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1 Cahier de la Recherche de l’ISC Paris CRISC N°21 Logistique 3 ème et 4 ème trimestres 2008

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Cahier de la Recherche de l’ISC Paris

CRISC N°21

Logistique

3 ème et 4 ème trimestres 2008

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Conseil scientifique

Liste des membres : BRESSON Yoland, Professeur d'économie, ancien doyen, Université Paris - Val de Marne Paris XII CUMENAL Didier, Directeur de la recherche, professeur de Management des Systèmes d'Information, Doctorat ès sciences de gestion ESCH Louis, Professeur de Finance, Directeur académique d'HEC Liège, Université de Liège GALLAIS-HAMMONO Georges, Professeur émérite à l’Université d’Orléans. Président d’Honneur de l’AFFI HETZEL Patrick, Professeur à l’Université de Limoges KUZNIK Florian, Recteur, économiste, Université d'Economie de Katowice (Pologne) MORIN Marc, Professeur en management des ressources humaines, Doctorat d'Etat PARIENTE Georges, Doyen de la recherche, professeur d'économie, Doctorat d'Etat PESQUEUX Yvon, Professeur titulaire de la chaire Développement des Systèmes d'Organisation au CNAM PORTNOFF André-Yves, Directeur de l'Observatoire de la Révolution de l'Intelligence à Futuribles REDSLOB Alain, Professeur d'économie, ancien doyen de la faculté des Sciences Economiques de Paris II VANOVERBERGHE Didier, Directeur des processus SI RA & SOX, Orange ZEFFERI Bruno, Directeur Cegos Dirigeants

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Comité de lecture

Liste des membres : AGARWAL Aman, Professor of Finance and Director of Indian Institute of Finance, Editor of Finance India CHEN Kevin C., California State University, Editor, International Journal of Business CLARK Ephraïm, University of Middlesex, U.K. DESPRES Charles, Directeur de l’International Institute of Management du Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris DOMINGUEZ Juan Luis, Professeur titulaire de la Chaire Economie Financière et Comptabilité, Faculté d’économie et sciences de l’entreprise, Université de Barcelone, Espagne JÂGER Johannes, Doyen de University of Applied Sciences, Vienne (Autriche), Lecturer Fachochschule des bfi Wien Gesellschaft m.b.H. KUMAR Andrej Professor, Holder of Chair Jean Monnet, Faculty of Economics, University of Ljubljlna, Slovenia PARLEANI Didier, Professeur de droit à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne PRIGENT Jean-Luc, Professeur de finance à l’Université de Paris Cergy RYAN Joan, Professor of Global Banking and Finance at the European Business School, London, Grande-Bretagne SCHEINWBERGER Albert G., Professeur à l’Université de Constance, Allemagne

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CRISC déjà parus

Cahier n°1 : Finance (Edité en avril 2002) Cahier n°2 : Marketing (Edité en septembre 2002) Cahier n°3 : Economie (Edité en mars 2003) Cahier n°4 : Contrôle de gestion (Edité en décembre 2003) Cahier n°5 : Droit (Edité en mai 2004) Cahier n°6 : Ressources humaines (Edité en juin 2004) Cahier n°7 : Les NTIC (Edité en septembre 2004) Cahier n°8 : Microstructures et marchés financiers (Edité en janvier 2005) CRISC hors série Actes de la 3ème Conférence Internationale de Finance – IFC 3 (mars 2005) Cahier hors série n°1 Finance Cahier hors série n°2 Bourse Cahier hors série n°3 Formalisation et Modélisation

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CRISC déjà parus (suite)

Cahier n°9 : International (Edité en mai 2005) Cahier n°10 : Marketing : études et décisions managériales (Edité en septembre 2005) Cahier n°11 : Actes du colloque de ressources humaines du 24 novembre 2005 « La responsabilité sociétale de l’entreprise : quel avenir pour la fonction RH ? » (Edité en janvier 2006) Cahier n°12 : Stratégie (Edité en mars 2006) Cahier n°13 : Normes IFRS (Edité en juillet 2006) Cahier n°14 : Corporate Governance (Edité en octobre 2006) Cahier n°15 : Dynamique des organisations (Edité au 1er trimestre 2007) Cahier n°16 : Actes du colloque IFC 4 (Parution 2ème trimestre 2007) Cahier n° 17 : Actes du colloque : « Entrepreneuriat, nouveaux défis, nouveaux comportements » (Parution 3ème trimestre 2007) Cahier n° 18 : Outils d’analyse stratégiques et opérationnels en marketing (Parution 4ème trimestre 2007)

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Cahier n° 19 : Management des systèmes d’information (Parution 1er trimestre 2008) Cahier n° 20 : Finance (Parution 2ème trimestre 2008)

CRISC prochainement disponible(s) Cahier n° 22 : Economie du sport (Parution 1er trimestre 2009) Cahier n° 23 : Fiscalité (Parution 2° trimestre 2009)

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Sommaire

PARIENTE Georges p. 8 Doyen de la Recherche de l’ISC Paris Editorial MORIN Marc p. 10 Structures d’organisation et de coordination des processus de négociation entreprises-syndicats. Quelques apports de la théorie des organisations, de la théorie des jeux, et du concept conventionnaliste de confiance PONS Jacques p. 61 Evolution et reconnaissance de la fonction logistique De la Logistique au Supply Chain Management VERNY Jérôme, Sébastien PELISSARD p. 134 L’évaluation de l’empreinte carbone dans le secteur du transport et de la logistique : un instrument de mesure en faveur d’une mobilité soutenable ? Les articles sont classés par ordre alphabétique des noms d’auteurs

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Editorial Georges PARIENTE Docteur ès Sciences Economiques Doyen de la recherche à l’ISC Paris Le dernier CRISC de l’année 2008 est consacré aux concepts de logistique qui prennent une importance toute particulière dans le cadre de la mondialisation contemporaine. Il convient tout d’abord de préciser la signification du terme de « logistique » et de ce que l’on considère, à tort, comme une simple traduction le « supply chain management ». La logistique est un concept d’origine mathématique dont l’utilisation a d’abord été étendue au domaine militaire pour désigner les approvisionnements et les moyens matériels des armées. Puis, en matière d’échanges et de commerce international, on l’a utilisé pour désigner tout ce qui concerne le stockage, l’emballage, le transport et même la distribution des marchandises. Plus récemment une notion de « logistique globale » a ajouté la gestion optimisée des flux physiques et la recherche de meilleures performances financières et c’est en cela que nous en arrivons au concept de « supply chain management » que l’on pourrait traduire par « gestion de la chaîne logistique ». Cette distinction est clairement détaillée dans l’article intitulé « Evolution et reconnaissance de la fonction logistique » par Jacques PONS, professeur de logistique à l’ISC Paris. Auparavant Marc Morin, responsable du laboratoire « Entrepreneuriat-Management » à l’ISC Paris avait dans son article intitulé : « Structures d’organisation et de coordination des processus de négociation entreprises-syndicats » cherché à étendre la logistique au domaine des processus et des procèdures qui, en sciences des organisations, permettent de mieux combiner coûts et avantages en menant des négociations équilibrées.

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Enfin le troisième article co-écrit par Jacques Verny, et Sébastien Pélissard se consacre à un sujet de grande actualité : l’évaluation de l’empreinte carbone. Le développement extrêmement rapide du transport et de la logistique ne peut qu’entraîner des nuisances accrues sur l’environnement. Il est donc important de développer des outils de mesure, tels l’empreinte carbone, qui doivent permettre de ne pas entraver une mobilité certes indispensable mais qui restera soutenable. Du moins est-il permis de l’espérer. Comme d’habitude, nous restons à l’écoute de vos remarques, critiques et suggestions. Georges PARIENTE Doyen de la Recherche [email protected]

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Marc MORIN Docteur en Sciences de Gestion, HDR Responsable du département d’Audit/Management des ressources humaines à l’ISC Paris Structures d’organisation et de coordination des processus de négociation entreprises-syndicats.

Quelques apports de la théorie des organisations, de la théorie des jeux, et du concept

conventionnaliste de confiance Abstract The negotiations between the companies and the trade unions, between the companies, the trade unions and the State, also call on processes. Or on procedures which must include the carrying out of certain phases, mobilize infrastructures and organized and coordinated socio-structures, and abide by certain rules allowing their reproduction. The whole being intended, through the common purpose of their operators as aiming at obtaining certain advantages while making concessions with the goal of reaching a balance setting the compromises obtained. In terms of game theory, win-win compromises are, by doing that, made possible. They must also obey to what the conventional program, in economics and management, names a sufficient degree of confidence. The aim of the article is to define the main procedures, techniques and organizational and institutional routine practices which contribute to balanced negotiations. And, by resorting to the game theory, and by being based on various research works highlighting in particular international comparisons, defining the conditions of the imbalance

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Résumé Les négociations entre les entreprises et les syndicats, entre les entreprises, les syndicats et l’Etat, participent aussi de « processus ». Ou de procédures qui doivent comporter certaines phases de réalisation, mobiliser des infrastructures et socio-structures organisées, et coordonnées, et obéir à certaines règles permettant leur reproduction. Le tout étant destiné, à travers les volontés communes de leurs acteurs visant à obtenir certains avantages tout en faisant des concessions, de parvenir à un équilibre fixant les compromis obtenus. En termes de théorie des jeux, des compromis gagnant-gagnant sont, ce faisant, possibles. Ils doivent aussi obéir à ce que le programme conventionnaliste, en économie et en gestion, nomme un degré suffisant de confiance. L’article a pour objet de définir les principales procédures, techniques et routines organisationnelles et institutionnelles, qui concourent à des négociations équilibrées. Et, en recourant à la théorie des jeux, et en s’appuyant sur divers travaux faisant notamment état de comparaisons internationales, à définir les conditions du déséquilibre. Avant-propos La « Gestion de la ressource humaine » (GRH) peut désigner, au sens académique, un secteur de recherche au sein des sciences de gestion (qui a en France ses représentants universitaires, ses associations et centres de recherche). Le terme de « logistique » évoque immédiatement, en GRH, deux concepts. Ces concepts ont été éprouvés au sein de la théorie dite des organisations, laquelle constitue le véritable soubassement scientifique des enseignements de management de la ressource humaine (1996, Amadieu & Rojot). Le premier, mobilisé dès le tout début de l’école classique du management par Taylor, Fayol et d’autres, permet de penser, non pas seulement la division du travail, c’est-à-dire la séparation des postes au double plan horizontal et vertical, mais la « coordination » de celle-ci.

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Pour coordonner une structure de travail, il faut en effet « mettre en mouvement » sa division initiale. Il faut en particulier penser et structurer de façon dynamique sa logistique, au sens où les actions des différents acteurs présents doivent en quelque sorte se combiner si possible au mieux, s’encastrer les unes dans les autres, tout en allant dans une direction commune. Celle du produit du travail collectif qui se construit, et qui débouchera sur une offre pérenne. L’action même de manager, qui selon ses quatre phases traditionnelles successives consiste à planifier, organiser, coordonner et contrôler, passe d’ailleurs par cette phase indispensable dans laquelle les déplacements d’hommes, de biens et de services, d’informations, d’argent, d’ordres, doivent se combiner et s’articuler correctement pour obtenir, à défaut du meilleur résultat au moindre coût, un résultat raisonnable en rapport de l’ensemble des dépenses consacrées. Le deuxième concept de sciences des organisations, qu’appelle le mot logistique, évoque immédiatement le nom d’H. Mintzberg. Ce second concept entretient avec le premier des rapports étroits. Le pôle logistique désigne en effet, dans le schéma classique des configurations structurelles de ce dernier, une entité fonctionnelle et sociale qui, au sein de toute organisation, est chargée de tâches spécifiques. Il s’agit d’un groupe de travail homogène qui est spécialisé dans la production et l’offre, en interne (ne donnant donc pas lieu à paiement entre les acteurs), d’un certain type de biens et services. La logistique, c’est le pôle qui fournit aux autres salariés, et fonctions de la firme, ce dont ils ont besoin pour poursuivre leurs activités. De l’acheminement du courrier et des informations en interne, à la distribution de formations et de conseils, de l’organisation matérielle des réunions, à l’acheminement, en temps utile, des fonds permettant de monter et développer à temps certains projets..., ledit pôle a en charge, en somme, de « coordonner des flux ». Le mot logistique évoque aussi, dans le champ de la GRH, le terme « processus ». Ce dernier (qui vient du latin « pro » signifiant « pour », et « dans le sens de », et de « cessus » et « cedere », signifiant « aller » et « marcher »), renvoie à l’idée d’avancer et d’aller vers l'avant. Le terme de processus renvoie en outre, également, au mot procédure qui, en sciences de gestion et particulièrement dans le champ de la théorie des organisations, va

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généralement désigner la méthode d’organisation d’une action, d’un projet, et plus généralement d’un changement qui va impliquer une succession d’opérations précises pour les réaliser. Dans ce cahier, consacré au « supply chain », on pose, plus généralement, la question de la montée en puissance des processus logistiques commerciaux et techniques dans un environnement économique mondialisé. Un environnement où, par définition, la concurrence allant en s’intensifiant sous la pression de plusieurs facteurs convergents, ces processus deviennent chaque fois plus complexes puisque les prix peuvent varier très rapidement, que les acteurs et les entreprises concurrentes peuvent changer tout aussi vite, et que les progrès technologiques induisent un renouvellement constant, de leur côté, des chemins les plus courts pour parvenir d’un point à un autre. Autrement dit, c’est la problématique même, qui est ici posée, de l’architecture de base des flux économiques dans la société, ou de ce que l’on pourrait aussi appeler une partie de son infrastructure. Et c’est également la question de la place de cette infrastructure, plus généralement, dans la dynamique de la croissance. Le pôle GRH de l’ISC ayant été invité à apporter sa contribution à la réflexion engagée dans ce cahier, la question se posait donc de la nature de celle-ci. Le choix a été fait d’essayer d’éclairer une partie de ce que l’on peut appeler, dans la société contemporaine, la logistique, l’infrastructure, ou encore les processus de négociation entre les entreprises et les syndicats. La négociation, entendue en ce sens, entre dans la gouvernance d’un certain nombre de firmes. A ce titre, elle peut d’ailleurs avoir, en aval, une influence sur les choix de logistiques commerciales et techniques des sommets stratégiques des organisations. La négociation est aussi, pour nombre d’organisations, un élément majeur de leur reproduction, qui concourt à leurs résultats. Et ces processus ont précisément besoin, eux aussi, d’une logistique des flux pour fonctionner et se reproduire dans le temps.

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Introduction Le mot processus vient du latin « pro », qui signifie « pour », et « dans le sens de », et de « cessus » et « cedere », qui signifient « aller » et « marcher ». Un processus permet donc, d’après la racine étymologique de l’expression, d’avancer et d’aller vers l'avant. Le mot processus est aussi à l'origine du terme procédure. Lequel, particulièrement en sciences de gestion et dans le champ spécifique de la théorie des organisations, va désigner la « méthode d’organisation » d’une action, d’un projet, et plus généralement d’un changement qui va impliquer une succession d’opérations précises pour les réaliser. Une procédure d’entreprise, une procédure métier, ou encore une procédure opérationnelle, vont ce faisant désigner un ensemble d'activités qui s'enchaînent entre elles. Une suite d'états, ou de phases de l'organisation d'une opération, qui se succèdent le plus souvent de manière chronologique, mais peuvent aussi impliquer des réalisations simultanées, et dont l’objectif est généralement l’offre ou la mise à disposition d’un produit quelconque par une organisation collective de travail. Il existe, selon cette acception, des processus de négociation entre les directions d’entreprise et les syndicats. Ces derniers comprennent différentes étapes ou phases de réalisation, dont le respect, dans leurs grandes lignes, est le gage de négociations réussies. La littérature scientifique française, en économie et gestion, et contrairement aux recherches anglo-saxonnes, qui s’appuient sur ces terrains sur de véritables enseignements universitaires, prête généralement peu d’attention aux négociations entre les directions et les syndicats (Gazier, 1991 ; Caire, 2005). Et, lorsqu’elle s’y intéresse, c’est plutôt sur le produit des négociations qu’elle s’interroge, et non sur les processus mêmes ou procédures qui conduisent à ces résultats (Bourque & Thuderoz, 2002, p. 19). Il est pourtant essentiel, pour les disciplines d’économie et de gestion, qui traditionnellement mettent l’accent sur leurs capacités à émettre des préconisations afin d’améliorer le fonctionnement des différents systèmes qu’elles étudient, ou d’en combattre les dysfonctionnements, d’essayer d’en savoir davantage sur ces processus dont les implications économiques sont nombreuses et importantes. Qu’il s’agisse, au niveau de l’entreprise, de l’impact des négociations sur les investissements, la rentabilité, les charges, le

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climat social..., ou qu’il s’agisse, au niveau national, de leurs effets sur la croissance, l’emploi, le niveau de l’inflation... Ces processus, malgré un certain nombre d’éléments invariants, dont les théories économiques classiques fondées sur la rationalité instrumentale des agents peuvent rendre compte à certaines conditions, ainsi que la théorie des jeux, sont différents de pays à pays. Hormis un certain nombre de phases procédurales, qui indiquent que les processus de négociation doivent partout suivre un certain cheminement analogue pour réussir, les différences, allant de pair avec la variété des institutions et des cultures nationales, sont souvent très nombreuses. Entre la négociation à l’allemande, à la française, ou à l’américaine..., ces différences sont globalement conditionnées par l’histoire générale des institutions, et de leurs intrications avec les phénomènes économiques. Les processus de négociation sont autrement dit indissociables, dans chaque pays, des configurations particulières et interactives formées par les formes et les poids respectifs des institutions. Les configurations de ce que l’on peut nommer des « formes institutionnelles » comprennent au moins : - les structures juridiques (l’appareil proprement juridique d’application et de contrôle des lois, et l’appareil parlementaire), les structures politiques (les partis politiques, les formes spécifiques du gouvernement, les structures électorales...), les structures administratives et publiques (les formes du pouvoir ministériel, des implantations régionales et départementales de l’Etat...), les structures éducatives (système universitaire, grandes écoles...), les formes moyennes des habitudes sociales (le poids par exemple dans la société du code de l’avoir et des désirs de distinction sociale notamment repérables dans la consommation...), les types de stratégies de pouvoir des acteurs (visant par exemple au sens de M. Crozier à s’approprier des zones d’incertitude dans les organisations...)... A l’intérieur en outre de chaque pays, selon les doctrines syndicales des confédérations elles-mêmes, selon des contextes plus locaux, des différences notables dans les processus spécifiques de négociation sont observables. En d’autres termes, et conformément à une des hypothèses majeures des programmes de l’analyse économique institutionnelle moderne, et souvent de la théorie des organisations, l’économie syndicale est « encastrée » dans des phénomènes économiques, et socio-institutionnels, dans un sens très large.

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L’objet de cet article est, en appliquant les méthodes de l’économie institutionnelle moderne (Chavance, 2007), mais aussi de la gestion institutionnaliste, qui cherche par exemple à mesurer le poids des conventions sociales dans la gestion de l’entreprise (Amblard et alii, 2003), de mesurer l’importance des processus organisationnels et des processus de négociation dans la conclusion des accords entre les entreprises et les syndicats. Le parti pris épistémologique de l’économie, et de la gestion institutionnaliste, est en effet que l’on ne peut rendre compte de la circulation des flux économiques et financiers, dans une société, sans explorer le fonctionnement des organisations et des institutions par lesquels ils transitent. Ce qui, par analogie, comme l’ont noté certains auteurs institutionnalistes dans le passé, reviendrait pour un médecin à étudier la circulation des flux dans le corps humain sans se préoccuper des organes et de leurs fonctionnements particuliers. S’il est clair alors que les organisations et institutions ont une influence essentielle sur les comportements au travail, sur les stratégies des acteurs, les comportements et procédures décisionnelles d’affectation des ressources, les organisations qui négocient, et les processus eux-mêmes de négociations, n’échappent pas à cette hypothèse. Ces organisations et processus conditionnent, ou orientent, l’obtention de certains accords et conventions collectives, qui font partie intégrante de l’équilibre socio-économique des firmes et de la société, et ont des effets économiques qui peuvent être, à l’encontre de l’hypothèse néo-classique standard dominante, positifs pour l’économie dans son ensemble. D’où l’un des enjeux de ce texte qui est de définir en quoi un processus de négociation peut être lui-même équilibré, organisé et coordonné, et être ainsi susceptible d’engendrer des résultats de type gagnant-gagnant. Et dans quelles situations le dérèglement des processus aboutit, a contrario, à générer des effets économiques contre-productifs. L’article débutera par une analyse organisationnelle des confédérations syndicales de salariés. Sa seconde partie sera consacrée, en mobilisant notamment la théorie des jeux, à l’analyse en soi des processus de négociation. Une troisième partie analysera les formes de déstabilisation des organisations qui négocient, et des processus structurant le dialogue social.

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Les modèles organisationnels utilisables En France, cinq confédérations syndicales bénéficient d’un droit de représentativité automatique dit de plein droit, ou encore de nature irréfragable, qui ne peut être contesté devant les tribunaux. Ce droit relève lui-même de l’architecture générale du droit social, bâti en France à travers la médiation permanente de l’Etat d’après-guerre (Cgt, Cfdt, Fo, Cftc, Cfe-Cgc). L’arrêté de 1966, confirmé par les lois Auroux de 1982, a en particulier institué le pouvoir de signature des délégués syndicaux de ces cinq confédérations lors de l’élaboration, et de la conclusion d’accords, et conventions collectives, discutés avec les directions et représentations patronales. Sans avoir à faire la preuve de leur représentativité numérique, dans les champs professionnels et organisationnels concernés, les délégués syndicaux, ainsi désignés par ces confédérations, peuvent en particulier en France participer à part entière à valider, avec les instances directionnelles et patronales, l’institution de nouvelles règles du travail. Lesquelles imposent, dans un cadre conventionnel autorisant les partenaires de l’accord à dénoncer sa non exécution, les droits et obligations des protagonistes de la négociation. La voie conventionnelle des négociations peut être globalement considérée comme ce qui institue, parallèlement au droit du travail, qui participe lui de l’obligation législative, et dont les rayons d’action géographiques et professionnels sont en quelque sorte illimités dans le cadre d’un territoire donné, des règles dont les rayons d’actions géographiques et professionnels sont, a contrario, limités. Les droits et obligations ainsi négociés, dans le champ conventionnel, ne concernant que l’espace des entreprises, et des secteurs professionnels précisément visés par les conventions collectives dites d’entreprise et de branche correspondantes. Le troisième niveau de négociation est, en France comme dans de nombreux pays, celui de l’interprofessionnel national. Participant du dialogue social entre les sommets des confédérations, les directions des représentations patronales et les membres de l’Etat, il couvre cette fois l’ensemble des salariés. Les 5 confédérations syndicales instituées sont structurées selon des schémas organisationnels qui peuvent être considérés comme correspondant à ce que l’économie, et la théorie des organisations, désignent formellement comme une organisation. Il s’agit donc,

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d’une façon très succincte, de formes d’action collective orientées vers des buts précis. Elles répondent aussi à la définition technique d’H. Mintzberg, pour lequel une organisation peut se définir comme étant « la somme totale des moyens employés pour diviser le travail en tâches distinctes et pour, ensuite, assurer la coordination nécessaire entre les tâches » (1982). Plus généralement, les définitions de l’organisation diffèrent quelque peu entre elles selon les auteurs. Nous utiliserons ici deux formes complémentaires de modèles, ou de faits stylisés. Le premier est le modèle des grandes caractéristiques que doit posséder une structure collective de travail, en termes de division du travail et de coordination de celui-ci, pour que l’on puisse dire d’elle qu’elle constitue, précisément, une « organisation ». Autrement dit, qu’elle assume l’objectif, en fonction des préférences, actions et stratégies de tout ou partie de ses membres, de ses mandants et de ses mandataires, qui consiste à dégager de son travail collectif un produit cohérent de type marchand ou non marchand. Et ce, de façon pérenne et reproductible. Le second modèle, encore plus directement opérationnel, est celui d’H. Minzberg dit des configurations structurelles, qui décrit les principaux « organes » de fonctionnement d’une organisation. Le modèle des caractéristiques organisationnelles Pour P. Bernoux (1985, p. 118 et suiv), une organisation doit, pour atteindre ses buts et être pérenne, réunir les cinq composantes fondamentales et complémentaires suivantes. A savoir : - Une division des tâches, - Un système de contribution-rétribution, - Un système d’autorité, - Un système de communication - Une distribution des rôles. Le modèle adopté par nombre d’auditeurs sociaux, pour désigner plus particulièrement les principales dimensions que le DRH doit explorer dans une organisation, est également constitué de cinq dimensions. Il présente, avec le modèle de P. Bernoux, plusieurs analogies. Il s’agit des dimensions suivantes de : – Division du travail, - Structure d’incitation, - Structure de commandement-pouvoir, - Structure de circulation de l’information et communication, - Stratégie des acteurs. Y. F. Livian ajoute toutefois une sixième dimension qui est celle des « règles » (2000, p. 10).

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Le modèle que nous retiendrons sera composé de six dimensions qui sont : Une division des tâches et du travail, - Une structure d’incitation, - Une structure de pouvoir-commandement (ou encore de contrôle social), - Une structure de circulation de l’information et de communication, - Une distribution des rôles et des stratégies d’acteurs, - Des règles, qui avalisent en particulier les procédures utilisées dans les quatre premières structures, et qui permettent la reproduction de l’organisation. Les faits stylisés suivants permettent de rendre compte du fonctionnement de ces six dimensions. Pour qu’une organisation produise et se reproduise, il faut : - Une division du travail suffisante, en tâches distinctes, et en groupes de tâches spécialisés et homogènes. C’est elle qui fonde notamment la différence entre par exemple une foule désorganisée et un groupe humain structuré. Dans l’entreprise, cette division correspond à une distribution précise des postes de travail, et à la définition des compétences et responsabilités qui vont de pair avec la nature des travaux à exécuter. La logistique a ensuite de manière générale pour objet, afin qu’une production ne s’arrête pas, d’optimiser constamment la circulation et l’usage des flux de travail, des flux de matériels et de services afférents. L’objectif étant notamment, au plan fonctionnel, d’éviter de dispenser inutilement de l’énergie via par exemple des doubles emplois, et de faire dans une entreprise que les produits semi-finis parviennent en temps voulu à ceux qui doivent les traiter dans la continuité du processus de production. Dans le même ordre d’idées, mais avec naturellement des différences considérables qui tiennent à la nature des buts de l’organisation, à ses modes de fonctionnement et de management courants, et à la nature des biens et services qu’elles « offrent », les organisations non marchandes ont aussi pour finalité d’offrir, de manière pérenne, des produits à la société ou à différentes fractions de celle-ci. Leurs buts ne sont pas la rentabilité du capital investi. Leurs modes de management et de fonctionnement ne peuvent pas être organisés autour d’un critère simple et aisément « monétarisable » de productivité. La caractéristique économique technique de leurs produits est qu’ils ne sont pas divisibles au sens des biens et services marchands. C’est-à-dire que la quantité, et la qualité du produit utilisé ou consommé ne dépendent pas exclusivement de la capacité individuelle à le payer de celui qui l’utilise ou le consomme.

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Le financement desdits produits est en outre assuré par des biais collectifs (impôt, cotisations...). Dans le cas aussi des organisations dites non marchandes, la division du travail doit être conçue avec un souci majeur d’ordonner, autant que possible de façon cohérente, l’architecture générale et collective du travail. L’objectif étant que tous les efforts individuels de travail soient dirigés ou redirigés, conformément aux objectifs généraux du sommet stratégique de l’organisation, dans une direction commune et collective. - Une coordination du travail ainsi divisé. Cette expression générique désigne, en théorie des organisations, l’ensemble des moyens utilisés qui permettent de faire « fonctionner » une division du travail donnée, précisément en « dirigeant – canalisant » l’ensemble des efforts individuels vers la réalisation d’un effort collectif cohérent, ce qui suppose la mise en place de sous-structures qui, pour certains auteurs, sont destinées à « faire-faire ». L’efficience relative d’une coordination s’observe assurément au fait qu’une organisation se reproduit dans le temps. C’est là un indice de ce que ses dispositifs de coordination permettent, effectivement, de concentrer les efforts et actions individuels dans une ou quelques directions, ou encore qu’ils évitent la tendance naturelle à ce que des efforts « non organisés » tendent vers la dispersion et l’éparpillement. Les dispositifs de coordination correspondent à trois sous-structures organisationnelles, qu’il est essentiel de distinguer. On observe en ce sens le fonctionnement : - D’une structure d’autorité / commandement. Une organisation n’a pas en effet en « elle-même », hors des sujets et groupes d’acteurs qui la composent, d’objectifs. L’expression en soi est impropre. Elle a en fait les objectifs de ceux qui précisément l’« organisent », ou aussi l’influencent à divers niveaux. A un premier niveau stratégique, figurent les membres du sommet stratégique qui sont porteurs des objectifs généraux de l’organisation, c’est-à-dire dans l’entreprise les hauts managers et les actionnaires. Dans des organisations non marchandes, par exemple des organisations d’Etat, les sommets stratégiques sont formellement composés de hauts fonctionnaires, de membres du gouvernement, d’hommes politiques élus, qui sont mandatés par les citoyens payant l’impôt. A un second niveau, mi-stratégique mi-opérationnel, figurent notamment dans une firme les directeurs de la production, des ventes, de la GRH…, qui ont des objectifs organisationnels

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intermédiaires. Dans les ministères, il s’agira des directeurs de cabinet, des hauts fonctionnaires descendant les lignes hiérarchiques ministérielles... Les objectifs particuliers, dont chaque acteur est porteur à titre individuel, ou dont certains groupes d’acteurs sont porteurs, ne constituent pas quant à eux non plus, à proprement parler, des « buts de l’organisation ». Ils peuvent naturellement interférer, de façon plus ou moins importante, avec les objectifs définis ci-dessus par les acteurs du sommet de l’organisation et de ses lignes hiérarchiques. Par suite, le but d’un système d’autorité / commandement est, pour le sociologue, de veiller à l’adéquation du comportement de l’individu aux buts que les organisateurs, et les acteurs en position de l’influencer, ont fixé à l’organisation (Bernoux, 1985, p. 120). On trouve, dans un certain nombre d’entreprises, des systèmes d’autorité ordonnés par des hiérarchies de type pyramidal, où l’éventail de contrôle et de pouvoir formel croît à mesure que l’on s’élève dans les degrés de celles-ci. Mais plusieurs systèmes d’autorité différenciés, combinant ces modes d’autorité hiérarchique formels avec d’autres modes, ou reposant plus complètement sur ces autres modes, sont concevables 1. - D’une structure d’informations et de communications. Dans une entreprise, on peut généralement distinguer un circuit et une sous-structure de circulation d’informations descendantes, qui s’écoulent en quelque sorte depuis la direction générale vers les salariés, et une sous-structure d’informations montantes, qui circulent depuis les salariés vers la direction générale. La communication, c’est-à-dire des échanges mutuels et actifs d’informations, allant au-delà de simples accusés de réception de part et d’autre, est naturellement nécessaire à l’articulation et à l’ordonnancement de nombreuses tâches différentes. Lesquelles 1 Ainsi de dispositifs d’autorité / commandement en bonne partie impersonnels pouvant s’exercer à travers la standardisation des procédés de travail ou des résultats. Laquelle mène chaque opérateur concerné à se conformer aux objectifs organisationnels, et à une certaine discipline de travail en cherchant à atteindre, et du fait même qu’il cherche à l’atteindre, un niveau de performance type. Ainsi de dispositifs fonctionnant avec des degrés d’autorité hiérarchique moindres qui, se fondant sur des niveaux de compétences assez élevés des opérateurs, et cherchant parallèlement un degré d’initiative important de la part de ces derniers, sont basés de manière en quelque sorte plus fluide et plus relâchée sur une mécanique de standardisation des compétences, voire d’ajustement mutuel.

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doivent, dans le temps, obéir à un planning et à une logistique cohérente. La cohérence du processus général de division – coordination du travail dépend en effet étroitement du fait que chacun est averti de l’ordonnancement général des postes, des positions occupées par les autres opérateurs, et de leurs déplacements. La circulation suffisante et efficiente de l’information paraît être du même coup une nécessité organisationnelle d’un premier et simple point de vue fonctionnel. Ce que le sociologue nomme « communication » va toutefois bien au-delà de ce simple point de vue fonctionnel. La communication peut désigner la capacité des acteurs, à l’intérieur des fonctions, services et différents postes de travail, à s’influencer réciproquement et, en tant que groupes, à « partager » des valeurs, des idées, des concepts... Les modes, les formes et les contenus de la communication à l’intérieur de l’organisation participent donc, à travers la constitution de liens communs, de sa culture interne. - D’une structure de contribution / rétribution. Cette dernière est destinée à inciter, à créer ou développer des motivations et à faire faire. Elle précise plus généralement ce que les membres doivent apporter à l’organisation et ce qu’ils doivent en recevoir. D’un côté, le salarié apporte son temps et ses capacités. Il se place simultanément sous l’autorité de celui qui l’emploie, duquel il reçoit des ordres pour accomplir certaines tâches. De l’autre, dans le cadre de règles légales et souvent conventionnelles, et de contrats pour partie établis de gré à gré, l’employeur est tenu de lui verser un salaire. Le salaire et les périphériques de rémunérations constituent assurément un moyen privilégié, pour l’employeur, de motiver, d’intégrer, puis d’essayer de fidéliser le salarié à la firme en l’associant partiellement (par exemple par la distribution d’actions). Il existe naturellement aussi d’autres instruments d’incitation (cercles de qualité, organisation dans la firme de manifestations socioculturelles communes, concours internes…). Le mécanisme est là aussi semblable dans les organisations non marchandes, à cette différence près, importante, que ces dernières tendent moins à procéder par des logiques de rétribution à la performance. Le cinquième élément cité par P. Bernoux, qui caractérise plus encore l’apport de la réflexion sociologique à la réflexion sur l’organisation, est :

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- Une distribution des rôles et des stratégies d’acteurs. On peut en effet considérer que, au sein d’une entreprise, et plus largement de toute organisation, la définition des tâches de chacun ne présume pas totalement de la façon avec laquelle celui-ci, dans les faits, accomplira sa tâche de façon particulière. Un peu à la manière d’une pièce de théâtre, dans laquelle le rôle est assumé de telle ou telle façon par un acteur particulier (Bernoux, 1985, p. 119). Le script initial du poste de travail pourra être, en quelque sorte, joué de telle ou telle façon, déboucher sur tels ou tels résultats, et évoluer de telle ou telle manière. La façon de jouer ce rôle n’est en outre jamais, d’un acteur à l’autre, et en fonction de ses traits de personnalité, de ses origines socio-économiques, de sa ou ses culture (s) d’appartenance, de sa trajectoire de vie passée, de son style de vie actuel…, et bien sûr de l’organisation elle-même, totalement identique. Dans le même ordre d’idées, la sociologie des organisations, qui tend fondamentalement à replacer l’homme et les groupes dans leurs contextes, nomme acteur le salarié qui interprète l’action voulue dans le cadre de la pièce de théâtre constituée par le découpage et le planning des tâches, et la réalise à sa manière. Et ce, en se révélant plus ou moins stratège, en jouant avec les espaces de liberté que lui laissent les contraintes de son travail et les tâches qui lui sont dévolues, en donnant plus généralement du sens à ses actes. De ce point de vue, s’il veut comprendre vraiment l’intérieur et le fonctionnement d’une organisation, l’auditeur social doit chercher à comprendre le sens que les acteurs de celle-ci donnent à leur travail, et plus globalement aux rapports qu’ils entretiennent avec l’organisation. - Des règles. Y. F. Livian les nomme des règles officielles et les définit comme suit, ainsi que leur fonction : « Elles peuvent être plus ou moins développées et formalisées, mais il faut quand même un minimum de règles d’entrée (qui fait partie de l’organisation ? qui n’en fait pas partie ?), et d’accès aux fonctions (comment devient-on le secrétaire ou le directeur général ?) » (2000, p. 11). Y. F. Livian distingue une autre dimension de l’organisation qui est « une certaine stabilité ». Autrement dit, il fait référence à la pérennité de l’ensemble, et au fait que l’organisation offrant divers produits doit avoir une certaine permanence. Nous nous limiterons ici à considérer, avec d’autres économistes et gestionnaires, que les règles, et leur degré d’élaboration, constituent souvent en elles-mêmes des conditions essentielles de survie et de reproduction de

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l’organisation. Dans la plupart des cas, des règles, des conventions, qui synthétisent en quelque sorte le fonctionnement de l’organisation, en dégageant les principales procédures et les conditions de reproduction de ces procédures, les types et formes courantes de dispositifs décisionnels..., vont en effet globalement permettre, aux trois structures d’incitation, d’autorité-commandement et de circulation de l’information et communication, de fonctionner durablement. Le modèle des configurations structurelles d’H. Mintzberg Chez Mintzberg, toute organisation, ou « système organisationnel », se caractérise par l’association, les combinaisons et les interrelations de six éléments de base. Cinq d’entre eux peuvent être considérés comme constituant les bases matérielles et fonctionnelles, mais aussi à un premier niveau social, de sa division du travail telle qu’on peut l’observer dans l’organigramme qui la représente. Le sixième élément est le halo idéologique ou culturel qui, à proprement parler, n’est localisé en aucun lieu précis de la configuration structurelle. L’idéologie, ou la culture, étant, par définition, présentes partout dans le système et ses interstices. Les modèles de configuration structurelle peuvent servir à représenter le fonctionnement d’organisations marchandes et non marchandes :

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[Mintzberg 1998 p. 155]

LIGNEHIÉRARCHIQUE

CENTRE OPÉRATIONNEL

TECHNOSTRUC-

TURE

SUPPORTLOGISTI-

QUE

SOMMET STRATÉGIQUE

IDÉOLOGIE

Les 6 composants de base de l'organisationau sens de Minzberg

Les faits stylisés, qui peuvent permettre de rendre compte des fonctionnements des composantes de l’organisation au sens de Mintzberg, sont les suivants et concernent respectivement : - Le sommet stratégique. Sa mission est de faire en sorte que l'organisation atteigne de façon efficace les objectifs fixés par l’organisation, lesquels sont d'abord définis par les besoins de ceux qui la contrôlent financièrement. Il est composé des grands décideurs qui, eux-mêmes, peuvent se diviser dans le cas marchand en actionnaires propriétaires du capital de la firme, et en managers de haut niveau. Dans le cas non marchand, et dans les termes des théories de l’agence, les mandants confient à des mandataires le soin de réaliser pour eux des opérations et processus qu’il ne peuvent, pour diverses raisons, assumer eux-mêmes. Dans le cas d’un ministère, les hauts fonctionnaires et les hommes politiques sont, par des biais différents, les mandataires des contribuables et des citoyens. Dans le cas des syndicats, les secrétaires confédéraux, et le secrétaire général, sont les mandataires des adhérents aux sections syndicales et syndicats de base (Cf. Infra). Le sommet stratégique définit les grands objectifs, décide des

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principaux investissements, et donne les grandes impulsions stratégiques de l’organisation 2. - La ligne hiérarchique. C’est en quelque sorte la courroie de transmission entre le sommet stratégique et le centre opérationnel. Elle est composée de l'ensemble des responsables et managers, depuis les directeurs de grandes fonctions jusqu’aux managers subalternes, dits opérationnels, qui assurent l’encadrement général des subordonnés placés, eux, dans le centre opérationnel (Directeurs d’usines, d'établissements, directeurs puis responsables par exemple du marketing, chefs d’ateliers…). Leur travail est d’assurer les diverses formes de contrôle social qui répercuteront, depuis le sommet stratégique vers le centre opérationnel, les ordres et directives conduisant à l’offre finale, ou à la mise à disposition des produits par l’organisation. Et ce, qu'il s'agisse donc de produire et de vendre dans les organisations marchandes en en tirant un certain profit, ou qu'il s'agisse, dans les organisations non marchandes, de mettre à disposition des agents des services plus ou moins indivisibles 3. 2 On notera ici que, à la différence en règle générale de la microéconomie classique, Mintzberg considère que la « tête » de l’organisation est composée d’acteurs possédant un pouvoir stratégique, mais qui ne sont pas confondus entre eux. Une des caractéristiques en effet du schéma de la décision économiquement rationnelle, appliqué à la firme, est que le centre stratégique est censé y être un bloc homogène maximisateur de profit. Le sommet stratégique de la firme n’est donc pas censé se scinder éventuellement en entités et groupes qui auraient des objectifs différents de celui, cardinal, de la maximisation du profit. Historiquement, une différence importante va cependant apparaître entre les possesseurs du capital et les hauts managers salariés, placés aux sommets des organisations marchandes, qui peuvent poursuivre ce que l’on nomme, en théorie des organisations, des « objectifs organisationnels » particuliers qui adhèrent plus ou moins à leurs « objectifs individuels », et aux buts de l’ensemble. Il est en ce sens classique, en économie non standard, et depuis au moins J. K. Galbraith, de considérer que les actionnaires peuvent revendiquer dans l’immédiat des dividendes importants, et qu’une tension peut apparaître au niveau du partage des résultats entre eux et les hauts managers. Lesquels peuvent notamment privilégier l’investissement net, qui améliore dans la durée les capacités de production globales de la firme, favorise par suite sa pérennité, et les assurent mieux en probabilité de leur reconduction durable en tant que salariés. 3 On peut ici faire, en substance, les mêmes remarques que celles concernant le sommet stratégique pour ce qui est de l’homogénéité sociale de la ligne hiérarchique. Les opérateurs constituent en effet, dans cette ligne, tout comme à l’intérieur de nombreuses parties de la configuration, des « coalitions » par lesquelles ils tentent d’exprimer leurs « influences ». La ligne hiérarchique tend d’ailleurs, pour Mintzberg, à évoluer vers la « balkanisation ». On peut par exemple

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- Le centre opérationnel. Il est constitué des personnes dont le travail concourt directement à la production et à la vente des biens et des services produits, ou plus généralement à la mise à disposition des outputs. C’est en quelque sorte le stade final de la division verticale du travail, qui permet à l’offre de se confronter avec la demande émanant des autres entreprises, ou du consommateur final (ouvriers, vendeurs, expéditeurs…), ou de mettre son produit à disposition du citoyen, de l’adhérent... - La technostructure. Elle est composée des analystes et des experts qui planifient, organisent, et pour partie contrôlent les opérations et les multiples procédures nécessaires à la réalisation du produit final. Leur fonction est en quelque sorte de penser et d’organiser le travail des autres. Ils ne disposent généralement pas, dans la firme ou dans une organisation non marchande, d’autorité formelle. Mais d’une autorité fonctionnelle qui, en fonction du monopole ou quasi monopole de compétences qu’ils détiennent, leur permet d’avoir une influence plus ou moins importante sur l’organisation, notamment en concourant à la production des nombreuses règles formelles qui vont permettre de coordonner le travail (ingénieurs des méthodes de production, formateurs, experts en organisation du travail…). La technostructure est en particulier ce qui produit, dans une organisation, un certain nombre de procédures-types qui tendent à devenir, avec le temps, des routines, et à créer ce que l’on peut nommer des normes comportementales. - La fonction de support logistique. Il s’agit des services qui assurent des fonctions, qui ne concourent pas directement à la production des biens et services dans le marchand, ou à la confection et mise à disposition du produit final dans le non marchand, mais sont indispensables au travail des autres membres de l'organisation et de l’ensemble de la structure. Leur travail consiste en quelque sorte à fournir en continu les biens et services et produit qui permettent, en répondant à leurs besoins professionnels, qui sont déterminés par la nature de leurs tâches, trouver, dans telle ou telle entreprise, des coalitions d’ingénieurs et de cadres bâties sur la base des quasi monopoles, voire monopoles de compétences, qu’ils détiennent, et qu’ils opposent à la direction générale pour l’obtention de divers avantages.

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d'assurer la continuité du travail des autres membres de l’organisation (restauration d’organisation, recherche - développement, transport, courrier, service juridique…), - Une idéologie (ou culture). Il s’agit en fait, dans le vocabulaire plus général des sciences des organisations, des éléments culturels qui composent globalement ce qu’elles nomment la culture d’entreprise, et plus généralement les cultures organisationnelles. Ainsi des croyances, des valeurs, des traditions, et, plus globalement, en conformité par ailleurs avec une définition de base qui traverse l’ensemble des sciences des organisations, des comportements qui sont partagés, à un moment donné du temps, par les membres d’un groupe social identifié. Ce groupe peut, en l’occurrence, correspondre à une organisation donnée dans laquelle il est contenu. Ce faisant, la culture organisationnelle va constituer un signe distinctif dudit groupe, et de ladite organisation, parmi tous les autres groupes et organisations. Mintzberg note en particulier que « … chaque organisation active est composée d'une sixième partie que nous appellerons son idéologie (un terme du même type et qui est devenu récemment très populaire dans la littérature spécialisée est celui de « culture »). L'idéologie se nourrit des traditions et des croyances d'une organisation, et c'est ce qui la distingue d'une autre et c'est ce qui insuffle une certaine existence à travers le squelette de sa structure » (2001, 4 ème ed., p. 154). Pour plus de clarté dans l’application de ces modèles à l’exemple des organisations syndicales qui suit, nous nous réfèrerons, simultanément, à une distinction classique, en théorie des organisations, qui sépare au sein d’une structure organisée trois composantes très générales. Toute organisation peut en effet être vue comme l’ensemble formé par les associations et les interactions entre, son infrastructure, sa sociostructure, et sa superstructure. La première renvoie à la combinaison technique et fonctionnelle de ses différents moyens en machines, en quantité de travail, argent. Elle se ramène globalement au concept de combinaison productive des économistes, qui considère que les inputs d’une fonction de production sont principalement le travail, le capital, et le progrès techique. La seconde désigne les différentes formes de contrôle social et de disciplines mises en place par l’organisation, ainsi que les relations sociales formelles et informelles qui se nouent entre ses membres. La troisième renvoie enfin à l’ensemble des valeurs,

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et normes comportementales, auxquelles l’organisation et ses membres se réfèrent. La superstructure a ainsi des rapports étroits avec le concept de culture organisationnelle, et les règles instituées, qui permettent la reproduction de l’ensemble organisé, et désignent aussi les routines qui lui permettent de fonctionner dans la durée (Desreumaux, 1998, p. 78).

Les structures organisationnelles syndicales et les processus de négociation Ayant toutes approximativement un demi-siècle ou plus d’existence, les confédérations classiques constituent d’abord des organisations en quelque sorte spécialisées dans la mise à disposition, aux autres organisations, et plus généralement à la société, du produit d’un travail collectif qui est précisément celui de la négociation. De ce point de vue, leur métier consiste, d’abord à canaliser et ordonner en quelque sorte les vœux et contestations salariales, puis à les transformer en revendications. Lesquelles seront elles-mêmes ordonnées en constituant, du côté syndical, la base, sur tout le territoire, des processus de négociation débouchant sur des conventions collectives et accords s’entendant aux trois niveaux successifs de l’entreprise, de la branche et de l’interprofessionnel national. La première phase du double processus d’organisation et de négociation syndical fait d’abord appel à l’image d’un système qui utiliserait des inputs, soit les vœux et contestations de base des salariés dans les organisations, pour les transformer, avant même toute discussion préalable, et a fortiori négociation avec les sommets stratégiques d’autres organisations, en outputs ayant la forme normalisée de revendications. C’est-à-dire des formes de réclamation datées, localisées, dont les acteurs et les initiateurs sont identifiés, et qui réclament, à tel interlocuteur, en fonction de tels arguments, l’obtention à tel moment d’avantages eux-mêmes précis en contrepartie de certaines concessions possibles. Sous cette forme, la revendication va en quelque sorte apparaître comme une matière première brute, en l’occurrence transformée par un premier processus syndical organisé, qui deviendra ensuite utilisable par les négociateurs. Lesquels pourront à leur tour, collectant et analysant ce matériel, solliciter une réponse de la part notamment des entreprises, des administrations, des branches professionnelles. Un

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deuxième processus syndical organisé va immédiatement se greffer en quelque sorte sur le premier. En se servant cette fois des revendications comme d’inputs, il va alimenter des négociations qui transformeront ces dernières, en fonction d’un ensemble d’autres variables et paramètres, en conventions collectives et accords. Le premier processus syndical revient donc à transformer les vœux et contestations de base en revendications, puis à structurer systématiquement celles-ci sur l’ensemble du territoire national par grands secteurs, par organisations, lieux géographiques, par syndicats et sections syndicales, par catégories socioprofessionnelles de salariés. Le travail de normalisation des contestations en des revendications permet notamment que les réclamations et demandes salariales deviennent audibles, analysables et discutables par les organisations. Il prend à ce niveau une dimension nationale, systémique et complexe, qui va en appeler à de nombreux ressorts organisationnels au sens défini plus haut. Et c’est ce travail même de transformation de la matière brute, que constitue la contestation des salaires et des conditions de travail, qui va permettre que s’enclenche, ensuite, un second processus prenant la forme d’un jeu continu de propositions et contre-propositions, avec les organisations concernées, qui vont nourrir la négociation jusqu’à sa conclusion. Outre cette fonction, qui consiste à initier en quelque sorte, sur un plan national, les processus de négociation, le travail organisé et coordonné de normalisation et de cartographie générale des revendications permet, aussi, de contrôler les résultats des nombreux processus de négociation éparpillés sur le territoire, et dans les divers champs professionnels. C’est ainsi que l’ensemble de la confédération, et en particulier son sommet stratégique, sont mis en mesure de collecter et d’analyser les résultats de nombreux processus de négociation. Ce qui leur permet, en fonction des rétroactions et feed-back, d’élaborer de nouvelles directives au sein de la doctrine syndicale confédérale qui vont, précisément, chercher à améliorer les processus de négociation à venir en affinant, et modifiant, certaines de leurs opérations, phases et manières de progresser vers des compromis. Les organisations syndicales instituées correspondent ce faisant à des structures qui, sur la base d’une division du travail cohérente, et

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de dispositifs de coordination du travail afférent, ont pour objectif de susciter et de promouvoir la négociation. Elles réalisent ce faisant en général, conformément à leurs raisons sociales respectives, un travail collectif de défense des intérêts matériels et moraux des salariés grâce à plusieurs moyens qui, des soutiens matériels aux assistances humaines, sont tous recentrés sur l’organisation de négociations efficientes. Du point de vue de l’économie et de la théorie des organisations, les confédérations peuvent en sens être considérées comme des organisations non marchandes, qui offrent à l’ensemble des salariés (ce qui participe aussi d’une spécificité française sur laquelle nous allons revenir), des services indivisibles de négociation. Ou encore, qui offrent des services collectifs d’appui à travers des processus concourant à l’élaboration de conventions collectives. Lesquelles assurent ensuite les salariés des organisations et branches couvertes d’avantages supérieurs à ceux définis par le code du travail. Les confédérations sont parallèlement financées sur la base du produit collectif des adhésions, lesquelles ne distinguent pas techniquement les bénéfices que chaque salarié peut retirer de l’activité syndicale en fonction du montant de sa contribution. Une de leurs particularités en France est également que les confédérations sont financées, pour des volumes assez importants, d’une part via leurs participations aux instances paritaires, et d’autre part grâce à des subventions d’Etat. Ce qui revient, indirectement, à ce qu’une partie de leur financement soit assurée par les contributions collectives des salariés, des employeurs, et des citoyens. On peut se donner la représentation suivante de l’ensemble organisé, différent d’instances plus éphémères comme les coordinations, sur lesquelles nous reviendrons, que constitue une confédération. Toutes les confédérations actuelles, à quelques différences près, et sous des appellations différentes, obéissent pour l’essentiel à ce schéma :

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R. Mouriaux (1986), Le syndicalisme face à la crise, Paris, La

Découverte, p. 32. Sur la base des outils et modèles énoncés plus haut, l’analyse du caractère organisé des structures syndicales peut ensuite être menées comme suit. En premier lieu, les organisations confédérales instituées possèdent des infrastructures, sociostructures et superstructures internes qui permettent, globalement, une division et une coordination du travail de négociation, et d’aide à la négociation, qui sont tout à la fois cohérentes et reproductibles. Les sommets stratégiques des confédérations, dont le pouvoir de commandement est naturellement discuté dans les structures subalternes, et soumis à un travail démocratique constant de remontée des opinions (lequel participe plutôt de la coordination par ajustement mutuel au sens de Minzberg que de la supervision autoritaire), sont formellement constitués (si l’on adopte les termes du schéma ci-dessus), par les bureaux confédéraux. Ces derniers, eux-mêmes composés des secrétaires confédéraux qui sont élus par les secrétaires généraux d’unions départementales (UD), et de fédérations professionnelles (FP), forment l’organe de pilotage exécutif courant des affaires générales de la confédération. Ils exercent un certain contrôle social sur le fonctionnement, d’abord du siège confédéral en lui-même, mais aussi, et dans les limites de l’ajustement mutuel des tâches,

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dans l’ensemble de la structure confédérale. Ils se réunissent le plus souvent une fois par semaine, et les secrétariats confédéraux, au nombre de douze à quinze environ selon les confédérations, sont à la tête de secteurs dont les divisions sont de types fonctionnelles (économie, droit, affaires internationales...). Les secrétaires confédéraux participent ce faisant, selon leurs compétences et spécialités qui leur confèrent une autorité fonctionnelle au sens des sciences de gestion, aux négociations de niveau interprofessionnel national, et, selon les cas, en tant que de besoins, à certaines négociations de branche, voire, à la demande, à des négociations où sont impliqués des UD ou certains syndicats de base. Ils constituent en particulier, avec leurs services, les interlocuteurs des ministères. Ils organisent ce faisant parallèlement leurs entités fonctionnelles, qui comportent au moins un secrétariat et des assistants confédéraux, de façon à accompagner globalement, selon leurs spécialités, toutes les négociations via l’organisation de structures de conseils spécialisées et de soutiens matériels. Les secrétaires confédéraux rendent compte à l’ensemble de la structure confédérale, qu’ils informent régulièrement, des questions posées à tous niveaux par les politiques économiques et sociales nationales. Ils se prononcent enfin sur les initiatives que la confédération doit prendre à court terme. La commission exécutive est, quant à elle, l’organe en quelque sorte mi-exécutif et mi-législatif de la confédération. Elle est composée, selon les centrales, d’une quarantaine environ de secrétaires généraux d’UD et de FP, qui sont eux-mêmes élus par leurs pairs. Ces derniers se réunissent, en tant que de besoin, chaque fois que l’importance d’une décision à prendre, dans le court-moyen terme, le justifie. Le comité confédéral national est constitué quant à lui de l’ensemble des secrétaires généraux d’UD et de FP, qui sont élus par les syndicats de base au prorata de leurs membres, et il peut être réuni en assemblée extraordinaire. Les secrétaires généraux d’UD et de FP peuvent, en quelque sorte, être considérés comme les grands électeurs au sein des confédérations. Et en même temps comme les maillons de lignes hiérarchiques souples, davantage caractérisés comme on l’a noté par l’ajustement mutuel que par la supervision directe, qui descend jusqu’à ce que l’on pourrait nommer le centre opérationnel, où se

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trouvent les secrétaires généraux de syndicats, les sections syndicales d’entreprise, et les délégués en position de négocier à la base. A ce niveau, le poids des non permanents l’emporte, de plus en plus, sur le poids des salariés mêmes de la confédération. Le concept de verticalité de la ligne hiérarchique, chez Mintzberg, ne peut bien sûr qu’être utilisé en soulignant que les secrétaires généraux d’UD, et de FP, peuvent aussi être en position de négocier directement avec les représentants de directions d’entreprise, d’administrations, et ou les représentants patronaux de branches. De même, à un autre niveau, que les secrétaires confédéraux, qui négocient au sommet avec les ministères et le gouvernement. Par ailleurs, et même si le mode de l’ajustement mutuel tend à dominer, les secrétaires confédéraux d’abord, puis les secrétaires généraux d’UD et de FP ensuite, n’en ont pas moins des fonctions hiérarchiques centrales. En premier lieu, en transmettant, selon les directives du sommet stratégique, et dans les limites des budgets dont ils disposent, des incitations à agir auprès de leurs propres personnels permanents. En second lieu, en déclinant vers la base opérationnelle, même s’il ne s’agit pas d’ordres à proprement parler, les directives confédérales permettant aux permanents et non permanents d’organiser les négociations dans certaines directions communes. Les UD et FP constituent en quelque sorte, au sein des lignes hiérarchiques descendant du sommet stratégique, et à l’instar du siège confédéral lui-même, des cellules intermédiaires d’incitations de leurs salariés et membres permanents, et, simultanément, des adhérents pourvus de mandats de représentation. La structure d’incitation fonctionne globalement grâce des outils différents, qui vont de la distribution des salaires à la formation aux techniques de négociation. Elle produit, selon les cas, un travail direct de négociation, ou d’aide à la négociation. Comme les instances permanentes du siège confédéral, mais à des niveaux régionaux et de filières de métiers, les UD et FP organisent notamment l’aide et le conseil aux négociations, menées par les non permanents mandatés, en rémunérant des experts professionnels qui les assistent dans les différents champs juridiques, économiques..., et secteurs d’activités. Dans la mesure par ailleurs où les UD couvrent les départements, et les UD les grandes filières de métiers, la

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plupart des formes particulières de négociation peuvent être traitées sur l’ensemble du territoire national. Les UD et FP, de même que le siège confédéral et à d’autres niveaux les syndicats de base, ont en particulier des missions centrales de formation à la négociation, et de transferts généraux de compétences qui, en la matière, participent à la fois de fonctions techno-structurelles et logistiques au sens de Mintzberg. Sur le plan matériel et organisationnel, l’équilibre des processus de négociation dépend en bonne partie en effet, on l’a noté, de l’existence d’une structure ordonnée et constamment disponible de revendications classées, et de résultats des négociations menées évaluant leur efficience. Un tel travail ne peut être mené sans qu’aux structures proprement matérielles, et à la circulation permanente d’informations, soient associés un ensemble de cadres permanents et un capital humain qui sont dotés de compétences de négociateurs. Et ce, en termes de savoirs, savoir-faire et savoir-être, mais aussi savoir-évoluer dans des contextes de négociation divers, complexes et changeant. Ces professionnels de la négociation constituent, selon qu’ils sont généralistes, ou ont des spécialités fonctionnelles (droit, comptabilité, affaires européennes…), ou des spécialités en termes de secteurs d’activité, une aide permanente de type fonctionnelle, mais aussi un appui constant en termes de coaching auprès des élus de base. Ces cadres, et ce capital humain sur un plan plus général, ont parallèlement en charge la formation à la négociation, laquelle fait d’ailleurs souvent l’objet d’une entité à part entière au sein du siège confédéral. Ce qui permet l’organisation pérenne des transferts de compétences vers les élus non permanents de base, ainsi que des transferts entre générations. Le contenu de ces transferts s’appuie principalement sur des enseignements portant sur une certaine technicité générale de la négociation en contexte. D’abord du point de vue de la compétence du négociateur à collecter, analyser et utiliser les bons arguments qui vont alimenter le dialogue. Ensuite, du point de vue de sa compétence à savoir comprendre et mener, à la table même des négociations, dans les couloirs et durant tout le temps où le dialogue se poursuivra, le processus même du jeu continu des propositions et contre-propositions. Les deux aspects se révèlent en effet nécessaires pour la conduite de négociation dans des cadres où les interlocuteurs, des diverses organisations

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concernées, font eux-mêmes appel à leurs propres spécialistes, et peuvent disposer pour ce faire d’infrastructures conséquentes, et d’un capital humain lui-même rompu auxdites pratiques. L’ensemble formé par les UD, les FP et le siège confédéral constitue par ailleurs, également, un pivot du système général de circulation de l’information, lequel irrigue l’ensemble de la confédération et les négociations qu’elle mène à tous les niveaux. Cet ensemble lui-même constitue en effet une partie importante de l’infrastructure et de la sociostructure, des éléments matériels et humains, qui vont, d’une part, organiser et coordonner la remontée permanente d’informations de toutes sortes de la base vers le sommet, et particulièrement les enseignements tirés des rétroactions des négociations sur le terrain. Et qui vont, d’autre part, organiser et coordonner la descente toute aussi permanente des informations et directives confédérales vers le centre opérationnel. La circulation continue des flux d’informations va permettre notamment, aux négociateurs de terrain, d’être dûment informés des grands objectifs confédéraux, et des derniers textes d’appui qui ont été négociés et appliqués. La remontée continue des informations du terrain va simultanément permettre, au sommet stratégique, de construire en retour des directives concernant les procédures qui vont permettre à leur tour, comme on l’a noté, et après l’analyse des conditions d’efficience des négociations passées, d’améliorer constamment en bonne probabilité l’efficacité des négociations à venir. Parallèlement, la remontée d’informations vers le haut de la structure de la confédération permet à la base, au long des lignes hiérarchiques et fonctionnelles remontantes, de solliciter constamment toutes sortes d’arbitrages décisionnels, qui sont nécessaires à la poursuite même, à son niveau, de la gestion des affaires courantes, de la production de négociations et de la production d’aides à la négociation. L’ensemble de ces remontées participe ce faisant à modifier, et à réactualiser constamment les stratégies et décisions adoptées par le sommet stratégique qui, après les UD et les FP, tient compte de l’évolution apparente des tensions, conflits et négociations en fonction des grandes évolutions nationales, voire internationales, de types économiques, politiques, juridiques et plus largement socio-institutionnelles.

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Les syndicats et sections syndicales d’entreprise constituent, quant à eux, les bases opérationnelles de la confédération qui se réunissent généralement en congrès tous les quatre ans pour, en proportion de leurs membres, procéder aux élections des diverses instances. Ces temps forts de l’histoire confédérale permettent plus précisément de voter les rapports moraux des secrétaires confédéraux, de procéder à l’élection du secrétaire général, et de définir les grandes lignes, à moyen et long terme, de l’ensemble des grandes stratégies confédérales. De cette façon, et aussi par l’intermédiaire des comités, les liens entre la base, qui mandate les permanents, et le sommet stratégique confédéral, sont maintenus. Les sous-ensembles de structures permanentes de la confédération, aux trois niveaux au moins du siège, des UD et FP, et des syndicats de base, qui sont constitués de salariés spécialisés de la confédération bénéficiant eux-mêmes de l’infrastructure financière et matérielle nécessaire, permettent par ailleurs le fonctionnement des deux organes majeurs d’une configuration structurelle au sens de Mintzberg, que sont les pôles logistique et technostructurel. Chacun de ces trois niveaux de structures est en ce sens doté de services qui apportent, à tous les autres membres de la confédération, qu’il s’agisse de salariés ou de non permanents, toutes sortes de biens et services dont ils ont besoin pour mener leurs propres tâches hors la circulation de l’information. Le cheminement du courrier, la restauration, l’existence de bâtiments permettant certains travaux, l’organisation des déplacements au niveau européen..., font partie de ces biens et services et flux nécessaires au travail collectif. La technostructure, qui fait aussi souvent l’objet d’instances spécialisées, au moins au niveau du siège, et des UD et FP, a en particulier pour fonction d’organiser et de coordonner la circulation générale des flux. Elle organise aussi la fonction centrale de transfert des compétences de négociation. Les organisations syndicales ont de plus, conformément au sixième élément de Mintzberg, des cultures composées de valeurs, rites, symboles, mythes, héros et réseaux de circulation de l’information. Les limites de cet article ne permettent pas de développer cet aspect. On verra en particulier, plus avant, quels sont les impacts généraux des cultures organisationnelles respectives des confédé-rations dans les processus de négociation. L’outil suivant est utilisable :

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LES COMPOSANTES DE LA CULTURE

Helfer J-P., Kalika M. & Orsoni J. (2002, 4 ème ed.), Management, stratégie et organisation, Vuibert, p. 343

LES VALEURS LES MYTHES

LES SYMBOLES

LES RITESLES HÉROS

LE RÉSEAU CULTUREL

Une des caractéristiques fondamentales des ensembles confédéraux est, enfin, l’existence d’un soubassement institutionnel de procédures et de règles, qui organisent et coordonnent cette fois les processus de négociation. Outre les règles qui organisent et coordonnent les élections internes des personnels permanents, les confédérations ont en effet construit des règles, qui permettent d’organiser les désignations et les élections des non permanents, et de structurer durablement les groupes de négociation qu’ils constituent au sein des entreprises, et des branches. L’attribution par les organisations aux élus des heures de délégation, qui permettent notamment l’organisation des ordres du jour des réunions de syndiqués, lesquelles préparent elles-mêmes les négociations, se fait par exemple sur la base d’une désignation des délégués syndicaux, et d’une structuration, à la base, des sections syndicales qui se réalise grâce à l’application de règles confédérales permettant notamment l’élection d’un secrétaire, de son bureau, d’un trésorier... Le système mis en place garantit en particulier, à ceux qui vont négocier, et à la différence de ce qu’il est convenu d’appeler des coordinations (Cf. Infra), qu’ils conserveront, entre plusieurs négociations, et a fortiori durant le temps d’une négociation, la confiance de leurs mandants les chargeant de s’exprimer en leur nom.

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Les processus de négociations Toute négociation entre syndicats et directions d’entreprise prend la forme, au sens de la théorie des jeux, d’une succession de « coups » dans laquelle chacun des protagonistes, successivement, avance à l’égard de l’autre des menaces visant à lui infliger certains coûts. Et ce, dans le but d’obtenir en retour, de sa part, des concessions qui constitueront pour lui autant d’avantages. Le jeu se poursuit en particulier tant que les lignes de concession des deux protagonistes n’ont pas bougé, ou tant que les acteurs estiment qu’elles n’ont pas bougé suffisamment. Et tant, par suite, que les menaces peuvent être enchaînées entre elles en augmentant les coûts potentiels que chacun des groupes d’acteurs peut subir. La poursuite du jeu suppose, naturellement, que les menaces soient crédibles. Et donc que chacun des groupes d’acteurs sachent, ou croient savoir, que les menaces des autres, effectivement en rapport avec les armes qu’ils détiennent et leur puissance de négociation, peuvent effectivement se réaliser avec un degré de probabilité sérieux. Chaque acteur exprime alors ses menaces en crescendo, voire les met en pratique, jusqu’aux limites à partir desquelles les coûts subis par l’autre sont tels qu’il est amené à faire bouger sa propre ligne de concession. La négociation peut ce faisant déboucher éventuellement sur un point fixe optimal, d’équilibre. Au moment où chacun des protagonistes a le sentiment que, compte tenu des possibilités matérielles d’échange, de l’état des rapports de forces, et du déroulement même de la négociation, il ne peut plus obtenir plus d’avantages, tout en ayant concédé ce qu’il estime être le maximum possible à l’autre. Hormis toutefois un tel optimum, au sens de l’analyse économique néo-classique standard, lequel renvoie à un cas particulier où les acteurs s’estimeraient véritablement et mutuellement satisfaits, la négociation débouche généralement sur des compromis qui peuvent être simplement des arrangements partiels, ponctuels, dont la durée sera souvent limitée dans le temps. Les conflits d’intérêts sont alors en quelque sorte, selon une expression de Boltanski et Thévenot, non pas supprimés, mais « suspendus » dans le temps (1991).

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Dans les conflits opposant directions et syndicats, dont la négociation constitue en quelque sorte une simulation régulée, puisque l’échange des menaces ne suppose pas systématiquement de passage à l’acte immédiat, chaque agent est donc supposé calculer précisément ses gains, et pertes, à mesure que le conflit perdure. L’analyse économique standard suppose même qu’il simule par anticipation, le plus parfaitement possible, le déroulement et les changements de formes du jeu, donc la matrice prévisionnelle de ses gains et pertes à tel ou tel horizon. La représentation simplifiée suivante, qui reprend le modèle classique de Hicks, est souvent utilisée par les branches de l’économie du travail s’intéressant à la négociation syndicale (Gazier, 1991 ; Caire, 2005). Ce modèle illustre, d’une première façon, un jeu optimal de négociation ayant lieu, en l’occurrence, parallèlement à un processus de grève. La courbe dite de concession patronale (CCP) rend compte en effet du comportement de l’employeur, qui est pour sa part conduit à élever progressivement le niveau de rémunération qu’il propose à mesure que le conflit perdure, et que ce dernier risque par suite d’entraîner pour la firme des pertes de production, et réductions de profit, de plus en plus importantes. Cette courbe admet en particulier une asymptote puisque, au-delà d’une certaine durée et d’une certaine ampleur du mouvement, l’entreprise peut être conduite à la faillite. La courbe dite de résistance syndicale (CRS) traduit, quant à elle, et à l’inverse, la réduction des exigences salariales à mesure que le conflit se prolonge. Et qu’il devient de plus en plus coûteux pour les grévistes de tenir et de payer, sous forme notamment d’interruptions de salaires, le prix de la grève. Le croisement des deux courbes indique, en W F, et après une période d’observation, le niveau de salaire qui devrait théoriquement représenter un point de conciliation entre les deux catégories d’agents :

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Dans la réalité, des courbes approximativement de ce type se croisent effectivement, mais à certaines conditions. Les acteurs de la négociation sont en fait dotés, au sens d’H. A. Simon & J. March (1991), et des théoriciens modernes de l’organisation reprenant ce paradigme, en rupture avec celui de l’économie néo-classique standard (Desreumaux, 2005 ; Livian, 2005 ; Rojot, 2003), de rationalités limitées et procédurales. Ils ne connaissent pas autrement dit, parfaitement, le déroulement et les issues du jeu de négociation. Ils se contentent de parvenir, en l’occurrence, à des optima approximatifs (2005, De Carlo). Parallèlement, leur rationalité est en premier lieu procédurale au sens où, à l’intérieur des frontières nationales ou au plan international, chaque confédération syndicale de salariés et chaque organisation sont dotées d’une histoire propre, dans laquelle sont en quelque sorte encastrées leurs spécificités organisationnelles et institutionnelles. Les confédérations syndicales françaises de salariés, en particulier, ont des modes de négociation pour partie spécifiques, et les processus de négociation ne sont pas totalement semblables. Certains syndicats privilégient, par exemple, et à divers degrés, la grève envisagée comme moyen, ou plutôt la grève considérée comme fin. Dans le second cas, les options politiques préalables peuvent conduire les négociateurs syndicaux à des attitudes beaucoup plus dures et moins conciliantes, qui retardent d’autant, voire annulent, la perspective d’un compromis. Certains

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syndicats considèrent que la participation des salariés au management de la firme, via par exemple l’intéressement, distribué en fonction notamment de la productivité du salarié, est ou non, et plus ou moins, justifiée compte tenu de leur doctrine de base concernant les champs de responsabilité normaux du travailleur salarié dans l’entreprise. La logique de qualification devant primer, avec les augmentations générales du salaire de base, sur la logique de performance, et le salarié étant considéré comme responsable de son périmètre de tâches, et non du management de la firme la conduisant à obtenir ou non certains résultats, dont il ne saurait par conséquent être tenu pour responsable. De fait, certains syndicats refuseront par exemple de signer des accords prévoyant des participations financières. Conformément par ailleurs à des divergences doctrinales, traversant l’histoire des syndicats, tout au long du XX ème siècle, certains d’entre eux admettront le relais de certaines structures politiques dans les processus de négociation, et d’autres non. Sur un plan institutionnaliste, et conformément dans des acceptions différentes et respectivement aux programmes conventionnaliste, régulationniste et évolutionniste, qui entretiennent entre eux de nombreuses parentés (Boyer, 1995), les théories qui ne retiennent que le paradigme du strict calcul économique rationnel, au sens instrumental de l’expression, ne peuvent donc rendre totalement compte des fonctionnements et déroulements des processus de négociation. Et des attitudes qui seront, à un moment donné ou à un autre, adoptées par les négociateurs en fonction de certaines références institutionnelles et doctrinales. En particulier, on peut adopter ici l’hypothèse conventionnaliste classique qui considère que, lorsque l’un des protagonistes ne sait plus, pour une raison x, comment poursuivre le processus des propositions et contre-propositions, qui constitue le cœur des négociations, il se réfère peu ou prou à des procédures qu’il connaît, qui sont devenues avec le temps routinières, et sont en accord avec une règle quelconque entrant dans le cadre des partis pris doctrinaux ou des habitus institutionnels au sens large (Batifoulier, 2001). Le tableau suivant peut servir à illustrer les spécificités organisationnelles, et institutionnelles, des processus de négociation :

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Origines historiques et doctrinales des 5 centrales représentatives

C G T FO CFDT C F T C C G C

Dates de 1895 1948 1964 1919 1946

constitution

Sources Syndicalisme Proudhonisme Humanisme Morale Organicisme

doctrinales de lutte des et charte chrétien et sociale de social et

classes d'Amiens socialisme l'église idée d'écono-

autogestionnaire mie concertée

Orientations Forte déter- Défense des Acceptation Défense des Défense caté-

stratégiques mination dans acquis sans explicite des acquis avec gorielle et

la défense des concessions concessions concessions concessions

acquis mutuelles

Attitude Grève : Insistance sur Grève, arme Grève : Grève :

envers la élément cen- la grève comme mythologique dernier dernier

grève tral de la pres- recours pour inévitable recours recours

sion salariale les salariés

Perspectives Recherche d'une Recherche inces- Recherche d'un Amélioration Amélioration

de l'action issue socialiste sante de nouveau pacte graduelle de graduelle de

à la crise compromis social la société la société

Mouriaux R. (1986), Le syndicalisme face à la crise, La Découverte, p. 76. Pour

une présentation différente : Cadin et alii (2004, 2 ème ed), p. 56. Dans la mesure où les acteurs de la négociation interagissent fondamentalement les uns sur les autres, les stratégies des uns conditionnant les stratégies des autres,, et réciproquement, les issues du jeu dépendent également, en particulier, des degrés de confiance entre les acteurs. Ce qui renvoie plus en amont, en rupture avec le paradigme néo-classique standard, à l’importance des institutions qui règlent cette confiance en même temps que le déroulement du jeu. Confiance et conditions morales de déroulement d’un jeu de négociation équilibré On retrouve, à travers les débats parlementaires des années 80, les deux facettes complémentaires, constitutives du concept de confiance, que sont le « faire confiance », et le « se montrer digne de confiance » (qui se ramène à la notion de « loyauté »). Dans l’esprit des lois Auroux de 1982, le Parlement français mettra en effet en exergue la présence nécessaire, pour créer les conditions concrètes de ce qu’il nomme des négociations efficientes, et selon ses termes réelles et sérieuses, et non pas formelles, d’une « volonté de négociation ». Autrement dit, mettant parallèlement en évidence du côté syndical la nécessité d’une infrastructure organisationnelle solide (dotée d’une division du travail de

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négociation pérenne, d’acteurs de la négociation dûment formés et informés par des structures confédérales...), il insistera sur la dynamique des négociations intégrant une dose suffisante de confiance pour que chaque acteur, systématiquement, s’engage dans un processus de propositions et contre- propositions dans l’optique, en quelque sorte opiniâtre, de parvenir à un compromis 4. Les textes parlementaires de l’époque insistent, en outre, sur le fait que les négociations doivent se nourrir de « bonne foi ». Ce qui suppose par exemple que, dans le passé, les annonces faites par l’un ou l’autre des protagonistes, sur leurs intentions et stratégies respectives, aient été effectivement suivies des actions que ces annonces laissaient entrevoir 5. Le code du travail français contient plus généralement, dans cet esprit, un catalogue de règles définissant, dans la firme, les droits et devoirs des directions et des sections syndicales, les modalités de leur rencontre, certains objets de négociation... L’arrêté de 1966, qui réserve le droit de représentativité automatique à cinq confédérations françaises instituées, permet, quant à lui, l’identification précise des acteurs de la négociation. Et celle en quelque sorte des codes de conduite auxquels ils vont se référer. Les lois de 1968, portant sur la constitution des sections syndicales d’entreprise, et surtout les lois Auroux de 1982, définissent quant à elles les obligations annuelles de négociation des salaires au plan de l’entreprise, et précisent le fonctionnement pyramidal des deux autres niveaux essentiels de négociation que sont les branches, et l’interprofessionnel. A ces niveaux également, on observe une codification des règles de négociation. Dans les termes du programme conventionnaliste, l’ensemble de ces lois énonce les principales « conventions » de négociation que devront respecter les acteurs pour structurer leurs rencontres. C’est-à-dire les règles qui participent à organiser et coordonner les processus. Des règles qui durent, en quelque sorte, tant que l’acteur A, sachant ou croyant

4 « … L’ordre du jour et les revendications déposées devront être discutés de façon approfondie, et des contre-propositions, écrites s’il y a lieu, devront être formulées. Les réponses faites à ces contre-propositions devront également être analysées et discutées … » (Picard, 1991, p. 187). 5 « …il n’y a pas de négociation de bonne foi, si l’une des parties recourt à des manœuvres subalternes, en vue de tromper l’adversaire ou de réaliser seulement des buts périphériques (comme se faire entendre par le biais des médias, évaluer l’interlocuteur) » (Picard, 1991, p. 187)

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savoir que l’acteur B la respecte, et la reconnaît comme légitime, et tant que B fait simultanément la même chose à l’égard de A. Le même raisonnement pouvant être fait, dans le cadre d’une situation simple de théorie des jeux, dans laquelle les stratégies de l’un sont conditionnées par les stratégies de l’autre, et réciproquement. Les conventions collectives se développeront ensuite en précisant ces règles, et en les améliorant selon les entreprises et les professions. Au sein des familles théoriques qui composent l’économie institutionnelle, le programme conventionnaliste donne en particulier toute son importance, pour comprendre le fonctionnement des organisations, de l’économie et de la société, au concept de confiance. Du point de vue de la théorie des jeux, et dans une acception semblable à celle du raisonnement ci-dessus, ce concept signifie notamment qu’un acteur A, nouant des relations d’échange avec un acteur B, sera d’autant plus volontiers tenté de coopérer et de tisser avec lui des relations stables qu’il saura, ou croira savoir, que B respectera bien ses engagements préalables concernant les modalités et la nature de l’échange à venir. Fondamentalement, la confiance suppose un sentiment d’assurance de la part de A, d’intensité variable, qui l’incite à penser que B respectera les promesses qu’il a faites, lors de la passation initiale d’un contrat, ou d’un quasi-contrat pouvant en l’occurrence s’avérer plus ou moins formel. La confiance que A accorde à B suppose, autrement dit, que A sait ou croit savoir que B sera loyal. Si la confiance est suffisamment forte, elle peut même inciter A à ne pas chercher à vérifier si B a, effectivement, l’intention de respecter sa promesse. Et réciproquement. Dans toutes les situations simples du dilemme du prisonnier, les deux acteurs peuvent alors être simultanément incités, sans un partage d’informations préalables portant sur leurs intentions mutuelles, et a fortiori sans partage d’informations de nature à les amener réciproquement à des sentiments de confiance, à ne pas prendre le risque d’aller vers les solutions qui s’avèreront en fait, collectivement, les plus profitables. Les résultats sont toutefois très différents dans l’hypothèse d’une confiance réciproque. Une institution forte de confiance peut alors, dans ce cas, inciter les acteurs du jeu à coopérer, en résistant en quelque sorte à la tentation, dans une situation où ils ne connaissent pas ce que l’autre veut véritablement et s’apprête à faire, de privilégier exclusivement

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ce qu’ils pensent être leur intérêt personnel. C’est ce que confirme, au-delà de la théorie des jeux simples, la théorie des jeux répétés (Batifoulier, 2001 ; Eber, 2006). Si l’on met en effet en place des expériences dans lesquelles les acteurs savent que les jeux vont se répéter, un résultat important est, en moyenne, que les joueurs choisissent d’essayer en premier les stratégies de coopération avant de se rabattre, après qu’ils se soient estimés trahis, sur les stratégies défensives et distributives qui n’assurent pas, elles, d’un résultat gagnant-gagnant. Un des éléments fondamentaux qui autrement dit stabilise, et régule la rencontre des acteurs entrepreneuriaux et syndicaux, en rendant possible un processus dynamique et cohérent de propositions et contre-propositions, pouvant aller vers la découverte de compromis de type gagnant-gagnant, est donc au sein d’une société tout entière l’existence d’un ensemble de règles et de conventions qui instituent la confiance réciproque. Il faut que, du point de vue des règles en vigueur, sur le plan des conventions écrites, mais aussi des manières de faire inscrites dans les routines, et la culture de négociation propres à un pays, l’acteur A sache en bonne probabilité que l’acteur B jouera bien la carte de la confiance, et réciproquement. Un exemple type est donné par les formes allemandes de l’encastrement institutionnel de la confiance dans les lois, et règles, qui régulent, dans la firme et aussi entre les syndicats et l’Etat, les jeux de négociation. Il s’avère en effet qu’en Allemagne, des obligations juridiques pour les acteurs de déboucher sur des compromis négociés, leurs habitudes de « pré-négociation », qui font qu’ils s’engagent sur ce qu’ils vont faire à plusieurs mois d’intervalle, à condition que l’autre acteur en fasse autant..., incitent en quelque sorte dans la durée les entreprises et les syndicats à ne pas se trahir, et à faire ce qu’ils disent sous peine d’enrayer tout le processus de négociation et sa reproduction dans le temps au risque des coûts engendrés par le blocage de toutes discussions (Morin, 2006). En France également, il existe un catalogue codifié de conventions de négociations, qui correspond à ce que les juristes en droit social nomment le « méta niveau » du droit social, lequel prescrit globalement les règles du dialogue social auxquelles doivent se conformer les acteurs. Le respect de ces méta-conventions est, toutefois, lié, à travers l’histoire du pays lui-même, du double point de vue économique et

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socio-institutionnel, à l’ensemble de sa configuration institutionnelle qui va de ses structures politiques à son système éducatif. Et de très nombreuses différences existent en l’occurrence entre les deux pays. L’unité des syndicats allemands autour du DGB, l’habitude de pré-négocier avant toute intervention décidant d’une grève sur le terrain, les formes de participation des syndicalistes allemands à certains conseils d’administration d’entreprise..., sont autant de caractéristiques qui vont de pair avec le caractère plus décentralisé qu’en France des institutions politiques, avec le système éducatif qui n’y est pas aussi élitiste, en privilégiant par exemple la formation continue, et où les élites entrepreneuriales ne sont pas en moyenne issues d’un réseau de grandes écoles de commerce... Ces caractéristiques sont à comparer, dans les termes d’Hofstede (1991), avec la plus grande distance hiérarchique moyenne dans les divisions verticales du travail françaises, avec le plus grand contrôle de l’incertitude générateur de nombreuses règles et routines... Au plan syndical, on observera, a contrario de l’Allemagne, une grande dispersion organisationnelle et doctrinale des syndicats existants en France, des processus de scission nombreux et fréquents, des processus de négociation se déroulant parallèlement à des grèves, des oppositions plus radicales aux structures participatives... Un certain nombre de travaux montrent en ce sens que les processus de négociation, qui se caractérisent par des climats de défiance plus ou moins prononcés, sont susceptibles d’avoir des effets économiques contre-productifs en termes de points de croissance et d’emploi perdus. Plusieurs travaux économétriques portant sur des comparaisons, entre la France et d’autres pays industrialisés comparables, en attestent. Pour T. Philippon en particulier, toutes les enquêtes disponibles portant sur cette question démontrent que la France se caractérise par une très mauvaise qualité des rapports entre ses syndicats et les dirigeants des entreprises (2007, p. 21 et suiv.). Deux enquêtes internationales ont notamment été mobilisées par cet auteur. Celle d’une école de commerce de Lausanne (l’IMD), et celle du forum économique mondial (Global Competitiveness Report), qui couvrent plus de 5000 managers sur 102 pays. A la question « les relations de travail sont-elle hostiles ou constructives ? », la France arrive,

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pour l’IMD, en 57 ème position sur 60 pays, et en dernière position de la catégorie des pays riches. A la question « les relations entre les employés sont-elles conflictuelles ou coopératives ? », le GCR classe la France en 99 ème position sur 102 pays. T. Philippon démontre ensuite que ces résultats ne traduisent pas une sorte de pessimisme généralisé des managers français. Pour ce faire, ils comparent en effet les degrés de confiance des populations, selon les pays, envers plusieurs de leurs institutions. Les résultats confirment que la défiance des managers français est bien centrée sur les relations professionnelles et syndicales à l’intérieur des entreprises 6. Une seconde catégorie de résultats indique que, parallèlement, les Français en général, et les salariés en particulier, ont la même perception d’un climat durablement conflictuel des relations entre le salariat et les directions d’entreprise, et quelquefois entre le salariat hors management intermédiaire et les directions. A la question « d’une manière générale, dans quelle mesure êtes-vous satisfait ou pas satisfait de votre travail ? », les réponses collectées par le WVs indiquent que, parmi les pays d’Europe, la France se situe en dernière position. A la question « dans quelle mesure êtes-vous libre de prendre des décisions dans votre travail actuel ? », la même enquête indique que la France est en avant-dernière position derrière la Grèce. Ces résultats sont confirmés par de nombreuses autres enquêtes qui montrent que ce que certains sociologues nomment l’attachement à la « valeur-travail », qui va de pair avec le sentiment de se réaliser dans son emploi, va en diminuant de plus en plus (le phénomène remontant aux années 70 n’étant sociologiquement différent qu’en intensité) 7.

6 Sur la base d’enquêtes internationales débouchant sur des statistiques très précises, une de ces observations est par exemple que la confiance des managers français n’est, en moyenne, pas significativement différente de celle des managers des autres pays riches quant à la « justice », et à la « politique » (les écarts-types respectifs sont respectivement de -0,45 et -0,64 parmi les 21 pays riches de la statistique portant en tout sur 102 nations, et la France a, en moyenne, un indice de confiance dans ces deux institutions qui est de 50 sur les 102 pays étudiés). Alors que la confiance de ces derniers dans les « relations du travail » est, significativement, très différente de la confiance témoignée par les managers étrangers (l’écart-type est de -2,4, et la France est classée 99 ème sur 102 pays). 7 Là encore, la discrimination des perceptions que les Français et les salariés Français ont des différentes institutions indique que, parmi elles, ce sont bien les

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Les travaux de T. Philippon montrent ensuite que, là où les négociations sont caractérisées par un climat de forte défiance, là où il est par suite difficile de mettre en place des stratégies gagnant-gagnant compte tenu des difficultés de conciliation, le chômage a plus augmenté qu’ailleurs. La méthodologie utilisée par T. Philippon est la suivante. Elle commence, grâce à la classification établie par C. Crouch (1993), par séparer les pays industrialisés comparables selon un indice correspondant à l’attitude historique de l’Etat, évaluée du début à la fin du XX ème siècle, à l’égard des syndicats. Parmi les critères retenus pour cette évaluation, figure naturellement l’antériorité et l’amplitude des législations favorables à la reconnaissance globale du syndicalisme dans ces différents pays. Un premier groupe 0 est alors constitué de pays où l’Etat se montre globalement hostile aux syndicats (France, Espagne, Italie, Portugal...). Un second groupe, indicé 1, comprend les Etats ayant des relations neutres ou dites normales par rapport aux syndicats (Angleterre, Danemark, Norvège, Finlande, Suède...). Et un troisième groupe 2 est celui des Etats favorables (Pays-Bas, Suisse, Allemagne, Autriche...). Le modèle de T. Philippon relie ensuite chaque groupe à l’évolution de son taux de chômage, sur un graphique où le taux de chômage figure en ordonnée, et le temps en abscisse de 1960 à aujourd’hui (2007, p. 78). Les corrélations obtenues sont alors frappantes de netteté. Dès 1980, la courbe de chômage des pays du groupe 0 grimpe en flèche pour atteindre un pic dans les années 1986-1987. La pente croissante de la courbe des pays 0 est nettement plus forte en particulier que celle des pays 1 et 2. L’écart entre les courbes des groupes 1 et 2, au plus fort du chômage et au moment où toutes les courbes vont s’infléchir à la baisse avec le reflux du chômage de l’année 1990, représente jusqu’à la moitié de l’écart constaté entre les courbes 0 et 1. Cet écart va ensuite se réduire, puis il va de nouveau augmenter dans les années 2000-2001. Ces résultats sont confirmés par l’analyse des propensions à la grève sur la même période. La conclusion de T. Philippon est alors simple. Les facteurs qui conditionnent le chômage sont communs aux pays européens

relations sociales internes à l’entreprise qui se caractérisent par le plus de défiance (les Français apprécient par exemple leur système de santé et certaines infrastructures publiques).

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qui le subissent, mais la France semble en quelque sorte moins bien les gérer qu’ailleurs. Autrement dit, le climat de défiance qui caractérise les relations de travail et les relations entreprises-syndicats, en France, constitue une difficulté supplémentaire, et une sorte d’accélérateur des crises de l’emploi. Les relations de défiance sont à la base de nombreux surcoûts économiques dans la firme et l’économie en général, et : « Pour bien mesurer les effets des relations dans le travail sur le chômage, il faut bien comprendre que l’absence de coopération au sein des entreprises crée des rigidités réelles au moins aussi coûteuses que les rigidités législatives souvent décriées » (2007, p. 79). Les travaux économétriques de Y. Algan et P. Cahuc, s’ils débouchent sur des interprétations et des propositions différentes de celles qui ressortent des analyses de Philippon, confirment totalement cette relation entre la défiance au sein des processus de négociation, et le taux de chômage (2007). L’apparition de conflits de « rupture » et de jeux de négociation dits glissants Un processus de négociation, qui peut déboucher en bonne probabilité sur des compromis équilibrés et relativement stables, et plus encore sur des solutions gagnant-gagnant, présuppose donc des procédures se caractérisant en particulier par une organisation et une coordination s’appuyant sur l’ensemble des structures décrites plus haut. A contrario, la déstructuration du processus syndical organisé peut aller souvent de pair avec celle du processus même de négociation. L’exemple de ce phénomène est notamment donné par les négociations menées par des groupes qu’il est convenu d’appeler des coordinations. Les coordinations correspondent le plus souvent, dans les organisations, à des groupes de salariés se constituant sur la base d’un ensemble d’initiatives individuelles et de petits groupes. Leurs actions portent alors sur des enjeux ponctuels, circonstanciés, et souvent pour des durées limitées, sans qu’elles soient systématiquement reliées à des objectifs syndicaux plus généraux. Ces coordinations se mêlent quelquefois, aux frontières de l’entreprise, à de petits groupes politiques et associatifs, par exemple dans les mouvances écologiques, d’Ong diverses, ou de certaines associations alter-mondialistes. Plusieurs juristes du travail considèrent que leurs actions aboutissent souvent en moyenne, en

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marge des procédures de désignation et de discussion syndicales décrites plus haut, à contourner plus généralement les instances de représentation officielles du personnel en place (« … les ONG signant, hors la présence des syndicats présents, des accords de RSE directement avec la haute direction, qui n’a pas non plus « consulté le comité d’entreprise sur ce sujet qui le concerne un peu »… », 2005, Ray, p. 388). Eu égard au modèle de Mintzberg, et à celui des caractéristiques permettant de définir une organisation, en retenant notamment les critères d’une division du travail suffisamment claire et stable, de structures interne d’incitation, de commandement-autorité, et de circulation de l’information et communication efficaces, et de règles elles-mêmes stables et durables, plusieurs phénomènes peuvent venir concrètement perturber le bon déroulement des négociations menées par ces groupes. Faute d’organisation nationale présente sur tout le territoire, et dans la plupart des secteurs professionnels pour traiter les vœux et contestations des bases salariales, la phase du processus de coordination syndicale décrite plus haut, qui consiste à normaliser et cartographier les revendications, fait tout d’abord globalement défaut. Un premier type de perturbation peut alors provenir de ce que les vœux et contestations traités sont, en fait, ceux de bases partielles, qui ne reflètent pas l’ensemble en moyenne des attentes des salariés. La phase de traitement et d’analyse de ces attentes peut également avoir été négligée. Les revendications seront alors insuffisamment précises, voire insuffisamment définies. D’où des difficultés de traitement et d’analyse par les directions, qui hésiteront sur les démarches à suivre et les stratégies à enclencher. Les dysfonctionnements générés par les défauts observés dans le premier processus d’organisation et de coordination syndicale, qui ne permettent pas que s’enclenchent correctement les phases successives de propositions et contre-propositions, se cumulent alors avec d’autres dysfonctionnements dans le processus même de négociation. La rencontre entre les protagonistes de la négociation en particulier n’a de sens que si des acteurs identifiés y participent, et que si un ordre du jour et un calendrier précis permettent la succession des propositions et contre-propositions émises de part et d’autre. Laquelle est censée aboutir, au final, à une convergence possible à

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travers les volontés des acteurs de parvenir à un accord. L’obtention d’une matrice de gains et pertes, résumant les avantages finalement obtenus et les concessions faites par chacun, doit être le résultat de cet enchaînement de propositions et contre-propositions. Or, les exemples de négociation par des coordinations tendent tout d’abord à montrer que, le travail de normalisation et de cartographie des revendications n’ayant pas été effectué de façon suffisamment étendue et rigoureuse en amont, des thèmes précis de négociation ont du mal à émerger. Soit dans certains cas que certaines revendications apparentes masquent de fait les véritables revendications, soit qu’un thème apparent de revendication appelle des revendications multiples sous-jacentes, qui se diluent en quelque sorte entre elles, soit que les revendications changent et évoluent avec le temps au gré même des discussions. Il peut aussi arriver que, les règles électorales internes à ces groupes, n’étant pas suffisamment définies et stables, les mandants puissent par exemple contester dans le temps la position d’un mandataire en position de négocier. Ce qui provoque des changements des membres de la coordination chargés de négocier qui, de fait, ne posent plus tout à fait les mêmes revendications auprès des organisations concernées. Il résulte de tout ceci que les interlocuteurs ont eux-mêmes des difficultés à se positionner dans le jeu de négociation en formulant, à leur tour, des propositions et contre-propositions cohérentes. Ce qui accroît de façon considérable la défiance réciproque des interlocuteurs et, partant, la probabilité de déboucher sur des désaccords durables entre les deux parties amenant, à la limite, à la rupture des négociations. Les anticipations de désaccords participent naturellement à affaiblir la confiance réciproque. Plusieurs situations de négociation, en l’absence d’institutions suffisantes de confiance, peuvent être formalisées en l’occurrence par la théorie des jeux. Elles permettent de dégager, de l’observation de processus de négociation déstructurés, l’existence probable d’effets contre-productifs ultérieurs pour les deux parties. Dans un cadre admettant en particulier la rationalité limitée des protagonistes du contrat de travail, aucun des deux n’en sait en effet, en général, suffisamment sur l’autre, indépendamment de sa puissance réelle de négociation, pour parvenir aisément à une situation finale de gains et de pertes dite sans regrets au sens de

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Nash. C’est-à-dire une situation optimale, puisque supposant une stratégie dont le joueur rejouerait, sans hésitation, les coups à l’identique. Le salarié potentiel ne sait pas exactement et ne peut pas savoir, de son côté, si l’employeur rémunèrera effectivement ses efforts selon ses dires. S’il lui établira en particulier un plan progressif de carrière. Et si l’état de santé économique et financier de l’entreprise, tel qu’il le perçoit, lui garantit l’avenir et l’absence de licenciement. Sachant qu’il ne peut souvent l’évaluer qu’à travers des informations officielles, et que, de toute façon, cet état de santé dépend du futur et de variables qu’il ne contrôle pas. Réciproque-ment, l’employeur ne peut être certain de l’éventualité des tactiques de sous efficience, qui peuvent être utilisées par le salarié pour, de son côté, maximiser son intérêt propre en limitant, au minimum, son effort pour un niveau de salaire donné. Il ne peut être certain parallèlement de l’intention du salarié de demeurer durablement chez lui. Dans cette situation de jeu non coopératif, en l’absence par conséquent d’un partage préalable d’informations, et d’une confiance suffisante entre les deux protagonistes, il y a de fortes chances que les solutions trouvées par chacun des joueurs se révèlent contradictoires avec l’optimum collectif. Chaque proposition de l’un des protagonistes sera, d’emblée, jugée trop risquée par l’autre. Celui-ci, en agissant conformément à sa perception pessimiste, dominée par la défiance, agira effectivement de telle sorte que l’autre sera, à son tour, confortée dans sa stratégie individualiste et finalement contre-productive :

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Plusieurs économistes ont, dans ce même ordre d’idées, et en se plaçant cette fois dans un contexte de déroulement simultané dans le temps des négociations collectives et d’un processus de grève, mis en évidence des cas dans lesquels les stratégies mutuelles des groupes d’acteurs se durcissent, en fait, à mesure des discussions (Caire, 2005, p. 42). Ce cas d’évolution vers des solutions globalement contre-productives se produit, à l’instar de l’exemple précédent, lorsque chacun des protagonistes entre dans un processus d’anticipations constamment négatives des réponses de l’autre à ses propres propositions. Craignant, en l’absence de confiance, que l’autre n’adopte une stratégie dure, aucun des protagonistes ne prend alors le risque d’afficher, de crainte précisément que l’autre n’en profite, son intention de mener une stratégie faible :

Plusieurs modèles et typologies, élaborés par des spécialistes du champ, permettent d’identifier les types de conflits qui ont en l’occurrence des capacités déstructurantes sur les processus de négociation, ou encore leurs aptitudes à générer des désordres pénalisants pour les deux parties. Guilhou & Lagadec (2002), plus récemment repris par Lantier et Labbé (2005, p. 10 et suiv),

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considèrent en particulier que les conflits peuvent connaître trois grandes formes qu’il est possible de différencier assez nettement. L’analyse peut également être menée, sur la base d’un modèle différent, mais offrant plusieurs points de comparaison, dans les termes de compère (2002). Les faits stylisés du modèle Guilhou - Lagadec peuvent être décrits comme suit. Dans la forme dite des jeux conflictuels « accidentels », l’intensité conflictuelle est limitée, le désordre induit relativement faible, et le degré de prévisibilité du processus conflictuel est fort. Qu’il s’agisse de son déroulement, ou de ses effets possibles au n ième rang. L’événement irritant, qui va jouer le rôle de catalyseur, peut certes être pour partie imprévu. Mais le champ dans lequel se déroule le conflit, les acteurs principaux, les intentions des uns et des autres, et naturellement les solutions possibles, sont globalement connus. Ou tout au moins peuvent l’être, ex-ante, avec une probabilité raisonnable pour l’observateur, et les acteurs respectifs, de ne pas se tromper. Les jeux conflictuels dits « de crise » sont, eux, notablement différents de la forme accidentelle. Les grands groupes de caractères et variables, qui permettent d’identifier le processus conflictuel dans les différents modèles utilisables (le champ de l’action, l’identité des principaux acteurs, l’importance et la forme des revendications et des enjeux, les méthodes mises en œuvre) peuvent être, cette fois, nettement marqués d’instabilité. Les issues du jeu sont alors, du fait de la complexité même des chemins et des évolutions possibles, et de la nouveauté ou de la dureté des problèmes posés par des évolutions économiques quelquefois irréversibles, difficiles voire quasi impossibles à probabiliser. L’évolution du jeu se heurte, en quelque sorte, à l’absence de grilles d’interprétation et de discussion adaptées. Mais le jeu demeure, fondamentalement, structuré par les mêmes règles, ou « méta-règles » au sens précédemment défini, que dans la forme accidentelle. La nouveauté est que, pour plusieurs raisons, le processus même de développement du conflit est quasiment destiné à déborder l’organisation et le processus des négociations. La crise est par exemple destinée à se produire dans les grands exemples historiques de restructurations (ainsi des charbonnages), dans lesquels les chocs entre acteurs ne font que traduire un divorce

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croissant et irréversible entre les protagonistes, et une absence totale de possibilité d’élaborer un compromis. La caractéristique centrale du processus conflictuel dit « de rupture » est, quant à lui, qu’on y observe une remise en cause partielle, ou totale, des règles observées traditionnellement par les acteurs. Cette remise en cause a la propriété d’étendre l’instabilité et l’incertitude à la plupart des variables du jeu. Ce qui tend cette fois à éloigner radicalement, quelles que soient les raisons du conflit, quel que soit son contexte plus général, la possibilité pour les acteurs d’élaborer des stratégies et contre-stratégies cohérentes. Lesquelles pourraient en l’occurrence déboucher sur la construction de courbes, même imparfaites, de concession et de résistance qui iraient en se croisant sur des points de conciliation et de compromis. Le conflit ne déborde plus en quelque sorte de son cadre pour des raisons exogènes, qui tiendraient par exemple à l’évolution de la situation économique conduisant à une impasse. Ce sont des raisons endogènes qui font, cette fois, qu’il ne trouve pas de seuils d’arrêt explicite. Et plus précisément, ces raisons tiennent, dans un climat de fortes incertitudes, à la fluctuation même et au non respect des règles du jeu qui semblaient, antérieurement, être acceptées par les acteurs du jeu et devoir structurer ce dernier. Ce qui engendre le plus souvent, dans un climat de défiances mutuelles et croissantes entre les acteurs, une succession de tactiques d’opposition repoussant d’autant et constamment la découverte d’un accord. C’est en particulier une forme de conflit que l’on observe depuis quelques années. Ils sont souvent relayés, dans l’entreprise, par des coordinations de salariés, voire des Ong qui signent par exemple, comme le note E. Ray, des accords en Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) en contournant, à la fois, les organisations syndicales présentes dans la firme et leurs comités d’entreprise. Lantier et Labbé notent qu’il s’agit « d’un changement de paradigme d’où il résulte que les schémas explicatifs qui permettaient aux uns et aux autres de guider leur action et, finalement, de s’entendre, ne leur sont plus d’aucun secours. Pire : les règles dont le respect assurait des repères stables dans la période précédente deviennent un obstacle à la compréhension de ce qui est en train de se passer » (Lantier et Labbé, 2005, p. 16). Les conflits de rupture obéissent plus généralement à des processus qui rappellent le

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concept de jeux glissants, utilisé par Adam & Reynaud, et repris par B. Gazier. Ce dernier note en particulier, ce qui nous ramène au déficit relatif de réflexions scientifiques en la matière, que « ... la dynamique des négociations conduit à des déplacements d’enjeux, voire à des changements des règles du jeu ... il est évidemment difficile, en l’état actuel de nos connaissances, de donner un contenu modélisé à une telle confrontation stratégique, mais l’idée selon laquelle il y a jeu sur les règles, aussi bien que jeu dans le cadre des règles données, nous paraît inévitable, et reste à exploiter » (1991, p. 373). Conclusion Diverses contributions jalonnent l’histoire du concept de confiance au sein du programme conventionnaliste, et plus largement l’histoire de l’économie institutionnelle. Une des plus importantes est celle de K. J. Arrow (1974). Ce dernier montre, en utilisant également le substrat conceptuel de la théorie des jeux, que le doute récurrent d’un individu A, à l’égard de la parole d’un individu B, dans le cadre d’une relation d’échanges notamment économiques avec lui, est en fait susceptible d’entraîner progressivement la paralysie de l’échange. A, qui est défiant à l’égard de B, est en effet tenté de multiplier à son égard les opérations de préventions et les vérifications, éventuellement très coûteuses. B, qui lui fait face, peut agir de même s’il n’a pas confiance. En théorie, le jeu ne comporte pas de règle d’arrêt. Et la défiance de l’un peut nourrir la multiplication et la reproduction des actions coûteuses de vérification de l’autre, et réciproquement. Jusqu’à ce que la dynamique des échanges soit, de plus en plus, freinée par la montée en charge des vérifications, et le coût exponentiel qu’elle peut entraîner pour la société (Arrow, 1974, p. 29). K. J. Arrow considère que la confiance fait, dans cette acception et selon ses termes, partie des « institutions invisibles » de la société. Parallèlement, un certain nombre de contributions montrent que l’analyse du fait syndical, et de son évolution, ne peut être menée du seul point de vue de l’économie néo-classique standard. Plusieurs théories institutionnalistes, dont certaines s’appuient sur des analyses et constats macroéconomiques, montrent en ce sens les

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avantages d’un syndicalisme organisé et tendu vers la négociation, et l’obtention de conventions et compromis. En poussant à des augmentations salariales et à des améliorations des conditions de travail, les syndicats de négociation peuvent diminuer en particulier les taux de turn-over, et agir ainsi, indirectement, sur les taux de productivité. Ils peuvent stabiliser globalement le climat social de la firme, en permettant l’expression du Voice salarial au sens d’A. O. Hirschman, et également participer à la croissance économique, et au développement, en stimulant indirectement la recherche de gains de compétitivité via l’appropriation par l’entreprise de techniques plus modernes, ou l’innovation en matière de méthodes de travail et d’organisation du temps (Freeman & Medoff, 1987, p. 250). En permettant l’obtention d’augmentations salariales, les syndicats de négociation motivent aussi les salariés à faire mieux et davantage, conformément d’ailleurs aux théories néo-classiques non standards du salaire d’efficience (Cf. pour une actualisation des thèses de Freeman, Laroche, 2006). Ils peuvent également être un élément majeur de la dynamique économique, dans une optique keynésienne, en relançant la demande de consommation. Et ils stabilisent et régulent naturellement le management en lui permettant en particulier, via des jeux de négociation équilibrés, d’anticiper les dysfonctionnements probables qui peuvent perturber la croissance de la firme. Ce qui permet, en élaborant préventivement les moyens et tactiques permettant de les aplanir au mieux, d’essayer de planifier globalement l’avenir (Morin, 2006). La négociation équilibrée suppose, au total, une confrontation organisée matériellement et institutionnellement, et une confrontation « éthique » des organisations porteuses d’intérêts et d’enjeux différents. Cette confrontation débouche, à travers des processus tout à la fois organisés et coordonnés, sur une sorte de « management négocié de la négociation » par les couples directions – syndicats, ou administrations – syndicats. Et, partant, sur le management de dysfonctionnements et de conflits potentiellement coûteux. D’où l’intérêt pour la firme à ce que, dans un pays comme la France, et même si se posent d’importants problèmes de représentativité, des syndicats institués, reconnus par le législateur, ayant intérêt à poursuivre des négociations compte tenu d’un nombre d’adhérents suffisamment important, existent.

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Jacques PONS DESS IAE IEP Professeur de logistique A l’ISC Paris

Evolution et reconnaissance de la fonction logistique

De la logistique au Supply Chain Management

Introduction Les termes de Logistique et de Supply Chain sont bien souvent employés concomitamment et indifféremment dans des articles traitant de la gestion de flux. Ils ne sont pas stabilisés à l’échelon mondial et se recoupent parfois. De ce fait, il convient tout d’abord de les distinguer pour tracer l’évolution et la reconnaissance de la fonction logistique au sein de l’entreprise. Quand on évoque, devant un non-initié, le métier de logisticien et qu’on lui demande quelles activités sont exercées par celui-ci, sont citées, le plus souvent, les opérations subalternes d’intendance, de transport, de stockage, de manutention, de magasinage, d’emballage, de conditionnement, de formalités de douanes, etc… Or, la logistique ne se réduit pas à ces tâches « basiques » (sans aucun jugement de valeur) mais englobe d’autres missions plus larges et plus valorisantes d’optimisation et de pilotage de flux globaux.

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C’est pourquoi l’on préfère utiliser le terme américain de supply chain management moins compréhensible au premier abord, ce qui oblige le spécialiste à préciser le contenu de son métier beaucoup plus vaste et beaucoup plus stratégique que le simple fait d’approvisionner, de produire et de livrer. Ce néologisme n’est en fait que la version américaine du concept de « logistique globale » formulé par l’ASLOG dans les années 80 (ou de « logistique intégrée », titre de l’ouvrage de J.PONS et P. CHEVALIER, Hermes, 1995). Il a le mérite d’introduire la notion de « management », et de laisser entrevoir une gestion des flux physiques dans leur globalité avec, à la clé, des performances financières optimisées et une amélioration des taux de service. En effet, le Supply Chain Manager est une sorte de chef d’orchestre (ne parle-t-on pas en logistique interne de gestion de production, comme nous le verrons ultérieurement, de façon plus détaillée, de

Takt time ou rythme du métronome qui coordonne toutes les activités - des flux physiques (contrats de transport internationaux, entreposage, emballage, manutention), - des flux financiers (fund flows) : prise en compte des instructions logistiques inhérentes

. au contrat de vente et déterminées principalement par les Incoterms 2000, (délais, transfert des coûts et des risques, opérations de douanes, emballage CGEI,…)

. aux lettres de crédit (réglées par les Règles et Usances

Uniformes 600 de la CCI ou RUU600 depuis juillet 2007) avec différentes dates butoir (deadlines) comme les dates impératives de mise à FOB ou la désignation de port de chargement,

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. au contrat d’assurance facultés (Tous risques, Franc d’Avaries Particulières ou FAP) avec des contraintes d’âge limite pour les navires de 15 ans, de capacités (> 500 TJB ou Tonneaux de Jauge Brute), de classe A et jusqu’en octobre 2008 de compagnies conférencées …), selon les Institutes of London Underwriters ou ILU, à la base des Incoterms et des RUU 600 précitées, - et des flux d’informations : (EDI, GALIA, ODETTE ERP, WMS, TMS, SCE, DELTA, RFID, Codes barre, …)

Tableau n°0 Exemple des principaux messages échangés par EDI

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5Copyright IPM J.PONS 2006

Incoterms

Supply Chain Management et gestion des interfaces entre flux

physiques & flux financiers et des contraintes logistiques inh érentes

Contrat d’assurance

Polices facult és

(marchandises)

ILU

Crédoc

Stand By

RUU 600

Contrat de

vente

La Haye, New

York, Vienne

Contrats de

transport

CMR (route),

CIM (fer)

Varsovie (air),

Bruxelles (mer)

Assuré Bénéficiaire Vendeur Exp éditeur

Courtier Agent

Cie d ’assurance

Commissionnaire

Transporteur

DestinataireAcheteurDonneur d ’ordreAssuré

Banque confirmante

Banque émettrice

Gestion de la cha îne logistique en fonction des Incoterms Contraintes logistiquesde délais, de prix de vente ou

d’achat

Contraintes logistiques de port, de date d’embarquement …

Contraintes logistiquesd’âge du navire, de capacit é, de classe …

Construction de la cha îne de transport en fonction des crit ères de réactivit éou d’efficience

Tableau n°1 Supply Chain Management et gestion des contraintes

logistiques inhérentes aux différents flux physiques et flux financiers Ces opérations sont réparties dans les grandes strates de la supply chain , à savoir : - la Logistique aval de distribution (Distribution Requirements Planning / DRP ou logistique de la demande ou demand side couvrant les flux du grossiste au détaillant jusqu’au client final ou directement au client final par le canal du e-commerce et de la e-logistics), avec le défi à relever, d’éviter les ruptures de stocks dans les linéaires ou trop de stocks sur les plates-formes avancées - la Logistique interne de gestion de production (internal SCM ou ISCM ou management des matériaux), avec le défi de rendre souple un outil de production rigide par nature (avec utilisation d’outils du lean, light management comme le SMED (Single Minute for Exchanging the Die), l’OTED , le Jidoka (autonomation), les Kanbans, les andons et poka Yoke…), l

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- la Logistique amont d’approvisionnement (SRM ou Supplier Relationship Management ou supply side), avec le défi de livrer en flux tendu, en bordure de chaîne, les pièces détachées (CKD), de façon synchrone ou asynchrone, sous peine d’arrêt de chaîne, à 5 000€ par minute !...transformant le Just In Time en Just In Trouble !!!.. avec des coûts ventilés, en moyenne, selon la répartition du tableau n°2 suivant:

Dépenses Logistiques/CA

29%

7%64%

Logistique Amont d'approvisionnements

Logistique interne de production

Logistique aval

Tableau n° 2. Ventilation des coûts logistiques selon les 3 «strates

opérationnelles »

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SCMSCM

R & D Bureau études

Achats Fournisseurs

Production

Usine

Logistique

Marketing Distribution B to B

Logistique extrême aval

Client B2CLiens fonctionnelsLiens fonctionnelsLiens opLiens op éérationnelsrationnelsLiens informationnels

BoardBoard

Logistique

d’extrême amont

Logistique amontLogistique amont

SRMSRM

LogistiqueLogistique

Interne ou Interne ou

ISCMISCM

Logistique avalLogistique aval

EEDDII

S

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Tableau n°3. Les « strates» opérationnelles de la supply chain

L’auteur du présent article se servira de sa propre expérience successivement de : - Secrétaire Général à la Holding des Transports GONDRAND (de 1972 à 1987) - Dr des Opérations logistiques au sein du Groupe ALCATEL (de 1987 à 1990) - Dr du cabinet IPM, consulting en Supply Chain, Pour illustrer cette évolution et cette mutation de la Logistique vers la Supply Chain, des années 80 aux années 2000 (Y2K), nous recourons aux modèles et théories de HAYES et WHEELWRIGHT in Restoring our competition Edge, John Willey, de T. HILL (in Manufacturing Strategy : Text and Cases Boston, Irwin Mac. Grant Hill 2000 et de JONES D M (un published essay, Lancaster University 1999).

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I. Modélisation de la reconnaissance de la fonction logistique selon les modèles de HAYES & WHEELWRIGHT. HAYES et WHEELWRIGHT font état de 4 étapes suivies par une fonction, pour passer de l’ombre (opérationnelle) à la lumière (stratégique) !

Tableau n°4. Les 4 étapes de l’évolution d’une fonction selon

HAYES & WHEELWRIGHT Pyramide de l’évolution de la fonction logistique des années 80’s à l’an 2000 : de la « neutralité interne » au « support externe »

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Copyright 2006 IPM ANETYS

Evolution de la Logistiquecf HAYES & WHEELWRIGHT

stratstratéégiquegique

tactique

opérationnelle80’s

90’s

Y2K

Proced és Transports, Gestion des Stocks, Manutention,

Emballage, Douanes, SI

Neutralit é interne

Neutralit é externe

Support interne

Support externe

proc édés

Opérations et Processus

Ing énierie sustème

Tableau n°5 Pyramide de l’évolution

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Copyright 2006 IPM ANETYS

HAYES & WHEELWRIGHT

et les 4 étapes de contribution des op érations

Application aux processus logistiques

• Neutralit é interne : éviter de faire des erreursLes activit és logistiques sont de simples outils au service de fonctions nob les comme le marketing, les achats, la

production, l ’ADV

• Neutralit é externe : adopter les meilleures pratiques.

Le responsable logistiques mettent l ’entreprise au niveau des concurrents ( étalonnage concurrentiel ou benchmark )

• Support interne : apport des ressources n écessaires ( order

qualifying ) pour remporter des appels d ’offre.

• Support externe : procure des avantages concurrentiels et des

compétences « cœur »(order winner ) cf ARCELOR et NISSAN, IKEA,

ZARA, DELL, MANGO, BENETTON,

Tableau n°6. Synthèse de la pyramide de l’évolution

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I.1. Approche passive (JONES) ou « neutralité interne » (H&W) : la non-survenance d'incidents *(intracompany & intraoperation)

"un bon service logistique est une prestation que le client oublie.". Jusqu’à la fin des années 80, le terme de logistique n’était pas très répandu en dehors du monde militaire : nous parlions, à l’époque, d’opérations, d’activités de transports, de gestion de stocks, d’emballage, de manutention, de techniques douanières,…mais nous nous appuyions déjà sur des logiciels, certes peu interfacés et peu conviviaux qui tournaient sur des AS400, pour gérer nos entrepôts, nos tournées de livraison, etc…

Activité ou opération : ensemble de tâches élémentaires effectuées par des hommes ou des machines, produisant, à partir d’entrants, des sortants satisfaisant les clients

Processus : ensemble d’activités réalisées sur un flux, dans un ordre déterminé, et entre deux bornes de temps (début/FIN)

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Copyright 2006 IPM ANETYS

Activités transport

et paiement • Activit é transport à valeur ajout ée dont le client reconna ît la valeur, qui transforme

les éléments du flux physique d ’un point A à un point B, r éussie du premier coup

ou OTIF (on time, in full)

Processus de

paiementEntrants (Inputs)

Ressources à transformer :

Marchandises (produit fini res

nullius tant que non livr ée.

Ressources transformantes

Camion, personnel

Sortants

(Outputs)Livraisons

de produits

finis

valoris és

pour le

client

(perfect

order :

q, Q, t)

•Volume et

répétabilitéGroupage, lots,

LCL, FCL

•Variété

(multisource ) et

standardisation(prestataire unique)

•Variation de la

demande :

routine (saisonnalit é et pb

de capacit és) et

prédictabilit é

•Visibilit é

exposition aux

clients et

tolérance

d’attente : Intégrateurs et e -

commerce, express

vs groupage

Ces caract éristiques diff érentes des sortants impactent sur le type de transports :

volumes élevés (FTL/FTL), vari été faible, variation faible (tourn ées), contacts faibles avec

les clients (groupage/ d égroupage vs bureaux de ville) permettent des proc édés à coûts

faibles.

Processus de

Transports

à l’aide

d’activités

ordonnées

Tableau n°7 : Entrants, processus/activité, Sortants avec 4V’s

Les entreprises n’accordaient pas une grande valeur à ces activités qu’elles considéraient comme peu valorisantes et affectées au service de fonctions plus nobles, « primordiales » (primary) selon Michael PORTER ("L'Avantage concurrentiel", Inter-Editions, Paris 1986), comme les Achats, le Marketing, les ventes, la production…

Les services transport, stockage, manutention, etc…n’avaient pas de stratégie propre et réagissaient en réponse aux requêtes des fonctions «nobles» précitées. Les opérations logistiques (intracompany) se déroulaient de façon routinière et réussissaient (parfois) de façon « miraculeuse » (quick-fix).

On s’apercevait de leur existence au plus haut niveau de la hiérarchie de l’entreprise, lorsque des dysfonctionnements advenaient, comme des avaries, pertes partielles ou totales, retard, mécontentement du client devant les agissements de chauffeurs, incidents à la livraison ou à la prise en charge... Nous étions alors dans une phase de « chaos » (cf MINTZBERG, Theory of Chaos

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71

Grandeur et décadence de la planification stratégique, DUNOD), d’ «infantilisme » (selon JONES PhD thesis non publiée D M 1997 Strathclyde University) les processus n’étaient pas stabilisés, modélisés, répétitifs, les responsables transport devaient corriger le tir dans l’urgence, recourir souvent à l’express et aux intégrateurs, faire l’objet de réprimandes…

On n’attendait qu’une seule chose de ces opérations « ancillaires », c’est qu’elles se fassent oublier le plus possible, qu’elles soient « neutres en interne » pour reprendre les concepts de HAYES et WHEELWRIGHT (op.cit) : les commerciaux croisaient les doigts quand ils rendaient visite à leurs clients de ne pas faire l’objet de remontrances quant à la (non) qualité logistique des livraisons et les acheteurs et, dans l’autre sens, craignaient que les sites industriels ne soient pas approvisionnés en Juste à Temps, des produits qu’ils avaient «sourcés» à bas prix au bout du monde, du fait, également d’une mauvaise maîtrise de la logistique des approvisionnements !.

Les critères d’évaluation étaient uniquement l’efficience (rapport coût/niveau de service).

Tableau n°8. Contribution croissante de la fonction

8

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• Impact strat égique croissant

E1

Correction des pbs

les + importants

E2

adoption des meilleures

pratiques des concurrents

E3Lien avec les

opérations strat égiques

E4

Avantage

comparatif

Capacit és des op érations croissantes

Contribution

croissante

Neutralit é interne neutralit é externe support interne support externe

Mise en œuvre de la strat égie

Implementing strategy

Support de la strat égie

Supporting strategy

Conduire la strat égie

Driving strategy

Soutient

Holding

back

Aussi bon que les concurrents

Clairement le meilleur du march é

Pose les r ègles du march é

Page 72: CRISC 21 Logistique

72

Nous parlons dans ce texte à l’imparfait, mais malheureusement, bon nombre d’entreprises, de nos jours encore, en sont à ce niveau infantile de développement et de reconnaissance de la fonction (correspondant au niveau 1 du modèle CMMi ou Capacity Maturity Model integrated développé in fine) : si leurs « logisticiens » ne sont que des administratifs, ils auront beaucoup de mal à penser stratégie ! I.1.1. Comment les entreprises gèrent-elles leurs activités logistiques « primaires »

Comment les entreprises g èrent-elles leurs op érations

logistiques?.

• 1PL (par elles-mêmes) : cf Intermarch é, Darty,…

• 2PL (en recourant à des 2PL : logistique simple)

• 3PL (en recourant à des commissionnaires de

transport devenus prestataires logistiques)

• 4 PL (en recourant à des consultants ou

gestionnaire ext érieur de Supply Chain cf Crosslog )

• 5PL (en recourant à des intégrateurs de

systèmes informatiques cf Influe, Diagma ).

Tableau n°9. Acteurs de la logistique

Pour traiter cette question, nous utiliserons une seconde pyramide et des acronymes dérivés du concept de 4PLTM (Fourth- Party Logistics), créé par le cabinet ANDERSEN ACCENTURE en 1996, mais donc le champ sémantique est encore un peu flou sur un marché logistique européen aussi hétérogène.

Page 73: CRISC 21 Logistique

73

11

Evolution de la Logistiquecf HAYES & WHEELWRIGHT

stratstratéégiquegique

tactique

opérationnelle80’s

90’s

Y2K

Proced és Transports, Gestion des Stocks, Manutention,

Emballage, Douanes, SI

Neutralit é interne

Neutralit é externe

Support interne

Support externe

proc édés

Opérations et Processus

Ing énierie sustème

Tableau n°10. pyramide des acteurs logistiques

1.1.1.i Logistique de premier niveau ou 1PL (un seul partenaire logistique) Pour réaliser leur logistique, les entreprises ont pu d’abord s’organiser elles mêmes, en ayant leur propre flotte de véhicule (transport pour compte propre, transport privé), leur propre entrepôt. Cela peut encore se justifier si l’entreprise a des besoins spécifiques en matériel (toupies à béton, camion frigo tri-températures, transport de vitres par exemple), en entrepôts de type Seveso, ou si les chauffeurs remplissent d’autres tâches que la simple conduite du véhicule (montage, installation, réglage du produit vendu : ex DARTY ,…) etc. A noter que, dans le contexte actuel de crise économique et de faillites nombreuses de transporteurs publics, les entreprises sont tentées de se doter de leurs propres moyens de transport.

Page 74: CRISC 21 Logistique

74

Cependant, il convient, avant de choisir cette option, de bien connaître les limitations juridiques imposées tant par les textes français de 1949 (coordination des transports) et des directives européennes qui visent à brider le développement de la route pour des raisons objectives différentes (protectionnisme vs écologie et environnement).

14Copyright 2006 IPM ANETYS

Transport priv é

coordination des transports novembre 1949

• La carte grise du v éhicule doit être au nom de l ’entreprise ou modèle 11 longue dur ée en cas de location de v éhicules de plus de 3 tonnes de CU.

• Être propri étaire des marchandises ou vendeur, acheteur, r éparateur.

• Le chauffeur doit être salari é de l ’entreprise (contrat CDD, CDI à bord du véhicule ou contrat d ’intérim).

• Si le transport sur vente fait l ’objet d ’une facturation au client , la marge dégagée sur le transport ne doit pas être substantiellement trop importante par rapport à la marge sur le produit.

• Amende de 15 000 ! en cas de non respect de ces 4 conditions• Constitution éventuelle de partie civile par la SNCF, les syndicats de

transporteurs routiers

Tableau n°11 Principales contraintes du transport privé A ce niveau, les opérations de transport ne contribuent pas à la stratégie de l’entreprise : elles sont focalisées sur les activités internes de l’entreprise (sourcing, production, livraison)

Page 75: CRISC 21 Logistique

75

Tableau n°12 Logistique et activités internes 1.1.1.i.i Logistique à deux niveaux ou 2PL (donneur d’ordre et prestataire logistique) La majorité des entreprises (90% selon l’ASLOG) , toutefois, ont externalisé, depuis longtemps, au moins les « couches basses » de la logistique, à commencer par les maillions de stockage et de transport, en travaillant avec plusieurs transporteurs publics (ou « pour compte d’autrui »), aux professions atomisées (spécialistes du monocolis, du groupage, du lot…), qui se sont fait la guerre à coups de ristournes insensées conduisant à un taux de mortalité très élevé dès les années 90 et avec une aggravation avec la hausse du coût du pétrole puis de la crise bancaire de fin 2008. Il est à noter que la législation française, puis européenne, pour accéder à la profession de transporteur public et s’inscrire au registre des transporteurs, est tout aussi contraignante que pour faire du transport pour compte propre. Les raisons sous-jacentes sont la volonté de brider le développement du mode routier, considéré par Bruxelles comme

Page 76: CRISC 21 Logistique

76

polluant et énergétivore, pour basculer le fret vers des techniques de ferroutage que nous illustrons ci-après par des photos : - semi-remorque et wagon kangourou

159

Copyright 1999 _ CIF Europe

Technique Kangourou

- camion

139

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Camion du futur by RENAULT

• Radiance Truck

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- caisse mobiles

163

Copyright 1999 _ CIF Europe - semi-rail (road railer) : on fixe des bogies de wagons sous les semi-remorques pour éviter de tracter le poids mort du wagon !

Page 78: CRISC 21 Logistique

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Schéma : Constitution d’un train sans wagon (semi-rail) et

glissement des bogies sous la semi-remorque - route roulante (Rollende Strasse), autoroutes ferroviaires,….

Page 79: CRISC 21 Logistique

79

L’association rail/route présente des avantages multiples : - économiques : on associe la régularité du fer à la souplesse et la « capilarité » de la route (la route va partout !) - techniques : désengorgement des axes d’échanges - environnementaux : le ferroutage est moins énergétivore et moins polluant. Les limites, toutefois, sont les suivantes : - la pertinence du rail s’avère au-delà de 500 km, ce qui ne représente « que » la moitié des tonnes kilomètres du continent européen - difficultés à obtenir une offre unique des différents chemins de fer européens qui satisfasse pleinement la demande : il manque en Europe des IMC (Intermodal Marketing Companies) qui, aux USA, se chargent d’acheter en gros le transport ferroviaire et le revendent au détail aux chargeurs, compagnies maritimes - les difficultés pour les compagnies ferroviaires à se positionner concurremment face au mode routier (dysfonctionnements techniques et sociaux récurrents) - trop de pays, de langues, de gabarits, de normes de sécurité, une trop grande priorité au trafic des voyageurs (sillons prioritaires), vont, pour l’instant dans l’UE, à l’encontre du développement du rail-route qui ne représente que 4% des t.km sur le continent européen (contre 5,7% en France). Les contraintes règlementaires pour devenir transporteur public (common carrier) sont de quatre ordres, reprises dans les tableaux ci-dessous : - capacité professionnelle (passer un examen difficile dite attestation de capacité)

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195

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Titres de capacit é

Capacit é professionnelle1. Possession d ’un diplôme de l ’enseignement sup érieur

avec option transport, vis é par Education nationale

2. ETL (AFT), EET

3. Réussite à un examen sp écifique : Attestation de capacité (droit civil, social, fiscal, gestion commerciale, financi ère, exploitation technique)

4. Justifier de 5 ans de Direction dans une entreprise de transport routier

Tableau n°13 contraintes d’accès à la profession de transporteur

(diplôme) - conditions d’honorabilité (production du volet 2 du casier judiciaire) - capacités financières (constitution de réserves bloquées au bilan lors de l’achat de tout véhicule, variant d’un pays membre à l’autre)

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Accession à la profession de

transporteur public dans l ’UE

Tableau n°14 contraintes d’accès à la profession de transporteur

(capacités financières) - capacités administratives (licences intracommunautaires, licences bilatérales, licences triangulaires dites CEMT).

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193

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Titres de Coordination

Licences• Licence de transport int érieur : véhicules < 6 t de PMA

• Licence Communautaire : véhicules>6 t PMA et > 3,5 t de CU

Valable 5 ans, d élivrée par la DRE, copie banalis ée à bord du véhicule, original au si ège de l’entreprise.

De transport int érieur < à ces limites

• Licences étrangères :

– Pour des transports dans l ’UE et l ’ EEE : licence communautaire

– Autorisations bilat érales : accords entre la France et pays tiers (au voyage ou à temps : 1 an) (ex. Ukraine)

– Licence CEMT (Conférence Europ éenne des Ministres du transport) pour trafic triangulaire ou plus.

Tableau n°15. contraintes d’accès à la profession de transporteur

(titres d’exploitation))

1.1.1.i.i.i. Logistique à trois niveaux ou 3PL et LLP (donneur d’ordre, prestataire logistique garant des exécutants)

Puis, les meilleures pratiques de management mondiales ont conduit les entreprises à se concentrer sur leur métier principal, à diminuer d’une façon générale le nombre des fournisseurs (downsizing) et celui des transporteurs en particulier, à en privilégier un ou deux, à en faire un leader (LLP ou Lead

Page 83: CRISC 21 Logistique

83

Logistics Provider), devant offrir toute la gamme des services, tout en étant garant de ses éventuels substitués. (voir stratégies d’IBM et DELL avec GEODIS, d’HEINEKEN avec GONDRAND, de CARREFOUR avec K&N et FML, d’AIRBUS avec DAHER, de MacDonald avec R Services…). Leur responsabilité est proche de celle d’un commissionnaire de transport (métier dont la plupart sont issus !) avec : - présomption de responsabilité, - obligation de résultat, - devoir de conseil, - liberté de choix de leurs substitués. Le commissionnaire de transport ne doit pas être confondu avec un transitaire, simple mandataire, qui n’a qu’une obligation de moyens et dont les fautes doivent être démontrées.

Différences entre statuts juridiques du

Commissionnaire et du transitaire

• Commissionnaire de transport

– Législation : art ex 94 à 99 (L 132-1 à L 132-6 du C de C)

– Comparaison avec le forwarderanglais, le Spediteurallemand, …

– Présomption de responsabilit é

– Obligation de r ésultat

– Libert é de voies et moyens

– Devoir de conseil

– Limitations de r éparation

– Droit de r étention élargi

– Prescription annale

• Transitaire

– Législation : art 1992 à 1996 du Code Civil

– responsabilit é de bon p ère de famille

– Fautes à démontrer

– Obligation de moyens

– Règles du mandat

– devoir de conseil dans son métier

– Limitations de r éparation

– Droit de r étention limit é

– Prescripti on décennale

Tableau n°16 : Statut « exorbitant » du droit commun du commissionnaire de transport

Page 84: CRISC 21 Logistique

84

Top 10 des 3 PL mondiaux

! DP/DHL/EXEL

! TNT (NL) rachat par ND des activit és fran çaises ( oct 2005) et par GEODIS de WILSON (2007)

! TIBETT&BRITTEN (GB)

! RYDER (USA)

! P&O (NL)

! K&N

! UPS(USA)

! SALVESEN(GB)

! FIEGE (DE)

! WINCANTON (USA)

! MENLO (USA)

! NICHERI (J)

•THIEL (DE)

•GEODIS (FR)

•TDG (GB)

•AMERICOLD (USA)

•PENSKE (USA)

•APL (USA)

Tableau n°17 : classement des principaux prestataires logistiques mondiaux

Ces 3 PL (Third Party Logistics Provider), issus des métiers de commissionnaire, de transporteur, d’entrepositaire,…ont développé peu à peu, des cercles concentriques de service à plus fortes valeurs ajoutées, les conduisant à réaliser des tâches de plus en plus variées. HERTZ et ALFREDSON (2003) ont décrit 4 catégories de 3PL, selon la complexité des tâches et des fonctions exécutées pour leurs clients : - les 3PL standard qui exécutent des tâches basiques comme : - la préparation de commande fine ou par palettes (order processing), - le picking optimisé,

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Picking

Pick by Voice

Pick by light

Terminal mobile Liste Papier - la préparation à la couche en respectant les règles de gerbage (lourd, moyen, léger), - le crossdocking, - la préparation des commandes, - le co-manufacturing (tâches pré et post-industrielles), - la différenciation retardée des produits (postponment) - le montage des PLV - le fardelage, le conditionnement, le manchonnage, pose d’étiquette - le contrôle qualité - la gestion des retours : retrait de lots, retour au fabricant ou gestion de la destruction - le kitting (assemblage de produits) - le co-packing,

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Copacking

- les développeurs de service qui offrent à leurs clients des services à forte valeur ajoutée comme le tracing & tracking, - les gestionnaires (customer adapter), petites structures, qui, à la demande de leur client, prennent en charge la gestion de la supply chain, l’optimisent mais ne développent pas de nouveaux services. - les développeurs (customer developer) qui représentent le degré supérieur des services offerts par les 3PL : ils s’intègrent chez leurs clients et prennent en charge totalement la fonction logistique. Ils travaillent avec peu de clients mais s’investissent totalement.

Page 87: CRISC 21 Logistique

87

etc…

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ThirdThird PartyParty LogisticsLogistics

R & D Conception

Purchasing

Production Suppliers

Logistics

Plant

Marketing

Distribution

FonctionalFonctional linkslinks

OperationalOperational linkslinksInformation links

BoardBoard LogisticsLogistics

providersproviders

Performance Performance metricsmetrics

EDIEDI

Concurrent engineeringConcurrent engineeringsimultaneoussimultaneous engineeringengineeringreverse reverse logisticslogistics

CoCo--manufacturingmanufacturing , , crossdockingcrossdockingcoco--packingpacking , , warehousingwarehousing

ContinuousContinuous replenishmentreplenishment , carrier , carrier selectionselection & & rate rate negotiationnegotiation , , shipmentshipment planning, planning, orderorderprocessingprocessing , packaging, , packaging, productproduct return, return, ee--tradetrade

Tableau n°18. outils logistiques des 2,3 et 4 PL

Page 88: CRISC 21 Logistique

88

Tableau n°19. Valeur ajoutée par les prestataires selon Merril Lynch Des réticences existent de la part des entreprises à externaliser ces tâches logistiques reprises dans le tableau n°20 ci-après

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89

RISQUES REELS ET RISQUES PERCUS DE L'EXTERNALISATION

22%

24%

17%

12%

15%

16%

9%

23%

10%

19%

18%

14%

13%

13%

0% 5%10%15%20%25%30%

Perte de contrôle, de maîtrise

Problèmes de RH

Coût trop élevé

Manque de réactivité

Prestations de mauvaise qualité

Perte de savoir-faire

Dépendance vis-à-vis du prestataire

Entreprises qui

n'externalisent

pas/Risques perçusEntreprises qui

externalisent/Risques

réels

Tableau n°20. Craintes de l’externalisation des tâches logistiques En synthèse, nous pouvons positionner les 2PL et 3PL selon la matrice suivante, avec en abscisse le portefeuille client (degré d’existentialité) et en ordonnée le degré d’expertise et de métier).

17

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Historiques: Sernam

D

FédérésGroupeco , Astre, La

Flèche (ID Log) , Demeco

2PL

A

« Tracos »

3PL ou prestataires

logistiques

CDHL, GEODIS,K&N,

Schenker , Gefco , ND,

Mory, CAT, Heppner ,

FML, Tibett &Britten, Frans

Maas, Wincanton , Fiege ,

DAHER,

Transporteurs de

« niche »

B-« nucléaires » : transnuc ’,

Braunkohle , BNFL

- exceptionnel : Capelle,

Koenig, Zuconni , Beyer

- œuvres d ’art : Chenue, IAT

-int égrateurs ; DHL, FeDex

-Grands volumes : Breger

Degré d’existential ité

de

gré

d’

ex

Pe

rtI

se

II .Matrice de positionnement des transporteurs(2PL) et prestata ires 3PL

Tableau n°21. Matrice de positionnement des 2,3, Pl

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90

Légende : - catégorie A (2PL tractionnaires) : peu de clients, peu d’expertise. - catégorie B (transporteurs de niche) : peu de clients mais spécialisés - catégorie C (Prestataires logistiques ou 3PL) : portefeuille client élargi, expertises fortes et diverses (typologie de Levitt). Ce fournisseur spécialisé ne se contente pas seulement d’exécuter la fonction mais se charge de la planifier et de faire le lien avec les autres parties. S’il appartient à un groupe, le 3PL peut utiliser ses propres moyens (2PL) ou faire appel à un sous-traitant. - catégorie D (GIE, GIEE) : portefeuille client étendu, mais mutation vers les métiers logistiques en cours (évolution suivante D vers C). 1.1.1.i.i.i.i. Les 4PLTM * (4ème Partie Logistique) : consultants en analyse de flux physiques et pilotes optimisateurs de la Supply Chain (offre la plus complexe à mettre en place !) Les 3PL, cependant, ont atteint peu à peu leur limite de capacité et d’expertise pour maîtriser l’ensemble des interfaces logistiques entre fournisseurs (logistique amont ou SRM) , producteurs (logistique interne de gestion de production), distributeurs (logistique aval ou DRP) Pour optimiser leur chaîne logistique, pour parvenir à une véritable entreprise « étendue », les sociétés ont dû faire appel à des consultants en logistique qui ont rajouté une 4ème strate d’intervenants (ou 4th Party Logistics Provider) qui ne se contentent pas d’auditer et de conseiller l’entreprise, mais coordonnent, dans la durée, des acteurs logistiques hétérogènes, parfois concurrents et pilotent, font évoluer, avec efficience, la chaîne à tout moment si le besoin s’en fait sentir pour cause, par exemple : - de changement brutal de métier comme chez ALCATEL qui est passé du câble à l’ADSL, de TUI passé des hauts fourneaux à l’agence de voyages et au transport maritime (Hapag Lloyd)… - d’apparition de nouveaux flux logistiques émergents comme la rétro-logistique pour des raisons environnementales (ISO 14 000),

Page 91: CRISC 21 Logistique

91

économiques (pression des coûts), de réduction de cycle de vie : par exemple XEROS qui récupère cartouches d’encres et imprimantes en fin de vie, dans des ECOBOX, gérées par co-opétition avec les concurrents CANON et KONICA MINOLTA. - de l’internationalisation des flux, du déploiement de l’entreprise vers ou au départ de nouvelles destinations ou provenances mondialisées, peu de 3PL offrant une offre paneuropéenne et encore moins mondiale, vraiment performante . Ces 4PLTM peuvent être, du reste, des 3PL qui ne sont plus sous-traitants d’exécution mais planifient, coordonnent les flux physiques exécutés par des opérateurs physiques (2PL) ou des prestataires de supply chain (3PL), innovent et réduisent les coûts globaux en se servant de leur propres moyens (camions, entrepôts) et en les complétant avec ceux d’autres prestataires qui peuvent être par ailleurs des concurrents (coopétition) comme DAHER, DHL Exel SC solution, , K&N, MENLO, RYDER System, SCHNEIDER Logistics, UPS Solutions. GEODIS GLOBAL Solutions a pris récemment le leadership mondial des 4PL en rachetant en décembre 2008 IBM Global Logistics (1 milliard € /an) et pilotera désormais la SC mondiale d’IBM. .. Pour M Gary SMITH, Vice Président Global Logistics IBM integrated SC : “ les entreprises industrielles crééent d’autant plus de valeur qu’elles se concentrent sur leur coeur de métier…Nous profitons du travail qui a été réalisé par IBM pour développer et intégrer sa chaîne logistique sur l’ensemble de ses activités, et, d’autre part, de notre partenariat historique avec un prestataire logistique d’envergure mondiale, pour capitaliser sur nos ressources communes au service de nos nombreux clients mondiaux » Certains sont même issus de compagnies maritimes qui ne veulent plus dépendre de la monoactivité trop cyclique du transport, comme MAERSK Solutions (autrefois appelé Mercantile) ou encore de cabinets de conseil en management comme FREELOG, BALISEO .COM (SKIPPER LOGISTIQUE) , PEA Consulting, DIAGMA, INFLUE, IPM,… sans actifs à valoriser et donc, par nature plus neutres.

Page 92: CRISC 21 Logistique

92

Tableau n°22 : rémunération d’un 4PL (en bleu : sources d’amélioration, nombre de projets), (en orange : communication

entre les partenaires). 1.1.1.i.i.i.i.i. Les 5 PL : intégrateurs de logiciels d’exécution Dans une dernière évolution, les consultants en flux physiques (4PLTM) ont dû s’agréger des experts en intégration des SI logistiques (5PL) comme DDS, CATALYST InternationalPEA Consulting, Valtech Axelboss, ANETYS, pour piloter totalement le partage d’informations entre Clients, fournisseurs et 3PL, équipés d’ERP/PGI (SAP, Oracle,…) et les SCEM (Supply Chain Event Management ou systèmes d’alertes),

Page 93: CRISC 21 Logistique

93

Le SCM vu par les logiciels : la pLe SCM vu par les logiciels : la p éériphriphéérierie

SCM CRMCRMSRMSRM

BIBI

SCEMSCEM

Business IntelligenceBusiness Intelligence

Supply Chain Event ManagementSupply Chain Event Management

CustomerRelationship Management

SupplierRelationshipManagement

Tableau n°23. Logiciels périphériques (source C POLGE SC

magazine) Les 5PL vont greffer sur les ERP les logiciels d’optimisation de transport ou TMS (Transport Management System)

Tableau n°24. Les TMS (source C POLGE SC magazine)

Page 94: CRISC 21 Logistique

94

et les logiciels d’entrepotique WMS (Warehouse Management System) utilisés par les 3PL (Manugistics, I2, Reflex, GOLD, Geode, Skep, Logidrive, Cegid, Infflux…), etc….

170

Logisticien, moins un homme des ERP, de transactionnel ,, plus u n homme de coordination et de d écisionnel

Tableau n°25. Architecture d’un ERP et greffe de logiciels complémentaires (source SAP)

Les 5PL maîtrisent les échanges EDI

Page 95: CRISC 21 Logistique

95

Tableau n°26 . Messages EDI Transport (INOVERT)

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Tableau n°27. Hiérarchisation des outils logiciels (Source CXP International)

Page 96: CRISC 21 Logistique

96

LE 4PLTM /5PL est devenu un modèle incontournable aux USA : il devra trouver sa place également en Europe et en Asie car il constitue la clé de la maturité de la SCM, en croisant les compétences entre les acteurs majeurs de la logistique (3PL et LLP) et des sociétés de conseil et SSII (4PLTM et 5PL). 1.2. Approche active ou « neutralité externe » : début de contribution à l'optimisation globale de l'entreprise. (intra company), A ce stade, le responsable logistique apporte plus de stabilité dans les processus logistiques : il met en place des procédés, des techniques, des pratiques éprouvées (best practices, best of breed practices) des tableaux de bord de suivi de performance internes (réduction de coûts et mesure d’efficience), déconnectées toutefois de la stratégie globale de l’entreprise (approche « indépendante » selon JONES). Le Logisticien permet de rattraper le niveau de service offert par les concurrents sans les dépasser, d’où l’expression de « neutralité externe » (H&W). Il apporte à son entreprise des «vecteurs qualifiants» (cf T.HILL et les « order qualifiers ») qui laissent espérer que l’entreprise pourra continuer à vivre, qu’elle sera qualifiée pour répondre à des appels d’offre au même titre que les concurrents (comme le fait d’être certifié ISO 9001 2000). Par contre, en interne on commence à prendre conscience de l’amélioration des performances : les clients se plaignent moins car les livraisons sont plus régulières, avec moins de casse, de manquants…Les commerciaux prennent davantage confiance dans les capacités internes de leur service logistique, les acheteurs et les responsables production également. Des liens se tissent entre les fonctions Achats, Ventes (S&OP). Les responsables de ces fonctions sont prêts à modifier leur perception de la fonction logistique, à remettre en cause leurs modes de fonctionnement et de passer au stade suivant. La Direction est prête à investir dans la formation des acteurs logistiques et commence à percevoir les opportunités contributives des outils logistiques à la profitabilité de l’entreprise.

Page 97: CRISC 21 Logistique

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Logistique et optimisation du bas

du bilan (bottom line)

• ROI = Profit/Capital employ é

• ROI = Profit/Ventes x Ventes/Capital employ é

Marge Taux rotation capital

meilleure utilisation ressources

Faire « suer » le capital :

Stocks faibles

Ventes élevées/m 2

Entrepôts lou és plutôt que poss édés,etc …

Tableau n° 28. Retour sur Investissement ou ROI 1.3. Approche plus active ou « support interne » : contribution plus intense à l'optimisation globale de l'entreprise. (intracompany & interfunctional) Désormais, la fonction logistique est associée à toutes les stratégies de l’entreprise et en interface avec toutes les fonctions : - en extrême amont à la conception des produits (product design), - en amont avec les Achats (Supplier Relationship Management) - en interne avec la Production (process design), - en aval avec la Distribution (DRP) (network design) - en extrême aval pour servir le client final (B2C), à son domicile (e-logistics notamment). Ne nous cachons pas pour dire que, dans les faits, le Directeur logistique a dû batailler fortement pour obtenir cette reconnaissance des autres fonctions, pour assumer ce rôle délicat de coordination et d’arbitrage.

Page 98: CRISC 21 Logistique

98

Il lui a fallu beaucoup de qualité de communication, de tact, de diplomatie de persuasion pour convaincre ses collègues qu’il ne briguait pas leur place, mais qu’il est au service de tous !. Il inquiète dans la mesure où il est le seul, avec le Dr Général, à avoir une vision aussi large de l’entreprise Il a dû convaincre les responsables de ces fonctions tactiques qu’il fallait intégrer les opérations logistiques comme vecteur de productivité et de qualité (compression du temps). Mais après ce dur combat de reconnaissance, épaulé obligatoirement par la Direction Générale et doté d’une réelle autorité, qui doit l’aider à vaincre les réticences, les habitudes, les cultures d’entreprises, les fortes personnalités des Directeurs d’usine, Directeurs des Achats, Directeurs commerciaux,… la logistique est, désormais, ressentie comme contribuant à la valorisation de l’entreprise dans sept domaines majeurs : 1- levier de profit,

222

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ventes

coûts

PROFIT

ROI

Cash

Recttes /dettes

Stocks

Actifs immobilis és

UTILISATION

du CAPITAL

Taux de service

Efficience logistique

Pipeline Management

Temps de cycle Cash -

to-Cash

JIT

Déploiement des

actifs et utilisation

Impacts de la logistique sur le ROI

Priorité : meilleure utilisation des ressources

Tableau n°29. Impacts de la logistique sur le Retour sur investissement

Page 99: CRISC 21 Logistique

99

La fonction logistique est contributive à la chaîne de valeur de l’entreprise parce qu’elle : - facilite la pénétration des marchés - accroît les recettes de l’entreprise - maximalise les profits - maximalise la valeur pour l’actionnaire

223

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Bilan / balance sheet

ACTIF/ Assets

Cash

A recevoir

Stocks

Locaux et Équipements

PASSIF / Liabilities

Actif circulant

Dettes

Fonds PropresEquity

Temps du cycle de commande

Taux de traitement de commande (rapidit é)Justesse de la facturation

Stocks (niveaux, positionnement, EOQ,etc..)

Entrepôts et équipements

Usine et équipements

Quantit és économiques de commande

Financement des stocks, usines et équipements

Variables logistiques

Tableau n°30. Impacts de la logistique sur les postes du bilan 2- source d'information (étalonnage concurrentiel ou benchmark), 3- effets sur l'efficience, 4- effets sur la compétitivité, 5- effets en termes d'image, 6- effets en termes de profil de carrière (le passage par la fonction logistique est désormais considérée comme un plus, compte tenu des défis permanents à relever, à chaud, sur le terrain…une très bonne école de management en somme !.. 7- stratégie de management collaborative.

Page 100: CRISC 21 Logistique

100

Tableau n°31.La logistique en support interne à toutes les fonctions

tactiques de l’entreprise 1.4 Approche «cœur de métier» ou « support externe » : contribution aux stratégies mondialisées de l'entre-prise.(intercompany & interfunctional) A ce niveau là, l’entreprise atteint un très grand niveau de maturité : la maîtrise des opérations logistiques devient « LE » facteur différentiel clé de compétitivité, difficilement imitable par la concurrence : ainsi ZARA (Groupe INDITEX), TOYOTA, WALMART, DELL, DECATHLON, 7 Eleven, IKEA. Elle fait un véritable « saut quantitatif » (« quantum leap » selon SYSON in Purchasing &SCM 1989) La logistique aligne tous les outils et processus pour servir la stratégie de l’entreprise : celle-ci vise soit la réactivité, soit l’efficience.

Page 101: CRISC 21 Logistique

101

L’entreprise ne peut, durablement, servir ses clients en lui offrant les deux avantages (taux de service élevé et coûts bas). Il existe une véritable frontière que l’on ne peut dépasser comme le montre le tableau ci-dessous, mais que l’on peut déplacer..

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Stratégies de l ’entreprise & SC

capacit és de la SCoption pour la r éactivit é ou l ’efficience

• Réactivit é

Efficience

fronti ère co ût-reactivit é-efficience

-+

-

+

Adéquation de

La strat égie

Tableau n°32. Réactivité et efficience La stratégie logistique s’intègre désormais dans la stratégie globale de l’entreprise et le Logisticien apporte, en comité stratégique, ses outils, concepts et techniques, à égalité avec ses paires (peers) des autres fonctions, pour renforcer la compétitivité, voire surpasser les concurrents avec des « vecteurs gagnants » (cf HILL) difficilement imitables (cf réactivité de Zara (time compression), délais couts et fréquence de mise sur le marché des collections (time to market!), retrait des produits invendus (rétrologistique).. Cette optimisation globale se fait de façon collaborative en interne avec les autres fonctions (interfunctional) et en externe avec tous les partenaires de la chaîne logistique (intercompany).

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102

Peu d’entreprises malheureusement atteignent ce niveau : dans les faits, seulement 50% des comités de Direction, comptent en leur sein un Supply Chain Manager ou équivalent ! 2. Stratégies des entreprises et importance décisive de la maîtrise des logistiques tout au long de la supply chain. 2.1 Positionnement tactique de la fonction logistique La logistique longtemps cantonnée à des tâches d’exécution comme le transport, le stockage, la manutention, l’emballage, les techniques douanières …a pris depuis une vingtaine d’année du « galon » au sein des directions d’entreprises et constitue désormais pour les entreprises leaders, une fonction tout aussi stratégique que la fonction marketing, finance, RH, production, achats, R&D, etc… Tandis que les militaires ont compris depuis l’origine l’importance de la Logistique (Alexandre le Grand, César, Napoléon,…), cela a pris cent ans pour que le monde de l’entreprise l’intègre comme une discipline primordiale dans le management stratégique, capable de gérer les processus d’approvisionnement, de transport, d’entreposage de pièces détachées et de produits finis (avec les flux d’informations associés), tout en maximisant les gains et les taux de service client. Pour produire le maximum d’effets et servir de levier à la profitabilité, la fonction logistique doit être directement rattachée à la Direction Générale comme toutes les autres fonctions « établies », participer à la mise au point des plans stratégiques, des PIC ou Plan Industriel et Commercial (MSP), PDP (Plan Directeur de Production), et être associée en analyse de la valeur, aux séances d’ingénierie concourante ou simultanée (cf tableau n°33 ci-dessous).

Page 103: CRISC 21 Logistique

103

2

Copyright 1999 _ CIF Europe

SupplySupply Chain ManagementChain Management

R & D Conception

Human Resources Purchasing Suppliers

Board

Finance Production Plant

Quality Logistics Distribution B to B

Marketing Client B to C

ERPERP

SCMSCM

FonctionalFonctional linkslinks

OperationalOperational linkslinksInformation links

APSAPS

Tableau n°33. positionnement tactique de la fonction logistique

« Lorsque la Logistique dit non, c’est qu’elle a raison » disait à juste raison Dwight Eisenhower. De fait, aucune stratégie actuelle des entreprises ne doit être engagée sans que la Logistique n’ait été consultée pour avis positif que ce soit : - en amont avec les stratégies industrielles (implantation, délocalisation d’usine à l’étranger) ou les stratégies d’achat (SRM, sourcing des OEM de plus en plus éloignés), dans les deux cas pour bénéficier de coûts de production et de sourcing plus bas, mais à condition que tous ces gains de production ou d’achats ne soient pas annihilés par des surcoûts logistiques (transports, stocks minimaux de 4 semaines pour intégrer le temps de transit, coûts de dédouanement…). M BOUR, D Gal de l’éditeur de logiciel DDS Logistics estime que « les coûts logistiques d’un approvisionnement en Chine atteignent couramment 30 à 50% du prix de revient du produit, contre 3% à 10% pour des approvisionnements

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104

domestiques ». Quant à la sous-traitance industrielle lointaine, elle ne serait intéressante, selon le cabinet de conseil ArchiLog que « si son prix de revient est inférieur de plus de 15% à son coût en France ». De plus en plus d’entreprises prennent ainsi la décision de relocaliser leur production d’Asie vers l’Europe (comme THOMSON AVA qui a relocalisé ses productions de radios-réveils, de chaînes Hifi, de lecteurs DVD en Hongrie), voire en France (comme SULLAIR fabricant de marteaux piqueurs qui ne pouvait plus supporter des délais de livraison supérieurs à 5% et des coûts de transport à 10% de la valeur de l’équipement). - en aval avec les stratégies de distribution désormais à l’échelle mondiale (DRP), pour profiter des ouvertures de marchés, sous l’impulsion de l’OMC qui vise au démantèlement des barrières et réglementations douanières, à commencer par les trois blocs économiques majeurs (ALENA/NAFTA ; Espace Economique Européen/EEE ; pays de l’ASEAN et prochainement du SAFTA), sans oublier les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). L’ouverture de marchés émergents, aux taux de croissances élevés peut représenter de fortes opportunités pour les entreprises européennes (selon leur positionnement sur une matrice SWOT), mais à condition d’avoir une logistique en support permettant d’amener ses produits à l’autre bout du monde à temps et de façon complète (on time in full). Ces nouvelles stratégies nécessitent, en effet, une logistique d’un niveau plus complexe en matière de techniques douanières, de transport, de crossdocking, de massification des flux, de coordi-nation entre les différents partenaires de la chaîne logistique (fournisseurs, producteurs, distributeurs, transporteurs, commission-naires, transitaires,), de maîtrise de flux d’informations, etc… que lorsqu’on produit, achète ou vend dans son propre pays ou sur son propre continent.

Page 105: CRISC 21 Logistique

105

178

Pool vides

hors terminal

La position des “Centres Logistiques ” dans la cha îne logistique

Centre de

distribution

CFS

CFS

Magasins

hors centre log

CFS

hors port

CFS

Hors port

CFS

hors terminal

I

C

D

CFS

Pool

vides

Terre -pleinsPool vides

Zone A

Zone B

Zone C

Zone D

Zone E

Zone F

Terminal à Conteneurs

I

C

DCentre de

distribution

Activit és potentielles d’un centre logistique

Limites du domaine portuaire

Hangar d’empotage

et de dépotage

CFS

MT pool

Pool ou réservoir des vides

Terminal

fluvial

Services fluviaux réguliers vers les ICDs

Services trains blocs réguliers vers les ICD

Centre

logistique

Livraison sur camions

CFS

hors terminal

Pool vides

hors terminal

Centre de

distribution

CFS

hors centre log

Magasins

Complexification de la cha îne des flux logistiques

Multiplication des acteurs et prestataires logistiques

Tableau n°34. Complexification des schémas logistiques

internationaux 2.2 Les 5 strates opérationnelles de la logistique (extrême aval, aval, interne, amont et extrême amont) et l’approche holistique du supply chain management. Pour faire face à cette complexification des logistiques des différentes entités de la chaîne logistique, qui s’opposent tout au long de la progression des flux physiques (logistiques antagonistes des fournisseurs, des producteurs, des distributeurs obéissant à des logiques contraires), (relations en « noeud papillon »

ou « bow tie relation »)

Appros Ordo Méthodes Qualité BE …

achats

Appros Ordo

Méthodes Qualité

BE …

cial

Page 106: CRISC 21 Logistique

106

le supply chain manager cherche à démanteler les barrières entre participants, en donnant de la visibilité, en apportant plus de certitude dans les programmations d’achats, de fabrication, de distribution par des techniques de remontées d’information via les EDI, l’interfacage des ERP, la RFID, les codes barres…(relations en « diamand »

ou « diamond relationship»). Aux cultures traditionnelles et stériles d’affrontement entre fournisseurs et acheteurs, se substituent des approches de partage d’informations pour réduire le rôle des prévisions toujours fausses ou chanceuses !...de mise en commun des campagnes de marketing : ces techniques collaboratives ont pour nom : - VMI (Vendor Managed Inventory) ou pilotage des niveaux de stocks effectué directement par les fournisseurs à partir des consommations réelles des produits sur les lieux de vente (via EDI) - CMI (Co-managed Inventory) ou application GPA (Gestion Partagée des Achats ou co-gérance des flux d’information), semblable à la technique VMI, mais les propositions de commandes effectuées par les fournisseurs, nécessitent une validation par le distributeur. - CPFR (Collaborative Planning Forecasting Replenishment), concept développé aux USA en 1998, à l’initiative du VICS (Voluntary Interindustry Commerce Standards) et développé aux USA en collaboration avec une quarantaine

>Cial >Appros >Ordo >Méthodes >Qualité >BE >…

Achats< Appros< Ordo<

Méthodes< Qualité<

BE< …<

Page 107: CRISC 21 Logistique

107

d’entreprises comme ADIDAS, GAP, GILETTE , HP, HOME DEPOT, Kmart, KIMBERLY CLARK, KRAFT FOOD, LEVI STRAUSS, NABISCO, PHILIPS, P&G, SARA LEE, TARGET STORES, WAL-MART,…en Europe avec NESTLE, SAINSBURY, TESCO, EROSKI, HENKEL…. L’objectif du CPFR est de combiner dans le même processus de gestion collaborative les problématiques de l’offre (amont) et de la demande (aval),par le partage et la transparence des informations échangées (EDI le plus souvent), afin de mieux satisfaire les attentes des consommateurs, réduire les dysfonctionnements et dynamiser le commerce. Le processus CPFR fonctionne en automatique à l’aide d’un système de gestion des dérives par exception et d’un logiciel baptisé « Syncra Ct » qui extrait et compare les données issues des différentes applications. Les quatre composantes du CPFR sont : - l’accord de coopération - le plan commercial commun - les prévisions concertées - l’approvisionnement

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108

Tableau n° 35. Principe du CPFR et gestion collaborative en amont

avec les fournisseurs et en aval avec la demande du client partant du théorème de Von Bertalanffy que « les systèmes sont des totalités dont les éléments, en interaction dynamique, consti-tuent des ensembles ne pouvant être réduits à la somme de leur partie » ou plus simplement que le « tout peut être plus grand que la somme des ses parties ».

Individualisme concertation partenariat (« noeud papillon ») (« diamand »)

Client fournisseur Client-fournisseur Client fournisseur

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109

Toutes ces techniques entre dans le concept d’ECR (Efficient Consumer Response), de démarche collaborative, d’entreprise étendue, de partage d’informations, de tableaux de bord communs, de coopération et d’adoption de stratégies « gagnant/gagnant », avec, à la clé, des diminutions de niveaux de stocks, des ruptures en linéaires, le passage de flux poussés en flux tirés, l’adaptation des moyens et ressources aux besoins réels des clients.

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LogisticsLogistics & & SupplySupply chainchain networknetwork

R & D Bureau études

Achats Fournisseurs

Production

Usines

SCM

Marketing Distribution B2B

Logistique extrême aval

E-logistics

Client B2CLiens fonctionnelsLiens fonctionnels

Liens opLiens op éérationnelsrationnelsLiens informationnels

BoardBoard

Logistique extrême Logistique extrême

amontamont

Analyse de la Analyse de la

valeurvaleur

Logistique amontLogistique amont

SRMSRM

Logistique interneLogistique interne

ISCMISCM

Logistique avalLogistique aval

DRPDRP

EEDDII

EEDDII

PP

uu

ll

ll

PP

uu

ll

ll

Approche

holistique

du supply

chain

management

Tableau n° 36: les 5 « parties » opérationnelles de la logistique et l’approche holistique du Supply Chain Management

Par ce tableau, nous voulons illustrer que le management holistique, systémique de la supply chain doit se focaliser désormais sur la coordination des relations entre partenaires amont et aval afin de délivrer une valeur ajoutée supérieure pour le client, à des coûts moindres tout au long de la chaîne et au profit de tous. De ce fait, le terme de « demand chain » devient plus approprié que celui de « supply chain » et celui de « réseau » devrait être substitué à celui de « chaîne ».

Page 110: CRISC 21 Logistique

110

A une culture d’affrontement, de « gagnant/perdant » se substitue

une recherche du WA, terme japonais difficilement traduisible par recherche de l’harmonie qui est introduite par des

méthodes de « management par la percée » ou Hoshin en japonais. A ce niveau, le champ d’action du Logisticien est le terrain réel ou gembutsu 現物 2.2.1 Logistique extrême aval . (e-commerce et e-logistics). Le Supply Chain Manager doit apporter des outils pour satisfaire le client final (B2C, end user) qui a passé commande en VPC ou VAD, et souhaite être livré, dans les délais promis dans le catalogue ou sur le site, d’une marchandise qu’il a le plus souvent payé d’avance !. Se posent là, toutes les problématiques de la livraison du « dernier kilomètre » (last mile), avec un client bien souvent absent, même avec prise de RV, et qui souhaite être livré à des heures indues (tôt le matin ou tard le soir). Les critiques formulées par les internautes et reprises dans l’histogramme suivant, résument bien ses craintes quant à ses angoisses de non-livraison ou de livraison en retard par rapport aux délais promis sur le site !.

0%

10%

20%

30%

40%Aucune information

sur le jour de livraison

Etre obligé d'attendre

chez soi pour être

livré

Ne pas être informé

des éventuels retards

de livraison

Pas de livraison le

lendemain

Ne pas être traité en

priorité en cas de

problème

Tableau n°37 Craintes « logistiques » des internautes.

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111

Selon une enquête de l’INSEP,le maillon faible du e-commerce apparaît bien être la logistique. Un tiers des répondants ont indiqué avoir connu un retard de livraison. On ajoutera ici d'autres points qui relèvent de la logistique comme les ruptures de stock.

Tableau n°38 Défaillances logistiques subies réellement par les internautes.

Cette logistique est en pleine construction et les solutions mises en place s’avèrent bien plus fiables et opérantes que celles de la première bulle internet, mal maîtrisées par les « jeunes pousses ». Les opérateurs ont développé des outils désormais plus adaptés à cette logistique spéciale : - Les intégrateurs comme UPS, DHL, FEDEX, TNT, CHRONOPOST etc. …spécialistes des livraisons à l’international, réalisent, grâce à leur vaste couverture mondiale et à leurs moyens colossaux en matériels (avions, camions, entrepôts, hubs, systèmes d’informations), des performances concernant les délais et la régularité (mais à des prix très élevés). UPS propose ainsi plusieurs gammes de services adaptés à la e-logistique. - UPS Express Plus pour les envois avant 09H le lendemain à destination des principaux centres d’affaires du pays et européens (logistique du B to B).

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- UPS Express Server pour les envois importants le lendemain mais pas tôt le matin. - UPS Expedited pour les envois moins urgents à délai planifié vers les grands pôles économiques hors Europe etc. … TNT offre Les services sont les suivants : - Sameday : Livraison en France ou en Europe le même jour. - Express International : pour les livraisons à l’international - Express National : Pour les livraisons en France. Des points relais sont en train de voir le jour pour le commerce électronique comme autrefois les ventes par correspondances. Chez TNT Les livraisons peuvent intervenir avant 6h (j6), avant 8h (j8), avant 13h (j13), le Dépôt restant et le Relais colis etc. … Le service Dépôt restant est proposé au destinataire voulant récupérer son colis dans un des centres TNT. Le service Relais colis propose le retrait des colis dans l’un des 3400 dépôts mis à la disposition du destinataire et proche de son domicile. Ainsi il peut se renseigner sur le site Internet de TNT sur le relais colis le plus proche de son domicile pour récupérer son colis. Les services proposés par TNT lui permettent de proposer des solutions e-logistique adéquates aussi bien en B to B qu’en B to C. Les cybersites comme Ooshop, (Carrefour) a déjà mis en place ce service de point relais en ouvrant plusieurs points de livraisons dont celui du quartier de Bercy. En résumé, les difficultés logistiques du e-commerce sont : - la difficulté de joindre les clients particuliers - les nombreux échecs au premier passage - les difficultés pour livrer en ville et la multiplication des véhicules avec une croissance exponentielle des ventes par internet. - des coûts de livraison encore élevés : le dernier kilomètre représente 40 à 65% du coût global de la livraison. Livrer à domicile est une activité qui revient très cher et qui représente en moyenne 25% du panier car les investissements sont lourds et le volume des ventes encore faible.

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113

- La traçabilité n’est pas encore performante et ne couvre pas tous les aspects des normes ISO (ISO 8402), c'est-à-dire, l’aptitude à retrouver l’historique, l’utilisation ou la localisation d’une entité au moyen d’identifications enregistrées. La traçabilité englobe deux prestations : Le tracking (faculté d’un système à localiser en temps réel un envoi au sein de la chaîne logistique) et le tracing (archivage du tracking dans un historique). 86% des internautes choisissent leurs cybermarchands en fonction du suivi en ligne des commandes. Ce pourcentage relève l’importance pour le logisticien d’investir dans un outil d’information performant permettant le suivi en temps réel des commandes, service aujourd’hui primordial pour son client et le cyberacheteur. 2.2.2 Logistique aval ou logistique de distribution. (DRP) A ce niveau de la chaîne logistique, les défis posés au Supply Chain Manager sont d’assurer le réassort continu (continuous replenishment) des canaux de distribution comme les linéaires des grandes surfaces, par exemple, car la visibilité y est maximale : les clients tolèrent, effectivement, difficilement les ruptures de stocks. Pour éviter les goulots d’étranglement sur les quais des grandes surfaces, les fournisseurs ne sont plus autorisés à livrer quelques palettes de groupage (LTL ou Less Than Truck Load) directement (direct dropping). Divers schéma de livraison ont été développés, faisant appel à des plates-formes avancées d’allotissement (crossdocking) où les fournisseurs livrent leurs palettes de groupage qui sont traitées par les gestionnaires de ces sites qui y font du picking, du copacking, etc… et relivrent les magasins et grandes surfaces (MGS) par camion complet, comme figuré sur le tableau ci-après.

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114

Tableau n°39 Schéma du crossdocking (allotissement)

Seuls sont autorisés à livrer les MGS directement (direct dropping), par camion complet (Truck Load ou TL) les fournisseurs dont les produits vont être immédiatement consommés dans la journée. Tous ces schéma reposent, bien entendu, sur des liaisons informatiques EDI qui remontent l’information en sortie de caisse tout au long de la chaîne.

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115

2 .2.3 Logistique interne de gestion de production (Internal SCM) A ce niveau, on préfère des logisticiens avec une formation d’ingénieur car il faut convaincre les ingénieurs responsables de sites de production, d’apporter de la flexibilité dans leur outil de production pour le rendre aussi réactif que le marché, en adoptant une philosophie de « lean management », en allant en permanence sur le terrain (genchi genbutsu)

Tableau n°40.outils du « lean management »

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116

Ce sont les ingénieurs de TOYOTA qui ont 40 ans d’efforts

d’amélioration continue, (KAIZEN) 246

KAIZEN

et de chasse aux « gaspi » (MUDA), associés au MURI (surcharge de travail des hommes et des machines conduisant à des défauts) , et au MURA (variations dans la production imputables aux changements d’ordres des clients ou à des problèmes internes). Le KAIZEN signifie l’amélioration au quotidien, sans gros moyens, impliquant tous les acteurs de l’entreprise, jour après jour mais constamment, par une démarche douce, graduelle s’opposant aux méthodes occidentales plus violentes de BPR (Business Process Reengineering), de Budget Base Zéro, de management par la percée (HOSHIN) etc… La philosophie, l’état d’esprit KAIZEN, s’appuie sur des outils concrets comme les histogrammes, les diagrammes cause/effet, les tables de vérification, les diagrammes Pareto, les graphes, les chartes de contrôle, les diagrammes de dispersion. Exemples de réalisations KAIZEN : - réimplantation en U des machines d’un atelier permettant de passer de 5 machines / 3 opérateurs à un système 5 machines / 2 opérateurs. - utilisation de la gravité (énergie gratuite) pour évacuer des pièces ou déchets et économiser des gestes.

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117

Tableau n°41.Roue du Kaizen et 7 Muda (gaspillages)

ont, bien souvent, développé des outils de flexibilité comme : - le SMED (Single Minute for Exchanging the Die), méthode de changement d’outils en moins de 10 minutes.

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Competing on flexibility : the SMED tool

SMED

La technique SMED (Single Minute Exchange of Die) : cette technique

consiste en une palette d ’astuces permettant de conjuguer la productivit é de la

machine, c ’est-à-dire son taux de fonctionnement, et la variabilit é d’utilisation. Il

s’agit, par exemple, de mettre en place des modes de fixation plus rapide, de

standardiser les interfaces entre l ’outil à changer et la machine, d ’instaurer des

réglages automatiques, de pr éparer à l’avance tout ce qui peut l ’être de fa çon à

réduire parfois de fa çon très spectaculaire le temps d ’arrêt de la machine pour

opérer les changements d ’outils ; le même principe est appliqu é pour le

ravitaillement ou le changement de pneumatiques en comp étition de Formule1.

L’objectif est bien d ’accroître la variabilit é d’utilisation de l ’équipement en jouant sur

une commutabilit é plus grande entre la partie fixe de la machine et sa partie «

modulaire » appelée à être chang ée, en vue de la flexibilit é. C’est donc un moyen

privilégié d’introduire de la flexibilit é dans un processus à haute productivit é.

Maîtrise de la production et m éthode Kanban, le cas Toyota. Paris, Éditions d’Organisation, 1983.

De Shigeo SHINGO

- l’OTED (One Touch for Exchanging the Die), permettant de changer d’outil en moins de 100 secondes!!! - les KANBANS (move, production, vendor kanbans ou enseigne, fiche, carte en français) qui autorisent le lancement d’opérations quand il le faut et permettent une livraison Juste à Temps (JAT) sur la majeure partie des composants. Cet outil est plus adapté aux petites pièces à faible diversité. Ce simple morceau de papier plastifié et réutilisé, est à la base de la productivité de TOYOTA ! Le système de production est contrôlé par des boucles d’information locales plutôt que par des boucles d’informations centralisées du type MRP2.

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377

Carte Kanban

Tableau n°42. modèles d’étiquettes KANBAN.

- le JIDOKA ou autonomation (contraction des termes d’autonomie et d’automation ou selon M TOYODA : « automation with a human touch ») : cet outil fondamental n’a pas donné lieu à beaucoup d’attention et à ouvrages en anglais ou en français car il est difficile à expliquer: il constitue pourtant le deuxième pilier de la maison TPS (Toyota Productive System) dessinée par FUJIO CHO, à côté du JAT.

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Planche n°43. La maison TPS selon M FUJIO CHO Le Jidoka repose sur le principe suivant énoncé par Sachiki TOYODA lui même : « construire la qualité dans le produit en détectant les anomalies dans le processus », autrement dit, il s’agit de ne jamais produire de mauvaises pièces et de ce fait, il vaut mieux arrêter la production que de produire des pièces insatisfaisantes. M TOYODA, alors fabricant de métiers à tisser, l’a développé sur un métier à tisser autonome et automatique, capables de s’arrêter tout seul s’il détectait des défauts de production. Par ce système, le choix de l’ordre des améliorations qualité est conduit par les problèmes occurrents, sur le terrain, et non déterminé par les spécialistes qualiticiens. De même que les Kanbans permettent de travailler sur des boucles locales d’informations, de même le Jidoka permet de mettre des boucles courtes d’identification de non-conformité et de réaction

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121

immédiate, ce qui oblige le management à travailler tant sur le court terme, dans l’atelier (Shopfloor) que dans des analyses de causes fondamentales (AMDEC, arbre d’ ISHIKAWA) pour éviter la récurrence des problèmes. - le TAKT TIME, composante du JIDOKA : “séparation des hommes et des machines”. Les machines ne sont plus réglées sur leur temps de cycle (ce qui produit des muda sous la forme de stocks intermédiaires et de surproduction) mais sur les rythmes humains, chaque opérateur, polyvalent, étant en charge de plusieurs machines.

- L’ANDON : système d’information sur les non-conformités, d’alarme qui permet aux collaborateurs de demander de l’assistance en signalant, sur un tableau lumineux, qu’ils ont un problème lors du montage.

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380

ANDON

Tableau n°44 : visualisation d’un andon Comme l’indique séquentiellement la boucle ci-dessous, un superviseur, dit « team leader », intervient alors et essaye de remédier rapidement au problème par des contre-mesures (à l’aide d’une analyse poussée du type « 5 pourquoi »), avant d’arrêter la chaîne. La pression est mise sur le management plus que sur les opérateurs. Chez TOYOTA, « un contremaître qui arrête la chaîne deux ou trois fois à cause du même problème, n’est pas digne de sa fonction ». Les superviseurs et services supports doivent accourir sur le terrain pour voir le problème de visu (genchi gembutsu 現物 dans le langage toyotiste)

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123

Tableau n°45. Boucle Jidoka et Andon Selon M OHNO : « une ligne de production qui ne s’arrête jamais est, soit une ligne merveilleusement parfaite, soit une ligne à problèmes. Dans ce dernier cas, le fait que la ligne ne s’arrête jamais signifie que les problèmes ne remontent jamais à la surface. C’est très mauvais. Il est essentiel d’agencer une ligne pour qu’elle puisse être arrêtée à tout moment si nécessaire. Cela permet de prévenir la génération de produits défectueux, de mobiliser le personnel le plus compétent pour faire progresser les choses et, finalement, tendre vers la ligne parfaite qui ne nécessite jamais d’arrêt ».

Page 124: CRISC 21 Logistique

124

Photo n°46 : panneau Jidoka avec son andon vert - Le POKA YOKE (du japonais poka= erreur et yokeri = éviter ou en français anti-erreur, garde-fou, détrompeur) : cet outil qui fait partie de la boîte à outil du lean management , a été développé par M Shigeo SHINGO : il libère les collaborateurs des tâches et actions répétitives et monotones qui les accaparent trop souvent. Ce sont des bricolages astucieux (signaux, gabarits, checklist…) qui permettent de déceler, signaler, empêcher, prévenir, éviter les erreurs ou contrôler les opérations répétitives lassantes (ex : bec du tuyau distributeur de diesel incompatible avec gabarit d’un réservoir d’essence. Attention pas de Poka Yoke en sens inverse c.à.d que l’on peut remplir d’essence un réservoir diesel !!!). - Le HEIJUNKA, méthode permettant le lissage des productions (evenness of work flow) - les 5 S qui apportent de la stabilité dans les processus (shitsuke) en éliminant radicalement tout ce qui est inutile (seiri), en

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attribuant une place à chaque chose (seiso), en rangeant constamment (seiton)

5S

Seiri (!", Débarras)

Seiton (!# Rangement)

Seiso ($%, Nettoyage)

Seiketsu ($&, Ordre)

Shitsuke (', Rigueur)

…permettant de faire des séries courtes qui peuvent être arrêtées à tout moment en fonction des évolutions brutales du marché. - TPM (Total Productive Maintenance) qui rend responsable chaque collaborateur de la maintenance de son outil de production 2.2.4 Logistique amont. (Supplier Relationship Management ou SRM) Le pendant du DRP (logistique aval) est le SRM (logistique amont) : le supply chain manager doit fiabiliser les relations entre fournisseurs et producteurs pour éviter tout arrêt de chaîne de fabrication. Nous retrouvons, techniquement, les outils de plates-formes avancées où doivent livrer les fournisseurs de premier rang (Tier 1 supplier).

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Chaine des flux amont/aval

Clients

Manufacturier

Fournisseurs

SRM

Centre de distribution

DRP

Tableau n°47. schéma plate-forme avancée des fournisseurs.

Mais également, des techniques très avancées de partage d’informations, de responsabilisation des fournisseurs se sont développées à l’instigation de WALMART et PROCTER et GAMBLE comme la Gestion Partagée des Achats (GPA) ou VMI (Vendor Managed Inventory) : ce sont les fournisseurs qui sont responsables du réapprovisionnement des usines ou des magasins. 2.2.5 Logistique d’extrême amont « To think logistics in » : la logistique doit être associée en extrême amont, à la conception du produit, en analyse de la valeur. Un produit mal conçu, à quelques centimètres près par exemple, peut ne pas rentrer dans un conteneur 20 pieds de long (6m06) et de 8 pieds de large (2m44) et devra supporter des surcouts de transport tout au long de sa vie. Pour développer ce produit de façon idoine, du premier coût, et le mettre rapidement sur le marché il convient de faire participer le Logisticien dans des séances d’ingénierie concourante,

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simultanée, où les « briques » entre les différentes fonctions sont détruites selon schéma ci-dessous

399

Copyright 2006 IPM ANETYS

Figure 3.4 Breaking Down Barriers to Effective

Design

+ logisticien

Schéma n° 48. ingénierie séquentielle vs ingénierie simultanée ce qui conduit à des réductions de temps pour mettre de nouveaux produits (ou services) sur le marché car les différentes équipent travaillent désormais simultanément, raccourcissant d’autant le « time to market », ce qui confère un avantage comparatif déterminant par rapport aux concurrents.

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Tableau n°49. Illustration du gain de temps entre les deux méthodes

d’ingénierie séquentielle et simultanée Et pour boucler la boucle, le logisticien sera associé à la fin de vie du produit, lors de son retrait (reverse logistics, rétrologistique), pour le recycler et le retraiter : ce sont de nouvelles pistes de développement de la logistique, dans un contexte de plus en plus environnemental et économique. GEODIS, formé à l’école IBM par sa filiale CALBERSON/LOGIC LINE, a développé une expertise de rétro-logistique depuis longtemps en se rapprochant du Groupe SUEZ/SITA, pour reprendre les produits d’IBM en fin de vie.

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Conclusion Le champ d’action de la Logistique s’est donc étendu, ces trente dernières années, bien au delà des flux classiques de sourcing, de production et de distribution propres à chaque maillon (focused enterprise) (fournisseur, producteur, distributeur). Désormais le Logisticien doit céder sa place au Supply Chain Manager dont la mission est de démanteler les barrières entre ces différentes féodalités (externes comme internes du reste) pour relever ensemble les défis posés par les exigences croissantes des clients en performances logistiques (délais, coûts, qualité, réactivité, flexibilité, efficience), exacerbées par la mondialisation, internet et autres NTIC, les sensibilités environnementales, le pouvoir d’achat…. Dans l’approche supply chain, il convient d’apprendre à partager les informations sensibles avec ses partenaires amont et aval (rythmes de ventes, niveaux de stocks, projets marketing, marges), développer des relations de partenariat à long terme, pour s’appuyer davantage sur la demande réelle que sur des prévisions qui sont soit « fausses » soit « chanceuses » et conduisent à l’accumulation des stocks avec un effet coup de fouet (« bullwhip »). Ces notions d’entreprise étendue permettent de mettre ensemble des produits sur le marché plus rapidement que les concurrents et par conséquent de faire plus de profits en tant que pionniers, en raccourcissant les délais de développement.

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Tableau n°50. modélisation de la gestion des flux par le SCM (source icognitive)

La culture de la Qualité, la philosophie « lean » doit être partagée par tous les maillons de la chaîne : tout gaspillage, tout défaut est nécessairement répercuté sur l’ensemble de la chaîne des coûts et pénalise le client final. JISHUKEN représente, chez TOYOTA, le degré absolu d’osmose avec les fournisseurs de premier rang permettant un apprentissage en commun des meilleures pratiques et procédures et transformant les connaissances acquises en processus standardisés. Face à cette description des principaux outils de l’excellence logistique développés dans le secteur automotive par TOYOTA, mais applicable et transférable, en fait, dans tous les secteurs, manufacturiers ou de service, les Directions d’entreprises doivent s’auto-évaluer logistiquement, selon des modèles disponibles comme EVALOG, SCOR selon les étapes suivantes

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Tableau 51. Les étapes de l’autoévaluation selon le modèle SCOR

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Tableau 52. Les étapes de l’autoévaluation selon le modèle SCOR

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et essayer de se positionner, en toute objectivité, sur les différentes échelles d’appréciation, pour savoir où elles se situent exactement par rapport aux meilleures du secteur (benchmark concurrentiel) ou hors secteur (benchmark générique) et essayer de s’en rapprocher le plus rapidement possible en utilisant le CMMi (Capability Maturity Model Integration ou Modèle Intégré du Niveau de Maturité), permettant de gérer et de terminer correctement un projet, en temps et en heure, selon un budget et des spécifications précises.

Modèle CMMI

Tableau n°53. les cinq étapes du CMMi

Très peu d’entreprises se situent au niveau 5. Les marges de progression sont donc importantes et seules les entreprises qui feront de la logistique globale un axe prioritaire pourront maintenir une position concurrentielle quelque soit le marché et le secteur dans lequel elles agiront.

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Le « blues » du directeur logistique évoqué dans un article du Supply Chain Magazine (Décembre 2005) commence à s’estomper car de plus en plus de dirigeants mettent la science logistique comme axe de développement prioritaire et recrutent aisément des cadres de haut niveau sortant de MBA spécialisés en SCM comme le module LADFI de l’ISC !!!!... Bibliographie Cecil C.Bozart & Robert B. Handfield, (2005) ‘Introduction to operations & SCM, Prentice Hall Dell, M. (with Fredman,C) (1999) Direct from Dell: Strategies that revolutionized an industry, HarperBusiness. Deming, W.E. (1986) Out of the crisis, MIT Press. HamelL,G and Prahalad, C.K. (1993) ‘Strategy as stretch and leverage’,Harvard Business Review, Vol.71, Nos 2 and 3. Hayes,R.H and Wheelwright, S.C (1984) Restoring Our Competitive Edge, John Wiley : NY, and Chase, R. and Hayes, R.H (1991) Hill,T. (1993) Manufacturing strategy (2nd edn), Macmillan. J.Pons, La Logistique intégrée, Hermès 1995 J.Pons, Transports & logistique, Hermes 2006 Nigel Slack, Stuart Chambers, Robert Johnston, Operations Management, Prentice Hall, Fith edition, 2007 Schonberger, R.J. (1982): Nine Hidden Japanese Manufacturing Techniques Lessons in Simplicity, The Free Press. Schonberger, R.J. (1986): World Class Manufacturing Technique. The Lessons of Simplicity Applied, The Free Press. Schonberger, R.J. (1996): World Class Manufacturing. The next Decade, The Free Press. Sunil Chopra & Peter Meindl Presse spécialisée Supply Chain Magazine n°1 décembre 2005 : le blues du directeur logistique Stratégie Logistique Journal of Business Logistics L’Usine Nouvelle Supplie Chain Magazine

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Jérôme VERNY Professeur - Rouen Business School Sébastien PELISSARD Professeur - Reims Management School Senior Consultant - OPAL Conseil

L’évaluation de l’empreinte carbone dans le secteur du transport et de la logistique : un

instrument de mesure en faveur d’une mobilité soutenable ?

1. Introduction Le concept de développement durable s’applique de nos jours à l’ensemble des secteurs d’activité. Mais sa définition ne cesse d’être révisée, élargie et précisée (Zaccaï, 1999). Le développement durable a été vulgarisé vers la fin des années 1980 suite à la parution d’un rapport de Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, plus connu sous le nom de rapport Brundtland (Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, 1987). Aujourd’hui, tout un chacun a connaissance du triptyque sur lequel repose ses principes fondamentaux, à savoir la croissance économique, le progrès social et le respect de l’environnement. La prise de conscience ne doit pas en rester là, mais le passage des mots aux faits reste encore une étape difficile à franchir dans la majorité des secteurs d’activité économique.

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Prenons le cas du transport et de la logistique, secteur d’activité en pleine croissance depuis plusieurs décennies. Son dynamisme est à la fois cause et conséquence du développement des autres activités économiques auxquelles il offre ses services. Cependant, le développement des activités transport/logistique s’accompagne de nuisances. Il est donc important de faire prendre conscience aux acteurs de ce secteur de l’intérêt du concept de développement durable pour une performance soutenable de leurs activités et de l’économie en général. En effet, les pressions subies par l’homme et l’environnement étaient jusqu’alors acceptées, tolérées. Mais l’émergence du concept de développement durable et la recherche perpétuelle du bien-être amènent à moraliser et à tenter de maîtriser la croissance « effrénée » des flux notamment de marchandises. Dans les décennies à venir, l’activité transport/logistique restera très probablement l’un des principaux vecteurs de la croissance économique mondiale, ce qui ne laisse en rien présager une diminution des échanges donc une atténuation des externalités négatives émises. Dès lors, il paraît important de développer des outils, tels que la mesure de l’empreinte carbone, qui permettront de s’orienter vers une mobilité dite soutenable.

Annonce de plan : Afin d’éclaircir la problématique posée et d’apporter des éléments de réponse, il s’avère important de rappeler le contexte économique actuel et de situer la place de l’activité transport dans nos sociétés. Dans un second temps, nous mesurerons et analyserons les nuisances émises par ce secteur d’activité. Puis nous exposerons dans quelle mesure l’impact de la mondialisation sur le système de transport, notamment routier, et la montée en force d’une prise en compte des nuisances émises par ce mode, se conjuguent pour orienter l’action vers la recherche de solutions offrant des compromis viables entre des exigences fortement contradictoires en ce domaine. 1. Mondialisation de l’économie et internationalisation des échanges 2. Logistique et environnement 3. Solutions

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2. Internationalisation des échanges de fret Dans la période contemporaine, la tendance à l’internationalisation de la production et des échanges s’accélère selon un processus que l’on identifie sous l’appellation de mondialisation. Les organisations productives sont profondément restructurées. Leur dimension spatiale, entre autres, évolue : elles s’internationalisent dans des proportions sans commune mesure avec celles que les époques antérieures avaient connues. Les aires d’approvisionnement se sont progressivement élargies et dans le même temps les marchés de consommation se sont ouverts. On parle de mondialisation de l’économie pour exprimer ce changement d’échelle de la production et des échanges. Une profonde évolution du contenu et de la structure des échanges de biens au sein du marché unique européen comme avec les autres régions mondiales s’est donc mise en place à partir des années 1970. Les processus industriels se complexifient du fait de l’évolution de la consommation de biens et de la diversification des produits consommés, notamment en raison de l’incorporation accélérée d’innovation dans les produits (Verny, 2005). Ces nouvelles formes d’organisation industrielle se traduisent entre autres modalités par le passage d’une économie de stocks à une économie de flux. La première est caractérisée par une production de masse, relativement peu diversifiée, à taux de renouvellement lent. Pour l’économie de flux, les produits deviennent personnalisés, leur cycle de vie est raccourci, ce qui conduit à un renouvellement fréquent des gammes. Par ailleurs, cette évolution favorise la spécialisation relative des sites ou grandes régions de production dans le but d’adapter l’offre à la demande au meilleur coût. Ceci passe par une hausse significative de productivité, une diminution des stocks, une rapidité et une régularité des acheminements, un respect des délais de livraison, une réactivité, le tout au prix de transport le plus bas. Ces exigences conduisent à un fractionnement des lots donc à la réduction du tonnage moyen transporté par envoi, ce qui ne modifie en rien les volumes totaux acheminés. La réduction du nombre des sites de production va de pair avec une nouvelle division spatiale du travail au sein des filières. Effectivement, les établissements qui avaient un caractère polyvalent encore au début des années 1980

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ont fait évoluer leurs organisations productives pour tendre actuellement vers une spécialisation dans une gamme de produits, voire dans un produit phare. L’aire de marché d’une usine de production à caractère polyvalent est limitée dans l’espace car les mêmes produits peuvent être fabriqués par une même unité dans un autre site proche du premier, les aires de chalandise de chaque usine ne se chevauchant que très rarement. De ce fait, les circuits logistiques ne présentent aucun flux entre les deux aires de marché. Il n’en est pas de même lorsque se manifeste un processus de spécialisation des sites de fabrication dans une gamme de produits. La zone de chalandise des sites de production tend à s’élargir grâce à la mise en place d’une infrastructure logistique commune à l’ensemble des usines du groupe industriel et au recours à de nouvelles méthodes d’organisation favorisant l’externalisation de la gestion des stocks. Ces méthodes reportent effectivement les stocks, ainsi que leur gestion, de l’usine vers des entrepôts souvent hors du site de production, ces entrepôts étant gérés le plus souvent par un prestataire de services logistiques (Joignaux & Kapros, 1996). L’externalisation logistique favorise une multiplication des échanges interindustriels donc une hausse de la consommation de distances physiques. Ce phénomène va dans le sens d’une refonte des processus de production (diminution et spécialisation du nombre de sites) désignée par l’éclatement spatial et la concentration géographique, ces deux mouvements étant facteurs d’allongement des distances moyennes parcourues. Les transformations de la structure de l’appareil productif ont contribué à faire évoluer les stratégies d’optimisation de l’implantation des sites industriels au regard des ressources mobilisables. Ces évolutions ont participé au mouvement de polarisation géographique des activités industrielles et de distribution aux dépens de leur dispersion spatiale. La polarisation géographique est représentative d’une intensification de la proximité physique entre entreprises. La tendance générale à la polarisation du territoire autour des zones métropolitaines continue de se renforcer tant pour les activités industrielles que de distribution (Veltz, 1996). Cette tendance repose sur l’essor d’une proximité organisationnelle qui optimise l’efficacité de la chaîne logistique globale, les systèmes logistiques cherchant à exploiter les économies de variété (Besson & al., 1988). Les forces d’agglomération ont de ce fait conduit à l’émergence d’une structure

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monocentre-périphérie très marquée. D’où un renforcement des disparités spatiales (Krugman & Venables, 1995) qui n’est pas sans conséquence sur la croissance des distances consommées. Les répercussions de l’évolution de l’appareil productif/distributif et des circuits logistiques afférents sur la demande de transport de marchandises sont importantes (Verny, 2006). Les échanges internationaux de fret, mesurés en valeur (milliards US $, source OMC), ont été multipliés par 193 de 1948 à 2006. Ce dynamisme de la demande de transport s’est accentué durant la dernière décennie (1993 à 2006) avec un coefficient multiplicateur s’élève à 3,21 (pour les échanges internationaux de marchandises, en valeur). L’explosion des échanges commerciaux engendre des flux importants entre les Etats-Unis d’Amérique, l’Union Européenne et les « 2 + 6 asiatiques » (que sont la Chine, le Japon et les 6 principaux pays émergents à savoir la Corée du Sud, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande). Ces trois grandes régions du monde concentrent 80% du commerce international (import et export, en valeur). Les pays aux économies dites « émergentes » sont ici intégrés dans la mesure où ils s’approprient progressivement un éventail croissant de technologies qui leur permet de s’imposer sur une multitude de marchés d’approvisionnement en biens intermédiaires ou de consommation de masse. Cette intensification des échanges accompagnée d’un élargissement des aires de chalandise a redessiné la carte des trafics à échelle mondiale. 3. La mobilité soutenable La multiplication des travaux sur le concept de développement durable depuis le début des années 1990 résulte d’une prise de conscience de la fragilité des économies dans les sociétés contemporaines. Cette fragilité résulte d’un processus de développement qui porte atteinte à court, moyen et long terme au progrès social, à la qualité de l’environnement et à l’équité territoriale. Depuis l’inscription de l’objectif de durabilité du développement dans le traité de Maastricht, la conception généralisée du développement durable a connu plusieurs déclinaisons sectorielles. Ce concept interroge la croissance, comme nous venons le constater, apparemment sans limite des

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transports de biens comme de personnes. Le transport est un secteur économique essentiel au développement de nos sociétés. Les politiques de développement cherchent à y appliquer cette vision « nouvelle » de la durabilité sous peine de mettre en péril la croissance de ce secteur et celle des activités économiques auxquelles il offre ses services : « Le secteur du transport doit prendre conscience de la volonté d’un développement soutenable, d’où son évolution progressive vers la mobilité durable » (extrait du livre blanc sur les transports de la Commission des Communautés Européennes en 1992). Cette expression « mobilité durable » a été définie en 1991 par la Conférence Européenne des Ministres des Transports afin d’évoquer la durabilité dans le transport : « Le transport durable doit contribuer à la prospérité économique, au bien-être social, et ce sans nuire à l’environnement et à la santé de l’homme ». Cette définition, lapidaire et générale, exprime néanmoins assez clairement l’idée d’un soutien du développement économique par le système de transport, et ce, sans porter atteinte à l’homme et son environnement. Le transport est l’un des piliers de la mondialisation par sa contribution au développement de l’économie, des territoires desservis et de l’internationalisation des échanges. Mais la consommation croissante de transport, plus particulièrement de transport routier, peut nuire à l’économie elle-même par les contre productivités et autres nuisances qu’elle est susceptible de générer. D’où le constat émis par le Comité Interministériel pour le Développement Durable en 2003 : « Il est désormais urgent de développer les transports de façon durable, efficace et rationnelle, ce qui suppose notamment de prendre en compte l’ensemble des nuisances qu’ils occasionnent ». La comparaison de la consommation d’énergie mesurée en tonne équivalent pétrole (tep) des grands secteurs d’activité sur les 30 dernières années est sans appel. La part relative de la consommation d’énergie du transport en France est passée de 20% en 1973 à quasiment 1/3 en 2005, cette évolution étant globalement similaire à celle constatée à l’échelle de l’Union européenne. Cette situation est réellement préoccupante puisque ce secteur d’activité a quasiment doublé sa consommation d’énergie depuis 1973 (+92%), ce qui laisse présager d’une absence de prise en considération de la part des acteurs de ce secteur du développement durable. Or, nous verrons que des efforts ont été faits – comme la diminution des émissions de GES par

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véhicule compensée par la hausse importante du trafic – mais qu’ils se sont avérés insuffisants.

1973 1980 1990 2000 2005 2005-1973

Sidérurgie 9,4% 8% 4,9% 3,9% 3,4% -56% Industrie 26,5% 25,3% 22,1% 20,9% 20,9% -5,1% Résidentiel et tertiaire 42,2% 40,4% 41,6% 42,2% 42,5% 20,9% Agriculture 2,2% 2,4% 2,2% 1,9% 1,8% -3,3% Transports 19,9% 23,9% 29,3% 31,1% 31,4% 91,6% Total (M tep) 133,5 134 142,5 159 160,5 20,2%

Source : Observatoire de l’Energie Figure 1. Evolution de la demande énergétique en France de 1973 à 2005 (M tep) Afin de percevoir les actions de maîtrise de la demande énergétique par secteur, l’illustration suivante utilise l’intensité énergétique (le rapport entre la consommation primaire d’énergie et le produit intérieur brut marchand en volume). Cet indicateur est le plus représentatif pour mesurer la capacité d’un secteur d’activité à utiliser rationnellement l’énergie. Si une courbe est proche de l’indice 100 (en 1973), alors cela serait le reflet d’un taux de croissance de l’économie du secteur concerné fortement corrélé avec celui de la consommation d’énergie. Sachant que le PIB connaît une croissance continue depuis 1973, nous rappelons que la capacité du secteur du transport à limiter sa consommation d’énergie est quasi-inexistante. D’autres secteurs comme la sidérurgie, l’agriculture ou l’industrie (sans la branche sidérurgique) présentent des taux de croissance négatifs, ce qui témoigne de l’application d’une politique raisonnée quant à la consommation énergétique.

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2000

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2006

1973 = base 100

industrie (hors sidérurgie) sidérurgie résidentiel-tertiaire

agriculture transport total

Source : Observatoire de l’Energie

Figure 2. Evolution de l’intensité énergétique par secteur d’activité en France de 1970 à 2006 L’observatoire de l’énergie précise que 80% de la consommation d’énergie du transport est à attribuer au seul transport routier de voyageurs comme de marchandises. L’ADEME (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) précise que 43% de l’énergie consommée par le transport routier est imputable au trafic fret. Dans un rapport sur la programmation de loi des finances pour le Sénat en 2002, R. Courteau évoque une situation difficile pour le secteur des transports. Les progrès réalisés de 1977 à 1985 dans ce secteur sont « menacés d’être totalement anéantis par l’augmentation régulière des tonnes-kilomètres constatée depuis 1989 » (Courteau, 2002). Effectivement, à partir de 1977 et durant la décennie qui suit, l’intensité énergétique du transport diminue. La France a alors connu une rupture « spontanée » des croissances de l’économie et de la demande de transport qui se traduit

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statistiquement par une diminution des tonnes transportées et des tonnes-kilomètres réalisées, d’où logiquement une atténuation de la demande énergétique. La tertiarisation de l’économie, l’affaiblissement du tissu industriel lourd, l’industrialisation sur l’eau et le développement du programme électronucléaire sont quelques déterminants ayant pu faire évoluer la demande de transport. Mais depuis la fin des années 1980, le trafic n’a cessé de croître pour des raisons multiples : la création du marché unique européen, la réorganisation spatiale des firmes et le développement des plates-formes logistiques, la spécialisation relative des sites ou grandes régions de production dans le but d’adapter l’offre à la demande au meilleur coût. Ceci passe par une hausse significative de la productivité, une diminution des stocks, une rapidité et une régularité des acheminements, un respect des délais de livraison, une réactivité, le tout au prix de transport le plus bas. Ces exigences conduisent à un fractionnement des lots donc à la réduction du tonnage moyen transporté par envoi, ce qui ne modifie en rien les volumes totaux acheminés (Verny, 2008). La réduction du nombre des sites de production va de pair avec une nouvelle division spatiale du travail au sein des filières. Effectivement, les établissements qui avaient un caractère polyvalent encore au début des années 1980 devraient faire évoluer leurs organisations productives pour tendre vers une spécialisation dans un type de produit. L’aire de marché d’une usine de production à caractère polyvalent est limitée dans l’espace car les mêmes produits sont fabriqués par une même unité dans un autre site proche du premier. De ce fait, les circuits logistiques ne présentent aucun flux entre les deux aires de marché. Il n’en est pas de même lorsque se manifeste un processus de spécialisation des sites de fabrication dans une gamme de produits. La zone de chalandise des sites de production tend à s’élargir grâce à la mise en place d’une infrastructure logistique commune à l’ensemble des usines du groupe industriel et au recours à de nouvelles méthodes d’organisation favorisant l’externalisation de la gestion des stocks. Ces méthodes reportent effectivement les stocks, ainsi que leur gestion, de l’usine vers des entrepôts souvent hors du site de production, ces entrepôts étant gérés le plus souvent par un prestataire de services logistiques. L’externalisation logistique favorise une multiplication des échanges interindustriels donc une hausse de la consommation de distances physiques. Ce phénomène va dans le sens d’une refonte des processus de production (diminution et spécialisation du nombre de

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sites) désignée par l’éclatement spatial et la concentration géographique, ces deux mouvements étant facteurs d’allongement des distances moyennes parcourues. Face à ce constat, la mobilité durable prend toute sa dimension dans les sociétés contemporaines, comme le mentionne J-M. Harribey dans son ouvrage « Le développement soutenable » (Harribey, 1998). L’internationalisation des échanges et la mondialisation de l’économie sont des phénomènes globaux non maîtrisables qui ont des répercussions différentes selon les territoires. Ainsi, les réflexions sur les transports durables varient selon que nous sommes en Europe, en Amérique du Nord ou même en Australie. En effet, les coûts externes des transports sont minimes dans les grandes étendues désertiques d’Amérique du Nord et d’Australie. En revanche, ils sont plus largement ressentis localement, notamment dans les grands pôles urbains. R. Gilbert et K. Nadeau expliquent que les Etats-Unis d’Amérique s’intéressent au concept de mobilité soutenable à l’instar de la Commission des Communautés Européennes, mais dans une moindre mesure (Gilbert & Nadeau , 2002). En Europe, la mobilité durable intéresse les plus hautes instances politiques, comme en témoigne la Commission des Communautés Européennes qui a révisé en 2006 son livre blanc intitulé « Pour une Europe en mouvement – Mobilité durable pour notre continent » et paru en 2001. Cet avenant insiste sur l’importance de la mobilité des biens et des personnes, et ce, en limitant « les incidences négatives en termes de consommation d’énergie et de qualité de l’environnement » (CCE, 2006). La mobilité soutenable reste donc le centre des préoccupations. Mais il faut maintenant proposer des pistes de réflexion et d’action pour que ce concept se concrétise sans remise en cause grave des effets positifs liés à la fonction d’échange dans une économie fortement mondialisée. Dit autrement, la poursuite de la mondialisation devra se faire dans un contexte plus propice à l’instauration d’une mobilité durable. 4. L’empreinte carbone Différentes solutions peuvent être envisagées afin de s’orienter vers une mobilité soutenable. Certains instruments, déjà utilisés dans quelques pays européens, répondent à un objectif environnemental fixé par les collectivités et les pouvoirs publics. Citons par exemple

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les péages urbains, les taxes sur les poids lourds, les CDU (centre de distribution urbain) et les ELU (espace logistique urbain). Ces dispositifs réglementaires montrent bien l’intérêt porté par les Etats en matière de réduction d’émissions de CO2. Dans le cadre des activités de transport et de logistique, il existe deux types d’émissions de CO2: les émissions directes et les indirectes. Les premières citées représentent les émissions liées à la combustion des énergies fossiles (gazole, essence, etc.). Ces dernières concernent par conséquent chaque mode de transport (route, fleuve, maritime, aérien et en partie le ferroviaire). Le transport ferroviaire émet des émissions directes dans le cadre de prestations effectuées en locomotive diesel. Les émissions indirectes sont liées notamment à la production d’électricité nécessaire à la traction du convoi ferroviaire. Ces émissions varient d’un pays à un autre. La politique énergétique des Etats va jouer un rôle déterminant dans les émissions de CO2 issues du transport ferroviaire. La production d’électricité peut être au nucléaire, à l’éolien, au photovoltaïque, à l’hydraulique et au thermique. Cette dernière est produite grâce en brûlant les combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole, le gaz naturel, d’où des émissions de CO2 importantes, à la différence des autres sources d’énergie précédemment évoquées. Un autre instrument s’est ajouté à cette liste suite à la parution de la loi NRE (Nouvelle Réglementation Economique) du 15/05/2001. L’article 116 de cette loi fixe l’obligation pour les sociétés françaises cotées sur un marché réglementé (CAC 40) de rendre compte dans le rapport annuel de leur gestion sociale et environnementale au travers de leurs activités. Ce Reporting Social et environnemental impose donc à ces grandes entreprises françaises de communiquer sur leurs émissions de CO2, notamment celles émises par les flux de transport et les activités logistiques connexes (approvisionnement en matières premières, transfert intra et inter sites de production, distribution vers les clients) à leur activité principale. Cette réglementation confirme l’intérêt porté par les pouvoirs publics sur le réchauffement climatique et sur la future mise en place d’une démarche de comptabilité carbone pour les sociétés françaises afin de respecter les engagements du protocole de Kyoto (Grenelle de l’environnement, acte II). La principale mesure du Grenelle de l’environnement, correspondant à l’engagement national pour l’environnement, porte sur la mise en place d’une comptabilité carbone issue des prestations transport et logistique. Ces acteurs de

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la chaîne logistique globale devront tenir une comptabilité carbone de leur activité en enregistrant les opérations suivantes : - achats directs de carburants (quantités en volumes ou poids), à convertir en quantités de CO2, - achats directs d’électricité (quantités en kWh), à convertir en quantités de CO2 (émissions indirectes de gaz à effet de serre), - quantités de CO2 mentionnées sur les factures reçues des sous-traitants de transport (émissions indirectes de gaz à effet de serre), - quantités de CO2 mentionnées sur les factures adressées aux clients. Le projet de loi II présenté au conseil des ministres le 7 janvier 2009 prévoit l’obligation pour les transporteurs d’afficher les quantités de C02 émises pour les transports de marchandises de plus de 100 km. Ce reporting se fera sur les factures transport, à compter du premier semestre 2010. Il s’agit là d’une nouvelle réglementation sur les flux de transport et les activités logistiques visant à renforcer la mesure de l’empreinte carbone dans ce secteur d’activité. Le transporteur aura le libre choix d’adapter ce principe de calcul selon sa propre perception. Pour les pouvoirs publics, l’application de cette mesure peut être facilitée en veillant à ne pas imposer aux entreprises l’utilisation de méthodes d’évaluation des émissions de gaz à effet de serre qui seraient plus élaborées ou compliquées. La recherche d’une vérité ou excellence scientifique dans l’évaluation des émissions risque d’entraîner de longs débats théoriques et de nécessiter de lancer des études complexes pour éclairer ces débats. C’est pourquoi l’ADEME et l’Etat ne prévoit aucune harmonisation des démarches dans un premier temps. L’adoption de cette mesure en France et son extension aux autres pays membres de l’UE27 seront facilitées par les décisions déjà prises au niveau européen sur les sujets des gaz à effet de serre. Nous constatons que l’empreinte carbone va devenir un instrument majeur dans la politique de développement durable des gouvernements européens.

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5. Méthodologie de mesure d’une empreinte carbone pour un transport par voie aérienne et par voie ferrée Aujourd’hui, les acteurs du transport et de la logistique cherchent à savoir comment ils pourront évaluer précisément leurs émissions de CO2. Nous proposons ici une méthodologie qui permet de mesurer l’empreinte carbone dans ce secteur d’activité. Notre recherche a permis de déterminer une méthodologie pour chaque mode de transport (route, fer, air, voies d’eau terrestre et maritime). La spécificité des modes de transport nous oblige à ne présenter ici les travaux menés que pour les transports aérien et ferroviaire. L’efficacité environnementale du transport est mesurée avec l’indicateur gCO2/t.km. 5.1. Transport aérien Analysons la situation d’un transport d’un colis de 1kg par voie aérienne entre Bordeaux et New York. Les indicateurs environnementaux communiqués dans le bilan carbone de l’ADEME sont segmentés par typologie de flux (www.ademe.fr/bilan-carbone/). - Vol court-courrier avec une distance inférieure à 1000 km, - Vol moyen-courrier avec une distance comprise entre 1000 et 4000 km, - Vol long-courrier avec une distance supérieure à 4000 km. Les indicateurs environnementaux varient en fonction de la typologie des flux. - La performance énergétique des vols courts courriers est de 1,028 kg de CO2/t.km - La performance énergétique des vols moyens courriers est de 0,997 kg de CO2/t.km - La performance énergétique des vols longs courriers est de 0,481 kg de CO2/t.km . La première étape dans la quantification carbone du transport aérien consiste à connaître précisément les tonnages transportés. Les systèmes d’information permettent d’appréhender ces volumes.

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. La seconde étape est la plus complexe puisqu’elle consiste à évaluer la distance d’un parcours aérien. L’orthodromie permet de calculer le plus court chemin séparant deux points du globe. Cette distance est proche de la route suivie par les avions (pas d’obstacle à contourner). Pour cela, il faut connaître pour chaque aéroport d’expédition et de destination, les latitudes et les longitudes. Un algorithme calcule à l’aide de ces quatre données la distance la plus courte entre ces deux aéroports. Pour connaître les coordonnées géographiques des principaux aéroports d’expédition et de destination, il est possible d’utiliser le logiciel « Google earth ». Il convient cependant d’accorder une attention particulière aux coordonnées géographiques qui sont en données sexagésimales car il faut ensuite les convertir en données décimales. . Lors de la troisième étape, nous affectons l’indicateur environnemental ADEME correspondant au type de vol (court, moyen ou long courrier). . Pour la dernière étape, il s’agit d’évaluer les tonnes-kilomètres transportées afin de calculer précisément les émissions de CO2. Prenons comme exemple, un transport aérien de 1 kg de marchandises entre les aéroports de Bordeaux (Mérignac) et New-York (JFK). Etape 1 : Estimation de la distance aérienne selon le principe d’orthodromie, Aéroport de Bordeaux : Latitude : 44,83 et longitude : 0,78 Aéroport de New-York : Latitude : 40,71 et longitude : 74,68 Distance orthodromique : 3 103 miles nautiques soit 5747 km Etape 2 : Estimation des Tonnes. Km 1 tonne transportée sur 5747 km équivaut à 5747 t.km transportées Etape 3 : Définition de l’indicateur environnemental De l’aéroport de Bordeaux à celui de New-York, nous sommes sur un vol long-courrier. Pour cette catégorie de vol, l’indicateur communiqué par l’ADEME est de 0,481 kg/T.Km Etape 4 : Estimation des émissions de CO2 0,481 kg x 5 747 T.Km = 2 764,307 kg de CO2 soit 2,764 tonnes de CO2 Un transport aérien d’un colis de 1 kg entre les aéroports de Bordeaux (Mérignac) et New-York (JFK) émet 2,674 tonnes de CO2. Le principal avantage de cette méthodologie est la certification de la quantification. A partir de ce calcul, il est ensuite possible de calculer

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l’incertitude. Il est important de noter que cette quantification carbone ne prend pas en compte les pré et post acheminements, généralement routier dans ce cas de figure. La méthodologie appliquée au transport routier devra par conséquent être appliquée sur ces extrémités de la chaîne logistique globale afin de connaître précisément l’empreinte carbone. Dans le but de comparer l’efficacité environnementale du transport aérien, il semble intéressant de la confronter sur un même flux avec d’autres modes de transport (transport maritime de ligne régulière et transport ferroviaire). Prenons comme exemple, l’expédition de 5 tonnes de fret entre Shanghai (Chine) et Rotterdam (Pays-Bas).

Mode de transport

Tonnes de CO2

% de variation par rapport à l’aérien

Détails

Transport aérien 22,088 - Distance orthodromique

Transport ferroviaire

1,268 - 1 642 % Pays transités : Chine Kazakhstan, Russie, Bielorussie, Pologne, Allemagne et Pays-Bas

Transport maritime de ligne régulière

2,230 - 890 % Via le canal de suez

Figure 3. Comparaison des émissions de CO2entre l’air, le fer et la mer pour un envoi de 5t de Shanghai vers Rotterdam Les résultats ci-dessus montrent bien que le transport aérien est le mode le plus polluant en termes d’émissions de CO2. La généralisation des bilans carbone devrait par conséquent inciter les donneurs d’ordre à opter pour un report modal du fret aérien vers le transport maritime de ligne régulière ou lorsque cela est envisageable, vers le transport ferroviaire (dans l’hypothèse que la notion d’urgence de livraison ne soit pas le critère principal). Le mix Sea-Air ayant fait son apparition ces dernières années entre l’Asie et l’Europe pourrait être la solution optimale afin de maintenir des délais de livraison relativement courts tout en limitant l’impact environnemental du flux de marchandises (Verny & Grigentin, 2009). 5.2. Transport ferroviaire

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Les émissions de gaz à effet de serre liées à l’emploi du transport ferroviaire varient selon l’énergie utilisée par la locomotive. Dans le cadre d’une quantification carbone du transport ferroviaire, il faut prendre en considération les deux types d’émissions de CO2: émissions directes et indirectes. - Diesel : Cette combustion engendre des émissions directes de CO2 (locotracteur dans les gares de triages, pour les premiers et derniers kilomètres, acheminements des wagons isolés avant la composition des trains, locomotives sur les lignes non-électrifiées ou encore certaines locomotives possédées par les nouveaux entrants). - Electricité : La production d’électricité engendre des émissions plus ou moins importantes de gaz à effet de serre selon l’énergie primaire utilisée (nucléaire, thermique, photovoltaïque, etc.). Ces émissions de CO2 sont dites indirectes. L’étude INFRAS/IWW donne la répartition des tonnages transportés dans 17 pays selon la traction diesel ou électrique (INFRAS/IWW, 2004). Ce document permet ainsi de répartir les tonnages entre les deux tractions. Cette clé de répartition est essentielle puisqu’elle va contribuer au calcul des émissions directes et indirectes. En France, 90 % des tonnages ferroviaires sont transportés en traction électrique contre 10 % en traction diesel. La traction diesel émet 55 gCO2/t.km. Cet indicateur est à appliquer dans tous les pays européens. Les émissions indirectes varient en fonction de la politique énergétique des pays. C’est pourquoi, la mesure des ces émissions nécessitent une répartition des distances et des t.km par pays. Cette étape consiste donc à décomposer les trajets internationaux en sous trajets nationaux. Cette décomposition permettra d’identifier les km et t.km effectués sur chaque réseau ferré national et d’y affecter les indicateurs environnementaux de l’ADEME et de l’EPE (entreprise pour l’environnement).

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La figure 4, issue de l’ADEME, met en avant l’importante dispersion des émissions de CO2 évaluées en gCO2/t.km selon les pays. A titre d’exemple, un train complet en France émet en moyenne (énergies électrique et diesel confondues) 8 gCO2/t.km contre 32 gCO2/t.km pour l’Allemagne. Les choix en matière de politique énergétique expliquent cette différence. En effet, le transport ferroviaire français dispose d’une très bonne efficacité

environnementale puisque 79 % de la production énergétique est au nucléaire contre 9 % au thermique. En Allemagne, la tendance est différente puisque 62 % de la production nationale d’électricité est d’origine thermique contre 27 % d’origine nucléaire. Source : ADEME Figure 4. Efficacité du transport ferroviaire pour quelques pays européens La problématique d’un transport ferroviaire à l’international est d’éclater par pays les t.km et notamment les distances. D’un pays à un autre, l’écartement des voies, les gabarits, la signalétique sont différents, l’interopérabilité entre les réseaux ferroviaires nationaux n’étant pas encore réellement développée. C’est pourquoi, il existe des points frontières pour adapter les convois (contraintes réglementaires et techniques). Ces points de passage obligatoires sont recensés au sein des DIUM nationaux (Distancier international uniforme marchandises). Un DIUM national contient les distances

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tarifaires entre les gares intérieures et les points frontières d’un pays. Ces distances sont valables pour le calcul de la taxe transport de toutes les expéditions de marchandises et d’animaux vivants en trafic international. L’UIC (Union Internationale des Chemins de fer est l’organisme qui réalise les DIUM. Nous avons fait le choix d’utiliser les DIUM nationaux afin de connaître avec exactitude les distances ferroviaires nationales (point de départ vers gare de transit puis gare de transit vers gare de destination), mais également de cartographier les flux et de décomposer les transports internationaux en transport nationaux. En effet, l’éclatement des distances ferroviaires à l’aide des DIUM permet de calculer les t.km transportées dans chaque pays et d’appliquer les indicateurs environnementaux ADEME spécifiques à chaque pays en prenant en compte la politique énergétique du pays (émissions directes ou indirectes de CO2). Prenons l’exemple d’un flux de fret d’un industriel français entre la France et l’Allemagne. Ce flux est estimé en 2008 à 450 000 t.km (porte à porte), dont 300 000 t.km sur le réseau français et le reste, 150 000 km, sur le réseau allemand. La figure suivante détaille la méthode qui permet d’évaluer l’empreinte carbone de ce flux de marchandises par voie ferrée.

(1) La répartition du parc permet d’affecter les t.km par type de traction pour quantifier les émissions directes et indirectes. Figure 5. Mesure de l’empreinte carbone d’un flux de 450 000 t.km entre la France et l’Allemagne par voie ferrée (porte à porte). La méthodologie exposée ici permet donc de quantifier précisément les émissions de CO2 en fonction de la politique énergétique des pays, notamment grâce à l’éclatement des trajets internationaux en sous trajet nationaux. L’avantage de cette méthode est de pouvoir mesurer l’empreinte carbone sur deux réseaux ferroviaires

Empreinte carbone ferroviaire Répartition du parc (1)

Répartition des t.km Diesel Electrique Total

Pays t.km Diesel

Electrique

Diesel Electrique

gCO2/t.km

t CO2

gCO2/t.km t CO2 t CO2

France 300 000 10 % 90% 30 000 270 000 55 1,65 2 0,54 2,19 Allemagne 150 000 18 % 82 % 27 000 123 000 55 1,46 32 3,94 5,40

Total 450 000 57 000 393 000 Total Diesel

3,11 Total Electrique

4,48 7,59

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nationaux aux caractéristiques différentes (répartition du parc de locomotives selon l’énergie utilisée, diesel ou électrique) 6. Conclusion La présentation des éléments de base pour une approche de la mobilité durable par l’empreinte carbone est novatrice au sens où elle met en avant le rôle de cet instrument comme outil d’aide à l’instauration d’une performance durable dans le secteur du transport et de la logistique. Les principaux objectifs d’une quantification carbone des activités de transport et de logistique sont les suivants : - Visibilité des émissions de CO2 pour chaque flux d’une entreprise ou pour un territoire transité. - Anticipation des futures mesures réglementaires (France mais également UE27) pour pouvoir être prêt le moment donné. Cette pro-activité est essentielle puisqu’elle permet de pouvoir perfectionner sa démarche de mesure de l’empreinte carbone. - Quantification précise afin de réduire les émanations. Après la mesure une rationalisation et une optimisation des flux peuvent être envisagées. - Réalisation d’une synergie avec les prestataires par mode de transport. - Définition d’un outil de management environnemental (Reporting et Benchmark). - Renforcement de la stratégie d’une entreprise accès sur le développement durable. - Avantage concurrentiel et compétitif vis-à-vis des concurrents. L’objectif de ce papier consiste à faire prendre conscience de la nécessité d’approfondir la réflexion sur la mise en place de circuits logistiques moins exigeants en besoins de mobilité. Agir sur les organisations logistiques afin de tendre vers un système de transport durable interroge les logiques d’organisation de la production et de la distribution. Il sera difficile, à moyen voire long terme, d’inverser le processus ayant conduit au double mouvement d’éclatement spatial et de concentration géographique de la production, de revenir à une plus

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grande polyvalence des unités de production, donc à des filières spatialement mieux réparties du point de vue du recours aux déplacements de marchandises (Verny, 2007). La spécialisation, les économies d’échelle et la sous-valorisation des prestations de transport et logistique dans la chaîne de valeur des biens transportés ont créé de l’irréversibilité. Nous nous apercevons que la mesure de l’empreinte carbone est un élément clé pour instaurer les objectifs du développement durable dans le système de transport de marchandises en Europe.

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