cours swahili 2

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Leçon 2 Le système de classes nominales : introduction; paire de classes 7/8 La classification nominale est typique des langues bantu, bien représentées par le swahili. Le principe de base n'est pas très éloigné de celui du genre et du nombre en français. Soit les exemples français suivants : - le grand et beau cheval est tombé - la grande et belle jument est tombée - les grands et beaux chevaux sont tombés - les grandes et belles juments sont tombées On s'aperçoit facilement que suivant le genre (cheval jument) et le nombre (chevaux, juments) du nom qui constitue le pivot de la phrase, différents éléments (article : le, la, les; adjectif : grand(s) / grande(s), beau(x) / belle(s), et même participe passé : tombé(s) / tombée(s)) changent de forme pour s'accorder avec le nom. Il est en français tout à fait impossible de ne pas faire l'accord et de dire : *la grande cheval ou *le grand jument, par exemple. C'est d'ailleurs une des difficultés de notre langue pour les étrangers, vu qu'on ne peut pas aisément identifier le type d'accord que doit prendre un nom donné. [C'est relativement facile pour "cheval" et "jument", une fois qu'on a appris la différence entre masculin et féminin pour les êtres animés mais comment justifier par exemple le drap mais la couverture ?] Le système de classes nominales du swahili fonctionne suivant le même principe, mais au lieu d'une simple opposition masculin / féminin, avec une opposition secondaire entre singulier et pluriel on a affaire à une quinzaine de classes. En effet, contrairement au français où la marque du pluriel vient s'ajouter indifféremment à tous les singuliers et consiste en fait en un "s" qui s'écrit mais ne se prononce pas (on notera quand même : cheval / chevaux où l'opposition singulier / pluriel est repérable à l'oral - on ne dit pas *chevals ! - mais ces cas sont rares), en swahili, chaque classe singulier a comme contrepartie une classe de pluriel - on parle dans ce cas de "paires de classes", ou encore de "genres" mais nous n'emploierons pas ici ce dernier terme qui a l'inconvénient de faire penser au couple "masculin / féminin" du français, qui n'a pas d'équivalent en swahili où l'opposition est plutôt entre êtres animés et inanimés, sans distinction de sexe. En principe, chaque classe singulier a comme contrepartie pluriel une classe unique et vice-versa, mais nous verrons cependant qu'il y a des exceptions. Il est en outre assez difficile de donner une signification précise à chaque classe, encore qu'il y ait certaines constantes. En principe, l'appartenance d'un nom à une classe se reconnaît à son préfixe distinctif - elle est donc plus facile à déterminer que l'appartenance à un genre en français (il y a malheureusement quelques exceptions !). L'accord des différents éléments de la phrase (adjectifs, démonstratifs, possessifs et même sujet et objet du verbe) se fait aussi au moyen de préfixes qui sont assez souvent identiques à celui porté par le nom, mais peuvent néanmoins en différer - et même en différer beaucoup dans un petit nombre de cas). Un tableau simplifié des préfixes d'accord de classe du swahili se trouve en annexe à ce document. Il n'est pas conseillé aux débutants de l'apprendre à fond tout de suite, mais il est utile de pouvoir s'y référer. Une dernière remarque avant d'entrer dans le vif du sujet : comme les classes nominales des langues bantu sont assez nombreuses, on leur a donné des numéros. Cette numérotation est purement conventionnelle et n'a pas de signification de valeur ou de degré. Il n'y a pas de raison de les traiter dans un ordre ou un autre et de fait nous allons commencer par la paire de classes 7/8. Cette numérotation est pourtant très utile car elle s'adresse à toutes les langues

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Leçon 2 Le système de classes nominales : introduction; paire de classes 7/8

La classification nominale est typique des langues bantu, bien représentées par le swahili. Le principe de base n'est pas très éloigné de celui du genre et du nombre en français. Soit les exemples français suivants : - le grand et beau cheval est tombé - la grande et belle jument est tombée - les grands et beaux chevaux sont tombés - les grandes et belles juments sont tombées On s'aperçoit facilement que suivant le genre (cheval jument) et le nombre (chevaux, juments) du nom qui constitue le pivot de la phrase, différents éléments (article : le, la, les; adjectif : grand(s) / grande(s), beau(x) / belle(s), et même participe passé : tombé(s) / tombée(s)) changent de forme pour s'accorder avec le nom. Il est en français tout à fait impossible de ne pas faire l'accord et de dire : *la grande cheval ou *le grand jument, par exemple. C'est d'ailleurs une des difficultés de notre langue pour les étrangers, vu qu'on ne peut pas aisément identifier le type d'accord que doit prendre un nom donné. [C'est relativement facile pour "cheval" et "jument", une fois qu'on a appris la différence entre masculin et féminin pour les êtres animés mais comment justifier par exemple le drap mais la couverture ?] Le système de classes nominales du swahili fonctionne suivant le même principe, mais au lieu d'une simple opposition masculin / féminin, avec une opposition secondaire entre singulier et pluriel on a affaire à une quinzaine de classes. En effet, contrairement au français où la marque du pluriel vient s'ajouter indifféremment à tous les singuliers et consiste en fait en un "s" qui s'écrit mais ne se prononce pas (on notera quand même : cheval / chevaux où l'opposition singulier / pluriel est repérable à l'oral - on ne dit pas *chevals ! - mais ces cas sont rares), en swahili, chaque classe singulier a comme contrepartie une classe de pluriel - on parle dans ce cas de "paires de classes", ou encore de "genres" mais nous n'emploierons pas ici ce dernier terme qui a l'inconvénient de faire penser au couple "masculin / féminin" du français, qui n'a pas d'équivalent en swahili où l'opposition est plutôt entre êtres animés et inanimés, sans distinction de sexe. En principe, chaque classe singulier a comme contrepartie pluriel une classe unique et vice-versa, mais nous verrons cependant qu'il y a des exceptions. Il est en outre assez difficile de donner une signification précise à chaque classe, encore qu'il y ait certaines constantes. En principe, l'appartenance d'un nom à une classe se reconnaît à son préfixe distinctif - elle est donc plus facile à déterminer que l'appartenance à un genre en français (il y a malheureusement quelques exceptions !). L'accord des différents éléments de la phrase (adjectifs, démonstratifs, possessifs et même sujet et objet du verbe) se fait aussi au moyen de préfixes qui sont assez souvent identiques à celui porté par le nom, mais peuvent néanmoins en différer - et même en différer beaucoup dans un petit nombre de cas). Un tableau simplifié des préfixes d'accord de classe du swahili se trouve en annexe à ce document. Il n'est pas conseillé aux débutants de l'apprendre à fond tout de suite, mais il est utile de pouvoir s'y référer. Une dernière remarque avant d'entrer dans le vif du sujet : comme les classes nominales des langues bantu sont assez nombreuses, on leur a donné des numéros. Cette numérotation est purement conventionnelle et n'a pas de signification de valeur ou de degré. Il n'y a pas de raison de les traiter dans un ordre ou un autre et de fait nous allons commencer par la paire de classes 7/8. Cette numérotation est pourtant très utile car elle s'adresse à toutes les langues

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bantu, où les mêmes classes se retrouvent souvent d'une langue à l'autre. Il y a néanmoins des exceptions et vous verrez qu'en swahili les classes numérotées 12 et 13 n'existent pas (mais elles existent dans beaucoup de langues bantu voisines). La paire de classes 7/8 : Cl. 7 (singulier) : le préfixe de classe est ki- dans la plupart des cas. Exemples (je sépare le préfixe par un tiret pour faciliter la lecture, mais il n'y a pas de tiret dans l'orthographe standard - la partie du nom qui suit le tiret s'appelle le thème) : ki-tu : chose, objet (en général) ki-kapu : panier ki-ti : chaise ki-su : couteau ki-siwa : île ki-dole : doigt ki-tunguu : oignon ki-tabu : livre ki-labu : night-club, boîte de nuit ki-sonono : blennorrhagie ki-fua : poitrine (d'homme) ki-wanda : atelier Cl. 8 (pluriel) : on remplace le préfixe ki-, par vi-. Exemples : vi-tu : choses vi-kapu : paniers vi-ti : chaises vi-su : couteaux vi-siwa : îles vi-dole : doigts vi-tunguu : oignons vi-tabu : livres etc. Il existe un certain nombre de thèmes commençant par une voyelle qui prennent un préfixe différent : ch- (cl. 7) / vy- (cl. 8). Exemples : ch-umba : chambre, pl. vy-umba ch-ungu : marmite, pot, pl. vy-ungu ch-akula : nourriture, pl. vy-akula ch-ombo : récipient; vaisseau, pl. vy-ombo Noter que ce n'est pas le cas de tous les thèmes commençant par une voyelle; certains prennent ki- /vi- comme préfixes. Exemples : ki-atu : chaussure, pl. vi-atu ki-azi : patate, pl. vi-azi Il y a même des couples qu'il est important de distinguer, par exemple : ki-oo : miroir, pl. vi-oo, ≠ ch-oo : W.C., toilettes, pl. vy-oo Les accords : - adjectifs : les adjectifs s'accordant avec un nominal de la paire de classes 7/8 prennent aussi les préfixes ki- et vi- (ou ch- / vy- si le thème commence par une voyelle); noter qu'en swahili l'adjectif se place toujours après le nom. Voici d'abord une liste d'adjectifs usuels (comme les adjectifs peuvent s'accorder avec les noms de toutes les classes, leur préfixe dépendra de la classe du nom, aussi n'indique-t-on que les thèmes dans la liste ci-dessous) : -pya : neuf, nouveau -zuri : beau, bon -kubwa : grand -dogo : petit -fupi : court, de petite taille -refu : long, de grande taille -baya : laid, mauvais -kali : aigu, acéré

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-pana : large -embamba : étroit, mince -eupe : blanc, clair -eusi : noir, sombre Exemples d'accords : ki-kapu ki-kubwa : grand panier vi-kapu vi-kubwa : grands paniers ki-ti ki-fupi : chaise basse vi-ti vi-fupi : chaises basses ki-siwa ki-pana : île large vi-siwa vi-pana : îles larges ki-su ki-kali : couteau acéré vi-su vi-kali : couteaux acérés Les adjectifs dont le thème commence par une voyelle prennent ch- / vy-. Exemples : ki-atu ch-eusi : chaussure noire vi-atu vy-eusi : chaussures noires ki-ti ch-embamba : chaise étroite vi-ti vy-embamba : chaises étroites Noter que la forme des préfixes (ki- ou ch- / vi- ou vy-) dépend du thème du nom ou de l'adjectif et qu'un nom peut très bien prendre ki-/ vi- et l'adjectif ch- / vy-, (comme on vient de le voir), ou l'inverse, comme dans : ch-akula ki-zuri : bonne nourriture vy-akula vi-zuri : bonnes nourritures où c'est le nom qui prend ch- / vy- (parce que son thème commence par une voyelle -akula) alors que l'adjectif a ki- /vi- (parce que son thème commence par une consonne -zuri). - numéraux : en swahili, les numéraux sont des adjectifs comme les autres (en tous cas, ceux de un à cinq) et s'accordent donc. En voici la liste : -moja : un -wili : deux -tatu : trois -nne : quatre -tano : cinq Exemples d'accords : ki-tabu ki-moja : 1 livre vi-tabu vi-wili, vi-tatu, vi-nne, vi-tano : 2, 3, 4, 5 livres Il s'agit bien ici d'UN livre, c'est-à-dire pas deux ou trois; l'article indéfini "un" du français, (comme dans : "Qu'est-ce que c'est ? - C'est un livre"), ne se traduit pas en swahili; donc kitabu = "livre, un livre", mais kitabu kimoja "un seul livre". - verbes : le sujet du verbe doit aussi être indiqué par un préfixe indiquant sa classe. Pour la paire de classes 7/8 ce préfixe sujet est identique aux préfixes nominaux (il n'en va pas de même dans la plupart des classes.) Exemples : ki-ti ki-moja ki-na-tosha : une (seule) chaise suffit vi-ti vi-tatu vi-na-tosha : trois chaises suffisent le verbe -tosha signifie "suffire" et -na- est la marque du présent. Nous examinerons la conjugaison plus en détail ultérieurement.

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- démonstratifs : nous en resterons pour le moment au démonstratif éloigné -le : "celui-là, ce...-là". Noter qu'il n'existe pas en swahili de différence entre adjectif et pronom démonstratif, contrairement au français où l'on dit "celui-là", mais "ce fauteuil-là" (on ne peut pas dire *celui-fauteuil-là !!). En swahili la forme sera la même que le démonstratif soit seul ou accompagné d'un nom. En classe 7 le préfixe est ki- et en 8 vi-. Exemples : kitabu kile kinatosha : ce livre-là suffit kile kinatosha : celui-là suffit vitabu vile vinatosha : ces livres-là suffisent vile vinatosha : ceux-là suffisent Le démonstratif se place la plupart du temps derrière le nom [vous verrez ultérieurement qu'il peut parfois se placer devant, mais la position derrière est la plus usuelle et c'est celle que vous devez apprendre d'abord]. Si le nom est accompagné à la fois d'un démonstratif et d'un adjectif (ou d'un numéral), le démonstratif vient d'abord. Exemples : kitabu kile kikubwa kinatosha : ce grand livre-là suffit (noter la répétition de l'accord, si typique des langues bantu) vitabu vile viwili vinatosha : ces deux livres-là suffisent

ANNEXE Un tableau des accords de classes du swahili

Classe Noms Adjectifs Démons. Possess. Sujet Objet 1 m(w)- m(w)- yu- w- a-, (yu-) -m(w)- 2 wa- wa- wa- w- wa- -wa- 3 m(w)- m(w)- u- w- u- -u- 4 mi- mi- i- y- i- -i- 5 Ø-, ji- Ø-, ji- li- l- li- -li- 6 ma- ma- ya- y- ya- -ya- 7 ki- ki- ki- ch- ki- -ki- 8 vi vi- vi- vy- vi- -vi- 9 N-, Ø- N-, Ø- i- y- i- -i- 10 N-, Ø- N-, Ø- zi- z- zi- -zi- 11 u- m(w)- u- w- u- -u- 15 ku- ku- ku- kw- ku- -ku- 16 -- pa- pa- p- pa- -pa- 17 -- ku- ku- kw- ku- -ku- 18 -- m(w)- m(u)- mw- m(w)- ?