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Conférence « Éducation au Développement durable » par M. Michel Hagnerelle, Inspecteur général de l’Éducation nationale et Doyen du groupe histoire et géographie. donnée dans le cadre de la première « Journée du développement durable » organisée par le CRDP de Rouen, lors de la Semaine du Développement durable, 31 mai 2006 La commande qui m’est passée, c’est d’essayer en très peu de temps de donner quelques pistes sur les enjeux de l’Éducation à l’Environnement pour un Développement durable (EEDD). Je conserve pour le moment cette appellation, mais comme je vous l’expliquerai tout à l’heure, je pense qu’on peut et qu’on doit la faire évoluer. Je suis ici à un double titre : d’abord en tant que doyen du groupe histoire et géographie de l’Inspection générale, et nous savons combien nos disciplines sont engagées dans ce domaine ; mais au-delà, en tant que responsable pédagogique de cette question au ministère, mission que je partage avec mon collègue Inspecteur général de SVT, Gérard Bonhoure. Nous travaillons sur ce dossier depuis trois ans et je vous livrerai quelques-unes de nos réflexions, vous montrant que ce dossier est très évolutif et que Gérard Bonhoure et moi-même avons aussi beaucoup muri nos réflexions. 1. QUELS ENJEUX POUR L’EEDD ? 1.1.Le développement durable dans l’air du temps. Je partirai d’un constat : aujourd’hui, il n’y a pratiquement pas de moment de notre journée où l’on n’entende ici ou là les termes d’environnement et de développement durable. Il y a peu de discours politiques, de revues, de journaux qui à un moment ou à un autre n’utilise ces termes. Nous baignons dans un « climat » d’environnement et de développement durable et la tendance s’accélère. Quelques exemples pris au hasard permettent de voir comment les médias, les entreprises et les organismes de toutes sortes utilisent ces notions. - Une publicité pour BASF Chimie, montrant un très beau paysage de montagne avec une route, indique : « Cela ne se voit pas à l’œil nu mais nos additifs pour bitumes contribuent au développement durable. Ils permettent de raccourcir la durée des travaux et de réduire les coûts d’entretien tout en rendant nos routes plus robustes et plus résistantes aux intempéries, augmentant ainsi leur durée de vie ». - Un autre exemple, AREVA : « Nos énergies ont de l’avenir. Un avenir sans CO2 » ; « Le monde a besoin de plus en plus d’énergie. Limiter les émissions de gaz à effet de serre est une nécessité. Face à ce double défi, AREVA innove. Leader mondial de l’énergie nucléaire et acteur engagé dans le développement des énergies renouvelables (éolien, biomasse, pile à combustible), AREVA propose à ses clients des solutions pour produire et acheminer l’électricité, tout en préservant la planète. » - France Télécom : « Remplacer une réunion par une visioconférence, c’est aussi protéger un désert. » - Le SIAAP (Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne) : « C’est ainsi que le SIAAP, service public, agit pour le mieux-être des habitants et le futur durable de notre planète. » - Jacques Vabre, c’est « Le café pour agir ». Trois mots en gros : « Responsable Ethique Durable » et « 100% issu de fermes vérifiées par l’organisation indépendante Rain Forest Alliance, dans le respect de principes de développement durable et selon plus de 200 critères (…) - La SNCF : « Toutes nos idées d’avance intègrent le développement durable » On pourrait continuer ainsi longtemps. D’autres exemples pris dans la presse. - Le Monde du 25 mai 2006 publiait un gros supplément sur le développement durable. - Le Monde 2 a publié la semaine dernière un article intitulé « Comment les sociétés disparaissent ». C’est une entrée qui est en train de se développer et des historiens de l’environnement essayent de travailler sur ce thème, de mettre en relation la disparition de certaines sociétés ou civilisations avec - 1 -

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Conférence « Éducation au Développement durable »par M. Michel Hagnerelle,

Inspecteur général de l’Éducation nationaleet Doyen du groupe histoire et géographie.

donnée dans le cadre de la première « Journée du développement durable »organisée par le CRDP de Rouen, lors de la Semaine du Développement durable,

31 mai 2006

La commande qui m’est passée, c’est d’essayer en très peu de temps de donner quelques pistes sur les enjeux de l’Éducation à l’Environnement pour un Développement durable (EEDD). Je conserve pour le moment cette appellation, mais comme je vous l’expliquerai tout à l’heure, je pense qu’on peut et qu’on doit la faire évoluer.

Je suis ici à un double titre : d’abord en tant que doyen du groupe histoire et géographie de l’Inspection générale, et nous savons combien nos disciplines sont engagées dans ce domaine ; mais au-delà, en tant que responsable pédagogique de cette question au ministère, mission que je partage avec mon collègue Inspecteur général de SVT, Gérard Bonhoure. Nous travaillons sur ce dossier depuis trois ans et je vous livrerai quelques-unes de nos réflexions, vous montrant que ce dossier est très évolutif et que Gérard Bonhoure et moi-même avons aussi beaucoup muri nos réflexions.

1. QUELS ENJEUX POUR L’EEDD ?

1.1.Le développement durable dans l’air du temps.

Je partirai d’un constat : aujourd’hui, il n’y a pratiquement pas de moment de notre journée où l’on n’entende ici ou là les termes d’environnement et de développement durable. Il y a peu de discours politiques, de revues, de journaux qui à un moment ou à un autre n’utilise ces termes. Nous baignons dans un « climat » d’environnement et de développement durable et la tendance s’accélère.

Quelques exemples pris au hasard permettent de voir comment les médias, les entreprises et les organismes de toutes sortes utilisent ces notions.

- Une publicité pour BASF Chimie, montrant un très beau paysage de montagne avec une route, indique : « Cela ne se voit pas à l’œil nu mais nos additifs pour bitumes contribuent au développement durable. Ils permettent de raccourcir la durée des travaux et de réduire les coûts d’entretien tout en rendant nos routes plus robustes et plus résistantes aux intempéries, augmentant ainsi leur durée de vie ».

- Un autre exemple, AREVA : « Nos énergies ont de l’avenir. Un avenir sans CO2 » ; « Le monde a besoin de plus en plus d’énergie. Limiter les émissions de gaz à effet de serre est une nécessité. Face à ce double défi, AREVA innove. Leader mondial de l’énergie nucléaire et acteur engagé dans le développement des énergies renouvelables (éolien, biomasse, pile à combustible), AREVA propose à ses clients des solutions pour produire et acheminer l’électricité, tout en préservant la planète. »

- France Télécom : « Remplacer une réunion par une visioconférence, c’est aussi protéger un désert. »

- Le SIAAP (Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne) : « C’est ainsi que le SIAAP, service public, agit pour le mieux-être des habitants et le futur durable de notre planète. »

- Jacques Vabre, c’est « Le café pour agir ». Trois mots en gros : « Responsable – Ethique – Durable » et « 100% issu de fermes vérifiées par l’organisation indépendante Rain Forest Alliance, dans le respect de principes de développement durable et selon plus de 200 critères (…)

- La SNCF : « Toutes nos idées d’avance intègrent le développement durable » On pourrait continuer ainsi longtemps.

D’autres exemples pris dans la presse.- Le Monde du 25 mai 2006 publiait un gros supplément sur le développement durable.- Le Monde 2 a publié la semaine dernière un article intitulé « Comment les sociétés disparaissent ». C’est une entrée qui est en train de se développer et des historiens de l’environnement essayent de travailler sur ce thème, de mettre en relation la disparition de certaines sociétés ou civilisations avec

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des éléments relatifs à l’environnement. L’idée de réfléchir à la façon dont les sociétés passées se sont « débrouillées » avec leur environnement est une vraie question, très intéressante pour nous tous, quelles que soient nos disciplines. Mais nous n’en sommes, je crois, qu’au début de cette réflexion et parfois on peut entendre n’importe quoi sur ce sujet.

On peut voir à travers ces quelques exemples qu’il y a une effervescence considérable à propos du développement durable.

1.2.L’environnement, une affaire d’Etat.

En mars 2005, le Parlement a voté l’inscription dans la Constitution d’une Charte de l’Environnement qui place les questions environnementales à côté des très grands concepts de la Constitution. C’est un acte fondamental pour un pays comme le nôtre, même si on doit constater que ce texte est méconnu, et c’est très regrettable.

Le texte de la Charte de l’Environnement sur le site du ministère de l ‘Ecologie et du Développement durable :http://www.ecologie.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=937

1.3.L’environnement, une affaire planétaire.

Je ne reviendrai pas sur le rôle qu’ont joué les grandes organisations internationales depuis quelques décennies, que ce soit l’ONU et ses différentes missions ou que ce soient les grandes ONG. La façon dont le débat s’est mondialisé est largement passé par l’ONU à travers notamment de grandes conférences internationales : Rio en 1992, Johannesburg en 2002 pour ne citer que celles-là. Au cours de cette année 2006 s’ouvre la Décennie du Développement durable de l’UNESCO, qui pourrait avoir un impact non négligeable sur la façon dont nous abordons ces questions.

Le communiqué de presse à la suite du sommet de Rio, sur le site de l’ONU :http://www.un.org/french/events/rio92/rioround.htm

Le site du sommet de Johannesburg :http://www.un.org/french/events/wssd/

Tout cela pour dire que les questions d’environnement et de développement durable sont devenues centrales pour nos sociétés et l’humanité toute entière ; le problème pour nous est de savoir : que fait l’Ecole ? En d’autres termes : que faisons-nous ? quelle est notre responsabilité ?

2. DEBUT DES ANNEES 2000 : LE PLAN D’ACTION DE L’ÉDUCATION NATIONALE

Face à ces questionnements, Luc Ferry, alors ministre de l’Éducation nationale, a commandé à l’Inspection générale en 2002 un rapport sur l’Éducation à l’environnement dans le système éducatif français. Cette étude nous a été confiée, à Gérard Bonhoure et moi-même, et nous avons rendu notre rapport au ministre au printemps 2003. Un rapport dont je vous livre quelques conclusions.

Lire le rapport : http://www.ac-orleans-tours.fr/eedd/files/rapport_bonhoure.pdf

2.1.Jusqu’au début des années 2000, il n’y avait pas de véritable politique nationale

d’éducation à l’environnement.

Parmi nos conclusions, nous avons mis en évidence que notre système éducatif, au début des années 2000, ne s’était pas emparé de l’éducation à l’environnement. Malgré 30 ans « d’éducation à l’environnement », les questions environnementales ne faisaient pas partie des priorités de notre ministère.

Pourtant des actions avaient débuté dès le milieu des années 1970. Après la Conférence de Stockholm de 1972, est parue une circulaire en 1977, extrêmement importante, sur l’éducation à l’environnement. Beaucoup de ce qu’on dit aujourd’hui se trouvait déjà dans cette circulaire, notamment une définition intéressante de l’environnement, mais aussi de grandes orientations pédagogiques. Sauf que cette circulaire était oubliée et quasiment inconnue.

La circulaire de 1977 sur le site Eduscol :http://eduscol.éducation.fr/D0185/circulaire1977.pdf

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2.2.Quelles carences ?

a) Dans aucune discipline il n’y avait de réflexion globale sur les questions environnementales. Aucune discipline n’avait conçu une progression cohérente de l’approche des questions

environnementales. Il n’y avait, ici ou là dans les programmes, que quelques références à ce sujet. A plus forte raison, n’existait aucune cohérence entre les disciplines, même si, ponctuellement, dans tel ou tel programme, il y avait la mention d’une relation possible avec une autre discipline.

b) Pas de réflexion non plus, bien évidemment, sur la progressivité des apprentissages du primaire au lycée.

c) Pas de convergence dans les définitions des notions clés. Nulle part dans nos programmes d’enseignement, il n’y avait de définition commune de ce

qu’on entendait par « l’environnement » et encore moins par « développement durable » puisqu’au début des années 2000 ce terme ne figurait que dans le programme de terminale SES. C’est étonnant, car il date de la fin des années 1980.

d) Pas de politique nationale de partenariat dans le domaine de l’éducation à l’environnement.Nous avons relevé un nombre considérable de partenaires intervenant dans le domaine de

l’éducation à l’environnement, avec quelquefois des positions contraires aux objectifs que nous nous donnions. Mais nous avons regretté l’absence de politique suivie et d’un minimum de contrôle dans les relations qu’on pouvait avoir avec les partenaires.

Même chose pour les ressources : pas de politique nationale dans le domaine des ressources. Nous avons constaté l’existence d’une multitude de publications de toutes sortes, qui venaient d’ailleurs quelquefois de notre propre ministère, dont toute une partie ne correspondait pas à la vision que nous avions de l’environnement et de l’éducation à l’environnement.

D’autre part, nous avons pu constater que ce qui se faisait s’inscrivait presque exclusivement dans le cadre de projets. Des projets parfois extrêmement intéressants, menés souvent par des équipes de passionnés. Dans les trente ans dont je parlais tout à l’heure, ce sont ces projets qui ont porté et qui ont fait progresser la réflexion sur l’éducation à l’environnement. Malheureusement, nous savons bien que ces projets n’étaient pas généralisés et au total, nous avons estimé que seulement 5 à 10% des élèves étaient concernés dans leur scolarité par des projets, des études ou des dossiers se rapportant à l’environnement.

Au total, un constat assez sévère, qui nous a conduit à la conclusion qu’il n’y avait pas, au début des années 2000, de véritable éducation à l’environnement et au développement durable en France.

2.3.Le lancement d’une politique nationale d’éducation à l’environnement pour un développement durable (EEDD).

A la suite de notre rapport, le ministre Luc Ferry a lancé une politique nationale, forte et ambitieuse, d’EEDD.

Cela s’est traduit, dans les mois qui ont suivi, par un grand colloque national, en décembre 2003 à Paris, qui a permis de cerner les grandes problématiques et de dégager des pistes d’action. Les actes de ce colloque sont disponibles dans le réseau CNDP-CRDP sous le titre « Eduquer à l’environnement, vers un développement durable ». C’est encore une bonne base de travail.

Les actes du colloque sur le site Eduscol : http://eduscol.éducation.fr/D0126/environnement_actes.htm

Puis, en juillet 2004, a été publiée la circulaire : « Généralisation de l’Éducation à l’environnement pour un développement durable (EEDD) ». Cette circulaire est un texte extrêmement intéressant qui définit ce qu’on peut attendre, dans un pays comme le nôtre, d’une éducation à ces questions dans le système éducatif.

La circulaire, sur le site du BOEN : http://www.éducation.gouv.fr/bo/2004/28/MENE0400752C.htm

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2.4.La circulaire de Juillet 2004.

Son objectif est de « généraliser l’éducation à l’environnement, pour un développement durable ». Il s’agit pour nous de passer d’approches ponctuelles à l’objectif de généralisation de l’éducation à l’environnement sur l’ensemble du cursus scolaire. Cela concerne tous les niveaux d’enseignement, du primaire au lycée et l’ensemble des disciplines, même si certaines disciplines sont inévitablement plus impliquées que d’autres.

C’est une politique ambitieuse : alors comment faire, dans notre système éducatif, pour généraliser l’EEDD ?

3. COMMENT GÉNÉRALISER L’ÉDUCATION À L’ENVIRONNEMENT POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE ?

C’est une question complexe et très évolutive. Nous ne tenions pas ces discours il y a deux ans. Je vais donc vous livrer quelques réflexions, qui sont celles d’aujourd’hui.

3.1.Quelles sont les entrées possibles dans l’EEDD aujourd’hui ?

Il y a trois entrées possibles, trois entrées fondamentales dans tout ce que nous faisons et devons développer dans nos classes et nos établissements.

a – Première entrée : construire l’EEDD dans les disciplines.

- Par la co-disciplinarité. Nous avions indiqué, et vous le trouverez dans la circulaire de 2004, que l’EEDD ne pouvait

se concevoir autrement que par des échanges et une complémentarité entre les disciplines. A l’évidence, aucune discipline à elle seule, ne peut couvrir le champ de l’EEDD. Tout le travail que nous avons réalisé avec Gérard Bonhoure depuis deux ans, nous a conduit progressivement vers la notion de co-disciplinarité, chaque discipline contribuant avec ses programmes, ses contenus et ses démarches à la construction d’apprentissages complémentaires. Nous avons pensé que les termes d’inter-disciplinarité et de trans-disciplinarité pouvaient conduire à chercher un plus petit commun dénominateur, ce qui nuirait à la richesse des approches et des débats.

- Dans les programmes. L’EEDD n’est pas une discipline supplémentaire, ni un nouveau dispositif. L’EEDD doit être

inscrite d’abord dans les enseignements et dans les programmes. A partir du moment où il a été décidé qu’il fallait généraliser, c’est par les programmes que cette généralisation passera parce qu’ils sont enseignés à tous les élèves. Cette entrée dans les programmes concerne tous les niveaux et toutes les disciplines.

Nous devons rechercher, dans les programmes existants, la façon dont on peut trouver des entrées et de nouvelles problématiques pour traiter ou intégrer l’EEDD.

Par ailleurs, au fur et à mesure que les programmes seront revus dans les différentes disciplines, on introduira explicitement les questions d’EEDD dans les nouveaux programmes.

Ainsi, dans les programmes qui viennent d’être réécrits (par exemple les programmes de SVT ou de physique-chimie du collège) les questions d’environnement et de développement durable sont clairement inscrites. Il en sera de même, en histoire-géographie, dans les futurs programmes de collèges, de lycées professionnels, et des séries technologiques.

Pour vous aider à réfléchir à la façon dont on peut introduire des problématiques nouvelles dans les programmes existants, des propositions, rédigées par un groupe d’experts pluri-disciplinaire animé par Gérard Bonhoure, sont mises en lignes pour plusieurs disciplines, sur le site Eduscol du ministère. Je laisse la parole à Gérard Granier, IA-IPR d’histoire-géographie et membre du groupe d’experts, pour qu’il nous explique de quoi il s’agit.

La page d’accès au dossier EEDD sur Eduscol :http://eduscol.éducation.fr/D1185/accueil.htm

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Ces documents d’accompagnement sont consultables dans la rubrique Disciplines et enseignements, EEDD.

La page ci-dessus concerne les programmes de SVT en classe de seconde. Les mêmes propositions sont disponibles pour les SVT de la 6è à la terminale ainsi que pour l'histoire-géographie au collège et pour les séries générales du lycée. D’autres documents complémentaires concernent les programmes d’histoire-géographie des séries technologiques, les programmes de physique-chimie et ceux de l'école primaire

Pour les disciplines précitées, on dispose généralement de tableaux à deux colonnes : – une colonne « programme » qui rappelle à gauche les textes officiels du BO et les indications

complémentaires également officielles sur le point de programme concerné;– dans la colonne de droite, les liens possibles pour avoir une entrée et un regard véritablement

« EEDD » sur la manière de traiter la question.

SVT - sixième

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Pour l’histoire-géographie en collège où les entrées sont moins évidentes puisque les programmes commencent à dater, vous trouvez à peu près la même démarche. Nous avons également eu le souci de penser à cette co-disciplinarité et des liens possibles sont diponibles, point par point, avec d’autres questions d’autres programmes, pour qu’on ait un regard transversal sur les questions abordées.

Géographie - sixième

Après cette première étape qui consistait à balayer l’ensemble des programmes pour déterminer quelques entrées, nous avons commencé, dans une deuxième phase d’approfondissement, à mettre en ligne ce que nous avons appelé des « zooms ».

Il y aura des « zooms » disciplinaires en histoire-géographie, en SVT, en physique-chimie notamment, qui consistent à faire des propositions plus affinées, plus précises concernant la manière de traiter un point précis de programme avec ce regard EEDD. Ce travail va se poursuivre.

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M. HAGNERELLE :

Quelle que soit notre discipline, nous devons donc réfléchir à la façon dont, dans les programmes existants et dans les formulations existantes, on peut reconsidérer les problématiques et les relire avec l’éclairage de l’EEDD. Il faut reposer, renouveler, rénover les problématiques.

Les problématiques du développement durable et de l’environnement ne sont pas exprimées explicitement dans les programmes d’histoire-géographie de collège. C’est notre mission d’intégrer ces questions dans les programmes existants. Il faut oser le faire et ces grilles sont là pour vous donner des idées sur la façon de le faire.

Je terminerai cette première entrée, en disant que c’est par les enseignements du quotidien et les disciplines que nous obtiendrons la généralisation de l’éducation à l’environnement et au développement durable sur l’ensemble de la scolarité. Nous en sommes responsables les uns et les autres puisque c’est nous qui sommes responsables de la mise en œuvre des programmes.

L’E.E.D.D. et les programmes d’histoire, de géographie et d’éducation civique sur le site de l’académie de Rouen :http://hist-geo.ac-rouen.fr/site/rubrique.php3?id_rubrique=469

b. Deuxième entrée, que nous continuons à encourager : l’entrée par les projets.

Depuis trente ans, c’est la pédagogie de projet qui a permis non seulement de soutenir l’éducation à l’environnement, mais aussi de la faire progresser. Ce n’est pas parce que nous avons promu en première ligne les programmes et les enseignements que nous devons renoncer aux projets de toutes sortes qui peuvent être conduits. La pédagogie de projet reste bien évidemment un excellent vecteur d’éducation à l’environnement. Avec tout de même une nuance : quand on observe de près ce qui se fait, certains projets restent dans des approches passéistes, un peu dépassées de l’EEDD. Dans les projets aussi, il nous faut intégrer des problématiques nouvelles.

c. Troisième entrée : la nécessité d’installer l’EEDD dans les établissements.

Les établissements du secondaire (collèges et lycées) et les écoles sont des lieux extrêmement intéressants de mise en place de projets globaux d’éducation à l’environnement. On voit apparaître un peu partout en France des expériences de mises en place d’EEDD dans les établissements. Dans l’académie de Rouen, plusieurs dizaines d’établissements sont engagés dans la démarche « développement durable ». Ce n’est qu’un début. Il y a d’autres académies, comme par exemple l’Alsace, où il y a une très forte implication des Conseils généraux dans les Agenda 21 des collèges. Il y a une vraie politique aussi dans l’académie de Lille, au niveau des structures durables dans les lycées. Dans beaucoup d’autres académies, on réfléchit à la manière dont l’établissement peut être porteur globalement d’une problématique d’éducation à l’environnement… Les établissements en démarche développement durable (E3D) se multiplient.

C’est une entrée très intéressante à la condition de prendre des précautions sur lesquelles nous avons beaucoup insisté avec Gérard Bonhoure : lorsqu’il s’agit de conduire une démarche d’éducation au développement durable dans un établissement, on ne peut pas se contenter de réfléchir à la façon de mieux gérer les questions de déchets, d’énergie ou de nourriture. Même si c’est déjà très important, cela ne suffit pas. Il faut d’une part chercher à lier au mieux cette « gestion-écoresponsable » aux enseignements pour mettre projets et programmes en cohérence. Mais une démarche d’établissement durable doit aussi impérativement s’ouvrir à l’extérieur et il faut réfléchir à la façon dont on peut intégrer dans le projet EEDD de l’établissement, quelques unes des thématiques développées par les responsables des territoires dans lesquels se situent l’établissement (quartier, ville, communauté de communes, département, région).

Donc une double dimension : intérieure, de politique intérieure, mais aussi une ouverture de l’établissement sur l’extérieur.

Au total, on peut dire que nous avons trois entrées complémentaires dans l’EEDD : - les programmes à relire et à modifier, - les projets à soutenir et à développer - les politiques d’établissement à mettre en place et à stimuler.

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3.2.Autour de quelles problématiques fondamentales construire l’EEDD ?

C’est certainement la clé de tout notre travail. Nous devons réfléchir aux notions, au sens des notions et aux problématiques à privilégier. Le chantier est assez considérable.

a. Le sens des mots et des notions

Sur la définition des notions et le sens des mots, la circulaire de juillet 2004 nous donne de solides références.

Environnement« L’environnement peut être défini comme l’ensemble, à un moment donné, des aspects

physiques, chimiques, biologiques et des facteurs socio-économiques susceptibles d’avoir un effet direct ou indirect, immédiat ou à terme, sur les être vivants et les activités humaines. »

Vous constaterez que cette définition a été reprise du texte officiel datant de 1977 ; en fait elle reste totalement pertinente.

Mais une deuxième définition, complémentaire, a été associée : « D’une façon plus générale l’environnement est constitué de l’ensemble des éléments qui, dans la complexité de leurs relations, constitue le cadre, le milieu, les conditions de vie pour l’homme ».

Tout cela pour dire qu’il ne faut surtout pas, comme c’est encore parfois le cas, confondre « environnement » et « nature ».

L’environnement, c’est ce qui environne l’homme. Tout ce qui environne l’homme, à toutes les échelles : sa maison, son lieu de vie, son jardin, sa ville, sa région, jusqu’à la planète. Et dans cet environnement, en tout cas dans nos sociétés, l’environnement fondamental de près de 80% de nos élèves, c’est l’environnement urbain. Bien-sûr, 20 à 25% des élèves habitent la campagne ; mais pour une grande partie d’entre eux, il s’agit de péri-urbains.

Développement durable Pour cette notion, il faut se référer au texte de 2004 puisque évidemment, le terme n’était

pas dans la circulaire de 1977 : «un développement qui répond aux besoins du présent, sans compromettre les capacités des générations futures de répondre aux leurs ».

Il s’agit de la reprise des termes du célèbre rapport Brundtland de 1987. Cette approche de la notion de développement durable a été précisée en 1992 à la

Conférence de Rio, structurant la démarche de développement durable autour de trois piliers, de trois volets, de trois sphères qui sont : la sphère économique, la sphère environnementale, et la sphère sociale. Depuis, toutes les réflexions tournent autour de ces trois sphères (on peut y ajouter la sphère culturelle).

b. Des notions en construction.

La notion de développement durable est une notion qui a encore besoin d’être précisée, développée et surtout portée à la connaissance du grand public.

Le supplément du Monde du 25 mai 2006 publie un sondage IPSOS-Dexia, une enquête d’opinion sur la perception de la notion de développement durable et les connaissances que l’on en a. La question a été posée à des élus, surtout des élus locaux, et à des personnes du grand public. Le résultat est intéressant. La question qui était posée était de savoir si les personnes interrogées avaient une idée très précise, assez précise, peu précise, ou pas du tout précise de la notion de développement durable.

Très précise Assez précise Peu précise Pas du tout AutresElus 17% 65% 15% 3% 0%Grand public 11 % 31 % 31 % 25% 2%

Tout cela pour dire, et on s’en doutait un peu, qu’on est loin du compte dans l’appréhension par le grand public et même par beaucoup d’élus, de ce que peut être la réalité de ces notions. Nous avons encore un énorme travail à faire, à la fois pour mieux maîtriser nous-mêmes la notion, mais aussi pour faire connaître dans le système éducatif au-delà des messages diffusés par les médias.

c. L’éducation au développement durable dans l’enseignement : le résultat de trente ans d’évolution.

La notion de développement durable, incontournable dans la société, est incontournable aussi dans notre système éducatif.

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Elle s’installe dans notre système éducatif au terme d’une évolution en quatre étapes.- Dans les années 1970, on a développé dans un certain nombre de sciences, des

approches systémiques, en particulier en SVT, en physique, et en géographie. Cette approche systémique passait notamment par l’approche des écosystèmes. Ainsi, en géographie, on a introduit les écosystèmes dans le programme de seconde en 1981.

- Dans les années 1980/1990, s’est développée « l’éducation à l’environnement ». Le terme d’environnement a pris sa place dans le système éducatif et est apparu progressivement après la circulaire de 1977. Cette éducation à l’environnement s’est surtout développée sous forme de projets.

- Il a fallu attendre 2003-2004, pour que soit introduite cette approche « d’éducation à l’environnement pour un développement durable ». C’est une étape qui nous semblait importante : « Placer ce qu’on faisait depuis longtemps dans le domaine de l’éducation à l’environnement dans la perspective du développement durable ».

- Aujourd’hui, nous sommes prêts à nous situer directement dans la perspective du développement durable. Ce que nous faisons dans le domaine de l’environnement, ne peut pas être déconnecté de la réflexion globale sur le développement durable. On ne peut pas isoler les questions d’environnement des autres grandes questions de société et d’économie. On peut entrer dans le développement durable par l’environnemental, par l’économique ou par le social, mais aucune des approches ne doit être isolée des autres.

Je vais prendre un exemple, celui des questions énergétiques. Il est bien évident, qu’on ne peut l’aborder que de façon globale.

L’énergie est d’abord une affaire économique. Nous savons que nos sociétés se sont développées sur l’énergie (le charbon) dès le XIXème siècle. Dans les décennies d’après guerre, c’est le pétrole abondant et pas cher qui a permis le développement de beaucoup de nos sociétés industrialisées. Donc le renchérissement de l’énergie et sa rareté, c’est d’abord un problème économique et social. Mais celui-ci se pose encore plus gravement dans les pays en développement, en Chine, au Brésil, ou en Inde qui vont avoir besoin de quantités d’énergie considérables. Où mobiliser de l’énergie ? Comment faire pour la payer, pour la transporter, pour l’utiliser ? etc…

C’est aussi un problème de géopolitique : comment assurer des approvisionnements sûrs et durables ? L’énergie est un objet de convoitise forte ; nous savons qu’elle attise de nombreuses rivalités qui peuvent conduire à des conflits.

C’est aussi un problème d’environnement parce que l’utilisation de telle ou telle source d’énergie peut avoir des conséquences fortes sur les qualités environnementales.

Donc, pour comprendre les questions touchant à l’énergie, on peut entrer par l’une ou l’autre de ces problématiques, mais il faut toutes les prendre en compte. Se limiter à une entrée ne permettrait pas de donner à nos élèves une vision globale et juste de ces questions complexes. L’exigence est la même pour les thématiques de l’eau, du réchauffement climatique, de la malnutrition…

Ainsi, aujourd’hui, nos entrées pédagogiques doivent se situer résolument dans cette perspective d’éducation au développement durable.

4. - QUELQUES CLÉS POUR METTRE EN ŒUVRE L’EDD DANS LES CLASSES ET DANS LES ÉTABLISSEMENTS.

4.1.Que signifie le terme « éducation » dans le domaine du développement durable ?

Cela signifie que chacun d’entre nous doit se positionner en éducateur. Dans ces domaines aussi, nous devrons nous garder de tout dogmatisme et nous dégager de toute entrée idéologique ou militante. On peut être militant dans sa vie personnelle, cela fait partie de la vie démocratique. Mais à l’Ecole, nous sommes des éducateurs. On ne développe pas des opinions, mais on développe des points de vue argumentés qui s’appuient sur des savoirs.

Cela impose que nous fassions parfois l’effort nécessaire sur nous-mêmes pour prendre quelques distances avec nos convictions et nos engagements personnels.

4.2.Onze clés pour entrer dans le développement durable

a) Première clé : ne pas tomber systématiquement dans l’affectif et le catastrophisme.

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L’affectif et le catastrophisme sont des outils largement utilisés par les médias. De notre côté, nous devons dégonfler la charge affective et la part d’irrationnel qui s’attachent à ces dossiers. Nous sommes là pour éduquer et donc pour traiter ces questions avec distance et discernement.

De même, n’entrons pas systématiquement dans les questions d’environnement ou de développement durable par des « problèmes ». Il n’y a pas que des problèmes ; il y a des questions ; notre objectif c’est d’amener les élèves à se poser des questions.

b) Deuxième clé : recentrer le « vieux » débat homme/nature.

Efforçons-nous de dépasser le schéma passéiste de la « bonne nature », opposée à la nature dégradée, massacrée par l’homme prédateur. Il y a un double mythe à dépasser par rapport à la nature.

- La nature vierge était bienveillante. C’est évidemment faux. Nos ancêtres, qu’ils soient un peu lointains ou assez récents, avaient quelques difficultés avec la nature. La nature vierge n’a jamais été en-soi bienveillante. La nature est.

- La nature est « équilibrée ». Ce mythe du temps « zéro » de la nature, la notion de climax qui a bercé une partie de nos études, est une notion fictive. Les équilibres sont évolutifs. Ils l’ont toujours été. Les écosystèmes sont en permanence en évolution pour de nombreuses raisons. Cette période d’une nature équilibrée ou l’homme vivait en excellente relation avec la nature n’a jamais existé. L’homme a toujours tout fait pour se construire une « niche » qui puisse lui permettre de mieux vivre par rapport à la nature.

D’autre part, dans ce vieux débat homme/nature, il ne faut jamais oublier que c’est l’homme qui est au centre des débats. Ce sont les sociétés qui sont le point de départ, et autour de cette société, on se pose des questions. Il faut que nous placions l’homme en position de responsabilité, en gestionnaire, garant de l’avenir. L’homme est le gérant et le responsable de son environnement, de ses environnements, de la planète. C’est à partir de cette position qu’il faut poser les questions : les sociétés humaines sont responsables de leurs environnements. Qu’en font-elles ? Comment font-elles ? Il faut évidemment inclure dans cette approche de l’environnement un certain nombre d’éléments naturels qui sont fondamentaux, mais qui ne sont pas les seuls.

c) Troisième clé : se situer dans une démarche prospective.

Travailler en EDD, c’est apprendre à penser l’avenir, apprendre à nos élèves à se projeter et à se doter d’une vision du futur. Il faut leur ouvrir des perspectives. Quelle vision donnons-nous aux jeunes d’aujourd’hui de la planète, de nos sociétés et de l’avenir à travers les médias ? Dans une société hyper-médiatisée comme la nôtre ou seuls les problèmes sont dignes d’intérêt, les jeunes peuvent finir par penser que tout est noir, que l’avenir est écrit, et qu’on n’y peut rien. Nous devons faire comprendre aux élèves que l’avenir sera ce qu’ils en feront, qu’ils en sont responsables.

Il est très important d’avoir cette position prospective dans le système éducatif parce que nous formons des « citoyens du monde » qui vont vivre dans des sociétés dont ils devront être les gestionnaires et les acteurs.

d) Quatrième clé : repositionner les contenus d’enseignement dans une perspective de développement durable.

Cela complète ce que nous disions tout à l’heure concernant les problématiques. La plupart du temps, il s’agit pour nous de requestionner les thématiques qui sont dans nos programmes, de recibler certaines problématiques.

Je prends un exemple que nous aimons bien utiliser avec Gérard Bonhoure, celui de la forêt :

- Dans les années 1970, dans nos cours (en SVT ou en géographie), on traitait de « l’écosystème forêt » et de son fonctionnement. Je me souviens qu’au début des années 1980, lors de la mise en place des nouveaux programmes de 2nde, j’avais écris un article sur l’écosystème forêt avec un très beau schéma systémique, au sujet de la forêt primaire.

- Dans les années 1990, l’interrogation a évolué. On se posait la question : « Comment protéger la forêt ? ».

- Aujourd’hui, la question est : « La forêt, comment la gérer aujourd’hui pour demain ? ». Il s’agit bien de s’interroger sur la « gestion » d’un milieu comme la forêt.

Tout cela pour vous dire que, sur un même objet d’étude, la forêt, notre travail et notre réflexion ont évolué.

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Par ailleurs, en matière d’EDD, il faut élargir les thématiques : certes, le climat, c’est très important ! Mais il y a aussi de très nombreuses autres problématiques fondamentales ; en premier lieu ce qui touche à la ville. En 2030, les deux tiers des habitants de la planète seront des urbains. Comment gérer les villes pour les préparer à une telle situation inédite pour l’humanité ?

Il nous faut réfléchir à ce que signifie l’expression « ville durable ». Quand il y a un projet d’autoroute, quand une ville redécouvre son fleuve, quand on implante une zone économique, se posent de vraies questions de développement durable. La création d’un lotissement en périphérie d’une ville, par exemple, pose un vrai problème de développement durable : il va falloir des routes, de l’électricité, cela va multiplier le nombre de voitures, le nombre de déplacements pour le travail, les loisirs … Vaut-il mieux développer l’habitat en dehors des zones urbaines ? Vaut-il mieux redensifier les centres-villes ? Et si oui, quels types de transports privilégier ? Dans ces perspectives : que vont devenir les campagnes ? Que veut-on en faire ?

Ces sujets relèvent bien du développement durable. A nous de nous en emparer.

Voici un document qui a été conçu largement par Gérard Granier, et qui présente un certain nombre de thématiques autour desquelles peuvent se regrouper les grandes questions touchant au développement durable.

LES ENJEUX DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Satisfaire les besoins de chacun aujourd’hui (solidarité intra-générationnelle)

- Se nourrir (lutter contre la faim)- Etre en bonne santé (lutter contre les grandes maladies notamment au Sud)- Se loger- Etre éduqué- Réduire les inégalités en luttant contre la pauvreté- Maîtriser les enjeux démographiques (croissance de la population, mais aussi vieillissement

et mobilité/répartition dans l’espace)Donc, pour une part majoritaire de l’humanité, vivre mieux (se développer).

Vivre dans un environnement sûr et de qualité

- Aménager des territoires durables (villes et campagnes)- Maîtriser les transports (hommes et marchandises)- Réduire l’effet de serre pour limiter la variabilité climatique - Préserver ou restaurer la qualité de l’air, de l’eau, des paysages- Prévenir et gérer les risques majeurs naturels et technologiques

Gérer et partager les ressources pour demain (solidarité inter-générationnelle)

- Les ressources hydrauliques- La question énergétique (ressources renouvelables ou non renouvelables, l’enjeu nucléaire)- Les ressources halieutiques- Les ressources forestières - La biodiversité

Produire et consommer autrement

- Vers une agriculture durable- Vers une industrie non polluante- Vers un tourisme durable- Vers un commerce équitable- La question des déchets : en produire moins, les collecter, les trier, les recycler

A l’intersection de ces quatre objectifs, un enjeu éthique majeur : quelle gouvernance pour assurer les progrès de valeurs universelles (paix, démocratie, solidarité, équité,…) ?

Les quatre clés que Gérard Granier a conçues (et entre lesquelles il n’y a pas pour l’instant de hiérarchie) permettent, au moins provisoirement, de montrer quelles peuvent être les grandes entrées dans le développement durable.

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La première entrée, c’est qu’il s’agit bien de répondre aux besoins de chacun

aujourd’hui. On sait bien que sur la planète, et même chez nous, tous les grands besoins ne sont pas assurés, et de loin : se nourrir, être en bonne santé, se loger, être éduqué. Etre éduqué, c’est une vraie question de développement durable. De la même façon, réduire les inégalités en luttant contre la pauvreté, maîtriser les enjeux démographiques etc… Mieux vivre, c’est d’abord mieux vivre partout, chez nous et sur l’ensemble de la planète. C’est un premier enjeu de développement durable : pensons à nous, aujourd’hui. Aujourd’hui, un habitant de la planète meurt de faim toutes les quatre secondes.

La deuxième entrée : vivre dans un environnement sûr et de qualité. Parmi les thèmes possibles : les grands aménagements du territoire, la maîtrise des transports…(les transports sont une question majeure de développement durable). Il y a aussi l’effet de serre, la préservation de la qualité de l’eau, de l’air, des paysages, la prévention et la gestion des risques majeurs qu’ils soient d’origine naturelle ou technologique.

Troisième entrée : gérer et partager les ressources pour demain. On est bien dans la solidarité intergénérationnelle, sur laquelle il est très important de réfléchir.

Quatrième entrée : produire et consommer autrement

Dans ce document, nous pouvons puiser des idées sur la façon dont les grandes questions des programmes peuvent s’insérer dans une démarche et une réflexion globale de développement durable.

e) Cinquième clé : décrypter le jeu des acteurs et des discours idéologiques quand on parle d’éducation au développement durable.

Dans tous les cas, nous devons faire preuve d’esprit critique et former nos élèves au regard critique. Quand nous travaillons sur un article, un document, un reportage, nous devons toujours nous demander qui parle, de quelle position et dans quel objectif. Ainsi, dans le domaine de l’EDD, il y a les discours des économistes néo-libéraux qui ne remettent pas en cause la croissance, qui la voient teintée de vert ; il y a aussi les points de vue des alter-mondialistes qui remettent en question la croissance, le type de développement ; et bien d’autres discours différents. Nous avons, en tant qu’éducateurs le devoir de croiser les points de vue, d’apprendre aux élèves à décrypter les prises de position.

Nous devons former au regard critique, analyser les conflits d’intérêt, identifier les acteurs aux positions divergentes voire contradictoires. Essayer de voir pourquoi Untel défend telle position, quels sont ses arguments et quels sont les arguments des autres. Dans ces domaines, il n’y a pas de vérité, donc il doit y avoir confrontations d’idées.

Je ferais une petite parenthèse au sujet des questions Nord-Sud, car elles se posent avec beaucoup d’acuité quand on doit réfléchir aux problèmes et aux acteurs du développement durable. Nous le savons bien, le réflexe et le risque est de vouloir transposer aux pays du Sud les réflexions que nous conduisons pour nos propres sociétés riches et industrialisées. Or l’état d’esprit, les traditions, le contexte économique, social, environnemental, les moyens d’action ne sont pas du tout les mêmes.

f) Sixième clé : intégrer les problématiques du complexe.

Dans le domaine de l’EDD, il n’y a jamais de réponse unique aux questions qu’on se pose. L’approche doit toujours être globale, systémique le plus possible. Même avec de jeunes élèves, il faut montrer qu’il n’y a jamais de réponses simples. Il n’existe pas de « Y’à qu’à » en matière d’EDD. Nous devons éduquer à la complexité, ce qui ne signifie pas éduquer au compliqué. Notre travail d’enseignant et d’éducateur, c’est de rendre le plus simple possible des situations complexes voire très complexes. N’écartons pas la complexité pour nos élèves ; au contraire, initions-les à la compréhension et à la gestion du complexe.

g) Septième clé : interroger les idées et les phénomènes à différentes échelles de temps et d’espace.

Il est très important, dans le domaine de l’EDD, de réfléchir à la façon dont se posent les questions, à chacune des échelles spatiales.

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On doit toujours passer par l’échelle planétaire à un moment ou à un autre, mais il faut donner une place majeure aux échelles locales. « Penser global, agir local ».

Ne négligeons pas non plus les échelles de temps. Toutes les questions d’éducation au développement durable doivent être insérées dans une perspective historique. Cela permet de relativiser beaucoup de choses. Utiliser les échelles du temps, c’est inscrire l’EDD dans le temps passé, et aussi l’inscrire dans le futur.

h) Huitième clé : former à la démarche scientifique.

Privilégier la démarche scientifique est fondamental, quelle que soit notre discipline. Cela signifie que nous devons montrer les limites et les incertitudes des méthodes utilisées, connaître les modèles explicatifs sur lesquels on se fonde, les paramètres qu’on utilise, s’interroger sur la validité des scénarii possibles dans le domaine des prévisions.

Il faut aussi montrer que les connaissances se construisent et qu’elles évoluent. Il y a beaucoup d’incertitudes dans ces domaines. Par exemple, on connaît mal quelles sont, à long terme, les capacités de régénération des différents écosystèmes ? Je me trouvais aux Etats-Unis, dans le parc de Yellowstone, peu de temps après le grand incendie de 1999. Les Américains ne luttent pas contre les incendies de forêt dans les grands parcs, car ensuite il y a une régénération extrêmement forte conduisant une augmentation importante de la biodiversité. L’ensemble était en train de renaître avec une richesse écologique fantastique.

Vous voyez par cet exemple que de vraies questions se posent dans ce domaine. Introduisons l’incertitude et montrons bien les difficultés à prévoir.

i) Neuvième clé : travailler toujours sur toutes les dimensions du politique face aux questions de développement durable.

Cela signifie qu’il faut travailler sur les politiques à conduire quelles que soient les échelles, de l’échelle locale jusqu’aux échelles mondiales. Travailler aussi sur la participation citoyenne, la démocratie participative dans le domaine de l’EDD.

j) Dixième clé : former au choix et à la responsabilité.

Nous devons former au choix. Dire que dans les domaines du développement durable, quelqu’un à un moment doit faire des choix. Et quand on fait un choix, il y aura de toute façon des conséquences, positives et négatives.

Nous devons également travailler sur les valeurs de responsabilité, de solidarité, de justice, y compris Nord-Sud.

k) Onzième clé : redéfinir et renforcer les partenariats et les productions de ressources.

Nous avons beaucoup de partenaires dans le domaine de l’EDD et beaucoup de ressources. Notre travail consiste à réfléchir à l’évolution des partenariats et des ressources, en fonction des nouvelles orientations que notre ministère a définies. Nous devrons nous tourner prioritairement vers les partenaires qui nous aident à évoluer, qui nous accompagnent dans ces évolutions.

Nous devons aussi trouver de nouvelles ressources. Le réseau SCEREN et les CRDP nous aident beaucoup dans cette tâche.

POUR CONCLURE, TROIS ÉLÉMENTS.

Nous sommes bien dans le champ de « l’éducation » L’EDD est porteuse d’un sens global des missions de l’Ecole.

Nous sommes dans un domaine qui est aussi porteur de la plupart des valeurs de l’éducation citoyenne. Chacun de nous, dans sa discipline, son niveau d’enseignement et dans ses responsabilités, forme des citoyens responsables à travers l’EDD.

Tout ceci est provisoire et évolutif. Nous réfléchissons, nous progressons, nous cherchons, nous mûrissons. L’éducation au développement durable est une mission forte du système éducatif. Le chemin est encore très long. A nous de trouver toute la volonté et les idées pour assumer cette responsabilité que nous confie la nation.

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