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Download Crédibilité et currency board : le cas lituanien · PDF fileJérôme Blanc et Jean-François Ponsot * CRÉDIBILITÉ ET CURRENCY BOARD : LE CAS LITUANIEN Publié dans la Revue d’économie

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  • HAL Id: halshs-00144002https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00144002

    Submitted on 30 Apr 2007

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    Crdibilit et currency board : le cas lituanienJrme Blanc, Jean-Franois Ponsot

    To cite this version:Jrme Blanc, Jean-Franois Ponsot. Crdibilit et currency board : le cas lituanien. Revuedconomie financire, Association dconomie financire 2004, pp.113-127.

    https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00144002https://hal.archives-ouvertes.fr

  • Jrme Blanc et Jean-Franois Ponsot *

    CRDIBILIT ET CURRENCY BOARD:LE CAS LITUANIEN

    Publi dans la Revue dconomie financire, n75, 2004, pp. 113-127.

    Rsum / AbstractSi le currency board tabli en Lituanie en avril 1994 sest accompagn de la

    stabilit montaire, il na pas pour autant bnfici de la crdibilit quil tait censapporter. Ce texte sinterroge sur ce dfaut de crdibilit. On examine dabordlhypothse courante selon laquelle lcart entre le modle pur de currency board, censapporter par lui-mme la crdibilit, et le modle lituanien, est lorigine de ce dficit.On interroge ensuite les circonstances et les effets de la crise bancaire systmique de1995-96. On traite enfin des consquences des chocs exognes sur lconomielituanienne. Le tout conduit avancer une autre hypothse: les contraintes du currencyboard - ft-il impur - ont provoqu le besoin de restauration de marges de manuvrediscrtionnaires, ce qui a t traduit comme une dnaturation. Le dfaut de crdibilitest alors le produit du currency board lui-mme.

    The lithuanian currency board established in april, 1994 came along with themonetary stability, but it did not benefit from the credibility effect which it wassupposed to bring. The text tries to explain this lack of credibility. A first part examinesthe current hypothesis according to which the differences between the pure model ofcurrency board, supposed to bring credibility by itself, and the lithuanian model, is atthe origin of this default. A second part examines the circumstances and effects of thesystemic banking crisis of 1995-96. A third part deals with the consequences of theexogeneous shocks on the Lithuanian economy. This leads to another hypothesis: theconstraints of the currency board may it be impure induced the need to restorediscretionary capacities, what was translated as a denaturation. The lack of credibility isthen the product of the currency board itself.

    Mots-clefs / Key words

    Caisse dmission. Crdibilit. Politique montaire. Crise bancaire.

    Currency board. Credibility. Monetary policy. Banking crisis.Codes JEL

    E420, E520, E580, F310

    * Jrme Blanc ([email protected]) est chercheur au Centre Auguste et Lon Walras (CNRS -Universit Lumire Lyon 2). Jean-Franois Ponsot ([email protected]) est chercheur au Centredtudes montaires et financires (Universit de Bourgogne).

  • Jrme Blanc et Jean-Franois Ponsot *

    CRDIBILIT ET CURRENCY BOARD:LE CAS LITUANIEN

    Publi dans la Revue dconomie financire, n75, 2004, pp. 113-127.

    INTRODUCTION

    Aprs lEstonie en 1992, la Lituanie est le second pays europen avoirtransform sa banque centrale en currency board (caisse dmission), dans laperspective dinstaurer la stabilit et la crdibilit montaire. Une banque centralesoumise aux rgles du currency board na plus lieu de mener une politique de change etnest plus en mesure de mener une politique montaire ou dassurer une fonction de prten dernier ressort. Pour ses promoteurs actifs au premier rang desquels Stephen Hankeet Kurt Schuler (Hanke & Schuler 1991, 2000) -, le currency board est donc idal car ilsubstitue un mcanisme de rgles montaires automatiques la politique discrtionnairemene traditionnellement dans un rgime classique de Central Banking.

    Si le currency board estonien a rapidement apport la crdibilit montaire, ilnen a pas t de mme en Lituanie. La question pose ici est celle de lorigine dudfaut de crdibilit chronique dont a souffert le dispositif lituanien. Une premireapproche, dveloppe dans la premire partie, consiste expliquer ce dficit decrdibilit par lcart significatif entre un modle pur de currency board - censapporter par lui-mme la crdibilit -, et le modle lituanien; il apparat en effet que cedernier na pas t tabli conformment aux canons en la matire et quil a tprogressivement lobjet dune dnaturation. Cependant une autre approche consiste souligner que ce sont les contraintes engendres par le dispositif de currency board lui-mme, ft-il impur, qui provoquent le besoin de restauration de marges de manuvrepour les autorits, ce qui est immanquablement traduit comme une dnaturation. Danscette hypothse il apparat que le dfaut de crdibilit peut tre le produit du currencyboard lui-mme. La seconde et la troisime parties de ce texte essaient de montrer enquoi cette hypothse parat plus valide que la prcdente en analysant laporie ducurrency board. Celui-ci se retrouve en effet face une contradiction fondamentale:alors quil est tabli pour rsoudre le dfaut de crdibilit des autorits montaires enliminant toute intervention discrtionnaire, sa propre construction sape lobjectif decrdibilit lui-mme en soumettant les structures conomiques et sociales au ftiche dela stabilit montaire et de labsence de politique montaire.

    * Jrme Blanc ([email protected]) est chercheur au Centre Auguste et Lon Walras (CNRS -Universit Lumire Lyon 2). Jean-Franois Ponsot ([email protected]) est chercheur au Centredtudes montaires et financires (Universit de Bourgogne).

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    1. LHYPOTHSE DE LA DNATURATION DUN DISPOSITIF IMPUR DECURRENCY BOARD

    Lhypothse gnralement avance par les promoteurs de ces dispositifs lorsquela crdibilit nest pas au rendez-vous dun currency board est le manque de conformitde celui-ci avec le modle thorique. Bien que celui-ci soit susceptible de varier selonles auteurs, cette hypothse peut tre applique sans peine au cas lituanien si lon partde la dfinition suivante dun modle pur de currency board :

    Un ancrage nominal irrvocable (fix et non peg) de la monnaie nationalesur une devise de rfrence,

    La convertibilit parfaite (intgrale et illimite) de la monnaie nationaledans la devise de rfrence,

    La couverture 100% au moins de la base montaire par des actifs endevises dtenus par la caisse dmission mais limpossibilit de dgagerun surplus de rserves notable sur lequel la caisse dmission seraitsusceptible de jouer par la suite,

    Limpossibilit de mener toute action de politique montaire par quelquebiais que ce soit: la base montaire dpend strictement du volume desrserves de devises de la caisse dmission; il ne peut en aucun cas yavoir daction de prt en dernier ressort.

    Les dispositifs effectivement mis en place diffrent de ce modle parsuffisamment de traits pour que certains auteurs ddouanent le modle thorique deschecs susceptibles dintervenir dans la ralit; cest le cas de Hanke et Schuler (1994)et Leontjeva (1997) propos de la Lituanie.

    1.1. Une tare congnitale? Les problmes dans lorganisation institutionnelle ducurrency board

    Dans ce pays, les questions relatives la bonne organisation du currency boardont t au cur des difficults auxquelles il a d faire face pendant plusieurs mois aprsle vote, le 17 mars 1994, de la Loi sur la crdibilit du litas.

    Un premier cueil institutionnel a tenu aux luttes politiques autour du currencyboard. Celui-ci a t tabli en labsence criante de consensus. La Banque centrale elle-mme sest oppose son tablissement. Les banques commerciales lui ont galementt hostiles, par souci de prserver les profits obtenus sur les transactions de change.Les industriels ont mis des craintes sur la dfinition de la parit, craignant une perte decomptitivit de leurs exportations. Les intentions des autorits politiques ont quant elles t fort peu lisibles. Enfin, la loi prvoit que le gouvernement conserve lapossibilit de modifier lancrage (devise et taux). Un amendement larticle 3 de la loide crdibilit du litas est vot le 20 juillet 1994 qui confie cette possibilit la banquecentrale. Il nen reste pas moins que le risque de dvaluation est maintenu. Par ailleurs,la Loi sur la Banque de Lituanie remodle les statuts de celle-ci le 1er dcembre 1994.Cette loi formalise, certes, son indpendance et lui assigne la mission de stabilitmontaire; mais, contrairement ce qui sest pass dans dautres pays qui ont instaurun currency board, la Banque centrale na pas fait lobjet dune rforme en profondeur.

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    Par exemple, la sparation des oprations dmission et des oprations de banquenapparat pas clairement. Le bilan de la Banque centrale na pas fait lobjet dunedisjonction en deux compartiments distincts, comme cela est le cas dans les currencyboards qui cherchent afficher la plus grande transparence1.

    1.2. La dnaturation progressive du currency board

    Distinct du modle pur ds son origine, le currency board lituanien va encoresen loigner au fil des annes. Sa gestion mme a t marque par une srie decontournements et de manuvres destins redonner aux autorits montaires unecertaine capacit de politique montaire.

    Plusieurs types de contournements peuvent tre identifis. Le premier serapporte lexistence dun lien entre recettes fiscales de lEtat et base montaire par lebiais dun compte du Trsor auprs de la Banque centr