constelacion autista. devenir

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CONSTELLATION AUTISTIQUE, MOUVEMENT, TEMPS ET PENSÉE Malvoyance de l'É-Motion, autres désordres du traitement temporospatial des flux sensoriels et dyssynchronie dans l'autisme Bruno Gepner Médecine & Hygiène | Devenir 2006/4 - Vol. 18 pages 333 à 379 ISSN 1015-8154 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-devenir-2006-4-page-333.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Gepner Bruno, « Constellation autistique, mouvement, temps et pensée » Malvoyance de l'É-Motion, autres désordres du traitement temporospatial des flux sensoriels et dyssynchronie dans l'autisme, Devenir, 2006/4 Vol. 18, p. 333-379. DOI : 10.3917/dev.064.0333 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Médecine & Hygiène. © Médecine & Hygiène. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. © Médecine & Hygiène Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. © Médecine & Hygiène

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Estudios sobre autismo. Psicología

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CONSTELLATION AUTISTIQUE, MOUVEMENT, TEMPS ET PENSEMalvoyance de l'-Motion, autres dsordres du traitement temporospatial des fluxsensoriels et dyssynchronie dans l'autismeBruno Gepner Mdecine & Hygine | Devenir 2006/4 - Vol. 18pages 333 379 ISSN 1015-8154Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-devenir-2006-4-page-333.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Gepner Bruno, Constellation autistique, mouvement, temps et pense Malvoyance de l'-Motion, autres dsordresdu traitement temporospatial des flux sensoriels et dyssynchronie dans l'autisme, Devenir,2006/4 Vol. 18,p. 333-379.DOI : 10.3917/dev.064.0333--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Distribution lectronique Cairn.info pour Mdecine & Hygine. Mdecine & Hygine. Tous droits rservs pour tous pays.Lareproductionoureprsentationdecetarticle,notammentparphotocopie,n'estautorisequedansleslimitesdesconditionsgnralesd'utilisationdusiteou,lecaschant,desconditionsgnralesdelalicencesouscriteparvotretablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manire quecesoit,estinterditesaufaccordpralableetcritdel'diteur,endehorsdescasprvusparlalgislationenvigueurenFrance. Il est prcis que son stockage dans une base de donnes est galement interdit. 1 / 1Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine 2Praticien Hospitalier,Centre Hospitalier Montperrinet Chercheur associ,Laboratoire Parole et Langage,UMR CNRS 6057,Universit de Provence,F-13617 Aix-en-Provence.bruno.gepner@lpl.univaix.frIntroductionLauteurdescience-fictionamricain,PhilipK.Dick,acritdanssonlivre Martian time-sleep (1964) :[] Il y a une nouvelle thorie concernant lautisme, dclara le Dr glaub. QuinousvientdeBerghlzlei,enSuisse.Jevoulaisendiscuteravecvouscarellesemble nous offrir de nouvelles perspectives dans le cas de votre fils. Jen doute, rpondit Steiner. Le Dr Glaub ne parut pas lentendre, et continua. Elle suppose un trouble dans la perception de la dure chez lindividu autistique,de sorte que son environnement est tellement acclr quil ne peut plus laffronter;enfait,ilestincapabledelepercevoircorrectement,exactementcommesinousregardions un programme de tlvision acclr, dans lequel les objets fileraient sivite quils en deviendraient invisibles, et dont le son ne serait plus quun charabiaincomprhensiblerienquunbaragouinagetrsaigu.Ensuivantcettenouvellethorie,onpourraitplacerlenfantautistiquedansunechambrecloseavecuncransurlequelonluiprojetteraitauralentidessquencesfilmes.Lesonetlimageseraientralentisunevitessetellementlentequenivousnimoinepour-rions percevoir le moindre mouvement, ni reconnatre le bruit comme des paroleshumaines. Fascinant, dit Steiner dune voix lasse [] .RechercheConstellation autistique, mouvement,temps et pense1Malvoyance de l-Motion,autres dsordres du traitement temporo-spatial des flux sensoriels et dyssynchroniedans lautismeAutistic constellation, movement, time and thought.E-Motion mis-sight, other temporospatial processingdisorders of sensory flows and dyssynchrony in autismBruno Gepner2333Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-3791Cet article invit constitueune nouvelle synthse destravaux de Bruno Gepner etde ses collaborateurs. Il pro-longe larticle Malvoyancedu mouvement dans lau-tisme? Une nouvelleapproche neuropsychopa-thologique dveloppemen-tale, paru en 2001 dansLa Psychiatrie de lEnfant.Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-379334Laralitdpasseparfoislafiction.Parfoislaralitresteendede la fiction, mais pour combien de temps ? La fiction prcde souventla ralit, et peut mme linduire. Parfois, ce peut tre linverse. Dans leroman de Philip K. Dick, la plante Mars est une banlieue de la Terre,et les enfants autistes sont parqus dans un camp de concentration surla plante rouge: sombre fiction. Et Steiner, le pre dun enfant autisteintern dans ce camp, est dsespr et finit par se suicider : fiction tra-gique Parfois, la fiction colle la ralit.Le but de cet article est dessayer de montrer quun certain nombredepersonnesprsentantdesdsordresdelaconstellationautistiquesouffrent dune distorsion de leur perception du monde environnemen-talphysiqueethumain.Plusprcisment,lemondeenvironnementalirait trop vite pour certaines personnes autistes. Ainsi, lide dun troublede la perception du temps et de la dure dans lautisme, ne dans lima-ginationdePhilipK.Dickilyaunpeuplusde40ans,asansdoutequelque chose voir avec le vcu perceptif quotidien de certaines per-sonnes autistes. Nous allons en effet exposer diffrents arguments auto-biographiques,cliniquesetexprimentauxmontrantquaumoinscer-tains enfants, adolescents et adultes avec autisme souffrent de dsordresdu traitement temporospatial des vnements sensoriels dans les moda-lits visuelles, sonores et/ou tactilo-kinesthsiques. Nous essaierons ga-lement de montrer que notre approche neuropsychologique dveloppe-mentaleprsenteunavantageparrapportauxautresthoriescontemporaines de lautisme, en ce quelle pourrait ouvrir, dans un ave-nir relativement proche, de nouvelles perspectives pour la rducationdes troubles perceptifs et sensorimoteurs et des dsordres de la commu-nication verbale et motionnelle des personnes autistes. Nous propose-rons aussi de considrer ce que pourraient tre les corrlats neurobiolo-giquesdecestroublesdutraitementtemporospatialdesvnementsmultisensoriels, la lumire des concepts actuels de synchronisation etde connectivit neuronale, et dvelopperons lhypothse de dyssynchro-nieetdysconnectivitmultisystme danslautisme.Nousenvisageronsenfindesdveloppementspsychologiquesetphilosophiquesdenotreapprochedansuneperspectivedualiste-interactionnistedesrelationspsychisme-cerveau.Maisavantcela,noussouhaitonsrappelerquelquespointsdevuegnrauxsurlautismeetletraitementdespersonnesautistes.Lesyn-drome dautisme infantile a t dcrit pour la premire fois par Kanner(1943). Malgr des progrs substantiels depuis 60 ans dans le diagnostic,Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense335letraitement,etlaccompagnementdesenfants,adolescentsetadultessouffrantdautismeetdetroublesapparentsenFrance,lesfamillesnous rappellent quotidiennement par leurs demandes, leurs souffrances,et leurserrances,quedegraveslacunespersistentdanstouscesdomaines tant du point de vue qualitatif que quantitatif. Depuis 10 ans,les pouvoirs publics et les organismes de tutelle font un effort en direc-tion des personnes autistes et de leurs familles, effort notable mais quireste encore trs insuffisant. En toile de fond, il semble vident que lesinsuffisances dans le traitement de lautisme sont essentiellement dues un manquepersistantdecomprhensiondesmcanismesneuro-bio-physio-psychopathogniquesquisous-tendentlesdsordresduspectreautistique (Tardif et Gepner, 2003). Ce manque de comprhension glo-baleaproduitetcontinuedeproduiredesdveloppementsthorico-cliniques et des applications thrapeutiques trs divers et parfois hasar-deux et/ou incompatibles.Comme nous lavons dj soulign ailleurs (Gepner, 2005), lnigmedelautismeelle-mmepersistepourplusieursraisons,dontcertainessontbrivementrsumesici :1)ilnyapasUNautisme,maisuneconstellationdetroublesneurodveloppementauxcomplexesrperto-ris sous la rubrique des troubles envahissants du dveloppement (APA,1994; WHO,1992),oudesdsordresduspectredelautisme (Rapin,2002), situs le long dun continuum de lautisme (Grandin, 1995) ; 2) Ilny a pas UNE cause de lautisme, mais une multiplicit de facteurs derisquegntiques (plusieursgnesdeneurodveloppementimpliqus,encoursdidentification),pigntiquesetenvironnementaux(pr-,pri-oupost-nataux)enproportionvariable,affectantledveloppe-mentpigntiqueducerveau(Changeux,1983)etlauto-organisationcrbraleetpsychiquedespersonnesautistes(Bourguignon,1981;Gepner et Soulayrol, 1994) ; 3) Entre ces facteurs de risque affectant ledveloppementdusystmenerveuxcentraletleursconsquencessurtelindividu,ilexistedetrsnombreuxmcanismesphysiopathog-niquescomplexesimpliquantdiffrentsniveauxdorganisation,decomplexitetdintgrationcroissantes(neurobiologique,neurophysio-logique, neuropsychologique), et affectant de nombreux systmes neuro-fonctionnels, territoires et voies neurologiques enchevtrs et intercon-nects(Waterhouseetal., 1996; Gepner,2001) ;4)Ilexistegalementdesractionsmotionnellesetpsychologiquesvaries(dpression,anxit, panique, colre, inhibition, dtresse) qui influencent et colo-rent le caractre, la personnalit et les comportements de telle personneDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-379336avec autisme dans telle ou telle voie; 5) Finalement, et pour compliquerencore davantage le tableau, il existe plusieurs dsordres neurodvelop-pementauxcomorbides,associsauxsyndromesautistiques(retardmental, pilepsie), de mme quil existe des recouvrements cliniques etnosographiques entre les dsordres autistiques et dautres troubles neu-rodveloppementauxouneuropsychiques,commeledficitattention-nel avec ou sans hyperactivit, les syndromes dys- (dysphasie, dyslexie,dyspraxie),ouencorelestroublesobsessifs-compulsifs(voirparexemple Volkmar et Pauls, 2003; Tardif et Gepner, 2003).Ds lors, de nouvelles amliorations significatives dans le traitementet la rducation des personnes souffrant de dsordres de la constella-tionautistiquenepourrontmergerquedunemeilleurecomprhen-sion des causes et des mcanismes des dsordres autistiques en gnral,et de leurs consquences chez un individu en particulier. Car quelle quesoit notre empathie, notre grille de lecture, notre comptence, nos res-sourceshumaines,nossavoirsetsavoir-faire,etmmesitelsyndromeautistique peut sattnuer de jour en jour, de mois en mois, danne enanne,etquedesprogrsrelationnels,communicatifsetcognitifs,minimes ou importants, sont en principe toujours possibles, lnigme dunoyau des dsordres autistiques demeure.Cettenigmeconstitueindiscutablementdepuis60ansunesourceinpuisabledecuriositetdemotivationpourlescliniciensetcher-cheurs travers le monde, et nous a personnellement incit il y a 15 ans nousintresserdeprscespersonnes,dmarrerdesrecherchesexprimentales en neuropsychologie cognitive, et poursuivre en paral-llenosrflexionsthorico-cliniquessurlefonctionnementetlesdys-fonctionnements de lesprit-cerveau humain (Gepner, 2003; Gepner etTardif, sous presse; voir aussi dernire partie du prsent article).Ces enfants, adolescents et adultes que nous rencontrons quotidien-nement en consultation, en centre de jour, SESSAD et coles spciali-ses,nousinvitentmoralementetpistmologiquementmieuxcom-prendreleurstroublesneuropsychopathologiquessous-jacents,pourmieux les aider eux-mmes, aider leurs parents dsempars et inquiets,et aider leurs soignants interrogatifs. Les aider quoi ? A franchir, ou tout le moins rduire ou clairer la zone dincertitude nous sparant deces personnes diffrentes.Carcequifascine,oudrange,voireperturbelorsquonrencontreun enfant autiste pour la premire fois est le contraste entre sa prsencephysiqueetsonapparenteabsencepsychique,uneprsenceautreDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense337chose que soi. En observant plus attentivement ces enfants, on en vientgnralement se dire que le monde dans lequel ils vivent est manifes-tement diffrent du ntre. En rflchissant, on peut aussi en venir sedire que probablement ils prouvent, ressentent, mais aussi peroiventet comprennent le monde environnant diffremment de nous. Des tresaux comportements aussi bizarres seraient-ils nos semblables ? Commetre humain communiquant, on ne se sent vraiment rassur, et commeclinicien,onnepeutvraimentrassurerlafamilleduntelenfant,quelorsque la magie dune rencontre avec lui sopre: un regard, mme fur-tif,unsourire,unjeuinteractif,uneimitationMmeavecdesper-sonnesayantunsyndromedAsperger,ouparfoisavecleparentdunenfantautiste,lonperoitquelquesdiffrencessubtilesentreellesetnous, dans leur langage, leur langage des yeux, leur langage motionnel,leurlangagefacial,lempathie,oulecontactsocial.Maisjusququelpointcettepersonneest-ellediffrentedenous ?Plusieursvoies,com-plmentaireslunedelautre,soffrentnouspourrpondrecettequestion: la premire, sans doute la plus authentique et relevant dunevritsubjective,quiproduitundiscoursenpremirepersonne,nousvient des personnes autistes elles-mmes, quand elles sexpriment direc-tement surelles-mmes,cequiestrelativementrareetprcieux;uneseconde voie procde du rcit dun parent ou de lobservation du clini-cien,quellequesoitsapratiqueousonobdience,etproduitundis-courslatroisimepersonne,issudelintersubjectivit,intermdiaireentre subjectivit et objectivit; une troisime voie enfin procde dunelogique exprimentale, et produit un discours plus gnral, plus global,moinssingulier,vocationdobjectivitscientifiqueoustatistique.Dansleprsentarticle,nousauronslesoucidefaireconvergerentreelles ces trois voies, et comme si elles reprsentatient 3 brins de connais-sance, den constituer un cheveau qui sera notre fil conducteur.Comment est ne lide deMalvoyance de l-Motiondans lautisme?Commenouslavonsrappelrcemment(Gepner,2005),plusieursarguments nous avaient conduit supposer que certains enfants autistespourraientsouffrirdedsordresdelaperceptionvisuelledumouve-ment. Nous avons appel ce dsordre de lintgration du mouvement laDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-3793383Le stimulus mouvement, leflux visuel, pourrait devenir(dans certaines conditionsde frquences temporelles etspatiales, donc de vitesse,puisque la vitesse sexprimecomme le rapport des fr-quences temporelles surles frquences spatialesV = FT/FS) un stimulus aver-sif, comme le sont certainsstimuli sonores ou tactiles(voir plus loin).Malvoyance du mouvement (Gepner, 2001, 2005) et plus rcemment laMalvoyancede l-Motion (Gepner,LainetTardif,2005;GepneretTardif, sous presse), pour rendre compte du fait que les anomalies peu-vent porter sur tout type de mouvement, quil sagisse de mouvementsphysiques (les flux visuels environnementaux, les mouvements de lenvi-ronnement produits par nos propres dplacements, les mouvements desobjets) ou de mouvements biologiques (ceux des tres vivants anims),tels que les mouvements du visage, et notamment les mimiques facialesmotionnelles.Cesdiffrentsargumentsenfaveurdetroublespossiblesdelaper-ception visuelle du mouvement proviennent tout dabord de lobserva-tioncliniquedirectedesenfantsautistesetdelobservationdesfilmsfamiliaux, mais aussi de tmoignages de personnes autistes dites de hautniveau, ou encore de la neuropsychologie adulte et de recherches exp-rimentalesenneuropsychologiecognitive.Nousrappelonscesargu-ments,avantdeprsenterrapidementlestravauxexprimentauxdmontrantlaralitdunemalvoyancedumouvementchezcertainsenfantsautistes,puisdactualiseretcomplternosvuesdanslespara-graphes suivants.Observation cliniqueEncequiconcernelobservationclinique,Kanneravaitnotchezpresque tous les enfants de son observation princeps de 1943 plusieursparticularits comportementales qui ont un lien direct ou indirect aveclemouvement,quilsagissedelaperceptionoudelaproductiondemouvement ou encore de couplage sensorimoteur. Sur le plan perceptif,certains enfants dcrits dans son observation prsentaient un vitementduregardouduvisage(signequasi-pathognomoniquedelautisme,propos duquel Temple Grandin (1995) crit :Ilsepourraitquelesproblmesdecontactoculairerencontrsparlesautistesrsultent en partie dune incapacit supporter le mouvement des yeux dun inter-locuteur.Unautistearacontquilluitaitdifficilederegarderlesyeuxdequel-quun parce quils ntaient jamais immobiles 3,uneaversionpourlesobjetsanimsavecuneattractionparlemondestatique et une absorption dans les dtails, les formes, les puzzles, oua contrario uneattractionpourcertainsobjetsenmouvement,tour-noyantsouroulants ;surleplanmoteur,certainsenfantsprsentaientunemaladressemotriceougestuelle,desdambulationssansbut,desDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense3394Aussi loin que remontentmes souvenirs, jai toujoursdtest que quelquun meprenne dans ses bras. Jevoulais connatre le plaisir deltreinte, mais je reculais tou-jours. Un raz de mare desensations dferlait et jeragissais comme un animalsauvage. Le contact physiquedclenchait chez moi unrflexe de fuite; on aurait ditquil faisait disjoncter tout lecircuit. Je devais fuir ce trop-plein dmotions et jemchappais, souvent enmarrachant brusquement deltreinte Depuis le dbutde la pubert, je vivais enpermanence dans la peur etlanxit, avec des attaquesde panique svres survenant des intervallesirrguliers.dsordressensorimoteurscommeundfautdecoordinationoculomo-trice,desdfautsdimitation,desmouvementsinhabituelsstrotypsdesmains,desbrasouducorps(flapping,balancements,tournoie-ments). Ces symptmes, aversion et/ou attraction pour le mouvement,dsordres sensorimoteurs et production de mouvements atypiques, plai-dent en faveur de particularits dans le traitement attentionnel, perceptifetintgratifdumouvementenvironnantphysiqueethumainchezlespremiers enfants dcrits comme autistes dans la littrature.Les cliniciens depuis 60 ans ont ncessairement t confronts detels symptmes chez les enfants autistes quils rencontrent : un courantde cliniciens psychanalytiques a interprt ces symptmes comme tantdesmanifestationsdangoissesarchaques,dontcertainesavaientuneconnotation clairement perceptive, quil sagisse par exemple des sensa-tions de chutes sans fin et darrachement dcrites par les patients suivisen cure intensive par Tustin (1972), ou du dmantlement perceptif deMeltzer et al. (1980), ces angoisses suscitant secondairement des modali-tsdedfensespropresauxenfantsautistes(recoursunobjetautis-tique selon Tustin, identification adhsive selon Meltzer). A lire les des-criptions saisissantes de Grandin sur ses vritables attaques de paniqueliessesperceptionstactiles4etensachantquelleainventsafameusemachineserrerpoursesoignerdesesdsordrestactiles,onne peut que reconnatre dune part le lien puissant et indissoluble entrevcusensorieletvcumotionnel,entresensorialitetmotionnalit,etdautrepartlacorrlation,voirelquivalenceneuropsychologiqueentre dfense sensorielle et dfense psychique, cest--dire entre mca-nismesprventifslgarddunexcsdefluxsensoriels(excslilintensitoulavitesseduflux),etmcanismespsychiquesdecontournement ou de scotomisation, de refoulement ou dvitement desinformations fournies par les sens via le cerveau.Dun autre ct, il nest pas tonnant que linvestigation de la signi-ficationneurophysiologiqueetneuropsychologiquedecessymptmessoitencoreassezrduite,carlagrandemajoritdestravauxexpri-mentauxmensdanscedomainedepuis40ansdanslapopulationautistique(ycomprisceuxeffectusactuellementenneuroimagerie)ont t raliss chez des individus autistes dits de haut niveau, ou pr-sentantunsyndromedAsperger,cest--direprsentantessentielle-mentdesanomaliessociocognitivesetdontlesanomaliesperceptivesoumotricessontrelativementsubtiles,etdoncplusfacilestester.QuelquescliniciensamricainsavaientpourtantprcismentexplorDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-3793405Notons que ces signes,parfois trs subtils, ne sontpas retrouvs de maniresystmatique dans le dve-loppement prcoce den-fants qui savreront prsen-ter ultrieurement undsordre du spectre autis-tique. En particulier, le dve-loppement du bb peutsavrer tout fait normaldans les douze ou quinzepremiers mois de sa vie, etrgresser ensuite (cas dutrouble dsintgratif). Parailleurs, certains de cessignes isols peuvent satt-nuer, voire disparatre chezcertains bbs, soit demanire probablement spon-tane, soit au cours duneintervention thrapeutiqueprcoce.lestroublesperceptivo-moteursdesenfantsautistesetproposdesexplicationsneurophysiologiques(inconstanceperceptive,dsordresdintgrationsensorimotrice,pardfautdemodulationrciproqueentreinputssensorielsetoutputsmoteurs,OrnitzetRitvo,1968;Ornitz, 1974). Ils ont t suivis en France par lquipe de Gilbert Lelord(1998),conduisantenparticulierlobservationcliniquedtailledubb autiste ou risque autistique.Clinique des films familiauxDepuis une vingtaine dannes en effet, quelques groupes, dont celui deDominique Sauvage (Sauvage, 1988; Receveur et al., 2005) et de Teitel-baum et al. (1998), ont utilis lanalyse rtrospective des films familiauxprisaudomicileparlesparentsdunbbdontilsapprendrontparlasuite quil prsente un syndrome autistique, pour la recherche des signesles plus prcoces dautisme. Ces signes concernent les domaines percep-tif, sensorimoteur, langagier et interactif chez des bbs de 0 24 mois.Etantdonnquelemouvement,physiqueetbiologique,estquasiubiquitaireetpermanentdepuisledbutdelaviedetoutindividu,etquilestabsolumentcrucialpourledveloppementdelimageriecr-braledumouvementetdelaction,ledveloppementposturomoteur,limitation, les interactions verbales et affectives, langagires et motion-nelles (Gepner, 1997, 2001 pour une revue), il nest pas difficile dima-ginerlesconsquencesdveloppementalesvariesetenvahissantesdedsordres prcoces de la perception du mouvement chez un bb.Parmi les principaux signes autistiques prcoces relevs dans lana-lysedesfilmsfamiliaux,certainssontenrapportavecunpossibledsordre de la perception visuelle ou de lintgration visuo-motrice dumouvement5. Ainsi, ds ses premires semaines de vie, le bb risqueautistique peut prsenter des anomalies du regard, du contact oculaire,etdelapoursuiteoculairedesobjetsoupersonnesenmouvement.Dansledomainemoteur,lebbautistepeutprsenterdestroublesdajustementpostural(ilesttropmou,outropraide).Jusqu3mois,les anomalies du regard persistent et le bb autiste peut montrer plusnettementundfautdattentionauxpersonnes,ainsiquundfautdesourires et dexpressions faciales. Sur le plan de lactivit motrice, il estsoitparticulirementsage,soittropagit.Jusqu6mois,ledfautdecontact visuel peut persister, avec un regard vide, et parfois un stra-bisme. Ses expressions faciales sont pauvres. Il peut commencer mon-trer un intrt atypique pour ses mains, les dtails, les formes statiques,Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense341avec en revanche un moindre intrt pour les jouets en mouvement. Surleplanmoteur,ilpeutprsenteruneabsenceouunretarddattitudeanticipatrice,uneabsenceouundfautdajustementpostural(poupedechiffon ouraideurexcessive),unretarddacquisitiondelastationassise. Dans le second semestre, le bb autiste peut donner une impres-sion de ccit; son expression faciale est appauvrie, il nimite pas, ou ilimite peu et de faon dviante, les mimiques de son partenaire dinter-action. Il montre peu ou pas dintrt pour les personnes, il commence sisoler, se retirer de lchange social et affectif. Paralllement, il conti-nuedvelopperdescomportementsinhabituelsdauto-stimulationsensorielle (visuelle ou proprioceptive), de type balancements, jeux dedoigts ou de mains devant les yeux. Sur le plan moteur, il peut prsenterun retard dacquisition de la station debout. Dans la seconde anne, letableau autistique se complte par un dfaut dattention visuelle (regardpriphrique, furtif) et dattention conjointe, un dfaut de contact aveclespersonnes(retrait,interactionspauvres),etpardesintrtsparti-culiers pour les sources lumineuses, les reflets, les ombres, le vent dansles arbres Sur le plan moteur, peuvent apparatre des dfauts de coor-dination oculo-manuelle et dexploration de lespace, un retard dacqui-sition de la marche, ainsi que des mouvements strotyps (battementsdes mains, balancements, tournoiements).Cesurvolrapidedelaprogressiondessignesautistiquesprcocesmontreplusieurschosesdimportancepournotrepropos:toutdabord,les premiers signes qui apparaissent au cours de la vie dun bb risqueautistique concernent son dveloppement visuel, avec probable dissocia-tionentresavisiondumouvement(atypique,aversive)etsavisiondesformesstatiques,normalevoiresurdveloppe(avecattractionpourlesdtails,retrouveplustardchezdesenfantsetadultes,ycomprisceuxayant un haut niveau de fonctionnement (Frith, 1989; Happ, 1999; Mot-tron, 2004). Ces premiers signes affectent aussi son dveloppement visuo-posturo-moteur(dfautdajustementposturaletdanticipationmotrice,dont on sait quil est fortement li un bon fonctionnement de la proprio-ception visuelle, cest--dire intgrant les vnements visuels dynamiquesenvironnementaux dans le corps propre). Deuximement, paralllement un tableau dficitaire marqu par le retard de dveloppement (que lonpourrait nommer signes ngatifs, par analogie avec les signes ngatifsdelaschizophrnie),apparaissentdescomportementsvisuelsetvisuo-moteurs atypiques (auto-stimulation sensorielle), voquant une dviancedelatrajectoiredveloppementale,quelonpourraitnommersignesDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-379342productifs et qui, pour certains dentre eux, pourraient avoir une fonc-tion adaptative ou compensatoire. Troisimement, il est possible de voirla progression des signes autistiques comme une succession de cascadesmaldveloppementales , o des comportements visuels altrs dfor-ment secondairement les changes visuels, posturo-moteurs, mais aussicommunicatifsetsociauxentrelenfantautisteetsonenvironnementhumainetnon-humain.Enfin,ilmanquedanscettedescriptiondessignes autistiques prcoces tous les lments relatifs au domaine auditif,quicontribuentaussiauxdsordresdudveloppementdulangage,etdont nous reparlerons plus loin.Tmoignages dautistes clbres et moins clbresNous avons plusieurs reprises rapport les propos difiants dadultesautistes clbres concernant les particularits de leur monde visuel, quisontdirectementenrapportaveclemouvementvisuel,lavitessedeschangements du monde environnant, ou encore des stratgies de com-pensation de leurs dsordres perceptifs.Donna Williams crit dans Nobody nowhere (1992) :Lechangementperptuelquilfallaitaffronterpartoutnemedonnaitjamaisletempsdemeprparer.Cestpourquoijprouvaistantdeplaisirfaireetrefairetoujours les mmes choses. [] Jai toujours aim laphorisme Arrtez le monde,je veux descendre! Est-ce pour avoir t absorbe dans les taches et les toilesau moment prcis o les autres enfants souvrent au monde extrieur que je suis res-tesurleborddelaroute?Toujoursest-ilquelatensionquexigeaitlancessitdattraper les choses au vol pour se les assimiler fut le plus souvent trop forte pourmoi. Il me fallut trouver un biais pour ralentir les choses afin de maccorder le tempsdengocieravecelles.[]Lundesprocdsquimepermettaientderalentirlemonde consistait soit cligner des yeux, soit encore teindre et allumer alternative-ment la lumire rapidement. Si vous cligniez des yeux vraiment vite, vous pouviezvoirlesgenssautillercommedanslesvieuxfilms; vousobteniezlemmeeffetquavec un stroboscope, mais sans avoir besoin de manipuler quoique ce soit.Dans lpilogue de son livre, Donna Williams ajoute un Aperu dulangage particulier mon propre monde: Strotypes et comportements strotyps. Ils donnent un sentiment de continuit.Les rituels, les gestes strotyps donnent lassurance que les choses peuvent resterles mmes assez longtemps pour avoir leur place inconteste au sein dune situationcomplexe et mouvante autour de soi.Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense343 Clignerdesyeuxcompulsivement.Celapermetderalentirleschosesetdelesrendre plus fractionnes, donc moins effrayantes, comme dans un film qui passe auralenti. Eteindre et rallumer la lumire trs vite a la mme fonction. Eteindre et allumer la lumire. Linterrupteur est un signal impersonnel en rela-tionaveclemondeextrieur,commelesclochettesoulamusique.Celadonneleplaisir dune sensation physique doubl dun sentiment de scurit, quil nest paspossible datteindre par le contact physique direct. Cela rend les choses plus fixes,donc plus prvisibles et plus rassurantes (Williams, ibid., p. 280-281).Le point important du langage du corps de Donna Williams est sa diffi-cult capter les changements incessants du monde environnant, linscu-rit et langoisse physique et psychique qui en dcoulent, et les stratgiescomportementales quelle invente pour ralentir, voire figer le monde afinde mieux sy prparer, mieux le capter, et le rendre ainsi plus rassurant.TempleGrandincritdansThinkinginpicturesandotherreportsfrom my life with autism(1995) :Ilsepourraitquelesproblmesdecontactoculairerencontrsparlesautistesrsultent en partie dune incapacit supporter le mouvement des yeux dun inter-locuteur.Unautistearacontquilluitaitdifficilederegarderlesyeuxdequel-quunparcequilsntaientjamaisimmobiles . Plusloin,ellecrit : Laforma-tiondimagesaltresexpliquepeut-trelaprfrencedecertainsautistespourlavisionpriphrique.Ilestpossiblequeceux-cireoiventdesinformationsplusfiablesquandilsregardentducoindeloeilUnepersonneautistearacontquelle voyait mieux en regardant de ct et quelle ne voyait pas les choses en lesregardantdirectementLesdficiencesmineuresdutraitementdesinformationsvisuellesrenforaientmonattirancepourcertainsstimuli(jadoraisregarderlesportes coulissantes des supermarchs ou des aroports), qui auraient effray ou faitfuir un autre enfant atteint danomalies plus svres .Temple Grandin suggre elle aussi une stratgie de compensation deproblmesvisuelspossiblementlislhypersensibilitaufluxvisuelrapide.Lavisionpriphriqueutiliseseulepermettraitdeminimiserlexcitationfovale,dedbarrasserlesinformationssurlemouvementdesautresinformationsvisuellesparasites ,dubruit visuel.Commeporte-parole de ses semblables , Temple Grandin souligne galementles comportements visuels particuliers des personnes autistes comme uncontinuum partant de laversion lattraction pour le mouvement, selonle degr du dsordre de traitement sensoriel (voir aussi la description deTemple Grandin par Sacks, 1996).Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-379344Lorsquon se tourne vers des personnes plus anonymes, lon peut enapprendredavantagesurceproblmedemalvoyancedumouvement.La mre dune adolescente autiste de bas niveau ma rapport les pro-pos suivants :Ma fille a toujours eu un problme avec le mouvement. Elle a peur quand les genssapprochent trop prs delle, elle vite toutes les situations o les choses vont vite.Moi-mme,lorsquejedoisconduireunevoiture,jenexcdejamais70km/h,carau-del,jemesensmal,sibienquetoutlemondemeklaxonne.Mamrenajamais conduit une voiture, car elle ressent le mme inconfort, mais un degr plusimportant, elle ne supporte pas de rouler une vitesse suprieure 40 km/h. Pourlammeraison,elleneregardejamaislatlvision,nevajamaisaucinma,cartout va trop vite.Ce type de tmoignage dune anomalie perceptive transgnration-nelleestparticulirementintressantpournotrepropos,etnestsansdoute pas unique. De nombreux parents rapportent chez leur enfant desrieuses difficults dans la gestion des vnements dynamiques rapides(films, dessins anims, voitures dans la rue), des mouvements environ-nementaux (objets, balles ou ballons, dplacements des personnes), dessquences motrices rapides (course, vlo), et certains dentre eux vo-quent des difficults similaires dans leur propre enfance.Neuropsychologie adulteNous avons galement rapport plusieurs reprises cette extraordinairetudedecasneuropsychologiqueadultedeZihl,vonCramonetMai(1983), dont lintrt est de nous montrer les consquences dune anoma-liebrutaledelaperceptionvisuelledumouvementchezuneadultejusque-l indemne de toute difficult. Ces auteurs rapportent en effet lecasdunejeunefemmede43ansqui,lasuitedunehmorragiecr-bralepostrieurebilatrale,aprsentdestroublesimportantsdelavision du mouvement dans les trois dimensions de lespace. Elle percevaitparexemplelefluxduthouducafversdansunetassecommeunsolide gel. De plus elle narrivait pas sarrter de verser le liquide danslatasseaubonmomentcarelletaitincapabledevoirleniveauduliquide monter. Cette patiente se plaignait aussi de ne pas arriver suivreundialogueparcequelletaitincapabledecapterlesmouvementsduvisage et spcialement ceux des lvres. Sil se trouvait plus de deux per-sonnes dans une pice, elle se sentait en inscurit, et quittait le plus sou-vent immdiatement la pice: les personnes se trouvaient soudain ici ouDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense345l, mais je ne les voyais pas se dplacer. Cette patiente tait confronteaummeproblmedanslesrues,maisundegrbienplusmarqu,sibien quelle stait mise les viter. En effet, alors quelle identifiait bienles voitures, elle ne pouvait pas traverser la rue en raison de son incapa-cit valuer leur vitesse. Quand je vois la voiture, elle semble loin. Puisquand je veux traverser la rue, soudain la voiture est tout prs. Diffrentstestsneuropsychologiqueseffectusauprsdecettepatienteontmontrchezelleuneabolitioncompltedelavisiondumouvementenprofondeur.Pourdesciblesvisuellessedplaantenchamp visuel central le long dun axe vertical ou horizontal, la percep-tiondumouvementtaitquelquepeuprserve:lapatientepouvaitdistinguer diffrentes directions de mouvement, et juger la vitesse de lacible si celle-ci nexcdait pas 10 deg/s. Par contre, dans le champ visuelpriphrique, sa sensibilit au mouvement se limitait pouvoir discrimi-nerentreuneciblemobileetunecibleimmobile.Sesmouvementsdepoursuitevisuelletaientcorrectsseulementpourdesvitesseslentes(moinsde8deg/s).Sesmouvementsvisuellementguidsdepoursuitedun cble avec lindex de sa main droite taient trs altrs. La patientecommentesapauvreperformanceendisantquesadifficultsesitueentresondoigtetsesyeux.Jenepeuxpassuivremondoigtavecmesyeux si je bouge mon doigt trop vite. Par contre, sa perception du mou-vement en modalit tactile ou auditive tait normale.Cette tude neuropsychologique remarquable nous permet de mesu-rer lampleur des consquences, sur les comportements perceptifs, visuo-moteurs,communicatifsetsociaux,duntroublepourtantlectifdelaperceptiondumouvementsurvenantbrutalementchezuneadultejusque-l indemne de toute difficult. Cette patiente prsentait en effetdes altrations de la perception de la gestualit faciale (dont les mouve-mentslabiaux),unemaladressevisuo-motrice,uneapprhensiondeslieux anims (rues, pices o il y a plus de deux personnes) et de grandesdifficults dans les interactions sociales, au point quelle les vitait le pluspossible. Cette tude de cas peut ds lors nous aider imaginer les diff-rentesconsquencesdveloppementalesduntroublequiaffecteraitlavision du mouvement chez un nourrisson ou un jeune enfant.Recherche en neuropsychologie cognitive:la question du traitement des visagesLe dernier aspect qui nous a incit rechercher des anomalies de la per-ception visuelle du mouvement est fond sur nos recherches antrieuresDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-379346sur la reconnaissance des visages chez les enfants autistes. On sait quelautismeestmarqupardestroublesdelacommunicationverbaleetmotionnelleetdelinteractionsociale.Danslamesureolevisagehumainestlapremireetlapluspuissantesourcedinformationsmdiatisantlacommunicationverbaleetmotionnelleetlesinterac-tionssociales,ilnestpassurprenantqueletraitementdesvisagesaitt souvent et rgulirement tudi dans la population autistique danslestrentederniresannes(Dawsonetal., 2005,pourunerevue).Eneffet,unnombrecroissantdtudesenneuropsychologiecognitiveadmontrquelespersonnessouffrantdautismetraitentgnralementlesdiffrentsaspectsdesvisagesdunemanirediffrentedecelledespersonnes ordinaires ou prsentant un retard mental. Des particularitsonttrepresdansletraitementdelidentitdesvisages(Langdell,1978; Volkmar et al., 1989; Boucher et Lewis, 1992; Davies et al., 1994;Klinetal., 1999; Deruelleetal. ; 2004)etdelexpressionfacialemo-tionnelle(Hobson,1986a,1986b; Hobsonetal., 1988; Celanietal.,1999), dans la lecture sur les lvres (de Gelder et al., 1991; Gepner et al.,1996) et la dtection ou linterprtation de la direction du regard (Gep-ner et al., 1996; Baron-Cohen et al., 1995). De rcentes tudes en IRMfonctionnelle ont confirm ces particularits chez les sujets avec autismede haut niveau ou syndrome dAsperger (Critchley et al., 2000; Schultzet al., 2000; Hadjikhani et al., 2004).Suivantcettelignedexplorationneuropsychologiquecognitiveetdveloppementale, deux tudes ont t conduites par notre groupe surletraitementde4aspectsdesvisages(lidentitfaciale,lmotionfaciale, la direction du regard, le langage des lvres), auprs denfantset adolescents autistes (Gepner et al., 1994; Gepner et al., 1996). Ellesontmontrquelessujetsautistesontdesdifficultsplusoumoinsimportantes dans tous ces aspects du traitement des visages, et que cesdifficults sont lies soit un dfaut de traitement de la forme globale(la configuration du visage, rsultat confirm rcemment par Deruelleetal., 2006),soitundfautdetraitementdeladynamiquefaciale,implique dans les mimiques faciales motionnelles et dans le mouve-ment des yeux et des lvres.Lensembledecesargumentsnousaconduitnousintresserdeprscettequestiondelaperceptiondumouvementdanslautisme,quil sagisse des mouvements physiques environnementaux ou des mou-vements humains, car cette question semblait fconde dun point de vueclinique, et prometteuse dun point de vue exprimental et rducatif.Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense3476Un des enfants ayant unsyndrome dAsperger taitlittralement fascin par cessensations visuelles etdemandait lexprimenta-teur de manipuler les imagesde tunnel visuel, de tellesorte que les impressionsproduites taient celle duntunnel sans fin dans lequelon tombait inexorablement :tait-ce une faon pour lui deretrouver une sensationconnue de chute sans fin ?Recherches sur la perceptionet lintgration du mouvementNous rsumerons dans ce paragraphe la littrature scientifique (notam-mentnosproprestravaux)visantattesterdirectementdesdsordresdelaperceptionvisuelleetdelintgrationvisuo-motricedumouve-mentdanslautisme.Nousleferonsbrivementpuisque,dunepart,cettelittratureestasseztechnique,etque,dautrepart,nouslavonsdj prsente de manire assez dtaille rcemment (Gepner, 2005).CommeMilneetal. (2005)lesoulignentdansleurrcenterevuede la littrature sur ce sujet, notre groupe a t le premier il y a plusde10ansse penchersurlamaniredont les enfants autistes peroi-vent les mouvements et les intgrent dans leur corps propre.Nous avons ainsi montr que des enfants autistes dun niveau globalpauvreontunetrsfaibleractivitposturalelavisiondunmouve-ment ambiant, ce qui signifie chez eux une moindre dpendance postu-rale au mouvement visuel que chez des enfants ordinaires qui montrentquant eux un vritable asservissement postural au mouvement visuelambiant (Gepner et al., 1995). En effet, la vision est une source dinfor-mationimportantepourlecontrlepostural(LeeetAronson,1974;Gibson,1979),etdenombreusestudesontmontrquedejeunesenfants ragissent posturalement au mouvement de leur environnementdsquilstiennentdeboutsansaide(ButterworthetHicks,1977)etmme avant cela (Jouen, 1988).Puisnousavonsprcisquelemmetypedenfantsautistesayantun niveau global pauvre et des anomalies posturo-motrices importantesmontrentunecertaineractivitposturaleaumouvementambiantlorsque celui-ci est lent, mais que ces enfants ne ragissent plus postura-lement lorsque le mouvement environnant est rapide, comme si, partirduncertainseuildevitesse,lesenfantsautistesdcrochaientparrap-port au mouvement environnant, ce quon nomme le dcouplage visuo-postural (GepneretMestre,2002a).Danscettemmetude,nousavons montr que des enfants avec syndrome dAsperger (le plus lgerdessyndromesautistiques,sansretardverbalnicognitifmajeur)mon-traient quant eux une sorte dhyper- ou de surcouplage visuo-posturalau mouvement environnant, par rapport aux enfants ordinaires, commesileurappareilvisuo-posturalfonctionnaitensur-rgimeousur-com-pensation6. NoussuggrionsainsilexistencedunecorrlationentrelintensitdunsyndromeautistiquechezunenfantetledegrdesesDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-379348difficults visuo-posturales en rponse au mouvement ambiant. Commelcrit Grandin (1995), il existerait un parallle entre le continuum desdsordres du spectre autistique et le continuum des dsordres perceptifset sensori-moteurs.Concernantlaperceptionvisuelledumouvementenvisionfocale,nous avons montr que les enfants autistes avaient certaines capacits comparerdesvitessesdepointssurordinateurdansdesgammesdevitesselenteetpourdestrajetslinaires,etquepluslesvitessesdespointstaientleveset/ouqueleurtrajettaitcomplexeetimprvi-sible, plus leurs performances chutaient (Gepner, 1997).Plusrcemment,Bertoneetal. (2003)ontmontrquedesenfantsautistes de haut niveau prsentent un dficit de la dtection de la direc-tiondemouvementstransversaux,radiaires,ouderotationdesecondordre, rsultat qui confirme une limitation de la perception visuelle dumouvement dans lautisme.Aumoinsquatretudesontmontrquedesenfantsautistesdeniveauvariableontunemoindreractivitvisuo-oculomotriceenrponse des mouvements de points sur un cran de grande dimension(Spenceretal., 2000;Milneetal., 2002;Pellicanoetal., 2005),cest--dire une moindre capacit extraire un mouvement global dans un sti-mulus bruit, et ce dautant plus que les vitesses des points sont leves(Mestre et al., 2002). En dautres termes, les enfants autistes auraient undficitdelintgrationspatio-temporelledepointssinguliersdansunensembledepointsanimsdunmouvementcohrent.Cestudesconfirment avec un paradigme visuo-oculomoteur, les rsultats obtenusavecleparadigmevisuo-postural(Gepneretal., 1995;GepneretMestre,2002a)quisuggrentlexistencedundficitdelavisiondumouvementchezlesenfantsautistes.Cesrsultatssontcompatiblesaveclaprfrencesouventrapportedespersonnesautistespouruntraitementlocalaudtrimentduneintgrationglobaledelinforma-tion,appeledficitdecohrencecentrale(Frith,1989;Happ,1999).Dautrestudesconfirmentundficitdesmouvementsdepoursuitevisuelle, y compris chez des individus autistes de haut niveau (Takaraeetal., 2004),bienquecersultatnesoitpasretrouvdanstouteslessries (Kemner et al., 2004).Surleplandesmouvementsbiologiqueshumains,nousavonsdmarrgalementunesriedtudesvisantvaluerlinfluencedumouvement sur la reconnaissance des mimiques faciales chez de jeunesenfantsautistes.Nousvoulionsnotammentsavoirdansquellemesure,Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense349enluiprsentantlentementdesexpressionsfaciales(contenumotionnelounon),onnepourraitpasfournirlenfantautistelesmoyens dextraire une information quil semble avoir du mal extraire partir de mouvements plus rapides (cf. par exemple les descriptions auto-biographiquesdeWilliams,1992).Lesrsultatsdunepremiretude(Gepner,Deruelle,Grynfeltt,2001)montrentquelesenfantsautistesreconnaissent des mimiques faciales aussi bien que des enfants normauxplus jeunes, et quils ont donc une aptitude percevoir des mouvementsfaciaux prsents lentement sur vido, ou tout le moins une aptitude extraireuneinformationfacialepertinentedunesquencedynamiquelente.Autrementdit,lemouvementlentsembleoffrirauxenfantsautisteslapossibilitdextraireuneinformationque,nilaprsentationstatique (les enfants autistes chouent gnralement dans le mme typede tches prsentes sur photographies), ni le mouvement trop rapide dela vie quotidienne, ne leur permettent dextraire efficacement. Il nest pasimpossible que la prsentation dynamique lente, par la modification dis-crte des relations spatiales entre les lments du visage quelle suppose,sollicitemoinsletraitementvisuelfocalcontraignantchezlesenfantsautistes(Frith,1989;Happ,1999),etsollicitedavantagechezeuxuntraitement configural du pattern (cest--dire un mode de traitement plusefficace pour reconnatre les visages dun coup dil).Dansunetudetrsrcente,Lain,TardifetGepner(2006)ontreprisleparadigmedeprsentationdynamiquedesmimiquesfacialesmotionnellesetnon-motionnelles,maisenutilisanttroisvitessesdeprsentationdesmimiques(vitessenormale,vitesselente,vitessetrslente), et en conservant la sonorisation de ces mimiques. Leurs rsultatsconfirmentdunepartquelesenfantsautistesreconnaissentmieuxlesmimiquesfacialesquandcelles-cisontralenties,dautrepartqueleralentissementdecesmimiquesetdeleurssonscorrespondantsindui-sentchezeuxdavantagedimitationfacialeetvocalequechezlesenfantsordinaires,etenfinqueparmilensembledesenfantsautistes,ceuxquiprsententleretarddveloppementalleplusimportantet/oule syndrome autistique le plus svre, sont ceux qui bnficient le plusduralentissementdesmimiquespourlesidentifier.Ainsi,premire-ment, le degr de malvoyance du mouvement facial semble tre corrlau degr de svrit du syndrome autistique, comme nous avions mon-trprcdemmentquesemblaitexisteruncorrlatentreledegrderactivitposturalelavisiondunmouvementphysiqueenvironne-mentaletledegrdesvritdautisme(GepneretMestre,2002a).Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-3793507Dun point de vue neuro-physiologique, ces anoma-lies perceptives visuelles etvisuo-motrices impliquent auminimum i) la voie visuellemagnocellulaire, qui vhiculeles informations sur le mou-vement (analyse du fluxvisuel), la profondeur, les fr-quences spatiales basses etla forme globale, depuis lartine jusquau corpsgenouill latral puis au cor-tex visuel primaire (Living-stone et Hubel, 1988), ii) lavoie visuelle dorsale, qui pro-longe la voie visuelle magno-cellulaire en distribuantensuite ces informationsvisuelles depuis V1 jusquauxdiffrentes structures corti-cales et sous-corticales aveclesquelles elle tablit denombreuses connexions,principalement les cortextemporal, parital, pr-frontalet frontal, le cervelet, lesstructures thalamiquesmsencphaliques et pon-tiques (Boisacq-Schepens etCrommelinck, 1994). Parmices connexions, les voiesvisuo-crbelleuses seraientparticulirement impliques,dans la mesure o le cervelettraite spcifiquement lavitesse des informationsvisuelles dynamiques (John-son et Ebner, 2000), et o levermis crbelleux dorsal(lobules VI et VII) est fr-quemment retrouv hypo- ouhyperplasique chez les sujetsautistes (Courchesne et al.,Deuximement, le ralentissement dvnements faciaux et vocaux am-liorelescapacitsdereconnaissanceetinduitlimitationdesexpres-sionsfacialeschezdesenfantsautistes.tantdonnladocumentationde ces 30 dernires annes sur les retards ou dviances imitatives chezles enfants autistes (Smith et Bryson, 1994 et Williams et al., 2004, pourdes revues), et ce depuis le tout dbut de leur vie (Zwaigenbaum et al.,2005;Receveuretal., 2005),ettoutparticulirementdansledomainede limitation des expressions faciales (Hertzig et al., 1989; Loveland etal., 1994; Rogers et al., 2003), notre tude pourrait lavenir tre int-ressantedansuneperspectiverducative.Noussommeseneffetactuellement en train de tester limpact dun logiciel de ralentissementsimultan des mouvements faciaux et de la parole dun interlocuteur surles capacits de comprhension verbale et dimitation denfants et ado-lescentsautistes,retardsmentaux,ettmoinsordinaires.Silesrsul-tats de ces travaux taient concluants, ils ouvriraient une piste majeurepour la rducation des troubles de la communication verbale et mo-tionnelle chez les enfants autistes. Enfin, sur le plan neurobiologique, ceralentissementdesvnementsenvironnementauxpourraitfaciliterlasynchronisationneuronaledanslecerveaudespersonnesautistes,etconstituerdefacto unfacteursynchronisant(GepneretTardif,souspresse; Tardif et al., 2006; voir plus loin).Blake,Turner,Smoskietal. (2003)ontgalementmontrquedesenfantsautistesprsententundficitdelareconnaissancedactivitshumainescommecourir,marcher,sauter,prsentespartirdepoints lumineux anims, et ils en dduisent galement un trouble de lavision des mouvements biologiques dans lautisme.Nous pouvons dduire diffrents lments de comprhension neuro-psychologique de lautisme partir de ces rsultats exprimentaux.Dune part, les dfauts de perception visuelle et dintgration visuo-motricedumouvementphysiqueenvironnementalpourraientrendrecompte de manire privilgie des anomalies prcoces dans le dvelop-pementdelajustementvisuo-posturaletdelaposturo-motricit7.Dautrepart,lesdfautsperceptifsvisuelsetdintgrationvisuo-motricedesmouvementsbiologiqueshumains,corporels,gestuels,faciaux, pourraient quant eux rendre davantage compte de leurs pro-blmes danticipation motrice, de lecture des visages, dimitation facialeetcorporelle,decommunicationverbaleetmotionnelleetdinterac-tionsocioaffective,quiapparaissentdoncsecondairesauxdsordresDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense3511994), avec possible pertedu nombre de cellules dePurkinje (Courchesne, 1997),et enfin iii) les voies cr-bello-prmotrices et cre-bello-motrices (crbello-pr-frontales et frontales), qui sontresponsables, avec les gan-glions de la base, du contrleet du rglage prcis en tempsrel des outputs moteurs(Doya, 2000), ainsi que lesprojections du cervelet sur lescortex parital et temporal quiparticipent lapprentissagemoteur et cognitif (Middletonet Strick, 2000).8Aux voies neurophysiolo-giques prcdentes sajou-tent celles mettant en jeu lecerveau social , quiimplique notamment lamyg-dale spcialise dans ledcodage des signauxsocio-motionnels (Adolphset al., 1994), le gyrus fusi-forme qui traite les visages(Haxby et al., 2001), le sillontemporal suprieur qui traiteles mouvements biologiques(Allison et al., 2000) ainsi quela voix humaine (Belin et al.,2000), ou encore les neu-rones miroirs qui sont situs linterface de la perceptionet de laction (Rizzolatti et al.,1996), soit autant de terri-toires affects dans lautisme(voir respectivement Baron-Cohen et al., 2000; Critchleyet al., 2000 et Schultz et al.,2000; Castelli et al., 2002 etGervais et al., 2004; Obermanet al., 2005)perceptifs(Gepner,2004;voirFigureI,page357)8. Lacontinuittantcosubstantielleaumouvement,cesdfautsperceptifsetintgratifsdumouvementpourraientgalementexpliquerlesdifficultsdaccslaconscience de la continuit et de lunit corporelle chez certains enfantsautistes (voir dernire partie de larticle). Le facteur vitesse du mouve-mentsemblecritiquepourlesenfantsautistes :pourcertainsdentreeux, hypersensibles au mouvement, plus la vitesse du mouvement aug-mente, plus le mouvement devient aversif ; pour dautres, plus le mou-vement est rapide, moins il est peru, ce que nous avons rsum par leconcept de dficit dintgration du mouvement visuel rapide (Gepner etMestre, 2002b) ; pour dautres enfin qui, initialement, sont parfois maispas toujours dun meilleur niveau perceptivo-cognitif, il semble y avoirpossibilitdadaptation,dhabituation,voirederecherchedemouve-ments rapides (Gepner, 2004).Pour rendre compte de ces anomalies perceptives et intgratives dumouvementphysiqueethumain(notammentdesmimiquesfacialesmotionnelles), nous avons propos le concept de Malvoyance du mou-vement, etplusrcemmentdeMalvoyancedel-Motion danslesdsordres de la constellation autistique.Dsordres du traitementtemporospatial des vnementsmultisensoriels dans lautismeDans ce paragraphe, nous prsentons de nouveaux arguments cliniques,autobiographiquesetexprimentauxquimettentenvidencequelaMalvoyance du mouvement rapide, ou la Malvoyance de l-motion, estun exemple particulier, mais pas le seul, danomalie du traitement tem-porospatial des vnements ou flux sensoriels dans lautisme.Arguments cliniquesLanalysesmiologiquedescomportementsautistiquesrvleque,endehorsdudomainevisuel,dautresdomainessensorielspeuventtreaffects chez les enfants autistes, voire chez un mme enfant. En parti-culier,lessphresauditiveettactilo-kinesthsiquesonttrssouventaltres. Ainsi, on note frquemment chez les personnes autistes, et ceparfois ds les premiers mois de vie, une indiffrence au monde sonore,une insensibilitlavoix,voireuneimpressiondesurditouauDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-379352contraire une hypersensibilit aux sons (avec tendance se boucher lesoreilles) ou des ractions paradoxales certains sons ; le langage est par-fois absent, pauvre, apparemment non communicatif ou perturb, et lacomprhension verbale semble parfois profondment altre.Surleplantactilo-kinesthsique,onnotefrquemmentdanslesantcdents dune personne autiste une absence ou un dfaut dajuste-mentposturallorsdesttesouduportage(poupedechiffonouraideurexcessive),uneaversionpourlecontactaveccertainsstimuli,notamment leau ou certains vtements, une tendance se dvtir, unerecherche des endroits contenants et gnrateurs dune pression plus oumoins importante.Arguments autobiographiquesTempleGrandin(1995)dcritdanslechapitreLamachineserrer sesproprestroublessensorielsouceuxquiluionttrapportspardautres personnes autistes. Sur le plan tactile, elle crit :Aussiloinqueremontentmessouvenirs,jaitoujoursdtestquequelquunmeprennedanssesbras.Jevoulaisconnatreleplaisirdeltreinte,maisjereculaistoujours. Un raz-de-mare de sensations dferlait et je ragissais comme un animalsauvage. Le contact physique dclenchait chez moi un rflexe de fuite; on aurait ditquilfaisaitdisjonctertoutlecircuitSionnoustouchesansquenousnousyattendions, nous nous replions sur nous-mmes, parce que notre systme nerveuxna pas eu le temps de traiter linformation. Une femme autiste ma confi quelleaimaitbeaucouplecontactphysique,maisquilfallaitquecesoitellequilinitiepour avoir le temps den intgrer la perceptionQuand javais six ans, je menve-loppaisdecouverturesetjemeglissaissouslescoussinsducanapparcequelapressionmedtendaitDepuisledbutdemapubert,jevivaisenpermanencedanslapeuretlanxit,avecdesattaquesdepaniquesvresJepassaismontempsimaginerlesmoyensdviterlessituationssusceptiblesdedclenchercesattaquesQuandjtaisjeune,javaisbesoindunepressiontrsforte,presquedouloureuseLintensitdelapressionrechercheparunepersonnedpendpeut-tre de ltat dexcitation dans lequel se trouve son systme nerveux Certainsautistes ont beaucoup de mal sentir les limites de leur corps Donna Williams adcrituneperceptionmorceledesoncorps.Ellesettaitetsefrappaitparfoispour trouver les limites de son corps. Quand elle prouvait une trop forte quantitdesensationsdouloureuses,ellesemordait,sanssapercevoirquellevenaitdemordre son corpsDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense353Sur le plan des troubles auditifs, elle crit :Quandjtaispetite,lebruittaitunesourcepermanentedeproblmes.Ctaitcomme si la roulette du dentiste avait touch un de mes nerfs. Cela provoquait unerelle souffrance. Javais une peur bleue des ballons qui clatent Quand jtais luniversit,lesche-cheveuxdemacamaradedechambremesemblaitfairelemme bruit quun avion raction au dcollage Les enfants autistes ne supportentvraimentpaslesbruitsaigusetstridents,commeceuxduneperceuselectrique,dun robot de cuisine, dune scie ou dun aspirateur La nature des sons qui dran-gent varie dune personne lautre. Un bruit qui me paraissait douloureux peut treagrable pour un autre enfant Jane Taylor Mc Donnell raconte quon soupon-nait son fils de ne pas entendre certaines tonalits et certaines frquences Lorsqueje me trouve dans une pice bruyante, je narrive pas comprendre ce qui se dit, carjenefiltrepaslebruitdefond.Quandjtaispetite,lesftesdefamillebruyantesmaffolaient ;jenarrivaisplusmecontrleretjepiquaisdescrisesdecolreMestroublesauditifssontlgerscomparsceuxdesautistesplussvrementatteints.Certainsontperdulatotalitoulaquasi-totalitdeleuraptitudecom-prendrelelangage.Dautresontlouesifinequelesbruitsquotidiensleursontinsupportables. Un autiste a ainsi racont que le bruit de la pluie ressemblait unesriedecoupsdefeuLeurmondesecomposedunemassedebruitsconfuseLes enfants autistes atteints dcholalie rptent ce qui a t dit afin de faciliter leurproprecomprhensionThereseJoliffe(uneadulteautiste)aexpliququellemanquaitpresquetoujourslespremiersmotsduneconversationparcequecom-prendre que quelquun tait en train de parler lui prenait du temps.Ces quelques lments permettent dclairer de lintrieur le mondesensorieldespersonnesautistes,lelongduncontinuumdetroublessensoriels,marqusparlhypo-et/oulhypersensibilitcertainesintensitsoufrquencesdestimulationsacoustiquesoutactiles.Cesdsordres sensoriels sont trop souvent ngligs dans la comprhensionpsychopathologiquedesenfantsautistes,alorsquilssontvraisembla-blement une des voies privilgies daccs leur tre profond, et quuneapprocheunitairedecesdsordressensorielspourraittrefondesurune anomalie du traitement temporospatial des flux sensoriels.Arguments exprimentauxAfindexplorerlhypothsedudsordredutraitementtemporospatialdes vnements multisensoriels dans lautisme, nous avons test, au seindunmmegroupede22enfantsetadolescentsautistes,lacapacitextraire en temps rel une information pertinente au sein dun stimulusDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-379354bruit, dans trois types de tches exprimentales : a) la ractivit oculo-motriceunmouvementcohrentdepointslumineux,traverslamesuredunystagmusoptocintique;b)laperceptionetlasegmenta-tiondufluxverbaltraverslacatgorisationdephonmessimplesetcomplexes ; c) la ractivit proprioceptive et lanticipation motrice dansune tche de dlestage bimanuel, travers la mesure dindices lectro-myographiqueetcinmatique.Lesrsultatsdeceprogrammederecherche sont les suivants (Gepner et Massion (dirig par), 2002).Comme mentionn plus haut (voir Mestre et al., 2002), le groupe desenfants avec autisme a montr une trs faible ractivit oculomotrice aumouvement cohrent et des seuils plus levs de cohrence du mouve-ment(cest--direlancessitdunpourcentagepluslevdepointsallantdansunedirectiondonneparrapportlensembledespoints)par rapport au groupe des enfants ordinaires du mme ge, comme celaavait t montr prcdemment (Spencer et al., 2000; Milne et al., 2002).Cetteanomalie,quisupposeundfautdanalysetemporellerapidedestimuli visuels en mouvement inclus dans du bruit, est un argument forten faveur dune dgradation de lintgration temporospatiale en moda-lit visuelle chez les enfants autistes.Deuximement, le mme groupe denfants autistes a montr un dfi-cit de la catgorisation de certains phonmes. En effet, compars desenfants tmoins ordinaires qui catgorisent un phonme ambigu commeMNA (qui est constitu dune superposition algorithmique de phonmesMAet NA) en une rponse MA ou NA au hasard (avec environ 50% deMAet50%deNA),lesenfantsautistessur-catgorisentMNAenunerponse NA. Cette surcatgorisation anormale apparat chez les enfantsautistes quand les phonmes sont prsents en vitesse normale, mais elledisparatquandlesphonmessontprsentsenvitesseralentiepardeux. Ce dfaut de catgorisation pourrait donc en partie tre d unedifficult traiter le flux verbal rapide, et donc un dfaut dintgrationtemporelle dans la modalit auditive (Tardif et al., 2002). Un dsordre dutraitement temporel analogue a t trouv il y a 30 ans chez des enfantsayantdestroublesdedveloppementdulangage(dysphasie,dyslexie)par Tallal (1976); il a t reli un dfaut de fonctionnement du systmevisuel et/ou auditif magnocellulaire (Talcott et al., 2000; Stein, 2001), et agalement t amlior par un ralentissement de la parole (Tallal et al.,1996; Merzenich et al., 1996; Habib et al., 1999).Enfin, il est apparu quun sous-groupe de ces mmes enfants autistesprsenteundfautdanticipationmotricedanslatchededlestageDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense355bimanuel (Schmitz et al., 2002), un rsultat qui confirme une tude pr-cdente (Schmitz et al., 2003). Cette tche requiert le traitement tempo-relrapidedesvnementsproprioceptifs,laconstitutiondunmodleinterne(cest--diredunereprsentationinternedupoidsdlester),etlajustementtemporelprcisdesvnementsmusculairesvisantcompenserledlestage.Comparsauxenfantstmoinsordinairesquiutilisent un mode de contrle anticipatif pour stabiliser leur avant-braslors du dlestage de lobjet plac sur le poignet, les enfants autistes utili-sent un mode de contrle rtroactif (en feedback), ce qui se fait au prixdunralentissementdumouvement.Endautrestermes,lesenfantsautistes ragissent au lieu danticiper. Ce dfaut danticipation et dajus-tementtemporelprcisducontrledumouvementpourraitenpartiersulter dune altration du traitement temporospatial des vnementsproprioceptifsinitiaux,etainsidundfautdintgrationtemporospa-tiale dans la modalit proprioceptive.Globalement,cesrsultatssuggrentfortementquelesenfantsautistes ont un dfaut dintgration temporospatiale des flux sensorielsncessairepourdtecteretintgrerlemouvementvisuel,coderetdcouperlelangage,etprogrammerdesajustementsposturaux.Pourrsumer, le monde semble aller trop vite, ou changer trop vite pour aumoinscertainespersonnesautistes.Cetteapprocheunitairedesdsordresautistiquespourraitrendrecomptedelvitementsensorieldes personnes autistes (quand le flux sensoriel est aversif), et secondai-rementdeleurvitementsocial,maisaussidudcouplageperception-actionetdeleurdsaccordagesensorimoteur,deleursdsordresdecomprhension verbale et motionnelle, et in fine de leurs anomalies decomprhension du monde physique et humain qui les entoure et de leurdsaccordage social et affectif [voir Figure I, page 357].Synthse, hypothses neurobiologiqueset parents physiopathogniquesNotre approche synthtique des dsordres de la constellation autistiqueest donc celle dun trouble du traitement temporospatial des flux multi-sensoriels, dont la Malvoyance de l-Motion est un exemple particuli-rementsaillant.Seloncetteapprochethorico-clinique,lespersonnesautistessouffriraientdetroublesplusoumoinsenvahissantsdutraite-ment temporospatial des vnements multisensoriels, cest--dire dano-malies danslaperceptionenligne desvnementsvisuels,auditifsetDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-3793569Lactivit gamma corres-pond des rythmes lectro-physiologiques de frquenceleve (30-100 Hz). Lampli-tude de loscillation gammaest corrle la taille de las-semble de neurones syn-chroniss, et au degr deprcision de la synchronisa-tion. Lactivit gamma est unmarqueur de la synchronisa-tion des dcharges neuro-nales de diffrents rseauxneuronaux locaux spcialiss,de lintgration temporelledes informations multi-senso-rielles. Elle est notamment unmarqueur neurophysiologiquede lattention consciente, dela mmoire de travail, de lap-pariement des concepts, dela dcision lexicale, de la per-ception consciente duneforme globale (Rodriguez etal., 1999; Varela et al., 2001pour une revue)tactilo-kinesthsiques en provenance du monde environnemental, ainsique dans la synchronisation de ces vnements sensoriels, dans le cou-plagesensorimoteuretlaproductionentempsrel dvnementsmoteursetdecommunicationverbaleetmotionnelle,etcedslesdbutsdeleurviepostnatale(Gepner,2005;Gepneretal., 2005;voirFigure I).Quelles pourraient tre les bases neurobiologiques de tels dsordresneuropsychologiques ?A unniveauneurofonctionnel,nousavonsprcdemmentpropos(Gepner et Massion, 2002) que cette anomalie du traitement temporo-spatial pourrait tre lie un dfaut de codage temporel des vnementssensoriels et moteurs et de couplage sensorimoteur dans lequel le cerve-let, vritable horloge du cerveau (Ito, 1984; Massion, 1993, 1997; Doya,2000;JohnsonetEbner,2000;MiddletonetStrick,2000),joueraitunrlecrucial.Lanotiondecodage dsignelemessagecontenudansladchargedesneurones.Lanotionde codagetemporel supposequelescaractristiquestemporellesoufrquentielles deladchargeneuronalecontiennent des signaux pertinents pour le fonctionnement du systmenerveux. Le terme de codage temporel peut prsenter plusieurs sens. Auniveaudesensemblesneuronaux,cetermedonnelasynchronisationdansletempsdesdchargesneuronalesdeplusieurssous-systmesneuro-fonctionnels, la proprit de constituer de facto une cohrence dumonde par simultanit (Berthoz, 1997).Cette explication est compatible avec lhypothse du dficit de liai-sontemporelledanslautisme(Brocketal., 2002),selonlaquellelesindividus autistiques souffriraient dun dficit de la synchronisation desactivitslectriqueshautefrquence(activitgamma)9entredesrseaux de neurones distants. Plus prcisment, et selon lhypothse deWelshetal. (2005),desperturbationsdanslastructureanatomiquedeloliveinfrieure,etdoncdanslaliaisonolivo-crebelleuse,tellesquedcouvertesdanslautisme(Baileyetal., 1998; KemperetBauman,1993), empcheraient les neurones de lolive infrieure de se synchroni-ser lectriquement et de gnrer une sortie rythmique cohrente, ce quialtreraitlacapacitdespersonnesautistestraiterdesinformationsrapides, et provoquerait chez elles un ralentissement de leur traitementcognitifglobal.Unrsultatrcent,montrantquedesadultesavecunsyndromedAspergerontunretarddactivationcorticaleentreleszones occipitales, le sillon temporal suprieur, le lobe parital infrieuretlelobefrontalinfrieurquandilsimitentdesphotosdeformesdeDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense357FigureI:Schmasynthtiquedescascadesmaldveloppementalessecondairesdesdsordresdutraitementtemporospatialdesfluxsensorielsdanslautisme(reprisdeGepner,2005).Dsordresdecomprhension,dimitationetdexpressionverbaleDsordresdelassociationvisuo-auditiveTroublesdeperceptiondesmouvementslabiauxTroublesdeperceptiondesmouvementsoculairesTroublesdeperceptiondesexpressionsfacialesmotionnellesDsordresdecomprhension,dimitationetdexpressiondesmimiquesmotionnellesDsordresdanslarciprocitmotionnelleDsordresdanslempathieDsordresdedtectiondeladirectionduregardTroublesducontactoculaireDficitdelattentionconjointeDficitdeconstructiondunethoriedelespritTroubledintgrationdumouvementvisuelDsordresproprioceptifsvisuelsTroublesdecatgorisationdesphonmesDficitdeplanificationetdanticipationmotriceDysfonctionexcutiveDsordredelaperceptiondufluxverbalDficitdeconstructiondunmodleinterneDsordredelaperceptiondufluxproprioceptifDsordresdintgrationvisuo-oculomotriceetvisuo-posturaleDsordresdutraitementtemporeldesvnementssensorielsDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-379358lvres(Nishitanietal., 2004),vabiendanslesensdecettehypothse.En suivant Welsh et al. (2005), et en sappuyant sur de nombreuses don-nesdelalittraturesurlasynchronisationneuronaledanslecerveaudelanimaletdelhomme(Varelaetal., 2001,pourunerevue),uneinformationsensoriellerapide(unfluxsensorielrapide)parviendraittroprapidementaucerveaudespersonnesautistespourtretraitentemps rel, ce qui altrerait la dcharge simultane (la synchronisation)deneuronesdunemmeassemble,etentraneraitunedsorganisa-tion, une dsynchronisation et un ralentissement du traitement de lin-formation.Unesynchronisationneuronaleanormaledansunrseauneuronalauseindunemodalitsensorielleentraneraitsecondaire-ment un dsordre dans le couplage temporel entre des assembles neu-ronales de diffrentes modalits sensorielles.Dans une tude rcente, cependant, et contrairement leur propreprdiction,Brownetal. (2005)ontmontrquedessujetsautistespr-sententuneactivitgammadesynchronisationneuronaleaccruelors-quils doivent identifier la prsence ou labsence de formes illusoires deKanisza.Nous proposons donc que, selon le type de stimuli auquel elles sontexposes, les personnes autistes souffrent soit dun dfaut de synchroni-sation neuronale (ou dsynchronisation neuronale) comme par exemplepourdesstimulidynamiquesrapidesouglobauxincluantlecontexte,soit dun excs de synchronisation neuronale (ou hypersynchronisationneuronale) pour des stimuli statiques ou locaux, des dtails, des singula-rits. Dans la mesure o la synchronisation neuronale est un mcanismeneurobiologiquecrucialdanslesprocessusattentionnels,perceptifsetcognitifs(voirnote9),cesdsordresdelasynchronisationseraientsecondairementresponsablesdesanomaliesattentionnelles,percep-tives et/ou cognitives, par dfaut ou par excs, des personnes autistes.Par ailleurs, lhypersynchronisation pourrait apparatre au cours dudveloppementcommeunmcanismeneuropsychologiquedestincompenserleseffetsdunedsynchronisationpralable,maisquienquelque sorte dpasserait sa cible. En particulier, un phnomne dhy-persynchronisationauseindunrseauneuronallocalpuisentredesrseaux neuronaux distants, qui constitue le mcanisme dpilepsie par-tielle et de gnralisation (selon le modle neuromimtique de Perchaet al., 2005), serait tout fait compatible avec la trs frquente associa-tionentrelautismeetlpilepsiecliniqueouinfraclinique(HughesetMelyn, 2005).Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense359Nous proposons ainsi lide de dyssynchronie multisystme (au seinet/ou entre des rseaux neuronaux et des voies neurofonctionnelles plusou moins distants) comme mcanisme fondamental des dsordres de laconstellation autistique. Cette dyssynchronie affecterait initialement unouplusieurssystmes-clstelsquelesystmevisuelmagnocellulaire(GepneretMestre,2002b;Deruelleetal., 2004),lecervelet(Cour-chesne, 1997), la voie dorsale (Villalobos et al., 2005), le sillon temporalsuprieur(Gervaisetal., 2004),lesneuronesmiroirs(Obermanetal.,2005), puis, par effet tache dhuile ou boule-de-neige, vers lamont etverslaval,ellestendraitventuellementdautresrseauxneuro-naux et voies neurofonctionnelles.De plus, de nombreuses donnes issues de la physiologie humaine etanimale (Varela et al., 2001, pour une revue), de la psychophysiopatho-logie (Babiloni et al., 2004 pour lpilepsie; Symond et al., 2005 pour laschizophrnie; Just et al., 2004 pour lautisme) et des modles neuromi-mtiques(BorgersetKopell,2003;Breakspear,2004)ontmontrltroitecorrlation,linterdpendancefonctionnellevoirelquiva-lence entre synchronisation neuronale, rythmicit crbrale et connecti-vit fonctionnelle (qui reprsente la corrlation spatiale par coactivationentreairescrbrales).Autrementdit,lasynchronisationestlemca-nisme de la connectivit temporelle.La contrepartie spatiale de cette dyssynchronie multisystme est doncune dysconnectivit multisystme (hypo- et/ou hyperconnectivit) au seindunrseauet/ouentredesrseauxneurofonctionnelsmultiples.Lesrecherchesneuroscientifiquessurlautismedeces30derniresannesontrvlquedenombreuseszonescrbralestaienttouchesdunemanire ou dune autre chez les personnes autistes. Mais la dcouvertedundfautdeconnectivit entrediffrentesairescrbralesestplusrcente (Horwitz et al., 1988). Lexistence dune sous- ou surconnectivitentrerseauxneuronaux,djprvueparlapprochepigntiqueetauto-organisationnelledestroublesautistiques(GepneretSoulayrol,1994),at modlise(Cohen,1994).Actuellement,unnombrecrois-santdtudesenIRMfonctionnelle(CourchesneetPierce,2005; Bel-monteetal., 2004),portantnotammentsurletraitementdesvisages(Hadjikhanietal., 2004; Pierceetal., 2004)oulacomprhensiondephrases(Justetal., 2004),tendentmontrerquecestdavantagelamodulation dactivit entre rgions crbrales ou la connectivit entre cesrgions,quiestaltredanslesdsordresdelaconstellationautistique(Wickelgren,2005pourunerevue).LexistencedunedysconnectivitDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-379360crbraledanslautismeaucoursdetchesdetraitementdemimiquesfacialesmotionnellesvientdtreclairementconfirmeparnotregroupe (Wicker et al., submitted).Cettedysconnectivitfonctionnelleseraitaumoinspartiellementdue des mutations de gnes situs sur le chromosome X et codant pourles neuroligines 3 et 4, qui sont normalement impliques dans ladhsioncellulaire et la synaptogense (Jamain et al., 2003).Enbref,nouspensonsquelesdifficultsdespersonnesautistespercevoirlesvnementsoufluxsensorielsenligne(cest--direaumomentoilsleurparviennent),intgrercesfluxdansleurcorpspropre,couplerentempsrelperceptionetaction,etsaccordercognitivement et motionnellement autrui dans les changes commu-nicatifsetsociaux,pourraienttreunetraductioncomportementaleetneuropsychologique de cette dyssynchronie et dysconnectivit multisys-tme, que celles-ci soient dordre structural et/ou fonctionnel.Pourfinir,etafinderendrecomptedelaparententrecertainssignes cliniques prsents dans les dsordres autistiques dun ct, et lessyndromesdys- (cest--diredysphasie,dyslexie,dyspraxieHabib,2006),lestroublesattentionnelsavecousanshyperactivit,etlessyn-dromespileptiques,dunautrect,noussuggronsquecesdiverstroublesneurodveloppementauxpartagentsansdouteaumoinsunmcanismephysiopathogniquecommun.Nousproposonsquecemcanisme physiopathognique commun, permettant dexpliquer cettetendancelacomorbiditvoirecertainsrecouvrementsnosogra-phiquesentrecesdiffrentssyndromes,portesurlasynchronisation/connectivitneuronale.Eneffet,commenouslavonssoulignplushaut, lexistence de troubles du traitement temporel a t dmontre ily a 30 ans chez certains patients atteints de troubles de dveloppementdulangage(dysphasie,dyslexie:Tallal,1976),desdsordresdelaconnectivitcrbraleonttdmontrschezdessujetsatteintsdetroublesattentionnels(Roessneretal., 2004),etlessyndromespilep-tiquessonttypiquementmarqusparunetendancelexcsdesyn-chronisationneuronale.Maisdestroublesdelasynchronisationsontgalementluvredanslaschizophrnie(Spenceretal., 2004)etladpression (Tekell et al., 2005).Queconcluredececi ?Nouspensonsquaussidiffrentssoient-ilssur le plan clinique, les diffrents troubles neurodveloppementaux, oulesdiffrentesmaladiesneuropsychiques,pourraientcomporterdansDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense361leurssoubassementsneurobiologiquesfondamentaux,unealtrationportant sur la synchronisation/connectivit neuronale. Cette altration,en fonction de ses origines, de sa nature, de son intensit, de ses locali-sations,desonextensiontemporo-spatiale,semanifesteraitpardesexpressions phnotypiques varies, plus ou moins regroupes dans dif-frentes constellations cliniques.Cette vision relativise, cest--dire met en relation, lautisme par rap-port aux autres dsordres neuropsychiques, ce qui ne doit pas empcher(aucontraire)decontinuerdespcifierlesdiffrencesentrelesdiversdsordresdelaconstellationautistique,etentreceux-cietlesautresdsordres neurodveloppementaux et neuropsychiques.Perspectives psychologiques,mtapsychologiques et philosophiquesDanscedernierparagraphe,nousessayonsdexplorerlespossiblesconsquences de notre thorie des dsordres de lintgration temporo-spatialedesvnementsmultisensorielsdanslautismesurledvelop-pementetlefonctionnementdelapense,etnousdonnonsnosvuespersonnelles sur ce quon pourrait appeler la personnalit autistique.Dans ce paragraphe galement, nous proposons une vue peu ortho-doxedelautismeentantquemodlededissociationpsychisme-cer-veau,etsuggronsuncontinuumentrepense,langageetactionentermes de degrs dnergie et de matrialit.Continuum autistique et continuit de la penseQuand elle dcrit son mode de pense, Temple Grandin (1995) crit :Je pense en images. Pour moi, les mots sont comme une seconde langue. Je tra-duis tous les mots, dits ou crits, en films coloriss et sonoriss ; ils dfilent dans matte comme des cassettes vido Quand je lis, je traduis les mots en films en cou-leurs, ou bien je stocke simplement la photo de la page imprime pour la lire plustard.Quandjecherchedansmatte,jevoislaphotocopiedelapage.Ilestpro-bable que Raymond, lautiste de haut niveau dpeint dans le film Rain Man, utiliseunemthodesemblablepourmmoriserlesannuairestlphoniques,lescartesroutires et les autres informations. Il photocopie simplement chaque page du livredans sa mmoire. Quand il a envie de retrouver un numro, il balaie les pages delannuaire dans sa tte. Pour retrouver des informations dans ma mmoire, je doisDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-379362repasserlacassettevido.Ilestparfoisdifficilederetrouvercertainesdonnesparce quil faut que jessaie diffrentes cassettes jusqu ce que je trouve la bonne.Et cela prend du temps Un autre fait atteste de lutilisation de la pense visuellecomme mode principal du traitement dinformations. Cest laptitude remarquablequontbeaucoupdautistesfairedespuzzles,sorienterdansunevilleoummoriseruntrsgrandnombrededonnesenuncoupdil.Lecoursdemespropres penses ressemble celui dcrit par A.R. Luria dans Une mmoire prodi-gieuse. Ce livre raconte le cas dun journaliste-reporter qui accomplit des prouessesavec sa mmoire. Tout comme moi, lhomme conserve une image visuelle de toutce quil a lu ou entendu Je continue de ne penser quen images, mme si la penseest de moins en moins visuelle mesure quon sloigne de lautisme de Kanner surle continuum Jignorais que mon mode de pense visuel tait lorigine de mesdifficults dinteraction avec autrui .LorsquonlitcesdescriptionsunefoisencoreextraordinairesdeTemple Grandin, et quon les met en rapport avec son monde sensoriel(voir paragraphes prcdents), on comprend mieux le lien entre les par-ticularitsdesontraitementsensorieldumondeenvironnantetsonmode de pense.Nous avons dj soulign dans les paragraphes prcdents, ct deGrandin,leparallle(etprobablementlacorrlation)existantentreintensitdusyndromeautistiqueetintensitdesdsordressensoriels,avec un bout du continuum les syndromes autistiques svres marquspardenombreuxdsordressensorielsprofondsetenvahissants,etmesure que lon sloigne de ces tableaux cliniques, une diminution delintensit des dsordres sensoriels, et lautre extrmit du continuum,lesyndromedAspergermarqupardesdifficultsprincipalementsociocognitives.Selonlidecommunmentadmisequelemodedepense sancre dans le corporel en mme temps quil merge du corpo-rel (cerveau compris), ou encore que les processus sensoriels guident etinfluencent la construction et le fonctionnement de la pense sur soi, surautrui et sur le monde, et rciproquement, nous proposons quil existeunecorrlationlogiqueentrecontinuumdetraitementsensorieletcontinuum de mode de pense.Ainsi,TempleGrandin,quisedfinitcommeuneadulteavecsyn-dromedAsperger,dcritsonmodedepenseenimages,sousformesdesriesquasiinfiniesdephotographiesoudevidosdynamiquescourtes, faisant une place prpondrante la mmoire (cest--dire dessouvenirs stocks et figs). Elle souligne galement :Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense36310Chez les personnes ordi-naires, neuro-typiques(comme les appellent entreelles les personnes prsen-tant un syndrome dAspergersur certains sites internet), lapense courante saffranchi-rait plus ou moins complte-ment des images pour nefonctionner quavec desmots, des symboles, tandisque dans le rve la penseretournerait notre insu,inconsciemment, se retrem-per dans des modalitsvisuelles plus archaques surle plan dveloppemental.Lesdficiencesmineuresdutraitementdesinformationsvisuellesrenforaientmonattirancepourcertainsstimuli(jadoraisregarderlesportescoulissantesdessupermarchsoudesaroports),quiauraienteffrayoufaitfuirunautreenfantatteint danomalies plus svres. De cela nous pouvons dduire que des personnes autistes plus sv-rementatteintes,dontlesdsordressensorielsportantsurlesfluxvisuelsetauditifsseraientplusprofonds,auraientunepenseencoreplus fige, statique.Nousavionsprcdemmentproposquelapenseenimagessta-tiques, cest--dire prive de la continuit inhrente au mouvement, pou-vait constituer une sorte de signature de lautisme typique (Gepner, 2001).Schmatiquement,lapensedepersonnesatteintesdautismesvre fonctionnerait avec un manque trs profond de continuit, telleunepensestroboscopique,unepensefragmente,fractionne,suc-cession chaotique dimages instantanes sans lien entre elles. A mesureque lon sloignerait des formes dautisme svre sur le continuum, lapenseacquireraituneformedeplusenplusdynamique,cest--direles proprits dun flux de plus en plus fluide10.Selon notre hypothse, il y aurait donc une corrlation inverse entredegr de dsordres de traitement temporel des flux sensoriels et de mal-voyance -motionnelle dun ct, et degr de fluidit et de dynamiquede la pense de lautre.Le grandphilosopheHenriBergsonacritdanslEvolutioncra-trice (1941) :Nous prenons des vues quasi instantanes sur la ralit qui passe, et, comme ellessont caractristiques de cette ralit, il nous suffit de les enfiler le long dun devenirabstrait, uniforme, invisible, situ au fond de lappareil de la connaissance Percep-tion, intellection, langage procdent en gnral ainsi. Quil sagisse de penser le deve-nir,oudelexprimer,oummedelepercevoir,nousnefaisonsgureautrechosequactionner une espce de cinmatographe intrieur. Pourtouteslesraisonsmentionnesplushaut,nousensommesvenus penser que de nombreuses personnes autistes ont un problmeavecleurcinmatographeintrieur, etcettevuenoussembleavoirunimpactheuristiqueimportantsurlesrelationsentrepense,tempsetmouvement. Nous avons dj esquiss une approche neuropsychodyna-mique de la pense en gnral et de la pense autistique en particulier(Gepner, 2001). Selon celle-ci, la pense (sur soi, les autres et le monde)est trs profondment inscrite dans le mouvement, elle sancre dans leDocument tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Devenir,volume18,numro4,2006,pp.333-37936411Motion pulsionnelle, trie-bregung, terme apparent aumobile, au motif, la motiva-tion dont Freud dit : Nousne pouvons avoir rien dautreen vue quune motion pul-sionnelle dont le reprsen-tant-reprsentation estinconscient , 1915, inLaplanche et Pontalis, 1967).mouvementenmmetempsquellemergedumouvement,quilsagissedumouvementperu,internalis,mmoris,anticip,agidemanire spontane, rflexe, puis intentionnalis.Undsordreprcocedelintgrationetdelinscriptiondumouve-ment et du temps dans le corps propre entravera le processus dvelop-pementaldelapenseenmouvement.LaMotion (actiondemouvoir,miseenmouvementduncorpsphysique),laMotilit (facultdesemouvoirphysiquement),laMotionpulsionnelle11, toutcommeenfinlmotion (mouvement de lme, mouvement ou transport psychique),procdent essentiellement dune mme essence. Altr dans sa capacit associer et intgrer le mouvement physique et humain, les flux sonoreettactilo-kinesthsiquedanssonmondeintrieur,lenfantautisteseraaussiperturbdansleressentietlexpressiondesesmotionsetdesapense. Une dformation de la perception de la continuit, cosubstan-tielleaumouvementincessantdumonde,aboutiralogiquementunesuccession dinstants sans lien entre eux.Dans la mme ligne, et pour faire cho nos hypothses neurobiolo-giquesdedyssynchronieetdysconnectivit crbraleaucentredesdsordresautistiques,commentsupposons-nousquelapensefonc-tionne lorsque ses substrats neuronaux ne peuvent pas traiter le mondeen ligne, et quils fonctionnent de manire dyssynchrone et dysconnec-te? Sera-t-elle capable denfiler les vues quasi instantanes de la ra-lit le long dun devenir abstrait, uniforme, invisible, comme crit Berg-son? Quesignifieuneconsciencetemporelle,outemporospatiale,uneconsciencedelespace-temps,deladure,quandlecerveaunefonc-tionnepas lheure, entempsrel ? Onsupposequunetellepensefonctionneendehorsdelespace-tempsordinaire,dansunespace-temps difficile imaginer, dsynchronis, discontinu, distordu, morcel,fragment, et sans doute assez effrayant.Vivant dans cet espace-temps discontinu et disjoint, dsuni et mor-cel, et essayant dy survivre, de nombreuses personnes autistes sauto-stimulentenbougeantlecorpsouunepartiedecelui-ci,carlanaturehumaineagnralementhorreurdelinertie.Ainsi,cequiapparatcomme un symptme typique dautisme se rvlerait avant tout commeune stratgie compensatoire dsespre de la personne autiste pour sesentir vivante, dynamique, et pour tenter dinscrire le temps et le mou-vement dans son corps propre.Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Document tlcharg depuis www.cairn.info - univ_paris5 - - 193.51.85.60 - 30/03/2012 14h56. Mdecine & Hygine Constellationautistique,mouvement,tempsetpense365Personnalit autistique?Dansceparagraphe,nousvoudrionsposerlaquestiondelexistencedunepersonnalitautistique.Est-cequelapersonnalitautistiqueexiste?Est-cequexistentdestraitsdepersonnalitautistique?Siteltaitlecas,quelsseraientlesliensquantitatifsetqualitatifsentrelapathologieautistiqueetlapersonnalitautistique?Danslaconstella-tion autistique, y aurait-il une place pour la personnalit autistique? Lesdsordresduspectreautistiquesontdesdsordresneurodveloppe-mentaux. Sur ce continuum, lautisme le plus svre se situe une extr-mit, le syndrome dAsperger se situe lautre extrmit, mais au-delde cette extrmit, peut-on trouver une condition autistique encore pluslgre,quineseraitpasencoredansleregistredelanormalit,maisquon pourrait nommer personnalit autistique?On peut saccorder sur le fait que la personnalit est lidentit psy-chologiquesubjectivedunepersonne,faitedepropensions,tendanceset potentialits, quelle est la rsultante de facteurs et influences gn-tiques,pigntiquesetenvironnementales(ducatives,morales)etenfinquellesexprimetraverslecaractre,lesmotivat