiores
univorsi partes
magis
de
bono
univers
participent, ({uod est
ordo.
Perfectius autem
participant
ordinem
ea
in
(luibus
est
ordo per
se,
([uam
ea in quihiis est
ordo
per
accidens
tantuni.
Manifestum
est autem (jucd
in
omnibus
individuis
unius
speciei
non
est
ordo
nisi
secundum
accidens
;
l'oiiveniunt
enim
in
natura et
differunt
secundum
principia
individuantia
et
diversa
accidentia,
qu
per
accidens
se
habent
ad
naturam
speciei.
Qute
autem
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
33/284
DE
LA
NOTION
d'oRDRE
17
18.
On
comprend maintenant
ce
principe
mis
par
saint
Tliomas,
que
de
la
diversit
des
formes,
c'est--
dire
des
espces,
on
peut
tirer
la
raison
de
l'ordre
des
choses :
Ex diversitate formarum
sumitur
ratio
ordinis
rerum
(1).
Dans
l'ordre
essentiel,
c'est
la
diversit
des
espces, des
formes spcifiques
qui sert
de
substratum
l'ordre
mme des
choses
;
les espces
ne
sont
ordonnes
qu'en
raison
de
leurs
diversits
spcifiques.
Mais
ce
principe,
vrai
de
l'ordre essentiel,
ne
l'est
pas
de
l'ordre
accidentel
(2),
puisque l
il
n'y
a
pas diversit,
mais
unit
de forme
et d'espce.
V.
Diverses
espces
d'or^dres.
Ordre
de
raison
et ordre
rel;
ordre
rel
interne ou externe.
19.
Nous nous
sommes
efforc
jusqu'ici
d'clairer
et de prciser
la
notion
d'ordre, il nous
reste
la
diviser,
chercher
s'il
y
a
diverses
espces d'ordres
et
combien
il
y
en
a.
La
philosophie
distingue en
premier
lieu l'ordre
de
raison
et
l'ordre rel.
Car
l'ordre,
c'est l'unit
dans
la
multiplicit.
Or,
s'il
existe une
multiplicit
relle,
une
diversit objective
et
fonde
sur la nature
mme des
choses,
telle
est
par
exemple
la
multiplicit
de
la
diversit des
matriaux
d'un
difice,
il
est vrai aussi
que,
dans un
tre simple,
l'intelligence
peut distinguer
plusieurs
aspects,
plusieurs
concepts
et,
l
o
relle-
ment
rgne l'unit,
apporter
une
multiplicit
logique.
N'est-ce
pas le
procd
que nous
sommes
sans cesse
specie
differunt,
ordinem
habent
per
se
et
secundum
essentialia
prin-
cipia.
Invenitur
enim
in
speciebus
rerum
una abundare
super aliam
sicut
et in
speciebus
numerorum,
ut
dicitur
in
viii Met.
com.
10.
Saint
Thomas,
de
Spirit. crt.,
qust.
un.,
art.
8.
Cf.
in
I
sent.,
d.
12,
a.
2,
2-.
(1)
Cont. Gent.,
1.
m,
c. 97.
(2)
A
moins
qu'on
n'ait
recours
aux formes
accidentelles.
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
34/284
18
DE LA NOTION
d'oRDRE
A
obligs
d'employer
dans l'tude
de
l'Etre
divin?
Quoi de
plus simple en
soi que
Dieu?
Quoi
de
plus
complexe
pour notre esprit?
Quel
tre
nous
impose
plus
de
concepts?
Nous distinguons
en
Dieu
l'essence,
les
proprits,
les
attributs,
l'unit, la
puissance,
l'infinit,
la
vrit,
la
bont,
que
sais-je? Il n'y
a
pas
dans
le
trsor
de
l'esprit
humain,
une
seule
ide
de
perfection
qui
ne
puisse
tre
applique
Dieu.
En
un
mot
l'tre de
Dieu
est
infiniment simple,
notre
intelligence
y
cre une
multitude d'aspects,
de
concepts,
de
distinctions,
sans lesquels
elle
resterait
dans
l'ignorance de
son
crateur.
Si
l'intelligence
aprs
avoir
distingu
plusieurs
concepts
dans
un
tre
rellement
simple,
compare
ces
concepts
entre
eux,
en trouve de
plus
essentiels
et
de
moins
impor-
tants,
si
elle les
classe en
consquence
dans un
ordre
proportionn
leur
valeur,
leur vrit et
leur
certitude
;
cet
ordre
cr
par la raison
parmi
des
concepts
galement distingus
par elle,
s'appellera
ordre
de raison.
La
logique
et
la
grammaire
crent,
et
c'est
l
leur
fonction,
des
tres
qu'on
a
appels
tres
de
raison,
parce
qu'ils
n'ont
aucune existence
relle et
extrieure et
sont
de
purs
fruits
du
travail mental
:
la
logique
cre
des
classifications
d'ides
,
la
grammaire des
classifications de
mots
;
l'une
nous
parle
de
genres
et
d'espces,
l'autre
de
dclinaisons,
de
conjugaisons
ou
des diverses
parties
du
discours
:
multiplicit
rationnelle
que tout
cela,
dans
laquelle
l'esprit
tablira
pareillement un
ordre
rationnel,
un
ordre de
raison:
soit
qu'il
compare
ses
crations
entre
elles,
les espces
avec les
genres,
les
accidents
avec
les
proprits,
soit
qu'il
les
compare
avec
des ralits
comme
le genre
avec
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
35/284
DE
LA
NOTION
d'oRD-RE
19
l'individu,
la
notion
gnrale
d'homme
avec
Tindi-
vidu
qui
s'appelle
Socrate.
Toutes
les
fois,
au
contraire,
que
les
parties
d'un
ordre
sont des
ralits,
qu'elles
existent
rellement
et
qu'elles sont
relle-
ment
distinctes,
l'ordre
qu'on
y
introduit
est
rel(l).
20.
L'ordre
rel
lui-mme
n'est pas
uniforme et
comporte
quelques
subdivisions.
Outre
l'ordre essen-
tiel
et
l'ordre
accidentel
qui
sont
plutt des
degrs,
que
des
varits ou des
genres
d'ordre
diffrents, il
y
y
a
lieu de
distinguer
Tordre
qui
implique une
pure
juxtaposition
ou
succession
entre
les parties,
de celui
qui
suppose
en
outre
entre
elles
des
relations
de
communion
intime
et
des
rapports de causalit.
Nous
avons
dj
dit
quel
rle
fondamental
le
principe joue
dans
la constitution
gnrique ou
spcifique
de
l'ordre. Nous
avons dit
aussi
que
le
[principe peut
tre
ou
un
premier
ou
une cause.
Lorsqu'il
est
uniquement
un
premier
aprs
lequel
d'autres,
par
exemple,
dans l'espace,
d'autres
corps,
ou,
dans
le
temps,
d'autres
faits,
sont
harmonique-
ment
coordonns,
il est
vident
qu'il
y
a
l un ordre,
mais sans
liens
intimes,
essentiels et
bien
troits
entre
les
parties.
Au
contraire
quand
le principe
est,
en outre,
une
cause,
la
cause
de toute
la srie
qui
lui
est
ordonne,
alors
entre lui
et
tous
ses
drivs,
il
y
a
dpendance
ncessaire,
ceux-ci
n'existent
pas sans
celui-l
;
dans cette
hypothse
l'ordre
est
plus
profond
et
plus
stable.
Ce
second
ordre
s'appelle
ordre
de
nature^
parce
qu'il pntre
la nature
mme
des choses,
et
saisit
jusqu'aux
plus
intimes
profon-
(1)
Ordo
absque
distinctione
non
est
;
unde
ubi
non
est distinctio
secundum rem,
sed solum
secundum modum
intelligendi,
ibi non
potest
esse ordo,
nisi secundum modum
intelligendi.
De
Potent.,
q.
10,
a.
3.
Cf.
q. 7,
a.
11.)
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
36/284
20
DE LA
NOTION
d'oRDRE
deurs
des tres. Le premier
prend
des
noms
divers
suivant les objets auxquels il s'applique et
s'appelle
tantt
ordre
local, et
tantt
ordre chy^onologique,
etc.
VI. Ordre de la 'puissance et
ordre
de l'acte.
21. L'ordre
de
nature
son tour est
multiple
et,
si
l'on en
croit
saint
Thomas, on
doit en compter
deux.
En
effet,
deux
grands
principes
se
partagent
l'ensemble des tres et
concourent
leur constitution
essentielle
:
c'est,
d'une
part, l'acte
infini
et
pur en
Dieu,
fini
et
ml
de
puissance
dans les
cratures,
plus actuel
et
moins
potentiel dans
les
tres
sup-
rieurs plus
rapprochs
de
Dieu,
moins actuel et
plus
potentiel
mesure
qu'il
s'loigne de sa
source
ter-
nelle. C'est,
d'autre
part, la
puissance
passive
sans
autres
limites que
le monde
corporel
et
pure
dans
la
matire
premire, limite et
unie
l'acte
dans
tout
tre
fini,
plus
potentielle et
moins
actue
dans
les
corps
infrieurs, moins
poten-
tielle
et
plus
actue
quand on
a
mont dans
l'chelle
des
tres. L'acte
et la
puissance
sont
principes;
l'acte
est
principe de
perfection,
de
dtermination,
d'tre,
d'activit, d'unit.
La
puissance est
principe
d'imperfection,
d'indtermination, de
non
tre,
d'inertie,
de
multiplicit. Deux
grands
ordres
se
partagent
donc
le
monde
:
Vordre
des
actes,
avec
Dieu
sa
source,
puis
toutes
les
espces
depuis les
anges jusqu'au
moindre
minral
;
ordre de
perfection
qui
va
du plus
parfait
au
moins
parfait. Ensuite
Y
ordre
de
la puissance,
ayant
la matire premire
sa
base,
puis
toutes
les
natures
corporelles
soumises
aux
changements
substantiels,
la
mobilit
essen-
tielle
et
continue,
enfin toutes
les
natures
spiri-
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
37/284
DE
LA
NOTION
d'oRDRE
21
tuelles
(1)
finies
dont
la potentialit
est
purement
accidentelle
et
ne
subit
que
des
changements
qui
n'altrent pas la substance : ordre
de
potentialit,
qui
va
du
moins
parfait
au plus
parfait.
22.
A
l'ordre de la
puissance
appartient la
cause
matrielle^ puisque
la
puissance est la
cause
mat-
rielle
mme
des
tre
finis.
A
l'ordre
de
l'acte
appar-
tiennent
trois
causes, la
cause formelle, la
cause
efficiente
et
la
cause
finale;
car, dans
toutes trois, la
causalit
descend,
va du plus
au moins,
du plus
parfait
au moins
parfait;
de l'acte
plus
pur
l'acte
moins
pur.
D'o
la
ncessit
d'apporter
une
nouvelle
division
dans
l'ordre
de l'acte.
On
doit
y
dis-
tinguer
d'abord
la
hiraixhie
des causes
formelles,
depuis
Dieu
qui est
la
forme,
l'essence
infinie,
jusqu'
la dernire espce
cre
en
passant
par
tous
les
degrs
des rgnes
spirituel,
animal,
vgtal
et minral.
Puis
la hirarchie
des causes
efficientes
puisant
toutes
dans l'infinie nergie
du
Crateur,
participant
son
activit
essentielle,
comme
leurs
formes
participent
son tre pur et
se
communiquant
de
proche
en
proche, le mouvement,
la
force
qu'elles en
ont
reue.
Enfin
la
hirarchie
des
causes
finales
par
lesquelles
s'opre
vers
Dieu le
retour
graduel
des
tres
descendus
de
lui
par la
voie des
causes
efficientes
:
hirarchie
qui
son sommet
a
l'infinie
bont
de Dieu,
laquelle
fait
rayonner
sa
bont
sur
toutes
les fins
secondaires,
et les
tire
soi
comme
autant
de
moyens
sagement
proportionns
et puissamment
conduits
ce but
ternel
et
suprme
(2).
(1)
Evidemment
nous
n'entendons
pas
dire
que
les
natures
spiri-
tuelles tirent
leur
potentialit
de
la
matire
premire,
celle-ci
n'est
cause que
de
la
potentialit
des
natures
corporelles.
(2)
Prius et
posterius
dicuntur
in
quolibet
ordine
per compara-
tionem
ad
principium
illius
ordlnis
;
sicut
in
loco per
comparationem
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
38/284
22
DE LA
NOTION
d'oRDRE
23. Nous
dvelopperons
plus longuement
dans la
suite
la
nature,
les
degrs,
ainsi
que
le
paralllisme
de ces
trois hirarchies,
de ces
trois
ordres
de causes
formelles,
de
causes efficientes,
de
causes
finales.
Il
suffit
pour le moment
de les
avoir indiques et
d'en
avoir
formul
le
principe;
ajoutons
seulement
la
dsignation
que
leur attribue ordinairement
l'Ange
de l'cole.
L'ordre de
nature
constitu
par
la
hirar-
chie
des
causes
formelles,
est
l'ordre des formes,
proprement
l'ordre
de
nature ou
des natures
;
l'ordre
constitu
par
les causes
efficientes
est
l'ordre
d'ex-
cution, ordo
executionis, car
il
est
tout
entier
renferm dans l'activit
des
tres,
dans
l'excution
active
du
plan
divin
;
l'ordre
constitu par la
hirar-
chie des
causes
finales
est
Vor^do intentionis,
l'ordre
d'intention
:
l'intention,
c'est
la
tendance vers
la
fin,
l'aspiration
vers
le
bien
;
il
y
a
donc
corrlation
entre
l'intention et la
fin, celle-ci
tant
l'objet, le but de
celle-l
(1).
VII.
Manire de
dsigner
les ordres.
Ordre
gnral
de
la
cause
premiere et
ordres
particuliers
des causes
secondes. Ordre
de
l'tre, du vrai, du bien.
24.
D'aprs saint Thomas
on peut
dsigner
un
ordre
d'une
double
manire:
tantt on
le
dsignera d'aprs
la
raison
commune
et
la
forme,
d'aprs
la
nature
ad principium loci, in disciplinis
per
comparationem
ad principium
discipline. Sic ergo
et in ordine
natur
dicitur
aliquid esse
prius
per
comparationem ad
natur
principia
qua?
quidem sunt
quatuor
caus.
Quamvis autem
causa?
sint
quatuor: trs
tamen earum,
scilicet
effi-
ciens,
formalis
et
finalis,
concurrunt in
idem, unde
relincpiitur
quod
ordo
natur
sit duplex,
unus
quidem
secundum
rationem
caus
materialis,
secundum
quod imperfectius
est
prius
perfecto
et potentia
actu.
Alius
autem ordo natur
est secundum
rationem
aliarum
trium
causarum, secundum
quam
perfectum
est
prius
imperfecto et actus
posentia.
Qiiol.,
a.
10,
c.
(1)
Cf.
s.
Thomas, in V
Met.,
1.
13,
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
39/284
DE
LA NOTION d'oRDRE
23
intime participe
par
toutes les parties
de
l'ordre
et
qui
sert
unir ces
parties
et
spcifier
l'ordre
;
ainsi
on appellera ordre du
bien,
celui
o toutes
les
parties
sont
ou
le bien
suprme,
ou des biens drivs,
rayonnements du bien suprme
tendant
s'unir
et
se
runir
lui. Tantt
on dsignera l'ordre
d'aprs
\e
nombre de ses
parties,
d'aprs
les sujets
o
cette
raison commune
est
ralise, d'aprs la matire
mme de l'ordre
;
par
exemple,
l'ordre du bien
s'appellera
encore
ordre
des
fins
et
des
moyens,
parce
que
toutes ses parties sont ou des fins ou des
moyens
et que
le bien
y
prend la
forme
de
bien
en
soi ou
de
bien
utile,
de
terme ou
d'instrument
d'op-
ration. La premire
dsignation
se tire
du
principe
d'unit, la seconde
du
principe
do
multiplicit
(1).
25. Quand il
s'agit
de
l'ordre
de
nature, sous
n'importe
laquelle
de
ses trois
faces, l'anglique
docteur apporte une
distinction
qui sert de principe
la
description
de la
hirarchie
des
causes
et de
l'ordre
qui
en
rsulte. Il
faut,
dit-il,
considrer qu'il
y
a deux
genres
de
causes
:
la cause premire
et les
causes secondes. La
cause
premire,
dans
chaque
ordre,
est
le
principe,
la
source
de tout
l'ordre,
de
toutes
les
causes secondes,
de
tous
les
tres
qui
s'y
rencontrent
et
de
tout l'tre
de
chacun
de ces tres
:
(1)
Ordinem
autem universalem secundum
quem
omnia
ex divina
providentra
ordinantur,
possumus
considerare
dupliciter, scilicet quan-
tum
ad
res
quae subduntur ordini,
et
quantum ad ordinis
rationem,
quee
ex
principio ordinis dependet
.
Cont. Gent.,
1.
m,
c. 98.
Potest
ergo
considerari
ordo
rebus
statutus ex
divina
providentia,
aut
ex parte
rerum
quibus imponitur
et
determinatur
ordo,
aut
ex
parte
sui
principii
ex
quo
ipse
ordo
habet
ut dicatur ordo
divinae
pro-
videntisB
et
divines
voluntatis
et
divines scientiee, sicut
si
diceremus
ordinem
aliquorum
secundum
locum
posse
considerari,
aut
in
quantum
est
ordo
talium
rerum,
aut in
quantum est
ordo secundum
locum
et
iste est sensus
hujus
distinctionis.
(Ferrarien.,
in
Summ.
Cont.
Gent.,
1. III,
c.
98.)
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
40/284
24
DE
LA NOTION
d'oRDRE
elle
est
donc
principe
universel
et
transcendant
qui
enveloppe
tout
l'ordre
dans son influence
et
auquel
rien
n'chappe.
Mais
cette cause
communique
aux
diffrentes
parties de
l'ordre,
leur
tre, et
non
seule-
ment
cela,
mais
encore elle
leur
fait part
de sa
causalit,
elle
leur
donne d'tre
principes, sources^
comme
elle
l'est
elle-mme : d'o
des
causes
secondes,
causes
efficientes
et
causes finales
secon-
des.
Mais
ces
causes
secondes restent
subordonnes
la
cause
principale
et premire,
n'agissent
et ne
causent
que
dans
sa
dpendance, que
par
elle
et
pour
elle.
En
outre,
elles
sont
moins puissantes que
la
cause
premire,
n'atteignent
pas le
fond
de
l'tre
comme
celle-ci
:
tandis
que
la cause
premire
donne
Ttre,
la
cause
seconde
qualifie l'tre;
l'activit de
celle-ci
n'est
pas
seulement
moins
profonde,
elle
est
encore
moins
tendue,
elle
s'adresse
un
plus
petit
nombre
d'objets.
Par exemple,
dans
l'ordre
des causes
efficientes,
deux
grandes
causes
secondes
agissent
sur
le
monde
spirituel,
l'intelligence et
l'amour
;
deux
autres grandes
causes secondes
agissent
sur
le
monde
corporel,
la
lumire
et
la
chaleur
:
mais il
est
vident
que
ces
causes
sont
moins
universelles
que
la
cause
premire.
Dieu
;
elles
n'agissent
pas en
tout
et
l
o
elles
agissent
elles ne
font
pas tout
comme
Dieu.
26. Or,
de
mme
que
tout
se
rapporte
plus
ou
moins
directement
la
cause
premire, que
tout
est
ordonn
vers
elle
comme
tout
en vient, et
que
cet
ordre
universel
des
choses
peut
s'appeler l'ordre
de
la
cause
premire,
pareillement
tous
les
effets
de
chaque
cause
seconde
se
rapportent
celle-ci,
sont
ordonns
vers elle
et
constituent
son ordre
parti-
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
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DE
LA
NOTION d'oRDRE
25
culier : l'ordre
intellectuel,
l'ordre
moral
;
l'ordre
et le
systme
thermique^
etc.
Il
y
a
donc
ordre
de
la
cause
premire,
ordre
de
la cause
seconde
: ordre
universel et ordres
particuliers.
Le caractre
limit
et
particulier
de
ces
derniers
ordres explique
pourquoi
il
y
en
a
plusieurs, pourquoi
il
y
en a un
grand
nombre. Non
seulement
tous les
tres
font
partie
de l'ordre
universel
bas
sur la
cause premire,
mais
encore
tous
et
chacun
entrent
dans la constitution
d'un
ou de
plusieurs ordres
particuliers et
parce qu'il n'y
a
pas
une seule
cause
seconde qui puisse
tendre sa
sphre
d'influence
sur
toutes
choses, il
a fallu
que Dieu
partaget
le
monde
entre
plusieurs
causes
secondes,
entre
plusieurs
ordres
particuliers.
27
.
Et
ces
ordres
particuliers
ne
sont
pas indpen-
dants les uns
des
autres.
Si
quelques-uns
peuvent se
rfrer
des principes
d'gale valeur,
en gnral les
causes secondes
occupent
des
chelons divers:
les unes sont
au-dessus
des
autres,
communiquent
celles-ci leur
activit
propre
et
une partie
de
leur
influence,
comme
Dieu les
a
fait
participer
elles-
mmes son
tre
et
son
activit
;
il
y
a donc
des causes
secondes
qui jouent
l'gard
d'autres
causes
secondes
un rle
analogue
celui
que Dieu
joue
l'gard
de
toutes les
causes secondes,
et
par
suite il
s'tablit,
toutes
proportions
gardes,
entre
ces
causes
secondes
infrieures
et les
causes
secondes
suprieures,
les
mmes
rapports
de
subordination,
les
mmes
diffrences
de
puissance
et
de
juridiction
que nous
avons
constates
entre
les
causes
secondes
en
gnral
et
Dieu.
On
saisit
ainsi la
belle
harmonie,
la
splendide
synthse
qui,
-
7/26/2019 De La Notion d'Ordre
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26 DE
LA
NOTION
d'oRDRE
dans
chaque
ordre, unit
toutes
les causes entre
elles,
et avec
leur
principe,
tout
fait comme
dans
un tat on trouve l'ordre familial
et domes-
tique
entrant
dans l'ordre
de
la
cit
et
lui tant
subordonn,
celui-ci dpendant
de la
province
avec
d'autres
cits,
les
provinces
dpendant
de
l'tat
(1).
28. De
tous
les
ordres
que
nous venons d'nu-
mrer, il
y
en
a
surtout trois
dont
l'Ange
de
l'cole
aime s'occuper, qu'il esquisse chaque
fois qu'il
en
a
l'occasion
et
entre lesquels il
afirme constamment
un
paralllisme universel
:
c'est
l'ordre de
Vtre qui
contient
la hirarchie des natures et
celle des
causes
efficientes,
ces
deux
hirarchies runies
en
un
seul
ordre, en
vertu du
principe
que
l'opration suit
l'tre,
operari
sequitur esse; puis c'est
l'ordre
du
vrai,
ordre
des choses intellectuelles,
de
la
connaissance
et
des
tres de
raison
;
enfin
c'est
l'ordre
du
bien,
qui
comprend
la
hirarchie
des
causes
finales