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COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
INSTITUT DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE LA READAPTATION
Directeur Professeur Yves MATILLON
Influence de la compression fréquentielle sur les confusions phonétiques
MEMOIRE présenté pour l’obtention du
DIPLOME D’ETAT D’AUDIOPROTHESISTE
par
COLIN David
Autorisation de reproduction LYON, le 12 octobre 2012
Pr Lionel COLLET
Responsable Formation Audioprothèse
Gérald KALFOUN N°541
Directeur Délégué à l’Enseignement
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Président Vice-président CEVU
Pr GILLY François-Noël M. LALLE Philippe
Vice-président CA Vice-président CS
Pr Hamda BEN HADID Pr. GILLET Germain
Secrétaire Général
M. HELLEU Alain
Secteur Santé
U.F.R. de Médecine Lyon Est U.F.R. d’Odontologie
Directeur Directeur
Pr. ETIENNE Jérôme Pr. BOURGEOIS Denis
U.F.R. de Médecine Lyon-Sud Institut des Sciences Pharmaceutiques
Charles Mérieux et Biologiques
Directeur Directrice
Pr KIRKORIAN Gilbert Pr. VINCIGUERRA Christine
Département de Formation et Institut des Sciences et Techniques de
Centre de Recherche en Biologie Réadaptation
Humaine Directeur
Directeur Pr. MATILLON Yves
Pr. FARGE Pierre
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Secteur Sciences et Technologies
U.F.R. Des Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (S.T.A.P.S.)
Directeur
M. COLLIGNON Claude
Institut des Sciences Financières et d’Assurance (I.S.F.A.)
Directeur
Pr. AUGROS Jean-Claude
I.U.F.M.
Directeur
M. BERNARD Régis
U.F.R. de Sciences et Technologies
Directeur
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Ecole Polytechnique Universitaire de Lyon (E.P.U.L.)
Directeur
M. FOURNIER Pascal
I.U.T. LYON 1
Directeur
M. COULET Christian
Ecole Supérieure de Chimie Physique Electronique de Lyon (C.P.E.)
Directeur
M. PIGNAULT Gérard
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Observatoire astronomique de Lyon
Directeur
M. GUIDERDONI Bruno
REMERCIEMENTS
Je tiens à adresser mes sincères remerciements :
A Monsieur Stéphane GALLEGO, mon maître de stage et de mémoire, pour ses compétences, son enseignement, sa disponibilité, son investissement et son aide à l’élaboration de ce mémoire ;
A Monsieur le professeur BERGER-VACHON, pour sa lecture attentive et ses conseils. ;
A Monsieur Renaud GAYTE, audioprothésiste D.E, Madame Patricia ELBAZE, secrétaire, ainsi que le reste de l’équipe Audition Conseil de Lyon, pour leur accueil et leurs conseils ;
A toutes les personnes qui m’ont, d’une manière ou d’une autre, apporté leur aide et leur soutien au cours de mes études ;
A l’ensemble des membres de l’école d’audioprothèse de l’Université Claude Bernard Lyon 1, pour la qualité de leur travail, tant au niveau de l’enseignement que de l’administration ;
A Monsieur Arnaud JEANVOINE et Monsieur Fabien SELDRAN pour leurs nombreux coups de mains et leur gentillesse ;
Aux patients qui ont participé à cette étude ;
A mes futurs collègues et amis qui ont eu la gentillesse de constituer le groupe des normo-entendants avec l’aide de Benoît Bisch, Antoine, Benoît D, Claire-Marie, Eudes, Jean-Charles, Jocelyn, Marine, Pierre Antoine et Simon ;
A ma famille et mes amis ;
Et enfin, à Carole et les trois loulous : Guilhem, Mathis et Timothé, qui comptent plus que tout.
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Sommaire
Introduction .................................................................................................................... 3
Contexte théorique ........................................................................................................ 5
1 Eléments de phonétique ........................................................................................ 5
1.1 Phonèmes ........................................................................................ …….5
1.2 Traits phonétiques .................................................................................... 5
1.3 Les indices acoustiques .......................................................................... 12
1.4 Perception phonétique catégorielle......................................................... 13
2 Compression fréquentielle non-linéaire ............................................................... 18
2.1 Pourquoi vouloir abaisser les hautes fréquences ? ................................ 18
2.2 Principe de la compression fréquentielle non-linéaire ............................. 20
2.3 Résultats publiés d’études cliniques avec des systèmes à
compression fréquentielle. ...................................................................................... 21
3 Plasticité cérébrale .............................................................................................. 23
Matériel et Méthode .................................................................................................. 27
1 Sujets testés ........................................................................................................ 27
1.1 Population témoin ................................................................................... 27
1.2 Population appareillée avec un système conventionnel ......................... 27
1.3 Population appareillée avec système à compression fréquentielle ......... 28
2 Matériel utilisé ...................................................................................................... 28
2.1 Tests spécifiques .................................................................................... 28
2.2 Déroulement des tests ............................................................................ 35
2.3 Méthodes d’analyses statistiques utilisées ............................................. 36
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2
Résultats ...................................................................................................................... 37
1 Résultats d’audiométrie ....................................................................................... 37
2 Tests de logatomes – VCV .................................................................................. 38
3 Continuum /ʃ/→/s/ ................................................................................................ 53
Discussion ................................................................................................................... 61
1 Test de logatomes – VCV .................................................................................... 61
2 Continuum /ʃ/→/s/ ................................................................................................ 68
Conclusion ................................................................................................................... 72
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Introduction
Depuis quelques années, Phonak a pourvu ses aides auditives d’un système à
compression fréquentielle non linéaire nommé Soundrecover©. Ce système présente
des avantages indéniables pour les surdités en pente de ski. Tout d’abord, il offre
aux patients une meilleure audibilité des sons aigus. En effet, en abaissant les
fréquences les plus aigües vers une zone fréquentielle où les seuils audiométriques
tonaux du patient sont meilleurs, l’amplification nécessaire devient moins importante.
Ceci permet de lutter contre les problèmes d’effet larsen et facilite l’acclimatation du
patient à l’amplification. Cependant, l’effet de ce système de compression
fréquentielle sur l’intelligibilité reste encore difficile à évaluer. Quel est l’effet de la
compression fréquentielle sur l’intelligibilité ? Les performances évoluent-elles au
cours du temps ? Quels sont les candidats pour ce système et quelles performances
peut-on espérer ? Les différentes études anglo-saxonnes sur le sujet ont montré une
grande disparité des résultats selon les sujets (Glista et al. 2009 ; Simpson et al.,
2005, 2006). Ce système semble toutefois présenter un intérêt pour les patients
ayant une surdité sévère à profonde sur les hautes fréquences. En effet, plusieurs
études ont montré que l’amplification conventionnelle des hautes fréquences était
souvent inefficace pour rétablir une audibilité correcte et que le fait de rendre ces
hautes fréquences audibles pouvait dans certains cas avoir un effet délétère, en
particulier dès que la perte dépasse 60 dB HL (Ching et al., 1998 ; Hogan et Turner,
1998 ; Vickers et al., 2001 ; Turner, 2006).
L’audiométrie vocale révèle quotidiennement à l’audioprothésiste les difficultés de
reconnaissance des voyelles et des consonnes pour les patients malentendants. Les
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surdités de perception engendrent souvent chez les patients des confusions
phonétiques.
On peut ainsi se demander quelle est l’influence de la compression fréquentielle sur
les confusions phonétiques. Dans cette étude, nous nous intéressons aux cas de
patients habitués à la compression fréquentielle. L’analyse des confusions
phonétiques, faites par des patients habitués à ce traitement fréquentiel, devrait nous
renseigner sur les bénéfices qu’il est possible d’attendre du Soundrecover© et sur
ses limites. La plupart des études sur les systèmes d’abaissement de fréquences se
sont intéressées à l’influence de tels systèmes sur la perception des consonnes
fricatives (Kuk et al., 2006, pour la transposition fréquentielle ; Glista et al., 2009,
pour la compression fréquentielle). Nous avons donc décidé d’évaluer la perception
catégorielle des sujets testés à l’aide d’un continuum /∫/ vers /s/. Ce continuum a pour
but d’apporter des éléments de réponse à la question suivante : le port d’aides
auditives à compression fréquentielle modifie-t-il la perception catégorielle des
consonnes fricatives /ʃ/ et /s/ oreilles nues ? Notre hypothèse est qu’un
malentendant habitué à décoder une information fréquentielle comprimée aura une
perception catégorielle modifiée par rapport à un malentendant habitué à une
amplification conventionnelle.
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Contexte théorique
1 Eléments de phonétique
1.1 Phonèmes
Le phonème constitue l’unité de base de la phonétique. La substitution d’un
phonème par un autre dans un mot suffit à changer ce mot, soit vers une forme qui
n’appartient pas au lexique soit vers un autre mot (Précis d’audioprothèse Tome I
p.172). Le phonème est une unité distinctive avant d’être une unité pourvue d’une
matérialité acoustique. La nature d’un phonème est déterminée par un ensemble de
traits distinctifs. Le français compte 36 phonèmes : 16 voyelles + 3 semi-
consonnes/voyelles + 17 consonnes.
1.2 Traits phonétiques
Chaque phonème peut être décrit par un faisceau de traits distinctifs binaires,
pouvant prendre une valeur positive ou négative. Il existe deux grandes catégories
de traits phonétiques : les traits articulatoires : basés sur la production des phonèmes
et les traits acoustiques basés sur les propriétés acoustiques des phonèmes. Du
point de vue perceptif, la description en traits acoustiques est plus légitime mais en
pratique et dans la plupart des communications internationales, les phonèmes sont
souvent décrits par leurs traits articulatoires.
a) Les différents traits articulatoires des consonnes
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La phonétique articulatoire est l’étude des propriétés des sons selon leur mode et
leur lieu d’articulation.
Les consonnes du français sont caractérisées par trois paramètres :
Le Mode d’articulation : occlusif, fricatif, nasal, approximante, approximante
latérale.
Le Lieu d’articulation : bilabiale, labio-dentale, dentale, alvéolaire, post-
alvéolaire, palatale, vélaire et uvulaire.
Le Voisement : voisées ou non voisées
Mode
d’articulation Nasalisation Voisement
Lieu d’articulation
Labiales Dentales Palatales
Occlusives ou
Plosives
Orales
Non
Voisées p t k
Voisées b d g
Nasales Voisées m n ɲ
Constrictives ou
Fricatives Orales
Non
Voisées f s ʃ
Voisées v z Ʒ
Liquides Orales Voisées l R
Tableau II.1 : Classification des consonnes du français selon leurs traits articulatoires
(Précis d’audioprothèse : Production, phonétique acoustique et perception de la
parole.).
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b) Les différents traits acoustiques
Les trais acoustiques sont les équivalents au niveau acoustique des traits
articulatoires. En 1958, Jakobson décrit les différents types de traits acoustiques
permettant une classification des phonèmes. Le système décrit est décrié pour son
côté binaire et sa forme simplificatrice. Avec 12 oppositions distinctives, on peut
décrire les phonèmes de toutes les langues du monde. En français, on utilise
principalement 6 à 8 traits distinctifs. La validité linguistique des traits distinctifs, pour
décrire la langue et expliquer les règles de la phonologie génératives, s’est vue
renforcée par l’existence pour certains chercheurs d’une validité fonctionnelle. Ainsi
pour Fant, la structure en traits des phonèmes découle des nécessités de codage.
Les besoins d’efficacité font que la perception des indices discriminatifs s’appuie
naturellement sur des différentiels polaires (Virolle – Psychologie de la surdité p.107).
Les traits distinctifs acoustiques ont été décrits et formalisés par Jakobson (1963).
Les travaux de Miller et Nicely (1955) sur les confusions entre consonnes anglaises
avaient attesté de l’indépendance de chaque trait vis-à-vis des autres dès lors que
l’on faisait une analyse de covariance des traits impliqués dans les confusions
perceptives.
Description des traits acoustiques pour les consonnes
Voici la description de ces traits proposée dans le PRECIS D'AUDIOPROTHESE
(tome1, 1997) complétée de la description effectuée par JAKOBSON, en 1963 :
Grave / Aigu
Cette opposition est caractérisée par la dominance de la partie haute ou basse du
spectre sur l'autre. Pour les voyelles, c'est la position fréquentielle du formant F2 qui
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le contrôle. Pour les consonnes, ce sont la position fréquentielle du pôle de bruit ou
turbulences et/ou la direction des transitions de F2 qui déterminent la valence aiguë
ou grave de ce trait de tonalité. Pour /k/ et /g/, la valence de ce trait ne peut être
déterminée qu'en fonction de l'environnement vocalique.
Compact / Diffus
Le trait de compacité est de nature spectrale et exprime une accumulation d'énergie
acoustique dans la région centrale du spectre où se regroupent les formants des
voyelles compactes et se dirigent les transitions F2 et F3 des consonnes compactes.
Oral / Nasal
La structure du phonème comprend un formant nasal. La nasalité est caractérisée
par la mise en résonance nasale. Pour les consonnes, l'opposition minimale de la
nasalité est entre /n/ et /L/.
Vocalique / Non-vocalique
Un phonème est vocalique si sa source phonatoire est unique, périodique, de faible
amortissement et d'attaque non abrupte. Les voyelles sont des cas typiques, mais
certaines consonnes peuvent aussi être vocaliques comme les liquides (/L/, /R/) par
exemple.
Sourd (non voisé) / Sonore (voisé)
Le trait de voisement est caractérisé par la présence de la vibration des cordes
vocales qui se visualise sur les spectrogrammes par la barre de voisement. Le trait
de voisement se traduit fréquentiellement par le renforcement des fréquences graves
autour de 250 Hz.
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Continu / Discontinu
Un phonème est continu quand sa structure acoustique est continue dans le temps.
Une attaque abrupte distingue les occlusives qui sont discontinues des fricatives qui
sont continues. Ce trait distingue aussi /L/ qui est continu de /R/ qui est discontinu
dans certains environnements vocaliques.
Les autres traits acoustiques
Il existe d’autres traits distinctifs acoustiques mais qui sont peu ou pas utilisés en
français. Comme par exemple le trait de glottalisation qui n’a pas de valeur distinctive
mais qui est utilisé pour la rééducation de voix pathologiques.
consonantique / non-consonantique
Le trait consonantique se caractérise par la présence de pôles de bruits non
périodiques, ce qui exclut toutes les voyelles.
glottalisé / non-glottalisé
Un phonème est glottalisé lorsque le flux d'air est interrompu par la fermeture de la
glotte. Ce trait caractérise certaines occlusives des langues amérindiennes,
africaines, caucasiennes.
strident / mat
La stridence est liée à la turbulence et constitue donc le trait acoustique des
fricatives. Ce trait est peu utilisé pour la description des phonèmes du français.
bémolisé / non-bémolisé
Le trait bémolisé est un trait de tonalité qui se caractérise par un déplacement vers le
bas des formants et singulièrement en français par le déplacement du F2 des
voyelles. Ainsi /i/ bémolisé devient /y/, par le transfert par le bas d'un demi-ton du F2.
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diésé / non-diésé
C'est l’opposé du trait précédent, il correspond à un déplacement vers le haut du F2.
tendu / lâche
Ce trait est caractérisé par un son plus long et pour les occlusives par une force plus
grande du bruit d'explosion. Pour les voyelles, il oppose en français le /a/ de pâte qui
est tendu à celui de patte qui est lâche.
complexe / non-complexe
Ce trait permet de créer des oppositions entre les voyelles à l'intérieur des séries de
voyelles antérieures et postérieures (degré d'ouverture). Ce trait est peu usité.
P T K B D G M N L R ʃ S F Ʒ Z V
Grave + - +- + - +- + - - +- - - + - - +
Compact - - + - - + - - - +- + - - + - -
Oral + + + + + + + - - + + + + + + +
Continu - - - - - - + + + +- + + + + + +
Interrompu + + + + + + + + + +- - - - - - -
Vocalique - - - - - - + + + +- - - - - - -
Sonore - - - + + + + + + + - - - + + +
Tableau I.1 : Classification des consonnes selon leurs traits acoustiques. (Renard X. et Lefevre F.
d’après Jakobson, 1982, Précis d’audioprothèse : Production, Phonétique et perception de la
parole.)
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Récapitulatif des traits constituants les consonnes du français
/p/ : oral, diffus, grave, interrompu, sourd, non vocalique
/t/ : oral, diffus, aigu, interrompu, sourd, non vocalique
/k/ : oral, compact, aigu, interrompu, sourd, non vocalique
/b/ : oral, diffus, grave, interrompu, sonore, non vocalique
/d/ : oral, diffus, aigu, interrompu, sonore, non vocalique
/g/ : oral, compact, aigu, interrompu, sonore, non vocalique
/f/ : oral, diffus, grave, continu, sourd, non vocalique
/s/ : oral, diffus, aigu, continu, sourd, non vocalique
/ʃ/ : oral, compact, aigu, continu, sourd, non vocalique
/v/ : oral, diffus, grave, continu, sonore, non vocalique
/Z/ : oral, diffus, aigu, continu, sonore, non vocalique
/Ʒ / : oral, compact, aigu, continu, sonore, non vocalique
/l/ : oral, diffus, aigu, + continu, sonore, vocalique
/m/ : nasal, diffus, grave, + continu, sonore, vocalique
/n/ : nasal, diffus, aigu, + continu, sonore, vocalique
/R/ : oral, + compact, grave, + continu, sonore, vocalique
/ɲ/ : nasal, compact, aigu, continu, sonore, vocalique
/j/ : oral, compact, aigu, continu, sonore, vocalique
/w/ : oral, diffus, grave, continu, sonore, vocalique
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Description des traits acoustiques pour les voyelles
Les voyelles sont les phonèmes les plus simples à décrire en termes d’indices
acoustiques, car elles comportent des zones de fréquences de plus grandes
intensités, visible sur un sonagramme. Ces zones sont appelées des formants. Les
voyelles sont identifiées par trois formants F1, F2 et F3. Mais F3 ne semble jouer un
rôle que lorsque F2 et F3 sont très rapprochés, donc dans le cas de voyelles
antérieures (Delattre 1958 p.270)
1.3 Les indices acoustiques
Les indices acoustiques sont des éléments du signal acoustique qui jouent un rôle
dans le processus de reconnaissance de la parole. On peut visualiser ces indices sur
un sonagramme ou un oscillogramme. On s’aperçoit que le nombre d’indices
acoustiques est largement redondant, ce qui explique que le signal de parole reste
intelligible alors que certains indices sont masqués par du bruit. Ainsi, le trait distinctif
du voisement n’est pas uniquement déterminé par la détection du fondamental
laryngé, mais par un faisceau d’indices. On peut concevoir, en théorie, que la
perception d’un seul de ces indices suffise à la caractérisation « voisé/non voisé »
(Virole - Psychologie de la surdité). La liste des indices acoustiques a été établie par
Delattre (1958).
a) Transitions formantiques
Les transitions formantiques sont des éléments essentiels de la reconnaissance
phonétique. Des travaux sur la synthèse de parole ont montré que les transitions à
elles seules suffisaient à obtenir une intelligibilité globale satisfaisante (Liénard –
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1972, p69, Virole psychologie de la surdité). Par contre, la transmission des bruits et
des parties stables des voyelles ne permet pas l’intelligibilité. Une partie de la
reconnaissance des consonnes est liée aux transitions formantiques qui dépendent
de l'entourage vocalique.
b) Turbulences et pôles de bruit.
Les consonnes sont caractérisées par la présence de bruit ou turbulences. Ces
turbulences se caractérisent par une plage fréquentielle de résonance maximale, une
intensité et une durée. Les fricatives sont caractérisées par des turbulences longues
Certains auteurs pensent que la limite inférieure du bruit de friction constitue l'indice
discriminatif (ce qui expliquerait la reconnaissance du /s/ au téléphone qui coupe à
3500Hz). Mais d’autres études mettent en avant que ce serait plutôt le noyau de
densité énergétique maximale (zone de résonance maximale) qui constituerait le
vecteur discriminatif (Hedrick, 1997).
1.4 Perception phonétique catégorielle
L’identification de la parole nécessite la sélection inconsciente d’unités discrètes. Il
s’agit donc d’effectuer un processus de caractérisation assimilable à une procédure
de décision. La perception catégorielle élimine la variabilité acoustique non
pertinente. Il existe dans un continuum une zone frontière dont le franchissement fait
basculer l’identification d’un phonème vers un autre. Deux stimuli distincts peuvent
ne pas être discriminés s’ils sont du même côté de la barrière ou au contraire
discriminés s’ils sont de part et d’autre de celle-ci. Ce phénomène « d’effet de
frontière phonétique » a été mis en évidence pour les voyelles en faisant varier les
formants ainsi que pour les consonnes même si les processus en jeu ne sont pas
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identiques. Il n’y a pas de correspondance simple entre le réel physique observable
par sonagramme ou spectrogramme et l’extraction des éléments distinctifs
nécessaires à l’intelligibilité. Le spectre varie de façon continue alors que
l’intelligibilité phonétique nécessite une discrétisation et un regroupement en classes
de ces indices acoustiques.
« Comment un flux acoustique de nature physique et décrit par des formalismes de
type analyse spectrale peut-il devenir perceptuellement le support d’un code
phonologique de nature linguistique et décrit par des formalismes de type algèbre
discrète de traits distinctifs binaires ? » (Petitot, 1984)
Par exemple, si l’on abaisse de façon continue le deuxième formant du /i/. A partir
d’un certain niveau, qui différe suivant les sujets, ce /i/ est perçu comme un /y/. Pour
les consonnes, on remarque qu’en faisant varier la pente du deuxième formant d’une
voyelle de synthèse, on passe brusquement d’un /b/ à un /d/.
De même, Lisker et Abramson en 1970 (Calliope 1989) montre que pour un
continuum de VOT (voice onset time) allant de /ba/ vers /pa/, le seuil différentiel est
de 30 ms et correspond à la frontière d’identification.
Il existe dans un continuum acoustique une zone frontière dont le franchissement fait
basculer l’identification d’un phonème vers un autre. Il est intéressant de noter que la
modification « continue » de plusieurs dimensions du signal physique n’a pas de
conséquences sur l’identification du phonème jusqu’à une certaine valeur critique à
partir de laquelle l’identification bascule vers la reconnaissance d’un autre phonème.
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1.4.1 Différents modèles de perception catégorielle
a) Les théories motrices de perception catégorielle
Pour les théories motrices de la perception de la parole (Joos 1948 ; Liberman,
1967), les seuils critiques de l’identification phonétique sont la trace phonétique des
positions articulatoires sur la perception. Mais Lane (1965) et Eimas (1980) remettent
en question ces théories en montrant que de jeunes enfants sont capables de
discriminer des phonèmes sans être capable de les articuler.
b) Les théories sensorielles de perception catégorielle
Les limites des théories motrices ont amené à construire des modèles « sensoriels »
sans référence à l’articulation. Pour ces théories, la perception catégorielle est liée
aux principes psychophysiques généraux. Ainsi, pour J.D. Miller (1976), le processus
de catégorisation phonétique est issu des effets de seuils différentiels masqués. En
dessous de ces seuils, les variations des paramètres du signal n’ont aucun effet
jusqu’au dépassement de ce seuil. La catégorisation ne se ferait qu’à partir du
moment où les variations acoustiques dépasserait les seuils de discriminations :
dF/F, dI/I, dT/T.
c) Théorie des détecteurs de traits
L’hypothèse des détecteurs de traits est née de la nécessité de concilier la distinction
des langues et l’unicité de perception de la parole. Dans psychologie de la surdité,
Benoit Virole décrit le modèle proposé par Massaro-Oden, en 1978.
1. Les traits acoustiques sont détectés et perçus indépendamment les uns des
autres.
2. Chaque trait est évalué par une mesure de présence dans le signal.
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3. Chaque phonème est défini par un prototype stocké dans la mémoire à long
terme.
4. Chaque son est identifié sur la base de l’évaluation de ces traits par
comparaison avec les prototypes en compétition.
5. Cette comparaison s’apparente à un processus computationnel, les prototypes
phonétiques étant assimilés à des propositions logiques.
6. Il faut donc postuler l’existence d’une carte cognitive capable d’effectuer des
opérations symboliques de type inférences logiques : s’il existe le trait A plus
le trait B…alors il s’agit du phonème X.
Les principaux arguments expérimentaux sont issus des travaux de Eimas (1974)
attestant de l’existence de discrimination catégorielle, de catégorisation et
d’invariance perceptuelle chez les enfants préverbaux.
Les résultats des expériences d’écoute dichotique attestent également de l’existence
d’une recombinaison au niveau central des traits extraits indépendamment les uns
des autres au niveau périphérique. (Miller J.L, 1975)
d) Les modèles connexionnistes
Plus récemment, les théories basées sur des modèles connexionnistes issus de
l’Intelligence Artificielle (IA) ont pris le pas sur les modèles de détecteurs de traits afin
de se détacher de l’existence d’une carte cognitive réalisant d’hypothétiques
processus logiques. La figure II.2 représente la structure d’un neurone formel
d’après Amit (1989). Les Ji représentent les efficacités synaptiques arrivant au
neurone i. Hi est le potenitiel post-synaptique et SHI ,la somme des Hi, est la fonction
de décision du neurone. Si la SHi dépasse le seuil T alors le neurone décharge et
Ki=1.
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Figure II.2 : Structure d’un neurone formel d’après Amit (1989). (source : Psychologie
de la surdité Benoit Virole)
1.4.2 Cas particuliers des fricatives non voisées /s/ et /∫/
Pour les fricatives non voisées (parfois appelées sifflantes) telles que /s/ et /ʃ/, on
dénombre quatre types d’indices acoustiques :
La durée du bruit de friction (Hughes et Halle, 1956 ; Jongman, 1989)
La fréquence du pic spectral du bruit de friction (Heinz et Stevens, 1961)
Les transitions formantiques (Harris, 1958 ; LaRiviere et al. 1975 ; Nittrouer
et al. 1987)
Les proéminences spectrales, parfois appelées « amplitudes relatives »
(Hedrick et Ohde, 1993 ; Stevens, 1985)
Pour la perception catégorielle des fricatives /s/ et /∫/, le spectre du bruit de friction
joue un rôle primordial (Heinz et Stevens, 1961 ; Hughes et Halle, 1956, Pittman et
Stelmachowicz,2000). C’est l’indice acoustique qui a le poids le plus important pour
la perception catégorielle. Les transitions formantiques, quant à elles, renforcent la
perception catégorielle ou représentent un indice acoustique alternatif (Heinz et
Stevens, 1961 ; Nittrouer, 1992). Quelques études se sont intéressées à la façon
dont les personnes malentendantes utilisaient les indices acoustiques pour identifier
les fricatives. Parmi celles-ci, Zeng et Turner (1990) et Hedrick (1997) ont montré
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que les malentendants avaient plus de difficultés à utiliser les transitions
formantiques que les normo-entendants.
Les patients atteints de pertes auditives neurosensorielles ont souvent des difficultés
à percevoir les consonnes en particulier pour les consonnes ayant des indices
acoustiques dans les hautes fréquences (Boothroyd, 1984 ; Dubno et al. 1982).
Typiquement, ces difficultés de perception ont été mises en relation avec la
détérioration de la sélectivité fréquentielle (Moore 1998 ; Rosen et Fourcin 1986).
Plusieurs études ont montré que les patients ayant des pertes sévères n’étaient pas
capables d’utiliser les informations hautes fréquences qui leur étaient rendues
audibles (Ching et al. 1998, Hogan et Turner, 1998). Les aides auditives ayant une
bande passante limitée (entre 3kHz et 6kHz), il est donc fort probable que les
personnes ayant une perte auditive n’utilisent pas les mêmes indices acoustiques
pour discriminer les consonnes.
2 Compression fréquentielle non-linéaire
2.1 Pourquoi vouloir abaisser les hautes fréquences ?
La majorité des patients ayant une surdité neurosensorielle présente une perte plus
importante sur les fréquences aiguës que sur les fréquences graves. Et lorsque cette
perte devient trop importante, les aides auditives à amplification conventionnelle ne
permettent pas de restituer correctement ces hautes fréquences, à la fois pour des
raisons techniques mais également car les patients ne parviennent pas à interpréter
les informations qui leur sont fournies par ces fréquences aiguës. Techniquement,
l’amplification importante des hautes fréquences se heurte à deux problèmes : le
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
19
larsen acoustique et la bande passante limitée (en général par l’écouteur autour de
4-6kHz). D’un point de vue clinique, plusieurs études (Ching et al 1998, 2001 ;
Hogan et Turner, 1998 ; Vickers et al., 2001) ont montré que l’amplification
excessive des hautes fréquences (HF) donnait parfois des effets délétères chez les
patients ayant une surdité sévère à profonde sur les HF. Ces différentes difficultés à
restaurer les HF ont donc incité les chercheurs à explorer de nouvelles voies. L’idée
d’abaisser les fréquences les plus aiguës pour adapter le signal aux capacités des
malentendants n’est pas nouvelle. En 1961, les travaux de Johansson et Risberg
avaient conduit à l’élaboration d’une aide auditive bi-canal (Oticon TP 72) grâce à
laquelle les fréquences les plus hautes étaient converties en un bruit restitué sur des
fréquences inférieures à 1,5kHz, par un modulateur non linéaire. Il y eut également
plusieurs essais d’abaissement fréquentiel par réduction de la vitesse de playback
(Beasley et al., 1976 ; Bennet et Byers, 1967 ; Ling et Druz, 1967). Ces études ont
montré certains bénéfices de cette approche mais les systèmes utilisés entrainaient
trop de distorsions pour pouvoir être utilisés au quotidien. Depuis, différents
algorithmes aboutissant à un abaissement des hautes fréquences, ont été
développés comme la compression linéaire de fréquences (Sekimoto et al. 1980) ou
les systèmes AVR transonic et ImpaCt basés sur la détection de pics spectraux
d’énergie et la transposition fréquentielle. Plus récemment, sont apparus les
systèmes Soundrecover© de Phonak (Compression fréquentielle non-linéaire),
Audibity Extender© de Widex (Transposition fréquentielle), Spectral IQ© de Starkey
(duplication et transposition fréquentielle). Ces différents procédés ont en commun la
volonté réhabiliter l’audibilité des fréquences aiguës et d’améliorer l’intelligibilité
grâce aux informations apportées par ces fréquences.
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
20
2.2 Principe de la compression fréquentielle non-linéaire
Le principe de l’algorithme baptisé Soundrecover© par Phonak est de laisser
inchangées les fréquences jusqu’à une fréquence de coupure (Fc) à partir de
laquelle les fréquences sont compressées avec un certain coefficient (CR). Par
exemple, si la fréquence de coupure est 2,3kHz et le taux de compression 1,7:1. Les
composantes fréquentielles de 1,7 octave (i.e. de 2,3kHz à 7,47Hz) seront
compressées sur une octave (i.e. de 2,3kHz à 4,6kHz) (McDermott 2011).
La fonction de transfert relative aux fréquences peut être ajustée grâce à ces deux
paramètres.
Figure I.2 : Fonction de transfert pour un système de compression fréquentielle avec deux exemples de fréquences de coupures à 1250Hz et 1600Hz (Simpson 2006).
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
21
2.3 Résultats publiés d’études cliniques avec des systèmes à
compression fréquentielle.
Plusieurs études sur la compression fréquentielle utilisent des tests de logatomes ou
des tests de reconnaissance du pluriel en anglais avec la détection du /s/ final (Glista
et al. 2009, Wolfe, 2009). Les résultats sont encourageants mais les auteurs notent
souvent une grande variabilité des résultats et précisent que le niveau de
compression est ajusté pour chaque patient. Cependant, les critères d’inclusion des
patients pouvant tirer des bénéfices de la compression fréquentielle ainsi que les
niveaux de réglages restent assez flous.
Nous décrirons dans cette partie les principales études sur la compression
fréquentielle.
En 2005, Simpson et al. étudient les bénéfices d’un système à compression
fréquentielle pour des patients ayant des pertes d’origine neurosensorielle,
moyennes à sévères plus importantes sur les aigus. Les sujets sont expérimentés et
ont déjà leurs propres aides auditives. Leurs scores de reconnaissance de mots
monosyllabiques ont été mesurés avec leurs appareils et avec le prototype disposant
de la compression fréquentielle. Sur les 17 sujets, huit ont montré une amélioration
de leurs scores de façon significative (p<0.05), et pour un sujet, une baisse
significative des résultats a été observée. Certaines des améliorations peuvent
s’expliquer par une meilleure audibilité fournie dans les hautes fréquences par le
dispositif expérimental en comparaison de leurs propres aides conventionnelles. Une
seconde expérience a montré que l'augmentation du gain sur les hautes fréquences
avec leurs aides auditives conventionnelles ne produisaient pas de bénéfices
équivalents à ceux trouvés avec le système à compression. En 2006, Simpson et al.
reprennent la même méthode mais pour des patients ayant une surdité en pente de
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
22
ski avec une fréquence de coupure plus basse autour de 500 à 1000 Hz. Ils font
l’hypothèse qu’avec une perte plus importante, les bénéfices seront plus grands. Sur
les 5 patients testés, les résultats ne montrent aucune amélioration due à la
compression fréquentielle sauf pour un sujet dont les scores augmentent de façon
significative dans le bruit (p<0,001). Cependant, tous les patients testés préfèrent la
sonorité avec compression fréquentielle.
En 2008, Nyffeler et al. évaluent la reconnaissance de la parole dans le bruit avec le
Test OLSA qui utilise des phrases. Il note une amélioration du rapport signal sur bruit
de 1,3dB soit 26% par rapport à l’appareillage classique mais ces valeurs ne sont
pas significatives.
En 2009, Wolfe et al. évaluent l’intérêt de la compression fréquentielle chez l’enfant
ayant une surdité de perception moyenne à sévère. Les résultats montrent une
amélioration de 30% de la détection du pluriel (détection du /s/ final).
En 2009, Glista et al. évaluent les bénéfices de la compression fréquentielle sur 13
adultes et 11 enfants ayant des pertes auditives en pentes raides sur les hautes
fréquences. Les résultats montrent une augmentation de la reconnaissance des
consonnes et du pluriel (/s/ final en anglais, ex : cat, cats). La reconnaissance des
voyelles n’est pas modifiée. L’analyse des résultats individuels montre une grande
variabilité des bénéfices de la compression fréquentielle suivant les individus. Glista
note toutefois que les seuils de détection du /s/ et du /∫/ sont moins élevés avec la
compression fréquentielle (Glista et al. 2009).
En 2010, O’Brien et al. évaluent la reconnaissance dans le bruit avec 50 mots
monosyllabiques sur des sujets adultes ayant une perte sévère à profonde. La
grande variabilité des résultats ne permet pas de montrer que les bénéfices sont
significatifs.
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23
En 2011, Wolfe et al. utilisent des logatomes dans le bruit chez des enfants ayant
des pertes moyennes à sévères. Les résultats montrent que le 50% d’intelligibilité est
atteint à des intensités moins élevées. Dans le bruit, ils notent que le SNR50 (i.e le
rapport signal sur bruit induisant 50% d’intelligibilité) est plus faible après 6 mois
d’appareillage avec compression fréquentielle.
3 Plasticité cérébrale
La plasticité neurale est la capacité du système nerveux à modifier son organisation
et sa fonction en réponse à des requêtes externes ou internes de changement (Kral
et Tillein, 2006). La plasticité neurale a été démontrée dans le cas d’amputations :
des zones du cortex sensoriel primaire codant pour des parties désafférentées du
corps répondaient à des informations de parties adjacentes (Kelahan et al., 1981 ;
Merzenich et al., 1983 ; Pons et al.,1991). D’autre part, la réversibilité de cette
réorganisation corticale a été démontrée entre autres chez un humain qui a reçu une
greffe des deux mains (Giraux et al.2001). Plusieurs études ont déjà montré la
réorganisation corticale après une privation auditive chez différents mammifères
(Robertson and Irvine en 1989 sur des cochons d’inde, Rajan et al. en 1993 : sur les
chats, Schwaber et al. en 1993 sur les macaques) D’autre part, des enregistrements
électrophysiologiques ont montré une réorganisation du cortex auditif primaire. Les
zones codant pour des fréquences aiguës désafférentées, codent ensuite pour des
fréquences plus graves en particulier autour de la fréquence de coupure. Des
résultats similaires ont été observés suite à une perte progressive et naturelle sur les
hautes fréquences, en particulier sur des souris (Williott et al. 1993).
Plusieurs équipes ont donc étudié la plasticité corticale chez l’homme, en particulier
dans le cas d’atteintes unilatérales. Chez des sujets ayant une cophose unilatérale,
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
24
on a pu observer, grâce aux techniques d’imagerie, l’activation des deux cortex alors
que chez les normaux-entendants la partie controlatérale au côté de présentation
des stimuli s’activait davantage (Bilecen et al. 2000 ; Fujiki et al. 1998, Ponton et al.
2001 ; Schefler et al. 1998).
Pour Kral et Tillein (2006), lorsqu’une partie de la cochlée est lésée, les régions
corticales s’activant initialement pour ces fréquences, répondent désormais aux
fréquences situées aux frontières de cette lésion (Figure I.3).
D’autres études ont cherché à retrouver l’expression de ce phénomène de
surreprésentation de la fréquence de coupure (Fc) qui avait été observée chez les
animaux. L’étude de Dietrich et al. en 2001, grâce à la magnétoencéphalographie, a
montré une augmentation chez l’homme de l’onde N1m autour de la fréquence de
coupure de la perte auditive.
Pour étudier la réorganisation des cartes tonotopiques, les auteurs se sont
demandés quels en étaient ses principaux corrélats. Si les dommages cochléaires
sont associés à une représentation neuronale hypertrophiée de Fc dans le système
auditif central, des différences dans les performances psychophysiques (telles que le
Figure I.3 : Une lésion cochléaire à la base de la cochlée (région codant pour les hautes fréquences) conduit à une représentation étendue des fréquences médium. Une lésion dans une région codant pour les fréquences médium conduit à une expansion des régions corticales représentant les hautes et les basses fréquences (Kral et Tillein, 2006).
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25
timbre, le ton, ou la perception de l’intensité) devraient pouvoir être observées autour
de Fc.
Une étude portant sur des sujets déficients auditifs l’a mis en évidence en observant
une amélioration de la discrimination des fréquences autour de la fréquence de
coupure (Mc Dermott et al. 1998). Ces résultats ont ensuite été confirmés par
d’autres études (Thai-Van et al. 2002,2003) dans lesquelles l’importance de la pente
de la perte auditive a été mise en évidence.
Bien que ces résultats ne soient pas des preuves directes d’une réorganisation
corticale aucun phénomène périphérique n’est en mesure de les expliquer : ni la
présence d’otoémissions acoustiques spontanées, ni l’utilisation d’indices de sonie
dans la réalisation des tâches de discrimination des fréquences (Thaï-Van et al.
2003).
L’amplification de certaines fréquences par les aides auditives peut être vue comme
une réhabilitation et les effets de cette réhabilitation peuvent être étudiés. S’il y a
plasticité cérébrale lorsqu’il y a privation, que se passe-t-il lors d’une réhabilitation
auditive via des aides auditives ? Depuis les travaux de Gatehouse 1989, les effets
du port d’aides auditives sur les capacités perceptuelles ont été montrées (Robinson
et Gatehouse 1995 ; Olsen 1999 ; Philibert et al. 2002). Ces résultats suggèrent une
forme de plasticité fonctionnelle due au port d’aides auditives.
Ces formes de plasticité dues à la réhabilitation de l’audition par des aides auditives
proviennent de modifications de l’intensité. Dans le cas de prothèses auditives à
compression fréquentielle, le message vocal est modifié d’un point de vue
fréquentiel. Il est donc possible que cela entraine, chez les patients, des
modifications de traitement de l’information. C’est ce que nous souhaitons étudier
avec le continuum /ʃ/→/s/. Notre hypothèse est que des patients habitués à la
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
26
compression fréquentielle auraient une perception catégorielle modifiée. Pour ces
patients, le fait d’être habitués à traiter une information compressée sur les hautes
fréquences modifierait leur perception et leur analyse des informations fournies par
les fréquences aiguës. Compte-tenu des phénomènes de plasticité décrits plus haut,
il est possible que le port d’aides auditives à compression fréquentielle entraîne un
décalage vers les graves de la limite catégorielle entre le /ʃ/ et le /s/. C’est ce que
nous espérons observer grâce au test du continuum /ʃ/→/s/ effectué oreilles nues.
,
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
27
Matériel et Méthode
1 Sujets testés
L’ensemble de la population testée comprend 61 sujets. Cette population est divisée
en trois groupes. Une population témoin formée de normo-entendants (n=13). Une
population composée d’individus appareillés avec un système conventionnel (n=21).
Une population composée d’individus appareillés avec un système à compression
fréquentielle (n=27).
1.1 Population témoin
Le groupe témoin rassemble 13 sujets jeunes dont l’âge est compris entre 20 et 34
ans (âge moyen = 26 ans). Ces 10 hommes et 3 femmes francophones, sans
antécédents O.R.L, présentent des seuils audiométriques tonaux inférieurs à
20dBHL sur l’ensemble des fréquences. Ce groupe nous permettra d’établir des
valeurs normatives pour le test du continuum /ʃ/→/s/.
1.2 Population appareillée avec un système conventionnel
Le second groupe test est constitué de sujets appareillés avec un système
conventionnel. Il comprend 21 sujets : 12 femmes et 9 hommes, âgés de 60 à 93 ans
(âge moyen = 77 ans). Il s’agit de personnes ayant une surdité de perception. La
perte moyenne est de 39 dB HL. Parmis ces sujets, 16 ont participé au test de
reconnaissance de logatomes et 19 ont participé au test de perception catégorielle
des fricatives (continuum /ʃ/→/s/)
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
28
1.3 Population appareillée avec système à compression fréquentielle
Ce groupe comprend 27 sujets, 18 hommes et 9 femmes, âgées de 51 à 87 ans
(âge moyen = 70,9 ans). Les sujets testés possèdent des caractéristiques
audiométriques similaires au groupe appareillé avec un système conventionnel. La
perte moyenne est de 42 dB HL. Ces patients sont appareillés avec un système à
compression fréquentielle depuis plusieurs mois : de 4 mois à 30 mois (temps
d’appareillage moyen = 15 mois). Le port moyen des aides auditives est de 10,5
heures par jour (de 8 à 15 h/j). Parmis ces sujets, 21 ont participé au test de
reconnaissance de logatomes et 23 ont participé au test de perception catégorielle
des fricatives (continuum /ʃ/→/s/)
2 Matériel utilisé
Le matériel utilisé comprend un audiomètre AURICAL et un casque TDH-39, utilisé
pour l’audiométrie conventionnelle.
Afin de mesurer les confusions phonétiques et la perception catégorielle des sujets
testés, nous avons élaboré deux tests spécifiques. Pour ceux-ci, nous avons utilisé
un PC portable, une carte son (USB) Soundblaster 24bits/96kHz. Nous avons
développé plusieurs applications MATLAB© afin de gérer la passation des tests et
l’enregistrement des résultats.
2.1 Tests spécifiques
a) Test de logatomes de type Voyelle-Consonne-Voyelle (VCV)
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
29
Afin de mesurer les confusions phonétiques, nous avons utilisé un test de logatomes
de type Voyelle-Consonne-Voyelle enregistré avec une voix de femme. Le matériel
vocal est issu d’un CD enregistré par biodigital©. Ce test comporte 16 logatomes :
aBa, aCHa, aDa, aFa, aGa, aJa, aKa, aLa, aMa, aNa, aPa, aRa, aSSa, aTa, aVa,
aZa. Chaque logatome existe sous 4 versions différentes. Ce qui donne un total de
64 logatomes par test. Nous avons développé une application MATLAB© pour jouer
ces logatomes dans un ordre aléatoire et saisir les réponses du sujet. Les résultats
sont enregistrés dans un fichier dans lequel on retrouve les informations sur le
patient, les paramètres de passation du test, les résultats présentés sous forme de
matrices de confusions et une analyse phonétique des réponses par traits
phonétiques.
La passation de ce test se fait en champ libre, oreilles séparées. L’oreille
controlatérale à l’oreille testée est obturée par de la pâte à empreintes. Les
logatomes sont émis à une intensité jugée confortable par le sujet, afin de lui
permettre la meilleure intelligibilité possible.
Pour les patients équipés d’aides auditives à compression fréquentielle, les patients
sont testés avec le soundrecover© activé et désactivé ainsi que sans aides auditives.
Pour les sujets équipés d’aides auditives à amplification conventionnelle, le test est
effectué avec les aides auditives et oreilles nues, à chaque fois oreilles séparées.
L’intensité de passation est une intensité jugée confortable par le sujet à
laquelle il est le plus à même d’identifier les logatomes présentés.
L’application MATLAB du test de logatomes enregistre et exporte sous forme d’un
fichier « .csv » une matrice de confusions phonétiques pour chaque test effectué.
Ces matrices indiquent les logatomes perçus (en ligne) en fonction des logatomes
lus (en colonnes). Les réponses correctes se retrouvent donc sur la diagonale de ces
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
30
matrices. Les logatomes sont classés suivant leurs traits acoustiques en fonction de
leurs similitudes et différences.
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31
Figure II.1 : Exemple d’interface de l’application MATLAB© pour la passation du test de logatomes.
Figure II.2 : Exemple de résultats. A gauche la matrice de confusions au test de logatomes. A droite, l’analyse phonétique, selon les traits acoustiques, indique les pourcentages de traits reconnus.
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
32
b) Continuum
Nous avons testé la perception catégorielle de chaque sujet à l’aide d’un continuum
[aʃa] vers [aSa]. Ce continuum a été élaboré de la manière suivante :
Le son de départ est un logatome [aʃa] que nous avons filtré à 1400Hz (filtrage FFT
4096 points avec une fenêtre de Blackman), ceci nous a permis d’extraire la partie
basse du spectre donc principalement les informations liées aux voyelles /a/ mais en
limitant les indices acoustiques en particulier les transitions formantiques. D’autre
part, à partir du même son de départ : le logatome [aʃa] non filtré, nous avons extrait
la zone de turbulence par filtrage passe-haut à 1400 Hz (filtrage FFT 4096 points
avec une fenêtre de Blackman). Nous avons ensuite transposé cette zone de bruit en
nous basant sur le bas du spectre de turbulences (aux alentours de 2000Hz). Nous
avons ainsi créé 13 sons espacés d’un demi-ton dont le bas du spectre de bruit va
de 2000Hz à 4000Hz. Nous avons ensuite fusionné la partie filtrée en passe-bas
avec chacune des parties filtrées en passe-haut. Nous avons ainsi obtenu 13 sons
dont seule la hauteur du bruit de friction varie. Pour le son numéro 1, la zone de
turbulence n’a pas été transposée, il est donc très proche du logatome /aʃa/ non filtré.
Seules certaines informations liées aux transitions formantiques ont été éliminées.
Pour les autres sons de 2 à 13, seule la zone de turbulence est transposée de ½ ton
à chaque fois. Nous obtenons donc un écart d’une octave entre le son numéro 1 et le
son numéro 13. (Figure II.4). Le son numéro 13 dont la zone de turbulence se situe
au-dessus de 4000Hz est donc clairement identifié comme un /aSa/.
Afin de tester la validité de notre continuum, nous avons effectué ce test au casque
chez des patients normo-entendants à des intensités de 30dB SPL et 60 dB SPL.
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
33
Ceci nous a permis d’avoir des valeurs normatives et de s’assurer de la
reproductibilité de notre test.
La perception catégorielle des patients malentendants a été testée à l’aide de ce
continuum. Ce test s’effectue au casque à une intensité confortable permettant au
patient la meilleure intelligibilité. Les 13 sons sont joués de façon aléatoire sur
l’oreille droite ou gauche. Pour ce test à choix forcé, le patient répond [aʃa] ou [aSa].
Afin, d’évaluer la reproductibilité des réponses, chaque son est présenté 5 fois,
toujours de façon aléatoire, durant le test. Ce qui représente 65 stimuli par oreille.
Les réponses données par le patient sont enregistrées sous la forme d’un fichier
informatique.
La figure II.4 présente un exemple de résultats pour le test du continuum. Pour ce
sujet, on remarque que lors des premiers niveaux, tous les stimuli sont perçus
comme étant des /aʃa/ (5 réponses [aʃa] sur 5 stimuli présentés). Du niveau 7 au
niveau 10, de moins en moins de stimuli sont répertoriés comme étant des [aʃa] puis
pour les niveaux 10 à 13, tous les stimuli sont identifiés comme des [aSa]. Nous
avons ensuite modélisé les réponses à l’aide d’une sigmoïde afin de calculer le
niveau correspondant à 50% de réponses [aʃa] (noté N50%). C’est-à-dire le niveau
du stimulus présenté à partir duquel les réponses seront majoritairement des /s/.
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34
Tableau des réponses :
Niveau du stimulus
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Per
cep
tio
n d
u s
uje
t OD – [aʃa] 5 5 5 5 5 5 5 3 0 0 0 0 0
OD – [aSa] 0 0 0 0 0 0 0 2 5 5 5 5 5
OG – [aʃa] 5 5 5 5 5 5 5 2 1 0 0 0 0
OG - [aSa] 0 0 0 0 0 0 0 3 4 5 5 5 5
Tableau II.4 : Exemple de résultats enregistrés dans un fichier .csv. La première ligne indique le niveau du bruit de friction du stimulus lu : de 1 à 13. Les deuxième et troisième lignes représentent les réponses données par le patient en fonction des stimuli présentés à l’oreille droite. Les lignes 4 et 5 donnent les réponses pour l’oreille gauche. La figure II.5, ci-dessous, donne un exemple d’analyse des réponses pour l’oreille gauche.
Figure II.5 : Exemple de régression non-linéaire. Chaque niveau de stimulus est présenté 5 fois. Ici, jusqu’au niveau 7 les réponses sont uniquement [aʃa] et à partir du niveau 10 uniquement des [aSa]. La sigmoïde sert à modéliser les réponses données et à déterminer la valeur du niveau à partir duquel 50% des réponses
sont identifiées comme étant des [aSa]. Ce niveau est noté N50%.
N50%=7,8
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35
2.2 Déroulement des tests
Pour l’ensemble des sujets malentendants (n=48), nous avons effectué les tests
suivants :
Une audiométrie tonale liminaire en sons purs au casque aux fréquences : 250, 500,
750, 1000, 1500, 2000, 3000, 4000, 6000, 8000 hertz.
Une mesure des seuils subjectifs d’inconfort au casque aux fréquences : 250, 500,
750, 1000, 1500, 2000, 3000, 4000, 6000, 8000 hertz.
Pour les patients appareillés avec un système conventionnel (n=21), nous avons
effectué le test VCV oreilles séparées avec et sans aides auditives (4 x 64
logatomes). Trois patients appareillés en unilatéral ont été testés. Dans ces trois cas,
il n’y a que 3 passations : oreille appareillée avec leur aide auditive et oreilles nues
séparées.
Pour les patients appareillés avec un système à compression fréquentielle (n=27),
nous avons effectué ce test avec le Soundrecover activé, désactivé et sans aides
auditives (6 x 64 logatomes). Pour des raisons de temps, certains patients n’ont pas
été testés oreilles nues.
Le continuum /ʃ/→/s/ a été effectué au casque sur 13 normo-entendants et 48
malentendants.
La Fonction sigmoïde est définie pour tout réel x par :
a : correspond à la valeur du « plateau »
-ab/4 correspond à la pente à « mi-plateau » : c/b : correspond au décalage par rapport à l’origine.
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36
2.3 Méthodes d’analyses statistiques utilisées
Afin de pouvoir analyser les réponses du continuum, nous avons tout d’abord
effectué des régressions non-linéaires basées sur une sigmoïde (Figure II.5). Ceci
nous a permis de déterminer le niveau du bruit de friction à partir duquel moins de
50% des réponses étaient discriminée comme étant des [aʃa]. Nous avons noté ce
niveau N50%. Nous avons ensuite effectué une analyse de covariance afin de
rechercher les paramètres covariants avec le niveau N50%. L'Analyse de la
Covariance (ANCOVA) est un modèle linéaire général avec une variable produite
continue (quantitative) et plusieurs variables prédictrices dont l'une au moins est
qualitative. ANCOVA est la fusion d'ANOVA et de la régression pour les variables
continues. Une ANCOVA teste si certains facteurs ont un effet sur la variable résultat
après avoir enlevé la variance dont les prédicteurs quantitatifs sont responsables.
L'inclusion de covariables peut accroître la puissance statistique parce qu'elles sont
la cause d'une certaine variabilité. Dans notre analyse, le niveau corespondant au
50% de réponses (N50%) sera la variable produite. Et notre analyse recherche les
variables prédictrices parmi les paramètres suivants : Age du patient, la durée
d’appareillage, durée d’appareillage avec ses aides auditives actuelles, les seuils
liminaires à 250Hz, 500Hz, 750Hz, 1000Hz, 1500Hz, 2000Hz, 3000Hz, 4000Hz,
6000Hz, 8000Hz, les seuils subjectifs d’inconfort de 250Hz à 6000Hz, les
dynamiques auditives résiduelles entre 250Hz et 6000Hz ainsi que le fait que le
patient soit appareillés avec de la compression fréquentielle (CF) ou non (NCF).
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37
Résultats
1 Résultats d’audiométrie
Pour les deux groupes de patients CF et NCF, les résultats audiométriques tonaux
sont sensiblement les mêmes. La perte moyenne calculée d’après les
recommandations du BIAP est de 41,7dBHL pour le groupe CF et 39 dB HL pour le
groupe NCF.
Figure III.1 : Seuils tonaux liminaires moyens, seuils subjectifs d’inconfort et les erreurs types correspondantes. En bleu, les seuils moyens du groupe testé disposant d’aides auditives à compression fréquentielle (noté CF, n= 27) et en rouge, les seuils moyens du groupe appareillé avec des aides auditives à amplification conventionnelle (noté NCF, n=21).
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38
2 Tests de logatomes – VCV
Résultats de l’ensemble des malentendants testés oreilles nues.
Le tableau III.1.a donne le pourcentage de phonèmes correctement identifiés par 28
malentendants testés oreilles nues (soit 56 oreilles testées). Ce groupe de sujets
comporte 16 sujets appareillés avec des aides auditives conventionnelles et 12
patients appareillés avec des aides auditives à compression fréquentielle. Nous
observons ainsi que les phonèmes les moins bien identifiés sont les occlusives
orales non voisées : /p/ et /t/ (plus de 50% d’erreurs). Le /m/ est correctement
identifié dans 58% des cas et lorsqu’il y a une confusion, il est confondu avec le /n/
(39% ce qui représente 93% des confusions pour le /m/). Le /d/ (65% d’identifications
correctes) est souvent confondu avec le /b/ (11% soit 31% des confusions) et le /g/
(17% soit 48% des confusions). Les fricatives sont correctement identifiées dans
73% des cas en moyenne. Le /v/ est la fricative la moins bien identifiée (63%), pour
les autres fricatives les résultats varient entre 70% et 80 %. Lorsqu’il y a une
confusion sur une fricative, le phonème perçu est lui-même une fricative dans 97%
des cas.
Le tableau III.1.b. donne les pourcentages de reconnaissances par traits acoustiques
et traits articulatoires pour les 28 patients testés oreilles nues dont la matrice de
confusions est donnée au tableau III.1.a. Le taux moyen d’intelligibilité est de 74%.
Le trait acoustique le moins bien détecté est la distinction « Grave/Aigu » : 84%. Le
trait articulatoire le moins bien identifié est le lieu d’articulation (79%). La labialisation
est particulièrement mal perçue 72%. Ce qui signifie que pour les consonnes
labiales, les confusions vont vers un autre groupe de consonnes.
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39
Logatomes perçus aPa aTa aKa aBa aDa aGa aMa aNa aLa aRa aCHa aSa aFa aJa aZa aVa
Loga
tom
es é
mis
aPa 48 8 2 1 0 0 0 0 0 0 2 10 28 0 1 0 aTa 6 44 31 0 0 0 0 0 0 0 3 14 1 0 0 0 aKa 2 1 92 0 0 0 0 0 0 0 1 2 2 0 0 0 aBa 0 0 0 84 4 0 0 3 0 0 1 0 0 0 4 4 aDa 0 0 0 11 65 17 0 0 0 0 0 0 0 0 6 1 aGa 0 0 0 3 10 79 0 0 0 0 0 0 0 0 8 1 aMa 0 0 0 1 0 0 58 39 0 1 0 0 0 0 0 1 aNa 0 0 0 0 0 0 2 94 2 0 0 0 0 0 0 2 aLa 0 0 0 0 0 0 0 4 95 1 0 0 0 0 0 0 aRa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 94 0 0 0 0 4 1 aCHa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 83 10 6 0 0 0 aSa 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 13 73 8 0 1 0 aFa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 9 20 70 0 0 0 aJa 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 71 24 2 aZa 0 0 0 1 4 4 0 0 0 0 0 0 0 6 79 7 aVa 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 2 33 63
Tableau III.1.a : Pourcentage d’identifications oreilles nues pour les 28 patients malentendants (56 oreilles testées) : groupe CF (n=12 soit 24 oreilles) et groupe NCF (n=16 soit 32 oreilles). Chaque phonème est testé 4 fois par oreille, ce qui donne un total de 224
identifications par phonèmes.
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40
Traits Acoustiques Traits Articulatoires Intelligibilité moyenne : 74 %
%
%
%
% Grave/Aigu 84 Grave 81 Lieu 79 Labiales 72
Aigu 87
Dentales 80
Compact/Diffus 89 Compact 84
Palatales 84
Diffus 91
Interrompu oui/non 93 Interrompu 90 Mode 92 Occlusives 88
Non interrompu 97
Fricatives 97
Continu/Discontinu 93 Continu 98
Liquides 95
Discontinu 85
Sonore/Sourd Sonore 95 Voisement 93 Voisement identifié 95
Sourd 88
Absence de voisement 88
Vocalique oui/non 90 Vocalique 88
Non Vocalique 95
Oral/Nasal 99 Nasal 97 Nasalisation 99 Nasales 97
Oral % 99
Orales 99
Tableau III.1.b : Analyse de la matrice de confusions du tableau III.1 à l’aide des traits articulatoires et acoustiques. Ce tableau reprend l’analyse des résultats de 28 sujets malentendants testés oreilles nues (soit 56 oreilles testées). L’intelligibilité moyenne est de 74%. Cela signifie que 74% des phonèmes sont correctement identifiés. L’analyse par
traits donne les pourcentages moyens de bonne identification des traits.
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41
Résultats des malentendants appareillés avec des aides auditives classiques.
Les tableaux III.2.a et III.2.b. correspondent aux pourcentages d’identification des
phonèmes oreilles nues et appareillées pour les 16 patients équipés d’aides
auditives à amplification conventionnelle (groupe NCF).
Les tableaux III.3.a. et III.3.b. donnent les pourcentages de reconnaissances par
traits acoustiques et traits articulatoires pour les 16 patients équipés d’aides auditives
à amplification conventionnelle, dont les matrices de confusions sont données par les
tableaux III.2.a. et III.2.b. On note une amélioration de 8% en moyenne de
l’intelligibilité avec les aides auditives. Les résultats des tests Khi2 réalisés, en tenant
compte des répartitions complémentaires des traits et de la correction de Bonferroni,
nous indiquent que la reconnaissance de traits acoustiques et articulatoires est
significativement meilleure avec appareils que sans pour les malentendants utilisant
des aides auditives classiques (p<0,001). Ce résultat semble trivial, cependant, il faut
noter que les tests ont été effectués à des intensités jugées confortables par le sujet
(le test oreilles nues est souvent réalisé 10dB au-dessus du test avec aides
auditives). Ce qui montre que les bénéfices sont dus à une amplification adaptée à la
perte auditive en fonction des fréquences alors que l’amplification des haut-parleurs
est « plate ». De plus, la détection des traits de voisement, de mode, d’interruption,
vocalique ou non, est meilleure avec les aides auditives (p<0,001). Le trait
acoustique « grave » est mieux reconnu avec les aides auditives et le trait aigu moins
bien identifié (p<0,001). De même, le trait compact est mieux identifié avec les aides
auditives et le trait diffus est moins bien identifié (p<0,001).
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42
Logatomes perçus
aPa aTa aKa aBa aDa aGa aMa aNa aLa aRa aCHa aSa aFa aJa aZa aVa
Loga
tom
es é
mis
aPa 48 9 1 2 0 0 0 0 0 0 2 8 30 0 2 0
aTa 9 42 23 0 0 0 0 0 0 0 2 20 2 0 1 0
aKa 3 2 88 0 0 0 0 0 0 0 0 3 4 0 0 0
aBa 0 0 0 80 6 0 0 2 0 1 0 0 0 0 6 6
aDa 0 0 0 15 65 9 0 1 0 0 0 0 1 0 9 0
aGa 0 0 0 4 16 66 0 0 0 0 0 0 0 0 13 2
aMa 0 0 0 2 0 0 52 43 1 2 0 0 0 0 0 2
aNa 0 0 0 0 0 0 2 92 3 0 0 0 0 0 0 3
aLa 0 0 0 0 0 0 0 6 92 1 0 0 0 0 1 0
aRa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 90 0 0 1 0 8 2
aCHa 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 83 7 9 0 1 0
aSa 0 0 6 0 0 0 0 0 0 0 10 70 11 1 2 0
aFa 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 7 16 76 0 0 0
aJa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 73 22 4
aZa 0 0 0 2 6 1 0 0 0 0 0 0 0 0 84 8
aVa 0 0 0 2 1 0 0 1 0 1 0 0 0 2 30 63
Tableau III.2.a : Pourcentages d’identification de phonèmes oreilles nues pour les patients équipés d’aides auditives à amplification conventionnelle. (16 sujets testés)
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43
Logatomes perçus
aPa aTa aKa aBa aDa aGa aMa aNa aLa aRa aCHa aSa aFa aJa aZa aVa
Loga
tom
es é
mis
aPa 50 7 4 0 0 0 0 0 0 0 0 8 31 0 0 0
aTa 6 46 34 0 1 0 0 0 1 0 0 11 2 0 0 0
aKa 0 0 100 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aBa 0 0 0 87 4 0 2 0 0 0 0 0 0 0 0 7
aDa 0 1 0 11 63 20 0 0 0 0 0 0 0 0 6 0
aGa 0 0 0 0 3 95 0 0 0 0 0 0 0 0 2 0
aMa 0 0 0 3 0 0 68 26 0 1 0 0 0 0 0 2
aNa 0 0 0 1 0 0 7 89 2 0 0 0 0 0 1 1
aLa 0 0 0 0 0 0 0 4 95 0 0 0 0 0 1 0
aRa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 98 0 0 0 0 1 1
aCHa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 96 2 2 0 0 0
aSa 0 2 7 0 0 1 0 0 0 0 7 66 17 0 1 0
aFa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 4 9 86 0 0 0
aJa 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 97 2 0
aZa 0 0 0 0 6 4 0 0 0 0 0 0 0 2 80 9
aVa 0 0 0 2 0 1 0 0 0 2 0 1 0 0 17 77
Tableau III.2.b : Pourcentages d’identifications des phonèmes oreilles appareillées pour les patients équipés d’aides auditives à amplifications conventionnelles (n=16, soit 32 oreilles).
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44
Traits Acoustiques Traits Articulatoires
Intelligibilité moyenne : 73 % % % % %
Grave/Aigu 83 Grave 79 Lieu 79 Labiales 72 Aigu 87 Dentales 82 Compact/Diffus 90 Compact 80 Palatales 80 Diffus 94 Interrompu oui/non 91 Interrompu 88 Mode 90 Occlusives 85
Non interrompu 96 Fricatives 96
Continu/Discontinu 92 Continu 98 Liquides 91 Discontinu 81 Sonore/Sourd Sonore 94 Voisement 91 Voisées reconnues 94 Sourd 85 Non Voisees reconnues 85 Vocalique oui/non 88 Vocalique 86
Non Vocalique 93
Oral/Nasal 99 Oral 99 Nasalisation 99 Nasales 99 Nasal 94 Orales 94 Tableau III.3.a : Analyse des confusions du tableau III.3.a pour 16 patients équipés d’aides auditives à amplification conventionnelle testés oreilles nues.
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45
Le tableau III.4.a donne les différences, en pourcentage, entre le test de logatomes
effectué avec ACA à amplification conventionnelle et oreilles nues (Tableau III.3.a –
Tableau III.2.a). Les deux tests (avec et sans aides auditives) ont été effectués à
niveaux confortables donc les intensités de passation sont souvent différentes (de +5
à +10dB).
Traits Acoustiques Traits Articulatoires Intelligibilité moyenne : 81 %
%
%
%
% Grave/Aigu 88 Grave 90 Lieu 86 Labiales 83
Aigu 85
Dentales 79
Compact/Diffus 94 Compact 97
Palatales 97
Diffus 92
Interrompu oui/non 94 Interrompu 93 Mode 93 Occlusives 91 Non interrompu 96
Fricatives 96
Continu/Discontinu 94 Continu 97
Liquides 96
Discontinu 88
Sonore/Sourd 96 Sonore 96 Voisement 94 Voisées reconnues 96
Sourd 89
Non Voisees reconnues 89
Vocalique oui/non 92 Vocalique 90
Non Vocalique 97
Oral/Nasal 99 Oral 100 Nasalisation 99 Nasales 100
Nasal 95
Orales 95
Tableau III.3.b : Analyse de la matrice de confusions du tableau III.3 à l’aide des traits articulatoires et acoustiques. (16 sujets testés avec leurs aides auditives à amplification conventionnelle)
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Logatomes perçus
aPa aTa aKa aBa aDa aGa aMa aNa aLa aRa aCHa aSa aFa aJa aZa aVa
Loga
tom
es é
mis
aPa 2,3 -2 3,1 -2 0 0 0 0 0 0 -2 0 0,8 0 -2 0
aTa -4 3,9 11 0 0,8 0 0 0 0,8 0 -2 -9 0 0 -1 0
aKa -3 -2 12 0 0 0 0 0 0 0 0 -3 -4 0 0 0
aBa 0 0 0 7 -2 0 2,3 -2 0 -1 0 0 0 0 -6 1,6
aDa 0 0,8 0 -4 -2 10 0 -1 0 0 0 0 -1 0 -3 0
aGa 0 0 0 -4 -13 30 0 0 0 0 0 0 0 0 -11 -2
aMa 0 0 0 1,6 0 0 16 -17 -1 -1 0 0 0 0 0 0,8
aNa 0 0 0 0,8 0 0 5,5 -3 -2 0 0 0 0 0 0,8 -2
aLa 0 0 0 0 0 0 0 -2 2,3 -1 0 0 0 0,8 0 0
aRa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 8,6 0 0 -1 0 -7 -1
aCHa 0 0 -1 0 0 0 0 0 0 0 13 -5 -6 0 -1 0
aSa 0 1,6 0,8 0 0 0,8 0 0 0 0 -3 -5 6,3 -1 -1 0
aFa -1 0 0 0 0 0 0 0 0 0,8 -3 -7 10 0 0 0
aJa 0 0 0 0 0,8 0 0 0 0 -1 0 0 0 23 -20 -4
aZa 0 0 0 -2 -1 3,1 0 0 0 0 0 0 0 1,6 -4 1,6
aVa 0 0 0 0,8 -1 0,8 0 -1 0 1,6 0 0,8 0 -2 -13 13
Tableau III.4.a : Différence entre les résultats (tableaux III.2a et III.3a) avec ACA et sans ACA à niveaux confortables. Les résultats sont donnés en pourcentages. (N=16, soit 32 oreilles testées). Les résultats en bleu sur la diagonale et les résultats rouges en dehors de la diagonale correspondent à des améliorations dues aux aides auditives.
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47
Résultats pour les malentendants appareillés avec des systèmes à
compression fréquentielle.
Les tableaux III.5.a. et b donnent les résultats obtenus pour les 21 patients équipés
d’aides auditives à compression fréquentielle. Ces résultats sont obtenus avec les
aides auditives des patients et les réglages auxquels ces patients sont habitués. Les
résultats avec la compression fréquentielle activée sont donnés dans le tableau
III.5.a et désactivée dans le tableau III.5.b.
Les tableaux III.6.a et b donnent les résultats en pourcentages, pour ces 21 patients,
selon les traits acoustiques et articulatoires.
A partir des deux matrices : tableaux III.5.a et III.5.b, nous avons établi une matrice
« différence » qui correspond à la soustraction de la matrice avec compression
fréquentielle activée et celle avec la compression fréquentielle désactivée. Ainsi dans
le tableau III.7, les valeurs positives sur la diagonale montrent un bénéfice de la
compression fréquentielle, alors que les valeurs négatives montrent un effet négatif.
Hors de cette diagonale, les valeurs négatives sont le reflet de différentiels de
confusions obtenues sans compression fréquentielle et les valeurs positives sont le
reflet de différentiels de confusions obtenues avec compression fréquentielle. En
moyenne, les résultats montrent une amélioration significative pour le /B/ et le /V/
(p<0,05). En revanche, le /s/ et le /Z/ sont moins bien identifiés. (p<0,05). L’analyse
par traits acoustiques, nous montre que la distinction grave/aigu est significativement
meilleure avec la compression fréquentielle (p<0,0002). Le trait continu/discontinu
est mieux identifié (p<0,0001). Le voisement est également mieux identifié (p<0,001).
En revanche, l’analyse des traits articulatoires de lieux et de modes ne fournit pas
d’information significative.
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Logatomes perçus
aPa aTa aKa aBa aDa aGa aMa aNa aLa aRa aCHa aSa aFa aJa aZa aVa
Loga
tom
es é
mis
aPa 65 9 1 1 0 0 0 0 0 0 1 6 17 0 0 0
aTa 1 43 42 0 1 0 0 0 0 0 3 8 2 0 0 0
aKa 0 0 97 0 1 0 0 0 0 0 0 1 2 0 0 0
aBa 0 0 0 98 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1
aDa 0 0 0 7 64 29 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0
aGa 0 0 0 1 1 96 0 0 0 0 0 0 0 0 2 0
aMa 0 0 0 1 0 0 85 14 1 0 0 0 0 0 0 0
aNa 0 0 0 0 1 0 4 95 1 0 0 0 0 0 0 0
aLa 0 0 0 0 0 0 0 2 98 0 0 0 0 0 0 0
aRa 1 0 0 0 0 0 0 0 0 99 0 0 1 0 0 0
aCHa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 96 1 3 0 0 0
aSa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 23 75 2 0 0 0
aFa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 11 18 70 0 0 0
aJa 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 91 7 1
aZa 0 0 0 1 3 2 0 0 0 0 0 1 0 17 76 1
aVa 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 19 80
Tableau III.5.a : Matrice de confusions avec la compression fréquentielle activée. (n=21 soit 42 oreilles, c’est-à-dire 168 identifications par phonèmes)
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Logatomes perçus
aPa aTa aKa aBa aDa aGa aMa aNa aLa aRa aCHa aSa aFa aJa aZa aVa
Loga
tom
es é
mis
aPa 59 6 1 0 0 0 0 0 0 0 1 10 21 0 0 1
aTa 0 36 51 0 0 1 0 0 0 0 2 10 1 0 0 0
aKa 0 0 95 0 0 0 0 0 0 0 0 5 1 0 0 0
aBa 0 0 0 91 3 0 0 0 0 0 1 0 1 0 3 1
aDa 0 0 0 2 62 33 0 0 0 0 0 0 0 0 3 0
aGa 0 0 0 0 2 95 0 0 0 0 0 0 0 0 3 0
aMa 0 0 0 0 0 0 82 15 0 0 0 0 0 1 0 2
aNa 0 0 0 0 0 0 4 95 1 0 0 0 0 0 0 0
aLa 0 0 0 0 0 0 0 1 99 0 0 0 0 0 0 0
aRa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 100 0 0 0 0 0 0
aCHa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 98 2 0 0 0 0
aSa 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 13 85 2 0 0 0
aFa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 7 23 70 0 0 0
aJa 0 0 0 0 1 0 1 0 0 0 0 0 1 87 9 2
aZa 0 0 0 0 4 2 0 0 0 0 0 0 0 5 87 2
aVa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 31 69
Tableau III.5.b : Matrice de confusions (en pourcentages) avec le soundrecover désactivé. (N=21 soit 42 oreilles testées)
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Traits Acoustiques Traits Articulatoires
Intelligibilité moyenne : 83 % % % % %
Grave/Aigu 89 Grave 91 Lieu 85 Labiales 84 Aigu 88 Dentales 78 Compact/Diffus 91 Compact 96 Palatales 96 Diffus 88 Oral/Nasal 100 Oral 100 Mode 96 Occlusives 94 Nasal 99 Fricatives 98 Continu/Discontinu 97 Continu 99 Liquides 98 Discontinu 93 Interrompu oui/non 97 Interrompu 96 Voisement 96 Voisement 96
Non interrompu 98 Voisées reconnues 99
Vocalique oui/non 94 Vocalique 92 Non Voisees reconnues 93
Non Vocalique 99
Sonore/Sourd 96 Sonore 99 Nasalisation 100 Nasales 100 Sourd 93 Orales 99 Tableau III.6.a : Analyse par traits phonétiques du tableau III.5.a. Sujets avec le système à compression fréquentielle activé.(n=21 soit 42 oreilles et 168 identifications pour chaque phonème)
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51
Traits Acoustiques Traits Articulatoires
Intelligibilité moyenne : 82 % % % % %
Grave/Aigu 87 Grave 87 Lieu 85 Labiales 79 Aigu 87 Dentales 80 Compact/Diffus 91 Compact 95 Palatales 95 Diffus 89 Oral/Nasal 100 Oral 100 Mode 95 Occlusives 91 Nasal 98 Fricatives 99 Continu/Discontinu 96 Continu 99 Liquides 99 Discontinu 89 Interrompu oui/non 95 Interrompu 93 Voisement 95 Voisement 95
Non interrompu 99 Voisées reconnues 98
Vocalique oui/non 94 Vocalique 92 Non Voisees reconnues 91
Non Vocalique 99
Sonore/Sourd 95 Sonore 98 Nasalisation 100 Nasales 100 Sourd 91 Orales 98 Tableau III.6.b : Analyse par traits phonétiques, des confusions, des sujets appareillés avec des systèmes à compression fréquentielle testés avec le Soundrecover désactivé. (N=21)
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52
Logatomes perçus
aPa aTa aKa aBa aDa aGa aMa aNa aLa aRa aCHa aSa aFa aJa aZa aVa
Loga
tom
es é
mis
aPa 5,95 2,98 0 1,19 0 0 0 0 0 0 0 -4,2 -4,8 0 0 -1,2
aTa 0,6 7,74 -8,9 0 1,19 -0,6 0 0 0 0 0,6 -1,8 1,19 0 0 0
aKa 0 0 2,38 0 0,6 0 0 0 0 0 0 -4,2 1,19 0 0 0
aBa 0 0 0 7,14 -2,4 0 0 0 0 0 -1,2 0 -1,2 0 -3 0,6
aDa 0 0 0 4,17 1,79 -4,2 0 0 0 0 0 0 0 0 -1,8 0
aGa 0 0 0 1,19 -1,2 1,19 0 0 0 0 0 0 0 0 -1,2 0
aMa 0 0 0 0,6 0 0 2,38 -1,8 1,19 0 0 0 0 -0,6 0 -1,8
aNa 0 0 0 0 0,6 0 0 0 -0,6 0 0 0 0 0 0 0
aLa 0 0 0 0 0 0 0 1,19 -1,2 0 0 0 0 0 0 0
aRa 0,6 0 0 0 0 0 0 0 0 -1,2 0 0 0,6 0 0 0
aCHa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 -1,2 -1,8 2,98 0 0 0
aSa 0 0 -0,6 0 0 0 0 0 0 0 10,1 -9,5 0 0 0 0
aFa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4,76 -4,8 0 0 0 0
aJa 0 0 0 0 -0,6 0 0 0 0 0 0 0 -1,2 4,17 -1,8 -0,6
aZa 0 0 0 0,6 -0,6 0 0 0 0 0 0 0,6 0 11,9 -11 -1,8
aVa 0 0 0 0,6 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 -12 11,3
Tableau III.7 : Différence de pourcentages d’identifications des phonèmes pour les patients équipés d’aides auditives avec compression fréquentielle. Les résultats sont les différences entre les réponses avec compression fréquentielle et sans compression fréquentielle. (N=21) (tableau III.5.a - tableau III.6.a). Les intensités de passation sont les mêmes. Résultats = Matrice soundrecover activé – Matrice soundrecover désactivé.
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53
3 Continuum /ʃ/→/s/
Au total, le test du continuum a été effectué sur 48 patients (soit 96 oreilles) et sur 13
normo-entendants (soit 26 oreilles). La figure III.8 donne les résultats du groupe de
normo-entendants. La moyenne du niveau N50% est de 8,74 et l’écart-type de 1,1.
Les valeurs vont de 7,2 à 11.Tous les normo-entendants ont montré une perception
catégorielle au continuum /ʃ/→/s/.
Nous avons testés 27 sujets équipés d’aides auditives à compression fréquentielle.
Parmi eux, 4 sujets n’ont pas pu faire la distinction entre le /ʃ/ et le /s/. Certains n’ont
perçus que des /ʃ/ (2 sujets). Pour les autres, les résultats ne sont pas cohérents et
semblent avoir été donnés au hasard. D’autre part, pour 3 sujets, les réponses
Figure III.8 : Ensemble des régressions linéaires pour les 13 normo-entendants (26 oreilles). La moyenne des réponses pour les 13 normo-entendants est tracée en vert. Moyenne N50% = 8,74. Ecart-type =1,1
Niveau
Nbre de /ʃ/
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étaient cohérentes sur l’une des deux oreilles mais pas sur l’autre. Au total, nous
avons obtenu des réponses pouvant être modélisées pour 23 sujets et 43 oreilles
testées.
La figure III.9 donne l’ensemble des régressions linéaires pour les sujets
malentendants équipés d’aides auditives à compression fréquentielle. Le niveau
N50% moyen est de 7,24 et l’écart-type de 2,29. Les valeurs du N50% vont de 2,71
à 11,95. Les réponses sont significativement différentes du groupe des normo-
entendants (p=0,0005 ;Test Khi²). La frontière de discrimination moyenne se situe à
7,24 contre 8,74 pour les normo-entendants. La frontière de discrimination se situe
donc plus d’un demi-ton en-dessous de celle des normo-entendants.
Figure III.9 : Ensemble des régressions linéaires pour les patients appareillés avec des systèmes à compression fréquentielle. La moyenne est tracée en bleu (n=23 et 43 oreilles modélisées). Réponses moyennes des sujets malentendants équipés d’aides auditives à compression fréquentielle. Moyenne N50% = 7,24 Ecart-type = 2,29
Nbre de /ʃ/
Niveau
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
55
Parmi les 21 sujets testés appareillés avec des aides auditives conventionnelles,
nous avons pu modéliser les réponses données pour 19 d’entre eux. Deux d’entre
eux ont été incapables de distinguer les /ʃ/ des /s/. Les résultats ne sont pas
cohérents et semblent avoir été donnés au hasard. Et pour trois sujets, les réponses
étaient cohérentes sur l’une des deux oreilles. Au total, nous avons pu modéliser les
réponses de 19 sujets pour un total de 35 oreilles. Le niveau N50% moyen est de 7,5
et l’écart-type de 2,4. Les valeurs du N50% vont de 2,9 à 10,7. Les réponses sont
significativement différentes du groupe des normo-entendants (p=0,01 ; Test Khi²). Il
est à noter sur la figure III.10 que 6 courbes sur 35 décalent le N50% moyen vers les
graves. Sans ces six courbes, le niveau N50% moyen serait de 8,34 et l’écart-type
de 1,69. Ce qui rapprocherait ces résultats de ceux obtenus par le groupe de normo-
entendants.
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56
Normo-entendants n=13
Malentendants habitués à la compression fréquentielle. n=23
Malentendants appareillés avec des aides auditives conventionnelles. n=19
Malentendants appareillés avec des aides auditives conventionnelles. n=19 Sans les 6 courbes
Moyenne du N50% 8,74 7,24 7,50 8,34
Ecart-type 1,1 2,29 2,44 1,69
Figure III.10 : Ensemble des régressions linéaires des patients équipés de systèmes à amplification conventionnelle. La moyenne est notée en rouge.(n=19 et 35 oreilles). Moyenne des réponses des sujets équipés d’aides auditives conventionnelles. Moyenne N50%= 7,50, Ecart-type = 2,44. Six courbes semblent être particulièrement décalées vers les graves. Lorsqu’on ne les considère pas, le niveau moyen N-50% est de 8,34 et l’écart-type de 1,69. Ces données se rapporchent donc des données des normo-entendants.
Niveau
Nbre de /ʃ/
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57
Figure III.11 : Répartitions en pourcentages des niveaux de discrimination N50% pour les sujets normo-entendants (vert), les sujets appareillés avec compression fréquentielle (sujets avec CF en bleu) et ceux appareillés avec des systèmes conventionnels (sans CF, en rouge) en fonction du niveau N50%.
Figure III.12 : Régressions sigmoïdales des groupes des normo-entendants, des sujets avec compression fréquentielle (CF, en bleu) et des sujets sans compression fréquentielle (NCF, en rouge).
Niveau
Nbre de /ʃ/
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58
Variable Minimum Maximum Moyenne Ecart-type
N50% 2,7 11,9 7,3 2,3
Age 51 93 73,5 11,0
ACA depuis 0,25 24 3,4 4,4
ACA actuelles depuis 0,25 5 1,8 1,2
250Hz 5 55 24,2 10,8
500Hz 5 70 28,7 14,2
750Hz 10 70 33,0 14,5
1000Hz 10 75 37,1 15,9
1500Hz 15 80 43,2 15,1
2000Hz 20 75 46,6 14,4
3000Hz 30 95 55,4 12,7
4000Hz 45 90 66,0 11,6
6000Hz 25 110 74,1 14,6
8000Hz 25 115 77,2 15,2
SSI 250 Hz 70 130 95,4 12,6
SSI 500 Hz 75 120 97,7 12,3
SSI 750 Hz 75 120 98,3 12,6
SSI 1000 Hz 75 120 99,1 13,1
SSI 1500 Hz 75 120 99,8 13,4
SSI 2000 Hz 75 120 99,9 13,4
SSI 3000 Hz 75 130 102,5 13,4
SSI 4000 Hz 75 130 104,5 12,7
SSI 6000 Hz 70 130 106,4 13,1
Dynamique 250 40 110 71,3 14,7
Dynamique 500 25 105 69,0 16,6
Dynamique 750 30 100 65,3 15,9
Dynamique 1000 20 100 62,1 17,5
Dynamique 1500 20 95 56,6 16,3
Dynamique 2000 25 90 53,3 14,9
Dynamique 3000 5 80 47,1 14,8
Dynamique 4000 5 75 38,5 13,9
Dynamique 6000 0 65 31,9 13,5
Variable Catégories Fréquences %
CF CF 43 55
NCF 35 44
Tableau III.14 : Récapitulatifs des données patients utilisées pour l’analyse ANCOVA.
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59
Le graphique III.11 représente les niveaux N50% pour les trois groupes : NE, CF et
NCF. On remarque que les valeurs des niveaux N50% sont beaucoup plus
dispersées pour les sujets malentendants (CF et NCF) que pour les sujets du groupe
de normo-entendants. Les répartitions différent entre les NE et CF (p=0,0005), NE et
NCF (p=0,01). En revanche, les différences entre le groupe CF et NCF ne sont pas
significatives avec un test de Student.
Afin de voir quels paramètres peuvent expliquer les différences de résultats entre les
sujets des groupes CF et NCF, nous avons réalisé une analyse de covariance
(ANCOVA). L’analyse ANCOVA montre que le seuil à 3000Hz est le paramètre le
plus fortement corrélé au niveau N50%. Le tableau III.14 récapitule les variables
utilisées pour l’analyse ANCOVA. Le tableau III.15 donne les résultats de l’analyse
ANCOVA recherchant le meilleur modèle. Le seuil à 3 kHz est le paramètre le plus
fortement lié au niveau N50%. On le retrouve dans les différents modèles et sous
forme de la dynamique D3000 pour le modèle à 5 variables. Avec 5 paramètres,
nous avons obtenus un modèles intéressant : R²=0,51 et R² ajusté = 0,346.
Modèle déterminé par l’analyse ANCOVA :
N50% = 7,99 - 0,67*ACA actuelles depuis+0,14*SSI 1000-0,17*SSI 2000+0,091*Dyn3000-1,74*CF
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Nbre de variables Variables R² R² ajusté
1 3000Hz 0,305 0,086
2 3000Hz / SSI 750 0,401 0,209
3 ACA actuelles depuis / 3000Hz / S750 0,417 0,228
4 ACA actuelles depuis / 3000Hz / SSI 1000 Hz/ CF 0,477 0,305
5 ACA actuelles depuis / SSI 1000 / SSI 2000 / Dynamique 3000 / CF 0,510 0,346
Tableau III.15 : Suivant le nombre de paramètres choisis, l’analyse de covariance, nous indique les paramètres les plus pertinents. On observe qu’à partir d’une analyse de covariance à 4 paramètres. Deux critères ne sont pas audiométriques : la durée
d’appareillage et la présence de compression fréquentielle.
Figure III.17 : N50% observés en fonction des niveaux N50% prédits par notre modèle. n=44 sujets pour 78 oreilles testées et modélisées.
R² =0,51 et R²ajusté = 0,346
Modèle déterminé par l’analyse ANCOVA :
N50% = 7,99 - 0,67*ACA actuelles depuis+0,14*SSI 1000-0,17*SSI 2000+0,091*Dyn3000-1,74*CF
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61
Discussion
4 Test de logatomes – VCV
Le tableau III.4.a montre la différence d’intelligibilité avec des aides auditives
conventionnelles et sans. Les deux tests sont effectués à un niveau confortable. Les
niveaux d’intensités des deux tests pouvaient être différents (dans la majorité des
cas +5 à +10 dB pour le test sans aides auditives). Les résultats sont intéressants
car ils montrent une amélioration de l’intelligibilité de 8% en moyenne. De plus,
l’analyse par traits acoustiques et articulatoires montre une amélioration significatives
(p<0,001) de l’identification de traits : « Interrompu ou non Interrompu », « vocalique
ou non », du voisement et du mode d’articulation. Ces améliorations ne sont pas
dues à une notion d’intensité du message mais à une correction adaptée à la perte
auditive. De plus, on remarque une forte amélioration de l’indentification de certains
phonèmes comme pour le /g/ (+30%) et le /Ʒ/ (+23%). Sans les aides auditives, le /g/
était majoritairement confondu avec le /d/ et le /z/. Le /Ʒ/ était majoritairement
confondu avec un /z/. Le /Ʒ/ et le /z/ constituent une paire minimale. Ils différent d’un
point de vue articulatoire, uniquement, par le lieu d’articulation et d’un point de vue
acoustique par leur caractère compact (pour le /Ʒ/) et diffus pour le /z/. On retrouve
cette opposition entre le /g/ qui est compact et le /d/ qui est diffus. Ces améliorations
sont principalement dues à une amplification adaptée en fonction de la surdité
suivant les différents canaux de l’aide auditive, en particulier en fournissant une
meilleure qualité d’informations sur les medium-aigus. De même, le /m/ se distingue
mieux du /n/ (+16%). On remarque également que les confusions « lointaines » sont
moins fréquentes. Par exemple, de nombreuses occlusives sont confondues avec
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
62
des fricatives. (ex : /t/ avec un /s/). Avec les aides auditives, ces confusions sont
améliorées et se portent davantage sur des consonnes du même mode articulatoire
(Tableau IV.a).
En revanche, on s’aperçoit que la perception des consonnes /s/ et /z/ est moins
bonne avec une aide auditive que sans (respectivement -5% et -4%). Pour ces
phonèmes, on s’aperçoit qu’une amplification « plate » mais avec une meilleure
bande passante est préférable à une amplification adaptée mais limitée en bande
passante. Ces remarques montrent les limites des performances des aides auditives
sur les fréquences aiguës.
Nous avons également comparé les résultats avec et sans compression fréquentielle
pour les patients habitués à la compression fréquentielle. Les résultats montrent
qu’en moyenne la compression fréquentielle n’améliore pas l’intelligibilité des
phonèmes à une intensité confortable et dans le silence. Certains patients en tirent
des bénéfices allant jusqu’à +20% alors que pour d’autres les résultats peuvent être
délétères. Cependant, les résultats de la matrice différence CF-NCF (figure III.7.a)
montrent que la compression fréquentielle améliore l’intelligibilité des consonnes
occlusives. En particulier pour les phonèmes /t/ et /p/ qui sont les phonèmes les plus
courts (durée de l’explosion /p/=9ms et /t/=19ms, d’après Renard C., Précis
d’audioprothèse-Production, phonétique acoustique et perception de la parole). La
reconnaissance du /p/ est améliorée de 6% et surtout les confusions se portent
désormais davantage sur d’autres occlusives, alors que sans compression, il y avait
davantage de confusions vers un autre mode d’articulation. Les résultats montrent
également une amélioration significative pour le /b/ et le /v/ (p<0,05/16). Ces deux
phonèmes ont de nombreuses caractéristiques communes, puisqu’elles constituent
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
63
une paire élémentaire. Elles différent simplement par leur mode d’articulation d’un
point de vue articulatoire et par leur caractère continu (pour le /v/) ou interrompu
(pour le /b/) d’un point de vue acoustique.
En revanche, nous avons remarqué que la compression fréquentielle pouvait être
délétère sur les fricatives, en particulier pour les phonèmes ayant les composantes
spectrales les plus aiguës comme le /s/ et le /z/. Ces résultats sont significatifs
(p<0,001). Cependant, ces confusions sur les /z/ qui sont perçus comme des /Ʒ/ et
les /s/ qui sont perçus comme des /ʃ/, sont principalement dues à 3 personnes (4
oreilles) qui sont responsables de 14 confusions sur 17 dues à la compression
fréquentielle. Pour ces patients, il serait judicieux d’effectuer des tests
complémentaires afin de voir si un niveau de compression fréquentielle moins élevé
pourrait augmenter leurs performances et leur qualité d’écoute au quotidien. Les
résultats de ces tests VCV reflètent l’intelligibilité des logatomes dans le silence. Il
n’est pas évident que les résultats dans le bruit ou en conditions réelles d’utilisation
soient meilleurs avec un réglage de compression fréquentielle moins élevé.
Toutefois, la question mérite d’être posée.
Lorsqu’on observe la matrice du tableau III.7, il semble que les confusions se portent
sur des phonèmes moins « éloignés » acoustiquement : c’est-à-dire de phonèmes
n’ayant qu’un ou deux traits acoustiques qui différent. Cette amélioration est difficile à
quantifier, aussi nous avons effectué une analyse par traits acoustiques. Celle-ci
permet d’obtenir des résultats significatifs. En effet, le trait grave/aigu est mieux
identifié avec la compression fréquentielle (p<0,0002). En comprimant l’information
dans une zone où l’audition du patient est meilleure, celui-ci parvient mieux à
identifier si c’est la partie haute ou basse du spectre qui domine. Le trait
continu/discontinu est également mieux perçu avec la compression fréquentielle
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
64
(p<0,0001). En effet, certains patients percevaient certaines occlusives comme des
fricatives. Certainement à cause d’une mauvaise définition des informations aiguës
(transitions formantiques et surtout hauteur de la barre d’occlusion). Ainsi, en
abaissant les fréquences aiguës, ces informations sont mieux identifiées. Le trait
sonore (voisé) ou sourd est également mieux perçu (p<0,001). Ces résultats
montrent que la compression fréquentielle améliore la distinction de certains traits
acoustiques. On peut donc imaginer que le malentendant aura plus de facilités à
identifier des mots ou des phrases s’il perçoit mieux certains traits acoustiques.
Toutefois, même si la compression fréquentielle semble améliorer la reconnaissance
de traits acoustiques et ainsi éviter des confusions « lointaines », elle génère des
distorsions qui peuvent engendrer des confusions entre phonèmes proches. C’est
pourquoi, dans notre étude, comme dans d’autres, nous n’avons pas trouvé
d’amélioration de l’intelligibilité en moyenne. (Glista 2009, Simpson 2006,O’Brien
2010)
D’autre part, il est intéressant de remarquer que l’analyse par traits articulatoires ne
permet pas de conclure sur des résultats significatifs, mis à part pour l’identification
du voisement qui est un trait commun aux traits articulatoires et acoustiques. Les
traits acoustiques paraissent donc plus à même d’analyser les bénéfices apportés
par les aides auditives à compression fréquentielle que les traits articulatoires.
Exemple du cas de Mr B. :
Le cas de Mr.B. (57 ans) est intéressant car il n’est pas isolé. Nous avons d’ailleurs
vu que les résultats négatifs de la compression fréquentielle venaient principalement
de cas de quelques sujets qui identifiaient moins bien les fricatives avec le
Soundrecover. Dans le cas de Mr.B., avec son réglage habituel de compression
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
65
fréquentielle, celui-ci confond les fricatives les plus aigües avec celles plus graves.
Pourtant, Mr.B porte des aides auditives à compression fréquentielle plus de 11h par
jour depuis 20 mois. Devant ce genre de confusion, le reflexe est de diminuer la
compression fréquentielle. Cependant, les résultats (tableau IV.1.b) montrent qu’en
augmentant Fc, c’est-à-dire en baissant le niveau de compression fréquentielle,
Mr.B. fait davantage de confusions sur les consonnes occlusives. Nous avons
recherché un réglage intermédiaire mais dans le cas de Mr.B, nous n’avons pas
trouvé de niveau de compression lui permettant de gagner sur les deux tableaux. La
perception étant catégorielle, les confusions passaient des fricatives aux occlusives
lorsqu’on franchissait la barrière suivante : Fc=3,7kHz CR=2,6:1.
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66
Logatomes perçus
aPa aTa aKa aBa aDa aGa aMa aNa aLa aRa aCHa aSa aFa aJa aZa aVa
Loga
tom
es é
mis
aPa 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aTa 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aKa 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aBa 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aDa 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aGa 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aMa 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aNa 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0
aLa 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0
aRa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0
aCHa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0
aSa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0
aFa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0
aJa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0
aZa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0
aVa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4
Tableau IV.1.a : Cas de Mr.B. : avec le réglage de compression fréquentielle Fc=1,5kHz et Cr = 2,5:1. Tous les phonèmes sont correctement identifiés seuls les /s/ sont confondus avec des /ʃ/ et les /z/ avec des /Ʒ/. Ce qui va dans le sens d’un niveau de compression trop élevé.
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Logatomes perçus
aPa aTa aKa aBa aDa aGa aMa aNa aLa aRa aCHa aSa aFa aJa aZa aVa
Loga
tom
es é
mis
aPa 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aTa 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aKa 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aBa 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aDa 0 0 0 0 2 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aGa 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
aMa 0 0 0 0 0 0 3 1 0 0 0 0 0 0 0 0
aNa 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0
aLa 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0
aRa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0
aCHa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0
aSa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 3 0 0 0 0
aFa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0
aJa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0
aZa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0
aVa 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 4
Tableau IV.1.b : Cas de Mr. B. Avec un réglage de compression fréquentielle moins important (Fc=3,7kHz, CR=2,6 :1) les fricatives sont mieux identifiées, en revanche il y a plus d’erreurs sur les occlusives. Le score d’intelligibilité est le même pour les deux réglages (87,5%).
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68
5 Continuum /ʃ/→/s/
Les résultats du continuum montrent une plus grande variabilité du niveau N50%
pour les patients malentendants. Pour les normo-entendants, nous avons un niveau
N50% de 8,74 avec un écart-type de 1,1 alors que pour les malentendants le niveau
N50% est décalé vers les graves : N50%=7,5 avec un écart type = 2,44.
La perception catégorielle des fricatives des malentendants est modifiée par rapport
à celle des normo-entendants. Tout d’abord, la frontière de perception entre le /ʃ/ et
le /s/ est très différente d’un sujet à l’autre. Les résultats sont beaucoup plus
homogènes pour les normo-entendants (figures III.8 et III.9). En, moyenne les
malentendants testés distinguent le /s/ du /ʃ/ pour un niveau de bruit de friction plus
grave que les normo-entendants (p=0,001, Test de Student). Ces patients
malentendants ont, semble-t-il, adapté leur perception des fricatives afin d’exploiter
au mieux les informations qui leur sont audibles à la fois compte tenu-de leur perte
auditive mais également en fonction de la réhabilitation par les aides auditives.
Pour les 39 patients malentendants montrant une discrimination catégorielle à notre
test, les résultats montrent que le niveau frontière entre le /ʃ/ et le /s/ (N50%) sont
associés principalement avec la perte auditive à 3000Hz. Lors de la recherche d’un
modèle, le seuil liminaire à 3000Hz est le critère le plus pertinent (cf. tableau III.15).
Avec l’analyse ANCOVA, le modèle à 4 paramètres met en avant deux paramètres
non audiométriques. Tout d’abord, l’ancienneté de l’appareillage actuellement porté
par le patient est liée au niveau N50%. Et d’autre part, le fait que le patient soit
appareillé avec un système à compression fréquentielle joue un rôle dans le modèle
de prédiction du niveau N50%. La modélisation avec l’analyse de covariance montre
COLIN David CC BY-NC-ND 2.0
69
que plus la perte à 3000Hz est importante plus la frontière de discrimination sera
décalée vers les graves. Cette donnée se retrouve dans le modèle à 5 variables sous
une forme différente avec la dynamique à 3000Hz. Plus la dynamique est faible, plus
le niveau N50% est décalé vers les graves.
Dans notre modèle, on retrouve également les seuils subjectifs d’inconforts à 1000Hz
et à 2000Hz. Dans la formule du modèle, on a 0,14*SSI1000 – 0,17*SSI2000. Ces
deux variables combinées correspondent à une pente des seuils d’inconforts qui est
dans de nombreux cas le reflet de la pente tonale liminaire. Ainsi, plus la pente du
seuil d’inconfort entre 1000Hz et 2000Hz est importante plus la perception
catégorielle est décalée vers les graves.
Ces données audiométriques prises en compte pour notre modèle montrent que les
sujets ont adapté leur perception catégorielle en fonction de leur perception auditive.
Le seuil tonal à 3kHz est le critère le plus pertinent (R² = 0,3). Plus le seuil à 3kHz est
bas et plus le /s/ est détecté avec un bruit de friction grave. Cela montre que le
malentendant a adapté sa perception catégorielle à son audition. Comme son
audition ne lui permet plus d’exploiter correctement les informations aigües. Il est
probable que des phénomènes de plasticité neuronale liée à la privation auditive
modifient la perception catégorielle de ces phonèmes.
Un autre critère pris en compte est la durée d’appareillage avec les appareils
actuellement portés par le patient. Plus le patient est appareillé depuis longtemps
plus son seuil N50% de perception catégorielle est décalée vers les graves. La prise
en compte de ce critère est relativement complexe à analyser. En effet, la durée
d’appareillage totale qui a également été prise en compte dans l’analyse, n’a pas été
retenue. En revanche, la durée d’appareillage avec les appareils actuellement portés
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par le patient joue un rôle significatif dans notre modèle. Pour expliquer ce
phénomène, il faut distinguer deux cas : celui des aides auditives à compression
fréquentielle et celui des aides auditives à amplification conventionnelle. Pour les
aides auditives à compression fréquentielle, l’explication est assez simple car plus le
patient porte des aides auditives à compression fréquentielle depuis longtemps plus
son niveau N50% est décalé vers les graves. Ainsi, plus il est habitué à entendre les
fréquences aigües décalées vers les graves avec ses aides auditives et plus sa
perception catégorielle se fait à un niveau de frontière grave. D’autre part, pour les
patients appareillés avec des aides auditives à amplification conventionnelle, une
explication pourrait venir de la bande passante limitée sur les aigus. Ainsi avec des
appareils anciens et limités sur les aigus, la perception catégorielle se ferait à un
niveau plus grave. Plus le patient porte des aides auditives anciennes et sans doute
moins performantes, plus sa perception catégorielle est décalée vers les graves. La
perception catégorielle du patient s’adapte alors aux informations qui lui sont fournies
par les aides auditives.
La cinquième variable du modèle correspond au fait que le patient porte des aides
auditives à compression fréquentielle. Cette variable qualitative décale le niveau
N50% de 1,7 vers les graves dans notre modèle. Ainsi, pour les patients appareillés
avec un système à compression fréquentielle, leur perception catégorielle du /s/,
oreilles nues, est décalée vers les graves. Ces résultats semblent aller dans le sens
d’une plasticité induite par les aides auditives à compression fréquentielle.
Le fait que notre modèle comporte deux critères liés à l’appareillage conforte l’idée
d’une plasticité de réhabilitation induite par le port d’aides auditives. La perception
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catégorielle est alors modifiée afin de s’adapter aux informations que le
malentendant perçoit.
Pour confirmer ces résultats, il serait intéressant de mener une étude longitudinale
sur des patients nouvellement appareillés avec de la compression fréquentielle. Cela
nous permettrait d’observer les variations de cette perception catégorielle dans le
temps.
Il serait également intéressant d’évaluer l’évolution de la perception catégorielle avec
la réhabilitation des hautes fréquences de manière non compressée. Il est possible
qu’avec une meilleure audibilité des hautes fréquences la perception catégorielle se
décale vers les aigus.
D’un point de vue prothétique, on pourrait également imaginer régler le niveau de
compression fréquentielle en fonction des résultats au test du continuum /ʃ/→/s/ afin
de permettre au patient de retrouver un niveau de perception catégorielle identique
au groupe des normo-entendants. Ceci consisterait à faire le test du continuum
/ʃ/→/s/ en champ libre avec les aides auditives et d’ajuster le niveau du
soundrecover© pour retrouver la valeur normative. Il semble cependant peu probable
que ceci permette d’optimiser les réglages du soundrecover© car nous avons
observé que les réglages qui pouvaient être bénéfiques pour certains phonèmes,
pouvaient être délétères pour d’autres.
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Conclusion Les résultats de ce mémoire montrent que la compression fréquentielle ne fournit pas
systématiquement d’amélioration sur la perception des consonnes dans le silence.
Certains sujets en tirent un réel bénéfice en termes d’intelligibilité (jusqu’à +20%
avec la compression fréquentielle) alors que pour d’autres les résultats peuvent être
négatifs. L’analyse par traits acoustiques montre que la compression fréquentielle
améliore significativement la reconnaissance de certains traits comme le trait :
grave/aigu, le trait continu/discontinu et le trait sourd/sonore. Ainsi, nous avons
montré que la compression fréquentielle améliore significativement les confusions
phonétiques « lointaines » mais qu’elle peut engendrer des confusions entre
phonèmes « proches ». Ainsi, en améliorant la détection de certains traits
acoustiques, nous pensons que la conpression fréquentielle devrait permettre à
certains malentendants d’avoir une meilleure intelligibilité de la parole. D’autre part,
notre analyse par traits articulatoires n’a pu aboutir à des résultats significatifs, mis à
part pour le voisement qui est également un trait acoustique (sonore/sourd). Ceci
conforte l’idée qu’une analyse basée sur les traits acoustiques est plus pertinente
qu’une analyse par traits articulatoires pour mettre en évidence les modifications de
perception de phonèmes et l’intérêt de la compression fréquentielle.
Au niveau des confusions phonétiques, nous avons noté une amélioration importante
(entre 6% et 7%) sur la perception de certaines occlusives en particulier /p/ et /t/ pour
de nombreux patients. Nous avons également noté que la compression fréquentielle
pouvait avoir un effet délétère en particulier sur les fricatives ayant le spectre le plus
aigu : /s/ et /z/. Ces résultats doivent mettre en garde contre un réglage de niveau de
compression fréquentielle trop important. Mais, ils peuvent également venir de
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difficultés de perception catégorielle des fricatives pour le patient du fait de sa perte
sur les aigus.
D’autre part, les résultats du continuum /ʃ/→/s/ ont montré une grande disparité de la
perception catégorielle des fricatives chez les malentendants alors que pour les
normo-entendants, cette dispersion n’est pas retrouvée. Les résultats montrent que
la perception catégorielle de la paire minimale /ʃ/-/s/ est liée à plusieurs paramètres :
à savoir, les seuils liminaires (en particulier autour de 3000Hz), la dynamique auditive
mais également deux paramètres non audiométriques : la durée d’appareillage avec
les aides auditives actuellement portées et la présence d’un système à compression
fréquentielle. Ce modèle nous montre que plus la perte auditive est importante
autour de 3kHz, plus le niveau de discrimination catégorielle sera décalé vers les
graves. De même, plus la dynamique auditive résiduelle à 3000Hz sera réduite plus
cette frontière de discrimination sera décalée vers les graves. D’autre part, un patient
équipé d’aides auditives à compression fréquentielle aura un niveau de perception
catégorielle décalé vers les graves. Enfin, plus le patient porte ses aides auditives
depuis longtemps, plus ce niveau est décalé vers les graves. Les différences de
niveaux de frontières catégorielles observées, pourraient être le reflet d’une certaine
forme de plasticité neuronale. Il nous paraît donc très intéressant de prolonger nos
investigations par une étude longitudinale avec des patients nouvellement
appareillés afin d’étudier les modifications de perception catégorielle que pourrait
entrainer la compression fréquentielle.
Le maître de mémoire
Stéphane GALLEGO
VU ET PERMIS D’IMPRIMER LYON, le 12 octobre 2012 Le Responsable de la Formation Pr Lionel COLLET Le Responsable de la Formation Gérald KALFOUN
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