condren - oratorien
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Oeuvres completesTRANSCRIPT
Condren, Charles de (1588-1641). Oeuvres complètes du P. Charles de Condren,.... 1857.
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COUVERTURESUPERIEUREET INFERIEURE
ENCOULEUR
wOEUVRES COMPLÈTES
DU
P. C-HARLES DE CONDREN
Second Général de l’Oratoirede Jésus
IDÉE,DU SACERDOCEET DU SACRIFICEDE
JÉSUS-CHRIST
ETDISCOURSQUATRIÈMEÉDITION
DÉDIÉE A MONSEIGNEUR L'ÉVÉQCE IlE MAURSEILLE
ET PUBLIÉE PAR LES SOINS ET SOUS LA DIRECTION
DE L'ABBÉ PIN
V. G. DE COVINGTON AUTEURDE SA VIE ETC.
PARIS
CH. GUYOT ET ROIDOT LlBRAIRES
RUE DE VAUGIRARD 32 (PRÈS DU LUXEMBOURG)
1858
En préparation
LA VIE DUP. DE CONDRENsecond général de l’Oratoire de
Jésus et premier promoteur de la fondatioa des grands Sé-
minaires en France. Deuxième édition.
Ouvrage approuvé par NN. SS. l'archevêque d'Avignon et
l'évêque de lltarseille-
ÉLÉVATIONSSUR L’IMMACULÉECONCEPTION. — Quatrième
édition, approuvée par quatre évêques, et recommandée parla Bibliographie Catholique et par la presse religieuse.
En vente
Le 1er volume des OEuvres complètes du P. Charles de
Condren. Ses Lettoes. Quatrième édition, augmentée de
plusieurs lettres inédites.
L’IMITATIONDE JÉSUS-CHRIST traduction nouvelle avec
das réjlexions à l’usage de la jeunesse, par )'abM Bize.,
professeur de rhétorique. Deuxième édition.
LES OFFICESDESENFANTSDE MARIEet des dévots serviteurs
de la Reine des Anges, t vol. gr. inj32, suivis d'un appen-dice sur les Congrégations de la Ste Vierge, du catalogue (les
indulgences qui leur ont été Concédées, des prières et des
cérémonies pour ia réception des congréganistes. 1 fr. 25 e.
OEUVRES COMPLÈTES"
DU
P. CHARLES DE CONDREN
IDÉE DU SACERDOCEET DU SACRIFICE
DE JÉSUS-CHRIST
ET DISCOURS.
Tout exemplaire non revetu de notre signature sera réputé con-
trefait et poursuivi conformément aux loia
Avignon. —Typographie de Fr.Seguin ainé, rue Bouquerie, 13.
Reproduction et traduction réservées.
OEUVRES COMPLÈTES
DU
P. CHARLESDECONDRENSecond Général de l’Oratoirede Jésus
et premier promotear de la foodatioo des grands Séminairesen Fraoee.
IDÉEDUSACERDOCEETDUSACRIFICEDE
JÉSUS-CHRIST
ETDISCOURSQUATRIÈMEÉDITION
DÉDIÉE A MONSEIGNEUR L’ÉVÊQUE DE HARSEILLE
ETPUBLIÉE PAR LES SOINS ET SOUS LA DIRECTION
V. G.DE COVINGION AUTEUR DE Sa VIE ETC.
PARIS
CH. GUYOT ET ROIDOT, LIBRAIRESRUE DB VAUGIRARD 32 (PRÈS Du LUXEMBOURG)
1858
1860
APPROBATION.
CHARLES-JOSEPH-EUGÈNEDEMAZENOD, par la Miséricorde de
Dieu et la grâce du SainL-SiégeApostolique, Évêque de Mar-
seille, ayant privilège du sacré Pallium, Assistant au trône
Pontificat, Sénateur, Commmdeur de 1re classe de l’Ordre
des SS. Maurice et Lazare, etc. etc.
Approuvons la nouvelle édition de l'Idée du Sacerdoce
et dù Sacrifice de Jésus-Christ, par le R. P. Charles de
Condren second Supérieur général de l'Oratoire de
Jésus, et premier Promoteur de la fondation des grands
Séminaires en France; publiée par les soins et sous la
direction de M. l'abbé Pin ancien missionnaire d'Amé-
rique, Vicaire général de Covington Aumônier dans
notre diocèse. Nous sommes heureux de voir revivre
dans cet écrit l'esprit sacerdotal que possédait si émi-
nemment cet illustre P. Charles de Condren dont le
nom, dit Bossuet, inspire-la piété, dont la mémoire
toujours fraîche et toujours récente est douce à ['Église
comme une composition de parfums. o (Orais. fun. du P.
Bourgoing.) Il fut en effet le père de cette noble milice de
saints prêtres qui combattirent vaillamment les com-
bats du Seigneur et qui feront jamais l'éclat et l'orne-
ment de notre Église de France. L'esprit qui l'anima, et
qui forma les Bérulle, les Gault, les Eudes, les Olier,
les Bernard les Bourdoise les Vincent-de-Paul les
Tronson, les Lantages, les de la Chétardie, les Breton-
villiers, et plus tard les Emery et les Duclaux, n'a rien
perdu dé sa vigueur et de sa .fécondité, eU nous sommes
assuréqu'ilproduirales mêmesfruitsdesalutdansceuxquisenourrirontdesécritsdupieuxOratorien,et nom-mémentdel'IdéeduSacerdoce.Nousrecommandonslalecturedece livreexcellentauClergédenotrediocèse.Lesfidèlesy trouverontpareillementdepuissantsmotifspourrenouvelerleurpiétéenversleplusaugustedenosmystèreset l'acteliturgiquepar excellencede notresainteReligion.
Donnéà Marseille,dansnotrepalaisépiscopal,sousnotreseing,lesceaudenosarmeset lecontre-seingduSecrétairedenotreÉvêché,le 13janvier1858.
4 C.-J.-EUGÈNE,ÉvêquedeMarseille.
ParMandementdeMonseigneur
J. CABONNEL,Ch.S.
MONSEIGNEUR
CHARLES-JOSEPH-EUGÈNEDEMAZEOD
ÉVÊQUE DE MARSEILLE.
MONSEIGNEUR
En publiant une nouvelle édition dû livre du Père de
Condren sur te Sacerdoce de Jésus-Christ, je ne pouvais
la placer sous un nom pias digne et plus en harmonie
avec un 'tel sujet que celui dé Votre Grandeur. Cétte
suréminente dignité de Prêtre it de Pontife éternellement
inaugurée dans la personne du Fils de Dieu, par l'oinction
dè Père céleste, se dévoilant eilx Justes de l’ancienne Loi
à travers tes ombres figuratives dé la première Alliance;
se manifestant au monde, dans la plénitude des temps, par,la sanglant e immolation au Calvaire; se continuant tous
lès jours d'une manière ineffable sur üds autels; se per-
pétuant eÓ6n dans le ciel par l’incessante oblation dû
Prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech cette incom-
parable dignité, ditf-jè, que le divin Médiateur n’a point
8 DÉDICACE.
accordée à ses Anges, il a bien voulu la communiquer à
des êtres mortels en les établissant ses coopérateurs
dans ce haut ministère de sanctification et de salut. Il
vous l'a déléguée dans sa plénitude Monseigneur et
durant un long et digne épiscopat, dont nous implorons
tous la prolongation vous n'avez point cessé par vos
enseignements et par vos exemptes, de répandre autour
de vous celte bonne odeur sacerdotale qui, s'exhalant de
l'âme d'un saint Évêque enfante des prêtres selon le
cœur de Dieu. Votre sollicitude pastorale pour tout ce
qui tient à l'honneur du Sanctuaire vos sages règlements
et vos salutaires instructions déposent de voire zèle pour
maintenir, ou ranimer, dans les prêtres soumis à votre
paternelle autorité, la grâce qu'ils ont repue d'en haut par
l'imposition des mains.
Qui n'admirerait aussi, Monseigneur, la fécondité de
vntre sacerdoce ? La Congrégation des Oblats de Marie
Immaculée sortie de votre cœur dévoré par la Qamme
du sacrifice et les feux-consumants de l'immolation, étend
déjà sur le monde entier son zèle et son dévouement
apostoliques. Et, chose admirable et inouïe dans l'his-
toire de l'Église c'est vous-même, Monseigneur, quiavez imposé vos mains de Pontife sur la tête de presquetous ces Évêques et Prêtres qui portent le nom de Jésus-
Christ au sein de l'Angleterre, chez les peuples barbares
de l'Acadie, du Saint-Laurent, du Canada et d'autres
pays de l'Amérique; sur les terres les plus reculées de
l'Afrique et jusque dans les îles de l’Océan indien. Aussi,
quelque éloignés qu'ils soient de votre personne, votre
cœur les accompagne partout et les anime de ses ardeurs
sacerdotales, de cet esprit de sacrifice et d'immolation
qu'ils y ont puisé, et que leur rappelle sans cesse le nom
significatif d'Oblats qu'ils reçurent de leur Père vénéré
DÉDICACE.9
au jour de leur consécration solennelle à la Vierge imma.
culée.
Votre haute approbation Monseigneur est donc as-
surée à un livre éminemment propre à réaliser le plusardent désir de votre cœur. Le saint Prêtre, auteur de
cet ouvrage si sacerdotal, porta, aussi loin que le per-met la faiblesse humaine, l'esprit d'immolation et de sa-
crifice qui fut pour ainsi l'âme du Sacerdoce de
l'Homme-Dieu. Aussi lui fut-il donné de pénétrer bien
avant dans les mystérieuses profondeurs de ce Sacerdoce
divin de comprendre et de signaler tout ce qu'il y a de
grandeur et de puissance pour la glorification de Dieu et
le bonheur du genre humain.
Avec l'hommage de celte publication daignez agréercelui de la profonde vénération et du respectueux dé-
vouement filial avec lequel j'ai l'honneur d’être,
MONSEIGNEUR,
de Votre Grandeur,
le trés-humble et très-obéissant serviteur,
L. M. PIN,
F. Al. Miss. Am., V. gén. de Couington.
PRÉFACE.
Si l'Être parfait, Dieu, trouve exclusivement sa féli-
cité dàiiâ la connaissance et l'amour de sa perfection
Infinie assurément l'homme, fait son image et à sa
ressemblance, ne pourra rencontrer ailleurs les condi-
tions de son bonheur. Aussi est-ce le connaître et à
l’aimer que l'oblige le premier mot de la loi divine et
c'est même à cela que se réduit toute cette loi.
Elle se réduit donc alors au sacrifice; car le sacrifice
se résume lui-même tout entier dans l'amouè. L'amour,en effet, transforme la créature en sou Auteur il lui
inspire tous ses goûts, toutes ses inclinations; il la fait
entrer dans toutes ses vues; en un mot il la consomme
en unité avec lui. Et c'est précisément ce qu'opère le
sacrifice. Il dépouille la créature d’elle-même; il détruit,autant que possible, son être infime et moins parfait,
pour donner lieu au Créateur de le remplacer par un
plus noble et plus conformé à sa vie divine, de l'élever
jusqu'à lui, et de le glorifier enfin pour t'admettre à sa
communion parfaite et éternelle.
C'est le terme des œuvres du Tout-Puissant.
Dans ces œuvres, il a donc dû se préparer un immense
Sacrifice il a dù s'y destiner un Prêtre, en qui elles se
résumassent, pour le lui offrir, un jour, éternel et glo-
rieux dans son sein. Son propre Fils fut choisi pour être
ce Pontife.
En conséquence dé ce plan, les siècles vont commen-
cer déjà le néant est rendu fécond; la matière élémen-
taire du monde reçOit l’existence; une vertu secrète lui
12 PRÉFACE.
est communiquée; et les corps se forment avec leurs
propriétés respectives; ils se disposent ensuite à dis-
tance dans l'espace; la nature entière se fixe sur ses ba-
ses la terre, en particulier, sortie des ténèbres et ren-
due propre à la vie par la formation de son atmosphère
et de ses mers, enfante successivement, dans ses diffé-
rents domaines, les végétaux les poissons les oiseaux
et les animaux de toute espèce, destinés à recevoir et à
servir, à son apparition dans le monde, le Précurseur
de ce Pontife suprême qui doit tout résumer en lui-
même, pour tout diviniser, et rendre ainsi tout digne
du Sacrifice qu'il offrira à son Père en son sein, dans
l'éternité. Ce Prêtre, c'est Jésus-Christ: ce Précurseur
c'est l'homme.
Jésus-Christ est donc la fin de l'univers, et par consé-
quent de l'homme; comme Dieu lui-même est la fin de
Jésus-Christ. Ainsi J.-C. devient en même temps le
moyec universel et indispensable, offert à toute créa-
ture, pour honorer Dieu dignement et se reposer glo-
rieux en son sein. Sans lui, même la plus innocente et
la plus parfaite ne saurait trouver accès auprès de sa
majesté; sans lui, son existence même est une énigme.
Par conséquent, J.-C. remplit tous les siècles, et sa
vertu se fait sentir à toute créature. Si, avant sa venue,
l'homme innocent offre déjà des sacrifices au Seigneuret trouve e-race devant lui, c'est en vue de son Pontife
futur, dont il prépare les voies, que son offrande est
acceptée. Si, déchu de son état par son péché, le même
homme est reçu à pénitence et autorisé de nouveau à
sacrifier au Créateur, c'est encore J.-C. qui lui obtient
cette grâce. J.-C. avant, J.-C. après la chute de l'hom-
me, est toujours le Pontife dont celui-ci a besoin pourêtre digne d'entrer en société avec Dieu et de lui offrir
PRÉFACE. 13
un culte convenable. Seulement ce culte, cette religion,
toute d'amour et de louange avant la prévarication de
l'homme, deviendra en outre une religion do satisfac-
tion et de pénitence après cette prévarication. J. C.
serait venuglorieux, l'homme demeurant innocent com-
me dès le principe; il viendra, au contraire, pénitent et
réparateur, maintenant que l'homme est coupable.
Son Sacrifice sera donc une Rédemption dont son
sang est le prix inestimable. Ar son accomplissement
effectif, cesseront toutes les immolations figuratives et
prophétiques de cette grande offrande; car elle accom-
plit toute vérité et toute justice, et devient la réhabilita-
tiou universelle. Cependant, destinée à traverser les
siècles, pour achever le Christ mystique, et recueillir
tous ceux qui doivent faire partie de son corps en cette
qualité, elle ne se perpétuera, parmi les hommes, que
dans des conditions en harmonie avec leur état sur la
terre. Les imperfections des voiles sensibles l'accompa-
gneront jusqu'à la fin des temps et ce sera l'éternité
seule qui la verra dans toute la vérité de sa perfection
et de sa gloire. Alors quand tous les membres de J. C.
auront pris leur place dans son corps mystique; quand
la résurrection les aura pénétrés de sa gloire et rendus
en tout propres à être reçus en communion avec lui par
le Père et le Saint-Esprit, ils deviendront un même
prêtre avec lui et une même hostie digne de l’Éternel.
Dieu alors sera dignement glorifié par sa créature et
sa créature, à son tour, sera souverainement honorée
et béatifiée. Ainsi s'établira le pur règne de l'amour
ainsi se consommera l'éternel Sacrifice 1
A ce point de vue, tout le plan de la Création et de la
Rédemption se déroule à nos yeux magnifique et plein
de dignité pour l'Ouvrier et pour l’Œuvre. L'hostie que
l4 PRÉFACE.
l'Éternel je prépare dans le temps, pendant une si lon-
gue suite de siècles et par une si étonnante production
de merveilles, pour la posséder parfaite dans l'éternité,
nous parle avec ravissement et de la suffisance que cet
Être trouve en lui-môme, puisqu'il se passe si long-
temps de jouir de son Œuvre, et de sa souveraine
majesté a laquelle pas un atome de l'univers ne sera
dispensé de rendre gloire à sa manière 1 Cette Hostie,
ce Sacrifice nous étale ses inépuisables richesses; il nous
dit et sa puissance, et sa sagesse et sa bonté et toutes
-ses perfections également inépuisables. Et que ne nous
raconte-t-il pas du Pontife à qui ce sacrifice est confié,
et de sa religion toute d'amour et d'immolation ? Et de
nous-mêmes et de notre éternel avenir, ne nous donne-
t-il pas l'idée la plus glorieuse ? Or, c'est cet avenir
ce ciel dont notre point de vue du sacrifice nous donne
la clef et une certaine intelligence, qui nous montrera
à découvert de Dieu et de ses œuvres, de J.-C. et de
l'homme toute la perfection et la gloire. Heureux qui
aura pris part au sacrifice du temps avec J.-C. la gloire
de celui de l'éternité sera sa récompense.
Ce sacrifice, dans son ensemble est précisémentcelui dont le P. de Condren nous donne une idée dans
le livre que nous publions. L'Idée du Sacerdoce et du Sa-
crifice de Jésus-Christ est un livre unique par les gran-
des données qu'il présente sur Dieu et ses œuvres. On
est introduit, en le lisant, dans les conseils les plus Inti.
mes du Très-Haut sur la création, l’Incarnation du
Verbe, là Rédemption par son sacrifice, la Sanctification
de l'homme à travers les siècles par l'application des
mérites du même sacri6ce enfin sa Glorification dans
le ciel par sa vertu. C'est là surtout que cette grande
offrande parait dané toute sa magnificence et qu'elle
PRÉFACE. 15
est digne du Tout-Puissant. En vérité, glorieux et divin
est ce retour de Phomme, consommé en gloire par le
sacrifice de Jésus-Christ, dans le sein de Dieu 1 Le cœur
et l'intelligente s'accordent également à dire que c'est
là vraiment le terme de toat, le repos absolu et éternel
du Créateur et de sa créature.
Bien que l'Idée du Sacerdoce. n'expose pas explicite-
ment toutes ces vues elle ne laisse pas d'en donner la
clef à un esprit exercé et réfléchi. Si le P. de Cohdren
l'avait écrit lui-même, ce livre présenterait avec un
développement plus complet, plus d'unité, plus d'en-
semble, et laisserait moins à faire au lecteur. Néan-
moins, tél que nous l'avons il est un vrai trésor pour
le cœur et l'intelligence, à cause du champ immense
qu'il ouvre à tous les deux.
On sait assez qu'il n'y à guère que le fonds de cet
admirable livre qui appartienne de fait au second géné-
ral de l'Oratoire. Cet homme tout céleste était éminem-
ment le Prêtre de Jésus-Christ. Le sacerdoce et le sacri-
fice de l'Hômoe-Dieu faisaient ses plus chères délices.
Il ravissait ses auditeurs, quand il parlait de cet objet
privilégié de son amour, et il en parlait toutes les fois
qu'il en avait une occasion favorable. Ses enfants spiri-
tuels, nourris d'un pain si substantiel, ne voulurent pas
en priver ceux qui n'avaient pas pu le recevoir de leur
Père. lis recueillirent donc ce qu'ils purent de sa doc-
trine et composèrent ainsi, après sa mort, ce précieux
volume, où les âmes pieuses, et surtout les prêtres,
trouvent si abondamment de quoi se former à l'amour
et à l’imitation de Jésus prêtre victime.
Il est divisé en quatre parties. La première traite da
sacerdoce de l’Homme-Dieu, fondement de son sacri-
fice. La sébonde e-xpbse les bases de ce sacrifice divin,
16 PRÉFACE.
tandis que la troisième en donne lés développements et
les preuves. Dans la quatrième on explique les prières
qui se disent dans la célébration du même sacrifice, à la
messe, toujours d'après le P. de Condren. Ainsi se trouve
recueillie et mise en ordre la doctrine du grand homme
sur l'ineffable mission du Pontife éternel.
L'ouvrage se termine par des litanies en l'honneur du
sacerdoce et du sacrifice de Jésus-Christ toutes tirées
de l'Écriture Sainte, et principalement de l’Epître aux
Hébreux. Elles sont un abrégé de la science de J. C.
prêtre-victime, et peuvent servir de prière pour ceux
qui voudront lui rendre leurs devoirs en cette double
qualité.
Mais nous enrichirons cette quatrième édition d'un
autre trésor du saint homme; nous voulons dire, de ses
discours de controverse et de quelques autres sur diffé-
rents sujets. La fécondité de son esprit, aidée de sa vaste
érudition, y répand un intérêt qui en recommande la
lecture.
Nous réitérons ici ce que nous avons dit dans le vo-
lume précédent, consacré à ses Lettres. La gloire de
Jésus-Christ et l'édification du prochain étant notre but
unique, dans la publication des OEuvres du second
général de l'Oratoire, nous avons dû, avant tout, en !'aci-
liter la lecture et l'intelligence. Par conséquent, lorsquesa phrase son expression la longueur de sa période
ou bien la négligence de la ponctuation et de l'ortho-
graphe, l'exposent à n'être pas facilement compris,
nous .avons fait les changements convenables pour le
rendre intelligible à tout le monde. Nous avons aussi
supprimé quelques redites, et un peu abrégé quelques
longueurs dans l'explication des cérémonies de la messe.
Si nous nous adressions à l'homme, au littérateur,
PRÉFACE.f7
tout serait dit là sur cette quatrième édition de l'Idéedu
Sacerdoce. et la plus flatteuse récompense que nous
pourrions nous promettre ne dépasserait pas la fumée
d'une approbation. Mais nos vues ne se bornent pas là
et nos espérances sont d'un bien autre genre. Nous nous
adressons au chrétien, au Prêtre; et c'est la connais-
sance et l'amour de Jésus Pontife du Très-Haut, Prêtre-
Victime du grand Sacrifice du temps et de l'éternité
que nous nous proposons de répandre. Nous avons donc
besoin de vous, ô grand Sacrificateur, nous avons besoin
de votre grâce, de votre bénédiction sur ce livre tout
consacré à votre gloire, afin qu'il produise dans le lecteur
ces vives lumières et ces saintes dispositions à l'égard
de votre Sacerdoce et de votre Sacrifice, que votre même
grâce avait produites dans le saint Prêtre dont il expose
la pensée. Nous vous la demandons en son nom au
nom de votre Église et de votre Immaculée Mère.
0 Jésus-Christ, que vous êtes donc grand par votre
Sacerdoce 1 Quevous êtes donc grand par votre Sacrifi-
ce 1 Je suis content de cette grandeur Mon âme brûle
de la faire connaître elle languit du désir de la faire
goûter 1 Répandez donc, ô Prêtre parfait et source uni-
que du sacerdoce répandez votre Esprit sur la terre,
qui opère ce prodige dans les cœurs des chrétiens 1 Que
ceux qui participent à votre Prêtrise et vous perpétuent
dans ses fonctions, vous fassent revivre aussi dans leurs
personnes avec votre Esprit Sacerdotal 1 Quand arrivera
votre jour ce jour pur et serein, ce jour éternel où
débarrassé des voiles qui vous cachent ici-bas et hors
,de mains pécheresses, vous pourrez, dans la perfec-
tion de votre corps mystique glorifié avec vous, offrir à
votre Père l'hostie consommée dans son sein, et entrer
pleinement en communion avec lui 1 Eu attendant, que
18 PRÉFACE.
votre sacerdoce soit cotmu que votre Sacrifice soit
goûté et que tous les hommes s'y associent. Vous sa-
vez-, ô mon Pontife, ce que je vous demande là vous
savez combien nous avons besoin, pour le faire, de
sortir de nous-mêmes Tirez-nous, tirez-moi de cet
esclavage humiliant. Oh l faites-le pour vous, et don-
nez-vous un prêtrede plus, sur qui vous puissiez comp-
ter, et qui ne conaaisse d'autres affaires que celles due
votre service 1
0 Marie Immaculée, appuyez ma demande.
Ainsi soit-il.
IDÉE
DU SACERDOCE ET DO SACRIFICE
DE
JÉSUS-CHRIST.
PREMIÈRE PARTIE.
DU SACERDOCE DE JÉSUS-CHRIST.
CHAPITREPREMIER.
Du desseindeDieudans la réeonctlàationéëshommes etdesqualitésdu Prêtre qui en a dûêtre le Médiateur.
Le dessein éternel de Dieu dans la vue de la chate
d'Adam,a été 4e réconcilier les hommesavec lui-même
par un médiateurqui fût homme et choisi parmi les
hommes. et qui, étant juste et innooent prit sur luila cause de tous les pécheurs; parce que, comme ditSt. Thomas, Il était nécessairepar la consolationdel'hommequ'il eût pour Médiateurun hommesemblableà lui, à qui il pût recouriraprès son péché, et qui pûttraiter de aaréconciliation avecDieu.
Dieu a voulu que ce Médiateurfût prêtre et qu'ilexerçât sa médiation et travaillatà laréconcillationde
20 IDEE DU SACERDOCE
tout le genre humain en qualité de Prêtre non-seu-
lement par quelque action sacerdotal, telle que l'in-
tercession et la prière, ou par quelque autre simple
satisfaction offerte Dieu, mais par la plus noble et la
plus excellente de toutes les satisfaction, et par l'action
la plus propre du sacerdoce, qui est l'Oblation et le
Sacrifice. Ce qui fait dire à l'Apôtre dans l'Épltre aux
Hébreux, 7 et 9, qu'en toutes sortes de lois, l'alliance de
Dieu avec les hommes est fondée sur le sacerdoce et
que plus le sacerdoce est excellent, plus aussi l'alliance
est noble et établie snr de meilleures promesses.
Ce Médiateur n'a pas dû seulement être Homme et
Prêtre, mais encore Fils de Dieu afin qu'en cette
qualité il fùt infiniment saint, et ensuite infiniment
agréable à Dieu, pour entreprendre de réconcilier avec
lui tous les hommes. Car qu'y a-t-il de plus agréable an
Père que le Fils de son amour, comme parle St Paul ?
C'est pourquoi le même apôtre (flebr. 5), voulant faire
voir la vocation de ce souverain Prêtre au sacerdoce de
la part de Dieu la prouve par le témoignage que le
Père lui rend qu'il est son Fils et qu'il est Prêtre pour
l'éternité selon l'ordre de lrielchisédech. a Jésus-Christ,
dit-il, n'a point pris de lui-même la qualité glorieuse
de pontife, mais il l'a reçue de Celui qui lui a dit Pous
êts mon Fils, je vous ai engendré aujourd'hui selon qu'il
lui dit aussi dans un autre psaume Vous êtes le Prêtre
éternel selon l'ordre de Melchisédech.. (Hebr. 5. 5.) Le
Saint-Esprit a voulu nous apprendre par là que ce grand
Pontife n'unit pas seulement en sa personne ces deux
qualités de Fils de Dieu et de Prêtre, mais de plus
que l'une est le fondement de l'autre, et que ce Prêtre
n'est prêtre que parce qu'il est !e Fils de Dieu.
Or, s'il est prêtre Il faut, dit St. Paul qu'il ait quel-
ET BU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. I. PART. 21
que chose qu'il offre à Dieu Unde necesse est et hunc
habere aliquid quod offerat. (Hebr.8. 3.) Et il faut, de plus,
qu'il la puisse offrir par voie d'immolation d'occision
et de mort, puisqu'il devait offrir pour les péchés,
comme cet apôtre nous l'apprend au même lieu et au
même chapitre cinquième Car tout pontife dit-il
étant pris d'entre les hommes en ce qui regarde le culte
de Dieu afin qu'il offre des dons et des sacrifices pour
le péché. p Par ces paroles, l'Apôtre met une différence
entre les dons et les sacrifices pour les péchés. Car il
entend par les dons toutes sortes d'oblations, qui peu-
vent se faire même de choses inanimées, telles que sont
le pain, le vin, l'huile, etc. et par les sacrifices pour
les péchés, il entend ceux qui se faisaient de la chair des
animaux immolés, qui sont appelés en Grec et
en latin victinme. D'où il semble que l'Apôtre nous insinue
que les sacrifices d'immolation et de mort n'ont été ins-
titués et introduits qu'en suite du péché, afin que
l'homme déclarât publiquement par l'occision d'un
animal innocent, qu'il méritait lui-même la mort; mais
qu'étant pécheur, et par conséquent indigne d'être of-
fert à Dieu, et irrégulier pour le sacrifice, il attendait
un homme qui, étant aussi vrai Dieu, serait innocent,
et serait même, un jour, offert et immolé en sa place.
C'est cette Victime qui était figurée par toutes celles qui
ont été sacrifiées à Dieu, avant la Loi et durant la Loi.
De sorte qu'en même temps qu'elle servait à l'homme
pour déclarer qu'il méritait la mort comme pécheur
et qu'il était indigne d'être sacrifié à Dieu, elles étaient
encore une protestation publique de la foi par laquelleil attendait Jésus-Christ, qui devait être substitué en sa
place en qualité de victime. Or Dieu ne voulait recevoir
cette protestation de l'homme pécheur que par l'entre-
22 IDÉS DU SACERDOCE
mise du Prêtre qui était sanctifié particulièrement pour
cet effet.
La victime que ce Pontife avait à offrir pour les pé-
chés, n'est autre chose que sa propre chair, qu'it a tirée
de nous, afin de l'offrir pour nous. Car, comme dit
l'Apôtre Il est impossible que le sang des taureaux et
des boucs ôte les péchée.. (Hebr. 10. 4). Et c'est pour
suppléer à l'inutilité et à l'impuissance de ces victimes
charnelles, que Dieu a envoyé son Fils aumonde.
et
qu'il l'a revêtu d'un corps passible, mortel et capable
d'être offert à Dieu par voie d'immolation et de mort.
C'est ce qu'il lui fit connaître dès le moment de son In-
carnation, et de son entrée dans le monde, en lui dé-
clarant qu'il ne lui avait formé ce corps et cette chair
qu'afin qu'il fût sa victime par l'oblatioa de laquelle il
voulait purifier les cœurs des œuvres mortes du péché,
et les consacrer au Dieu vivant. En suite de quoi, ce Fils
bïen-aimé, se soumettant à la volonté de Dieu son Père,
s'offrit à lui dès ce même moment pour faire sa volonté,
et pour accomplir et consommer, par l'unique oblation
de son corps ce que la multitude de tant de victimes
qui avaient précédé, avait figuré et promis, mais n'avait
pu donner. C'est pourquoi il dit, entrant dansle monde:
Pous n'avez point voulu d'hostie ni doblation; mais vous
m'avez formé un corps. vous n'avez point agréé les holo-
caustes ni les sacrifices pour le péché. Alors jai dit Me
voici je viens selon qu'il est écrit de moi à la tête du Livre,
poar faire, mon Dieu, votre volonté. (Hebr. 10. 5).
Qui n'admirera combien ce dessein de Dieu est plein
de sagesse, combien il est propre et efficace pour la jus-
tification des pécheur» 1 Saint Augustin nous l'apprend,
quand il dit (Lib. 4. de Trim. cap 14.) » Quele vrai sacri-
fice ne peut êlee dignement offert que par un prêtre qui
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. ——I. PART. i3
soit juste, saint et innocent que ce qu'on offr-e doit
être pris d'entre ceux pour qui ûa l'offre; et qu'il doit
être sans vice, afin qu'il puisse êtce offert pour purifier
ceux qui sont engagés dans le péché. Oc y a-t-il un prê-
tre aussi saint et aussi juste que le Fils. unique de Dieu P
Et aurait-il pu y en avoir un autre qui n'aurait pas eu
besoin d'être lui-même sanctifié par le sacrifice et pu-;
rifié de ses péchés, soit de celui que l'on contracté par
la naissance, soit de ceux qu'on y ajoute durant la vie
Que pourrait-on prendre plus raisonnablement des hom-
mes, qui pût être offert pour les hommes, que la chair
d'un homme ? Et y a-t-il rien de si propre à être immolé
et à mourir qu'une chair mortelle ? Peut-on cien trouver
de si pur, pour purifier l'homme dé sa corruption,
qu'une chair née dans le sein et du sein d'une Vierge,
sans avoir rien contracté de la concupiscence de la
ohair? Y a-t-il quelque chose dont l'oblation pût être
aussi agréable, et qui put être reçue aussi favorablement
que la chair de notre Sacrifice laquelle est le corps de
notre Prétre ? afin que comme il y a quatre choses à
considérer dans tous les sacrifices celui à qui on l'of-
fre, celui qui l'offre, ceux pour qui il est offert et enfin
la chose même qui est offerte, notre unique et véritable
Médiateur, qui nous devait réconcilier avec Dieu par le
sacrifice pacifique, demeurât une même chos.e avec
Çelui à qui il sacrifiait, rendit ceux pour qui il sacri-
fiait une même chose avec lui et en lui, et fût lui-
même celui qui sacrifiait et la chose sacrifé.e.
Nous pouvons apprendre de cet admirahte discours de
Saint Augustin cinq conditions que doit avoir la victime
de notre Médiateur, Elle doit être 1° Une chair 2° une
chair humaine 3" une chair mortelle; 4° une chair née
d'une Vierge; 5° une chair qui soit le propre corps de
notre Seigneur.
24 IDÉE DU SACERDOCE
Ce doit être une chair pour être offerte; une chair
humaine prise des hommes, pour être offerte pour les
hommes; une chair mortelle, pour être offerte par voie
de mort; une chair née d'une vierge, pour être sans
tache et sans corruption et une chair qui soit le corps
même du Fils de Dieu, pour être agréable à Dieu et
pour réduire à une parfaite unité tout ce qui est néces-
saire pour le sacrifice del'Église chrétienne. Car en suite
de cet enchaînement mystérieux, celui qui sacrifie est,
par sa personne et par sa nature éternelle, une même
chose avec Dieu son Père; selon sa chair, il est une
même chose avec les hommes; par cette même chair, il
est une même chose avec la victime qu'il sacrifie; enfin
par l'oblation et le sacrifice qu'il fait de sa victime,
celle-ci entre et est consommée dans l'unité de Dieu
en nous réconciliant avec lui, et nous unit les uns aux
autres et à lui-même en nous réconciliant dans l'unité
de son corps mystique, qui est l'Église, qu'il offre avec
son corps naturel, en même temps qu'il l'offre pourelle.
Il suit de là que, depuis le péché d'Adam jusqu'à la
consommation des siècles, non-seulement il n'y a jamais
eu mais qu'il n'y aura jamais qu'une vraie victime qui
eapie les péchés des hommes, et qui soit agréable à
Dieu par elle-même. Il s'ensuit encore qu'il n'y a jamaiseu qu'une seule victime et qu'un seul vrai sacrifice quilui ait été offert en tous les temps et en tous les lieux de
l'univers. Que si avant que ce grand Prêtre eût paru au
monde et se fût offert lui-même pour victime, on a offert
en sacrifice des animaux ces sacrifices n'étaient ni
commandés de Dieu, ni offerts à Dieu, ni acceptés est
reçus par lui qu'en tant qu'ils promettaient, prédi-
saient, prophétisaient et représentaient cet unique sa-
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. ——I. PART. 25
2
crifice par lequel Dieu devait être apaisé et ils n'é-
taiént sacrifices que par analogie et par rapport à ce-
lui-là; ou plutôt, ils ne faisaient qu'un seul sacrifice avec
celai de Jésus-Christ.
C'est pour cette raison que le Fils de Dieu est appelé
dans l'ÉCriture « AGNUS OCCISUSAB ORIGINE MUNDI;
l'Agneau immolé depuis le commencement du monde;
(Apoc. 13. 8.) c'est-à-dire en figure en mystère, en re-
l présentation, et pour ainsi dire en effigie. En effet, dans
les sacrifices d'Abel, de Noé d'Abraham, de Moïse et
d'Aaron, c'était Jésus-Christ proprement qui était offert
et immolé;,c'était lui, dit Saint Augustin, qui était
prédit et signifié Dieu voulant qu'en ces premiers
temps te sacrifice de la chair et du sang de son Fils fût
prophétisé par la chair et le sang des animaux. Car en
ce qu'ils étaient exempts de défauts et de vices corpo-
rels, ils donnaient aux hommes cette espérance qu'il se
trouverait un jour un homme qui étant saint, inno-
cent, exempt de toute impureté et des moindres taches
du péché, serait immolé pour les hommes. C'est de là
que sont venues ces riches épithètes que Saint Augnstin
donne partout à ces anciens sacrifices, comme quand
il les appelle tantôt les paroles muettes des promesses
qui devaient finir par l'accomplissement des promesses
1 mêmes; tantôt, avec l'Apôtre, les ombres des choses
qui devaient arriver, et dont Jésus-Christ était le corps
et la vérité; quelquefois des crayons de cet unique et
véritable sacrifice, qui devait être offert pour tous les
péchés des hommes quelquefois aussi des prophéties
de cette victime, que J.-C. devait offrir en s'offrant lui-
même; d'autres fois enfin, des représentations qui pro-
mettaient la vérité du sacrifice qui devait s'accomplir
par l'immolation du corps et du sang du Seigneur, et
26 IDÉE DU SACEADDCE
qui avaient éfé instituées de Dien dam une si grande
variété, cdmtne pour exprimer une même chose paV
plusieurs manières de parler différentes pour la reçoit
mander et l'annoncer souvent sans dégoût, et pour
multiplier et diversifier la consolation des hommes en
fetir promettant, en tant de diverses manières ét' par
tant de différentes figures, cette seülë Victime vérita-
Dle, par laquelle Dieu, les voulait reconcilier avec lul,
en leah remettant leurs péchés, et les réunîr à fui en
Jésus-Christ notre Seigneur, qui pour cela' ést devent
te Chef des fidèles dddt il à composé son corps mysti-
que, en les fainant tous ses membres.
CHAPITRE il.
Que Jésus-Christ est Prêtre selon l'ordre de Mélchisedech,
et non selon l'ordre d'Aaron.
Jésus-Christ devant êfre Prêtre, comme j'ai dit, pour
être notre Médiateur, né ré pouvait être selon l'ordre
d'Aaron, comme l'enseigne le grand Apôtre. La raison
eti est que, pour"être prêtre de cet ordre, il fallait être
de la tribu de Lévi à laquelle Dieu avait attaché le sa-
cerdtice légal par ùn commandement exprès et intivo-
lable. C'est pour cela que les Juifs, dé peur de se mé-
prendre en une Chose de cette importance, avaient ac-
coutume de faire nu dénombrement très-exact dé tous
les descendants d'Aaron, dé lédès pères et de leurs me-
res, et d'en conserver soigneusement lés génealogies,
poér justifier le droit qu'ils avaient à la PMtrise par
cette ligne dé succession, et cetté ligne s'appelait l'Or-
lire d'laroil. Puis donc que N.-S J.-C. n'était pas de
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. — I. PART.27
2.
cette tribu sacerdotale, mais de la tribu royale de Juda,
il est clair, comme dit l'Apôtre, qu'il ne pouvait pas
être prêtre de cet Ordre, et que, s'il devait, être prêtre.,
il faillait que ce fût d'une autre sorte de sacerdoce. En
effet, il l'a été d'un ordre bien supérieur à celui-là, et
que le Prophète, en lui adressant la parale de la.part
de Dieu: appelle- 1.'Ordra de. Melchis édech. Non que
Notre-Seigneur soit descendu, de ca Prêtre selon la
chair comme les autres prêtres étaient descendus,
d'Aaron; mais parce que l'Ordre émiaeot, dana lequel
il est unique et qu'il remplit lui-même tout seul, sans
avoir ni prédécesseurs ni successeurs avait été
même longtemps avant. le sacerdoce d'Aaron figuré
par Aielchisédeeh, par les singulières ressemblances
qu'avait ce grand homme, comme parle l'Apôtre. avec
Celui dont il était la Hgwre. En ed'e6,, cet Apôtre, qui
rapporte ces mêmes paroles du Père éternel à son Fils
Trc es Prêtre selon COrdre de.Melchisédech, les explique un
peu après, en disant qu'il est Prêtre seloa la ressem-
Wauee de Melchisédech comme voulant dire que
c'est une même chose d'être prêtre selon l'ordre dit
Melchisédech, et l'être selon, la ressemblance de Mel-
chisédech.; et qu'il n'est pas prêtre selon l'ordre d'Aa-
iron, parce qu'il est prêtre, selon l'ordre tracé dans ce-
lui de Melchisédech, comme dans sa figure et dans, sou
ébauche. (Hebr. 7-15.)
L'Apôtre nous explique en quoi consiste cette ressem-
blanche, quand. il dit que le nom de Melchisédech sig-
nifie-roi de justice qu'il était roi de Salem, (qui depuis
a éLé Jérusalem) c'est-à-dire roi de paix; qu'il élait sans
père, sans mère et sans généalogie; qu'il n'est couché
dans aucun catalogue de prêtres, où: il soit fait mention
de son père, de sa mère, ni de ses descendants pour
28 IDÉE DV SACERDOCE
justifier sa prêtrise par la succession charnelle que sa
vie n'a ni commencement ni fin, c'est-à-dire, qu'il n'est
parlé dans l'Écriture, ou dans le catalogue des prêtres,
ni de sa naissance, ni de sa mort, comme il est parlé
de celle des autres prêtres; afin d'insinuer, par ce si-
lence mystérieux, qu'il est prêtre (en figure) pour tou-
jours, sans qu'il ait succédé à personne puisqu'il est
introduit sans père et sans mère, et sans que personne
lui ait succédé, puisqu'il est sans généalogie.
Or, toutes ces qualités conviennent excellemment au
Fils unique de Dieu. Il est roi de justice et de paix
puisqu'il est venu au monde pour les y faire naître avec
lui selon cet oracle de son Prophète « La justice fleu-
rira sous son règne, et la paix y régnera parfaitement.
(Ps. 71. 7.) Il est sans père, sans mère et sans descen-
dants c'est-à-dire sans ancêtres et sans successeurs
dans l'ordre sacerdotal. Il n'y a ni commencement ni
fin en son sacerdoce par voie de succession. Il n'y a
point de commencement par succession, puisqu'il le
reçoit immédiatement de Dieu par une consécration
toute divine, ayant été oint en une manière plus excel-
lente que tous ceux qui ont jamais porté la qualité de
prêtre. ll n'y a point de fin, parce qu'il ne l'a transmis
à aucun successeur. qu'il ait revêtu de sa dignité en
s'en dépouillant lui-même. D'où il suit que c'est lui vé-
ritablement, et non pas Melchisédech qui est Prêtre
pour jamais, et qu'il est établi pour l'éternité dans son
sacerdoce, parce qu'il est Prêtre, non selon la loi d'un
ordre de naissance et d'une succession charuelle, c'est-
à-dire qui attachait le sacerdoce à la naissance et à la
succession selon la chair; mais qu'il est Prêtre par la
puissance d'une vie immortelle et glorieuse, qui ne peutêtre détruite. (Hebr. 7. 16.)
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — I. PART. 29
Ce n'est pas encore sans mystère qu'Aaron, ayant été
établi prêtre par la vocation et l'élection de Dieu, ne le
fut pas néanmoins, non plus que ses descendants, avec
serment. Dieu voulait signifier par là que son sacerdoce
ne devait être que pour un temps, comme ne pouvant
purifier la conscience de ceux qui rendaient à Dieu ce
culte: au lieu qu'en même temps que le Père, ressus-
citant son Fils, l'établit à sa droite, il lui jure (c'est,à-
dire, il fait connaître que c'est sa volonté immuable et
éternelle, qu'il ne révoquera pas comme font ceux qui
se repentent de leurs promesses) que, comme Melchisé-
dech, roi de justice et de paix, gouvernait tellement
son royaume qu'il y faisait encore la fonction de sacri-
ficateur, en laquelle il n'avait succédé à personne, ni
personne à lui; de même ce Messie, seul véritable roi
de justice et de paix, devait, dans la céleste Jérusalem
exercer, avec la royauté, la fonction d'un Sacerdoce,
non temporel, comme celui d'Aaron mais perpétuel
Sacerdoce que personne n'avait eu avant lui et qu'il ne
devait laisser à personne après lui, parce qu'il est éter-
nel. Car c'est lui seul qui doit sanctifier et rendre par-
faits les Chrétiens pour toujours par l'unique oblation
de son corps. Lui seul peut réconcilier les pécheurs avec
Dieu, en continuant d'offrir pourcux dans le ciel le sang
qu'il à répandu pour eux sur la terre et d y faire l'of-
fice de médiateur devant la face de hieu son Père, pour
l'accomplissement de leur salut.
Comme l'éternité du Sacerdoce du Fils de Dieu est
fondée sur l'éternité de sa vie, aussi, quand il a mérité
par sa mort de ressusciter et de vivre éternellement il
a mérité d'être éternellement Prêtre. Car Saint Paul unit
ces deux choses dans le chapitre cinquième de l'Épltre
aux Hébreux oui, après avoir dit que nul ne doit s'altri-
30 IDÉE DU SAGERDOCE
huer à lui-même l'honneur du sacerdoce, mais qu'il
faut y être appelé de Dieu commeAaron, il fait voir que
J.-C. n'est point aussi entré de luhméme dans le Sacen.
doce ne s'étant point donné lui-même la vie glorieuse
h laquelle son Sacerdoce éternel était attaché Non
semetipsum clarificavit ut Pontifex fieret; mais l'rayant
reçue de son Père, par le mérite de sa mort et de Me
prières, dans la résurrection à une vie glorieuse et im-
mortelle à laquelle il l'a comme engendré de nouveau,
en lui disant en même temps qu'il est son Fils et son
Prêtre pour l'éterùité. Ainsi J.-C. dit-il n'est point
entré de'lui-même dans la gloire pour se donner la sou-
Teraine sacriilcature, mais il l'a reçue de celui qui lui a
dit Vous êtes mon Fils je vous :a1engendré aujour
d'hui selon qu'il lui-dit aussi dans un autre psaume
Vous êtes le Prêtre éternel selon l'ordre de Mélchisé-
dech. (Hebr.7-6. 7:) Et pour-marquer encore. plus clai-
fement comment il a mérïté cette double grâce, Il ajoute
que, « dans les jours de sa chair c'est-à-dire de sa mort
etde son oblation sur ta croix, ayantoffert avec un grand
cri et avec larmes ses prières et ses supplications à
Celui qui le pouvait tirer de la mort, Il fut exaucé en
considération de son humble respect » pour son Père
et de l'obéissance qu'il lui avait rendue. '(Hebr. 6. 7.)
•En effet quoiqu'il fut le Fils de Dieu., il a appris, par
tout ce qu'il a souffert, l'Obéissance et ayant été consom-
mé, il est devenu l'auteur du salut éternel pour tous
ceux qai lui obéissent. Dieu l'ayant déclaré Pontife selon
l'ordre de Melchisédech.
Parce que Jésus-Christ est toujours vivant, non-seu-
lement il est Prêtre, mats t1 est seul et unique Prêtre
C'est ce que l'Apôtre enseigne clairement quand il dit.
Que dans l'ordre d'Aaron il y avait un grand nombre de
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. —I.PART. 3r
nécessaire., pour conserver le sacerdoce qu'il y en .eût
qui succédasent les uns aux autres au lieu que, Jésus-
éternel. Que s'il est éternel il ne peut avoir de succes-
seurs et par conséquentil ,faut qu'il soit seul grand-
Prêtrepuisquelaraisondemultiplierlesprêtresqui
était la nécessité de remplir laplape de ceux qui mou-
raient, .cesse en lui· Comme donc la multitude des
prêtres selon la loi était fondée sur leur mortalité de
même l'unité et la singulariré du Sacerdoce de Jésus-
Christ est fondée sur sa .vie immortelle par laquelle il
DE la prtpécuité du Sacerdoce de J.-C., l'Apôtre in-
fère que ce Souverain Prêtre sau-
rer tous ceux qui Vont à Dieu par sa médiation et en
son nom d'autant qu'il est toujours vivant afin d'in-
tercéderpoureuxETc'estsurquoiSaintPaulveut
que soit fondée notre espérance et notre consolation.
« C'est pourquoi dit-il il peut toujours sauver ceux
quis'approchentdeDieuparsonentremiseétanttou-
jours vivant ,afin d'intercéder pour nous. » (Hebr. 7. 25)
Il infère encore de la révocation et de l'abolition du
premier sacerdoce, c'est-à-dire du sacerdoce d'Aaron,
son impuissance et son inutilité car comme il dit, si,
nonobstant la multitude des prêtres qui offraient inces-
samment des sacrifices il a été nécessaire qu'il vint
un autre Prêtre selon l'ordre et la ressemblace de Mel-
chisédech, il s'ensuit donc que la sacrificature ancien-
ne qui était selon la Loi, ne conduisait personne à une
autreplusexcellente,quiétablitennousunemeilleure
32a IDÉE DU SACERDOCE
et plus solide espérance, par laquelle nous pussions
nous approcher de Dieu avec confiance. (Id. v.15. 17. 18.)
Il infère encore qne comme il y a eu changement de
sacerdoce, il a fallu que l'Alliance et la Loi fussent
aussi changées parce que ces trois choses sont insépa-
rablement jointes en toute vraie Religion le Sacerdoce,
l'Alliance et la Loi. (Ibid. 7. 12.) Le Sacerdoce fait l'Al-
liance parce que l'office du Prêtre, comme médiateur
entre Dieu et les hommes, est de réconcilier les hom-
mes avec Dieu par le moyen de son sacrifice, et de re-
nouer entre eux l'amitié que le péché avait rompue
et que la Loi est la seule condition de cette Alliance; car
elle ne peut subsister entre Dieu et les hommes, si
Dieu de son côté ne fait des promesses aux hommes
et si les hommes, duleur, ne s'engagent en même temps
à faire la volonté de Dieu.
Comme donc, parla Sacrificature de J.-C., il s'est fait
un changement du sacerdoce d'Aaron en celui du vrai
Melchisédech, il s'est fait aussi un changement de l'an-
cienne Alliance en une nouvelle, dont J.-C. a été fait le
Médiateur et le garant In tantum melioris testamenti
sponsor factus est Jesus. (Heb. 7. 22.) D'autant que par
sa mort, il a mérité que les hommes rentrassent en
grâce et en amitié avec Dieu et quf, comme il nous en
a donné lui-même les assurances par sa parole durant
sa vie le sang qu'il a versé par sa mort et son sacri-
fice en est le sceau et le gage précieux. C'est pourquoi
cette Alliance nouvelle, contractée par ce sang adora-
ble, a d'autant plus d'avantages sur la première, que le
Sacerdoce nouveau en a par-dessus l'ancien, et elle
subsiste sur des promesses bien plus grandes et plus
magnifiques. Car par les promesses de l'ancienne al-
liance Dieu ne s'engageait qu'à donner aux enfants
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. — I. PART. 33
d'Israël une terre abondante et une prospérité tempo-
relle, à condition qu'ils demeureraient fidèles à obser-
ver la Loi au lieu que par les promesses de -la nou-
velle, il s'oblige à introduire les vrais Israélites; c'est-
à-dire les fidèles, dans l'héritage du ciel, qui est la
vraie terre des vivants, non-seulement à condition qu'ils
garderont la Loi mais en leur faisant observer cette
condition et Dieu leur donnant son Esprit et sa grâce
pour garder la Loi comme Saint Paul le prouve par
les paroles des Prophètes, qui contiennent les promes-
ses de cette nouvelle alliance. « Voici, dit-il avec le
prophète Jérémie l'alliance que je ferai avec la maison
d'Israël après que ce temps-là sera venu dit le Sei-
gneur j'imprimerai mes lois dans leur esprit, et je les
écrirai dans leur cœur: et je serai leur Dieu, et ils se-
ront mon peuple et aucun d'eux n'aura plus besoin
d'enseigner son prochain et son frère, en disant: Con-
naissez le Seigneur; parce que tous mé connaîtront,
depuis le plus petit jusqu'au plus grand. Car je leur par-
donnerai leurs iniquités, et je ne me souviendrai plus
de leurs péchés. » (Heb. 8. 10 et t6. Jerem. 31. 33.)
Le Sacerdoce el l'Alliance ayantété changés il a fallu
qu'il se soit fait aussi un changement dans la Loi; parce
que toutes les ordonnances de Moïse, dont les Israélites
avaient juré d'être les religieux observateurs pour être
héritiers des promesses charnelles et temporelles ont
cessé, et qu'il n'en est resté que la loi de charité et les
commandements de justice, lesquels n'étant auparavant
écrits dans l'Ancien Testament que sur des tables de
pierre, et ne pouvant donner aux hommes la force de
les observer, ont commencé dans le Nouveau d'être
écrits par le doigt de Dieu, c'est-à-dire, par le Saint-
Esprit etpar l'infusion de la charité dans les cœurs pour
les rendre justes devant Dieu. (Heb. 7. 10. 16.)
34 IDÉE DU SACERDOCE
t/Apôtre déduit enfin ta prééminence et l'excellence
dn Sacerdoce de J.-C par-dessus le Sacerdoce pour
lequel Aaron et ses enfants avaient été consacrés de ce
que Melchisédech, qui le représentait étant allé au-
devant d'Abraham, qui retournait victorieux de cinq
rois., le bénit premièrement en quoi certes Il montra
'bien qu'il était plus grand qu'Abrabam puisqu"il est
hors de doute que celui qui doxue la bénédiction est au-
dessus de celui qui la reçoit
He plus Melchisédech reçnt d'Abraham la dîme de
tontes les meilleures dépoailles que ce capitaine victo-
rieux avait enlevées à ses ennemis, et en la recevant
d'Abraham, il la reçut par conséquent de Lévi d'Aaron
etde tous leurs descendants qui étaient comme ren-
fermés dans Abraham. Jugez donc par là dit l'Apôtre
combien grand devait être ce nouveau Prêtre selon l'or-
dre de Melchisédech. puisque celui qui le représentait,
et qui n'en était que l'ombre et la figure, avait droit de
bénir celui à qui les promesses avaient été faites et
dans la postérité duquel toutes les nations de la terre
devaient être bénies; et qui, en suite de cette bénédic-
tion qv'il donna à Abraham eut encore le droit de re-
cavoir la dîme de ce Patriarche et de toute sa posté-
rité en lui.
CHAPITRE III.
Quand et comment Jésus-Christ a fait la fonction de
Prêtre selon rordre de Melchisédech.
il ne faut pasdire, comme quelques auteurs que
J.-C. ait fait sur la croix la fonction de prêtre selon
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.— 1. FART. 35
l'Ordre d'Aaron à caf se qu'il s'y est offert et y a étésacrifié d'une manière sanglante, qui a rapport à la
manière d'offrir les victimes légales. Car l'Apôtre nous
dit trop expressément que J.-C. n'a jamais été prêtre
selon l'Ordre d'Aaron ,parce qu'il n'était pas de la tribu
sacerdotale de Lévi,, mais de la tribu royale de Juda,
C'est pourquoi il faut tenir pour assuré que, demeurant
dans son Ordre, figuré parcelui de Melchisédech, il n'a
de rapport aux sacrifices de la loi de Moïse, que parce
gu'il a accompli par l'unité de son oblation toutes les
ombres et les Ggures des victimes légales et toutes les
différentes oblations du culte .d'Aaron comme les cho-
ses d'pn ordre supérieur comprennent et renferment
celles des ordres inférieurs, et quelque chose de plus.
En effet, Saint Paul ayant entrepris dans toute.son
Épitre aux Hébreux de relever le Sacerdoce de Jésus-
Christ, et d'en faire voir l'excellence par-dessus celui
d'Aarow, n'y fait mention que du Sacrifice de la Croix,
dans lequel il s'est offert lui-même à Dieu, par l'Esprit
éternel., comme une victime très-sainte pour expier
les iniquités qui se commettaient sous le premier Testa-
ment, et effacer les péchés de plusieurs.
D'ailleurs il nous apprend que le sacerdoce léviti-
que n'a été aboli qu'à cause de son impuissance à puri-
fier les cœurs et à conduire ceux qui s'en servaient à
une parfaite justice à raison de quoi, il d fallu qu'il
parût un autr.e Prêtre selon l'ordre et la ressemblance
de Melchisédech. pour être le médiateur d'une nou-
velle alliance et de la.réconciliation des hommes avec
Dieu cela est expressément dans Saint Paul..(Heb, 7.15.)
Or, est-il que J.-C. n'est médiateur de l'alliance nou-
velle que par sa mort: d'où il suit que dans sa
piort, il a fait l'office de prêtre selon l'ordre de Mel-
36 IDIE DU SACERDOCE
rhisédech par l'oblation qu'il a faite de lui-même ..J.-C.
a donc fait le premier usage public de son Sacerdoce
sur la croix, mais il l'a accompli et consommé par son
entrée dans le ciel, et ce n'est qu'à la droite de son
l'ère et par l'état de sa vie glorieuse et immortelle,
qu'il est entré pour toujours en possession de ce Sacer-
doce éternel selon l'Ordre de Melchisédech.
Saint Paul nous apprend que Jésus-Christ n'a pas fini
par sa mort, comme les autres prêtres, mais plutôt
qu'il a été consommé, c'est-à-dire, achevé et perfec-
tionné par sa Passion, selon ces paroles (Ilebr. 2.10) Il
était de la grandeur de Celui par qui et pour qui sont
toutes choses que, voulant conduire à la gloire plu-sieurs enfants, il consommât et perfectionnât par tes
souffrances celui qui devait être l'auteur de leur salut.
Étant entré par ce moyen dans la consommation de
sa gloire il est devenu l'auteur du salut éternel pour
tous ceux qui lui obéissent Dieu l'ayant déclaré Pontife
selon l'ordre de Melchisédech. Or cette perfection et
consommation s'est faite par sa glorification entière
qui comprend, dit St. Augustin sa Résurrection et son
Ascension. C'est donc en ce double mystère qu'il a ap-
pelé et déclaré de Dieu le parfait Pontife selon l'ordre
de Melchisédech.
De plus, il n'est Prêtre selon l'ordre de Melchisé-
dech, que parce qu'il est Prêtre éternel l'éternité étant
une condition essentielle de ce Sacerdoce selon ces
paroles du Père Vous êtes le Prêtre éternel selon
l'ordre de Melchisédech. Car c'est pour ce sujet qu'ilest parlé de Melchisédech dans l'Écriture comme s'il
avait été sans père, saus mère et sans postérité.
Outre cela, il n'est Prêtre éternel que parce qu'il de-
meure éternellement, afin d'intercéder toujours pour nous,
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — 1. PART.37
selon ces paroles de St. Paul, (Hebr. 7. 24) « Mais
comme celui-ci demeure éternellement, il possède un
sacerdoce qui est éternel, étant toujours vivant afin"
d'intercéder pour nous, et il ne demeure éternelle-
ment que par l'état de sa vie nouvelle dans laquelle il
intercède pour nous et que par son entrée au ciel. Il
n'est donc Prêtre achevé et parfait, selon l'ordre de Mel-
chisédech, que par sa Résurrection et son Ascension.
Non-seulement J.-C. a été établi Prêtre selon l'ordre
de Melchisédech par son entrée dans le ciel mais en-
core il l'a été pour y faire la première et principale fonc-
tion du Sacerdoce, qui est l'oblation du Sacrifice. Celte
vérité est très- clairement marquée dans plusieurs en-
droits de Saint Paul. « Tout ce que nous avons dit, se
réduit à ceci (Hebr. 8. 1. 2,) que le Pontife que nous
avons est si grand, qu'il est assis dans le ciel à la droite
du trône de la Souveraine Majesté, étant le ministre du
sanctuaire (r , le sacrificateur ou prê-
tre du ciel ) et de ce véritable tabernacle que Dieu a
dressé, et non pas un homme. » Par ces paroles, l'Apô-
tre fait allusion a ce qui se passait dans la Loi ancienne,
dont le pontife était le ministre d sanctuaire figuratif,
appelé Sancta Sanctorum, le Saint des Saints. Il compare
cet ancien tabernacle avec le ciel et l'ancien Prêtre
avec Jésus-Christ, qu'il appelle le ministre des lieux
vraiment saints et du vrai tabernacle qui est le ciel, sur
le modèle duquel dit St. Paul, l'autre avait été bâti.
Comme donc le grand-Prêtre de la Loi exerçait la fonc-
tion la plus propre de son sacerdoce, quand il entrait'
dans le tabernacle figuratif de même J.-C. a exercé
proprement la sienne quand il est entré dans le taber-
nacle figuré par celui-là, c'est-à-dire dans le ciel, dans
le sein même de Dieu.
38 IDÉE DU SACERDOCE
L'Apôtre continue et infère que, si Jésus-Christ .est
Pontife dans le ciel, il y offre nécessairement parce
que tout Pontife est établi pour offrir des dons et des
victimes. D'où il résulte qu'il faut que ce nouveau
Pontife ait pareillement quelque chose qu'il puisse of-
frir. Et que peut-il avoir à offrir que ce qu'il a une fois
offert sur la terre, c'est-à-dire, la victime de son propre
corpe, dont il renouvelle et continue sans cesse l'obla-
tion dans le ciel ?
L'oblation de J.-C. n'a donc pas été tellement consom-
mée et épuisée sur la terre, qu'elle ne se fasse plus dans
le ciel mais plptût elle n'a fait que commencer ici-bas
pour être continuée au ciel, où se trouve la perfection
du sacrifice. Car si cela n'était, poursuit 1,'Apôtre,, et si
J.-C. detueurait toujours sur la berre, il ne serrait point
du tout prêtre puisqu'il y en avait d'autres qui étaient
destinés à offrir des dons selon la Loi. L'Apôtre veut
dire que s'il était prêtre pour la terre comme les au-
tres, et qu'il n'eût eu à faire les fonctions du sacerdoce
que sur la terre, sans entrer dans les lieux saints pour
y offrir, en cette hypothèse il n'y aurait eu nulle néces-
sité qu'il fùt prêtre et qu'il serait même impossible
qu'il le fût, parce que, pour être Prêtre selon la Lpi
il fallait pouvoir offrir les victimes ordonnées par la Loi
et, pour cela, être, selon le commandement de Dieu
d'une autre tribu que celle dont Jésus-Christ était selon
la chair: c'est-à-dire qu'il.fallait être de la tribu de Lévi,
dont J.-C. n'était pas et non point de celle de Juda, de
laquelle il était.
Il-faut donc, pour entendre ce raisonnement de l'A-
pêtre, se souvenir toujours q,u'eptre les Juifs, par la
disposition de la Loi, personne. ne pouvait offrir la chair
des animaux ni autre chose en sacrifice qu'il ne fut
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — I. PART. 39
prêtre de la tribu de Léci. C’est pourquoi le Fils de Dieu,
parce qu'il était sorti selon la chair de la tribale Juda
ne pouvait évidemment ni être prêtre selon la Loi, ni
en offrir les sacrifices. S'il avait donc être prêtre il
devâit l'ëtre d'ua ordre qui lui fût propre et offrir, non
une victime étrangère mais sa propre victime, c'est-à-
dire sa propre chair. D’ailleurs, commeil devait, être un
Prêtre toujours vivant pour être toujours cause du
salut des hommes, il fallait aussi que la victime qui
est sa propre ehair, fùt toujours vivante car, si elle eut
été morte, dès tors il n'aurait plus été prêtre dans la
forme de serviteur qu'il prise. Au lieu que maintenant
qu'il est toujours vivant dans son hostie, il est to4ours
un Prêtre céleste et non terrestre d'autant que celte
sorte de Sacerdoce, qui est fondé sur la puissance d’une
vie immortelle ne convient pointa la terre. Tant s’en
faut donc que sou élévation Hauplus hautdes cieux lui
ravisse rien de son Sacerdoce et lui en interdise les fonc-
tions, qu'au contraire c'est ce qui le met en état de les
exercer puisque, selon St. Paul s’il n'avait eu à être
prêtre que sur la terre comme les autres prêtres il
ne l’aurait point été du tout.
Il y a une riche preuve de cette vérité, au chap. 9 de
l’Épitre-aux Hébreux dansla figure du Grand-Prêtre, le.
quel, après l’immolation solennelle qui se faisait tous
les ans, d'un bouc pour l'expiation des péchés du peu-
ple, entrait par le premier tabernacle dan-9 te second,
qui s'appelait le Saint des Saints, portant en ses mains
le sang de cette vietime, qu'il élevait et offrait .à Dieu,
le conjurant, dans la ,viie de ce sang, d’oublier tant ses
ignorances et ses péchés, que ceux de tout le peuple
d'Israël. et par cette cérémonie, dit l’Écriture, se faisait
l'expiation de toutes les offenses.
40 IDÉE DU SACERDOCE
C'est ce que l'apô re St. Paul nous enseigne avoir
été,selon la vérité, accompli en J.-C. qui, étant Pontife
des biens futurs est entré non dans le sanctuaire
fait de la main des hommes sur le modèle du véritable,
mais dans le ciel et dans le sein même de Dieu. Il y est
entré par un tabernacle bien plus auguste et plus parfait
que celui de Moïse, comme n'étant point formé par la
voie commune et ordinaire, ni fait de main d'homme,
comme l'autre; c'est-à-dire qu'il y est entré par l'ouver-
ture de son propre corps. Il y est entré après nous avoir
acquis une rédemption éternelle, après avoir donné son
sang pour prix de notre rachat, et pour uous tirer de la
servitude et de la mort dans laquelle nous étions enga-
gés par nos iniquités. Il y est entré afin de se présenter
maintenant pour nous devant la face de Dieu d'abolir
le péché en s'offraut lui-même pour victime, et d'inter-
céder sans cesse en notre faveur. C'est ce qui était figuré
dans la Loi, lorsque le Grand-Prêtre, étant entré dans
le tabernacle, se tenait debout devant le sanctuaire, en
priant pour le peuple et offrant à Dieu le sang de la
victime qu'il portait eu'ses mains.
Que si le prêtre lévitique entrantdaus le sanctuaire,
offrait le sang des victimes qui avaient été immolées
c'est-à-dire le sang des boucs et des veaux; si, en les
offrant en mémoire de la mort par laquelle elles avaient
passé, cette. oblation qu'il en faisait était un vrai sacrifi-
ce, ou plutôt la consommation et la perfection du sacri-
fice même si enfin c'était en vertu de ce sang qu'il avait
l’assurance de se présenter à Dieu, et de lui faire des
prières et des supplications n'égorgeant ces victimes
au dehors du tabernacle que pour offrir ce sang à Dieu
dans le Tabernacle même; disons aussi que J.-C. n'a
versé son sang sur la croix, que pour offrir ce sang à
ET DB SACRIFICE DE JESUS- CHRIST. ——I. PART. 41
Dieu dans le vrai Sanctuaire, et qu'il n'a fait la première
oblation de lui-même sur la terre qu'afin de faire, dans
le ciel, une seconde etéteriiétle oblation de ce sangpour
l'expiation des péchés des hommes.
Ceci nous donne jour pour remarquer une importante
vérité, qui nous est insinuée aux chapitres 1 et 2 du
Lévitique, et ailleurs. C'est qu'encore que toutes les
parties du sacrifice ne fussent qu'une oblation, néan-
moins l'ohlation se faisait particulièrement et manifeste-
ment en deux cérémonies. La première lorsque l'on
amenait la victime it la porte du Tabernacle, et qu'on
la présentait au Prêtre, qui en prenait possession' au
nom et en l'autorité de Dieu; la seconde, lorsque, après
son immolation le Prêtre en versait le sang autour de
l'autel, et que, prenant la graisse et une partie de la
chair, il l'élevait vers le ciel et la mettait sur l'autel des
holocaustes, pour être brdlée en l'honueur de la Ma-
jesté Divine et cette élévation s'appelle, dans l’Écriture,
une oblation et une manière d'approcher de Dieu, parce
qu'elle mettait le prêtre en état de prier. La première
ohlation se faisait pour la mort la seconde pour mé-
moire de la mort la première pour satisfaire à la jus-
tice de Dieu, en transférant la peine, que méritait le
coupable pour ses péchés sur une victime innocente
la seconde pour appliquer cette satisfaction au profit de
celui qui l'offrait, et pour obtenir de Dieu que ses pé-
chés ne lui fussent point impntés.
Or toutes ces choses n'étaient que des ombres et des
figures de ce qui devait se passer en J.-C. et en son
Église et elles nous obligent de reconnaître dans la
vérité que, outre la première oblation que J.-C. a faite
de lui-même avant sa morl, pour transférer et porter
sur lui la peine de nos iniquités, il en faut encore rè-
42 IDÉEDUSACERDOCE
connaître une seconde, qui s’est faite A son entrée dans
le ciel, qu’il y continue toujours par lui-même, et que
les prêtres font aussi.sur la terre en son nom et en sa
persoune, et qu'ils y feront jusqu'à la fin
dans le sacrifice de l’Eucharistie, Cette oblation est
comme une commémoration de sa mort, accompagnée de
Ja prière sacerdotale, parlaquelle, comme Pontife des
Mena future et véritables, et comme ministre du Saacr
tuaire céleste, il demande à Dieu que sa satisfaction
nous soit impulée et vraiment appliquée pour la remis-
sion réelle de nos offenses, et pour notre réconciliation
avec lui, et pour notre entière et parfaite sanctification.
Jésus-Christ, ayant consommé et achevé son oblation
par son entrée dans le ciel, il est de la perfection de
Ce sacrifice de ne pouvoir jamais être réitéré. C'est en
quoi l’Apôtre établit une des principales différences, qui
se trouvent entre la divine sacrificature de ce Pontife
et celle des autres. Car dans celle des autres, tes prêtres
avaient obligation d'offrir plusieurs fois pour eux-mê-
mes, et avaient besoin d'une victime étrangère pour
leur propre sanctification Mgis cetmici n'a point en
besoin d'être purifié il n'a point trouvé de victime
digne de sa prétrise que sa propre chair, et il,n'est en-
tré daps le sanctuaire du ciel que par son propre sang.
Les autres prêtres enfin se présentent tous les jours
à Dieu sacrifiant et pnrant plusieurs fois les mêmes
hosties, sans pouvoir ôter les péchés. Le Grand-Prêtre
entrait aussi tous les ana dans le tabernacle avec les
mêmes victimes .qu'il avalt offertes l'année précédente.
Ce qui montre sans doute que l’oblation de ces hosties
se faisait plutôt pour renouveler la mémoire des péchés,
pour les reconnaître devant Dieu, et pour en recommen-
cer la confession publique, que pour en recevoir la
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS CHRIST. I. PART, 43
rémission puisqu’elles ne pouvaient rendre agréablesà Dieu ceux qui se présentaient à lui par le moyen deces sacrifices suivant l’ordonnance de la Loi ni leurdonner une véritable justice. La réitération du sacrificede ces mêmes hosties était donc unq preuve de leur
inutilité et de leur impuissance à justifier les pécheurscar, comme dit l’Apôtre, si elles avaient été capablesde justifier et de perfectionner, elles auraient cessé
d’être offertes à-Dieu, a près l'avoir été une fois: parce
que ceux qui lui rendaient ce culte, ayant été une fois
puriflés.et sanctifiés n'auraient plus senti teufs cons-
ciences chargées de péchés pour lesquels ils eussent eu
besoin d'offrir de nouveau les mêmes sacrifices outre
que, si la première oblation avait-pu effacer les péchés,elle aurait été d'une vertu infinie et par consequent
capable de racheter tous les péchés de tous les siècles.
Puis donc qu'à toute heure on réitérait ces mêmes
sacrifices pour la rémission des péchés du peuple, n’é-
tait-ce pas une marque et une preuve évidente que la
première oblation qu’on en avait faite n’avait pu encore
donner cette rémission des péchés ?
Mais d’autant que J.-C. exerce un sacerdoce incom-
parablemenl plus noble, plus saint, plus efficace, iCi
qu'en considération du mérite de son sacriflce qui est
infini, Dieu déclare dans les Écritures, qu’il ne se ressou-
viendra plus des-péchés des hommes. il n’est point néces-
saire qu’il le réitère; et nous ayant acquis une Rédemp-
lion éternelle par l'oblation qu'il a faite de lui-même,
il c'a pas besoin d'en faire une seconde car étant, dit
l’Apôtre. entré une fois dans le ciel afln de se pré-
senter à la face de Dieu pour nous 'il n'est pas néces-
saire qu'il s'offre souvent lui-même au lieu que le
Grand-Prêtre de la Loi après etre entré dans le sanc-
44 IDÉE DU SACERDOCE
tuaire avec le sang d'une victime étrangère, était
obligé de recommencer les mêmes oblations les années
suivantes Celui-ci ayant offert une seule hostie pour
les péchés, s'est assis à la droite de Dieu pour toujours.
Ces paroles de l'Apôtre sont considérables, et elles
nous obligent de remarquer qu'il n'est pas parlé ici sim-
plement de l'oblation que J.-C. a faite de lui-même sur
la croix, mais de son oblation prise dans toute son
étendue. De sorte que le sens de ces paroles est que
Jésus-Christ, étant élevé au-dessus des cieux, n'a pas
besoin de réitérer et de recommencer son oblation, ni de
faire, en s'offrant souvent lui-même, ce que les prêtres
lévitiques faisaient eu offrant tous les jours de nouveaux
sacrifices de victimes étrangères qu'il n'a pas besoin
de mourir plusieurs fois, ni d'entrer autant de fois dans
le ciel Introivit semel in sancia, cela étant fait une
fois pour toutes mais qu'il sufflt qu’étant assis à la droite
de Dieu, il continue de faire en vérité ce que le Pontife
lévitique faisait en figure dans le sanctuaire figuratif,
c’est-à-dire, de se présenter comme Prêtre à la face de
Dieu, de s'offrir comme une hostie embrasée en mé-
moire de sa passion. Il suffit qu'il retrace, pour ainsi
dire, le souvenir de sa mort aux yeux de son Père et
qu'il fonde sur cette mémoire de sa mort la prière sacer-
dotale qu'il fait pour le salut des hommes, n'y ayant
point de fonction plus propre au Prêtre que de présenter
à Dieu l'hostie qui lui a été immolée, en l'élevant vers le
trône de sa majesté. Mais ce que le Prêtre de la Loi ne
faisait à chaque viclime que par une oblaüon passagère,
parce que la victime était corruptible, comme le Prêtre
étaitmortel, saint Paul nous apprend que J.-C. le faite!
le fera sanscesse dans le ciel durant toute l'éternité; parce
qu'il y est toujours, et qu'il y sera éternellement vivant.
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. ——I. PART. 45
Enfin, c'est en ce sens qu'il faut encore entendre ces
paroles du même Apôtre dans l'Epître aux Hébreux
Que Jésus-Christ, par une seule oblation a rendu
parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés una enim
oblatione consummaoic in œlernum sanctificalos.
DEUXIÈME PARTIE.
DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.
CHAPITREPREMIER.
Du Sacrificeen général, et des raisonsde ce devoir.
Le Sacrifice est un devoir essentiel de la religioncomme la religionenvers Dieu est une obligation quela créature spirituelleporte gravée dans le fondde son
cœur. L'Angemême n'en est pas dispensé, quelque
éloignéqu'il soit par sanature des chosesqui paraissentordinairementnécessaires aux sacrifices. Mais ce quenous voyonsde la religionet du sacrifice n'est pas ce
qu'il y a de principal dans l’unet dans l'autre comme
ce que nous voyonsde l'homme n'est pas ce qui fait
l'homme et n'en est que la première partie.Le sacrifice extérieur et sensible n'est que le signe
du sacrifice intérieur et invisible et celui-ci consistedans les devoirs essentiels de la créature raisonnableenvers son Créateur et comme ces devoirs sont diffé-
rents selon les différentsétats où se trouvent les créa-tures intellectuelles, c'est aussi ce qui fait la différencede leur sacrifice.Autre est celui de la créature sainte et
innocente, tel qu'était l'homme dans le paradis terres-
tre autre celui de l'homme pécheur; autre est le sacri-ficede l'ange et de l'homme dans l'état dela voie; autrecelui qui leur convient dans l'état de la gloire.Enfinla
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. —II PART.47
créature composée d'esprit et de corps, a aussi un sacri-
fice différent de celui des natures purement spirituelles.
Hast bien clair que ni les sacrifices extérieurs de l’an-
cienne loi ni même celui de la nouvelle, ce qu’il a
d'extérieur et de sensible, ne peuvent convenir aux
anges qui n'ont rien de corporel.
te sacrifice d'expiation, qui suppose le péché ne
pouvait être offert par Adam, lorsqu’il jouissait encore
de la pureté et de l’innocence où il avait été créé.
te sacrifice de prière et d’impétration ne peut conve-
nir ni à l’ange ni à l’homme dans l’état bienheureux de
ta gloire, où ils n'ont plus de besoins qui les pressent de
prier, où tous leurs désirs sont remplis, et tous leurs
toeux comblés par la jouissance du bien lnfmi.
Ainsi, des quatre espèces de sacritices, qui sont, ce-
lui d'adoration d’eucharistie ou d’actions de graces,
d'expiation et d’impétration ou de prière. le dernier
n'est que pouë ceux qui sont encore dans l'état de voya-
ge le troisième, pour les seuls pécheurs; tandis que les
deux premiers conviennent à toute créature intellec-
tuelle et raisotrnable, soit innocente ou déchue, soit
dans la voie du mérite ou dans lé terme de la jouissance,
Gar, en tout état, ellèdoit rendre hommage de son être à
son Créateur elle doit adorer son principe, elle lui doit
la reconnaissance de tous ses dons, de toutes les perfec-
tions dont il Va enrichie, et de tous les bienfaits dont it
fa comblée. Enfin elle lui doit rapporter la gloire de tout
Ce qu’elle a reçu de lui Dieu même ne la pouvant- dis-
penser de ces devoirs, parce qu’il ne peut pas se dis-t
penser lui-même de faire tout pour sa gloirg, ni d'être
la fin aussi bien que le principe de toutes ses créàtu-
res, et de tout le bien qui est es elles.
Mais cet hommage cette adoration, cette reconnais-
48 IDÉE DU SACERDOCE
sance, qui constituent le sacrifice des Anges ne sont
revêtus d'aucuns signes sensibles, comme ils l'étaient
dans les sacrifices de la Loi, comme ils le sont encore
dans le sacrifice eucharistique des Chrétiens. Les Anges,
étant tout spirituels leur adoration et leur action de
grâces sont aussi toutes spirituelles il n'y a rien que
de spirituel dans leur sacrifice et on peut bien dire
d'eux ce que Saint Pierre dit des Chrétiens qu'ils for-
ment dans le ciel a un ordre de saints prêtres qui
offrent à Dieu des sacrifices spirituels qui lui sont agréa-
bles par J.-C. (1. Ep. 2.) Car « c’est par J.-C. comme
l'Église nous l'apprend que les Anges louent la majesté
de Dieu que les Dominations l'adorent et que les
Puissances célestes paraissent en sa présence avec cette
sainte frayeur » et cette crainte religieuse que sa gran-
deur et sa sainteté leur impriment.
Voilà ce qui fait, dans le ciel, le sacrifice des Anges
auquel l'Église unit le sien lorsqu'elle est sur le point
de l'offrir. Et quoique les parties du sacrifice u'y aient
rien de sensible, elles ne s'y trouvent pas moins réelle-
ment pour cela. Tout embrasés qu'ils sont de l'amour de
Dieu, ils ne cessent de l'adorer de le louer, de s'offrir
à lui comme des victimes saintes, de lui rapporter loute
la gloire des perfections de leur nature de s'anéantir
dans la vue de sa grandeur et de sa sainteté, et de
se nourrir sans cesse de lui, comme étant la vérité
éternelle, la lumière primitive la plénitude de toute
justice et la beauté infinie qui rassasie toute la
sainte avidité de leur amour et remplit toute la capacité
de leur cœur.
Il est donc clair que les Anges mêmes sont unis à Dieu
par les liens de la religion qu'ils lui offrent un sacri-
fice qui est le premier devoir de leur religion, aussi bien
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHR1ST. — II. PART. 49
3
que de celle des hommes. Mais ce dernier est le seul
dont nous avons à parler.
Pour ce qui regarde donc les hommes, nous avons
trois obligations à offrir le sacrifice je veux dire que le
sacrifice est établi principalement pour trois raisons.
Il est premièrement institué pour adorer Dieu pour
reconnaître sa grandeur et pour rendre hommage à
ses perfections divines mais particulièrement à trois.
C'est pour honorer la sainteté de Dieu selon laquelle il
est si grand si pur si retiré en lui-même, si éloigné
des créatures, que pour le témoigner et pour déclarer
que la créature n'est pas digne que Dieu la regarde
tant il est saint, elle est détruite et consumée en sa pré.
sence comme il semble nous être marqué par ces pa-
roles du Ps. 21, attribué au Fils de Dieu en son sacrifice:
Tu a/Item in sancto habitas, laus Israel O mon Dieu
vous êtes si saint, si retiré en vous-même et, dans votre
sainteté tellement éloigné de la créature qu'il semble
qu'en ce moment de mon sacrifice, vous ne daigniez pas
me regarder selon ma nature créée quoique je sois
votre Fils selon ma naissance éternelle et ma personne
divine, dans laquelle cette nature subsiste.
Secondement, pour honorer son souverain domaine
non-seulement sur la vie et la mort, mais sur l'être
mbmc. Car Dieu seul est auteur de l'être, et il n'y a que
lui seul qui puisse le donner ce que S. Thomas prouve
ainsi « Les causes doivent être proportionnées à leurs
effets et plus les effets sont universels, plus aussi leur
cause doit être universelle. Il faut donc que l'être, qui
est la chose la plus générale, et l'effet le plus universel
qui soit dans la nature, se rapporte nécessairement à la
cause la plus universelle, qui est Dieu. » (1. p. 9. 45. art. 5.)
Le- sacrifice étant institué pour reconnaître Dieu
50 IDÉE DU SACERDOCE
comme auteur de tout l'être créé, et pour honorer son
souverain domaine sur cet être, il en demanderait la
consomption et la destruction entière. Que si dans les
sacrifices tout n'est pas détruit et consumé par ta mort
des hosties et des victimes, cela vient de l'imperfection
du culte humain, et de l'impuissance de l'homme qni ne
peut pas davantage. La mort n'est donc là proprement
qu'une représentation de cette entière destruction de
l'étre, qui devrait se faire dans le sacrifice en hommage
de l'être divin et de son domaine sur tout l'être créé.
Il suit de là que tout sacrifices demande bien la des-
truction, mais non pas la mort de la victime; la mort
n'étant qu'une des manières dont les choses peuvent
être détruites, bu de celles qui représentent la destruc-
tion des choses. Car la destruction des choses offertes à
llien en sacrifice sous la loi de Moïse, se faisait autrefois
en diverses manières. Par exemple, les pains de propo-
sition étaient détruits par la manducation et le feu natu-
rel de l'estomac l'agneau pascal et d'autres victimes
encore l'étaient par la mort; quelques-unes par le feu.
Dans l'état d'innocence il y anrait eu des sacrifices
puisqu'il y aurait eu une religion mais il n'y aurait point
eu de sacrifices, dont les victimes eussent été consumées
par la mort, puisque la mort n'est entrée dans le monde
que par le péché, selon S. Paul. (nom 1. 12.)
Troisièmement, le sacrifice est pour reconnaître et
pour honorer la plénitude de Dieu, c'est-à-dire que
Dieu se suffit à lui-même, et que nulle créature ne lui
est nécessaire Jésus-Christ même lui ayant pu dire ces
paroles du Psalmiste n Vons êtes mon Dieu, vous n'avez
nul besoin d'aucun de mes biens: Dixi Domino: Deus meus
es tu, quoniam bonorum meorum non (Ps. i5. 1.)
Oui, Dieu est si parfait que toute créature lui est inu-
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 51
tile, et que, quoi que nous puissions faire, nous som-
mes toujours à son égard des serviteurs inutiles, selon
le sens de ces paroles servi inutiles smnus. (Luc 17. 10.)
Inutiles à Dieu, mais non pas à ses œuvres, comme on
doit répondre aux hérétiques qui se servent mal de ce
texte pour rejeter le mérite des bonnes œuvres. 11 faat,
dis-je, répondre, qu'il est vrai que nous sommes inuti-
les à Dieu, mais que nous pouvons être utiles à son
ouvrage, à son Eglise et à ses créatures.
Voilà donc la première fin du sacrifice, qui est d'ho-
norer Dieu dans sa sainteté et dans son souverain domai-
ne, dans sa plénitude et dans toutes ses perfections. *Les
holocaustes, où l'on consumait par le feu toute la victi-
me, étaient institués dans la Loi à cette intention, et ils
marquaientplus distinctement ce dessein que les autres
sacrifices.
Le sacrifice est offert à Dieu en action de grâces et
pour lui rendre la reconnaissance et l'hommage de ses
dons et c'était pour cette même fin qu'on offrait dans
l'ancienne Loi les sacrifices qu'on appelait pacifiques.
Il est offert encore pour rendre à la justice de Dieu la
satisfaction qui lui est due à cause de nos péchés, et pour
nous le rendre propice. C'est ce que faisaient les sa-
crifices anciens appelés pro peccato, qui étaient insti-
tués pour cette fin.
Enfin, il est offert pour obtenir de la libéralité de Dieu
des grâces et des bienfaits tant pour tes besoins natu-
rels et ordinaires de la vie, que pour les autres qui peu-
vent survenir à l'homme. Et quoiqu'il semble en cela
regarder uniquement l'intérêt de la créature, elle y rend
néanmoins hommage à Diéu en faisant par là un aveu
de la dépendance et de l'indigence où elle est de son se-
cours, et en le reconnaissant comme la source et la
cause de tous les biens.
5-2 IDÉE DD SACERDOCE
CHAPITRE II.
Le Sacrifice de Jésus-Christ, substitué aux anciens, en
contient toutes les espèces, les conditions et les parties.
Nous n'avons plus maintenant cette multitude, ni cette
diversité de sacrifices qui étaient sous la Loi mais le sa.
crifice de J.-C. a été offert pour satisfaire à tous les de-
voirs et à tous les besoins de la créature, et il suffit
seul pour remplir la vérité de toutes les espèces diffé-
rentes des sacrifices anciens. » C'est pourquoi le Fils de
Dieu entrant dans le monde, dit: Vous n'avez point vou-
lu d'hostie ni d'oblation, mais vous m'avez formé uu
corps; vous n'avez point agréé les holocaustes, ni les
sacrifices pour le péché alors j'ai dit Me voici je
viens, selon qu'il est écrit de moi, afin que je fasse vo-
tre volonté. (Heb. 10. 5.) Il est clair par ce texte de S.
Paul qui nous apprend les intentions qu'avait Jésus-
Christ en s'offrant à son Père, ou plutGt qui nous les
iait entendre par les paroles du Fils de Dieu même il
estclair, dis-je, par ces paroles, que son corps a été subs-
titué aux holocaustes qui étaient établis pour adorer
Dieu; aux pacifiques, que l'on offrait en action de grâ-
ces à ceux qui étaient pour le péché, et enfin à toutes
les espèces d'oblations et de sacrifices instituées de Dieu
dans l'ancienne Loi.
C'est donc une excellente manière de satisfaire à tous
nos devoirs, marqués par les sacrifices anciens, que de
présenter et offrir J.-C. à Dieu son Père. Car par ce
moyen, nous entretenons ce divin commerce que la re-
ligion établit entre Dieu et les hommes en parlant à
Dieu, non-seulement comme Moïse face à face, mais à
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 53
son cœur, dans l'intime de son esprit, parsa propre vic-time et sa propre parole,qui est Jésus-Christ la vérité
la perfection et la Gn de tous les sacrifices de l'ancienne
Loi.
Nous avons déjà remarqué qu'il y en avait de différentes
espèces. Il y avait des sacrifices d'holocaustes des sa-
crifices pacifiques et des sacrifices pour le péché. Entre
ceux de cette dernière espèce étaient le sacrifice du
bouc émissaire qui, dans la fête de l'expiation, était
chassé hors du camp dans le désert pour être dévoré
par les bétes; le sacrifice de l'agneau pascal celui des
pains de proposition qui étaient conservés et mis comme
en réserve. Il y avait eu aussi, avant la Loi, le sacrifice
d'Abraham et le sacrifice de Melchisédech. Entre les
sacrifices de la Loi, il y en avait qui étaient exclusive-
ment pour Dieu, comme l'holocauste, auxquels ni le
peuple ni les Prêtres mêmes n'avaient point de part et
ne communiaient point. Il y en avait d'autres auxquels
participaient et communiaient les Prêtres et le peuple
aussi, après eux.
Le sacrifice de Notre-Seigneur répond parfaitement à
tous ces sacrifices et en contient toutes les espèces. Il
est tout holocauste, tout consacré et tout offert à Dieu,
pour qui il est immolé tout entier, et il est aussi pour le
peuple qui le reçoit tout entier sans aucun partage, sans
diminution.
Mais pour entendre ceci, et pour avoir une idée véri-
table du sacrifice chrétien, il faut savoir qu'il y avait
cinq conditions nécessaires aux sacrifices de la Loi pourfaire un sacrifice parfait, ou cinq parties qui le compo-
saient que ces mêmes conditions, ou parties, se trou-
vent à proportion dans tous les antres sacrifices et que
celui deJ.-C. les contient aussi d'une manière excellen-
54 IDÉE DU SACsBnocB
te et proportionnée à sa sainteté et à son éminence entre
tous les sacriBces.
1* La première est ta sanctification, ou la conséera.
tion de la victime la seconde l'oblation de la victime
la troisième l'occision, ou immolation; la quatrième
l'inflammation ou consomption; la cinquième, la com-
mnnion.
La sanctification de la victime est la première chose
nécessaire au sacrifice; car ce serait traiter indigne-
ment la majesté de Dieu, infiniment sainte, que de lui
offrir quelque chose de contraire à sa sainteté. C'est ce
qui était figuré dans les victimes légales, dont la sanc-
tification représentait celle que doivent avoir les vérita-
hles victimes. Cette sanctification demandait quatre cho-
ses dans ces hosties légales, et les demande à propor-tion dans celles qu'elles figuraient.
La première était la perfection naturelle de la victi-
me. « Vous n'immolerez point au Seigneur votre Dieu un
animal qui aura quelque défaut, qui sora boiteux ou
aveugle, qui aura quelque difformité, ou quelque maladie
ou langueur. (Deut. la. 21). La première raison de cela
est que toutes ces sortes d'imperfections naturelles sont
dans l'homme des suites et des effets du péché du pre-
mier homme et Dieu, en rejetant de son autel les ani-
maux qui avaient ces défauts, marquait parlà l'opposi-
tion qu'il a à tout ce qui est du péché.La deuxième est que
le sacrince extérieur étant institué pour représenter lesa-
crifice intérieur, la perfection dela victime matérielle, doit
aussi représenter la perfection de la victime spirituelle.La troisième est que cette perfection était prophélique, et
que Dieu, la demandant dans les victimes figuratives,voulait nous promettre et nous marquer par là la perfec-tion de la victime véritable et de l'Agneau de Dieu pro-
ET LU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — Il. PART. 55
mis par la Loi, c'est-à-dire, la perfection de J.-C, la vic-
time de Dieu. Enfin ce commandement légal nous figu-
rait ce granrl principe de la morale chrétienne, que nos
actions, qui sont nos victimes, sont indignes (t'être offer-
les à Dieu et reçues de Dieu, si elles ne sont sanctifiées
par la charité, qui en est la perfection. Car on ne doit
offrir à Dieu que des chosesparfaites, au moins en quel-
que degré, et qui n'aient rien de contraire à la perfec-
tion que doivent avoir les dons qui se font à la majesté
et à la grandeur infinie du Créateur.
La seconde chose que cette sanctification doit renfer-
mer, est une sanctification surnaturelle, qui ne se peut
faire par aucune vertu ni autorité humaine; mais par
l'autorité et l'institution de Dieu, qui élève la victime
au dessus de son ordre naturel, et qui la rende propre
à lui être offerte, comme une choie sainte, en la tirant
de sa condition et de sa bassesse naturelle et la déli-
vrant du domaine de l'homme et de la servitude de la
corruption. C'est ce que marquaient les cérémonies qui
se faisaient sur les victimes par les ministres du temple,
lorsqu'on les y ameuait lesquelles leur donnaient une
sainteté légale qui les faisait regarder comme quelque
chose de saint et de sacré.
La troisième est la séparation du la victime de tout
usage profane, en suite de laquelle elle ne peut plus
sans sacrilège, être appliquée à autre chose qu'à Dieu.
Alors on la.doit regarder comme une chose tellement
consacrée à sa majesté, qu'il n'est plus permis à per-
s;onne d'y toucher. Ea effet, il n'était permis qu'ail prê-
tre de la loi ancienne de mettre la main sur la chose
sanctifiée.
La quatrième, c'est l'obligation ou l'engagement à l'im-
mutation, qui était un effet de la sanctification de la
56 IDÉE DQ SiCEBDOCB
victime. Car elle était due à Dieu en sacrifice, en vertu
de sa consécration et de sa sanctification, et on ne la
regardait plus que comme une chose qui était à lui et
qui devait être détruite et consumée à son honneur par
Je sacrifice.
La sanctification des victimes légales se faisait avec
certaines cérémonies. La victime était menée à la porte
des temples, et là on lui imposait la main, etc.
La seconde chose requise au sacrifice, ou la deuxième
partie, c'est l'oblation de la victime: elle se faisait sous
la Loi avec certaines paroles prescrites parl'ordre de Dieu
pour ce sujet.
La troisième était l'occision ou l'immolation qui
suppose le péché: car il est bien vrai que tout sacrifice
demande nécessairement quelque sorte de destruction
et d'anéantissement de la victime mais non pas tou-
jours la mort, ni l'égorgement, comme nous l'avons
déjà dit.
La quatrième est la consomption de la victime elle
se faisait ordinairement par le feu, et s'appelait pour cela
inflammation. Quelquefois néanmoins la consomption
se faisait autrement, comme dans le sacrifice des pains
de proposition, qui étaient consumés par la manduca-
tion et parle feu de la chaleur naturelle. Quand même
le peuple, ou l'offrant, participait 'à la victime, cette
partie qu'il mangeait n'était consumée que par la cha-
leur naturelle et c'était ce qui s'appelait alors la com-
munion du sacrifice.
On peut donner plusieurs raisons de l'inflammation
des victimes.
La première, que c'était pour consumer toutes les
superfluités et toutes les imperfections de la victime.
Laseconde, que c'était pour la clarifier et la rendre
ET DU SAGRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. —II. PART. 59
3*
une figure de Jésus-Christ ressuscité, qui est notre
Pâque et la véritable victime de notre salut, qui a été
clariHée ou glorifiée après son immolation sur la croix.
Car rien n'est plus propre que le feu pour représenter
l'état d'un corps tout éclatant de lumière et de gloire.
La troisième, qu'ils la brûlaient afin que la fumée
montant en haut, Dieu parûtrecevoir et avoir pour agréa-
bles leurs sacrifices. C'était pour les Juifs spirituels une
image et une figure de cette acceptation. Quant aux
plus grossiers, peut-être avaient-ils sur cela une croyan-
ce peu éloignée de l'erreur des paiens, qui pensaient
que les dieux, en les recevant, se nourrissaient de la fu-
mée de l'encens et des victimes. Les Juifs croyaient
donc que Dieu recevait leurs victimes et participait à
leurs sacrifices, quand la victime était ainsi consumée
par le feu c'est pourquoi ils disaient que Dieu avait
reçu l'odeur du sacrifice, pour dire qu'il l'avait eu pour
agréable en le recevant: Noe. obmlit holocausta super
allare, odoratusque est Dominus oElorem suavitatis.
(Gen.8.21.)
La quatrième était pour marquer la nature et la vertu
du vrai sacrifice, qui est de nous unir à Dieu d'une
union si intime, que J.-C. même lui donne le nom d'u-
nité. Car nous devenons par le sacrifice comme le pain
de Dieu, étant reçus dans son sein pour y vivre de sa
vie. Or, comme la victime tenait la place de l'homme
dans les sacrifices figuratifs le feu y tenait aussi, pour
ainsi dire, la place de Dieu, et le représentait; et soit
que le feu descendit du ciel pour consumer la victime,
comme il est arrivé plusieurs fois, soit qu'il y fût mis
au nom et par l'autorité de Dieu pas ses ministres, qui
tenaient aussi sa place il semblait par là que Dieu en-
trât en communion des sacrifices qui lui étaient offerts.
58 IDÉE DU SACERDOCE
Car Dieu se faisait connaître sous le symbole du fen dans
l'ancienne Loi. Moïse l'avait vu dans un feu ardent, et
le peuple avait oui dire qae te Dieu qu'il adorait était un
fou dévorant Dominus Deus tuus igxis coxsumens est.
(Deut.4.24.) Dieu avait aussi conduit ce peuple dans le
désert sous la figure d'une colonne de fnu, et il était
descendu en forme de feu quand il lui donna la Loi sur
la montagne de Sinaï. Lors danc que te feu consumait
les victimes Dieu, du'il 6gurait et représentait parais.
sait s'unir à ces victimes et entrer en communion avec
ses sacrifices et ne pouvant donner ses victimes à Dieu
pour être changées en lui, il les donnait au feu, et les
changeait en la représentation de Dieu, qui est le feu,
comme le plus par et le plus noble de tous les éléments.
La cinquième raison se tire de la souveraineté de-
Dieu car, ea ôtant la vie à la victime et en détrui-
sant son être autant qu'on le pouvait, on protestait
que Dieu est la source de tout être et de toute vie;
qu'il a un pouvoir absolu sur toutes les créatures, en
étant le maître souverain et que lui seul a sur elres
droit de vie et de mort, indépendamment de personne
car comme lui seul tes a tirées du néant par sa seule
volonté, lui seul aussi les y peut faire retourner, quand
il tui plait et comme il lui plaît.
La sixième était pour reconnaître la sainteté de Dieu.
Car la victime, en nwarant, témoigne que Dieu n'est
pas attaché à ses créatures, et ne dépend pas de ses
ouvrages puisqu'en les lui offrant, on tes faisait mourir.
Jésus-Christ eu croix dit que son Père n'a point d'atta-
chement à lui commecréature, bien qu'il l'aime commeson Fils parce qu'il n'y a rien de créé qui mérite queDieu s'y attache, et que sa sainteté le met au dessus de tout
et te sépare de tout Tu autem in sancto habitas (Ps. 21.)
ET DV SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. —- 11. PART. 59
Au reste; en ne doit pas trouver étrangle que la sainteté
de Dieu demande que, pour l'honorer, ou détruise au-
tant qu'on peut les effets de sa puissance car comme
la justice de Dieu ne ceçait aucun préjudice de sa misé-
ricorde. de même sa puissance n'en reçoit point de sa
sainteté, mais toutes deux sont connues et honorées,l'une par la création, l'autre par le sacrifices. Or la sain-
teté de Dieu parait évidemment en ce que nous pro-
testons, par le sacrifice, que Dieu est tout ce qu'il est,
indépendamment de toute créature, et que rien ait
monde ne lui est nécessaire, ni pour sa conservation,
ni pour sa félicité. Il est avant qu'il y à eut aucune, et
il subsisterait quand toutes seraient détruiteset anéan-
ties, comme la victime semble l'être entièrement dans
le sacrifice. C'est ce q,tt'cUe représente car la victime
représente l'univers et tient saplace, uicaria universi,et
le monde qui devrait être détruit en. lui-même pour
Dieu, est détruit en elle en quelque manière, au moins
en, effigie et en représentation.
Le sacrifice répond donc à tout ce que Dieu est. Il le
regarde comme le souverain Être, auquel tout être est
dû en sacrifice. Il le regarde dans sa propre et incom-
préhensible grandeur et perfection, comme étant lui-
même au-dessus de tout nom, de toute lumière, de toute
pensée, au-dessus de toute adoration, de tout amour,
etc. Enoffrant tout à Dieu, nous protestons qu'il n.'esl
rien de tout ce qui est dans l'univers, et que tout n'est rien
de lui. Car il faut remarquer que toute hostie, étant sa-
crifiée en la place de toute créature, à laquelle elle est
substituée et qu'elle représente" est en quelque façon tou-
tes choses et toutes choses sont censées être sacrifiées
dans l'hostie, qui est sacrifiée en la place de toute créatu-
re comme il est dit de J. C. à l'égard des hommes: Ut pro
go IDÉE DU SACERDOCE
omnibus ( 0) gustaret mortem. (Heb. 2. 9.) Le sa-
cri6ce témoigne encore que Dieu est au-dessus de tout
amour, de toute adoration et de toute voie créée; que
toute vérité et toute bonté doit être consommée dans le
sacrifices qu'il est la perfection et la consommation de
toutes choses, et que toute vertu devient un sacrifice
parfait, quand elle est arrivée à la perfection de la cha-
rité, qui ne veut rien être qu'en Dieu et pour Dieu.
La septième raison est la plénitude on suffisance de
Dieu à lui-même, qui est souverainement honoré par le
sacrifice, puisque lorsque nous lui offrons quelque cho-
se, nous la détruisons, comme inutile à celui qui pos-sède tout en lui-même, et qui n'a besoin que de lui-
même.
La cinquième partie du sacrifice est la communion.
Communier, c'est participer à la victime, ou y avoir sa
part. Car la victime était divisée en trois parties, dont la
première était donnée au feu, et c'était comme la part de
Dieu, par laquelle il communiait, pour ainsi dire à la
victime en la manière qu'on l'a expliqué. La seconde
était donnée au prêtre, et la troisième au peuple.
CHAPITREIH,
Applicationdes conditionset parties du sactificeà ceux
de l'ancienne loi.
Toutes ces parties, nécessaires pour faire un sacrifice
accompli, se trouvaient dans le sacrifice de l'Agneau
Pascal, dont il est parlé au chap. 12 de l'Exode. Dieu ycommande à Moïse qu'au dixième jour de la lune du
mois dans lequel il avait retiré les Israélites de la cap-
ET DO SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. — II. PART. 6l
tivité de l'Égypte, ils prissent et séparassent de leurs
troupeaux un agneau d'an an, qui fût sans taches, sans
défauts, et bien conditionné. Voilà la consdcration,
c'est-à-dire la séparation de la victime des usages profa-
nez et sa destination ou appropriation à Dieu.
Ensuite, ou on le conduisait au temple, si c'était là
qu'il devait être présenté tout vivant à Dieu et y être
immolé; ou, si c'était dans chaque maison particulière
que cela se devait faire, auquel cas elle tenait alors
lieu de temple, l'agneau y était introduit et offert à Dieu
comme dans un lieu de sacrifice. C'était là la deuxième
partie, ou l'oblation.
Il fallait ensuite l'immoler le quatorzième jour de la
même lune; et voilà l'occision, ou l'immolation de la
victime. Cela fait voir, en passant, que toutes les partiesdu sacrifice ne devaient pas nécessairement s'accom-
plir en an même jour.
Il fallait rôtir au feu cet agneau, dans lequel les
superfluités de la victime étaient consumées; et c'est
en cela queconsistait la consommation ou consomption de
la victime.
Enfin, il fallait manger cet agneau et c'était la com-
munion du sacri6ce.
Dans les sacrifices qui s'appelaient holocaustes, ces
mêmes choses se trouvaient aussi: car celui qui voulait
faire offrir un holocauste, 1° choisissait un animal qui
eùt toutes les qualités requises par la loi; le séparait de
tout usage profane, et le destinait à être sacrifié à Dieu.
2° Il amenait la victime qu'il avait destinée au sacrifice,'
à la porte du Tabernacle, et l'y offrait toute vivante à
Dieu. 8° Elle était égorgée et immolée. Enfin elle était
toute consumée par le feu et par cette consomption
même, Dieu paraissait entrer en communion de l'hoslie;
62 IDEE DU SACERDOCE
et comme lui seu! y avait part dans ce sacrifice, ta con-
sametion et la communion n'y paraissaient pas séparées.
Pendant que Le feu consumait ainsi la victime, et
principalement quand le leu descendait du ciel, et sem-
hiait être envoyé de Dieu pour recevoir en son nom la
chair de- la victime immolée, les Prêtees et le peuple
étaient pleins de joie, et s'imaginaient voir Dieu com-
munier cette hostie comme il est marque dans le
Lévvitique,9 24. a La gloire du Seigueer apparut à toute
l'assemblée du peuple, et un feu venant du Seigneur
dévora l'holocauste et les graisses qui étaieut sur l'au-
tel. Ce que tout le peuple ayant vu ils louèrent le Sei-
ëneur en se prosternant le visage contre terre. •
Ces mémes.parties se rencontraient dans les sacrifices
que l'ouoffrait pour le péché, et ils ne différaient despre.
miers qu'en une chose, à savoir que la victime n'y
était pas toute consumée, mais seulement une partie,
destinée à cela par Ile commandement de Dieu: le reste
étant pour les prêtres qui, par la mauducation, commu-
idaient à ce sacrifice.
Aux sacrifices des hosties pacifiques, il en était de
même, excepté que la personne qui faisait faire ce sa-
crifice, y communiait; Dieu seul communiait aux holo-
caustes;, Dieu et les prêtres seulement aux sacrifices
pour le péché.
Il y avait dans l'anciemoc loi un commanâemeut de
coasacrer à Dieu les premiers-nés tant des hommes, que
des bêles j pour reconnaissance de ce que Dieu avait
frit mourir tous les premiers-nés des Égyptiens eu
faveur des Israélites, dont les aînés furent épargnées en
considération dn sang de t'Agneau Pascal et cette con-
sécaation était d'une telle, obligation, que c'eût été une
grande faute devant la Loi de prendre de la laiae d'un
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. Il. PAItT. 63
agneau premier-né, de faire labourer un bœuf premier-
né, ea ua MOLd'employer la victime qui était réservée
à Dieu, à des usages ordinaires.
C'eût été aussi un violement deJa Loi de laisser mou
rir de leur mort natnrelle desvictimes (me fois consacrées
à Dieu; car il fallait tes immoler dans quelqu'unn d«s
sacrifices dont il a été parlé. Les prêtres étaient de
même obligés démanger la chair de la victime qui avait
été immolée en quelqu'un des sacrifices, excepté l'ho-
locauste et s'ils ne pouvaient la manger toeete en une
fois, il la fallait garder pour une autre fois; mais il ne
la fallait point laisser pourrir, car- c'eût été un. grand
péché de sorte que, si elfe était en péril de pourriture,
on devait la brûler; eu cas qu'on ne la pût manger.
Cette partie de la victime qui était propre aux prêtres,
et celle qu'on donnait à la personne qui offrait la vieti-
me pour le sacrifice, était appelée une chair sainte, et
cette personne avait la mêmle obligation que les Prêtre&.
à l'égard' de cette chair.
Il y avait encore dans l'ancienne loi un sacrifices de
deux boucs qui représentait fort expressément quel-
qnes circonstances de celui de J.-C. L'ttu de ces boucs,
après avoir été séparé et offert, était immolé, et puis
brûlé en bolocauste en quoi il représentait le sacrifice
de la mort et de ta résurrection de J.-C, où CE dernzer
mystère a été, pour ainsi dire, la communion, du Père
éternel àl'égard deson Fils, qu'it a reçu ea le retirant
datM son sein. L'autre bouc, après que le prêtre l'avait
chargé de toutes les malédictions que le peuplé méritait
pour ses péchés, était mené hors de l'enceinte du peu-
ple dans le désert, pour être dévoré des bétes, qui:
seules entraient, s'il est permis de parler ainsi, en com-
munion de cette victime. Cet animal était en cela la
64 IDÉE DU SACERDOCE
figure de J.-C, sur qui le Père a mis les iniquités de
nous tous » in quo Pater posait inlquitales omniurn nos-
trum: qui fut mené hors de l'enceinte du peuple, hors
de Jérusalem pour être mis à mort par les bétes, c'est-
à-dire par les Gentils, appelés de ce nom en divers
lieux de l'Écriture. Or les Gentils sont ceux qui ont
presque seuls jusqu'à présent communié à J.-C. sacri-
fié pour les péchés du monde; le gros du peuple juif
l'ayant rejeté.
Il faut aussi remarquer que comme ceux qui avaient
conduit le bouc au désert, demeuraient impurs jusqu'au
soir, sans qu'il pussent avoir communication avec le
peuple, et qu'après avoir lavé leurs habites, ils rentraient
le soir dans l'enceinte du peuple rle Dieu ainsi les Juifs
après avoir livré aux bêtes, c'est-à-dire aux Gentils,
pour être mis à mort, celui qui a été fait malédiction
pour nous, demeurent impurs, et seront par leur incré-
dulité hors de l'Église de J.-C. jusqu'au soir du siècle,
c'est-à-dire jusqu'à la Gn du monde. Alors, après que
le nombre des élus d'entre les Gentils sera accompli
cum intraverit plenltudo gentium (Rom. IL); les Juifs se
convertiront, seront lavés par le baptême dans le sang
de J.-C. et dans la communion du peuple de Dieu,
c'est-à-dire dans l'Église.
il faut remarquer, comme je l'ai déjà insinué, que les
cinq parties du sacrifice ne se trouvaient pas toujours
toutes en un même jour. Les animaux premiers-nés
étaient sanctifiés dès leurnaissance, et n'étaient immo-
lés que longtemps après. L'animal qui était sanctifié et
offert à l'entrée du Tabernacle, n'était pas nécessaire-
ment sacrifié aussitôt après la sanctification mais on
pouvait différer tant qu'on voulait et la chair sacrifiés
les animaux pouvait être gardée et conservée quelque
ET Dû SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. II. PART. 65
temps. L'Agneau pascal était sanctifié le dixième jour
du mois et n'était immolé que le quatorzième. La com-
munion des victimes pouvait durer plusieurs jours et
souvent on ne les pouvait manger toutes entières au
jour qu'elles avaient été offertes. Il est néanmoins ordon-
né de l'Agneau pascal qu'il n'en demeurera rien jus-
qu'au 1 demain matin et que s'il en reste quelque
chose il sera consumé par le feu.
CHAPITREIV.
Applicationdespartiesdu sacrificeà celuideJésus-Christ.
Venonsmaintenant au sacrifice de la nouvelle Loiqui est le sacrifice de J.-C. et posons pour foudement
que, toute sa vie, depuis le premier momentde l'Incar-nation jusque dans l'éternité, est le sacrifice véritable,figur2par- ceuxde la loi ancienneet par tous les autres.
Les sacrificesde l'ancienne Loi n'ont point tous eu
parfaitementet bien distinctement toutes les cinq par-ties et conditions dont nous avonsparlé, étant très-im-
parfaits en toutes manières. Maiscelui de J.-C., étantinfinimentparfait, les a aussi toutes très-parfaitement:en sorte que toutes les choses nécessaires à la perfec-tion du sacrificese trouvent excellemmentet d'une ma-
nière toutedivinedans celui de J.-C., qui est le sacrificedu NouveauTestament, l'accomplissementet la vérité
de tous les sacrificesanciens.
En premier lieu la sanctification de J.-C. comme
victime, s'est faite dans l'Incarnation; car en ce mys-
tère, le Sauveura été sanctifiéet consacrépar la divinité
même: QiteiiiPaccrsanctificavit.(Joan.10.36) Et ce qui
66 IDIE DU SACERDOCE
est unique en J.-C., c'est que, par ce même mystère,
où il est consacré et sanctifié pour être la victime de
Dieu, il est aussi consacré comme son Prêtre pour l'é-
ternité Tu es sacerdos in ælernum, sceandam or dinem
Melchisedeck. Victime et Prêtre éternel eu quoi il diffère
principalement des sacrifices et dn sacerdoce qui était
selon l'ordre d'Aaron. Ce dernier n'était pas pour durer
toujours; d'autant que son sacrifice ne pouvait ni plaireà Dieu, ni apaiser sa colère, et qu'il fut éteint et aboli
par le sacri6ce de la croix, en môme temps qu'il en rie-
cut son accomplissement et sa vérité au lieu que celui
de J.-C. continuera même éternellement dans le ciel et
c'est de celui-ci que nous parlons à présent.Outre cette première sanctification ou consécration
principale, Jésus-Chrlst est encore consacré à son Père
parce qu'il est premier-né. Les autres premiers-nés
étaient rachetés, parce que, étant pécheurs, ils étaient
indignes d'être sacrifiés à Dieu et étaient irréguliers
pour !e sacrifice. Mais J.-C. ne pouvait pas être racheté
comme les autres enfants en qualité de premier-né à
cause qu'il était propre au sacrifice et destiné par la
volonté de son Père à servir d'hostie et de victime pourla réconciliation du monde. Car quoiqu'il soit vrai quele Fils de Dieu devait accomplir la Loi, ce n'était pas
toujours à la lettre et en figure, comme les autres, mais
dans la vérité. De sorte qu'il n'était pas obligé de don-
ner an temple un agneau pour se racheter lui-mêmemais d'offrir son propre corps qui était figuré par
l'agneau pour racheter son peuple.Le Fils de Dieu donc, aussitôt qu'il est incarné con-
naissant que c'est la volonté du Père éternel qu'il tienne
la palace de tous les hommes, et qu'il soit la vérité de
toutes les victimes qui étaient immolées durant l'an-
ET DU SAGRIFICE D2 JÉSUS-CHRIST. — II.PART.
tienne Loi, se trouve comme à l'entrée du Tabernacle,et ce Tabernacle est la sein des Dieu même. Car, selon
l'explication des Pères, le Tabernacle de l'aucienne Loiétait la figuredu sein du Père éternel. Ce qui fait queS. Paul appelle celui-là Sanctum seculare (Heb 9.) un
sanctuaire et un tabernacle terrestre et temporel, pourle distinguer de l'autre, qui est Tabernaculum æternum.;
un Tabernacle et un Sanctuaire éternel. Le Fils de Dieu,
dits-)e, était à l'entrée de ce Tabernacle; c'est-à-dire
que, quoique selon son essence divine, et m6me selon
laPersonne du Verbe, dans laquelle l'humanité sainte
subsiste, il fût dans ce Tabernacle et ce Sanctuaire
éternel de Dieu néanmoins il n'y était pas quant à, sa
chair mortelle. Cae cette chair était pour lors dans le
sein de la Vierge seulemeut: et c'est quant à eette chair
destinée ad sacrifice, qu'il était conime à l'entrée du
Tabernacle éternel.
De plus, la victime du sacrifice légal n'avait qu'une
sainteté légale, et qui ue lu convenait point naturelle-
ment, mais seulement par sa destination au sacrifice
et par quelques cérémonies ordonnées de Dieu au lieu
que la sainteté de J.-C-, notre véritable, victime, est
une sainteté véritable, intérieure, naturelle et toute
divine. Car il est saint, non-seulement, en sa naissance,
mais même dans le sein de la Vierge avant sa paissance
puisque nous lisons que l'Ange dit à la Vierge: quob
nascetur ex te Sanctum LE FRUIT qui neltra de vous-
(Luc. i, 35.) Quod in ea natum est, de Spirilu Sancto est:
Ce qui est né 'dans elle a été formé par le St-Esprit.
(Matt. 1. 20-) Or ,il est saint et consacré à Dieu, premiè-
rement en qualité de premier-né du Père éternel est de
premier-né de 14 Vierge. Car La Loi commandait que &ou-4
les premiers-nés fussent sacrifiés c'est pourquoi le Fila
68 IDÉE DTJ SACERDOCE
de Dieu l'est encelle qualité. Deplus, il est sanctifié par la
sainte de son Père, dont Il est aussi le premier-né par sa
naissance éteraelle. Car le Fils unique de Dieu et le Fils
de Marie ne sont pas deux fils. C'est le même né de
toute éternité dans le sein de son Père. selon sa nature
divine, et né au milieu des temps dans le sein de sa
Mère selon sa nature humaine. Par la première nais-
sance, son Père luicommunique toute sa sainteté, l'en-
gendrant saint comme lui et le même Dieu que lui. Et
sa nature humaine étant unie personnellement à ce Fils
unique de Dieu par sa naissance temporelle, la sainteté
de ce Fils est aussi communiquée à cette nature créée.
Qui peut donc comprendre la différence infinie qu'il y a
entre la sanctification de notre victime, et la sanctifi-
cation des victimes légales? Celle-ci sefaisait seulement
par l'imposition des mains accompagnée de certaines
prières au lieu que le Père éternel dans le mystère
de l'Incarnation sanctifia pour lui-même et se consa-
cra singulièrement le corps de J.-C. de la manière in-
compréhensible et toute divine que le viens de rappor-
ter. Comme il n'a point de mains, il n'en prit pas pos-
session par l'imposition des mains; mais il le fit par
toute sa substance, à laquelle l'humanité de J.-C. fut
unie, en sorte qu'elle fut possédée par toute la subs-
lance du Père éternel. Au lieu des paroles, dont on se
servait pour sanctifier les victimes, le Père éternel a
sanctifie cette humanité non par quelques paroles hu-
maines, mais par la personne même de son Verbe
qui est sa parole éternelle. C'est ainsi que le Fils de
Dieu a, été sanctifié dès le premier moment de son lu-
carnation, où il a reçu son corps comme une victime
sanctifiée pour Dieu corpus autem aptasti mihi (Heb.
10, 5.): comme la veille de sa mort, il a marqué et
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 69
renouvelé cette sanctification par ces paroles qu'iladressa à son Père « Je me sanctifie moi-même poureux. ” (Joan. 17.19.)
Quant à l'oblation, qui est le second point, elle s'est
faite aussi dès le moment de l'Incarnation, dans le pre-mier instant de laquelle J.-C, voyant que la justice de
Dieu ne pouvait être satisfaite par les sacrifices-des ani-
maux, qui se faisaient dans l'ancienne loi et connais-
sant parfaitement la volonté de son Père, qui ne lui
avait donné un corps qu'afiu qu'il fùt sa véritable victi-
me, substituée aux anciennes, lui adressa ces paroles:
“ Vousm'avez formé un corps alors j'ai dit Me voici, je
viens pour faire, mon Dieu, totre volonté. ” (Heb.10. 9.)
Car, selon ce texte de S. Paul, J.-C. s'offre à Dieu en
sacrifice, en place des sacrifices anciens. Mais cette
oblation n'est pas passagère, ni d'un moment, comme
celle des victimes elle commence en ce moment pour
durer toujours; et J.-C. ne cessera jamais de s'offrir à
Dieu son Père par une oblation permanente et éternelle:
avec cette différence cependant que, dès ce moment et
durant toute sa vie mortelle, le Fils de Dieu s'est offert
à son Père en qualité d'hostie pour être un jour immo-
lé en son honneùr, conformément à ces paroles Me
voici, je viens pour faire, mon Dieu votre volonté;
au lieu que, depuis sa mort et sa résurrection, il s'offre
comme une victime une fois immolée, et toujours vivante
devant Dieu, pour l'adorer, comme il a commencé de
faire en entrant au monde. Car par ces paroles Ecce
venio. le Fils de Dieu nous enseigne ce que nous avons
dit dès le commencement de ce discours, que le premier
devoir de la créature envers .Dieu, et le premier acte de
religion est celui de l'adoration et du sacrifice. Jésus-
Christ seul, à proprement parler, le pouvait offrir à son
70IDÉE DU SACERDOCE
Père; parce qu'encore que tous les hommes soient oubli-
gés de s'offrir à Dieu ea qualité d'hosties pour lui être
sacrifiés néanmoins ils ne peuvent pas s'acquitter de ce
devoir, le péché les ayant rendus Impurs et irréguliers.Et d'autant que le péché avait infecté toutes les créatu-
res et étendu sur elles sa malédiction non-seulement
les hommes ne pouvaient pas être offerts mais même
les animaux qui, pour cette raison étaient impurs pour
le sacrifice et indignes d'être offerts à Dieu, avant que
Dieu l'eût permis et eût dispensé de cette irrégularité,en ordonnant les sacrifices.
De sorte que, dans tous les siècles qui ont précédé
J.-c., toute la nature serait demeurée dans l'impuis-
sance de témoigner sa reconnaissance à son Créateur
par ce premier devoir de la religion qui est le sacri-
fice, si Dieu n'eût choisi quelques animaux, qu'il vou-
lut que l'on regardat comme figures de son Fils, et qu'ilvoulût bien qu'on lui offrit en cette qualité. Car, ayant
quelque signe ou vestige du Fils de Dieu et le figu-rant en quelque chose, ils avaient en cela une sainteté
figurative, qui les faisait appeler des animaux purs. lis
étaient par ce moyen relevés de l’irrégularité, et offerts
ensuiteà la place des hommes. Pour les autres animaux,
qui demeuraient impurs pour le sacrifice on les rache-
tait aussi bien que les hommes Asinum redimes ove
autrement on les tuait, non en sacrifice pour honorer
Dieu mais seulement pour leur faire perdre la vie.
J'ai dit que le Fils de Dieu a été sanctifié et offert à
Dieu dès le moment de son Incarnation, comme pre-mier-né. Or, il sera bon de dire quelque chose des rai-sons pour lesquelles Dieu avait voulu autrefois qu'onlui offrit les premiers-nés. Longtemps avant la Loi, les
premiers-nés étaient en considération devant Dieu. Il
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART.71
est certain qu'Abraham reçut le commandement de lui
offrir son premier-né en sacrifice Tolle filium tuuin
unigenilum qaem diligis, et vade in terram visionis, atque
ibi olferes in holocaustuin, (Gen. 22. 2.) Mais longtemps
auparavant les premiers-nés étaient offerts à Dieu.
Quelques-uns même ont dit que les aînés étaient Prêtres.
Ce droit n'était pas cependant réservé aux seuls aînés
car Abel était Prêtre, puisqu'il sacrifiait, et néanmoins
il n'était pas i'alné.
Le premier commandement exprès d'offrirle premier-
né a été fait à Abraham, et c'est lui aussi à qui J.-C. u
été promis en cette considération comme si Dieu lui
eùt dit: Parce que vous m'avez donné votre fils, je vous
donnerai le mien. Dieu voulait donner son Fils, non-
seulement premier-né mais unique car il a tellement
aimé le monde qu'il lui a donné son Fils unique (Joan. 3.
16.1 et c'est pour cela qu'il demandait tous les alnés qui
étaient aussi uniques, quand ils étaient offerts à Dieu.
Voilà la première raison.
La seconde, c'est que Dieu demandait tous les aliiés
comme figures de son Fils incarné qui devait seul être
sa victime; et c'était en l'hvnneur de ce Fils et pour en
entretenir la mémoire et l'espérance par Ce signe pro-
phétique, que Dieu demandait que tous les aînés lui
fussent offerts. En attendant donc la.venue de J.-C. tous
les aînés étaient offerts à Dieu mais comme ils étaient
impurs par le péché, et par conséquent irréguliers pour
le sacrifice, et que d'ailleurs Dieu ne voulait point de
sacrifice d'hommes, en offrant l'alné, on offrait en même
temps un agneau qui devait être sacrifié en sa place.
L'occision de la victime était la troisième partie du
sacrifice. Elle pouvait être différée tant qu'on voulait
comme il a été dit. Aussi le Fils de Dieu n'a pas été sa-
722 IDÉE DB SACERDOCE
crifié aussitôt après l'oblation qu'il fit de lui-même au
commencement de sa vie: mais il a attendu jusqu'à la
trente-troisième année de son âge sans vouloir préve-
nir d'uu instant le temps marqué par son Père pour son
occision et son immolation qui s'accomplit enfin sur
le Calvaire, où la chair sainte que Jésus-Christ avait
prise d'Adam fut sacrifiée à Dieu.
C'est là que J.-C. comme victime sur l'autel de la
Croix, a été mis à mort par les Gentils hors de Jérusa-
lem en quoi il accomplit, comme il a été dit, la figure
de ce bouc qui était chassé hors de l'enceinte du camp,
conduit dans le désert etabandonné auxbêtescommeex-
communié. Car, avec certaines imprécations on lui impo-
sait tous les péchés du peuple, que l'on confessait surlui
puis on le chassait extra castra dans le désert pour
être dévoré par les bétes. Personne n'y touchait et il
était tellement en horreur et en abomination, que même
celui qui l'avait mené dans les bois était excommunié
jusqu'à ce qu'il eût été purifié.
Ainsi J.-C., comme l'Agneau et la victime de Dieu
Agnus Dei qui tollit peccata mundi. In quo posuit Deus
iniquitates omnium nostrum, comme chargé de tous les
péchés du monde que Dieu avait mis sur lui, est aban-
donné aux bêtes, c'est-à-dire aux Gentils, selon la façon
de parler de l'Écriture « Ne livrez pas aux bêtes ceux
qui vous adorent et vous louent. n Il est chassé hors de
la ville, extra caslra où il meurt par un action détes-
table et d'excommunié. C'est pourquoi le sacrifice de
la Croix est proprement la vérité du sacrifice du bouc.
La quatrième partie était la consomption du sacrifice.
A l'égard du corps du Fils de Dieu incarné elle n'a pas
été faite par le feu, mais par la vérité, représentée par
le feu c'est-à-dire par la gloire de Dieu. Car le feu
ET DU SACRFFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 73
4
comme nous l'avons déjà remarqué qui consumait les
victimes et consommait les sacrifices anciens n'était
que la figure de la gloire du Seigneur selon le passage
du Lévitique. (9. 24.)
Les Juifs spirituels comprenaient fort bien que la vic-
time devait être consumée en la plus digne manière
possible puisque outre l'ordre qu'ils avaient reçu de
Dieu de la consumer par le feu, ils avaient vu que le feu
était la figure dont Dieu se couvrait lorsqu'il leur ap-
paraissait dans une colonne de nuée et dans une co-
lonne de feu. C'est pourquoi Moïse leur disait « Le Sei-
gneur votre Dieu est un feu dévorant. » (Deut. 4. 24.)
Mais il n'y a que les Chrétiens qui connaissent par la
foi que cette figure s'est accomplie véritablement en
la Résurrection glorieuse du corps de J.-C. dans la-
quelle cette victime adorable a été consommée en la
vérité de Dieu figurée par le feu. Car après le sacrifice
de ce corps immolé en la croix, après la destruction de
sa vie humaine, il fallait encore que tout ce qui y restait
de traces de sa mortalité dans les plaies qu'il avait
reçues tout ce qu'il avait encore de défiguré de bas
et de terrestre, toute la ressemblance de la chair du
péché et de l'infirmité des enfants d'Adam fut entière-
ment détruit effacé et absorbé dans la gloire.La consommation consomption et inflammation du
corps de J.-C., comme victime, s'est donc faite en sa
Résurrection Surrexit a mortuis per gloriam Patris.
(Rom. 6. 4.) Il a été ressuscité par ce feu divin de la gloire
de son Père qui a consumé tout ce qu'il y avait d'indi-
gne du corps d'un Dieu dans le corps de J.-C. mortel
et mort sur la croix, Car, l'inflammation, comme il a
été dit, se faisait pour cette raison, que la victime doit
être comme changée et transformée en Dieu. Il n'y avait
74IDÉE DU SACERDOCE
rien dans la nature qui pùt mieux représenter cela dans
tes sacrifices de la Loi que le feu qui est la représen-
tation de Dieu. Mais l'inflammation du sacrifice de la
loi nouvelle, qui est sans comparaison plus parfaite
et n'est plus en figure, mais en vérité s'est faite, en
sorte que la victime n'a pas été changée seulement en
la représentation de Dieu mais a été comme transfor-
mée en la gloire de Dieu même, sans rien perdre
néanmoins de la vérité de la nature humaine. C'est par
la Résurrection que cette sacrée victime a été dégagée
de tout ce qu'elle avait de terrestre et de vil qu’elle a
été toute revêtue et toute pénétrée d'une gloire telle
qu'il convient au Fils unique du Père: qu'elle n'a plus
eu de vie que pour Dieu vivit Ded qu'elle a été placée
dans le sein de Dieu méme, et qu'elle est entrée dans
un étattoutdivin, selon ces expressions fortes, mais
néanmoins très-véritables de Saint Hilaire Ne ex parte
Deus sit, sed tolus Deus. Dum homo et Deus, Jam Deus
totam est. (Hil. l. 11, de Trin. n. 40 et 62.) Et selon celles
de S. Ambroise Verbum caro factum est ut caro fieret
Deus. (Amb. 1. 1. de Virgin. C. 3.) Et ailleurs Tunc (avant
la Résurrection) secundum carnem horno; nunc per omnia
Deus nunc enim secundum carnem jant non novimus
Chrisluttr. (Lib. de fid. Resurr. n. 91.)
CHAPITRE V.
De la Comnunion du Sacrifice de Jésus-Christ.
La communion et la consomption ou consommation
daus le sacrifice de J.-C. se pourraient mettre ensem-
ble. parce qu'elles ne sont différentes qu'en leurs for-
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRST. II. PART.75
3.
malités. Carla consomption et consommation, qui suit
la perte de sa vie mortelle et étrangère, est la destruc-
tion de ce qui restait de sa mortalité et des infirmités
dé sa chair, par son entrée dans la vie de la gloire, qui
lui était due, et qui lui est propre en qualité de Fils de
Dieu. Or la communion n'est autre cbose que la jouis-
sance de cette même vie dans le sein de son Père.
Pour entendre ceci, il faut remarquer que le Fils de
Dieü naissant ici-bas sur la terre, est entré dans une
vie qui ne lui était pas propre, mais étrangère à sa natu-
re divine; car il est né dans un corps qui portaitla res-
semblance d'Adam, et qui était sujet à la peine du pé-
ché, et par conséquent indigne du Fils de Dieu, qui ne
devait avoir qu'une vie divine. Ceci se peut comprendre
par la différence qu'il y a enwe la Génération éternelle et
le mystère de l'Incarnation. Dans la Génération éter-
nelle, le Père produit son Fils, le produit dans son sein,
et le produit pour y demeurer éternellement. Dans l’In-
carnation, il produit ce même Fils, mais dans un sein
étranger, et lui donne une vie mortelle et un corps qui,
portant la ressemblance de la chair de péché in sirnili-
trtdinem carnis peccati, ne doit pas toujours durer. Car
cette naissance temporclie du Fils de Dieu, tout humi-
liante qu'elle est pour lui, ne laisse pas néanmoins de lui
donner droit à une nouvelle vie digne de lui, et qu'il ne
reçoit que par le mystère de la Résurrection. C'est par ce
mystère que le Fils de Dieu entre dans une vie qui lui
est propre, et qui convient à sa grandeur il entre daps
le sein-de son Père, et il y entre pour jamais. De sorte
que nous pouvons dire que, dans l'Incarnation, le Fils de
Dieu est né fils de l'homme, et que, dans la Résurrec.
tiou, le fils de l'homme est né Fils de Dieu, selon ce
que dit S. Paul dans l'Epitre aux Romains (1. 3) o Tou-
76IDÉE DU SACERDOCE
chant son Fils, qui lui est né selon la chair du sang de
David, qui a été prédestiné pour être le Fils de Dieu
dans une souveraine puissance selon l'esprit de sancti-
fication, par sa Résurrection d'entre les morts. Or ce
retour et cette nouvelle entrée du Fils de Dieu dans le
sein de son Père, s'appelle Communion, d'autantque,
par ce mystère, tout Jésus-Christ est dans le sein du Père
éternel, conformément à la prière qu'il lui en faisait la
veille de sa mort Maintenant donc, mon Père, glo-
rifiez-moi en vous-même de cette gloire que j'ai eue en.
vous avant que le monde fut. ” (Joan. 17. 5.) C'est-à-dire,
glorifiez-moien répandant sur mon humanité la mêmegloi-
re que je possède éternellement en vous selon ma divi-
nité. Et c'estainsi que s'accomplit, selon la vérité, la Com-
munion que les Juifs croyaient que Dieu avait avec leurs
victimes car ils concevaient que Dieu participait et com-
muniait au sacrifice, en recevant l'odeur de leurs victi-
mes. o Odoratus est, disaient-ils, Dominus odorem suavi-
tatis: Odoratus Dominus sacrificium. Et la principale in-
tention qu'ils avaient en mangeant ce qui en restait, était
d'entrer en communion de l'hostie avec Dieu. Ce n'était
qu'une figure, dont la vérité s'accomplit dans le sacri-
fice de J.-C. puisqu'après la consomption de ce qu'il y
avait de mortel et de terrestre, il est tout consommé en
Dieu par sa Résurrection, qui le fait être tout à son Pè-
re il est reçu par lui dans son sein, il est comme mon-
gé par son Père, si l'on peut parler ainsi d'une chose si
spirituelle et si divine, que je vais expliquer plus clai-
rement.
Il faut remarquer d'abord qu'encore que Dieu soit très-
simple et un pur esprit, néanmoins à cause que nous ne
le pouvons pas comprendre comme tel, lorsque l'Écri-
ture nous en parle, qu'elle nous explique ses opéra-
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. II. FART.77
tions, ou cfu'elle décrit quelque chose de Dieu qui a rap-
port à ce qui se fait par les hommes en la manière qui
leur convient, elle lui attribue les mêmes choses dont
les hommes ont besoin à cause de leur manière d'être
corporelle et imparfaite. Ainsi, quand elle nous le repré-
sente engendrant son Fils, elle parle de cette sorte
Ex utero genui te; je vous ai engendré de mon sein.
Quand elle parle de cette seconde personne en qualité de
Fils elle nous le représente dans le sein du Père a Le Fils
unique qui est dans le sein du Père. Joan. 1.: et quand
elle en parle en qualité de Verbe et de parole du Père,
elle nous le représente dans la bouche du Père “ Je
snis sorti de la bouche du Très-Haut: ” donnant ainsi à
Dieu un sein pour nous montrer qu'il est père et mère
dans cette Génération; car ce sont les mères qui ont un
sein, et c'est le père qui y engendre les enfants. De
même nous pouvons dire avec l'Écriture, que le Fils de
Dieu est dans la bouche de son Père, parce qu'il est sa
parole éternelle, et que la bouche, dans lei homme1!, est
l'organe où se forme la parole.
Je remarque en second lieu, que J.-C., .a veille de sa
mort, demanda à son Père qu'il lui donnât la clarté ou
la gloire qu'il avait de toute éternité dans son sein. Il ne
la demandait pas pour sa divinité, qui l'a toujours eue:
ce n'était point non plus pour son âme car elle partici-
pait à cette clarté divine dès le premier moment de
sa création et de son union à la personne du Verbe.
C'était donc pour son corps qu'il demandait cette
gloire. Or J.-C. obtint l'effet de cette prière au moment
de sa Résurrection, dans lequel il rentra pour ainsi dire,
dans le sein et dans la bouche de son Père “ Je suis
sorti, dit-il lui même, de mon Père, et je suis venu
dans le monde: je sors maintenant du monde, et je m'en
vais à mon Père. ” (Joan. 16.28.)
78IDÉE DU SACERDOCE
Le Père entra donc en communion de son Fils comme
victime en le ressuscitant après sa mort, le recevant
dans son sein, où Il lui donna une vie nouvelle et lui
communiqua sa clarté et sa gloire divine. Car quoique
la seconde personne de la très-sainte Trinité, qui est
J.-C., ait de toute éternité la clarté divine et la gloire
dans le sein du Père, comme son Fils, et dans la bou-
che du Très-Haut comme son Verbe et comme la parole
de Dieu il n'a rien para en lui de cet éclat et de cette
gloire pendant sa vie mortelle sur la terre, excepté au
moment de la Transfiguration. C'est dans l'instant de sa
Résurrection qu'il a reçu en son corps cette clarté et
cette gloire, et que son Père est entré en communion
de son Fils en le retirant, pour ainsi dire, dans sa bou-
che et dans son sein, selon son corps. Car quoique Dieu
n'ait ni bouche ni sein, le 6aint Esprit se sert néan-
moines de ces termes, pour nous faire entendre en quel-
que façon la manière dont le Père engendre son Fils de
toute éternité dans son propre sein une seconde fois,
dans le temps au sein de Marie, et une troisième fois, an
sein de la gloire. C'est en cette troisième naissance quele Père communie à son Fils, et il communiera à lui de
cette manière éternellement Car le fils de Dieu étant
une fois ressuscité d'entre les morts, ne meurt plus et
la mort n'aura plus de pouvoir sur lui. ” (Rom. 6. 9.)Comme le Prêtre élevait la victime vers Dieu ainsi
J.-C., a été une fois élevé sur la croix. La victime sem-
blait monter à Dieu dans la flamme et dans la fuméeet Jésus-Christy monte en vérité dans la nuée revêtu de
gloire an jour de son Ascension. Et dans cet état de gloi-
re, il sera éternellement le sacrifice du ciel; mais sacri-
fice dans la seule réalité et vérité, sans mélange de fi-
gures ni de signes parce- que tout ce qui est au ciel y
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. U. PART.i9
est sans voile, sans nuages et dans l'état qui lui est pro-
pre in propria specie.
Car dans l'unité de l'.Église, il y a comme trois Lglises
différentes. L'Église des Juifs, qui n'a eu que les fipu-
res, et ne connaissait les mystères de la religion que par
énigmes. L'Église des Saints, qui ue voit que des vérités,
et qui connaît les choses en elles-mêmes, L'Église des
Chrétiens etcelle-ci a les vérités, mais sous les figures.
C'est pourquoi lorsque J.-C. parait après sa résurrec-
tion même, c'est toujours sous une figure empruntée,
tantôt sous celle de pèlerin, tantôt sous celle de jardi-
nier et c'est aussi une des raisons pour lesquelles il se
donne, quoique glorieux, au Saint Sacrement, sous les
apparences et sdus la figure du pain et du vin.
Dans les sacrifices qui n'étaient pas holocaustes, mais
pacifiques, les Prêtres et ceux qui offraient, participaient
à la victime après qu'elle était sacrifiée et consommée,
ou consumée. Ainsi dans le sacrifice et l'oblation paci-
lique que Jésus-Christ a faite et qu'il fera éternelle-
ment de lui même dans leciel à Dieuson Père, les Bien-
heureux communient durant l'éternité à cette Victime
dans son état de consommation et de gloire. Car « le
même pain des Anges que nous mangeons maintenant
sous les voiles sacrés, nous le mangerions la sans au-
cuns voiles » dit le saint Concile de Trente.
C'est où nous l'offrirons tous aussi en sacrifice, n'y
ayant point de Saints dans le ciel qui ne soient prêtres.
C'est ce qui est remarqué dans l’Apocalypse (5.10.), où
les vingt-quatre vieillards rendent grâces à Dieu de ce'
qu'il les a faits être rois et prêtres consacrés à sa divine
Majesté. Et au ch. 20. 6., il est dit en général des Bien-
heureux qu'ils seront dans le ciel prêtres de Dieu et de
Jésus-Christ. Comment sont-ils prêtres et de quelle
80 IDÉE DU SACERDOCB
manière exercent-ils dans le ciel leur sacerdoce c'est
qu'ils offrent continuellement à Dieu J.-C. et c'est le
seul moyen qu'ils ont de rendre à la Majesté divine
l'honneur, l'adoration et la louange qui lui sont dus. Ils
peuvent dans eux-mêmes adorer, aimer et exercer tous
les actes de religion envers Dieu mais cela est peu de
chose c'est pourquoi la sagesse infinie de Dieu leur a
donné un moyen pour suppléer à leur impuissance, et
pour l'honorer très-dignement et ce moyen est de lui-
offrir son Fils et son Verbe, qui est sa louange même
éternelle. Car, par Jésus-Christ et dans J.-C., ils rendent
à Dieu tout l'honneur qu'il se peut rendre à lui-même.
Jésus-Christ s'offre et offre avec lui tous les Saints com-
me ses membres à la très-sainte Trinité, et les Saints
s'offrent aussi et avec eux offrent J.-C. leur chef, par
J.-C. avec J.-C. et en J.-C. même. Et c'est par ce secret
admirable que J.-C. est dans sa personne et dans ses
membres en même temps la victime parfaite et le Prê-
tre éternel selon l'ordre de Melchisédech.
Ce grand sacrifice que J.-C. fait à Dieu dans le ciel
avec les Saints, en s'offrant lui-même avec eux, est le
même sacrifice qu'offrent les Prêtre, et que toute
l'Église offre par eux, sur la terre, dans la sainte messe.
Car c'est la même hostie qu'ils lui offrent; puisque c'est
son corps et son sang réellementprésents, unis àDieu et
subsistant dans ce Verbe et ce mystère. C'est le même
Prêtre qui l'offre par ses ministres, et c'est sur le même
autel, qui est la subsistance ou la personne du Verbe
éternel, qu'il est offert. C'est encore dans le même tem-
ple, c'est-à-dire dans le sein du Père éternel. Ce sacri-
fice y est offert au même Dieu que dans le ciel. Et enfin
non-seulement l'hostie y est la même mais encore elle
y est dans la même consommation et la même gloire
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. FART. 81
que dans le ciel. La seule différence qu'il y a c'est
qu'encore qu'elle y soit aussi réellement présente quedans le ciel, ce n'est pas toutefois d'une manière visible.
Il faut remarquer que dans tous les sacrifices, où ces
cinq parties que j'ai expliquées se rencontrent, les pre-mières ne contenaient pas les dernières mais celles-ci
renfermaient celles-là. Il en est de même du sacrifice
de J.-C.; car comme l'Agueau pascal, lorsqu'il était des-
tiné ou consacré à Dieu, n'était pas encore immolé
puisque l'immolation ne se faisait que quatre jours après
(ainsi des autres parties) de même, quand J.-C. se con-
sacra et s'offrit comme victime pour nos péchés au Père
éternel dès le premier instant de sa conception, il n'é-
tait pas encore immolé et quand il fut mis à mort sur
la croix, il n'était pas encore consommé et quoiquele Père éternel soit entré en communion de son Fils
au moment de sa consommation par sa Résurrection
glorieuse, néanmoins la consommation précède, selon
l'ordre naturel, la communion.
Au contraire quand l'Agneau pascal était immolé
son occision contenait sa consécration. Car c'était l’hos-
tie consacrée qui était immolée. Quand il était rôti, sa
consomption ou consommation contenait les deux par-ties précédentes; car c'était ce même Agneau consacré
et immolé qui était consommé. Et quand la communion
de cet Agneau se faisait par la manducation, elle ren-
fermait toutes les parties précédentes, puisqu'on man-
geait l'Agneau consacré, offert, immolé et consommé.
De même, la mort de J.C. contenait sa consécration et
son oblation sa consommation contient sa consécra-
tion, son oblation et sa mort et quand les Saints, tant
du ciel que la terre, communient à J.-C. c'est-à J.-C.
consacré, offert, immolé, et consommé qu'ils commu-
82 IDÉE DU SACERDOCE
Hient. Et J.-C. portera éternettement dans son humanité
adorable cet état de consécration, d'oblation, d'immo-
lation, de consomption et de glorification qui fait la
communion éternelle da ciel.
Que J.-C. dans le ciel, et ses Saints avec lui, soient
dans un état de consécration ou d'appropriation à Dieu;
qu'ils y soient dans une continuelle oblation et de J.-C.
et d'eux-mêmes; qu'ils y soient consommés dans la
gloire cela ne souffre point de diflfculté. Que J.-C. y
soit comme immolé et en état de mort, l'Apocalypse
nous l'apprend (5. 6.) « J'ai vu au milieu du trône et
des quatre animaux et au milieu des vieillards, i'Agnean
qui était comme une victime égorgée. »
Pour expliquer de quelle manière J.-C est en état de
mort au ciel et en la messe un auteur a eu cette pen-
sée Que la mort est la privation de la vie présente, et
que, quand J -C. est ressuscité il est demeuré privé
de cette même vie mortelle et passible et qu'il est
par conséquent et sera éternellement dans la privation
de cette vie présente, et par là en quelque façon dans
un état de mort. Mais il est d'appeler un état
de mort la privation d'une vie mortelle et passible, qui
est réparée par une vie immortelle, impassible et glo-
rieuse. On peut s'en tenir à ce qu'en disent S. Thomas
et les autres Théologiens pour expliquer cet état de mort
où demeure J.-C. après sa résurrection. Ce qui lui reste
de cicatrices de ses plaies peut seul justifier ce que nous
disons après l'Écriture, qui nous représente J.-C. dans
le ciel comme égorgé tanquam occisum. L'oblation quise fàit sans cesse de lui comme d'une viethne une fois
immolée, l'actian de grâces que Jésus-Chrit rend lui-
mLme à son Père de ce qu'il l'a tiré de la mort, les
louanges des Saints pour le mystère de la Rédemption,
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 83
sont autant de monuments de sa mort qui eu retracent
la mémoire, en conservent un glorieux souvenir, et la
rendent comme présente aux Esprits bieuheureux.
CHAPITREVI.
Jésus-Christa accomplitoute la Loiet toutesles figuredes sacrifices.
Jésus-Christ n'a jamais été prêtre d'un autre ordre
que celui de Melchisédech. Mais quoiqu'il ne fùt pasprêtre de l'ordre d'Aaron, il a néanmoinsrempliet ac-
eomplitoutesles figureset tousles sacrificesde l'ordre
d'Aaron, aussibien que de celui de Melchisédech, en
faisantselon la vérité ce qui était figuré par les sacrifi-ces de ces deux ordres.
La ressemblancedu sacrificede Melchisédechparait
davantagedans les deux dernières parties du sacrificede Jésus-Christ, qui sont la consommationet la com-
munion commenous les avonsexpliquées parce quec'est par sa Résurrectionqu'ilest dausun état immortel,et qu’il est le Sacrificateuréternel et toujours vivant,afin d'intercéder pour nous. Quantaux trois premièresparties de son sacrifice qui sont la consécration l'o-.
blationet l'immolation, les sacrifices d'Aaron étaient
par toutesleurs circoustancesdes figuresplus expres-ses et plussensibles du sacrifice de J.-C. sacrifice si
parfaitque, ne pouvantêtre représenté par un seul sa-
crifice, Dieuena institué plusieurs pour le représenterchacun selon quelques-unes de ses circonstances.Et
quoiqueles anciennesfigures qui ont été accomplies
84 IDIE DU SACERDOCE
exactement par J.-C. fussent si diversifiées et en si
grand nombre, néanmoins elles ne représentaient qu'u-
ne partie de ce que J.-C. a fait sur la terre plusieurs de
ses actions n'ayant point été figurées dans l'ancienne Loi
par aucune cérémonie ni par aucun sacrifice.
Quand on dit que J.-C- a dû accomplir et qu'eu effet
il a accompli, les figures anciennes de la Loi, on ne veut
pas dire qu'il fut obligé d'observer à la lettre toute cette
loi de Moïse comme les Juifs. Par exemple J.-C. n'était
point obligé de donner des moutons ou d'autres animaux
pour être immolés à Dieu; mais il était obligé selon
l'ordre de son Père, de se donner lui-même comme la
véritable victime, seule capable de satisfaire à Dieu, par
son immolation pour nos péchés.
Il en est de même à l'égard de l'Agneau pascal. Il n'é-
tait point obligé de l'immoler ni de le manger selon la
Lori et il y a beaucoap de preuves qui font douter qu'il
ait célébré la Pdque la dernière année de sa vie. Mais
comme il était lui-même le vrai Agneau il devait être
lui-même immolé à Dieu pour les péchés du peuple, et
puis mangé par le peuple même, afin qu'il communiât
à ce sacrifice.
Nous devons dire la même chose à l'égard du sacrifice
de Melchisédech. J.-C. ne devait pas simplement offrir
du pain et du vin, comme Melchisédech, pour être
censé Prêtre selon son ordre mais offrir le vrai pain et
le vrai vin de la vie éternelle, c'est-à-dire son corps et
son sang. Et il les donna en effet à ses disciples et, en
leurs personnes, à toute l'Église, sous les apparences
du pain et du vin ordinaires pour montrer que le sacri-
fice de Melchisédech avait été la figure de son sacrifice
selon la manière qu'il l'accomplissait alors, et quant à
la dernière partie du sacrifice, qui est la communion,
pour laquelle l'Eucharistie est instituée.
ET Dü SACRIFICE DB JÉSUS-CHRIST. II. PART. 85
Celte vérité ne détruit point cette qui a été établie au-
paravant, savoir que J.-C. n'est proprement Sacrificateur
selon l'ordre de Melchisédech qu'après sa Résurrection
et son Ascension, comme le Ps. 109 le fait voir; car
après que le Prophète a représenté le Père éternel disant
à J.-C. son fils » Asseyez-vous à ma droite » le même
Prophète dit après, en s'adressant à J.-C. 1)Le Seigneur
a juré et il ne rétractera point son serment Vous êtes le
Prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech. » Car si
J.-C. a fait la fonction de ce sacerdoce avant sa mort, en
instituant le sacrifice de la Messe, ça été par anticipa-
tion, et selon sa puissance divine que les Théologiens
appellent d'Excellence. Et il y a beaucoup de raisons qui
prouvent que, comme il y fit la fonction d'un sacerdoce,
qui est établi sur la puissance de sa vie immortelle et
glorieuse, il mit aussi son corps et son sang dans un état
glorieux sous les apparences du pain et du vin en les of-
frant à Dieu pour le sacrifice eucharistique. Il usa en
cette occasion de sa puissance extraordinaire, et accom-
pli( ce mystère par anticipation; de même qu'il avait
donné autrefois à Adam, à Abel, à Noé et à tous les Pères
qui étaient morts avant son Incarnation, la grâce sancti-
riante par anticipation et par dépendance du sacrifice de
sa vie, de sa mort et de sa résurrection, qui n'étaient
point encore accomplies. Ainsi ils y ont communié par
anticipation, en recevant par les mérites de ce sacrifice
la vie de la foi, de l'espérance et de la charité; et le
Saint-Esprit, qui formait en eux ces vertus leur était
aussi donné par une mission anticipée, qui naturellement
n'aurait dd se faire qu'après l'accomplissement réel de
la mort, de la résurrection et de l'ascension du Fils de
Dieu, qui n'étaient encore accomplies qu'en figure, par
les sacrifices anciens.
86 IDÉE DU SACERDOCE
L'Eglise, que J.-C. veut sanctifier et sauver par ce sa-
crifice, est composée de divers membres répandus dans
tous les siècles depuis Adam jusqu'à la fin du monde.
C'est par les mystères de sa vie qu'il a mérité que cette
Église lui ait été donnée, et qu'il lui a mérité toutes les
grâces que les hommes qui la compostent, ont jamais
eues, ont présentement et auront jusqu'au jour du juge-
ment dernier. Par sa mort, il a ôté l'obstacle qui em-
pêchait les hommes de recevoir ses grâces parce qu'il a
satisfait pour leurs péchés à la justice de Dieu qui, les
regardant auparavant comme des criminels et des débi-
teurs insolvables, les devait punir, bien loin de leur don-
ner sa grâce. Enfin par sa Résurrection, c'est-à-dire dans
l'état de sa Résurrection, il donne et applique aux hom-
mes la grâce qu'il leur a méritée par sa vie, et qu'il les
a rendus capables de recevoir par sa mort.
Voilà l’ordre et l'économie des mystères de Jésus-
Christ. Ils nous font connaître pourquoi J -C. n'a envoyé
le Saint-Esprit qu'après sa Résurrection. La raison en
est, qu'il fallait que son sacrifice, dont les différentes
parties sont composées de ses divers mystères, fût par-
l'ait et consommé par la Clarification de la Victime,
avant que le fruit nous en fùt appliqué par le Saint-
Esprit. Il fallait que le Père éternel communiât à son
Fils en le recevant en son sein, avant que l'Église y com-
maniât en recevant le fruit de ses souffrances et de sa
mort, son esprit et sa grâce, son corps et son sang par
les sacrements. Il était convenable qu'il fùt, selon son
humanité, dans l'état où il produit de toute éternité le
Saint-Esprit avec le Père c'est-à-dire, qu'il fût dans le
sein du Père, et réuni selon son humanité à son prin-
cipe, pour envoyer avec lui le Saint-Esprit à son Église.
Quoique nous ayons dit que J.-C a mérité par sa vie
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. II. PA6r. 87
son Église, et qu'il a satisfait pour elle par sa mort, il
est néanmoins très-vrai que la mort de J.-C. a mérité,
aussi bien que toutes les actions de sa vie, et que cha-
cune des actions de sa vie a satisfait en rigueur de jus-
tice à Dien aussi bien que sa mort. Mais l'ordre établi de
Dieu pour notre salut voulait que J.-C. dispensât de telle
sorte ses mystères, qu'il ne se contentât pas d'offrir pour
l'expiation de nos péchés quelques actions, qu'il offrit
aussi sa vie pour nous mériter sa grâce et sa mort pour
satisfaire à la justice de son Père, quoiqu’elle méritht
aussi comme étant une action de J.-C. très-libre et iufi-
niment sainte.
Pour montrer maintenant comment Melchisédech a
été la figure de J.-C. selon les deux dernières parties du
sacrifice, il faut se souvenir de toutes les circoastanees
qui conviennent à Melchisédech, et de tout ce qui lut
est attribué par Saint Paul, dans le ch. 7 de son Épître
aux Hébreux.
Il s'appelait Melchisédech, qui signifie Roide justice, se-
lon l'explication de S. Paul et il était Roi de Salant, ce
qui signifie selon te même apôtre, Roi de paix. Cela nous
fait. voir que Melchisédech était la figure du souverain
Prêtre J.-C., en tant qu'il était roi de justice et de paix
dans le ciel à ta droite de Dieu son Père.
Il était sans père, sans mère et sans généalogie; pour
montrer que J.-C. n'a point été frit Prêtre du sacerdoce,
selon lequel Melchisédech a été sa figure, par droit de
succession n'étant point né d'un père qui eût exercé la
même charge avant lui, ainsi qu'il se pratiquait dans te
sacerdoce d'Aaron.
Il est représenté comme n'ayant eu ni commencement
ni fia de sa vie: pour faire conuattre que le sacerdoce de
J.-C. qu'il figurait, n'est point borné à un certain temps
83 IDÉE Du SACEIIDOCH
pour la durée, et ne passe point à plusieurs personnnes
par succession, comme il se pratiquait dans celui d'Aa-
ron mais qu'il est éternel et sans fin. Il paralt par les
livres des Machabées et des Rois qu'il y avait un livre
du sacerdoce d'Aaron, qui faisait mention des actions
des souverains Prêtres, de la durée de leur sacerdoce,
quand il avait commencé et fini, et quels étaient leurs
successeurs. Mais J.-C. n'a aucune part à cet ordre. Il
est le sacriucateur éternel selon l'ordre de Melchisé-
dech, son sacrifice n'ayant point été reçu par succession,
et ayant continué sans que personne lui ait succédé.
Melchisédech offrit du pain et du vin à Dieu puis don-
na les choses offertes à manger à ceux de la famille
d'Abraham qui venaient de remporter une grande vic-
toire sur les rois qui emmenaient captif Loth, neveu du
Patriarche. Et J.-C. donne à manger aux vrais enfants
d'Abraham dans le ciel, après qu'ils ont vaincu, durant
cette vie, les ennemis de Dieu et de leur salut le pain
de la vie éternelle, qui est Dieu même. Il les fait aussi
participer et communier à son corps et à son sang; mais
d'une manière toute céleste et toute divine, sans voiles,
sans figures, sans sacrements et sans imperfection; car
il témoigne en S. Matthieu (26. 29) qu'il donnera ce cé-
leste aliment dans le ciel « Or je vous dis que je ne boi-
rai plus désormais de ce fruit de vigne jusqu’au jour oit
je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon
Père- 11 est vrai que les Saints ne boiront point du fruit
de vigne dont nous bavons ici tous les jours dans nos
repas ordinaires; mais ils boiront de ce fruit de vigne que
J.-C. donne à boire à ses Apôtres, et dont il but lui-mê-
me après la Cène, c'est-à-dire son sang adorable, glo-
rieux et tel qu'il convient au Fils de Dieu glorieux et
immortel.
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. Il. PART.89
CHAPITRE VII.
Différence qu'il y a entre le sacrifice de la Croix, celui
de la Messeet celui du Ciel.
L'église de J.-C. qui combat sur la terre, et celle qui
règne dans le ciel, ne sont pas deux Églises, mais une
seule et même Eglise. Elles ne doivent par conséquentavoir qu'un sacerdoce et qu'un sacrifice. C'est pourquoi
J.-C. dans la messe, qui est le sacrifice de l'Église mi-
litante, exerce le même sacerdoce et offre le mêmesacri-
fice que dans le ciel selon l'ordre de Metchisedech, avec
cette dilférence, que la Communion qu'ont les Saints à
J.-C. dans le ciel est sans interruption et éternelle, au
lieu que la nôtre est journalière et passagère: parce
qu'ici nous sommes assujétis aux vicissitudes du tempset aux nécessités de la vie présente; mais dans le ciel, il
n'y a point d'autre durée que l'éternité, point d'autre
occupation que le sacrifice, et sa communion éternelle.
An ciel, les Saints communient à Dieu et à J.-C. dans la
jouissauce; parce qu'ils le voient face à face et tel qu'ilest: ici, nous communions a lui sans jouir de sa vue, et
nous ne le voyons que des yeux de la foi dans l'Eucharis-
tie, quoiqu'il y soit réellement présent: videmus nunc per
speculum et in œnigmale. Dans l'ancienne loi, on n'avait
que les figures sans la vérité: nous avons maintenant la
vérité, mais sous les figures, pour servir d'exercice à no-
tre foi, qui ne se rapporte qu'aux choses qu'on ne voit
point, comme S. Paui le dit aux Hébreux (11.); an lieu
que dans le clel, séjour de jouissance et de lumière,
nous aurons la même vérité à découvert et sans voiles.
goIDÉE DU SACERDOCB
Mais; direz-vous, le sacrifice de la messe est-il aussi
le même que celui de la Croix ? Je réponds à cela que le
sacrifice de la Messe est le même que celui de la Croix,
en tant qu'il le contient. Car c'est J.-C. immolé sur la
croix qui est présent sur l'autel après la consécration,
r.t qui y est offert comme ayant été immolé sur la croix
pour nous. Il y porte cet état de mort, ou les Juifs l'ont
mis sur la croix,en tant qu'il s'y offre lui-même comme
immolé une fois sur la croix, et que c'est en mémoire
et en vertu de cette immolation qu'il y est aussi offert
par son Église et cet état d'immolation et de mort y
est marqué et représenté par la séparation mystérieuse
du corps et du sang sous les espèces différentes du pain
ctduvin séparément consacrées. Néanmoins, cette Hos-
tie n'y est plus dans la ressemblance de la chair du pé-
ché, mais dans la gloire et fimmortalité.
Si vous me demandez s'il s'y fait effusion de sang, com-
me en la croix je vous réponds qu'il s'y fait une effu-
sion du même sang quant à ta substance, mais différent
en tant qu'il est renouvelé par la Résurrection. Et cette
effusion, selon le témoignage de S. Lue, 22. 20., s'est
faite en la cène car selon le grec, il y est parlé, d'une
effusion présente du calice o oov.. o xuvvov.
Ce n'est pas une effusion qui se fasse visiblement et
hors des veines de J.-C. comme sur la croix; c'est dans
la bouche et dans le cœur des communiants qu'elle se
fait et c'est un effusion réelle, mystérieuse, sacra-
mentelle, sacrificale et sanctifiante.
En voici une eacellente figure tirée de la Loi. Quand
Moise traita de l'alliance entre Dieuet le peuple d'Israël,
il égorgea douze veaux, dont il wit le sang dans doiize
coupes puis, ayant proposé au peuple la loi de Dieu
avec les récompenses qu'il promettait à ceux qui la
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 91
garderaient fidèlement, et les peines inévitables desti-
nées à ceux qui la violeraient après que le peuple eut
accepté l'alliance, et se fût engagé à observer la Loi, en
disant ces paroles « Nous exécuterons tout ce que le
Seigneur vient d'ordonner, et nous lui serons parfaite.
ment obéissants » Moïse versa sur eux le sang des
douze coupes, en disant « C'est ici le sang de l'alliance
que le Seigneur vient de faire avec vous. »(Ex. 2. 7.)
N. S. J.-C. a accompli la vérité de cette figure dans
l'alliance qu'il a faite avec son Eglise. Car la veille de
sa mort, après avoir donné son corps à ses Apôtres, il
prit la coupe et leur dit « Ceci est mon sang, le sang
de la nouvelle alliance qui est répandu pour vous,
buvez-en tous. » C'est comme s'il avait dit Je ne verse
pas aujourd'hui sur vous le sang des veaux, comme Gt
autrefois Moïse sur le peuple, eu établissant une allian-
ce figurative entre mon Père et vos pères; mais, comme
je fais avec vous et avec mon Église une alliance nou-
velle et véritable, je vous donne aussi mon propre sang;
non point en le versant sur vous pour vous laver seule.
ment au dehors comme faisait le sang de ces veaux
mais afin que vous le buviez et le receviez au dedans
de vous-mêmes, et que vos cœurs soient sanctifiés
d'une sanctification intérieure, réelle et véritable.
C'est ainsi qu'on communie à cette victime, à la messe,
ou ce même Fils qui est dans le sein de son Père est
reçu par nous dans le Saint Sacrement. Il y est vivant
non plus de la vie qu'il avait prise de sa Mère sur la
terre, mais de la vie nouvelle et glorieuse que son Père
lui a donnée dans le ciel vie sans comparaison plus
noble et plus sainte, puisque son Père la lui communi-
que dans son propre sein en le ressuscitant. De cette
demeure de Jésus dans le sein de son Père, il résulte
92IDÉE DU SACERDOCE
que les prêtres consacrent dans le sein du Père éternel,
et qu'ils produisent J.-G par la même action et par la
même vertu, par laquelle son Père l'a ressuscité.
La première proposition est évidente: car le Fils de
Dieu ne sort plus du sein de son Père, et puisqu'il est
dans la gloire du Père, même sur nos autels, où il est
rendu véritablement et réellement présent par la con-
sécration, quoique sacramentellement, c'est-à-dire sons
les apparences du pain et du vin; il faut nécessairement
qu'il y soit dans le sein de son Père, qui est le séjour
de sa gloire et l'origine de sa vie immortelle: car le sein
adorable du Père est partout où est son Fils immortel et
glorieux.
La seconde proposition est claire parce que nous ne
le produisons que comme instrument, et que la vertn
de l'instrument n'est point différente de celle de sa cause
principale. Or c'est cette vertu du Père, comme ressus-
citanLJ.-C. et le faisant entrer glorieux dans son sein, qui
le fait être en cet état partout où il est il faut donc que
le Prêtre qui le produit le produise par cette vertu, et le
produise dans le sein du Père éternel. Et cette proposi-tion ne doit choquer personne, parce que le sein du Père
n'est point attaché à un lieu, et que partout où est le
Père; il y est produisant son Fils, et le produisant dans
son propre sein et par conséquent ce sein est aussi
partout où ce Fils est prodnit. On ne peut pas dire réci-
proquement que J.-C. soit sacramentellement dans le
sein de son Père; car ü n'est sacramentellement quesons les apparences du pain et du vin par la consécra-
tion. Si bien que partout où les espèces ne se trouvent
pas, il n'y est pas sacramentellement, quoiqu'il y soit
réellement: et les espèces n'étant pas au sein du Père,le Fils n'y est pas sacramentellement.
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHHIST. Il. PART.93
Il n'y avait point proprement de sacrifiçes de propi-
tiation dans l'ancienne loi, quoiqu'ils soient appelés de
ce nom dans l'Écriture Sainte: comme nous apprenons
du prophète Isaie (3.3.) que Dieu appelle les ministres de
sa colère et de sa fureur, ses sanctifiés, quoiqu'ils fus-
sent des pécheurs, qui par conséquent n'étaient pas
sanctifiés en eux-mêmes, mais étaient destinés de Dieu
et préparés pour servir à sa vengeance et, par ce moyeu,
à la sanctification de son nom dans ceux qu'il châtiait,
ou qu'il purifiait ainsi par la peine Mandavi sancliflcalis
meis, et vocaai fortes mpos in ira mea. Ainsi les sacrifices
anciens étaient des sacrifices de colère, dans lesquels on
voyait ce qui était dû aux pécheurs, et ce que la colère
de Dieu aurait fait d'eux, si sa bonté et sa miséricorde
ne leur avaient préparé une victime; mais l'on n'y trou-
vait point de quoi apaiser sa colère, ni de quoi satis-
faire à sa justice. Que si Dieu les appelle quelquefois des
sacrifices de propitiation, c'est qu'ils étaient tels non dans
les victimes, mais en Dieu c'est-à-dire que Dieu dans
sa seule bonté et son bon plaisir, voulait que les péchés
des hommes fussent effacés, et que tout ce qui lui est
contraire fût détruit; etil lui plaisait de faire paraître en
cela sa sainteté, sa propitiation et sa miséricorde. Et
puis,.ils étaient appelés sacrifices de propitiation, parce
qu'ils étaient les figures et les promesses du vrai sacrifice
de propitiation.
Ce seul et véritable sacrifice est celui de J.-C., parce
qu'il n'y a que lui seul qui puisse être sacrifié à Dieu. Ce
sacrifice est si parfait, que chacune de ses parties est un
sacrifice parfait et accompli, daus lequel on peut re-
marquer toutes les conditions nécessaires à un sacrifice.
Cela se peut montrer clairement dans le sacrifice de la
croix et dans celui de la messe, qui sont des sacrifices
P4mÉE DU SACERDOCE
véritables et parfaits, quoiqu'en meme temps ils fassent
l'un et l'autre partie du sacrifice complet de notre Sei-
gneur. Car le sacrifice de la Ctoix est l'immolation et
l'occision de la Victime, et la messe en est la commu-
Hion, comme nous l'avons expliqué plus haut.
CHAPITREVili.
Commenties parties du sacrificese trouventdans celuide
la Croix sesdifférencesaveccelui de la Messe.
Dans le sacrifice de là Croix se trouvent les quatreou cinq parties du sacrifice. Il y a sanctificationde la
victime; cat la victime, qui est J.-C., étrit sanctifiéedès
le moment de l'incarnation, et cette sanctificationa
toujoursduré. Quelquesheures avant sa mort, il la re-
nouvelaparces paroles Je mesanctifiemoi-mêmepoureux.(Joan.17.)L'oblationy est manifeste:Oblatusest quiaipsevoluit;il s'estoffert lui-méme obtulit semetipsum.L'immolationy est aussi bien visible.Reste la commu-nion. Et peut-on douter que ce sacrifice adorablen'aitété reçu de Dieu commel'holocaustede la plus ageéa-ble odeur qui ait jamais été offert1Mlocaustutiisuavissl-mumDomino.Car c'est en ce sacrificeques'accompliteiivérité ce qui avait été dit en figure des sacrifices desJustes: Odoratus est Dominusodoremsuavitaiis. AinsiDieucommunia pour ainsi dire au sacrificede son Fils,et il y communiaseul, comme au véritableholocausteconsomméuniquementpour lui par le feu de la cha-rité ardente de la victime elle-même.Cen'était pasen-tore le tempsoù fÉglisey devaitcommunier;quoiqu'onpuissedire que la sainteVierge, avecl'Apôtreet lesfem-
ET DU SACRIFICE CE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 95
mes qui étaient auprès de la Croix, y étaient en la per-
sonne et au nom de l'Église des Justes, pour y recevoir
la première participation de ce sacrifice, comme par
une communion anticipée. On peut dire de même que
le bon Larron y représentait tous les pécheurs, et qu'il
communia le premier an nom de tous à ce sacrifice de
la grande expiation.
Mais tout cela fut une communion tout intérieure
et il fallait qu'un sacrifice extérieur, tel qu'était celui de
la croix, eût aussi une communion extérieure. Et
comme, du côté de Dieu, on la trouve dans la résurrec-
tion de son Fils sa victime, qu'il glorifia trois jours
après dans son sein, en répandant même sa gloire sur
le corps ressuscité de ce Fils adorable ainsi du côté
du peuple ou de l'Église, on trouve dans la suite, la
communion extérieure en joignant à ce sacrifice san-
glant le sacrifice non sanglant de la messe, qui est la
communion et l'application du sacrifice de la croix. Car
la messe n'applique pas seulement quelque effet du sa-
crifice de la croix, mais elle applique le sacrifice même
et bien plus, la messe est le même sacrifice que celui
de la croix la même victime y étant offerte. Néanmoins
il ne faut pas dire, si l'on veut parler proprement, que
le sacrifice de la croix soit réitéré dans la messe mais
plutôt que le même y est offert d'une autre manière qui
n'est point sanglante pour participer et communier au
sacrifice sanglant. On y trouve encore quelques autres
différences.
Jésus-Christ, sur la croix, apaise par son sang Li
colère de Dieu et satisfait à sa justice, en portant la
peine le suppfice et la malédiction due aux pécheurs. il
y expie le péché et y mérite le saint du monde. Mais le
sacrifice qu'il y accomplit ne donne point encore actuel-
96IDÉE DU SACERDOCE
lement aux hommes les grâces et les bénédictions dont
il est la source il les y prépare et les dispose à les
recevoir par l'expiation préalable qu'il opère du péché.
C'est par son sang et sa mort qu'elle se fait et c'est par
le Baptéme et par les autres sacrements, et surtout par
la sainte Eucharistie, comme la vertu et la perfection
de tous les autres, que la grâce de J.-C. est communi-
quée et que son esprit est répandu dans les cœurs ce
qui est le fruit et la communion du sacrifice de la croix.
Le sacrifice de la croix est donc le sacrifice de Ré-
demption et de mérite; car il mérite tout, mais il ne
donne et n'applique rien et le sacrifice de la messe est
le sacrifice d'Application et de Sanctification; car il
donne et applique tout, mais it ne mérite rien.
Le sacrifice de la croix est pour tout le monde; c'est
pourquoi il s'est accompli extra castra, hors de l'en-
ceinte de Jérusalem et du temple le sacrifice de la
messe est pour les fidèles et pour l'Église seulement
pro roobiset pro multis, pour vous et pour plusieurs. C'est
pourquoi on ne peut pas dire la messe pour les excom-
muniés.
Au sacrifice de la croix, Notre-Seigneur, qui n'a point
été prêtre de l'ordre d'Aaron, a néanmoins accompli la
vérité du sacerdoce d'Aaron, en offrant dans une im-
molation cruelle et sanglante la victime'de son corps,
figurée par toutes les victimes queles prêtres selon l'or-
dre d'Aaron avaient offertes et immolées. Ce sacerdoce
ne devait pas toujours durer, d'autant que ses sacrifi-
ces n'étaient que des ombres, que des figures que des
sacrifices de colère qui devaient être éteints et accom-
plis sur la croix, et qui par conséquent n'appartenaient
pas au sacerdoce du Fils de Dieu, lequel est éternel.
La nécessité du sacrifice de la messe paraît donc visi-
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 97
4"
blement, en ce que nous devons nécessairement parti-
ciper à l'obtation que J.-C. a faite de lui-même en la
croix, et communier à la victime qu'il y a offerte pour
nous. Car c'est là le fondement et l'unique mayen' de
notre salut. 1l est vrai qu'il a levé l'empêchement de
notre sanctification, « lorsqu'il a été livré à la mort pour
nos péchés traditus eat propter delicta nostra; qu'il a
effacé la cédule qui nous était contraire, et qu'il l'a en-
tièrement abolie, en l'attachant à la croix tulU chiro-
graphum decreti, guod erat contrariam nabis, affigens illud
cruci. » Mais comme, pour participer aux fruits des
sacrifices anciens, il fallait manger de la victime sa-
crifiée, par une manducation sensible, semblable au
sacrifice dont elle faisait partie; ainsi pour être sancti-
fié par le sacrifice de J.-C., et pour participer à la vic-
time qu'il a offerte sur la croix, c'est-à-dire à son corps
et à son sang, il les faut véritablement manger et boire,
suivant cette parole du Fils de Dieu même: « Si vous
ne mangez la chair du Fils de l'homme, et ne buvez
son sang, vous n'aurez point la vie en vous. (Joan.
6. 54.) Et comme ce sacrifice est extérieur et intérieur,
tout ensemble, la communion, qui en fait partie, doit
être aussi en même temps corporelle et spirituelle,c'est-à-dire qu'on doit communier à cette victime et la
recevoir véritablement et réellement, selon l'état glo-
rieux et impassible on elle est maintenant, mais sous
des signes sensibles et corporels, proportionnés à l'état
où nous sommes en cette vie. Il la faut manger par une
manducation qui soit sacrificale, et pour cela elle doit
être rendue présente de la manière dont elle doit être
reçue manière spirituelle, impassible, invisible; mais
sous dessigne corporels et sensibles
ce qui ne se fait
que dans l'Église Catholique par le moyen du sacrifice
98 IDÉE DU SACERDOCE
de l'Eucharistie, et de la communion sacramentelle.
Quant à l'objection que l'on fait, qni est fondée sur ce
que Saint Paul dit de l'unitéde l'oblatton de J.-C. « Par
nne seule cotation, dit cet apôtre (Heb. 10.), il a rendu
parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés » Les héré-
tiques infèrent très-mal de ce passage, qu'il ne faut point
d'autre sacrifice que celui de la croix, attribuant à cette
oblation de la croix la consommation et ta perfection
de ceux qui ont été sanctifiés.
Il est bien clair qu'on ne peut entendre cela du sacr-
fice de la croix. Car tant s'en faut que J.-C. ait consom-
mé la sanctification des hommes par son immolation
sur la croix qu'it ne l'a pas même commencée, mais
qu'il a simplement, par sa mort et son immolation, levé
l'empêchement de nos péchés qui nous rendaient indi-
gnes de la justification. Cette justification est le com-
mencement de notre sanctification. Ji-C. étant ensuite
ressuscité et entré par lagloire
dans la clarification et
la consommation de son sacrifice nous a sanctifiés par
la communion et la participation de sa vie nouvelle
« Car tous tant que nous sommes qui avons été baptisés
en J.C., c'est en sa mort que nous l'avons été. Nous
avons été ensevelis avec lui par le Baptême pour mou-
rir au péché afin que, comme J.-C. est ressuscité des
morts par la gloire de son Père nous marchions aussi
nous autres dans une nouvelle vie. » (R. 6. 3.) Paroles
qui marquent distinctement les divers effets de la mort
et de la résurrection du Sauveur, et qui font voir que
comme c'est par le sacrifice de ta Croix que nous som-
mes rachetés c'est par la Résurrection, et par le sacri-
lire et la communion Eucharistique, qui y répondent,
que notre sanctification est opérée ce que le même
Apôtre nous enseigne encore par ces paroles. (R. 4. 25):
ET DU SACRIFICE DU JÉSUS-CHRIST. II. PAHT.99
4.
CI11a été livré pour nos péchés, et il est ressuscité pour
notre justification. Il
Voici donc le sens naturel de S. Paul. J.-C. par une
seule oblation prise dans toute son étendue et par un
seul. sacrifiée, dont la consécration a commencé au
mystère de l’Incarnation pour, ne finir jamais; dont l'im-
molation a été faite en la croix dont la consommation,
la clarification et la communion ont eu lieu en la résur-
rection J.-C. dis-je par cç seul sacrifice a rendu
parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés. C'est par
une seule oblation que J.-C. a consommé la sanctifica-
tion des hommes si son oblation est considérée dans
toute son étendue: si l'on prend son sacrifices dans toute
sa perfection et toutes ses parties et non dans la seule
occision, qui était la moindre partie du sacrifice dans
les anciens sacrifices figuratifs de sa mort ce qui parait
per le partage des différentes parties du sacrifice entre
les Prêtres et les Lévites. Car l'office des simples lévi-
tes, qui n'étaient pas prêtres, était d'égorger et de tuer
les victimes et cette partie même n'était pas interdite
aux laïques, étant bien probable qu'ils égorgeaient eux-
mêmes l'Agneau pascal au lieu que les Prêtres com-
me personnes plus dignes, étaient employés dans les
antres parties du sacrifice. qui étaient les plus nobles
et le seul Grand-Prêtre, avec ses habits les pins magni-
fiques, une fois l'année seulement, portait le sang de
la victime, immolée pour l'expiation du peuple, dans
le Saint des Saints. Cette figure nous montre évidem-
mentce qu'il y a de plus grand et de plus digne dans le
sacrifice de J.-C. qui est son entrée dans le ciel avec
sa propre victime pour la perfection et la consomma-
tion de notre salut.
On peut encore plus facilement remarquer dans la
100 IDÉE DU SACERDOCE
messe toutes les conditions d'un vrai et parfait sacrifi-
ce. La première, qui est la sanctification et la consécra-
tion, y est bien claire puisque c'est le même corps de
Jésus-Christ sanctifié et consacré dès le moment de 1'lii-
carnation, et qui, par la résurrection est encore sanc-
tifié et consacré à Dieu d'une autre manière plus par-
faite, étant dans un état plus saint, plus dégagé des
imperfections de la chair, et plus approprié à Dieu.
La seconde partie, qui est l'oblation se découvre
dans ce texte de S. Paul aux Hébreux 10 “ Le Fils de
Dieu, entrant dans le monde, dit Vous n'avez point
voulu d'hostie ni d’oblation; mais vous m'avez formé
un corps. Alors j'ai dit Me voici, je viens, selon qu'il
est écrit de moi dans le livre pour faire, mon Dieu
votre volonté. Il abolit ces premiers sacrifices, pour éta-
blir le second. ” Car en ce texte nous trouvons une
oblation de Jésus-Christ faite par lui-même, lorsqu'il
entra au monde, et une oblation qui est sacrifice, et un
sacrifice substitué aux anciens. Or cette oblation de J.-C.
est faite une seule fois, et par conséquent c'est une obla-
tion permanente, qui dure toujours, et qui nous oblige
de dire que toutes les oblations qui se remarquent dans
les divers états de la vie du Fils de Dieu, ne sont qu'une
même oblation, et qu'il n'y a jamais eu qu'une seule
oblation du corps de J.-C. oblation qui s'est faite dans
le sein de sa très-sainte Mère dès le premier moment de
son Incarnation qui s'est réitérée et manifestée au
Temple qui a été parfaite en la Croix qui se continue
dans la messe et qui sera éternellement dans le ciel.
C'est, dis-je, la même oblation mais avec cette diffé-
rence que, dans l'Incarnation, cette oblation est cachée
dans la Vierge; au temple elle est couverte de l'en-
fance en la croix, elle est voilée d'un meurtre; en la
ET DUSACRIFICEDEJÉSUS-CHRIST. II. PART. fOl
messe, elle est revêtue de signes, et au ciel, elle est sans
voile, sans signes et dans la gloire
Si donc en la messe il se trouve qu'il y a oblation du
corps de J.-C., cette oblation sera sacrifice car selon
S. Paul il n'y a qu'une seule oblation qui est sacrifice.
Or, on peut trouver facilement qu'il y a oblation de J. -C.
en la messe, si on considère les paroles dites par J.-C.,
au rapport des Évangélistes a Ceci est mon Corps, qui
est donné pour vous. Voilà évidemment une ohlation
du corps de J.-C. faite, non aux Apôtres, mais à Dieu
pour les Apôtres. De même, dans ces autres paroles de
J.-C. “ Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang,
lequel calice sera répandu pour vous ” ou, selon le
grec, qui est répandu. Voilà un sang répandu dès lors pour
les Apôtres en la rémiss.ion des péchés voilà une effu-
sion de sang qui précède celle de la croix.
Vous voyez dans ces paroles qu'il y a deux donations
du corps de. J-C. l’une Dieu pour le monde, QUOD
PRO VOBIS DATUR, qui est donné pour vous; l'autre au
monde pour Dieu, ACCIPITE ET COMEDITE, prenez et
mangez. La première est le sacrifice l’autre est la com-
munion du sacrifice. Remarquez de plus que ces paro-
les des Évangélistes sont toutes des termes de sacrifice.
Enfin l'oblation est même bien plus expresse à la messe
que sur la croix car en la croix, elle ne parait poiot
et on ne lit nulle part dans les écrits des Evangélistes
que J.-C. se soit offert sur la croix au contraire i vous
u'y voyez qu'un meurtre et qu'un sacrilége, et cette obla-
tion y est couverte du massacre horrible d'un homme
crucifié. Il n'y a que S. Paul qui depuis nous ait ensei-
gné cette oblation que Jésus-Christ a faite de lui-même
à la croix; au lieu que dans l'institution de l'Encharistie,
et du mystère de la messe J.-C. dit lui-môme très-
102 IDÉE DU SACERDOCE
clairement qu'il est offert pour ses Apôtres et pour plu-
sieurs, et offert dans le temps même qu'il parle.
Il y a donc oblation du corps de J.-C., en la messe
et oblation réelle, quoique cachée sous les signes. C'est
la manière de sacrifice qui convient à l’état présent de
l’Église. Cardans l'aneienneloi, il n'y avait que des figu-
res sans vérité mais dans la nouvelle loi, les vérités
sont jointes aux figures et les figures que nous y avons
ne sont pas, comme celles-là, des figures vides, mais
des Qgures remplies de la vérité.
L'immolation se trouve aussi dans la messe; Car J.-C.
y est immolé non pas d'une manière sanglante mais
d'une occisiôn sacramentelle et mystérieuse. Et sa résur-
rection n'exclut pas tout à fait cet état de mort, qui suit
de l'immolation. Au contraire, la résurrection contient
la mort de J.-C. comme déjà nccomplie et parfaite ainsi
que nous Pavons déjà dit plusieurs fois. Il est donc vrai-
ment dans la messe l'Agneau mis à mort: Agnus occisus.
Il y est en état de mort n'ayant plus la vie qu'il avait
sur la terre: outre les autres manières qui sont mar-
quées par les Théologiens, comme de ce qu'il ne fait au-
cune action extérieure de vie, ni aucun usage do ses
sens et de son corps.
On trouve aussi dans la messe l'inflammation du sa.
crifice véritable; car le Fils de Dieu y est ressuscité et
glorieux; et quoiqu'il y soit comme une victime immo-
lée, le sacrifice demandant ta mort ou ta destruction
de la victime, cela n'empéche pas qu'il n'y soit glorieuxet ressuscité. Or comme son état ressuscité contient
l’inflammation selon la vérité, ainsi que nous l’avons fait
voir, il faut conclure qu'en la messe il y a inflammation.
J.-C. s'y donne tout entier comme victime, et l'inflam-
mation consomme et perfectionne tout, sans y rien dé-
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 103
truire ou consumer de l’intégrité de spu corps ce gu i
ne se trouvait pas au sacrifice de l’ancienne loi, qui était
imparfait et défectueux eu ccla et en beaucoup d'autres
choses.
Enfin la communion est manifeste dans le sacrifice,de
la messe. Dieu y communie à J.-C., parce que J.-C. y
est glorieux et ressuscité: car, comme nous avons dit,
l’inflammation s'y trouve, et par conséquent la commu-
nion de Dieu. La communion du Prêtre et du peuple y
est encore plus évidente; puisque dans la Messe le Fils
de Dieu y est tout pour nous: Prenez et mangez. Nous
l'y recevons, nous l'y mangeons il y est exposé à tous,
elle Sacrement est même réservé pour la communion
des infirmes, à qui il est donné comme le viatique salu-
taire, pour passer de cette vie à la vie du ciel. Ce .gui
est une consolation que la seule Église Catholique don-
ne à ses enfants, et de laquelle sont privés ceux qui s'en
sont séparés.
Il est bien visible, par tout ce que nous venons de
dire, que le sacrifice de la messe.est proprement le sa-
crifice de la nouvelle Loi, qui a plusieurs noms, et
eutre autres celui d’Eucharistie. C'est le sacrifice qui
établit le sacerdoce de la nouvelle Loi, sacrifice selon le-
quel J..C. est établai Prêtre éternel selon l'ordre de Mel-
cuisédech. Ce sacrifice est le même qui s'offre par toute
l’Église de la terre. et qui s'offrira éternellement dans
le ciel; avec cette différence cependant, qu’il est main-
tenant caché sono les signes, et voilé sous les apparences
du pain pour l'Église d'ici-bas. qui n’est pas encore dans
sa perfection, tandis qu'il n'est pas caché sous des si-
gnes visibles dans le ciel. Car il est bon de sue souvenir
toujours de ce que j’ai déjà dit, que, dans l’unité do rt-
glise, jl y a trois Églises, ta Judaïque, la Chrétienne et
lo4 IDÉE DU SACERDOCE
la Céleste qu'en la première, il n'y a que des figures
sans eérité que dans la seconde, la vérité y est sous des
figures; et qu'enfin la troisième possède la vérité toute
nue sans signes, sans voile et à découvert.
On peut remarquer encore plusieurs différences qui
se trouvent entre les sacrifices de l'ancienne loi et
ceux de la nouvelle. Les sacrifices de l'ancienne loi
étaient sanctifiés par l'autel; et au contraire dans la
nouvelle loi, l'autel visible et matériel est sanctifié par
le sacrifice.
Les anciens sacrifices étaient tout charnels et tout ma-
tériels; ceux de là nouvelle loi se font en esprit et en vé-
rité, in spirituel veritate, dans l’Esprit de Dieu et du
nouvel homme, et non plus dans les figures. La victime
de la loi nouvelle y est réellement et substantiellement
présente dans le corps et dans le sang de J.-C. mais
dans un état tout spirituel et elle est rendue présente
sur l'autel et offerte à Dieu par une action aussi toute
spirituelle.
Anciennement, c'était par le feu et par le glaive que
l'on sacrifiait: maintenant c'est par le Saint-Esprit et
par la parole Offerimus vitulos labiorum nostrerum. (Os.
11.); nous offrons les victimes de nos lèvres. Ce texte se
peut entendre de l'Eucharistie, en ce que dans le nou-
veau Testament on sacrifie par la parole, et qu'elle tient
lieu du glaive d'Aaron et du feu. Vitulos, c'est-à-dire
victimes par une figure assez ordinaire en l'Écriture,
où la partie est prise pour le tout, et l'espèce pour le
genre car les bœufs et les jeunes taureaux étaient une
des espèces de victimes. Victime des lèvres, parce qu’el-
le est sacrifiée et consacrée par la parole des prélres.
Enfin ce sacrifice est spirituel de la part de l'autel
principal et du temple, dont les autels et les temples
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. II. PART. 105
que nous voyons né sont que les figures; et de la part
de la victime, qui est dans un état tout divin et élevé
au-dessus de nos sens.
On peut voir maintenant, par tout ce que nous avons
dit que le Sacrifice de Jésus-Christ est éternel aussi
bien que sou sacerdoce, et que ce sacrifice, qui a com-
mencé sur la terre, se continuera éternellement dans
le ciel, et y sera offert dans cette éternité bienheureuse
par l'Église des Saints unie à son Chef adorable et
consommée dans l'unité de son Esprit pour y adorer
Dieu dans sa sainteté infinie.
TROISIEME PARTIE.
ÉCLAIRCISSEMENT DES VÉRITÉS CONTENUES DANS
LES DISCOURS PRÉCÉDENTS.
CHAPITRE PREMIER.
Comment le sacriJlce de la Religion ehrét;enne doit dire
quelque chose de tout spirituel et de tout divin.
Pour éclaircir davantage ce qui est dit du Sacrifice
dans le discours précédent, il faut bien concevoir quela religion véritable, dans sa perfection, doit être spi-
rituelle et indépendante des sens. Car le culte doit être
proportionné à celui qu'on adore, c’est-à-dire à Dieu
qui est tout spirituel l'unique objet de notre adoration,à qui seul le Sacrifice peut être offert. C'est ce que J.-C.
même nous a enseigné par ces admirables parolesa Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'ado-
rent en esprit et en vérité. a (Joan. 4. 24.) Que si la reli-
gion dans son état parfait et l'adoration, qui est le pre-mier et le plus essentiel devoir de la religion, doivent
être spirituelles, le sacrifice le doit être aussi, puisquec'est la manière d'adorer la plus parfaite, la plus sainte
et la plus digne de Dieu, et qu'il renferme tout le culte
de la religion véritable. C'est en effet, selon les plushabiles interprètes, le sens littéral de cette parole du
Fils de Diea qui, répondant à une difdculté que laSamaritaine lui faisait touchant le lieu du sacrificelui fait entendre qu'il n'y a point de sacrifice digne
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 107
de Dieu, que celui qui est spirituel aussi bien que
Uieu, et qui, devant être offert en esprit et en vérité,n'est point attaché à un lieu' particulier, non plus
que Dieu même Femme, croyez-moi, le. temps va
venir que vous ne sacrifierez au Père ni sur cette
montagne ni dans Jérusalem. Mais le temps vient, et
il est déjà venu, que les vrais sacrificateurs sacrifieront
au Père en esprit et en vérité. Car ce sont là les sacri-
ficateurs que mon Père cherche. Dieu est Esprit, et il
faut que ceux qui lui saerifient, lui sacrifient en espritet en vérité. ” (Joau, 4. 21.)
Le sacrifice ne doit pas être seulement spirituel mais
pour être digne de Dieu, il faut qu'il soit tout divin et
tout ce qui est nécessaire pour un véritable sacrifice
doit s'y rencontrer d'une manière toute spirituelle et
toute divine.
II ne faut pas s'imaginer que ce que nous disons soit
contraire à ce que l'Église enseigne de la vérité du sa-
crifice de l’Église présente, où il se rencontre plusieurs
choses extérieures et sensibles car nous parlons ici du
sacrifice tel qu'il doit être dans sa perfection et il n'y
a personne qui n'avoue que, comme ni l’Église ni la
Religion ne sont encore dans un état parfait, le sacri-
fice n'est pas non plus dans la perfection qu’il doit avoir
un jour.
L'Église, la Religion et le Sacrifice, qui vont toujours
d'un même pas, ont divers âges, divers accroissements
et divers degrés par lesquels ils. doivent passer pour
arriver à leur entièra perfection et ce que S. Paul dit
de l'homme intérieur et chrétien, ou plutôt ce que l'É-
vangile nous apprend de Jésus-Christ, qu'il croissait
en sagesse. en âge et en grâce devant Dieu et devant
les hommes, nous devons l'entendre, à proportion, du
108 LE SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.
Christ entier qui est l'Église sous son Chef, de la Reli-
gion qui est sa vie, et du Sacrifice qui est l'âme de la
religion et de l'Eglise.
lis ont donc leur enfance leur adolescence et leur
âge parfait et ces trois âges se succèdent de telle sorte
l'un ir l’autre, que le dernier est la perfection des deux
autres.
Leur enfance s'est passée sous la loi de Moïse. De
même que les enfants nouveau-nés, et dans leurs pre-
mières années sont tout appliqués aux choses sensi-
bles, ainsi la Religion et le Sacrifice n'étaient alors que
dans l'extérieur, et n'avaient rien que de sensible et de
grossier, tandis lue l'Église n'avait encore que le corps
de la religion et du sacrifice.
Leur adolescence est sous la loi de la grâce. Car
comme les jeunes gens, qui sont capables d'user de leur
raison, ne laissent pas d'être encore fort sujets à leurs
sens et dépendent beaucoup des choses sensibles; de
même ia Religion et le Sacrifice ont bien l'esprit, l'inté-
rieur et la vérité, mais le tout encore enveloppé du
corps, des signes et des figures. Et comme encore les
jeunes gens croissent en hauteur et en grosseur jusqu'à
l'âge parfait aussi l’Église et la Religion croissent sans
cesse et croîtront jusqu'à la consommation des siècles.
Alors elle entrera dans son âge parfait, comme S. Paul
l’explique divinement daus son épttre aux Épuésicns2. 20 et suivants, et 4, 11. 12.
Quand donc l'Église sera arrivée à son âge parfait, et
qu'elle sera consommée par la gloire dans l'unité de
Dieu alors, comme un homme parfait ne suit que la
raison et ne se conduit plus 'par les sens aussi l'Églisen'aura plus que l'intérieur de la Religion et du Sacri-
lice et n'ayant plus besoin de cette écorce extérieure
ET Dü SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. FART.109
dont tous les'mystères sont présentement couverts et
enveloppés, elle en possédera l'Esprit tout pur et la vé-
rité toute nue, sans voiles sans signes et sans figures.
C'est à la perfection et à la vérité des mystères que
nous devons aspirer. « Nous avons ici-bas l'ombre des
choses, nous y en avons l'image, mais c'est là haut
qu'est la vérité. » L'ombre est dans la Loi, l'image dans
l'Évangile et la véritéesl dans le Ciel. On sacrifiait autre-
fois des veaux et des agneaux; on sacrifie maintenant
Jésus-Christ comme homme et comme souffrant; et lui-
même encore comme Prêtre, s'offre lui-même pour
nous pardonner nos péchés. Il est offert ici-bas sous
une image et sous un voile sensibles mais dans le ciel,
où il fait pour nous l'office d'avocat et de médiateur
auprès de son Père, il est offert dans la vérité toute
pure. Nous n'avons donc ici les choses que couvertes
d'images et de figures nous ne les voyons que cachées
d'un voile mais nous les verrons là face à face et à
découvert dans leur entière perfection la perfection
ne se trouvant que dans la vérité des choses. » (S. Ambr.
l.1. Off. c. 48.)
Lors donc que nous voulons considérer la Religion et
le Sacrilioe dans leur perfection nous devons les sépa-rer de tout ce qui nous y est présentement sensible.
Car ce qui est tel n'est que figure, appartient à la Loi,
et n'est institué qu'en considération de l'infirmité de
l'homme, qui n'est guère capable en celte vie des cho-
ses purement spirituelles.Pour bien connaître.e Sacrifice, persuadons-nous que,
toutes les choses que nous en voyous ne sont pas le sa-
crifice, ni la vérité de ce qu'elles sont dans le sacrificeet que, comme dit S. Augustin, et S. Thomas après
lui, le sacrifice visible n'est que le signe et la figure du
sacrifice invisible.
IIO IDÉEDUSACERDOCE
Ce que nous voyons donc de l'hostie avec nos yeux
charnels, et qui ne sont pas encore régénérés ni spiri-
tualiséa, n'est pas l'hostie. Ce que nous voyons du Prê-
tre n'est pas le Prêtre. Ce que nous voyons en un mot
du temple, de l'autel et de tout ce qui est nécessaire
pour le Sacrifice, n'est pi le véritable temple. ai le
véritable autel mais il faut que la foi qui nous décou-
vre les choses invisibles, nous fasse chercher, nous
fasse trouver, celles qui sont figurées par ces choses
visibles, dans le sacrifice et pour les trouver, il faut
nous élever en esprit jusqu'au sein de Dieu, ou le Sacri-
fice est daps sa perfection et où toutes tes choses pour
le sacrifice parfait et accompli se trouvent réunies et
renfermées d'une manière admirable.
CHAPITRE II.
Tout « qui est du Sacrifice en sa perfection est renfermé
en Dieu et réduit à son unité.
Dieu, qui est l'Unité souveraine et originelle, Princi-
palis unitas, fait toutes ses œuvres daps l'unité, etles ré-
duit toutes enfin à son unité même, comme Jésus-Christ
nous l'enseigne dans cette prière admirable qu'il fit en-
tre l'institution du sacrifice de l'Eucharistie et l'accom-
plissement de celui de la croix. (Joan. 17.) Le sacrifice
même n'est que pour réunir tous les hommes à Dieu, en
les consommant dans son unité divine. Et pour accom-
ptir cet ouvrage d'unité, il en a fait plusieurs autres.
comme celui de l'Incarnation du Verbe, où Dieu et
l'homme ne font qu'une seule personne en J.-C Celui
de l'Église où J.-C. et ses membres ne font qu'un seul
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. III I
corps celui dela sanctificatio do l'homme, où il devient
un même esprit avec Dieu: qtù adhœret Q"o unus spiritus
est; Celul de la Parité, qui fait qu'un nombre infini de
fidèles ne font qu'un cœur et qu'une âme cor unum et
anlmaana; celui de l'Eucharistie, oh nous sommes tel-
lement fondus avec Jésus-Christ, que nous devenons,
même corporellement, commecparle S. Cyrille d'Alexan-
drie, une même chose avec lui.
C'est parce même desseiu de réduire tout à l'unité,
que Dieu a voulu q.ue ce grand sacrifice, par lequel il
veut être adoré éternellement, s'accompllt dans son
sein, et que, sans en sortir, ou y trouvât tout ce qui est
nécessaire pour un véritable sacrifice et tout ce qui
compose celui de J.-C.
On peut réduire tout cela à huit choses, qui se trou-
vent d ans toutes sortes de sacrifices véritables et parfaits:
1 Celui à qui le sacrifice est offert. 2 Le Prêtre par qui
le sacrifice est offer4. 3 La victime qui est offerte en sa-
crifice. 4 Celui pour qui on offre le sacrifiee. 5 Le tem-
ple dans lequel il se fait. 6 L'autel sur lequel on l'offre.
7 Le feu par lequel la victime est consommée et clari-
fiée. 8 La fin du sacrifice.
Le sacrifice dont nous parlons est si saint, si parfait,
si divin: il s'accomplit dans une nnité si singulière et si
admirable, que tout ce qui le compose se trouve en Dieu,
et n'est pas seulement divin, mais est Dieu même, ou
au moins subsiste en lui.
Dieu, qui ne pouvait s'adorer lui même, et qui néan-
moins ne peut être dignement adoré que par lui-même,
a treuvé dans l'Incarnation de son Verbe le moyen de
recevoir ua culte et une adoration souveraine, et un sa-
crifice d'une dignité infinie, lit d'avoir, dans son propre
sein de quoi se faire rendre un hommage infini, éternel
112 IDÉE DU SACERDOCE
et digne en tonte manière de sa grandeur. Car, dans ce
sacrifice, le Prêtre et la victime, le temple et l'autel,
le feu du sacrifice et la sacrifice même, sont adorables,
comme Celui à qui le sacrifice est offert est le terme de
toute adoration.
Le Père éternel, comme seul principe sans principe,
commel'origine et la cause de tout l'être créé, et comme
1 a fin de toutes choses, est celui à qui le sacrifice de Jésus-
Christ est offert; et c'est à lui que toutes les prières,
tout le culte et tous les sacrifices sont adressés, selon la
pratique de l'Église et l'ordonnance des conciles. (Conc.
Carlh. 3. Can. 13.)
Le sein du Père est le Temple où ce sacrifice est offert,
et où il le sera éternellement.
Le Fils de Dieu incarné est le Prêtre, la victime, l'au-
tel et celui pour qui le sacrifice est offert selon les diffé-
rentes faces et selon les différentes choses qui sont en
cet admirable composé de Dieu et de l'homme, qui fait
l'Homme-Dieu. Jésus-Christ est Dieu de toute éternité et
homme dans le temps; et dans ce divin composé de
l'Ilomme-Dieu se trouve la subsistance du Verbe, l'es-
prit humain et le corps qu'il habite Perbum, spiritus et
caro. (S. Aug.) Et outre le corps naturel qu'il a tiré de sa
Mère, il en a reçu un autre de son Père, je veux dire son
corps mystique, ou son Église, qui ne fait avec lui qu'un
seul Christ unuç homo Ghristus, caput et corpus. (Aug.in ps. 117) J.-C. donc en sa personne ou sa subsistance
divine est l'autel de son sacrifice. Par la chair, qui'luiest unie en unité de personne, il est la propre victime
de ce sacrifice. Par son esprit humain, ou son âme rai-
sonnable, il en est le Prétre s hostia quidem secundum
carnem; sacerdos vero secundum spiritum. (Aug. Serm. 130.
de Temp.) En le considérant dans son corps mystique,
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. III. PART. 113
dont il est le chef, il est lui même celui pour qui le sa-
crifice estoffert; car il s'est offert lui-méme pour le salut
de son Église, qui est son corps et quand il n'aurait
point en de corps mystique pour lequel il pût offrir le sa-
crifice, lui-même dans sa propre nature créée n'aurait
pu se dispenser de sacrifier à Dieu, puisqu'il doit hom-
mage de son être créé, de sa vie et de toutes ses perfec-
tions humaines à la grandeur, à la majesté et à la sain-
teté de Dieu et il le doit même pour toute la commu-
nication des perfections divines qu'il a reçues de son Père
dans l'Incarnation. Car qu'est-ce que la nature possède,
même dans le Fils unique de Dieu, qu'elle n'ait point re-
çu, comme parle S. Augustin P
Enfin le saint-Esprit est le feu du sacrifice de J.-C., et
c'est par lui qu'il est offert, qu'il est consommé qu'il
est reçu de Dieu comme l'odeur la plus agréable qui
puisse lui être offerte.
De ces huit points que nous venons de remarquer, il
y en a cinq qui ne souffrent point de difficulté et qu'il
n'est pas nécessaire d'appuyer d'aucune preuve. Mais
que le sein du Père soit le véritable temple du sacrifice
de J.-C. que la subsistance ou personne du Fils en soit
l'autel; que le Saint-Esprit soit le feu qui embrase cette
victime, qui la consomme et la glorifie c'est ce que tout
le monde ne concevra pas si facilement, et ce qu'il est
nécessaire d'expliquer un peu plus et d'appuyer de quel-
ques preuves.
Le sacrifice de J.-C., aussi bien que son sacerdoce,
n'est proprement et dans sa perfection que pour le ciel;
« car s'il. n'avait dû -être prêtre que sur la terre,il ne
l'aurait point été du tout. » (Heb. 84.)
C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner si nous allons
tirer les preuves des vérités que nous annonçons tou-
I 1 IDÉE DU SACERDOCE
chant quelques circontances de ce sacrifice, du livre de
t'Apocalypse, puisque c'est l'évangile de J.-C. ressuscité
et la prophétie de l'Église du ciel. Quoique ce livre soit
fort obscur, et que quelqu'un pourra dire que l'on prend
avantage de son obscurité pour autoriser des pensées
nouvelles peu communes, je crois néanmoins qu'on a
droit de s'en servir, lorsque l'on est appuya en cela de
l'explication des anciens Pères et des interprètes ré-
cents, et qu'on n'est pas moins biep fondé de tirer de
l'Apocalypse des preuves du sacrifice de l'Église du ciel,
que d'employer l'autorité des Prophètes de l'Ancien Tes-
tament pour prouver les vérités du sacrifice de l'Église
de la terre.
CHAPITREIII.
QuoiqueJésus-Christsoit leTempledeDieu en plusieurs
sens, .c'est néanmoinsle sein du Père éternel qui est
proprementle templedu sacrificeparfait. —Plusieurs
preuaesdecette vérité.
Jésus-Christ est appelé souvent le Temple de Dieu
pour plusieursraisons, et surtout par Fapport à la plé-nitude de la divinité qui habite en lui corporellement,et auxdiversdevoirs purementintérieurs de la religionqu'il lui a seul rendus dignement, durant même sa viemortelledans f intérieur de sonâme et de son corpscommedans un templespirituel, Qoneaorépar fonctionde laDivinité même.Ainsion peutbiendire qu'il est,parl'Incarnation, le Templede la Divinité, parce qu'onluiréside invariablementtoute la plénitude de la divinitécommedans un esprit et dans uu corps qui lui sont
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. —III. PART. 115
devenus propres. il est aussi en un sens le Temple du
Saint-Esprit parce que tous ses dons, toutes ses
ces, tous les trésors de la sagesse et de la science de
Dieu sont cachés en lui. Il peut même être appelé le
Temple de l'Église, paree que tous ses membres sont
en lui que c'est en lui qu'ils offrent à Dieu le sacrifice
de leurs vœux, de leurs prières et dp leur charité, et
qu'ils lui rendent l'adoration et tous les autres devoirs
de la religion. Il est en cela la vérité que figurait te
temple de Salomon et il le marqua lui-même, lors-
que ayant chassé de ce dernier temple ceux qui le
profanaient Il dit aux Juifs qui lui demandaient un
signe de l'autorité en vertu de laqtoelle il en usait ainsi
« Détruisez ce temple, et je le rétablirai en trois jours
car il entendait parier, du temple de son corps.
(Joan. 2. 20.)
Mais lorsque nous considérons que J.-C., par ce même
corps, est la Victime de Dieu qu'il en est le prêtre par
son esprit ou son âme, qui est un esprit sacrificateur,
et que dans toute l'éternité il doit s'offrir lui-même et
son corps mystique avec lui, il faut concevoir un autre
Temple dans lequel il s'offre et ce Temple, c'est le sein
de son Père, dans lequel il réside avec tout ce qui lui
est uni pour l'éternité; Unigenitus qui est in sinu Patris.
(Joan. 1. 18.)
Que le sein de Dieu soit le Temple du sacrifice de
J.-C., n'est-ce pas ce qui fat révélé 6 Saint Jean 4ans
cette tision mysterieuse, où la Jérusalem céleste lui fut
montrée environnée de la clarté de Dieu? Après en avoir
remarqué les differérentes beautés, il dit qu' il n'y vit point
de temple. Il n'est pas inutile de se souvenir que ce fut un
dimanche que tous ces mystères furent découverts
Saint Jean, et que J.-C., pour la loi duquel il était sé-
116 IDÉE DU SACERDOCE
paré de ses frères et privé de se trouver dans l'assem-
blée des Chrétiens et d'assister au saint sacrifice qui se
célébrait le jour du dimanche dès le temps des Apôtres,
voulut lui donner la joie de se trouver en esprit dans
l'assemblée des Élus et d'assister au sacrifice de l'Église
du ciel.
Ce disciple bien-aimé, qui y voyait l'autel, la victime
et le sacrifice, parut aussi surpris de n'y point voir de
Temple qu'Isaac autrefois parut l'être de ne point voir
la victime du sacrifice que son Père et lui allaient offrir
sur la montagne. Templam non vidi in ea, dit Saint Jean.
Mais il en connut bientôt la raison: Dominus enim Deus
ornnipolens Templum illius est, et Agnus. (Ap. 1. 22.) Il ne
vit point de temple dans cette grande cité de la Jérusa-
lem céleste parce que Dieu même et l'Agneau en sont
le Temple.
Dieu et J.-C. son Fils sont le Temple du ciel en diffé-
rentes manières, selon ce que Noire-Seigneur a dit de
lui-même: Je suis dans mon Père et mon Père est en
moi.. On le peut aussi dire de l'Église, qui est son
corps mystique elle est en Dieu et Dieu en elle. Comme
donc Dieu remplit parfaitement son Fils incarné en
qui il habite substantiellement, et qu'il demeure aussi
dans les membres et dans tout le corps mystique de son
Fils par la plénitude de son esprit en ce sens le CHRIST
entier, composé du chef et des membres n'est pas
seulement la Victime parfaite et accomplie du sacrifice
éternel, mais il .est aussi le Temple de Dieu, ou ce
sacrifice sera éternellement offert. C'est pour cette rai-
son, et dans ce sens, que l'Église ayant été montrée à
Saint Jean, ainsi qu'il est dit au commencement du
même chapitre, comme venant de Dieu et descendant
du ciel, il entendit une voix qui lui disait « Voici le
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 117
Tabernacle de Dieu avec les hommes et il demeurera
avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu,demeurant
avec eux sera leur Dieu. » (Ap. 21. 2 et 3.)
Mais comme le Fils unique de Dieu avec tous ses
membres, que l'adoption divine lui a rendus propres
et lui a intimement unis comme parties de son corps
est dans le sein de son Père Unigenitus qui est in
sinu Patris et qu'il y est comme la victime de Dieu
reçue dans sa bouche et dans son sein par la résurrec-
tion parfaite du 'chef et des membres Ubisum ego et
Uti sint mecum (Joan 17.) on ne peut ne pas regarder ce
sein adorable comme le vrai Temple où cette victime
accomplie en toutes- manières s'offre éternellement à
Dieu en holocauste et lui rend tous les devoirs d'une
religion parfaite et divine. C'est pour cela que S. Jean
ne vit point d'autre temple dans le ciel, parce que Dieu
est lui-même son propre temple, dans lequel se trou-
vent son Prêtre, sa victime et son autel pour le sacri-
fice de l'éternité.
Le même livre de l'Apocalypse nous fournit encore
une autre preuve de cette vérité au chapitre 11 où
nous apprenons le mystère du second avénement de
J.-C. pour juger le monde, punir les impies récom-
penser les élus et entrer dans la possession parfaite de
son royaume.
Après que le septième Ange eut sonné de la trompet-
te, on entendit de grandes voix dans le ciel qui di-
saient Les royaumes de ce monde sont devenus les
royaumes de Notre-Seigneur et de son Christ, et il
régnera dans les siècles des siècles Amen. Alors les
vingt-quatre vieillards, qui sont assis sur leurs trbnes
devant Dieu se prosternèrent et adorèrent en disant
Nous vous rendons grâces, Seigneur Dieu tout-puis-
118 !DER DU SACERDOCE
saut, qui êtes, qui étiez et qui serez, Ce ce que vous
êtes entré en possession de votre grande puissance et
de votre règne. Les nations se sontirritées, et le temps
de votre colère est arrivé lé temps de juger les morts
et de donner la récompense aux Prophètes vos servi-
teurs, et aux Saints, et à ceux qui craignent votre nom.
aux petits et aux grands, et d'exterminer ceux qui ont
corrompu la terre. Alors le Temple de Dieu fut ouvert
dans le ciel, et l'on vit l'arche de son alliance dans le
Temple de Dieu et il se fit des éclairs et dé grands
bruits, des tonnerres un tremblement de terre et une
grêle effroyable. » (Ap. Il» 19.)
Le temple de Dieu, dont il est parlé dans cet endroit,
n'est pas le ciel puisqu'il est dit qu'il fut ouvert dans
le ciel mais c'est le sein du Père qui est dans le ciel
car c'est dans ce sein qu'est l'arche de l'alliance de
Dieu. Et apertum est templum Del in cœlo, et visa est
arca testamenti ejus in temple ejus.L'arche de l'alliance ayant toujours été regardée
comme la figure de J.-C., le Saint des Saints, et comme
la plus auguste partie du temple, doit être aussi consi-
dérée eomme la figure du sein du Père qui est le pro-
pre séjour de son Fils. C'est ce Saint des Saints qui s'est
ouvert dans la plénitude des siècles lorsque le Père a
envoyé son Fils au monde, et que ce Fils est sorti de
son Père, pour s'incarner dans le monde': Exivi a Patre
et veni in mundum. (Joan. 16. 28.) Ce méme sein, ce
temple ce sanctuaire, se doit encore ouvrir à la fin des
siècles, lorsque le l'ère enverra une seconde fois son
Fils pour juger le monde, et pour faire entrer avec lui
tous ses élus dans ce temple adorable, où ils doivent
être, éternellement au grand souper de Dieu, comme il
est dit au ch. 19. de l'Apocalypse a Venez et asaemblez-
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS CHRIST. —III. FART.119
vous pour être au grand souper dé Dieu, ou pour ine
servir d'un- terme propre à cette matière « à la grande
cène de Dieu. » Nou une céne pascale ou passagère,
où l'on n'était nourri qn'en figure du pain de Dieu,
comme étaient les Juifs ni à la cène Eucharislique bit
l'on reçoit véritablement le paiu de Dieu mais enve-
loppé et couvert du voile sacramentel; mais à lu eèurs
éternelle et â la communion de la table de Dieu (Conc.
Trid. Sess. 13. c. 8.) ou l'on reçoit il découvert et sans
voile ce pain vivant et la. substance même db la vie
éternelle comme parle S. Ambroise (Dehis qui initiansur)
eoriformément à ce que S. Jean même nous dit dés le
commoncement de sa première Epitre, où il appelé
Jésus-Christ le « Verbe de vie. la vie manifestée aux
hommes. la vie éternelle qui-était dans le Verbe, et qui
s'est venu montrar nous. » Et au Cbap, 5. « Dieu nous
a donné la vie éternelle et c'est dans son Fils que se
trouve cette vfe celui qui a le Fils a la vie; celui qui
n'a point le Fils n'a point la vie. »
CHAPITREIV.
LeSaint des Saintsde la Loi était la figure du sein de
Dieu; et l'entrée du Grand-Prêtre est là figure del'entréedeJésus-Christdanscetempleadorable.Preuve
de cettevérité tiréede l'Évangile.
Aprèsle témoignagede l'Apôtrebien-aimé, qui a re-
posésur le cœur de J.-C.dans le temps même qu'il ins-tituaitet offrait le sacrifice Eucharistique, et à qui lesmystères du ciel ont été révélés, nous avons encorel'autorité de l'Apôtrequi a été élevéjusqu'àu troisième
120 IDÉE DU SACERDOCE
ciel, et qui y a appris les secrets merveilleux de la reli-
gion de J.-C. Les choses admirables qu'il dit du sacer-
doce et du sacrifice de J.-C. dans l'Épitre aux Hébreux,
et qu'on ne trouve point ailleurs, nous font voir qu'il a
été particulièrement choisi de Dieu pour enseigner à
l'Église la science du sacrifice. Il dit lui-même aux Chré-
tiens de Corinthe que ce qu'il leur en avait enseigné,
c'était du Seigneur même qu'il l'avait appris Ego enim
accepi à Domino quod et tradidi vobis et c'est ce qui nous
doit rendre son témoignage encore plus considérable.
S. Paul nous y apprend donc, entre autres choses,
que fentrée de J.-C. dans le Saint des Saints du ciel était
figurée dans la Loi par l'entrée du Grand-Prêtre dans le
sanctuaire du temple de Salomon; ce qui ne se faisait
qu'une seule fois l'année, et n'appartenait qu'au seul
Grand-Prêtre: et que comme cette fonction était la plus
propre au Pontife, la plus parfaite de toutes, et celle qui
consommait le sacrifice, parce qu'il y entrait avec le
sang de la victime pour l'offrir à Dieu; l'entrée de J.-C.
dans le vrai sanctuaire a été aussi la perfection et la
consommation de son sacrifice. Or ce sanctuaire, dans
lequel J.-C. est entré, n'est autre que le sein de son
Père, qui souvent est exprimé par le nom de ciel, ou
de choses célestes, parce que c'est dans le ciel que ces
mystères se découvrent, et parce que cette manière de
parler est plus à la portée du commun des hommes.
Jésus-Christ n'est donc point-entré dit S. Paul, dans
le sanctuaire fait de main de d'homme, qui n'était que
la figure du véritable mais il est entré dans le ciel
même, et jusqu'au sanctuaire qui est au delà du voile
usque ad interiora velaminis ayant été établi Pontife
éternel selon l'ordre de Melchisédech.(Heb*. 9. 2h et 6. 19.
Mais pour arriver à ce Saint des Saints, ce Pontife
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 121
6
des biens futurs a passé par un tabernacle plus grand et
plus excellent que celui de Moïse, par un tabernacle
qui n'a point été fait de main d'homme, c'est à dire qui
n'a point été formé par la voie commune et ordinaire
et il y est entré non avec le sang des boucs et des veaux,
mais avec son propre sang. (Heb. 9. 11).
S. Paul fait ici l'application de ce qu'il avait dit au
commencement du même chapitre, où il distingue deux
parties différentes de l'ancien tabernacle, ou du temple;
dont l'une, où entraient tous les jours les Prêtres, s'ap-
pelait le Saint; et l'autre, qui était après le second voile,
et dans laquelle le Grand Prêtre seul entrait une seule
fois l'année, se nommait le Saint des Saints. Or, comme
cette seconde partie, à laquelle on allait par la première,
était bien plus sainte que l'autre, il faut aussi, pour faire
l'application juste, que le Saint des Saints dans lequel
J.-C. est entré, soit plus auguste et plus saint que le ta-
bernacle, par lequel il y est entré, selon ces paroles
« Mais Jésus-Christ étant le Pontife des biens à venir. »
(Hebr. 9. 11.)
Si ce tabernacle, par lequel notre divin Pontife est
entré, est le ciel, comme plusieurs l'expliquent, et entre
autres les deux Gloses, Liranus, les deux commentaires
attribués à S. Ambroise et à 1;. Anselme. etc., que di-
rons-nous qu'est le Saint des Saints dans lequel-il est
entré une seule fois, sinon le sein de son Père qui sans
doute est plus saint, plus secret et plus auguste que le
ciel Que si nous entendons par ce tabernacle le corps
de .1-C. commme l'entendent d'autres Pères et d'autres'
interprètes, que trouverons-nous qui soit plus saint et
plus auguste, et qui mérite d'être appelé le Saint des
Saints à l'égard du corps de J.-C., que le sein même de
son Père, qui est la source de toute la sainteté, et où la
122 IDÉE DU SACERDOCE
vraie Arche de l'alliance est cachée: de même que l'ar-
che qui la figurait était cachée dans le sanctuaire, qui
était au delà du second voile, selon la juste remarque de
S. Paul en cet endroit? Car, encore un coup, le taber-
nacle par où entre ce Prêtre, et le sang avec lequel il
entre dans le sanctuaire, doivent être moins saints que
le sanctuaire même et cependant il n'y a que te sein de
Dieu qui soit plus saint que le corps et le sang de J.-C.
Ceci me donne occasion de remarquer en passant. une
différence qu'il y a entre le sein de Dieu et le corps de
J.-C., qui sont tous deux appelés le temple de Dieu
sous divers rapports. Car Dien n'a eu qu'un tabernacle,
dans lequel était son arche durant le voyage des Israéli-
tes dans le désert, et pendant même que David a été
dans les fatigues des combats. Mais après que le peuple
de Dieu fut entré en possession de la terre promise, et
qu'il eut joui du repos, Dieu voulut alors avoir un tentple
dans lequel son Arche fût placée pour n'être plus trans-
portée, comme dans le voyage du désert, d'un tien à un
autre. Ce tabernacle ancien était la figure de l'Église de
la terre, qui est dans le voyage et dans le combat a car,
comme dit S. Augustin (in Ps. 16), les tentes et les
tabernacles ne sont que pour ceux qui sont en voyage,
qui vont à la guerre et qui ont des ennemis àt combat-
tre. » Le Temple, au contraire, représente l'Église tri-
omphante et l'état du ciel, ou elle jouit du fruit de la
victoire et d'un parfait repos.
Mais on peut dire aussi que le corps de J.-C., pendant
qu'il était sur la terre voyageur et combattant était
comme le tabernacle où était t'arche de l'alliance parce
qu'it n'avait pas encore remporté la victoire et n'était
pas entré dans sa gloire et dans son repos. Maintenant
qu'il n'est plus voyageur et qu'il est entré dans son re-
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 123
6.
pos parfait, son temple est le sein de son Père le
propre séjour des enfants de Dieu, le lieu du repos, et,
pour ainsi dire la vraie terre promise destinée à J.-C.
et à ses membres.
Mais, après avoir écouté S. Jean et S. Paul sur cette
vérité, écoutons J.-C. et voyons si nous ne pourrons
point apprendre de sa bouche quel doit être le temple
où il offrira éternellement son sacrifice. Il me semble
qu'il nous donne quelque lumière pour cela dans ce qui
est rapporté par S. Matthieu 23. 16. « Malheur à vous,
dil-il conducteurs aveugles qui dites Si un homme
jure par le temple cela n'est rien mais s'il jure par
l'or du temple, il est obligé à son serment. Insensés et
aveugles que vous êtes lequel est plus grand et plus
considérable, ou l'or ou le temple qui sanctifie l'or ? »
Jésus-Christ donc traite les Scribes et les Pharisiens de
fous et d'insensés. Et pourquoi çela parce qu'ils ne
comprenaient pas que le temple est quelque chose de
plus grand et de plus saint que ce qui est offert dans le
temple que c'est le temple qui sanctifie les dons qu'on
y fait à Dieu et que c'est du temple que les offrandes
reçoivent leur dignité et leur sainteté Stulti et cœci
quirl enim majus est, aurtim, an templum quod sanctificat
aurum ?
Nous apprenons donc de ces paroles de J.-C. une règle
importante et une maxime fondamentale dans la science
du sacrifice que, dans le sacrifice le temple est plus
saint que les dons les offrandes et les victimes qu'on y
offre et que ce ne sont pas les oblations qui sanctifient
le temple, mais le temple qui saactifie les oblations.
Or peut-on dire que le ciel soit plus digne, et plus
saint que la victime du sacrifice de J.-C. qui est J.-C.
même ? Et peut-on s'imaginer quelque chose de créé
124 IDEE DU SACERDOCH
qui approche de sa dignité et de sa sainteté infinies On
peut au contraire dire de lui assurément, en le com-
parant avec les temples créés. Templo major est hic. Il
est plus grand, plus digne et plus suint que le temple
de Salomou et que la terre et que le ciel, quelque re-
nouvellement qui leur arrive à la fin des siècles. Il n'y
a que le sein de Dieu le Père qui soit un temple digne
de lui, comme étant plus saint que l'humanitéde son
Fils qui lui est offerte et comme étant la source et le
principe de toute sainteté Templum quod sanctificat do-
num. C'est véritablement ce temple qui sanctifie sa
victime, quem Pater sanctificavit et misit in mundum.
(Joan. 10. 36.) C'est ce temple qui la rend digne de lui, et
qui la fait elle-même une source de sanctification pour
ses membres, afin de les faire devenir eux-mêmes la
victime de Dieu comme parties de son corps.
Enfin là où est le véritable autel de notre religion
l'autel sur lequel doit être offert le grand sacrifice de
J.-C., là est sans doute le véritable templc car c'est
dans le temple que fautel est placé. Or l'autel vérita-
ble de notre graud Sacrifice, c'est J.-C. comme nous
le prouverons plus bas; donc, comme la demeure
propre et la résidence naturelle de J.-C. est le sein du
Père on ne peut douter que ce sein adorable ne soit
le véritable temple de notre religion considérée dans
cette perfection dernière et achevée qu'elle doit avoir
dans l'éternité bienheureuse, après la consommation
des siècles.
Il ne faut pas s'imaginer, quand on parle du sein du
Père rien de semblable à ce que nous voyons dans les
hommes. Il est vrai que Dieu est Père et qu'il a un Eils
et nous ne devons pas hésiter non plus à dire qu'il a un
sein puisqu'il dit lui-même à son Fils dans les Psaumes
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. III. PART. 125
(Ps. 109. 4.), qu'il l'a engendré dans son sein et que
le disciple bien-aimé nous apprend que le sein du Père
est la résidence du Fils « Le Fils unique qui est dans
le sein du Père.» (Joan- 1. 18.) Mais ce sein n'est rien
de corporel ni de sensible rien qui soil distingue ile
Dieu même ce n'est donc autre chose que le secret et
l'intime du Père, l'abîme infini et impénétrable de sa
substance. C'est ce que nous apprenons de S. Augustin
(in Ps. 103.) Et sinus et uterus pro seerelo positus est quid
est ex utero genui le ? Ex secreto, ex occulta, de meipso,
de substantia mea hoc est ex utero quia generationelli.
ejus quis enarrabit ?
C'est ce qui est appelé ailleurs le secret de la face de
Dieu: « Vous les cacherez dans le secret de votre face »
dit le Psalmiste (Ps. 30.) Quel est ce lieu ? Il n'a pas dit
Vous les cacherez dans le ciel. Il n'a pas dit Vous les
cacherez dans le Paradis il n'a pas dit Vous les ca-
cherez dans le sein d'Abraham. Regardons tout ce quin'est point Dieu comme méprisable et indigne de nous:
Que Dieu, qui nous place et nous met à couvert dans
un lieu durant cette vie, soit lui-même notre lieu aprèscette vie. Nous serons donc cachés dans la face de Dieu.
Mais afin que Dieu soit notre maison soyons-nous
mêmes la maison de Dieu; qu'il habite en nous, et nous
habiterons en lui et si nous le recevons dans notre
cœur pendant le siècle présent il nous recevra dans-
sa face à la fin des siècles. » (Aug. in Ps.)
126 IDÉB DU SACERDOCE
CHAPITRE. V.
Jésus-Christ même est l'autel de son sacrifice dans le ciel
les autels visibles n'en sont que la figure. Première
preuve, tirée du Ps. 42.
Nous avons à montrer maintenantqné le véritable au-
tel du sacrifice du ciel, c'est J.-C. Nous ne pouvons dou-
ter qu'il n'y ait un autre autel que ceux que nous voyons
des yeux de notre corps, et dont nous approchons tous
les jours Est enim quoddam altare. dit S. Augustin
in Ps. 42. Il y a là haut un autel sublime et invisible
dont le pécheur ne peut approcher. Celui-là seul a ac-
cés à cet autel sublime, qui s'approche de celui d'ki-
bas avec la paix d'une bonne conscience. S'il a soin de
s'éprouver lui-méme aux pieds de l'autel dela terre, il
trouvera sa vie dans l'autel du ciel. J'entrerai à l'autel de
Dieu dela montagne sainte de Dieu, de son taberna-
cle, de sa sainte Église, je passerai à l'autel sublime de
Dieu. Oh! quel sacrifice quecelui qui s'offre sur cet autel 1
Celui-là même qui y entre en est la victime et l'holo-
causte. Qu'entend donc le Prophète par cet autel de
Dieu, sinon Dieu même qui comble de joiema jeunesse,
c'est-à-dire, qui renouvette parfaitement tout ce qui res-
te du vieil homme ? Cet autel est donc J.-C. Homme-
Dieu, qui dit dans l'Apocalypse Ecce noaa facio omnia.
Je m'en vais renouveler toutes choses. (Ap. 21. 5.)
Cet autel nous est aussi représenté dans le livre de
l'Apocalypse, 6. 9. où S. Jean témoigne qu'il a vu sous
l'autel les âmes de ceux qui avaient été tués pour la pa-
role de Dieu, et pour la confession de son nom, dans
ET DU SACRICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART.127
laquelle ils avaient demeuré fermes jusqu'à la un. Cet
autel de Dieu, dont parle S. Jean b'est jésus=Christ, dit
Riclcard de S. Victor; parce qde c'est sur lui que nous
offrons au Père les sacrifices de nos cœurs, de nos lan-
guès et dé nos œuvres, quand la foi nous anime et nous
fait agir. Les âmes des Saints ont été vues sous l'autel,
c'est-ü-dire sous J.-C. comme les membres sous leur
chef, comme s'humiliant sous la main toute-puissante
de sa grâce, à laquelle ils reconnaissent qu'ils doivent
leur victoire, et comme attendant de lui le dernier effet
de l'adoption divine, la rédemption et la résurrection de
leurs corps, en quoi consiste la justice qu'ils demandent
à Dieu en criant à haute voix, c'est-à-dire en soupirant
par un désir ardent après le règne parfait de J.-C., et
en demandant par le zèle de !a justice de Dieu, qui est
le cd de l'âme, que le péché soit entièrement détruit, et
que le règne de l'enfer et du prince des ténèbres soit
pour jamais anéanti. C'est de J.-C. qu'entendent aussi
te passage les divers commentaires attribués à S. Am-
broise et Hainlon d'Alberstat, la Dlbse Ordinaire et
l'intertinéaire, etc.
C'est encore J.-C. même qui est cet autel d'or, dont il
est parte dans l'Apocalypse 8. 3 et 4. « Un Ange, qui
n'était pas du nombre des sept qui assistent devant Dieu,
parut à S. Jean, et se tint devant l'autel ayant un en-
censoir d'or, et on lui donna une grande quantité de
parfums, afin qu'il en accompagnât les prières de tous
les Sàiàts, en les offrant sur l'autel d'or, qui est devant
te trône de Dieu. Et la fumée dés parfums, jointe aux
prièrés des Saints, s'élr.vanl de la main de l'Ange, mon-
ta devant Dieu. L'Ange prit ensuite l'encensoir et l'em-
plit dd feu de l'autel, et l'ayant jeté sur la terre, il se fit
des bruits dans l'air, des tonnerres et des éclairs etc.
128 IDÉE DU SACERDOCE
Plusieurs des commentateurs, que nous avons nom-
més, disent que c'est J.-C. qui est cet autel d'or élevé
devant le trône de Dieu. André de Césarée, ancien com-
mentateur du livre de l'Apocalypse est du même senti-
ment. « Cet autel, dit-il, c'est J.-C. qui renferme en lui-
même toute la sainteté et toute l'autorité du ministère
divin, et sur lequel toutes les victimes et tous les sacri-
lices des saints sont immolés et offerts à Dieu. »
L'Église même explique ainsi ces paroles dans la cé-
rémonie de l'ordination des sous-diacres, auxquels elle
annonce cette vérité par la bouche de l'Évbque parce
que cet ordre étant le premier qui attache les Clercs à
l'autel, et qui les en fait les ministres, il est juste qu'ils
sachent ce que cet autel ministériel leur représente, et
que c'est J.-C. même qu'ils doivent regarder dans cet
autel visible, quand ils en approchent pour exercer leur
ministère. Voici comme ou leur parle. « Ayant à rece-
voir, mes très-chers enfants, l'office de sous-diacre, faites
une sérieuse attention à l'excellence du ministère qui
vous est confié.. Faites si bien, qu'en accomplissant avec
tout le soin et toute la bienséance nécessaire les fonc-
tions visibles de votre ministère, vous remplissiez aussi
le ministère invisible qu'elles représentent. Car l'autel
de la sainte Église c'est Jésus-Christ même, selon S.
Jean qui, dans son Apocalypse, témoigne avoir vu de-
vant le trône un autel d'or, sur lequel et par lequel les
oblations des fidèles sont consacrées à Dieu. Les nap-
pes, les parements et les corporaux de cet autel, ce
sontles membres de J.-C., c'est-à-dire les fidèles enfants
de Dieu, dont le Seigneur est environné comme de vê-
tements et de parements précieux, suivant cette parole
du Psalmiste: Le Seigneur est entré dans son règneil s'est vêtu magnifiquement, etc. (Pont. Rom. Or. Subd)
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRlST. — III. PART. 129
6*
C'est donc sur cet autel que sont mises toutes les priè-
res des Sainls, c'est-à-dire de l'Église, pour être offertes
à Dieu. C'est de cet autel qu'elles doivent monter vers
Dieu et être reçues par lui. C'est de cet autel que le feu
a été pris pour être jeté sur la terre c'est-à-dire que
c'est du Fils de Dieu que le St-Esprit, représenté par le
feu, procède dans l'éternité, et est envoyé dans le
temps sur la terre Spiritum veritatis, quem mittam
vobis a Patre pour y opérer ces effets merveilleux de
la conversion des Gentils au commencement de l'Égli-
se, et de celle des Juifs à la fin des siècies; ce qui est
figuré par ce grand bruit ces éclairs et ces tonnerres
dont parle S. Jean.
Nous expliquons encore de J.-C. cet autel d'or, des
quatre coins duquel S. Jean entendit sortir une voix
J'entendis une voix qui sortait des quatre coins de l’au-
tel d'or qui est devant Dieu, (Ap. 9. 13.) Ce fut cette voix
qui commanda à l'Ange de délier ceux qui doivent faire
mourir la troisième partie des hommes. Et rien n'est
plus naturel que d'entendre cela de la parole terrible
qui sortira de la bouche du Fils de Dieu dans les der-
niers temps pour exterminer les impies de dessus la
terre; pour condamner enfin les réprouvés, et pour
reléguer les démons dans les enfers comme dans une
prison d'où ils ne sortiront jamais.
1 3o IDÉE DU SACERDOCE
CHAPITRE VÎ.
Preuves tirées du canon de la Messe et de l'Évangile, pbur
confirmer cette véritë, que J.-C. est le vnai Autel.
Le canon de la messe, dont il n'y a pas une parole qui
ne mérite d'être pesée au poids du sanctuaire, se doit
aussi sans doute entendre de Jésus-Christ, quand' il
pa-rle.d'un autel sublime, qui est devant l'a majesté de
Dieu, et sur lequel l'Église, par la bouche du prêtre
demande que le sacrifice soit porté par les mains du
saint Ange de Dieu, de l'autel ministériel, sur lequel
elle offre les saints mystères.
Selon quelques-uns, c’est J.-C. qui est cet Angede Dieu,
l'ange du grand conseil, l'ange dé la paix et de la récon-
ciliation des pécheurs, l’ange, du testament-, le média-
teur 4o l'alliance éternelle entre Dieu et les hommes.
C’est lui, par conséquent qui, comme le Prêtre du Très-
Haut, doit présenter à Dieu tous lès sacrifices et tous
les devoirs des hommes, et apporter aux hommes les
dons et les miséricordes de Dieu. C'est le ministre éter-
nei qui entretient ainsi le divin commercede la religion
qui se fait par le moyen du sacrifice dans lequel les
hommes offrent à Dieu une hostie digne de lui, et reçoi-vent aussi par la communion à cette hostie toutes les
bénédictions du ciel comme porte cette partie du ca-
non que nous expliquerons dans le discours suivant.
Il suffit maintenant d'en rapporter les paroles. « Nous
vous supplions très-humblement, ô Dieu tout-puissant,de commander que ce sacrifice soit porté par les mains
de votre saint Ange jusqu'à votre autel sublime et élevé
devant votre divine majesté.
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 131 É
Que si, selon d'autres c'est vraiment d'ua' ange qu'ilest parlé dans cet endroit du canon de l'ange da saori-
fice, c’est toujours J.-C. qu’il représente c'est en son
nom et en son autorité qu'il s’acquitte de cette fonction
si sainte dans le sacrifice.
On ne s'étonnera pas que J.-C. soit appelé tantôt la
prêtre, et tantôt la victime quelquefois le temple et
d’autres fois l'autel et qu’en cet endroit lui-même soit
appelé et l'autel sur lequel le sacrifice est présenté à
Dieu, et l’ange qui porte la victime sur cet autel. Car
uous avons déjà fait voir comment J.-C., selon les natu-
res et les substances différentes dont il est composé,
porte ces différentes qualités. C'est par son esprit qu'il
est prêtre, et par son corps qu'H est victime; comme il
est l'autel à raison de sa personne ou de sa subsistance
divine, en tant que la nature humaine lui- est unie et
que cette nature ne subsiste que dans la personne du
Verbe.
Celte vérité est fondée sur le raisonnement du Fils de
Dieu même, dont nous avons ci-devant rapporté une
partie pour montrer qué le seiu de Diett est le vérita-
ble temple du sacrifice du ciel. t Malheur à vous, dit-il
aux Scribes et aux Pharisiens, conducteurs aveugles,
qui dites Si un homme jure par l'autel, cela n’est rioo;
mais s'il jure par le don qui-est sur l’autel, il- est obligé
à son serment. Aveugles que vous êtes Quelle chose
est plus grande et plus sainte, le don ou l'autel qui
sanctifie le don ? » Voilà un principe certain, dont il
faut être instruit, pour bien entendre le sacrifice. Que
l’autel du sacrifice doit être plus saint et plus estimable
que la victime ou les dons qui sont offerts sur cet autel.
Et la raison de cela est que la victime emprunte sa sain-
teté de l’autel, et que c'est l'autel qui sanctifie le don,
132 IDÉE DU SACERDOCE r
et non pas le don qui sanctifie l'autel. Il faut que le prin-
cipe soit bien constant puisque Notre-Seigueur traite
les Scribes et les Pharisiens d'aveugles et d'insensés
parce qu'ils ne le comprenaient pas, et qu'ils agissaient
contre ce principe pour établir leurs mauvaises doc-
trines.
Saint Augustin, expliquant ce passage dans le 1" liv.
des Questions Évangéliques, quest. 34, l'applique ex-
pressément à J.-C. en qui et par qui nous offrons le
sacrifice de la louange divine et de la prière: Inlelligen-
dum teniplum et altare ipsum Christum aurum et donum,
laudes et sacrificia precum quœ in eo per eum offerimus.
Non enim ille per hœc, sed isla per illum sanctificantur.
C'est J.-C. même, dit ce S. Docteur qui est le temple
et l'autel pour ce qui est de l'or et des dons offerts ce
sont les louanges et les sacrifices des prières. Car J.-C.
n'est point sanctifié par ces choses, mais au contraire
c'est par Jésus-Christ que ces choses sont sanctifiées.
Or comme ce Saint Docteur en considérant les sacrifi-
ces des louanges, des prières et des bonnes œuvres,
que nous offrous à Dieu en J.-C. et par J.-C. dit fort
bien que c'est J.-C. qui est l’autel de ces sacrifices, parce
qu'ils reçoivent de lui leur sanctification; en considé-
rant J.-C. même comme la victime de son sacrifice éter-
nel selon la nature créée qu'il s'est unie pour cela il
faut que cette nature aiusi unie à Dieu ait .un autel sur
lequel elle soit offerte et duquel elle tire sa sainteté.
Rien de créé n'est capable de l'être et entre ces cho-
ses divines et incréées, ce ne peut être que l'essence
divine, ou une des trois personnes divines. L'essence
divine sanctifie sans doute l'humanité de J.-C. mais ce
n'est pas immédiatement, vu qu'elle ne lui est pas im-
médiatement unie, mais c'est par le Verbe. Et puis cette
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 133
sainteté est tellement propre au Verbe cl à son huma-
nité sainte qu'elle est aussi commune aux deux autres
personnes. Ce n'est pas non plus la personne du Père
ni celle du Saint-Esprit qui sanctifient, au moins per-
sonnellement, l'humanité de J.-C. car elle ne leur est
pas unie non plus en unité de personne. Ce ne peut donc
être que-la personne ou la subsistance du Verbe, à la-
quelle cette humanité est unie de telle manière qu'elle
fait avec le Verbe une même personne immédiatement,
sur laquelle elle est, pour ainsi dire, eutée et imposée
comme sur un autel sacré, duquel elle tire sa sainteté,
sou excellence et tout ce qui la distingue de la nature
des autres hommes. Car la personne du Verbe est la
sainteté de la nature humaine en J.-C. et c'est par elle
que cette victime devient agréable à Dieu, qu'elle est
l'unique objet des délices et des complaisances du Père,
et en un mot, qu'elle est le véritable Agneau de Dieu, et
la victime seule digue de lui être sacrifiée.
CHAPITRE VII.
Conséquences de la vérité précédente.
La personne ou la subsistance du Verbe, ou J.-C., à
raison de sa subsistance divine, est donc le véritable au-
tel du grand sacrifice. C'est sur cet autel que la victime,
c'est-à-dire l'humanité, est imposée par le mystère de
l'Incarnation, nou par une simple présence ou union
extérieure, mais par une union si intime et si étroite,
que cette nature créée n'a ni base, ni soutien, ni subsis-
tance que le Verbe.
C'est sur cet autel que toutes les parties du sacrifice
134 IDÉE DU SACERDOCE
se sont accomplies, et que ce qui en a paru au dehors
et à l'extérieur a été accompli ert esprit et en vérité,
comme le doit être ce qui regarde le sacrifice de la nou-
velle loi.
C'est par cet autel, comme nous l'avons déjà dit, que
la victime a été sanctifiée et séparée, non-seulement lie
tout ce qu'il y a de profane, mais de ce qu'il y a de plus
saint sur la terre et dans le ciel entre les créatures.
C'est sur cet autel que cette victime fut offerte dès le
premier moment de sa vie dans le Verbe, c'est-à-dire
dès le moment de l'Iucarnation, où elle se présenta
pour être substituée aux victimes anciennes et c'est en
considération de cet autel que le Père l'a acceptée pour
sa victime, et l'a reçue pour la sanctification des péchés
du monde.
C'est sur cet autel que cette victime a été immolée, et
la croix qui la portée en sa mort n'a mérité le nom d'au-
tel, que parce qu'elle représentait cet autel invisible,dou! cette victime sacrée n'a jamais été séparée, pas
même lorsqu'elle a perdu la vie et qu'elle a été détachée
de la croix mais elle y demeurera éternellement unie
pour y être toujours exposée aux yeux de la majesté
souveraine de Dieu.
C'est sur cet autel que la victime a été consommée,
et qu'elle a été sanctifiée dans la résurrection et nous
n'eu voyons point même d'extérieur, sur lequel J.-C.
ait accompli cette dernière partie de son sacrifice, qui
en est en même temps la perfection et l'accomplisse-
ment.
C'est sur cet. autel que.le sang de la victime a été por-
té dans le sanctuaire invisible par celui qui en est aussi
le grand-Prêtre, lorsqu'il est retourné à son Père, et
qu'il est rentré pour ainsi dire, dans son sein.
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. 11I. PART. 135
Cestenfm sur cet autel que cette victime parfaite et ac-
complie par l’union de tous ses membres, sera présentée
éternellement à Dieu, qu'elle l'adorera, lui rendra l'a-
mour, les louanges elles actions de grâces qui.lui sont
dues, et continuera sans cesse ce sacrifice, dans lequel
consiste la joie et la félicité éternelle des Saints.
Ce sera alors que c;ft autel sera en état d'être mesuré,
selon ce qui est marqué au chapitre 11 de l’Apocalypse,
v.1. On me donna, dit S. Jean, une canne sembluble
à une verge, et il me fut dit: Allez-vous-en mesurer le
Temple de Dieu, et l'Autel, et ceux qui adorent dans
l'Autel. » On ne mesure une chose que quand elle est
dans sa perfection et qu'elle a toutes ses dimensions
c'est alors qu'on la peut estimer, etqu'on peut juger de
sa valeur etde.son prix. Quand tous ceux qui doivent en-
trer dans le sein de Dieu, comme dans lc temple éternel,
et qui doivent adorer et sacrifier éternellement dans cet
autel sublime, qui est J.-C., y auront été reçus, c'est-
à-dire, quand, à la fin des siècles, le nombre des Élus
sera parfait et sera consommmé en Dieu, alors les mys-
tères du ciel seront dans leur perfection, elles Saints
en connaîtront le prix et la valeur car maintenant nous
ne connaissons que très-imparfaitement ce que nous se-
rons dans t'éternités «Noua sommes déjà enfants do
Dieu; maisce que nous serons un jour" ne paraît pas
encore. » (Joan. 1. HP. 3. 2 )
S. Jean à qui les mystères du ciel ont été découverte
dès cette vie, à cause de l'excellence de sa pureté et de
son ardente charité, a eu aussi le privilége de mesurer
ce temple, cet autel et tous ceux. qui adorent en cet
autel Saye et metire templum et altare et adorantes in
en. « Allez et mesurez le temple de Dieu, et l’autel et ceux
qui adorent dans cet autel mais. laissez le parvis, qui
136 IDÉE DU SACERDOCE
est hors du temple et ne le mesurez point, parce qu'il
a été abandonné aux Gentils, et ils fouleront aux pieds
la ville sainte. »
Jésus-Christ est donc cet autel qui mérite seul d'être
mesuré, parce qu'il ne manque rien ni sa sainteté
ni à sa charité qui a toutes les dimensions possibles
et quand Dieu, scion les richesses de sa gloire, nous
aura perfectionnés par son Saint-Esprit, selon l'homme
intérieur; quand J.-C. habitera parfaitement dans nos
cœurs, et nous dans lui, et que nous serons enracinés
et fondés pour l'éternité dans la charité alors nous
pourrons comprendre avec S. Jean et avec tous les
Saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur
et la profondeur de cet autel parce que nous connai-
trons la charité de J.-C. qui surpasse toute connaissan-
ce, et que nous serons nous-mêmes remplis de charité
et de Dieu même selon toute la plénitude qui nous est
destinée par sa bonté.
C’est par l'union de la chair avec la Divinité dans la
personne du Verbe, d'où résulte te divin composé de
l’Homme-Dieu, que cet autel, c'est-à-dire le Verbe,
sanctifie la victime de son propre corps; et c'est par notre
union avec cette victime et cet autel que nous sacrifions
dans cet autel, adorantes in eo, comme nous venons de
le voir dans l'Apocalypse. Car c'est le seul autel dans
lequel on sacrifie. On adore auprès des autres autels, on
sacrifie sur les autres autels; les Saints mêmes attendent
sous les autels où leurs sacrées dépouilles sont en dé-
pôt, le temps du sacrifice parfait; mais pour adorer
dignement Dieu et lui faire un sacrifice qui. soit digne
de lui, il faut être dans cet autel; la eo. Il faut être en
J.-C. dans l'unité de son corps et il n'y a que ceux
qui y sont, qui y adorent et qui y sacrifient dont les
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART.137
adorations et les sacrifices méritent d'être comptés et
mesurés parce qu'il n'y a que ceux-là qui soient offerts
en esprit et en vérité, et qui honorent Dieu.
L'autel adorable dont nous parlons, est le seul autel
qui soit dans le véritable temple, c'est-à-dire dans ce
sein de Dieu, et qui n'ait point été exposé à la profa-
nation des pécheurs, conformément à ce texte de l'Apo-
calypse. Tous les autels figuratifs qui étaient dans le
temple de Salomon et la croix même qui est l’autel
extérieur du véritable sacrifice, ont été abandonnés à
la profanation des Gentils et des sacriléges. La per-
sonne du Verbe non plus que sa divinité n'a point
été, et n'a pu être foulée aux pieds des Juifs et des
Romains, pendant même que son humanité sainte a été
non-seulement foulée aux pieds, mais percée de clous
et abandonnée à la souffrance et à la mort.
Enfin c'est de cet autel que les autels figuratifs tiraient
tout ce qu'ils avaient de sainteté et c'était par rapport
à cet autel invisible et éternel qu'ils méritaient quelque
vénération, et qu'ils sanctifiaient, d'une sainteté légale
et extérieure les victimes qui y étaient sacrifiées à
Dieu. Car, sans ce rapport on ne peut pas concevoir
comment est vrai ce que dit Notre Seigneur Que l'au-
tel du temple figuratif fût plus considérable que le do i
qu'on y offrait, et que ce fût par l'autel que les victimes,
qui y étaient sacrifiées, recevaient leur sanctification.
Mais on le comprend bien, quand ou suppose que ces
autels avaient deux sortes d'être l'un naturel selon la
matière dont ils étaient composés et l'autre figuratif oir
sacrificial par rapport à la personne du Verbe, cet au.
tel sublime et divin qu'ils figuraient. Il est vrai qu'en
considérant leur être propre et leur matière, les victi-
mes et les dons qu'on y offrait étaient d'une nature plus
138 IDÉE DU SACERDOCE
excellente et plus noble que l'autel; car il n'était que
de pierres, au lieu que les victimes étaient vivantes et
animées. Mais en considérant leur ètre spirituel leur
dignité figurative el le rapport qu'ils avaient par l'ordre
de Dieu à l'autel véritabté, spiriluel et éternel, ils
étaient plus excellents et plus saints, d'une sainteté
légale que les victimes parce que les victimes ne re-
présentaient que l'humanité de J.-C. qui est sanctifiée
même par le Verbe au lieu que l’autel représentait le
Verbe qui est la subsistance de l’humanité, qu’elle sou-
tient, accomplit, perfectionne et sanctifie d'tme maniè-
re admirable, pour la rendre une victime vraiment
digne de Dieu.
Il resterait à faire voir comment l'alltel de l’ancienneloi figurait ét représentait la personne ou suhyistancé du
Verbe; mais comme nous n’entreprenons pas ici de faire
une application particulière des figures à la vérité, ce
qui nous mènerait plus loin que nous ne voulons aller
maintenant, et demanderait un ouvrage exprès, nous
nous contenterons de toucher en peu de mots quelques-unes des convenances et des rapports qui s'y trouvent.
L’autel était de pierres f et en cela il représentait le Ver-
be incarné, qui était, selon S. Paul, figuré par là pierred'où il sortit de l'eau dans lo désert et il est app-elé aH-
leurs la pierre angulaire.
La duteté de la pierre représente l'éternité et l’immu-
tabilité du Verbe.
La figure carrée de l’autel, la fermeté et la stabilité
du Fils de Dieu.
Les quatre éérnes de faute) marquaient que te Verbe
incarné est la puissance et la vertu du Père, la force des
chrétiens et le refuge des pécheurs.
L’onction de l'autel représentait la sainteté et la divi-
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. III. PART. I39
nité du Verbe. Car on n'oint que les personnes qui re-
présentent Dieu, ou qui tiennent sa place, ou que les
choses destinées à quelque usage de sainteté.
Il fallait que le fer n'eût point touché les pierres dont
l'autel était composé; pour représenter t'impassibilité
du Verbe, qui n'a pu être percé, ni touché par les clous,
les épines ou les fouets qui ont déchiré son corps en sa
Passion.
Elles ne devaient point être polies: pour montrer que
le Verbe n'a reçu aucun ornement ai aucun avantage
de ses créatures non pas même de l'humanité qui lui
était unie.
L'imposition de la chair morte des victimes sur
l'autel, auquel elles étaient unies par ce moyen, mar-
quait l'Incarnation du Verbe, qui s'est uni à notre chair
passible et mortelle, et sur lequel, pour ainsi dire notre
chair a été imposée, non par une union seulement
extérieure mais par une union intime, substantielle et
personnelle.
CHAPITREVIII.
Oùl'onfait voirquele Saint-Esprit estlefeu du sacrificecdeJésus-Christ, en quelqueétat qu'onle considère.
Lefeu quisortait de l'Autel.,où qui-descendaitdu ciel,
figuraitla plénitudede la divinitéqui habitecorporellement en Jésus-Christ, d'où s'est répandu l'éclat de ta
gloire sur son corps, lorsqu'en la résurrection la com-
sommation de la.victime a été accomplie.Lefeumar-
que encorele Saint-Espritdoat il étau oint en toute plé-
nitude, et qu'il a répandudans soncorps mystique. Il
140 IDÉE DU SACERDOCE
nous apprend enfin que, comme le feu sortait de l'autel
pour enflammer la victime et en faire un holocauste
agréable à la majesté divine, c'est du Fils de Dieu que le
Saint-Esprit procède éternellement, et que c'est de la
plénitude du Saint-Esprit, donné sans mesure à J.-C.,
que son Église reçoit ce don du Père, qui se répand par
le Fils au milieu des temps dans les cœurs des fidèles
pour en faire des victimes agréables à Dieu. Le Saint-
Esprit, qui est descendu sur l'Église en forme de feu le
jour de la Pentecôte, est donc le feu sacré dont la victi-
me parfaite, J.-C. avec tons ses membres, doit être éter-
nellement embrasée dans le ciel, et par lequel ce sacri-
fice éternel doit être offert à Dieu dans toute l'éternité.
Ou, pour parler autrement, le sacrifice du ciel est le
sacrifice de la charité consommée, de la justice parfai-
te, de la sainteté achevée, de l'unité divine, de la lou-
ange éternelle, et de la consommation de tous les élrs
en Dieu, qui sont l'ouvrage du Saint-Espriten nous.
En quelque état quel'on considère le sacrifice de J..C.
soit dans le sein de la Vierge, ou sur la croix, dans l'Eu-
charistie ou dans le ciel, c'est toujours le Saint-Esprit
qui consacre et qui consomme ce sacrifice. On peut voir,au commencement de la 4' partie dans l'explication de
ces paroles de la préparation « Aunom du Père, et du
Fils et du Saint-Esprit, e plusieurs passages de l'Écri-
ture sur ce sujet. Je me contenterai de remarquer ici à
l'égard du sacrifice de l'Eucharistie, que les,liturgiesde l'Église grecque et de la latine attribuent toutes au
Saint-Esprit tout le changement qui s'y fait du pain et
iln vin au corps et au sang de J.-C., dans l'oblation quecette victime adorable y fait d'elle même à Dieu par elle.
même, par ses ministres et par toute l'Église* Ce quele Saint-Esprit louche est changé et sanctifié, » dit S.
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. -III. PART. Irj 1
Cyrille, Evêque de Jérusalem, en rapportant la liturgie
de son temps, qui était le 4e siècle. Ne semble-t-il pas
aussi que ce soit par rapport au feu qui descendait quel-
quefois visiblement du ciel sur les sacrifices anciens
que le prêtre prie ainsi dans d'anciennes liturgies lati-
nes « Seigneur, que le Saint-Esprit consolateur, qui,
vous étant coéternel, est aussi le coopérateur de votre
bénédiction, descende sur ces sacrifices, etc ? A quoi
est semblable ce qui se dit dans le Missel romain dans
la secrète du vendredi de l'octave de la Pentecôte.
« Seigneur, que ce feu divin qui, par la descente du
Saint-Esprit, a embraséles cœurs des Disciples de Jésus-
Christ votre fils, consume ces sacrifices offerts devant
votre face
Le Missel de Paris, qui a cette secrète du vendredi,
en a une pour le lundi où l'Église demande que les dons
qui sont sur l'aulel soient consacrés par l'avènement du
Saint-Esprit Munera nosti-a Domine, Sancti Spiritus
sacrentur adventu. « Envoyez, dit celle de mardi, envo-
yez, Seigneur, le Saint-Esprit qui, de ces dons, nous
fasse votre sacrement. » Dans la secrète de la Messe de
la Vierge au temps pascal « Faites, Seigneur, descen-
dre sur ces dons votre S. Esprit que votre Fils unique
promit d'envoyer après qu'il aurait été glorifié, et qu'il
répandit si abondamment sur la St-Vierge et sur l'Église
pendant qu'elles étaient en prière
Il n'est pas difficile de concevoir cette vérité, dans
les principes de S. Augustin, qui nous enseigne si sou-
vent que toute la religion est principalement renfermée
dans la charité: Non coliturDeus,nisi araiando. (Epis. 120),
et que toute la piété, tout le culte chrétien et véritable,'
et par conséquent tout vrai sacrifice, ou au moins tout
ce qui plaît à Dieu dans tout sacrifice, c'est la charité
142 IDÉA DU SACERDOCE
Quid est pietas nisi Dei cultus' Et unde ille colilur, nisi Ca-
ritate ? (Epist. 29).
Les anciens Patriarches ont immolé à Dieu des victi-
mes, et lui ont offert des sacrifices qu'on n'offre point
aujourd'hui mais ces victimes et ces sacrifices n'étaint
que des figures du sacrifice de la charité, qui devait
être offert un jour par l'Église chrétienne, après que
J.-C. l'aurait méritée et qu'il l'aurait répandue dans les
coeurs selon que les Prophètes l'avaient prédit: sacrifice
de la charité qui nous unit à Dieu, et à notre prochain
pour le porter à Dieu. C'est ce que J.-C. voulait nous
faire entendre, quand il disait que ces deux commande-
ments renferment toule laLoi et les Prophètes: c'est-à-dire,
que toutes les choses qui ont été ordonnées de Dieu tou-
chant les sacrifices du Tabernacle ou du Temple, toutes
les cérémonies toutes les observances de la loi ancien-
ne, se rapportent à l'amour de Dieu et du prochain.
Le sacrifice que J.-C. a offert sur la terre à son Père,
et qui est si saint en toutes ses parties, est le sacrifice
de sa charité, et il n'y a que cette charité excessive et
infinie, par laquelle il s'est livré pour nous à Dieu, qui
ait pu réparer le violement de la charité, par lequel
Adam et sa postérité avaient irrité la justice de Dieu.
C'est pourquoi, S. Paul ne fait guère mention de ce sa-
crifice de J.-C., qu'il ne parle en même temps de sa
charité pour nous faire comprendre par là que ce qui
a plu à Dieu daus le sacrifice de son Fils, n'était pas tant
ses jeûnes, ses suceurs, ses travaux, ses prières, ni le
déchirement. de sa chair par les fouets, les clous et les
épines, ni l'effusion de son sang, ni tout ce qui s'est pas-sé au dehors, ni enfin sa mort même, que la charité im-
mense par laquelle il l'a offerte à Dieu en perdant la vie,
répandaut sou sang pour les pécheurs. a Si le sang des
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. 111. PART. 143
boucs et des taureaux, dit cet Apôtre, sanctifie peux
qui ont été fouillés, en leur donnant une pureté exté-
rieure combien plus le sang de Jésus-Christ qui, par le
Saint-Esprit, s'est offert lui-même à Dieu comme une
victime sans tache, purifiera-t-il notre conscience des
œuvres mortes, pour nous faire rendre un vrai cutte au
Dieu vivant (Hebr. 9. 14).
Il dit ailleurs, (Gai. 2. 10), < Je vis en la foi du Fils de
Dieu, qui m'a aimé, et s'est livré lui même à la mort pour
moi, » Il répète la même vérité plus généralement et en
des termes de sacrifice en parlant à l'Église d'Ephèse:u Jésus-Christ nous a aimés, et s'est livré lui-même pour
nous en s'offrant à Dieu, comme une oblation et une
victime d'agréable odeur » (Ephèse, 5. 2.); et au verset 25:
« Maris, aimez vos femmes, comme Jésus-Christ a aimé
l'Église et s'est livré lui-même à la mort pourctle.
Comme il ne fait que continuer eelte même oblation
dans le sacrifice de la Messe, c'est aussi par le Saint-
Esprit et par sa charité qu'il le fait; et c'est ce même
Esprit sanctiilcateur que le Prêtre invoque sur le pain et
le vin qui servent de matière au sacrifice Veni Sanc-
tificator et benedic koc sacrificium tuo sancto nomini prœpa-ralum: afin de participer à cet Esprit de sacrifice, et
d'offrir et de sacrifier Jésus-Christ par le même Esprit
par lequel il s'est offert et sacrifié à son Père.
144 IDÉB DU SACERDOCE
CHAPITRE IX.
C'est par la charité que tout ce que fait le chrétien est un
vrai sacrifice soit sur la terre soit au ciel où la charité
parfaite fait la perfection et la consommation du
Christ entier.
C'est ce même Esprit qui fait que tout ce que les chré-
tiens font sur la terre pour s'unir à Dieu d'une union
sainte, et qu'ils rapportent à ce souverain Bien, qui seul
nous peut rendre vraiment heureux, est aussi un vrai
sacrifice. L'homme même consacré et dévoué à Dieu est
un sacrifice, en tant qu'il meurt au monde pour ne vi-
vre que pour Dieu. (Aug. de Civ. Dei. L. 10.c. 6.)
Notre corps est un sacrifice lorsque nous le mortifions
pat la tempérance, et que nous le consacrons à Dieu
pour lui servir d'instrument de vertu et de justice « Je
vous conjure, dit l'Apôtre, (Rom. 12. 1.,) par la miséri-
corde de Dieu, de faire que vos corps soient comme une
hostie vivante, et agréable à ses yeux, afin de lui en
faire un sacrifice raisonnable et spirituel. » Si donc le
cerps qui n'est que le serviteur et l'instrument de
l'âme, est un sacrifice, lorsqu'elle rapporte à Dieu l'u-
sage qu'elle en fait, combien plus l'ame même en est-elle
un, lorsqu'elle s'offre à Dieu, afiu qu'embrasée du feu de
son amour, elle se dépouille de toute concupiscence du
siècle, et soit comme renouvelée par la soumission
qu'elle a à l'égard de cet Etre immuable.
Que si l'usage que l'âme fait de toutes les choses du
monde, de son propre corps et d'elle-même pour Dieu,
est un sacrifice, L'exercice des vertus, morales ou théo-
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. ni. PART. 145
7
logales, de la Foi, de l'Espérance, de la Justice, de la
Tempérance, et de la Miséricorde, en est aussi un, quand
il est rapporté au souverain Etre. Car la miséricorde
même, dit S. Augustin que l'on exercé envers le pro-
chain, n'est pas un sacrifiçe, si on ne l'exerce pas en vue
de Dieu. Or, on ne peut rien faire pour Dieu, ni rien
rapporter à Dieu, ni pratiquer de véritables vertus, que
par la charité. « La vertu même, selon S. Augustin, n'est
autre chose que l'amour de Dieu, et toutes les différentes
vertus, que nous distinguons ordinairement, ne sont que
de divers mouvements et de différentes impressions de
cet amour dominant dans le cœur: amour non des cho-
ses créées, mais de Dieu seul, c'est-à-dire, du souverain
bien, de la souveraine sagesse et de la souveraine paix:
Nihil omnino esse virtutem alfirmaverim, nisi summum amo-
rem Doi ». etc (Rug. de Mor. Ecc. cath. c. 15.) II est donc
vrai de dire du sacrifice des vertus chrétiennes, ce que
saint Augustin dit de tout sacrifice visibie qu'il est un
sacrement, c'est-à-dire un signe sacré du sacrifice in-
visible, et que ce sacrifice invisible est celui de la charité.
Mais dans le ciel, où il n'y a plus de voiles la vérité
y étant présente à l'esprit toute nue et à découvert; où il
n'y a plus de signes, parce que le coeur de l'homme n'y
parle plus qu'à Dieu, qui en pénètre le fond où le chré-
tien n'est plus dans la nécessité d'emprunter ni des paro-
les, ni des figures, ni des sacrements extérieurs pour
rendre témoignage de sa soumission, de sa dépendance,
de son amour pour Dieu, pour attester qu'il le recon-
naît comme le principe et la fin de tout l'être créé, ni
pour rendre hommage à sa souveraineté, à sa toute puis-
sance, à sa sainteté infinies dans cette Église, dis-je, des
justes parfaits, comme parle S. Paul, la charité seule
adore Dieu, la charité seule toute simple et toute nue
x 46 IDÉE DU SACERDOCE
loue Dieu, la charité seule sacrifie à Dieu, la charité.
seule fait toute la Religion et tout le culte de Dieu.
Jésus-Christ, avec qui tous les Élus, qui sont ses mem-
bres, ne seront qu'un cœur et qu'une àme, bien plus
véritablement etplus réellement, sans comparaison, que
,cela n'est dit des premiers chrétiens, sera avec eux l'ho-
locauste éternel, que le Saint-Esprit, comme un feu divin,
embrasera et consommera pour Dieu sans le détruire,
sur l'autel de la personne du Verbe, daas le sein du Père,
Je véritable Temple de Dieu.
C'est cette vérité que S. Augustin nous enseigne lors-
.qu'il dit (Cit. de Dieu l. 10. c. 60 Que toute la cité ra-
chelée, c'est-à-dil'e l'Église et la société des Saints est
le sacrifice universel offert à Dieu par le Grand Prêtre,
.qui s'est aussi offert lui-même pour nous dans sa Passion,
afin que nous fussions les membres dece Chef auguste,
selon la forme d'esclave dont il s'est revêtu. Car c'est sa
nature humaine qu'il a offerte à Dieu, et c'est en elle qu'il
.a été offert, parce que c'est selon elle qu'il est le Mé-
diateur, le Prêtre et le Sacrifice. Le sacrifice des chré-
tiens, dit-il plus bas, c'est d'être tous ensemble un mê-
me corps en Jésus-Christ. C'est ce que l'Église fait si
souvent par le sacrement de l'autel, que les fidèles con-
naissent, où elle apprend qu'elle est offerte cité-même
dans l'ublation qu'elle fait à Dieu. (1b. c. 20.) J.-C. en
est le Prêtre puisque c'est lui même qui offre le sacri-
fice, et qu'il est lui-même le sacrifice qu'il offre. Il a
voulu figurer cela dans le sacrifice que l'Église offre tous
les jours car comme elle est le corps de çe Chef adora-
ble, elle apprend de lui à s'offrir elle même par lui-
même.
C'est la charité qui commence ce sacrifice sur la terre
c'est la charité qui le perfectionne et le consomme dans
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. III. PART.147
7.
le ciel, en perfectionnant le corps de J.-C., en consom-
mant l'union du Chef et des membres, et en les réduisant
tellement à l'unité divine, qu'ils soient un en un sens,
par le Saint-Esprit, qui est la charité substantielle dn
Père et du Fils, comme le Père et le Fils sont un par le
même Saint-Esprit, quoique d'une manière infiniment
plus parfaite. Car c'est sans doute de ce sacrifice que
parlaitJ.-C., quand il faisait cette prière à son Père:
Père saint, conservez en votre nom ceux que vous m'a-
vez donnés, afin qu'ils soient nn comme nous. afin
qu'ils soient un tous ensemble, comme vous, mon Père,
êtes en moi et moi en vous, qu'ils soient de même un
ea nous. Je suis en eux, et vous en moi, afin qu'ils
soient consommés en l'unité. afin qu'ils aient en eux ce
même amour dont vous m'avez aimé, et que je sois moi-
même en eux. » (Joan. i7.) C'est-à-dire, afin que le Saint-
Esprit, qui est cette charité éternelle, dont vous m'a-
vez aimé jusqu'à unir mon humanité au Verbe en unité
de personne, et qui est le principe et le lien qui font un
seul Christ du Fils de Dieu et du Fils de l'homme; que
cette charité, qui est votre Esprit, leur soit donnée dans
la plénitude de la mesure qui leur est destinée, pour être
éternellement unis en moi comme les membres dans
un même corps, unis à moi comme les membres à
leur chef, unis par moi à vous, comme un même esprit
pui adhoeret Deo unis spiritus est et afin que cette cha-
rité, les consommant avec moi dans l'unité, n'en fasse
qu'une victime et un holocauste, qui brûle et se sacri-
fie pour vous dans t'étefuité.
148 IDiE Du SACERDOCE
CHAPITRE X.
Comment toutes les Inartics et conditions du sacrificesde
Jésus-Christ seront perfectionnées dam le ciel et d'abord
de la sanctification de la victime.
Voilà quel sera le sacrifice du ciel c'est-à-dire le
sacrifice de la charité, qui commence dès cette vie sur
la terre, et ne sera parfait et consommé en toutes ses
parties qu'en Dieu qui est charité, dans le temple, sur
l'autel et par le feu éternel, c'est-à-dire dans le Père,
dans le Fils et dans le Saint-Esprit. C'est par cette cha-
rité même que toutes les parties de ce sacrifice, que nous
avons marquées distinctement seront dans leur per-
fection.
Cela est clair de la première qui est la sanctification
de la victime, ou sa séparation de tout ce qui est pro-
fane. Car le Christ entier, c'est-à-dire J.-C et son Égli-
se, le Chef et les membres, sera parfaitement séparé du
monde et de tout usage contraire à la sainteté de Dieu.
Les chrétiens seront délivrés de l'asservissement à la
corruption de leurs corps, sous lequel ils soupirent et
gémissent en eux-mêmes, attendant l'effet de l'adoption
divine, qui sera la rédemption et la délivrance de leurs
corps mêmes, par la destruction entière de la cupidité
et par le règne, parfait de la charité. C'est ce que S.
Paul appelle la liberté glorieuse et triomphante des en-
fants de Dieu et ipsa creatura liberabitur a servitule
corruptionis in libertatem glorioe filiorum Dei.(Rom.8.)
L'Église ne sera plus exposée ni à l'envie des Juifs, ni
à la fureur des Gentils, ni à la rage des Hérétiques, ni aux
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.— III. PART.149
attaques des esprits malins; mais elle jouira d'un repos
parfait et immuable, parce que son Dieu mettra sous ses
pieds tous les ennemis qui la combattent sur la lerre,
et qu'après en avoir triomphé, elle régnera sans con-
tradictiouet sans combat dans une tranquillité profonde
et éternelle. Elle n'aura même plus rien à craindre de la
part de ses propres membres, qui souvent se déchirent
les uns les antres dans son sein, ou qui rompent l'u-
nité du corps, dont ils sont les membres. Car alors il
n'y anra plus dans l'Église que des enfants de paix; il
n'y aura plus d'autre lieu que celui de la charité: et ce
lieu unissant tous les Élus et avec Dieu et entre eux-
mêmes, ils jouiront tous d'une paix admirable, qui sera
le bonheur de la vie éternelle: la paix de la Cité céleste
étant, comme la définit S. Augustin, une union très-
parfaite pour jouirde Dieu, et jouir les uns des autres
en Dieu et pour Dieu. (Aug. Cit. de Dieu, l. 19. c. 13.)
Car c'est cette paix qui fera que les hommes n'use
ront plus des créatures que selon Dieu, et pourDieu,
et que les créatures ne seront plus assujéties à la
vanité, comme elles le sont maintenant, c'est-à-dire,
à un usage vain, criminel, déréglé et contraire à l'ordre
dé Dieu. Les hommes n'useront plus des choses dont
ils doivent jouir, et ne jouiront plus de celles dont ils
ne doivent qu'user. Enfin J.-C., qui souffre encore jusqu'à
la fin des siècles dans ses membres, ne sera plus exposé
à aucune humiliation ni à aucune souffrante, parce qu'il
sera parfaitement retiré et à couvert dans le Temple de
Dieu, c'est-à-dire dans le sein de son Père.
C'est cette unique chose qu'elle demande ici-bas à-
Dieu Urearrtpetii à Domino, hane requiram, ut iuha6item
in DOMO DOMINI per omnes dies vitæ mem ut contempler
deleciationem Domini, et protegar TEMPLO EJUS: quoni-
150IDÉEDUSACERDOCE
am absconditmein TABERNACULOSUO in diemalorummeorumprotexitme INABSCONDITOTABERNACULISUI
(Aug.inPs.62.)Nousavonsà distinguerdansces parolesdu Prophètequatre choses avecS. Augustin le Taber-nacle de Dieu, le secret du Tabernacle de Dieu la Matson de Dieu et le Templede Dieu.
LeTabernacle deDieu, c'est l'Église telle qu'elle estsur la terre durant son pèlerinage et dans le combat;car, comme-nousl'avonsdéjà remarqué après ce saint
Docteur, les tentes et les pavillons sont propres aux
voyageurset auxsoldatsqui combattent: Tabernaculum
peregrinantium,et quodallimodomilitanlium, et adversulhostemPugnantiumest. (Aug.inPi. 6.)L'Égliseest donc,durant cette vie, le tabernacle de Bieu et elle le sera
jusqu'à la fin des siècles alors les persécutions, les
pleur8, les cris, les travaux cesseront, et lamort mé-me sera détruite: « Dieuessuyera toutes les larmes de
leurs yeux, là mort ne sera plus, lespleurs, les cris etles travauxcesseront. » (Ap.21.)
Lesecret du Tabernaclede Dieu, C'est J.-C. mêmeen qui toutela vie, toute la sainteté et tonte la gloirede
l'Égliseest cachée:Vitavestraabscondilaest cumChristoin Deo.
La Maisonde Dieu, c'est le ciel qui'est la demeurééternelle des enfants de Dieu hic tabernaculum ibi
domus,ubisempermanebimus.
Enfinle Temple de Dieu, c'est son sein. Car c'est enDieumêmeque nous verronsDieu. C'est dans son sein,qu'en contemplantson essenceinfinie, nous jouirons detoute sorte de btens; et c'est dans ce templeéternel qnenous serons à Couvertde toute sorte de maux.
Les temples sont regardés avec raison comme deslieuxsacrésqui sont, durant cette vie les sources de
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 151
tous les biens véritables et spirituels, et des asiles in-
violables contre les maux même tempOrels et contre les
insultes des hommes. C'est en cela qu'ils sont les figures
et les images de ce temple immense, éternel et _infini-
ment adorable, dans lequel J.-G. et tous ses membres
seront retiré., pour ne souffrir jamais aucun mat et
pour jouir toujours du souverain bien par la vue de
Dieu: Ut contemplerdelectalionem Domini, et protegar
Temploejus. C'est ainsi que porte la version dont S. Au'
gustin se servait, et dans laquelle nous trouvons avec
lui la preuve de ce que nous venons de dire: e Contem-
plabor ad delectationern, et protegax ad salutem. Quam erit
illa contemplatio perfecta, lam ista perfecta protectio: et
quam illud perfectum gaudiam contemplandi, tam perfecta
etiam incorruptio sanitatis. Rassasiés de la vue de Dieu,
nous serons comblés de joie; cachés dans le sein de
Dieu comme dans un temple, nous serons en sûreté. Au-
tant que la vue de Dieu sera parfaite, autant cet asile
sera inviolable: et autant que cette vue nous donnera de
joie, autant jouirons-nous d'une santé parfaite et inalté-
rable. Dieu, comme notre lumiére se fera voir à nous
et comme notre salut il nous cachera dans sou sein, et
nous mettra à couvert dans son propre Temple, selon
les premières paroles de ce méme psaume: Dominusiliu-
minalio mea cl salus mea quem tinebo? Nous sommes
cachés durant les maux de cetu. oie dans le corps de
Jésus-Christ, et dans J.-C. même, après avoir été séparés
de la masse des pécheurs; et cette miséricorde que nous
recevons dans le Tabernacle et dans le secret du Taber-
nacle, oous est un gage précieux de celle que nous es-
pérons recevoir dans la Maison et dans le Temple mê-
me dç Dieu Qui tantuin pignus dedit pergrinanii, non
deseret pervenientein. Celui qui, durant notre pèlerinage,
152 IDÉE DU SACERDOCE
nous a donné un gage si précieux, n'aura garde de nous
abandonner quand nous serons parvenus jusqu'à lui.
C'est ainsi que la victime de Dieu sera parfaitement sé-
parée de tout usage profane et criminel, quand elle au-
ra été introduite dans son véritable Temple. Et comme
c'est la foi et la charité qui ont commencé cette sépara-tion sur la terre, en nous faisant entrer et demeurer dans
l'Église et dans J.-G c'est aussi la vue et l'amour de
Dieu consommé qui consommera cette séparation.
CHAPITRE XI.
Comment les quatre autres parties du sacrifice de Jésus-
Christ seront perfectionnées dans le ciel.
L'oblation de cette victime sera aussi parfaite et con-
comanée par la charité. Elle a été commencée parJ.-C,
dès le premier moment de sa vie divinement humaine
par ces paroles Me voici je viens, selon qu'il est écrit
de moi à la tête du Livre pourfaire, mon Dieu, votre
volonté. Mon Dieu, je ne veux rien autre, et votre loi
est gravée dans le fond de mon cœur. «(Ps. 39.) Ce n'est
que dans la gloire que s'accomplit pleinement la volon-
té de Dieu, et que sa loi est parfaitement gravée, non-
seulement dans le coeur et dans les entrailles de J.-C.
mais dans tous ses membres. C'est.la charité qui est cette
loi; c'est la charité qui soumet la volonté de i'homme à
la volonté de Dieu c'est la charité qui cherche la sancti-
fication de son nom; c'est la charité qui établit son rè-
gne c'est la charité qui fait sa volonté, et c'est par elle
que les Élus, avec leur Chef, s'offriront éternellement
à Dieu pour être consommés en lui par sa gloire ,Ce quifait la perfection de l'Oblation de cette Victime.
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. III. PART. 153
7*
L'immolation qui se faisait des victimes légales, sur-
tout duns l'holocauste, détruisait les victimes pour Dieu.
L'immolation de J. -C. sur la croix a détruit sa vie hu-
maine et S. Paul nous apprend qu'elle a été détruite
afin que, par ce moyen, le corps du péché fût aussi dé-
truit en nous, notre vieil homme étant crucifié avec lui.
Ce corps du péché n'est autre chose que la cupidité et
la mortalité. L'une et l'autre sera détruite par la victoire
parfaite de la charité; cette destruction doit être com-
mencée dès ici-bas la première avant la mort, par une
charité dominante; l'autre par la mort même. Mais com-
me la charité de cette vie ne consume pas ordinairement
dans l'ame toute la cupidité; aussi la mort ne peut dé-
truire dans le corps tout ce qu'il y a de corruption, puis-
que la corruption même est une suite de la mort. Mais
la plénitude de la charité dans l'âme, et î'effusion de la
gloire dans le corps, y consumeront tout le reste de la
corruption la résurrection le fera dans le corps. Le feu
de la charité souffrante dans le purgatoire, et la charité
consommée et couronnée dans le ciel achèvent de dé-
truire dans l'âme les moindres traces de la cupidité: et
au moins l'instabilité de la charité, qui se trouve en cette
vie dans les plus grands Saints, sera parfaitement dé-
truite par le règne parfait de la charité.
C'est ce feu divin de l'Esprit de Dieu qui consumera cet
holocauste. « Car qu'est-ce qu'un holocauste, dit S. Au-
gustin ? C'est une victime toute consumée mais consu-
mée par le feu divin. Tel est le sacrifice que l'Église se
promet d'offrir dans le ciel, lorsqu'elle dit: Introibo in
domum tuam in holocaustis. Car c'est le corps de J.-C. qui
par)e ici, c'est l'unité du Christ qui dit à Dieu J'entrerai
dans votre maison pour y offrir un holocauste: parce que
tout ce que je suis, dit-elle, sera consumé par votre
154 IDIE DU SACERDOCE
feu, afin qu'il ne me reste rien de moi-même et que tout
soit à vous. C'est ce qui se fera dans la résurrection des
morts, quand ce Corps corruptible sera revêtu de l'incor-
ruptibilité, et que ce corps mortel sera revêtu de l'immor-
talité alors cette parole de l'Écriture sera accomplie
La mort a été absorbée et détruite par une entière roietoire,
C'est la victoire du feu divin qui, quand il détruit et ab-
sorbe notre mort même, fait de nous un holocauste à
Dieu. Alors il ne reste rien de la mortalité dans notre
corps, il ne reste rien du péché dans notre âme. Tout
ce qu'elle a tiré de la vie mortelle sera consumé, afin
qu'eue soit toute consumée elle-même dans la vie im-
mortelle, non en perdant rien de ce qu'elle est, mais en
recevant une nouvelle vie qui pour jamais nous affran-
chira de la mort. Voilà l'holocauste que nous offrirons
en sacrifice dans le ciel. Quid est holocaustum? totam in-
censum, sed igue divino.. etc. (Aug. in. Ps. 65.)
Ce feu divin, qui consumera ainsi le Christ comme un
holocauste, n'est autre chose que la charité répandue
dans les cœurs par le Saint-Esprit: et c'est par cette
même vertu de l'Esprit de Dieu que nos corps mêmes res-
susciteront, et que la mort sera détruite par une parfaite
victime: « Car si l'Esprit qui a ressuscité Jésus d'entre les
morts habite en vous, dit S. Paul (80,8. 11.), celui qui
a ressuscité J.-C. d'entre les morts, donnera aussi la
vie à vos corps moetels par son Esprit qui habite en
vous.»
L'inflammation de la victime n'est presque pas ici
distinguée de sou immolation Ou destruction. Car la des-
truction de la cupidité dans l'âme des enfants d'Adam
nesefait que par la plénitude 4e la chatité et de la gloire;
et c'est ce qui enflamme ia victime et en fait un holo-
causte parfait. Ainsi la perfection de l'une fait là perfec-
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. ——III. PART, t55
tion de l'autre. La plénitude de la gloire et la plénitude de
la charité étant inséparables, la charité consume toute la
Cupidité de l'âme; et la gloire détruira même dans le
corps tous les restes de la mortalité et de la corruption.
Enfin la communion de ce sacrifice est encore parfaite
et aecomplie dans la gloire par la perfection et la Con-
sommation de la charité. Car comme c'est par la Charité
que nous commençons en cette vie à communier à J..C.,
à son corps, à son esprit, à sa sainteté et à sa justice
c'est aussi par la charité consommée que nous commu-
nions parfaitement à Dieu et à J.-C. dans le ciel. C'est là
charité qui nous fait être ici-bas un même Corps avec
J.C-. par la communion Eucharistique, pour être un
même esprit avec Dieu qui adhœrel Deo unus spiritus est;
et la charité parfaite dans le ciel, en cousommant l'u-
nité des membres avec le Chef dans le Christ parfait et
accompli, nous unira aussi parfaitement à Dieu, nous fe-
ra entrer dans son sein, nous consommera dans sou
unité, et le fera habiter dans notre âme d'une manière
incomparablement plus intime, plus sainte et plus par-
faite, qu'elle ne le fait durant cette vie dans les plus
grands Saluts.
Ce sera alors que s'accomplira dans toute sa perfec-
tion cette promesse du Sauveur: « Si quelqu'un m'ai-
me, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous
viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. »
(Jo. 14. 13). C'est alors encore que s'exécutera ce que
J-C. a demaudé pour nous à son Père dans la prière de
son sacrifice Mon Père je désire que là où je suis
ceux que vous m'avez données y soient aussi avec moi
afin qu'ils contemplent ma gloire que vous m'avez don-
née. » (Jo. 17. 24.) C'est dans le sein du Père que le Fils
réside; c'est dans ce sein qu'il possède sa gloire; c'est
156 IDÉE DU SACERDOCE
dans ce sein qu'il la reçoit; c'est dans ce sein qu' il la
communique à ses membres c'est dans ce sein que ces
membres la contemplent; et par conséquent c'est dans ce
sein que le Fils de Dieu désire qu'ils soient avec lui.
Voici comme S. Augustin explique ces paroles Volo
ut, ubiego sum, et ipsi sint mecum. ln Patre cumChrist o eri-
mus. Je désire qu'eux-mêmes soient avec moi où je suis.
Nous serons dans le Père avec J.-C. mais J.-C. y est en
sa manière, et nous y serons en la nôtre. Car si l'on peut
nommer lieu ce qui contient les choses spirituelles et
si une chose trouve son lieu partout où elle est; le lieu
éternel de J.-C. est où son Père a toujours été lui-méme
et le lieu du Père, c'est son propre Fils a Car je suis, dit-
il, dans mon Père, et mon Père est dans moi. » Et il dit
encore dans cette même prière Comme vous, mon Pè-
re, êtes en moi et moi en vous.. Ils sont eux-mêmes
notre lieu, selon ce qu'il dit ensuite afin qu'ils soient
eux-mêmes un en nous. Et nous sommes nous autres
aussi le lieu de Dieu même. etc. (Aag. Tr. 3. surS. Jean).'
Or, que nous soyons dans le sein de Dieu, et que Dieu
soit en nous pour l'éternité, c'est ce qu'on appelle la com-
munion, ici bas à J.-C. quand nous le recevons dans
notre sein et que nous nous nourrissons delui: et Dieu
sera tellement en nous que nous en serons rassasiés
Nam cibus ille cordis est il est la nourriture du coeur.
(A ug, in. Ps. 21).
Car nous ne serons pas sans nourriture ni sans breu-
vage. lors même que nous serons dans Dieu. Dieu mê-
me sera et notre breuvage et notre nourriture mais une
nourriture véritable, solide, éternelle, qui seule rassasie
pleinement le coeur, sans jamais pouvoir ni manquer ni
être consumée Non erimus sine esca et potu. Ipse erit ci-bus noster Deus, et potuinoïter. Solus ille cibus refuit, nec
déficit. (Aug. in Ps. 50.)
ET Dü SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. III. PART.157
C'est de l'essence divine et de la vérité éternelle quenous vivrons éternellemenl Nous la recevrons par la bou-
che de la charité, qui sera alors dans la source même de
la vie et de la lumière. et nous en serons enivrés de l'a-
bondance de notre Dieu et du torrent de sesdélices
Inebriabuntur ab uberlale domus tua et torrent volupla.tis tua potabis eos quoniam apud te esl fons vitœ, et in
lumine tuo videbimus lumen. (Pi. 95.)
CHAPITRE XII.
Du sacrificede la louange éternelle qui naîtra de la plé-nitude de la charité. C'estpai- le sacrificede la pénitencechrétienne qu'on doit se,préparer au sacrificeéternel de
la charité consomméeet de la gloire parfaite, aussi bien
qu'au sacrifice et à la communionde l'autel de la terre.
C'est de la plénitude et du rassasiement de la lumièrede la vérité et de la vie, qui est Dieu même, que naltrala louange que tout le corps de J.-C. avec son Chef, Ple-nai-iumcorpus Domini (Aug. in Ps. 110), rendra éternel-
lement Dieu. Puisque la louange n'est autre chose, se-selon l'excellente définition qu'eu donne S. Augustin,
que le regorgement, pour parler ainsi, dela plénitude etdu rassasiement de Dieu LAUSDominaiest Pructatio
salurit alis illius (dug. inPs. 21.) et comme ce rassasie-
ment ne finira poiut, parce qu'ou ne cessera point d'ai-
mer Dieu, la louange aussi n'aura jamais de fin. « Car
dans ce repos éternel de l'esprit et du corps, qui fait la
félicité des Saints, nous nous reposerons en Dieu et nous
verrons Dieu. Nous le verrons et nous l'aimerons et nous
le louerons. C'est ce qui, à la fin des siècles, sera sans fin.
158 IDÉB DU SACERDOCE
ELcelui que l'on verra sans fin, qu'on aimera sans dé-
goût, qu'on louera sans fatigue, sera lui-même la fin de
tous nos vœux et le comble de tous nos désirs. il sera
tout ce que les hommes peuvent honnêtement désirer;
vie, santé, banquet, richesse, gloire, honneur, paix,
en un mot toutes sortes de biens: afin que, comme dit
l'Apôtre, Dieu soit toutes Chosesen tous. (dug. de Civ. Dei.
cap. ult.)
« Combien grande sera cette félicité, qui ne sera tra-
versée d'aucun mal, et qui ne manquera d'aucun bien
et où l'on n'aura point d'autre occupation que de chanter
les louanges de Dieu, qui sera toutes choses en tous 1
Toutes les parties de notre corps, qui sont maintenant
destinées à certains usages nécessaires à la vie, n'au-
ront point alors d'autre usage que de concourir aux fou-
anges de Dieu: et toute cette harmonie du corps, qui
nous est maintenant cachée, se découvrant alors à nos
yeux avec une infinité d'autres choses admirables, nous
échauffera d'une sainte ardeur pour louer hautement un
si grand ouvrier. Bienheureux Seigneur, ceux qui ha-
biteront dans votre maison car ils vous loueront dans
les siècles des siècles. Ce sera l'unique occupation de
ceux qui n'auront plus rien à faire, le seul ouvrage de
ceux qui jouiront d'un saint loisir, l'action de leur
rcpos, et l'unique soin de ceux qui n'auront aucun soin
In secula ssculorum laudabunt te. Hoc erit otiosorum ne-
gotium, hoc opus vacantium, hœc actio quietorum, hœc
cura securorum. (Jug. in Ps.
Cette louange éternelle et ce cantique nouveau qui
fera toute l'occupation des Salats pendant ce sacrifice
(Aug. in Ps. i46.), qui ne finira point, sera le fruit de la
paix du ciel de l'unité parfaite du corps de J.-C. et de
la société inséparable de toutes ses parties qui seront
ET DU SACRIFICE DE JÉUS-CHRlST. III. PAAT.159
liées ensemble par la charité sans crainte tlue ce lien
puisse jamais être rompu, ni ces membres divisés Ibi
laudabimus omnes unus in uno ad aRum erlmai. (Id. in
Ps. 147.) C'est là que nous le louerons, n'étant plus tous
qu'un seul corps dans un seul J,-C pour Dieu seul.
C'est la charité même qui louera Dieu Caritas laudabit
(Id. ire Ps- 149.) et qui le lonera de tout le cœur des élus,
et de tout ce qu'ils seront à jamais dans leciel, de lotis
nobis. (Id. in Ps. 148.) Cette louange ne sera plus du bout
des lèvres mais du fond de l'âme, parce que nous
aimerons Dieu de tout le fond de toute la plénitude et
de toute l'étendue du coeur et que nous serons enra-
cinés dans la charité, et la charité parfaitement enraci-
née en nous Holocausta medullata offeremus tibi, inlus
tenebimus charitem laam: non erit in superficie in me-
dutlis nostris crit quod dillgemus té. (in Ps. 65. v. 15.)
Voilà ta louange que nous chauterons dans le ciel le
sacrifice que nous y offrirons à Dieu. Le sacrifice que
Dieu demande de nous présentement, afin que nous
méritions d'offrir ce sacrifice céleste et éternel c'est
célui d'uu cœur pénitent; car si la pénitence est néces-
saire à un pécheur pour se préparer ;m sacrifice et à la
communion eucharistiques, combien plus est-elle néces-
saire pour pouvoir entrer dans ce temple adorable et
approcher de cet autel invisible et sublime où s'offre
le sacrifice éternel de la louange divine par le feu de la
charité divine et éternelle 1 Tuute la religion de la terre
n'est qu'une préparation à la religion du ciel. Le sacri-
fice et la communion eucharistiques, qui est ce quo
nous avons de plus grand et de plus saint dans nos mys-
tères, ne sont que des moyens pour nous mettre en
état d'offrir cet holocauste dans l'Église des Saints. Ce-
pendant quelle pureté ne doit-on pas apporter à l'autel
160 IDÉE DU SACERDOCE
visible pour y sacrifier et y communier sous les signes
visibles au corps et au sang de J.-C. C'est les recevoir
indignement, selon les Pères, que de les recevoir au
temps oü l'on doit expier par la pénitence les péchéd
qui tuent l'àme Hoc est indigne accipere, si eo lempore
acciplat quo debes agere pœnitentiam.
On ne permettait pas même autrefois aux pénitents
avant qu'ils eussent accompli les degrés prescrits de la
pénitence, d'assister au saint sacrifice de la messe pas
même l'oblation du pain et du vin; mais, après avoir
entendu la parole de Dieu, et y avoir reçu l'impositiondes mains accoutumée, on les congédiait, le diacre leur
disant-à haute voix ces paroles Vous autres qui êtes
en pénitence, retirez-vous exite qui in pcenitentia
estis. L'Église use présentement d'indulgence envers
les plus grands pécheurs. Pourvu qu'ils ne soient pas
excommuniés, elle les souffre dans l'Église durant la
célébration des saints mystères, et elle veut bien qu'ils
y assistent, supposant qu'ils n'y viennent qu'avec au
moins quelque commencement de conversion et de
retour à Dieu.
Mais pour entrer dans le ciel et assister au grand sa-
crifice de l'éternité, il n'y a point de condescendance.
C'est une loi inviolable que rien d'impur, rien de souillé
n'y entrera. Il faut avoir payé à la justice de Dieu tout
ce qu'on lui doit, pour être reçu dans le temple du
sacrifice céleste il faut s'êlre purifié des plus petites
taches que les plus saints contractent sur la terre. C'est
pourquoi le saint Concile de Trente ne dit pas seule-
ment que toute la vie d'un pécheur, mais que toute la
vie d'un chrétien doit être une pénitence continuelle
afin de réparer, ou de conserver, et de faire croître l'in-
pocence et la pureté que demandent ce sacrifice et la
ET DUSACRIFICEDE JÉSUS-CHRIST.—III. PART, 161
communion de la sainte et adorable Eucharistie afindit encore ce saint Concile, que les chrétiens se remet-
tant devant les yeux la majesté infinie et l'amour si
extraordinaire de Notre-Seigneur J.-C. qui a donné sa
vie souverainement aimable pour prix de notre salut,
et sa chair pour nourriture de uos âmes ils conçoi-vent pour ces sacrés mystères de son corps et de son
sang une foi si ferme et si inébranlable et des senti-
ments si vifs de dévotion, d'amour et de vénération,
qu'ils puissent recevoir souvent ce pain sursubstaotiel
qui soit vraiment la vie de leurs âmes et la santé perpé-tuelle de leurs cœurs. Fortifiés par le pain, qui fait toute
notre force, ils pourront de cette vie misérable où
ils sont étrangers et voyageurs passer à la patrie cé-
leste, pour y manger sans aucun voile ce même paindes anges dont ils sont présentement nourris sous les
voiles sacrés et mystérieux de l'Eucharistie. » C'est donc
à quoi il faut se préparer pendant cette vie par le sa-
cri0ce de la pénitence.
Oui, Seigneur le cœur contrit et humilié est mainte-
nant le sacrifice que vous ne refusez point. Mais ce cœur
contrit et humilié est l'ouvrage de votre grâce, l'effet
de votre miséricorde, un don que vous ne faites pas à
tous, par un jugement juste et impénétrable, et que vous
faites à qui il vous plait, par une volonté et une bien-
veillance toute gratuite. Nous le désirons nous le de-
mandons, nous l'espérons et l'attendons Seigneur de
votre bonté. C'est sur ce fondement que doit être élevé
l'édifice de notre salut et le comble de la charité mais le
fondement est l'ouvrage de votre main. Faites-le en
nous, Seigneur; élevez dans notre cœur l'édifice de
l'a charité sur le fondement d'une foi humble et d'une
espérance ferme en votre grâce, afin que nous puis-
162 IDÉE du SAGERDOCE
sions être votre royaume dès cette vie Regnum Dei
intra vos est et que vous soyez notre Jérusalem
dans l'éternité. C'est là que nous vous offrirons un
sacrifice qui vons sera agréable en toutes manières
le grand sacrifice de la justice parfaite et de la charité
consommée. C'est là que vous recevrez l'oblation uni-
que et éternelle du corps plein et accompli de votre Fil«.
C'est alors que cet holocauste divin sera entièrement
embrasé, non dans un temple de pierres mais dans le
temple de votre sein non sur un autel figuratif et mi-
nistériel, mais sur votre propre autel Altare tuum, qui
est votre Fils même: non par un feu profane et étran-
ger, mais par le feu sacré de votre Esprit. Totos nos di-
vénus ignis absumat, et fervor ille lolos arripiat. Quis
fei-vor Nec est qui se abscondat calore ejus. Quis fervor
de quo dicit Apostolus Spiritu ferventes. Non lantilm ani-
ma nostra abstimatur ab illo igne divixo sapientiœ sed et
corpus nostrum ut mereatur ibi immortalitatem. Sic le-
vetur holocaustum, ut absorbeatur mors in victoriam. Que
nous soyons tout ardents, tout brrllants de ce feu divin,
et que cette chaleur nous embrase et nous consume
jusqu'au fond des entrailles. Quelle est cette chaleur
sinon celle dont il est dit t Personxe ne peut se défendre de
sa chaleur? Quelle est cette chaleur? c'est celle que l'A-
pôtre nous recommande en disant: Conservez la ferveur
de CEsprit. Que notre âme ne brûle doue pas seulement
de ce feu divin de la eagesse mais que notre corps mê-
me en soit embrasé, pour mériter d'être revêtu de l'im-
mortalité dans le ciel et que cet holocauste soit telle-
ment consumé et sacrifié pour Dieu que la mort soit
absorbée et détruite par une entière victoire. Aug. in
Ps. 60.)
QUATRIÈNIE PARTIE.
CONTENANT LES PRIÈRES QUI SE DISENT TOUS LES
JOURS DANS LA CÉLÉBRATION DE LA SAINTE
MESSE EXPLIQUÉE D'APRÈS LES
DISCOURS PRÉCÉDENTS.
PRÉFACE.
Combien un prétre doit être saint pour offrir le sacrifice
de Jésus-Christ en la personne de Jésus-Christ même.
Les dispositions qui sont nécessaires pour communier
dignement ne suffisent pas pour bien dire la Messe Il
faut sans doute beaucoup plus de sainteté pour consa-
crer Jésus-Christ que pour le recevoir. Car, par la com.
munion, nous participons à J.-C. comme ses membres;
mais dans le sacrifice, nous le consacrons en sa person-
ne, et comme tenant sa place. C'est J..C. lui-même qui
consacre en nous, et nous ne faisons que lui prêter notre
langue, nos mains et notre esprit pour une action si
grande et si divine. Et plût à Dieu que nous fussions fi-
dèles, non à lui prêter, mais à lui donner aussi pour
cela notre coeur un cœur purifié par son Esprit et em-
brasé de la charité Serait-ce trop de la pureté d'un an-
ge et de la charité d'un Séraphin pour un ministère si
haut et si sublime, et pour tenir ta place du Pontife éter-
nel, saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs,et élevé au-dessus des cieux?
164 IDÉE DU SACERDOCEj
On n'aura pas de peine à demeurer d'accord de celle
vérité, si l'on fait réflexion qu'il n'y a qu'un seul Sacri-
fice, qu'un seul Sacerdoce et qu'un seul Prêtre dans la
Religion Chrétienne; et que comme c'est toujours le
même et unique sacrifice de J.-C. qui est offert dans
tous les siècles et dans tous les lieux de l'Église; c'est
aussi son même et unique Sacerdoce dans tous les prê-
tres, qui ont été depuis lui et qui seront jusqu'à la fin
des temps. Car comme tous les chrétiens ne font qu'un
corps avec J.-C. dont ils sont les membres aussi tous
les Prêtres ne sont qu'un Prêtre avec J.-C. qui les as-
socie à son Sacerdoce, et qui continue par eux sur la
terre le sacrifice qu'il y a commencé, comme il conti-
nue de l'offrir par lui-même dans le ciel à la Majesté
souveraine de Dieu.
Ce qui fait voir encore que la célébration de la Messe
est une action bien plus grande et bien plus sainte que
la communion, c'est que la communion est surtout
pour l'utilité de la créature qui y trouve sa sancti-
fication en s'unissant avec Dieu dans sa victime; au
lieu que la consécration et l'oblation de cette victime
regardent Dieu directement que c'est en cela que
consiste l'essence du sacrifice, et que c'est pour ces
effet que le prêtre est consacré Prêtre. Car le sacrifice
ne peut être sans la consécration, ni sans l'oblalion
et il n'est pas certain qu'il ne pût être sans que la créa-
ture communiât à la victime, comme il se faisait dans
l'holocauste. C'est un devoir et une obligation indis-
pensable des créatures envers Dieu de lui offrir des
sacrifices; mais c'est une grâce et une miséricorde
toute gratuite de Dieu envers les créatures de les ad-
mettre à la communion de sa victime, c'est-à-dire
de le recevoir à sa table, de leur faire manger sou pro-
ET DD SACRIFICE DB JESUS-CHRIST. IV. PART. 165
pre pain et les faire boire, co mme parle S. Paul, dans
son calice et dans sa coupe.
S'il est donc vrai que le Prêtre n'est qu'un même Pré-
tre avec J.-C. et qu'il n'exerce son Sacerdoce dans le
sacrifice de la Messe qu'eu la personne de J.-C même
n'est-il pas clair aussi qu'il ne doit l'offrir que dans son
esprit et dans ses dispositions? Il doit l'offrir comme
lui dans l'esprit de sacrifice, dans l'amour de la croix et
dans la disposition de se sacrifier et de mourir lui-mé-
me pour Dieu. Car c'est dans ces dispositions etdanscet
esprit que J.-C. institua ce sacrifice de son corps et
de sou sang, qu'il les offrit à son Père et qu'il les don-
na à ses Apôtres, lorsqu'il était sur le point de se li-
vrer lui-même aux bourreaux et d'aller mourir sur la
croix.
Cette disposition n'est pas l'ouvrage d'un quart
d'heure, ni, si vous voulez, d'une heure, que l'on peut
prendre pour se préparer à célébrer le saint sacrifice
de la Messe. Elle ne peut être que l'effet de la grâce de
J.-C. en nous, et du travail de plusieurs années, qu'onaura employées par son secours à mortifier ses sens, à
combattre tous les mouvements de la cupidité, et à cru-
cifier sa chair avec ses convoitises, pour pouvoir être
conforme à J.-C. comme victime, avant que de lui être
associé comme Prêtre. Car comme Jésus-Christ n'est
entré dans la perfection dans tous les droits et dans les
fonctions de son Sacerdoce éternel dans le. sanctuaire
du ciel, qu'après avoir été victime sur la croix; de mê-
me ceux qui sont destinés à être rendus participants de
la puissance et de la grandeur de son Sacerdoce et à
offrir le sacrifice terrible de son corps, doivent avoir
travaillé, et travailler toujours encore, à crucifier et à
faire mourir le vieil homme en eux-mêmes. C'est J.-C,,
t66 IDÉE DU SAGERDOCE
ressuscité qui est le Prêtre du eiel il n'appartient aussi
qu'à un homme renouvelé et, pour ainsi dire, ressusci-
té, de faire la fonction céleste de son Sacerdoce. En un
mot, pour être Prêtre. avec J.-C., il faut être victime
avec lui, victime embrasée du ciel.
Cela supposé, il faut que le Prêtre, avant d'approcher
de l'autel pour offrir le sacrifice, commence à s'y dis-
poser eu se mettant en la prdsence de Dieu par la foi,
pour y entrer dans une profonde humiliation de coeur,
et reconnattre sincèrement combien il est éloigné de la
sainteté où il devrait être pour exercer le Sacerdoce de
J.-C. Il doit prier Dieu de détourner les yeux de ses pé-
çhés, pour ne regarder en lui que sou Fils et son Sacer-
doce, de lui donner un cœur nouveau, et l'esprit du Sa-
cerdoce et du sacrifice de J.-C. Il peut se servir pour
cela de ces quatres versets du Ps. 50. en se les appli-
quant ainsi, on en la manière que l'Esprit de Dieu lui
inspirera.
Averte faciem tuam a peccatis mels, et omnesiniquitates
meas dele.
Mon Dieu, détournez vos yeux de mes péchés-, et
ne regardez en moi que J.-C., votre Fils, dont vous m'a-
vez fait membre et en qui veus avez voulu que je fusse
votre Prêtre. Puisque vous voulez que j'exerce son Sa-
cerdoce, et que je vous offre son sacrifice pour adorer
votre souveraine Majesté et satisfaire à votre justice« effacez, Seigneur, toutes mes iniquités, de peur que
je ne l'irrite par la vue de mes péchés au lieu de J'apai-
serparmes prières.
Cor mundum crea in me, Deus, et spiritum rectum in-
nova in visceribus meis.
«0 Dieu, créez en moi un cœur pur, un coeur vraiment
sacerdotal, un cœur qui n'adore que vous, qui n'aime
ET DU SACRIFICEDEJÉSUS-CHRIST.—IV. PART. 167
que Tons, qui ne sacrifie qu'à vous, et qui vous sacrifie
toutes choses et donnez-moi de nouveau cet Esprit
droit, qui m'élève, m'applique et m'attache unique-
ment à vous, et qui me fasse tout rapporter à votre
gloire.
Neprojicias me a facie tua, et Spiritum sanctum tuum ne
auferas a me.
Je sais, mon Dieu, que mes infidélités me rendent
indigne de recevoir de nouveau cet esprit de sacrifice
qui peut seul me donner la confiance de m'approcher
de votre autel, et de me présenter devant vous mais
pour l'amour de votre Fils ne me rejetez pas de devant
votre face. Ne me traitez pas, s'il vous plait, selon mes
péchés ni selon la rigueur de votre justice traitez-moi
plutôt selon la grandeur de votre miséricorde, et selon
les mérites de J.-C. votre Fils.
« Ne retirez pas de moi votre Esprit-Saint » remplis-
sez-moi plutôt de cet Esprit sanctificateur sans lequel
le sacrifice même que je me dispose d'offrir à votre Ma-
jesté, quoique en lui-même le plus saint des sacrifices
et la source de toutes les bénédictions du Ciel, serait
pour moi un sacrifice de colère et de malédiction.
Redde mihi I&tiliarn salutaris tui et spiritu principali
confirma me.
« Redonnez-moi la joie de cette présence et de cette
opération salutaire par laquelle J.-C. a promis de se
trouver dans ses ministres jusqu'à la consommation des
siècles, pour faire en leur personne et leur faire faire
par son Esprit les fonctions de son Sacerdoce éternel.,
Qu'il n'y ait rien de moi et que je ne sois rien par moi-
même dans cette grande action du sacrifice mais que
je sois tout à J.-C. Que j'y sois rempli, fortifié et tout
animé de l'Esprit de son royal Sacerdoce, de l'esprit de
168 IDEE DU SACERDOCE
sacrifice cet esprit céleste qui fait regarder comme
un néant tout ce qui est la lerre cet Esprit Principal qui
élève l'homme au-dessus de toutes choses et lui met
toutes choses entre les mains pour les sacrifier toutes
avec J.-C. à votre gloire Ainsi soit-il.
ORDINAIRE DE LA MESSE.
On peut diviser l'Ordinaire de ta Messe en six parties.
La 1erecontient la préparation qui se fait au bas de l'Au-
tel. La 2me depuis l'Introît jusqu'au Credo ce qui,s'ap-
pelait autrefois la messe des Catéchumènes, parce que,
après cette partie de la messe, à laquelle ils avaient
permission d'assister on les congédiait. La 3medepuis
cet endroit jusqu'au Canon. La 4'" depuis le Canon jus-
qu'au Pater; car ce qu'on appelle proprement le Canon,
finit à l'Oraison Dominicale, comme on l'apprend de St.
Grégoire-le-Grand. La 5medepuis cette prière, où com-
meuce la préparation à la communion, jusqu'à la com-
munion inclusivement. La 6". contient l'action de grâce,
c'est-à-dire le reste de l'Ordinaire de la Messe.
PREMIÈRE PARTIE DE LA MESSE.
Préparation au Sacrifice.
De la préparation particulière on passe à la prépara-
tion publique qui se fait au pied de l'autel, après s'être
revêtu des ornements du Sacrifice et l'on commence
par le signe de croix.
1. « In nomine Patris. Au nom du Père, et du Fils et du
Saint-Esprit. Ainsi soit-il. à
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. IV. PART.169
Pour offrir et sacrifier à Dieu une victime il faut
avoir pouvoir sur elle et pour l'immoler il faut avoir
droit sur sa vie. Donc, pour sacrifier et immoler J.-C.
la Victime de Dieu, il faut avoir droit sur la vie de J.-C.
Or, il n'y a que Dieu qui ait droit sur la vie de son Fils
Incarné, et qui ait pouvoir sur lui. C'est pourquoi J.-C.
n'a pu être livré à la mort par Judas, ni par les Juifs
ni par Pilate, et il n'a pu s'y livrer lui-même, comme
St. Paul dit qu'il l'a fait « J.-C. a aimé l'Église et s'est
livré lui-même pour elle comme une oblation et une
victime agréable à Dieu » (Eph. 5) il ne l'a pu, dis-je
que parce que son Père l'avait livré le premier, comme
le marque aussi l'Apôtre. « Dieu n'a pas épargné son pro-
pre Fils mais il l'a livré à la mort pour nous tous.
(R. 8). Il est donc vrai que J.-C. n'a pu s'offrir et se sa-
crifier à son Père qu'en l'autorité de son Père même
et qu'en qualité de Prêtre du Très-Haut qualité qu'iln'a pas prise de lui-même, dit SI. Paul, mais à laquelle
il a été appelé de Dieu et qu'il a reçue de son Père qui,
en le reconnaissant pour son Fils par ces paroles« Vous êtes mon.Fils je vous ai engendré aujour-
d'hui déclare tout-de suite qu'il est son Prêtre pourl'éternité « Vous êtes le Prêtre éternel selon l'ordre de
Melchisédech. » (Hrb. 5. 5). Car par cette qualité de Prê-
tre du Très-Haut: Sacerdos De! Altissimi, J.-C. est revêtu
du pouvoir et du droit que le Créateur a sur toutes les
créatures, non pour en faire toutes sortes d'usages
mais pour les immoler à la gloire de Dieu et les sacri-
fier à sa souveraine Majesté en reconnaissance de ce
qu'il est le souverain Etre, le principe et la fin de tout
être créé.
On peut même dire que J.-C. considéré comme le
Prêtre de son Père a plus de pouvoir et un droit plus
170IDEE DU SACERDOCE
étendu et plus absolu sur les créatures, qu'il n'en a
comme roi des Anges et des hommes. Car en cette
dernière qualité, il nous gouverne, nous régit et nous
conduit à Dieu mais en la première il a droit de nous
immoler et de nous sacrifier à Dieu. Sa royauté ne s'é-
tend que sur ses membres mais il exerce son Sacer-
doce sur Iui-même. Il est Prêtre pour l'éternité, et il
exercera éternellement son Sacerdoce en s'offrant lui-
même, ettous ses membres avec lui en un holocauste
éternel à la gloire de Dieu au lieu que son royaume
semble devoir cesser à la fin des siècles, quand son
corps sera arrivé à son âge parfait. Car comme dit S.
Paul, «J.-C. doit régner jusqu'à ce que son Père lui ait
mis tous ses ennemis sous les pieds, et la mort sera le
dernier ennemi qui sera détruit. Alors viendra la fin
et la consommation de toutes choses Ioisqu'il aura re-
mis son royaume à Dieu son Pére, et qu'il aura détruit
tout empire, toute domination et toute puissance. 1)(1.
Cor. 15 25.) Eu effet il ne paraît pas quel usage il pourra
faire alors de sa royauté car elle n'est que pour régir
et conduire les sujets, et pour les défendre contre leurs
ennemis, et alors ils seront arrivés à leur fin, où ils se-
ronl tout consommés en Dieu et où ils n'auront plu.;
d'ennemis à craindre et à combattre. Au lieu que c'est
proprement alors qu'il commencera d'offrir pour l'éter-
nité son sacrifice dans sa dernière perfection tous ses
membres, qui font parlie de sa victime, lui devant être
alors unis et son corps devant avoir sa plénitude et sa
perfection qu'elle n'aura pas eue auparavant.Pouh revenir donc à l'explication de ces paroles In
nomine Pairis puisque Jésus-Christ n'a pu s'immoler
lui-même qu'en la puissanceetl'autorilé deDieu son Père,
qui seul a droit sur sa vie et que comme revêtu de ce
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.171
8.
droit en qualité de son Prêtre Sacerdos Dei Altissimi:
nous, qui ne faisons que continuer son sacrifice et exer-
cer son sacerdoce, nous ne pouvons, non plus que lui,
le faire autrement que par la permission, en la puissance,
et en l'autorité de son Père comme c'est à lui de nous
donner droit de sacrifier son Fils, en qualité de Prêtres
du Très-Haut. C'est par l'autorité du Père que nous le
sommes c'est par son choix et par sa vocation que
nous sommes appelés à ne faire qu'un seul Prêtre avec
son Fils. Et comme c'est lui qui l'a sacré d'une huile de
joie du Saint-Esprit même et de la divinité, d'une ma-
nière plus excellente que nous et qui nous fait parti-
ciper à la sainteté à la puissance et à la gloire de son
sacerdoce, c'est par lui et en son nom que nous en de-
vons faire les fonctions.
C'est aussi in nomine Filii AU NOM DU FILS; c’est-à-
dire en sa personne et en sa place comme faisant par-
tie de cet unique Prêtre et comme ayant été associés
à son sacerdoce revêtus de sa puissance et remplis de
son esprit afin qu'il fit sur la terre par notre minis-
tère, ce qu'il a fait par lui-même sur la croix, et ce
qu'il fait encore dans le ciel par lui-même.
C'est enfin AU NOMDUSAINT-ESPRIT que nous sacri-
fions J.-C. c'est-à-dire et en sa vertu et en sa sainteté.
C'est par lui que le Prêtre et la victime de ce sacrifice
ont été formés dans le sein de la vierge (Guc. 1. 35.)
par lui le Père a oint et consacré ce Prêtre (Joa. 10. 36.),
et sanctifié cette victime et nous en lui (Acl. 10. 38.);
par lui ce Prêtre s'est offert et sacrifié lui-même à Dieu
comme une victime sans tache (Heb. 9. 14.); par luicette victime a été consommée dans sa résurrection
et ce Prêtre est entré dans la perfection dans l'état et
l'usage éternel de son sacerdoce (Rom,1. 4. Heb. 3. 8. et
172 IDÉE nu SACERDOCE
9.) par lui nous avons été faits membres du Prêtre et de
la Victime de ce sacrifice (Joan. 3. 5.) et par lui nous
avons été associés à sou sacerdoce. (Joan. 20. 22.)
C'est donc au Nom du Père, du Fils et du Saint-Es-
prit que nous offrons le sacrifice non en considérant
les personnes divines telles qu'elles sont en elles-mê-
mes'de toute éternité car de cette manière elles ne
produisent rien hors d'elles-mêmes et ne sanctifient per-
sonne mais en les regardant par rapport au mystère de
l'Incarnation à la mission du Saint-Esprit et à l'accom-
plissement et des mystères de J.-C. et de la sauctifica-
tion de ses membres. Car, comme en qualité de chré-
tiens, nous devons faire toutes nos actions au nom du
Père, qui a envoyé, incarné, livré à la mort et ressus-
cité son Fils pour nous au nom du Fils, qui s'est incar-
né, qui a souffert est mort, ressuscité monté au ciel,
et qui a envoyé le Saint-Esprit sur son Église au nom
du Saint-Esprit, qui a été envoyé par le Père et le Fils
et répandu dans nos cœurs pour notre sanctification
de même, en qualité de Prêtres, nous ne devons, et nous
ne pouvons, offrir le sacrifice qu'au nom des trois per-
sonnes considérées dans ces rapports: et je dois dire
dans ce même sens, ces paroles, au commencement
de la Messe:
Au nom du Père dont je suis Prêtre
Au nom du Fils en qui je suis Prêtre:
Au nom du Saint-Esprit, par qui je suis Prêtre.
Au nom du Père en l’autorité de qui je sacrifie
Au nom du Fils en la personne de qui je sacrifie
An nom du Saint-Esprit en la vertu de qui je sacrifie.
Au nom du Père, à qui j'offre le sacrifice
Au nom du Fils, que j'offre en sacriüce
Au nom du Saint-Esprit, par qui j'offre le sacrifice.
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. FART. i73
Cela nous fait connaître combien nous devons être
morts à nous-mêmes, dans quelle séparation de toutes
les choses de la terre dans quelle pureté, dans quellé
sainteté nous devrions être pour nous approcher de l'au-
tel, et pour pouvoir dire véritablement les paroles qui
commencent la préparation au sacrifice combien nous
devrions être unis à Dieu; combien remplis de son Es-
prit, combien intimement et efficacement retirés, per-
dus et anéantis en J.-C. pour exercer son sacerdoce et
continuer son sacrifice, et pour pouvoir dignement dire
cn sa personne et en son esprit Iloc ést cor·pus ttaeum
Ne devrions-nous donc pas trembler, quand nous di-
sons que c'est au nom du Père, du Fils et du Saint Es-
prit que nous approchons de l’Autel? Craignons, comme
nous en avons très-grand sujet, que ce ne soit en notre
propre nom, par notre propre vocation, par le mouve-
ment de notre cupidité, dans l'aveuglement de notre es-
prit, dans les imperfections et les défauts de notre
amour-propre, dans la dissipation de notre cœur, et
peut-être avec une âme toute pleine de l'esprit du mon-
de et de ses cupidités.
U. Introibo. Je m'approcherai de l'aWel de Dieu rle
rct acetel qui est Dieu, qui me renouvelle et me remplit
de la joie de son Esprit.
Les autels que nous voyons sur la terre ne sont pas ie
propre autel de Dieu. Ce sont des autels ministériels,
qui nous représentent le véritable Autel de Dieu, qui est
dans le ciel et qui n'est rien moins que la personne
même de Jésus-Christ, cet Autel sublime qui n'est pas,
seulement en la préseuce dé la majesté de Dieu mais
qui est Dieu, et sur lequel le prêtre dans le sacrifice
même, demande que le sacrifice soit porté par les mains
de son saint Ange. C'est l’Autel qui est absolument né-
174 IDÉB DU SACERDOCE
cessaire pour offrir un sacrifice vraiment digue de Dieu,
et qui est seul absolument nécessaire; les autres ne l'é-
tant que par l'institution de l'Église, et par rapport à
l'état où elle est présentement. D'où il est arrivé quel-
quefois que le sacrifice a été offert sans ces sortes d'autels
sur lesquels nous consacrons. J.-C. s'offrit dans ses pro-
pres mains les Apôtres ontoffert, ou sans autel, ou sur
des autels différents des nôtres; saint Ltrcien le fit sur sa
poitrine. Théodoret surles mains des diacres dans la cel-
lule de saint Maris Anachorète, et plusieurs Saints, dans
les prisons des Martyrs. Le seul Autel réel, véritableéternel et digne du sacrifice éternel, véritable, c'est la
Subsistance ou Personne du Verbe qui soutient, vivifie
et sanctifie la victime de Dieu, c'est-à-dire l'humanité
de J.-C., et la rend digne d'être offerte à Dieu, Altare
quod sanctificat donum, comme dit J.-C. (Matt. 23. 19.)C’est l'autel qui sanctifie le don et la victime, comme
étant infiniment plus digne, et c'est de cette personne
ou subsistance que l'humanité reçoit sa dignité sa
sanctification et son excellence.
Autrefois dans le temps des ombres et des- figures,on regardait comme les plus parfaits sacrifices ceux
qui s'offraient dans le temple qui avait été bâti sans
qu'on entendit un seul coup de marteau, sur un autel
de pierres qui n'avaient point été travaillées, et avec le
feu descendu du ciel. Maintenant que la vérité a suc-
cédé aux figures, c'est dans le sein du Père éternel, quiest le véritable Temple sur la subsistance du Verbe,
tlui est le véritable Autel, et par le Saint-Esprit, qui est
le feu sacré descendu du ciel sur les Apôtres en forme
de feu que la victime de Dieu, qui est J.-C. même
est offerte et sacrifiée à la majesté divine.
C'est dans ce temple, sur cet autel et par ce feu, que
ET DC SACRIFICE D8 JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 175
J.-C. s'est offert et s'est consumé durant toute sn vie et
dans sa mort à la gloire de Dieu; et c'est ce même Au.
tel que nous devons avoir devant les yeux de notre foi,
quand nous approchons de l'autel de pierres qui le
représente, pour consacrer, offrir et sacrifier cette
même victime à son Père, et nous avec elle et nous
pouvons prendre en ce sens les paroles que nous disons
au pied de l'autel Introibo ad altare Dei.4d Deum; de
cet Autel qui est Dieu et Fils de Dieu qui lœtificat ju-
ventulem meam; qui, en me renouvelant par sa qualité
de Fils et de Prêtre de Dieu, remplit mon cœur de la
joie de son Esprit.
III. « Judica me, Deus. Jugez-moi, mon Dieu, mais ne
me traitez pas comme vous traitez les impies: délivrez-
moi de l'homme injuste et trompenr. »
Un prêtre qui se trouve à l’autel sur le point de sacri-
fier J.-C., et qui compare son impureté avec la sainteté
ilu Prêtre dont il tient la place, et de la Victime qu'il va
offrir élève son cœur à Dieu et lui demande justice
contre lui-même et contre ses passions qui sont comme
un peuple séditieux toujours prêt à ce soulevcr contre
son roi. Il accuse devant lui cet homme de péché qui
habite au fond de son cœur, cet homme plein d'injus-
tices, ab homine iniquo; cet homme double, trompeur
artificieux et hypocrite, et doloso; ce vieil homme qui
entraîne le nouveau dans sa corruption cet homme
né selon la chair, qui persécute sans cesse celui qui
est né selon l'esprit; cet esclave, qui veut assujettir
l'homme affranchi et racheté et ce Prêtre demande à
Dieu qu'il le fasse jouir de la liberté quo J.-C. lui a ac-
quise par son sang et par son sacrifice, eh le délivrant
de l'asservissement Où il est par sa corruption. Il Idi
demande qu'il le sépare du vieil homme et qu'il ré-
176IDÉE DU SACERDOCE
veille en lui l'esprit de la nouvelle créature. il lui de-
mande la mnrt d'Adam et la destruction du corps du
péché la ruine ne l'orgueil et de l’amour-propre, et
désire que J.-C. et son Esprit, son humilité et sa charité
vivent, opèrent etrègnent uniquement en lui, a0n que,
se trouvant tout renouvelé, et comme ressuscité, il
puisse continuer son sacerdoce et son sacrifice, qui
n'ont eu leur perfection que dans la vie et par la vie
ressuscitée de J.-C.
IV. Quia tu es, Deus. Car c'est vous, ô mon Dieu,
qui êtes ma force. Pourquoi. donc m'avez-vous rejeté
pourquoi me laissez-vous dans la tristesse et m'aban-
donnez-vous à la persécution et à la puissance de mon
ennemi ? »
Nous ne pouvons espérer l'effet de cette prière que par
la grâce de Dieu, qui s'est fait notre force. C'est là la foi
du Prêtre c'est son aveu an pied des autels c'est son
espérance, sa confiance et sa consolation mais qui ne
l'empêche pas de sentir les attaques de cet ennemi qu'il
porte dans son sein. La joie qu'il a de ce que Dieu est
sa force, n'éteint pas la crainte de sa propre faiblesse,
parce qu'il sait que Dieu n'est actuellement la force que
de ceux qu'il lui plaît, et qu'il ne voit rien dans son
propre fonds qui ne soit capable d'irriter contre lui et
d'éloigner de lui celui sans qui il ne peut rien. Il sait
que la force et la vertu de consacrer J.-C. est en lui
quoiqu'il ne la sente pas parce que c'est J.-C. même
qui fait en lui et par lui un effet si admirable. C'est ce
qui exerce sa foi mais c'est aussi ce qui le fait trembler
et qui lui donne une tristesse salutaire et une sainte
frayeur de voir une puissance si grande dans un vase
si fragile un ministère si saint dans un pécheur le
Sacerdoce de J.-C. dans une misérable créature qui
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 177
8*
n'est capable d'elle-même que de le profaner et d'eti
abuser, comme Judas. Sa foi et l'expérience de ses mi-
sères lui font regarder cet abus et celte profanation
comme inévitables, si Dieu n'est sa force et son sou-
tien et son indignité lui fait craindre qu'il ne l'aban-
donne à lui-même, c'est-à-dire à son plus grand ennemi,
dont l'amour et les caresses lui sont plus dangereuses et
plus funestes que les plus cruelles vexations et les plus
violentes hostilités. C'est ce dui fait qu'il s'écrie Ah
mon Dieu vous êtes ma force: ne m'abandonnez point,
et ne me livrez pas à cet ennemi domestique et intérieur,
qui m'afflige et me désole par sa malignité et par ses
persécutions continuelles. »
V. « Emitte lucem tuam. Faites luire sur moi votre
lumière et votre vérité pour me conduire car c'est à la
faveur de ces guides que je m'approche de votre sainte
montagne et de votre sanctuaire. »
Les ombres et les ligures sont passées la lumière de
la foietla vérité de la religion leur.ont succédé. L'heure
est venue que les vrais adorateurs doivent adorer le
l'ère, et lui sacrifier en esprit et en vérité. C'est pour
cela que le Prêtre implore le secours de la lumière vé-
ritable qui est l'Esprit de Dieu et de la vérité lumi-
neuse, qui est son Fils pour sacrifier à sou Père en
la personne de ce Fils même, par le feu de son divin
Esprit, le corps et le sang de sa Victime, qui est en-
core ce Fils adorable. Sans cette lumière nous ne
voyons point d'autre temple que ce temple de pierres
point d'autre autel que cet autel matériel, ni d'autre ta-
bernacle que celui qui renferme le St.-Sacrement; mais
avec les yeux d'une foi vive et éclairée, nous découvrons
la vérité et la réalité de toutes ces choses, qui ne sont
que ministérielles et représentatives, et ce véritable
178IDÉE Du SACERDOCE
tabernacle qui n'est pas fait de main d'hommes; ce
temple éternel, et ce sanctuaire adorable, le sein du
Père cet autel sublime et divin la Personne du Fils
qui est dans le sein du Père c'est-à-dire dans. son pro-
pre temple, et dans lequel il offre sur cet autel sa pro-
pre Victime, l'Agneau et la Victime de Dieu. C'est là la
sainte montagne de Dieu et le sanctuaire dans lequel le
Prêtre désire d'entrer en esprit, éclairé de la lumière
de la foi et conduit parla vérité même qui est J.-C.
quand il dit Répandez, Seigneur, votre lumière dans
mon esprit et que votre vérité soit dans mon cœur,
pour me découvrir celte sainte montagne, qui est vons-
méme pour me conduire dans ce temple et ce sanc-
tuaire qui est votre sein, et pour me faire approcher de
cet Autel sublime qui y réside, de votre véritable Autel,
qui est votre Fils.
VI. « Et Introibo ad altare Dei. Je m'approcherai de
l'autel de Dieu de Dieu qui me rend un homme Lotit
nouveau, en me faisant participer par sonsacerdoce à cette
huile dejoie dont il a été sacré lui-même. »
J.-C. n'est entré dans la perfection de son sacerdoce
qu'après avoir été entièrement renouvelé par la résur-
rection de son corps et il n'est entré dans le temple et
le sanctuaire de Dieu, qui est le sein de son Père, qu'a-
près avoir dépouillé tout ce qu'il avait de l'image du
vieil homme et de la ressemblance de la chair du péché.
Les prêtres ne peuvent pas encore avoir un corps res-
suscité, qui soit conforme au corps glorieux de leur
Chef; mais ils doivent être renouvelés et ressuscités dans
l'intérieur de leurs âmes. Et quoiqu'ils portent encore
un corps vil et abject, il doivent néanmoins vivre en
esprit dans le ciel, bien plus que le commun des chré-
tiens, comme en étant non-seulement citoyens aussi
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART.1 179
bien qu'eux, mais comme en étant en quelque façonles ministres et les prêtres par le Sacerdoce de J.-C. Ils
doivent y être par uue espérance ferme, par un désir
ardent par une foi vive, qui leur rende toujours pré-
sents ce temple, ce sanctuaire et cet autel où est offert
le sacrifice de J.-C. Mais surtout quand ils se voient au
pied de l'autel de terre qui est ici-bas, ils doivent por-
ter leur esprit jusqu'à cet autel sublime et divin qui leur
ust ouvert; demander à J.-C. qu'il purifie et renouvelle
leur cœur, qu'il embrase leurs désirs, et qu'il y répande
la joie dn sacrifice, la joie d'avoir à offrir à Dieu un
culte digne de lui et une Victime proportionnée à sa
Grandeur.
C'est dans cet esprit que le Prêtre doit avoir dit les
premières paroles que l'Église lui présente pour se pré-
parer au sacrifice: Quam dilecta tabernacula. Que votre
sanctuaire et votre tabernacle sont aimables ô Dieu
qui faites de si grandes merveilles dans votre Église
Mon âme languit et se consume du désir d'entrer dans
votre Temple, et d'approcher de votre Autel. Mon cœur
et ma chair en brûlent d'ardeur, et ils tressaillent de
joie de se présenter au Dieu vivant, avec une si sainte
Victime. Comme le passereau qui a trouvé une de-
meure, et la tourterelle un nid pour ses petits, y mettent
toute leur joie qu'ainsi vos autels soient toutes mes dé-
lices, ô Seigneur des merveilles et que votre sein, où
repose votre Fils unique, ou il se sacrifie à vous soit
toute la joie et tout le repos de mon cœur, ô mon Sou-
verain et mon Dieu! 1»
VII. « Confitebor tibi. Je chanterai vos louanges sur
la harpe, ô Dieu qui êtes vraiment mon Dieu. Pour-
quoi, mon âme vous laissez-vous aller à la tristesse
et pourquoi me troublez-vous ?.
180 IDÉE DU SACERDOCE
Le Prêtre, dans l'espérance qu'il a que Dieu ne le
rejettera pas de son autel, mais lui permettra de lui of-
frir son Fils en sacrifice continue à ressentir et à dé-
couvrir la joie de son cœur dans l'attente d'un si grand
bien. Je chanterai vos louanges avec joie et d'une ma-
nière digne de vous, ô Dieu qui étant Dieu de tonte
éternité, indépendamment de toute créature, avez bien
voulu être notre Dieu dans le temps, d'une manière
particulière en unissantnotre nature à votréFils. Je vous
bénirai en vous offrant ce Fils, qui est votre louange
éternelle, et en consacrant sur votre autel son corps
adorable, cet instrument divin qui étant touché par les
hommes en sa passion, a rendu un son si harmonieux à
vos oreilles, par l'adoration l'action de grâces et tout
le culte et l'honneur qu'il vous a rendus.
Cette joie que donne le sacrifice de J.-C. et la con-
solation qu'un Prêtre ressent dans son coeur dans l'e-
exercice d'un ministère si saint, n'empêchent pas qu'il ne
tremble et n'entre dans la tristesse de l'humiliation et
de la pénitence au contraire, c'est la sainteté même de
ce ministère qui l'épouvante car, se voyant si indigne
d'une action si divine, il craint que Dieu ne le frappe
comme un Oza, ou qu'il ne le chasse loin de son autel
comme un profane. C'est dans ce trouble et dans cette
tristesse salutaire, qu'il est obligé de s'encourager lui-
même et de se dire « Pourquoi mon âme vous
laissez-vous aller à la tristesse, et pourquoi vous trou-
blez-vuus ? »
VIII. « Spera in Dco. Espérez en Dieu; car je lui of-
frirai encore le sacrifice de sa louange c'est lui quiest mon espérance et ma joie c'est lui qui est mon
Sauveur et mon Dieu. a
Car que reste-t-il à celui que la vue de son indignité
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV PART. 181
jette dans ce trouble et dans cette tristesse sinon de
s'abandonner à Dieu, de mettre en lui toute sa confiance,
d'espérer qu'il ne permettra pas que le sacrifice qu'il va,offrir tourne à son jugement et à sa condamnation, mais
plutôt à la gloire de Dieu à la confusion du diable à
la ruine de son empire, à la destruction du corps du
péché, à la perfection du corps de l'Église et à la sanc-
tification du Prétre P11espère donc d'offrir cette victime
salutaire à l'autel, et de l'offrir encore un jour dans le
ciel: et l'unique fondement de son espérance, c'est
J.-C. même qui est son Sauveur et son Dieu par qui
il attend une vie nouvelle, et en qui il espère jouir de
la vue de Dieu, après qu'il aura été entièrement dé-
pouillé du vieil homme.
IX. « Gloria Patri. Gloire soit au Père, et au Fils et
auSt-Esprit et qu'elle soittelle aujourd'hui et toujours,
et dans les siècles des siècles qu'elle a été dès le com-
mencement et dans toute l'éternité. Ainsi soit-il.
La gloire de Dieu est la fin du sacrifice et de toutes
les grâces que le Prêtre demande pour l'offrir digne-
ment à Dieu.
C'est la gloire du Père de recevoir l'hommage et l'a-
doration de son propre Fils.
C'est la gloire du Fils d'être lui-même la victime de
son Père, de faire que toutes choses lui soient agréa-
bles lui étantofferts avec lui et par lui, et de recevoir
lui-même comme Dieu avec son Père l'honneur qu'il
lui rend comme homme par son sacrifice.
C'est la gloire du St-Esprit de sanctifier cette victime
d'être l'Esprit par lequel elle s'ofFre elle-même à Dieu
d'être le feu sacré qui la consomme et la fait passerdans l'Être divin.
Enfin, c'est la gloire de la très-sainte Trinité et le triom-
182 IDÉE Du SACERDOCB
phe de sa sagesse et sa puissance que les efforts
que le démon a faits en pourtant l'homme au péché
pour le détourner de Dieu, n'aient servi qu'à le faire re-
tourner à Dieu plus parfaitement en J.-C. à le consa-
crer plus dignement à sa grandeur par le sacrifice, et
à le consommer plus divinement dans son unité.
C'est par ce moyen que Dieu retrouve la gloire qu'il
s'est voulu rendre dès le commencement, et que le dé-
mon lui avait voulu ravir dans l'homme et c'est par
cette voie qu'il l'établit pour l'éternité d'une manière
incomparablement plus sainte, plus divine et plus digne
de lui-méme.
X. lntrofbo ad allare Dei. J'entrerai à l'autel de
Dieu; de Dieu qui remplit ma jeunesse d'une sainte
joie. »
L'Église ne se lasse point de faire répéter au Prêtre
ces paroles pour lui remettre continuellement dans
l'esprit.les trois vérités qu'elles renferment. 1° La sain-
teté de l'autel snblime et divin dans lequel il doit entrer
ça esprit, en même temps qu'il s'approchera de l'autel
matériel et visible car il ne fait que s'approcher de
celui-ci, mais il entre dans celui-là. 2' Qu'un prêtre de-
vrait être comme un aigle, et comme un aigle rajeuni
et renouvelé par la force de sa foi, par la vivacité de son
espérance, par l'ardeur de sa charité que son esprit
devrait toujours être élevé de la terre vers cet autel
sublime; ses yeux toujours attachés sur le soleil de
justice; son cœur toujours en mouvementpour ne cher-
cher et ne goùter que les choses d'en haut, où Jésus-
Christ est à la droite de Dieu son Père. 3° Que c'est de
J.-C même et de sa plénitude qu'il doit recevoir ces
dispositions saintes. Faites, ô souverain Prêtre, que
j'entre dans l'esprit et dans la joie de votre vie nou-
velle, où vous ne vivez plus qu'à Dieu.
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 't 83
XI. « Adjutorium nostrum.. Que la grâce dont nous
avons besoin nous soit donnée au nom du Seigneur
qui a fait le ciel et la terre. »
Le Prêtre ne cesse de s'occuper par un double re-
gard, de la grandeur de l'action qu'il va faire et de
l'extrême indignité où il se voit. Il est, d'un côté obligé
de s'élever en esprit jusqu'au sein de Dieu jusqu'à ce
sanctuaire et à cet autel véritable du sacrifice et,, de
l'autre, la vue du ministère qu'il doit exercer le fait
retomber tout d'un coup dans l'abîme de sa misère et
de son indigence indigence si grande qu'il a besoin
de tout misère si extrême qu'il est indigne de tout. Il
n'a qu'une seule ressource dans cet état. C'est la grâce
de Dieu, acquise par les mérites de J.-C., cette victime
même qu'il doit offrir, qui n'a besoin de rien et qui mé-
rite et possède touL C'est donc au nom du Seigneur
qu'il met sa confiance. Il sait que rien n'est impossible
à celui qui a fait le ciel et la terre et que nulle indignité
ne le rebute, quand elle est couverte des mérites de
J.-C. C'est donc aussi au nom de J.-C. qu'il demande et
qu'il attend le secours dont il a besoin c'est-à-dire,
que c'est comme uu des membres de J.-C. par les mé-
rites de son sang, par l'entremise et la médiation de
son Sacerdoce et par la vertu de son sacrifice qu'il
désire avec ardeur qu'il demande avec humilité et
qu'il attend avec confiance la grâce dont il a besoin.
XII. Confiteor Deo. Je me confesse à Dieu Tout.
puissant, à la bienheureuse Vierge Marie toujours Vier-
ge. »
Comme c'est l'humiliation du cœur qui fait monter la
prière jusqu'aux oreilles de Dieu et qui fait descendre
sur nous sa grâce et sa miséricorde le Prêtre s'humilie
par une accusation générale et publique de ses fautes,
184 IDÉE DU SACERDOCE
Il se confesse non-seulement à Dieu et à Jésus-Christ,
mais encore à la Ste Vierge et à tous les Saints, qui doi-
vent juger le monde à la fin des siècles, et qui sont tous
intéressés dans les offenses que l'on commet contre Dieu.
Le peuple et toute l'Église en la personne du minis-
tre qui sert à la Messe, s'humilie s'accuse et fait une
amende honorable de ses péchés au pied de l'autel
pour se purifier aussi bien que le Prêtre parce qu'en-
core que tous ceux qui assistent à la Messe ne consa-
crent pas, ils offrent tous néanmoins le sacrifice avec
le Prêtre, et tous y doivent communier, au moins spi-
rituellement et par le désir de leur cœur. Après cette
humiliation et cette pénitence publique, le Prêtre et le
peuple s'animent d'une nouvelle confiance que donnent
ordinairement ces deux vertus.
XIII. « Deus, tu conversus. Mon Dieu, tournez vos
regards vers nous, et vous nous donnerez une nouvelle
vie et votre peuple se réjouira en vous. »
Dieu se détourne du pécheur parce que le pécheur
se détourne de Dieu en tombant dans la mort du péché:
et il ne peut retourner à Dieu si Dieu, pour lui rendre
la vie de la charité ne jette sur lui un regard de grâce et
de miséricorde. Cette nouvelle vie, cette résurrection
est suivie de la joie qui est le fruit de la justice et de
la charité. C'est ce que demande le Prêtre pour lui-
même et pour le peuple de Dieu. Car il sait que vou-
loir entreprendre d'exercer le ministère de la réconci-
liation avant d'être réconcilié, c'est irriter Dieu au lieu
de l'apaiser. Il sait que le sacrifice est un mystère de
résurrection et de joie et que ceux qui croupissent, ou
qui ont croupi longtemps dans la mort du péché doi-
vent pleurer leurs péchés et faire pénitence et non pas
vouloir entrer dans le sanctuaire pour y porter le sang
ET Dû SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 185
de la Victime de Dieu, et le présenter devant le trône
de sa souveraine Majesté. C'est pour cela qu'il demande
d'être tout renouvelé dans son intérieur et d'être com-
mè changé en un autre homme. Il demande cette mê-
me grâce pour le peuple, faut parce que le peuple doit
offrir avec lui le même sacrifice et y communier au
moins spirituellement, que parce que le peuple fait un
seul Prêtre avec lui, comme le Prêtre fait une même
victime avec le peuple, et que c'est J.-C. même qui,
en sa personne et en tous ses membres, est le seul vé-
ritable Prêtre du Très-Haut et la seule véritable victi-
me. Car tous ceux qui lui sont unis et incorporés en-
trent dans ses qualités et dans ses états sont Prêtres et
victimes en lui, offrent et sont offerts avec lui à Dieu
son Père sans confondre néanmoins la distinction qui
subsiste toujours entre les Prêtres ministériels et ceux
qui ne le sont pas tous les vrais chrétiens possédant
l'esprit et la grâce du sacerdoce de Jésus-Christ, sans en
avoir l'autorité ni le ministère.
XIV. Ostende nobis.. Faites-nous ressentir, Seigneur,
les effets de votre miséricorde, et faites-nous le don sa-
lutaire que nous attendons de vous. »
Quelque confiance que le Prêtre ait témoignée, par
les paroles précédentes, de recevoir une nouvelle vie
et d'entrer dans la joie de son Seigneur l'idée de son
indignité et de sa misère se représente toujours à son
esprit, et il ne peut s'empêcher d'appréhender que Dieu
en ne considérant que lui, ne le regarde dans sa colère.
Il redouble donc ses prières et ses gémissements et.
en même temps qu'il s'abaisse vers la terre par le sen-
timent de son indignité et de l'humiliation qu'il porte
dans son coeur il poussè ces paroles vers le ciel Sei-
gneur, montrez-nous votre miséricorde, et donnez-
186 IDÉE DU sscasnoca
nous encore une fois cette victime salutaire qui peut
seule vous satisfaire pour nous, afin que nous puissions
vous l'offrir en sacrifice pour votre gloire.
XV. Domine, exaudi.. Seigneur, écoutez nos prières
et ne fermez pas les oreilles à nos cris. o
Ou plutôt Seigneur, ne nous écoutez pas, puisque
nous ne savons ni ce que nous devons demander, ni le
demander comme il faut; mais écoutez votre Fils qui
voua parle pour nous écoutez les gémissements ineffa-
bles de votre Esprit, qui prie aussi lui-même en nous
et pour nous. Car vous pénétrez le fond des cœurs, et
vous entendez bien quel est le désir de l'Esprit qui de-
mande pour les Saints ce qui est conforme à votre vo-
lonté et à vos desseins adorables.
XVI. « Dominus vobiscum.. Que le Seigneur soit avec
vous Qu'il soit aussi dans votre esprit
Afin donc que ce ne soit que J.-C. et son Esprit qui
prient et dans le Prêtre et dans le peuple, durant les
sacrés mystères qui vont commencer, le Prêtre souhaite
que J.-C. soit au miliea des fidèles et au fond de leurs
cœurs et les fidèles font le même souhait et la même
prière pour le Prêtre, se réunissant tous ainsi en J.-C.
pour offrir la prière des prières et la louange des lonan-
ges, qui est le sacrifice; et c'est pour renouveler cette
union qu'ils répètent si souvent durant la Messe cette
même prière. On la fait jusqu'à huit fois dans la Messe,
et il serait à souhaiter qu'on la fit avec beaucoup de ré-
flexion, et qu'elle servit à renouveler l'attention et du
Prêtre et du peuple et à les faire souvenir que pour
bien prier Dieu, et pour lui bien offrir J.-C. dans ce saint
sacrifice il faut avoir J.-C. même dans son cœur être
animé de son esprit et pénétré de son amour.
XVII. Après cela; le Prêtre monte à l'autel, toujours
ET DU SACRIPICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.187
hamilié par la vue de ses péchés et demandant à Dieu
qu'il l'en délivre pour pouvoir s'approcher du Saint des
Sainls avec un esprit et un cœur purs. Il dit
« Aujer a nobis. Effacez et détruisez Seigneur, nos
iniquités afin que nous puissions nous approcher du
Saint des Saints avec la pureté de l'esprit et du cœur:
nous vous en prions par Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Ainsi soit-il. »
XVIII. Comme au pied de l'autel il a fait à tous les
Saints la confession de ses péchés, il emploie aussi main-
tenant leur intercession pour en obtenir le pardon et en
être purifié, sachant qu'ils ont le zèle de la sainteté de
Dieu et de son sanctuaire qu'ils offrent dans le ciel le
même sacrifice que nous offrons sur la terre et qu'on
ne le peut offrir qu'avec eux et dans leur communion.
C'est ce que fait le Prêtre par cette prière « Oramus te,
Domine. Nous vous prions Seigneur, par les mérites
de vos Saints dont les reliques sont ici et de tons les
autres Saints de daigner me pardonner tous mes pé-
chés. Ainsi soit-il. »
En faisant cette prière il baise l'autel pour s'unir à
J.-C. le vrai Autel que celui-ci représente, et aux Saints
de J.-C. qui sont les martyrs dont les reliques sont enfer-
mées dans l'Autel même. Ils ont mérité, en donnant
leur vie et en répandant leur sang pour J.-C., d'être
regardés plus particulièrement que les antres Saints
comme une même victime et un même autel avec J.-C.
car on sacrifie sur leurs tombeaux et sur leurs corps
qui ayant été sanctifiée par leur immolation et par,
l'effusion de leur sang en sacrifice, méritent d'être eux-
mêmes l'autel sur lequel Jésus-Christ se sacrifie. Ce qui
nous apprend que, plus nous avons de part aux souf-
frances de J.-C., plus aussi nous lui sommes unis, et
188 IDÉE DU SACERDOCE
nous avons une communion plus parfaite à son sacri-
fice. « Nous ne dressons pas un autel à S. Etienne, mais
nous faisons à Dieu un autel des reliques de S. Etienne.
Nos in islo loco non aram fecimus Slephano sed de reli-
qieus Stephani arma Deo. (Aug. Serm. 318 de S. Sleph )
SECONDE PARTIE DE LA MESSE.
Depuis l'Introït jusqu'au Credo.
1. L'Introît. -Le sacrifice de fEucbaristie est l'adora-
lion et l'action de grâces que la société des fidèles offre
à Dieu pour toutes les miséricordes, tous les bienfaits
reçus de lui tant par leur Chef que par tous ses mem-
bres. C'est un effet et un témoignage de la joie qu'a
l'Église de voir le corps de J.-C. se former et s'édifier
par la charité croître et s'élever de jour en jour par la
sanctification des Élus (Eph. 4.) s'approcher sans cesse
de te perfection où cet homme doit arriver, et être près
d'atteindre la plénitude de son âge et le terme de la per-
fection que Dieu lui a destinée de toute éternité pour
être consommé dans l'unité divine, que Jésus-Christ de-
mandait à son Père le jour de son sacrifice.
C'est par l'accomplissement des mystères de J.-C-
(Heb. 2.) que Dieu, par qui et pour qui sont toutes choses,
voulant conduire à la gloire plusieurs enfants, a con-
sommé et perfectionné par les souffrances Celui qui
était le Chef et le prince de leur salut. Et c'est par l'imi-
tation de la vie et de la mort de ce Chef adorable et
par la dernière perfection de leur charité, que les
Chrétiens entrent pour toujours dans le corps glorieux
de Jésus-Christ qu'ils en deviennent la plénitude et la
perfection, et qu'ils sont pour l'éternité Prêtres et vic-
times de Dieu en J.-C.
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV PART.189
Ce sont les deux sujets qui ont partagé les solennités
de l'Église dans ses commencements et durant ses pre-
miers siècles ou elle n'a point eu d'autres fêtes que
celles des mystères de J.-C. et de l'anniversaire des
Martyrs Et si elle a solennisé la dédicace des Basiliques
ou des Églises, ce n'a été qu'après plus de trois siècles
et que par rapport aux mystères de J.-C. et à la mémoire
des Martyrs sous le nom ou sur le tombeau desquels
elles étaient consacrées à Dieu, et dont le sang avait élé
le prix de la paix de l'Église et de la liberté dont elle
jouit dès lors, d'adorer et de louer Dieu publiquement
et de lui offrir son grand sacrifice à la vue de toute ia
terre.
La raison que l'Église avait d'en user ainsi est qu'il
n'y a presque que le martyre qui rende aux hommes un
témoignage indubitable de la charité parfaite des Saints,
et queleur mort, les rendant visiblement les victimes
de Dieu avec J.-C. ne permet pas de douter qu'ils
n'aient été reçus comme un sacrifice très-agréable sur
cet Autel sublime qui est devant la Majesté de Dieu.
C'est la conduite que l'Eglise a tenue à l'égard des Mar-
tyrs dans les siècles des Martyrs, durant lesquels il était
difficile d'être saint sans être martyr.
Mais la paix a aussi ses martyrs, selon la parole d'un
saint, et une vie toujours crucifiée suivie d'un nom
dont Dieu atteste la sainteté par des miracles suffit à
l'EDlise pour s'assurer qu'un membre de J.-C. est réuni
à son Chef dans le ciel et pour en remercier et louer
Dieu dans le sacrifice.
C'est dans l’Introit de la Messe qu'elle propose ordi-
nairement le sujet de la fête, et où nous connaissons
par les louanges qu'elle emprunte des psaumes et dont
elle fait l'application de quel mystère de Jésus-Christ
I90 !Dis DU SACERDOCE
elle veut Célébrer la mémoire ou à l'occasion de quelSainl elle désire louer Dieu par le sacrifice qu'elle-vaoffrir.
II « Kyrie Eleison. Seigneur, ayez pitié de nous.»
Après la proposion du mystère, ou du Saint, que l'É-
glise honore chaque jour, elle commence à rendre ses
devoirs à Dieu et à faire entrer ses enfants dans des dis-
positions qui les préparent au sacrifice.
Avant toutes choses, elle demande miséricorde par
cette prière « Kyrie Eleison. qu'elle adresse aux trois
Personnes de la Très-Sainte Trinité, la répétant trois fois
a chaque Personne, à limitation de St. Paul Ter Doml-
numrogavi.» Ce qui marque la perfection de la prière.
III. Gloria in excelsis Deo. Cette prière, en forme de
louange et de cantique, est une extension et une expli-
cation de celui que les anges chantèrent à la naissance
du Sauveur, lorsque, obéissant à l'ordre de Dieu ils
descendirent aussi en terre pour venir l'adorer dans la
chair dont il s'était revêtu, et pour annoncer aux bom-
mes le mystère de leur réconciliation qui devait bientôt
s'accomplir par le moyen de la Victime de Dieu qui
venait de naître.
Les Prêtres, qui sont les anges de la terre, imitant
ceux du ciel et s'unissant à eua, annoncent aux peuples
le mystère de la paix des hommes accompli par le sa-
crifice de J.-C., et se préparent à le renouveler en com-
mençant par louer, bénir, adorer, glorifier Dieu et lui
rendre grâces, dans la vue de sa gloire Infinie, de sa
souveraineté et de sa toute-puissance.Elle rend aussi ses devoirs à J.-C. s'appliquant par-
ticulièrement à ses deux qualités de Fils unique de Dieu
et de Victime unique de Dieu, seul dans son sein comme
Fils, seul dans son sein comme Victime Agnus Dei
Filius Patris. qui tollis peccala mundi.
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.— IV. PART.191
Ou peut encore remarquer sur ce cantique, que le
Prêtre, les ministres de l'autel et tout le peuple, entrent
dans un respect tout particulier, et s'inclinent devant la
Majesté de Dicu, en disant ces paroles « Aderamuste
nous vous adorons Gratias agimus tibi propter magnam
gloriam luam, nous vous rendons grâces à cause de votre
grande gloire Qui lollis peccala mandi, suscipe depreca-
tionem nostram, vous qui expiez les péchés du monde,
recevez favorablement notre prière n parce que ces
quatre paroles expriment les quatre fins du sacrifice
d’adoration.
IV. La Collecte, ou Oralson. L’Église, dans la pre-
mière oraison 'nous découvre clairement, et en forme
de prière le mystère qu'elle nous a annoncé en
général dans l'Introït; c'est-à-dire qu'elle y annonce le
mystère dn jour, ou la grâce qui y éclate davantage,
qui en est le propre effet, et que nous devons demander
à Dieu par ce mystère Ou bien elle nous découvre la
vertu qui a été la plus propre au Saint, et que nous de-
vons particulièrement honorer en lui et demander à
Dieu par son intercession.
V. L'Eptire, l’Evangile et le Credo. L'Epître et l'Evangile
nous représentent la Loi et les Prophètes, l'Evangile de
J.-C. et la Doctrine des Apôtres, dont nous devons faire
profession pour avoir part à la nouvelle alliance que
Dieu contracte avec nous par J.-C. l'unique Médiateur
entre Dieu et les hommes en vertu de son sang et de son
sacrifice.
Avant d'offrir le sacrifice de la nouvelle alliance et
de faire l'effusion secrète et mystérieuse du sang de J.-C.
sur l'autel par le sacrifice, et dans les cœurs des fidèles
par la communion le Prêtre, qui tient la place de J, C.
même, prend le livre de la Loi, ou ceux des Prophètes et
192lDÉE DU SACERDOCE
des Apôtres, qui en sont les interprètes et les prédica-
teurs, d'où les Epitres sont tirées, et puis l'Evangile
de J.-C. et en fait la lecture au peuple afin qu'il fasse
profession de la loi de J.-C. annoncée par les Prophètes,
écrite par les Évangélistes et expliquée par les Apôtres.
C'est ce que le peuple fait par le CREDO, qui suit l'É-
pître etl'Évangile. C'est une profession publique de sa
foi. C'est une protestation authentique de garder invio-
lablement la loi de Dieu et les maximes de J.-C. C'est le
serment de fidélité par lequel il s'engage à la sainteté
à ne vivre et à n'agir que pour Dieu, que selon J.-C. et
que par son Esprit et dans son Esprit. C'est ce qu'il faut
donc faire en lisant ou écoutant l’Épître. C'est d'écouter
Dieu qui nous y parle par les Prophètes, ou J.-C. qui
nous y enseigne par ses Apôtres et par ses Évangélis-
tes de se donner à l'Esprit de Dieu pour entrer dans
ses vérités, y soumettre notre esprit, y ouvrir notre
cœur et en faire la règle de notre vie.
A l’Évangile, nons devons adorer J.-C. comme le
nouveau Moïse et le véritable législateur qui nous ap-
porte la loi qui vivifie et nous donne la force de l'ac-
complir. Il faut donc écouter J.-C. ses actions et ses
paroles avec un grand respect et une application sin-
gulière,. avec un cœur humble et docile avec un désir
sincère et ardent d'accomplir celte Loi, et lui deman-
der avec confiance sa grâce et son nouvel Esprit pour
entrer dans la perfection de ses voies et dans la sain-
teté de son Évangile.
TROISIÈME PARTIE DE LA MESSE.
Depuis le Credo jusqu’au Canon.
1. Credo. Le symbole de la foi étant un abrégé de
l'Évangile, il le faut dire dans ce même esprit, deman-
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART.193
9
der une foi vive et agissante, la force de ne- point rou-
gir des vérités chrétiennes et de les mettre en pratique.
On doit aussi repasser dans son esprit avec une dispo-
tion d'adoration et de reconnaissance les mystères de
Jésus-Christ, qui sont contenus dans le symbole, et qui
font les différentes parties du sacrifice du Fils de Dieu.
Il. L’Offertoire. Si le prêtre offrant la matière qui
doit être consacrée, et qui n'est pour lors encore que du
pain et du vin la nomme néanmoins l'Hostie très-pure
et le Calice salutaire, qui doit expier les péchés du
monde, et procurer la vie éternelle aux élus, c'est par
anticipation, à peu près comme Notre-Seignetir prévient
lui-même, par la prière du 17 ch. de S. Jean qui est
comme le Memento de son sacrifice, ce sacriGce même
qu'il devait quelques heures plus tard consommer sur
la croix.
C'est donc aussi par anticipation que le prêtre, à la
consécration, qui rendra présente sur l'autel la victime
du sacrifice, dit à Dieu, en offrant le pain « Recevez
ô Père saint, Dieu tout-puissant et éternel cette Hos-
tie pure et sans tache que je vous offre, tout indigne que
je suis de votre ministère je vous l'offre, ô mon Dieu,
.comme au Dieu vivant et véritable, pour mes péchésmes offenses et mes négligences, qui sont sans nom-
bre pour tous ceux qui sont ici présents et même pour
tous les fidèles chrétiens vivants ou morts afin qu'elle
nous procure à eux et à moi, le salut pour la vie éter-
nelle. Ainsi soit-il. Suscipe, sancte Pater.
Le pain, qui est composé de plusieurs grains de blé
et le vin qui est fait de plusieurs grains de raisin re-
présentent l'Église composée de plusieurs membres
qui sont tirés de la masse de corruption, pour être
comme changés en Jésus-Christ et être faits son corps
194IDÉE DU SACERDOCE
mystique comme ce pain et ce vin sont changés réel-
lement en son corps naturel et en son sang véritable.
t.e pain et le vin tiennent donc la place de ceux qui
les offrant, et, en eux, de toute l'Eglise. Car le pain et
le vln étant la nourriture, la subsistance, et comme la
vie des hommes quand cenx-ci les offrent à l’autel ils
y offrent en -qeélqne façon leur vie, Ils s'y offrent eux-
mêmes à Dieu pour être sacrifiés à sa gloire avec J.-C.
leur 'Chef. Et c'est en effet la vraie disposition avec la-
quelle ofi doit faire l’oblation du pain et du vin avec le
prêtre. C'est ce qu'on doit avoir dans le coeur et en
faisant cette oblation et en adorant et ofrratit Jésus-
Christ, et en communiant son corps et à son sang.
111.Le vin est mêlé d’eau, et ce mélange est une ima-
ge de ce mélange adorable de Dieu et de l'bomme qui
s'est fait dans l'Incarnation, et de l'union de l'homme
avec J.-C. qui se fait dans la communion, et de la con-
sommation de l'homme en Dieu qui se fera par la gloire.
Ce sont là les grâces que le Prêtre demande quand il
met de l’eau dans le calice, en disant cette prière« Deus qui humanœ substantiœ o Dieu qui, par un effet
admirable de votre toute puissance avez fait l'homme
d'une nature si noble et si excellente et qui avez fait
une merveille encore plus grande pour réparer cet ou-
vrage de vos mains donnez-nous par le mystère que
ce mélange d'eau et de vin nous représenté, la grlce
d'être faits participants de la divinité de Notre-Seigneur
Jésus-Christvotre Fils, qni a daigné se rendre partici-
pant de notre homanitë, lui qui, étant Dieu vit et règne
avec vous en l'uttité du Saint-Esprit, dans tous les siè-
cles des siècles. Ainsi soit-il. »
C’est le mystère de ce vin et de cette eau mêlés en-
semble, c’est-à-dire, l’humanité unie à la divinité l’É-
ET DB SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.I9j
9.
glise à J.-C., les membres à leur Chef, l’Epouse à son
Epoux que le Prêtre offre à Dieu par cette prière.
IV. « Offerimus tibi, Domme. Nous vous offrons
Seigneur, le calice du salut, suppliant votre clémence
de le faire monter comme une agréable odeur devant
la face de votre Divine Majesté, pour notre salut et pour
celui de tout le monde. Ainsi soit-il..
Le cardinal Bona (Lit. chap. 9. 3. 2.) dit que, dans
l'Ordre Romain, il n'est fait aucune mention des prières
que le Prêtre fait pendant qu'on fait les oblations et le
reste que ui St. Grégoire, dans son Sacramentaire ni
Alcuio ni Amalarius ni les autres qui ont expliqué la
Messe Romaine, n'en parlent point non plus et il
souscrit à ce que dit le Microloguè, que tout cela se
faisait en silence. Cependant, dans l'ancienne Liturgie
romaine que le même cardinal a fait imprimer aprèsMatthias Illyricus fameux Luthérien et plusieurs
catholiques postérieurs on trouve les prières que ré-
citaient le Clergé et les fidèles en mettant leurs offrandes
entre les mains de l’Evêque ou du Prêtre et celles que
ceux-ci disaient en les recevant. En effet, l'Eglise x
toujours eu grand soin d'animer toutes les actions de la
Religion par des prières. Celles qui se disent aujourd'hui
par le Prêtre, en élevant le pain et le vin Suscipe
sancte.. et Offerimus tibi. ne regardent assurément quel'oblation des fidèles qui ne se faisait point à l'autel, mais
au balustre. C'est pourquoi le lavement des mains quele Prêtre faisait avant de commencer les prières du sa-,
crifice, à cause qu'il avait pu les salir en recevant le
pain de la main des offrants se fait même aujourd'hui
après ces prières et l'oblation qu'elles accompagnentne se fait point encore sur l’autel, mais entre les mains
196IDÉE DU SACERDOCE
du Prêtre. Ce n'est qu'après qu’il les a posées sur l'au-
tel dit sacrifice qu'il en fait l'oblation sacrificale.
Nous avons une de ces sortes de prières, que les fidè-
les faisaient en offrant le pain et le vin, dans le Livre des
Prières de l'Empereur Charles-le-Chauve, roi de France
dont il y a un exemplaire manuscrit à Paris, dans la
Bibliothèque de M. Colbert, et qui fut imprimée à
Ingolstadt en 1583 et réimprimé en 1585. La voici en
latin, et traduite en français.
ORATIO.
Quaudooffertisad Missam
pro propre peccatis et proanimabusamicorum.
Suscipe sancta Trinitas
atque indivisa Unitas, hane
oblationem, quam tibi offeroper manus sacerdotis tui,
pro me peccatore et miser-
rimo omnium hominum, pro
meis peccatis înnumerabili-
bus, quibus peccavi coram
te in dictis, in factis, in co-
gitationibus, ut prœlerita
mihi dimittas, et de futuris
me cuslodias pro sanitate
corporis et animœ pro gra-
tiarum actione bonorum tuo-
rum, quibus Wor quotidie.
Quid retribuam tibi Domino
pro omnibus quœ retribuis
mihi ? Hane oblationem sa-
lutaris libi offerre prœsumo,
ORAISON.
Quand vous offrezà la Messe
pour vospropres péchéset pour
les âmes de vos amis.
Recevez ô Trinité sainte et
Unité indivisible. cette offrande
que je tous présente par les
mains devotre Prêtre, pour moi
qui suis un pécheur. et le planmisérable de tous leshommes,
pour mes péchés qui sont eaus
nombre, que j'ai commis devant
voua par paroles, par actions et
par pensées alin qu'il vous
Plaise me pardonnermcspéchée
panés et me préserver d'en com-
mettre à l’avenir pour la santé
de mon corps etde mon âme, et
en actions de grâces de vos
biens, dont j'ai l'usage tous les
jours. Que vous rendrai-je à
vous qui êtes mon Seigneur,
pour Ions les biens que vous
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 197
et nomen tuum invocabo.
Laudans invocabo Doininum,
el ab inimicis meis salvus
ero.
Suscipe etiam Domine,
eamdem oblationem pro ani-
mbus parenlum meorum et
amicorum, et omnium in
Christo quiescenlium ut
consortio Sanctorum tito-
rum cum perpetua fruantur
œternitate.
m’avez faits 'rose vous offrir
cette oblation du'salul, et j’in-
voquerai votre nom. J’invoque-
tai le Seigneur en le bénissant
et je serai délivré de mes en-
oemis.
Recevez aussi, Seigneur la
même oblation pour les âme.
de mon père el de ma mère, de
mes amis, et de tons ceux qui
reposent en Jésus-Christ, afin
qu'elles puissent jonir de la so-
ciété de vos Saints dans toute
l'éteruilé.
Cette prière, au moins la première partie jusqu'à
l'étoile, se trouve hors quelques mots dans la messe
romaine publiée par Illyricus. Et quant à la seconde
qui commence par ces paroles du Ps. 115. Quid retri-
buam. on voit bien qu'elle est tirée, ou imitée de
quelque liturgie. Car dans le Rit de l’Église de Lyou,
rapporté par le cardinal Bona, le Prêtre, en décou-
vraut le calice pour faire l'oblation du vin, dit ces deux
versets du même Ps. Quid retribuam. calicem salutaris.
et dans un ancien Missel de la Bibliothèque du Vatican
après ce verset, Calicem. que le Prêtre dit en prenant
le calice, il y ajoute, aussi bien que dans la prière de
Charles-le-Chauve, ces paroles du Ps. 17 Laudans invo-
cubo Dominum et ab inimicis mefs salvas éro.
Après la prière de l'oblation nous eu trouvons urç
autre, ou plutôt une espèce de confession, que l'on pro-
pose à ce prince pour s’humilier de ses fautes avant
l'oblation. Car comme l'Église avait alors grand soin
de faire observer par les laïques la coutume d'offrir à
198IDÉE DU SACERDOCE
l'aotel elle leur recommandait aussi instamment d'y
apporter une conscience bien pure. Voici cette confea-
sion qui a pour titre
confitenda sunt peccata se-
crete coram Deo, ameqf4am
vestram offeratis oblationem
vel communicatis.
Confiteor tibi, Domine,
omnia peccata mea quœcun-
que feci, et ogi et gessi omni-
bus diebus vitœ meœ. Deus
qui creasti omnia tu nosti
omnia peccata mea, indulge
et misereremei, quia nimium
peccavi tibi. Unde quœso te,
Domine ut fiat mihi (Ides
firma in corde, galea salutis
in capite, signum Christi in
fronte Perbum veritatis in
ore, voluntas bona in mente,
dilectio. Deiin pectore, prœ-
cinctio castitatis in circuitu,
honestas in actione, sobrie-
tas in conscientia humilitas
in prosperitate, palientia in
tribulatione, spes In Croato-
re, perseverantla usque in
finem amor vitœ œternœ
prœstante Domino nostro
Jesu Christo, qui lecum vivit
et regnat bt unitate Spiritus
Sancti Deus, per omnia se-
cula seculorum. Amen.
Avant que vous tossiez voire
oblation, on que vous commu-
niiez, il faut confesser secrète-
ment vos péchés devant Dieu.
Je vous confesse Scignear,
tous mes péchés, que j'ai faits
et commis tona les jours de ma
vie. O Dieu, qui avez tout créé,
vous connaissez tous mes pé-
chée, pardonnez.les moi, et me
faites miséricorde, parce que
je TOUS ai excessivement olTen-
sé. C'tst pourquoi je vous sup-
plie, Seigneur, que mon cœur
soit armé d'nne foi inébranla-
ble ma tête du casque de
salut t mon front, de signe de
Jésus-Christ ma bouche, de la
parole de la vérité. Que j’aie
dans l'âme une bonne volonté,
l'amour de Dieu dana le fond
de mon cœur, la ceinture de la
chastcté tout antonr de moi.
Qa'il n'y ait rien que d'honnête
dans mes actions, rien qne de
pur dans ma conscience que je
sois humble dans la prospérité
ct patient dans l’affliction, que
je n'aie d’espérance que dans le
Créateur, et que je reçoive de
ET DU SACRIFICE DB JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.199
lui le don de la persévérance fiuale et l'amour de la vie éternelle
par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui, étant Dieu, vit
et règne aiec Tous dans l'unité du Saint-Esprit, dans tous les
siècles des siècles. Ainsi soit-il.
V. Le Prêtre s'humilie de nouveau et, sachant bien
que ce sacrifice de propitiation n'attirera sur lui que
vengeance et colère, s'il n'offre auparavant à Dieu le
sacrifice d'un esprit humilié, et d'un cœur contrit, il
fait cette prière « In spiritu humilitatis. Nous nous pré-
sentons devant vous Seigneur., avec un esprit humilié
et un cœur contrit recevez-nous, et faites que notre
sacrifice s'accomplisse aujourd'hui en votre présence
de telle sorte qu'il vous soit agréable, ô Seigneur Dieu.
VI. Il élève ensuite les mains vers le ciel, d'où il attend
cette grace, et d'où la bénédiction et le feu sacré doi-
vent descendre sur le sacrifice en disant « Veni,
Sanctificator. Venez, ô Sanctificateur tout-puissant,
Dieu éternel et bénissez ce sacrifice préparé à votre
saint nom. »
Après s'litre lavé les mains et avoir demandé à Dieu
une punlé de coeur toujours plus grande il fait uuu
nouvelle oblation du sacrifice en ces termes
VU. « Suscipe, Sttncta Trinitas. Recevez, Trinité
Sainte, cette oblation que nous vous offrons en mémoi-
re de la Passion, de la Résurrection et de l’Ascension
de Jésus-Christ Notre Seigneur, et en honorant la bien-
heureuse Marie toujours Vierge, lé bienheureux Jean-
Baptiste, les apôtres Pierre et Paul, et tous les Saipts
afin qu'ils y trouvent leur gloire, et nous, notre salut, et
que ceux dont nous célébrons la mémoire sur la terre
veuillent bien intercéder pour nous dans le ciel Nota
vous en prions par le même Jésus-Christ Notre Seigneur.
Ainsi soit-il.
200 IDÉEnu SACERDOCE
Cetteprièrerenfermetouteslespersonnesqui ontpartausacrifice,quoiqued'unemanièrebiendifférenteDieu,Jésus-Christ,lesSaintsducielet lesGdèlessurla terre.
Dieu,dansl'unitédesonessence et dansla trinitédesespersonnes,est le seulà quile sacrificesoitoffert.Jésus-Christ,la secondedecestroispersonnes,y estoffertdanssonhumanité.L’Égliseducieletde laterrereçoitlefruitde cetteoblation.
Dieuseulreçoitle sacrifice,commel'hommagequiestdûà sasainteté,à lasouverainetédesonêtreet àsatoute-puissance,parcequ'ilestleprincipeet la findetoutl'êtrecréé.
Jésus-Christest l'oblationet la victimemême,nonsimplementofferteà Dieu,maisofferteenmémoiredesaproprePassion,desaRésurrectionet desonAscen-sion c'est-à-direqueJésus-Christest offertà DieucommeunevictimeimmoléedanssaPassionet danssa mort;commeclarifiée,consomméeet reçuedansleseindeDieuparsaRésurrection,etcommeportéedansleSaintdesSaintsducielet élevéedevantletrônedeDieuparsonAscension,pourêtre toujoursprésentedevantsaface,etyplaidernotrecauseauprèsdelui.(Voyez2.part.chap.IV.etc.),commentlesacrificedela messeestunsacrificevéritableet commémoratifdedeceluidela croix.
L'Egliseducieletcelledelaterres'unissentensem.blepouroffrirlaVictimedenotresalut,enmémoiredesonimmolationetil estde la naturedecesacrificequeceuxquil'offrenty communientet y participent.Ceuxquicombattentencoresurlaterreycommunientsacramentellement,et enreçoiventdenouveauxeffetsde vie.LesSaintsdu cielycommunientaussi,mais
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 201
9*
spirituellement; et c'est par cette communion conti-
nuelle que la vie glorieuse de J.-C. leur est communi-
quée dans le ciel. Us communient encore en quelque
façon à la gloire et à l’honneur qui est rendu sur la terre
à J.-C. dans le sacrifice. Comme on y fait mémoire de
sa vie, de sa mort, de tous ses mystères, on y fait
aussi mémoire des Saints et des dons qu'ils ont reçus de
Dieu; mais toute la gloire en est rapportée à Celui qui
en est la source et le priucipe et c'est moins eux qu'ou
honore, que la puissance et la miséricorde de Dieu qui
les ont faits tout ce qu'ils sont.
VIII. Plus le Prêtre approche de l'aclion du sacrifice
plus il sent le besoiu qu'il a de l’Esprit de Dieu, et se
croit obligé de renouveler l'attention, l'application et la
ferveur du peuple pour le sacrifice. C'est pourquoi il se
tourne vers lui et l'invite à prier en lui faisant entendre,
pour l'y porter plus puissamment, que c'est son sacri-
fice, que c'est le sacrifice de toute l'Église qu'il est
offert par les mains du Prêtre, mais qu'il l'offre aussi
avec le Prêtre, quoique le Prêtre seul rende la victime
du sacrifice présente sur l'autel par la consécration. Il
dit donc, en se tournant vers le peuple
« Orate, fratres. l'riez Dieu, mes frères, que mon
sacrifice, qui est aussi le vôtre soit favorablement
reçu de Dieu le Père Tout-Puissant. »
A quoi le peuple répond, par la bouche du Ministre
qui sert à la Messe « Suscipiat. Que le Seigneur daigne
recevoir de vos mains le sacrifice à la louange et à la
gloire de son nom, en sorte qu'il nous profite aussi et
à toute son Eglise sainte.
Dans les prières de Charles-le-Chauve, il y en a une
différente de cette d'aujourd'hui et qui marque bien la
ressemblance qui se trouve entre l’office du Prêtre et
202 IDÉE Du SACERDOCE
celui de la Mère de Dieu, et que le même Esprit-Saint,
qui a formé le corps du Fils de Dieu dans le sein de sa
Mère le doit produire aussi sur l'autel. La voici
Quid orandam sit ad Mis-
sam pro sacerdote quando
petit pro se orari.
Spiritus Sanctus superve-
niat in te, et Virtus AUissimi
obambret le. gemor sit sa-
crificii tui, et holocaustum
tuum pingue fiat. Tribuat
tibi secundum cor tuum, et
omnempetitionem tuam con-
firmet. Da, Domine, pro
peccatis nostris acceptabile
et susceptibile fieri sacrifi-
cium in conspectu tuo.
Quelle prière on doit dire à
la Messe pour le. Prêtre, quand
il demande qu'on prie pour lui..
Que le Saint-Esprit survienne
en vous, et que la Vertu du
Très-Haut vous couvre de son
ombre. Qu'il se souvienne de
votre sacrifice, et que votre ho-
locauste lui soit agréable. Qu'il
vous donne ce que votre cœur
désire, et qdil ratifie toutes vos
prières. Accordez Seigneur
que le sacrifice soit digne d’être
reçu en votre présence pour
nos péchés.
Ces premières paroles tirées de celles que l'Aoge dit
à la Vierge, se disaient aussi en quelques Églises,
comme le marque Alexandre de Alès, rapporté par le
cardinal Bona. Je trouve aussi qu'on les disait en 1566
dans le diocèse de Cologne, et qu'on y ajoutait les trois
premiers versets du Ps. 19, Exaudiat te. mais elles
étaient précédées de ces antres paroles « Orent pro te
omnes Sanctl.et Electi Dei; que tous les Saints et les Blus
de Dieu prient pour vous. C'est ce qui est dans une
espèce de Missel des Laïques, imprimé cette année-là
à Cologne, et dans la Messe d’Illyricus, qui est l’an-
cienne Romaine. Il y a quelque chose de semblable dans
un Missel manuscrit de M. du Tillet cité par le cardinal
Bona. Enfin, selon le Manipulus Curatorum de Gui de
Mout-rocher dédié à Raymond Evêque de Valence en
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 203
Dauphiné, l’an 1333, on répondait au Prêtre en disant
le Ps. 19 en entier, ou bien par cette prière Dominus
sft in cprde tuo et in ore tuo, ut suscipiat Sacrificiam de
ore tuo, et de manibus tuis pro tua nostraque omnium sa-
lute. Que le Seigneur soit dans votre cœur et dans votre
bouche, afin qu'il reçoi.ve de votre bouche et de vos
mains le Sacrifice pour votre salut et celui de noas tous. »
Ce qui est aussi dans la Messe Romaine d’Illyricus.
Pour ce qui est de la prière qui se dit aujourd’hui,
elle doit servir de règle aux fidèles pour former leur in;
tention, dans l’offrande du sacrifice, à la sanctification
du nom de Dieu, à l'établissement de son règne, à l'ac:-
complissement de sa volonté, à l'exaltation de l'Eglise
et enfin à leurs propres besoins. Ils ne doivent pas s'i-
maginer que le sacrifice leur appartient parce qu'ils
auront fait une modique offrande. Car t'Eucharistie est
Je sacrifice de tonte l’Eglise c'est à l'Eglise que J.-C. a
été donné c'est elle qui offre J.-C. à son Père: c'est
elle qui est offerte avec J.-C; c'est elle qui reçoit J.-C.,
et ce n'est que comme tes Ministres et ses membres
que l'on a droit, ou d'offrir à Dieu le sacrifice ou de
prétendre au fruit du sacrifice
Qui peut donc souffrir qu’il y ait des Chrétiens si peu
instruits que, quand ils ont donné quinze sous pour une
Messe, comme on parle aujourd'hui, ils croient avoir
acquis et acheté un droit sur le sacrifice de l’Eglise, et
ne font pas difficulté de dire: C'est ma.musse; comme si
le reste des fidèles y avait alors moins de droit. Ils doi-
vent savoir que ce qu'ils présentent à l'Eglise, n'est pas,
pour la messe, mais pour l'entretien du prêtre que ce
n’est pas le prix du sacrifice, msis une aumône, on
plutôt une juste contribution pour la subsistanco des
ministres de l'Eglise et pour- les choses nécessaires au
204 IDÉE DU SACERDOCE
sacrifice, et que cette contribution ne leur donne droit
d'avoir plus de part au fruit du sacrifice, qu'autant
qu'ils ont plus de charité, dont cette contribution peut
être en effet une marque.
Tous les fidèles offraient autrefois à l'autel du pain
du vin., de l'huile, et toutes les choses nécessaires pour
la célébration des saints mystères et pour la communion
des fidèles et quand on avait pris ce qu'il fallait pour
cet usage, les ministres de l'autel vivaient du reste et
des autres aumônes qui se faisaient à l'Eglise.
Pour remédier à plusieurs inconvénients qui nais-
saient de cette sorte d'offrandes, l'Eglise trouva bon
d'ordonner qu'on n'offrit plus à l'autel que le pain et le
vin pour la consécration du corps et du sang de Jésus-
Christ, et de l'huile pour les lampes.
La diversité du pain et du vin, qui étaient offerts pour
consacrer, n'étant pas sans incommodité et sans incon-
vénient, l'Eglise trouva bon qu'une seule personne of-
frit le pain, le vin elle luminaire nécessaires pour le
sacrifice, et que le reste des Gdèles offrissent en argent
ce qu'ils auraient dévotion de donner pour la subsis-tance des Ecclésiastiques. Nous avons encore un vestigede cet usage dans la Messe solennelle pour un défunt,où l'on offre du pain et du vin des cierges et de l'ar-
gent. C'esl encore de là si je ne me trompe, qu'estvenue la cérémonie du pain bénit, qui s'est si religieuse-ment conservée dans l'Eglise de France qu'elle se pra-
tique même dans les villages les plus pauvres. Chacun
le fournit à son tour les Dimanches el les fêtes, avec
le luminaire les autres fidèles donnent en argent ce
qu'ils ont dévotion de donner à l'Offrande et l'on n'yoffre point de vin, parce que les laiques ne communient
plus sous l'espèce du vin.
ETDUSACRIFICEDE JÉSUS-CHRIST.— IV. PART. 205
De plus, la dévotion des Chrétiens s'étant beaucoup
ralentie, ils n'ont plus communié qu'aux grandes fêtes.
C'est pourquoi le pain, qui était offert pour être consacré
et pour servir à la communion des fidèles, n'a pu être
tout employé à cet usage, et comme il restait beaucoupde ce pain, on en distribuait à ceux qui ne communiaient
pas, pour leur être une marque de communion, et comme
une, image et un supplément de la communion au corps
de Jésus-Christ. Ce pain était bénit et par les prières du
Prêtre, et parce qu'il avait été offert et comme destiné
à être changé au corps de J.-C., ce qui était une espè-
ce de consécration.
Enfin les Prêtres se sont chargés du soin de préparer
le pain qui devait servir à la consécration et à la com-
munion des fidèles et ceux-ci au lieu de pain, ont
donné de l'argent. Cependant on a continué d'offrir dn
pain pour être distribué aux Chrétiens qni mangeant
tous du même pain témoignaient par là qu'ils étaient
membres d'un même corps, comme S. Paul le dit du
pain céleste, qui est Jésus-Christ: Unum Corpus omnes
nos sùmus, qui de ano pane participamus. (1. Cor. 10. 17.)
Depuis que les messes basses et privées comme on les
appelle communément, ont été mises en usage, l'offran-
de publique ne s'y est point faite mais, en sa place, on
a fait, selon sa dévotion, une offrande particulière, qui
est ce qu'on nomme aujourd'hui rétribution, laquelle
ne donne pas plus de droit de s'approprier les messes
privées, que l'offrande publique n'en donne de se rendre
propre la messe solennelle et paroissiale.
C'est ce qu'il a été bon de remarquer, pour redresser
et régler l'intention des Chrétiens dans la rétribution des
messes. Et bien loin que cette réflexion doive ralentir
leur zèle, elle doit au contraire le faire croître puis-
ao6 IDÉE Du SACERDOCE
qu'elle leur fait connaitre que ce n'est pas une pure li-
béralité, mais une action qui répond à ce qui S'est tou-
jours-pratiqué dans tout sacrifice, où celui qui l’offrait
devait fournir l'hostie; et à l'usage même le plus reli-
gieusement observé par les anciens fidèles, qui apport-
taient et offraient eux-mêmes à l'autel lepain qui devait
être consacré, et dont ils devaient communier, après
qu'il avait été changé au corps et au sang de Jésus-
Christ. C'est d'ailleurs un devoir dont ils doivent s'ac-
quitter envers les ministres du sacrifice,
Cette oblib tion à l'égard dès Ministres est fondée sur
le droit qu'ils ont de vivre de l'autel en servant à l'autel
et les fidèles doivent avoir d'autant plus de soie de s'ac-
quitter de cette obligation, que cette action de religion,
de justice et de charité, faite dans l'esprit de l'Église et
avec piété, les dispose à recevoir, plus abondamment
que ceux qui négligent de s'en acquitter, le fruit et l’ap-
plication du sacrifice.
IX. La Secrète. C'est ce que l'Église demande pour
eux particulièrement dans la prière qu'on appelle Secrète,
qui suit celle que nous venons d'expliquer. Car cette
prière regarde les offrandes qui ont été faites par les
fidèles, et qui doivent être changées au corps et au sang
de Jésus-Christ. C'est par cette.prière qu'on les offre à
Dieu, et qu'on lui demande qu'il les bénisse et les rende
utiles à ceux qui les ont faites et à tous les autres
c'est-à-dire que le sacrifice qui doit être offert à Dieu,
soit pour tous une source de grâces. Car il faut remar-
quer qu'elle en étend l'application à tous sans exception.
Ce dessein de l'Église dans cette prière parait claire-
ment dans la Secrète du cinquième Dimanche après la
Pentecôte, conçue en ces termes Propitiare Domine.
Rendez-vous, Seigneur, favorable à nos supplications,
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. -IV. PART. 207
et ayez la bontéd'agréer ces offrandes de vos serviteurs
et de vos servantes; afin que ce que chacttu d'eux a of-
fert pour la gloire de votre nom soit utile à tous pour
le salut. par Nôtre-Seigneur Jésus-Christ votre Fils, qui
vit et règne avec vous dans l’unité du St-Esprit. »
QUATRIÈME PARTIE DE LA MESSE.
Depuis le Canon jusqu'a,u Pater.
I. Préface du Canort. Le Prêtre, par la préface du
Canon, exhorte le peuple à disposer son cœur aux sacrés
mystères qui vont commencer; ce qui a précédé le Ca-
non n'étant que préparatoire à l'action du sacrifice.
Il souhaite que le Seigneur soit avec lui Dominas vo-
biscum; et les fidèles font pour lui le même souhait Et
cum Spiritu tuo Qu'il soit aussi avec votre esprit, selon
la promesse qu'il a faite à ses ministres, en la personnede ses Apôtres, de lui être toujours présent jusqu'à la
consommation des siècles dans les fonctions de leur
ministère.
Le Prêtre exhorte ensuite le peuple fidèle à lever plus
que jamais son cœur vers le ciel: Sursum corda. Et après
que le peuple l'a assuré que son esprit est appliqué à
Dieu: Habemus ad Dominum Le Prêtre l'invite à ren-dre grâces au Seigneur notre Dieu Gratias agamus Do-
mino Deo nostro. Le peuple répond que c'est un de-
voir bien juste et bien dû à Dieu Dignum et justum est.
Alors le Prêtre, adressant à Dieu même la parole, re-
connaît qu'il est vraiment juste de lui rendre grâces en
tout temps et en tous lieux, à cause de la souveraineté,
de la sainteté, de la toute-puissance et de l'éternité de
son être divin Vere dignum et justum est.
C'est un devoir de religion que demande de nous la
"208 IDÉE DU SACERDOCE
grandeur el la souveraineté de Dieu Vere dignuln est.
DOMINE car ce mot marque particulièrement le souve-
rain domaine de Dieu sur sa créature.
C'est un devoir de justice dû à sa sainteté car la sain-
teté de Dieu semblerait demander qu'il fùt éternelle-
ment retiré en lui-môme, sans rien communiquer de
son être aux créatures or que Dieu, nonobstant sa
sainteté, ne laisse pas de se communiquer à nous qui
ne sommes qu’impureté à son égard, et de faire sur nous
une effusion si libérale de sa bonté c'est un sujet très-
juste d'action de grâces Vere justum est. SAVCTE.
C'est un devoir que la raison même exige de nous, à
cause de sa paternité et de sa toute-puissance. Car,
comme père, de toute éternité, il est la source et le
principe éternel de tout l'être créé; et comme tout-puis-
sant, il est la cause et la 6o de la création tout entière.
Il est donc très-raisonnable de lui rendre grâces en tous
temps et en tous lieux puisque toujours et partout Dieu
fait une commnnication de sa puissance à ses créatures,
en leur donnant l'être, en les conservant et les faisant
agir tant dans l'ordre de la nature que dans ceux de la
grâce et de la gloire. C'est de quoi l'Église veut le louer
dans le Saint Sacrifice Pere œquum est. PATER OMNI-
POTENS.
Enfin notre être ne peut avoir de durée que par dé-
pendance de l'éternité de Dieu et nous ne pouvons es-
pérer d'être éternellement heureux qu'en participantà son éternité bienheureuse, ni nous y disposer qu'eu
servant le Dieu éternel, et en rendant hommage à son
éternité en elle-même. C'est donc un exercice très-salu-
taire que de rendre sans cesse grâces à Dieu Vere salu-
tare. ÆTERNE DEUS.
Mais comme nous avons perdu par le péché tout le
droit de participer à l'excellence à la sainteté, à la
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.209
toute-puissance et à l'éternité de l'être de Dieu; et que
c'est Jésus-Christ qui nous l'a acquis de nouveau par les
mystères de sa vie de sa mort et de sa gloire l'Église
en remercie Dieu particulièrement; et elle diversifie ses
préfaces selon les différents mystères du Fils de Dieu
pour lui en témoigner sa reconnaissance,
Elle reconnaît qu'elle ne peut remercier Dieu que par
Jésus-Christ, à l'imitation des Anges qui ne l’adorent,
ne le louent, ne l'aiment, ne le remercient, ne lui ren-
dent en un mnt leur religion que par lui. C'est donc en
priant Dieu de vouloir bien recevoir ses louanges avec
celles de ces esprits bienheureux, qu'elle chante ce
cantique d'admiration et d'adoration «Que Dieu est
Saint que Dieu est Saint 1 Le Seigneur des armées cé-
lestes est Saint. 1 Sanctus sanctus.
Cette prière, Sanctus nous fait entendre que.le sa-
crifice, comme il a été dit, est institué pour honorer la
sainteté de l'Être divin que cette perfection de Dieu est
celle à laquelle les Anges sont plus appliqués dans le
ciel, et à laquelle nous devons tendre incessamment sur
la terre.
Quoique tout ce que nous avons expliqué jusqu'à pré-
sent soit très-saint le Canon de la Messe qui suit
l'est bien davantage. Et comme il a été toujours regardé
avec un respect singulier, nous devons tâcher d'aug-
menter ici et notre vénération et notre humilité, pour
mériter d’entrer dans la lumière qu'il renferme.
II. Le Canon dé la sainte Messe. —a Te igitur. Nous
vous prions donc très-humblement, ô Père très- clé-
ment, et nous vous demandons par Notre-Seigneur Jé-
sus-Christ votre Fils que vous ayez pour agréables
et que vous bénissiez ces dons, ces offrandes, ces saints
sacrifices purs et sans tache, que nous vous offrons
210 IDÉEpU SACERDOCE
pour votre sainte Églisecatholique, afin qu'il vous plaisede la purifier, de la garder, de la réunir et de la régir
par toute la terre et avec elle votre serviteur N. notre
Pape,N. notre Prélat, N.notre Roi, et tousles Orthodoxes,
qui font profession de la foi catholique et apostolique. n
Après avoir considéré, dans la Préface combien
Dieu est digne du sacrifice euaharistique combien il est
juste, raisonnableet salutaire de lui rendre en tout tempset en tous lieux la reconnaissance et les autres devoirs
de la religion, le Prêtre considère les oblations desti-
nées au sacrifice et, élevant aussitôt les yeux vers le
ciel, semble y aller chercher le Fils unique dans le seindu Père pour le faire descendre sur l'autel afin qu'ilvienne lui-même changer ces dons sacrés en son corpset en son sang, consommer son sacrifice par le minis-
tère du Prêtre, et offrir au Père des miséricordes l'ac-
tion de grâces que ['Église lui doit pour toutes celles
qu'il a répandues snr elle.? Nousvous prions donc, ô Père très-clément, et nous
vous demandons très-humblement par Jésus-Christ vo-tre Eils, Notre-Seigneur, d'agréer et de bénir ces dons,ces présents, ces sacrifices saints et sans tache. »Diffé-
rents noms des diverses espèces d'oblations de la loi de
Moise, auxquelles a été substitué le sacrifice de la loi
nouvelle. On les emploie tous ici pour faire voir la per-fection du sacrifice qui, seul, nous donne la vérité detoutes ces anciennes figures.
Le Prêtre dit ces paroles sur des oblations qui ne sontencore que du pain et du vin, et il peut néanmoins yregarder plus ce qu’elles doivent être bientôt que ce
qu’elles sont encore. Car, comme il se fait trois obla.
tions dans la sainte Messe, celle dupain et du vin, celledu corps est du sang propre de Jésus-Christ, et celle
ET DO SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 211
de son corps mystique, qui est l’Église: le Prêtre peut
regarder ce qu'il a alors sous les yeux, on simplement
comme la matière qui doit être changée au corps et au
sang de l’Agneau de Dieu, ou par avance comme déjà
changé en cette sainte victime, ou enfin comme repré-
sentant ceux qui l’ont offert, et en eux toute l’Église.
Il semble d'abord que ce soit dans le premier sens
qu'on doive les prendre, à cause de celles-ci, oti accepta
habeas ac benedicas; puisque cette bénédiction singu-
lière qui doit changer et transformer les oblations, ne
peut convenir qu'au pain et au vin. Mais il y a bien plus
d'apparence que le second sens est le véritable, de mê-
me que dans la prière de l'obladon du pain et du vin
car ces dons et ces présents sont appelés des sacrifices
et des sacrifices sans taches., qui sont offerts pour l'É-
glise et pour tous les fidèles. Or, il n'y a plus de sacri-
fice véritable que celui du corps et de sang de Jésus-
Christ il est le seul qui soit offert pour l’Église, le seul
qui soit la source des grâces dont il est parlé tout de
suite après.
Enfin la victime qui est offerte dans ce sacrifice est le
corps entier de Jésus-Christ. Les membres y sont offerts
avec le Chef, l'Épouse avec l’Époux. Tous les vœux et
toutes les prières des fidèles y sont mises, pour ainsi dire,
sur la tête de cette victime adorable; et tous les dons que
leur foi et leur religion leur font faire à Dieu et à ses,
ministres, tous les prdsents et toutes les aumônes que
leur espérance leur fait répandre sur les pauvres tous-
les sacrifices de leurs bonnes œuvres, de leurs louan-
ges, de leur adoration et de tous les autres devoirs de
leur charité, tout cela est mis entre les mains du grand
Pontife de notre religion, pour être offert à Dieu et
béni de Dieu dans son Fils et par son Fils. Et à cet égard,
212 IDÉE DU SACERDOCE
qui peut trouver mauvais qu'on demande à Dieu qu'il
daigne agréer ces dons, ces présents, ces sacrifices et y
répandre sa bénédiction afin qu'ils soient reçus avec
le sacrifice de son Fils comme ne faisant qu'un seul et
unique sacrifice avec le sien P
On l'offre principalement, imprimis, pour toute l'É-
glise catholique, et en particulier pour les Évéques
pour les Rois et pour les fidèles qui font profession de
la foi catholique et apostolique.
On demande quatre choses pour l'Église Pacificare,
custodire, adunare et regere; c'est-à-dire la paix par la
cessation des persécutions; la protection contre les hé-
résies la conservation de son unité contre les schis-
mes, et la conduite, dans toute vérité et toute justice
par son Saint-Esprit et ses Pasteurs.
Il est bon de remarquer que le sacrifice, aussi bien que
les prières de l'Église, s'adresse au Père, comme l'or-
donne le troisième Concile de Carthage ( Can. 32. )
eutn altari assistitur, semper ad Patrem dirigatur ora-
tio. Non que les autres personnes en soient exclues
mais parce qu'elles sont considérées dans la personne
du Père comme dans le principe d'où elles procèdent
et qui ne procédant lui- mêmed'aucune autre personne,
est le seul principe sans principe. C'est pourquoi l’Église
a toujours conservé avec soin cette pratique d'adorer et
de prier le Père par le Fils dans le Saint-Esprit, comme
on le voit par la conclusion de toutes les collectes ou
'oraisons.
III. 1" Memento. —a Souvenez-vous Seigneur de
vos serviteurs et de vos servantes N. N., et de tous ceux
qui sont ici présents dont vous connaissez la foi et la
piété, pour qui nous vous offrons, ou qui vous offrent
ce sacrifice de louange pour eux-mêmes, et pour tous
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. :p3
ceux qui leur appartiennent pour la rédemption de
leurs âmes pour l'espérance de leur salut et de leur
conservation et qui vous rendent leurs vteux, comme
au Dieu éternel vivant et véritable. à
Le premier Memento est pour recommander nommé-
ment à Dieu dans le sacrifice ceux qui, par leurs bien-
faits envers l'Église, et par le soin qu'ils ont de contri-
buer à la subsistance des ministres de l'autel, méritent
qu'elle les offre à Dieu d'une manière particulière et
ceux qui assistent au sacrifice, pour lesquels on l'offre
ou qui l'o6rent eux-mêmes. Si la Messe se célèbre en
particulier, le Prêtre ne doit pas laisser de dire, et om-
nium circumstantium, parce qu'il doit se regarder comme
étant au milieu du monde, euvironné de tous les hon-
neurs, et chargé de tous leurs besoins et de tous leurs
devoirs pour les offrir ADieu par Jésus-Christ, dont il
tient la place.
Mais l'Église ajoute « Dequi la foi et la dévotion vous
sont connues » ufin de nous apprendre que, pour par-
ticiper au fruit du sacrifice il faut être en état d'en re-
cevoir les effets par la charité, et qu'il ne suffit pas non
plus d'y être présent de corps mais qu'il faut que le
cœur y soit, et que la foi et la piété rendent l'esprit pré-
sent et attentif.
Les intentions du sacrifice de Jésus-Christ, ses effets,
sa vertu et son excellence par-dessus tous les autres sa-
crifices, sont distinctement marqués dans le reste des
paroles de ceue prière.
IV. Communicantes. « Entrant dans la communion,
et honorant la mémoire, premièrement de la bienheu-
reuse Marie toujours Vierge, Mère de Dieu, Jésus,-
Christ N. S., et puis de vos bienheureux Apôtres et Mar-
tyrs. N. N., et de tous les autres Saints, par les méri-
214 IDÉEDUSACERDOCEtes et les prières desquels accordez-nous, s'il vous
plait, la grâce d'être fortifiés en tontes choses du se-
cours de votre protection par le même J. C. N. S. »
Le sacrifice de Jésus-Christ est le sacrifice de toute
l'Église. Les Saints qui règnent dans le ciel et les fidè-
les qui combattent sur la terre, offrent tous la même
victime, mais d'une manière différente. Cette diversité
n'étant que dans le mode, nous avons droit de l'offrir
avec eux, comme nous devons les inviter à l’offrir avec
nous. C'est pour consommer cette union que se fait
cette prière.
V. Hanc igitur. «Nous vous supplions donc, Sei-
gneur, de recevoir favorablement cette offrande de no-
tre servitude, qui est aussi celle de toute votre famille,
de nous faire jouir de votre paix pendant nos jours, de
nous délivrer de la damnation éternelle, et de nous
mettre an nombre de vos élus par J.-C. N. S.
Le Prêtre, en disant cette prière, étend les mains sur
l'hostie, et ainsi, comme membre de l’Église, s'unit à
elle pour être offert et sacrifié avec elle et comme
ministre de l'Église et Prêtre du Très-Haut, prend pos-
session de la victime de la part de Dieu, en tant qu'elle
est substituée à tous les hommes qui devaient être la
la victime de la colère et de la justice de Dieu. Car,
par suite du péché, l'homme devait être, même pendant
cette vie, en butte à toutes les créatures qui devaient
venger sur lui l'injure qu'il avait faite au Créateur, et
dans l'attente d'une mort éternelle. Tel était le sort
de l'homme pécheur sans J.-C. Mais un état de liberté
et d’amour, sons l'empire de la grâce dans l'attente de
la vie éternelle, tel est le partage du même homme qui
a pour victime J.-C. qui s'est fait homme et est mort
sur la croix « pour détruire pat -sa mort celui qui avait
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 215
l'empire de la mort, c’est-à-dire le diable et pour
mettre en liberté ceux que la crainte de 1a mort tenait
dans une continuelle servitude pendant leur vie. » (Heb.
2. 14.) C'est l'état d'où nous sommes tirés par cette
oblation de notre servitude.
VI. Quam Oblationem. « Laquelle oblation nous vous
prions 6 Dieu, d'avoir la bonté de rendre une oblation
entoutesmanières bénie, consacrée, ratifiée, spirituelle
et agréable à vos yeux en sorte qu’elle devienne pournous le corps et te sang de votre Fils bien-aimé, Jésus-
Christ N. S. »
Jusqu'à présent le Prêtre a parlé du sacrifice et en a
fait fcblation, comme si la victime eût déjà été sLr
l'autel. Mais cette oblation serait inutile et sans effet,
si le corps et le sang du Fils de Dieu n'étaient enfin mis
entre les mains du Pretre pour vérifier et ratifier l'o-
blation qu’il en a faite d'avance. C'est ce qu'il demande
à Dieu par cette prière.
Qu'il vous plaise, ô Dieu de faire que cette oblation
soit vraiment bénie, étant changée en ce- fruit béni du
ventre de la Vierge, formé par le Saint-Esprit pour être
la victime de Dieu et la source de toute bénédiction
in omnibus benedictam.
Que ce qui n'est encore que du pain et du vin, créés
pour l'usage des hommes, soit, par ce changement,
une oblation toute divine, tout appropriée et unique-
ment consacrée à la majesté de Pieu in omnibus ad-
scriptam.
Que cette oblation mystérieuse, gui n'est encore que
commencée soit ratifiée et confirmée, étant portée à
votre autel sublime et céleste, comme un sacrifice par-
fait et accom.pli en toutes manières; in omnibus ratam.
Qu’elle devienne spirituelle et vivante de terrestre et
2t6 IDHS DU SACERDOCE
inanimée qu'elle est encore, étant transformée en la
chair glorieuse et vivifiante du Verbe de vie, pour être
la nourriture de l'âme et le germe de la vie éternelle
in omnibus ralionabilem.
Qu'elle soit enfin cette oblation seule digne d'être reçue
et agréée de vous, comme substituée à ces victimes que
vous avez rejelées: et dites, ô grand Dieu sur cette
oblatiou « C'est ici mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis
toute mon affection, e et par qui toutes choses me plai-
sent et sont rendues dignes de m'être offertes en sacri-
fice in omnibus acceptabilem.
Cette oblation ne renferme pas seulement J.-C. mais
encore son Église. On peut donc encore entendre ces
paroles de l'oblation de l'Église, comme représentée
par le pain et le vin avant la consécration, et comme
unie à la victime, quand la consécration l'y a rendue
présente. Que cette oblation que l'Église y fait d'elle-
mémeet de ses enfants, soit vraiment bénie et sanctifiée
pour Dieu, appropriée et consacrée à Dieu ratifiée et
confirmée par Dieu rendue spirituelle et vivante en
Dieu reçue et acceptée de Dieu glorifiée et consom-
mée en Dieu en toutes manières et en tous ses membres;
in omnibus.
Comme, par le changement substantiel du pain et du
vin au corps et au sang de J.-C. cette oblation devient
un sacrifice agréable à Dieu et digne de lui ainsi, que
par le changement de nos mœurs aux mœurs pures et
saintes de la victime de ce sacrifice, nous soyons nous-
mémes dignes d'être la victime de Dieu.
Enfin, rien ne nous empêche de croire que l'Église,
par ces cinq épithètes a voulu marquer les cinq parties
du sacrifice, expliquées ci-dessus. La bénédiction ou
SANCTIFICATIONde la victime, qui la rend digne d'être
ET Dtf SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART.217
10
offerte à Dieu benedictam. L'OBLATION, par laquelle
elle est donnée et toute consacrée à Dieu; adscrtptam.
L’IMMOLATION, qui confirme, achève et ratifie l'obla-
tion; ratam. La CONSOMPTION, qui détruit toutes les
imperfections de la victime, la met-dans un état spiri-
tuel et plus saint rationabilem. Et enfin la COMMUNION
par laquelle la victime monte jusqu'à Dieu et est accep-
tée par lui comme un sacrifice très-agréable; accepta-
bilent.
VII. Après cette prière le Prêtre renouvelle la mé-
moire de la Passion, par ua récit abrégé de ce que J.-C.
üt la veille de sa mort en instituant le sacrement et le
sacrifice de son corps et de son sang en présence de ses
disciples. Il fait ce que J.-C. a fait et, en disant les pa-
roles qu'il a dites, il consacre en sa personne le pain et
le vin les changeant en son corps et en son sang.
Le Prêtre, dans cette grande action, doit être tout à
J.-C. comme à celui qui produit lui-même son corps et
son sang sur sa propre snbsistance qui est la personne
du Verbe, en la vertu de son Esprit, en l'autorité de son
Père, en la puissance par laquelle il l'a ressuscité. Il
doit donc être comme tout anéanti dans ce mystère
puisqu'il n'y fait rien qu'en la personne de J.-C.
VIII. Après la consécration le Prêtre rapporte les
paroles par lesquelles J.-C. ordonne à ses Apôtres et à
leurs successeurs de faire en mémoire de lui ce qu'il
venait de faire en leur présence « Toutes les fois que
vous ferez ces choses, faites-les en mémoire de moi. b
Et il explique aussitôt, par la prière suivante cette
parole de J.-C. In mei memoriam.
« Unde et memores. C'est pour cela, Seigneur, que
nous, qui sommes vos ministres, et, avec nous votre
peuple faisant mémoire de la bienheureuse Passion de
218 IDÉE DU SACERDOCE
votre même Fils J- C. N. S., et de sa Résurrection des en-
fers comme aussi de son Ascension glorieuse au ciel,
offrons à votre incomparable Majesté l’Hostie formée
des dons que vous nous avez faits, et que vous avez mis
entre nos mains, Hostie pure, Hostie sainte hostie
sans tache, le saint Pain de la vie éternelle, et le calice
du salnt perpétuel. »
C'est donc en mémoire de la Passion et de toutes les
autres parties do sacrifice de J.-C., que l'Église l'offre à
Dieu comme l'Hostie pure sainte et sans tache. Ainsi
en remettant sous les yeax des fidèles la victime de Dieu,
par la consécration, elle rappelle à lenr esprit tout l'en-
semble de son sacrifice, afin qu'ils sachent qu'à la
Messe il ne manque rien de ce qui est nécessaire à un
sacrifice véritable. D'ailleurs, par les signes de croix, eile
leur montre l'identité du sacrifice qui a été offert sur
la croix.
Le Prêtre fait cinq bénédictions sur l'Hostie, en disant
ta prière que nous expliquons, pour marquer que cette
Hostie n’est digne d'être offerte à Dieu que parce que
Dieu même l'a bénie et sanctitiée qu’en suite de cette
bénédiction, elle devient elle-même la source de toutes
celles qu’elle répand sur l'Église. C'est au nom et en
l’autorité du Père, que le Prêtre fait ces bénédictions
car il n'y a que lui qui puisse bénir, comme plus saint,
l'humanité de son Fils.
IX. « Supra quœpropitio. Lesquels nous vous prions
de regarder d’un oeil propice et favorable, et les agréer,
comme il vous a plu d'agréer les dons du juste Abel
votre serviteur, et le sacrifice de notre Patriarche Abra,
ham et celui que vous a offert Melehisédech votre sou-
verain sacrificateur le saint sacrifice de l'Hostie sans
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. ——IV. PART.219
10.
Le Prêtre prie Dieu de recevoir favorablement de
ses mains ce- sacrifice, comme il a reçu ceux d'Abel,
d'Abraham et de Mélchisédech. Ce n'est pas qn'i1 veuille
établir de comparaison entre la victime de leur sacri-
fice et la sienne mais il désire être fait participant des
dispositions qu'avaient ces saints personnages en l'of-
frant à Dieu. C'est donc par le sentiment de sa propre
indignité qu'il demande que son sacrifice soit regardé
d'un œil favorable, comme ceux de ces Saints.
De plus, ces hommes et leurs sacrifices étaient des
figures de.i.-C. et de son sacrifice. Ce qu'ils offraient d'é-
tait accepté qu'en vue de ce que J.-C. lui-même devait
offrir et c'est dans ce sens que le Prêtre dit à Dieu
Seigneur voilà que nous vous offrons ennn cette vrc-
time dont Abel Abraham et Melchisédech vous ont of-
fert les figures pourrez-vous donc ne pas recevoir ce
sacrifice dont les figures mêmes vous ont été si agréa-
bles ? Eneffet, dans les présents du juste Abel,nous voyonsl'innocence de J.-C. dans la soumission d'Isaac, sa
propre obéissance, et dans le pain et le vin de Melchi-
sédech le pouvoir qu'il a de donner la vie éternelle.
X. « Supplices te rogamus. Nous vous supplions, 8
Dieu tout-puissant, de commander que ces choses
soientportées à votre autel sublime en présence de votre
divine Majesté par les mains de votre saint Ange afin
que nous tous qui, en ctimmtrniant à cet autel, aurons
reçu le saint et sacré corps de votre Fils, soyons rem-
plis de toute bénédiction céleste et de toute grâce, parle même J.-C.. »
La connaissance certaine que nous pouvons avoir queDieu fera telle grâce te nous dispense pas de là de-
mander; car cette demande entre dans les desseins de
Dieu, et est un hommage que nous toi devons. Ainsi,
220 IDÉE DU SACERDOCE
quoique très-certaine de l'acceptation de la victime
l'Église ne laisse pas de demander qu'elle soit portée
à son autel sublime parles mains de son Ange. Cet Ange
est celui qui préside à la prière et au sacrifice et ce mi-,
nistère qui lui est confié nous montre combien nous
sommes redevables à ces esprits célestes.
On peut aussi regarder dans cet Ange Jésus-Christ
même, qui porte le Sacrifice dans le Saint des Saints
comme Grand Prêtre véritable, et l'offre sur l'autel su-
blime de sa subsistance à la Majesté de son Père pour
qu'il soit une source de bénédictions célestes pour toute
son Église.
Cette prière, en nous montrant que ce n'est que par
J.-C. que nous pouvons être agréables à Dieu, nous fait
encore entendre que nous ne pouvons participer à la
victime de son sacrifice qu'après qu'elle a été reçue par
lui dans son sein et acceptée, qu'après qu'il y a com-
munié.
XI. « Mémentoetiam. Souvenez-vous aussi, Seigneur,
de vos serviteurs et de vos servantes N. et N. qui nous
ont précédés avec le sacrement de la foi et qui dor-
ment du sommeil de paix. Nous vons supplions Sei-
gneur, de leur donner par votre miséricorde, et à tous
ceux qui reposent en J.-C., le lieu du rafralchissement,
de la lumière et de la paix, par le même J.-C. N. S. »
Le sacrifice de l'Eucharistie est le sacrifice de toute
l'Église et toute l'Église y doit donc communier. Cette
partie dn corps de J.-C. qui souffre dans le purgatoire
communie à ce sacrifice en recevant, par son efficace,
l'application des mérites de la mort du Fils de Dieu. Les
âmes du Purgatoire ont déjà participé au sacrifice de
J.-C. par le sacrement de la foi signo fldei, par lequella passion la mort et la résurrection de Jésus-Christ
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. IV. PART. 221
lui ont été appliquées. Elles ont encore communié à ce
sacrifice autant de fois qu'elles ont reçu le corps et le
sang de J.-C., autant de fois même que la grâce de Dieu
leur a été communiquée.
Elles ont été sacrifiées réellement dans leur mort
car la mort des chrétiens justes unie à celle de J.-C.,
devient un sacrifice qui les consacre en quelque ma-
nière. Et lorsque le feu de la charité est assez fort pour
consumer toutes leurs taches ils passent d'ici dans le
véritable Temple de Dieu, qui les reçoit comme un sa-
crifice et les fait entrer dans son sein comme partie de
sa propre victime, qui est J.-C.
Mais quand le feu de la charité n'est pas assez fort
pour les purifier de manière à pouvoir être offertes avec
J.-C. dans le ciel le feu du purgatoire y supplée jus-
qu'à parfaite pureté.
XII. « Nobisquoque. Et pour nous autres qui som-
mes vos serviteurs, quoique pécheurs à qui il ne reste
d'espérance qu'en la multitude de vos miséricordes
daignez aussi nous faire entrer en communion avec vos
SS. Apôtres. et avec tous vos Saints en la compagnie
desquels nous vous prions de vouloir bien nous rece-
voir; non en pesant le mérite mais en faisant grâceet miséricorde. »
L'Église militante ne peut penser à la grâce qu'ellevient de demander de voir l'Église souffrante unie à la
triomphante, sans soupirer après le même bonheur,
quoiqu'elle reconnaisse son indignité; nobis quoique pec-
caloribus. Aussi ne le demaude-t-elle pas comme une
dette, mais comme une grâce non estimator meriti, sed
veniœ largilor.XIII. « Per C. D. N. per quem. Par J.-C. N. S. par qui
vous créez toujours, Seigneur tous ces bien* par qui
222 IDÉE DU SACERDOCE
vous les sanctifiez, vous les vivifiez, vous 'les bénissez
et vons nous les donnez. Que par lui, avec lui et en lui,
tout honneur et toute gloire vous soient rendus à vous
Dieu le Père tout-puissant en l'unité du Saint-Esprit,
dans tous les siècles. »
C'est par J.-C. que nous espérons obtenir la grâce
d'être un jour consommés avec lui en Dieu son Père,par
un sacrifice parfait, comme c'estpar J.-C même que tout
se fait dans le sacrifice présent de l'autel. Car, en joi-
gnant la fin de la partie précédente avec le commence-
ment de celle-ci il parait que l'Église compare ici ce
qui se passe en nous pour devenir un même Christ et
une même victime avec J.-C., et pour être offerts avec
lui en sacrifice sur son autel sublime, avec ce qui se
passe à l'égard du pain pour en faire le corps de J.-C.
Dieu, par J.-C. son Verbe, crée le pain et le vin en
les tirant du néant; creas. Il les sanctifie en tes séparait
de tout usage profane et les destinant au sacrifice
sanctificas. D'un pain terrestre et inanité il en fait le
pain vivant du ciel, en le changeant au corps et au sang
de son Fils; vivificas. Il en fait un sacrifice de bénédic-
tion et de louange qui est oftert à sa gloire, et qui est une
source de toute sorte de bénédictions pour son Église
benedicis. Enfin après l'avoir reçu comme sacrifice, il le
distribue à ses enfants par la communion, leur fait
recevoir ce pain de la vie éternelle et ce breuvagecéleste;
et prœstas nobis. Et tout cela par J.-C. per guem luec
omnia etc.
llieu pareillement tire ses élus du néant par la créa-
tion creas. Il les sépare de la masse corrompue, et les
prédestine à sa gloire; sanctificas; car ce mot signifie
séparer et destiner, dans l'Écriture. Il leur donne une
nouvelle vie en J.-C. par la justification vivificas, etc.
ET DU SACRIFICE M JESUS-CHRIST. ——IV. PART. 223
les bénit de cette grande bénédiction promise à Abra-
hampour sa postérité. de cette bénédiction sacerdotale
par laquelle l.-t. consomme ses élus en tes consacrant
à son nom pour l'éternité benedicis. Enfin en les con-
sommant dans la gloire 4le son corps mystique il les
donne à ce corps et à tous les autres membres par la
communion des Saint. et prœstas nobis. Tout cela se
fait par J.-C. avec J.-C. et en J.-C.
Ici finit le Canon, appelé par excellence la Prière, par
S. Grégoire-le-Grand parce qu'il confient la forme
immuable du sacrifice de J.-C., qui est la grande Prière
de l'Église.
CINQUIÈME PARTIE DE LA MESSE.
Depuis le Pater jusqu'à la Communion.
I. • Oremus. Prœceptis salutaribus. Ayant reçu les
règles et les préceptes du salut et suivant la forme de
l'institution divine qui nous a été prescrite nous pre-
nons la confiance de dire.
Cette préface du Pater se diversifiait en plusieurs
Églises selon les diverses solennités. Aujnurd'hui elle
est invariable. Elle montre avec quel respect l'Église va
réciter cette oraison Dominicale ce n'est qu'après
avoir déclaré que ce n'est que par J.-C. qu'avec J.-C.
et en J.-C., et pour obéir au commandement salutaire
de J.-C. qu'elle a la confiance de l'adresser à Dieu
qu'elle le commence en effet. Jadis l'Église ne le don-
nait qu'aux catéchumènes déjà initiés aux mystéres'etsur le point d'être baptisés c'était le mercredi après le
quatrième dimanche de carême peu de jours avant te
,Samedi-Saint, jour de leur baptême.Il. «Pater noster. Notre Père, qui êtes dans les
224 IDÉE DU SACERDOCE
cieux. » Laprière aussi bien que le sacrifice s'adresse
au Père-par le Fils, dans le Saint-Esprit. ( S. Léon,
Serm. 30. in Nat.) Hais ce n'est pas au Père, tel qu'il est
avant la Création et l'Incarnation, que nous nous adres-
sons car en ce sens rien n'a,rapport à lui que son Fils
et son Esprit. Mais depuis qu'en J.-C., il a créé le monde
et s'est donné des enfants adoptifs auxquels il a commu-
niqué son Esprit d'adoption, nous nous adressons à lui,
non pas comme au Père éternel qui réside en lui-même,
mais comme à notre Père qui réside dans le Temple
céleste qu'il s'est bâti, le ciel où il veut être adoré.
Nous entrons donc par cette prière en communion des
droits de la filiation de J.-C., pour pouvoir appeler Dieu
notre Père, et si nous en suivons le sens et l'esprit nous
entrons en communion de ses plus saintes dispositions
envers son Père, pour pouvoir communier à son corps,à son sang et à son Esprit.
Il. « Sanctificetur. Que votre nom soit sanctifié que
votre règne arrive que votre volonté soit faite en la
terre comme au ciel. » Comme l'amour de Dieu est le
premier et le plus absolu des commandements nous
ne devons rien demander et rien désirer que par rap-
port à Dieu. La sanctification de son nom doit donc être
le premier besoin de notre cœur c'est-à-dire, nous de-
vons demander que la sainteté de Dieu, notre Père, soit
connue, louée, adorée, imitée des chrétiens; et que
tous les élus soient consommés dans cette sainteté, pour
pouvoir la louer éternellement avec les Anges: Sanctus,
Sanctus.
L'avénement du règne de Dieu est le second objet de
notre prière parce que c'est le premier moyen de la
sanctification de son nom dans les créatures. Il y en
aura toujours qui déshonoreront Dieu jusqu'à ce qu'il
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 225
10*
ié soit assujéti tous ses ennemis ou par sa grâce et sà
miséricorde, ou par sa justice. Quand toute créature
sera à sa place, Dieu régnera et c'est ce règne qu 'a en
vue J.-C. dans cette seconde demande.
Comme l'acconeplissement de la volonté de Dieu est lé
règne de Dieu, sur-la créature, J.-C., qui nous fait
demander le règne de son Père, nous fait ajouter tout
de suite que votre volonté soit faite sur la terre comme
au ciel, afin qu'il règne ici comme il règne dans le
ciel.
« pa»em nostrum. Donnez-nous aujourd'hui notre
pain de chaque jour.Et remettez-nous nos dettes, comme
nous remettons à ceux qui nous doivent. Et ne nous
abandonnez pas à la tentation mais délivrez-nous du
mal. Ainsi soit-il.
Quand nous demandons notre pain et tout ce qui nous
est nécessaire, ce ne doit être que pour faire la volonté
de Dieu et notre pain doit être de faire sa volonté
comme était celui de J.-C. (J. 4. 34.) Ce mot de pain si-
gnifie aussi spécialement le pain eucharistique que Dieu
a préparé à ses enfants. Il est notre pain, que nous of-
frons mais il est le pain de Dieu qu'il reçoit dans son
sein, auquel il communie et auquel il nous donne part.
Mais pour être digne de le manger, il faut être sanc-
tifié, avoir lavé ses péchés, et être dans la disposition
de nous affermir dans le bien par la prière, le pardon
des iojures. Et c'est ce que l'Eglise fait faire à ses en-
fants par cette prière, où se montre l'obligation de la
charité, qui est la vraie préparation à ce banquet sacré,
ainsi que ce pacte que Dieu fait avec nous de nous faire
miséricorde, si nous la faisons à nos frères.
Comme nous devons être délivrés des péchés passés
pour communier au sacrifice, de même nous devons
226 IDÉE DU SACERDOCE
prévenir ceux où la tentation nous pousse pour profi-
ter de ses fruits. C'est pourquoi nous demandons de n'y
point succomber et d'être délivrés de tout mal.
Le prêtre répond tout bas: Amen parce qu'il repré-
sente J.-C. qui est I'dme, c'est-à-dire le sceau, la vérité
et l'accomplissement de toutes les promesses de Dieu
le mérite, le prix et l'efficacité des prières de l'Église.
111. Libera nos, Domine. Délivrez-nous, Seigneur,
de tous les maux passés présents et à venir et par
l'intercession de la bienheureuse Marie Mère de Dieu
toujours vierge, et de vos bienheureux Apôtres Pierre
Paul et André, et de tous les Saints; donnez-nous par
votre bonté la paix en nos jours afin qu'étant assistés
du secours de votre miséricorde, nous ne soyons jamais
esclaves du péché, et que nous soyons à couvert de
toute sorte de troubles et de dangers Par le même
Jésus-Christ. »
1.'Église insiste ici sur la dernière demande qu'elle
vient de faire dans le Pater, d'être délivrée de tout mal
et surtout du péché, et souhaite d'être confirmée dans
la paix.
IV. « Pax Domini.Que la paix du Seigneur soit tou-
jours avec vous et avec votre esprit. » Celle paix que
l'Église désire tant, est une disposition essentielle au
sacrifice et à la communion elle doit en être aussi
l'effet. C'est la paix du Seigneur; pax Domini.« Hœccommistio. Que ce mélange et cette consécra-
tiert du corps et du sang de M. S. J.-C. devienne pour
nous, qui les recevons une source de la vie éternelle.
Ainsi soit-il.
Il y a encore une autre paix à attendre dans le siècle
à venir la paix parfaite et éternelle dont jouissent les
Saints dans cetEe vie, que demande ici l'Église, comme
l'effet du sacrifice de J.-C.
ET DO SACRIFICE ISE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.22J
Ce mélange, qui se fait dans le calice des espèces çju
pain et du vin consacrés, représente l'union de l'hommeavec Dieu dans l'Incarnation dans la communion Eu-
charistique et dans la communion parfaite et éternelle
du ciel.
V. Agnus Dei. « Agneau de Dieu qui portez et effacez
les péchés du monde. faites-nous miséricorde. Don-
nez-nous la paix.. »
Pour l'obtenir cette paix il faut un médiateur et
C'est l'Agneau de Dieu qui a bien voulu le devenir. L'E-
glise l'invoque donc, et par trois fois, pour être exaucée
dans sa prière.
VI. a Domine J.-C. Seigneur J.-C.. qui avez dit à
vos Apôtres je vous laisse la- paix je vous donne ma
paix n'ayez point égard à nos péchés mais à la foi de
votre Eglise, et daigdez la purifier et la réunir selon
votre volonté vous qui étant Dieu, vivez. »
Pour parvenir à ta parfaite union avec J.-C. par la
communion, les fidèles doivent d'abord être unis entre
eux dans un même esprit; c'est pourquoi le Prêtre de-
mande cette entente préalable entre eux mais comme
ses péchés peuvent retarder l'effet de cette demande, il
fait valoir l'intercession de l'Eglise, qui est la vraie
maison de la prière, où Dieu accorde tout ce qu'on lui
demande.
VII. « DomineJ.-C. O Seigneur J.-C. Fils du Dieu
vivant, qui, par la volonté du Père et la coopération
du S.-Esprit, avez donné par votre mortla vie au monde,
délivrez-moi par votre saint corps et votre sacré sang.
ici présents, de tous mes péchés et de tous les maux
et faites s'il vous platt que le m'attache toujours à
votre Loi, et ne permettez pas que je sois jamais séparé
de vous qui, étant Dieu. »
228 IDEB DU SACERDOCE
Nous n'avons droit à la réception du corps de J.-C.
que par sa mort soit parce que nous ne sommes ré-
conciliés à Dieu que par sa mort, soit parce que nous
ne le recevons que par voie de communion à son sa-
crifice. De méme, nons ne participons au fruit de sa
mort que par la communion. Car elle est la consomma-
tion de la grâce chrétienne ici-bas, comme le baptême
en est le principe, la confirmation et le développement.
Tout, dans le christianisme, se rapporte à la commu-
nion et y prépare. C'est pour cela que St. Augustin a cru
qu'elle est nécessaire même aux enfants, pour le salut.
En ce sens que dans le baptême ils y acquièrent le
droit, comme à une chose qui doit être la perfection de
ce premier sacrement. Aussi ne séparait-on pas autre-
fois l'Eucharistie et la confirmation du baptême mais
les donnait-on même aux enfants.C'est donc avec grande raison que sur le point de
faire la communion, le Prêtre demande d'être délivré
de tous ses péchés qui en sont le véritable obstacle, et
d'adhérer ensuite à Dieu inviolablement.
VIII « Perceptio. 0 Seigneur J.-C. que la commu-
nion à votre corps, que je suis près de recevoir, tout in-
digne que j'en suis ne tourne point à mon jugement ni
à ma condamnation, mais que, par votre miséricorde,.
il me serve de défense pour l'âme et pour le corps, et
qu'il me soit aussi un remède salutaire Vous qui, étant
L'Eglise faitici entendre au Prêtre, par cette prière,
qu'il doit bien s'être éprouvé pour manger ce pain divin
du sacrifice, qui doit produire en lui une vie divine.
Elle insinue en outre que fEucharistie a pour effet de
protéger l'esprit et le cœur contre toute sorte de tenta-
tion ad tutamentam mentis qu'elle amortit la concu-
ETnu SACRIFICEDEJÉSUS-CHRIST. IV. PART. a2g
piscence de la chair, et corporis; qu'elle y produit une im-
pression de pureté qui la rend le temple du St-Esprit
qu'enfin elle est 1e grand remède de la mort de l'âme et
du corps par la résurrection dont elle est le gage; et ad
medelam percipiendam.
IX. « Panem. Je recevrai le pain céleste et j'invo-
querai le nom du Seigneur. »
Ainsi vide de lui-même, le Prêtre n'a plus qu'à ex-
primer son désir de recevoir le pain du ciel à Ment
pauperes et salurabuntur. Les pauvres des affections de
la terre demanderont. d'être rassasiés des biens du ciel
mais ceux qui sont riches de ces affections ne peuvent
goûter les biens qu'il donne qui autem divites sunt,
non satiantur quia non esurient. (S. Aug. Ps. 21.)
Heureux donc celui qui dit dans les sentiments d'un
homme affamé Je vais recevoir le pain céleste Il de-
viendra lui-même le pain de J.-C. car J.-C. se remplit
de nous comme nous nous remplissons de lui il nous
change en lui puisque c'est de nous que son corps
mystique se forme In me manet et ego in eo C'est par
l'Eucharistie que s'accomplit celte divine transformation
de nous en J.-C. de manière que, quittant notre vie
naturelle imparfaite, nous prenons la sienne en adop-
tant tous ses sentiments. Alors ce-n'est plus l'homme
qui vit, c'est J.-C. qui vit en lui.
Alors aussi pourra-t-il invoquer le nom du Seigneur
c'est-à-dire, lui rendre tous ses devoirs de religion. Car
la communion en le mettant en possession de Jésus-
Christ, le met à même de rendre â Dieu tout ce qui lui
est dû. Il doit donc en communiant, se proposer-la
gloire de Dieu et, dans cette vue, prier J.-C. de venir
établir son règne en son cœur, et s'unir lui-métne à
toutes ses intentions.
a3o IDÉE Du SACERDOCE
X. « Domine. Seigneur, je ne suis pas digne que
vous entriez chez moi mais dites seulement une parole
et mon âme sera guérie.
Ce sentiment d'indignité, qui avoue la gratuité de la
grâce renfermée dans la communion plait beaucoup à
Dieu et dispose le Prêtre à la recevoir avec abondance.
Il glorifie encore Dieu en ce qu'il reconnaît qu'il n'est
pas lié à ses sacrements mais qu'il peut d'ane seule pa-
role produire en nous toutes les grâces qu'il voudra.
Ceue conviction doit bien consoler l'àme qui est empê-
chée de recevoir la communion sacramentelle, et l'aider
à mettre toute sa confiance en Dieu.
Danslelivredeprièresdel'empereur Charles-le-Chau-
ve, on lit cette formuletirée de l'aneieuneliturgie romaine:
ORATIO
ANTE COMMUNIONEM.
Domine Sancte, Pater om-
nipotcns œterne Deus da
mihi corpus et sanguinem
Christi, Filii tui Domini
noslri, lta sumere ut merear
per hoc remissionem pecca-
torum accipere, et tuoBancto
Spiritu repleri. Quia ta es
Deus et in te est Deus et
prœter le non est alius, cujus
regnum permanet in seculu.
Amen.
ORAISON
AVANTLA COMMUNION.
Seigneur Saint, Père Tout-
Puissant, Dieu éternel, donnez-
moi la grâce de recevoir de telle
manière le corps et le sang de
N.-S. J.-C. votre Fils. que je
mérite par là de recevoir 1a ré-
mission de mes péchés et d'être
rempli de votre Saint Esprit.
Parce que vous êtes Dieu, et
que Dieu est en vous, et qu'il
n'y en a point d'aatre que vous,
dont le règne subsiste dans les
siècles des siècles. Ainsi soit-il.
XI. Corpus. Que le corps de N. 8. J.-C garde mon
âme pour la vie éternelle. Ainsi soit-il. »
Ainsi le corps de J.-C. nous est do..né comme un gage
de la vie éternelle et comme un viatique pour nous ai-
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 231
der à passer de l'exil à la patrie. Il est comme un sel
divia qui nous préserve de la corruption du péobé, et
nous met en état d'être offerts à Dieu en sacrifice- Toute
notre vie doit donc se ressentir des effets sanctifiantes
de ce divin corps et n'être qu'une préparation à la vie
du ciel.
XII. «Quid retribuam. Que rendrai-je au Seigneur
pour tant de biens qu'il m'a faits?Je prendrai le calice du
salut, etj'invoquerai le nom du Seigneur j'invoquerai
le Seigneur en le louant, et je serai délivré de mes
ennemis. »
En recevant J.-C., le Prêtre a tout reçu car « en nous
donnant son Fils, qu'est-ce que Dieu ne nous a pas
donné? » (Rom.8. 32.) Par conséquent, n'ayant rien que
nous n'ayons reçu notre louange et notre action de
grâces ne peuvent être qu'un don de Dieu. C'est J.-C
le calice du salut, qui est ce don. Car il est le trésor des
pauvres, et quand ils l'ont dans leurs co;urs ils peu-
vent dire à Dieu pour le remercier « In me sunt Deus,
vota tua, qw reddam laudationes tibi. J'ai mon Dieu,
en moi tout ce qui peut vous être offert pour la louange
et l'action de grâces que j'ai à vous rendre. ( Ps. 55.
12. ) C'est dans ce dessein que le Prêtre reçoit le sang de
J.-C. ou le calice du salut.
Une autre intention qu'il doit avoir est de puiser dans
ce calice la mortification. on la mort au vieil homme
pour pouvoir vivre de la vie du nouveau. Car nous,
qui avons plus de soin de communier que de nous mor-
tifler, nous devons savoir que, plus nous recevons sou-
ventJ.-C. par la sainte communion, plus aussi nous som-
mes obligés à la mortification à la pénitence à l'a-
mour de la croix jusqu'à répandre notre sang pour ce-
lui qui nous donne le sien. Alors notre prière sera en
23a IDÉE DU sACBRDOCs
même temps une louange pour Dieu et un principe de
salut pour nous Laudans invocabo Dominum, et ab ini-
micis iueis salvas ero.
SIXIÈME PARTIE DE LA MESSE.
L'action de grâce.
1. a Quod ore. Faites, Seigneur, que nous recevions
dans un cœur pur ce que nous venons de recevoir dans
notre bouche et que le don qui nous est fait dans le
temps nous soit un remède pour l'éternité.
Il y a une différence bien grande entre la communion
de la bouche et la communion du cœur: car plusieurs
reçoivent J.-C. sans être nourris de J.-C. « Celui-là seul
s'en nourrit qui l'imite ille saturatur qui imitatur.
( Aug. in Ps. 24.) Mais ceux qui se nourrissent de la
créature et d'eux-mêmes sont loin de se nourrir de J.-C.,
étant si peu disposés à fimiter. C'est pourquoi l'Église
demande la communion du cœur après celle de la bou-
che, afin qu'elle soit nu remède pour l'éternité.
Il « Corpus tuum. Que votre corps que j'ai reçu
Seigneur, et votre sang que j'ai bu demeurent attachés
au plus intime de mon cœur et faites qu'aucune tache
de péché ne reste en moi, après que j'ai été nourri et
fortifié par des sacrements si purs et si saints Vous qui
vivez, etc. »
Il ne reste, à celui qui a reçu J.-C., qu'à lé garder
soigneusement dans son cœur, et la vigilance et la fi-
délité à faire l'usage qu'on doit du sacrifice et de la com-
munion ne sont pas moins nécessaires que la prépara-
tion pour s'en approcher dignement et l'on peut dire
que celui-là ne se prépare pas bien à la messe qui, après
l'avoir dite longtemps ne veille pas plus qu'auparavant
ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. IV. PART. 233
sur ses habitudes et sur son cœur pour corriger en lui
ce dont il doit s'être humilié avant d'aller à l'autel.
III. Dominus. Le Seigneur soit avec vous. Allez
la messe est dite; ou bien Bénissons le Seigneur. Nous
rendons grâces à Dieu.
Après avoir souhaité au peuple que le Seigneur soit
avec lui, et avoir reçu du peuple le même souhait, le
Prêtre le renvoie en lui disant Allez, la messe est finie,
les mystères sont achevés, Dieu est glorifié et l'homme
béni; ou bien Bénissons le Seigneur; et le peuple ré-
pond Nous rendons grâces à Dieu. Cette dernière réponse
est la digne conclusion du plus grand de tous les mys-
tères car elle rapporte à Dieu tout ce qui s'y est fait
et lui est tellement propre et personnelle qu'elle ne peut,sans blasphémer, être attribuée à nul autre qu'à lui.
IV. « Placeat tibi. Que le ministère de ma servitude,
ô Trinité'sainte vous soit agréable. Recevez, s'il vous
plaît, favorablement le sacrifice que j'ai offert à votre
divine Majesté, quoique j'en fusse indigne, et faites par
votre miséricorde qu'il soit utile et propitiatoire et à
moi-même et à tous ceux pour qui je l'ai offert, par
J.-C. N. S.
Cette prière est donc une demande faite à Dieu de bé-
nir ses propres dons et ceux'à qui il les a faits afin quel'homme n'en abuse pas.
V. Benedicat vos. Que le Dieu tout-puissant, le Père,
le Fils et le Saint-Esprit, vous bénisse. Ainsi soit-il. »
Le Prêtre prend lui-même la bénédiction de J.-C. en
baisant l'autel qui le représente il élève les yeux et les
mains au ciel pour montrer que c'est à ce Pontife su-
prême de bénir le peuple fidèle, et de le bénir par le
mérite de sa croix. Il en forme le signe en bénissant le
peuple et disant Quele Dieu tout-puissant cous 6énisse:
234 IDÉEou SACERDOCE
LePÈRE,aquinousà comblésenJ.-C.de toutesortedebénédictionsspirituellespourleciel,ainsiqu'ilnousaélusenluiparsonamour,afinquenoussoyonssaintset irrépréhensiblesnousayantprédestinésparunpureffetdesabonnevolonté,pournousrendresesenfantsadoptifs,parJ.-C.,àlalouangoetàlagloiredesagrâce.-(Eph.1.3,4.)
«LeFils, en quile Pèrenousa rendusagréablesàsesyeux,quinousa rachetésparsonsang,nousdon-nantlarémissiondenospéchésselonles richessesdesagrâce,qu'ilaverséesurnous,et enquiilaloutréuni,commedansle chef,tantcequiestdansleciel quecequiestsurla terre. (lbid.)
LeSaint-Espritquiest l'Espritdosagesseet derévélationpourconnaîtreDieu,le sceaudontnousavonsétémarquéspourcroireenJ.-C.parlaparoledevérité l'Evangiledenotresalut;legageet lesarrhesdenotrehéritagejusqu'àlaparfaitedélivrancedupeu-ple, queJ.-C.s'estacquisà la louangedesagloire.Ainsisoit-il.( Ibid.v.13.14·17.)
VI.L'ÉvangiledeS.Jean.—CetÉvangileestcommennsupplémentde laviedeJ.-CEllevientd'êtreretracéedansce sacrificequia commencéaumomentdesouIncarnation.Mais,pourenavoiruneconnaissancepar-faite, il fautremonterjusqu'àsa naissaticeéternelledansleseindu Père descendreensuiteà lacréationdu monde,queDieua formédansletempspar sonVerbeéterneletsurl'idéequiestenlui fairevoirquel'hommen'ayantpointconnuDieudanslasagessedesonouvrage,maisaucontrairel'ayantoffensé,sonpé-ché a donnéoccasionà l'anéantissementpassibleduVerbedanslachairet ausacrificedelaréparationqu'ilaoffertsurlaCroix1queJ.-C.,pourrendreleshommes
ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. ——IV. PART. 235
capables d'adorer Dieu dignement s'est fait d'eux un
corps mystique les fafit membres de ce corps et
par ce moyen les rend enfants de Dieu et ses cohéri-
liers. Ainsi il fait d'eux un même Prêtre et une même
victime avec lui pour le sacrifice de l'éternité. Tout cela
est compris dans cet Évangile qni forme te mystère
auguste du sacrifice de la ltease.
LITANIES
En l'honneur du Sacerdoce et du Sacrifice de Notre Seigneur
Jésus-Christ, tirées de l'Épitre de St-Paul aux Hébreux,
et de quelques endroils du Nouveau Testament.
Seigneur, ayez pitié de ous.
Jésus-Christ ayez pitié de nous.
Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus, Prêtre Pontife du Très-Haut écoutez-nous.
Jésus, Agneau Victime de Dieu, exaucez-nous.
Père céleste qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Fils Rédempteur du monde qui êtes Dieu
Esprit-Saint, qui êtes Dieu
Trinité sainte qui êtes nn seul Dieu 5
Jésus, Fils de Dieu et Grand-Prêtre,
Jésus, Victime et Grand-Prêtre choisi parmi les hom.
mes,
Jésus, Victime et Grand-Prêtre établi sur la maison
de Dieu,
Jésus, Victime et Grand-Prêtre établi en faveur des
hommes pour le culte de Dieu
Jésus, Prêtre et Victime de la religion que nous pro-
fessons
236 IDÉE DU SACERDOCE
Jésus, Prêtre et Victime qui n'avez point pris de vous.
même la qualité glorieuse de Pontife
.T.P. et V. établi par celui qui vous a dit Vous êtes
mon Fils je vous ai engendré aujourd'hui
J. P. et V. à qui votre Père dit encore ailleurs Vous
êtes le Prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech. '5
J. P. et V. non par la Loi d'une succession charnelles,
mais par la vertu de votre vie immortelle
J. P. et V. établi à jamais parfait Pontife, non par la
Loi, mais par un serment postérieur à la Loi
J. P. et V. oint par Dieu de l'esprit de sainteté et de
force
J. P. et V. qui, à votre entrée dans le monde dites
Les holocaustes pour le péché ne vous plaisent pas,
ô mon Dieu; mais me voici: je viens pour faire
votre volonté
J. P. et V. qui avez éprouvé toutes nos misères le
péché excepté
J. P. et V. capable de compatir à nos faiblesses,
J. P. et V. qui, pour demeurer à jamais possédez un
éternel Sacerdoce,
J. P. et V. qui n'êtes point obligé, comme les autres
d'offrir pour vos propres péchés,
J. P. et V. qui n'êtes point obligé d'offrir chaque jour
de nouvelles victimes pour les péchés du peuple,
l'ayant fait une fois en vous offrant vous-mêmeJ. P. et V., Ministre du sanctuaire et du tabernacle
œuvre de Dieu et non de l'homme, Ç,,
J. P. et V. non pour la terre, mais qui avez reçu une
sacrificature d'autant plus exeellente que vous êtes
le médiateur d'une meilleure alliance établie sur dé"
meilleures promesses,
J. P. et V. qui, par l'Esprit-Saint, vous êtes offert à
Dieu comme une victime sans tache,
ET DUSACRIFICEDE JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 237
J. P. et V. qui, par l'offrande de vous-même, purifiant
nos consciences des oeuvms de mort, leur avez fait
rendre un vrai culte au Dieu vivant,
J. P. et V., médiateur du Nouveau Testament, expiant
par votre mort les iniquités commises sous le pre-
mier, et rendant aux élus de Dieu l'héritage éternel"2.
qu'il leur a promisJ. P. et V. qui, aux jours de votre chair, offrîtes vos a
prières et vos supplications avec un grand cri et ôavec larmes à celui qui vous pouvait tirer de la
mort
J. P. et V. exaucé à cause de votre respect pour votre
Père
J. P. et V. qui pénétrâtes les cieux pour affermir notre
foi,
J. P. et V. qui, Pontife des biens futurs, entrâtes une
seule fois dans le Saint des Saints par un taberna-
cle plus grand et plus excellent qne l'ancien oeuvre
d'aucune création humaine
J. P. et V. qui nous ayant acquis une rédemption
éternelle, êtes entré une seule fois dans le sanctuai-
re, non par le sang des bœufs et des génisses, mais
par votre propre sang1. P. et V. entré, non dans le sanctuaire fait de main
d'hommes figure seulement du véritable mais «
dans le ciel môme pour être présent devant la face"2.
de Dieu en notre faveur
J. P. et V. et Pontife si grand que vous siégez à la
droite du trône de la souveraine Majesté, .aJésus, Victime et Pontife Saint, innocent, sans souil-
lure, séparé des pécheurs, plus élevé que les cieux,
J. Victime et Prêtre éternel, notre précurseur au ciel,.
entré pour nous dans le plus secret du sanctuaire
238 IDÉE Du SACERDOCE
J. P. et V. offert lion plusieurs fois mais une seule
fois à la fin des siècles pour abolir le péché
J. P. et V. offert une seule fois pour expier les péchés
de plusieurs.,
J. P. et V. qui apparattrez une seconde fois, sans l'om-
bre du péché à à ceux qui vous attendent comme
leur Sauveur, S
J. P. et V. pouvant sauver pour toujours ceux qui
s'approchent de Dieu par votre médiation,
J. P. et V. toujours vivant pour intercéder pour
nous,
J. Victime et Pontife entré dans la consommation de
la gloire, et devenu l'auteur du salut éternel pour
tous ceux qui vous obéissent
J. P. et V. qui, par l'oblation unique de votre corps,
nous avez sanctifiés selon la volonté de Dieu
J. P. et V. qui pour sanctifier votre peuple dans
votre propre sang, avez souffert hors la porte de
Jérusalem
J. Victime et Pontife qui nous ouvrîtes la voie du
vrai sanctuaire.
J. P. et V. qui, par l'ouverlure du voile de votre chair,
nous avez, le premier, tracé la voie nouvelle et vi-
vante du royaume des cieux,
J. P. et V. purificateur des choses célestes, par votre
sang plus précieux que celui des hosties antiques,'2.J. P. et V. dont le sang et la mort ont confirmé et
con-sacré la nouvelle alliance,
J. P. et V. par qui nous offrons sans cesse à Dieuune 0
hostie de louange, c'est-à-dire la gloire que nous
rendons à son nom par nos bouches
J. P. et V. qui, la nuit même de la trahison, prîtes le
pain et après avoir rendu grâces le rompîtes, en di-
ET DU SACRIFIf.E DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. z3.g
sant: Prenez mangez ceci est mon corps livré
et rompu pour vous,
J. P. et V., qui prîtes de même le calice, en disantCe calice est la nouvelle alliance en mon sang,
J. P. et V. qui avez dit: Faites ceci en mémoire de moi,
J. P. et V. qui nous avez faits rois et prêtres pour la aï
gloire de Dieu votre Père
J. P. et V. qui vous êtes sanctifié vous-même pour S
ceux que vous donna votre Père, afiu qu'ils fussent
eux-mêmes sanctifiés en vérité,
J. P. et V. glorificateur de votre Père sur la terre
par votre sacerdoce, et consommateur de son œuvre
par votre Sacrifice
J. P. et V. qui nous avez aimés et qui vous êtes livré
pour nous, vous offrant à Dieu en oblation et en
victime d'agréable odeur
J. P. et V. qui avez aimé l'Église. vons êtes sacrifié
pour elle et l'avez sanctifiée, après sa purification
dans le baptême de l'eau, par la parote de vie,
J. P. et V. par qui et en qui nous pouvons nous pré- i1
senter avec confiance devant le trône de la grâce,
et par te sacrifiee duquel nous obtenons miseri- K
corde et trouvons grâce et secours dans nos besoins,
J. P. et V. hier aujourd'hui et toujours §
J. P, e4, Agneau de Dieu, sujet inépuisable de nos
discours et dépassant encore nos expressions et
notre entendement.
Prêtre et Agneau de Dieu, effaçant les péchés du mon-
de, pardonnez-nous, Jésus.
Prêtre et Agneau de Dieu, effaçant les péchés du mon
de, exaucez-nous, Jésus.
Prêtre et Agneau.de Dieu, effaçant les péchés du mon-
de, ayez pitié de nous, Jésus.
240 IDÉE DU SACERDOCE
Jésus, Prêtre du Très-Haut, écoutez-nous.
Jésus Victime de Dieu, exaucez-nous.
ORAISON.
O Jésus, Prêtre et Victime de notre sainte Religion,
faites-nous éprouver les heureux effets de votre Sacer-
doce en purifiant nos cœurs des œuvres de mort, et en
faisant de nous tous autant d'hosties dignes d'être offer-
tes à la Majesté divine en odeur de sainteté et en union
avec vous, qui vivez et régnez avec le Père et le Saint-
Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
PRIÈRE
Ou élévation de coeur à Jésus-Christ pour se renouveler, en sa
présence, dans l'esprit de la consécration sacerdotale.
Sauveur du monde, unique Médiateur de Dieu et des
hommes pontife souverain des biens invisibles Prê-
tre et victime de Dieu pour la réconciliation des pé-cheurs je vous adore dans la grandeur et la puissancede votre Sacerdoce, dans la perfection et la dignité de
votre Sacrifice, dans la sainteté de l'esprit de l'un et
de l'autre, qui réside en vous comme dans sa plénitudeet dans sa source. Car c'est en vous Seigneur, que se
doit puiser toute l'onction la grâce et la piété sacer-
dotales.
Accablé sous la grandeur de votre Sacerdoce auquelvous avez daigné m'associer, toute ma consolation est
de savoir que vous n'êtes pas moins la source de la sain-
teté, qui m'est nécessaire pour m'y sanctifier moi-même,
que de la puissance que vous m'y communiquez pour la
sanctification des autres. Car ma foi est effrayée, lors-
qu'elle considère l'excellence et la pureté de ce sacer-
ET DU SAGHIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 24I
Il
doce tout céleste, où vous êtes entré, non par votre'pro-'
pre choix, mais par celui de votre Père non pour of-
frir une victime étrangère, mais vous-méme; non pour
jouir sur la terre des avantages temporels, mais pour y
entrer dans un parfait anéantissement de vous-même,
pour y être humilié sous la main des pécheurs, acca-
blé de travaux, rassasié d'opprobres, écrasé comme un
ver de terre; pour y porter une privation générale de
toutes les douceurs et joies charnelles, de toutes les ri-
chesses et de tous les honneurs du siècle enfin pour
n'entrer dans le principal exercice de votre sacerdoce
et dans ses droits, sa gloire et ses avantages célestes,
qu'en vertu du déchirement du voile de votre chair, fait
par les fouets, les épines et les clous, et par la mort la
plus ignominieuse et la plus cruelle.
O Jésus le modèle des Prétres I puisque vous voulez
que nous ne fassions qu'un seul Prêtre avec vous et que
votre sacerdoce soit le nôtre il faut que votre vie soit
aussi la nôtre, vos vertus, la règle de notre conduite, et
votre âme toute sacerdotale le miroir fidèle ou nous
étudiions continuellement les dispositions saintes qui doi-
vent animer notre esprit et notre cœur.
Mais que puis-je faire, Seigneur, pour vous imiter,
si vous ne vous imprimez vous-même en moi, comme
un cachet qui forme dans mon ame votre image ? Quel-
que désir que j'aie de renouveler mon cœur, quelques
efforts que je fasse pbur satisfaire à mes obligations de
prêtre, je ne ferai rien si votre grâce ne le fait en moi.,
Mon unique ressource ( dans cet anniversaire de ma
consécration ) et dans ces désirs de renouvellement,
est donc de me présenter à vous dans le sentiment de mon
impuissance, et de vous dire avec humilité Seigneur
vous voyez tous les défauts de ma vocation à votre sa-
242 IDÉE DU SACERDOCE
cerdoce l'ingratitude et l'oubli où j'ai vécu à l'égard
de la grâce d'une vocation'si sublime, les infidélités par
lesquelles j'ai déshonoré et profané en moi uu état si
saint, et qui demande une pureté plus qu'angélique.
'Je m'en humilie devant vous et je vous conjure, par
la sainteté même de votre sacerdoce, d'oublier tout ce,
ce qu'il y a eu dans ma vocation qui n'ait pas été de vo-
tre esprit toutes les vues basses, serviles, intéres-
sées, que l'amour-propre y a pu faire entrer, tout ce que
mes passions y ont mêlé de défauts. Purifiez-en mon
cœur ainsi que de son ingratitude et de son insensibi-
lité. Faites que je vive désormais à votre eaemple, com-
me un prêtre et comme une victime. Que mon corps
soit à Dieu, à l'honneur et en l'union du sacrifice que
vous lui avez fait duvôtre, et qu'il soit sacrifié par l'exer-
cice de la pénitence, la mortification de mes sens, par
une vie active et laborieuse dans les fonctions sacerdo-
tales et par le retranchement de tout ce qui approche
de la délicatesse du luxe et dé l'oisiveté.
Que mon cœur comprenne que sa consécration l'o-
])lige à ne vivre que pour Dieu à ne chercher que Dieu,
à ne respirer que les intérêts de Dieu. Que la sanctifica-
tion de son nom, l'établissement de son règne, l'ac-
complissement de sa volonté soient toujours mon uni-
que fin puisque je ne suis prêtre que pour y travailler,
et que c'est l'œuvre qu'il m'a donnée à faire.Que je fasse,
enfin, connaître, par une vie tout opposée à l'espritetaux manières du monde, et conforme aux règles saintes
de votre Évangile, que ma vie est la vie d'un prêtre,
c'est-à-dire, de celui qui est par son office l'homme de
Dieu et de l'Église, le ministre de la vérité et de la cha-
rité, le coopérateur de la réconciliation et du salut des
âmes obligé de leur consacrer tous les talents de son
ET DU SACRIFICB DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 243
11
esprit toute les forces de son corps, tous les moments
de sa vie; de la perdre, s'il est besoin, pour leurs in-
térêts. et de la sacriüer en quelque manière que ce soit à
la gloire de Dieu votre Père, ô Jésus, mon souverain
Prêtre, par le secours de votre grâce, dans la pureté de
votre Esprit. Ainsi soit-il.
DISCOURS.
DISCOURS
eut
LACONFÉRENCE DE JÉSUS-CHRIST, ENLA SYNAGOGUE
DE CAPHARNAUM
( Èh Saint Jean chap. VI.)
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE QUE Y.ES HÉRÉ-
TIQUES DE CE TEMPS ONT INVENTÉE CONTRE LA VÉRITÉ.
Le Père des lumières nous a donné l'Église comme la
fille ainée de sa lumière pour nous retirer des ténèbres
et nous éléver en sa connaissance. Et afin qu'elle ne
s'éloignat jamais de sa lumière originelle, il l'a mariée
à son hils, qui est la même lumièré, et l'a remplie de
son Esprit, qui t'unit à lui si étroitement qu'elle ne peut
jamais vivre qu'en sa lumière.
Le bien-aimé Disciple la vit ainsi revétut'de ce Soleil
de la nouvelle vie, qui l'a épousée pour nous donner par
elle la naissance et le jour des enfants de Dieu et l'a
courounée de la lumière des douze Apôtres, qui lui
toujours en son Chef, pour nous éclairer daus les ténè-
hres de cette vie, nous préserver des erreurs dii siècle,
nous découvrir les trésors de la Foi, et nous montrer
la vérité de ses mystères qui nous doivent nourrir en
cet exil du Paradis. Si en nous énseignant elle ren-
contre quelque secret où Dieu, pour nous tenir eu ré-
vérence et abaisser nos esprits dans le profond respect
de sa Sapience, qui surpasse tout entendement, se soit
248 DISCOURS
caché dans sa propre lumière, elle l'adore, et attend en
patience et en silence qu'il lui ouvre les yeux. Cepen-
dant elle se repaît de la lueur de sa loi et demeure
fidèle aux premières instructions qu'elle a reçues sans
s'élever par elle-même au-dessas de la mesure de sa foi.
Mais quand elle est obligée, pour glorifier son nom, ou
instruire ses enfants ou convaincre ses ennemis de
sonder l'abîme de ses conseils, et d'être tirée par son
Époux dans le sein de sa Sapience alors appuyée sur
son bien-aimé, elle monte et croit comme l'aurore de
lumière en lumière, jusqu'à la perfection du jour que
lui donne son Soleil et, par sa clarté, elle dissipe les
ténèbres qui nous cachent la vérité et la voie de notre
salut. Et si la profondeur des Écritures saintes étonne
nos esprits en quelques endroits elle nous apprend à
laisser nos ténèbres à nous humilier, et à chercher la
lumière des autres passages qui nous sont plus clairs,
pour nous en repaltre, comme vrais enfants de lumière,
en attendant que nous soyons capables de profiter de
ceux que Dieu a cachés dans sa Sapience, que nous de-
vons adorer. Ainsi elle éprouve comme l'aigle ses en-
fants aux rayons de son Soleil, et conserve en son sein
ceux qui supportent sa splendeur et vivent ensa lumière,
et rejetle les autres qui s'en aveuglent.
Mais l'hérésie, qui est née des ténèbres, et qui a
épousé le père des ténèbres, suit le secret instinct de
son origine dans les Écritures saintes mêmes, où elle
fuit la lumière des passages trop clairs et répand ses
ténèbres sur ceux qui surpassent la commune intelli-
gence des hommes pour la perte des réprouvés qui
l'écoutent. Et parce que, entre tous les lieux de l'Écri-
ture qui traitent de la Communion du Corps de Jésus-
Christ, le 6f verset du 6' chapitre de St. Jean semble
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE.249
pouvoir souffrir quelque obscurité, elle le choisit pour
le fondement de sa croyance et la règle de sa doctrine
Et, contre l'ordre du sens commun et de la raison aussi
bien que la Foi, elle veut que les ténèbres jugent la
lumière; que l'évidence cède l'obscurité, le certain
à l'incertain, et la foi légitime que nous devons aux
passages clairs, à l'erreur que sa fantaisie a conçue, et
qu'elle prétend autoriser, par un seul verset qu'elle
n'entend point, contre la lumière de toutes les Écritures
saintes Car l'évangile des ténèbres est en sa bouche
par le juste jugement de Dieu, pour la séduction de ceux
qui fuyent la lumière et la vérité et se réprouvent eux-
mêmes, comme dit l'Apôtre à Titus par leur propre
jugement.
Nous commençons volontiers, en exposant ce chapi-
tre, par ôter les saintes Écritures à l'hérésie, qui en
use trop injustement contre la vérité de l'Eucharistie
puisque c'est où Jésus-Christ a commencé d'en instruire
les siens et que nous ne pouvons mieux ruiner la puis-
sance de l'empire des ténèbres en ce point de doc-
trine, qu'en arrachant le fondement que l'erreur a choisi
pour l'établir, et en ôtant à ceux qui le défendent le
bouclier qu'ils opposent continuellement à la parole de
Dieu qui le détruit. Car c'est principalement par l'auto-
rité de ce verset 64 mal entendu, que les hérétiques
pervertissent le sens de toutes les Écritures saintes qui
parlent d'une manducation réelle, ou d'une présence
oorporelle et véritable de la chair et du sang de Jésus-
Christ en notre Communion, pour étiblir une mandu-
cation intentionnelle et imaginaire que leur esprit a
inventée. Car ni le Fils de Dieu, ni les Saints, qui nous
ont laissé par son ordre la Sapience évangélique n'en
ont parlé ni ici ni ailleurs.
250 DISCOURS
Pourconvaincreleurerreurparla simplelecturedecechapitre,il fautinsisteraveceuxsur le principequ'ilsadmettentcommecertain quelés peuplesqueJésus-Christenseigneici crurent,aussibienquesesdisciples,qu'illeurparlaitd'unemanducationréelledesoncorps, laquellefutlesujetde leur murmure.llspensentdelà tirer avantageet, se flattanten leurserreurs,ilsnousaccusentdesuivrelesensdesCaphar-na!tesetsansconsidérerquecen'estpaslé sensajoutéparcepeupleauxparolesdeJésus-Christ,queJésus-Christblàme maisbienau contrairele refusqu'ilsfirentdelecroireetdelésuivre,ils s'enveulentéloi-gnerettombentsansypenseren la fautedesCaphar-naites et enuneautreplusgrandeencore.Car,non-seulementilslaissentlavéritédeJésus-Christmaisilspervertissentle senset l'intelligencede sa paroleprêchantcontresonintentionunemanducationdesonCorpsquin'estpointmanducationet qui n'a aucunrapportà la doctrinedecechapitre,s'ilestconsidéréen lasimplicitédel'espritquinousl'adonné.
Jésus-Christ,par un miraclesignalé,avaitnourridansledésertcinqmillepersonnes,decinqpainsd'orgeet dedeuxpoissonsquesabénédictionavaitmultipliés,desortequedouzecorbeillesfurentrempliesdesrestes.
Alavuede ceprodige,cepeuplecrutqu'ilétaitleProphèteMessiepromisparlaLoi,etvoulutledéclarerroi.Maisleroyaumequ'ilvenaitétablirniétaitpasdecemonde.Cepeuplese trompait.Pourcomprendrelacause-decetteerreuretavoirl'intelligencedu,texte ilfautsavoirquelesJuifscharnelscroyaient,commeilslecroientencote,queleroyaumeduMessieseraitter-restre qu'ilauraitlamagnificencedeceluideSatomon,tellequ'elleestdécriteenleurshistoires,etlesoeuvres
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 251
éclatantes de Moïse et des autres prophètes. Car il.;
prenaient toujours les signes et les figures selon la chair,
et selon la lettre, qui tue, et s'éloignaient de t'esprit.
Mais les Juifs spirituels, que l'Apôtre appelle Israël de
Dieu, savaient bien que l'intention de Dieu avait été de
donner à ce peuple dur, charnel et incapable d'autre
chose, en l'honneur du Messie qui devait naitre de lui,
et pour l'amour d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, un
état terrestre et temporel, qui fut uncimage imparfaite,
ou une figure et une ombre, selon l'Écriture, de l'état
véritable du Messie, lequel devait être céleste spiri-
tuel, éternel et divin. Cela les mettait à même d'hono-
rer avec quelque religion ce qu'ils n'étaient pas capables
d'honorer autrement. Car, étant charnels et attachés à
eux-mêmes et à la tcrre, la vérité nue les eût rebutées.
Pour leur donner la plénitude de l'esprit de vie et de
vérité qui les eût transférés de la chair à l'esprit, et
de l'ombre à la substance des choses, Dieu, qui donne
ses grâces avec ordre de justice aussi bien que par sa
bonté, voulait attendre la venue deJésus-Christ, par
lequel, avec lequel et en l'honneur duquel il fait misé-
ricorde aux hommes. En attendant, il donnait celte
grâce par privilége à quelques-uns qu'il choisissait pour
conserver en eux l'esprit de la foi du Messie, et ceux-là
étaient ses Saints, qui vivaient non-seulement selon la
Loi, mais aussi selon la Foi. Car Dieu avait donné à ce
peuple une Loi conforme à son État à laquelle il avait
joint la tradition de la Foi non écrite, qui faisait enten-
dre aux Saints ce qui était de l'esprit et de la vérité du
la Loi. Les œuvres de Moïse, les magnificences de Sa-
lomon, étaient à ceux-ci des signes salutaires qui les
portaient à l'admiration et à l'amour du Messie, qu'ils
adoraient déjà en esprit et en vérité. Cette tradition les
252 DISCOURS
instruisait qu'il serait un roi divin tel que Salomon l'a-
vait 6guré et non pas terrestre mortel et charnel
nomme ce monarque que ses œuvres seraient divines
et son État divin, spirituel et non charnel que les
merveilles de Moise et des autres prophètes n'étaient
que des figures pour exciter le peuple à la croyance et
à la révérence des choses plus grandes et plus dignes
de Dieu. Ils savaient, par le même moyen que les qua-
rante ans du désert figuraient le temps de la vie présen-
te, où le peuple dé Dieu est voyageur et pèlerin en
attendant que le vrai Josué l'ait introduit en la terre de
la promesse éternelle qui est la demeure de Dieu. Ils
comprenaient aussi que la manne, qui tombait du ciel
dans le désert, était pour figurer la nourriture spiri-
tuelle que Dieu donne à l'homme intérieur et spirituel
pendant cette vie et pour l'exciter par ce miracle à la
désirer et à la rechercher. Car la chair ne peut la gonter
mais l'esprit doit la demander à Dieu comme sa propre
vie. Les mieux instruits savaient aussi que la manne
avait sa signification prophétique pour le temps du Mes-
sie, comme toutes les autres figures, laquelle était que
Dieu leur donnerait alors le vrai pain du ciel et qu'il
les nourrirait dans le désert de ce monde de la véritable
substance de la vie éternelle.
Aussi les spirituels s'instruisaient des signes que
Dieu leur avait donnés et se portaient à Dieu et la Loi
leur servait à connaître Jésus-Christ et à le suivre. Mais
ceux qui n'avaient pas la foi s'arrêtaient à la chair; et,
ne cherchant que ce qui la contentait, prenaient la Loi
et les figures en tentation, et s'éloignaient de l'esprit et
de la vérité du Messie, en s'y attachant par intérêt et
par sensualité, avec brutalité et opiniâtreté.Or tels étaient la plupart de ceux que Jésus-Christ ins.
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 253
truit dans ce chapitre. D'où il arrive qu'ils entrent en
doute qu'il soit le Messie, parce qu'il fuit la royauté de
Salomon. (1) Ils le suivent pourtant dans le doute et
dans le désir de manger la manne du ciel qu'ils atten-
daient du Messie, et que le miracle de la multiplication
des pains leur faisaitespérer. Jésus-Christ les reprend de
ce qu'ils ne désiraient de lui que la vie et la nourriture
qui ne soutient le corps que pour un peu de temps, et
les exhorte à travailler pour celle qui nourrit éternelle-
ment, et qu'il leur devait donner par l'ordre de Dieu
soo Père, dont il portait le caractère et la marque qui
oblige tous les hommes à l'écouter et à la croire. Ces
hommes comprirent qu'il parlait des bonnes œuvres
que Dieu nous donne par sa grâce et lui demandèrent
ce qu'ils feraient pour les accomplir. Jésus-Christ leur
répondit que la première de toutes était de croire en
celui que Dieu leur avait envoyé pour les instruire
car puisque sans la foi on ne peut plaire à Dieu et que
Jésus-Christ est de cette foi le principe et la source le
Docteur et le Maître sans lequel nous ne pouvons rien
Je fondement et le commencement de toute bonne œuvre
est de croire en lui. Ils virent bien qu'il les portait taci-
tement à croire qu'il était le Messie, en disant que son
Père était Dieu qu'il venait de sa part, qu'il était son
image, qu'il donnait une nourriture et une vie éter-
nelle mais ils ne voyaient point en lui la grandeur de
Salomon ni les merveilles de Moise. Il leur avait bien
donné des signes suffisants à leur avis pour croire qu'ilétait un prophète mais ils en attendaient d'autres du
Messie. Ils lui demandèrent donc la manne du ciel qui
CI) Oriésus ay.mt compris qu'ils allaient venir pourle prendreet le faire roi, s'enfuit tout seul de uouveaa vers la montagne.(Joan. VL 15.)
254 DISCOURS
était celui de tous qui les touchait le plus, que leur chair
souhaitait davantage, et qui contenait l'intention pour
laquelle ils l'avaient suivi. Jésus-Christ les voit dans
l'erreur ordinaire des JuifS, qui attendent du Messie les
mêmes figure, au lieu dès choses promises par let fi-
gures il veut les en tirer, car c'était leur principal
empêchement à la foi et lcs détromper en leur ensei-
gnant que la manne n'était pas le vrai pain du ciel
mais seulement une figure de celui qu'ils devaient at-
tendre de son Père et que celui-là est le pain de Dleu,
qui descend du ciel et qui donne la vie au monde.
Comme les Juifs continuent néanmoins de demander
ce pain, qu'ils entendent toujours selon les désirs de la
chair, Jésus-Christ les relève de cette bassesse, et leur
déclare enfn, au verset 35, qu'il est le pain de vie qui
doit délivrer pour toujours de la faim et de la soif ceux
qui se mettent à sa suite. Il savait bien qu'ils n'étaient
pas dignes de cette vérité, et qu'ils ne s'en contenteraient
pas mais l'obligation où il était de les détromper de
leur fausse opinion que le Messie leur donnerait la man-
rie, et de leur ôter ce scandale qu'ils prenaient de la Loi
mal entendue, fit qu'il la leur déclara; autrement, il
n'y a pas d'apparence qu'il la leur eût proposée. Car il
leur devait de leur expliquer la Loi, et de leur faire com-
prendre qu'il ne manquerait pas de l'accomplir. Voilà
pourquoi il leur propose la vérité pour la figure. En cela
Jésus-Christ se sert du moyen ordinaire destiné à rame-
ner une intelligence égarée dans le chemin de la vérité,
et il l'applique ici aux Juifs pour les tirer de leurs tenta-
tions et de leurs erreurs dans l'interprétation de la Loi.
Si ce moyen de salut pour tous en laisse quelques-uns
dans l'endurcissement, ce n'est qu'à la mauvaise dispo-
sition de leurs cœurs qu'ils doivent s'en prendre. Et à
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 255
la vérité, il en sauve quelques-uns que Dieu illumine,
tandis qu'il précipite les autres dans le scandale par le
juste jugement de Dieu, qui les punit de ce qu'ils se sé-
parent de l'esprit de la Loi, qui en est la vie, pour s'y
attacher salon la chair, qui en est là moi t. La Loi elle-
même leur aurait appris cette vérité, s'ils l'avaient étu-
diée avec droiture et Jésus-Christ ne veut pas la leur
laisser ignorer. Néanmoins ils demeurent dans t'endur-
cissement. Alors Jésus-Christ les avertit que c'est à Dieu
son Père de les en tirer, pour les porter doucement à
,ni: il confesse son obéissance à son Père, et dit qu'il ne
peut illuminer ni sauver que ceux que son Père lui don-
ne mais que pour son respect il fera vivre éternelle-
ment ceux qui lui seront donnés de sa part.
Et pour commencer à leur faire entendre que le
royaume du Messie n'est pas de ce monde ht de cette
vie, mais que c'est le royaume éternel de Dieu même,
il ajoute que son Père entend que tous ceux qui le voient
et croient en lui ressuscitent au dernier jour en une
nouvelle vie. Les Juifs demeurant dans le désir d'une
manne charnelle, et s'offensant de ce qu'au lieu de la
leur donner il dit qu'il est le Pain descendu du ciel
chose qui leur parait fausse et dont ils prennent, à l'or-
dinaire des mécontents, occasion de s'indisposer les
uns les autres disent qu'il ne peut pas être descendu du
ciel, vu qu'il est fils de Joseph. Jésus Christ, pour gué-
rir leur murmure et les porter à recourir à Dieu qui
seul peut les en tirer, leur dit et redit plusieurs fois que
personne ne vient à lui que par son Père. Et les voyant
toujours dans leur tentation première, qu'il leur devait
donner la manne s'il était vraiment le Messie, il se sent
nbligé de leur dire et redire plusieurs fois, que c'est lui,en effet, qui est.le Pain de vie que ta manne ne l'était
2J6 DISCOURS
pas, puisque lenrs pères, qui l'ont mangée dans le dé-
sert, sont morts, tandis que ceux qui mangeront le pain
qu'il leur donnera vivront éternellement. Par là, ceux
qui savaient, par la tradition de la foi, que le royaume
du Messie devait être éternel et immortel, devaient com-
prendre que la manne ne pouvait pas en être la vraie
nourriture, mais bien lui, qui donnait l'immortalité à
ceux qui le recevraient.
Jusque-là cependant il ne leur avait pas encore parlé
explicitement de la manducation. Au verset 52, il com-
mence de leur dire que sa chair est ce pain qu'il donnera
pour la vie du monde, non comme Hostie offerte à Dieu
( en cela l'hérésie se trompe), mais comme pain qui doit
être mangé pour donner la vie aux hommes puisqu'il
ne vivifie que ceux qui le mangent. Les Juifs l'entendi-
rent ainsi à la lettre et en disputèrent entre eux. Jésus
confirma avec jurement que la manducation de sa chair
est nécessaire à la vraie vie, et promet la résurrection
e: la vie à ceux qui la mangeront. Il dit qu'elle est vrai-
ment viande, et son sang breuvage, et qu'il vivra en ceux
qui le mangeront, et eux en lui, comme son Père vit en
lui et lui en son Père. En quoi il donne pour exemple
de la vérité de sa communion la chose la plus réelle- et
la plus sainte qui soit en la terre et 2» ciel. Enfin il con-
clut que la manducation de sa chair a bien an autrA effet,
pour donner la vie, que la manne qui ne délivrait pas
de la mort; afin que ces pauvres gens cessassent de la
désirer, et commençassent de croire ce qu'ils n'avaient
pas assez entendu dans la Loi et les Prophètes, que le
Messie devait donner une autre vie et une autre manne
qui nourrirait son peuple éternellement.
Toutes ces choses furent dites aux Capharniîtes en-
durcis, dans leur synagogue. Plusieurs des disciples qui
CONTBE LA MARDUCATIOR INTENTIONNELLE.257
les avaient entendues, ne pouvant souffrir qu'il fallût
manger la chair de Jésus-Christ, murmurèrent aussi.
Le Fils de Dieu qui connaissait que leurs murmures
procédaient de ce qu'ils' ne croyaient pas assez ferme-
ment qu'il fut venu de Dieu et du ciel, leur dit qu'ils le
verraient remonter au ciel, et retourner à Dieu oiu il
était premièrement ce qui certainement était la preuve
la plus grande et la plus évidente possible qu'il en est
venu et la raison la plus convaincante qu'il pût leur
donner de croire à sa parole. Et parce qu'il les voit ar-
rêtés à la chair et aux sens avec beaucoup d'infidélité,
il leur en découvre l'incapacité et la misère en leur
enseignant qu'il n'y a que l'Esprit qui vivifie l'homme
et le rende capable des choses de la vie nouvelle que
la chair n'y sert de rien et n'y peut rien comprendre
que la doctrine qu'il leur propose est de l'Esprit et de la
vie nouvelle, auxquels la chair n'a aucune proportion
que quelques-uns d'entre eux étaient sans la foi quiest le fondement de l'homme spirituel, et n'avaient que
la chair, inutile à son école que, par conséquent, ils
n'avaient rien de l'Esprit vivifiant, si nécessaire pour
recevoir sa doctrine, Et pour leur donner sujet de recou-
rir à Dieu, qui les pouvait changer et les tirer de la
chair à l'Esprit, il leur dit de rechef que personne ne
peut venir à lui que par un don singulier de Dieu son
Père. Plusieurs n'en firent nul profit cette fois en-
core, et se retirèrent. Les onze Apôtres demeurèrent
fidèles et quoiqu'ils ne comprissent pas encore com-
ment on pouvait manger sa chair ils ne laissèrent pasde croire qu'il était le Messie, Fils de Dieu, qui ensei-
gnait la doctrine de la vie éternelle, et qu'on le devait
écouter et suivre. C'est ce que Jésus-Christ voulait sur-
tout persuader en toutes les conférences qui sont rap-
portées en ce chapitre.
258 DISCOURS
Mais l'hérétique s'aveugle ici de là lumière mêmeet
se scandalise, à son ordinaire, des vérités de l'Évangile,
parce qu'il ne les écoute jamais qu'avec l'esprit matin,
qui n'en saurait user pour son salut. Et contre l'expresse
parole de Jésus-Christ en S. JMatihieu26, en S. Marc. 14,
en S. Luc 22, et en S. Paul li de sa première Epttre aux
Corinthiens, il veut suivre sa fantaisie, et fonder son
opinion sur l'autorité de ce chapitre, et principalementdu G4verset, que Jésus-Christ ne nous donne point réel-
lement et véritablement sa chair à manger sons le signedu paiu consacré, ni son sang à boire en la coupe par la
vertu de sa parole, ni par l'efficace de sa puissance, ni
par la fidélité de sa promesse ni par la vérité du don
qu'il nous en fait dans le Sacrement; mais parla persua-sion de celui qui le reçoit, laquelle est d'une si admira-
ble vertu qu'elle lui fait manger une viande absente de
lui et qui demeure aussi étoignée de lni que le ciel l'est
dé là terre De cette sorte, il ne craint pas de changerle présent véritable que Jésus-Christ nous fait de son
corps eu une communion intentionnelle et fabuleuse,
qui n'est rien que l'objet de son erreur et te crime de
son attentat contre l'Évangile.Or l'hérésie fait en cela plusieurs fautes qu'il faut re-
marquer pour la confondre. Lapremière, est d'opposerà des passages clairs, très-exprès et en plus grand nom-,bre, un seul verset que ses docteurs eux-mêmes tron-
vent si obscur qu'ils ne peuvent convenir du sens ce
qui est certain et dont il est facile de se convaincre parleurs écrits. Elle pèche donc en cela contre la lumièrede la foi et de la raison mais fille des ténèbres et
condamnée aux ténèbres, elle les écoute et vit en leurécole.
La seconde est de laisser les paroles expresses du tes-
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE.259
tament de Jésus-Christ, qui donne son corps à l'Église et
t'instruit de ce qu’elle doit croire et faire pour lé rece-
voir. pour établir ta foi de ce mystère sur un discours
qui à été adressé à des Juifs infidèles, non pour leur en
donner la connaissance entière ou pour leur eh ensei-
gnér la pratique qu'il né voulait pas tiiémé déclarer
encore à Ses Apôtres, mais pour les tircr de l'erreur où
ils étaient qu'il leur donnerait la manne s'il était le
Messie, et les détromper d'une opinion qui les empê-
chait de croire en lui. Eh ceia l’hérésie pèche contre le
sens commun, et contre l'usage de la parole qui doit
être reçue selon l'intention et pour lés fins de celui qui
parle, principaleinent quand il ést le maitre et qu'il à au-
tbrité et plus encore s'il est question d'un traité, 6n
d'un contrat, ou d'une alliance immuable.
La troisième est de préférer auxdernières instructions
dé Jésus-Christ, qui doivent contenir ses dernières vo-
lontés et la perfection de sa doctrine, quelques paroles
qu'il a dites longtemps auparavant dés gens incapa-
bles, pour les disposer de lbin à une instruction plus
ample Ce qui est contre l’ordre et là raison du discours,
qui veut que les dernières sentences soient toujours
plus considérées, et qu'on s’y attache davantage, comme
à celles qui concilient l’intention ilé celui qui parle, ét
qui doivent être l'exposition des premières. Or, par un
renversement étrange, l’hérésie veut que les premières
soient l'exposition des dernières Cependant ce qui la
confond doublement en ce cas-ci lés paroles de l'ins-
titution dé l’Eucharistie et tous lei derniers discours
üu Fils de Dieu à ses disciples rapportés par tes Ëvan-
génstes, n'ont aucun rapport à ce qti'il avait dit eli Ca-
pharnaum. Dans l’institution, il propose à sés Apôtres,
et leur commandé même, une mauducàtion présente
260 DISCOURS
de son corps, sans désirer d'eux qu'ils se souviennent
d'aucune autre instruction précédente ou qu'ils en at-
tendent une autre plus tard. Au contraire, ce qu'il dit
aux Capharnaites de la manducation de son corps re-
quiert une instruction plus entière pour être entendu
une grâce plus grande pour être reçu et pratiqué, de
quoi le texte avertit souvent. Il parle de la manducation
de sa chair, comme d'une chose future, Panis quem
ego dabo, caro mea est, v. 52, et tout ce qu'il désire d'eux
est seulement qu'ils croient qu'il la faudra manger un
jour donc les paroles de l'institution ne doivent pas
être exposées par celles de ce chapitre mais au con-
traire. Il faut noter encore que quands. Mallh., S. Marc,
S. Luc en leurs Évangiles, et même S. Paul en son Épître
aux Corinthiens, ont rapporté les paroles de Jésus-Christ
au peuple chrétien et leur ont donné l'usage de l'Eu-
charistie, S. Jean n'avait point encore écrit son Évan-
gile donc les fidèles le reçoivent sans rapport à ce
chapitre ils n'avaient point d'autres paroles écrites
-poar fonder leur foi que les paroles de son Testament.
Les Apôtres, qui sont tous morts avant S. Jean n'ont
point jugé si nécessaire à la foi des peuples toutes ces
instructions qui furent données en la synagogue à Ca-
pharnaüm sans lesquelles néanmoins, selon la doc-
trine des hérétiques, les paroles de Jésus-Christ seraient
périlleuses pour être trop expresses, et la crédulité des
peuples serait exposée à l'erreur et n'aurait rien pourse défendre de leur signification trop distincte pour la
réalité de son corps, principalement si la tradition n'est
pas suffisante pour expliquer les Écritures et si la foi
ne doit point avoir d'autre fondement que la parole
écrite, comme ils le disent.;
La quatrième est de vouloir expliquer la doctrine et
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 261
la foi que Jésus-Christ nous donne de la Communion de
sa chair au sacrement, par un texte qui n'en parle pas.En cela l'hérésie est si infidèle, qu'elle l'est à elle-mê-
me et à sa propre croyance, aussi-bien qu'à sa cons-
cience. Car les principaux docteurs Calvin Dumoulin
et les autres, enseignent ordinairement qu'il n'est point
parlé, dans ce sixième chapitre de S. Jean de la com-
munion de Jésus-Christ qui se fait en la Cène, mais seu-
lement de la communion que nous devons avoir avec
lui au baptême, et le reste de notre vie. Et quoiqu'ils se
trompent eu cela puisque Jésus-Christ parle d'une
manducation de sa chair que ses Apôtres n'avaient point
encore reçue, comme il parait par la suite du texte et
qu'ils avaient néanmoins déjà reçu la communion des
fidèles avec lui, il est toujours bien vrai de dire que
c'est à tort que l'hérésie veut fonder sa croyance sur des
passages communément rejetés par ses maîtres, el op-
poser à la parole évangélique 3ssurée et certaine, un
texte qu'elle ne croit pas, et qui est désavoué non-seu-
lement de ses docteurs mais aussi des Apôtres.
Après tous ces désordres d'esprit et de jugement,
l'hérésie fait une faute beaucoup plus grande de choisir
ce chapitre pour appuyer sa doetrine car il y est en-
tièrement contraire comme on peut le démontrer faci-
lement. En effet, Jésus-Christ commence à dire au 10
versetqu'il faudra le manger; et afin qu'on ne pense pas
que ce soit en son esprit, il ajoute, au 52, que ce sera en
sa chair. Au 53, les Juifs l'entendent d'une manducation
réelle et charnelle et disputent entre eux du moyeu
qu'il pourra employer pour leur donner sa chair. Au
54, Jésus-Christ les laisse en cette pensée et ne les
reprend que de ce qu'ils ne la croient pas assez, et en
demeurent en quelque doute. Pour les aider à la croire,
262 DISCOURS
il leur jure par deux fois que, s'ils ne mangent sa chair,
ils n'auront point la vie éternelle tandis qu'il prometde la donner à ceux qui la manageront, et les convie
ainsi à cette croyance par le fruit qu'ils doivent en ti-
rer. Au 56, il dit que vraiment sa chair est viande et son
sang breuvage, et non par métaphore, ou analogie. Au
57, il déclare son union avec ceux qui le mangeront. Au
58, il prend pour exemple de la vérité de cette manduca-
tion ce qu'il y a de plus saint et de plus réel au ciel et
sur la terre c'est-à-dire son Père vivant qui l'engendre
et l'envoie. Au 59, il préfère cette manducation à celle de
la manne qui était réelle et non pas métaphorique, et
assure qu'elle est tout autre. Que peut-on dire de plus
exprès pour la vérité de cette manducation et en quels
termes plus forts Jésus-Christ pourrait-il l’exprimer ?
Mais si la lettre est puissante, l'esprit et le sens que la
suite nous donne l'est bien davantage encore.
Nous devons supposer deux vérités que l'hérésie de
ce temps ne nous niera pas. La première, que Jésus-
Christ n'a pas manqué d'esprit ni d'adresse pour se bien
faire entendre. La seconde, qu'il a eu aussi toute la
charité qu'il devait avoir pour enseigner la vérité à ceux
qui l’écoutaient. Or, il est incontestable qu'il a parlé aux
Juifs et même à ses disciples, de manière qu'ils ont
cru que ses paroles les obligeaient à croire et à pratiquer
une manducation réelle de sa chair, et qu'il leur a con-
firmé la même chose par une assez longue suite de
discours. C'était donc son intention qu'ils la crussent.
ainsi et nous aussi après eux. Nous n'avons point
d'exemple en l'Écriture où ses paroles aientimprimé une
croyance si éloignée de son intention.
A quoi il faut ajouter que les Juifs avaient en leurs
cérémonies plusieurs manducations commémoratives,
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 263
comme celle de l’Agneau Pascal et des autres victimes
auxquelles ils participaient, les festins qui se faisaient
dans les lieux saints et quelques autres. D'ailleurs, ils sa-
vaient aussi qu'il fallait se nourrir spirituellement de la
Loi, de la parole de Dieu des choses saintes et de toute
autre nourriture spirituelle. Ils n'eussent donc pas man-
qué de prendre en ce sens ce que Jésus-Christ disait de
la manducation de sa chair, sans y trouver la moindre
difficulté, si son discours et sa façon de parler eussent
pu se prêter à cette interprétation, et s'il ne se fdt ex-
pliqué en des termes si exprès et si significatifs qu'on
ne les pouvait entendre autrement. Ils n'eussent jamais
pensé contre leur coutume et contre l'application or-
dinaire de leur esprit qui les portait à prendre tout en
figure à une manducation réelle c'était donc ce qu'il
leur voulait enseigner.
Mais le scandale qu'ils conçurent de ses paroles et les
réponses qu'il leur donne prouvent la chose encore da-
vantage. Car, au lieu de les tirer de l'opinion qu'il leur
avait donnée d'une manducation réelle de sa chair, ce
qui les scandalisait et les éloignait de lui et de leur sa-
lut, il les fortifie en cette croyance il ne les htame pas
de prendre mal ses paroles., mais seulement de ne pas
y ajouter foi. Il les porte au contraire à les croire, ne les
reprenant que de ce qu'ils ne les croient pas assez. Il ne
leur donne point d'autre remède pour sortir de ce scan-
dale et revenir à lui que de croire ce qu'il leur disait.
Il ne les détrompe point de leur fausse intelligence, à
quoi cependant la charité l'eût obligé, s'ils s'étaient vrai.
ment trompés sur le sens de ses paroles car toute per-sonne qui parle doit avoir intention de sefaire entendre,et si ceux qui écoutent se perdent en prenant mal ses
paroles elle les doit avertir, surtout s'il est facile de
264 DISCOURS
le faire. Oril était aisé de leur faire entendre une mandu-
cation commémorative ou spirituelle, comme ils la pra-
tiquaicnten leurs sacrifices et si la doctrine des héré-
tiques eût été la sienne, il n'avait qu'à leur dire qu'ils
mangeraient un peu de pain, et boiraient un peu de vin
en sa mémoire, en croyant que, comme le pain nour-
rit le corps, la foi de ce qu'il était et de ce qu'il ferait
pour eux nourrirait l'àme; et que, puisqu'en tous les
banquets on boit ordinairement en mémoire des absents,
et qu'il n'est pas plus difficile de manger à la même in-
tention, ils ne devaient pas trouver si étrange qu'on bût
et mangeât en mémoire de lui. C'était un moyen facile
de guérir leurs murmures que le Fils de Dieu ne pou-
vait pas ignorer si la vérité ne s'y fût opposée. Si donc
il ne s'en sert pas et s'il laisse ceux qu'il instruit dans
la croyance d'une manducation réelle, c'est une preuve
évidente que cette croyance est selon son intention.
Voyant les Juifs endurcis dans leur infidélité, et ses
disciples eux-mêmes murmurer de sa doctrine, Jésus-
Christ s'adresse à eux, verset 62 et les eu blâme eu
particulier. Parce qu'ils étaient plus obligés dé le croire,
à cause qu'ils avaient été mieux instruits et avaient vu
plus de miracles que les autres il les reprend plus
durement de ce qu'ils ne croyaient pas ce que les Ca-
pharnaites refusaient de croire. Or, comme ce que les
Capharnaites refusaient de croire était la réelle mandu-
cation de sa chair, il veut donc que ses disciples croient
à cette manducation réelle.
Mais l'hérésie prétend que Jésus-Christ s'est expliqué,
et a déclaré, au verset 64, que sa chair est inutile; prenant
ces paroles la chair ne sert de rien de la chair même
de Jésus-Christ, et non de la chair de l'homme pécheur,
ce qui est aisé à réfuter par les raisons suivantes.
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 265
12
La première si le Fils de Dieu a dit que la chair ne
sert de rien, en parlant de sa propre chair pour corri-
ger ce qu'il avait dit trop absolument qu'il la faudrait
manger, de peur qu'on n'en abusât, et afin que ceux qui
l'avaient entendu cessassent de s'en scandaliser, il de-
vait parler non-seulement à ses disciples en particulier,
mais encore aux Juifs qui l'avaient entendu car il était
obligé de guérir leur scandale aussi bien que celui de
ses disciples, et c'était les laisser en erreur que de leur
céler une instruction si nécessaire. On voit cependant
qu'il ne leur adresse pas ces paroles si importantes,
mais qu'il se contente de les dire aux disciples, selon
la remarque de l'Évangéliste, verset 62 vu qu'il n'était
pas à propos que Jésus-Christ fit connaitre aux Caphar-
naites la défiance des siens mêmes, de peur de les confir-
merpar là dans la leur. Donc, les paroles du verset 64ne
sont pas une rétractatiou, ni une exposition nécessaire.
La deuxième Jésus-Christ reprend ses disciples de
ce qu'ils murmurent et no croient pas qu'il faille man-
ger sa chair car ses paroles portent une répréhension
manifeste et déclarent assez leur infidélité. Ses disciples
avaient donc tort de ne croire pas simplement ce qu'il
leur avait enseigné auparavant de la manducation de
sa chair et son intention était qu'ils le crussent, ainsi
qu'il l'avait dit, sans remise à une autre instruction. Il
est donc certain qu il ne voulait pas qu'on attendit à
croire et à entendre son discours précédent par les
paroles qu'il leur dit après et qui ne sont rapportées
qu'au v. 64.
L'hérésie donne à ces deux versets une explication qui
justifie les disciples et condamne Jésus-Christ car elle
veut qu'il parle de son ascension, pour leur faire enten-
dre que sa chair ne sera pas mangée en la terre puis-
266 DISCOURS.
qu'elledoit.monterauciel.En effet,si celaétait lesdisciplesavaientraisondenepascroirequ'illa fallûtmanger,et Jésus-Christavaittortdeneleuravoirpasdonnécetteinstructionauparavant,.et nepouvaitpasenjusticeles reprendreden'avoirpointcrucequ'ilnefallaitpointcroire.
D’ailleurs,cetteexpositionne convientnià l’EspritdontJésus-Christparle niàla croyancedesJuifs nià lalettredu.texteHocvosscandalizat? si ergovideri-tis,etc.CequeJésus-Christdit auxdisciplesestuneréprimandeavecobjurgation,quiporteuueréticenced'indignationdece que aprèstantd'instructionspar-ticulièresdemiraclesmanifestesetdepreuveséviden-tesdelasaintetédesesmœursquiles doiventporterà recevoirsadoctrineilsrefusentdecroireà laman-ducationdesachair,pendantqu'ilestencoreaveceux,et .qu'ilsontcettemêmechairprésente.Quesera-cedonc,leurdit-ilquand je m'enserairetournéd'oùjesuisvenuetquevousn'aurezplusmachairvisibleence monde et qu’ilne faudrapourtantpaslaisserdenoirelamêmechosequejevousaidite?L'indignationmanifestequecesparolesportentveutquelaréticenceportesurquelquechosedeplusdifficileàcroirequece
qu'ilsrejetaient,et plusencoreaprèssonascensionqu'auparavantchosecependantqueJésus-Christavaitdroitdedésirerd'eux,etqu'ilavaitsujetdetrouverétrangequ'ilsnevoulussentpascroire.Danscetteré-primande,il insinuepourtant-doucementlapersuasionquesonascensiondoitporterdansleursesprits,afinquesi, d’unepart, il les tancedece qu'aprèstantdesignesilsserendentencoredifficilesà lamanducation-desachair,qu'illeurfaudracroirealorsmêmequ'ilsnel'aurontplusvisiblementparmieux cequi semble
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 267
12.
plus difficile, de l'autre, it leur facilite cette croyance
en s'autorisant de ce qu'il vi.ent de;Dieu et qu'il retour-
ne à Dieu; car on doit toutcroire sans difficulté d'un
homme qu'on voit remonter au ciel, d'où. il est venu,
comme en sa demeure. Si l'on se souvient que, Jésus-
Christ leur avait dit auparavant que,Dieu l’avait envoyé;
qu'il était venu du ciel que la vie qu’il donnerait était
la .vie éternelle et qu'il les ressusciterait au dernier
jour; l'on n'aura pas de peine,à copclure qu'il leur avait
aussi enseigné qu'il n'était ni de ce monde, ni pour ce
monde mais qu'il retournerait au ciel, et avec lui ceux
qui croiraient en lui et le,suivraient. Ce n'est pas seu-
lement ce qui est écrit en ce chapitre de S. Jean qui
autorise cette conclusion;.mais l'ensemble même des
Évangiles car d'après ces Écrits inspirés ces points
étaient les principaux dont Jésus-Christ instruisait les
Siens. Il est donc très-probable que ses disciples les
avaient crus puisqu'ils l'avaient suivi jusque-là. Ce
qu'il fait donc maintenant c'est de les leur remettre en
l'esprit et,d'y porter leur attention, en ajoutant qu'ils le
verront eux-mêmes remonter au ciel afin de raffermir
par cette promesse leur foi chancelante et leur faire sen-
tir avec une adresse divine leur imperfection. Ainsi par
cette proposition, il les fortifie en la foi et les dispose, en
les reprenant de leur faiblesse à croire, même après
son retour à Dieu, à une manducation plus divine et
plus admirable mais aussi plus difficile, de sa chair
reçue au ciel, et aussi à la pratiquer en son temps.
Cette même proposition pouvait encore leur être néces-
saire pour entendre que la manducation de sa chair
qu'il proposait, n’était point contraire à son ascension,
ni son ascension à cette manducation, et qu'il savait le
moyen d'accorder ces mystères. Il leur avait assez fait
268 DISCOURS
connaltre son retour au ciel pour donner lieu à cette
difTiculté, et peut-étre leur était-elle,un empêchement
présent à la- foi, qu'il était bien à propos de leur ôter.
C'est la conduite qu'il tint avec Nicodème comme on
peut le voir au chap. 3. selon S. Jean, v. 11. 12 et 13. Il
leur rappelle aussi son ascension ponr leur montrer
qu'il est un homme céleste, digne par conséquent d'ê-
tre écouté autrement que les antres, d'autant plus que
sa doctrine est par là même céleste aussi Qui est de ter.
ra, de terra est, et de terra loquitur. Qui de cœlo venil.
super omnes est. (Chap. 3. v. 31.) Ce qu'il dit au verset
suivant explique très-bien cette doctrine car étant un
homme qui vient de Dicu etqui retourne à Dieu, il n'est
point de ce monde, et ne doit point vivre selon le mon-
de, ni selon la terre, ni selon la chair; aussi,ne parle-
t-il point des choses de la terre ni des choses de la
chair, mais bien de celles de l'Esprit vivifiant, parce
qu'il est venu seulement pour apporter aux hommes,
comme il venait de le leur dire une vie spirituelle
céleste, divine, conforme à son principe, qui est lui.,
de laquelle le ciel d'où il vient et où il va est le cen-
tre, et la terre l'exil. L'Esprit a donné cette vie, c'est
pourquoi il l'appelle vivifi wt; la chair, au contraire, y
est opposée, c'est pourquoi il dit qu’elle n'y sert de rien
et parce que sa doctrine et ses paroles doivent être
conformes à l'effet qu'il est venu produire, il faut qu'el-
les soient de cet Esprit et de cette vie. Il a dit esprit et
vie, à la façon des Hébreux qui mettent des substantifs
pour des adjectifs, c'est-à-dire de même condition que
cet. Esprit et cette vie, à laquelle la chair est non-seu-
lemeat inutile mais encore opposée. C'est pour cela
qu'elle est un empêchement à entendre et à croire ses
paroles, aussi bien qu'à le suivre tandis qu'il n'y.a
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE.269
que l'Esprit de vie qui puisse servir aux hommes, soit
pour les rendre dociles à la doctrine de Dieu, soit pourles rendre capables de sa vie. Or, parce que la foi est le
premier effet de cet Esprit, l'infidélité en est une pri-
vation entière, et l'incrédulité est, de toutes les mau-
vaises dispositions que les hommes peuvent avoir, celle
qui en éloigne davantage. A ce mal il n'y a point d'au-
tre remède, sinon que Dieu les tire à la foi et les rende
dociles, puisque la chair, qui leur reste, n'y sert de
rien. Voilà précisément ce dont Jésus-Christ avertit ses
disciples, en leur disant que leur iucrédulité empêche
l'Esprit vivifiant qui est si nécessaire, et que c'est pour
cela qu'il les a assurés qu'on ne peut venir à lui sans
son Père.
Après avoir e:posé la suite, le sens des paroles de
Jésus-Chtist se réduit aisément à ces trois propositions:
Je retournerai au ciel, comme je suis venu du ciel pour
donner la vie céleste et éternelle. (v. 39 et 40.) C'est
l’Esprit qui vivifie; c'est-à-dire, qui donne cette vie, qui
y sert, qui y conduit, la chair n'y sert de rien. Mes pa-
roles sont spirituelles, et de même ordre que la vie que
je donne; la chair ne peut pas vons aider à les com-
prendre, mais l'Esprit seulement, duquel votre incré-
dulité vous éloigne c'est pourquoi je vous ai dit de
eruire en moi. etc.
L'exposition de l'hérésie ne convient pas plus à la
croyance des disciples qu'à la manière dont Jésus-Christ
parle. Car les Juifs croyaient, comme nous, que les
hommes qui avaient été dévorés par des bêtes ou man-
gés par d'autres hommes ne laisseraient pas de ressus-
citer et de monter au ciel s'ils étaient du nombre des
Saints, Il ne s'ensuivait donc pas, dans leur esprit, de
l'ascension de Jésus-Christ au ciel que sa chair ne se-
270 DISCOURS.
raitpasmangéeenterre et parconséquent,tel nepeutpasêtrelesensdesparolesduFilsdeDieu',ni telle sonintention.
Cetteexpositionne s'accommodepasdavantageautexte.Carlehoc,se rapportenécessairementà ce quiscandalisaitlesdisciples.Orce quilesscandalisait,etquiles décidaà se séparerdeJésus-Christc’étaitladoctrinequ'il leur exposasur la manducationde sachair,etnonpaslamanducationelle-même,puisqu'ilstiennentcettemanducationpourimpossibleet qu'ilsn'enfontpointdecas.End'autrestermes,ilsse scan-dalisaientdelui,nepouvantcomprendrecommentunhommedesaqualitéavaitputenirunpareillangageetleur assurerunechosequ'ilsregardaientcommeim-possible.11fautsupposericiunechosecertaine,quecequ'illeurditde sonascension,ille ditpourlesempê-cherde lequitteret dese scandaliserdesesparoles.Tandisque,s'il leurenavaitparlépourleurfairevoirquesachairneseraitpointmangéeen la terre,il leurauraitparlàmêmefaitentendrequ'ilavaitmalfaitdeleurparlersiabsolumentdelamanducationdesachair,puisquecettemanducationnedevaitpasavoirlieu:ifauraitdonctiréuneconséquencecontrelui-mêmeetcontresonintention,etmêmecontresonobligationdeguérirlesdisciplesen leurôtantlesujetdeleur scan-dale et cetteconséquence,Illa confirmaitenproavantqu'ilavaitmaldit.IUfautnoterlaconjonction'ergo,quimontrequela réponse,queJésus-Christdonneà l’in-terrogationqu'ilalui-mêmefaiteauversetprécédent,(Hocvosscandalizat?)doitporteruneconséquencetacitecontrelesujetqu'avaientsesdisciplesdesescandaliser.L'hérétiquen'a songéicini àjustifierJésus-Christensesparoles,nia ramenerlesdisciplesensacompagnie;
CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONELLE. 271
mais bien à se servir de lui et de sA parole pour détruire
la réalité de sa communion, qu'il rejette pour établir son
erreur aux dépens de la réputation de Dieu; C’est ainsi
ilue les pécheurs se servent de Dieu et de son concours,
contre Dieu méme, pour commettre leurs péchés.
Enfin la troisième raison qui montre, contre les lié-
rétiques, que c'est de la chair de l'homme péchettr, et
non de sa chair divine que Jésus-Christ a dit qu’elle ne
sert de rien, raison qui devait être mise la seconde se
tire des v. 6t et 62 joints ensemble dans lesquels l’É-
vangéliste dit deux choses. La première, v.. 62. que les
disciples murmurent. En quoi Jésus-Christ les biàme et
leur fait connaître, par la rigueur de ce terme qui se
prend toujours eu mauvaise part, qu'ils ont tort d'oit
il suit, qu’au lieu de murmurer, ils devaient se rendre
sans murmure à la doctrine de Jésus-Christ, et croire
simplement ce qu'ils ne voulaient point écouter. La se-
conde, v. 61, qu'ils murmurent parce qu'ils trouvent
la doctrine de J.-C. difllcile à croire durus est hic sermo.
Ce discours est dur, qui le peut ouïr c'est-à-dire, croire,
en style d'Écriture. Évidemment ils ne parlaient ainsi
que d’une manducation réelle; car une manducation com-
mémorative ou spirituelle n'eût pas été une doctrine de si
dure ou de si difficile croyance à des Juifs qui en avaient
et en croyaient plusieurs comme nous l'avons montré
ci-dessus. Les disciples murmuraient donc parce qu'ils
savaient bien que le Fils de Dieu avait parlé d'une man-
ducation réelle. L'Évangéliste condamne leur murmure,
et parconséquent il donne son jugement pour la mandu-
cation réelle. Il rapporte ensuite les paroles de Jésus-
Christ, aux v. 63, 64. 65et 66, contre le murmure des dis-
ciples incrédules pour confirmer la même chose par
l'autorité de son Maître; autrement son Évangile serait
272 DISCOURS.
contraireà lui-même.Ilestdonctrès-certainquel'Évan-gélistea cruquelesparolesdeJésns-Christ,couchéesanv.64,nesontpascontrelamanducationréelle,maispourlaconfirmer.
Cecinousjettedanslaquatrièmeraisonquele v.64nousdonne,où Jésus-Christdit quesesparoles,quiavaientétéle sujetduscandaledes disciplessontdeYEspritetdelavieéternelle;àquoila réponsedeSaintPierreauv.69faitallusion,quandilditqueJésus-Christalesparolesdelavieéternelle.Je saisbienqu'ellesnes'entendentpas seulementdecelles-làmaisil suffitqu'elleslecontiennentpournousassurerqu'ellessontdel'Espritetdela vie.
DISCOURS
CONTENANT
L'EXAMEN DE LA CROYANCE DES HÉRÉTIQUES DE CE
TEMPS, SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE
JÉSUS-CHRIST.
Hieu a permis, pour la couronne de son Église, que
le diable eùt deux moyens de la combattre, la force et
i'illusion. Le premier moyen lui est ouvertement con-
traire le second lui est apparemment semblable. Le
paganisme s'est servi, du premier, employant Fa vio-
lence et la cruauté pour la détruire; l'hérésie use prin-
cipalement du second, trompant les esprits faibles dans
la foi et orgueilleusement confiants en leurs propres lu-
mières, par des propositions captieuses qui donnent le
change aux fidèles, et par leur vraisemblance les tirent
de la vérité pour les engager dans ce qui n'en a que
l'apparence. Pour cette fin, elle se sert de l’Écriture-
Sainte, qu'elle propose enllehors de son propre jour et
dans une fausse lumie.e, et fait ainsi voir des fantômes
à ceux qui sont susceptibles d'illusion. Si l'on veut s'en
défendre, il fautles considérer de près, et bien prendre
garde au sens de ses paroles, à sa croyance et aux pas-
sages qu'elle allègue pour l'autoriser.
Elle fait profession de croire qu'il faut manger le corpsde Jésus-Christ réellement et véritablement, en quoi ellene dit rien contre la vérité; mais si on l'interroge da-
vantage, elle détruit le, moyen que Jésus-Christ nous a
laissé pour le manger, et en introduit un faux qui né
nous peuL rien donner qu'erreur et tromperie; en quoi
274DISCOVRS
elle ruine la vérité de notre communion, sans qu'on y
pense. Car le moyen que Jésus-Christ nous a laissé est
le sacrement, qu'elle anéantit en disant que le corps de
Jésus-Christ n'y est pas; et le moyen qu'elle a invenlé,
est la persuasion de la foi qu'on l'a mangé et qu'on le
mange et ce moyen n'étant point de Dieu ne'peut nous
être utile. Il importe peu à l'ennemi de notre salut par
quelle voie il détruira la communion de Jésus-Christ,
pourvu qu'enfin il la détruise.
LAVÉLiITÉDEJÉSUS-CHRIST: Prenez et mangez, c'est
mon corps.
ERREURSDE L'HÉRÉSIE: On mange le corps de Jésus-
Christ en la Cène. Le corps de Jésus-Christ n'est point
au sacrement sous les signes du paiu et du vin. C'est
par la foi qu'on le mange.
L'hérésie s'est obligée de ne rien croire par tradition,
mais seulement par l'expresse parole de Dieu. On lui
demande donc des passages exprès de ces trois articles;
et elle est si malheureuse dans ses prétentions qu'elle
n'en peut trouver aucun, pas même le premier article,
qui est véritable et qu'elle croit avec nous; si elle ne re-
aonce à sa doctrine et aux interprétations qu'elledonne à l'Écriture- Sainte. Cela nous donne droit de
l'accuser d'avoir établi de son autorité privée ces trois
articles de foi, ce qui est un attentat contre l'Évangile,et d'avoir détruit le moyen que Jésus-Christ nous a laissé
pour recevoir son corps et son sang, lequel est le sacre-
ment. Elle fait plusieurs autres fautes contre la foi en
cet article; mais je de m'arrêterai pas pour cette fois à
les relever.
L'hérésie ne peut se servir, pour établir cette mandu-
cation réelle du corps de Jésus-Christ, qu'elle veut per-
suader, des paroles que ce divin Maître dit à ses Apô-res, et cela pour trois raisons:
SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE I.-C. 2j5
La première, parce qu'elle détruit la réalité de ses pa-
rules, en disant qu'elles siguifient: Prenez et maugez,
ceci est la figure de mon-corps. Ce sens ne permet donc
plus qu'une manducation figurative.
La seconde, parce que Jésus-Clirist ne met pas la réa-
lité de son corps dans la manducation, mais dans les
signes, comme il conste par ses puroles. Car il ne dit
pas qu'en mangeant ce qu'il donne on mangera son
corps, mais au contraire que ce qu'il donne est son
corps. Or, il est bien plus juste de croire la réalité du
corps de Jésus-Christ, s'il la faut croire, où Jésus-Christ
la met, c'est-à-dire,en ce qu'il donne, ou sous les signes,
que où il ne la met pas, à savoir dans la manducation.
Il faut donc ou la croire sous les signes, ou ne la point
croire du tout. Si Jésus-Christ eùt voulu dire ce que les
hérétiques prétendent, il devait parler ainsi Prenez et
mangez; en mangeant ceci vous mangerez mon corps.
La troisième: Il est bien certain que Jésus-Christ com-
mande à ses Apôtres de manger ce qu'il leur donne et
ce qu'il leur commande de prendre: or, ce qu'il leur
donne et ce qu'il leur commande de prendre est le sa-
crement visible et palpable qu'il tenait en ses mains. Il
ne leur commande donc pas de manger son corps au-
trement qu’il n'est au sacrement, ni en une autre ma-
nière, ni en une autre vérité ou présence que celle qu'il
a sous les signes.
L'bérésie _ne doit pas apporter ici les passages du
sixième chapitre de Saint Jean; car elle ne peut établir
un article de foi sur des textes qu'elle désavoue commu-
uément, et que ses principaux docteurs expliquent d'une
autre manière. Calvin, Dumoulin et autres ensei-
gnent qu'il n'y est point parlé de manducation du corps
de Jésus-Christ qui se fait en la Cène, mais seulement
276 DISCOURS
de la communion que nous devons avoir avec lui toute
potre vie. Et quoiqu'ils se trompent (car Jésus-Christ
parle d'une manducation de sa chair qu'il devait donner
à ses disciples, comme il parait par la suite du texte,
et non pas de la communion des fidèles avec Jésus-
Christ, que ses Apôtres avaient déjà reçue) on ne peut
pas néanmoins établir une croyance commune sur des
passages qui sont rejetés communément. Je dirai, en
passant, pour l'intelligence du texte, qu'il est bien vrai
que le Fils de Dieu ne parle pas, dans ce chapitre, de
l'Eucharistie, du sacrement, ni des signes; car il ne dé-
clare pas encore le moyen de la manducation de son
corps il en réserve la connaissance à la fin de sa vie
et se contente de dire qu'il donnera son corps, et quece ne sera point par une infusion secrète de lui en nous,
mais par une manducation. Il parle donc par conséquent
de la manducation qui se fait par le moyen de l’Eucha-
ristie, quoiqu'il ne parle pas expressément encore de
l'Eucharistie.
Si l'hérésie veut se fonder sur les passages qui sont
tirés des Épifres de Saint Paul, ils lui sont aussi inutiles
que celui dont ils se servent en donnant leur Cène qui
fst pris de la première Épître aux Corinthiens 10, 16.
«Le pain que nous rompons n'est-il pas la communion au
corps de Jésus-Christ? »Illeur faut répondre que, selon
leur croyance, qui met la réalité de la communion de
Jésus-Christ en celui qui communie et non sous les si-
gnes, le pain qu'ils rompent n'est pas la communion au
corps de Jésus-Christ, mais la figure seulement et le
signe de la communion. Ce texte leur est donc contraire.
D'abord, en ce qu'il parle d'un pain qui était la commu-
nion du corps de Jésus-Christ avant même d'être
rompu et lorsqu'on le rompait; ce qui n'est pas vrai du
SUR LA MANDUCATION DU CORPS DEJ.-C.
pain de leur Cène, qui n'est la communion que quand
on le mange, et encore n'est-ce qu'en figure. Ensuite,
parce qu'il fait voir la pratique des Apôtres, qui était de
rompre le pain déjà consacré; tandis qu'eux ne le rom-
pent, ni ne le bénissent, ni ne croient que Dieu le bé-
nisse d'une bénédiction particulière, tant ils sont éloi-
gnés de l'usage des Apôtres en ce mystère. D'ailleurs ce
passage ne peut pas servir pour autoriser une mandu-
cation réelle autrement que par les signes, comme ils
la veulent, pour les mêmes raisons que nous avons ap-
portées sur les paroles de l'institution du sacrement.
Ce que l'Apôtre dit de la coupe dans le même verset
16: La coupe que nous bénissons n'est-elle pas la com-
munion du sang de Jésus-Christ? (l'hérésie dit au sangde J.-C.) détruit semblablement leur croyance établit
la véritable foi qui met la vérité de la communion sous
les signes, et ne peut leur servir de rien pour leur com-
munion intentionnelle. De plus, ce passage les cou-
damne en ce qu'ils omettent en leur Cèue la bénédiction
de la coupe que l'Apôtre pratiquait, et en ce qu'il témoi-
gne que cette coupe qu'il bénissait était, avant d'être
bue par les fidèles, la communion du sang de Jésus-
Christ. Selon la croyance hérétique il faudrait dire Le
pain que nous rompons n'est pas la communion au corpsde Jésus-Christ, mais le pain que nous mangeons nous
représente.la manducation réelle que nous faisons parnotre foi du corps de Jésus-Christ. Pareillement il fau-
drait dire, selon la même croyance, de la communion
du calice: La coupe que nous ne bénissons point, quand
nous la buvons, nous est un signe qui excite notre foi de
la boisson véritable, que nous faisons par cette foi du
sang de Jésus-Christ. Mais l'Apôtre ne connaissait pascettefoi pour parler ainsi, et sans la connaître il l'a
condamnée par ses paroles.
278 DISCOURS
Monsieur Mestrezatj abandonnant les isvangiles, et
les autres passage plus clairs qui lui furent suspects, et
qu'il n'osa alléguer, s'est voulu servir une fois, dans
une conférence, des paroles de St. Paul au chap. 5 de
l'Epltre aux Ephésiens où il dit parlant de Jéius-
Christ, que nous sommes membres de son corps de
xa chair, de ses os et, au lieu de les citer comme
l'Apôtre les rapporte, il les écrivit avec la réduplication,comme elles sont dans le chap. 3 de la Genèse, que nous
sommes os de ses os et chair de sa chair à quoi on
répondit avec raison trois choses. La première que
dans sa citation il avait pris le mariage pour le Sacre-
ment de la Cène. La seconde, que ce passage n'était pasde la manducation que les Gdèles fout du corps de Jé-
sus-Christ en la Cène mais du mariage d'Adam et Ève
à la lettre, et par allégorie du mariage de Jésus-Christ
avec son Eglise et que par conséquent il ne devait pas
être apporté pour un-passage formel de la manducation
du corps de Jésus-Christ en la Cène, et que s'il n'en
avait point d'autre, il ne s'ensuivait autre chose de ce
texte sinon qu'ils ne mangeraient pas plus Jésus-Christ
en la Cène qu'Ève ne mangea Adam. La troisième, qu'il
y a cette différence entre la communion que les fidèles
ont au corps de Jésus-Christ par le moyen de l'Eucha-
ristie, et-celle dont parle St. Paul au texte allégué entre
Jésus-Christ et l'Église dans l'état de son mariage éter-
nel, que celle de l'Eucharistie est une communion de
manducation par laquelle J. -C. se donne en nourritu-
re et fait que son corps entre en nous comme viande
pour nous vivifier, tandis que le verset en question dé-
note une communion de parenté et d'origine, en
laquelle l'Eglise tire son origine spirituelle de Jésus-
Christ, comme Eve tira son origine corporelle d'Adam.
SUR LA MANDUCATION DÛ CORPS DE J.-C.279
Et si Phérésie n'a point d'autre passage que celui-là pour
prouver la manducation du corps de Jésus-Christ en
la Cène, il s'ensuit qu'il n'y a point de manducation dit
tout dans cette cène, et qu'au lieu que, par la man-
ducalion, Jésus-Christ entre en nous pour nous nourrir,
elle doit enseigner que ses adeptes sortent de Jésus-
Christ comme Eve du cûté d'Adam; ce qui est bien
contraire à la manducation que ses disciples doivent
faire de son corps.
Si l'hérésie est si pleine de confusion en sa croyan·
ce et si éloignée des Écritures Saintes qu'elle n'y peut
même trouver ce qui y est, ni prouver par leur auto-
rité ce qu'ello tient de véritable; bien moins encore
pourra-t-elle y trouver ce qu'elle croit et enseigne
de faux et de contraire à la vérité des Écritures com-
me, par exemple, que le moyen ordonné par Jésus-
Christ pour manger son corps soit de croire qu'on le
mange ou qu'on l'a mangé, et non pas le sacrement
qu'il a institué pour nous le donner!
Nous accusons d'abord l'hérésie de pécher en cela
non-seulement contre l'Écriture Sainte, mais eucore
contre sa propre conscience, contre sa foi et les rè-
gles de croyance qu'elle s'est prescrites. Car, ayant
renoncé aux traditions, et faisant profession de croire
que toute l'Église visible peut errer, et qu'il n'y a
point d'autre fondement de la foi que les paroles ex-
presses de l'Écriture Sainte, elle fait de sa propre au-
torité, non-seulement sans l'Écriture mais encore
contre l'Écriture, un article de foi que c'est par. la
'foi et non par le sacrement, qu'on mange réellement
le corps de Jésus-Christ.
Les paroles de l'institution nous proposent le sacre-
ment et ne disent rien de la foi elles ne commandent
280 DISCOURS
autre chose que de prendre et de manger ce que Jésus-
Christ donnait Les trois Évangélistes se trouvent en
cela conformes; et l'Apôtre S. Paul, qui rapporte, au
chap. 11 de sa première épitre aux Corinthiens, ce quo
Jésus-Christ lui en avait appris et ce qu'il enseignait
de sa part aux Eglises de nécessaire à la perfection
de ce mystère, ne dit rien non plus de la foi.
L'hérésie a recours alors au 6' chapitre selon S. Jean
mais elle continue en ce cas de pécher contre sa
propre doctrine, puisqu'elle enseigne qu'il n'est point
parlé en ce chapitre de la manducation du corps de
Jésus-Christ qui se fait en la Cène. D'ailleurs le texte
ne dit en aucun lieu que croire en Jésus-Christ soit
manger Jésus-Christ: ce qui pourtant serait nécessaire
pour élablir un article de foi, puisque les coujectu-
res et les conséquences sont insuffisantes à le faire. Et
quand même on admettrait ces conséquences elles
ne peuvent servir de rien à l'hérésie, puisqu'elles
lui sont contraires. Au v. 27. où le Fils de Dieu com-
mence à parler de la nourriture de l'homme intérieur,
il donne à entendre qu'elle consiste dans les bonnes
œuvres qui eu sont le commencement et que Dieu lu i
donne comme disposition pour aller à Jésus-Christ
qui en est la perfection. Au v. 28 les peuples fenten-
dent ainsi. Au 29, il dit que la foi en Celui que Dieu
a envoyé est une œuvre de Dieu tant parce que Dieu
nous la donne, que parce qu'elle est le fondement
de toutes les autres, et que même elle contient et don-
ne la perfection de l'oeuvre, si on la suit. Or il est in-
contestable que la foi que Jésus-Christ est venu de
Dieu, n'est pas la manducation du corps de Jésus-Christ.
Saint Pierre et les autres Apôtres avaient cru en lui,
comme il parait par le 70 v. et ils ne l'avaient pourtant
SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C. 281
pas mangé. Caiphe et plusieurs de ceux qui cruci-
Gèrenl Jésus-Christ croyaient que Dieu l'avait envoyéHic est hæres, venite occidamus.. etc, et cependant ils
ne l'ont pas mangé.. L'hérésie elle-même enseigne quetout acte de foi n'est pas la manducation du corps de
Jésus-Christ mais seulement celui par lequel on croit
qu'on mange sa chair crucifiée et qu'elle nous nourrit.
Or, encore une fois, Jésus-Christ ne parle point ici de
Cette foi, mais seulement de celle qui fait croire en Celui
que Dieu a envoyé et elle u'cst pas certes la man-
ducation de son corps mais simplement une disposi-
tion à recevoir sa doctrine.
Le 35 v. que l'hérésie prend pour le principal fou-
dement que croire est manger, est contraire à cette
opinion dans les termes mêmes. Jésus-Christ y dit
Qui venit ad me non esuriet, qui credit non sitiet Celui qui
vient à moi n'aura plus faim, celui qui croit en moi
n'aura plus soif. A la lettre, venir à lui ce serait le
manger,ce qui parait faux. Car ce peuple, auquel
Jésus-Christ parlait et qui était déjà venu au désert à
lui, ne l'avait point mangé. Croire en lui ne serait
donc pas manger, mais seulement boire, puisque venir à
lui ôte la faim suivant ce texte et croire à lui ôte
la soif, mais qu'il n'y est pas-dit que venir ce soit
croire. Le peuple était venu à lui au désert, et ne
croyait pas encore que quelques-uns le mangeraient
qui ne le boiraient point, puisque quelques-uns vien-
nent à lui qui ne croient point en lui. Ce qui obli-
ge d'ouvrir l'esprit et de prendre le sens de sa pa-
role, lequel est que ceux qui viennent à lui non-
seulement de corps mais d'esprit, et pour toujours,seront finalement délivrés de la faim car s'ils ne
viennent à lui que pour un temps ou s'ils n'y vien-
282 DISCOURS
nent que de corps et non d'èsprit et de cœur, pourse donner entièrement à lui1, cela ne sera pas. Le
peuple auquel il parle vint du désert à lui et ne
laissa pas d'avoir faim' par après, et ceux qui croient
en lui poar un temps ne laissent pas de se perdreet d'avoir soif éternellement en S. Luc. 8-13, quiad tempus credunt. Et même ceux qui viennent à lui,et croient en lui avec persévérance jusqu'à la fin, né
laissent pas d'avoir faimet soit temporellement,comme
l'Apôtre ( 2. Cor. 11. 27. ) in jame et siti. Jésus-Christ
même a eu faim temporellement (Matth.4-2 —et 21-18),et ses disciples de même. Il faut donc entendre ce ver-
set 38. de S. Jean d'une faim et d'une soif finale et
éternelle. Et d'ailleurs cette parole unquam, montre
que cet effet doit s'entendre pour l'éternité, où il n'y
aura plus de foi. Ce n'est donc pas l'action pure et sim-
ple de croire qui ôte la soif, ni l'action de venir à Jésus-
Christ qui ôte la faim. Par conséquent, nous devons aussi
prendre ces termes de veniret de croire avec toutes les
suites d'une adhérence et d'une croyance parfaite et
persévérante, ce qui comprend la coopération à toute
la conduite de Jésus-Christ, et la correspondance à tout
ce qu'il ordonnera pour la communion que nous devons
avoir avec lui.
On dit communément dans le langage ordinaire Si
vous me croyez, vous réussirez en cela vous serez
heureux. Or il ne s'ensuit pas que me croire soit être
heureux formellement, mais consécutivement c'est-à-
dire que si l'on mecroit, l'on deviendra heureux, parce.
que j'enseigneraitout ce qui sera nécessaire pour l'être,
etqu'on le sera: C'est une erreur épouvantable, dont la.
logique avertit, de prendre la causalité efficiente pour la
causalité formelle on réciproquement. La foi des dt'ux
SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C. 283
disciples à la parole de S. Jean (Joan. 1'. 13.), qui leur
montra l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde,
serait ainsi non-seulement la manducation du corps de
Jésus-Christ, mais aussi la résurrection et la béatitude
éternelle: et la croyance de la Ste Vierge à la parole de
l'Ange Gabriel serait l'incarnation. L'hérésie trompe
ses enfants par une équivoque continuelle de tous les
effets de la foi à son effet formel qui n'est autre chose
qu'être fidèle. Au verset 36, le peuple était venu à lui,
à Jésus-Christ, et l'avait vu, mais il n'avait pas cru
venir n'est donc pas toujours croire. Au verset 37, ceux
que son Père lui donne viennent à lui et ceux qui
viennent à lui ne sont jamais exclus c'est-à-dire s'ils
viennent parfaitement et pour toujours. Au verset 40
celui qui voit le Fils et croit en lui doit avoir la vie
éternelle et le Fils le ressuscitera au dernier jour
ce qui ne se peut entendre que consécutivement et
elHclemment puisque ni la résurrection, ni la vie
éternelle de ceux que Jésus-Christ instruit ici ne doit'
avoir lieu que quand la foi ne sera plus. Le verset 47
qui est le dernier qui parle de lafoi ne peut être enten-
du autrement: et plusieurs paroles des versets suivants
dénotent le temps de la vie éternelle si expressément
qu'on ne peut pas les entendre de l'effet formel, ou dé
la causalité formelle de la foi, laquelle ne peut jamais
être séparée de sa cause. Telles sont celles des versets
35. Unquam. 37 Non ejiciam foras. 39 In novissimo die.
47 Habet vitam æternam. 50 Nonmorietur. qui s'èilten-
dent de l'effet éternel de la communion avec Jésus-
Christ: elles sont confirmées par les suivantes v. 53.
Vivet in æternum. v. 54. pitam. 55. in novissimo die.
v. 59. fivet in æternum.
De plus, il faut considérer que quand Jésus-Christ
284 DISCOURS
a parlé de la foi et de croire, il n'avait point encore
parlé de la manducation; et que depuis le verset 58oitil commence d'en parler, il ne parle plus de croire ni
de la foi, silence tout providentiel qui détruit l'erreur
hérétique de la manducation par la foi. Les Apôtres
croyaient en lui, verset 70, et ne savaient seulement
pas qu'il fallût le manger, Caiple crut qu'il devaitmourir pour racheter le peuple et réunir les enfantsde Dieu. (Joan. 52.) Les princes des Juifs (Matth. 21.
38. Marc12.7. Luc. 20.14. ) croirent qu'il était le Fils de
Dicu l'héritier de son royaume et de son peuple et
pourtant ils ne le mangèrent ni les uns ni les autres.Dans la première épitre aux Corinthiens, 11. 29. quel-ques-uns le mangent indignement ce sont ceux qui le
mangent sans foi disent les hérétiques donc croiren'est pas manger. Onpeut apporter ici tous les passages
de l'Écriture qui prouvent quela seule foi ne justifie pas.Jésus-Christ requiert une foi présente du peuple qu'il
instruit ici, et non pas une manducation présente de sa
chair qu'il ne voulait pas donner à manger sur l'heuremais plus tard Panis quemego dabo v. 52. La foi n'estdonc pas la manducation.
L'hérésie dit que tout acte de foi n'est pas manduca-
tion, mais seulement celui par lequel on croit qu'onmangela chair de Jésus-Christ crucifié pour notre salut.Jésus-Christ ne parle en aucun lieu de ce chapitre decette foi donc la foi dont il est parlé ici n'est pas man-ducation.
La foi est le commencement du nouvel homme lacommunion de Jésus-Christ en est la consommation. Lafoi est aussi sa première nourriture et le premier metsdu banquet évangélique, la manducation en est la per-fection. Or, quoique le nouvel homme, dès son com-
SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C. 285
meocement vive de Jésus-Christ, il ne mange pourtant
pas encore Jésus-Christ. Car être en la communion de
Jésus-Christ, et vivre de lui n'est pas toujours le man-
ger. Il est notre pain supersubstantiel et quotidien,
c'est-à-dire continuel, selon le sens le l'Écriture, et
dont nous devons vivre toute la vie mais il ne s'ensuit
pas que la manducation en soit continuelle. L'homme
animal même ne mange pas toujours quoiqu'il vive
toujours des aliments qu'il a pris. Le peuple, dans le
désert, vivait toujours de la manne que Dieu lui don-
nait, et ne la mangeait pas toujours. L'homme spirituel
vit de la parole de Dieu de sa grâce de la foi, des œu-
vres, des bonnes pensées des saints mouvements de
la charité et des autres vertus de l'Esprit de Dieu et de
ses dons, et de Dieu même néanmoins il ne mange pas
ces choses. S. Raphaël dit à Tobie, au chap. 12 de son
histoire qu'il usait d'une viande invisible qui le faisait
vivre mais il ne parle pas de manducation. Le moyen
que Jésus-Christ nous a laissé de vivre de lui en cette
vie par manducation est un excès de sa bonté, qui, en
cela s'est abaissée jusqu'à la nourriture animale pour
donner à tout l'homme, sans en excepter son corps,
quelque part à la religion et à la -communion de son
corps il est de plus un prodige étonnant et bien singu-
lier de sa charité, qu'il ne voulait pas même déclarer ou-
vertement à ses Apôtres attendant jusqu'au dernier
jour de sa vie quand ils seraient plus capables d'en
user, pour le leur manifester. Donc, la foi qu'il désirait
du peuple de Capharnaüm n'est pas la manducation
présente de sa chair, mais la croyance que Dieu l'a en-
voyé, laquelle est le commencement de la viechrétienne.
II était bien à propos d'élever leur esprit (qui pen-
sait trop au maneer, et qui n'était pas capable de la
286 DISCOURS
perfection ) à quelque usage plus spieitueldes aliments
duciel c'est pourquoi jusqu'au,50 verset, il ne leur
parle pas du tout de manducation, mais seulement d'une
nouvelle vie, et d'un pain céleste dont il fallait user pour
l'avoir, sans leur dire pourtant qu'il fallût le manger.La manne avait deux significations selon la première et
la plus présente, elle montrait au peuple que leur vraie
nourritnre venait de Dieu, etqu'il fallait s'élever à lui
pour s'en nourrir en esprit. Jésus-Christ parle ici jus-
qu'au verset 50 selon cette signification se contentant
d'enseigner à ceux qui l'écoutaient à vivre spirituelle-ment du pain du ciel. sans parler de la manducationet si la tentation des Juifs ne l'eût pressé de s'expliquer
davantage, et qu'il n'y eût été obligé pour,leur montrer ce
que signifiait la manne il ne leur eût certainement pasdécouvert un si grand mystère, dont ta connaissance
est réservée auxSaints. Beaucoup moins voulait-il leur en
donner la réalité et l'usage. Il est donc bien certain et
incontestable, que la foi qu'il demande d'eux n'est pascette manducation, qu'il ne leur découvre que par quel-
que sorte de contrainte, pour les tirer de la tentation,en leur déclarant qu'il donneraune manne plus céleste
et plus divine que la première, et qu'ainsi il ne man-
quera pas d'en accomplir la promesse et la figure pro-
phétique. Car si la manne était un signe dela nourriture
spirituelle du peuple, elle était de plus une figure pro-
phétique qu'au temps du Messie on mangerait sur la
terre le vrai pain du ciel et la vraie substance de la vie
éternelle, d'une manière palpable et visible par le moyende l'Eucharistie, qu'elle représente, en ce qu'elle nour-
rit le peuple dans le désert, c'est-à-dire en cette vie.
Elle cesse en la terre de .Promission c'est-à-dire en pa-radis, où l'Eucharistie n'est plus. Qui en amassait une
SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C.287
plus grande quantité, n'en avait pas pour cela davantage
en vérité comme en l'Eucharistie; et comme ce divin
sacrement qui contient en Jésus-Christ tous les dons
de Dieu, la gràce, la gloire et toute la nourriture de
l'homme intérieur, elle avait toute sorte de saveur et
renfermait en elle-même la vertu de toute espèce de
viande. Le manne descendait du ciel comme une farine
blanche dont on faisait des tourteaux, mais elle ne tom-
bait pas le sabath., pour figurer qu'on ne trouverait plus
l'Eucharistie dans le grand jour du repos éternel, en
paradis, ou l'on vit de Jésus-Christ sans sacrement. Il est
donc évident que la manducation dont parle ici Jésus-
Christ, et qui accomplit entièrement la ligure prophé-
tique de la manne, se fait en l'Eucharistie et non pas
au ciel ni par la seule foi, en cette vie.
Si les hérétiques pensaient à eux-mêmes, et à la foi
quand ils disent qu'elle est la manducation du corps de
Jésus-Christ, ils n'avanceraient jamais cette proposi-
tion car la foi ne fait autre chose que préseuter à
l'homme les vérités divines, que sa,.volonté accepte ou
rejette à son choix.Tellement que la foi ue fait que servir
la viande à l'homme spirituel et si l'analogie permet-
tait d'attribuer la manducation à quelque vertu chré-
tienne, ce devrait être à la charité qui réside dans la
volonté de l'homme et lui fait recevoir cequi lui est pré-
senté par la foi. On ne saurait donc croire que par mé-
garde et par ignorance ce que l'hérésie dit ici. Car )a foi
est une vertu de l'entendement qui agit par pensée elle
ne nous donne pas les choses mêmes, mais seulement ia
pensée et la doctrine ou la connaissance qui n'est
qu'une image intellectuelle des choses les choses de-
meurant d'ailleurs ce qu'elles sont, et où elles sont.
L'hérétique ne reçoit donc autre chose, par sa préten-
288 DISCOURS
due manducation, que l'idée Ou l'idole de son esprit.
Quant à la vérité de la communion de Jésus-Christ,c'est à Dieu de la donner, et il n'y a que lui qui puisse
le faire.
La vérité des dons dépend toujours de la foi de celui
qui donne, et non de la foi de celui qui reçoit. Si le roi
dit à son sujet Je vous donne mille écus en cette bourse,
il est clair que s'il est véridique et fidèle à sa parole,le don sera véritable mais s'il est trompeur, la foi du
sujet ne rendra pas vraie la fausseté du don. Les vrais
sujets du royaume de Dieu reçoivent de la foi et de la
vertu de.Jésus-Christ la communion de son corps; car
il est très-fidèle en ses promesses, et très-puissant en
parole et en œuvres. Ils le reçoivent ainsi par sa pro-
pre puissance, et se servent en cela de l'efficace de sa
parole, qu'il a mise en leur bouche. Mais l'hérétique
communie par la vanité de sa propre foi de laquelle il
ne peut recevoir que l'illusion de son propre esprit et
le fantôme qu'il a conçu. L'hérésie anéantit ainsi la
vertu de la foi de Jésus-Christ pour établir la tromperie
de celle de l'homme.
Il est parfois bon d'obliger l'hérétique de considérer
ce qu'il croit et ce qu'il dit. Si on le presse de répondre,
et de dire où il prétend manger le corps de Jésus-Christ,
si c'est au ciel ou sur la terre, et s'il le mange absent ou
présent il ne peut pas dire en la terre de peur que le
corps de Jésus-Christ ne soit en divers lieux; il aime
mieux dire qu'il va le manger au ciel où il s'élève en
esprit. Et si on lui dit qu'il se met donc en esprit lui-
même en plusieurs lieux, au ciel et sur ta terre en même
temps; de peur d'avouer que Jésus-Christ y puisse être,
il se réduit à dire qu'il mange Jésus-Christ absent, qu'il
le mange réellement toutefois et aussi véritablement
SUR LA MANDUCATION ou CORPS DE I.-C.289
13
qu'il est vrai que nos corps vivent de la substance du
pain.et du vin qu'ils mangent 1 Prodige de crédulité et
d'inconséquence Miracle bien plus grand que celui de
la multiplication d'uu même corps en plusieurs lieux à
la fois ;ou plutôt contradiction révoltante, que ni les sens,
ni la raison, ni la foi ne peuvent ni concevoir, ni pro-
poser, ni souffrir, et que l'inadvertance seule et l'incon-
sidération peut faire accepter Quoi! manger une viande
absente Manger où l'on n'est pas Manger ce qu'on n'a
pas 1 Vneviande mangée où elle n'est pas Que leur foi
s'évertue tant qu'elle voudra, elle ne triomphera jamais
de ces incompatibilités radicales, et ne leur donnera
jamais qu'une déception intellectuelle au lieu du corps
de Jésus-Christ. S'ils veulent alors que leur esprit s'é-
lève aa ciel pour y manger Jésus-Christ présent, ils
tombent dans une autre inconséquence; car ils ne peu-
vent s'y transporter sans être eux-mêmes en deux en-
droits à la fois. S'ils répondent que c'est l'Esprit de Dieu
qui les élève ainsi, on leur répliquera qu'ils laissent
subsister tout entière la difficulté en question. Car, ou
c'est l'Esprit de Dieu qui mange, et alors le leur ne man-
geant pas, ils ne reçoiveut pas la communion ou c'est
ce divin Esprit qui rend le leur présent au ciel pour y
manger, et en ce cas il serait à la fois en plus d'un lieu,
ce qu'ils ne veulent pas admettre. Ainsi ils ne peuvent
se tirer de contradiction.
Jusqu'ici l'erreur el le- mêmen'a point trouvé de science
ni de mensonge pour faire entendre ce qu'elle propose.
Sa croyance'est un chaos que l'esprit de lumière con-
fondra toujours, et l'esprit de ténèbres qui le produit,
ne le pourra jamais éclaircir ni débrouiller. Cet esprit
mauvais ne réussira qu'à tenir ses adeptes, tant qu'ils
se laisseront aller à cette horrible fascination, dans la
290 DISCOURS
confusion spirituelle oh ils sont de vouloir croire ce
qu'ils ne sauraient penser, et, encore moins, dire; et
cela sans témoignage de Dieu sans écriture, san» tra-
dition, sans miracle aussi bien que sans raison et sans
esprit Quelques-uns d'entre eux. ne sachant à quoi
s'arrêter, abandonnent ta manducation réelle, et se ré-
dnisent à la communion des Saints ou des fidèle que,
par une étrange métaphore, ils appellent manducation,
quoiqu'elle n'ait ni proportion, ni rapport à la manduca-
lion, et qu'elle n'en présente aucune apparence.
La communion des Saints, qui se nomme aussi la
communion des fidèles et la communion de l'Église,
est une' société spirituelle de tous les enfants de Dieu
qui établit une communauté très parfaite entre eux
et avec Dieu. Le Père éternel en est le principe et l'o-
rigine; Jésus-Christ en est le fondement, et le Saint-
Esprit. le lien. Elle commence en nous au baptême et
quelquefois auparavant, et ce n'est pas par manduca-
tion qu'elle a lieu mais par une renaissance spirituelle
qui d'enfants d'Adam nous fait enfants de Dieu, et
que l'Écriture appelle aussi rénovation parce qu'elle
nous renouvelle en esprit dès cette vie, et qu'elle achè-
vera un jour de nous renouveler en notre nature et en
notre chair. On la nomme aussi création et récréation,
parce qu'elle nous rend devant Dieu nouvelle créature,
'après nous avoir retirés de l'être du péché. Elle est le
commencement de l'homme de Dieu et la première
part que nous prenons à l'héritage de son Fils. Elle est
aussi le premier effet de la grâce parfaite qui nous tire
delà mort et de la profanation du péché,'pour nous
faire entrer en la vie nouvelle, qui est la vie des Saints
et du peuple de Dieu. L'Apôtre S. Paul l'appelle, en quel-
qués endroits de ses lettres, notre rédemption, parce
SUR LA MANDUCAT1ON DU CORPS DE J.-C.291
13.
qu'elle est la rédemption passive ou la rédemption
reçue l'active étant enJésus-Christ. C'est en cè sens
qu'il est écrit aux Éphésiens. 4. 30, que leur baptêmeest le jour de leur rédemption car nous y recevons le
premier fruit du sacrifice, qui est ta rémission des pé-
chés, mais non pas la communion de l'hostie. Or, nous
n'avons pourtant pas aussitôt la rédemption achevée, ni
la régénération accomplie; car l'Apôtre écrit aux ?0-
mains, 8. 23, que nous attendons l'accomplissement de
notre adoption et la rédemption de notre corps. Nous
n'avons pas nonplus des ce moment la rénovation par-
faite car de jour en jour, nous sommes renouvelés, dit
le même Apôtre aux Corinthiens, 2. Epitr. 4.17 ni la ré-
création entière, vu que nous ne sommes au jour de notre
régénération qu'un petit commencement de la créature
de Dieu, commele dit S. Jacques, 1. 18. De même. nous
entrons par le baptême en la communion de Dieu et des
Saints, mais nous n'en recevons pas dès tors tous les
avantages; nous ne jouissons pas même de la plupart de
ses droits car nous n'en posséderons la plénitude et
n'eu aurons la perfection, ue lorsque nous y serons par-venus par nos
propres efforts en coopérant à l'Esprit de
Dieu. Cette communion s'accomplit ainsi de jour en jouren nous, jusqu'à cette consommation divine que Jésus-
Christ a demandée pour nous à son père (Joan. 17. 32.),
laquelle est sa première etprincipate intention sur nous
et le dernier effet de son sacrifice. qui consomme en
cela les sanctifiés, comme S. Paul t'écrit aux Hébreux, 10.
14. Nous vivons, en attendant cette communion de plé-nitude de jouissance et de pqssession actuelle, dans la
société de Dieu et deson Église, qui est la communion
des Saints et qui nous donne par làune
alliance de grâce
surnaturelle à tous ses mystères, a toutes ses perfec-
292DISCOURS
Lions et à tous ses biens, sans nous donner les choses
mêmes, à l'exception seulement des premières grâces
nécessaires pourentrer en cette société. Il y aurait beau.
coup à dire pour éclaircir entièrement cette matière;
mais ceci peut suffire pour montrer l'équivoque absurde
où l'hérétique se jette parfois, pour se tirer de la confu-
sion de sa doclrine, en se précipitant dans une autre.
La communion des Saints, qui fait un article au sym-
bole, est une association uuiverselle la manducation
du corps de Jésus-Christ est un don particulier que Jé-
sus-Christ nous fait. La communion universelle, de soi,
ne nous donne que le droit aux choses que Dieu nous
accorde actuellement par ses dons particuliers la man-
ducation du corps de Jésus-Christ est un de ces dons
qu'il nous fait. Or la manducation ne commence point
par renaissance, ni par rénovation ni par récréation,
ni par rédemption;elle est pour les enfants de Dieu en l'é-
tat de leurperfection. Les Apôtres mêmes du Fils de Dieu
n'ont été en état de la recevoir qu'au dernier jour de sa
vie cependant ils ne laissaient pas d'être auparavant en
sa communion. Les Saints qui l'ont précédé, Abel, Enoch,
Noé, Abraham et les autres, ont vécu en la communion
des Saints avant que son corps pût être mangé autre-
ment qu'en espérance, et en figure et si la manduca-
tion n'était autre chose que la communion spirituelle de
l'Église avec Jésus-Christ, nous mangerions les Saints
les Anges, nos frères qui sont sur la terre, le Père Éter
nel et te Saint-Ksprit, aussi bien que le corps de Jésus-
Christ, car nous sommes en communion avec eux tous:
or l'hérétique le pense-t-il même ?
La manducation du corps de Jésus-Christ non-seule-
ment n'est pas la communion universelle mois elle
n'est pas même toute communion à Jésus-Clirtst, ou
SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C.293
à. ses dons, ni même toute communion au corps de
Jésus-Christ mais une communion spéciale et un doh
particulier qu'il nous fait de lui-méme par voie dé
manducation. Et sans entrer trop avant dans son con-
seil, pour y examiner les secrets et les motifs de sa
conduite, que nous devons adorer et recevoir en toute
soumission, sans nous élever au-dessus de la mesure de
notre foi nous pouvons cependant en découvrir deux
raisons dans l'oeuvre même de notre salut, les autres
principales étant cachées à nos yeux daus les-profou-
deurs de sa sagesse. La première est que, nous ayantyoulu sanctifier par !a voie de son sacrifice, il a ar-rêté ensuite, pour l'accomplir entièrement, que ce
serait par la manducation de l'Hostie que nous entrerions
dans la perfection et la pleine jouissance dece qu'il nous
à mérité. Il y a toujours eu une grande différence entre
los effets du sacrifice la grâce du sacrifice la com-
munion du sacrifice, et la manducation de l'Hostie.
Les Écritures Saintes remarquent toutes ces différen-
ces dans les sacrifices figuratifs. Pour les bien com-
prendre, il faut savoir que ces sacrifices, quoique im-
parfaits, ne laissaient pas d'obtenir, par voie de suffrageet d'oblation quelque don de Dieu à des personnes
qui n'étaient ni en la grâce ni en la communion du
sacrifice qu'on offrait et qui, par conséquent, devaient
être exclues de toute admission à la manducation de
l'hostie. Les Juifs ont parfois demandé eu leurs sacrifi.
ces ou quelque prospérité ou la santé, ou même la vie,
ou quelque miséricorde temporelle ou même spirituel-le, comme leur conversion ou quelque autre effet né-
gatif ou positif pour des infidèles ou des impies comme
Nabuchodonosor, Bàlthasar, Darius. -Artaxercès, les
Spartiates, les Romains Héliodore 2. Mach. 3-32 33
294 DISCOURS
et autres. Ces mêmes sacrifices obtenaient aussi par voie
de suffrage, à cebx qui étaient en état de la recevoir
la grâce qui était propre au sacrifice, comme la rémis-
sion du péché, si c'était pour le péché qu'on l'offrait
ou lu grâce proportionnée à l'holocauste, s'il était tel,
etcela sans qu'on mangeat l'hostie (particulièrement en
ces deux espèces de sacrifices où le peuple ne la devait
point recevoir) pour montrer qu'en cet état il n'avait
pas la rémission des péchés entière, ni la religion ac-
complie, ai le vrai culte de Dieu tel qu'il devait être.
Et l'obligation que la Loi leur imposait de s'abstenir des
hosties était une humble reconnaissance, et comme une
profession qu'ils faisaient de leur imperfection, en l'hon-
neur du Messie et dé la parfaite rettgion qu'il établirait.
Par là ils devaient s'exercer àle désirer et à s'unir à sa
perfection. La communion du sacrifice était l'association
spirituelle qui donnait droit au sacrifice. Elle diffère de
ta communion des fidèles comme l'universel du parti-
culier, en ce que l'une est universelle et donne droit à
tout ce qui est eh la communauté de Dieu et de l'Église,
et l'autre particulière, qui ne regarde que le sacrifice.
Elle diffère aussi de la grâce du sacrifice, car ou pou-
vait bien être en la communion dusacrifice
sans re-
cevoir la grâce spéciale qu'il devait donner. Tous ceux
qui étaient en la communion du peuple de Dieu étaient
ordinairement en la communion de tous leurs sacrifi-
ces cependant il ne s'ensuivait pas de là qu'ils reçus-
sent toujours ta grâce spéciale de tous ces mêmes sacri-
fices. Là manducation de l'hostie était la perfection et
la communion entière et réelle du sacrifice, qu'on de-
vait recevoir en mangeant l'hostie, comme l'hostie mê-
me en sa perfection ta contenait pour cela on devait
être auparavant et en la communion du peuple de Dieu,
et eu la communion spirituelle du sacrifice.
bUH LA MANDUCATION De CORPS DE i.-C.295
Toutes ces différences se rencontrent au sacrifice de
Jésus-Christ, qui est l'accomplissement des autres. Ils'est offert pour les hommes, qui étaient hors de sa com-
munion par le péché, et a obtenu leur conversion et plu-sieurs autres effets tant pour ceux qui devaient un jourentrer en sa communion que pour ceux qui n'y de-
vaient jamais avoir de part. Il est vrai que ces effets
quoique bons ;,comme toutes les autres grâces de Dieu,
tournent à la fin au dommage des réprouvés, par leur
faute. Tous les fidèles sont en la communion spécialede son sacrifice, qui diffère de la communion univer-selle des chrétiens en ce qu'elle est particulière, com-me nous l'avons dit. La grâce propre de ce sacrifice est
la grâce de ta rédemption et rénovation, qui est la pre-mière grâce justifiante, que nous recevons par lé bap-lême. Ordinairement elle est plénière ei entière, mais
unique et singulière et elle ne se réitère pas. C'est ce
que l'Apûtre dit aux Hébreux, 10 26 qu'il n'y a pointde seconde hostie pour ceux qui pèchent après la pre-mière grâce. Illeur parle là selon la connaissance qu'ils
avaient de la Loi, et commeà des personnes qui sauvaient
que la grace propre d'un sacrifice est unique comme le
sacrifice, et que, si l'on retombait en faute il étaitnécessaire d'offrir un autre sacrifice pour recevoir une
semblable grâce ce qui ne se peut en l'état dn Nouveau
Testament, ou ce sacrifice de rédemption est unique.
L'Apôtre déclare, au verset suivant, quelle doit être la
pénitence, et quel l'esprit des pénitences ce que nous
n'avons pas expliquerlci.La manducation de l'hostie est tout une autre grâce
Non-seulement elle nous met en la communion spiri-tuelle du sacrifice, c'est-à-dire en l'association spiri-tuelle qui donnait droit au sacrifice, mais encore en la
296DISCOURS
communion réelle et effective, en nous donnant l'hostie
méme telle qu'elle est en sa perfection remplie de
tous ses biens et nous unissant actuellement à elle.
Nous ne devons pas conduire plus avant l'hérétique dans
le sanctuaire, ni lui donner une plus grande connais-
sance des mystères qui sont réservés aux Saints. Je
crains bien même qu'il ne soit aussi infidèle à la Loi,
et aux Prophètes qu'à l'Évangile et qu'il ne veuille pas
recevoir leur témoignage pour le sacrifice de Jésus-
Christ. Néanmoins celui qui le refuse, refuse celui de
Dieu même, qui a voulu préfigurer son Fils, et celui
du Fils aussi qui- a dit qu'une seule lettre de la Loi ne
manquera pas d'être accomplie et celui des Apôtres
encore, qui n'usent presque point d'autres preuves pour
les mystères du Nouveau Testament, que de celles de
la Loi. Ni les sens, ni la raison, ni la philosophie des
hommes ne peuvent point nous en donner d'aussi rece-
vables car Dieu a inspiré cette Loi non-seulement pour
l'instruction des anciens mais encore pour la nôtre.
Elle doit nous faire sages à salut par la lumière de la
foi de Jésus-Christ, dit S. Paul à Timothée (2 Tim.
3-!5); car ces lettres sacrées que l'Apôtre recommande,
en lui représentant qu'il les avait lues un son enfance
ne peuvent être que l'Ancien Testament. C'est le pas-
sage, de toutes les Écritures Saintes, que les hérétiques
produisent le plus volontiers. Nous les convions Ici de
l'écouter eux-mêmes; mais la foi enJ.-C. leur manque:
foi nécessaire pour en profiter, selon le témoignage du
même texte, et sans laquelle ils ne reconnaîtront non
plus que les Juifs, le sacrifice et la communion de Jésus-
Christ, ni dans les Prophètes ni dans la Loi. Elle ap-
prend toutefois à ceux qui l'écoutent, que ni la commu-
nion spirituelle, ni là grâce du sacrifice ne sont point la
SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C.297
13*
commuuion réelle de l'hostie qu'il fallait être en la com-
munion spirituelle du sacrifice avaut d'être admis à la
communion réelle qui était la Manducation de la vie-
time; qu'il était expressément défendu de manger de
l'hostie avant la consommation du sacrifice, et avant que
le feu eut dévoré la part de Dieu ceux qui offraient ne
laissaient pas cependant d'être en la communion du sa-
crifice. Ces choses, et une infinité d'autres que nous
pourrions rapporter, ont précédé dans les figures afin
que nous les crussions-dans la vérité de Jésus-Christ.
L'autre raison que Jésus-Christ nous laisse voir dans
la profondeur de ce mystère, pour la manducation de
son corps, est que étant le premier né de Dieu et le
premier vivant en la vie divine, ce doit être à lui très-
convenablement de la communiquer aux autres qui
doivent y avoir quelque part, et de la nourrir en eux.
Mais parce que le Père a donné le premier être à la
créature, avec l'ordre et les moyens de sa conservation,
selon certaines lois et certains assujettissements le
Fils les respecte et s'y accommode dans la communication
qu'il fait aux créatures de sa vie, jusqu'à vouloir se faire
le fruit de vie, le grain de salut, le pain de Dieu et de
la vie nouvelle qui doit être reçue par mauducation,
pour se conformer à la conduite de Dieu sur la nature
humaine et aux lois qui lit régissent, Il est bien con-
venable aussi que le corps qui doit être vivifié par
Jésus-Christ en la vie éternelle, contribue quelque
chose à sa nourriture, et qu'en cette vie ou les fonde-
ments de notre état éternel doivent être jetés, il prenne
quelque part à cette viande divine et, de son côté
Jésus-Christ, qui est entré en ce monde pour y laissér
sa grâce et qui demeure actuellement au milieu de son
Eglise pour la sanctifier veut suivre la même voie en
298 DISCOURS
noire sanctification et venir aussi en nous pour ac-,
complir son œuvre.
Nous entrons d'ordinaire en la communion des Saints,
par le baptême, avant l'usage de la raison nous y vi-
vons tous les moments de notre vie, si nous demeurons
fidèles a Dieu, lors même que la nécessité du repos.
nous ôle le pouvoir de penser à noos. Cette communion
ne nous unit pas à Jésus-Christ seul, mais à tous les
Saints, et même à tous les fidèles qui ivent encore
en l'Église militante. Si la manducation du corps dé
Jésus-Christ n'était autre chose, il s'ensuivrait que
nous mangerions de même tous les Saints et tous nos
frères avec toute l'Église triomphante souffrante et
militante et que ce serait sans y penser et même sans
aucune action de notre part, et autant en un temps
qu'eu un autre, en dormant, en veillant, en mangeant,
en priant., etc Le commandement que le Fils de Dieu
iioïis fait de manger son corps est couché en divers en-
droits de l'Écriture, en des termes qui font bien voir que
ce n'est pas un état de vie ni une action ordinaire de
la foi ou de la charité mais une action particulière,
pour laquelle il faut s'éprouver et à laquelle il faut tra-
vailler. On voit, dans les mêmes passages, que ces visites
actuelles que Jésus-Christ fait au Gdèle par la commu-
nion de son corps doivent être en des temps choisis, où
il puisse se donner à ce divin Sauveur, le recevoir avec
le respect et l'amour qu'il lui doit, et traiter avec lui
de ce qu'il a à faire pour sa gloire et son propre salut'
Mais l'hérétique se fait juge de la puissance que Jé-
sus-Christ peut avoir de se donner à nous et s'oppose
à la charité qu'il a de nous visiter en nos besoins et,
blasphémant, contre l'une et t'antre, il se moque do
l'Église qui s'y confie et qui croit à la promesse qu' i
SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J. C:299
nous en a faite, promesse si expresse et formulée eu
des termes si clairs Et parce qu'il ne veut croire 'ni à
la puissance, ni à la charité. ni à la fidélité de Dieu
il est abandonné par le juste jugement de Dieu à l'illu-
sion du diable et à là confusion de son esprit, qui lui
fait croire, sans qu'il s'en réude compte, qu'il mange
où il n'est pas ou bien qu'il mange Dieu les anges
les saints, ses frères, son père, sa mère et tout le
consistoire
Il faudrait avoir des passages de l'Écriture bien for-
mels, ou des miracles bien évidents, pour persuader
une si monstrueuse croyance. Quant aux témoignages
de l'Écriture, ils n'en produisent que par folie faute
d'en considérer le sens et pour te qui est des miracles,
ils n'en ont point d'autre que celui de, leur foi prodi-
gieuse. C'est en effet un miracle de t'enfef, que l'es-
prit humain la puisse souffrir, el fe chef-d'œuvre de la
puissance des ténèbres qu'un tel aveuglemeut puisse
durer.
DISCOURS
L'EXAMEN DE L'ARTICLE DE LA CROYANCE DES
HÉRÉTIQUES DE CE TEMPS
QUE L'ÉCRITURE EST L'ARTICLE DE LA FOI.
Nous suivons l'ordre de l'hérésie même, commen-
çant par les fondements qu'elle a donnés à sa foi qui
sont:
I. Quetoute Eglise visible, et même celle qu'elle pense
avoir purifiée de tous abus, que tous Conciles ou Syno-
nodes, les siens comme les autres, peuvent errer et
tromper; que, par conséquent les fidèles ne peuvent
pas s'y fier, mais doivent- les examiner par l'Écriture
expliquée et entendue comme ils pourront
II. Qu'il y a eu des temps oti l'état de l'Église de Dieu
a été interrompu, et cela même depuis Jésus-Christ; et
qu'il a été nécessaire depuis peu de la relever, de la dres
ser de nouveau
III. Que les Écritures Saintes telles qu'elles sont re-
cueillies dans les Bibles qu'elle a pris la peine et l'auto-
rité de réformer, entendues et expliquées par les par-
ticuliers, comme Dieu le permettra leur sont une
règle très-ccrtaine très entière et très-parfaite et le
fondement très-solide que Jésus-Christ leur a donné de
la foi et des mœurs et que personne ne doit rien croire
ni rien faire, dans le service de Dieu qu'il ne le trouve
écrit dans cette règle
IV. Que les particuliers doivent par cette règle, selon
SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 301
le sens que la persuasion intérieure de l'Esprit leur dic-
tera, réformer toutes choses, à savoir la religion et la
foi que Jésus-Christ nous a laissées, et tous les instru-
ments de la foi tous les conciles toute l'antiquité,
toutes les coutumes ecclésiastiques, toutes les tradi-
tions divines et apostoliques, toutes les révélations di-
vines, tous les miracles, toute paroledeDieu non écrite,
toute Bglise particulière, et même toute Église univer-
selle, avec toutes les personnes de quelque condition
et autorité ecclésiastique ou séculière ordinaire ou ex-
traordinaire, qu'elles soient. Ils se donnent aussi la
liberié de réformer la sainte Bible, avec tous les livres
divins que l'Église a reconnus et reçus, et par consé-
quent la Règle elle-même. fondés sur l'article suivant
V° Quela persuasion intérieure de l'esprit est aux par.
ticuliers un moyen bien meilleur et plus certain pour re-
connaître les Écritures Saintes, que le commun con-
sentement de toutes les Églises
VI* Que tous les particuliers ont une assurance infail
lible de bien entendre l'Écriture Sainte, en ce qui est
nécessaire au salut, c'est-à-dire en ce qui concerne la
pureté et l'intégrité de la foi et des mœurs.
Ces articles contiennent plusieurs points que l'hérésie
laisse sans aucune preuve de l'Écriture elle apporte
seulement quelques passages pour deux, qui sont, que
l'Écriture est la règle de la foi et que l'Eglise apostolique
peut faillir, et même se perdre entièrement, et qu'on ne
peut pas s'y fier.
Su r le premier, que l'Bcriture est la règle de.la foi, nous
avons à présenter à Messieurs les prétendus réformateur
quelques considérations avant d'en venir à l'examendes témoignages qu'ils allègaent.
1· il leur est bien moins permis qu'à nous de donner
302 DISCOURS
à l'Ecriture cette qualité ,puisqu'elle ne la prend nulle
part, et qu'elle se contente de cette que Dieu lui a dou-
née de titre ou-instrument publiè de nbtre foi et de notre:
religion en ce qu'elle nous conserve quetques-uns des
témoignages que Dieu Jésus-Christ, les Apôtres i les
Prophètes et autres, en ont rendus. Car si les hérétiquesveulent tenir, comme ils disent, qu'on ne peut rien
croire que ce qui est écrit en cette Ecriture, ils ne peu-vent lui donner la qualité de règle, puisque cette qualité
n'y est pas ëcrite; comme nous le montrerons en répon-daut aux passages qu'ils apportent pour le prouver.
2* Nous voulons cependant leur être plus indulgent en
ces articles que leur propre foi né leur permet de l'être,
puisqu'elle lès doit contenir dans ce qui est écrit; car
nous leur laisserons passer ce point que l'Ecriture no
leur accorde pas sans nous arrêter à l'injure qu'ils lui
foat, en rejetant son témoignage en cette cause, sous
prétexte de t'honorer, pourvu néanmoins qu'ils la croient
en toute autre chose et qu'ils la reçoivent comme les
régies et les lois diviriës et humaines doivent être re-
çues, avec les renvois et les remises qu'elle porte à l'E-4
glise, aux Traditions, aux Apôtres et à tous lés autres
témoins qu'elle autorise et pourvu aussi qu'ils n'ajou.
tent pas à cette règle que leur esprit particulier en est
l'interprète qat Dieu veut que chacun suive, et que c'est
selon cet esprit que l'Ecriture est à toute personne lâ rëgie
pour réformer toute chose. L'Ecriture nerend témoigna-
ge nulle part de l'esprit particulier; elle assure que tous les
Nommessent sujets à l'erreur que c'est par son propre
esprit que l'hérétique se perd; elle nous avertit que
plusieurs le tournent à l'eur perdition elle apporte
beaucoup d'exemples qu'on en a abusé contre Mëù et
les siens; elle montre que l'Esprit de vérité n'est ja-
SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. j.3
mais promis ni donné qu'en la communion de l'E-
grise que l'assurance de cet Esprit n'a été donnée qu'àcelto société apostolique qui doit porter à tous les peut
pies la parole de Dieu, et que tous ceux qui ne croi-
ront point à sa prédication seront damnés. La même
Ecriture montre que les particuliers n'ont que l'espé-
rance de cet Esprit, aussi bien que de leur salut et dé
leur justification; que l'esprit,des particuliers doit être
éprouvé, et que l'épreuve est s'il écoute ceux que Jésus-
Christ a envoyés. (1. Ep.Joan. 4. 6.) En cent autres pas-
sages, elle témoigne de même contrel'esprit particulier,et montre que c'egt la trahir que de l'abandonner à cet
esprit. C'est ce que l'Eglise de Dieu, qui lui est toujours
fidèle, ne saurait faire.
3* Ce n'est pas rejeter la parole de Dieu, mais plutôt
l'écouter fidèlement et entièrement, que de la recevoir
comme il nous l'adresse par la bouche apostolique, avec
soumission à l'Esprit de vérité qui la fait parler, et avec
foi à la promesse de Jésus-Christ qui nous en assure. Dé
même, c'est obéir à l'Ecriture, et non la rejeter, que
de la recevoir, 'comme elle-même l'ordonne, conjoin.
tement avec les témoignages de l'Esprit de vérité qui
nous la prêche par la bouche de l'Eglise, et nous la fait
entendre avec une certitude divine, sans péril d'être
trompés. Au contraire c'est la rejeter et lui être infi-
dèlé que de la recevoir autrement qu'elle ne commande,
et contre son propre témoignage, séparément de l'Eglise
apostolique qui est la Mère de toutes les Écritures du
Nouveau-Testament, et de l'Esprit apostolique qui en
est l'auteur, et qui sent peut nous rendre capables,d'en
profiter. C'est la priver de son esprits lui ôter la vie, et
la laisser dans la lettre qui tue; c'est nous mettre dans
l'impuissance d'en bien user et la denner manifeste-
ment à l'esprit de division que de l'abandonner à l'es-
3o4 ncscovns
prit particulier contre l'esprit cammun à l'esprit d'un
seul contre l'esprit de tons, à un membre contre tout le
corps, à une partie contre le tout, et par conséquent
contre elle-mème Et si l'on prétend que cet esprit par-
ticulier est l'Esprit de Dieu, c'est une prétention inii-
dèle condamnée eu l'Ecriture qui donne pour marque
de l'Esprit de Dieu dans les particuliers qu'il soit con-
forme à celui de l'Eglise apostolique, et qu'il l'écoute
et po marque de l'esprit d'erreur, qu'il ne l'écoute
pas In hoc cognoscimus Spiritum veritatis et spiritam er-
roris, dit S. Jean depuis la mort des autres Apôtres, ce
qu'il ne faut pas manquer de remarquer. Je laisse les
autres passages plus clairs qui sont allégués ordinaire-
ment. Mais quand l'esprit particulier n'aurait point con-
tre lui le témoignage de l'Ecriture, il suffit que celle-ci
n'en ait point pour lui, mais bien pour l'Esprit qui est
donné au corps de l'Eglise, pour faire voir aux héréti-
ques qu'ils laissent l'esprit qui est certain pour suivre
l'incertain l'esprit d'unité qui nous unit tous, pour ce-
lui qui nous divise; l'esprit de stabilité et de fermeté
qui est fondé en Jésus-Christ, pour celui qui rend les
esprits flouants à tout vent de doctrine ;'l'esprit de sou-
mission et d'obéissance à leur Eglise et à leurs pasteurs,
pour celui de défiance de présomption de désobéis-
sance, d'opiniâtreté et d'aveuglement, qui conduit à
perdition.
4' Ce n'est pas honorer la parole écrite ou non écrite,
que de la tirer de la bouche et des mains de l'Eglise apos-
tolique pour la confier en dépôt à tous les particuliers
et la soumettre absolument à la disposition de leur es-
prit, de manière à les en rendre les maîtres mais c'est
au contraire lui faire injure et la profaner c'est la don-
pcr indifféremment aux chiens et aux pourceaux comme
SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 305
aux enfants, contre la défense expresse de Jésus-Christ
en S. Matth. 7. 6. Cette parole est sainte mais le Saint-
Esprit, le corps et le sang de Jésus-Christ, qui sont
encore plus saints et plus nécessaires au salut, doivent
néanmoins être donués aux fidèles par le ministère de
l'Eglise; et c'est avec discernement qu'elle doit les leur
communiquer, en éloignant avec soin les indignes.
L'hérésie ne donne pas seulement toute parole à tous,
-mais elle la confie à leur sens et à leur esprit, et contre
l'Eglise. Si c'est lui faire injure que de la donner aux
pourceaux, c'est lui en faire une bien plus grande que
de la leur abandonner entièrement, pour qu'ils en usent
à leur discrétion, etsans dépendance ni des pasteurs ni
de l'Eglise. L'hérésie va plus loin encore; car elleleuren
attribue l'intelligence infaillible et, parce moyen, revét
leurs pensées de l'autorité de l'Ecriture, et les fait ainsi
juges des pasteurs du troupeau de Jésus-Christ, et même
de toute l'Eglise. Mais elle fait un dernier outrage à cette
parole divine; elle veut que l'Evangile soit au furieux
le glaive de la folie, au moyen duquel il-tranchera et
ruinera tout ce qu'attaquera sa frénésie; car le faire
servir à la tentation de qui que ce soit c'est le donner
non-seulement à la manie des insensés, mais encore à
la malice de Satan, pour qu'il en fasse un instrument
de ses entreprises contre Jésus-Christ et son Eglise.
5* En faisant semblant d'élever l'Écriture l'hérésie
en détruit la certitude et par conséquent elle fait main
basse tant sur l'autorité de l'Écriture que sur celle de
la foi, pour s'élever elle-même au-dessus de l'une et de
l'autre.
Et d'abord cela suit de ce qu'elle attribue à la persua-
sion intérieure qu'elle inspire aux siens le jugement
souverain du texte sacré pour le rejeter ou l'admettre,
3o6 DISCOURS
lecorriger,4cretrancher,et mêmelé changeasanss'arrêteranconsentementunanimedetouteslesÉglises.Nousnefaisonslàquerapporterlesproprestermesdela confessionde foiprétendueréformée.Or, nes'eh-suit-ilpasévidemmentquel'Écriturene seraplusquecequela persuasionintérieurevoudralafaire? Aussicen'estpasd'autrepartquedelà quesontvenustousléschangementsquel'hérésiea faitsdanssa Bible ettoutesles variétésdes impressionsdifférentesquimontrentbienquelessaintesLettresnesontguèreas-suréesentreles mainsde gensqui croientqueleurmouvementintérieurestjugedoTextedivin.
Ensuite,dece qu'elleusurpel'autoritéabsoluedel'appliquer,de l'expliqueret interpréterà sa façon.Carainsi,en faisantsemblantde donnerl'Écriturepourrègle,elledonnesespropressuggestionsen pla-ce., et se faitelle-mêmela règlede l'intelligencedel'Écritureet parconséquentlarèglede la foi ou delacroyancequ'ondoitentirer.
Entroisièmelieu,decequ'elleôteauxChrétiensladépendanceet la soumissionàl'Eglise,auxPasteurs,auxDocteurs,auxSaintsPères,auxConciles,auxTraditionset à toutel'Antiquité,et neteurlaissepointd'autrerèglepourseconduirequelaconfianceenleursproprespensées,quimêmedoiventêtre inspiréesetrégiesparcetespritprétenduréformateurde touteslesÉglisescequirendévidemmentcetespritlemaîtredela foiet ledirecteurabsoluetsanscontrôledescons-ciences.Onnesauraitproposerunmoyenquijetteleahommesdansuneplusgrandenécessitéd'écouterlediable quandil lestenteraparl'Ecritureet parleursproprespensées onn'ensauraittrouverqui ruineplusentièrementl'autorité làcertitudeet la solidité
SUR LA LIBRE INTERPRÉTATIONDE L'ECRITURE.307
des livres sacrés et les rendu plus dépendants dé l'es-
prit de tentation, tant pour la lettre que pour le sens
aussi bien que pour l'usage et l'application. Car, selon
cette doctrine la lettre dépend de sa persuasion inté-
rieure le sens, de son interprétation l'usage, enfin,
de la direction qu'il inspire aux particuliers. Cette doc-
trine se détruit elle-méime, et nous donne des preuves
que ses adhérents ne peuvent point avoir de foi. Car la.
foi est une croyance plus ferme que le ciel et la terre,
plus solide que le sens et la raison, qui doit avoir une
certitude divine pour laquelle nous devons exposer nos
vies, et passer par-dessus toutes les apparences hu-
maines, et même par-dessus toutes les évidences na-
turelles, s'il s'en rencontrait de contraires à cette foi
parce que Dieu, à qui nous devons plus croire qu'à nous,
mêmes en est l'auteur et l'infaillible témoin. C'est
pourquoi tout ce qui n'est point fondé sur le témoignage
de Dieu ne peut être de la foi, Or, est-il que ni Dieu ni
l'Écriture n'ont jamais assuré les hommes ni de l'esprit
particulier, ni de la persuasion intérieure à laquelle
l'hérésie attribue la, certitude qu'oa a de la vérité du
texte sacré, de préférence à l'enseignement de l'Église.lis ne peuvent donc, par ce moyen s'assurer assez de
la vérité pour y fonder une foi véritable.
Nous pouvons arriver par une autre voie à cette con-
clusion si fatale à l'hérésie. L'Écriture n'opère dans nos
esprits que par l'intelligence que nous en avoos c'est
pourquoi si l'intelligence n'est certaine d'une certitude
divine, la croyance qu'elle nous imprimera ne pourra
pas l'être davantage. Or, quand même ces partisans de
l'hérésie auraient une certitude divine de la lettre dd,
l'Écriture ils ne peuvent l'avoir du sens qu'ils y don,
nent, puisque Dieu ne les assure pas 'de la vérité de
3o8 DISCOURS
leurs pensées et qu'il n'a jamais promis aux particu-
tiers l'infaillibilité pour l'intelligence de sa parole. Leur
croyance ne peut donc être une foi solide et certaine
quand même toutes leurs conclusions seraient vérita-
bles mais seulement une opinion fondée sur une
persuasion qui n'est pas divinement infaillible.
Nous les pouvons convaincre par eux-mêmes d'une
troisième façon. Les ministres de la foi prétendue ont
enseigné jusqu'ici, que c'est une infidélité de croire
autre chose en matière de religion que ce qui est écrit.
Or, leur persuasion intérieure n'est pas écrite c'est
donc une infidélité de croire à la doctrine de la persua-
sion et la ;foi de cette persuasion ne peut être qu'une
illusion diabolique sur laquelle on ne peut rien éiablir.
Nous leur pouvons montrer en une quatrième manière
la nullité de leur foi fondée sur ce moyen. Nous voyons,
par le quatrième chapitre de St. Matthieu que l'Écri-
criture peut être proposée en tentation par le dernier
chapitre de la 2-e épttre de St. Pierre qu'elle peut être
entendue ignoramment et à perdition; par le chapitre
6. v. 9 et 10 d'Isaie par le chap. 13, v.14 de S. Matth.
le chap. 12, v. 40 de S. Jean et le chap. 28 des Actes
v. 26 et 27, qu'elle peut être un moyen d'aveuglement
et d'endurcissement par la malédiction de Dieu, en pu-
nition de quelque faute. D'ailleurs, elle peut être enten-
due comme un autre livre par la seule lumière de
l'esprit humain. Si elle est entendue en la première
manière, elle sera, par la malice de Satan, l'instrument
de quelque illusion si elle est prise en la seconde
elle ne sera qu'une source d'erreur et de perdition parnotre faute si c'est en la troisième, elle sera par le
jugement ue Dieu un moyen d'aveuglement, d'endur-
cissement et de damnation si c'est en la quatrième
SUR LA LIBRE INTERPRETATION DE L'ÉCRITURE. 309
elle ne pourra être qu'un moyen douteux de vérité ou
de ténèbres, selon que notre esprit sera plus ou moins
assuré de sa lumière. Elle ne peut jamais en aucun de
ces cas être un fondement solide de la foi chrétienne et
apostolique elle ne peut le devenir qu'autant qu'elle
sera appliquée à notre esprit par l'Esprit de Jésus-Christ
et de l'Église apostolique, et entendue dans la certitude
de sa lumière. Or l'Écriture ne donne point aux hom-
mes d'autre assurance d'être entendue dans la certitude
de la lumière divine que celle de leur être appliquéeet interprétée par l'Église, qui a la promesse éternelle
de l'Esprit de vérité. Car on n'en peut jamais mieux
savoir te sens que par cet Esprit qui en est l'Auteur. Cet
Esprit n'est pas toujours avec les particuliers donc ils
peuvent se tromper mais il n'en est pas ainsi de l'É-
glise, de laquelle Jésus-Christ a promis qu'il ne se
retirera jamais. Supposant donc ici la preuve de la
conduite de l'Église par le St.-Esprit, afin de ne pas
nous engager dans une controverse si bien traitée par
d'autres, nons concluons avec certitude que le juge-
ment de l'Église est de l'Esprit de Dieu et que quand
elle parle, c'est l'Auteur même des Ecritures qui parle.
Messieurs les prétendus ont rejeté cet Esprit catholique
et universel, que Dieu a mis dans son Église pour nous
conduire et nous interpréter les Ecritures et se sont
abandonnés à une conduite inconnue qui par la sug-
gestion du serpent et sous sa direction, leur fait manger,à leur damnation et sans qu'ils y pensent, du fuit de
science dont on ne saurait bien user qu'avec Dieu Ève
perdit le fruit et la science en se perdant. Ces gens-ci
perdraient la science évangélique et ruineraient entiè-
rement l'Écriture par leurs changements,-si l'Églisen'était là pour la maintenir et la défendre de leurs ou-
trages.
3 10 DISCOURS
6* C'est une chose sainte que d'estimer extrêmement
l'Écriture et d'user des témoignages qu'elle rend d'elle-
même pour imprimer aux peuplesl'obéissance et
l'amour qui lui sont dus. Mais c'est une impiété et un
sacrilège d'abuser de son autorité d'une part, et, de
l'autre, du respect que les chrétiens lui portent ainsi
que de leur facilité à l'estimer beaucoup, pour glisser
dans leurs cœurs l'infidélité et le mépris en autre chose,
comme l'hérésie le fait car, inspirant d'une part aux
pariiculiers la présomption de leur esprit avec ce mé-
pris de l'Église, des Pasteurs, des Docteurs des Saints
Pères des Conciles et de toute l'Antiquité et, de l'au-
tre, proposant l'Écriture avec illusion dans un faux
esprit, sous prétexte de la pnreté, de l'Évangile elle en
ôte la sainteté et la réalité en tous les chefs, comme on
peut le démontrer, et n'y laisse rien que des pensées
sans fondement et qui ne sont que des errements de
son esprit particulier. Tandis que les Ariens exaltaient
le Père pour déprimer le Fils, alléguant les textes qui
témoignent la Grandeur de Dieu ou les abaissements
3e Jésus-Christ. sans cependant rien changer en l'É-
criture ceue hérésie, avec bien moins de fondement,
apporte de mauvaise foi les témoignages que l'Écriture
rend de son utilité, de sa purelé de son origine de
son autorité de sa sainteté et de ses autres qualités
que personné ne lui dispute, pour persuader aux igno-
rants (qui sortent de la simplicité que pieu protège dans
la religion), et aux orgueilleux (que Dieu rejeté et punit
d'aveuglement), qu'elle est à tous les particuliers une
règle de présomption qui les rend juges de l'Église et
de'la conduite de l'Esprit de Dieu qui la régit, et un
arrêt contre Jésus-Christ même qui règle sa conduite
envers nous et t'obligede n'inspirer jamais rien qui
SUR LA LIBRE INTERPRETATION DE L'ÉCRITURE 311
ne soit écrit, et de rendre la personne qui sait lire ca-
pablë de le trouver et de l'entendre aduellement en
l'Écriture. Je sais bien que la parole écrite est sainte et
plus terme què les deux en sa vérité mais si bieu,
en nous la donnant, ne l'a pas prise pour sa règle s'il
ne s'y est pas assujéti en nous y assujétissant s'il ne
l'a pas donnée comme la borne de sa jusfice, de sa
miséricorde, de sa grâce, et de toute sa conduite sur
nous et s'il ne nous a pas obligés bien évidemment de
croire ue son infinité s'arrête là et ne s'étendra pas
davantage c'est un blasphème de la lui donner pour
loi, ét de le juger lui-même régler ses volontés et
limiter ses œuvres par cette 0Écritures, et cela se(ou l'es-
prit particulier auqnel il se serait obligé dé s'accom-
moder, ou qu'il aurait dû accommoder à ses dessins
s'il nous l'avait donné pour l'interprète de sa règle.
Ainsi l'hérétique, avec plus d'impiété qu'Arius n'exal-
tait le Père coutre le Fils éteve l'Ecriture outre ce
qui est écrit, contre Dieu, contre son Fils, contre sôn
Esprit. contre les Apôtres contre les traditions, con-
tré l'Eglise contre la parole vivante qu'elle tire de la
bouche apostolique, et dépouille de toute autorité, con-
tré l'Ecriture même qu'elle dément, qu'elle divise et
oppose à elle-même par l'aveuglement et la confusion
de son esprit particulier contré te Symbole de la foi
commune de l'Église que les Apôtres nous ont donné,
en principé pur règle de notre croyance, etque l'É-
glise apostolique parle même Esprit et en la même
autorisé de Jésus-Christ qui renvoie, nôus interprété
et éclaircit de temps en temps pour nous préserverdes erreurs qui naissent de siècle en siècle.
7. La septième chose que j'ai à leur dire, dans le
respect et ta charité que nous devons aux âmes bapti-
312 DISCOURS
sées qui portent le caractère de Dieu c'est qu'ils
condamnent l'Église de Jésus-Christ avec moins de vrai-
semblance, selon les Écritures et même avec plus de
fausseté ( quoique avec moins de matrice ) que les Juifs
ne le condamnèrent lui-même. Car, sans rien alléguer
de faux, abusant, d'un côté, de l'estime que le peuple
faisait de l'Écriture et de la loi de Dieu, et, de l'autre,
apportant, selon le vrai sens littéral, les témoignages
que 1 Écriture rend de la loi et du temple et surtout de
l'unité de Dieu ainsi que toutes les choses renfermées
dans les saints livres (comme le sabbat, les sacrifices,
le peuple de Dieu et l'éternité de leur était), ils le jugèrent
comme un blasphémateur, et la plupart commirent cet
attentat de bonne foi par un zèle mal entendu de 1 E-
criture et de la Loi, que le diable leurinspirasecrètement
sous un prétexte de religion. Depuis, leurs enfants con-
tinuent de s'endurcir dans la haine du nom de Jésus-
Christ, et dans la rage qu'ils conservent en leurs cœurs
coutrelea siens. Mais aria que l'hérétique ne croie pas
que cet aveuglement des Juifs soit l'effet d'un abus vo-
lontaire des Écritures, nous le prierons d'écouter le
témoignage de Jésus-Christ en la croix, qui dit de plu-
sieurs « Mon Père pardonnez-leur, car ils ne savent
ce qu'ils font. » Et S. Paul rend témoignage de lui-
même, qu'étant juif, il avait persécuté l'Eglise, ignorantce qu'il faisait et suivant un faux zèle de la Loi, qu'il
croyait véritable. De plus, Jésus-Christ, en S.Jean.
16.2. prédit aux siens qu'un temps viendra que tous les
,uifs, en les massacrant, penseront rendre un service
à Dieu. Je dirai, en passant, aux hérétiques, que la vérité
des Ecritures ne leur permet pas de s'approprier ce pas-
sage en leurs afflictions et de s'en consoler en char-
geant, comme ils font, les rois catholiques et les au-
SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 33
14
tres puissances contraires à leur secte tes titres de ty-
ràns et de persécuteurs de la foi. Car, il ne s'entend à
la lettre que des persécutions qui devaient venir de la
part des Juifs aux disciples de Jésus-Christ. Et s'il pou-
vait s'appliquer aux princes et aux républiques enne-
mies de l'hérésie, il nous serait une preuve littérale
qu'on peut user ou mésuser de bonne foi des Écritures
pour les afflige, et que, par couséquent le zèle pré-
tendu et l'esprit particulier, joints à l'Écriture, sont une
règle dangereuse, au moins à leur égard.
Mais je veux traiter avec eux sans les surprendre, et
sans tirer avantage de leur ignorance des livres sacrés.
Je leur veux apprendre une réponse bien véritable et
bien solide, à laquelle ils n'ont pas pensé c'est que tou-
tes les saintes lettres étant adressées aux fidèles, et non
aux autres qui n'ont pas la grâce d'en bien user, il ne faut
pas en tirer la conséquence que, si les Juifs en ont àbusé,
les Chrétiens en puissent abuser aussi. Car à ce langage
je réplique deux choses, sans toucher à la vérité de cette
réponse. La première est que les Juifs n'ont point
mésusé des écrits du Nouveau-Testament contre Jésus-
Christ et les siens mais de ceux de l'Ancien qui leur
est adressé, comme au peuple de Dieu et aux fidèles de
ce temps-là. Ils n'ont pas laissé néanmoins de s'en aveu-
gler, et maintenant encore ils persistent dans leur en-
durcissement. La seconde est que les Catholiques qui
usent des Écritures contre eux sont baptisés, et croient
en Jésus-Christ, et sont les vrais héritiers des livres sa-
crés. L'hérésie même les oblige à se réformer par l'É-
crilure, comme aussi nous les voulons convertir eux-
mêmes par l'Écriture. Et s'ils répondant qu'il faut avoir
la foi entière etparfaite, et qu'il ne sufilt pas d'être
chrétien ni qu'il ne suffît pas d'avoir le fondement,
314 DISCOURS
'lui est Jésus-Christ, pour en bien user je leur répli-
ynerai que, s'il faut avoir la foiparfaite auparavant, cette
lecture sainte ne la donnera pas; qu'il faut donc l'atten-
drç de Dieu par un autre moyen que l'tcriture déclare,
lequel est l'onie de la prédication de l'Évangile par la
bouche apostolique. La foi est par l'ouîe, et fouie par
la parole de Dieu dit l'Apôtre aux Romains. L'écriture
est uule à un pastenr pour instruire et corriger son peu-
ple, et même pour le convaincre, s'il est nécessaire,comme dit le même Apôtre à Timotbée mais aux par-
ticuliers, elle n'est point un moyen certain; et si on la
joint à l'esprit particulier, elle est un instrument dan-
gereux. La certitude qu'elle donne est toute dans l'usage
qu'en lait l'Église et l'Esprit apostoüque-
8• La huitième servira pour les détromper de cette
mauvaise conséquence qui leur est ordinaire L'Écri-
ture est sainte donc chacun doit l'avoir entre les
mains, et on ne peut pas en mésuser. C'est cette fausse
persuasion qui les a.portés jusqu'ici à la profaner d'au-
tant plus qu'elle est sainte, en la confiant à tout espritsans aucun discernemeut, contre la défense expressedu Fils de Dieu, qui ne vent pas qu'on donnesa parole aux
pourceaux et c'estelle qui teur fait conclure partout le
contraireet traiter à l'oppositéles choses saintes. L'arche
d'alliance était sainte c'est précisément pourquoi il est
défendu au peuple de la toucher, et Osa est puni de
mort pour l'avoir fait. Parce que la montagne de Sinaî
est saintc., Il est défendu an peuple d'en approcher, et
moise lui-même n'y doit monter que lorsque Dieu l'y
appelle. Quelques années auparavant comme il s'ap-
prochait pour voir le buisson ardent. la parole de Dieu
l'arrêta et ne le laissa marcher sur cette terre qu'après
qu'il eut déchaussé ses souliers car elle était sainte
SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 31 5
ditle texte sacré (Eaod. 8.) Le Sanctuaire était saint
aussi n'était-il permis qu'au Pontife d'y entrer, et encore
ce n'était qu'une fois l'an et après un sacrifice solennel.
Et pour en venir aux paroles, la plus sainte de toutes
était ce Nom ineffable de Dieu, que la Loi défendait au
peuple de prononcer: le souverain Prêtre lui-même ne
le pouvait qu'une fois l'an et encore ce devait être
dans le sanctuaire, et après de longues purifications. La
sainteté, par toute l'Écriture, est un terme de respect
et de révérence et parfois de crainte. Elle consiste
selon l'Ancien Testament, d'une part, en la séparation,
non-seulement de toutes les choses profanes, mais en-
core de toutes les choses communes et de l'autre en
l'appropriation à Dieu; ce qui oblige à ne traiter qu'a-
vec un respect divin ce qui est une fois sanctifié. Cepen-
dant cette sanctification d'un objet quelconque n'empê-
che pas que les hommes ne puissent abuser de cet objet,
puisqu'il n'y a rien de si saint que Dieu ni rien non
plus dont ils n'abusent avec tant de facilité et d'une ma-
nière si criminelle, usant de lui-même et de son con-
cours, qui leur est toujours nécessaire en tous les pé-
chés qu'ils commettent contre lui. L'Écriture ne peut
donc pas avoir une sainteté plus divine qui la préserve
des abus des hommes. Mais l'Église doit pourvoir, sui-
vant le commandement qu'elle a reçu de Jésus-Christ
de ne pas donner aux pourceaux sa parole, et de ne la
communiquer qu'avec le discernement que la doctrine
requiert, rejetant tes indignes, et la distribuant aux
autres selon leur capacité. Avec le commandement,
Jésus-Christ en a donné l'exemple pendant sa vie
célant aux disciples ce qu.'il avait d'ailleurs à leur dire,
parce qu'ils ne le pouvaient pas porter alors. En qugison Apôtre l'a suivi fidèlement en ne donnant que le lait
316 DISCOURS
de l'Évangile aux Corinthiens, et non la viande solide,
à cause de leur infirmité c'est néanmoins le peuple.
qu'il a instruit avec le plus de soin de temps et de
liberté.
Puisque Messieurs les prétendus croient que l'Écri-
ture contient toute la parole et toute la doctrine que
Dieu a jamais donnée, et donnera jamais à laquelle on
ne peut rien ajouter, il leur est moins permis qu'à nous,
qui ne sommes pas dans cette croyance de la donner à
tous sans discernement: car c'est donner indifférem-
ment aux pourceaux, comme anx autres, non-seule-
ment la parole, mais toute la parole et mémr, la leur
confier et l'abandonner à leur jugement. L'Église est
mieux instruite et plus fidèle à la parole de son Époux
elle en nourrit ses enfants selon l'ordre de son Esprit,
et selon leurs besoins en temps et lieux suivant tou-
jours sa conduite adorable et ses comportements. Il dé-
fendit aux Apôtres, (Matth., 15-5) de la donner pour lors
aux Samaritains et aux Gentils et aux Actes des Apô-
tres 16-6 il fit à S. Paul, par son St Esprit, une défense
semblable de la prêcher aux peuples de Phrygie et de
Galatie, et peu après à ceux de Bithynie et de Mysie.
L'Église apostolique la distribue ainsi sous la direction
de l'Esprit-Saint et ne la prostitue pas. Les vrais en-
fants de Dieu la reçoivent par elle avec obéissance: soit
celle qui est écrite, qu'elle a portée en sa naissance et
dont elle devient ensuite la Mère et la Tutrice soit
celle qui est vivante en sa bouche, qui nous fait enfants
de Dieu par le baptême, nous donne son corps et son
sang par l'Eucharistie, et nous fait connaître ses voies
par la prédication. Avec la même soumission à son ju-
gement et à sa conduite Dieu les a obligés de recevoir
ausai par son ministère les autres dons qui sont encore
SUR LA LIBRE INTERPRETATION DE L'ÉCRITURE.317
plus grands et plus nécessaires au salnt, comme le
St-Esprit le corps et le sang de Jésus-Christ, la gràce
de la régénération et de l'adoption divine et quelques
autres plus importantes que l'Écriture. L'Église est oubli-
gée néanmoins de les refuser aux indignes et de ne les
communiquer aux autres qu'avec discernement. Ce se-
rait être infidèle à Jésus-Christ en la dispensation de ses
biens et de son héritage, que.de faire autrement.
Messieurs les Prétendus ont donc tort d'accuser l'É-
glise de vouloir cacher aux enfants le Testament de leur
père. Les Écritures, que les Apôtres et les personnes
apostoliques nous ont laissées au commencement, et
que l'Église apostolique a reconnues poqr production
véritable de son Esprit, sont bien quelques effets de la
grâce dn Testament comme tous les autres dons de
Dieu mais non pas le Testament même. Ce n'est que
par une analogie, et encore fort impropre que l'usage
leu a donne ce nom, pour les distinguer des autres
livres. Le Testament a précédé ces Ecritures de plu-
sieurs années. Si nous disons que le St-Esprit en est
l'auteur principal, le St Esprit, dirons-nous, est notre
Dieu, et nous ne l'appelons pas ordinairement notre
Père: ses paroles ne sont donc pas le testament d'un
père à ses enfants d'ailleurs il n'est point sujet à la
mort pour tester. Si nous disons que c'est Jésus-Christ,
il est vraiment notre Père mais on ne peut pas appeler
son Testament ce qu'il aurait écrit quinze ou vingt ans
après sa mort, puisqu'il doit avoir été confirmé par sa
mori, comme le dit son Apôtre aux Gâtâtes, 3-15, et aux
Hébreux, 9-17, et qu'il n'est pas permis d'y rien ajouter
par après. L'hérésie nous accuse sans raison d'ajouter
au Testament depuis la mort du Testateur et c'est elle
qui est faussaire et qui commet ce crime plus luurde-
318 DISCOURS
ment, changeant entièrement le Testament, et pour
amuser le monde elle propose contre toute apparence
un titre qui a été écrit assez longtemps depuis sa mort.
Le Testament véritable fut confirmé dans le cénacle de
Jérusalem, et mon-seulement ouvert, mais aussi distri-
bué par Jésus-Christ avant sa mort à ses principaux et
premiers héritiers qui, par succession, en devaient faire
part à leurs enfants. Le Dieu de la vie et de la mort a ea
droit de prévenir la mort et de communiquer aux vi-
vants pendant sa vie, l'héritage de la vraie vie sans le
partager: car il est tout à tous en leur donnant en lui-
même et avec lui-même tous ses biens, son Père et son
laprit, sa grâce et sa gloire, le temps et l'éternité, avec
tous ses autres dons que nous recevons en cette vie sous
les voiles de la Foi, pour en avoir par après la pleine
jouissance. L'hérésie infidèle casse le Testament que
Jésus-Christ a non-seulement scellé d'un sacrement et
rempli par sa parole, de son corps de son sang et de
tous les mérites de sa vie; mais aussi ouvert et exécuté
de son vivant, confirmé par sa mort, publié depuis par
son Esprit, et qui nous est apporté par les mêmes té
moins qui nous instruisent de sa vie; de sa mort et de
sa résurrection. En sa place l'hérésie nous substitue
des écrits qui nous témoignent ouvertement qu'ils ne
sont pas le Testament, mais bien des titres par lesquels
nous montrons que l'hérésie non-seulement le change,
mais l'anéantit entièrement ce qui est sans doute une
injustice plus grande que de le cacher aux enfants.
Mais quand même le Testament serait l'Écriture on
a tort d'accuser l'Église de le cacher. Elle l'imprime et
le publie partout et en désire la connaissance à tous ses
enfants. Ce que l'hérésie blâme n'est pas une défense
au peuple de la lire à la bien prendre selon la vérité et
SUR LA LIBREINTERPRÉTATION DE l'ÉCRITURE.319
quant à l'effet mais un commandement de respect à la
parole écrite, par lequel ['Église défend de la tenir
comme un livre ordinaire dont on peut user à son gré
et sans autre dépendance que de soi et veut qu'on lé
regarde comme un doh singulier de Dieu, qu'on doit
recevoir avec religion des mains des Pasteurs qu'il lui
a plu de nous donner pour nous régir et être les dispen-sateurs de ses dons, comme nous en recevons son corps
et son sang, son St-Esprit, la gràce de notre adoption,
celle de la rémission de nos péchés et plusieurs autres.
Jésus-Christ a laissé aux hommes cette loi d'honneur
et de révérence aux choses saintes et spécialement à
sa parole, de les recevoir, comme il nous les a don-
nées, par le ministère de l'Église apostolique et avec sa
bénédiction qu'eile porte. Nous en devons jouir sous le
joug que l'Évangile nous impose d'assujettissement sa
conduite et non nous en rendre maîtres sans dépen-dance quelconque que de notre propre fantaisie, à la-
quelle les enfants de Dieu pas plus que les autres ne
doivent pas être abandonnés. Cette parole pour être
écrite, n'est pas avilie ni rendue commune et profane.Les mêmes respects lui sont toujours dus et l'Eglise
qui nous l'a donnée au commencement, demeure tou-
jours dans les mêmes ohtigations de veiller sur les hom-
mes, et d'empêcher qu'ils ne la profanent et n'en mésu-
sent contre Dieu et leur salut comme ils ont fait
très-souvent, ainsi que nous l'avons dit. Mais elle doit
exciter plus particulièrement sa charité et appliquer sa
vigilance sur le troupeau de Jésus-Christ à la naissance
des grandes hérésies, où le diable travaille avec plus.de
liberté à séduire les fidèles, à lès tenter et les tromper
par l'Ecriture, selon son ordinaire. C'est pourquoi, en
ces temps de tentation elle avertit les enfants de Jé;us-
320 DISCOURS
Christ de leur devoir envers sa parole écrite et non écri-
te, et renouvelle l'obligation qu'il leur a laissée de la
recevoir de leurs Pasteurs légitimes. Cette dépendanceleur rend, en premier lieu, cette parole plus fructueuse,
parce qu'ainsi ils la reçoivent selon l'ordre de Dieu avec
sa bénédiction, que l'obéissance et la soumission d'es-
prit attirent. En second lieu cette liaison qu'ils con-
tractent avec l'Église les fortifie en la foi, et les séparedu diable et des loups ravissants qui viennent de sa
part en habit de Pasteurs et proposent l'Écriture en
tentation, comme il fit à Jésus-Christ même. En troi-
sième lieu l'Église observe par ce moyen le précepte
qui lui a été donné de refuser la parole de Dieu aux
pourceaux qu'elle ne pourra rendre agneaux; ce qui lui
serait impossible autrement. En quatrième lieu elle
satisfait à l'obligation qu7elle a de discerner les Écritu-
res fausses des véritables, et d'en avertir les siens, pour
les préserver d'erreur en un temps où plusieurs cor-
ruptions s'introduisent dans les livres sacrés. En cin-
quième lieu eufin, cette loi donne aux Pasteurs le moyen
d'inspirerà leurs ouailles une juste révérence pour l'É-
criture, etde les avertir qu'elle doit être lue dans l'ado-
ration profonde de la sapience des pensées et des con-
seils de Dieu, qu'elle contient dans l'abnégation de
nos sentiments, et même de notre esprit, pour être à
même de recevoir celui de Dieu et ses divins ensei-
gnements, et dans la dépendance de la lumière aposto-
lique qui doit nous guider en cette lecture.
Qui considérera mûrement ce règlement, que l'héré-
sie accuse avec tantde chaleur, jugera aussitôt qu'il est
l'effet d'un profond respect de l'Église, envers les Écri-
tures, de sa vigilante sollicitnde pour ce sacré dépôt.
surtout en temps suspect et dangereux, et de sa fidélité
SUR L· LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 321
à toute épreuve à conserver la parole et la doctrine de
Jésus-Christ dans toute leur pureté, et non pas d'une
volonté de sa part de cacher les Écritures. Les ordres
semblables que l'Église établit pour régler l'administra-
tion des sacrements conformément aux commandements
de Dieu qu'il ne sera pas permis à chacun par exem-
ple, de prendre de lui-méme et A sa fantaisie le corps
et le sang de Jésus-Christ sur son autel que l'imposition
des mains, instituée et pratiquée par les Apôtres pour
donner et communiquer le Saint-Esprit, ne se fera pas
témérairement; que le baptême, on la rémission des
péchés, ne se donnera pas sans discernement et plu-
sieurs ordonnances semblables, ne sont pas des pro-
tnbitinns des grâces de Dieu ni des sacrements mais
des, fois de pié.é et de religion qui les font révérer aux
fidèles, qui empêchent les abus et qui maintiennent
l'ordre que Jésus-Christ a établi. De même, les assu-
jettissements que Dieu a imposés à l'Église dans la ré-
ception de ses grâces et de ses sacrements ne sont pas
des, empêchements qu'il a mis à la réception de ces
mêmes grâces mais bien des moyens et des com-
mandements de les recevoir.
Dans l'Ancien-Testament, les Écritures étant la rè-
gle de la religion quant au culte de Dieu extérieur et
cérémonial, elles étaient plus nécessaires aux particu-
liers qu'elles ne le sont maintenant; cepeudant les li-
vres sacrés, par respect pour ce qu'ils étaient, n'étaient
pas écrits en caractère ordinaire, tel qu'il servait au
peuple dans les usages communs. Ceux mêmes qui
avaient la science de ce caractère sacré, ne pouvaient
pourtant pas les lire sans une instruction particulière
parce qu'étant écrits sans points et sans voyelles Il était
nécessaire que la tradition eu donnât la clef. C'est pour
321 DISCOURS
cette raison qu'on ne sait plus prononcer le nom de Dieu,
parce que la tradition en cessa depuis la destruction du
sanctuaire, à cause qu'il ne fut plus possible au pontife
d'y entrer, pour le prononcer une fois l'an. La plupart
des variétés qui se trouvent aujourd'hui dans les Bibles
viennent encore de ce que les interprètes ne convien-
nent pas toujours de cette tradition, et ponctuent diffé-
remment te texte hébreu ce qui change entièrement
la signification. Outre cette tradition nécessaire pour ta
lecture du texte, il y en avait une autre pour l'intelli-
gence du sens qu'ils appelaient I'dme et l'esprit de l'É-
criture, sans laquelle les mystères ne pouvaient être en-
tendus, pas plus que l'application de la lettre. Presque
tous les passages de l'Ancien -Testa ment, qui sont cités
dans le Nouveau, seraient hors de propos et sans force,
si ce n'était que cette tradition-vivait encore et que les
Juifs en convenaient. Après toutes ces dépendances qui
séparaient les particuliers de leur propre sens et les
mettaient dans la nécessité de recourir à autrui pour
l'intelligence des saintes lettres, l'interprétation en était
encore réservée aux Prêtres et aux Docteurs, et par
extraordinaire aux Prophètes, qui les expliquaient aux
autres les jours de Sabbat. Il n'était pas même permisà chacun de les lire toutes. Le Cantique des Cantiques,le commencement de la Genèse, le commencement et
la ün d'Ezéchiel, et quelques autres parties, étaient
réservés aux personnes instruites et avancées en âge,et défendus aux autres. C'était là user de beaucoup de
précautions en un temps où la pratique de la religionétait fondée sur l'Écriture, de sorte qu'on ne pouvait
pas s'en rapporter entièrement à la Synagogue, ni même
à toute l'Église juive car elle n'avait jamais reçu dé
Dieu aucune promesse d'infaillibilité, mais bien plu-
SUR 1.& LIBRE lNTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 321
sieurs avertissements de ses infidélités futures et de sa
ruine finale.
Pour ce qui est du Nouveau-Testament, ni la reli-
gion ni la foi ne sont fondées sur l'Écriture mais sur
Jésus-Christ et ses Apôtres immédiatement par l'ouie de
la prédication apostolique, qui durera toujours sans in-
terruption et sans erreur jusqu'à la consommation des
siècles, selon les promesses évangéliques et ceux qui
n'y croiront point seront damnés. Les Apôtres n'ont
point reçu de commandement d'écrire mais bien de
prêcher. Ils n'ont jamais donné par écrit la foi aux peu-
pies, mais par la parole et s'ils l'avaient fait, leurs écrits
auraient été encore plus soigneusement conservés que
ceux qui nous restent d'eux; car ils formeraient le fonds
de la doctrine chrétienne. Il est aisé de voir que ce que
nous appelons les Évangiles n'est qu'une histoire, d'un
très-grand usage à la vérité pour ceux qui savent s'en
servir, mais qui ne contient que fort peu d'actions de
Jésus-Christ. Le monde n'a pas été digne de la mémoire
des autres. Les Actes des Apôtres sont une autre histoire
qui ne rapporte presque rien que de S. Paul dont même
elle omet les actions principales. Toutes les lettres des
Apôtres sont adressées à des personnes déjà instruites
et fondées dans la foi, ou pour éclaircir quelques diffi-
cultés particulières, ou pour de moindres sujets. L'A-
pocalypse doit principalement servir à l'Église auxder-
niers temps. On ne voit rien en toutes ces pièces sacrées
qui ressente une règle, ou une institution de religion et
de croyance et chacune témoigne au contraire que la
religion était déjà fondée,et qu'elle n'est pas écrite pour
en être la règle et le fondement, mais pour quelque
autre sujet. Il n'y en a même aucune qui ne montre que
les Apôtres n'ont point donné de règlu écrite. Cepen-
324 DISCOURS
dant, quoique les Écritures ne soient point le fonde-
ment nécessaire de la foi elles sont pourtant des
moyens utiles que l'Esprit de Dieu nous a donnés, tant
pour notre instruction que pour la correction et là con-
viction de ceux qui tombent en erreur et pour notre
consolation. Mais puisque ceux auxquels ces livres ont
été adressés ne sont plus pas plus que les sujets pour
lesquels ils ont été écrits, et que les dispositions des es-
prits sont changées avec l'état des choses de sorte que
la première adresse ne subsiste plus et que même ils
servent aux uns et nuisent aux autres, ce que l'expé-
rience ne montre que trop c'est à l'Église apostolique
qui, au commencement, les a reçues et données à ses
premiers enfants que l'adresse en appartient mainte-
nant. Elle doit faire en ce point par les Pasteurs qui
sont aujourd'hui, ce qu'en sa naissance elle a fait par
les Apôtres et par les autres pasteurs de ce temps-là.
Elle est leur héritière aussibien que de Jésus-Christ et
même les Apôtres vivent encore en elle et Jésus-Christ
avec eux, jusqu'à la fin des siècles, selon sa promesse.
C'est donc à elle de faire avec eux ce qu'en son com-
mencement ils ont fait avec elle, et feraient encore, s'ils
vivaient, pour ce qui manque à l'adresse de leurs écrits.
Nous voyons en l'Évàngiie de S. Jean, 16. 12, que Jésus-
Christ n'a pas voulu donner aux siens même toute pa-
role en tout temps et qu'il a retenu plusieurs choses
qu'il avait à leur faire savoir après sa mort. Et l'Apôtrene jugeait pas les Corinthiens encore capables de la plus
solide doctrine, quand il leur écrivit la première épltre,
quoique ce fût plusieurs années après leur conversion.
Il dit mêmes, 3. 2, qu'il s'était abstenu de leur en parler
jusqu'alors, parce qu'ils n'étaient pas assez spirituels
pour la recevoir que dirait-il donc des peuples de ce
SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 325
siècle ? Est-il croyable qu'il leur voulût donner par
écrit ce qu'il n'osait dire à des âmes qui vivaient dans
la première ferveur du christianisme et qui abondaient
en toutes les vertus que le texte sacré remarque en eux ?
Si l'Esprit de Dieu est si retenu à donner sa parole à des
Saints en sera-t-il prodigue à des profanes ? Si, dans le
siècle de la perfection, les Apôtres craignent de décla-
rer les principaux mystères et les plus solides vérités
du Christianisme, les voudraient-ils donner sans aucun
discernement à chacun, en ce siècle d'impiété ? Sur la
la fin du chap. 5 de l'épître que le même Apôtre écrit
aux Hébreux il refuse de leur dire les principales cho-
ses du sacerdoce de Melchisédech parce qu'ils ne les
pouvaient pas entendre il ajoute qu'ils ont besoin de
lait que la viande solide, c'est-à-dire la doctrine par-
faite, ne leur est pas encore propre, et qu'ils ne sont
capables que des éléments de la religion, quoiqu'ils
fussent chrétiens depuis plusieurs années, et que le
temps les dût avoir rendus maîtres. Si S. Paul donne
la parole de Dieu avec réserve à des gens qui avaient
perdu leur bien avec joie pour Jésus-Christ (Heb.l0. 34.),
la donnerait-il sans aucune retenue à ceux qui en ce
temps-ci dérobent avec joie le bien de Jésus-Christ ?
Ces passages nous font voir deux choses la pre-
mière, que nous avons déjà posée, que ni Jésus-Christ
ni les Apôtres ne voulaient que toute parole et toute doc-
trine fussent données à toutépersonneen tout temps, soit
de vive voix soit par écrit. Il y a bien des gens en France
plus incapables que ne l'élaient les Corinthiens, les Hé-
breux et les Apôtres, lorsqu'ils suivaient et entendaient le
Fils de Dieu, auxquels le Siint-Esprit, qui est l'auteur de
l'Ecriture veut encore moins dire ou écrire ce qu'il
célait à ceux-là. Il n'y a pas d'apparence même qu'il
326 DISCOURS
leur veuille dire ou écrire tout ce qu'il dit ou écrit à des
personnes si fidèles. Il est donc bien certain que si Jé-
sus-Christ, ou les Apôtres, nous conduisaient encore
visiblement selon cet Esprit comme autrefois ils ne
donneraient pas à tous les Français tout ce qu'ils ont dit
ou écrit à ces premiers vaisseaux d'élection, qui ont été
choisis pour recevoir la doctrine évangélique et les pré-mices de l'Espritde sainteté. L'Eglise apostolique, hé-
ritière de cet Esprit, est obligée de suivre ses institu-
tions en la communication de sa parole. D'ailleurs les
Parisiens ne sont pas les Corinthiens il ne s'ensuit
donc pas que nï le Saint-Esprit ni l'Apôtre adressent
aux Parisiens ce qui est écrit aux Corinthiens et quandmême les Corinthiens seraient encore fidèles chrétiens
et bons catholiques, ils ne sont plus ceux auxquels l'A-
pôtre a écrit ils ne sont pas non plus dans leur dispo-
sition par conséquent l'Esprit de Dieu qui ne manque
jamais et qui fait tout avec poids, ordre et mesure, leur
voudrait écrire selon leurs besoins actuels et non
comme il leur a fait écrire jadis. C'est pourquoi, quandils seraient encore les mêmes personnes, ils ne pour-raient pas porter à cette heure ce qu'ils ont reçu en ce
temps-là, non plus qu'ils ne pouvaient pas porter alors
cette viande solide qui leur devait être utile par après.
Ce qui montre évidemment que la première adresse des
Écritures est passée et que le principal auteur, qui est
l'Esprit apostolique, ne les a pas adressées à chacun
indifféremment, ni donné droit à tous de les lire sans
réserve et sans dépendance, et qu'il est nécessaire que
cemme.il est toujours dans l'Église vivant et agissant
pour notre conduite, il les applique et les adresse par
elle, qui est son oracle, selon les besoins des parti-
culiers.
SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE l'ÉCRITURE.327
La seconde, que nous avons à voir dans les passages
cités, est que ni Jésus-Christ ni les Apôtres n'ont point
laissé par écrit les choses les plus saintes et les plus
solides du Christianisme, pour né les exposer pas in-
différemment à tous, et qu'ils les enseignaient de vive
voix et en particulier à ceux qui en étaient capables, dé-
Clarant la Sapience divine aux parfaits, comme le dit
S. Paul dans sa première aux Corinthiens 2. 6. Je pont-
rais apporter ici des témoignages de tous les livres sa-
crés, mais je m'arrête aux deux précédents, pour ne
pas m'étendre davantage. Nous ne voyons point en au-
cun lieu que l'Écriture nous apprenne ce que S. Paul
avait à dire, et ne voulait pourtant pas dire, aux Hé-
breux du sacerdoce de Melchisédech, puisqu'elle n'en
dit presque rien ailleurs, et que les autres Ecritures, qui
nous restent des Apôtres, ne sont pas plus relevées eh
doctrine ni en pratique de vertu que celles qui sont
adressées aux Corinthiens et aux Hébreux. Il fallait donc
que ces choses saintes, que l'Esprit de Dieu leur réser-
vait, fussent enseignées autrement que dans les Bibles
que nous avons. Ce qui montre clairement que le Saint-
Esprit n'adresse pas à tous indifféremment toute doc-
trine, et que 1'Eglise, pour vivre en sa conduite, doit
observer cette retenue que les fidèles révèrent en elle
comme une disposition de Dieu. Si l'hérésie prenait
Cette remarqae à son avantagé et nous objectait que,
puisque l'Ecriture ne contient pas toute la doctrine de
l'Esprit apostolique, mais seulement celle qui a dû être
écrite il n'y a aucun inconvénient de la donner à tous
nous lui répondrions en premier lieu que, puisqu'elle
croît que toute la doctrine chrétienne est écrite, elle ne
peutpaè se servir de cette vérité pour se justifier, ni pour
fonder sa conduite sur notre croyance Contré la sienne.
328 DISCOURS
Quoique l'Esprit apostolique se soit réservé quelques
points de perfection, que le commun des Chrétiens ne
porterait pas pour les inspirer aux âmes choisies qui
par grâce, les pourront porter l'Écriture ne laisse pasd'être remplie de plusieurs mystères, d'une doctrine
très-sainte que l'Esprit apostolique n'adresse pas à tous
indifféremment. Il s'est d'abord servi des Apôtres pourdonner ces pièces sacrées à ceux qui les ont reçues au
commencement, selon leur première adresse. Il se sert
maintenant de l'Église apostolique, qui a de Jésus-
Christ la .mème mission qu'ils ont eue de donner aux
hommes la parole et la doctrine du salut étcrnel pour
l'appliquer aux particuliers et la leur faire entendrecar l'application, aussi bien que l'explication, n'en est
infaillible queparelle. Les Chrétiens ne le pourront pastrouver étrange s'ils ont remarqué qu'ils dépendentd'elle absolument, selon l'ordre de Jésus-Christ, en ce
qui est non-seulement de sa parole et de sa docirine,mais aussi en d'autres choses plus saintes, dont elle peut
légitimement priver les indignes et qu'elle doit ne
donner aux dignes qu'avec discernement selon leur
capacité.Le siècle des Apôtres était le siècle de la perfection et
de la grâce le sanctuaire était ouvert à tous le voile
venait d'être déchiré tous étaient appelés Saints et
selon la prophétie de Joël expliquée par saint Pierre
au commencement des actes tous étaient communé-
ment prophètes. Il n'y avait point encore de pourceauxdans la bergerie du Fils de Dieu auxquels il fallùt dénier
sa parole cet ennemi qui sème la zizanie dans le
champ du Seigneur en la. parabole évangélique, n'avait
point encore semé de fausse doctrine ni inspiré defaux zèle ni jeté de fausses lumières, ni posé de faux
SUR LA LIBRE INTERPRETATION DE L'ÉCRITURE. 329
principes qui portassent les esprits à l'erreur et à l'alms
des Écritures. L'esprit de vérité se communiquait visi-
blement aux fidèles pour l'ordinaire et l'esprit de faus-
seté n'en osait approcher et toutefois S. Pierre nous
apprend en sa seconde épitre 13 que plusieurs ne lais-
saient pas d'abuser des Écritures à leur perdition. Com-
bien donc se trouvera-t-il de ces personnes dans ce siè-
cle de tentation ? C'est pourquoi l'Eglise veille et use de
son droit pour le bien de ses enfants. Elle donne néan-
moins la Bible avec sa bénédiction à tous ceux qui la
peuvent lire en hébreu, en grec, on en latin quoique
ce soient ceux qui pourraient le mieux remarquer les
abus que les hérétiques prétendent qu'elle veut cacher
en défendant les Ecritures. Ce n'est pas qu'entre les
doctes il ne s'en trouve quelques-uns qui en abusent
qui se rendent cette lecture nuisible et auxquels par
conséquent elle est défendue de droit divin à cause
de l'indisposition de leurs esprits mais l'Eglise les
laisse à Dieu et à la règle commune que tout ce qui
est dommageable ou même périlleux à l'âme est défendu.
Quant aux versions en langue vulgaire elles ne sont
point défendues en France aux personnes bien dispo-
sées, qui ne sont point en péril d'en mésuser. Et d'ail-
leurs la permission en est si facile à obtenir que par
la faute des Pasteurs, on ne la refuse bien souvent,
pas même aux pourceaux, contre le commandement de
Jésus-Christ, s'ils la demandent instamment. Et ainsi
les Pasteurs la permettent parfois à qui Dieu ne la per-
met pas et à ceux-là elle ne laisse pas d'être nuisible.
L'apôtre dit à Titus, 1-15: Omnia munda mandis coin-
quinatis autem et in/idelibus nihil est mundum. L'EcrUurc
n'est pas bien entre les mains de ceux dont les mœurs
et les dispositions sont opposées à l'Ecriture, non plus
330 DISCOURS
qu'entre les mains de ceux qui manquent au fondement,
qui est la foi car c'est par la foi qui est en Jésus-Christ
qu'elles nous peuvent instruire, dit l'apôtre à Timothée.
(2. Ep. 3-15.;
9e Je snpplie Messieurs les Prétendus de remarquer
que l'Esprit de Dieu, qui est un esprit de paix, de vérité
et de lumière, tend toujours à confirmer, illustrer et
appuyer les mystères de la foi et les passages de l'Écri-
ture les uns par les autres, et à faire voir l'harmonie
admirable de la religion. L'Esprit de mensonge do té-
nèbres, de guerre et de révolte, prend une conduite
opposée et tend toujours à confondre à obscurcir ou
à détruire un mystère, un passage ou une vérité par
une autre. L'Église de Dieu suit le premier Esprit elle
se sert de la lumière divine que Jésus-Christ à mise en
elle, et de la vérité des Écritures pour dissiper les nua-
ges du sens humain et les ténèbres du péché, qui nous
cache la splendeur de la Sapience évangélique. L'héré-
sie se laissdxonduirc au second, préférant toujours les
ténèbres à la lumière, l'obscurité à l'évidence, l'incer-
tain ail certain. S'il se trouve dans les Ecritures un seul
passage qui semble avoir quelque obscurité, elle s'en
sert pour couvrir de ses ténèbres tous les autres qui
seront très-clairs et, au lieu d'expliquer ce qui paraîtdouteux par ce qui est certain selon l'ordre de la rai-
son, elle confond la vérité dans les ténèbres, et jette la
guerre civile dans les Écritures Saintes, en les oppo-sant entre elles et les confondant, un texte par un autre,
sous prétexte de les expliquer l'un par l'autre. En quoi
elle porte avec elle-même la dissension et le désordre
entre les vérités de Dieu, et fait voir que le démon quila conduit est un esprit de confusion. Elle fait de même
de tous les mystères de bieu, détruisant la fol de l'un
SUR LA LIHREINTERPRÉTATION
DB L'ÉCRITURE. 331
par la connaissance de l'autre; au liéu que les enfants
de lumière reçoiveut avec fidélité tout ce qui vient de
Dieu, sans l'.altérer ni le déguiser, et ne confondent ja-
mais rien ni n'embrouillent jamais les vérités divines
parce qu'ils ne produisent que des effets de la vraie, lu-
mière, qui tend toujours à illustrer les mystères, les
vérités, et les Écritures ensemble, de sorte que chaque
article est à l'autre un flambeau qui l'éclaire et le fait
voir en son lustre. J'apporterais ici des exemples, si
tant la conduite de l'Église de Dieu que celle de la Pré-
tendue, n'étaient en ceci si manifestes, que chacun les
pourra remarquer aussitôt qu'il y appliquera son esprit.
10° Pour la dixième, qui vient au nombre de la per-
fection de la Loi nous leur proposerons l'état de la foi
chrétienne, qui nous donne le moyen de l'accomplir;
ils verront mieux leur erreur dans le tableau de la vé-
rité, et reconnaîtront plus aisément le mauvais usage
qu'ils font des Ecritures, quand ils auront une fois jeté
l'œil sur l'image qu'elle nous donne de la foi.
L'ÉCONOMIE DE LA FOI SELON LES ÉCRITURES.
Le Père éternel en est le premier principe. Jésus-
Christ l'a puisée en lui, et en est l'auteur et le fondement
à l'Eglise et à nous. Le Saint-Esprit en est le tuteur
qui la conserve en sa vérité dans le cœur de l'Église
il en est aussi l'Esprit, qui rend les hommes capables
de la recevoir. Les Apôtres, avec lesquels Jésus-Christ
a promis d'être jusqu'à la consommation des siècles
en sout les maitres, qu'on est obligé d'écouter et de
croire, sous peine de damnation. L'Église en est l'école,
la colonne et le firmament. La Prédication en est le
moyen ordinaire que Dieu a établi pour la communi-
quer. L'Écriture sainte et la Tradition en sout les pre-
332 DISCOURS
miers titres. Les Vertus divines et les vrais Miracles en
sont des signes et des témoignages célestes. Le Symbole
ordonné par l'Église apostolique et proposé aux chré-
tiens, en est la règle. La Grâce secrète de la foi, qui est
un don que Dieu met dans les cœurs pour les incliner
à recevoir la parole de Jésus-Christ en est la vertu.
La Charité, qui est la perfection de la loi et de l'homme
de Dieu et le fondement des bonnes œuvres, comme
la foi l'est de la charité, en est la vie et la perfectionet moyennant la Persévérance nécessaire jusqu'à la fin,
la Vie éternelle en est la couronne.
DISCOURS
L'EXAMEN DES' PRINCIPAUX PASSAGES QUE LES
HÉRÉTIQUES DE FRANCE ALLEGUENT ORDINAI-
REMENT POUR AUTORISER LEUR CROYANCE
CONTRE LA VÉRITÉ, DÉPRAVANT L'ÉCRI-
TURE A LEUR PERDITION ET CELLE
DE LEURS SEMBLABLES COMME
LE DIT S. PIERRE.
(2. Ép. 3. 16.)
La vérité de la foi, ainsi nùment exposée selon le
témoignage des Ecritures, porte avec soi sa lumière,
qui dissipe les ténèbres de l'hérésie, et fait voir avec
quel abus celle-ci se sert de l'autorité des livres sacrés,
pour fonder ses erreurs.
Le premier passage qu'elle profane dans les marges
de la confession de sa foi prétendue pour tromper ses
adhérents et leur persuader que l'Écriture est l'unique
règle tant de la croyance que des mœurs et de la reli-
gion des chrétiens est le septième verset du onzième
psaume de David.
Eloquia Domini eloquia casta, argentum igne examina-
lum, probatum terrœ, purgatum septuplum.La Bible de Genève met ce psaume le 12° et le traduit
en ces termes assez mal « Les paroles de l'Éternel sont
pures c'est argent affiné au fourneau de terre, espuré
par sept fois. »
334 DISCOURS
Nous donnons huit réponses à l'allégation abusive de
ce verset qui sont toutes tirées de la vérité de la lettre.
La première, qu'il n'est point parlé de l'Écriture en
ce psaume, mais seulement des paroles de Dieu en gé-
néral ce qui comprend tant les paroles intérieures qui
font entendre à l'âme les voies divines que les exté-
rieures qui l'instruisent aussi, soit qu'elles soient pro-
férées par Dieu même, ou portées par ses serviteurs,
anges ou hommes. L'Ecriture nous apprend toutes ces
différences de paroles de Dieu, qui méritent ce nom plus
proprement et plus immédiatement que l'Écriture,
qui ne peut le recevoir que matériellement; parce que
ce qui est écrit maintenant, a été autrefois donné de
Dieu, par lui-même ou par les siens. David était un pro-
phète illuminé de Dieu immédiatement il loue en ce
lieu la parole divine qui l'éclairait et le sanctifiait. Dans
le psaume 118, il prend en plusieurs versets ce même
terme pour la parole intérieure, et ailleurs fort ordi.
nairement. Au verset 18 et 19 du ps. 104, on ne le sau-
rait entendre de la parole écrite tant parce qu'au
temps de Joseph, dont il est question, les Écritures
que nous avons n'étaient pas encore, que parce que le
lieu fait assez voir qu'on le doit entendre de la prophé-
tie non écrite de la grandeur du même Joseph, Gen. 37,
et de la grâce que Dieu mit en lui qui le fit tant hono-
rer en Egypte. L'hérésie commence mal à informer de
sa foi par un témoin qui n'en dit mot.
La seconde, que quand même les paroles citées s'en-
tendraient seulement de la parole écrite en la'Sainte
Bible, ce qui n'est pas elles ne diraient rien en faveur
de la doctrine bépétique, mais elles affirmeraient seule-
ment que l'Écriture est pure et bien éprouvée, ce qui
n'est pointcontroversé entre nous, ni à prouver par eux,
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 335
puisqu'on ne leur demande point des preuves de la pu-
reté de l'Écriture.
La troisième qu'au temps ou David composa ce
psaume 11, ou 12 selon leur Bible, l'Église n'avait en-
core de toutes les Écritures Saintes qui sont mainte-
nant reconnues que le livre de Job, les cinq livres de
Moise, les deux de Josué et des Juges celui de Ruth
avec les dix premiers psaumes. Il faudrait donc par
nécessité, si l'interprétation prétendue avait lieu que
ces seuls livres fussent cette règle à laquelle on ne doit
rien ajouter ce qui détruirait tout ce que Dieu a ré-
vélé par son Fils Jésus-Christ et par ses Apôtres et tout
ce que les autres écrivains sacrés, et David même,
nous ont donné depuis. Si l'hérétique repart qu'en ce
verset David a parlé par prophétie de toutes les Écritu-
res qui devaient étre, nous répondrons premièrement
que la lettre ne le dit poiot, et que pour fonder un arti-
cle de foi, leur opinion ne suffirait pas, quand même
elle serait raisonnable et conforme au texte. Seconde-
ment, que le lieu allégué ne porte qu'un sens présent,
qui est une déclaration de la pureté des paroles divi-
nes, et non pas une prédiction qu'elles doivent être
autre chose à l'avenir. Troisièmement, David eût trom-
pé son peuple et ses frères, qui recevaient ce psaume
pour leur instruction, si, en leur disant que l'Écriture
est la règle il eût entendu, sans le dire une écriture
qu'ils ne devaient jamais avoir; car il eût parlé contre
leur sens et avec surprise, et leur eût dit une fausseté,
selon le sens apparent de ses paroles, puisqu'en ce
temps-là l'Écriture n'était pas la parole accomplie et par-
faite qui devait être la règle de la religion.La qua tri ème, que le peuple de Dieu avait, au temps
de David, des Écritures Saintes que nous n'avons plus
336 DISCOURS
comme le livre que Samuël écrivit de la loi du royaume
d'lsraël, qui fut mis avec l'arche d'alliance, ainsi que
nous l'assure le premier Jivre des Rois 10,25, le livre
d'Enoch cité par S. Jude en son Epitre canonique 1-14,
et quelques autres. D'où il suivrait que cette règle que
David aurait donnée ne serait pas venue entière jusqu'à
nous. On peut même ruiner l'hérésie par ce témoignage
qu'elle produit, en le prenant selon le sens qu'elle lui
donne car si David a dit que l'Ecriture élait la règle en
sou temps, elle ne le serait plus maintenant, puisqu'el-
le ne contient plus toutes les mêmes Écritures. Une
règle défectueuse et imparfaite n'est plus règle. Il faut
que rien n'y manque; autrement la perfection doit être
cherchée ailleurs.
La cinquième que nous n'avons plus les livres de
Nathan, de Gad, d'Addo, de Samuel, de Séméias,
d'Ahias et de plusieurs autres prophètes cités en divers
lieux de l'Écriture, ni le Paralipomenon des Pontifes,
qui était la principale histoire de la Synagogue, où la
conduite de la religion se pouvait mieux remarquer. Et
si l'hérésie nous donne la réponse ordinaire, que nous
avons l'Ecriture telle que les Apôtres nous l'ont laissée
pour règle, nous repartirons qu'elle a donc tort d'ap-
porter le douzième psaume pour autoriser cette croyan-
ce, puisqu'il ne dit rien des Apôtres, ni des Écritures
de leur temps et qu'il parle seulement des paroles de
Dieu telles que David les pouvait avoir ( ce qui détruit
leur doctrine), ou des paroles de Dieu en général, c'est-
à-dire de toutes les paroles que Dieu a jamais donnée
ou donnera aux hommes, (ce qui la détruit aussi selon
leur sens) puisque nous n'avons pas toute la parole écrite
que David aurait donnée pour règle. D'ailleurs il est
faux que nous ayons les Écritures telles que les Apôtres
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES.337
15
nous les ont laissées. Pour ce qui est du Nouveau-Tes-
tament, nous n'avons plus l'Épltre de S. Paul aux Lao-
diciens, dont la lecture est recommandée aux Colossiens
4. 16. Il ne nous reste que des traductions de l'hwangile
de S. Matthieu et de l'Épttre aux Hébreux. Nous ne sa-
vons lequel, du texte grec ou du;latin, est l'original de
l'Évangile de S. Marc. Rien n'est demeuré des écrits de
la plupart des Apdtres et fort peu de chose des autres.
Et quant à l'Ancien-Testament, outre les pertes que
nous avons déjà remarquées de plusieurs livres, les
Évangélistes et les Apôtres citent quelques passages qui
ne se trouvent point dans les livres hébreux que l'anti-
quité nous a laissés. Ce qui fait bien voir ou qu'il y en
avait d'autres de leur temps où ces citations se trouvaient,
ou qu'il est arrivé du changement à ceux qui nous sont
restés, ou que la tradition les avait conservées. Si l'hé-
résie répond que ce qui n'est pas dans l'hébreu se
trouve dans les Septante elle nous donne des armes
contre elle-même en nous avertissant des grandes va-
riétés qui se remarquent entre leur version et le texte
hébreu, lesquelles nous sont autant de preuves mani-
festes que le temps n'a pas épargné les livres sacrés
non plus que les profanes. Les citations différentes d'un
même passage dans les écrits des Saints Pères et les di-
versités des anciens exemplaires montrent aussi que
l'antiquité a corrompu, ou rendu incertains plusieurs
textes des Livres saints qu'elle nous a laissés. Et les di-
verses leçons des Bibles de Genève, de la Rochelle, et
des autres villes que l'hérésie a occupées, doivent con-
vaincre ses adhérents que la persuasion intérieure n'a
pas toujours été certaine, et que ceux qui l'ont suivie
n'ont pas bien jugé partout de la vérité des Écritures.
Si l'hérésie se pense défendre en disant que ces chan-
:138 DISCOURS
geme et ces incertitudes de l'Écriture ne sont point
en ce qui concerne le salut elle se confond elle-même,
et nous écoutons volontiers cette vérité en sa bouche,
parce qu'elle est en ce point une conviction de son erreur.
Car l'Église hérétique ôte ici, sans y penser, à l'Écri-
ture le jugement souverain de la foi et de la religion,
qu'elle a fait profession de lui laisser et s'attribue l'au-
torité de décider de ce qui est ou n'est pas nécessaire
au salut éternel de ce qui se doit croire, oit laisser dans
l'incertitude. Si une Église qui oblige ses partisans de
suivre leur esprit particulier contre elle-même, et qui
tient pour article de foi qu'elle se pourrait bien tromper,
parce que toute Église visible est sujette au mensonge
s'approprie néanmoins le discernement des Écritures
et des matières qui sont ou ne sont pas de la perfection
chrétienne et de nécessité pour le salut doit-on dénier
ce discernement à l'Église universelle fondée en la vé-
rité de Dieu. adoptée du Père épousée du Fils, sancti-
fiée et dirigée do son Esprit, établie par les Apôtres
autorisée du témoignage des Écritures et toujours cons-
tantc dans une même foi jusqu'à la fin ? Je ne dispute
pas ici quelle est la vraie Église mais je remarque en
passant que les hérétiques tombent dans la nécessité de
confesser que c'est à elle de juger de l'importance de
la doctrine chrétienne. Mais leur Église prétendue ne le
peut pas jusqu'à ce qu'elle soit réformée selon la vérité
et réunie à celle de Dieu. Par ses propres principes et
suivant sa doctrine elle ne saurait se tirer de la confu-
sion où l'erreur l'a précipitée en se vuulant défendre,
elle s'ablme de plus en plus.
Ceci nous donne une sixième réponse à l'allégation
frauduleuse de ce verset. Les paroles divines, dont il
est question, sont paroles pares, selon leur version. Or,
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DESÉCRITU Es. 339
15.
il est de fait que la parole écrite dans leurs Bibles, comme
eux mêmes le remarquent n'est pas entièremert
exempte des imperfections que le temps et la faiblesse
des hommes coulent ordinairement dans les choses qui
en dépendent, d'e quelque façon que ce soit. Car quoiquela parole divine soit toute de Dieu, elle n'est écrite que
par l'industrie et le travail des hommes. Je veux bien
que la providence de Dieu sur son Écriture, et la vigi-
lance que son Esprit donne à son Église pour la conser-
ver, l'aient préservée des erreurs contraires à la foi quinous sanctifie, en la défendant de'la ruine du temps et
des entreprises des hommes, ainsi que des inadvertances
qui corrompent ordinairement leurs ouvrages; mais il
permet néanmoins qu'elle en souffre des dommages en
quelque langue et en quelque volume ou exemplaire
qu'elle soit écrite et ces dommages suffisent pournons
faire voir que ce ne peut être l'Écriture prise matériet-
lement, mais la parole de Dieu en elle-même, que Da-
vid appelle toute pure. Ceux qui savent les leçons diffé-
rentes en toutes les langues et les variétés des exem-
plaires, dont on s'est plaint de tout temps, ne peuvent
pas juger autrement.
Pour la septième réponse que nous avons promise à
Messieurs les Prétendus, je leur proposerai ce dilemme.
Si David a dit, en ce psaume 12me,que les paroles divines
étaient la règle dé la religion ou il à entendu seulement
les paroles qui étaient déjà écrites (ce qui serait con-
traire à leur croyance, comme nous l'avons déjà mun-
tré), ou en général toutes les paroles divines qui serait
données par après, ce qui nous jetterait dans l'incer-
titude que les Bibles que nous avons les uns et les autres
fussent cette règle, et nous obligerait même plutôt de
le nier puisque nous n'avons point d'assurancé que
340 DISCOURS
toutes les paroles divines soient contenues en ce rolii-
me, mais plutôt une très-grande apparence du contrai-
re, et que par conséquent la règle entière et complète
n'y est pas. Je ne répète point ici toutes les preuves
littérales que nons avons apportées ci-dessus des pertes
que l'Écriture a faites. Je prends deux autres moyens.
Le premier, que ni l'Écriture ni l'Église ne nous as-
surent point qu'entre les livres des Saints qui n'or l pas
été mis dans la Bible il n'y en ait eu quelques-uns et
qu'il n'y en ait encore, qui soient de l'Esprit de Dieu. Il
est certain que plusieurs autres que les Prophètes les
Apôtres et les Évangélistes ont été inspirés et obligés de
Dieu à parler et à écrire, et qu'ils ne s'y sont pas ap-
pliqués de leur propre volonté et selon leur propre sens.
C'est tout ce que Saint Pierre requiert pour rendre une
écriture canonique, au chapitre premier de sa seconde
Épttre, v. 20 et 21. Je pourrais remplir cette feuille des
témoignages que les Écritures évangéliques nous don-
nent que l'Esprit de Dieu parle et opère par ses Saints
qu'il vit en eux et que même, s'ils sont parfaits, ils
n'agissent qu'avec lui., La grâce d'écrire avec Dieu n'est
pas réservée aux Apôtres. Saint Marc et Saint Luc ne
l'é.taient pas, et ce dernier témoigne, au commencement
de son Évangile qu'il n'avait jamais vu Jésus-Christ.
Le seul chapitre quatorze de la première aux Corin-
thiens fait assez voir combien la grâce de la Prophétie
et les autres dons semblables, étaient ordinaires aux
chrétiens. Mais l'Église n'a mis dans le corps des Écri-
tures que celles qui ont été reconnues dès le commen-
_cement avant la mort du dernier Apôtre par respect
pour les pièces sacrées et pour n'en pas affaiblir l'auto-
rité dans l'esprit des infirmes et de ceux qui sont peu
instruits dans la foi, comme aussi pour ne pas donner
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES, 341
lieu à la tentation de plusieurs qui ne déféreraient pas
au discernement qu'elle en aurait fait, ou qui présume-
raient d'en ajouter aussi par un discernement particu-
lier. Mais fa raison principale de cette conduite de
l'Église, c'est que Dieu qui est en tout son guide ne
l'y a pas poussée. Ce n'est pas qu'elle ne révère plusieurs
autres écrits et qu'elle ne juge bien qu'ils peuvent être
de l'Esprit de Dieu mais elle ne nous en assure point
parce que l'Esprit de Dieu ne l'en a pas assurée et
qu'elle ne s'est pas consultée elle-même là-dessus. Saint
Augustin dit des livres de Seth d'Enoch et de quelques
autres trop auciens que l'Eôlise ne les rejette pas
mais que leur trop grande antiquité les a rendus sus-
pects. Si l'hérétique trouve étrange que, suivant la.
lumière et l'ouverture que l'Écriture en donne, nous
disons qu'il peut y avoir des Écritures Saintes qui ne
soient pas reconnues nous avons bien plus de sujet de
trouverétrange que, de son propre jugement et sans
aucun témoignage écrit, il prononce un arrêt au Saint-
Esprit qui lui bte toutes les Écritures qui ne sont point
dans leurs Bibles et que sou aveuglement soit tel que
sans aucune certitude que les paroles divines y soient
entièrement écrites, il en fasse un article de foi. Le se-
cond moyen que j'emploie pour montreur qu'il n'est pas
certain que la parole de Dieu soit limitée et déterminée
au volume sacré que nous avons, est l'autorité de saint
Jean, qui est le dernier oracle du Nonveau-Testament-
et la couronne des écrivains sacrés. En concluant les
Écritures par son admirable prophétie des derniers-
temps, il oblige l'Eglise d'attendre encore jusqu'à la Un
des Prophètes des Anges et des témoins ou Apôtres
qu'il faudra écouter et croire, soit qu'ils instruisent les
hommes de vive voix, ou par écrit car le monde est
342 DISCOURS
déjà averti qu'ils viendront de la part de Dieu pour lui
apprendre ses volontés et qu'ils seront des témoin
irréprochables de ses vérités, et de même autorité que
les premières trompettes de l'Évangile. On ne devra
pas moins de foi à leurs écrits qu'à leurs paroles puis-
qu'il y a un commandement divin de les attendre et
de recevoir leur témoignage tel qu'il sera. Ces deux pro-
phètes et apôtres des derniers temps qui doivent venir
au secours de l'Église en son extrémité, selon la pré-
diction du bien-aimé Disciple (Apoc. 11. 3 et 4) qui
prophétiseront trois ans et demi, revêtus de sacs de
pénitence, seront fondés en la même vérité que tout
les autres prophètes et apôtres, et auront les mêmes
moyens de soutenir la foi, à savoir la Voix et l'Écriture,
puisque leur témoignage n'est point limité à un seul et
que la prophétie apostolique de S. Jean qui les autorise,
est à tous les hommes une obligation absolue de les re-
cevoir, et de se soumettre sans réserve à leur direction.
Si l'hérétique répond qu'ils parleront et n'écriront
point, nous l'accuserons d'avancer sans preuve une
chose si absurde, que les Maîtres que Dieu aura donnés
au monde pour enseigner les âmes, et les confirmer en
un,tempsmisérable auquel tons les fidèles seront avertis
de recourir à eux, n'écriront à personne ai ne don-
neront aux absents aucune instruction ai aucune con-
solation à ceux qui les rechercheront par lettres Il
faudrait que Dieu l'eût dit pour le croire puisque ni
la. pratique des saints Docteurs semblables à eux, ni
l'exemple des Prophètes et des Apôtres ni les devoirs-
de leur charité, ni la nécessité des fidèles persécutés
par toute la terre ni la conversation chrétienne, ni les
besoins du monde ni la conduite ordinaire de la grâce
doctrinale, ni l'obligation de leur ministère ne nous
permettent pas de recevoir cette opinion.
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 343
Et d'ailleurs il nous suf6rait qu'elle fut incertaine
pour prouver qu'il n'est pas certain que Dieu ne noua
donnera plus aucun écrit. Si S. Jean n'a pas dit qu'ils
écriraient l'Évangile' ne l'avait pas dit non plus des
Apôtres qui ont écrit Eu ne le niant pas il nous laisse
dans l'obligation d'en juger selon l'usage commun et
nous porte à penser d'eux comme des autres. Au chapi-
tre 8, de l'Apoc. v. 5. le Prophète des derniers temps
avertit l'Eglise d'un Ange qui donnera au monde le feu
sacré de l'Autel et du Sacrifice éternel, et ensuite de
sept autres qui U prépareront, par leurs prédications
signifiées par leurs trompettes, à se sacrifier avec J.-C.
dans les afflictious prochaines. Et au chapitre 14, v. 6.
il en promet un autre qui publiera par tout le monde
J'Évangile étcrunl, c'est-à-dire, l'Évangile des choses
éternelles qui seront prochaines et prêchera la crainte
de Dieu à tous les peuples et leur annoncera ['heure-
de son jugement. Quelle obligation avons-nous de croire
que ces Anges ne parleront que par écrit, tandis que
ceux d'autrefois n'ont jamais enseigné qu'en paroles ?
Pourquoi croirions-nous que ce saint Angequi l'allumera
sur la terre le feu et l'esprit, presque éteint, de l'ho-
locauste immortel de J.-C une fois mort pour nous, et
qui, par ce feu sacré, excitera des tonnerres, des voix
des éclairs et de grands tremblements déterre, qui
sont, selon l'usage des Écritures des prédications
très-puissantes et très-lumineuses qui éclaireront ta
terre et y causeront de profondes sensations ne dira
rien qui ne soit- déjà dit ? Pourquoi ces trompettes du
ciel envoyées de Dieu pour instruire les siens de leur
dernière perfection et de sa conduite dans les' plaies
suivantes et pour étonner et convertir le monde ou
au moins pour le sommer de se reudre à son Créateur,
344 DISCOURS
ne prêcheraient-elles que ce que d'autres ont prêché ?
Pourquoi cet Ange du dernier jugement que Dieu fera
l'Évangéliste de la justice et de l'éternité comme les
premiers l'ont été de la grâce et du temps de la miséri-
corde, qui, par un miracle de charité et de puissance
convenable à la nécessité de ces temps-là doit évangé-
liser toutes les nations ce que son vol signifie, n'ap-
porterait-il aucune lumière aucun éclaircissement ni
aucune instruction qui ne soit déjà suffisamment écrite ?
Dieu l'a-autorisé par la foi des siècles précédents, comme
l'ont été aussi J.-C et ses Apôtres. Nos Évangélistes sont
ses précurseurs, et celui qui a conclu le témoignage
apostolique est le témoin de sa mission, et de l'obliga-
tion où seront tous les hommes de l'écouter et tout ce
grand appareil et cette longue préparation ne seraient
que pour une doctrine commune 1
Je sais bien que cet Ange aussi bien que les autres
doit parler conformément à l'Évangile mais s'il ne di-
sait rien de plus que ce qui est écrit, il n'accomplirait
pas la prophétie de sa prédication angélique, qui doit
avertir le monde que l'heure de son jugement est venuecar cette prédication n'a jamais été écrite elle n'ouvri-
rait pas non plus aux hommes cet Évangile éternel qui
leur est clos jusqu'ici ni ne répondrait pas à la lumière
extraordinaire que l'Écriture nous en promet. L'Église
croit toujours en clarté, comme l'aurore, jusqu'à ce
que par les lumières que Dieu lui donnera d'un siècle
à l'autre, elle soit entrée dans la perfection du jour
éternel. Elle ne sera jamais plus assistée ni plus éclairée
que lorsqu'elle en sera plus proche. Ses derniers prédi-
cateurs seront des anges de lumière et de sainteté ex-
traordinairement envoyés, en un temps où tout ordre
sera renversé, pour donner des enseignements céles-
suR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 345
tes lorsque la terre ne sera plus habitable pour elle, et
qu'il ne lui faudra plus chercher d'autre retraite que le
ciel.
Nous avons au chapitre 10 de l'Apoc. v. 4., une preuve
manifeste que Dieu n'a pas voulu que tout ce qui doit
être prêché en ces derniers temps fut écrit auparavant
car il est certain que ces tonnerres parlants dont il ne
fut pas permis à S. Jean d'écrire les paroles, sont autant
d'oracles épouvantables de plusieurs choses que Dieu,
doit dire au monde endurci, fort peu de temps avant
son jugement. En effet, la prophétie que nous en avons.
les rapporte au septième sceau, qui est le dernier et
au second Væ qui précède immédiatement la fin entre
la sixième trompette et la dernière, dui est celle du
jnâememt et l'auge qui les excite par sa voix effrayante
est fort et puissant, dit l'Écriture il descend du ciel
daus une nuée il est brillant comme le soleil; il est
couronné de la lumière de l'arc-en-ciel il rugit comme
un lion;il jure par le Dieu vivant que le temps va finir
il marche sur la mer et sur la terre avec des pieds de
feu, toutes choses qui sont autant de marques du second
avénement de J.-C., qui descendra du ciel eu force et
majesté grande, daus une nuée de gloire et de lumière,
environné de sa propre splendeur, pour mettre feu au
monde et fin au temps. Cet appareil de l'ange montre
qu'il est plutôt rambassadeur du Lion de Juda, qui
vient régner par sou jugement que de r Agneau qui
est venu souffrir pour tes péchés des hommes, quoi-
qu'il soit rempli de grâce et qu'il parle en sa charité.
C'est assez pour nous faire voir que sa prédication re-
garde la fin des temps. Mais il faut aussi remarquer que
le tonnerre, dans les livres sacrés, est le symbole or-o
dioaire de la parole de Dieu. Au chapitre 12., v. 28 de
346 DISCOURS
l'Evangile de S. Jean, la voix de Dieu parlant à J.-C.
même fut entendue de plusieurs comme un coup de
tonnerre ce qui montre qu'elle avait quelque chose de
semblable quoiqu'elle fût pleine de sa dilection envers
son Fils bien-aimé. A combien plus forte raison sera-
t-ette un tonnerre effroyable pour le monde révolté
contre son Créateur, et au temps de son plus grand
endurcissement Au ps. 28, intitulé pour la consomma-
tion du Tabernacle, le Prophète désigne sept tonnerres
qu'il appelle la voix du Seigneur. Il y prophétise mani-
festement les sept autres qui doivent parler sur la con-
sommation du monde qui est le premier Tabernacle
que Dieu avait sanctifié pour l'homme et que l'homme
a profané par son péché pour préparer les prédestinés
d'alors à la consommation finale, c'est-à-dire à l'accom-
plissement et à la perfection du second Tabernacle,
qui doit être la demeure éternelle de Dieu avec ses
Saints et dont le Tabernacle légal n'a été qu'une figure
temporelle. On peut voir ce que l'Ange de l'Apocalypse
en ditauch. 21, et l'Apotre aux Hébreux 8-9. et 12-18
et suivants. Il exhorte les fidèles à se ressouvenir de la
voix de Dieu qui Gt trembler la terre; du feu et des
tonnerres au milieu desquels la Loi fut promulguée, un
peu avant que le Tabernacle figuratif fût construit et
leur insinue que ce ne sont que des figures de la voix
de Dieu plus puissante, du feu et des tonnerres plus
horribles dans lesquels, un peu avant la construction
du Tabernacle véritable et permanent, Dieu parlera
de sa Loi éternelle et dira aux hommes des choses
que le plus saint des Prophètes n'a pas dû écrire
avant le temps: mais qu'il a eu commandement de no-
ter, tant pour son usage, que parce que cette connais-
sance l'appliquait à secourir l'Église en son extrémité
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSlVE DES ÉCRITURES.347
par ses écrits, par sa prière et sa vertu; car son
Apocalypse nous montre que Dieu a voulu lui donner
un soin tout particulier des dernières nécessités de
l'Église. Ce bienheureux Évangéliste est le Gls aîné de
la croix de J.C. le secours et la consolation de sa Mère
dans son deuil à sa vie et à sa mon, et le vrai témoin
du martyre et de l'agonie de l'Époux. Dieu a voulu qu'il
fut aussi le témoin et l'ange tutélaire et consolateur de
l'Épouse à son agonie. C'est pourquoi il lui a rendu
présente à l'esprit la vue de ses dernières souffrances,
et en a nourri son exil de Patmos. Ce fidèle disciple
sans s'arrêter à ses propres afflictions, s'est occupé vo-
lontiers de celles de l'Église et a pris le temps de son
bannissement pour les écrire et lui laisser en les écri-
vant, toute, la conduite et la consolation qu'il a plu à
Dieu de lui donner pour elle. La Providence a voulu que
la conclusion du témoignage apoaotique, qui a fondé-
l'Église, fut une prophétie de sa patience et de sa fidé-
lité jusqu'à la fin et que le dernier oracle de l'Évangile
lui fût une promesse de l'assistance divine dans ses der-
uieres afflictions et une approbation des derniers Apô-
tres, qui seront ces Boanerges enfants du tonnerre
(Marc. 3. 17.) ces prédicateurs angéliques et célestes
qui la viendront servir dans son plus grand besoin qui
foudroieront le monde et apporterons aux fidèles les
dernières instructions de la vie divine dans la pratique
desquelles il faudra muurir en ce monde avec l'Eglise
et se retirer en Dieu pour jamais.
Cela fait bien voir l'nnité de l'Bsprit apostolique et
de la mission divine des premiers et des derniers am-
hassadeurs de l'Évaogile. Cela nous montre par consé-
quent que la foi des premiers nous fait un commande-
ment de recevoir les autres que les derniers pe seront
348 DISCOURS
pas moins autorisés que les premiers, ni moins croya-
bles en leurs paroles et en leurs écrits. Jésus-Christ n'a
rien dit des premiers sinon qu'ils parleraient: et néan-
moins leur parole écrite a conservé la même autorité
envers les hommes: de même donc il suffit que l'Évan-
gile ait dit la même chose des derniers pour nous lais-
ser dans l'attente de ce qu'ils nous donneront, et par
conséquent dans le doute que l'Écriture soit terminée à
ce qu'elle contient, et que Dieu n'ait rien de plus à dire
aux hommes que ce qui est écrit.
La suite du psaume nous donne la huitième réponse.
David dit que la vérité n'est point en l'homme v. 2
que l'homme est trompeur, v. 3 que Dieu perdra les
trompeurs et la langue superbe qui veut se glorifier et
s'attribuer sa propre science en méconnaissant Dieu
v. 4 et 5 que Dieu vient au secours des pauvres et des
affligés v. 6 qu'il les sauvera et les mettra en assu-
rance que ses paroles c'est-à-dire ses promesses,
sorrt pures et à l'épreuve des tribulations du siècle
comme l'argent fin au creuset, v. 7; que Dieu nous
garde des gens du siècle, qu'il appelle la race ou géné-
ration présente, qui trompent et ne marchent pas droit,
v. 8 quoiqu'il ne laisse pas, pour sa gloire, de les mul-
tiplier, v. 9. Or tout cela montre bien que David entend
parler de la vanité et de la fausseté des hommes et de
la vérité, de la solidité et fidélité des promesses de Dieu,
lesquelles nous assurent de sa protection contre eux.
Le Prophète y continue le sens du psaume précédent
qu'il composa, ainsi que celui-ci, en sa jeunesse pen-
dant qu'il était persécuté.
Le second passage que l'hérésie produit pour autori-
ser le même article, est le 8 et 9 v. du ps. 18: Lex Domini
immaculata concertent animas testimonium Domini fi-
5UR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES.349
dele, sapientiam prastans parvulis. 8. Justitiæ Domini Tee-
tæ, lætificantes corda prceceptum Domini lucidum il-
luminans oculos. 9. En voici la traduction peu fidèle,
dans laBible de Genève: «La loy de l'Éternel est entière
restaurant l'âme; le tesmoignage de l'Éternel est as-
seuré, donnant sapience aux simples. Les mandemens
de l'Éternel sont droits, resjoüissants le coeur, et le
commandement de l'Éternel est pur, faisant que les yeux
voyent. »
Nous répondons premièrement, non à l'Écriture, que
nous recevons avec la foi etl'obéissance que nous devons
à Dieu même, mais à l'hérétique qui s'en aveugle, qu'en
ce lieu non plus qu'au texte susdit, il n'est point parlé
de l'Écriture. Mais il est si ébloui de son erreur, qu'il
croit voir ce. qu'il désire là où cela n'est nullement. Je
crois que, sans m'étendre davantage, il me suffit de-
l'avertir de relire ce passage et de l'examiner de Plus
près il verra sans doute que le Prophète ne dit pas que
cette loy entière, ni ce tesmoignage asseuré, ni ces man-
demens droits, ni ces commandements purs, soient l'É-
criture. Il est bien vrai qu'il en parle en quelques en-
droits mais c'est une grande faute de prendre la lettre
pour le sujet. Avant qu'elle fût, Abel Euoch, Noé,
Abraham, et plusieurs autres, ont été convertis par
cette Loi ont reçu la sagesse par ce témoignage leurs
cœurs ont été réjouis de ces justices droites, et leurs
yeux illuminés par ce précepte du Seigneur.
Secondement, nous répondons que, quand même les
paroles citées s'entendraient de l'Écriture-Sainte, comme
le veut l'hérésie, elles ne diraient rien en sa faveur mais
qu'elles témoigneraient seulement que l'Écriture serait
sans tache qu'elle servirait à convertir les ames qu'el-
le serait un témoignage fidèle qui donnerait la sa-
350 DISCOURS
gesse, non à tous, mais aux petits, c'est-à-dire aux
humbles disposés à en recevoir l'effët; et toutes ces vë-
riués, l'Église catholique les reçoit avec celles qui lès sui-
vent dans ledit psaume. 11 serait à désirer que les héré-
tiques les respectassent aussi, et les reçussent pouèleur
salut.
Troisièmement, uous répondons que, puisque David
parle de la Loi sans tache qui convertit l'âme, on ne le
peut entendre ni de l'Écriture ni méme de la Loi écrite
par Moise; car elle neconvertissait pas les âmes elle ue
promettait à ses observateurs que la vie présente et la
possession de la teère Qui fecerit hæc,viùet in eis jus-
tus autem meus ex fede vivit. (Giel. 3. 11 et Hebr. 10.38.
Rom. 1. 17. Hab. 2. 4.) David connaissait par lâ foi
cette loi spirituelle non écrite qui convertit justifie et
vivifie les âmes Lex enlm Spiritùs vitæ in Christo Jesu
liberavit mea lege peccati et mortis; nam quod impossibile
erat Legi, in qua infirmabatur per carnem. ( «om.8.2. )
L'Apôtre dit de ta loi littérale qu'elle tue, qu'elle est
une loi de mori et de condamnation (2. Cor. 3. v.6.7.9.)
qu'elle ne conduit rien à perfection ( Heb.6. 7. 19.)
qu'elle ne peut ni justifier, ni vivifier (Gai. 3. 21.) toute
cette épître, d'ailleurs, enseigne la même chose, niais
principalement les ch.2.3. 4. et 5; comme aussi toute
l'Épître aux Romains, et plusieurs passages des aùtres.
L'Apôtre S. Jacques dit encore la même chose en son
Épître canonique. Les Prophètes en avertissent souvent,
et là Loi elle-même rend témoignage dé son inutilité et
de son imperfection. Elle servait néanaioihs éü ce qu'elle
était une figure de la toi spirituelle qu'elle représentait
au peuple, et en ce qu'elle le disposait à la chercher et
à la recevoir. Et Dieu, qui avait écrit de son doigt lé Dé-
cà'lbgue sur des pierres, écrivait dàlie les cœurs de ses
SUR L'INTERPRETATION ABUSIVE DES ÉCRlTURES. 351 I
fidèles cette loi immaculée, qui convertit les âmes par
son Esprit, qui est appelé le doigt, de Dieu et sa loi véri-
table. C'est ce qu'il assure en Jérémie 31. 33;—Heb.
10. 16; —2. Cor. 3. 3; car ta grâce, la vraie justice,
ta vraie loi de Dieu et la vraie sainteté, qui est main-
tenant exposée à tout le peuple chrétien, était jadis
donnée aux Saints, par une grâce spéciale, eu la fbi
l'espérauce et la charité du Messie à venir, ainsi, que
toutes les Écritures, l'attestent. Mais l'exposition des
passages suivants va le démontrer encore mieux.
Ce que David ajoute Testimonium Domini fidele,
sapientiam prrsslans parvutis, ne doit' pas non plus être
entendu du témoignage écrit dans les livres de la Loi, qui
laissait souvent dans l'ignorance ceux qui le lisaient et'
l'observaient, mais du témoignage spirituel et intérieur
qui donnait la sagesse aux hutubles. Ce n'est pas pour-tant que le témoignage écrit en la Loi ne pùt servir à dis-
poser, comme nous l'avons vui, ceux qui l'honoraient.
Ce qui suit, Justitiæ Domini rectæ Lætificantes corda,
regarde beaucoup moins encore les justifications de la
loi écrite, que l'Apôtre, aux Hébr. 9. 10, et ailleurs, ap-
pelle justice de la chair, qui ne sanctifient point l'ame,ni ne rectifient le cœur de l'homme. Ou peut apporterici plusieurs passages de David même, qui font' voir
clairement qu'il entend parler de la vraie justice de
Dieu, qui console l'âme en la justifiant. Cette justice
en l'Écriture, est ordinairement distinguée de celle de
la Loi, et y est souvent opposée. On doit dire de même
que le précepte divin qui nous éclaire, selon le vmai sens-
de ce verset, est spirituel, puisqu'il luit aux yeux de
l'âme. Qui se voudra donner la peine de lire attentive-
ve'menu le Ps. 118, verra: plusieurs autres propositions
semblables qui lui feront entendre clairement le sena de
352 DISCOURS
celle-ci. Les trois versets suivants confirment cette vé-
rité, Timor Voutini sanctus, permanens in seculum seculi.
Celle crainte religieuse ce culte du Seigneur, qui est
saiut et demeure à jamais, ne peut pas s'entendre de la
loi ni de la religion écrite, car elle n'était pas vraiment
sainte et ne devait être éternelle qu'en sa signification;
mais bien de la religion qu'elle a figurée et promise
qui demeure éternellement Judicia Domini vera, justifi-
cala in semetipsa. Les jugements de Dieu, que la Loi et
l'Écriture contenaient au temps de David, n'avaient point
la justice en eux-mêmes, car ils n'étaient saints qued'uue justice relative. Premièrement, par le rapport
qu'ils avaient au jugement essentiel de Dieu, qui est
juste en lui-même par sa propre juaice, et ne peut avoir
d'autre règle que sa propre équité au lieu que tout au-
tre jugement n'est juste que par sa conformité à la loi
qui doit le régler. Secondement, par un rapport 6gnra-
tif et prophétique aux ordonnances de la loi de grâce,
qui sont appelées jugements ici et ailleurs, et qui sont
vraimentsaintes et justes en elles-mêmes par la présence
de l'Esprit de Dieu qui les remplit de sa grâce, et qui
sanctifie réellementceux qui les observent Le Prophète
dit, en suivant le mouvement de son esprit, qu'ils sont
plus désirables que toutes les richesses et les douceurs
du monde, que le serviteur de Dieu les garde, et que la
récompense en sera grande. Or évidemment cela ne peut
convenir aux préceptes de Moise qu'en figure car les
Saints et les Prophètes devaient regarder l'avenir en ob-
servant la Loi, et porter leurs désirs vers ce qu'elle leur
faisait attendre. Ils devaient régler leur vie et leurs
mœurs selon la foi, l'espérance et la charité des choses
promises, sous peine de ne pouvoir prétendre à la ré-
compense éternelle que David promet ici. Si l'hérétique
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 353
nous répond que, à la vérité les Saints qui ont précédé
la loi écrite, comme Adam, Abel, Enoch, Noé, Mel-
chisédech, Abraham, etc. n'ont pas été justifiés par une
loi écrite, puisqu'il n'y en avait point; et que même
les Saints de l'Ancien-Testament tels que Moïse, David,
etc. l'ont été plutôt par l'Esprit que par la lettre de la
loi puisque l'Écriture nous le dit; mais que ceux du
Nouvean-Testament le peuvent être: nous lui reparti-
rons, premièrement, qu'il avoue par cette réponse que
le passage de David est cité par les siens mal à propos
ce qui nous suffit car nous ne traitons pas ici la ques-
tion en elle-même, mais nous voulons simplement éta-
blir si les textes allégués la décident. Secondement,
nous tirerons, tant de son aveu que du psaume proposé,
un très-grand avantage contre l'hérésie car si, au
temps de la loi écrite, David n'a pas pu dire qu'elle con-
verdissait les âmes, il ne le dit pas maintenant qu'elle est
abrogée, et que le Saint-Esprit est communémentdonné
aux hommes pour leur justification. Troisièmement,
pour éclairer entièrement la difficulté que l'hérétique
cooçoit, nous lui dirons que cette loi spirituelle qui
convertit les âmes dont David et les autres prophètes
ont parlé, que la loi écrite a figurée, et que l'Eglise a
maintenant reçue comme la véritable loi de son al-,
liance avec Dieu, n'est point une loi écrite mais une
infusion de l'Espril de J.-C. qui est la fin et la per-
fection de la loi. (Rom. 8. 2. Heb. 8. 10. et 10. 16.
Jerem. 31. 33. ) Nous ne saurions rapporter toutes les
preuves que l'Écriture nous donne de cette vérité. La'
loi qu'il fallait observer pour vivre eu la terre de pro-
mission fut écrite sur des pierres tirées de la terre; mais
Dieu nous donne son Fils,et,en son Esprit, la loi qui nous
doit faire vivre unis à lui. De même que J.-C. est l'Hos-
354 DISCOURS
tie figurée par les choses régates, le Prêtre promis et
figuré par te sacerdoce lévitique, le Roi figuré par la
royauté de Judas, le Temple figuré par le tëniple de Jé-
rusalem, et ainsi de tout le reste de même il est ta Loi
promise et figurée par la loi ancienne et l'accomplis-
sement non-seulement de cette même loi, mais de tonte
la volonté de Dieu. D'où l'Apôtre conclut, écrivant aux
Gâtâtes et leur montrant t'abrogation de la loi écr'ite,
que J.-Ë. devait être formé en eux. Et parce que le Si.
Esprit nous rend capables de cette loi et qu'il est le
doigt de Dieu qui l'écrit et la forme sans cesse dans nos
cœurs, if est aussi la loi spirituelle qui nous lie et nous
unit à la Loi que Dieu nous propose. C'est de cette loi que
David a prophétisé.
L'Apôtre nous donne une quatrième réponse qui éclai r-
cit entièrement la précédente; car il nous oblige (Rom.
10. 17 et 18j de recevoir ce Ps. 18 comme une prophé-
tié de J.-C., de son Évangile et des Apôtres, qui l'ont
annoncé partoutle monde comme une doctrine du ciel.
Pour la bien entendre, il faut savoir que les créatures,
et spécialement les cieux, n'ont pas été créés seulement
pour leurs effets naturels, ni pour t'ornement, la néces-
sité ou l'utilité de l'univers, mais encore pour être au-
tant de signes et de témoignages que la nature porte de
son Créateur Cæli enarrant gloriam Dài. C'est même
là la principale intention de leur création et la première
relation de leur être, le service qu'ils rendent à l'homme
n'étant que la sr.conde. Ainsi la capacité des cieux qui
contiennent le monde la force de leurs influences qui
le pénètrent et le soutiennent la splendeur et la beauté
de leur aspect la solidité de leur être. que le temps
ne peut altérer la vitesse et la justesse de leurs mou-
vemènts, qui sont la règle etla loi des autres, sont an-
SUR L'lNTERPRETATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 355
tant de caractères naturels des perfections divines. Leurs
courses journalières et annuelles avec! toutes leurs
autres révolutions, qui mesurent le monde, ea renou-
vellent sans cesse la connaissance et les jours, en s'é-
coulant, laissent, l'un à l'autre, la commission dé pu-
blier à tout l'univers cet évangile naturel, qne les peu-
ples les plus éloignés ne peuvent méconnaître Dies
diei eructat verbum. Mais parce que la connaissance
que les cieux et le reste de la nature nous en don-
nent, nous laisse dans la nécessité et le désir d'en
savoir davantage, et que même, en nous excitant à la-
contemplation et au respect de leur Auteur, ils nous
rendent aussi témoignage dé leur insuffisance, est
nous font ressentir que la nature ne peut nous donner
la perfection de la-lumière ni l'accomplissement de la-
sagesse qui nous est nécessaire pour le connaître et le
servir, et que, par conséquent, c'est de sa miséricorde
et par sa grâce spéciale que nous la pouvons espérer-et
la devons attendre il a voulu qu'ils nous fussent aussi
des signes et même des promesses d'un Évangile plus
parfait, que sa bonté devait nous donner selon nos be-
soins et que la nature, qui porte les marques de sa pro-
pre indigence, portât aussi des rémoignages ét des assu-
rances du secours de sa gri:ee; et que les plus illustrés
créatures, qui sont lés-cieux, et qui déclarent plus hau-
tement sa majesté, nous fussent des figures et même
des arrhes de ses ambassadeurs divins qui viendront
accomplir ce que la prédication- céleste nous laisse à
désirer, en prêchant plus saintement et plus entière-
ment ses mervcilles-par tout le monJe Non sunt loque-
læ, neque sermones. Et parce que le soleil est le roi des
deux, et des astres, et l'origine de ta lumière qui donne
le jour et la vie au monde inférieur Dieu l'a créé pour
356 DISCOURS
être, dans l'ordre naturel, le symbole de J.-C. qui
pour épouser l'Église, est sorti du sein de son Père, que
David appelle ici sa chambre ou sa couche nuptiale
parce que la terre est bien le lieu de son mariage, mais
non pas de sa jouissance et venant du plus haut des
cieux avec une très-grande vertu il y est retourné, et
il fait sentir la force de ses influences à toutes les créa-
tures car il n'y en a aucune qui n'ait reçu, ou ne doive
recevoir, quelques effets de sa puissance lia sole posuit.
E.xullavil ut gigas. Et occursus ejus. De même la lune
est un symbole de l'Église, qui nous éclaire, dans la nuit
de cette vie d'une lumière empruntée de son Époux
qui est aussi son soleil. Dieu ne fit ces deux luminaires
qu'à la fin du quatrième jour du monde par une pro-
phétie réelle, parce que le soleil et la lune du monde
de la grâce ne devaient paraître qu'à la fio du 4* mil-
lénaire, quoique leur lumière fut donnée aux Saints
dès le commencement. Moïse remarque, en rapportant
la création des astres qu'ils ne furent pas seulement
créés pour diviser les saisons et mesurer les temps,
mais aussi pour être des signes. Nous pourrions prouver
par l'Écriture, si nous ne craignions la longueur, qu'il
a entendu des signes de religion. Aussi David (Ps. 135, 5)
dit que Dieu a fait les cieux in intellectu c'est un terme
prophétique, ou mystérieux pour faire entendre ou
siguifier quelque chose. La loi n'a pas été seule figure
de la grâce d des mystères de Dieu les Écritures nous
en proposent plusieurs autres; et même auparavant
le monde a rendu dès son origine ses hommages et ses
témoignages àl.-C., et l'a reconnu pour son maître dans
l'état de son innocence ,.avant que l'injustice et le men-
songe y eussent part, et le reconnaitra toujours malgré
l'iniquité.
SUR L'INTERPRÉTATlOl ABUSIVE DBS ÉCRITURES.357
Qui ne voit, par la suite de ce psaume, expliqué selon
S. Paul, que cette loi du Seigneur qui convertit les âmes
est cet Évangile de grâce, que les cieux annoncent dès
leur commencement, que le soleil de justice a donné
que les Apôtres ont publié et que David a prophétisé'
Car il est la vraie loi de sainteté qui seule justifie les
hommes; et Dieu la communiquait aux fidèles par fes-
prit de la foi, avant sa publication universelle. Qui ne
voil aussi que ce témoignage fidèle du Seigneur, qui
donne sagesse aux petits est celui même de J.C. ce
nouveau Seigneur qui a paru au monde et qui, après
son retour au ciel, à donné, par ses Apôtres le témoi-
gnage évangélique à tous les hommes, et surtout aux
petits Ces justices droites qui réjouissent les cœurs
sont celles de la grace chrétienne qui accomplissent
en nous la joie de J.-C. Celles de la loi mosaïque étaient
obliques, et n'avaient rien de la justice du Seigneur,
que par un rapport éloigné, qui ne justifie pas direc-
tement ses observateurs. Ce précepte de lumière qui
frappe les yeux de l'âme, est le précepte évaugétique
de recevoir J.-C., qui est la vraie lumière, dont les
préceptes de la Loi n'étaient que des ombres. Ils n'é-
clairaient pas même suffisamment les yeux de la chair
Præceptum Domini lucidum. La suite du psanme mon-
tre encore mieux la vérité de cette exposition; car cette
crainte sainte, que J.-C. nous a laissée, doit durer éternel-
lement. Celle des Juifs n'était pas vraiment sainte et ne
-devait durer qu'un temps. Nous avons expliqué les v.
suivants, 9, 10,11 12, en notre troisième réponse. Au
13e, le Prophète prie que ses péchés cachés lui soient
remis, ainsi que.les péchés d'autrui auxquels il pourrait
avoir pris part, ce qui vient à propos; car ils s'opposent
à la loi de J.-C. et nous empêchent de la recevoir: ce qui
3 58 DISCOURS
n'est pas vrai de la toi écrite qui ne regardait que l'exté-
rieur, et pouvait compatir avec le péché. Au 14e, il dit que
si ce qui est de lui, c'est-à,dire duvieil homme, ne domi-
nait point il serait sans tache car le nouvel homme
seul, qui est selon la loi de Dieu vivrait parfaitement en
lui Si tnei non fuerint dominati. Il ajoute qu'il n'aurait
point de part au trèsrgrand péché, je crois je péché
wère de tous les autres qui est de ne point recevoir
J.-C. Le St-Esprit reprendra le monde de péché, parce
qu'il u'aura pas cru en lui (Joan. 16. 8.) car laisser
J.-C., c'est tomber dans la nécessité de tout péché. Il
était nécessaire, au temps de David comme à présent,
de croire au Messie, pour en être préservé, et aussi
pour faire et dire quelque chose qui fut agréable à Dieu.
C'est pourquoi il ajoute au v. suivant que, s'il est déli-
vré de ce péché qui est le fondement de tout autre
c'est-à-dire, s'il n'est point en défaut à l'égard de J.-C.
et de l'obligation qu'il a de le recevoir, ses paroles et
ses méditations seront agréables à Dieu et erunt ut
complaceant eloguia oris mei.. Puis il conclut cette hym-
ne en appelant J.-C. sa force et son Rédtmpteur sans
lequel il ue pouvait rien, ce qui s'entend en toutes les
œuvres du nouvel homme contre le vieil homme à
Cause des paroles du v. 14 Domine, adjutor meus et De-
demptor meus.
Cette exposition a été longue; mais l'Église ne se
sert jamais de passages tronqués elle les prend tou-
jours entiers. Il y a cette différence entre elle et t'hé-
résine.
Pour la cinquième et dernière réponse, nous dirons
que les termes, employés par le Prophète, en ces deux
passages que nous expliquons, sont si équivoques dans
les Écritures, et ont une signification si vaste qu'on
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES, 35.0
ne. saurait fonder un article de foi, qui doit être préciset certain sur l'intelligence qu'on en peut tirer. Car,
sans une lumière extraordinaire, on ne pourra jamais
voir assez clairement pour avoir cette assurance divi-
ne, qui est nécessaire à la foi, quel est le sens que le
Si-Esprit qous aura voulu principalement faire enten-
dre. Toute que nous pouvons en ces textes ambigus,
c'est d'en tirer pour notre instruction un sens proba-
ble, en les conférant avec le reste des Écritures Sain-
tes. Celui qui prendra la peine de lire attentivement le
Ps. de David, et particulièrement le 118, verra que lemot de Parole signifie quoi que ce soit, comme celui de
Chose eu français. Le terme de Loi se prend pour toutes
les intentions de Dieu pour les saintes pensées et les
bous mouvements qu'il nous donne, pour les obliga-
tions que nous lui avons, pour ses perfections essen-
tielles et autres choses qui nous lient à lui, et pour Dieu
même. Les termes de Témoignage, Précepte, Jugement,
Justice Testament, signifient quelquefois une fëte, une
autrefois un mystère de Dieu ou bien une grâce, ou
uue punition comme aussi une ordonnance et mêmes
toute conduite en général et touies ses œuvres: parce
qu'elles se font toutes avec justice et par jugement, eut
que toutes rendent témoignage de sa puissance. Les
autres livres de l'Écriture Saintes éteudent encore da-
vantage la signification de ces termes.
L'hérésie n'apporte en sa confession de foi prétendue
que ces deux passages pour fonder le principal article
de .sa çroyance, qui est le fondement de toutes les au-
tres. Je me suis arrête longtemps à les expliquer, afin
qu'on vit clairement que le fondement de cette foi est
sans fondement dans l'Écriture, et que par conséquent
toute ,cette religion n'est fondée qu'en l'opinion erronée
36o DISCOURS
de ceux qui la reçoivent ce qui suffirait pour les dé-
tromper, s'ils en pouvaient juger sainement.
L'hérésie allègue à la marge de l'article suivant, qui
traite eucore de l'Ecriture, plus à propos en apparence'
le 3 ch. de la 2' Ép. à Timothée v. 15-16 17.
15. « Dès ton enfance tu as connoissance dés sainctes
lettres qui te peuvent rendre sage à salut, par la foy qui est
en J.C. « 16. Toute l'Escriture est divinement inspirée
et profitable à endoctriner, à convaincre, à corriger et
à instruire selon justice. 17. Afin que l'homme de Dieu
soit accompli et parfaitement instruit. »
Nous leur donnons quinze réponses dont une seule
suffit pour leur ôter ce passage.
La première est que S. Paul ne parle pas à tous les
chrétiens en ce lieu mais à un homme particulier au-
quel il savait que la grâce de bien user de l'Écriture
était donnée. On ne peut pas tirer une conséquence que
tous les hommes puissent ce que peut un Saint par la
grâce spéciale que Dieu lui a communiquée. Si ce texte
se trouvait dans une lettreadressée à tous les chrétiens,
on n'en pourrait même conclure autre chose, sinon
que tous les chrétiens auxquels Dieu en ferait la grâce
pourraient user des Écritures à salut mais non pas
qu'ils en useraient avec la certitude nécessaire pourdonner la foi, à cause de l'incertitude de l'homme, et
de sa facilité à perdre la grâce et à abuser des dons de
Dieu. Étant écrite à un particulier, on n'en peut rien
conclure, sinon que S. Timothée, qui est ce particulier,
pouvait user à salut des Écritures. Si l'hérésie dit qu'en-core que cette lettre soit écrite à un particulier, le
St-Esprit, qui a voulu qu'elle fût mise dans le corps de
la sainte Bible, l'a exposée à tous les chrétiens pour leur
dification, le répondrai que cela ne change pas les pa-
SURL'INTERPRÉTATIONABUSIVEDESÉCRITURES.361
16
roles ni le sens de l'Epitre, et que le St-Esprit ne nous
oblige pas pour cela de croire autre chose que ce qu'elle
dit; mais au contraire nous devons nous arrêter, sans
en abuser, à ce qu'elle nous enseigne, queS. Timothée
pouvait bien user des Écritures qu'il avait lues dès son
enfance.
La seconde, que cette Épltre est adressée à un évéque
qui, par vocation spéciale est Pasteur de l'Église,
et obligé par devoir d'exposer les Écritures Saintes et
d'en user tant pour son salut que pour celui du peuplede Dieu. Ainsi, quand on en voudrait tirer quelque con-
séquence pour d'autres il faudrait que ce fût pour des
évêques encore ne le pourrait-on qu'à raison de leur
devoir et de leur état, et non à raison de leur personne.
Et néanmoins cette conséquence n'est pas certaine,
puisqu'elle ne se trouve pas dans le texte, qui ne parle
que de S. Timothée, et ne dit rien des autres évêques,et que d'ailleurs la raison et l'expérience nous montrent
qu'il y a beaucoup d'évêques qui ne sont pas semblables
à Timothée.
La troisième, que ce que nous avons dit jusqu'ici tire
suffisamment Timothée du commun des autres hommes;
et d'ailleurs la familiarité de S. Paul, les instructions
privées qu'il en avait reçues l'expérience que l'Apô-tre avait de la grâce qui lui avait été donnée son édu-
cation sainte en la crainte de Dieu par sa pieuse mère,
sa coopération fidèle à l'instruction qu'il en avait reçue,
dont Dieu même rend témoignage aux Actes, 16, l'étude
des Saintes Lettres,dès son enfance, lorsque la Tradition'
qui les devait faire entendre aux Juifs vivait encore, ce
qui se prouve aisément par les Écritures ses vertus
admirables qui le rendaient conforme à S. Paul, de
quoi cette épitre fait foi, sont. autant de circonstances
362 DISCOURS
particulièresquilemettentdansun casexceptionnelquinepeuttireri conséquencepourlesautres.
L'hérésieusurpel'autoritédejugerl'ÉglisedeDieupardesloisqu'elleàconçuesdanslaprésomptiondesonesprit.et qu'elleveut,sansautoritéaucune établirsursesenfantsellene peutdoncse plaindresi nousla jugeonspar sesmêmeslois.C'estsuivrel'Évangilequede lamesureret réglerparla mesureetparlarè-glequ'ellea vouludonner,en l'obligeantdeseconte-nirdanslesensprécisdutexte,etenneluipermettantpasdes'étendredavantage,nid'imposeraupeuplecré-duleplusquecequ'ildit CesLettressacrées queSt.Timotbéeavaitluesen sonenfancenepeuventêtrequecellesde l'Ancien-Testamentsonâgenousmon-tre assezclairementquelespiècesquenousavonsduNouveaun'étaientpasécritesen ce temps-là.SidonccetteEpitre jusqu'auv.15 neparlequedecellesqu'ilavaitapprisesensespremièresannées,ilfautqu'ilss'yarrêtent ouqu'ilscherchentunautrepassagepourlesÉcrituresduNouveau-Testament,ouqu'ilsconfessentqu'ilsn'ontd'autoritétextuellequepourl'Ancien,etquec'est, ou partradition,oudeleurbonnevolontéqu'ilsjugent lesécritsdu Nouveaudignesde leurcroyauce.Encorepourrions-nousleurdireavecraisonques'ilsnelesontétudiéesetmêmeenteuduesetap-prisesdèsleurenfance,commeavaitfaitS.Timothée,il nesuitpasdecetexte,paruneconséquencecompa-rative,qu'enles lisantilspuissentêtresagesàsalut;car làoulescomparaisonssontdéfectueuses,lescon-séquencescomparativelesontaussi.
(IcifinitleDiscours.Lesréponsessuivantesquileçom-plètentontététiréesdequelquesmémoireslalinsduP,deCondrenet fraduites« français.)
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 363
La quatrième réponse est qpe S. Timothée avait ap-
pris les Saintes Lettres dès son enfance; qu'il pouvait
par conséquent en faire un bon usage, ce que ne peu-
vent pas ceux qui n'en ont pas eu la même connais-
sance.
La cinquième, que les Écritures sont utiles à la véri-
té, mais c'est par la foi en J.-C., comme le dit ici
l'Apôtre, parlant à ceux qui n'ont pas cette véritable
foi, tels que les hérétiques: à de telles personnes elles
ne sauraient être utiles.
La sixième que l'Apôtre ne parle en cet endroit quedes Écritures de l'Ancien-Testament que S. Timothée
avait apprises dès son enfance; car quant aux autres
elles n'étaient pas encore, et il est hors de doute que
l'apôtre S. Paul n'a pas voulu donner pour règle de la
foi ces seules Écritures de l'Ancien-Testament, que les
hérétiques mêmes ne voudraient pas recevoir exclusi-
vement.
La septième, que ces premières paroles du v. 14:
Quant à toi demeure ferme dans les choses que tu as
apprises, font voir clairement que l'Apôtre parle d'un
homme qui a déjà été instruit et non d'un autre qui
n'aurait pas reçu lés mêmes instructions.
La huitième, que les paroles suivantes du même v.
Et qui t'ont été commises. font voir clairement
qu'il parle à un Pasteur, ou autre ayant charge en l'É-
glise par conséquent, elles ne font pas règle pour le com-
mun des chrétiens.
La neuvième, que les dernières paroles qui terminent
le v. « Sachant de qui tu les a apprises n montrent en-
core plus ouvertement que la doctrine chrétienne doit
être reçue d'un maltre légitime et approuvé,avaot que
d'avoir recoars aux Saintes Écritures.
364 DISCOURS
La dixième, que le v. 16 dit seulement que l'Écriture
est utile, et non qu'elle soit une règle nécessaire ou le
fondement de notre foi.
La onzième, que ce terme TOUTE dans le langage de
t'Apôtre qui dit toute Écriture, se prend en cet endroit
séparément et pour chaque partie de l'Écriture; d'où il
s'ensuivrait, si ce passage favorisait les hérétiques que
l'Apôtre aurait dit que chaque partie de l'Écriture, prise
à part, serait la règle de notre foi conséquence qu'eux-
mêmes ne voudraient pas admettre.
La douzième que les termes de l'Apôtre L'Écriture
est utile pour enseigner, pour repreudre pour corri-
ger et pour instruire eu justice » se doivent mieux et
plus véritablement entendre pour être adressées aux
autres plutôt qu'à soi-même. Car S. Paul parle à Timo-
thée, qui était Evêque et Pasteur, à qui par conséquentil appartenait d'office d'enseigner, de reprendre, de
.corriger et d'instruire les ouailles de J.-C. ce qui assu-
rément ne fait rien pour l'opinion des hérétiques quiveulent que chacun puisse devenir savant par lui-même
eh lisant les Écritures.
La treizième, que cette perfection entière et accom-
plie de l'homme de Dieu, qui doit être l'instruction et le
but principal du Pasteur, n'est point rapportée à la lecture
de l'Écriture-Saine mais à l'érudition et à la correc-
tion qui en est faite par le Pasteur, comme les parolesde l'Apôtre le font voir. Ainsi elles n'établissent pointles Ecritures pour règle de la foi.
La quatorzième, qu'il n'est pas dit en cet endroit quecet homme de Dieu fasse rien qui contribue à sa per-fection, laquelle dépend de Tinstruction qu'il recevra de
son Pasteur. Les hérétiques rapportent donc très-mal à
propos le témoignage de l'Apôtre pour montrer que
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES 365
chacun peut obtenir le salut en faisant usage des Écritu-
res par lui-même.
La quinzième et dernière, que l'Apôtre, en cet endroit,
par l'homme de Dieu n'a pas voulu parler d'un homme
en particulier, mais de celui que l'Écriture-Sainte ap-
pelle un nouvel homme, qui comprend J.-C tout en-
tier avec tous ses membres, à la perfection duqnel Ti-
mothée et les autres Pasteurs et Docteurs de l'Église,
sontobligés de veiller et de concourir, comme l'enseigne
le même S. Paul, aux Ephésiens, 4. 11. 12. 13, ce qui lui
est très-familier, car un homme en 'particulier n'a pas
pu être entièrement parfait et instruit à toute bonne œu-
vre, comme le souhaite ici l'Apôtre, tandis que cela est
possible pour ce nouvel homme qui doit être sans tache
et sans rouille et dont la vocation est d'accomplir par-
faitement toutes les œuvres de Dieu.
Il faut remarquer qu'il n'est pas nécessaire que tou-
tes nos réponses soient indubitables car les douteuses
mêmes suüiseni à prouver que la foi des hérétiques ne
peut s'appuyer sur ce témoignage incertain des Écritu-
res.
Quatrième témoignage de l'Écriture, cité par l'héré-
sie (1. Cor. 4. 6.) (Version de la Bible de Genève.ra Or, mes frères, j'ay tourné cela par une façon de
parler sur moy et suc Apollo à cause de vous, afin
qu'appreniez en nous, que personne ne présume outre
ce qui est escrit, à celle fin que l'un pour l'autre ne
s'enfle contre autruy. » Le texte grec porte Afin qu'ap-
preniez en nous de n'avoir point de sentiments outre ce
qui est écrit et que vous ne vous ënliiez point l'un
contre l'autre par-dessus autrui.De ce passage les hérétiques infèrent qu'il ne faut
rien croire que ce qui est écrit, et ainsi que l'Écriture-
Sainte doit étre la règle de la Foi.
366 DISCOURS
Jeréponds,premièrement,que le sensdél'Apôtreest assezfacileà tousceuxquilelirontattentivement,à savoirqu'ila écritceschosesdelui-mêmeet d'âpollopourl'instructiondesCorinthiens,afinquepasund'euxn'aitmeilleureopinionde lui-mêmequecequi a étéécritdes Apôtres,c'est-à-direqu'aucunne s'estimeplusquesoncompagnon,ou ne s'élèveau-dessusdet-èluiquia-étéchoisipourministreoudispensateurdesmystèresdeDieu
Secondement,quelesplusdoctesd'entreleshéréti-quesneproduisentpointce témoignagequoiqu'ilontêtrean deleursprincipaux;cequimontreassezqú'itsn'ontpascruqu'ilpûtêtre apportépourconfirmerleurdoctrine,selonle sensdel'Apôtreetla véritédutexte.
Troisièmement,qu'ilconste,tantdecepassagequedesautresËpitresdeS.PauletdesautresApôtres,quela doctrinechrétienneneseproposaitpointaupeupleparécrit carS.Paulavaitfondél'ÉgllsedeCorintheetApollol'avaitarroséeetnéanmoinsils n'avaientnil'un uil'autrelaisséparécritce quelesCorinthiensdévaientcroire et le mêmeApôtrechapitre2. 10ditmanifestementqu'ilavaitacquislasciencedetafoi,nonparl'Écrituremaisparle donduSt.-Esprit,cequ'iltémoigneaussiailléurs.
Cinquièmetémoignagecitéparl'hérésic (Cat.t. 8.et9.)
Orsinous-mesmes,ouunAngeduCielvousévan-
gétizéautrementquenousnevousavonsévangélizé,qu'ilsoitmaudit ainsiquenousavonsdesjadit,main-tenantaussijedyderechefSiaucunvousévangélizeautrementquecequevousavezreceu,'qu'ilsottmau-dit.»(Bibl.deGen.)
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSlVE DES ÉCRITURES. 367
Je répénds premièrement que ce passage ne fait rien
pour confirmer la doctrine de l'hérésie; car l'Apôtre 88
dit pas, outre ce qu'il avait écrit mais entre ce qu'il
avait préchè, et ce qu'ils avaient reçn de lui.
Secondement, qu'il parait clairement par les v. 6. 7
et 11 do même chapitre, et 2. 7 et !4 du chapitre 3., que
cette particule ontre doit s'entendre de tout l'Évangile,
c'est-à-dire Si quelqu'un prêche un autre Évangile,
qu'il soit anathème; ne pouvant pas y en avoir un autre.
Car si quelqu'un vient à édifier sur cet Évangile reçu
par tradition sans doute il aura la même récompense,
comme dit l'Apôtre 1. (Cor. 3. Il.) et si quelqu' autre
vient à donner plus de lumière à cet Évangile ou l'en-
seigneur plus parfaitement et plui pleinement comme
fait S. Paul efl cette Épltre il ne sera point anathème,
non plus que celui qui, ayant premièrement donné le
lait donne ensuite la viande solide de l'Évangile
Troisièmement, que le témoignage de l'Apôtre ainsi
que plusieurs autres réfute clairement ta doctrine de
l'hérésie car Il montre que l'Évangile qui a été donné
par tradition aux Galates n'a point été écrit, mais seu-
lement commis à la foi et à l'Esprit de Dieu ce qu'tt
serait superflu de montrer par plusieurs parolcs de celle
Epitre, ceta étant très-clair par tes v. 2 et 5 du chapitre
5, oà il montre que la foi vient de l'oule.
Sixième témoignage, (2. Ep. de A Pierre, 1. 19. 26. 21.)
« Nous avions anssi la parote des Prophètes plus fer-
me, à laquelle vous faites bien d'entendre comme à
mir chandelle qui escalaire es lien obscur, jusques a ce
que le jour commence luire, et que l'Estoite du matin
se lève en vos cœurs. Si vous entendez premièrement
que nulle prophétie de feseritare n'est de particulièrement
déclaration. Cela Prophétie n,a point est jadis apportés
368 DISCOURS
par la volonté humaine mais les Sainets hommes de
Dieu, estaus poussez du Sainct-Esprit, ont parlé. e
De ce Lexle, les hérétiques tirent leur preuve les uns
d'une façon, les autres d'une antre tous faussement.
Toute la question réside dans le v. 19; car les v. 20 et
21 n'ont rien qui puisse être réduit en controverse.
La première réponse donc que nous donnons au v.
19 est que S. Pierre ne commande autre chose qu'une
grande attention aux Ecritures ce que pas un chrétien
ne refuse. à;
La seconde qu'il s'agit en cet endroit seulement des
Prophètes de l'Ancien-Testament, que les hérétiques
n'admettraient pas comme l'entière règle de la Foi.
La troisième, que S. Pierre recommande d'être atten-
tif aux Écritures, seulement pour un temps c'est-à-
dire jusqu'à la réception de la grâce Évangélique, et de
la foi à laquelle il donne le nom de Lucifer ou d'Aurore;
car ce qu'il appelle le jour c'est la vie éternelle. Cela
fai: voir que ce témoignage est inutile après la publica-
tion de l'Évangile, et serait plutôt une preuve que les
Écritures dont il parle ne seraient pas à présent néces-
maires.
La quatrième, que ce texte semble plutôt diminuer l'u-
sage et l'autorité de ses Écritures car, en premier lieu,
il préfère la lumière intérieure qui illumine les coeurs,
qu'ilappelle Lucifer ou Porte-lumière,et propose la foi de
l'Évangile qui nous montre les vérités bien plus claire-
ment que ses anciennes Prophéties. En second lieu, il ap-
pelle ses Écritures, non un Soleil ni une Aurore, mais
une certaine lueur enveloppée de nuages et d'obscurités,
qui ne peut encore donner la lumière. En troisième lieu,
il ase du terme comparatif, non pas pour augmenter sa
preuve commeil parait, mais pour la diminuer, comme
SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES CRITURES. 369
on fait souvent dans le discours ordinaire car c'est
comme s'il disait Vons avez la parole prophétique quivous doit être nn assez ferme témoignage. Car comment
pourrait-il préférerla parole prophétique au témoignage
que le Père éternel rend de son Fils ? Et les paroles
suivantes montrent aussi que cette lumière de la pro-
phétie environnée de ténèbres ne doit point être com-
parée à la foi évangélique que S. Pierre enseignait,
non par écrit, mais par parole et tes hérétiques, au
milieu de cette obscurité, ne prennent pas garde que les
témoignages qu'ils rapportent sont contraires les uns aux
autres.
DISCOURS
SUR L'ASTROLOGIE
FAIT À LA DEMANDE DB Mgr Lt CABDINAL DE RICHELIEU.
MONSEIGNEUR,
Le respect que je dois à votre Éminence me fait
passer par-dessus l'intention que j'ai toujours eue de ne
jamais écrire sur l'Astrologie; tant à cause que cette
science est ordinairement suspecte aux personnes de
piété, vu l'abus que plusieurs en font en y mêlant des
curiosités illicites, que parce qu'il me serait nécessaire
de m'en instruire davantage pour en traiter à fond,
n'y ayaut plus pensé depuis l'àge de dix-neuf ans que
j'en pris connaissance, en étudiant les mathématiques.
Je ne m'en suis en effet servi depuis, que pour délivrer
d'une appréhension chimérique ou d'une espérance
vaine, les esprits trop occupés des prédictions qui leur
avaient été faites contre la vérité de cet art (et votre
Eminence n'a su que j'y entendais quelque chose, que
par une rencontre de ce genre, s'il lui plaît de s'en res-
souvenir) ou pour retirer d'inquiétude de conscieuce
et de scrupule ceux qui, ne voulant pas se résoudre à
quitter entièrement cette science, n'en savaient pa s régler
l'usage légitime ni modérer la prévoyance qu'on en peut
tirer. Je crois que c'est ce que votre Éminence me com-
manda d'écrire. Je ne puis faillir en lui obéissant, car
l'obéissance a cela de propre quand elle est légitime
qu'elle couvre son action de l'autorité qui la régit et
sauve de tout blâune celui qui obéit. Et la lumière de
SUR L'ASTROLOGIE. 371
votre esprit, qui a été aussi admirée dans les sciences
epr'etle l'est maintenant de tout le mondedans les affai-
res est si vive et si pénétrante que je dois avoir la
même intention queceux qui envoyaient autrefois leurs
tcrits à Apolion de Delphes, pour en tirer un oracte de
vérité, qui les approuvât, ou fit voir leurs défauts.
Pagina judiciant docti subitur a movetur
Principis, et Clario missa legenda Dec.
Liv. 1. Fast.)
Car votre Éminence est conduite par un esprit plus
véritable .et plus charitable que cet oracle trop renom-
me dans -l'autiquité. Aussi j'en dois plus attendre
de lumière et de vérité et me dois présenter à elle
avec plus de respect, puisque c'est eu elle que Dieu
a mis l'oracle de son conseil pour le gouvernement de
son peuple.Je traiterai cette matière avec toute la brièveté pos-
sible. Je commencerai par l'examen des Écritures, et
par les témoignages de l'Église et de ses Saints, afin que
leur lumière nous éclaire et nous guide dans l'igno-
rance, où la raison de l'homme est comme ensevelie.
Ou apporte ordinairemeut contre l'Astrologie les pa-
roles de S. Paul aux Gâtâtes 4. 10 Dies observatis
et mêmes, et tempora, et annos tirueo vos ne forte sine
causa laboraverin in vobis mais l'Apôtre ne parle que
des observances de l'ancienne Loi. Il dit des jours à
causedé leurs sabaths et autres fêtes; des mois, àcause
des premiers jours des mois qui étaient leurs Néo-
ménies, et des premiers et septièmes mois qui conCe-
naient leurs principales solennités des années. à-cause
de l'an du sabath, et' du jubite il ajoute, des temps
mesurée par les choses mêmes qu'il fallait observer,
372 DISCOURS
comme la purification des femmes après leurs couches,
l'oblation des premiers fruits et autres choses sembla-
bles. L'Apôtre (Coloss. 2, 16), s'exprime de manière à
ne laisser aucun doute Nemo ergo vos judicat in cibo
aut in potu, aut in parte diei festi allt Neomeniœ, aut
Sabbatorum quœ sunt umbra futurorum On cite aussi
Jérémie, 10. 2. A signis cœli nolite metuere. La suite
du texte montre que les signes du ciel étaient fabriqués
de bois, d'or et d'argent, et qu'il y avait des lois qui obli-
geaient à les honorer. C'étaient donc des idoles du ciel
c'est-à-dire des colosses et autres figures moindres du
soleil, de la lune et des étoiles que les lois baby-
loniennes obligeaient de révérer; car les Babyloniens
adoraient le soleil, et l'appelaient leur dieu, au sin-
gulier, et révéraient conséquemment les astres comme
sa milice, son armée et sa suite ce sont les termes
de l'Écriture. Les histoires profanes et les livres sacrés
en font foi. Ce fut la première chute et la première
idolâtrie des Juifs dans le désert et le fondement des
autres, qui leur méritèrent le châtiment de Dieu et la
captivité à Babylone. Saint Étienne le dit aux Actes 7. 42
et 43. C'est pourquoi le Prophète les avertit plus par-
ticulièrement de ne plus s'y laisser aller. Le même
Prophète, en son Épitre adressée à ceux qui devaieo t
alleren captivité, et rapportée par Barucb, 6, qui est le
sommaire de ses instructions sur le même sujet au
même peuple et pour le même lieu de Bahylone
montre quel est son sens et son intention, au verset
59., où il dit que les idoles ne sont en rien semblables
au soleil, à la lune, aux 'étoiles, ni aux tonnerres
ni au vent, ni au feu qui sont toutes choses
du ciel, ou vers le ciel; et au verset 66., qu'ils ne
peuvent faire voir leurs signes au ciel c'est-à-dire ou
SUR L'ASTROLOGIE. 373
leurs astres, ou en leurs astres; pour montrer quec'est à tort qu'on les estime dieux ou idoles du ciel,
comme chez les Latins Apollon, Diane, Éole, Vnlcain
car à Babylone on leur donnait d'autres noms. Nous
pouvons ajouter, pour faire voir combien le sens des
paroles du Prophète Jérémie est éloigné de celui qu'on
veut leur donner contre l'Astrologie que ce que l'E-
criture appelle plus communément signes du ciel
ne sont pas les astres (il n'y a que deux passages dans
toute l'Écriture sainte où le terme de signes soit
pris ainsi), mais les changements les apparitions, les
merveilles.ou phénomènes qui paraissent au ciel Erunt
signa in sole et luna. Signum de cœlo apparuit, signum
magnum in cœlo. C'est son usage ordinaire, et les païens
faisaient une religion de tels signes du ciel. Il y aurait t
donc bien plus de sujet de croire que le Prophète au-
rait voulu dire au peuple qu'il ne fallait point craindre
les signes qui apparaissent au ciel, comme lescomètes,
les lances, les chariots et les armées de feu qu'ils voyaient
parfois au ciel les pluies de sang et do pierres les
obscurcissements ou la multiplication du soleil et de la
lune, que les enchanteurs faisaient voir les chutes des
étoiles, ou leurs mouvements extraordinaires, et autres
prodiges semblables qui étaient plus fréquents avant
la Rédemption, alors que les démons étaient plus ab-
solument rectores tenehrarum harum, et que celui que
l'Apôtre appelle Principem potestatis aeris hujus, (Eph.
22), régissait fair. Car ill y avait des lois publiques qui
obligeaient les peuples craindre et à révérer ces si-
gnes, et qui ordonnaient des sacrifices, des proces-
sions, des prières publiques, et autres choses sem-
blables, pour l'expiation de tels prodiges, auxquel-
les on pourrait rapporter ce que dit le texte Quia
374DISCOURS
leges gentium vanæ sunt et juxta vias Gentium notite
discere. (Jer. t0); car on avait coutume de faire une étude
de ces superstitions. Pour l'Astrologie il n'y a jamais
eu parmi les gentils des lois publiques pour l'autoriser
mais bien quelquefois pour la baunir. Elle a toujours
été une science assez particulière soit qu'on ne l'ait
pas estimée assez fondée, soit qu'on ait redouté les
difficultés à surmonter pour connaître la nature et la
vertu particulière des astres et pour asseoir un juge-
meut certain sur les autorités souvent contradictoires,
des auteurs qui en traitent. Ne pouvant donc être une
science vulgaire, on ne peut la traiter d'une manière
utile qu'à force de jugement et de prudence.
En dernier lieu, quand il faudrait entendre par les
signes du ciel les astres comme le Prophète dit
A signis cœli notite metuere, ce ne serait jamais que
les effets ou les influences des astres, et non pas l'As-
trologie qu'il faudrait craindre, Or il est faux qu'on ne
doive pas craindre les influences de ces corps célestes;
car on peut craindre raisonnablement la chaleur du
soleil, quand il est trop près, et la froideur du temps
quand il est éloigné, les aspects malins de Saturne
et de Mars qui peuvent troubler l'airet le rendre incom-
mode, les constellations qui excitent les tempêtes sur
mer et cettes qui nuisent aux fruits de la terre on
peut user de prévoyance pour se garantir du mai qu'elles
peuvent causer. L'Index du concile de Trente permet
pour ce sujet l'usage de l'Astrologie pour tes voyages
sur mer et pour le labourage. Il n'y a donc pas lieu
de s'appuyer snr l'autorité dn Prophète, en ce passage,
contre l'Astrologie, puisqu'elle est si éloignée de son
intention et du sens de ses paroles.
Le Prophète fsaié n'est pas cité plus à propos que
son L'ASTROLOGIE. 375
Jérémie, au ch. fI7: 13. Stent, et salvent te augures
ca'li, qui contemplabantur sidera, et sapputabant menses
ut ex eis annantiarent ventura tibi. Car il dit seulement
que tes augures du cïel astrologues ou non ne pour-
ront sauver Babylone de la main de Dieu, ni s'opposer
à sa puissance. Au verset 15., il dit la même chose
des marchands et souvent ailleurs de la puissance
de leur empire et de l'adresse de leurs conseils. Or
il ne s'ensuit pas que toutes ces choses ne puissent
rien quand Dieu les laisse agir ou qu'elles soient
itticites. Les Septante ont traduit ici tes astrologues
du ciel », parce qu'ils étaient en Egypte où ceux qui
devinaient par tes astres étaient appelés ainsi. La ver-
sion commune est meilieure car Isaïe parle à Baby-
lone, qui les appelait Mages ou Augures du ciel pou r
les distinguer de ceux qui auguraient par les choses de
la terre. Il ne faut donc pas t'entendre selon l'usage
reçu en Egypte; et le mot cali ne vient pas bien avec
Astrologie; il est superflu et contre l'usage, puisqu'il
n'y a point d'astrologues qui ne le soient du ciel: c'est
d'ailleurs restreindre l'Écriture aux augures des astres
et exclure les autres augures du ciel, ce qui ne se doit
pas faire sans sujet. Le texte dit Stent et salaent te. Les
augures des astres étaient debout en leur ministère, ce
qui est la situation des prêtres et des sacrificateurs
dans leur office. Ils ne jugeaient pas seulement de l'ave-
nir par les signes qui leur paraissaient au ciel mais ils
apaisaient les dieux, et les rendaient propices selon
la croyance des gentils, aux villes, aux personnes et
aux affaires, par leurs prières, leurs cérémonies et leurs
sacrifices. Les augures.qui prédisaient par le vol des
oiseaux devaient être assis et arrêtés fixement eu un
lieu, sur leur chaise auguràle qui était solide ils priaient
376DISCOURS
et apaisaient les dieux comme les autres. Les astrolo-
gues nesont pas obligés d'être debout, ni d'être arrêtés par
office ils ne font aucune prière et ne sauvent person-
ne ils ne peuvent ni ajouter, ni diminuer aux influen-
ces des astres et ainsi les termes du texte ne leur con-
viennent pas, augures cœli car ils n'augurent rien et
ne devinent rien mais ils supputent les j ours des astres,
et considèrent quelle sera leur situation à l'avenir, et,
par la connaissance de leur vertu ils jugent, comme
philosophes, de la cause par l'effet sauf ce que Dieu
les anges et les hommes voudront, ou pourront dé-
tourner par leur conduite.
Les augures prétendaient prédire les choses en parti-
culier et avec certitude, sur la connaissance- que leurs
dieux leur en donnaient, les uns par les étoiles et
ceux-là s'appellent proprement augures des astres; les
autres, par le vol des oiseaux d'autres par le cours des
orages et la chute de la foudre. Le paganisme appelait
les uns et les autres augures cœli. L'Écriture nomme
en ce sens volucres et signa cœli ou de cœlo, ce qui pa-
rait en l'air. Tous étaient prêtres et sacrificateurs, per.
sonnes consacrées aux dieux, et prophètes. Ils avaient
des livres sacrés de leurs mystères et de leur ministère.
Chez les Latins, on appelait Astrales les livres qui con-
tenaient les règles pour les prédictions par les astres
et Astrologi les augures qui en faisaient profession
Fulgaratores, les augures des tonnerres, et leurs livres
Fulgurales et Auspices ceux qui prédisaient par les
oiseaux. Ils usaient tous, dans leur ministère, de
vêtements d'office qui étaient sacrés: il ne leur était
pas permis d'y vaquer en habit ordinaire ou profane
qui contemplabantur sidera. Les astrologues ne sortent
point de leur cabinet pour dresser les tables de leurs
SUR L'ASTROLOGIE.377
prédictions ils ne regardent point les étoiles au ciel
qui ne seraient pas entre elles dans l'ordre et l'aspectsur lequel ils doivent juger de l'avenir. Si parfois ils
les contemplent an ciel, ce n'est pas pour prédire mais
pour apprendre leurs mouvements et en dresser les
lois. Ce que le Prophète dit serait faux de cette étude
des astres Quicontemplabantur sidera ut annuntiarent
exeis ventura tandis que c'est vrai des augures du ciel,
qui prédisent sur les signes arbitraires et variables quileur paraissaient au ciel par la permission de leurs
dieux mais qui négligeaient les lois naturelles du ciel,comme choses fatales, auxquelles les dieux mêmes ne
pouvaient rien changer. Ainsiils considéraient si le soleil
leur paraissait pâle, ou enflammé ou sombre, ou si
la couronne ou le cercle de lumière qui l'environne et
rayonne autour de lui s'étendait peu ou beaucoupils faisaient attention si la lune était noirâtre ou argen-
tée, ou nébuleuse, ou sanglante. et ainsi des autres
astres.
Le passage de Job. 31-26 ne peut être bien entendu
autrement Si vidisolemcumfulgeret, et lunam inceden-'
tem clare et lætatum est in absconditocormeum et oscu-
latus sum manum meamore meo. Quœest iniquitas maxi-
ma, et negatio contra Deumaltissimum. Car juger parla pureté et la vivacité de la lueur du soleil, et par laclarté de la lune, que les astres nous regardent de bon
œil et nous sont propices et se réjouir en son cœur de
leur faveur, comme de l'amitié des dieux témoignée
par la netteté de leur face et l'éclat de leur lumière etleur baiser la main (ce qui est un signe d'honneur et
de révérence en action de grâce de leur bienveillance)c'est méconnaître Dieu leur créateur, et commettre
une idolâtrie manifeste. Ces augures du ciel existaient
donc déjà du temps de Job.
578DISCOURS
Les livres des païens sont remplis de cette sorte de
divination. Ainsi Virgile, 1. 1. &-ôrg. sub nem dit
Sol tléi signa dablt solem quis ditere falsum
Audeat ? Ille etiam cæcos irutare tumultus
Sæpe monet, fraudemque et operta tamescere bella
Ille etiam, extincto miseratas Cæsare Roman,
Cum capot obscura nitidum ferrugine texa
Impiaque aternamtimaerant seerta noctem.
Tels ou tels changements qui paraissaient au ciel ou
aux astres à point nommé à la prière de l'augure dans
l'instant de sa cérémonie, étaient des Illusions produi-
tes dans tes airs ou dan! tes yeux des assistants par le
démon, que l'Apôtre appelle Principem potestatis aeria
hujus ce qu'il était bien plus avant la Rédemption qu'à
présent. Les augures qui devinaient par les orages et par
tes oiseaux du ciel, auxquels les Babyloniens avaient
beaucoup de foi, sont aussi compris ici car ils obser-
vaient les astres en leur manière. Les derniers assis sur
:a chaise augurale divisaient premièrement avec leur
verge, appelée par les Latins tituus, te ciel en quatre
parties nommées Antica, Postica, Læva, Dextra; paie
en douze autres parties qu'ils appelaient Templa cœli,
dans lesquelles ils plaçaient les astres comme leurs
dieux, sans égard à leur lieu naturel, excepté le soleil
et la lune quand elle leur paraissait sur l'horizon, suivant
uniquement les règles de leur art en cette répartition
artificielle et superstitieuse. Car ils ne voyaient pas les
étoiles de jour, et toutes n'étaient pas sur leur horizon, et
ifs ne savaient pas l'astronomie pour connaître scienti-
liquement leurs ptaces respectives.
Post quamrite diupartiti sider a cunctas
Per/e6ere animis, oculisque sequacibus auras.
StTR L ASTHOLOGIE.379
C'est-à-dire selon leur art et leur usage ordinaire
diu en regardant longtemps et arec grand soin partiti
aidera, ce qui n'est pas observer la ptace des étoiles,
mais les partager et les distribuer dans le ciel eu leur
désignant un lieu particulier; ils considéraient après en
quel temple du ciel, et sous quel astre les oiseaux
volaient. chantaient, on combattaient.
Turc omnis in astris consonet arcrana volacris. etc.
Ils croyaient que les astres donnaient cette divination
aux oiseaux, et principalement le soleil et la lune.
Metellus, grand pontife à Rome, défendit de prendre
les Augures, sur les affaires importantes qui pouvaient se
différer, après les Ides du mois d'août, jusqu'à la fin
de l'année parce qu'alors le soleil s'éloigne de nous
belon son cours annuel et après midi, parce qu'il s'a-
baisse selon son mouvement diurne ou quand la lune
est à son déclin. Plutarque (Rom. quæst 9. 35) dit que
l'heure qu'ils estimaient la plus favorable était celle du
soleil levant, etnon celle qui précède. Les douze tem-
ples ne sont pas les douze maisons des astrologues, car
tous les douze étaient sur l'horizon. Cette répartition du
ciel était purement superstitieuse et fondée en rien sur
la nature elle n'avait égard qu'à ta convenance des
augures. Ces derniers faisaient une attention particu-
lière au mois au jour, et à l'heure qu'ils consultaient
le ciel par la raison que nous avons dite du déclin du
soleil, etc.
Ils observaient les mois et les jours malheureux pour
les états, les personnes its évitaient les jours dédiés
aux dieux des nations ennemies, comme les dieux de
Carthage, ea consultant pour Rome, ou ceux de l'E-
gypte pour Babylone. Par le commencement, le milieu
et la fin du mois ou au jour ils jirgeaient du bonheur
380 DISCOURS
on du malheur des affaires proposées en leur commen-
cement, en leur milieu on leur fin. Les augures des
astres supputaient les jours et les mois avec plus de su-
perstition encore. Il y avait entre eux une attribution
de certains nombres aux astres aux jours et aux mois,
qui, par sympathie, devaient décider les astres à leur
donner des signes de l'avenir. Ils les prononçaient, tra-
çaient des signes sur la terre ou sur une tabie et
ajouraient le mois le nombre du mois, le jour et le
nombre du jour. Ceux qui sont adonnés à la Géomanciefont quelque chose de semblable. Ils faisaient des prières
qu'ils accompagnaient de certaines cérémonies et c'é-
tait en effetun enchantement qui leur faisait paraltre des
prodiges dans le ciel. Lesdits nombres ne sont autre
chose que les nombres babyloniens dont sont remplitnon-seulement les livres de superstitions mais une fouled'autres.
Tu ne quuesieris seire, (nefai) quem mihi, quem tibi
Finem du dederint, Leuconoe; nec Babylonios
Tentarls numeros, ut melius, quidquid erit pati, etc.
(Horal. t. 1. ode 11.)
dt figulus, eul cura Deos seerelaqae cieti
Nosse fuit, q- non stellarom Egyptia Memphis,
Equarel visu, numerique moventibus artra.
(Lucan, Phars. .L 1.)
Cui cura Deoa montre que c'était de la religion et non
de la philosophie secretaque montre qu'il y avait de la
Cabale et du mystère qu'on apprenait avec soin et avec
art Egyptia Memphis, à cause que, de la Babylone
d'Asie, cette superstition était venue à la Babylone
d'Egypte, nommée Memphis-Visu. Il fallait avoir bonne
vue pour remarque? vous les plus petits signes quandles dieux n'en voutaient psq donner de grands, numeris.
que moventibus astra. Ces nombres étaient liés aux astres
SUR L'ASTROLOGIE. 381
d'une telle sympathie, qu'ils les agitaient comme une
corde de luth en vibration fait vibrer les autres cordes
avec lesquelles elle est en unisson. Stace (Theb. l. 4.)
exprime cette sympathie par les vers suivants, où sont
énumérées les espèces de divination le Plus en usage
de son temps.
llle DeoS non larga cœde Jaeencam
Nonalacripenna,autverumsplrantibwexilsNecTripodeimplicito,nomerisquesequentibusastra, etc.
C'est-à-dire inséparables des astres, selon la signifi-
cation attribuée au mot par l'auteur. Aul. 3, rapportant
les mêmes espèces en d'autres termes il dit
Hlne fibrœ. et volucrum per nublla sermo,
Astrorumque vices: numerataqae remita Lunœ.
A cause des nombres affectés aux jours de la lune et
même à la lune, qu'il fallait joindre à la lune et aux
autres astres, pour prédire en la manière superstitieuse
de ce temps-là comme font encore ceux qui joignent
aux astres les points de la Géomancie avec certains
nombres. Peut-être c'est ce que le poète entend par vices
astrorum quoiqu'on le puisse expliquer autrement
car les nombres appropriés aux astres étaient estimés
par ces superstitieux comme les astres mêmes et de pa-
reille vertu. La philosophie des Pythagoricienstientbeau-
coup de cette antique superstition, en ce qu'ils croient
que chaque chose a son nombre qui lui correspond, qui
est comme son âme et son esprit, sou image et son
ombre qui contient et porte en soi toute sa vertu.
Le malin esprit s'est joint à cette mauvaise philosophie
et s'est caché sous cette croyance pour faire plusieurs
choses, et son opération secrète t'a confirmée dans l'es-
382 DISCOURS
prit de plusieurs. Les magiciens se servent encore au-
jourd'hui de ce nombre, et fondent la malignité de leur
art sur ce théorème illusoire et plein de séduction. On
pourrait apporter une infinité de témoignages de cette
superstition Ut eaeis annuntiareut ventura; car le nom-
bre des mois et des astres était le fondement de leur
prédiction ce qui n'est pas en l'Astrologie, pour laquelle
la division des mois est toute accidentelle. Elle mesure
bien le temps auquel les astres seront en telle ou telle
situation, et pourront produire un tel ou tel effet mais
c'est par les lois de leurs mouvements, et sans égard
à la distinction des mois, qui est une chose de convention
parmi les hommes et pour leur usage et même à cette
heure que le cours du ciel est mieux observé, cette dis-
tinction ne correspond nullement au mouvement d'au-
cun astre. Les astrologues supputent le temps par le
soleil il leur importe peu comment les républiques le
mesurent et divisent l'année si elles font dix mois, ou
douze ou plus, ils ne les comptent point pour prédire
mais pour s'accommoder au peuple, el parler selon l'u-
sage politique et ordinaire. Le texte ne leur convient
donc point, pas plus que la particule tibi; car il est
question C'une ville, et l'influence des astres ne tombe
pas si particulièrement ou si notoirement sur un lieu
en particulier. Les augures disent plus particulière-
ment ce qui doit arriver à une ville, parce qu'ils regar-
dent les choses en particulier par la divination. Les
astrologues, au contrainre, ne jugent bien que d'un pays
ou d'une province si on dit qu'ils le peuvent par les
horoscopes de la naissance des villes il y a grande
apparence que c'est à tort mais quand ces horoscopes
auraient quelque fondement on fle pouvait pas savoir
celui de Babylope qui a été fondée avant les arts,. l'é-
sus L'ASTROLOGIE. Z81
criture et toutes les histoires, et qui avait été comme-
cée et recommencée, détruite et rééditée plusieurs
fois. En aucun lieu de l'Écriture, qui parle si souvent
de toutes les autres sortes de divinations les astrolo--
gues ne sont nommés, non plus que les autres sortes
de philosophie naturelle et licite aux hommes. Quel-
ques-uns ont pensé que ceux que l'Écriture appelle
Chaldéens et Mages, étaient astrologues mais c'est à
tort, comme on peut le voir dans Daniel 1. 20-2. 2-4.
4.-5. 7, 8, 11, 12, f4, 15 oü l'on voit que tous ces gens-
là étaient devins et devaient être remplis de l'esprit de
leurs dieux. Ou les appelait pour interpréter par inspi-
ration les songes révéler les choses secrètes, déclarer
les, écritures inconnues. Rien de tout cela ne convient
aux astrologues. Si les Mages qui furent conduits de
ce pbys-là à la crèche, eussent été simplement astrolo-
gues, ils n'eussent point remarqué l'Étoile car ils ne
l'eussent point trouvée dans leurs éphémérides, et
n'eussent pas compris, en la voyant, qu'un roi était né
en Judée, et ne se fussent pas promis que cette Étoile
marcherait devant eux; car tout cela est contre leurs
règles et leurs usages. Mais les augures du ciel obser-
valent les signes du ciel en cette façon-là, comme des
avertissements donnés par les dieux. Et le vrai Dieu
leur en donnait aussi quelquefois, commenous le pour-
rions montrer abondamment et par l'Écrilure etpar les
auteurs profanes.
Les Mages, à Babylone, étaient augures du ciel et
prêtres du soleil, ainsi que de la milice céleste, comme
parle l'Écriture. Ils y étaient en vénération, comme per-
sonues alliées des dieux. On les appelait Sapientes à
cause de leur science divine. Tels furent les Mages de
la Crèche, Cette appellation n'était pas si vénérable en
384 DISCOURS
Egypte, où on l'appliquait aux personnes consacrées
aux dieux d'en bas, Düs inferis, bien moins en considé-
ration que les dieux célestes Düs superis. Ils consul-
taient les Mâues sur l'avenir et ceux qui se servaient
de maléfices et autres choses odieuses pour se les con-
cilier, étaient réputés vils, et on les méprisait comme
on fait les sorciers maintenant. Les Mages de Pharaon
(Ex. 7. 11.) étaient de ce genre. On n'appelait point ces
gens-là, à Babylone, Mages ou sages, mais on leur
donnait un nom de mépris.
Toutes ces choses nous font voir quelle grande diffé-
rence il y avait entre les augures du ciel et les astrolo-
gues. L'art d'augurer était une religion profane et ido-
latre l'Astrologie est une science naturelle dépendante
de la physique. Les augures devinent sur les signes qui
leur apparaissent dans le ciel, ou en l'air, de la part des
dieux; etles astrologues jugent des effets parleurs cau-
ses naturelles. Ceux-là étaient instruits et dirigés par
l'esprit malin auquel ils étaient consacrés par les su-
perstitions profanes de la Gentilité pour apprendre ses
volontés, qu'ils appelaient les conseils des dieux, par les
auspices et autres augures qu'ils remarquaient au ciel;
tandis que les astrologues, dirigés par la raison que
Dieu a donnée à fhomme, considèrent la nature des
astre; qu'il a créés pour la conservation, la générationet la corruption des choses d'ici-bas et en prédisent
quelques effets; parcequ'ils savent l'ordre de leurs mou-
vements et quelle sera leur situation au ciel et leur in-
fluence sur la terre. On ne peut croire à ceux-là sans
adhérer à l'esprit malin et prendre part à leur religion
impie; tandis qu'on ne peut refuser de croire à ceux-ci
en plusieurs choses sans désavouer la raison et nier la
vertu que Dieu a donnée à ses créatures, comme une
ombre de la sienne que nous y devons reconnaître.
SURL ASTROLOGIE. 385
17
En tous les autres lieuxde l'Écriture-Sainte, et même
en celui-ci, si l'on prend garde au verset précédent,
les augures sont une espèce de devins et enchanteurs
qui prédisent, par l'inspiration de l'esprit malin sur
les signes qui leur apparaissent; et sans cette inspiration
leur art ne leur suffirait pas. Or, c'est bien différent avec
la science des astres dans laquelle l'inspiration ne sert
de rien, puisqu'elle repose sur des lois invariables. Les
Babyloniens avaient beaucoup de confiance aux augu-
res, même pour la conduite de leurs affaires politiques
comme toutes les autres nations d'alors auxquelles
cette impiété, née comme les autres, de la tour de
Babel, s'était communiquée. Moïse dit -que ce fut un
des sujets de la colère de Dieu sur les peuples de Cha-
naan, qu'il extermina pour donner leur terre aux en-
fants d'Israël. (Deut. 8.) Les histoires sacrées nous rap-
portent que cette idolâtrie s'est renouvelée souvent
parmi eux. Les Prophètes les en reprennent continuel-
lement. Isaie, 2. 6 dit Projecisli enim populum taum.
demum Jacob quia repleti sunt ut olim et augures habue-
runt ut Philisthüm. Tous les peuples d'alentour étaient
remplis de ces divinations les Ëgyptieus, les Syrienc,
les Tyriens les Sidoniens, et autres peuples de l'Asie.
On pourrait citer un grand nombre de textes de l'Écri-
tnre touchant la croyance de ces peuples aux augures.
Cette superstition passa en Europe avant l'époque de la
guerre de Troie. Les plus anciennes fables et les histoires
des Grecs en sont remplies. Rome fut bâtie sur l'augure de
douze vautours que vitRomulns son fondateur; etcettc
puissante république devint si engouée de cette supers-
tition, que c'était un crime punissable de mort, même à
ses premiers magistrats, de ne pas croire un augure.
Voici comment s'expriment les lois des douze Tables
386 Discours
qui étafent les plus saintes chez elle Quaque auguri in-
jiuta, nefasta vitiosa dirave dixeril. irrita infestaquesunto: quique non paruerit, capitale esto. Les Romains
qui souvent déposé des consuls qui étaient la pre-
mière puissance de l'Etat, sur de très-légers augures.
Ils n'entreprenaient aucune guerre, et ne faisaient au-
cun affaire importante, sans les consulter. Toutes ces
divinations augurales étaient réduites en une forme'de
religion réglée les livres en étaient soigneusement cons
servés par les pontifes longtemps avant que Rome fût
bâtie. Un démon parut en Italie dans la campagne de
Florence, sous la forme d'un nain sortant de terre qui
se nomma Thages et disparut quelques heures après
dès qu'il eut donné en art et en forme de religion réglée
les préceptes de cette divination aux Étrusques qui s'y
trouvaient, lesquels y ont excellé depuis entre tous les
peuples de l'Italie, comme ils ont excellé aussi dans la
divinations par l'inspection des entrailles des victimes,
qup le même monstre leur enseigna aussi. Les livres des
Étrusques, si souvent cités dans t'histoire romaine et
par les auteurs latins, ont pris leur origine de ce fan-
tôme. Stace ( Theb.l. 8. ) en décrivant deux augures
qui font leurs sacrifices, leurs prières accoutumées et
leurs invocations des dieux, appelle par quatre fois
celte divination des oiseaux, augures par le ciel. et deux
fois, par les astres. Dans une seule description et. eu. as-
sez pea de vers, et sur la fin, il fait dire à l'augure qu'il
n'a jamais va les astres si contraires que cette fois-là
encore qu'il n'eût observé que le vol des oiseaux aprèsle lever du soleil, et qu'il n'eût point vu d'astres que
dans la distribution artificielle qu'ils en faisaient avec
leur verge augurale par les douze temples du ciel, sui-
vant les règles de leur superstitions et !inspiration des
SUR L'ASTROLOGIE.387
17.
démoas, joignant l'invocation de ces dieux célestes aveé
leurs prières ordinaires, afin qu'ils se rendissent pré-
sents, q-u'ils occupassent les temples qui leur étaient dé-
signés et leur donnassent des signes de t'avenir. Cette,
figure imaginaire était le fondement principal de leur.
divinations car ce devrait être aux astres à inspirer les
oiseaux et à les conduire à leurs augures. C'est
pourquoi ils observaient sous quel astre ainsi posé pap
cette conduite secrète qu'ils estimaient prophétique, les
oiseaux leur paraissaient: pour cette raison le poète
appelle les augures des oiseaux augures des astres.
Ire tamen vacuosquesedetpetere omlnacrelo,de prier Eelidessolita precenumenamicat.
Juppiter omnipotens,napftepernlcibusalisAddereconsilium,volucresquelmplerefuturiOminaque et causascœ/odeferrelatentei
Accipimus.Venturumquesinasœlo prænoselaborem.Signa seras lmvusquetones.Tuneomnislnastris
Consonetarcana volucriabonamarmara lingua.
Postquamrite diapartiti sidera, cunctas
Perlegereanimis oculisquesequacibusauras.Sedsimilernonantemelus aut astra notavi
Prodigiosa magis, trépidossicmolefuturiCanetaqaejam reram certa sub imaginépassosTerror habetvates.Piget lrraplasevolnntam
Concilia et calomentemincesrtassevdantl
Ceux qui prendront la peine de lire le passage en entier
eu tireront plus de lumière. Ils verront que les augures
étaient des prêtres et prophètes inspirés ou inspirités de
leurs dieux que par leurs prières et leurs sacrifices ils
se les rendaient favorables et les portaient à leur don-
ner des augures qu'ils usaient de vêtements sacrés.
Ils trouveront presque tout ce que nous en avons déjà
dit sans qu'ils aient besoin de le chercher ailleurs: Les
Grecs étaient aussi adonnés à la même superstition. Les
383 DISCOURS
Babyloniens en avaient été les premiers mattres et nous
ne rencontrons chez les autres peuples qu'une imitation
de leur religion à l'égard des astres qu'ils consultaient
par les signes du ciel et de l'air, parmi lesquels étaient
comprisle vol, le chantet les combatsdesoiseaux.ilsy étaientplusattachésquelesautrespeuples commeonpeutle voirparplusieurslieuxdel'Éciilure-Sainteet desauteursprofanes.C'estd'ailleursunfaitnotoirequeconnaissenttrès-bienceuxquisontversésdanslalecturedesanciens,et quisesontappliquésàl'éludedeleurs,superstitions,
Quelques-unsapportentcontrel'Astrologielefaitin-séréauxActes19.19,oul'onvoitlesÉphésiens,conver-tis à lasuited'undiscours'deS. Paul,brùlerleurs!i-vres maisc'estsansfondementqu'onlessupposedeslivresd'Astrologiecarletexten'enditrien.Multiau-temexeisquifueranlcuriosaseclati,contuleruntlibrosetcombussetantcoramomnibus;et computatispretiis illo-ran. inveneruntpecuniamdenariorumquinquagintamil-liam.LeGrecporteinutilia,quiestletermeordinairedel'Écriturepoursignifierlesidoleset lessuperstitionsquilesregardent,Cequinousmontrequecepassagedoits'entendredeslivresdeleurssuperstitions,deleursmystèresreligieux,deleursnombreusesdivinationsparlesastres, parles.éléments,par lesmorts parleshosties,par lesbêtes, parles dieuxsupérieurset.
parlesdieuxinférieurs;cequicomprendl'Astrologiedivinatricequifaisaitpartiedéleurreligionetnonl'Astrologienaturelle.Éphèseétaitunevilleassezrué-diocre,quin'ajamaisétérenomméeenfaitdesciencepour yavoirtantdelivresdephilosophiedescieux,etoùceuxquisefirentchrétiens,pauvreset enpetit nom-bre, encomparaisondeceuxquirestèrentidolâtres.
stm L’ASTROLOGIE.389
comme on le voit par la suite du chapitre n’auraient
.pas.pa avoir pour cinquante mille écus de livres qui
feraient à peine les 50000 deniers de ce temps-là. Mais
en fait d’idolâtrie et de superstitions elle était la plus
renommée de toute l’Asie Mineure, -après cette de Del-
phes, à cause, de l’oracle de la.Lune qui y était. Cela
était à Lei point qu’elle était inondée de livres pleins des
mystères et des secrets de leurs idolâtries, de leurs ora-
cles, de leurs divinations et des moyens de servir et
consulter les dieax; et comme on ornait et on enrichis-
sait extrêmement ces livres de religion et qu’on les ven-
dait cher, le prix que l’Écriture rapporte ne doit pas pa-
raître excessif. La Bulle du Pape Sixte V dit qu’il est croya-
ble que la plupart de ces livres étaient d’Astrologie mais
cela doit s’entendre de l'astrologie superstitieuse et au-
gurale, comme nous avons dit car-il est croyable qu’enla ville d’Éphèse, la pas idolâtre de la Lune qui fût au
monde, la plupart des livres religieux traitàienides mys-
tères, des secrets, des oracles, des prédictions des
signes, des cérémonies du cuite de laLuhe, et des moyens
de révérer et consulter cet astre principalement, qui est
leur Diane, et ensuite les autres: autrement le prix dé
la vente susdite serait improbable. Je ne vois point d'au-
tres passages de l'Écriture-cités contre l’Astrologie.Dans les Conciles, je ne trouve qu'un canon du pre-
mier de Tolède qui semble la proscrire Si quis Ma-
thesi, vel Astrologica putat esse credendum anathema sit.
Mais telle n'est pas pourtant t'intentioa du concile. Car
évidemment il fie veut pas dire anathême à ceux qui
croiront les principes et les démoostrations mathémati-
ques par exemple que le tout est plus grand que sa
partie; que tout triangle est égal deux angles droits
que le soleil a plus de puissance au Bélier qu’à la
390 DISCOURS
ce mais bien à ceux qui y croiront superstitieusement
M par religion, comme les Babyloniens, les Ephésiens.
qui servaient les astres et les consultaient comme des
dieux. C'est lear théologie mystique et cabalistique ap-
pelée aussi astrologie, que le concile réprouve et c’est
dans ce même sens qu'elle condamne les mathémati-
ques, ou la science des nombres superstitieux. Depuis
l'ère chrétienne, cette erreur s’est maintenue longtemps,
surtout en Espagne, où le paganisme a dominé tant de
siècles et où les Maures ont été en grand nombre presque
jusqu'à présent. Le concile a pris le terme credendum
pour une croyance religieuse. Chacun connaît la diffé-
rence qui existe entre croire et savoir. Les astrologues,
qui sont philosophes, ne croient point religieusement
aux Mathématiques ni à l'Astrologie, mais ils en exa-
minent les principes ils en jugent et s'en rendent mal-
tres et loin de s'y assujettir et d'y captiver leur esprit
comme sous le joug d'une religion ils en disputent en
toute liberté. Le canon du concile ayant mis la Mathéma-
tique avant l'Astrologie, montreassezqu'ilneveutpas être
entendu autrement car son intention n'est pas de con-
damner Euclide et Archimède, ni.la géométrie, ni l'arith-
métique, mais seulement la Mathématique superstitieuse
qu'on faisait servir à la divination aux enchantements
et à la magie noire, comme on fait encore à présent.
C'est pourquoi le concile la nomme la première, car son
usage est plus étendu en fait de divination que celui
de l'Astrologie, auquel il servait d’introduction et était
indispensable. C'est pourquoi aussi les Saints Pères ap-
pellent ces astrologues mathématiciens; car ils se ser-
vaient, pour deviner et prédire, autant des nombres
que des astres; et que depuis que l’idolâtrie, chassée
par l’Evangile, fit place à la divinatioa diabolique, on
SUR L’ASTROLOGIE.391
se servait de la Mathématique pour deviner ou avec les
astres ou sans les astres.
C’est cette Mathématique où se mêlaient les démons
que le concile anathématise il en est ainsi del’Astrologie.
Le Droit Canon et les Saints Pères en plusieurs lieux
de leurs écrits, blâment l’Astrologie mais c'est uni-
quement quand elle est divinatoire ou paienne, ou hé-
rétique quand elle impose une fatalité à Dieu; quand elle
intéresse 'le franc arbitre et qu'elle juge des choses
contingentes. Toutes ces erreurs ne sont point de la
science de l'Astrologie, mais des restes de l’idolâtrie et
toutes les autres sciences, au commencement de l'É-
glise, ont laissé quelques vestiges de la gentilité à
cause de la conversion plus ou moins imparfaite des
philosophes. La nouvelle académie est demeurée mé-
fée de beaucoup d'alliance avec les démons et de ma-
ximes d’union, de perfection et de purification qui y
tendent. La physique est restée entachée de plusieurs
propositions contre la liberté de Dieu sa toute-puis-
sance, sou omni-présence son indépendance ainsi
que contre la spiritualité et l'immortalité de l'ânie et
de plusieurs ensoiguements erronés sur la vertu oc-
culte des plantes des animaux et des minéraux. On la
voit traitée encore à présent de cette sorte. Les hérésies
de Manès étaient une corruption de toute cette science.
Les mathématiques ont été déshonorées longtemps par
la superstition des nombres, des figures et des images.
Les philosophes impies y coulaient plusieurs théorèmes
pour fondeur leurs superstitions, l’invocation des démons
et léurs maléfices. L'algèbre et l'optique ont été fort sus-
pectes peudant plusieurs siècles. La morale était toute
pleine de superstitions de faux enseignements et de
fausses vertus. Toutes ces choses faisaient haïr univer-
392 DISCOURS.
sellementla.philosophieauxpremierschrétiens.LesPèresl'ontblàméeencoreplussouventquel'Astrc!ogie,etavecplusdefondement,àcausedumalqu'ellefaisaità l'Égliseetà l’Écriture-Saintecarl’Apôtreles avaitavertisdenes'ypaslaissertromper.Il neditpaspour-tantquelaphilosophiesoitmauvaise,maisqu'onpeuts'enservirpournoustromper.C'està I-'ÉglisedeDieudediscernerleserreursquisontdansla sciencehu-maine.Elle-estdanslachairedevérité,nonpourjugerdesscienceshumaines,quinesontpasdignesd'elle,carelleestl'écoleduciel; maispourenseignerlasciencede Dieuet rendresesoracles.La foiest sa doctrineetsaphilosophieellenedoitavoirà la bouchequelaparoleetlesenseignementsdesonÉpoux.
L'infaillibilitéluiestdonnéepourlafoietlesmœurs,pourcequiregardel'honneurdeDieuetlasanctifica-tiondesâmes.Ellelaisseà la disputedeshommeslemondeetlaphilosophiequeDieuadonnéeauxenfantsd'Adam,quilapréfèrentà sonamouretàsonserviceHancoccupationempessimamdeditDeusfiliishominumut
occuparenturinea( Eccl.l.15); parcequ'ilsnesontpasdignesd'enavoirunemeilleure,etquecelle-làpeutlesdétournerd'unepire.Maisl'Églisen'estpointdecesiè-cle; Dieuestsonmonde,sonobjetet sonoccupationavecJésus-Christ.Sascienceet sa lumièrele regar-dent,etpourl’amourdeluielleveilletoujourssurles
espritset lessciencesdeshommes,afindelespurifierdeleurserreurs,quandilssontcontrela vérité,dontledépôtluia étéconfiéjusqu'àla findes temps.C'estainsiqu'elleapurgél'Astrologiedeserreursdelagen-til;té, condamnéentreautresla fatalitéquequelquesastrologuesattribuaientauxastres,oulanécessitéqueceux-ciimposaientpar leursinfluencesà Dieumême
SUR L’ASTROLOGIE. 393
dans ses rapports avec ses créatures. Telle était l’erreur
de plusieurs anciens philosophes, et même, selon quel-
ques-uns, d'Aristote ils croyaient que la première
cause agissait par une nécessité naturelle et par subor-
dination aux causes secondes, nommées fatum. L’Eglise
ne doit pas souffrir que cette injure soit faite à Dieu. Il
a créé le monde, non de toute éternité, comme le di-
sent certains philosophes mais quand il a voulu, par
sa pure bonté sans uêcessité-et sans accroissement de
félicité pour lui et il le gouverne avec la même indé-
pendance. Les causes, soit célestes, soit terrestres soit
supérieures, soit inférieures, suit visibles, soit invisibles,
ne peuvent rien sans. son concours. Quand il lui plait,
clles sont sans puissance, et parfois il arrête letirs effets
les plus ordinaires. Partant, puisque la liberté du gou-
vernement du monde est essentielle à Dieu c'est une
espèce d'athéisme de joindre cette erreur à la science
des astres. Si l'on veut dire que, dès le commencement,
Dieu a mesuré leur cours avec une telle providence et
si bien choisi l'ordre de leurs mouvements selon sa vu-
lonté qu'elle s'exécute effectivement toujours par la
vertu des astres d'une manière exclusive, on erre encore
contre la vérité historique de la foi qui nous apprend
que Dieu a fait, et qu'il fait quand il veut par lui-
même, et sans leurs secours, une infinité de choses
qa'il en empêche également d'autres, passant par-des-
sus l'ordre' de la création et même en faisant tout le
contraire. Si la philosophie d'Aristote a dit avec raison
qu'il faut, pour la perfection de l'univers, qu’il y ait
des monstres contre l'ordre ordinaire combien plus
nécessaire est-il que le Dieu Au monde se fasse connat-
ire par-dessus le, monde, et qu'il apprenne aux hom-
mes que quoiqu'il ait créé le monde et posé ses ordres
3g4DISCOURS
avec une sagesse infinie, il peut toujours, par un nouvel
ordre de sagesse plus relevé, produire des effets nou-
veaux ? Ne le doit-il mêmepas à sa gloire et à sa grandeur?
L’Église comme Épouse de Dieu, est aussi mère et
tutrice de ses enfants: et comme elle doit être zélée
pour son honneur et ne point souffrir sur la terre de
doctrine qui lui soit injurieuse elle doit aussi pour
l'amour de lui, conserver la liberté de ses enfants et
condamner l'erreur des mathématiciens infidèles et
païens, dontles nns, faisant des dieux des astres leur
donnaient une influence directe sur les^ âmes, et con-
séquemment sur la liberté et les actions des hommes
les plus libres et dont les autres, étant mauvais philo-
sophes, croyaient l'àme une substance corporelle desti-
tuée de liberté et pleinement assujettie aux causes na-
turelles du ciel et de la terre. Elle condamne les uns et
les autres comme coupables d'une erreur qui en dé-
truisant la liberté détruit la religion et même toute
police civile; qui justifie les pécheurs qui ôte le mé-
rite aux justes qui rend les étoiles coupables des cri-
mes, et condamne les lois qui punissent les criminels
puisqu'il n'y a de coupables que les astres, ou plutôt
que Dieu, qui leur a donné cette vertu sur les hommes.
C'est pourquoi les Saints Pères condamnent cette Astro-
logie infidèle et blasphématrice mais ils n'atteignent
point l'astrologie naturelle, qui n'a rien de cette erreur.
Les prédictions des choses contingentes par les astres
ont été aussi prohibées par la Bulle de Sixte V contre
les astrologues, dans laquelle il condamne facientes
judicia et nativitates hominum quibus de futuris contin-
gentibus suceeasibus affirmare audent etiam si itou certo
se id aflirmare asserant car la vraie Astrologie ne doit
prédire que les effets qui sont naturellement causés par
SUR L’ASTROLOGIE.395
les astres et nou tes choses contingentes. D'où il suit
que les paroles de cette Bulle sont plutôt po-ur, que con-
tre l'astrologie naturelle car il paraît par là que l'E-
glise ne condamne'ceux qui dressent les nativités des
enfants c'est-à-dire des figures de la constitution du
ciel et des astres, au moment où les enfants naissent
qu’au cas qu’ils veuillent juger par là des choses con-
tingentes qaileur arriveront, ce que la vraie Astrologie
ne prétend jamais car elle ne juge que des effets des
astres, et les choses contingentes ne peuvent l’être
puisqu’elles ne sont contingentes que parce qu'elles
n'ont point de cause naturelle ni propre, mais seule-
ment la rencontre fortuite de plusieurs causes, et si les
astres étaient leur canse naturelle, elles ne seraient
pas contingentes. C'est pourquoi la vérité de cette Bulle
est infaillible car si tes astres sont cause de quelque
effet que les hommes croient contingent parce qu'ils
n'en connaissent pas la cause naturelle, les paroles de
la Bulle n'en blâment pas la prédiction; car, dans le
fait, il ne sera point contingent puisqu'il a sa cause
propre et naturelle, bien qu'elle soit cachée aux hommes.
L’Église n'est point établie pour décider des sciences
humaines, et l'infaillibilité lui est réser,vée pour la foi
et les mœurs qui conservent l’honneur de Dieu et la
sanctification des âmes. Elle ne décide point en parti-
culier si tel effet est contingent ou noh c'est une ques-
tion de fait qu’elle laisse à la dispute des hommes mais
elle condamne ceux qui ôtent à Dieu la direction im-
médiate des choses contingentes que la foi et la raison
enseignent déprendre de la première cause. Aristote
méme va jusqu'aux premières pensées des hommes
qu'il dit être a bona fortuna; reconnaissant que les con-
séquences peuvcnt bien venir de la bouté de l'esprit
396 DISCOURS
dansle raisonnement,maisquela premièrepenséenousvientd'ailleurs.Ainsi!'Église,encondamnantlesprédictions,par lesastres deschosesquisontvrai-mentcontingentesetfortuites fait sonofHcesur laterre,et ne s'éloignepointde la commissionsaintequ'ellea deDieudeconserverla foietle respectquiluiestdù,etdenepassouffrirqu'ilyaituneautrefor-tunequirapprocheleschosesquin'ontpointde rap-portentreelles,niuneautremainquifasserencontrerleschosesquelapuissancedeDieuseule,et nonunecausenaturelle,réunit.Cettevériténousobligede re-connaîtrequeDieuestlaseulecausedesaccidentsfor-tuits,etdene pointdu toutattribuerauxastrescettecausalité.Leshommess'y peuventtromper,prtnantquelquefoispourcontinrentcequinel'eslpas,ouaucon-traire c'estpourquoidanscetteincertitude,lesastrolo-guesnedoiventpasprésumerdeprédirelescasdouteuxpourceuxqu'ilsregardentcommene l'étantpas ilspeuventenjugerparleurscausesnaturellesou véri-tablesouprétendues,avecledegrédeprobabilitéqu'ilspensentenavoir.
Laquatrièmeerreurquel'Églisecondamneconsistedansladivination,lesenchantementset touteslesespè-cesdemagiequelesespritsimpieset idolâtresousé-duitsparla malicedesdémonsontvoulujoindreàl'Astrologie.Cesobservancessontenpartiedesrestesdupaganisme,etenpartiedessemencesdemalédictionquel'hommeennemidel'Évangilea surseméesdanslechampduSeigneur,pourétoufferlebongrain,etcacherlesfleurset lesfruits quisontles.véritésutilesqu'ilvoudraitouobscurcirparsesmensonges,ounelaisserallerqu'enleurcompagnie,et ainsiconfondrelalumièreavecles ténèbres et lesenvelopperdansunemême
sur L’ASTROLOGIE.399
condamnation. Mais l'Êglise conduite par le St-Esprit,ne se laisse pas surprendre; elle condamne l'erreur et
conserve la vérité.
Dans la religion des astres nous pouvons distinguer
quatre erreurs. La première consistait dans la croyance
que les astres étaient des dieux. La seconde dans le
oulte qu'on leur rendait. La troisième dans les connais-
sances que les hommes y puisaient pour leurs affaires,
par les augures et les divinations. La quatrième, dans le
secours qu'ils,en tiraient en les invoquant. La lumière
du christianisme a dissipé ces ténèbres, quant aux deux
premières; mais quant aux deux autres, vu qu'elles
n'étaient pas fondées seulement sur la divinité des astres,
mais sur leur causalité physique à l'égard des créatures
inférieures sur la croyance d'une certaine sympathie
naturelle entre les corps célestes ainsi que certains
nombres et quelques créatures, comme animaux plan-
tes, métaux, pierres, comme nous voyons entre l'étoile
du Mord, l'aimant et le fer, et sur certaines paroles qui,
par une secrète et réciproque conspiration naturelle les
disposait à donner des signes de l'avenir; certains astro-
logues, mauvais philosophes et fort ignorants en la
doctrine de J.-C., ont établi, surtout sur le dernier fon-
demeot, cent sortes de divinations et d'autres pratiques
diaboliques. Toutes les prédiettons par les astres où les
points de la Géomancie sont employés, tous les nombres
babyloniens, et autres de ce genre, toutes les autres
prédictions où il entre des figures, des caractères hé-
breux, grecs ou latins des paroles appliquées pu quel-
que autre cérémonie sont de ce genre, et condamnées
par l'Église. Elle défend, avec raison, sous peine d'ex-
communication, de s'en servir, puisque c'est adhérer à
l'esprit malin et s'éloigner de celui de Dieu. Il y a encore
3§8 DISCOURS
plus de mal dans celles oü il faut tentr son esprit en
abstraction séparé de toute pensée et de tout raisonne-
ment, pour s'appliquer, commeau hazard à là-consi-
dération d'une constellation plutôt que d'une autre ou
pour dire ou faire quoi que ce soit servant à la divi-
nation car c'est manifestement donner lieu à l'inspi-
ration diabolique et deviner comme les Pythies du paga-
nisme, ou tomber, par une tromperie plus grande en-
core, dans l'erreur de Plotin, de Plutarque et autres.
qui Ont cru que les âmes de quelques hommes étaient
des dieux, et avaient un oracle secret (esprit familier)
pour annoncer l'avenir Le diable et les personnes qui
sont sous sa main ont inventé, et inventent tous les
jours mille autres sortes de divination, où les astres
se trouvent mêlés Il suffit de savoir que la vérité de la
foi ne doit souffrir que ce que Dieu a créé comme les
mouvements el les vertus des cieux, ainsi que la science
que l'homme en acquiert,
Lea figures que les astrologues dressent des douze
maisons et de toute la dispositions du ciel ne sont pas
à rejeter car elles ne sont qu'une carte du ciel et de la
disposition des corps célestes, où le démon ne peut rieu
changer et où l'astrologie vient étudier les places res-
pectives. La médecine spirituelle, dont Paracelse et quel-
ques autres ont écrit et l'art des maléfices par les as-
tres, sont fondées sur cette même croyance de sympa-thie prétendue que le son d'une cloche fondue sous
une telle constellation contraindra les démons de ve-
nir et de paraître; qu'un clou de tels métaux fondus
ensemble sous telle constellation enfoncé dans la
muraille d'une maison en chassera les rats et les sou-
ris, ou la préservera d'un mauvais air; qu'une médaille,
coulée à telle heure et pendue au cou sera un préser-
SURL’ASTROLOGIE. 399
vatif de tout poison, on guérira dé telle maladie;
qu'une plante semée, ou cueillie ou replantée s1.IusteHe
eonstellation aura telle vertu. Or de telles croyances ne
peuvent être ai approuvées, ni condamnées universelle-
ment; car sans doute les astres peuvent, mais'non pas
tout. Il y a aussi quelque sympathie entre eux et quel-
ques créatures mais elle ne s'étend pas à toute sotte
d'effets et quoique l'aiguille aimantéè ue tienne à art-
cune étoile, ni à aucune partie du ciel, comme sa dé-
clinaison le montre elle est néanmoins l'exemple des
propriétés occultes, et sa vertu attractive, un argument
des sympathies naturelles entre deux natures. Pour ne
m’étendre pas à une longue discussion, qui ne serait
pas pourtant excessive, je me bornerai, vu les difûcul-
tés qui s'y rencontrent, à cinq règles, qui serviront, tant
dans la divination qu'eu toute autre pratique de la mu-
gie, à éviter la tromperie et la méchante.
La première, que les cieux et les astres, étant des cau-
ses physiques, n'ont directement d'influence que sur
les choses physiques ni nu peuvent avoir aucune ai-
liance ou sympathie avec les êtres d'une autre nature,
pour produire des mouvements ou tlés actions phy-
siqnes tellement que les nombres, les figures, les
caractères les paroles, les cérémonies, les signes quels
qu'ils puissent être, et tout ce qui est mathématique,
-métaphysique, ou moral, ne peut entrer en cette causa-
lité, soit en communiquant aux astres quelque vertu ex-
traordinaire, soit en appliquant celle qui leur est natu-
relle, ou en la déterminaut à quelque effet particulier,
soit en recevant l'impression de leur puissance, pour
agir après en leur vertu et comme instrument de leur
influence tellement que tous les effets qu'on peut en at-
tendre sont illusioa et tromperie.
400 DISCOURS
La seconde, que les cieux et lesastres n’influent sur
les choses naturelles que selon leur nature, qu'ils pour-
ront fortifier on affaiblir, ou en sa totalité ou en ses par-
ties, avec ses facultés et propriétés, mais sans pouvoir
lui rien donner au-dessus. Ainsi les étoiles ne feront pas
qu'un lion soit plus qu'un lion, ni un homme plus qu'un
homme, ni un arbre plus qu'un arbre. Un cheval, né
soustelle constellation pourra bien être plus sain ou
plus maladif, plus léger ou plus pesant mais les astres
ne le feront ni voler, ni- parler ni être rien au-dessus
de son espèce. Ainsi en sera-t-il d'une plante, etc.
La troisième, que les cieux et les astres sont bien si
l'on veut les principales les plus dignes et les plus
puissantes causes de tontes les générations et corrup-
tions qui se font sur la terre mais qu'elles' ne sont pasles seules, que les défauts des autres ne peuvent pasêtre réparés par leur seule vertu Bonum ex integra,
causa, malum ex minimo defectu. La constitution cé-
leste ne peut jamais suppléer à l’imperfection de la vertu
séminale ni à l'indisposition du lieu, ni au défaut de
la matière, ni à l'absence des autres causes nécessaire-
ment concurrentes; pas plns que les antres causes ne
peuvent suppléer l'influence du ciel. Quand on sème
une plante, si la vertu de la semence est imparfaite si
le lieu n'est pas propre à la contenir et à la conserver
si l'air, ou l'agent qui doit l'ouvrir et lui donner le mon-
vementn'estpas appliqué; si la matière nécessaire ne s'y
rencontrepas,la production n'en sera point parfaite.et, à
quelque heure qu'on la puisse cueillir, les manquements
précédents demeureront toujours. La naissance d'un
animal, même d'un homme, si heureuse qu'elle soit,
ne réparera pas une conformation monstrueuse. ni un
tempérament ruiné. elle pourra bien influer sur les
sur L’ASTROLOGIE. 401
indispositions corrigibles car le ctiangement d'air est
du genre de vie, et l'impression puissante du ciel au
moment de la naissance, prévalent sur tout autre agent
naturel mais ne peuvent pas au delà de leur nature.
La quatrième, que les causes célestes sont les plus
universelles de toute la nature et regardent en consé-
quence leurs effets très-universellement; elles sont dé-
terminées les uues par les autres, par ta concurrence de
toutes celles qui leur sont inférieures, et enlin par la
rencontre de la matière et de toutes les dispositions
qui s'y retrouvent.
La cinquième, que les cieux éta nt des corps physi-
ques n'ont intrinsèquement aucune vertu spirituelle ni
ne peuvent communiquer à quelque être que ce soit au-
cune influence qui ne soit matérielle car ils agissent
comme tous les agents physiques qui tirent leurs effets
de potentia materiœ ad actum. D'ailleurs ils n'ont d'eux-
mêmes aucune vertu ni sur les âmes, ni sur les démons.
Que Dieu ait tellement avili ces êtres infernaux que
non-seulement ils soient assujettis pour leur punition à
l'action du feu de l’enfer, mais encore aux influences
de la terre, de l'air, de l'eau, de la lune et des autres astres.
pour y trouver leur châtiment; que Dieu se serve de
tout l’univers, comme d'un instrument pour exercer,sa
justice sur eux qu'il ait déjà armé toutes les créatures
du zèle de cette justice (Sap. 5.18.), et les ait revêtues
de sa puissance pour tourmenter ces esprits rebelles à
leur Créateur, c'est une question de théologie qui ne
regarde point cette. matière, et sur laquelle on ne peut
rien fonder de tout ce que les enchanteurs préteu-
dent. Car bien que tes astres aient, commetoutes les
autres parties du monde;, une influence pénale sur les
damnés, ce n’est pas par une vertu naturelle; mais par
402 DISCOURS
une puissance obédientielle qui soumet toute créature
à la disposition du Créateur, Dieu s'en sert justement
pour la punition de ceux qui ont injustement et injurieu-
sement usé de ses créatures contre lui. Il n'y a que rÉ-
glise qui puisse user de cette application pénale, comme
elle fait parfois dans les exorcismes car ce nest qu’à
elle que Dieu prête la main pour on effet si surnaturel.
Je ne m'étends pas davantage à démontrer ces cinq
règles elles sont tontes évidentes en philosophie natu-
relle. Bien entendues, elles suffiront pour discerner la
divination on la magie d'avec la Y le philosophie des
astres, et ne pas se laisser surprendre sous prétextede science, à l'artifice des malins esprits. Si donc, pour
prédire par les cieux ou pour en tirer quelque autre
effet on se sert de choses qui ne sont pas de nature
physique; si l'on en attend quelque effet qui soit par-dessus l'espèce ou la nature des choses si l'on prétenden user absolument, sans égard aux autres causes con-
currentes, puisqu'on ne peut juger de la cause à l’effet
que par la causalité tout entière; si l’on ne considère
qu'un seul astre, ou quelques-uns, et non tous, comme
ceux qui ne considèrent que les jours de la lune ou du
soleil; si l'on attribue quelquevertuspirituelle aux cieux,
on par eux à quelque autre Chose si l'on descend au
particulier ou à l'individu, que les astres ne notis peu-
vent montrer sans la connaissance de la détermination
de leur vertu'par les autres causes concurrentes il faut
se délier dans tous ces cas; car il.y aura ou du inen-
songe, Ou du hasard ou du mélange du démon. Je ne
crois pas pourtant que nous devions rejeter, ou tenir
pour séparés de la communion de i'Église, ceux qni
n’observeront pas ces règles en leurs prédictions, pourvu.
qu'ils ne fassent pas sciemment profession de divina-
SUR L’ASTROLOGIE. 403
tion, ou qu'ils ne s'y livrent pas par une ignorance cou-
pable. Car ce n'est pas la foi qui nous les a données, ai
l'Église qui les autorisées; elles ne procèdent que de
la philosophie et de la raison humaine, qui n'est pas in-
faillible. Nous ignorons souvent les choses les plus fa-
ciles; et ce qu'autrefois nous avons tenu pour impossi-
ble, nous paraît facile en un autre temps. L'Église a
condamné la divination mais elle n'a pas déclaré en
quelles prédictions elle se rencontre,: il suffit donc de
la détester en son âme, et d'abhorrer toute ailiance
secrète ou manifeste, et toute communication visible et
invisible avec l'esprit malin, de ne juger de l'avenir
qu'avec des données naturelles et probables, pour n’en-
courir pas sa condamnation. C'est un crime de lèze-ma-
jesté divine pour les enfants de Dieu et ses sujets, d'être
d'intelligence, même indirectement, avec son ennemi
et c'est être ennemi de son propre salut d'écouter celui
qui nous veut perdre et d’entrer en société avec lui. C'est
pourquoi l'Épouse de Jésus-Christ doit averti rsesenfants
de ce précipice, autant en ce siècle que jamais. Car cet
art diabolique est encore si commun, que j'ai vu vendre
publiquement des almanachs, dont les figures estrono-
miques étaient dressées par sort contre l'ordre natu-
rel des cieux et toute la science de leurs mouvements.
L'Église succède au Fils de Dieu, qui a été envoyé sur
la terre, comme dit l’Apôtre S. Jean, ut dissolvat opera
diaboli elle continue sa missi0n en ce monde., en dé-
truisantle règuede Satan et y établissant celui de Dieu,
en retirant l’esprit malin de la conduite des hommes,
pourleur donner l'esprit de sanctification. C’est à l’E-
glise de reconnattre et de condamner le prince des té-
nèbres de découvrir et dè dissiper ses conseils, et
d'anéantir sa puissance ont la nature humaine, pour
404 DISCOURS
établir et faire régner celle de J.-C Et commele diable
couvre souventdes choses naturelles, et cache son opé-
ration sous leur vertu apparente ou véritable, pour en-
trer en communication avec les hommes et les perdre,
quand il ne le peut ouvertement e'est à elle d’éclairer
ses enfants sur .une telle séduction par la lumière divine
de l’esprit qui la régit. Satan a voulu régner au ciel, et
pendant près de trois mille ans il s'est fait adorer de
mille façons sur la terre, sous le nomet l'apparence des
astres l'Eglise ne doit donc pas souffrir qu’il se cache
sous leur vertu ni qu'il s'autorise de la puissance que
les corps célestes ont sur ce bas monde. Les Anges l'ont
chassé du ciel c'est à elle de le bannir de la terre et de
la société des serviteurs de Dieu.
Mais, encore une fois condamner la divination par
les astres ce n'est pas condamner la connaissance oa-
turelle de la vertu des astres, ni la prescience qu'on peut
acquérir de leurs effets. Celle-ci est de Dieu, auteur de
leur nature, qui doit être connu et adoré en ses œuvres;
celie-là est du diable, séducwur des âmes, qui tache
de se déguiser et de couvrir sa malignité de l'appa-
rence des créatures. Malheureusement ta curiosité sur
l'avenir règne tellement dans les esprits, et les hommes
se laissent tellement emporter à l'intérêt de leurs affai-
res, qu'ils n'appréhendent point de s'engager à lui, pour
tirer, sur le futur, quelque lumière qui puisse leur ser-
vir. En cela, ils ne pèchent pas seulement contre Dieu
qui le défend, contre l’Église qui les avertit, contre la
société humaine que le diable veut brouiller et perdre,
contre eux-mêmes qui se damnent misérablement; mais
encore contre la raison et contre le propre intérêt qu'ils
recherchent. Car outre l'inclination et même la néces-
sité malheureuse que le diable a de les tromper et de
SUR L’ASTROLOGIE. 405
les perdre et qui ne peut leur promettre que le mal de
sapart; il ne peut maintenantpresque rien dire de l’a-
venir; vu qu’il a la bouche fermée depuis La passionnu
Fits de Dieu, par laquelle il a perdu la principauté du
moude, qu'il avait obtenue par la victoire, sur le pre-
mier homme, et par un juste jugement de Dieu, qui
avait mis en sa main l'homme pécheur comme un cri-
minel dans celle du bourreau, et qui lui avait donué
pouvoir sur la terre, comme sur l’échafaud où il devait
être le ministre de sa colère et l'exécuteur de sa justice,
pour faireporter le joug du péché à ce siècle d'iniquité.
Et même il ne pouvait déjà plus faire parler ses oracles,
environ trente ou quarante ans avant la venue- du Mes-
sie, et il vit toutes les sortes de divinations, qu'il exer-
çait publiquement dans le monde, perdre leur crédit:
car Dieu commença alors dans.ce siècle de sa naissance
et de notre salut à regarder la terre d'un œil de miséri-
corde à dissiper l'esprit d'erreur qui séduisait ces peu-
ples et les entretenait dans la superstition et la croyance
des démons; et à restreindre, en faveur de son Fils,
cette puissance infernale qu; abusait les hommes. Tou-
tes les républiques commencèrent impunément, et avec
succès, à mépriser les auspices, dans leurs guerres et
leurs affaires publiques, comme n'y trouvant plus de
vérité tandis que celles qui les négligeaient auparavant
étaient sévèrement chatiées. Lesidoles ne parlaient plus
la Pythie de Delphes ne répondait plus comme jadis,
et tandis que quelques esprits supérieurs du, temps,
comme Cicéron, Plutarque, Sénéque s’en étonnent et
Lâchent d’en découvrir la raison, quelques autres s’en
moquent et finissent par mépriser leurs dieux. Ce n’est
donc pas seulement une impiété de rechercher la vé-
rité par le témoignage du diable, depuis la venue de
406 DISCOURS
Jésus-Christ, puisque n'a plus la liberté de la dire aux
hommes ni la puissance de les conseiller et de les
gouverner mais encore une manie d'interroger celui
qui ne nous peut répondre; de demander ce qu'on ne
peut nous dire; de consulter un oracle mort, qui ne
peut revivre que par un nouveau jugement de Dieu qui,
en punition du péché de ceux qui cherchent la vérité
dans'la bouche du mensonge le remet en puissance de
lus séduire et les prive,du bienfait de la Rédemption
comme indignes d'y avoirpart, et dejouir de la délivrance
de la tyrannie de Satan qu'elle a méritée au monde-
Mais parce que, pour l'amour de son Fils, Dieu fait sou-
vent miséricorde à ceux qui le méritent le moins, et cela
dans l'acte de leur punition ou bien par la punition elle-
même, le diable n'a pas toujours pouvoir de venir à ceux
qui l'appellent, ni de répondre véritablement à ceux qui
le consultent, ni de tromper ceux qui l’invoquent et de se
les attacher comme il voudrait. Parfois même il est con-
traint, par la charité de Dieu envers les âmes rachetées
de son sang, d'épouvanter et de maltraiter ceux qu'il
voudrait Natter et séduire par une assistance simulée,
et de leur manifester sa méchanceté et sa misère et, en
les affligeant et les effrayant leur faire horreur malgré
lui au lieu de se les attirer par des promesses et des
prédictions. Et ainsi ce n'est pas rare qu'on ne puisse
de nos jours par les magiciens mêmes, tirer du diable
la vérité sur l'avenir ou quelque autre secours véritable.
C'est donc un plus grand malheur et un signe plus évi-
dent de malédiction de trouver, par son moyen ce que
l'ou cherche, que de ne le trouver pas car c'est une
marque qu'on est déchu non-seulement des priviléges
du christianisme, mais encore de l'affranchissement de
l'esclavage du monde et de Satan puisque Dieu, non-
SUR L’ASTROLOGIE.407
obstant son bannissement, ntrnc princeps hujus mundi
ejicietur foras, lui redonne te pouvoir de régner sur
eux de les conduire et de leur répondre comme
leur oracle et leur Dieu.
Le diable peut connaître plusieurs choses à venir par
trois moyens, et les prédire aux hommes.
Le premier, c'est l'intelligence qu'il a conservée de la,
nature humaine et des causes naturelles, malgré. sa,
chute, Cette connaissance des choses naturelles supé-
rieures et inférieures, qu'il était destiné à régir, au cas
qu'il fût resté fidèle, lui donne une très grande pré-
voyance et bien qu'à cause de la liberté de conscience,
dé l'entremise des Anges et des ordres de Dieu, il ne
puisse prédire avec certitude tel ou tel événement, il
peut eu avoir des probabilités très-fortes etalors, s'en-
veloppantde termes vagues et ambigus, faire accroire
aux hommes qu'il connaît l'avenir. Au temps de la gen-
tililé, lorsque les Anges de paix pleuraient amèrement
(Is 33 7.) la séduction des hommes asservis au péché et
à la tyrannie, le démon en avait en effet une grande
connaissance. Mais depuis la Rédemption cette con-
naissance est bien diminuée car quoiqu'il ait con.
servétoutes ses facultés naturelles, il ne peut les ap-
pliquer comme auparavant à la nature humaine que
Dieu a honorée de sa Personne. Dieu le captive et le lie
lui-même et sa puissance, à l'égard de beaucoup de
choses. Les choses saintes, la grâce qui habite en plu-
sieurs personnes, le caractère du baptême communà
tous tes chrétiens l'aveuglent et l’entourent de ténù-
bres. Ainsi, au dire des SS. Pères, le mariage de la
Vierge cachait, uoa-seulemeat aux hommes mais en-
core au diable la conception virginale de J.-C. et cela
avec d'autant plus déraison, qu'en unissant la Viergeà Dieu comme son épouse, et la remplissant d'une grâce
408 DISCOURS
très-éminente- il éblouissait le diable et l’empêchait
de s'appliquer à elle avec discernement. C'est là encore
la raison de son ignorance à fégard de J.-C., d'après
quelques docteurs: car il ne pouvait voir en lui ni la
privation de la subsistance humaine, ni la substitution
de la divine, ni plusieurs autres choses qui étaient
manifestées à quelques Saints dé la terre. Une seconde
raison de la diminution de la prévoyance diabolique
depuis la Rédemption, c'est que, tandis qu'avant le dia-
ble avait droit d'inspirer les hommes et de les appliquer
à ses volontés, jusqu'à faire suivre ses conseils par
esprit de religion la grâce de lui résister ne leur étant
pas encore généralement donnée depuis cet heureux
événement Cette grâce leur, a été accordée abondam-
ment, tellement qu'ils peuvent le mettre sous leurs
pieds et le mépriser. Une troisième raison encore c'est
que Dieu, ses Anges et ses Saints sont beaucoup plus
présents et actifs dans la conduite des hommes; et sur-
tout des Chrétiens. Enfin, c'est que les vertus surnatu-
relles, les pensées les intentions etles saintes disposi-
tions que la grâce communique aux hommes sont
inaccessibles au démon; parce que Dieu lui cache le
secret des cœurs qu'il possède et les effets intérieurs dé
la grâce.
Le second moyen par lequel le démon peut savoir
plusieurs choses futures, c'est la puissance qu'il a de
faire réussir souvent ses prédictions. Avant la venue du
Fils de Dieu, il était le prince du siècle et le maître de
la terrè quoique toujours sous la main de Dieu et
selon l’ordre que sa justice a posé dès le commence-
ment, que les bons Anges assisteraient et conduiraient
les Saints, tandis que te monde pécheur, comme cri-
minel et banni de l'ordre dé là lumière et de là grâce
SURL'ASTROLOGIE. 409
18
serait sous sa direction et son gouvernement. Il était
le roi et même le Dieu, selon S. Paul aux Cor. 4, de
tous les peuples, excepté celui d'Israël, qui tombait en-
core souvent en sa puissance par l'idolâtrie. Dieu se
réservait peu de personnes et exemptait fort peu de
choses de cette malédiction universelle. Le démon pou-vait donc accomplir ses propres oracles; et quoiqu'ilsoit maintenant déchu de cette autorité, les hommes
déchoient aussi eux-mêmes si souvent par leurs péchésde l'exemption universelle qui leur est acquise par
J.-C., qu'ils méritent que Dieu les remette en sa puis-
sance, et qu'il sache en partie ce qu'il peut sur eux
quoique non avec certitude, parce qu'ils sont toujours,
tant qu'ils vivent, en état de recevoir miséricorde parJésus-Christ.
Le troisième moyen et le plus assuré, par lequel le
démon connaît l'avenir, c'est la connaissance que Dieu
lui donne de ses jugements et la mission qu'il lui
confie de les exécuter par lui ou par les siens. C'est ainsi
que le bourreau a connaissance des exécutions futures,
par la communication des sentences du Parlement.
Ainsi, comme il est l'ange de malédiction et l'exécuteur
des arrêts que Dieu prononce sur les enfants de perdi-
tioh, et le ministre de sa colère, qui, avant la Rédemp-
tion, s'étendait sur toute la terre et presque sur tous
les hommes, il savait très-certainement beaucoup de
choses par l'ordre de la justice divine. Et même à pré-
sent, nonobstant le salut que le Fils de Dieu nous a
apporté, Il ne laisse pas d'être le ministre des jugement
divins sur la plupart des hommes qui le méritent par
leurs péchés, et ainsi il connaît souvent ce qui leur
doit arriver. Cet esprit de mensonge qui alla tromper
le roi Achab et les 400 prophètes, pour le faire mourir
490DISCOURS
dans la bataille de Ramoth Galaad, connut l'avenir de
la sorte par le juste jugement de Dieu qui- lui avait été
manifesté par Dieu même, et à l'exécution duquel.il
avait reçu ordre de servir, comme il est rapporté au
dernier eh. du 3 liv. des Rois, 20 et suivants. Dieu vou-
lut que ce roi injuste, qui, au lieu de faire ustice, avait
comme mis le mensonge à la bouche des faux témoins
qui avaient déposé contre le pauvre Naboth pour le faire
mourir, trouvât, pour sa propre perte le mensonge
dans la bouche des prophètes et qu'en punilion de ee
qu'il avait souffert que le nom de Dieu fût profané en
ce faux témoignage public et employé à la mort d'un
innocent, le nom et le témoignage de Dieu fût aussi
faussement employé par ses prophètes pour le, conduire
à la mort.
J'ai rapporté ces trois moyens par lesquels fe diable
peut avoir quelque pressentiment des choses à venir
pour faire voir qu'il en a eu autrefois une plus grande
connaissance et plus de liberté d'en user. De sorte qu'ie
n'y a pas à s'étonner que la divination, soit par,les
astres soit autrement, ait été, dans les siècles du pa-
ganisme, en grande considération. Mais pour à présent,
non-seulement, nous devons l'avoir en abomination,
parce qu'elle nous damne mais nous devons encore la
mépriser, parce que le diable n'a plus la puissance ni de
savoir l'avenir avec certitude, ni celle de dire toujours
cequ'il en sait, ou ce qu'il pense en savoir. D'ailleurs il est
plus à regretter d'apprendre de lui quelque chose, que
d'en être trompé: puisque c'est un signe qu'il est le
bourreau qui nous conduit ,la mort; que t'arrêt de
cotre supplice lui a déjà été remis qu,'il nous tient pris
dans ses piéges; qu'il estmattrede notre conduite, puis-
qu'il en sait les événements qu'enfin nous lui sommes
SUR L'ASTROLOGIE. 4U 1
18.
abandonnés de Dieu, ce qui est le comble du malheur.
C'est donc une extrême folie de le consulter sur l'ave-
nir; c'est s'avouer criminel etsceller sa propre condam-
nation c'est se mettre soi-méme en la main du bour-
reau qui doit l'exécuter, puisqu'il ne peut ni parler ni
paraître, destitué qu'il est de tout pouvoir sans un nou-
vel arrêt de condamnation sur ceux qui le recherchent,et qui lui donne pouvoir sur eux. Du reste on ne peut
jamais savoir s'il dit la vérité, et par conséquent c'est
se perdre sans raison, puisqu'on demeure toujours dans
la même incertitude. C'est là certainement un grand
mal; cependant Dieu.le permet non-seulement pour la
punition de quelques-uns, mais encore pour que ceux qui
n'écoutent pas le St-Esprit, qui ferment leurs âmes à
l'inspiration de la foi qui ont de la peine à croire en
Dieu pour s'être trop éloignés de lui, et qui ne méritent
pas de ressentir aucune influence de son Esprit, con-
naissent au moins, par l'expérience de l'esprit malin
qu'il y a des diables, et un Dieu qui'captive leur mali-
ce, et empêche les effets funestes de leur inimitié con-
tre les hommes.
Ceci pourrait suffire pour régler les consciences et les
préserver d'erreur dans la science de l'Astrologie; mais
non pas pour faire connaître à fond le profit qu'on en
peut tirer, ou l'abus qu'on en peut faire, ainsi que
l'inutilité qu'on y doit éviter. Une intelligence plus pro-
fonde en est nécessaire nous la rechercherons dans
les vrais principes qui nous la doivent donner la foi
et la lumière des Écritures Saintes nous conduisant
toujours.
Il est certain que la connaissance des cieux et des
astres fut donnée de Dieu à l'homme dès le commen-
cement, aussi bien que celle des èléments, des plan-
412 DISCOURS SUR L'ASTROLOGIE.
tes, des animaux des minéraux et de toutes les par-
ties de l'univers. et cela pour deux raisons. La première,
pour donner à l'homme le moyen de connaître parfaite-
ment Dieu de le louer, de l'adorer et de l'aimer; car
en cet état heureux d'innocence, tout le monde lui
était proposé comme une image toujours présente de
ses perfections, comme un souvenir dé sa présence,
comme un monument de sa grandeur et comme uu
Évangile où les créatures étaient autant de caractères
qui publiaient ses excellences tandis que la lumière
originelle, qui était en lui une participation surnatu-
relle de l'Esprit du Créateur qui avait orné et arrangé
toutes choses à sa gloire d'âne manière proportionnée
à la nature et en harmonie avec l'univers, lui faisait
comprendre à la première application de son esprit,
ce que chaque créature représentait de Dieu, tellement
qu'il ne pouvait s'arrêter.
(Là s'arrête le discours c'est-à-dire à rendroit où après
les sécheresses d une longue vérification des pièces, l'auteur
allait nousen dérouler les beautés.)
TRAITÉ DES ÉQUIVOQUES.
(Fait, comme le précédent, à la demande de C. de Bichelieu.)
Sans une obligation très-parlicnlière, et un comman-
dement éxprès je n'eusse jamais entrepris de me faire
juge du mensonge, ni de me rendre arbitre entre ta
vérité, la sincérité et la simplicité car encore que la
décision des difficultés qui naissent ordinairement en-
tre ces trois vertus soit nécessaire à tous ceux qui veu-
lent traiter avec les hommes sans tomber en faute;
néanmoins les moyens d'accord les plus communs
les mieux reçus ont si peu de rapport à la simplicité
chrétienne, a la naïveté et à la sincérité que nous de-
vons avoir en nos paroles que je n'ose les proposer. En
donner d'autres quelque vraisemblance qu'ils puissent
avoir je ne puis le faire de ma propre autorité, et je
ne me résoudrais jamais à les exposer que par obéis-
sance, et ce ne serait qu'à des personnes assez éclai-
rées pour en juger, sans péril d'erreur.
Je vois trois fondements certains dans cette matière,
le premier, que le mensonge est un péché le second,
qu'il faut garder le secret qui nous est confié, et que
c'est une infidélité odieuse à Dieu et aux hommes d'y
manquer le troisième, qu'il y a des vérités dont la
connaissance est nuisible au prochain, parfois au pu-
blic, et quelquefois à nous, que la charité nous défend
de dévoiler, quoique nous en soyons requis. Nous de-
vons nous instruire des moyens que Dieu nous a laissés
de satisfaire à la charité et à la fidélltë, 'sanA tomber
dans le mensonge puisqu'il est certain qu'on ne peut
jamais être obligé au péché, et qu'en la conduite de
414 TRAITÉ
Dieu nous avons toujours le moyen de ne l'offenser
point, que nous devous rechercher soigneusement.
On propose ordinairement ces trois moyens 1° Refu-
ser courageusement de répondre comme quelques
martyrs, à certaines interrogations. Il nous est défendu
de mentir, peut-on dire et il ne nous est pas permi,s
de vous le dire. Ou s'excuser civilement, si on le peut
et-c'est le premier moyen et le plus sincère; mais il
n'est pas universel, et parfois ce serait déclarer taci-
tement ce qu'on doit cacher.
9° Répondre adroitement une chose pour une autre
comme Gt S. Athanase aux soldats de l'empereur Julien
qui le voulaient prendre mais ce moyen n'est pas uni-
versel non plus puisqu'il n'y a que les esprits adroits
qui s'en puissent servir et encore ne le peuvent-ils
pas si les interrogations sont fort précises, et ceux qui
interrogent fort attentifs et méfiants.
3e Cacher la vérité sous quelque figure, dont les plus
communes sont les hyperboles, les iror.ies, les amphi-
bologies, les antiphrases, les équivoques car les doc-
teurs conviennent que les figures ne sont point péché
c,e qu'il faut entendre quand on en use comme on doit
ainsi que les lois du discours et la conversation le re-
quièrent. Car si elles sont forcées et contre l'ordre
que la raison prescrit, que l'usage autorise et que la
bonne foi peut souffrir, elles n'excusent pas la trom-
perie, mais elles ne font que la couvrir. Il faut, pour
être légitimes, qu'elles soient telles que cclui qui trom-
pe ne soit pas celui qui parle, mais celui qui écoute,
qui s'abuse lui-même, pour ne pas bien prendre le sens.
C'est pourquoi ce moyen est défectueux; car si les ligu-rea sont justes et raisonnables, elles ne surprendront
que les esprits qui, ne les entendant pas bien, s'y peu-
nESÉQUIVOQUES. 4r5
Vént aisément méprendre et concevoir un sens éloigné
du naturel. Les autres, plus exercés, pénétreront la
vérité.qui leur devait être cachée, ou feront plus d'ins-
tance pour s'en éclaircir, s'ils se doutent de surprise
ou d'artifice. Si an contraire les figures sont si captieu
ses et artificieuses, qu'elles soient violentées et contre
nature, elles sont dès lors frauduleuses et ennemies de
Ja bonne foi, et ne peuvent justifier celui qui, d'ailleurs,
n'a pas droit de céler la vérité et quand même elles'
préserveraient toujours de toute fausseté celui qui s'en
sert trop librement, il ne laisserait pourtant pas d'être
coupable, puisque ceux qui approuvent le plus les équi-
voques avouent qu'on n'en doit pns user sans sujet et à
tout propos, et que la facilité trop grande de s'en sel-
vir est une véritable illusion, et une sorte dé dupliCité
odieuse aux hommes de bon sens; qu'elle est même
insupportable, contraire à la droite raison et bien sou-
vent à l'éqnité et à la justice que nous nous devons les
uns aux autres, parfois à la charité et presque toujours
à la simplicité chrétienne qu'elle détruirait enfin ta foi
publique et particulière, et même la société et ruine-
rait entièrement' la sincérité. D'ou nous devons con-
clure contre les Équivoques et autres figures sembla-
bles 1. quecellesqlli sont justes et selon l'usàge légitime
ne servent pris de beaucoup car elles sont faciles à
retonnaltre 2e que celles qui sont iniques et abusives
sont vicieuses d'elles-mêmes, et n'exemptent pas de
tromperie et de fausseté celui qui s'en sert indûment;
mais qu'elles lui font faire une nouvelle faute contre la
simplicitéet la sincérité 3° Que lors même qu'on a droit
de couvrir une vérité, les figures irrégulières et hors
d'usage ne laissent pas d'être une fante opposée à la
simplicité, puisque dé leur nature elles le sont ce que
416 TRAITÉ
les âmes simples et amies de la vérité parfaite et sin-
cère ne souffrent pas volontiers;4° que, par conséquent,
elles sont non-seulement un travail inutile, mais nuisi-
ble à l'esprit qui s'en occupe qu'elles ne sont pas un
moyen an'iversel pour éviter le mensonge, puisque les
simples ne s'en peuvent pas bien servir, car il faut de
J'adresse pour les rencontrer à propos, et que les plus
subtils y échouent en plusieurs rencontres. En effet, si
on les interroge vivement sans répit et sans leur donner
le temps de répondre, ces figures ne se présenteront
pas si heureusement que l'esprit ne paraisse travailler
à les chercher, et ne laisse quelque soupçon de feinte à
ceux qui y voudront prendre garde. Il n'est pas croyable
qu'un moyen si défectueux soit celui que Dieu nous
laisse pour éviter le mensonge. et ne pas faire injure
à la vérité.
il faut donc chercher ailleurs les moyens de ne pas
offenser la vérité, quand la fidélité nous oblige de la
teitir secrète, sans offenser la simplicité car puisqu'il
est certain que les vraies vertus ne sont jamais en con-
tradiction, et qu'en leur souverain degré ou le degré
héroïque, elles sont toutes unies ensemble, l'observance
de l'une ne doit rien ôter à l'autre, ni lui faire violence,
mais contribuer plutôt à sa perfection.
Toute la difficulté vient de ce qu'on confond le men-
songe avec la fiction et qu'on comprend sous la notion
de ce péché odieux à Dieu et aux hommes ennemi ca-
pital de la droite raison et de la vérité divine et humai-
ne, et par conséquent de toute vertu, toutes les appa-
rences qui se peuvent donner légitimement sans violer
ni la justice, ni la charité, ni la simplicité, ni aucune
autre, vertu, et qui, en plusieurs rencontres, sont d'obli-
gation pour conserver la justice et obéir à la charité,
DES ÉQUIVOQUES. 4'7
qui l'ordonne aïnsi sans sortir de la simplicité; puis-
que c'est sans rechercher des subtilités indignes du bon
sens et de la bonne foi; mais que c'est en suivant sim-
plementla justice, la charité et la fidélité, ontonte au-
tre vertu que l'esprit propose, et que la conscience ap-
prouve. Un peintre ne peut être blâmé s'il fait une image
si accomplie qu'elle trompe nos sens et soit prise pour
ce qu'elle représente en cela on loue plutôt la perfec-
tion de l'ouvrage et l'excellence de l'ouvrier. L'Ar-
change S. Michel semble être Dieu sur le mont Sinai,
et dit ces paroles « Je suis le Seigneur ton Dieu. » Jé-
sus-Christ se montre comme un pèleriu et quand les
disciples le veulent loger, il fait semblant d'aller plus
loin. LesÉcritures-Saintes sont pleines de pareilles fic-
tions que nous devons honorer, et que nous ne pouvons
reprendre. Mais pour qu'on n'abuse pas de cette vérité,
voici quelques règles.
Il n'est pas permis de feindre ou de donner des ap-
parences pour tromper personne, si ce u'est on pour
son bieu ou qu'on ait droit de le tromper, ou par une
plaisanterie licite et innocente, ou pour quelque autre
sujet. Pour son bien ainsi l'Archange Raphaël feignit
être de la tribu de Nephtali et tacba de le persuader à
Tobie en se nommant fils d'un certain Azarias, bien
qu'il en fût autrement. Et sur la fin du livre, il ne donua
pas d'autre raison de sa feinte sinon qu'il était bon de
garder le secret de Dieu. Quand on a droit de le trom-
per ainsi Judith abusa Holophernes, et le tua ainsi
Jacob fit croire à son père qu'il était son alné, parce
qu'il l'était de droit. Quand c'est récréation et que le
temps et le lieu s'y prétent car ce n'est pas toujours et
en toute occasion qu'on peut feindre de cette manière.
D'aillears il faut que cette fiction soit innocente. Il y a
418 T1UITÉ
plusieurs sujets qui donnent droitde feindre, mais à con-
dition que ni la justice, ai la charité, ni les autres vertus
neseront pointlésées. La différence qu'on voudrait peut-
étreapporter entre les paroles et les actions, pour ce
qui est des fictions, serait sans fondement car les ac-
tions sont encore plus puissantes que les paroles, et
comme les péchés d'action sont les plus grands les
tromperies que l'on fait par action sont aussi les prin-
cipales. Si l'on ne pouvait mentir qu'en paroles, les
muets ne mentiraient pas en trompant par signes.
Pour Ôter toute espèce de doute là-dessus il faut sa-
tisfaire aux deux objections principales qu'apportent
ceux qui veulent que toute fiction de paroles soit un
mensonge. La première est tirée de l'Écriture-Sainte,
qu'ils trouvent condamner le mensonge absolument.
Mais on doit répondre qu'elle n'appelle pas mensonges
les Gctions justes et raisonnables dont nous avons parlé,
qu'elle ne les blâme jamais; mais qu'elle réprouve au
contraire celles qui sont illégitimes et pour l'ordiuaire
contraires à la justice ou à la charité ou à quelque au-
tre vertu. L'énumération des passages se pourrait abso-
lument faire mais elle serait trop longue. Ceux que les
auteurs citent communément sont dans l'Exode. Ainsi
on y lit 3 1 Non suscipies vocem mendacii, nec junges
manum tuam, ut pro impio dicas faisant lestinonium Le
terme de mensonge y est mis pour un faux témoignage.
Ainsi en est-il au v. 7 Non declinabis in judicium paupe-
ris, mendacium (ugies, insontem et justam non occides.
Tout de même encore, au Deut. 19. 18 Cumdiligentis-sime perscratantes invenerint, faljui?t iestem dixisse con-
tra (ratreni auam mendactum. Eccl. 7. 14 Noli narrare
mendacium adaersus fratrem laum neque in amicum si
militer, facias Noli velle mentiri omne mendacium; assidui-
DES EQUIVOQUES.419
las enim iltius non est bona dans ces passages le men-
songe est pris pour une détraction, ou une calomnie,
on un faux témoignage. Aux Col. S.,9.Nolite mentiri invicem,
exspoliantes vos veterem hominem pour dire Ne vous
trompez pas les uns les autres. Bien souvent le men-
songe est pris pour la vanité et l'instabilité des choses
présentes (Pç. 4.) flt quid diligitis vanitatem et quoeritis
mendacium ? comme la vérité est prise pour la stabilité
de Dieu, de sa doctrine et de ses desseins ce qui. de-
manderait un long éclaircissement.
La secoude objection est tirée de la raison qui s'ap-
puye principalement sur trois chefs. Le premier est que
Dieu est la vérité même, à laquelle toute fiction est con-
traire. Ou y répond, que Dieu est non-seulement la pre-
rrrièro vérité, mais encore la vérité universelle et essen-
tielle, unique en son ordre et à laquelle rien ne peut
à proprement parler, être ni contraire ni pareil. Telle-
ment que l'objection suppose une équivoque captieuse.
Dieu aime pourtant la vérité en tant qu'elle estune ana-
logie de la sienne, et une perfection de l'homme qui
est son image à laquelle les fictions salutaires ne sont
pas contraires, pas plus que celles que Dieu lui-même
fait. Si l'on objecte Dieu est Dieu, et non pas l'homme
on répondra qu'il lui est plus impossible de faillir, qu'il
n'est défendu à l'homme de le faire, et que le mensonge
est bien plus contraire à sa 'divine perfection qu'à la
nôtre.
Le second est que l'homme doit la vérité à tout hom-
me. Mais nous répondons que cela doit s'entendre selon
la justice et la charité et autant que cet homme en est
capable, autant qu'il est digne de la recevoir et qu'elle
ne fait point de tort ni à celui qui le déclare ni à son
prochain car autrement il est aussi peu permis de dé-
420 TRAITÉ DES ÉQUIVOQUES.
couvrir une vérité nuisible à un homme, que de donner
une épée à un furieux.
Le troisième, que nos paroles sont les signes naturels
de nos pensées, et que par conséquent, C'est un péché
contre nature, quand elles n'y sont pas conformes. Mais
la vérité est que les paroles sont des signes libres et vo-
lontaires de nos intentions plutôt que de nos pensées,
que la nature a données à l'homme et qu'elle a soumi-
ses à sa volonté pour en user selon la droite raison.
Car nous ne sommes pas obligés par la nature de nous
en servir pour dire nos pensées si notre volonté, réglée
par la loi de l'esprit ne s'y trouve pas obligée; mais
nous en faisons usage pour dire nos intentions. L’hom-
me a droit et il est tenu de se défendre lui-même, son
honneur ses biens le prochain et tout ce qui lui appar-
tient, et cela en paroles et en actions, tout de même
qu'il lui est défendu de nuire et en actions et en paroles.
Il ne lui est pas moins permis de se récréer, et de se
servir pour cela de ses paroles que de ses membres
et d'en donner, aux autres la récréation qui leur peut
être nécessaire en quoi, cependant, il faut toujours
pencher du côté de la vérité.
TABLE.
APPROBATlONde Mgr l'Évêque de Marseille Page 5
DÉDICACE. 7
PRÉFACE. 11
IDÉE DU SACERDOCE ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.
PREMIÈRE PARTIE.
DU SACERDOCE DE JÉSUS-CHRIT.
CHAPITREI. Du dessein de Dieu dans la réconciliation des
hommes, et des qualités du Prêtre qui en a dû
être le Médiateur. 19
CHAPITREIl. Que Jésus-Christ est Prêtre selon l'ordre de
Melchisédech, et non selon l'ordre d'Aaron. 26
CHAPITREIII. Quand et comment Jésus-Christ a fait la
fonction de Prêtre selon l'ordre de Melchisé-
dech. 34
DEUXIÈME PARTIE.
DU SACRIFICE DE JBSUS-CHRIST.
CHAPITBR1. Du Sacrifice en général et des raisons de ce
devoir.. 46
422TABLE.
CHAPITREIl. Le Sacrifice de Jésus-Christ, substitué aux
anciens en contient toutes les espèces, les
conditions et les parties. 62
CHAPITREIII. Application des conditions et parties du sa-
crifice à ceux de l'ancienne loi. 60
CHAPITREIV. Application des parties du sacrifice à celui
de Jésus-Christ. 65
CHAPITREV. De la Communion du Sacrifice de Jésus-
Christ. 74
CHAPITREVI. Jésus-Christ a accompli toute la Loi et ton-
tes les figures des sacrifices. 83
CHAPITREVII. Différence qu'il y a entre le sacrifice de la
Croix, de la Messe et celui du Ciel. 89
CHAPITREVIII. Comment les parties du Sacrifice se trou-
vent dans celui de la Croix ses différences avec
celui de la Messe. 94
TROISIÈME PARTIE.
ÉCLAIRCISSEMENT DES VÉRITÉS CONTENUES DANS LES
DISCOURS PRÉCÉDENTS.
CHAPITRE1. Comment le sacrifice de la Religion chrétienne
doit être quelque chose de tout spirituel et de
tout divin. 106
CHAPITREIl. Tout ce qui est du Sacrifice en sa perfectionest renfermé en Dieu et réduit en son unité. 110
CHAPITREIII. Quoique Jésus-Christ soit le Temple de Dieu
en plusieurs sens, c'est néanmoins le sein du
Père éternel qui est proprement le temple du
Sacrifice parfait —Plusieurs preuves de cette
vérité. 114
TABLE 443
CHAPITREIV. Le Saint des Saints de-la Loi était la figuredu sein-de Dieu et l'entrée du Grand-Prêtre
est la Ggure de l'entrée de Jésus-Christ dans ce
temple adorable. Preuve de cette vérité tirée
de l'Évangile. 119
CHAPITREV. Jésus-Christ même est l'autel 'de son sacri-
fice dans le ciel tes autels visibles n'en sont
que la figure. Première preuve, tirée du
Ps. 42. 126
CHAPITREVI. Preuves tirées du canon de la Messe et de
l’Évangile pour confirmer cette'vérité, que
Jésus-Christ est le vrai Autel. 130
CHAPITREVII. Conséquences de la vérité précédente: las
CHAPITREVIII. Où l'on fait voir que le Saint-Esprit est le
feu du sacrifice de Jésus-Christ, en quelque
état qu'on le considère. 139
CHAPITREIX. C'est par la charité que tout ce que fait le
chrétien est un vrai sacrifice, soit sur la terre,
soit au ciel, où la charité parfaite fait la perfec-
tion et la consommation du Christ entier. 144
CHAPITREX. Comment toutes les parties et conditions du
sacrifice de Jésus-Christ seront perfectionnées
dans le ciel et d'abord de la sanctification de
la victime' 143
CHAPITREXI. Comment les quatre autres parties du sacri-
fice de Jésus-Christ seront perfectionnées dans
le ciel. 152
CHAPITREXII. Dusacrifice de la louangeéternelle qui naî-
tra de la plénitude de la charité. C'est par le sa-
crifice de la pénitence chrétienne qu'on doit se
préparer au sacrifice éternel de la charité con-
sommée et. de la gloire parfaite aussi bien
424 TABLE.
qu'au sacrifice et à la communion de l'autel de
la terre. 157
QUATRIÈME PARTIE.
CONTENANT LES PRIÈRES QUI SE DISENT TOUS LES JOURS DANS
LA CÉLÉBRATION DE LA SAINTE MESSB EXPLIQUÉE
D'APRÈS LES DISCOURS PRÉCÉDENTS.
PRÉFACE.Combien un prêtre doit être saint pour offrir le
Sacrifice de Jésus-Christ en la personne de Jé-
sus-Christ même. 163
ORDINAIREDE LAMESSE. 168
PREMIÈREPARTIEDELAMESSE.Préparation au Sacrifice. 168
SECONDEPARTIEDE LAMESSE.Depuis l'/ntroft jusqu'au
Credo. 188
TROISIÈMEPARTIEDELAMESSE.Depuis le Credo jusqu'au
Canon, 192
QUATRIÈMEPARTIEDE LA MESSE.Depuis le Canon jus-
qu'au Pater. 207
CINQUIÈMEPARTIEDE Ls MESSE.Depuis le Pater jusqu’àla Communion. 223
SIXIÈMEPARTIEDELAMESSE.L'action de grâces. 232
LITANIESen l'honneur du Sacerdoce et du Sacri6ce de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, tirées de l'Épitrede Saint Paul aux Hébreux et de quelques en-
droits du Nouveau Testament 235
PRIÈREou élévation de cœur à Jésus-Christ pour se renou-
veler, en sa présence, dans l'esprit de la con-
sécration sacerdotale. 240
TABLE. 425
DISCOURS.
DISCOURSsur la Conférence de Jésus-Christ, en la Synago-
gue de Capharnaüm. (En Saint Jean, Chap.
VI.) Contre la manducation intentionnelle
que les hérétiques de ce temps ont inventée
contre la vérité. 247
DISCOURScontenant l'examen de la croyance des héréti-
ques de ce temps, sur la manducation du corps
de Jésus-Christ. 273
DISCOURSsur l'examen de l'article de la croyance des héré-
tiques de ce temps Que l’Écriture est l'arti-
cle de la foi. 300
DISCOURSsur l'examen des principaux passages que les hé-
rétiques de France allèguent ordinairement
pour autoriser leur croyance contre la vérité,
dépravant l'Écriture à leur perdition et à celle
de leurs semblables, comme le dit Saint Pierre.
(2. Ép. 3. t6.) 333
DISCOURSsur l'Astrologie, fait à la demande de Mgr le
cardinal de Richelieu. 370
IDEE DU SACERDOCE ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. PREMIERE PARTIE. DU SACERDOCE DE JESUS-CHRIST.
CHAPITRE I. Du dessein de Dieu dans la réconciliation des hommes, et des qualités du Prêtre qui en a dû être le Médiateur. CHAPITRE II. Que Jésus-Christ est Prêtre selon l'ordre de Mélchisédech, et non selon l'ordre d'Aaron. CHAPITRE III. Quand et comment Jésus-Christ a fait la fonction de Prêtre selon l'ordre de Melchisédech.
DEUXIEME PARTIE. DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST.CHAPITRE I. Du Sacrifice en général, et des raison de ce devoir. CHAPITRE II. Le Sacrifice de Jésus-Christ, substitué aux anciens, en contient toutes les espèces, les conditions et les parties. CHAPITRE III. Application des conditions et parties du sacrifice à ceux de l'ancienne loi.CHAPITRE IV. Application des parties du sacrifice à celui de Jésus-Christ. CHAPITRE V. De la Communion du Sacrifice de Jésus-Christ. CHAPITRE VI. Jésus-Christ a accompli toute la Loi et toutes les figures des sacrifices. CHAPITRE VII. Différence qu'il y a entre le sacrifice de la Croix, de la Messe et celui du Ciel. CHAPITRE VIII. Comment les parties du Sacrifice se trouvent dans celui de la Croix : ses différences avec celui de la Messe.
TROISIEME PARTIE. ECLAIRCISSEMENT DES VERITES CONTENUES DANS LES DISCOURS PRECEDENTS.CHAPITRE I. Comment le sacrifice de la Religion chrétienne doit être quelque chose de tout spirituel et de tout divin. CHAPITRE II. Tout ce qui est du Sacrifice en sa perfection est renfermé en Dieu et réduit en son unité.CHAPITRE III. Quoique Jésus-Christ soit le Temple de Dieu en plusieurs sens, c'est néanmoins le sein du Père éternel qui est proprement le temple du Sacrifice parfait. - Plusieurspreuves de cette vérité.CHAPITRE IV. Le Saint des Saints de la Loi était la figure du sein de Dieu ; et l'entrée du Grand-Prêtre est la figure de l'entrée de Jésus-Christ dans ce temple adorable. - Preuve de cettevérité tirée de l'Evangile. CHAPITRE V. Jésus-Christ même est l'autel de son sacrifice dans le ciel : les autels visibles n'en sont que la figure. - Première preuve, tirée du Ps. 42. CHAPITRE VI. Preuves tirées du canon de la Messe et de l'Evangile, pour confirmer cette vérité, que Jésus-Christ est le vrai Autel. CHAPITRE VII. Conséquences de la vérité précédente. CHAPITRE VIII. Où l'on fait voir que le Saint-Esprit est le feu du sacrifice de Jésus-Christ, en quelque état qu'on le considère. CHAPITRE IX. C'est par la charité que tout ce que fait le chrétien est un vrai sacrifice, soit sur la terre, soit au ciel, où la charité parfaite fait la perfection et la consommation du Christentier. CHAPITRE X. Comment toutes les parties et conditions du sacrifice de Jésus-Christ seront perfectionnées dans le ciel : et d'abord de la sanctification de la victime.CHAPITRE XI. Comment les quatre autres parties du sacrifice de Jésus-Christ seront perfectionnées dans le ciel. CHAPITRE XII. Du sacrifice de la louange éternelle qui naître de la plénitude de la charité. C'est par le sacrifice de la pénitence chrétienne qu'on doit se préparer au sacrifice éternel de lacharité consommée et de la gloire parfaite, aussi bien qu'au sacrifice et à la communion de l'autel de la terre.
QUATRIEME PARTIE. CONTENANT LES PRIERES QUI SE DISENT TOUS LES JOURS DANS LA CELEBRATION DE LA SAINTE MESSE EXPLIQUEE D'APRÈS LESDISCOURS PRECEDENTS.
PREFACE. Combien un prêtre doit être saint pour offrir le Sacrifice de Jésus-Christ en la personne de Jésus-Christ même.ORDINAIRE DE LA MESSE. PREMIERE PARTIE DE LA MESSE. Préparation au Sacrifice.SECONDE PARTIE DE LA MESSE. Depuis l'Introit jusqu'au Credo.TROISIEME PARTIE DE LA MESSE. Depuis le Credo jusqu'au Canon.QUATRIEME PARTIE DE LA MESSE. Depuis le Canon jusqu'au Pater.CINQUIEME PARTIE DE LA MESSE. Depuis le Pater Jusqu'à la Communion.SIXIEME PARTIE DE LA MESSE. L'action de grâces.LITANIES LITANIES en l'honneur du Sacerdoce et du Sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ, tirées de l'Epître de Saint Paul aux Hébreux, et de quelques endroits du NouveauTestament.PRIERE PRIERE ou élévation de coeur à Jésus-Christ pour se renouveler, en sa présence, dans l'esprit de la consécration sacerdotale.
DISCOURS.DISCOURS. Discours sur la Conférence de Jésus-Christ, en la Synagogue de Capharnaüm. (En Saint Jean, Chap. VI.) - Contre la manducation intentionnelle que les hérétiques de cetemps ont inventée contre la vérité. DISCOURS. Discours contenant l'examen de la croyance des hérétiques de ce temps, sur la manducation du corps de Jésus-Christ. DISCOURS Discours sur l'examen de l'article de la croyance des hérétiques de ce temps : Que l'Ecriture est l'article de la foi. DISCOURS Discours sur l'examen des principaux passages que les hérétiques de France allèguent ordinairement pour autoriser leur croyance contre la vérité, dépravant l'Ecriture àleur perdition et à celle de leurs semblables, comme le dit Saint Pierre (2. Ep. 3. 16.) DISCOURS Discours sur l'Astrologie, fait à la demande de Mgr le cardinal de Richelieu. TRAITE Traité des équivoques. (Fait, comme le précédent, à la demande du C. de Richelieu)