condren - oratorien

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Condren, Charles de (1588-1641). Oeuvres complètes du P. Charles de Condren,.... 1857. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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Page 1: Condren - Oratorien

Condren, Charles de (1588-1641). Oeuvres complètes du P. Charles de Condren,.... 1857.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :  *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.  *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitsélaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :  *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sansl'autorisation préalable du titulaire des droits.  *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateurde vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

Page 2: Condren - Oratorien

COUVERTURESUPERIEUREET INFERIEURE

ENCOULEUR

Page 3: Condren - Oratorien

wOEUVRES COMPLÈTES

DU

P. C-HARLES DE CONDREN

Second Général de l’Oratoirede Jésus

IDÉE,DU SACERDOCEET DU SACRIFICEDE

JÉSUS-CHRIST

ETDISCOURSQUATRIÈMEÉDITION

DÉDIÉE A MONSEIGNEUR L'ÉVÉQCE IlE MAURSEILLE

ET PUBLIÉE PAR LES SOINS ET SOUS LA DIRECTION

DE L'ABBÉ PIN

V. G. DE COVINGTON AUTEURDE SA VIE ETC.

PARIS

CH. GUYOT ET ROIDOT LlBRAIRES

RUE DE VAUGIRARD 32 (PRÈS DU LUXEMBOURG)

1858

Page 4: Condren - Oratorien

En préparation

LA VIE DUP. DE CONDRENsecond général de l’Oratoire de

Jésus et premier promoteur de la fondatioa des grands Sé-

minaires en France. Deuxième édition.

Ouvrage approuvé par NN. SS. l'archevêque d'Avignon et

l'évêque de lltarseille-

ÉLÉVATIONSSUR L’IMMACULÉECONCEPTION. — Quatrième

édition, approuvée par quatre évêques, et recommandée parla Bibliographie Catholique et par la presse religieuse.

En vente

Le 1er volume des OEuvres complètes du P. Charles de

Condren. Ses Lettoes. Quatrième édition, augmentée de

plusieurs lettres inédites.

L’IMITATIONDE JÉSUS-CHRIST traduction nouvelle avec

das réjlexions à l’usage de la jeunesse, par )'abM Bize.,

professeur de rhétorique. Deuxième édition.

LES OFFICESDESENFANTSDE MARIEet des dévots serviteurs

de la Reine des Anges, t vol. gr. inj32, suivis d'un appen-dice sur les Congrégations de la Ste Vierge, du catalogue (les

indulgences qui leur ont été Concédées, des prières et des

cérémonies pour ia réception des congréganistes. 1 fr. 25 e.

Page 5: Condren - Oratorien

OEUVRES COMPLÈTES"

DU

P. CHARLES DE CONDREN

IDÉE DU SACERDOCEET DU SACRIFICE

DE JÉSUS-CHRIST

ET DISCOURS.

Page 6: Condren - Oratorien

Tout exemplaire non revetu de notre signature sera réputé con-

trefait et poursuivi conformément aux loia

Avignon. —Typographie de Fr.Seguin ainé, rue Bouquerie, 13.

Reproduction et traduction réservées.

Page 7: Condren - Oratorien

OEUVRES COMPLÈTES

DU

P. CHARLESDECONDRENSecond Général de l’Oratoirede Jésus

et premier promotear de la foodatioo des grands Séminairesen Fraoee.

IDÉEDUSACERDOCEETDUSACRIFICEDE

JÉSUS-CHRIST

ETDISCOURSQUATRIÈMEÉDITION

DÉDIÉE A MONSEIGNEUR L’ÉVÊQUE DE HARSEILLE

ETPUBLIÉE PAR LES SOINS ET SOUS LA DIRECTION

V. G.DE COVINGION AUTEUR DE Sa VIE ETC.

PARIS

CH. GUYOT ET ROIDOT, LIBRAIRESRUE DB VAUGIRARD 32 (PRÈS Du LUXEMBOURG)

1858

1860

Page 8: Condren - Oratorien

APPROBATION.

CHARLES-JOSEPH-EUGÈNEDEMAZENOD, par la Miséricorde de

Dieu et la grâce du SainL-SiégeApostolique, Évêque de Mar-

seille, ayant privilège du sacré Pallium, Assistant au trône

Pontificat, Sénateur, Commmdeur de 1re classe de l’Ordre

des SS. Maurice et Lazare, etc. etc.

Approuvons la nouvelle édition de l'Idée du Sacerdoce

et dù Sacrifice de Jésus-Christ, par le R. P. Charles de

Condren second Supérieur général de l'Oratoire de

Jésus, et premier Promoteur de la fondation des grands

Séminaires en France; publiée par les soins et sous la

direction de M. l'abbé Pin ancien missionnaire d'Amé-

rique, Vicaire général de Covington Aumônier dans

notre diocèse. Nous sommes heureux de voir revivre

dans cet écrit l'esprit sacerdotal que possédait si émi-

nemment cet illustre P. Charles de Condren dont le

nom, dit Bossuet, inspire-la piété, dont la mémoire

toujours fraîche et toujours récente est douce à ['Église

comme une composition de parfums. o (Orais. fun. du P.

Bourgoing.) Il fut en effet le père de cette noble milice de

saints prêtres qui combattirent vaillamment les com-

bats du Seigneur et qui feront jamais l'éclat et l'orne-

ment de notre Église de France. L'esprit qui l'anima, et

qui forma les Bérulle, les Gault, les Eudes, les Olier,

les Bernard les Bourdoise les Vincent-de-Paul les

Tronson, les Lantages, les de la Chétardie, les Breton-

villiers, et plus tard les Emery et les Duclaux, n'a rien

perdu dé sa vigueur et de sa .fécondité, eU nous sommes

Page 9: Condren - Oratorien

assuréqu'ilproduirales mêmesfruitsdesalutdansceuxquisenourrirontdesécritsdupieuxOratorien,et nom-mémentdel'IdéeduSacerdoce.Nousrecommandonslalecturedece livreexcellentauClergédenotrediocèse.Lesfidèlesy trouverontpareillementdepuissantsmotifspourrenouvelerleurpiétéenversleplusaugustedenosmystèreset l'acteliturgiquepar excellencede notresainteReligion.

Donnéà Marseille,dansnotrepalaisépiscopal,sousnotreseing,lesceaudenosarmeset lecontre-seingduSecrétairedenotreÉvêché,le 13janvier1858.

4 C.-J.-EUGÈNE,ÉvêquedeMarseille.

ParMandementdeMonseigneur

J. CABONNEL,Ch.S.

Page 10: Condren - Oratorien

MONSEIGNEUR

CHARLES-JOSEPH-EUGÈNEDEMAZEOD

ÉVÊQUE DE MARSEILLE.

MONSEIGNEUR

En publiant une nouvelle édition dû livre du Père de

Condren sur te Sacerdoce de Jésus-Christ, je ne pouvais

la placer sous un nom pias digne et plus en harmonie

avec un 'tel sujet que celui dé Votre Grandeur. Cétte

suréminente dignité de Prêtre it de Pontife éternellement

inaugurée dans la personne du Fils de Dieu, par l'oinction

dè Père céleste, se dévoilant eilx Justes de l’ancienne Loi

à travers tes ombres figuratives dé la première Alliance;

se manifestant au monde, dans la plénitude des temps, par,la sanglant e immolation au Calvaire; se continuant tous

lès jours d'une manière ineffable sur üds autels; se per-

pétuant eÓ6n dans le ciel par l’incessante oblation dû

Prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech cette incom-

parable dignité, ditf-jè, que le divin Médiateur n’a point

Page 11: Condren - Oratorien

8 DÉDICACE.

accordée à ses Anges, il a bien voulu la communiquer à

des êtres mortels en les établissant ses coopérateurs

dans ce haut ministère de sanctification et de salut. Il

vous l'a déléguée dans sa plénitude Monseigneur et

durant un long et digne épiscopat, dont nous implorons

tous la prolongation vous n'avez point cessé par vos

enseignements et par vos exemptes, de répandre autour

de vous celte bonne odeur sacerdotale qui, s'exhalant de

l'âme d'un saint Évêque enfante des prêtres selon le

cœur de Dieu. Votre sollicitude pastorale pour tout ce

qui tient à l'honneur du Sanctuaire vos sages règlements

et vos salutaires instructions déposent de voire zèle pour

maintenir, ou ranimer, dans les prêtres soumis à votre

paternelle autorité, la grâce qu'ils ont repue d'en haut par

l'imposition des mains.

Qui n'admirerait aussi, Monseigneur, la fécondité de

vntre sacerdoce ? La Congrégation des Oblats de Marie

Immaculée sortie de votre cœur dévoré par la Qamme

du sacrifice et les feux-consumants de l'immolation, étend

déjà sur le monde entier son zèle et son dévouement

apostoliques. Et, chose admirable et inouïe dans l'his-

toire de l'Église c'est vous-même, Monseigneur, quiavez imposé vos mains de Pontife sur la tête de presquetous ces Évêques et Prêtres qui portent le nom de Jésus-

Christ au sein de l'Angleterre, chez les peuples barbares

de l'Acadie, du Saint-Laurent, du Canada et d'autres

pays de l'Amérique; sur les terres les plus reculées de

l'Afrique et jusque dans les îles de l’Océan indien. Aussi,

quelque éloignés qu'ils soient de votre personne, votre

cœur les accompagne partout et les anime de ses ardeurs

sacerdotales, de cet esprit de sacrifice et d'immolation

qu'ils y ont puisé, et que leur rappelle sans cesse le nom

significatif d'Oblats qu'ils reçurent de leur Père vénéré

Page 12: Condren - Oratorien

DÉDICACE.9

au jour de leur consécration solennelle à la Vierge imma.

culée.

Votre haute approbation Monseigneur est donc as-

surée à un livre éminemment propre à réaliser le plusardent désir de votre cœur. Le saint Prêtre, auteur de

cet ouvrage si sacerdotal, porta, aussi loin que le per-met la faiblesse humaine, l'esprit d'immolation et de sa-

crifice qui fut pour ainsi l'âme du Sacerdoce de

l'Homme-Dieu. Aussi lui fut-il donné de pénétrer bien

avant dans les mystérieuses profondeurs de ce Sacerdoce

divin de comprendre et de signaler tout ce qu'il y a de

grandeur et de puissance pour la glorification de Dieu et

le bonheur du genre humain.

Avec l'hommage de celte publication daignez agréercelui de la profonde vénération et du respectueux dé-

vouement filial avec lequel j'ai l'honneur d’être,

MONSEIGNEUR,

de Votre Grandeur,

le trés-humble et très-obéissant serviteur,

L. M. PIN,

F. Al. Miss. Am., V. gén. de Couington.

Page 13: Condren - Oratorien
Page 14: Condren - Oratorien

PRÉFACE.

Si l'Être parfait, Dieu, trouve exclusivement sa féli-

cité dàiiâ la connaissance et l'amour de sa perfection

Infinie assurément l'homme, fait son image et à sa

ressemblance, ne pourra rencontrer ailleurs les condi-

tions de son bonheur. Aussi est-ce le connaître et à

l’aimer que l'oblige le premier mot de la loi divine et

c'est même à cela que se réduit toute cette loi.

Elle se réduit donc alors au sacrifice; car le sacrifice

se résume lui-même tout entier dans l'amouè. L'amour,en effet, transforme la créature en sou Auteur il lui

inspire tous ses goûts, toutes ses inclinations; il la fait

entrer dans toutes ses vues; en un mot il la consomme

en unité avec lui. Et c'est précisément ce qu'opère le

sacrifice. Il dépouille la créature d’elle-même; il détruit,autant que possible, son être infime et moins parfait,

pour donner lieu au Créateur de le remplacer par un

plus noble et plus conformé à sa vie divine, de l'élever

jusqu'à lui, et de le glorifier enfin pour t'admettre à sa

communion parfaite et éternelle.

C'est le terme des œuvres du Tout-Puissant.

Dans ces œuvres, il a donc dû se préparer un immense

Sacrifice il a dù s'y destiner un Prêtre, en qui elles se

résumassent, pour le lui offrir, un jour, éternel et glo-

rieux dans son sein. Son propre Fils fut choisi pour être

ce Pontife.

En conséquence dé ce plan, les siècles vont commen-

cer déjà le néant est rendu fécond; la matière élémen-

taire du monde reçOit l’existence; une vertu secrète lui

Page 15: Condren - Oratorien

12 PRÉFACE.

est communiquée; et les corps se forment avec leurs

propriétés respectives; ils se disposent ensuite à dis-

tance dans l'espace; la nature entière se fixe sur ses ba-

ses la terre, en particulier, sortie des ténèbres et ren-

due propre à la vie par la formation de son atmosphère

et de ses mers, enfante successivement, dans ses diffé-

rents domaines, les végétaux les poissons les oiseaux

et les animaux de toute espèce, destinés à recevoir et à

servir, à son apparition dans le monde, le Précurseur

de ce Pontife suprême qui doit tout résumer en lui-

même, pour tout diviniser, et rendre ainsi tout digne

du Sacrifice qu'il offrira à son Père en son sein, dans

l'éternité. Ce Prêtre, c'est Jésus-Christ: ce Précurseur

c'est l'homme.

Jésus-Christ est donc la fin de l'univers, et par consé-

quent de l'homme; comme Dieu lui-même est la fin de

Jésus-Christ. Ainsi J.-C. devient en même temps le

moyec universel et indispensable, offert à toute créa-

ture, pour honorer Dieu dignement et se reposer glo-

rieux en son sein. Sans lui, même la plus innocente et

la plus parfaite ne saurait trouver accès auprès de sa

majesté; sans lui, son existence même est une énigme.

Par conséquent, J.-C. remplit tous les siècles, et sa

vertu se fait sentir à toute créature. Si, avant sa venue,

l'homme innocent offre déjà des sacrifices au Seigneuret trouve e-race devant lui, c'est en vue de son Pontife

futur, dont il prépare les voies, que son offrande est

acceptée. Si, déchu de son état par son péché, le même

homme est reçu à pénitence et autorisé de nouveau à

sacrifier au Créateur, c'est encore J.-C. qui lui obtient

cette grâce. J.-C. avant, J.-C. après la chute de l'hom-

me, est toujours le Pontife dont celui-ci a besoin pourêtre digne d'entrer en société avec Dieu et de lui offrir

Page 16: Condren - Oratorien

PRÉFACE. 13

un culte convenable. Seulement ce culte, cette religion,

toute d'amour et de louange avant la prévarication de

l'homme, deviendra en outre une religion do satisfac-

tion et de pénitence après cette prévarication. J. C.

serait venuglorieux, l'homme demeurant innocent com-

me dès le principe; il viendra, au contraire, pénitent et

réparateur, maintenant que l'homme est coupable.

Son Sacrifice sera donc une Rédemption dont son

sang est le prix inestimable. Ar son accomplissement

effectif, cesseront toutes les immolations figuratives et

prophétiques de cette grande offrande; car elle accom-

plit toute vérité et toute justice, et devient la réhabilita-

tiou universelle. Cependant, destinée à traverser les

siècles, pour achever le Christ mystique, et recueillir

tous ceux qui doivent faire partie de son corps en cette

qualité, elle ne se perpétuera, parmi les hommes, que

dans des conditions en harmonie avec leur état sur la

terre. Les imperfections des voiles sensibles l'accompa-

gneront jusqu'à la fin des temps et ce sera l'éternité

seule qui la verra dans toute la vérité de sa perfection

et de sa gloire. Alors quand tous les membres de J. C.

auront pris leur place dans son corps mystique; quand

la résurrection les aura pénétrés de sa gloire et rendus

en tout propres à être reçus en communion avec lui par

le Père et le Saint-Esprit, ils deviendront un même

prêtre avec lui et une même hostie digne de l’Éternel.

Dieu alors sera dignement glorifié par sa créature et

sa créature, à son tour, sera souverainement honorée

et béatifiée. Ainsi s'établira le pur règne de l'amour

ainsi se consommera l'éternel Sacrifice 1

A ce point de vue, tout le plan de la Création et de la

Rédemption se déroule à nos yeux magnifique et plein

de dignité pour l'Ouvrier et pour l’Œuvre. L'hostie que

Page 17: Condren - Oratorien

l4 PRÉFACE.

l'Éternel je prépare dans le temps, pendant une si lon-

gue suite de siècles et par une si étonnante production

de merveilles, pour la posséder parfaite dans l'éternité,

nous parle avec ravissement et de la suffisance que cet

Être trouve en lui-môme, puisqu'il se passe si long-

temps de jouir de son Œuvre, et de sa souveraine

majesté a laquelle pas un atome de l'univers ne sera

dispensé de rendre gloire à sa manière 1 Cette Hostie,

ce Sacrifice nous étale ses inépuisables richesses; il nous

dit et sa puissance, et sa sagesse et sa bonté et toutes

-ses perfections également inépuisables. Et que ne nous

raconte-t-il pas du Pontife à qui ce sacrifice est confié,

et de sa religion toute d'amour et d'immolation ? Et de

nous-mêmes et de notre éternel avenir, ne nous donne-

t-il pas l'idée la plus glorieuse ? Or, c'est cet avenir

ce ciel dont notre point de vue du sacrifice nous donne

la clef et une certaine intelligence, qui nous montrera

à découvert de Dieu et de ses œuvres, de J.-C. et de

l'homme toute la perfection et la gloire. Heureux qui

aura pris part au sacrifice du temps avec J.-C. la gloire

de celui de l'éternité sera sa récompense.

Ce sacrifice, dans son ensemble est précisémentcelui dont le P. de Condren nous donne une idée dans

le livre que nous publions. L'Idée du Sacerdoce et du Sa-

crifice de Jésus-Christ est un livre unique par les gran-

des données qu'il présente sur Dieu et ses œuvres. On

est introduit, en le lisant, dans les conseils les plus Inti.

mes du Très-Haut sur la création, l’Incarnation du

Verbe, là Rédemption par son sacrifice, la Sanctification

de l'homme à travers les siècles par l'application des

mérites du même sacri6ce enfin sa Glorification dans

le ciel par sa vertu. C'est là surtout que cette grande

offrande parait dané toute sa magnificence et qu'elle

Page 18: Condren - Oratorien

PRÉFACE. 15

est digne du Tout-Puissant. En vérité, glorieux et divin

est ce retour de Phomme, consommé en gloire par le

sacrifice de Jésus-Christ, dans le sein de Dieu 1 Le cœur

et l'intelligente s'accordent également à dire que c'est

là vraiment le terme de toat, le repos absolu et éternel

du Créateur et de sa créature.

Bien que l'Idée du Sacerdoce. n'expose pas explicite-

ment toutes ces vues elle ne laisse pas d'en donner la

clef à un esprit exercé et réfléchi. Si le P. de Cohdren

l'avait écrit lui-même, ce livre présenterait avec un

développement plus complet, plus d'unité, plus d'en-

semble, et laisserait moins à faire au lecteur. Néan-

moins, tél que nous l'avons il est un vrai trésor pour

le cœur et l'intelligence, à cause du champ immense

qu'il ouvre à tous les deux.

On sait assez qu'il n'y à guère que le fonds de cet

admirable livre qui appartienne de fait au second géné-

ral de l'Oratoire. Cet homme tout céleste était éminem-

ment le Prêtre de Jésus-Christ. Le sacerdoce et le sacri-

fice de l'Hômoe-Dieu faisaient ses plus chères délices.

Il ravissait ses auditeurs, quand il parlait de cet objet

privilégié de son amour, et il en parlait toutes les fois

qu'il en avait une occasion favorable. Ses enfants spiri-

tuels, nourris d'un pain si substantiel, ne voulurent pas

en priver ceux qui n'avaient pas pu le recevoir de leur

Père. lis recueillirent donc ce qu'ils purent de sa doc-

trine et composèrent ainsi, après sa mort, ce précieux

volume, où les âmes pieuses, et surtout les prêtres,

trouvent si abondamment de quoi se former à l'amour

et à l’imitation de Jésus prêtre victime.

Il est divisé en quatre parties. La première traite da

sacerdoce de l’Homme-Dieu, fondement de son sacri-

fice. La sébonde e-xpbse les bases de ce sacrifice divin,

Page 19: Condren - Oratorien

16 PRÉFACE.

tandis que la troisième en donne lés développements et

les preuves. Dans la quatrième on explique les prières

qui se disent dans la célébration du même sacrifice, à la

messe, toujours d'après le P. de Condren. Ainsi se trouve

recueillie et mise en ordre la doctrine du grand homme

sur l'ineffable mission du Pontife éternel.

L'ouvrage se termine par des litanies en l'honneur du

sacerdoce et du sacrifice de Jésus-Christ toutes tirées

de l'Écriture Sainte, et principalement de l’Epître aux

Hébreux. Elles sont un abrégé de la science de J. C.

prêtre-victime, et peuvent servir de prière pour ceux

qui voudront lui rendre leurs devoirs en cette double

qualité.

Mais nous enrichirons cette quatrième édition d'un

autre trésor du saint homme; nous voulons dire, de ses

discours de controverse et de quelques autres sur diffé-

rents sujets. La fécondité de son esprit, aidée de sa vaste

érudition, y répand un intérêt qui en recommande la

lecture.

Nous réitérons ici ce que nous avons dit dans le vo-

lume précédent, consacré à ses Lettres. La gloire de

Jésus-Christ et l'édification du prochain étant notre but

unique, dans la publication des OEuvres du second

général de l'Oratoire, nous avons dû, avant tout, en !'aci-

liter la lecture et l'intelligence. Par conséquent, lorsquesa phrase son expression la longueur de sa période

ou bien la négligence de la ponctuation et de l'ortho-

graphe, l'exposent à n'être pas facilement compris,

nous .avons fait les changements convenables pour le

rendre intelligible à tout le monde. Nous avons aussi

supprimé quelques redites, et un peu abrégé quelques

longueurs dans l'explication des cérémonies de la messe.

Si nous nous adressions à l'homme, au littérateur,

Page 20: Condren - Oratorien

PRÉFACE.f7

tout serait dit là sur cette quatrième édition de l'Idéedu

Sacerdoce. et la plus flatteuse récompense que nous

pourrions nous promettre ne dépasserait pas la fumée

d'une approbation. Mais nos vues ne se bornent pas là

et nos espérances sont d'un bien autre genre. Nous nous

adressons au chrétien, au Prêtre; et c'est la connais-

sance et l'amour de Jésus Pontife du Très-Haut, Prêtre-

Victime du grand Sacrifice du temps et de l'éternité

que nous nous proposons de répandre. Nous avons donc

besoin de vous, ô grand Sacrificateur, nous avons besoin

de votre grâce, de votre bénédiction sur ce livre tout

consacré à votre gloire, afin qu'il produise dans le lecteur

ces vives lumières et ces saintes dispositions à l'égard

de votre Sacerdoce et de votre Sacrifice, que votre même

grâce avait produites dans le saint Prêtre dont il expose

la pensée. Nous vous la demandons en son nom au

nom de votre Église et de votre Immaculée Mère.

0 Jésus-Christ, que vous êtes donc grand par votre

Sacerdoce 1 Quevous êtes donc grand par votre Sacrifi-

ce 1 Je suis content de cette grandeur Mon âme brûle

de la faire connaître elle languit du désir de la faire

goûter 1 Répandez donc, ô Prêtre parfait et source uni-

que du sacerdoce répandez votre Esprit sur la terre,

qui opère ce prodige dans les cœurs des chrétiens 1 Que

ceux qui participent à votre Prêtrise et vous perpétuent

dans ses fonctions, vous fassent revivre aussi dans leurs

personnes avec votre Esprit Sacerdotal 1 Quand arrivera

votre jour ce jour pur et serein, ce jour éternel où

débarrassé des voiles qui vous cachent ici-bas et hors

,de mains pécheresses, vous pourrez, dans la perfec-

tion de votre corps mystique glorifié avec vous, offrir à

votre Père l'hostie consommée dans son sein, et entrer

pleinement en communion avec lui 1 Eu attendant, que

Page 21: Condren - Oratorien

18 PRÉFACE.

votre sacerdoce soit cotmu que votre Sacrifice soit

goûté et que tous les hommes s'y associent. Vous sa-

vez-, ô mon Pontife, ce que je vous demande là vous

savez combien nous avons besoin, pour le faire, de

sortir de nous-mêmes Tirez-nous, tirez-moi de cet

esclavage humiliant. Oh l faites-le pour vous, et don-

nez-vous un prêtrede plus, sur qui vous puissiez comp-

ter, et qui ne conaaisse d'autres affaires que celles due

votre service 1

0 Marie Immaculée, appuyez ma demande.

Ainsi soit-il.

Page 22: Condren - Oratorien

IDÉE

DU SACERDOCE ET DO SACRIFICE

DE

JÉSUS-CHRIST.

PREMIÈRE PARTIE.

DU SACERDOCE DE JÉSUS-CHRIST.

CHAPITREPREMIER.

Du desseindeDieudans la réeonctlàationéëshommes etdesqualitésdu Prêtre qui en a dûêtre le Médiateur.

Le dessein éternel de Dieu dans la vue de la chate

d'Adam,a été 4e réconcilier les hommesavec lui-même

par un médiateurqui fût homme et choisi parmi les

hommes. et qui, étant juste et innooent prit sur luila cause de tous les pécheurs; parce que, comme ditSt. Thomas, Il était nécessairepar la consolationdel'hommequ'il eût pour Médiateurun hommesemblableà lui, à qui il pût recouriraprès son péché, et qui pûttraiter de aaréconciliation avecDieu.

Dieu a voulu que ce Médiateurfût prêtre et qu'ilexerçât sa médiation et travaillatà laréconcillationde

Page 23: Condren - Oratorien

20 IDEE DU SACERDOCE

tout le genre humain en qualité de Prêtre non-seu-

lement par quelque action sacerdotal, telle que l'in-

tercession et la prière, ou par quelque autre simple

satisfaction offerte Dieu, mais par la plus noble et la

plus excellente de toutes les satisfaction, et par l'action

la plus propre du sacerdoce, qui est l'Oblation et le

Sacrifice. Ce qui fait dire à l'Apôtre dans l'Épltre aux

Hébreux, 7 et 9, qu'en toutes sortes de lois, l'alliance de

Dieu avec les hommes est fondée sur le sacerdoce et

que plus le sacerdoce est excellent, plus aussi l'alliance

est noble et établie snr de meilleures promesses.

Ce Médiateur n'a pas dû seulement être Homme et

Prêtre, mais encore Fils de Dieu afin qu'en cette

qualité il fùt infiniment saint, et ensuite infiniment

agréable à Dieu, pour entreprendre de réconcilier avec

lui tous les hommes. Car qu'y a-t-il de plus agréable an

Père que le Fils de son amour, comme parle St Paul ?

C'est pourquoi le même apôtre (flebr. 5), voulant faire

voir la vocation de ce souverain Prêtre au sacerdoce de

la part de Dieu la prouve par le témoignage que le

Père lui rend qu'il est son Fils et qu'il est Prêtre pour

l'éternité selon l'ordre de lrielchisédech. a Jésus-Christ,

dit-il, n'a point pris de lui-même la qualité glorieuse

de pontife, mais il l'a reçue de Celui qui lui a dit Pous

êts mon Fils, je vous ai engendré aujourd'hui selon qu'il

lui dit aussi dans un autre psaume Vous êtes le Prêtre

éternel selon l'ordre de Melchisédech.. (Hebr. 5. 5.) Le

Saint-Esprit a voulu nous apprendre par là que ce grand

Pontife n'unit pas seulement en sa personne ces deux

qualités de Fils de Dieu et de Prêtre, mais de plus

que l'une est le fondement de l'autre, et que ce Prêtre

n'est prêtre que parce qu'il est !e Fils de Dieu.

Or, s'il est prêtre Il faut, dit St. Paul qu'il ait quel-

Page 24: Condren - Oratorien

ET BU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. I. PART. 21

que chose qu'il offre à Dieu Unde necesse est et hunc

habere aliquid quod offerat. (Hebr.8. 3.) Et il faut, de plus,

qu'il la puisse offrir par voie d'immolation d'occision

et de mort, puisqu'il devait offrir pour les péchés,

comme cet apôtre nous l'apprend au même lieu et au

même chapitre cinquième Car tout pontife dit-il

étant pris d'entre les hommes en ce qui regarde le culte

de Dieu afin qu'il offre des dons et des sacrifices pour

le péché. p Par ces paroles, l'Apôtre met une différence

entre les dons et les sacrifices pour les péchés. Car il

entend par les dons toutes sortes d'oblations, qui peu-

vent se faire même de choses inanimées, telles que sont

le pain, le vin, l'huile, etc. et par les sacrifices pour

les péchés, il entend ceux qui se faisaient de la chair des

animaux immolés, qui sont appelés en Grec et

en latin victinme. D'où il semble que l'Apôtre nous insinue

que les sacrifices d'immolation et de mort n'ont été ins-

titués et introduits qu'en suite du péché, afin que

l'homme déclarât publiquement par l'occision d'un

animal innocent, qu'il méritait lui-même la mort; mais

qu'étant pécheur, et par conséquent indigne d'être of-

fert à Dieu, et irrégulier pour le sacrifice, il attendait

un homme qui, étant aussi vrai Dieu, serait innocent,

et serait même, un jour, offert et immolé en sa place.

C'est cette Victime qui était figurée par toutes celles qui

ont été sacrifiées à Dieu, avant la Loi et durant la Loi.

De sorte qu'en même temps qu'elle servait à l'homme

pour déclarer qu'il méritait la mort comme pécheur

et qu'il était indigne d'être sacrifié à Dieu, elles étaient

encore une protestation publique de la foi par laquelleil attendait Jésus-Christ, qui devait être substitué en sa

place en qualité de victime. Or Dieu ne voulait recevoir

cette protestation de l'homme pécheur que par l'entre-

Page 25: Condren - Oratorien

22 IDÉS DU SACERDOCE

mise du Prêtre qui était sanctifié particulièrement pour

cet effet.

La victime que ce Pontife avait à offrir pour les pé-

chés, n'est autre chose que sa propre chair, qu'it a tirée

de nous, afin de l'offrir pour nous. Car, comme dit

l'Apôtre Il est impossible que le sang des taureaux et

des boucs ôte les péchée.. (Hebr. 10. 4). Et c'est pour

suppléer à l'inutilité et à l'impuissance de ces victimes

charnelles, que Dieu a envoyé son Fils aumonde.

et

qu'il l'a revêtu d'un corps passible, mortel et capable

d'être offert à Dieu par voie d'immolation et de mort.

C'est ce qu'il lui fit connaître dès le moment de son In-

carnation, et de son entrée dans le monde, en lui dé-

clarant qu'il ne lui avait formé ce corps et cette chair

qu'afin qu'il fût sa victime par l'oblatioa de laquelle il

voulait purifier les cœurs des œuvres mortes du péché,

et les consacrer au Dieu vivant. En suite de quoi, ce Fils

bïen-aimé, se soumettant à la volonté de Dieu son Père,

s'offrit à lui dès ce même moment pour faire sa volonté,

et pour accomplir et consommer, par l'unique oblation

de son corps ce que la multitude de tant de victimes

qui avaient précédé, avait figuré et promis, mais n'avait

pu donner. C'est pourquoi il dit, entrant dansle monde:

Pous n'avez point voulu d'hostie ni doblation; mais vous

m'avez formé un corps. vous n'avez point agréé les holo-

caustes ni les sacrifices pour le péché. Alors jai dit Me

voici je viens selon qu'il est écrit de moi à la tête du Livre,

poar faire, mon Dieu, votre volonté. (Hebr. 10. 5).

Qui n'admirera combien ce dessein de Dieu est plein

de sagesse, combien il est propre et efficace pour la jus-

tification des pécheur» 1 Saint Augustin nous l'apprend,

quand il dit (Lib. 4. de Trim. cap 14.) » Quele vrai sacri-

fice ne peut êlee dignement offert que par un prêtre qui

Page 26: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. ——I. PART. i3

soit juste, saint et innocent que ce qu'on offr-e doit

être pris d'entre ceux pour qui ûa l'offre; et qu'il doit

être sans vice, afin qu'il puisse êtce offert pour purifier

ceux qui sont engagés dans le péché. Oc y a-t-il un prê-

tre aussi saint et aussi juste que le Fils. unique de Dieu P

Et aurait-il pu y en avoir un autre qui n'aurait pas eu

besoin d'être lui-même sanctifié par le sacrifice et pu-;

rifié de ses péchés, soit de celui que l'on contracté par

la naissance, soit de ceux qu'on y ajoute durant la vie

Que pourrait-on prendre plus raisonnablement des hom-

mes, qui pût être offert pour les hommes, que la chair

d'un homme ? Et y a-t-il rien de si propre à être immolé

et à mourir qu'une chair mortelle ? Peut-on cien trouver

de si pur, pour purifier l'homme dé sa corruption,

qu'une chair née dans le sein et du sein d'une Vierge,

sans avoir rien contracté de la concupiscence de la

ohair? Y a-t-il quelque chose dont l'oblation pût être

aussi agréable, et qui put être reçue aussi favorablement

que la chair de notre Sacrifice laquelle est le corps de

notre Prétre ? afin que comme il y a quatre choses à

considérer dans tous les sacrifices celui à qui on l'of-

fre, celui qui l'offre, ceux pour qui il est offert et enfin

la chose même qui est offerte, notre unique et véritable

Médiateur, qui nous devait réconcilier avec Dieu par le

sacrifice pacifique, demeurât une même chos.e avec

Çelui à qui il sacrifiait, rendit ceux pour qui il sacri-

fiait une même chose avec lui et en lui, et fût lui-

même celui qui sacrifiait et la chose sacrifé.e.

Nous pouvons apprendre de cet admirahte discours de

Saint Augustin cinq conditions que doit avoir la victime

de notre Médiateur, Elle doit être 1° Une chair 2° une

chair humaine 3" une chair mortelle; 4° une chair née

d'une Vierge; 5° une chair qui soit le propre corps de

notre Seigneur.

Page 27: Condren - Oratorien

24 IDÉE DU SACERDOCE

Ce doit être une chair pour être offerte; une chair

humaine prise des hommes, pour être offerte pour les

hommes; une chair mortelle, pour être offerte par voie

de mort; une chair née d'une vierge, pour être sans

tache et sans corruption et une chair qui soit le corps

même du Fils de Dieu, pour être agréable à Dieu et

pour réduire à une parfaite unité tout ce qui est néces-

saire pour le sacrifice del'Église chrétienne. Car en suite

de cet enchaînement mystérieux, celui qui sacrifie est,

par sa personne et par sa nature éternelle, une même

chose avec Dieu son Père; selon sa chair, il est une

même chose avec les hommes; par cette même chair, il

est une même chose avec la victime qu'il sacrifie; enfin

par l'oblation et le sacrifice qu'il fait de sa victime,

celle-ci entre et est consommée dans l'unité de Dieu

en nous réconciliant avec lui, et nous unit les uns aux

autres et à lui-même en nous réconciliant dans l'unité

de son corps mystique, qui est l'Église, qu'il offre avec

son corps naturel, en même temps qu'il l'offre pourelle.

Il suit de là que, depuis le péché d'Adam jusqu'à la

consommation des siècles, non-seulement il n'y a jamais

eu mais qu'il n'y aura jamais qu'une vraie victime qui

eapie les péchés des hommes, et qui soit agréable à

Dieu par elle-même. Il s'ensuit encore qu'il n'y a jamaiseu qu'une seule victime et qu'un seul vrai sacrifice quilui ait été offert en tous les temps et en tous les lieux de

l'univers. Que si avant que ce grand Prêtre eût paru au

monde et se fût offert lui-même pour victime, on a offert

en sacrifice des animaux ces sacrifices n'étaient ni

commandés de Dieu, ni offerts à Dieu, ni acceptés est

reçus par lui qu'en tant qu'ils promettaient, prédi-

saient, prophétisaient et représentaient cet unique sa-

Page 28: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. ——I. PART. 25

2

crifice par lequel Dieu devait être apaisé et ils n'é-

taiént sacrifices que par analogie et par rapport à ce-

lui-là; ou plutôt, ils ne faisaient qu'un seul sacrifice avec

celai de Jésus-Christ.

C'est pour cette raison que le Fils de Dieu est appelé

dans l'ÉCriture « AGNUS OCCISUSAB ORIGINE MUNDI;

l'Agneau immolé depuis le commencement du monde;

(Apoc. 13. 8.) c'est-à-dire en figure en mystère, en re-

l présentation, et pour ainsi dire en effigie. En effet, dans

les sacrifices d'Abel, de Noé d'Abraham, de Moïse et

d'Aaron, c'était Jésus-Christ proprement qui était offert

et immolé;,c'était lui, dit Saint Augustin, qui était

prédit et signifié Dieu voulant qu'en ces premiers

temps te sacrifice de la chair et du sang de son Fils fût

prophétisé par la chair et le sang des animaux. Car en

ce qu'ils étaient exempts de défauts et de vices corpo-

rels, ils donnaient aux hommes cette espérance qu'il se

trouverait un jour un homme qui étant saint, inno-

cent, exempt de toute impureté et des moindres taches

du péché, serait immolé pour les hommes. C'est de là

que sont venues ces riches épithètes que Saint Augnstin

donne partout à ces anciens sacrifices, comme quand

il les appelle tantôt les paroles muettes des promesses

qui devaient finir par l'accomplissement des promesses

1 mêmes; tantôt, avec l'Apôtre, les ombres des choses

qui devaient arriver, et dont Jésus-Christ était le corps

et la vérité; quelquefois des crayons de cet unique et

véritable sacrifice, qui devait être offert pour tous les

péchés des hommes quelquefois aussi des prophéties

de cette victime, que J.-C. devait offrir en s'offrant lui-

même; d'autres fois enfin, des représentations qui pro-

mettaient la vérité du sacrifice qui devait s'accomplir

par l'immolation du corps et du sang du Seigneur, et

Page 29: Condren - Oratorien

26 IDÉE DU SACEADDCE

qui avaient éfé instituées de Dien dam une si grande

variété, cdmtne pour exprimer une même chose paV

plusieurs manières de parler différentes pour la reçoit

mander et l'annoncer souvent sans dégoût, et pour

multiplier et diversifier la consolation des hommes en

fetir promettant, en tant de diverses manières ét' par

tant de différentes figures, cette seülë Victime vérita-

Dle, par laquelle Dieu, les voulait reconcilier avec lul,

en leah remettant leurs péchés, et les réunîr à fui en

Jésus-Christ notre Seigneur, qui pour cela' ést devent

te Chef des fidèles dddt il à composé son corps mysti-

que, en les fainant tous ses membres.

CHAPITRE il.

Que Jésus-Christ est Prêtre selon l'ordre de Mélchisedech,

et non selon l'ordre d'Aaron.

Jésus-Christ devant êfre Prêtre, comme j'ai dit, pour

être notre Médiateur, né ré pouvait être selon l'ordre

d'Aaron, comme l'enseigne le grand Apôtre. La raison

eti est que, pour"être prêtre de cet ordre, il fallait être

de la tribu de Lévi à laquelle Dieu avait attaché le sa-

cerdtice légal par ùn commandement exprès et intivo-

lable. C'est pour cela que les Juifs, dé peur de se mé-

prendre en une Chose de cette importance, avaient ac-

coutume de faire nu dénombrement très-exact dé tous

les descendants d'Aaron, dé lédès pères et de leurs me-

res, et d'en conserver soigneusement lés génealogies,

poér justifier le droit qu'ils avaient à la PMtrise par

cette ligne dé succession, et cetté ligne s'appelait l'Or-

lire d'laroil. Puis donc que N.-S J.-C. n'était pas de

Page 30: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. — I. PART.27

2.

cette tribu sacerdotale, mais de la tribu royale de Juda,

il est clair, comme dit l'Apôtre, qu'il ne pouvait pas

être prêtre de cet Ordre, et que, s'il devait, être prêtre.,

il faillait que ce fût d'une autre sorte de sacerdoce. En

effet, il l'a été d'un ordre bien supérieur à celui-là, et

que le Prophète, en lui adressant la parale de la.part

de Dieu: appelle- 1.'Ordra de. Melchis édech. Non que

Notre-Seigneur soit descendu, de ca Prêtre selon la

chair comme les autres prêtres étaient descendus,

d'Aaron; mais parce que l'Ordre émiaeot, dana lequel

il est unique et qu'il remplit lui-même tout seul, sans

avoir ni prédécesseurs ni successeurs avait été

même longtemps avant. le sacerdoce d'Aaron figuré

par Aielchisédeeh, par les singulières ressemblances

qu'avait ce grand homme, comme parle l'Apôtre. avec

Celui dont il était la Hgwre. En ed'e6,, cet Apôtre, qui

rapporte ces mêmes paroles du Père éternel à son Fils

Trc es Prêtre selon COrdre de.Melchisédech, les explique un

peu après, en disant qu'il est Prêtre seloa la ressem-

Wauee de Melchisédech comme voulant dire que

c'est une même chose d'être prêtre selon l'ordre dit

Melchisédech, et l'être selon, la ressemblance de Mel-

chisédech.; et qu'il n'est pas prêtre selon l'ordre d'Aa-

iron, parce qu'il est prêtre, selon l'ordre tracé dans ce-

lui de Melchisédech, comme dans sa figure et dans, sou

ébauche. (Hebr. 7-15.)

L'Apôtre nous explique en quoi consiste cette ressem-

blanche, quand. il dit que le nom de Melchisédech sig-

nifie-roi de justice qu'il était roi de Salem, (qui depuis

a éLé Jérusalem) c'est-à-dire roi de paix; qu'il élait sans

père, sans mère et sans généalogie; qu'il n'est couché

dans aucun catalogue de prêtres, où: il soit fait mention

de son père, de sa mère, ni de ses descendants pour

Page 31: Condren - Oratorien

28 IDÉE DV SACERDOCE

justifier sa prêtrise par la succession charnelle que sa

vie n'a ni commencement ni fin, c'est-à-dire, qu'il n'est

parlé dans l'Écriture, ou dans le catalogue des prêtres,

ni de sa naissance, ni de sa mort, comme il est parlé

de celle des autres prêtres; afin d'insinuer, par ce si-

lence mystérieux, qu'il est prêtre (en figure) pour tou-

jours, sans qu'il ait succédé à personne puisqu'il est

introduit sans père et sans mère, et sans que personne

lui ait succédé, puisqu'il est sans généalogie.

Or, toutes ces qualités conviennent excellemment au

Fils unique de Dieu. Il est roi de justice et de paix

puisqu'il est venu au monde pour les y faire naître avec

lui selon cet oracle de son Prophète « La justice fleu-

rira sous son règne, et la paix y régnera parfaitement.

(Ps. 71. 7.) Il est sans père, sans mère et sans descen-

dants c'est-à-dire sans ancêtres et sans successeurs

dans l'ordre sacerdotal. Il n'y a ni commencement ni

fin en son sacerdoce par voie de succession. Il n'y a

point de commencement par succession, puisqu'il le

reçoit immédiatement de Dieu par une consécration

toute divine, ayant été oint en une manière plus excel-

lente que tous ceux qui ont jamais porté la qualité de

prêtre. ll n'y a point de fin, parce qu'il ne l'a transmis

à aucun successeur. qu'il ait revêtu de sa dignité en

s'en dépouillant lui-même. D'où il suit que c'est lui vé-

ritablement, et non pas Melchisédech qui est Prêtre

pour jamais, et qu'il est établi pour l'éternité dans son

sacerdoce, parce qu'il est Prêtre, non selon la loi d'un

ordre de naissance et d'une succession charuelle, c'est-

à-dire qui attachait le sacerdoce à la naissance et à la

succession selon la chair; mais qu'il est Prêtre par la

puissance d'une vie immortelle et glorieuse, qui ne peutêtre détruite. (Hebr. 7. 16.)

Page 32: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — I. PART. 29

Ce n'est pas encore sans mystère qu'Aaron, ayant été

établi prêtre par la vocation et l'élection de Dieu, ne le

fut pas néanmoins, non plus que ses descendants, avec

serment. Dieu voulait signifier par là que son sacerdoce

ne devait être que pour un temps, comme ne pouvant

purifier la conscience de ceux qui rendaient à Dieu ce

culte: au lieu qu'en même temps que le Père, ressus-

citant son Fils, l'établit à sa droite, il lui jure (c'est,à-

dire, il fait connaître que c'est sa volonté immuable et

éternelle, qu'il ne révoquera pas comme font ceux qui

se repentent de leurs promesses) que, comme Melchisé-

dech, roi de justice et de paix, gouvernait tellement

son royaume qu'il y faisait encore la fonction de sacri-

ficateur, en laquelle il n'avait succédé à personne, ni

personne à lui; de même ce Messie, seul véritable roi

de justice et de paix, devait, dans la céleste Jérusalem

exercer, avec la royauté, la fonction d'un Sacerdoce,

non temporel, comme celui d'Aaron mais perpétuel

Sacerdoce que personne n'avait eu avant lui et qu'il ne

devait laisser à personne après lui, parce qu'il est éter-

nel. Car c'est lui seul qui doit sanctifier et rendre par-

faits les Chrétiens pour toujours par l'unique oblation

de son corps. Lui seul peut réconcilier les pécheurs avec

Dieu, en continuant d'offrir pourcux dans le ciel le sang

qu'il à répandu pour eux sur la terre et d y faire l'of-

fice de médiateur devant la face de hieu son Père, pour

l'accomplissement de leur salut.

Comme l'éternité du Sacerdoce du Fils de Dieu est

fondée sur l'éternité de sa vie, aussi, quand il a mérité

par sa mort de ressusciter et de vivre éternellement il

a mérité d'être éternellement Prêtre. Car Saint Paul unit

ces deux choses dans le chapitre cinquième de l'Épltre

aux Hébreux oui, après avoir dit que nul ne doit s'altri-

Page 33: Condren - Oratorien

30 IDÉE DU SAGERDOCE

huer à lui-même l'honneur du sacerdoce, mais qu'il

faut y être appelé de Dieu commeAaron, il fait voir que

J.-C. n'est point aussi entré de luhméme dans le Sacen.

doce ne s'étant point donné lui-même la vie glorieuse

h laquelle son Sacerdoce éternel était attaché Non

semetipsum clarificavit ut Pontifex fieret; mais l'rayant

reçue de son Père, par le mérite de sa mort et de Me

prières, dans la résurrection à une vie glorieuse et im-

mortelle à laquelle il l'a comme engendré de nouveau,

en lui disant en même temps qu'il est son Fils et son

Prêtre pour l'éterùité. Ainsi J.-C. dit-il n'est point

entré de'lui-même dans la gloire pour se donner la sou-

Teraine sacriilcature, mais il l'a reçue de celui qui lui a

dit Vous êtes mon Fils je vous :a1engendré aujour

d'hui selon qu'il lui-dit aussi dans un autre psaume

Vous êtes le Prêtre éternel selon l'ordre de Mélchisé-

dech. (Hebr.7-6. 7:) Et pour-marquer encore. plus clai-

fement comment il a mérïté cette double grâce, Il ajoute

que, « dans les jours de sa chair c'est-à-dire de sa mort

etde son oblation sur ta croix, ayantoffert avec un grand

cri et avec larmes ses prières et ses supplications à

Celui qui le pouvait tirer de la mort, Il fut exaucé en

considération de son humble respect » pour son Père

et de l'obéissance qu'il lui avait rendue. '(Hebr. 6. 7.)

•En effet quoiqu'il fut le Fils de Dieu., il a appris, par

tout ce qu'il a souffert, l'Obéissance et ayant été consom-

mé, il est devenu l'auteur du salut éternel pour tous

ceux qai lui obéissent. Dieu l'ayant déclaré Pontife selon

l'ordre de Melchisédech.

Parce que Jésus-Christ est toujours vivant, non-seu-

lement il est Prêtre, mats t1 est seul et unique Prêtre

C'est ce que l'Apôtre enseigne clairement quand il dit.

Que dans l'ordre d'Aaron il y avait un grand nombre de

Page 34: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. —I.PART. 3r

nécessaire., pour conserver le sacerdoce qu'il y en .eût

qui succédasent les uns aux autres au lieu que, Jésus-

éternel. Que s'il est éternel il ne peut avoir de succes-

seurs et par conséquentil ,faut qu'il soit seul grand-

Prêtrepuisquelaraisondemultiplierlesprêtresqui

était la nécessité de remplir laplape de ceux qui mou-

raient, .cesse en lui· Comme donc la multitude des

prêtres selon la loi était fondée sur leur mortalité de

même l'unité et la singulariré du Sacerdoce de Jésus-

Christ est fondée sur sa .vie immortelle par laquelle il

DE la prtpécuité du Sacerdoce de J.-C., l'Apôtre in-

fère que ce Souverain Prêtre sau-

rer tous ceux qui Vont à Dieu par sa médiation et en

son nom d'autant qu'il est toujours vivant afin d'in-

tercéderpoureuxETc'estsurquoiSaintPaulveut

que soit fondée notre espérance et notre consolation.

« C'est pourquoi dit-il il peut toujours sauver ceux

quis'approchentdeDieuparsonentremiseétanttou-

jours vivant ,afin d'intercéder pour nous. » (Hebr. 7. 25)

Il infère encore de la révocation et de l'abolition du

premier sacerdoce, c'est-à-dire du sacerdoce d'Aaron,

son impuissance et son inutilité car comme il dit, si,

nonobstant la multitude des prêtres qui offraient inces-

samment des sacrifices il a été nécessaire qu'il vint

un autre Prêtre selon l'ordre et la ressemblace de Mel-

chisédech, il s'ensuit donc que la sacrificature ancien-

ne qui était selon la Loi, ne conduisait personne à une

autreplusexcellente,quiétablitennousunemeilleure

Page 35: Condren - Oratorien

32a IDÉE DU SACERDOCE

et plus solide espérance, par laquelle nous pussions

nous approcher de Dieu avec confiance. (Id. v.15. 17. 18.)

Il infère encore qne comme il y a eu changement de

sacerdoce, il a fallu que l'Alliance et la Loi fussent

aussi changées parce que ces trois choses sont insépa-

rablement jointes en toute vraie Religion le Sacerdoce,

l'Alliance et la Loi. (Ibid. 7. 12.) Le Sacerdoce fait l'Al-

liance parce que l'office du Prêtre, comme médiateur

entre Dieu et les hommes, est de réconcilier les hom-

mes avec Dieu par le moyen de son sacrifice, et de re-

nouer entre eux l'amitié que le péché avait rompue

et que la Loi est la seule condition de cette Alliance; car

elle ne peut subsister entre Dieu et les hommes, si

Dieu de son côté ne fait des promesses aux hommes

et si les hommes, duleur, ne s'engagent en même temps

à faire la volonté de Dieu.

Comme donc, parla Sacrificature de J.-C., il s'est fait

un changement du sacerdoce d'Aaron en celui du vrai

Melchisédech, il s'est fait aussi un changement de l'an-

cienne Alliance en une nouvelle, dont J.-C. a été fait le

Médiateur et le garant In tantum melioris testamenti

sponsor factus est Jesus. (Heb. 7. 22.) D'autant que par

sa mort, il a mérité que les hommes rentrassent en

grâce et en amitié avec Dieu et quf, comme il nous en

a donné lui-même les assurances par sa parole durant

sa vie le sang qu'il a versé par sa mort et son sacri-

fice en est le sceau et le gage précieux. C'est pourquoi

cette Alliance nouvelle, contractée par ce sang adora-

ble, a d'autant plus d'avantages sur la première, que le

Sacerdoce nouveau en a par-dessus l'ancien, et elle

subsiste sur des promesses bien plus grandes et plus

magnifiques. Car par les promesses de l'ancienne al-

liance Dieu ne s'engageait qu'à donner aux enfants

Page 36: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. — I. PART. 33

d'Israël une terre abondante et une prospérité tempo-

relle, à condition qu'ils demeureraient fidèles à obser-

ver la Loi au lieu que par les promesses de -la nou-

velle, il s'oblige à introduire les vrais Israélites; c'est-

à-dire les fidèles, dans l'héritage du ciel, qui est la

vraie terre des vivants, non-seulement à condition qu'ils

garderont la Loi mais en leur faisant observer cette

condition et Dieu leur donnant son Esprit et sa grâce

pour garder la Loi comme Saint Paul le prouve par

les paroles des Prophètes, qui contiennent les promes-

ses de cette nouvelle alliance. « Voici, dit-il avec le

prophète Jérémie l'alliance que je ferai avec la maison

d'Israël après que ce temps-là sera venu dit le Sei-

gneur j'imprimerai mes lois dans leur esprit, et je les

écrirai dans leur cœur: et je serai leur Dieu, et ils se-

ront mon peuple et aucun d'eux n'aura plus besoin

d'enseigner son prochain et son frère, en disant: Con-

naissez le Seigneur; parce que tous mé connaîtront,

depuis le plus petit jusqu'au plus grand. Car je leur par-

donnerai leurs iniquités, et je ne me souviendrai plus

de leurs péchés. » (Heb. 8. 10 et t6. Jerem. 31. 33.)

Le Sacerdoce el l'Alliance ayantété changés il a fallu

qu'il se soit fait aussi un changement dans la Loi; parce

que toutes les ordonnances de Moïse, dont les Israélites

avaient juré d'être les religieux observateurs pour être

héritiers des promesses charnelles et temporelles ont

cessé, et qu'il n'en est resté que la loi de charité et les

commandements de justice, lesquels n'étant auparavant

écrits dans l'Ancien Testament que sur des tables de

pierre, et ne pouvant donner aux hommes la force de

les observer, ont commencé dans le Nouveau d'être

écrits par le doigt de Dieu, c'est-à-dire, par le Saint-

Esprit etpar l'infusion de la charité dans les cœurs pour

les rendre justes devant Dieu. (Heb. 7. 10. 16.)

Page 37: Condren - Oratorien

34 IDÉE DU SACERDOCE

t/Apôtre déduit enfin ta prééminence et l'excellence

dn Sacerdoce de J.-C par-dessus le Sacerdoce pour

lequel Aaron et ses enfants avaient été consacrés de ce

que Melchisédech, qui le représentait étant allé au-

devant d'Abraham, qui retournait victorieux de cinq

rois., le bénit premièrement en quoi certes Il montra

'bien qu'il était plus grand qu'Abrabam puisqu"il est

hors de doute que celui qui doxue la bénédiction est au-

dessus de celui qui la reçoit

He plus Melchisédech reçnt d'Abraham la dîme de

tontes les meilleures dépoailles que ce capitaine victo-

rieux avait enlevées à ses ennemis, et en la recevant

d'Abraham, il la reçut par conséquent de Lévi d'Aaron

etde tous leurs descendants qui étaient comme ren-

fermés dans Abraham. Jugez donc par là dit l'Apôtre

combien grand devait être ce nouveau Prêtre selon l'or-

dre de Melchisédech. puisque celui qui le représentait,

et qui n'en était que l'ombre et la figure, avait droit de

bénir celui à qui les promesses avaient été faites et

dans la postérité duquel toutes les nations de la terre

devaient être bénies; et qui, en suite de cette bénédic-

tion qv'il donna à Abraham eut encore le droit de re-

cavoir la dîme de ce Patriarche et de toute sa posté-

rité en lui.

CHAPITRE III.

Quand et comment Jésus-Christ a fait la fonction de

Prêtre selon rordre de Melchisédech.

il ne faut pasdire, comme quelques auteurs que

J.-C. ait fait sur la croix la fonction de prêtre selon

Page 38: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.— 1. FART. 35

l'Ordre d'Aaron à caf se qu'il s'y est offert et y a étésacrifié d'une manière sanglante, qui a rapport à la

manière d'offrir les victimes légales. Car l'Apôtre nous

dit trop expressément que J.-C. n'a jamais été prêtre

selon l'Ordre d'Aaron ,parce qu'il n'était pas de la tribu

sacerdotale de Lévi,, mais de la tribu royale de Juda,

C'est pourquoi il faut tenir pour assuré que, demeurant

dans son Ordre, figuré parcelui de Melchisédech, il n'a

de rapport aux sacrifices de la loi de Moïse, que parce

gu'il a accompli par l'unité de son oblation toutes les

ombres et les Ggures des victimes légales et toutes les

différentes oblations du culte .d'Aaron comme les cho-

ses d'pn ordre supérieur comprennent et renferment

celles des ordres inférieurs, et quelque chose de plus.

En effet, Saint Paul ayant entrepris dans toute.son

Épitre aux Hébreux de relever le Sacerdoce de Jésus-

Christ, et d'en faire voir l'excellence par-dessus celui

d'Aarow, n'y fait mention que du Sacrifice de la Croix,

dans lequel il s'est offert lui-même à Dieu, par l'Esprit

éternel., comme une victime très-sainte pour expier

les iniquités qui se commettaient sous le premier Testa-

ment, et effacer les péchés de plusieurs.

D'ailleurs il nous apprend que le sacerdoce léviti-

que n'a été aboli qu'à cause de son impuissance à puri-

fier les cœurs et à conduire ceux qui s'en servaient à

une parfaite justice à raison de quoi, il d fallu qu'il

parût un autr.e Prêtre selon l'ordre et la ressemblance

de Melchisédech. pour être le médiateur d'une nou-

velle alliance et de la.réconciliation des hommes avec

Dieu cela est expressément dans Saint Paul..(Heb, 7.15.)

Or, est-il que J.-C. n'est médiateur de l'alliance nou-

velle que par sa mort: d'où il suit que dans sa

piort, il a fait l'office de prêtre selon l'ordre de Mel-

Page 39: Condren - Oratorien

36 IDIE DU SACERDOCE

rhisédech par l'oblation qu'il a faite de lui-même ..J.-C.

a donc fait le premier usage public de son Sacerdoce

sur la croix, mais il l'a accompli et consommé par son

entrée dans le ciel, et ce n'est qu'à la droite de son

l'ère et par l'état de sa vie glorieuse et immortelle,

qu'il est entré pour toujours en possession de ce Sacer-

doce éternel selon l'Ordre de Melchisédech.

Saint Paul nous apprend que Jésus-Christ n'a pas fini

par sa mort, comme les autres prêtres, mais plutôt

qu'il a été consommé, c'est-à-dire, achevé et perfec-

tionné par sa Passion, selon ces paroles (Ilebr. 2.10) Il

était de la grandeur de Celui par qui et pour qui sont

toutes choses que, voulant conduire à la gloire plu-sieurs enfants, il consommât et perfectionnât par tes

souffrances celui qui devait être l'auteur de leur salut.

Étant entré par ce moyen dans la consommation de

sa gloire il est devenu l'auteur du salut éternel pour

tous ceux qui lui obéissent Dieu l'ayant déclaré Pontife

selon l'ordre de Melchisédech. Or cette perfection et

consommation s'est faite par sa glorification entière

qui comprend, dit St. Augustin sa Résurrection et son

Ascension. C'est donc en ce double mystère qu'il a ap-

pelé et déclaré de Dieu le parfait Pontife selon l'ordre

de Melchisédech.

De plus, il n'est Prêtre selon l'ordre de Melchisé-

dech, que parce qu'il est Prêtre éternel l'éternité étant

une condition essentielle de ce Sacerdoce selon ces

paroles du Père Vous êtes le Prêtre éternel selon

l'ordre de Melchisédech. Car c'est pour ce sujet qu'ilest parlé de Melchisédech dans l'Écriture comme s'il

avait été sans père, saus mère et sans postérité.

Outre cela, il n'est Prêtre éternel que parce qu'il de-

meure éternellement, afin d'intercéder toujours pour nous,

Page 40: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — 1. PART.37

selon ces paroles de St. Paul, (Hebr. 7. 24) « Mais

comme celui-ci demeure éternellement, il possède un

sacerdoce qui est éternel, étant toujours vivant afin"

d'intercéder pour nous, et il ne demeure éternelle-

ment que par l'état de sa vie nouvelle dans laquelle il

intercède pour nous et que par son entrée au ciel. Il

n'est donc Prêtre achevé et parfait, selon l'ordre de Mel-

chisédech, que par sa Résurrection et son Ascension.

Non-seulement J.-C. a été établi Prêtre selon l'ordre

de Melchisédech par son entrée dans le ciel mais en-

core il l'a été pour y faire la première et principale fonc-

tion du Sacerdoce, qui est l'oblation du Sacrifice. Celte

vérité est très- clairement marquée dans plusieurs en-

droits de Saint Paul. « Tout ce que nous avons dit, se

réduit à ceci (Hebr. 8. 1. 2,) que le Pontife que nous

avons est si grand, qu'il est assis dans le ciel à la droite

du trône de la Souveraine Majesté, étant le ministre du

sanctuaire (r , le sacrificateur ou prê-

tre du ciel ) et de ce véritable tabernacle que Dieu a

dressé, et non pas un homme. » Par ces paroles, l'Apô-

tre fait allusion a ce qui se passait dans la Loi ancienne,

dont le pontife était le ministre d sanctuaire figuratif,

appelé Sancta Sanctorum, le Saint des Saints. Il compare

cet ancien tabernacle avec le ciel et l'ancien Prêtre

avec Jésus-Christ, qu'il appelle le ministre des lieux

vraiment saints et du vrai tabernacle qui est le ciel, sur

le modèle duquel dit St. Paul, l'autre avait été bâti.

Comme donc le grand-Prêtre de la Loi exerçait la fonc-

tion la plus propre de son sacerdoce, quand il entrait'

dans le tabernacle figuratif de même J.-C. a exercé

proprement la sienne quand il est entré dans le taber-

nacle figuré par celui-là, c'est-à-dire dans le ciel, dans

le sein même de Dieu.

Page 41: Condren - Oratorien

38 IDÉE DU SACERDOCE

L'Apôtre continue et infère que, si Jésus-Christ .est

Pontife dans le ciel, il y offre nécessairement parce

que tout Pontife est établi pour offrir des dons et des

victimes. D'où il résulte qu'il faut que ce nouveau

Pontife ait pareillement quelque chose qu'il puisse of-

frir. Et que peut-il avoir à offrir que ce qu'il a une fois

offert sur la terre, c'est-à-dire, la victime de son propre

corpe, dont il renouvelle et continue sans cesse l'obla-

tion dans le ciel ?

L'oblation de J.-C. n'a donc pas été tellement consom-

mée et épuisée sur la terre, qu'elle ne se fasse plus dans

le ciel mais plptût elle n'a fait que commencer ici-bas

pour être continuée au ciel, où se trouve la perfection

du sacrifice. Car si cela n'était, poursuit 1,'Apôtre,, et si

J.-C. detueurait toujours sur la berre, il ne serrait point

du tout prêtre puisqu'il y en avait d'autres qui étaient

destinés à offrir des dons selon la Loi. L'Apôtre veut

dire que s'il était prêtre pour la terre comme les au-

tres, et qu'il n'eût eu à faire les fonctions du sacerdoce

que sur la terre, sans entrer dans les lieux saints pour

y offrir, en cette hypothèse il n'y aurait eu nulle néces-

sité qu'il fùt prêtre et qu'il serait même impossible

qu'il le fût, parce que, pour être Prêtre selon la Lpi

il fallait pouvoir offrir les victimes ordonnées par la Loi

et, pour cela, être, selon le commandement de Dieu

d'une autre tribu que celle dont Jésus-Christ était selon

la chair: c'est-à-dire qu'il.fallait être de la tribu de Lévi,

dont J.-C. n'était pas et non point de celle de Juda, de

laquelle il était.

Il-faut donc, pour entendre ce raisonnement de l'A-

pêtre, se souvenir toujours q,u'eptre les Juifs, par la

disposition de la Loi, personne. ne pouvait offrir la chair

des animaux ni autre chose en sacrifice qu'il ne fut

Page 42: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — I. PART. 39

prêtre de la tribu de Léci. C’est pourquoi le Fils de Dieu,

parce qu'il était sorti selon la chair de la tribale Juda

ne pouvait évidemment ni être prêtre selon la Loi, ni

en offrir les sacrifices. S'il avait donc être prêtre il

devâit l'ëtre d'ua ordre qui lui fût propre et offrir, non

une victime étrangère mais sa propre victime, c'est-à-

dire sa propre chair. D’ailleurs, commeil devait, être un

Prêtre toujours vivant pour être toujours cause du

salut des hommes, il fallait aussi que la victime qui

est sa propre ehair, fùt toujours vivante car, si elle eut

été morte, dès tors il n'aurait plus été prêtre dans la

forme de serviteur qu'il prise. Au lieu que maintenant

qu'il est toujours vivant dans son hostie, il est to4ours

un Prêtre céleste et non terrestre d'autant que celte

sorte de Sacerdoce, qui est fondé sur la puissance d’une

vie immortelle ne convient pointa la terre. Tant s’en

faut donc que sou élévation Hauplus hautdes cieux lui

ravisse rien de son Sacerdoce et lui en interdise les fonc-

tions, qu'au contraire c'est ce qui le met en état de les

exercer puisque, selon St. Paul s’il n'avait eu à être

prêtre que sur la terre comme les autres prêtres il

ne l’aurait point été du tout.

Il y a une riche preuve de cette vérité, au chap. 9 de

l’Épitre-aux Hébreux dansla figure du Grand-Prêtre, le.

quel, après l’immolation solennelle qui se faisait tous

les ans, d'un bouc pour l'expiation des péchés du peu-

ple, entrait par le premier tabernacle dan-9 te second,

qui s'appelait le Saint des Saints, portant en ses mains

le sang de cette vietime, qu'il élevait et offrait .à Dieu,

le conjurant, dans la ,viie de ce sang, d’oublier tant ses

ignorances et ses péchés, que ceux de tout le peuple

d'Israël. et par cette cérémonie, dit l’Écriture, se faisait

l'expiation de toutes les offenses.

Page 43: Condren - Oratorien

40 IDÉE DU SACERDOCE

C'est ce que l'apô re St. Paul nous enseigne avoir

été,selon la vérité, accompli en J.-C. qui, étant Pontife

des biens futurs est entré non dans le sanctuaire

fait de la main des hommes sur le modèle du véritable,

mais dans le ciel et dans le sein même de Dieu. Il y est

entré par un tabernacle bien plus auguste et plus parfait

que celui de Moïse, comme n'étant point formé par la

voie commune et ordinaire, ni fait de main d'homme,

comme l'autre; c'est-à-dire qu'il y est entré par l'ouver-

ture de son propre corps. Il y est entré après nous avoir

acquis une rédemption éternelle, après avoir donné son

sang pour prix de notre rachat, et pour uous tirer de la

servitude et de la mort dans laquelle nous étions enga-

gés par nos iniquités. Il y est entré afin de se présenter

maintenant pour nous devant la face de Dieu d'abolir

le péché en s'offraut lui-même pour victime, et d'inter-

céder sans cesse en notre faveur. C'est ce qui était figuré

dans la Loi, lorsque le Grand-Prêtre, étant entré dans

le tabernacle, se tenait debout devant le sanctuaire, en

priant pour le peuple et offrant à Dieu le sang de la

victime qu'il portait eu'ses mains.

Que si le prêtre lévitique entrantdaus le sanctuaire,

offrait le sang des victimes qui avaient été immolées

c'est-à-dire le sang des boucs et des veaux; si, en les

offrant en mémoire de la mort par laquelle elles avaient

passé, cette. oblation qu'il en faisait était un vrai sacrifi-

ce, ou plutôt la consommation et la perfection du sacri-

fice même si enfin c'était en vertu de ce sang qu'il avait

l’assurance de se présenter à Dieu, et de lui faire des

prières et des supplications n'égorgeant ces victimes

au dehors du tabernacle que pour offrir ce sang à Dieu

dans le Tabernacle même; disons aussi que J.-C. n'a

versé son sang sur la croix, que pour offrir ce sang à

Page 44: Condren - Oratorien

ET DB SACRIFICE DE JESUS- CHRIST. ——I. PART. 41

Dieu dans le vrai Sanctuaire, et qu'il n'a fait la première

oblation de lui-même sur la terre qu'afin de faire, dans

le ciel, une seconde etéteriiétle oblation de ce sangpour

l'expiation des péchés des hommes.

Ceci nous donne jour pour remarquer une importante

vérité, qui nous est insinuée aux chapitres 1 et 2 du

Lévitique, et ailleurs. C'est qu'encore que toutes les

parties du sacrifice ne fussent qu'une oblation, néan-

moins l'ohlation se faisait particulièrement et manifeste-

ment en deux cérémonies. La première lorsque l'on

amenait la victime it la porte du Tabernacle, et qu'on

la présentait au Prêtre, qui en prenait possession' au

nom et en l'autorité de Dieu; la seconde, lorsque, après

son immolation le Prêtre en versait le sang autour de

l'autel, et que, prenant la graisse et une partie de la

chair, il l'élevait vers le ciel et la mettait sur l'autel des

holocaustes, pour être brdlée en l'honueur de la Ma-

jesté Divine et cette élévation s'appelle, dans l’Écriture,

une oblation et une manière d'approcher de Dieu, parce

qu'elle mettait le prêtre en état de prier. La première

ohlation se faisait pour la mort la seconde pour mé-

moire de la mort la première pour satisfaire à la jus-

tice de Dieu, en transférant la peine, que méritait le

coupable pour ses péchés sur une victime innocente

la seconde pour appliquer cette satisfaction au profit de

celui qui l'offrait, et pour obtenir de Dieu que ses pé-

chés ne lui fussent point impntés.

Or toutes ces choses n'étaient que des ombres et des

figures de ce qui devait se passer en J.-C. et en son

Église et elles nous obligent de reconnaître dans la

vérité que, outre la première oblation que J.-C. a faite

de lui-même avant sa morl, pour transférer et porter

sur lui la peine de nos iniquités, il en faut encore rè-

Page 45: Condren - Oratorien

42 IDÉEDUSACERDOCE

connaître une seconde, qui s’est faite A son entrée dans

le ciel, qu’il y continue toujours par lui-même, et que

les prêtres font aussi.sur la terre en son nom et en sa

persoune, et qu'ils y feront jusqu'à la fin

dans le sacrifice de l’Eucharistie, Cette oblation est

comme une commémoration de sa mort, accompagnée de

Ja prière sacerdotale, parlaquelle, comme Pontife des

Mena future et véritables, et comme ministre du Saacr

tuaire céleste, il demande à Dieu que sa satisfaction

nous soit impulée et vraiment appliquée pour la remis-

sion réelle de nos offenses, et pour notre réconciliation

avec lui, et pour notre entière et parfaite sanctification.

Jésus-Christ, ayant consommé et achevé son oblation

par son entrée dans le ciel, il est de la perfection de

Ce sacrifice de ne pouvoir jamais être réitéré. C'est en

quoi l’Apôtre établit une des principales différences, qui

se trouvent entre la divine sacrificature de ce Pontife

et celle des autres. Car dans celle des autres, tes prêtres

avaient obligation d'offrir plusieurs fois pour eux-mê-

mes, et avaient besoin d'une victime étrangère pour

leur propre sanctification Mgis cetmici n'a point en

besoin d'être purifié il n'a point trouvé de victime

digne de sa prétrise que sa propre chair, et il,n'est en-

tré daps le sanctuaire du ciel que par son propre sang.

Les autres prêtres enfin se présentent tous les jours

à Dieu sacrifiant et pnrant plusieurs fois les mêmes

hosties, sans pouvoir ôter les péchés. Le Grand-Prêtre

entrait aussi tous les ana dans le tabernacle avec les

mêmes victimes .qu'il avalt offertes l'année précédente.

Ce qui montre sans doute que l’oblation de ces hosties

se faisait plutôt pour renouveler la mémoire des péchés,

pour les reconnaître devant Dieu, et pour en recommen-

cer la confession publique, que pour en recevoir la

Page 46: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS CHRIST. I. PART, 43

rémission puisqu’elles ne pouvaient rendre agréablesà Dieu ceux qui se présentaient à lui par le moyen deces sacrifices suivant l’ordonnance de la Loi ni leurdonner une véritable justice. La réitération du sacrificede ces mêmes hosties était donc unq preuve de leur

inutilité et de leur impuissance à justifier les pécheurscar, comme dit l’Apôtre, si elles avaient été capablesde justifier et de perfectionner, elles auraient cessé

d’être offertes à-Dieu, a près l'avoir été une fois: parce

que ceux qui lui rendaient ce culte, ayant été une fois

puriflés.et sanctifiés n'auraient plus senti teufs cons-

ciences chargées de péchés pour lesquels ils eussent eu

besoin d'offrir de nouveau les mêmes sacrifices outre

que, si la première oblation avait-pu effacer les péchés,elle aurait été d'une vertu infinie et par consequent

capable de racheter tous les péchés de tous les siècles.

Puis donc qu'à toute heure on réitérait ces mêmes

sacrifices pour la rémission des péchés du peuple, n’é-

tait-ce pas une marque et une preuve évidente que la

première oblation qu’on en avait faite n’avait pu encore

donner cette rémission des péchés ?

Mais d’autant que J.-C. exerce un sacerdoce incom-

parablemenl plus noble, plus saint, plus efficace, iCi

qu'en considération du mérite de son sacriflce qui est

infini, Dieu déclare dans les Écritures, qu’il ne se ressou-

viendra plus des-péchés des hommes. il n’est point néces-

saire qu’il le réitère; et nous ayant acquis une Rédemp-

lion éternelle par l'oblation qu'il a faite de lui-même,

il c'a pas besoin d'en faire une seconde car étant, dit

l’Apôtre. entré une fois dans le ciel afln de se pré-

senter à la face de Dieu pour nous 'il n'est pas néces-

saire qu'il s'offre souvent lui-même au lieu que le

Grand-Prêtre de la Loi après etre entré dans le sanc-

Page 47: Condren - Oratorien

44 IDÉE DU SACERDOCE

tuaire avec le sang d'une victime étrangère, était

obligé de recommencer les mêmes oblations les années

suivantes Celui-ci ayant offert une seule hostie pour

les péchés, s'est assis à la droite de Dieu pour toujours.

Ces paroles de l'Apôtre sont considérables, et elles

nous obligent de remarquer qu'il n'est pas parlé ici sim-

plement de l'oblation que J.-C. a faite de lui-même sur

la croix, mais de son oblation prise dans toute son

étendue. De sorte que le sens de ces paroles est que

Jésus-Christ, étant élevé au-dessus des cieux, n'a pas

besoin de réitérer et de recommencer son oblation, ni de

faire, en s'offrant souvent lui-même, ce que les prêtres

lévitiques faisaient eu offrant tous les jours de nouveaux

sacrifices de victimes étrangères qu'il n'a pas besoin

de mourir plusieurs fois, ni d'entrer autant de fois dans

le ciel Introivit semel in sancia, cela étant fait une

fois pour toutes mais qu'il sufflt qu’étant assis à la droite

de Dieu, il continue de faire en vérité ce que le Pontife

lévitique faisait en figure dans le sanctuaire figuratif,

c’est-à-dire, de se présenter comme Prêtre à la face de

Dieu, de s'offrir comme une hostie embrasée en mé-

moire de sa passion. Il suffit qu'il retrace, pour ainsi

dire, le souvenir de sa mort aux yeux de son Père et

qu'il fonde sur cette mémoire de sa mort la prière sacer-

dotale qu'il fait pour le salut des hommes, n'y ayant

point de fonction plus propre au Prêtre que de présenter

à Dieu l'hostie qui lui a été immolée, en l'élevant vers le

trône de sa majesté. Mais ce que le Prêtre de la Loi ne

faisait à chaque viclime que par une oblaüon passagère,

parce que la victime était corruptible, comme le Prêtre

étaitmortel, saint Paul nous apprend que J.-C. le faite!

le fera sanscesse dans le ciel durant toute l'éternité; parce

qu'il y est toujours, et qu'il y sera éternellement vivant.

Page 48: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. ——I. PART. 45

Enfin, c'est en ce sens qu'il faut encore entendre ces

paroles du même Apôtre dans l'Epître aux Hébreux

Que Jésus-Christ, par une seule oblation a rendu

parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés una enim

oblatione consummaoic in œlernum sanctificalos.

Page 49: Condren - Oratorien

DEUXIÈME PARTIE.

DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.

CHAPITREPREMIER.

Du Sacrificeen général, et des raisonsde ce devoir.

Le Sacrifice est un devoir essentiel de la religioncomme la religionenvers Dieu est une obligation quela créature spirituelleporte gravée dans le fondde son

cœur. L'Angemême n'en est pas dispensé, quelque

éloignéqu'il soit par sanature des chosesqui paraissentordinairementnécessaires aux sacrifices. Mais ce quenous voyonsde la religionet du sacrifice n'est pas ce

qu'il y a de principal dans l’unet dans l'autre comme

ce que nous voyonsde l'homme n'est pas ce qui fait

l'homme et n'en est que la première partie.Le sacrifice extérieur et sensible n'est que le signe

du sacrifice intérieur et invisible et celui-ci consistedans les devoirs essentiels de la créature raisonnableenvers son Créateur et comme ces devoirs sont diffé-

rents selon les différentsétats où se trouvent les créa-tures intellectuelles, c'est aussi ce qui fait la différencede leur sacrifice.Autre est celui de la créature sainte et

innocente, tel qu'était l'homme dans le paradis terres-

tre autre celui de l'homme pécheur; autre est le sacri-ficede l'ange et de l'homme dans l'état dela voie; autrecelui qui leur convient dans l'état de la gloire.Enfinla

Page 50: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. —II PART.47

créature composée d'esprit et de corps, a aussi un sacri-

fice différent de celui des natures purement spirituelles.

Hast bien clair que ni les sacrifices extérieurs de l’an-

cienne loi ni même celui de la nouvelle, ce qu’il a

d'extérieur et de sensible, ne peuvent convenir aux

anges qui n'ont rien de corporel.

te sacrifice d'expiation, qui suppose le péché ne

pouvait être offert par Adam, lorsqu’il jouissait encore

de la pureté et de l’innocence où il avait été créé.

te sacrifice de prière et d’impétration ne peut conve-

nir ni à l’ange ni à l’homme dans l’état bienheureux de

ta gloire, où ils n'ont plus de besoins qui les pressent de

prier, où tous leurs désirs sont remplis, et tous leurs

toeux comblés par la jouissance du bien lnfmi.

Ainsi, des quatre espèces de sacritices, qui sont, ce-

lui d'adoration d’eucharistie ou d’actions de graces,

d'expiation et d’impétration ou de prière. le dernier

n'est que pouë ceux qui sont encore dans l'état de voya-

ge le troisième, pour les seuls pécheurs; tandis que les

deux premiers conviennent à toute créature intellec-

tuelle et raisotrnable, soit innocente ou déchue, soit

dans la voie du mérite ou dans lé terme de la jouissance,

Gar, en tout état, ellèdoit rendre hommage de son être à

son Créateur elle doit adorer son principe, elle lui doit

la reconnaissance de tous ses dons, de toutes les perfec-

tions dont il Va enrichie, et de tous les bienfaits dont it

fa comblée. Enfin elle lui doit rapporter la gloire de tout

Ce qu’elle a reçu de lui Dieu même ne la pouvant- dis-

penser de ces devoirs, parce qu’il ne peut pas se dis-t

penser lui-même de faire tout pour sa gloirg, ni d'être

la fin aussi bien que le principe de toutes ses créàtu-

res, et de tout le bien qui est es elles.

Mais cet hommage cette adoration, cette reconnais-

Page 51: Condren - Oratorien

48 IDÉE DU SACERDOCE

sance, qui constituent le sacrifice des Anges ne sont

revêtus d'aucuns signes sensibles, comme ils l'étaient

dans les sacrifices de la Loi, comme ils le sont encore

dans le sacrifice eucharistique des Chrétiens. Les Anges,

étant tout spirituels leur adoration et leur action de

grâces sont aussi toutes spirituelles il n'y a rien que

de spirituel dans leur sacrifice et on peut bien dire

d'eux ce que Saint Pierre dit des Chrétiens qu'ils for-

ment dans le ciel a un ordre de saints prêtres qui

offrent à Dieu des sacrifices spirituels qui lui sont agréa-

bles par J.-C. (1. Ep. 2.) Car « c’est par J.-C. comme

l'Église nous l'apprend que les Anges louent la majesté

de Dieu que les Dominations l'adorent et que les

Puissances célestes paraissent en sa présence avec cette

sainte frayeur » et cette crainte religieuse que sa gran-

deur et sa sainteté leur impriment.

Voilà ce qui fait, dans le ciel, le sacrifice des Anges

auquel l'Église unit le sien lorsqu'elle est sur le point

de l'offrir. Et quoique les parties du sacrifice u'y aient

rien de sensible, elles ne s'y trouvent pas moins réelle-

ment pour cela. Tout embrasés qu'ils sont de l'amour de

Dieu, ils ne cessent de l'adorer de le louer, de s'offrir

à lui comme des victimes saintes, de lui rapporter loute

la gloire des perfections de leur nature de s'anéantir

dans la vue de sa grandeur et de sa sainteté, et de

se nourrir sans cesse de lui, comme étant la vérité

éternelle, la lumière primitive la plénitude de toute

justice et la beauté infinie qui rassasie toute la

sainte avidité de leur amour et remplit toute la capacité

de leur cœur.

Il est donc clair que les Anges mêmes sont unis à Dieu

par les liens de la religion qu'ils lui offrent un sacri-

fice qui est le premier devoir de leur religion, aussi bien

Page 52: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHR1ST. — II. PART. 49

3

que de celle des hommes. Mais ce dernier est le seul

dont nous avons à parler.

Pour ce qui regarde donc les hommes, nous avons

trois obligations à offrir le sacrifice je veux dire que le

sacrifice est établi principalement pour trois raisons.

Il est premièrement institué pour adorer Dieu pour

reconnaître sa grandeur et pour rendre hommage à

ses perfections divines mais particulièrement à trois.

C'est pour honorer la sainteté de Dieu selon laquelle il

est si grand si pur si retiré en lui-même, si éloigné

des créatures, que pour le témoigner et pour déclarer

que la créature n'est pas digne que Dieu la regarde

tant il est saint, elle est détruite et consumée en sa pré.

sence comme il semble nous être marqué par ces pa-

roles du Ps. 21, attribué au Fils de Dieu en son sacrifice:

Tu a/Item in sancto habitas, laus Israel O mon Dieu

vous êtes si saint, si retiré en vous-même et, dans votre

sainteté tellement éloigné de la créature qu'il semble

qu'en ce moment de mon sacrifice, vous ne daigniez pas

me regarder selon ma nature créée quoique je sois

votre Fils selon ma naissance éternelle et ma personne

divine, dans laquelle cette nature subsiste.

Secondement, pour honorer son souverain domaine

non-seulement sur la vie et la mort, mais sur l'être

mbmc. Car Dieu seul est auteur de l'être, et il n'y a que

lui seul qui puisse le donner ce que S. Thomas prouve

ainsi « Les causes doivent être proportionnées à leurs

effets et plus les effets sont universels, plus aussi leur

cause doit être universelle. Il faut donc que l'être, qui

est la chose la plus générale, et l'effet le plus universel

qui soit dans la nature, se rapporte nécessairement à la

cause la plus universelle, qui est Dieu. » (1. p. 9. 45. art. 5.)

Le- sacrifice étant institué pour reconnaître Dieu

Page 53: Condren - Oratorien

50 IDÉE DU SACERDOCE

comme auteur de tout l'être créé, et pour honorer son

souverain domaine sur cet être, il en demanderait la

consomption et la destruction entière. Que si dans les

sacrifices tout n'est pas détruit et consumé par ta mort

des hosties et des victimes, cela vient de l'imperfection

du culte humain, et de l'impuissance de l'homme qni ne

peut pas davantage. La mort n'est donc là proprement

qu'une représentation de cette entière destruction de

l'étre, qui devrait se faire dans le sacrifice en hommage

de l'être divin et de son domaine sur tout l'être créé.

Il suit de là que tout sacrifices demande bien la des-

truction, mais non pas la mort de la victime; la mort

n'étant qu'une des manières dont les choses peuvent

être détruites, bu de celles qui représentent la destruc-

tion des choses. Car la destruction des choses offertes à

llien en sacrifice sous la loi de Moïse, se faisait autrefois

en diverses manières. Par exemple, les pains de propo-

sition étaient détruits par la manducation et le feu natu-

rel de l'estomac l'agneau pascal et d'autres victimes

encore l'étaient par la mort; quelques-unes par le feu.

Dans l'état d'innocence il y anrait eu des sacrifices

puisqu'il y aurait eu une religion mais il n'y aurait point

eu de sacrifices, dont les victimes eussent été consumées

par la mort, puisque la mort n'est entrée dans le monde

que par le péché, selon S. Paul. (nom 1. 12.)

Troisièmement, le sacrifice est pour reconnaître et

pour honorer la plénitude de Dieu, c'est-à-dire que

Dieu se suffit à lui-même, et que nulle créature ne lui

est nécessaire Jésus-Christ même lui ayant pu dire ces

paroles du Psalmiste n Vons êtes mon Dieu, vous n'avez

nul besoin d'aucun de mes biens: Dixi Domino: Deus meus

es tu, quoniam bonorum meorum non (Ps. i5. 1.)

Oui, Dieu est si parfait que toute créature lui est inu-

Page 54: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 51

tile, et que, quoi que nous puissions faire, nous som-

mes toujours à son égard des serviteurs inutiles, selon

le sens de ces paroles servi inutiles smnus. (Luc 17. 10.)

Inutiles à Dieu, mais non pas à ses œuvres, comme on

doit répondre aux hérétiques qui se servent mal de ce

texte pour rejeter le mérite des bonnes œuvres. 11 faat,

dis-je, répondre, qu'il est vrai que nous sommes inuti-

les à Dieu, mais que nous pouvons être utiles à son

ouvrage, à son Eglise et à ses créatures.

Voilà donc la première fin du sacrifice, qui est d'ho-

norer Dieu dans sa sainteté et dans son souverain domai-

ne, dans sa plénitude et dans toutes ses perfections. *Les

holocaustes, où l'on consumait par le feu toute la victi-

me, étaient institués dans la Loi à cette intention, et ils

marquaientplus distinctement ce dessein que les autres

sacrifices.

Le sacrifice est offert à Dieu en action de grâces et

pour lui rendre la reconnaissance et l'hommage de ses

dons et c'était pour cette même fin qu'on offrait dans

l'ancienne Loi les sacrifices qu'on appelait pacifiques.

Il est offert encore pour rendre à la justice de Dieu la

satisfaction qui lui est due à cause de nos péchés, et pour

nous le rendre propice. C'est ce que faisaient les sa-

crifices anciens appelés pro peccato, qui étaient insti-

tués pour cette fin.

Enfin, il est offert pour obtenir de la libéralité de Dieu

des grâces et des bienfaits tant pour tes besoins natu-

rels et ordinaires de la vie, que pour les autres qui peu-

vent survenir à l'homme. Et quoiqu'il semble en cela

regarder uniquement l'intérêt de la créature, elle y rend

néanmoins hommage à Diéu en faisant par là un aveu

de la dépendance et de l'indigence où elle est de son se-

cours, et en le reconnaissant comme la source et la

cause de tous les biens.

Page 55: Condren - Oratorien

5-2 IDÉE DD SACERDOCE

CHAPITRE II.

Le Sacrifice de Jésus-Christ, substitué aux anciens, en

contient toutes les espèces, les conditions et les parties.

Nous n'avons plus maintenant cette multitude, ni cette

diversité de sacrifices qui étaient sous la Loi mais le sa.

crifice de J.-C. a été offert pour satisfaire à tous les de-

voirs et à tous les besoins de la créature, et il suffit

seul pour remplir la vérité de toutes les espèces diffé-

rentes des sacrifices anciens. » C'est pourquoi le Fils de

Dieu entrant dans le monde, dit: Vous n'avez point vou-

lu d'hostie ni d'oblation, mais vous m'avez formé uu

corps; vous n'avez point agréé les holocaustes, ni les

sacrifices pour le péché alors j'ai dit Me voici je

viens, selon qu'il est écrit de moi, afin que je fasse vo-

tre volonté. (Heb. 10. 5.) Il est clair par ce texte de S.

Paul qui nous apprend les intentions qu'avait Jésus-

Christ en s'offrant à son Père, ou plutGt qui nous les

iait entendre par les paroles du Fils de Dieu même il

estclair, dis-je, par ces paroles, que son corps a été subs-

titué aux holocaustes qui étaient établis pour adorer

Dieu; aux pacifiques, que l'on offrait en action de grâ-

ces à ceux qui étaient pour le péché, et enfin à toutes

les espèces d'oblations et de sacrifices instituées de Dieu

dans l'ancienne Loi.

C'est donc une excellente manière de satisfaire à tous

nos devoirs, marqués par les sacrifices anciens, que de

présenter et offrir J.-C. à Dieu son Père. Car par ce

moyen, nous entretenons ce divin commerce que la re-

ligion établit entre Dieu et les hommes en parlant à

Dieu, non-seulement comme Moïse face à face, mais à

Page 56: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 53

son cœur, dans l'intime de son esprit, parsa propre vic-time et sa propre parole,qui est Jésus-Christ la vérité

la perfection et la Gn de tous les sacrifices de l'ancienne

Loi.

Nous avons déjà remarqué qu'il y en avait de différentes

espèces. Il y avait des sacrifices d'holocaustes des sa-

crifices pacifiques et des sacrifices pour le péché. Entre

ceux de cette dernière espèce étaient le sacrifice du

bouc émissaire qui, dans la fête de l'expiation, était

chassé hors du camp dans le désert pour être dévoré

par les bétes; le sacrifice de l'agneau pascal celui des

pains de proposition qui étaient conservés et mis comme

en réserve. Il y avait eu aussi, avant la Loi, le sacrifice

d'Abraham et le sacrifice de Melchisédech. Entre les

sacrifices de la Loi, il y en avait qui étaient exclusive-

ment pour Dieu, comme l'holocauste, auxquels ni le

peuple ni les Prêtres mêmes n'avaient point de part et

ne communiaient point. Il y en avait d'autres auxquels

participaient et communiaient les Prêtres et le peuple

aussi, après eux.

Le sacrifice de Notre-Seigneur répond parfaitement à

tous ces sacrifices et en contient toutes les espèces. Il

est tout holocauste, tout consacré et tout offert à Dieu,

pour qui il est immolé tout entier, et il est aussi pour le

peuple qui le reçoit tout entier sans aucun partage, sans

diminution.

Mais pour entendre ceci, et pour avoir une idée véri-

table du sacrifice chrétien, il faut savoir qu'il y avait

cinq conditions nécessaires aux sacrifices de la Loi pourfaire un sacrifice parfait, ou cinq parties qui le compo-

saient que ces mêmes conditions, ou parties, se trou-

vent à proportion dans tous les antres sacrifices et que

celui deJ.-C. les contient aussi d'une manière excellen-

Page 57: Condren - Oratorien

54 IDÉE DU SACsBnocB

te et proportionnée à sa sainteté et à son éminence entre

tous les sacriBces.

1* La première est ta sanctification, ou la conséera.

tion de la victime la seconde l'oblation de la victime

la troisième l'occision, ou immolation; la quatrième

l'inflammation ou consomption; la cinquième, la com-

mnnion.

La sanctification de la victime est la première chose

nécessaire au sacrifice; car ce serait traiter indigne-

ment la majesté de Dieu, infiniment sainte, que de lui

offrir quelque chose de contraire à sa sainteté. C'est ce

qui était figuré dans les victimes légales, dont la sanc-

tification représentait celle que doivent avoir les vérita-

hles victimes. Cette sanctification demandait quatre cho-

ses dans ces hosties légales, et les demande à propor-tion dans celles qu'elles figuraient.

La première était la perfection naturelle de la victi-

me. « Vous n'immolerez point au Seigneur votre Dieu un

animal qui aura quelque défaut, qui sora boiteux ou

aveugle, qui aura quelque difformité, ou quelque maladie

ou langueur. (Deut. la. 21). La première raison de cela

est que toutes ces sortes d'imperfections naturelles sont

dans l'homme des suites et des effets du péché du pre-

mier homme et Dieu, en rejetant de son autel les ani-

maux qui avaient ces défauts, marquait parlà l'opposi-

tion qu'il a à tout ce qui est du péché.La deuxième est que

le sacrince extérieur étant institué pour représenter lesa-

crifice intérieur, la perfection dela victime matérielle, doit

aussi représenter la perfection de la victime spirituelle.La troisième est que cette perfection était prophélique, et

que Dieu, la demandant dans les victimes figuratives,voulait nous promettre et nous marquer par là la perfec-tion de la victime véritable et de l'Agneau de Dieu pro-

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ET LU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — Il. PART. 55

mis par la Loi, c'est-à-dire, la perfection de J.-C, la vic-

time de Dieu. Enfin ce commandement légal nous figu-

rait ce granrl principe de la morale chrétienne, que nos

actions, qui sont nos victimes, sont indignes (t'être offer-

les à Dieu et reçues de Dieu, si elles ne sont sanctifiées

par la charité, qui en est la perfection. Car on ne doit

offrir à Dieu que des chosesparfaites, au moins en quel-

que degré, et qui n'aient rien de contraire à la perfec-

tion que doivent avoir les dons qui se font à la majesté

et à la grandeur infinie du Créateur.

La seconde chose que cette sanctification doit renfer-

mer, est une sanctification surnaturelle, qui ne se peut

faire par aucune vertu ni autorité humaine; mais par

l'autorité et l'institution de Dieu, qui élève la victime

au dessus de son ordre naturel, et qui la rende propre

à lui être offerte, comme une choie sainte, en la tirant

de sa condition et de sa bassesse naturelle et la déli-

vrant du domaine de l'homme et de la servitude de la

corruption. C'est ce que marquaient les cérémonies qui

se faisaient sur les victimes par les ministres du temple,

lorsqu'on les y ameuait lesquelles leur donnaient une

sainteté légale qui les faisait regarder comme quelque

chose de saint et de sacré.

La troisième est la séparation du la victime de tout

usage profane, en suite de laquelle elle ne peut plus

sans sacrilège, être appliquée à autre chose qu'à Dieu.

Alors on la.doit regarder comme une chose tellement

consacrée à sa majesté, qu'il n'est plus permis à per-

s;onne d'y toucher. Ea effet, il n'était permis qu'ail prê-

tre de la loi ancienne de mettre la main sur la chose

sanctifiée.

La quatrième, c'est l'obligation ou l'engagement à l'im-

mutation, qui était un effet de la sanctification de la

Page 59: Condren - Oratorien

56 IDÉE DQ SiCEBDOCB

victime. Car elle était due à Dieu en sacrifice, en vertu

de sa consécration et de sa sanctification, et on ne la

regardait plus que comme une chose qui était à lui et

qui devait être détruite et consumée à son honneur par

Je sacrifice.

La sanctification des victimes légales se faisait avec

certaines cérémonies. La victime était menée à la porte

des temples, et là on lui imposait la main, etc.

La seconde chose requise au sacrifice, ou la deuxième

partie, c'est l'oblation de la victime: elle se faisait sous

la Loi avec certaines paroles prescrites parl'ordre de Dieu

pour ce sujet.

La troisième était l'occision ou l'immolation qui

suppose le péché: car il est bien vrai que tout sacrifice

demande nécessairement quelque sorte de destruction

et d'anéantissement de la victime mais non pas tou-

jours la mort, ni l'égorgement, comme nous l'avons

déjà dit.

La quatrième est la consomption de la victime elle

se faisait ordinairement par le feu, et s'appelait pour cela

inflammation. Quelquefois néanmoins la consomption

se faisait autrement, comme dans le sacrifice des pains

de proposition, qui étaient consumés par la manduca-

tion et parle feu de la chaleur naturelle. Quand même

le peuple, ou l'offrant, participait 'à la victime, cette

partie qu'il mangeait n'était consumée que par la cha-

leur naturelle et c'était ce qui s'appelait alors la com-

munion du sacrifice.

On peut donner plusieurs raisons de l'inflammation

des victimes.

La première, que c'était pour consumer toutes les

superfluités et toutes les imperfections de la victime.

Laseconde, que c'était pour la clarifier et la rendre

Page 60: Condren - Oratorien

ET DU SAGRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. —II. PART. 59

3*

une figure de Jésus-Christ ressuscité, qui est notre

Pâque et la véritable victime de notre salut, qui a été

clariHée ou glorifiée après son immolation sur la croix.

Car rien n'est plus propre que le feu pour représenter

l'état d'un corps tout éclatant de lumière et de gloire.

La troisième, qu'ils la brûlaient afin que la fumée

montant en haut, Dieu parûtrecevoir et avoir pour agréa-

bles leurs sacrifices. C'était pour les Juifs spirituels une

image et une figure de cette acceptation. Quant aux

plus grossiers, peut-être avaient-ils sur cela une croyan-

ce peu éloignée de l'erreur des paiens, qui pensaient

que les dieux, en les recevant, se nourrissaient de la fu-

mée de l'encens et des victimes. Les Juifs croyaient

donc que Dieu recevait leurs victimes et participait à

leurs sacrifices, quand la victime était ainsi consumée

par le feu c'est pourquoi ils disaient que Dieu avait

reçu l'odeur du sacrifice, pour dire qu'il l'avait eu pour

agréable en le recevant: Noe. obmlit holocausta super

allare, odoratusque est Dominus oElorem suavitatis.

(Gen.8.21.)

La quatrième était pour marquer la nature et la vertu

du vrai sacrifice, qui est de nous unir à Dieu d'une

union si intime, que J.-C. même lui donne le nom d'u-

nité. Car nous devenons par le sacrifice comme le pain

de Dieu, étant reçus dans son sein pour y vivre de sa

vie. Or, comme la victime tenait la place de l'homme

dans les sacrifices figuratifs le feu y tenait aussi, pour

ainsi dire, la place de Dieu, et le représentait; et soit

que le feu descendit du ciel pour consumer la victime,

comme il est arrivé plusieurs fois, soit qu'il y fût mis

au nom et par l'autorité de Dieu pas ses ministres, qui

tenaient aussi sa place il semblait par là que Dieu en-

trât en communion des sacrifices qui lui étaient offerts.

Page 61: Condren - Oratorien

58 IDÉE DU SACERDOCE

Car Dieu se faisait connaître sous le symbole du fen dans

l'ancienne Loi. Moïse l'avait vu dans un feu ardent, et

le peuple avait oui dire qae te Dieu qu'il adorait était un

fou dévorant Dominus Deus tuus igxis coxsumens est.

(Deut.4.24.) Dieu avait aussi conduit ce peuple dans le

désert sous la figure d'une colonne de fnu, et il était

descendu en forme de feu quand il lui donna la Loi sur

la montagne de Sinaï. Lors danc que te feu consumait

les victimes Dieu, du'il 6gurait et représentait parais.

sait s'unir à ces victimes et entrer en communion avec

ses sacrifices et ne pouvant donner ses victimes à Dieu

pour être changées en lui, il les donnait au feu, et les

changeait en la représentation de Dieu, qui est le feu,

comme le plus par et le plus noble de tous les éléments.

La cinquième raison se tire de la souveraineté de-

Dieu car, ea ôtant la vie à la victime et en détrui-

sant son être autant qu'on le pouvait, on protestait

que Dieu est la source de tout être et de toute vie;

qu'il a un pouvoir absolu sur toutes les créatures, en

étant le maître souverain et que lui seul a sur elres

droit de vie et de mort, indépendamment de personne

car comme lui seul tes a tirées du néant par sa seule

volonté, lui seul aussi les y peut faire retourner, quand

il tui plait et comme il lui plaît.

La sixième était pour reconnaître la sainteté de Dieu.

Car la victime, en nwarant, témoigne que Dieu n'est

pas attaché à ses créatures, et ne dépend pas de ses

ouvrages puisqu'en les lui offrant, on tes faisait mourir.

Jésus-Christ eu croix dit que son Père n'a point d'atta-

chement à lui commecréature, bien qu'il l'aime commeson Fils parce qu'il n'y a rien de créé qui mérite queDieu s'y attache, et que sa sainteté le met au dessus de tout

et te sépare de tout Tu autem in sancto habitas (Ps. 21.)

Page 62: Condren - Oratorien

ET DV SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. —- 11. PART. 59

Au reste; en ne doit pas trouver étrangle que la sainteté

de Dieu demande que, pour l'honorer, ou détruise au-

tant qu'on peut les effets de sa puissance car comme

la justice de Dieu ne ceçait aucun préjudice de sa misé-

ricorde. de même sa puissance n'en reçoit point de sa

sainteté, mais toutes deux sont connues et honorées,l'une par la création, l'autre par le sacrifices. Or la sain-

teté de Dieu parait évidemment en ce que nous pro-

testons, par le sacrifice, que Dieu est tout ce qu'il est,

indépendamment de toute créature, et que rien ait

monde ne lui est nécessaire, ni pour sa conservation,

ni pour sa félicité. Il est avant qu'il y à eut aucune, et

il subsisterait quand toutes seraient détruiteset anéan-

ties, comme la victime semble l'être entièrement dans

le sacrifice. C'est ce q,tt'cUe représente car la victime

représente l'univers et tient saplace, uicaria universi,et

le monde qui devrait être détruit en. lui-même pour

Dieu, est détruit en elle en quelque manière, au moins

en, effigie et en représentation.

Le sacrifice répond donc à tout ce que Dieu est. Il le

regarde comme le souverain Être, auquel tout être est

dû en sacrifice. Il le regarde dans sa propre et incom-

préhensible grandeur et perfection, comme étant lui-

même au-dessus de tout nom, de toute lumière, de toute

pensée, au-dessus de toute adoration, de tout amour,

etc. Enoffrant tout à Dieu, nous protestons qu'il n.'esl

rien de tout ce qui est dans l'univers, et que tout n'est rien

de lui. Car il faut remarquer que toute hostie, étant sa-

crifiée en la place de toute créature, à laquelle elle est

substituée et qu'elle représente" est en quelque façon tou-

tes choses et toutes choses sont censées être sacrifiées

dans l'hostie, qui est sacrifiée en la place de toute créatu-

re comme il est dit de J. C. à l'égard des hommes: Ut pro

Page 63: Condren - Oratorien

go IDÉE DU SACERDOCE

omnibus ( 0) gustaret mortem. (Heb. 2. 9.) Le sa-

cri6ce témoigne encore que Dieu est au-dessus de tout

amour, de toute adoration et de toute voie créée; que

toute vérité et toute bonté doit être consommée dans le

sacrifices qu'il est la perfection et la consommation de

toutes choses, et que toute vertu devient un sacrifice

parfait, quand elle est arrivée à la perfection de la cha-

rité, qui ne veut rien être qu'en Dieu et pour Dieu.

La septième raison est la plénitude on suffisance de

Dieu à lui-même, qui est souverainement honoré par le

sacrifice, puisque lorsque nous lui offrons quelque cho-

se, nous la détruisons, comme inutile à celui qui pos-sède tout en lui-même, et qui n'a besoin que de lui-

même.

La cinquième partie du sacrifice est la communion.

Communier, c'est participer à la victime, ou y avoir sa

part. Car la victime était divisée en trois parties, dont la

première était donnée au feu, et c'était comme la part de

Dieu, par laquelle il communiait, pour ainsi dire à la

victime en la manière qu'on l'a expliqué. La seconde

était donnée au prêtre, et la troisième au peuple.

CHAPITREIH,

Applicationdes conditionset parties du sactificeà ceux

de l'ancienne loi.

Toutes ces parties, nécessaires pour faire un sacrifice

accompli, se trouvaient dans le sacrifice de l'Agneau

Pascal, dont il est parlé au chap. 12 de l'Exode. Dieu ycommande à Moïse qu'au dixième jour de la lune du

mois dans lequel il avait retiré les Israélites de la cap-

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ET DO SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. — II. PART. 6l

tivité de l'Égypte, ils prissent et séparassent de leurs

troupeaux un agneau d'an an, qui fût sans taches, sans

défauts, et bien conditionné. Voilà la consdcration,

c'est-à-dire la séparation de la victime des usages profa-

nez et sa destination ou appropriation à Dieu.

Ensuite, ou on le conduisait au temple, si c'était là

qu'il devait être présenté tout vivant à Dieu et y être

immolé; ou, si c'était dans chaque maison particulière

que cela se devait faire, auquel cas elle tenait alors

lieu de temple, l'agneau y était introduit et offert à Dieu

comme dans un lieu de sacrifice. C'était là la deuxième

partie, ou l'oblation.

Il fallait ensuite l'immoler le quatorzième jour de la

même lune; et voilà l'occision, ou l'immolation de la

victime. Cela fait voir, en passant, que toutes les partiesdu sacrifice ne devaient pas nécessairement s'accom-

plir en an même jour.

Il fallait rôtir au feu cet agneau, dans lequel les

superfluités de la victime étaient consumées; et c'est

en cela queconsistait la consommation ou consomption de

la victime.

Enfin, il fallait manger cet agneau et c'était la com-

munion du sacri6ce.

Dans les sacrifices qui s'appelaient holocaustes, ces

mêmes choses se trouvaient aussi: car celui qui voulait

faire offrir un holocauste, 1° choisissait un animal qui

eùt toutes les qualités requises par la loi; le séparait de

tout usage profane, et le destinait à être sacrifié à Dieu.

2° Il amenait la victime qu'il avait destinée au sacrifice,'

à la porte du Tabernacle, et l'y offrait toute vivante à

Dieu. 8° Elle était égorgée et immolée. Enfin elle était

toute consumée par le feu et par cette consomption

même, Dieu paraissait entrer en communion de l'hoslie;

Page 65: Condren - Oratorien

62 IDEE DU SACERDOCE

et comme lui seu! y avait part dans ce sacrifice, ta con-

sametion et la communion n'y paraissaient pas séparées.

Pendant que Le feu consumait ainsi la victime, et

principalement quand le leu descendait du ciel, et sem-

hiait être envoyé de Dieu pour recevoir en son nom la

chair de- la victime immolée, les Prêtees et le peuple

étaient pleins de joie, et s'imaginaient voir Dieu com-

munier cette hostie comme il est marque dans le

Lévvitique,9 24. a La gloire du Seigueer apparut à toute

l'assemblée du peuple, et un feu venant du Seigneur

dévora l'holocauste et les graisses qui étaieut sur l'au-

tel. Ce que tout le peuple ayant vu ils louèrent le Sei-

ëneur en se prosternant le visage contre terre. •

Ces mémes.parties se rencontraient dans les sacrifices

que l'ouoffrait pour le péché, et ils ne différaient despre.

miers qu'en une chose, à savoir que la victime n'y

était pas toute consumée, mais seulement une partie,

destinée à cela par Ile commandement de Dieu: le reste

étant pour les prêtres qui, par la mauducation, commu-

idaient à ce sacrifice.

Aux sacrifices des hosties pacifiques, il en était de

même, excepté que la personne qui faisait faire ce sa-

crifice, y communiait; Dieu seul communiait aux holo-

caustes;, Dieu et les prêtres seulement aux sacrifices

pour le péché.

Il y avait dans l'anciemoc loi un commanâemeut de

coasacrer à Dieu les premiers-nés tant des hommes, que

des bêles j pour reconnaissance de ce que Dieu avait

frit mourir tous les premiers-nés des Égyptiens eu

faveur des Israélites, dont les aînés furent épargnées en

considération dn sang de t'Agneau Pascal et cette con-

sécaation était d'une telle, obligation, que c'eût été une

grande faute devant la Loi de prendre de la laiae d'un

Page 66: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. Il. PAItT. 63

agneau premier-né, de faire labourer un bœuf premier-

né, ea ua MOLd'employer la victime qui était réservée

à Dieu, à des usages ordinaires.

C'eût été aussi un violement deJa Loi de laisser mou

rir de leur mort natnrelle desvictimes (me fois consacrées

à Dieu; car il fallait tes immoler dans quelqu'unn d«s

sacrifices dont il a été parlé. Les prêtres étaient de

même obligés démanger la chair de la victime qui avait

été immolée en quelqu'un des sacrifices, excepté l'ho-

locauste et s'ils ne pouvaient la manger toeete en une

fois, il la fallait garder pour une autre fois; mais il ne

la fallait point laisser pourrir, car- c'eût été un. grand

péché de sorte que, si elfe était en péril de pourriture,

on devait la brûler; eu cas qu'on ne la pût manger.

Cette partie de la victime qui était propre aux prêtres,

et celle qu'on donnait à la personne qui offrait la vieti-

me pour le sacrifice, était appelée une chair sainte, et

cette personne avait la mêmle obligation que les Prêtre&.

à l'égard' de cette chair.

Il y avait encore dans l'ancienne loi un sacrifices de

deux boucs qui représentait fort expressément quel-

qnes circonstances de celui de J.-C. L'ttu de ces boucs,

après avoir été séparé et offert, était immolé, et puis

brûlé en bolocauste en quoi il représentait le sacrifice

de la mort et de ta résurrection de J.-C, où CE dernzer

mystère a été, pour ainsi dire, la communion, du Père

éternel àl'égard deson Fils, qu'it a reçu ea le retirant

datM son sein. L'autre bouc, après que le prêtre l'avait

chargé de toutes les malédictions que le peuplé méritait

pour ses péchés, était mené hors de l'enceinte du peu-

ple dans le désert, pour être dévoré des bétes, qui:

seules entraient, s'il est permis de parler ainsi, en com-

munion de cette victime. Cet animal était en cela la

Page 67: Condren - Oratorien

64 IDÉE DU SACERDOCE

figure de J.-C, sur qui le Père a mis les iniquités de

nous tous » in quo Pater posait inlquitales omniurn nos-

trum: qui fut mené hors de l'enceinte du peuple, hors

de Jérusalem pour être mis à mort par les bétes, c'est-

à-dire par les Gentils, appelés de ce nom en divers

lieux de l'Écriture. Or les Gentils sont ceux qui ont

presque seuls jusqu'à présent communié à J.-C. sacri-

fié pour les péchés du monde; le gros du peuple juif

l'ayant rejeté.

Il faut aussi remarquer que comme ceux qui avaient

conduit le bouc au désert, demeuraient impurs jusqu'au

soir, sans qu'il pussent avoir communication avec le

peuple, et qu'après avoir lavé leurs habites, ils rentraient

le soir dans l'enceinte du peuple rle Dieu ainsi les Juifs

après avoir livré aux bêtes, c'est-à-dire aux Gentils,

pour être mis à mort, celui qui a été fait malédiction

pour nous, demeurent impurs, et seront par leur incré-

dulité hors de l'Église de J.-C. jusqu'au soir du siècle,

c'est-à-dire jusqu'à la Gn du monde. Alors, après que

le nombre des élus d'entre les Gentils sera accompli

cum intraverit plenltudo gentium (Rom. IL); les Juifs se

convertiront, seront lavés par le baptême dans le sang

de J.-C. et dans la communion du peuple de Dieu,

c'est-à-dire dans l'Église.

il faut remarquer, comme je l'ai déjà insinué, que les

cinq parties du sacrifice ne se trouvaient pas toujours

toutes en un même jour. Les animaux premiers-nés

étaient sanctifiés dès leurnaissance, et n'étaient immo-

lés que longtemps après. L'animal qui était sanctifié et

offert à l'entrée du Tabernacle, n'était pas nécessaire-

ment sacrifié aussitôt après la sanctification mais on

pouvait différer tant qu'on voulait et la chair sacrifiés

les animaux pouvait être gardée et conservée quelque

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ET Dû SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. II. PART. 65

temps. L'Agneau pascal était sanctifié le dixième jour

du mois et n'était immolé que le quatorzième. La com-

munion des victimes pouvait durer plusieurs jours et

souvent on ne les pouvait manger toutes entières au

jour qu'elles avaient été offertes. Il est néanmoins ordon-

né de l'Agneau pascal qu'il n'en demeurera rien jus-

qu'au 1 demain matin et que s'il en reste quelque

chose il sera consumé par le feu.

CHAPITREIV.

Applicationdespartiesdu sacrificeà celuideJésus-Christ.

Venonsmaintenant au sacrifice de la nouvelle Loiqui est le sacrifice de J.-C. et posons pour foudement

que, toute sa vie, depuis le premier momentde l'Incar-nation jusque dans l'éternité, est le sacrifice véritable,figur2par- ceuxde la loi ancienneet par tous les autres.

Les sacrificesde l'ancienne Loi n'ont point tous eu

parfaitementet bien distinctement toutes les cinq par-ties et conditions dont nous avonsparlé, étant très-im-

parfaits en toutes manières. Maiscelui de J.-C., étantinfinimentparfait, les a aussi toutes très-parfaitement:en sorte que toutes les choses nécessaires à la perfec-tion du sacrificese trouvent excellemmentet d'une ma-

nière toutedivinedans celui de J.-C., qui est le sacrificedu NouveauTestament, l'accomplissementet la vérité

de tous les sacrificesanciens.

En premier lieu la sanctification de J.-C. comme

victime, s'est faite dans l'Incarnation; car en ce mys-

tère, le Sauveura été sanctifiéet consacrépar la divinité

même: QiteiiiPaccrsanctificavit.(Joan.10.36) Et ce qui

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66 IDIE DU SACERDOCE

est unique en J.-C., c'est que, par ce même mystère,

où il est consacré et sanctifié pour être la victime de

Dieu, il est aussi consacré comme son Prêtre pour l'é-

ternité Tu es sacerdos in ælernum, sceandam or dinem

Melchisedeck. Victime et Prêtre éternel eu quoi il diffère

principalement des sacrifices et dn sacerdoce qui était

selon l'ordre d'Aaron. Ce dernier n'était pas pour durer

toujours; d'autant que son sacrifice ne pouvait ni plaireà Dieu, ni apaiser sa colère, et qu'il fut éteint et aboli

par le sacri6ce de la croix, en môme temps qu'il en rie-

cut son accomplissement et sa vérité au lieu que celui

de J.-C. continuera même éternellement dans le ciel et

c'est de celui-ci que nous parlons à présent.Outre cette première sanctification ou consécration

principale, Jésus-Chrlst est encore consacré à son Père

parce qu'il est premier-né. Les autres premiers-nés

étaient rachetés, parce que, étant pécheurs, ils étaient

indignes d'être sacrifiés à Dieu et étaient irréguliers

pour !e sacrifice. Mais J.-C. ne pouvait pas être racheté

comme les autres enfants en qualité de premier-né à

cause qu'il était propre au sacrifice et destiné par la

volonté de son Père à servir d'hostie et de victime pourla réconciliation du monde. Car quoiqu'il soit vrai quele Fils de Dieu devait accomplir la Loi, ce n'était pas

toujours à la lettre et en figure, comme les autres, mais

dans la vérité. De sorte qu'il n'était pas obligé de don-

ner an temple un agneau pour se racheter lui-mêmemais d'offrir son propre corps qui était figuré par

l'agneau pour racheter son peuple.Le Fils de Dieu donc, aussitôt qu'il est incarné con-

naissant que c'est la volonté du Père éternel qu'il tienne

la palace de tous les hommes, et qu'il soit la vérité de

toutes les victimes qui étaient immolées durant l'an-

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ET DU SAGRIFICE D2 JÉSUS-CHRIST. — II.PART.

tienne Loi, se trouve comme à l'entrée du Tabernacle,et ce Tabernacle est la sein des Dieu même. Car, selon

l'explication des Pères, le Tabernacle de l'aucienne Loiétait la figuredu sein du Père éternel. Ce qui fait queS. Paul appelle celui-là Sanctum seculare (Heb 9.) un

sanctuaire et un tabernacle terrestre et temporel, pourle distinguer de l'autre, qui est Tabernaculum æternum.;

un Tabernacle et un Sanctuaire éternel. Le Fils de Dieu,

dits-)e, était à l'entrée de ce Tabernacle; c'est-à-dire

que, quoique selon son essence divine, et m6me selon

laPersonne du Verbe, dans laquelle l'humanité sainte

subsiste, il fût dans ce Tabernacle et ce Sanctuaire

éternel de Dieu néanmoins il n'y était pas quant à, sa

chair mortelle. Cae cette chair était pour lors dans le

sein de la Vierge seulemeut: et c'est quant à eette chair

destinée ad sacrifice, qu'il était conime à l'entrée du

Tabernacle éternel.

De plus, la victime du sacrifice légal n'avait qu'une

sainteté légale, et qui ue lu convenait point naturelle-

ment, mais seulement par sa destination au sacrifice

et par quelques cérémonies ordonnées de Dieu au lieu

que la sainteté de J.-C-, notre véritable, victime, est

une sainteté véritable, intérieure, naturelle et toute

divine. Car il est saint, non-seulement, en sa naissance,

mais même dans le sein de la Vierge avant sa paissance

puisque nous lisons que l'Ange dit à la Vierge: quob

nascetur ex te Sanctum LE FRUIT qui neltra de vous-

(Luc. i, 35.) Quod in ea natum est, de Spirilu Sancto est:

Ce qui est né 'dans elle a été formé par le St-Esprit.

(Matt. 1. 20-) Or ,il est saint et consacré à Dieu, premiè-

rement en qualité de premier-né du Père éternel est de

premier-né de 14 Vierge. Car La Loi commandait que &ou-4

les premiers-nés fussent sacrifiés c'est pourquoi le Fila

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68 IDÉE DTJ SACERDOCE

de Dieu l'est encelle qualité. Deplus, il est sanctifié par la

sainte de son Père, dont Il est aussi le premier-né par sa

naissance éteraelle. Car le Fils unique de Dieu et le Fils

de Marie ne sont pas deux fils. C'est le même né de

toute éternité dans le sein de son Père. selon sa nature

divine, et né au milieu des temps dans le sein de sa

Mère selon sa nature humaine. Par la première nais-

sance, son Père luicommunique toute sa sainteté, l'en-

gendrant saint comme lui et le même Dieu que lui. Et

sa nature humaine étant unie personnellement à ce Fils

unique de Dieu par sa naissance temporelle, la sainteté

de ce Fils est aussi communiquée à cette nature créée.

Qui peut donc comprendre la différence infinie qu'il y a

entre la sanctification de notre victime, et la sanctifi-

cation des victimes légales? Celle-ci sefaisait seulement

par l'imposition des mains accompagnée de certaines

prières au lieu que le Père éternel dans le mystère

de l'Incarnation sanctifia pour lui-même et se consa-

cra singulièrement le corps de J.-C. de la manière in-

compréhensible et toute divine que le viens de rappor-

ter. Comme il n'a point de mains, il n'en prit pas pos-

session par l'imposition des mains; mais il le fit par

toute sa substance, à laquelle l'humanité de J.-C. fut

unie, en sorte qu'elle fut possédée par toute la subs-

lance du Père éternel. Au lieu des paroles, dont on se

servait pour sanctifier les victimes, le Père éternel a

sanctifie cette humanité non par quelques paroles hu-

maines, mais par la personne même de son Verbe

qui est sa parole éternelle. C'est ainsi que le Fils de

Dieu a, été sanctifié dès le premier moment de son lu-

carnation, où il a reçu son corps comme une victime

sanctifiée pour Dieu corpus autem aptasti mihi (Heb.

10, 5.): comme la veille de sa mort, il a marqué et

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ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 69

renouvelé cette sanctification par ces paroles qu'iladressa à son Père « Je me sanctifie moi-même poureux. ” (Joan. 17.19.)

Quant à l'oblation, qui est le second point, elle s'est

faite aussi dès le moment de l'Incarnation, dans le pre-mier instant de laquelle J.-C, voyant que la justice de

Dieu ne pouvait être satisfaite par les sacrifices-des ani-

maux, qui se faisaient dans l'ancienne loi et connais-

sant parfaitement la volonté de son Père, qui ne lui

avait donné un corps qu'afiu qu'il fùt sa véritable victi-

me, substituée aux anciennes, lui adressa ces paroles:

“ Vousm'avez formé un corps alors j'ai dit Me voici, je

viens pour faire, mon Dieu, totre volonté. ” (Heb.10. 9.)

Car, selon ce texte de S. Paul, J.-C. s'offre à Dieu en

sacrifice, en place des sacrifices anciens. Mais cette

oblation n'est pas passagère, ni d'un moment, comme

celle des victimes elle commence en ce moment pour

durer toujours; et J.-C. ne cessera jamais de s'offrir à

Dieu son Père par une oblation permanente et éternelle:

avec cette différence cependant que, dès ce moment et

durant toute sa vie mortelle, le Fils de Dieu s'est offert

à son Père en qualité d'hostie pour être un jour immo-

lé en son honneùr, conformément à ces paroles Me

voici, je viens pour faire, mon Dieu votre volonté;

au lieu que, depuis sa mort et sa résurrection, il s'offre

comme une victime une fois immolée, et toujours vivante

devant Dieu, pour l'adorer, comme il a commencé de

faire en entrant au monde. Car par ces paroles Ecce

venio. le Fils de Dieu nous enseigne ce que nous avons

dit dès le commencement de ce discours, que le premier

devoir de la créature envers .Dieu, et le premier acte de

religion est celui de l'adoration et du sacrifice. Jésus-

Christ seul, à proprement parler, le pouvait offrir à son

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70IDÉE DU SACERDOCE

Père; parce qu'encore que tous les hommes soient oubli-

gés de s'offrir à Dieu ea qualité d'hosties pour lui être

sacrifiés néanmoins ils ne peuvent pas s'acquitter de ce

devoir, le péché les ayant rendus Impurs et irréguliers.Et d'autant que le péché avait infecté toutes les créatu-

res et étendu sur elles sa malédiction non-seulement

les hommes ne pouvaient pas être offerts mais même

les animaux qui, pour cette raison étaient impurs pour

le sacrifice et indignes d'être offerts à Dieu, avant que

Dieu l'eût permis et eût dispensé de cette irrégularité,en ordonnant les sacrifices.

De sorte que, dans tous les siècles qui ont précédé

J.-c., toute la nature serait demeurée dans l'impuis-

sance de témoigner sa reconnaissance à son Créateur

par ce premier devoir de la religion qui est le sacri-

fice, si Dieu n'eût choisi quelques animaux, qu'il vou-

lut que l'on regardat comme figures de son Fils, et qu'ilvoulût bien qu'on lui offrit en cette qualité. Car, ayant

quelque signe ou vestige du Fils de Dieu et le figu-rant en quelque chose, ils avaient en cela une sainteté

figurative, qui les faisait appeler des animaux purs. lis

étaient par ce moyen relevés de l’irrégularité, et offerts

ensuiteà la place des hommes. Pour les autres animaux,

qui demeuraient impurs pour le sacrifice on les rache-

tait aussi bien que les hommes Asinum redimes ove

autrement on les tuait, non en sacrifice pour honorer

Dieu mais seulement pour leur faire perdre la vie.

J'ai dit que le Fils de Dieu a été sanctifié et offert à

Dieu dès le moment de son Incarnation, comme pre-mier-né. Or, il sera bon de dire quelque chose des rai-sons pour lesquelles Dieu avait voulu autrefois qu'onlui offrit les premiers-nés. Longtemps avant la Loi, les

premiers-nés étaient en considération devant Dieu. Il

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ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART.71

est certain qu'Abraham reçut le commandement de lui

offrir son premier-né en sacrifice Tolle filium tuuin

unigenilum qaem diligis, et vade in terram visionis, atque

ibi olferes in holocaustuin, (Gen. 22. 2.) Mais longtemps

auparavant les premiers-nés étaient offerts à Dieu.

Quelques-uns même ont dit que les aînés étaient Prêtres.

Ce droit n'était pas cependant réservé aux seuls aînés

car Abel était Prêtre, puisqu'il sacrifiait, et néanmoins

il n'était pas i'alné.

Le premier commandement exprès d'offrirle premier-

né a été fait à Abraham, et c'est lui aussi à qui J.-C. u

été promis en cette considération comme si Dieu lui

eùt dit: Parce que vous m'avez donné votre fils, je vous

donnerai le mien. Dieu voulait donner son Fils, non-

seulement premier-né mais unique car il a tellement

aimé le monde qu'il lui a donné son Fils unique (Joan. 3.

16.1 et c'est pour cela qu'il demandait tous les alnés qui

étaient aussi uniques, quand ils étaient offerts à Dieu.

Voilà la première raison.

La seconde, c'est que Dieu demandait tous les aliiés

comme figures de son Fils incarné qui devait seul être

sa victime; et c'était en l'hvnneur de ce Fils et pour en

entretenir la mémoire et l'espérance par Ce signe pro-

phétique, que Dieu demandait que tous les aînés lui

fussent offerts. En attendant donc la.venue de J.-C. tous

les aînés étaient offerts à Dieu mais comme ils étaient

impurs par le péché, et par conséquent irréguliers pour

le sacrifice, et que d'ailleurs Dieu ne voulait point de

sacrifice d'hommes, en offrant l'alné, on offrait en même

temps un agneau qui devait être sacrifié en sa place.

L'occision de la victime était la troisième partie du

sacrifice. Elle pouvait être différée tant qu'on voulait

comme il a été dit. Aussi le Fils de Dieu n'a pas été sa-

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722 IDÉE DB SACERDOCE

crifié aussitôt après l'oblation qu'il fit de lui-même au

commencement de sa vie: mais il a attendu jusqu'à la

trente-troisième année de son âge sans vouloir préve-

nir d'uu instant le temps marqué par son Père pour son

occision et son immolation qui s'accomplit enfin sur

le Calvaire, où la chair sainte que Jésus-Christ avait

prise d'Adam fut sacrifiée à Dieu.

C'est là que J.-C. comme victime sur l'autel de la

Croix, a été mis à mort par les Gentils hors de Jérusa-

lem en quoi il accomplit, comme il a été dit, la figure

de ce bouc qui était chassé hors de l'enceinte du camp,

conduit dans le désert etabandonné auxbêtescommeex-

communié. Car, avec certaines imprécations on lui impo-

sait tous les péchés du peuple, que l'on confessait surlui

puis on le chassait extra castra dans le désert pour

être dévoré par les bétes. Personne n'y touchait et il

était tellement en horreur et en abomination, que même

celui qui l'avait mené dans les bois était excommunié

jusqu'à ce qu'il eût été purifié.

Ainsi J.-C., comme l'Agneau et la victime de Dieu

Agnus Dei qui tollit peccata mundi. In quo posuit Deus

iniquitates omnium nostrum, comme chargé de tous les

péchés du monde que Dieu avait mis sur lui, est aban-

donné aux bêtes, c'est-à-dire aux Gentils, selon la façon

de parler de l'Écriture « Ne livrez pas aux bêtes ceux

qui vous adorent et vous louent. n Il est chassé hors de

la ville, extra caslra où il meurt par un action détes-

table et d'excommunié. C'est pourquoi le sacrifice de

la Croix est proprement la vérité du sacrifice du bouc.

La quatrième partie était la consomption du sacrifice.

A l'égard du corps du Fils de Dieu incarné elle n'a pas

été faite par le feu, mais par la vérité, représentée par

le feu c'est-à-dire par la gloire de Dieu. Car le feu

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ET DU SACRFFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 73

4

comme nous l'avons déjà remarqué qui consumait les

victimes et consommait les sacrifices anciens n'était

que la figure de la gloire du Seigneur selon le passage

du Lévitique. (9. 24.)

Les Juifs spirituels comprenaient fort bien que la vic-

time devait être consumée en la plus digne manière

possible puisque outre l'ordre qu'ils avaient reçu de

Dieu de la consumer par le feu, ils avaient vu que le feu

était la figure dont Dieu se couvrait lorsqu'il leur ap-

paraissait dans une colonne de nuée et dans une co-

lonne de feu. C'est pourquoi Moïse leur disait « Le Sei-

gneur votre Dieu est un feu dévorant. » (Deut. 4. 24.)

Mais il n'y a que les Chrétiens qui connaissent par la

foi que cette figure s'est accomplie véritablement en

la Résurrection glorieuse du corps de J.-C. dans la-

quelle cette victime adorable a été consommée en la

vérité de Dieu figurée par le feu. Car après le sacrifice

de ce corps immolé en la croix, après la destruction de

sa vie humaine, il fallait encore que tout ce qui y restait

de traces de sa mortalité dans les plaies qu'il avait

reçues tout ce qu'il avait encore de défiguré de bas

et de terrestre, toute la ressemblance de la chair du

péché et de l'infirmité des enfants d'Adam fut entière-

ment détruit effacé et absorbé dans la gloire.La consommation consomption et inflammation du

corps de J.-C., comme victime, s'est donc faite en sa

Résurrection Surrexit a mortuis per gloriam Patris.

(Rom. 6. 4.) Il a été ressuscité par ce feu divin de la gloire

de son Père qui a consumé tout ce qu'il y avait d'indi-

gne du corps d'un Dieu dans le corps de J.-C. mortel

et mort sur la croix, Car, l'inflammation, comme il a

été dit, se faisait pour cette raison, que la victime doit

être comme changée et transformée en Dieu. Il n'y avait

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74IDÉE DU SACERDOCE

rien dans la nature qui pùt mieux représenter cela dans

tes sacrifices de la Loi que le feu qui est la représen-

tation de Dieu. Mais l'inflammation du sacrifice de la

loi nouvelle, qui est sans comparaison plus parfaite

et n'est plus en figure, mais en vérité s'est faite, en

sorte que la victime n'a pas été changée seulement en

la représentation de Dieu mais a été comme transfor-

mée en la gloire de Dieu même, sans rien perdre

néanmoins de la vérité de la nature humaine. C'est par

la Résurrection que cette sacrée victime a été dégagée

de tout ce qu'elle avait de terrestre et de vil qu’elle a

été toute revêtue et toute pénétrée d'une gloire telle

qu'il convient au Fils unique du Père: qu'elle n'a plus

eu de vie que pour Dieu vivit Ded qu'elle a été placée

dans le sein de Dieu méme, et qu'elle est entrée dans

un étattoutdivin, selon ces expressions fortes, mais

néanmoins très-véritables de Saint Hilaire Ne ex parte

Deus sit, sed tolus Deus. Dum homo et Deus, Jam Deus

totam est. (Hil. l. 11, de Trin. n. 40 et 62.) Et selon celles

de S. Ambroise Verbum caro factum est ut caro fieret

Deus. (Amb. 1. 1. de Virgin. C. 3.) Et ailleurs Tunc (avant

la Résurrection) secundum carnem horno; nunc per omnia

Deus nunc enim secundum carnem jant non novimus

Chrisluttr. (Lib. de fid. Resurr. n. 91.)

CHAPITRE V.

De la Comnunion du Sacrifice de Jésus-Christ.

La communion et la consomption ou consommation

daus le sacrifice de J.-C. se pourraient mettre ensem-

ble. parce qu'elles ne sont différentes qu'en leurs for-

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ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRST. II. PART.75

3.

malités. Carla consomption et consommation, qui suit

la perte de sa vie mortelle et étrangère, est la destruc-

tion de ce qui restait de sa mortalité et des infirmités

dé sa chair, par son entrée dans la vie de la gloire, qui

lui était due, et qui lui est propre en qualité de Fils de

Dieu. Or la communion n'est autre cbose que la jouis-

sance de cette même vie dans le sein de son Père.

Pour entendre ceci, il faut remarquer que le Fils de

Dieü naissant ici-bas sur la terre, est entré dans une

vie qui ne lui était pas propre, mais étrangère à sa natu-

re divine; car il est né dans un corps qui portaitla res-

semblance d'Adam, et qui était sujet à la peine du pé-

ché, et par conséquent indigne du Fils de Dieu, qui ne

devait avoir qu'une vie divine. Ceci se peut comprendre

par la différence qu'il y a enwe la Génération éternelle et

le mystère de l'Incarnation. Dans la Génération éter-

nelle, le Père produit son Fils, le produit dans son sein,

et le produit pour y demeurer éternellement. Dans l’In-

carnation, il produit ce même Fils, mais dans un sein

étranger, et lui donne une vie mortelle et un corps qui,

portant la ressemblance de la chair de péché in sirnili-

trtdinem carnis peccati, ne doit pas toujours durer. Car

cette naissance temporclie du Fils de Dieu, tout humi-

liante qu'elle est pour lui, ne laisse pas néanmoins de lui

donner droit à une nouvelle vie digne de lui, et qu'il ne

reçoit que par le mystère de la Résurrection. C'est par ce

mystère que le Fils de Dieu entre dans une vie qui lui

est propre, et qui convient à sa grandeur il entre daps

le sein-de son Père, et il y entre pour jamais. De sorte

que nous pouvons dire que, dans l'Incarnation, le Fils de

Dieu est né fils de l'homme, et que, dans la Résurrec.

tiou, le fils de l'homme est né Fils de Dieu, selon ce

que dit S. Paul dans l'Epitre aux Romains (1. 3) o Tou-

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76IDÉE DU SACERDOCE

chant son Fils, qui lui est né selon la chair du sang de

David, qui a été prédestiné pour être le Fils de Dieu

dans une souveraine puissance selon l'esprit de sancti-

fication, par sa Résurrection d'entre les morts. Or ce

retour et cette nouvelle entrée du Fils de Dieu dans le

sein de son Père, s'appelle Communion, d'autantque,

par ce mystère, tout Jésus-Christ est dans le sein du Père

éternel, conformément à la prière qu'il lui en faisait la

veille de sa mort Maintenant donc, mon Père, glo-

rifiez-moi en vous-même de cette gloire que j'ai eue en.

vous avant que le monde fut. ” (Joan. 17. 5.) C'est-à-dire,

glorifiez-moien répandant sur mon humanité la mêmegloi-

re que je possède éternellement en vous selon ma divi-

nité. Et c'estainsi que s'accomplit, selon la vérité, la Com-

munion que les Juifs croyaient que Dieu avait avec leurs

victimes car ils concevaient que Dieu participait et com-

muniait au sacrifice, en recevant l'odeur de leurs victi-

mes. o Odoratus est, disaient-ils, Dominus odorem suavi-

tatis: Odoratus Dominus sacrificium. Et la principale in-

tention qu'ils avaient en mangeant ce qui en restait, était

d'entrer en communion de l'hostie avec Dieu. Ce n'était

qu'une figure, dont la vérité s'accomplit dans le sacri-

fice de J.-C. puisqu'après la consomption de ce qu'il y

avait de mortel et de terrestre, il est tout consommé en

Dieu par sa Résurrection, qui le fait être tout à son Pè-

re il est reçu par lui dans son sein, il est comme mon-

gé par son Père, si l'on peut parler ainsi d'une chose si

spirituelle et si divine, que je vais expliquer plus clai-

rement.

Il faut remarquer d'abord qu'encore que Dieu soit très-

simple et un pur esprit, néanmoins à cause que nous ne

le pouvons pas comprendre comme tel, lorsque l'Écri-

ture nous en parle, qu'elle nous explique ses opéra-

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ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. II. FART.77

tions, ou cfu'elle décrit quelque chose de Dieu qui a rap-

port à ce qui se fait par les hommes en la manière qui

leur convient, elle lui attribue les mêmes choses dont

les hommes ont besoin à cause de leur manière d'être

corporelle et imparfaite. Ainsi, quand elle nous le repré-

sente engendrant son Fils, elle parle de cette sorte

Ex utero genui te; je vous ai engendré de mon sein.

Quand elle parle de cette seconde personne en qualité de

Fils elle nous le représente dans le sein du Père a Le Fils

unique qui est dans le sein du Père. Joan. 1.: et quand

elle en parle en qualité de Verbe et de parole du Père,

elle nous le représente dans la bouche du Père “ Je

snis sorti de la bouche du Très-Haut: ” donnant ainsi à

Dieu un sein pour nous montrer qu'il est père et mère

dans cette Génération; car ce sont les mères qui ont un

sein, et c'est le père qui y engendre les enfants. De

même nous pouvons dire avec l'Écriture, que le Fils de

Dieu est dans la bouche de son Père, parce qu'il est sa

parole éternelle, et que la bouche, dans lei homme1!, est

l'organe où se forme la parole.

Je remarque en second lieu, que J.-C., .a veille de sa

mort, demanda à son Père qu'il lui donnât la clarté ou

la gloire qu'il avait de toute éternité dans son sein. Il ne

la demandait pas pour sa divinité, qui l'a toujours eue:

ce n'était point non plus pour son âme car elle partici-

pait à cette clarté divine dès le premier moment de

sa création et de son union à la personne du Verbe.

C'était donc pour son corps qu'il demandait cette

gloire. Or J.-C. obtint l'effet de cette prière au moment

de sa Résurrection, dans lequel il rentra pour ainsi dire,

dans le sein et dans la bouche de son Père “ Je suis

sorti, dit-il lui même, de mon Père, et je suis venu

dans le monde: je sors maintenant du monde, et je m'en

vais à mon Père. ” (Joan. 16.28.)

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78IDÉE DU SACERDOCE

Le Père entra donc en communion de son Fils comme

victime en le ressuscitant après sa mort, le recevant

dans son sein, où Il lui donna une vie nouvelle et lui

communiqua sa clarté et sa gloire divine. Car quoique

la seconde personne de la très-sainte Trinité, qui est

J.-C., ait de toute éternité la clarté divine et la gloire

dans le sein du Père, comme son Fils, et dans la bou-

che du Très-Haut comme son Verbe et comme la parole

de Dieu il n'a rien para en lui de cet éclat et de cette

gloire pendant sa vie mortelle sur la terre, excepté au

moment de la Transfiguration. C'est dans l'instant de sa

Résurrection qu'il a reçu en son corps cette clarté et

cette gloire, et que son Père est entré en communion

de son Fils en le retirant, pour ainsi dire, dans sa bou-

che et dans son sein, selon son corps. Car quoique Dieu

n'ait ni bouche ni sein, le 6aint Esprit se sert néan-

moines de ces termes, pour nous faire entendre en quel-

que façon la manière dont le Père engendre son Fils de

toute éternité dans son propre sein une seconde fois,

dans le temps au sein de Marie, et une troisième fois, an

sein de la gloire. C'est en cette troisième naissance quele Père communie à son Fils, et il communiera à lui de

cette manière éternellement Car le fils de Dieu étant

une fois ressuscité d'entre les morts, ne meurt plus et

la mort n'aura plus de pouvoir sur lui. ” (Rom. 6. 9.)Comme le Prêtre élevait la victime vers Dieu ainsi

J.-C., a été une fois élevé sur la croix. La victime sem-

blait monter à Dieu dans la flamme et dans la fuméeet Jésus-Christy monte en vérité dans la nuée revêtu de

gloire an jour de son Ascension. Et dans cet état de gloi-

re, il sera éternellement le sacrifice du ciel; mais sacri-

fice dans la seule réalité et vérité, sans mélange de fi-

gures ni de signes parce- que tout ce qui est au ciel y

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ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. U. PART.i9

est sans voile, sans nuages et dans l'état qui lui est pro-

pre in propria specie.

Car dans l'unité de l'.Église, il y a comme trois Lglises

différentes. L'Église des Juifs, qui n'a eu que les fipu-

res, et ne connaissait les mystères de la religion que par

énigmes. L'Église des Saints, qui ue voit que des vérités,

et qui connaît les choses en elles-mêmes, L'Église des

Chrétiens etcelle-ci a les vérités, mais sous les figures.

C'est pourquoi lorsque J.-C. parait après sa résurrec-

tion même, c'est toujours sous une figure empruntée,

tantôt sous celle de pèlerin, tantôt sous celle de jardi-

nier et c'est aussi une des raisons pour lesquelles il se

donne, quoique glorieux, au Saint Sacrement, sous les

apparences et sdus la figure du pain et du vin.

Dans les sacrifices qui n'étaient pas holocaustes, mais

pacifiques, les Prêtres et ceux qui offraient, participaient

à la victime après qu'elle était sacrifiée et consommée,

ou consumée. Ainsi dans le sacrifice et l'oblation paci-

lique que Jésus-Christ a faite et qu'il fera éternelle-

ment de lui même dans leciel à Dieuson Père, les Bien-

heureux communient durant l'éternité à cette Victime

dans son état de consommation et de gloire. Car « le

même pain des Anges que nous mangeons maintenant

sous les voiles sacrés, nous le mangerions la sans au-

cuns voiles » dit le saint Concile de Trente.

C'est où nous l'offrirons tous aussi en sacrifice, n'y

ayant point de Saints dans le ciel qui ne soient prêtres.

C'est ce qui est remarqué dans l’Apocalypse (5.10.), où

les vingt-quatre vieillards rendent grâces à Dieu de ce'

qu'il les a faits être rois et prêtres consacrés à sa divine

Majesté. Et au ch. 20. 6., il est dit en général des Bien-

heureux qu'ils seront dans le ciel prêtres de Dieu et de

Jésus-Christ. Comment sont-ils prêtres et de quelle

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80 IDÉE DU SACERDOCB

manière exercent-ils dans le ciel leur sacerdoce c'est

qu'ils offrent continuellement à Dieu J.-C. et c'est le

seul moyen qu'ils ont de rendre à la Majesté divine

l'honneur, l'adoration et la louange qui lui sont dus. Ils

peuvent dans eux-mêmes adorer, aimer et exercer tous

les actes de religion envers Dieu mais cela est peu de

chose c'est pourquoi la sagesse infinie de Dieu leur a

donné un moyen pour suppléer à leur impuissance, et

pour l'honorer très-dignement et ce moyen est de lui-

offrir son Fils et son Verbe, qui est sa louange même

éternelle. Car, par Jésus-Christ et dans J.-C., ils rendent

à Dieu tout l'honneur qu'il se peut rendre à lui-même.

Jésus-Christ s'offre et offre avec lui tous les Saints com-

me ses membres à la très-sainte Trinité, et les Saints

s'offrent aussi et avec eux offrent J.-C. leur chef, par

J.-C. avec J.-C. et en J.-C. même. Et c'est par ce secret

admirable que J.-C. est dans sa personne et dans ses

membres en même temps la victime parfaite et le Prê-

tre éternel selon l'ordre de Melchisédech.

Ce grand sacrifice que J.-C. fait à Dieu dans le ciel

avec les Saints, en s'offrant lui-même avec eux, est le

même sacrifice qu'offrent les Prêtre, et que toute

l'Église offre par eux, sur la terre, dans la sainte messe.

Car c'est la même hostie qu'ils lui offrent; puisque c'est

son corps et son sang réellementprésents, unis àDieu et

subsistant dans ce Verbe et ce mystère. C'est le même

Prêtre qui l'offre par ses ministres, et c'est sur le même

autel, qui est la subsistance ou la personne du Verbe

éternel, qu'il est offert. C'est encore dans le même tem-

ple, c'est-à-dire dans le sein du Père éternel. Ce sacri-

fice y est offert au même Dieu que dans le ciel. Et enfin

non-seulement l'hostie y est la même mais encore elle

y est dans la même consommation et la même gloire

Page 84: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. FART. 81

que dans le ciel. La seule différence qu'il y a c'est

qu'encore qu'elle y soit aussi réellement présente quedans le ciel, ce n'est pas toutefois d'une manière visible.

Il faut remarquer que dans tous les sacrifices, où ces

cinq parties que j'ai expliquées se rencontrent, les pre-mières ne contenaient pas les dernières mais celles-ci

renfermaient celles-là. Il en est de même du sacrifice

de J.-C.; car comme l'Agueau pascal, lorsqu'il était des-

tiné ou consacré à Dieu, n'était pas encore immolé

puisque l'immolation ne se faisait que quatre jours après

(ainsi des autres parties) de même, quand J.-C. se con-

sacra et s'offrit comme victime pour nos péchés au Père

éternel dès le premier instant de sa conception, il n'é-

tait pas encore immolé et quand il fut mis à mort sur

la croix, il n'était pas encore consommé et quoiquele Père éternel soit entré en communion de son Fils

au moment de sa consommation par sa Résurrection

glorieuse, néanmoins la consommation précède, selon

l'ordre naturel, la communion.

Au contraire quand l'Agneau pascal était immolé

son occision contenait sa consécration. Car c'était l’hos-

tie consacrée qui était immolée. Quand il était rôti, sa

consomption ou consommation contenait les deux par-ties précédentes; car c'était ce même Agneau consacré

et immolé qui était consommé. Et quand la communion

de cet Agneau se faisait par la manducation, elle ren-

fermait toutes les parties précédentes, puisqu'on man-

geait l'Agneau consacré, offert, immolé et consommé.

De même, la mort de J.C. contenait sa consécration et

son oblation sa consommation contient sa consécra-

tion, son oblation et sa mort et quand les Saints, tant

du ciel que la terre, communient à J.-C. c'est-à J.-C.

consacré, offert, immolé, et consommé qu'ils commu-

Page 85: Condren - Oratorien

82 IDÉE DU SACERDOCE

Hient. Et J.-C. portera éternettement dans son humanité

adorable cet état de consécration, d'oblation, d'immo-

lation, de consomption et de glorification qui fait la

communion éternelle da ciel.

Que J.-C. dans le ciel, et ses Saints avec lui, soient

dans un état de consécration ou d'appropriation à Dieu;

qu'ils y soient dans une continuelle oblation et de J.-C.

et d'eux-mêmes; qu'ils y soient consommés dans la

gloire cela ne souffre point de diflfculté. Que J.-C. y

soit comme immolé et en état de mort, l'Apocalypse

nous l'apprend (5. 6.) « J'ai vu au milieu du trône et

des quatre animaux et au milieu des vieillards, i'Agnean

qui était comme une victime égorgée. »

Pour expliquer de quelle manière J.-C est en état de

mort au ciel et en la messe un auteur a eu cette pen-

sée Que la mort est la privation de la vie présente, et

que, quand J -C. est ressuscité il est demeuré privé

de cette même vie mortelle et passible et qu'il est

par conséquent et sera éternellement dans la privation

de cette vie présente, et par là en quelque façon dans

un état de mort. Mais il est d'appeler un état

de mort la privation d'une vie mortelle et passible, qui

est réparée par une vie immortelle, impassible et glo-

rieuse. On peut s'en tenir à ce qu'en disent S. Thomas

et les autres Théologiens pour expliquer cet état de mort

où demeure J.-C. après sa résurrection. Ce qui lui reste

de cicatrices de ses plaies peut seul justifier ce que nous

disons après l'Écriture, qui nous représente J.-C. dans

le ciel comme égorgé tanquam occisum. L'oblation quise fàit sans cesse de lui comme d'une viethne une fois

immolée, l'actian de grâces que Jésus-Chrit rend lui-

mLme à son Père de ce qu'il l'a tiré de la mort, les

louanges des Saints pour le mystère de la Rédemption,

Page 86: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 83

sont autant de monuments de sa mort qui eu retracent

la mémoire, en conservent un glorieux souvenir, et la

rendent comme présente aux Esprits bieuheureux.

CHAPITREVI.

Jésus-Christa accomplitoute la Loiet toutesles figuredes sacrifices.

Jésus-Christ n'a jamais été prêtre d'un autre ordre

que celui de Melchisédech. Mais quoiqu'il ne fùt pasprêtre de l'ordre d'Aaron, il a néanmoinsrempliet ac-

eomplitoutesles figureset tousles sacrificesde l'ordre

d'Aaron, aussibien que de celui de Melchisédech, en

faisantselon la vérité ce qui était figuré par les sacrifi-ces de ces deux ordres.

La ressemblancedu sacrificede Melchisédechparait

davantagedans les deux dernières parties du sacrificede Jésus-Christ, qui sont la consommationet la com-

munion commenous les avonsexpliquées parce quec'est par sa Résurrectionqu'ilest dausun état immortel,et qu’il est le Sacrificateuréternel et toujours vivant,afin d'intercéder pour nous. Quantaux trois premièresparties de son sacrifice qui sont la consécration l'o-.

blationet l'immolation, les sacrifices d'Aaron étaient

par toutesleurs circoustancesdes figuresplus expres-ses et plussensibles du sacrifice de J.-C. sacrifice si

parfaitque, ne pouvantêtre représenté par un seul sa-

crifice, Dieuena institué plusieurs pour le représenterchacun selon quelques-unes de ses circonstances.Et

quoiqueles anciennesfigures qui ont été accomplies

Page 87: Condren - Oratorien

84 IDIE DU SACERDOCE

exactement par J.-C. fussent si diversifiées et en si

grand nombre, néanmoins elles ne représentaient qu'u-

ne partie de ce que J.-C. a fait sur la terre plusieurs de

ses actions n'ayant point été figurées dans l'ancienne Loi

par aucune cérémonie ni par aucun sacrifice.

Quand on dit que J.-C- a dû accomplir et qu'eu effet

il a accompli, les figures anciennes de la Loi, on ne veut

pas dire qu'il fut obligé d'observer à la lettre toute cette

loi de Moïse comme les Juifs. Par exemple J.-C. n'était

point obligé de donner des moutons ou d'autres animaux

pour être immolés à Dieu; mais il était obligé selon

l'ordre de son Père, de se donner lui-même comme la

véritable victime, seule capable de satisfaire à Dieu, par

son immolation pour nos péchés.

Il en est de même à l'égard de l'Agneau pascal. Il n'é-

tait point obligé de l'immoler ni de le manger selon la

Lori et il y a beaucoap de preuves qui font douter qu'il

ait célébré la Pdque la dernière année de sa vie. Mais

comme il était lui-même le vrai Agneau il devait être

lui-même immolé à Dieu pour les péchés du peuple, et

puis mangé par le peuple même, afin qu'il communiât

à ce sacrifice.

Nous devons dire la même chose à l'égard du sacrifice

de Melchisédech. J.-C. ne devait pas simplement offrir

du pain et du vin, comme Melchisédech, pour être

censé Prêtre selon son ordre mais offrir le vrai pain et

le vrai vin de la vie éternelle, c'est-à-dire son corps et

son sang. Et il les donna en effet à ses disciples et, en

leurs personnes, à toute l'Église, sous les apparences

du pain et du vin ordinaires pour montrer que le sacri-

fice de Melchisédech avait été la figure de son sacrifice

selon la manière qu'il l'accomplissait alors, et quant à

la dernière partie du sacrifice, qui est la communion,

pour laquelle l'Eucharistie est instituée.

Page 88: Condren - Oratorien

ET Dü SACRIFICE DB JÉSUS-CHRIST. II. PART. 85

Celte vérité ne détruit point cette qui a été établie au-

paravant, savoir que J.-C. n'est proprement Sacrificateur

selon l'ordre de Melchisédech qu'après sa Résurrection

et son Ascension, comme le Ps. 109 le fait voir; car

après que le Prophète a représenté le Père éternel disant

à J.-C. son fils » Asseyez-vous à ma droite » le même

Prophète dit après, en s'adressant à J.-C. 1)Le Seigneur

a juré et il ne rétractera point son serment Vous êtes le

Prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech. » Car si

J.-C. a fait la fonction de ce sacerdoce avant sa mort, en

instituant le sacrifice de la Messe, ça été par anticipa-

tion, et selon sa puissance divine que les Théologiens

appellent d'Excellence. Et il y a beaucoup de raisons qui

prouvent que, comme il y fit la fonction d'un sacerdoce,

qui est établi sur la puissance de sa vie immortelle et

glorieuse, il mit aussi son corps et son sang dans un état

glorieux sous les apparences du pain et du vin en les of-

frant à Dieu pour le sacrifice eucharistique. Il usa en

cette occasion de sa puissance extraordinaire, et accom-

pli( ce mystère par anticipation; de même qu'il avait

donné autrefois à Adam, à Abel, à Noé et à tous les Pères

qui étaient morts avant son Incarnation, la grâce sancti-

riante par anticipation et par dépendance du sacrifice de

sa vie, de sa mort et de sa résurrection, qui n'étaient

point encore accomplies. Ainsi ils y ont communié par

anticipation, en recevant par les mérites de ce sacrifice

la vie de la foi, de l'espérance et de la charité; et le

Saint-Esprit, qui formait en eux ces vertus leur était

aussi donné par une mission anticipée, qui naturellement

n'aurait dd se faire qu'après l'accomplissement réel de

la mort, de la résurrection et de l'ascension du Fils de

Dieu, qui n'étaient encore accomplies qu'en figure, par

les sacrifices anciens.

Page 89: Condren - Oratorien

86 IDÉE DU SACERDOCE

L'Eglise, que J.-C. veut sanctifier et sauver par ce sa-

crifice, est composée de divers membres répandus dans

tous les siècles depuis Adam jusqu'à la fin du monde.

C'est par les mystères de sa vie qu'il a mérité que cette

Église lui ait été donnée, et qu'il lui a mérité toutes les

grâces que les hommes qui la compostent, ont jamais

eues, ont présentement et auront jusqu'au jour du juge-

ment dernier. Par sa mort, il a ôté l'obstacle qui em-

pêchait les hommes de recevoir ses grâces parce qu'il a

satisfait pour leurs péchés à la justice de Dieu qui, les

regardant auparavant comme des criminels et des débi-

teurs insolvables, les devait punir, bien loin de leur don-

ner sa grâce. Enfin par sa Résurrection, c'est-à-dire dans

l'état de sa Résurrection, il donne et applique aux hom-

mes la grâce qu'il leur a méritée par sa vie, et qu'il les

a rendus capables de recevoir par sa mort.

Voilà l’ordre et l'économie des mystères de Jésus-

Christ. Ils nous font connaître pourquoi J -C. n'a envoyé

le Saint-Esprit qu'après sa Résurrection. La raison en

est, qu'il fallait que son sacrifice, dont les différentes

parties sont composées de ses divers mystères, fût par-

l'ait et consommé par la Clarification de la Victime,

avant que le fruit nous en fùt appliqué par le Saint-

Esprit. Il fallait que le Père éternel communiât à son

Fils en le recevant en son sein, avant que l'Église y com-

maniât en recevant le fruit de ses souffrances et de sa

mort, son esprit et sa grâce, son corps et son sang par

les sacrements. Il était convenable qu'il fùt, selon son

humanité, dans l'état où il produit de toute éternité le

Saint-Esprit avec le Père c'est-à-dire, qu'il fût dans le

sein du Père, et réuni selon son humanité à son prin-

cipe, pour envoyer avec lui le Saint-Esprit à son Église.

Quoique nous ayons dit que J.-C a mérité par sa vie

Page 90: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. II. PA6r. 87

son Église, et qu'il a satisfait pour elle par sa mort, il

est néanmoins très-vrai que la mort de J.-C. a mérité,

aussi bien que toutes les actions de sa vie, et que cha-

cune des actions de sa vie a satisfait en rigueur de jus-

tice à Dien aussi bien que sa mort. Mais l'ordre établi de

Dieu pour notre salut voulait que J.-C. dispensât de telle

sorte ses mystères, qu'il ne se contentât pas d'offrir pour

l'expiation de nos péchés quelques actions, qu'il offrit

aussi sa vie pour nous mériter sa grâce et sa mort pour

satisfaire à la justice de son Père, quoiqu’elle méritht

aussi comme étant une action de J.-C. très-libre et iufi-

niment sainte.

Pour montrer maintenant comment Melchisédech a

été la figure de J.-C. selon les deux dernières parties du

sacrifice, il faut se souvenir de toutes les circoastanees

qui conviennent à Melchisédech, et de tout ce qui lut

est attribué par Saint Paul, dans le ch. 7 de son Épître

aux Hébreux.

Il s'appelait Melchisédech, qui signifie Roide justice, se-

lon l'explication de S. Paul et il était Roi de Salant, ce

qui signifie selon te même apôtre, Roi de paix. Cela nous

fait. voir que Melchisédech était la figure du souverain

Prêtre J.-C., en tant qu'il était roi de justice et de paix

dans le ciel à ta droite de Dieu son Père.

Il était sans père, sans mère et sans généalogie; pour

montrer que J.-C. n'a point été frit Prêtre du sacerdoce,

selon lequel Melchisédech a été sa figure, par droit de

succession n'étant point né d'un père qui eût exercé la

même charge avant lui, ainsi qu'il se pratiquait dans te

sacerdoce d'Aaron.

Il est représenté comme n'ayant eu ni commencement

ni fia de sa vie: pour faire conuattre que le sacerdoce de

J.-C. qu'il figurait, n'est point borné à un certain temps

Page 91: Condren - Oratorien

83 IDÉE Du SACEIIDOCH

pour la durée, et ne passe point à plusieurs personnnes

par succession, comme il se pratiquait dans celui d'Aa-

ron mais qu'il est éternel et sans fin. Il paralt par les

livres des Machabées et des Rois qu'il y avait un livre

du sacerdoce d'Aaron, qui faisait mention des actions

des souverains Prêtres, de la durée de leur sacerdoce,

quand il avait commencé et fini, et quels étaient leurs

successeurs. Mais J.-C. n'a aucune part à cet ordre. Il

est le sacriucateur éternel selon l'ordre de Melchisé-

dech, son sacrifice n'ayant point été reçu par succession,

et ayant continué sans que personne lui ait succédé.

Melchisédech offrit du pain et du vin à Dieu puis don-

na les choses offertes à manger à ceux de la famille

d'Abraham qui venaient de remporter une grande vic-

toire sur les rois qui emmenaient captif Loth, neveu du

Patriarche. Et J.-C. donne à manger aux vrais enfants

d'Abraham dans le ciel, après qu'ils ont vaincu, durant

cette vie, les ennemis de Dieu et de leur salut le pain

de la vie éternelle, qui est Dieu même. Il les fait aussi

participer et communier à son corps et à son sang; mais

d'une manière toute céleste et toute divine, sans voiles,

sans figures, sans sacrements et sans imperfection; car

il témoigne en S. Matthieu (26. 29) qu'il donnera ce cé-

leste aliment dans le ciel « Or je vous dis que je ne boi-

rai plus désormais de ce fruit de vigne jusqu’au jour oit

je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon

Père- 11 est vrai que les Saints ne boiront point du fruit

de vigne dont nous bavons ici tous les jours dans nos

repas ordinaires; mais ils boiront de ce fruit de vigne que

J.-C. donne à boire à ses Apôtres, et dont il but lui-mê-

me après la Cène, c'est-à-dire son sang adorable, glo-

rieux et tel qu'il convient au Fils de Dieu glorieux et

immortel.

Page 92: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. Il. PART.89

CHAPITRE VII.

Différence qu'il y a entre le sacrifice de la Croix, celui

de la Messeet celui du Ciel.

L'église de J.-C. qui combat sur la terre, et celle qui

règne dans le ciel, ne sont pas deux Églises, mais une

seule et même Eglise. Elles ne doivent par conséquentavoir qu'un sacerdoce et qu'un sacrifice. C'est pourquoi

J.-C. dans la messe, qui est le sacrifice de l'Église mi-

litante, exerce le même sacerdoce et offre le mêmesacri-

fice que dans le ciel selon l'ordre de Metchisedech, avec

cette dilférence, que la Communion qu'ont les Saints à

J.-C. dans le ciel est sans interruption et éternelle, au

lieu que la nôtre est journalière et passagère: parce

qu'ici nous sommes assujétis aux vicissitudes du tempset aux nécessités de la vie présente; mais dans le ciel, il

n'y a point d'autre durée que l'éternité, point d'autre

occupation que le sacrifice, et sa communion éternelle.

An ciel, les Saints communient à Dieu et à J.-C. dans la

jouissauce; parce qu'ils le voient face à face et tel qu'ilest: ici, nous communions a lui sans jouir de sa vue, et

nous ne le voyons que des yeux de la foi dans l'Eucharis-

tie, quoiqu'il y soit réellement présent: videmus nunc per

speculum et in œnigmale. Dans l'ancienne loi, on n'avait

que les figures sans la vérité: nous avons maintenant la

vérité, mais sous les figures, pour servir d'exercice à no-

tre foi, qui ne se rapporte qu'aux choses qu'on ne voit

point, comme S. Paui le dit aux Hébreux (11.); an lieu

que dans le clel, séjour de jouissance et de lumière,

nous aurons la même vérité à découvert et sans voiles.

Page 93: Condren - Oratorien

goIDÉE DU SACERDOCB

Mais; direz-vous, le sacrifice de la messe est-il aussi

le même que celui de la Croix ? Je réponds à cela que le

sacrifice de la Messe est le même que celui de la Croix,

en tant qu'il le contient. Car c'est J.-C. immolé sur la

croix qui est présent sur l'autel après la consécration,

r.t qui y est offert comme ayant été immolé sur la croix

pour nous. Il y porte cet état de mort, ou les Juifs l'ont

mis sur la croix,en tant qu'il s'y offre lui-même comme

immolé une fois sur la croix, et que c'est en mémoire

et en vertu de cette immolation qu'il y est aussi offert

par son Église et cet état d'immolation et de mort y

est marqué et représenté par la séparation mystérieuse

du corps et du sang sous les espèces différentes du pain

ctduvin séparément consacrées. Néanmoins, cette Hos-

tie n'y est plus dans la ressemblance de la chair du pé-

ché, mais dans la gloire et fimmortalité.

Si vous me demandez s'il s'y fait effusion de sang, com-

me en la croix je vous réponds qu'il s'y fait une effu-

sion du même sang quant à ta substance, mais différent

en tant qu'il est renouvelé par la Résurrection. Et cette

effusion, selon le témoignage de S. Lue, 22. 20., s'est

faite en la cène car selon le grec, il y est parlé, d'une

effusion présente du calice o oov.. o xuvvov.

Ce n'est pas une effusion qui se fasse visiblement et

hors des veines de J.-C. comme sur la croix; c'est dans

la bouche et dans le cœur des communiants qu'elle se

fait et c'est un effusion réelle, mystérieuse, sacra-

mentelle, sacrificale et sanctifiante.

En voici une eacellente figure tirée de la Loi. Quand

Moise traita de l'alliance entre Dieuet le peuple d'Israël,

il égorgea douze veaux, dont il wit le sang dans doiize

coupes puis, ayant proposé au peuple la loi de Dieu

avec les récompenses qu'il promettait à ceux qui la

Page 94: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 91

garderaient fidèlement, et les peines inévitables desti-

nées à ceux qui la violeraient après que le peuple eut

accepté l'alliance, et se fût engagé à observer la Loi, en

disant ces paroles « Nous exécuterons tout ce que le

Seigneur vient d'ordonner, et nous lui serons parfaite.

ment obéissants » Moïse versa sur eux le sang des

douze coupes, en disant « C'est ici le sang de l'alliance

que le Seigneur vient de faire avec vous. »(Ex. 2. 7.)

N. S. J.-C. a accompli la vérité de cette figure dans

l'alliance qu'il a faite avec son Eglise. Car la veille de

sa mort, après avoir donné son corps à ses Apôtres, il

prit la coupe et leur dit « Ceci est mon sang, le sang

de la nouvelle alliance qui est répandu pour vous,

buvez-en tous. » C'est comme s'il avait dit Je ne verse

pas aujourd'hui sur vous le sang des veaux, comme Gt

autrefois Moïse sur le peuple, eu établissant une allian-

ce figurative entre mon Père et vos pères; mais, comme

je fais avec vous et avec mon Église une alliance nou-

velle et véritable, je vous donne aussi mon propre sang;

non point en le versant sur vous pour vous laver seule.

ment au dehors comme faisait le sang de ces veaux

mais afin que vous le buviez et le receviez au dedans

de vous-mêmes, et que vos cœurs soient sanctifiés

d'une sanctification intérieure, réelle et véritable.

C'est ainsi qu'on communie à cette victime, à la messe,

ou ce même Fils qui est dans le sein de son Père est

reçu par nous dans le Saint Sacrement. Il y est vivant

non plus de la vie qu'il avait prise de sa Mère sur la

terre, mais de la vie nouvelle et glorieuse que son Père

lui a donnée dans le ciel vie sans comparaison plus

noble et plus sainte, puisque son Père la lui communi-

que dans son propre sein en le ressuscitant. De cette

demeure de Jésus dans le sein de son Père, il résulte

Page 95: Condren - Oratorien

92IDÉE DU SACERDOCE

que les prêtres consacrent dans le sein du Père éternel,

et qu'ils produisent J.-G par la même action et par la

même vertu, par laquelle son Père l'a ressuscité.

La première proposition est évidente: car le Fils de

Dieu ne sort plus du sein de son Père, et puisqu'il est

dans la gloire du Père, même sur nos autels, où il est

rendu véritablement et réellement présent par la con-

sécration, quoique sacramentellement, c'est-à-dire sons

les apparences du pain et du vin; il faut nécessairement

qu'il y soit dans le sein de son Père, qui est le séjour

de sa gloire et l'origine de sa vie immortelle: car le sein

adorable du Père est partout où est son Fils immortel et

glorieux.

La seconde proposition est claire parce que nous ne

le produisons que comme instrument, et que la vertn

de l'instrument n'est point différente de celle de sa cause

principale. Or c'est cette vertu du Père, comme ressus-

citanLJ.-C. et le faisant entrer glorieux dans son sein, qui

le fait être en cet état partout où il est il faut donc que

le Prêtre qui le produit le produise par cette vertu, et le

produise dans le sein du Père éternel. Et cette proposi-tion ne doit choquer personne, parce que le sein du Père

n'est point attaché à un lieu, et que partout où est le

Père; il y est produisant son Fils, et le produisant dans

son propre sein et par conséquent ce sein est aussi

partout où ce Fils est prodnit. On ne peut pas dire réci-

proquement que J.-C. soit sacramentellement dans le

sein de son Père; car ü n'est sacramentellement quesons les apparences du pain et du vin par la consécra-

tion. Si bien que partout où les espèces ne se trouvent

pas, il n'y est pas sacramentellement, quoiqu'il y soit

réellement: et les espèces n'étant pas au sein du Père,le Fils n'y est pas sacramentellement.

Page 96: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHHIST. Il. PART.93

Il n'y avait point proprement de sacrifiçes de propi-

tiation dans l'ancienne loi, quoiqu'ils soient appelés de

ce nom dans l'Écriture Sainte: comme nous apprenons

du prophète Isaie (3.3.) que Dieu appelle les ministres de

sa colère et de sa fureur, ses sanctifiés, quoiqu'ils fus-

sent des pécheurs, qui par conséquent n'étaient pas

sanctifiés en eux-mêmes, mais étaient destinés de Dieu

et préparés pour servir à sa vengeance et, par ce moyeu,

à la sanctification de son nom dans ceux qu'il châtiait,

ou qu'il purifiait ainsi par la peine Mandavi sancliflcalis

meis, et vocaai fortes mpos in ira mea. Ainsi les sacrifices

anciens étaient des sacrifices de colère, dans lesquels on

voyait ce qui était dû aux pécheurs, et ce que la colère

de Dieu aurait fait d'eux, si sa bonté et sa miséricorde

ne leur avaient préparé une victime; mais l'on n'y trou-

vait point de quoi apaiser sa colère, ni de quoi satis-

faire à sa justice. Que si Dieu les appelle quelquefois des

sacrifices de propitiation, c'est qu'ils étaient tels non dans

les victimes, mais en Dieu c'est-à-dire que Dieu dans

sa seule bonté et son bon plaisir, voulait que les péchés

des hommes fussent effacés, et que tout ce qui lui est

contraire fût détruit; etil lui plaisait de faire paraître en

cela sa sainteté, sa propitiation et sa miséricorde. Et

puis,.ils étaient appelés sacrifices de propitiation, parce

qu'ils étaient les figures et les promesses du vrai sacrifice

de propitiation.

Ce seul et véritable sacrifice est celui de J.-C., parce

qu'il n'y a que lui seul qui puisse être sacrifié à Dieu. Ce

sacrifice est si parfait, que chacune de ses parties est un

sacrifice parfait et accompli, daus lequel on peut re-

marquer toutes les conditions nécessaires à un sacrifice.

Cela se peut montrer clairement dans le sacrifice de la

croix et dans celui de la messe, qui sont des sacrifices

Page 97: Condren - Oratorien

P4mÉE DU SACERDOCE

véritables et parfaits, quoiqu'en meme temps ils fassent

l'un et l'autre partie du sacrifice complet de notre Sei-

gneur. Car le sacrifice de la Ctoix est l'immolation et

l'occision de la Victime, et la messe en est la commu-

Hion, comme nous l'avons expliqué plus haut.

CHAPITREVili.

Commenties parties du sacrificese trouventdans celuide

la Croix sesdifférencesaveccelui de la Messe.

Dans le sacrifice de là Croix se trouvent les quatreou cinq parties du sacrifice. Il y a sanctificationde la

victime; cat la victime, qui est J.-C., étrit sanctifiéedès

le moment de l'incarnation, et cette sanctificationa

toujoursduré. Quelquesheures avant sa mort, il la re-

nouvelaparces paroles Je mesanctifiemoi-mêmepoureux.(Joan.17.)L'oblationy est manifeste:Oblatusest quiaipsevoluit;il s'estoffert lui-méme obtulit semetipsum.L'immolationy est aussi bien visible.Reste la commu-nion. Et peut-on douter que ce sacrifice adorablen'aitété reçu de Dieu commel'holocaustede la plus ageéa-ble odeur qui ait jamais été offert1Mlocaustutiisuavissl-mumDomino.Car c'est en ce sacrificeques'accompliteiivérité ce qui avait été dit en figure des sacrifices desJustes: Odoratus est Dominusodoremsuavitaiis. AinsiDieucommunia pour ainsi dire au sacrificede son Fils,et il y communiaseul, comme au véritableholocausteconsomméuniquementpour lui par le feu de la cha-rité ardente de la victime elle-même.Cen'était pasen-tore le tempsoù fÉglisey devaitcommunier;quoiqu'onpuissedire que la sainteVierge, avecl'Apôtreet lesfem-

Page 98: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE CE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 95

mes qui étaient auprès de la Croix, y étaient en la per-

sonne et au nom de l'Église des Justes, pour y recevoir

la première participation de ce sacrifice, comme par

une communion anticipée. On peut dire de même que

le bon Larron y représentait tous les pécheurs, et qu'il

communia le premier an nom de tous à ce sacrifice de

la grande expiation.

Mais tout cela fut une communion tout intérieure

et il fallait qu'un sacrifice extérieur, tel qu'était celui de

la croix, eût aussi une communion extérieure. Et

comme, du côté de Dieu, on la trouve dans la résurrec-

tion de son Fils sa victime, qu'il glorifia trois jours

après dans son sein, en répandant même sa gloire sur

le corps ressuscité de ce Fils adorable ainsi du côté

du peuple ou de l'Église, on trouve dans la suite, la

communion extérieure en joignant à ce sacrifice san-

glant le sacrifice non sanglant de la messe, qui est la

communion et l'application du sacrifice de la croix. Car

la messe n'applique pas seulement quelque effet du sa-

crifice de la croix, mais elle applique le sacrifice même

et bien plus, la messe est le même sacrifice que celui

de la croix la même victime y étant offerte. Néanmoins

il ne faut pas dire, si l'on veut parler proprement, que

le sacrifice de la croix soit réitéré dans la messe mais

plutôt que le même y est offert d'une autre manière qui

n'est point sanglante pour participer et communier au

sacrifice sanglant. On y trouve encore quelques autres

différences.

Jésus-Christ, sur la croix, apaise par son sang Li

colère de Dieu et satisfait à sa justice, en portant la

peine le suppfice et la malédiction due aux pécheurs. il

y expie le péché et y mérite le saint du monde. Mais le

sacrifice qu'il y accomplit ne donne point encore actuel-

Page 99: Condren - Oratorien

96IDÉE DU SACERDOCE

lement aux hommes les grâces et les bénédictions dont

il est la source il les y prépare et les dispose à les

recevoir par l'expiation préalable qu'il opère du péché.

C'est par son sang et sa mort qu'elle se fait et c'est par

le Baptéme et par les autres sacrements, et surtout par

la sainte Eucharistie, comme la vertu et la perfection

de tous les autres, que la grâce de J.-C. est communi-

quée et que son esprit est répandu dans les cœurs ce

qui est le fruit et la communion du sacrifice de la croix.

Le sacrifice de la croix est donc le sacrifice de Ré-

demption et de mérite; car il mérite tout, mais il ne

donne et n'applique rien et le sacrifice de la messe est

le sacrifice d'Application et de Sanctification; car il

donne et applique tout, mais it ne mérite rien.

Le sacrifice de la croix est pour tout le monde; c'est

pourquoi il s'est accompli extra castra, hors de l'en-

ceinte de Jérusalem et du temple le sacrifice de la

messe est pour les fidèles et pour l'Église seulement

pro roobiset pro multis, pour vous et pour plusieurs. C'est

pourquoi on ne peut pas dire la messe pour les excom-

muniés.

Au sacrifice de la croix, Notre-Seigneur, qui n'a point

été prêtre de l'ordre d'Aaron, a néanmoins accompli la

vérité du sacerdoce d'Aaron, en offrant dans une im-

molation cruelle et sanglante la victime'de son corps,

figurée par toutes les victimes queles prêtres selon l'or-

dre d'Aaron avaient offertes et immolées. Ce sacerdoce

ne devait pas toujours durer, d'autant que ses sacrifi-

ces n'étaient que des ombres, que des figures que des

sacrifices de colère qui devaient être éteints et accom-

plis sur la croix, et qui par conséquent n'appartenaient

pas au sacerdoce du Fils de Dieu, lequel est éternel.

La nécessité du sacrifice de la messe paraît donc visi-

Page 100: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 97

4"

blement, en ce que nous devons nécessairement parti-

ciper à l'obtation que J.-C. a faite de lui-même en la

croix, et communier à la victime qu'il y a offerte pour

nous. Car c'est là le fondement et l'unique mayen' de

notre salut. 1l est vrai qu'il a levé l'empêchement de

notre sanctification, « lorsqu'il a été livré à la mort pour

nos péchés traditus eat propter delicta nostra; qu'il a

effacé la cédule qui nous était contraire, et qu'il l'a en-

tièrement abolie, en l'attachant à la croix tulU chiro-

graphum decreti, guod erat contrariam nabis, affigens illud

cruci. » Mais comme, pour participer aux fruits des

sacrifices anciens, il fallait manger de la victime sa-

crifiée, par une manducation sensible, semblable au

sacrifice dont elle faisait partie; ainsi pour être sancti-

fié par le sacrifice de J.-C., et pour participer à la vic-

time qu'il a offerte sur la croix, c'est-à-dire à son corps

et à son sang, il les faut véritablement manger et boire,

suivant cette parole du Fils de Dieu même: « Si vous

ne mangez la chair du Fils de l'homme, et ne buvez

son sang, vous n'aurez point la vie en vous. (Joan.

6. 54.) Et comme ce sacrifice est extérieur et intérieur,

tout ensemble, la communion, qui en fait partie, doit

être aussi en même temps corporelle et spirituelle,c'est-à-dire qu'on doit communier à cette victime et la

recevoir véritablement et réellement, selon l'état glo-

rieux et impassible on elle est maintenant, mais sous

des signes sensibles et corporels, proportionnés à l'état

où nous sommes en cette vie. Il la faut manger par une

manducation qui soit sacrificale, et pour cela elle doit

être rendue présente de la manière dont elle doit être

reçue manière spirituelle, impassible, invisible; mais

sous dessigne corporels et sensibles

ce qui ne se fait

que dans l'Église Catholique par le moyen du sacrifice

Page 101: Condren - Oratorien

98 IDÉE DU SACERDOCE

de l'Eucharistie, et de la communion sacramentelle.

Quant à l'objection que l'on fait, qni est fondée sur ce

que Saint Paul dit de l'unitéde l'oblatton de J.-C. « Par

nne seule cotation, dit cet apôtre (Heb. 10.), il a rendu

parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés » Les héré-

tiques infèrent très-mal de ce passage, qu'il ne faut point

d'autre sacrifice que celui de la croix, attribuant à cette

oblation de la croix la consommation et ta perfection

de ceux qui ont été sanctifiés.

Il est bien clair qu'on ne peut entendre cela du sacr-

fice de la croix. Car tant s'en faut que J.-C. ait consom-

mé la sanctification des hommes par son immolation

sur la croix qu'it ne l'a pas même commencée, mais

qu'il a simplement, par sa mort et son immolation, levé

l'empêchement de nos péchés qui nous rendaient indi-

gnes de la justification. Cette justification est le com-

mencement de notre sanctification. Ji-C. étant ensuite

ressuscité et entré par lagloire

dans la clarification et

la consommation de son sacrifice nous a sanctifiés par

la communion et la participation de sa vie nouvelle

« Car tous tant que nous sommes qui avons été baptisés

en J.C., c'est en sa mort que nous l'avons été. Nous

avons été ensevelis avec lui par le Baptême pour mou-

rir au péché afin que, comme J.-C. est ressuscité des

morts par la gloire de son Père nous marchions aussi

nous autres dans une nouvelle vie. » (R. 6. 3.) Paroles

qui marquent distinctement les divers effets de la mort

et de la résurrection du Sauveur, et qui font voir que

comme c'est par le sacrifice de ta Croix que nous som-

mes rachetés c'est par la Résurrection, et par le sacri-

lire et la communion Eucharistique, qui y répondent,

que notre sanctification est opérée ce que le même

Apôtre nous enseigne encore par ces paroles. (R. 4. 25):

Page 102: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DU JÉSUS-CHRIST. II. PAHT.99

4.

CI11a été livré pour nos péchés, et il est ressuscité pour

notre justification. Il

Voici donc le sens naturel de S. Paul. J.-C. par une

seule oblation prise dans toute son étendue et par un

seul. sacrifiée, dont la consécration a commencé au

mystère de l’Incarnation pour, ne finir jamais; dont l'im-

molation a été faite en la croix dont la consommation,

la clarification et la communion ont eu lieu en la résur-

rection J.-C. dis-je par cç seul sacrifice a rendu

parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés. C'est par

une seule oblation que J.-C. a consommé la sanctifica-

tion des hommes si son oblation est considérée dans

toute son étendue: si l'on prend son sacrifices dans toute

sa perfection et toutes ses parties et non dans la seule

occision, qui était la moindre partie du sacrifice dans

les anciens sacrifices figuratifs de sa mort ce qui parait

per le partage des différentes parties du sacrifice entre

les Prêtres et les Lévites. Car l'office des simples lévi-

tes, qui n'étaient pas prêtres, était d'égorger et de tuer

les victimes et cette partie même n'était pas interdite

aux laïques, étant bien probable qu'ils égorgeaient eux-

mêmes l'Agneau pascal au lieu que les Prêtres com-

me personnes plus dignes, étaient employés dans les

antres parties du sacrifice. qui étaient les plus nobles

et le seul Grand-Prêtre, avec ses habits les pins magni-

fiques, une fois l'année seulement, portait le sang de

la victime, immolée pour l'expiation du peuple, dans

le Saint des Saints. Cette figure nous montre évidem-

mentce qu'il y a de plus grand et de plus digne dans le

sacrifice de J.-C. qui est son entrée dans le ciel avec

sa propre victime pour la perfection et la consomma-

tion de notre salut.

On peut encore plus facilement remarquer dans la

Page 103: Condren - Oratorien

100 IDÉE DU SACERDOCE

messe toutes les conditions d'un vrai et parfait sacrifi-

ce. La première, qui est la sanctification et la consécra-

tion, y est bien claire puisque c'est le même corps de

Jésus-Christ sanctifié et consacré dès le moment de 1'lii-

carnation, et qui, par la résurrection est encore sanc-

tifié et consacré à Dieu d'une autre manière plus par-

faite, étant dans un état plus saint, plus dégagé des

imperfections de la chair, et plus approprié à Dieu.

La seconde partie, qui est l'oblation se découvre

dans ce texte de S. Paul aux Hébreux 10 “ Le Fils de

Dieu, entrant dans le monde, dit Vous n'avez point

voulu d'hostie ni d’oblation; mais vous m'avez formé

un corps. Alors j'ai dit Me voici, je viens, selon qu'il

est écrit de moi dans le livre pour faire, mon Dieu

votre volonté. Il abolit ces premiers sacrifices, pour éta-

blir le second. ” Car en ce texte nous trouvons une

oblation de Jésus-Christ faite par lui-même, lorsqu'il

entra au monde, et une oblation qui est sacrifice, et un

sacrifice substitué aux anciens. Or cette oblation de J.-C.

est faite une seule fois, et par conséquent c'est une obla-

tion permanente, qui dure toujours, et qui nous oblige

de dire que toutes les oblations qui se remarquent dans

les divers états de la vie du Fils de Dieu, ne sont qu'une

même oblation, et qu'il n'y a jamais eu qu'une seule

oblation du corps de J.-C. oblation qui s'est faite dans

le sein de sa très-sainte Mère dès le premier moment de

son Incarnation qui s'est réitérée et manifestée au

Temple qui a été parfaite en la Croix qui se continue

dans la messe et qui sera éternellement dans le ciel.

C'est, dis-je, la même oblation mais avec cette diffé-

rence que, dans l'Incarnation, cette oblation est cachée

dans la Vierge; au temple elle est couverte de l'en-

fance en la croix, elle est voilée d'un meurtre; en la

Page 104: Condren - Oratorien

ET DUSACRIFICEDEJÉSUS-CHRIST. II. PART. fOl

messe, elle est revêtue de signes, et au ciel, elle est sans

voile, sans signes et dans la gloire

Si donc en la messe il se trouve qu'il y a oblation du

corps de J.-C., cette oblation sera sacrifice car selon

S. Paul il n'y a qu'une seule oblation qui est sacrifice.

Or, on peut trouver facilement qu'il y a oblation de J. -C.

en la messe, si on considère les paroles dites par J.-C.,

au rapport des Évangélistes a Ceci est mon Corps, qui

est donné pour vous. Voilà évidemment une ohlation

du corps de J.-C. faite, non aux Apôtres, mais à Dieu

pour les Apôtres. De même, dans ces autres paroles de

J.-C. “ Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang,

lequel calice sera répandu pour vous ” ou, selon le

grec, qui est répandu. Voilà un sang répandu dès lors pour

les Apôtres en la rémiss.ion des péchés voilà une effu-

sion de sang qui précède celle de la croix.

Vous voyez dans ces paroles qu'il y a deux donations

du corps de. J-C. l’une Dieu pour le monde, QUOD

PRO VOBIS DATUR, qui est donné pour vous; l'autre au

monde pour Dieu, ACCIPITE ET COMEDITE, prenez et

mangez. La première est le sacrifice l’autre est la com-

munion du sacrifice. Remarquez de plus que ces paro-

les des Évangélistes sont toutes des termes de sacrifice.

Enfin l'oblation est même bien plus expresse à la messe

que sur la croix car en la croix, elle ne parait poiot

et on ne lit nulle part dans les écrits des Evangélistes

que J.-C. se soit offert sur la croix au contraire i vous

u'y voyez qu'un meurtre et qu'un sacrilége, et cette obla-

tion y est couverte du massacre horrible d'un homme

crucifié. Il n'y a que S. Paul qui depuis nous ait ensei-

gné cette oblation que Jésus-Christ a faite de lui-même

à la croix; au lieu que dans l'institution de l'Encharistie,

et du mystère de la messe J.-C. dit lui-môme très-

Page 105: Condren - Oratorien

102 IDÉE DU SACERDOCE

clairement qu'il est offert pour ses Apôtres et pour plu-

sieurs, et offert dans le temps même qu'il parle.

Il y a donc oblation du corps de J.-C., en la messe

et oblation réelle, quoique cachée sous les signes. C'est

la manière de sacrifice qui convient à l’état présent de

l’Église. Cardans l'aneienneloi, il n'y avait que des figu-

res sans vérité mais dans la nouvelle loi, les vérités

sont jointes aux figures et les figures que nous y avons

ne sont pas, comme celles-là, des figures vides, mais

des Qgures remplies de la vérité.

L'immolation se trouve aussi dans la messe; Car J.-C.

y est immolé non pas d'une manière sanglante mais

d'une occisiôn sacramentelle et mystérieuse. Et sa résur-

rection n'exclut pas tout à fait cet état de mort, qui suit

de l'immolation. Au contraire, la résurrection contient

la mort de J.-C. comme déjà nccomplie et parfaite ainsi

que nous Pavons déjà dit plusieurs fois. Il est donc vrai-

ment dans la messe l'Agneau mis à mort: Agnus occisus.

Il y est en état de mort n'ayant plus la vie qu'il avait

sur la terre: outre les autres manières qui sont mar-

quées par les Théologiens, comme de ce qu'il ne fait au-

cune action extérieure de vie, ni aucun usage do ses

sens et de son corps.

On trouve aussi dans la messe l'inflammation du sa.

crifice véritable; car le Fils de Dieu y est ressuscité et

glorieux; et quoiqu'il y soit comme une victime immo-

lée, le sacrifice demandant ta mort ou ta destruction

de la victime, cela n'empéche pas qu'il n'y soit glorieuxet ressuscité. Or comme son état ressuscité contient

l’inflammation selon la vérité, ainsi que nous l’avons fait

voir, il faut conclure qu'en la messe il y a inflammation.

J.-C. s'y donne tout entier comme victime, et l'inflam-

mation consomme et perfectionne tout, sans y rien dé-

Page 106: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — II. PART. 103

truire ou consumer de l’intégrité de spu corps ce gu i

ne se trouvait pas au sacrifice de l’ancienne loi, qui était

imparfait et défectueux eu ccla et en beaucoup d'autres

choses.

Enfin la communion est manifeste dans le sacrifice,de

la messe. Dieu y communie à J.-C., parce que J.-C. y

est glorieux et ressuscité: car, comme nous avons dit,

l’inflammation s'y trouve, et par conséquent la commu-

nion de Dieu. La communion du Prêtre et du peuple y

est encore plus évidente; puisque dans la Messe le Fils

de Dieu y est tout pour nous: Prenez et mangez. Nous

l'y recevons, nous l'y mangeons il y est exposé à tous,

elle Sacrement est même réservé pour la communion

des infirmes, à qui il est donné comme le viatique salu-

taire, pour passer de cette vie à la vie du ciel. Ce .gui

est une consolation que la seule Église Catholique don-

ne à ses enfants, et de laquelle sont privés ceux qui s'en

sont séparés.

Il est bien visible, par tout ce que nous venons de

dire, que le sacrifice de la messe.est proprement le sa-

crifice de la nouvelle Loi, qui a plusieurs noms, et

eutre autres celui d’Eucharistie. C'est le sacrifice qui

établit le sacerdoce de la nouvelle Loi, sacrifice selon le-

quel J..C. est établai Prêtre éternel selon l'ordre de Mel-

cuisédech. Ce sacrifice est le même qui s'offre par toute

l’Église de la terre. et qui s'offrira éternellement dans

le ciel; avec cette différence cependant, qu’il est main-

tenant caché sono les signes, et voilé sous les apparences

du pain pour l'Église d'ici-bas. qui n’est pas encore dans

sa perfection, tandis qu'il n'est pas caché sous des si-

gnes visibles dans le ciel. Car il est bon de sue souvenir

toujours de ce que j’ai déjà dit, que, dans l’unité do rt-

glise, jl y a trois Églises, ta Judaïque, la Chrétienne et

Page 107: Condren - Oratorien

lo4 IDÉE DU SACERDOCE

la Céleste qu'en la première, il n'y a que des figures

sans eérité que dans la seconde, la vérité y est sous des

figures; et qu'enfin la troisième possède la vérité toute

nue sans signes, sans voile et à découvert.

On peut remarquer encore plusieurs différences qui

se trouvent entre les sacrifices de l'ancienne loi et

ceux de la nouvelle. Les sacrifices de l'ancienne loi

étaient sanctifiés par l'autel; et au contraire dans la

nouvelle loi, l'autel visible et matériel est sanctifié par

le sacrifice.

Les anciens sacrifices étaient tout charnels et tout ma-

tériels; ceux de là nouvelle loi se font en esprit et en vé-

rité, in spirituel veritate, dans l’Esprit de Dieu et du

nouvel homme, et non plus dans les figures. La victime

de la loi nouvelle y est réellement et substantiellement

présente dans le corps et dans le sang de J.-C. mais

dans un état tout spirituel et elle est rendue présente

sur l'autel et offerte à Dieu par une action aussi toute

spirituelle.

Anciennement, c'était par le feu et par le glaive que

l'on sacrifiait: maintenant c'est par le Saint-Esprit et

par la parole Offerimus vitulos labiorum nostrerum. (Os.

11.); nous offrons les victimes de nos lèvres. Ce texte se

peut entendre de l'Eucharistie, en ce que dans le nou-

veau Testament on sacrifie par la parole, et qu'elle tient

lieu du glaive d'Aaron et du feu. Vitulos, c'est-à-dire

victimes par une figure assez ordinaire en l'Écriture,

où la partie est prise pour le tout, et l'espèce pour le

genre car les bœufs et les jeunes taureaux étaient une

des espèces de victimes. Victime des lèvres, parce qu’el-

le est sacrifiée et consacrée par la parole des prélres.

Enfin ce sacrifice est spirituel de la part de l'autel

principal et du temple, dont les autels et les temples

Page 108: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. II. PART. 105

que nous voyons né sont que les figures; et de la part

de la victime, qui est dans un état tout divin et élevé

au-dessus de nos sens.

On peut voir maintenant, par tout ce que nous avons

dit que le Sacrifice de Jésus-Christ est éternel aussi

bien que sou sacerdoce, et que ce sacrifice, qui a com-

mencé sur la terre, se continuera éternellement dans

le ciel, et y sera offert dans cette éternité bienheureuse

par l'Église des Saints unie à son Chef adorable et

consommée dans l'unité de son Esprit pour y adorer

Dieu dans sa sainteté infinie.

Page 109: Condren - Oratorien

TROISIEME PARTIE.

ÉCLAIRCISSEMENT DES VÉRITÉS CONTENUES DANS

LES DISCOURS PRÉCÉDENTS.

CHAPITRE PREMIER.

Comment le sacriJlce de la Religion ehrét;enne doit dire

quelque chose de tout spirituel et de tout divin.

Pour éclaircir davantage ce qui est dit du Sacrifice

dans le discours précédent, il faut bien concevoir quela religion véritable, dans sa perfection, doit être spi-

rituelle et indépendante des sens. Car le culte doit être

proportionné à celui qu'on adore, c’est-à-dire à Dieu

qui est tout spirituel l'unique objet de notre adoration,à qui seul le Sacrifice peut être offert. C'est ce que J.-C.

même nous a enseigné par ces admirables parolesa Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'ado-

rent en esprit et en vérité. a (Joan. 4. 24.) Que si la reli-

gion dans son état parfait et l'adoration, qui est le pre-mier et le plus essentiel devoir de la religion, doivent

être spirituelles, le sacrifice le doit être aussi, puisquec'est la manière d'adorer la plus parfaite, la plus sainte

et la plus digne de Dieu, et qu'il renferme tout le culte

de la religion véritable. C'est en effet, selon les plushabiles interprètes, le sens littéral de cette parole du

Fils de Diea qui, répondant à une difdculté que laSamaritaine lui faisait touchant le lieu du sacrificelui fait entendre qu'il n'y a point de sacrifice digne

Page 110: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 107

de Dieu, que celui qui est spirituel aussi bien que

Uieu, et qui, devant être offert en esprit et en vérité,n'est point attaché à un lieu' particulier, non plus

que Dieu même Femme, croyez-moi, le. temps va

venir que vous ne sacrifierez au Père ni sur cette

montagne ni dans Jérusalem. Mais le temps vient, et

il est déjà venu, que les vrais sacrificateurs sacrifieront

au Père en esprit et en vérité. Car ce sont là les sacri-

ficateurs que mon Père cherche. Dieu est Esprit, et il

faut que ceux qui lui saerifient, lui sacrifient en espritet en vérité. ” (Joau, 4. 21.)

Le sacrifice ne doit pas être seulement spirituel mais

pour être digne de Dieu, il faut qu'il soit tout divin et

tout ce qui est nécessaire pour un véritable sacrifice

doit s'y rencontrer d'une manière toute spirituelle et

toute divine.

II ne faut pas s'imaginer que ce que nous disons soit

contraire à ce que l'Église enseigne de la vérité du sa-

crifice de l’Église présente, où il se rencontre plusieurs

choses extérieures et sensibles car nous parlons ici du

sacrifice tel qu'il doit être dans sa perfection et il n'y

a personne qui n'avoue que, comme ni l’Église ni la

Religion ne sont encore dans un état parfait, le sacri-

fice n'est pas non plus dans la perfection qu’il doit avoir

un jour.

L'Église, la Religion et le Sacrifice, qui vont toujours

d'un même pas, ont divers âges, divers accroissements

et divers degrés par lesquels ils. doivent passer pour

arriver à leur entièra perfection et ce que S. Paul dit

de l'homme intérieur et chrétien, ou plutôt ce que l'É-

vangile nous apprend de Jésus-Christ, qu'il croissait

en sagesse. en âge et en grâce devant Dieu et devant

les hommes, nous devons l'entendre, à proportion, du

Page 111: Condren - Oratorien

108 LE SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.

Christ entier qui est l'Église sous son Chef, de la Reli-

gion qui est sa vie, et du Sacrifice qui est l'âme de la

religion et de l'Eglise.

lis ont donc leur enfance leur adolescence et leur

âge parfait et ces trois âges se succèdent de telle sorte

l'un ir l’autre, que le dernier est la perfection des deux

autres.

Leur enfance s'est passée sous la loi de Moïse. De

même que les enfants nouveau-nés, et dans leurs pre-

mières années sont tout appliqués aux choses sensi-

bles, ainsi la Religion et le Sacrifice n'étaient alors que

dans l'extérieur, et n'avaient rien que de sensible et de

grossier, tandis lue l'Église n'avait encore que le corps

de la religion et du sacrifice.

Leur adolescence est sous la loi de la grâce. Car

comme les jeunes gens, qui sont capables d'user de leur

raison, ne laissent pas d'être encore fort sujets à leurs

sens et dépendent beaucoup des choses sensibles; de

même ia Religion et le Sacrifice ont bien l'esprit, l'inté-

rieur et la vérité, mais le tout encore enveloppé du

corps, des signes et des figures. Et comme encore les

jeunes gens croissent en hauteur et en grosseur jusqu'à

l'âge parfait aussi l’Église et la Religion croissent sans

cesse et croîtront jusqu'à la consommation des siècles.

Alors elle entrera dans son âge parfait, comme S. Paul

l’explique divinement daus son épttre aux Épuésicns2. 20 et suivants, et 4, 11. 12.

Quand donc l'Église sera arrivée à son âge parfait, et

qu'elle sera consommée par la gloire dans l'unité de

Dieu alors, comme un homme parfait ne suit que la

raison et ne se conduit plus 'par les sens aussi l'Églisen'aura plus que l'intérieur de la Religion et du Sacri-

lice et n'ayant plus besoin de cette écorce extérieure

Page 112: Condren - Oratorien

ET Dü SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. FART.109

dont tous les'mystères sont présentement couverts et

enveloppés, elle en possédera l'Esprit tout pur et la vé-

rité toute nue, sans voiles sans signes et sans figures.

C'est à la perfection et à la vérité des mystères que

nous devons aspirer. « Nous avons ici-bas l'ombre des

choses, nous y en avons l'image, mais c'est là haut

qu'est la vérité. » L'ombre est dans la Loi, l'image dans

l'Évangile et la véritéesl dans le Ciel. On sacrifiait autre-

fois des veaux et des agneaux; on sacrifie maintenant

Jésus-Christ comme homme et comme souffrant; et lui-

même encore comme Prêtre, s'offre lui-même pour

nous pardonner nos péchés. Il est offert ici-bas sous

une image et sous un voile sensibles mais dans le ciel,

où il fait pour nous l'office d'avocat et de médiateur

auprès de son Père, il est offert dans la vérité toute

pure. Nous n'avons donc ici les choses que couvertes

d'images et de figures nous ne les voyons que cachées

d'un voile mais nous les verrons là face à face et à

découvert dans leur entière perfection la perfection

ne se trouvant que dans la vérité des choses. » (S. Ambr.

l.1. Off. c. 48.)

Lors donc que nous voulons considérer la Religion et

le Sacrilioe dans leur perfection nous devons les sépa-rer de tout ce qui nous y est présentement sensible.

Car ce qui est tel n'est que figure, appartient à la Loi,

et n'est institué qu'en considération de l'infirmité de

l'homme, qui n'est guère capable en celte vie des cho-

ses purement spirituelles.Pour bien connaître.e Sacrifice, persuadons-nous que,

toutes les choses que nous en voyous ne sont pas le sa-

crifice, ni la vérité de ce qu'elles sont dans le sacrificeet que, comme dit S. Augustin, et S. Thomas après

lui, le sacrifice visible n'est que le signe et la figure du

sacrifice invisible.

Page 113: Condren - Oratorien

IIO IDÉEDUSACERDOCE

Ce que nous voyons donc de l'hostie avec nos yeux

charnels, et qui ne sont pas encore régénérés ni spiri-

tualiséa, n'est pas l'hostie. Ce que nous voyons du Prê-

tre n'est pas le Prêtre. Ce que nous voyons en un mot

du temple, de l'autel et de tout ce qui est nécessaire

pour le Sacrifice, n'est pi le véritable temple. ai le

véritable autel mais il faut que la foi qui nous décou-

vre les choses invisibles, nous fasse chercher, nous

fasse trouver, celles qui sont figurées par ces choses

visibles, dans le sacrifice et pour les trouver, il faut

nous élever en esprit jusqu'au sein de Dieu, ou le Sacri-

fice est daps sa perfection et où toutes tes choses pour

le sacrifice parfait et accompli se trouvent réunies et

renfermées d'une manière admirable.

CHAPITRE II.

Tout « qui est du Sacrifice en sa perfection est renfermé

en Dieu et réduit à son unité.

Dieu, qui est l'Unité souveraine et originelle, Princi-

palis unitas, fait toutes ses œuvres daps l'unité, etles ré-

duit toutes enfin à son unité même, comme Jésus-Christ

nous l'enseigne dans cette prière admirable qu'il fit en-

tre l'institution du sacrifice de l'Eucharistie et l'accom-

plissement de celui de la croix. (Joan. 17.) Le sacrifice

même n'est que pour réunir tous les hommes à Dieu, en

les consommant dans son unité divine. Et pour accom-

ptir cet ouvrage d'unité, il en a fait plusieurs autres.

comme celui de l'Incarnation du Verbe, où Dieu et

l'homme ne font qu'une seule personne en J.-C Celui

de l'Église où J.-C. et ses membres ne font qu'un seul

Page 114: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. III I

corps celui dela sanctificatio do l'homme, où il devient

un même esprit avec Dieu: qtù adhœret Q"o unus spiritus

est; Celul de la Parité, qui fait qu'un nombre infini de

fidèles ne font qu'un cœur et qu'une âme cor unum et

anlmaana; celui de l'Eucharistie, oh nous sommes tel-

lement fondus avec Jésus-Christ, que nous devenons,

même corporellement, commecparle S. Cyrille d'Alexan-

drie, une même chose avec lui.

C'est parce même desseiu de réduire tout à l'unité,

que Dieu a voulu q.ue ce grand sacrifice, par lequel il

veut être adoré éternellement, s'accompllt dans son

sein, et que, sans en sortir, ou y trouvât tout ce qui est

nécessaire pour un véritable sacrifice et tout ce qui

compose celui de J.-C.

On peut réduire tout cela à huit choses, qui se trou-

vent d ans toutes sortes de sacrifices véritables et parfaits:

1 Celui à qui le sacrifice est offert. 2 Le Prêtre par qui

le sacrifice est offer4. 3 La victime qui est offerte en sa-

crifice. 4 Celui pour qui on offre le sacrifiee. 5 Le tem-

ple dans lequel il se fait. 6 L'autel sur lequel on l'offre.

7 Le feu par lequel la victime est consommée et clari-

fiée. 8 La fin du sacrifice.

Le sacrifice dont nous parlons est si saint, si parfait,

si divin: il s'accomplit dans une nnité si singulière et si

admirable, que tout ce qui le compose se trouve en Dieu,

et n'est pas seulement divin, mais est Dieu même, ou

au moins subsiste en lui.

Dieu, qui ne pouvait s'adorer lui même, et qui néan-

moins ne peut être dignement adoré que par lui-même,

a treuvé dans l'Incarnation de son Verbe le moyen de

recevoir ua culte et une adoration souveraine, et un sa-

crifice d'une dignité infinie, lit d'avoir, dans son propre

sein de quoi se faire rendre un hommage infini, éternel

Page 115: Condren - Oratorien

112 IDÉE DU SACERDOCE

et digne en tonte manière de sa grandeur. Car, dans ce

sacrifice, le Prêtre et la victime, le temple et l'autel,

le feu du sacrifice et la sacrifice même, sont adorables,

comme Celui à qui le sacrifice est offert est le terme de

toute adoration.

Le Père éternel, comme seul principe sans principe,

commel'origine et la cause de tout l'être créé, et comme

1 a fin de toutes choses, est celui à qui le sacrifice de Jésus-

Christ est offert; et c'est à lui que toutes les prières,

tout le culte et tous les sacrifices sont adressés, selon la

pratique de l'Église et l'ordonnance des conciles. (Conc.

Carlh. 3. Can. 13.)

Le sein du Père est le Temple où ce sacrifice est offert,

et où il le sera éternellement.

Le Fils de Dieu incarné est le Prêtre, la victime, l'au-

tel et celui pour qui le sacrifice est offert selon les diffé-

rentes faces et selon les différentes choses qui sont en

cet admirable composé de Dieu et de l'homme, qui fait

l'Homme-Dieu. Jésus-Christ est Dieu de toute éternité et

homme dans le temps; et dans ce divin composé de

l'Ilomme-Dieu se trouve la subsistance du Verbe, l'es-

prit humain et le corps qu'il habite Perbum, spiritus et

caro. (S. Aug.) Et outre le corps naturel qu'il a tiré de sa

Mère, il en a reçu un autre de son Père, je veux dire son

corps mystique, ou son Église, qui ne fait avec lui qu'un

seul Christ unuç homo Ghristus, caput et corpus. (Aug.in ps. 117) J.-C. donc en sa personne ou sa subsistance

divine est l'autel de son sacrifice. Par la chair, qui'luiest unie en unité de personne, il est la propre victime

de ce sacrifice. Par son esprit humain, ou son âme rai-

sonnable, il en est le Prétre s hostia quidem secundum

carnem; sacerdos vero secundum spiritum. (Aug. Serm. 130.

de Temp.) En le considérant dans son corps mystique,

Page 116: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. III. PART. 113

dont il est le chef, il est lui même celui pour qui le sa-

crifice estoffert; car il s'est offert lui-méme pour le salut

de son Église, qui est son corps et quand il n'aurait

point en de corps mystique pour lequel il pût offrir le sa-

crifice, lui-même dans sa propre nature créée n'aurait

pu se dispenser de sacrifier à Dieu, puisqu'il doit hom-

mage de son être créé, de sa vie et de toutes ses perfec-

tions humaines à la grandeur, à la majesté et à la sain-

teté de Dieu et il le doit même pour toute la commu-

nication des perfections divines qu'il a reçues de son Père

dans l'Incarnation. Car qu'est-ce que la nature possède,

même dans le Fils unique de Dieu, qu'elle n'ait point re-

çu, comme parle S. Augustin P

Enfin le saint-Esprit est le feu du sacrifice de J.-C., et

c'est par lui qu'il est offert, qu'il est consommé qu'il

est reçu de Dieu comme l'odeur la plus agréable qui

puisse lui être offerte.

De ces huit points que nous venons de remarquer, il

y en a cinq qui ne souffrent point de difficulté et qu'il

n'est pas nécessaire d'appuyer d'aucune preuve. Mais

que le sein du Père soit le véritable temple du sacrifice

de J.-C. que la subsistance ou personne du Fils en soit

l'autel; que le Saint-Esprit soit le feu qui embrase cette

victime, qui la consomme et la glorifie c'est ce que tout

le monde ne concevra pas si facilement, et ce qu'il est

nécessaire d'expliquer un peu plus et d'appuyer de quel-

ques preuves.

Le sacrifice de J.-C., aussi bien que son sacerdoce,

n'est proprement et dans sa perfection que pour le ciel;

« car s'il. n'avait dû -être prêtre que sur la terre,il ne

l'aurait point été du tout. » (Heb. 84.)

C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner si nous allons

tirer les preuves des vérités que nous annonçons tou-

Page 117: Condren - Oratorien

I 1 IDÉE DU SACERDOCE

chant quelques circontances de ce sacrifice, du livre de

t'Apocalypse, puisque c'est l'évangile de J.-C. ressuscité

et la prophétie de l'Église du ciel. Quoique ce livre soit

fort obscur, et que quelqu'un pourra dire que l'on prend

avantage de son obscurité pour autoriser des pensées

nouvelles peu communes, je crois néanmoins qu'on a

droit de s'en servir, lorsque l'on est appuya en cela de

l'explication des anciens Pères et des interprètes ré-

cents, et qu'on n'est pas moins biep fondé de tirer de

l'Apocalypse des preuves du sacrifice de l'Église du ciel,

que d'employer l'autorité des Prophètes de l'Ancien Tes-

tament pour prouver les vérités du sacrifice de l'Église

de la terre.

CHAPITREIII.

QuoiqueJésus-Christsoit leTempledeDieu en plusieurs

sens, .c'est néanmoinsle sein du Père éternel qui est

proprementle templedu sacrificeparfait. —Plusieurs

preuaesdecette vérité.

Jésus-Christ est appelé souvent le Temple de Dieu

pour plusieursraisons, et surtout par Fapport à la plé-nitude de la divinité qui habite en lui corporellement,et auxdiversdevoirs purementintérieurs de la religionqu'il lui a seul rendus dignement, durant même sa viemortelledans f intérieur de sonâme et de son corpscommedans un templespirituel, Qoneaorépar fonctionde laDivinité même.Ainsion peutbiendire qu'il est,parl'Incarnation, le Templede la Divinité, parce qu'onluiréside invariablementtoute la plénitude de la divinitécommedans un esprit et dans uu corps qui lui sont

Page 118: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. —III. PART. 115

devenus propres. il est aussi en un sens le Temple du

Saint-Esprit parce que tous ses dons, toutes ses

ces, tous les trésors de la sagesse et de la science de

Dieu sont cachés en lui. Il peut même être appelé le

Temple de l'Église, paree que tous ses membres sont

en lui que c'est en lui qu'ils offrent à Dieu le sacrifice

de leurs vœux, de leurs prières et dp leur charité, et

qu'ils lui rendent l'adoration et tous les autres devoirs

de la religion. Il est en cela la vérité que figurait te

temple de Salomon et il le marqua lui-même, lors-

que ayant chassé de ce dernier temple ceux qui le

profanaient Il dit aux Juifs qui lui demandaient un

signe de l'autorité en vertu de laqtoelle il en usait ainsi

« Détruisez ce temple, et je le rétablirai en trois jours

car il entendait parier, du temple de son corps.

(Joan. 2. 20.)

Mais lorsque nous considérons que J.-C., par ce même

corps, est la Victime de Dieu qu'il en est le prêtre par

son esprit ou son âme, qui est un esprit sacrificateur,

et que dans toute l'éternité il doit s'offrir lui-même et

son corps mystique avec lui, il faut concevoir un autre

Temple dans lequel il s'offre et ce Temple, c'est le sein

de son Père, dans lequel il réside avec tout ce qui lui

est uni pour l'éternité; Unigenitus qui est in sinu Patris.

(Joan. 1. 18.)

Que le sein de Dieu soit le Temple du sacrifice de

J.-C., n'est-ce pas ce qui fat révélé 6 Saint Jean 4ans

cette tision mysterieuse, où la Jérusalem céleste lui fut

montrée environnée de la clarté de Dieu? Après en avoir

remarqué les differérentes beautés, il dit qu' il n'y vit point

de temple. Il n'est pas inutile de se souvenir que ce fut un

dimanche que tous ces mystères furent découverts

Saint Jean, et que J.-C., pour la loi duquel il était sé-

Page 119: Condren - Oratorien

116 IDÉE DU SACERDOCE

paré de ses frères et privé de se trouver dans l'assem-

blée des Chrétiens et d'assister au saint sacrifice qui se

célébrait le jour du dimanche dès le temps des Apôtres,

voulut lui donner la joie de se trouver en esprit dans

l'assemblée des Élus et d'assister au sacrifice de l'Église

du ciel.

Ce disciple bien-aimé, qui y voyait l'autel, la victime

et le sacrifice, parut aussi surpris de n'y point voir de

Temple qu'Isaac autrefois parut l'être de ne point voir

la victime du sacrifice que son Père et lui allaient offrir

sur la montagne. Templam non vidi in ea, dit Saint Jean.

Mais il en connut bientôt la raison: Dominus enim Deus

ornnipolens Templum illius est, et Agnus. (Ap. 1. 22.) Il ne

vit point de temple dans cette grande cité de la Jérusa-

lem céleste parce que Dieu même et l'Agneau en sont

le Temple.

Dieu et J.-C. son Fils sont le Temple du ciel en diffé-

rentes manières, selon ce que Noire-Seigneur a dit de

lui-même: Je suis dans mon Père et mon Père est en

moi.. On le peut aussi dire de l'Église, qui est son

corps mystique elle est en Dieu et Dieu en elle. Comme

donc Dieu remplit parfaitement son Fils incarné en

qui il habite substantiellement, et qu'il demeure aussi

dans les membres et dans tout le corps mystique de son

Fils par la plénitude de son esprit en ce sens le CHRIST

entier, composé du chef et des membres n'est pas

seulement la Victime parfaite et accomplie du sacrifice

éternel, mais il .est aussi le Temple de Dieu, ou ce

sacrifice sera éternellement offert. C'est pour cette rai-

son, et dans ce sens, que l'Église ayant été montrée à

Saint Jean, ainsi qu'il est dit au commencement du

même chapitre, comme venant de Dieu et descendant

du ciel, il entendit une voix qui lui disait « Voici le

Page 120: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 117

Tabernacle de Dieu avec les hommes et il demeurera

avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu,demeurant

avec eux sera leur Dieu. » (Ap. 21. 2 et 3.)

Mais comme le Fils unique de Dieu avec tous ses

membres, que l'adoption divine lui a rendus propres

et lui a intimement unis comme parties de son corps

est dans le sein de son Père Unigenitus qui est in

sinu Patris et qu'il y est comme la victime de Dieu

reçue dans sa bouche et dans son sein par la résurrec-

tion parfaite du 'chef et des membres Ubisum ego et

Uti sint mecum (Joan 17.) on ne peut ne pas regarder ce

sein adorable comme le vrai Temple où cette victime

accomplie en toutes- manières s'offre éternellement à

Dieu en holocauste et lui rend tous les devoirs d'une

religion parfaite et divine. C'est pour cela que S. Jean

ne vit point d'autre temple dans le ciel, parce que Dieu

est lui-même son propre temple, dans lequel se trou-

vent son Prêtre, sa victime et son autel pour le sacri-

fice de l'éternité.

Le même livre de l'Apocalypse nous fournit encore

une autre preuve de cette vérité au chapitre 11 où

nous apprenons le mystère du second avénement de

J.-C. pour juger le monde, punir les impies récom-

penser les élus et entrer dans la possession parfaite de

son royaume.

Après que le septième Ange eut sonné de la trompet-

te, on entendit de grandes voix dans le ciel qui di-

saient Les royaumes de ce monde sont devenus les

royaumes de Notre-Seigneur et de son Christ, et il

régnera dans les siècles des siècles Amen. Alors les

vingt-quatre vieillards, qui sont assis sur leurs trbnes

devant Dieu se prosternèrent et adorèrent en disant

Nous vous rendons grâces, Seigneur Dieu tout-puis-

Page 121: Condren - Oratorien

118 !DER DU SACERDOCE

saut, qui êtes, qui étiez et qui serez, Ce ce que vous

êtes entré en possession de votre grande puissance et

de votre règne. Les nations se sontirritées, et le temps

de votre colère est arrivé lé temps de juger les morts

et de donner la récompense aux Prophètes vos servi-

teurs, et aux Saints, et à ceux qui craignent votre nom.

aux petits et aux grands, et d'exterminer ceux qui ont

corrompu la terre. Alors le Temple de Dieu fut ouvert

dans le ciel, et l'on vit l'arche de son alliance dans le

Temple de Dieu et il se fit des éclairs et dé grands

bruits, des tonnerres un tremblement de terre et une

grêle effroyable. » (Ap. Il» 19.)

Le temple de Dieu, dont il est parlé dans cet endroit,

n'est pas le ciel puisqu'il est dit qu'il fut ouvert dans

le ciel mais c'est le sein du Père qui est dans le ciel

car c'est dans ce sein qu'est l'arche de l'alliance de

Dieu. Et apertum est templum Del in cœlo, et visa est

arca testamenti ejus in temple ejus.L'arche de l'alliance ayant toujours été regardée

comme la figure de J.-C., le Saint des Saints, et comme

la plus auguste partie du temple, doit être aussi consi-

dérée eomme la figure du sein du Père qui est le pro-

pre séjour de son Fils. C'est ce Saint des Saints qui s'est

ouvert dans la plénitude des siècles lorsque le Père a

envoyé son Fils au monde, et que ce Fils est sorti de

son Père, pour s'incarner dans le monde': Exivi a Patre

et veni in mundum. (Joan. 16. 28.) Ce méme sein, ce

temple ce sanctuaire, se doit encore ouvrir à la fin des

siècles, lorsque le l'ère enverra une seconde fois son

Fils pour juger le monde, et pour faire entrer avec lui

tous ses élus dans ce temple adorable, où ils doivent

être, éternellement au grand souper de Dieu, comme il

est dit au ch. 19. de l'Apocalypse a Venez et asaemblez-

Page 122: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS CHRIST. —III. FART.119

vous pour être au grand souper dé Dieu, ou pour ine

servir d'un- terme propre à cette matière « à la grande

cène de Dieu. » Nou une céne pascale ou passagère,

où l'on n'était nourri qn'en figure du pain de Dieu,

comme étaient les Juifs ni à la cène Eucharislique bit

l'on reçoit véritablement le paiu de Dieu mais enve-

loppé et couvert du voile sacramentel; mais à lu eèurs

éternelle et â la communion de la table de Dieu (Conc.

Trid. Sess. 13. c. 8.) ou l'on reçoit il découvert et sans

voile ce pain vivant et la. substance même db la vie

éternelle comme parle S. Ambroise (Dehis qui initiansur)

eoriformément à ce que S. Jean même nous dit dés le

commoncement de sa première Epitre, où il appelé

Jésus-Christ le « Verbe de vie. la vie manifestée aux

hommes. la vie éternelle qui-était dans le Verbe, et qui

s'est venu montrar nous. » Et au Cbap, 5. « Dieu nous

a donné la vie éternelle et c'est dans son Fils que se

trouve cette vfe celui qui a le Fils a la vie; celui qui

n'a point le Fils n'a point la vie. »

CHAPITREIV.

LeSaint des Saintsde la Loi était la figure du sein de

Dieu; et l'entrée du Grand-Prêtre est là figure del'entréedeJésus-Christdanscetempleadorable.Preuve

de cettevérité tiréede l'Évangile.

Aprèsle témoignagede l'Apôtrebien-aimé, qui a re-

posésur le cœur de J.-C.dans le temps même qu'il ins-tituaitet offrait le sacrifice Eucharistique, et à qui lesmystères du ciel ont été révélés, nous avons encorel'autorité de l'Apôtrequi a été élevéjusqu'àu troisième

Page 123: Condren - Oratorien

120 IDÉE DU SACERDOCE

ciel, et qui y a appris les secrets merveilleux de la reli-

gion de J.-C. Les choses admirables qu'il dit du sacer-

doce et du sacrifice de J.-C. dans l'Épitre aux Hébreux,

et qu'on ne trouve point ailleurs, nous font voir qu'il a

été particulièrement choisi de Dieu pour enseigner à

l'Église la science du sacrifice. Il dit lui-même aux Chré-

tiens de Corinthe que ce qu'il leur en avait enseigné,

c'était du Seigneur même qu'il l'avait appris Ego enim

accepi à Domino quod et tradidi vobis et c'est ce qui nous

doit rendre son témoignage encore plus considérable.

S. Paul nous y apprend donc, entre autres choses,

que fentrée de J.-C. dans le Saint des Saints du ciel était

figurée dans la Loi par l'entrée du Grand-Prêtre dans le

sanctuaire du temple de Salomon; ce qui ne se faisait

qu'une seule fois l'année, et n'appartenait qu'au seul

Grand-Prêtre: et que comme cette fonction était la plus

propre au Pontife, la plus parfaite de toutes, et celle qui

consommait le sacrifice, parce qu'il y entrait avec le

sang de la victime pour l'offrir à Dieu; l'entrée de J.-C.

dans le vrai sanctuaire a été aussi la perfection et la

consommation de son sacrifice. Or ce sanctuaire, dans

lequel J.-C. est entré, n'est autre que le sein de son

Père, qui souvent est exprimé par le nom de ciel, ou

de choses célestes, parce que c'est dans le ciel que ces

mystères se découvrent, et parce que cette manière de

parler est plus à la portée du commun des hommes.

Jésus-Christ n'est donc point-entré dit S. Paul, dans

le sanctuaire fait de main de d'homme, qui n'était que

la figure du véritable mais il est entré dans le ciel

même, et jusqu'au sanctuaire qui est au delà du voile

usque ad interiora velaminis ayant été établi Pontife

éternel selon l'ordre de Melchisédech.(Heb*. 9. 2h et 6. 19.

Mais pour arriver à ce Saint des Saints, ce Pontife

Page 124: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 121

6

des biens futurs a passé par un tabernacle plus grand et

plus excellent que celui de Moïse, par un tabernacle

qui n'a point été fait de main d'homme, c'est à dire qui

n'a point été formé par la voie commune et ordinaire

et il y est entré non avec le sang des boucs et des veaux,

mais avec son propre sang. (Heb. 9. 11).

S. Paul fait ici l'application de ce qu'il avait dit au

commencement du même chapitre, où il distingue deux

parties différentes de l'ancien tabernacle, ou du temple;

dont l'une, où entraient tous les jours les Prêtres, s'ap-

pelait le Saint; et l'autre, qui était après le second voile,

et dans laquelle le Grand Prêtre seul entrait une seule

fois l'année, se nommait le Saint des Saints. Or, comme

cette seconde partie, à laquelle on allait par la première,

était bien plus sainte que l'autre, il faut aussi, pour faire

l'application juste, que le Saint des Saints dans lequel

J.-C. est entré, soit plus auguste et plus saint que le ta-

bernacle, par lequel il y est entré, selon ces paroles

« Mais Jésus-Christ étant le Pontife des biens à venir. »

(Hebr. 9. 11.)

Si ce tabernacle, par lequel notre divin Pontife est

entré, est le ciel, comme plusieurs l'expliquent, et entre

autres les deux Gloses, Liranus, les deux commentaires

attribués à S. Ambroise et à 1;. Anselme. etc., que di-

rons-nous qu'est le Saint des Saints dans lequel-il est

entré une seule fois, sinon le sein de son Père qui sans

doute est plus saint, plus secret et plus auguste que le

ciel Que si nous entendons par ce tabernacle le corps

de .1-C. commme l'entendent d'autres Pères et d'autres'

interprètes, que trouverons-nous qui soit plus saint et

plus auguste, et qui mérite d'être appelé le Saint des

Saints à l'égard du corps de J.-C., que le sein même de

son Père, qui est la source de toute la sainteté, et où la

Page 125: Condren - Oratorien

122 IDÉE DU SACERDOCE

vraie Arche de l'alliance est cachée: de même que l'ar-

che qui la figurait était cachée dans le sanctuaire, qui

était au delà du second voile, selon la juste remarque de

S. Paul en cet endroit? Car, encore un coup, le taber-

nacle par où entre ce Prêtre, et le sang avec lequel il

entre dans le sanctuaire, doivent être moins saints que

le sanctuaire même et cependant il n'y a que te sein de

Dieu qui soit plus saint que le corps et le sang de J.-C.

Ceci me donne occasion de remarquer en passant. une

différence qu'il y a entre le sein de Dieu et le corps de

J.-C., qui sont tous deux appelés le temple de Dieu

sous divers rapports. Car Dien n'a eu qu'un tabernacle,

dans lequel était son arche durant le voyage des Israéli-

tes dans le désert, et pendant même que David a été

dans les fatigues des combats. Mais après que le peuple

de Dieu fut entré en possession de la terre promise, et

qu'il eut joui du repos, Dieu voulut alors avoir un tentple

dans lequel son Arche fût placée pour n'être plus trans-

portée, comme dans le voyage du désert, d'un tien à un

autre. Ce tabernacle ancien était la figure de l'Église de

la terre, qui est dans le voyage et dans le combat a car,

comme dit S. Augustin (in Ps. 16), les tentes et les

tabernacles ne sont que pour ceux qui sont en voyage,

qui vont à la guerre et qui ont des ennemis àt combat-

tre. » Le Temple, au contraire, représente l'Église tri-

omphante et l'état du ciel, ou elle jouit du fruit de la

victoire et d'un parfait repos.

Mais on peut dire aussi que le corps de J.-C., pendant

qu'il était sur la terre voyageur et combattant était

comme le tabernacle où était t'arche de l'alliance parce

qu'it n'avait pas encore remporté la victoire et n'était

pas entré dans sa gloire et dans son repos. Maintenant

qu'il n'est plus voyageur et qu'il est entré dans son re-

Page 126: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 123

6.

pos parfait, son temple est le sein de son Père le

propre séjour des enfants de Dieu, le lieu du repos, et,

pour ainsi dire la vraie terre promise destinée à J.-C.

et à ses membres.

Mais, après avoir écouté S. Jean et S. Paul sur cette

vérité, écoutons J.-C. et voyons si nous ne pourrons

point apprendre de sa bouche quel doit être le temple

où il offrira éternellement son sacrifice. Il me semble

qu'il nous donne quelque lumière pour cela dans ce qui

est rapporté par S. Matthieu 23. 16. « Malheur à vous,

dil-il conducteurs aveugles qui dites Si un homme

jure par le temple cela n'est rien mais s'il jure par

l'or du temple, il est obligé à son serment. Insensés et

aveugles que vous êtes lequel est plus grand et plus

considérable, ou l'or ou le temple qui sanctifie l'or ? »

Jésus-Christ donc traite les Scribes et les Pharisiens de

fous et d'insensés. Et pourquoi çela parce qu'ils ne

comprenaient pas que le temple est quelque chose de

plus grand et de plus saint que ce qui est offert dans le

temple que c'est le temple qui sanctifie les dons qu'on

y fait à Dieu et que c'est du temple que les offrandes

reçoivent leur dignité et leur sainteté Stulti et cœci

quirl enim majus est, aurtim, an templum quod sanctificat

aurum ?

Nous apprenons donc de ces paroles de J.-C. une règle

importante et une maxime fondamentale dans la science

du sacrifice que, dans le sacrifice le temple est plus

saint que les dons les offrandes et les victimes qu'on y

offre et que ce ne sont pas les oblations qui sanctifient

le temple, mais le temple qui saactifie les oblations.

Or peut-on dire que le ciel soit plus digne, et plus

saint que la victime du sacrifice de J.-C. qui est J.-C.

même ? Et peut-on s'imaginer quelque chose de créé

Page 127: Condren - Oratorien

124 IDEE DU SACERDOCH

qui approche de sa dignité et de sa sainteté infinies On

peut au contraire dire de lui assurément, en le com-

parant avec les temples créés. Templo major est hic. Il

est plus grand, plus digne et plus suint que le temple

de Salomou et que la terre et que le ciel, quelque re-

nouvellement qui leur arrive à la fin des siècles. Il n'y

a que le sein de Dieu le Père qui soit un temple digne

de lui, comme étant plus saint que l'humanitéde son

Fils qui lui est offerte et comme étant la source et le

principe de toute sainteté Templum quod sanctificat do-

num. C'est véritablement ce temple qui sanctifie sa

victime, quem Pater sanctificavit et misit in mundum.

(Joan. 10. 36.) C'est ce temple qui la rend digne de lui, et

qui la fait elle-même une source de sanctification pour

ses membres, afin de les faire devenir eux-mêmes la

victime de Dieu comme parties de son corps.

Enfin là où est le véritable autel de notre religion

l'autel sur lequel doit être offert le grand sacrifice de

J.-C., là est sans doute le véritable templc car c'est

dans le temple que fautel est placé. Or l'autel vérita-

ble de notre graud Sacrifice, c'est J.-C. comme nous

le prouverons plus bas; donc, comme la demeure

propre et la résidence naturelle de J.-C. est le sein du

Père on ne peut douter que ce sein adorable ne soit

le véritable temple de notre religion considérée dans

cette perfection dernière et achevée qu'elle doit avoir

dans l'éternité bienheureuse, après la consommation

des siècles.

Il ne faut pas s'imaginer, quand on parle du sein du

Père rien de semblable à ce que nous voyons dans les

hommes. Il est vrai que Dieu est Père et qu'il a un Eils

et nous ne devons pas hésiter non plus à dire qu'il a un

sein puisqu'il dit lui-même à son Fils dans les Psaumes

Page 128: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. III. PART. 125

(Ps. 109. 4.), qu'il l'a engendré dans son sein et que

le disciple bien-aimé nous apprend que le sein du Père

est la résidence du Fils « Le Fils unique qui est dans

le sein du Père.» (Joan- 1. 18.) Mais ce sein n'est rien

de corporel ni de sensible rien qui soil distingue ile

Dieu même ce n'est donc autre chose que le secret et

l'intime du Père, l'abîme infini et impénétrable de sa

substance. C'est ce que nous apprenons de S. Augustin

(in Ps. 103.) Et sinus et uterus pro seerelo positus est quid

est ex utero genui le ? Ex secreto, ex occulta, de meipso,

de substantia mea hoc est ex utero quia generationelli.

ejus quis enarrabit ?

C'est ce qui est appelé ailleurs le secret de la face de

Dieu: « Vous les cacherez dans le secret de votre face »

dit le Psalmiste (Ps. 30.) Quel est ce lieu ? Il n'a pas dit

Vous les cacherez dans le ciel. Il n'a pas dit Vous les

cacherez dans le Paradis il n'a pas dit Vous les ca-

cherez dans le sein d'Abraham. Regardons tout ce quin'est point Dieu comme méprisable et indigne de nous:

Que Dieu, qui nous place et nous met à couvert dans

un lieu durant cette vie, soit lui-même notre lieu aprèscette vie. Nous serons donc cachés dans la face de Dieu.

Mais afin que Dieu soit notre maison soyons-nous

mêmes la maison de Dieu; qu'il habite en nous, et nous

habiterons en lui et si nous le recevons dans notre

cœur pendant le siècle présent il nous recevra dans-

sa face à la fin des siècles. » (Aug. in Ps.)

Page 129: Condren - Oratorien

126 IDÉB DU SACERDOCE

CHAPITRE. V.

Jésus-Christ même est l'autel de son sacrifice dans le ciel

les autels visibles n'en sont que la figure. Première

preuve, tirée du Ps. 42.

Nous avons à montrer maintenantqné le véritable au-

tel du sacrifice du ciel, c'est J.-C. Nous ne pouvons dou-

ter qu'il n'y ait un autre autel que ceux que nous voyons

des yeux de notre corps, et dont nous approchons tous

les jours Est enim quoddam altare. dit S. Augustin

in Ps. 42. Il y a là haut un autel sublime et invisible

dont le pécheur ne peut approcher. Celui-là seul a ac-

cés à cet autel sublime, qui s'approche de celui d'ki-

bas avec la paix d'une bonne conscience. S'il a soin de

s'éprouver lui-méme aux pieds de l'autel dela terre, il

trouvera sa vie dans l'autel du ciel. J'entrerai à l'autel de

Dieu dela montagne sainte de Dieu, de son taberna-

cle, de sa sainte Église, je passerai à l'autel sublime de

Dieu. Oh! quel sacrifice quecelui qui s'offre sur cet autel 1

Celui-là même qui y entre en est la victime et l'holo-

causte. Qu'entend donc le Prophète par cet autel de

Dieu, sinon Dieu même qui comble de joiema jeunesse,

c'est-à-dire, qui renouvette parfaitement tout ce qui res-

te du vieil homme ? Cet autel est donc J.-C. Homme-

Dieu, qui dit dans l'Apocalypse Ecce noaa facio omnia.

Je m'en vais renouveler toutes choses. (Ap. 21. 5.)

Cet autel nous est aussi représenté dans le livre de

l'Apocalypse, 6. 9. où S. Jean témoigne qu'il a vu sous

l'autel les âmes de ceux qui avaient été tués pour la pa-

role de Dieu, et pour la confession de son nom, dans

Page 130: Condren - Oratorien

ET DU SACRICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART.127

laquelle ils avaient demeuré fermes jusqu'à la un. Cet

autel de Dieu, dont parle S. Jean b'est jésus=Christ, dit

Riclcard de S. Victor; parce qde c'est sur lui que nous

offrons au Père les sacrifices de nos cœurs, de nos lan-

guès et dé nos œuvres, quand la foi nous anime et nous

fait agir. Les âmes des Saints ont été vues sous l'autel,

c'est-ü-dire sous J.-C. comme les membres sous leur

chef, comme s'humiliant sous la main toute-puissante

de sa grâce, à laquelle ils reconnaissent qu'ils doivent

leur victoire, et comme attendant de lui le dernier effet

de l'adoption divine, la rédemption et la résurrection de

leurs corps, en quoi consiste la justice qu'ils demandent

à Dieu en criant à haute voix, c'est-à-dire en soupirant

par un désir ardent après le règne parfait de J.-C., et

en demandant par le zèle de !a justice de Dieu, qui est

le cd de l'âme, que le péché soit entièrement détruit, et

que le règne de l'enfer et du prince des ténèbres soit

pour jamais anéanti. C'est de J.-C. qu'entendent aussi

te passage les divers commentaires attribués à S. Am-

broise et Hainlon d'Alberstat, la Dlbse Ordinaire et

l'intertinéaire, etc.

C'est encore J.-C. même qui est cet autel d'or, dont il

est parte dans l'Apocalypse 8. 3 et 4. « Un Ange, qui

n'était pas du nombre des sept qui assistent devant Dieu,

parut à S. Jean, et se tint devant l'autel ayant un en-

censoir d'or, et on lui donna une grande quantité de

parfums, afin qu'il en accompagnât les prières de tous

les Sàiàts, en les offrant sur l'autel d'or, qui est devant

te trône de Dieu. Et la fumée dés parfums, jointe aux

prièrés des Saints, s'élr.vanl de la main de l'Ange, mon-

ta devant Dieu. L'Ange prit ensuite l'encensoir et l'em-

plit dd feu de l'autel, et l'ayant jeté sur la terre, il se fit

des bruits dans l'air, des tonnerres et des éclairs etc.

Page 131: Condren - Oratorien

128 IDÉE DU SACERDOCE

Plusieurs des commentateurs, que nous avons nom-

més, disent que c'est J.-C. qui est cet autel d'or élevé

devant le trône de Dieu. André de Césarée, ancien com-

mentateur du livre de l'Apocalypse est du même senti-

ment. « Cet autel, dit-il, c'est J.-C. qui renferme en lui-

même toute la sainteté et toute l'autorité du ministère

divin, et sur lequel toutes les victimes et tous les sacri-

lices des saints sont immolés et offerts à Dieu. »

L'Église même explique ainsi ces paroles dans la cé-

rémonie de l'ordination des sous-diacres, auxquels elle

annonce cette vérité par la bouche de l'Évbque parce

que cet ordre étant le premier qui attache les Clercs à

l'autel, et qui les en fait les ministres, il est juste qu'ils

sachent ce que cet autel ministériel leur représente, et

que c'est J.-C. même qu'ils doivent regarder dans cet

autel visible, quand ils en approchent pour exercer leur

ministère. Voici comme ou leur parle. « Ayant à rece-

voir, mes très-chers enfants, l'office de sous-diacre, faites

une sérieuse attention à l'excellence du ministère qui

vous est confié.. Faites si bien, qu'en accomplissant avec

tout le soin et toute la bienséance nécessaire les fonc-

tions visibles de votre ministère, vous remplissiez aussi

le ministère invisible qu'elles représentent. Car l'autel

de la sainte Église c'est Jésus-Christ même, selon S.

Jean qui, dans son Apocalypse, témoigne avoir vu de-

vant le trône un autel d'or, sur lequel et par lequel les

oblations des fidèles sont consacrées à Dieu. Les nap-

pes, les parements et les corporaux de cet autel, ce

sontles membres de J.-C., c'est-à-dire les fidèles enfants

de Dieu, dont le Seigneur est environné comme de vê-

tements et de parements précieux, suivant cette parole

du Psalmiste: Le Seigneur est entré dans son règneil s'est vêtu magnifiquement, etc. (Pont. Rom. Or. Subd)

Page 132: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRlST. — III. PART. 129

6*

C'est donc sur cet autel que sont mises toutes les priè-

res des Sainls, c'est-à-dire de l'Église, pour être offertes

à Dieu. C'est de cet autel qu'elles doivent monter vers

Dieu et être reçues par lui. C'est de cet autel que le feu

a été pris pour être jeté sur la terre c'est-à-dire que

c'est du Fils de Dieu que le St-Esprit, représenté par le

feu, procède dans l'éternité, et est envoyé dans le

temps sur la terre Spiritum veritatis, quem mittam

vobis a Patre pour y opérer ces effets merveilleux de

la conversion des Gentils au commencement de l'Égli-

se, et de celle des Juifs à la fin des siècies; ce qui est

figuré par ce grand bruit ces éclairs et ces tonnerres

dont parle S. Jean.

Nous expliquons encore de J.-C. cet autel d'or, des

quatre coins duquel S. Jean entendit sortir une voix

J'entendis une voix qui sortait des quatre coins de l’au-

tel d'or qui est devant Dieu, (Ap. 9. 13.) Ce fut cette voix

qui commanda à l'Ange de délier ceux qui doivent faire

mourir la troisième partie des hommes. Et rien n'est

plus naturel que d'entendre cela de la parole terrible

qui sortira de la bouche du Fils de Dieu dans les der-

niers temps pour exterminer les impies de dessus la

terre; pour condamner enfin les réprouvés, et pour

reléguer les démons dans les enfers comme dans une

prison d'où ils ne sortiront jamais.

Page 133: Condren - Oratorien

1 3o IDÉE DU SACERDOCE

CHAPITRE VÎ.

Preuves tirées du canon de la Messe et de l'Évangile, pbur

confirmer cette véritë, que J.-C. est le vnai Autel.

Le canon de la messe, dont il n'y a pas une parole qui

ne mérite d'être pesée au poids du sanctuaire, se doit

aussi sans doute entendre de Jésus-Christ, quand' il

pa-rle.d'un autel sublime, qui est devant l'a majesté de

Dieu, et sur lequel l'Église, par la bouche du prêtre

demande que le sacrifice soit porté par les mains du

saint Ange de Dieu, de l'autel ministériel, sur lequel

elle offre les saints mystères.

Selon quelques-uns, c’est J.-C. qui est cet Angede Dieu,

l'ange du grand conseil, l'ange dé la paix et de la récon-

ciliation des pécheurs, l’ange, du testament-, le média-

teur 4o l'alliance éternelle entre Dieu et les hommes.

C’est lui, par conséquent qui, comme le Prêtre du Très-

Haut, doit présenter à Dieu tous lès sacrifices et tous

les devoirs des hommes, et apporter aux hommes les

dons et les miséricordes de Dieu. C'est le ministre éter-

nei qui entretient ainsi le divin commercede la religion

qui se fait par le moyen du sacrifice dans lequel les

hommes offrent à Dieu une hostie digne de lui, et reçoi-vent aussi par la communion à cette hostie toutes les

bénédictions du ciel comme porte cette partie du ca-

non que nous expliquerons dans le discours suivant.

Il suffit maintenant d'en rapporter les paroles. « Nous

vous supplions très-humblement, ô Dieu tout-puissant,de commander que ce sacrifice soit porté par les mains

de votre saint Ange jusqu'à votre autel sublime et élevé

devant votre divine majesté.

Page 134: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 131 É

Que si, selon d'autres c'est vraiment d'ua' ange qu'ilest parlé dans cet endroit du canon de l'ange da saori-

fice, c’est toujours J.-C. qu’il représente c'est en son

nom et en son autorité qu'il s’acquitte de cette fonction

si sainte dans le sacrifice.

On ne s'étonnera pas que J.-C. soit appelé tantôt la

prêtre, et tantôt la victime quelquefois le temple et

d’autres fois l'autel et qu’en cet endroit lui-même soit

appelé et l'autel sur lequel le sacrifice est présenté à

Dieu, et l’ange qui porte la victime sur cet autel. Car

uous avons déjà fait voir comment J.-C., selon les natu-

res et les substances différentes dont il est composé,

porte ces différentes qualités. C'est par son esprit qu'il

est prêtre, et par son corps qu'H est victime; comme il

est l'autel à raison de sa personne ou de sa subsistance

divine, en tant que la nature humaine lui- est unie et

que cette nature ne subsiste que dans la personne du

Verbe.

Celte vérité est fondée sur le raisonnement du Fils de

Dieu même, dont nous avons ci-devant rapporté une

partie pour montrer qué le seiu de Diett est le vérita-

ble temple du sacrifice du ciel. t Malheur à vous, dit-il

aux Scribes et aux Pharisiens, conducteurs aveugles,

qui dites Si un homme jure par l'autel, cela n’est rioo;

mais s'il jure par le don qui-est sur l’autel, il- est obligé

à son serment. Aveugles que vous êtes Quelle chose

est plus grande et plus sainte, le don ou l'autel qui

sanctifie le don ? » Voilà un principe certain, dont il

faut être instruit, pour bien entendre le sacrifice. Que

l’autel du sacrifice doit être plus saint et plus estimable

que la victime ou les dons qui sont offerts sur cet autel.

Et la raison de cela est que la victime emprunte sa sain-

teté de l’autel, et que c'est l'autel qui sanctifie le don,

Page 135: Condren - Oratorien

132 IDÉE DU SACERDOCE r

et non pas le don qui sanctifie l'autel. Il faut que le prin-

cipe soit bien constant puisque Notre-Seigueur traite

les Scribes et les Pharisiens d'aveugles et d'insensés

parce qu'ils ne le comprenaient pas, et qu'ils agissaient

contre ce principe pour établir leurs mauvaises doc-

trines.

Saint Augustin, expliquant ce passage dans le 1" liv.

des Questions Évangéliques, quest. 34, l'applique ex-

pressément à J.-C. en qui et par qui nous offrons le

sacrifice de la louange divine et de la prière: Inlelligen-

dum teniplum et altare ipsum Christum aurum et donum,

laudes et sacrificia precum quœ in eo per eum offerimus.

Non enim ille per hœc, sed isla per illum sanctificantur.

C'est J.-C. même, dit ce S. Docteur qui est le temple

et l'autel pour ce qui est de l'or et des dons offerts ce

sont les louanges et les sacrifices des prières. Car J.-C.

n'est point sanctifié par ces choses, mais au contraire

c'est par Jésus-Christ que ces choses sont sanctifiées.

Or comme ce Saint Docteur en considérant les sacrifi-

ces des louanges, des prières et des bonnes œuvres,

que nous offrous à Dieu en J.-C. et par J.-C. dit fort

bien que c'est J.-C. qui est l’autel de ces sacrifices, parce

qu'ils reçoivent de lui leur sanctification; en considé-

rant J.-C. même comme la victime de son sacrifice éter-

nel selon la nature créée qu'il s'est unie pour cela il

faut que cette nature aiusi unie à Dieu ait .un autel sur

lequel elle soit offerte et duquel elle tire sa sainteté.

Rien de créé n'est capable de l'être et entre ces cho-

ses divines et incréées, ce ne peut être que l'essence

divine, ou une des trois personnes divines. L'essence

divine sanctifie sans doute l'humanité de J.-C. mais ce

n'est pas immédiatement, vu qu'elle ne lui est pas im-

médiatement unie, mais c'est par le Verbe. Et puis cette

Page 136: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 133

sainteté est tellement propre au Verbe cl à son huma-

nité sainte qu'elle est aussi commune aux deux autres

personnes. Ce n'est pas non plus la personne du Père

ni celle du Saint-Esprit qui sanctifient, au moins per-

sonnellement, l'humanité de J.-C. car elle ne leur est

pas unie non plus en unité de personne. Ce ne peut donc

être que-la personne ou la subsistance du Verbe, à la-

quelle cette humanité est unie de telle manière qu'elle

fait avec le Verbe une même personne immédiatement,

sur laquelle elle est, pour ainsi dire, eutée et imposée

comme sur un autel sacré, duquel elle tire sa sainteté,

sou excellence et tout ce qui la distingue de la nature

des autres hommes. Car la personne du Verbe est la

sainteté de la nature humaine en J.-C. et c'est par elle

que cette victime devient agréable à Dieu, qu'elle est

l'unique objet des délices et des complaisances du Père,

et en un mot, qu'elle est le véritable Agneau de Dieu, et

la victime seule digue de lui être sacrifiée.

CHAPITRE VII.

Conséquences de la vérité précédente.

La personne ou la subsistance du Verbe, ou J.-C., à

raison de sa subsistance divine, est donc le véritable au-

tel du grand sacrifice. C'est sur cet autel que la victime,

c'est-à-dire l'humanité, est imposée par le mystère de

l'Incarnation, nou par une simple présence ou union

extérieure, mais par une union si intime et si étroite,

que cette nature créée n'a ni base, ni soutien, ni subsis-

tance que le Verbe.

C'est sur cet autel que toutes les parties du sacrifice

Page 137: Condren - Oratorien

134 IDÉE DU SACERDOCE

se sont accomplies, et que ce qui en a paru au dehors

et à l'extérieur a été accompli ert esprit et en vérité,

comme le doit être ce qui regarde le sacrifice de la nou-

velle loi.

C'est par cet autel, comme nous l'avons déjà dit, que

la victime a été sanctifiée et séparée, non-seulement lie

tout ce qu'il y a de profane, mais de ce qu'il y a de plus

saint sur la terre et dans le ciel entre les créatures.

C'est sur cet autel que cette victime fut offerte dès le

premier moment de sa vie dans le Verbe, c'est-à-dire

dès le moment de l'Iucarnation, où elle se présenta

pour être substituée aux victimes anciennes et c'est en

considération de cet autel que le Père l'a acceptée pour

sa victime, et l'a reçue pour la sanctification des péchés

du monde.

C'est sur cet autel que cette victime a été immolée, et

la croix qui la portée en sa mort n'a mérité le nom d'au-

tel, que parce qu'elle représentait cet autel invisible,dou! cette victime sacrée n'a jamais été séparée, pas

même lorsqu'elle a perdu la vie et qu'elle a été détachée

de la croix mais elle y demeurera éternellement unie

pour y être toujours exposée aux yeux de la majesté

souveraine de Dieu.

C'est sur cet autel que la victime a été consommée,

et qu'elle a été sanctifiée dans la résurrection et nous

n'eu voyons point même d'extérieur, sur lequel J.-C.

ait accompli cette dernière partie de son sacrifice, qui

en est en même temps la perfection et l'accomplisse-

ment.

C'est sur cet. autel que.le sang de la victime a été por-

té dans le sanctuaire invisible par celui qui en est aussi

le grand-Prêtre, lorsqu'il est retourné à son Père, et

qu'il est rentré pour ainsi dire, dans son sein.

Page 138: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. 11I. PART. 135

Cestenfm sur cet autel que cette victime parfaite et ac-

complie par l’union de tous ses membres, sera présentée

éternellement à Dieu, qu'elle l'adorera, lui rendra l'a-

mour, les louanges elles actions de grâces qui.lui sont

dues, et continuera sans cesse ce sacrifice, dans lequel

consiste la joie et la félicité éternelle des Saints.

Ce sera alors que c;ft autel sera en état d'être mesuré,

selon ce qui est marqué au chapitre 11 de l’Apocalypse,

v.1. On me donna, dit S. Jean, une canne sembluble

à une verge, et il me fut dit: Allez-vous-en mesurer le

Temple de Dieu, et l'Autel, et ceux qui adorent dans

l'Autel. » On ne mesure une chose que quand elle est

dans sa perfection et qu'elle a toutes ses dimensions

c'est alors qu'on la peut estimer, etqu'on peut juger de

sa valeur etde.son prix. Quand tous ceux qui doivent en-

trer dans le sein de Dieu, comme dans lc temple éternel,

et qui doivent adorer et sacrifier éternellement dans cet

autel sublime, qui est J.-C., y auront été reçus, c'est-

à-dire, quand, à la fin des siècles, le nombre des Élus

sera parfait et sera consommmé en Dieu, alors les mys-

tères du ciel seront dans leur perfection, elles Saints

en connaîtront le prix et la valeur car maintenant nous

ne connaissons que très-imparfaitement ce que nous se-

rons dans t'éternités «Noua sommes déjà enfants do

Dieu; maisce que nous serons un jour" ne paraît pas

encore. » (Joan. 1. HP. 3. 2 )

S. Jean à qui les mystères du ciel ont été découverte

dès cette vie, à cause de l'excellence de sa pureté et de

son ardente charité, a eu aussi le privilége de mesurer

ce temple, cet autel et tous ceux. qui adorent en cet

autel Saye et metire templum et altare et adorantes in

en. « Allez et mesurez le temple de Dieu, et l’autel et ceux

qui adorent dans cet autel mais. laissez le parvis, qui

Page 139: Condren - Oratorien

136 IDÉE DU SACERDOCE

est hors du temple et ne le mesurez point, parce qu'il

a été abandonné aux Gentils, et ils fouleront aux pieds

la ville sainte. »

Jésus-Christ est donc cet autel qui mérite seul d'être

mesuré, parce qu'il ne manque rien ni sa sainteté

ni à sa charité qui a toutes les dimensions possibles

et quand Dieu, scion les richesses de sa gloire, nous

aura perfectionnés par son Saint-Esprit, selon l'homme

intérieur; quand J.-C. habitera parfaitement dans nos

cœurs, et nous dans lui, et que nous serons enracinés

et fondés pour l'éternité dans la charité alors nous

pourrons comprendre avec S. Jean et avec tous les

Saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur

et la profondeur de cet autel parce que nous connai-

trons la charité de J.-C. qui surpasse toute connaissan-

ce, et que nous serons nous-mêmes remplis de charité

et de Dieu même selon toute la plénitude qui nous est

destinée par sa bonté.

C’est par l'union de la chair avec la Divinité dans la

personne du Verbe, d'où résulte te divin composé de

l’Homme-Dieu, que cet autel, c'est-à-dire le Verbe,

sanctifie la victime de son propre corps; et c'est par notre

union avec cette victime et cet autel que nous sacrifions

dans cet autel, adorantes in eo, comme nous venons de

le voir dans l'Apocalypse. Car c'est le seul autel dans

lequel on sacrifie. On adore auprès des autres autels, on

sacrifie sur les autres autels; les Saints mêmes attendent

sous les autels où leurs sacrées dépouilles sont en dé-

pôt, le temps du sacrifice parfait; mais pour adorer

dignement Dieu et lui faire un sacrifice qui. soit digne

de lui, il faut être dans cet autel; la eo. Il faut être en

J.-C. dans l'unité de son corps et il n'y a que ceux

qui y sont, qui y adorent et qui y sacrifient dont les

Page 140: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART.137

adorations et les sacrifices méritent d'être comptés et

mesurés parce qu'il n'y a que ceux-là qui soient offerts

en esprit et en vérité, et qui honorent Dieu.

L'autel adorable dont nous parlons, est le seul autel

qui soit dans le véritable temple, c'est-à-dire dans ce

sein de Dieu, et qui n'ait point été exposé à la profa-

nation des pécheurs, conformément à ce texte de l'Apo-

calypse. Tous les autels figuratifs qui étaient dans le

temple de Salomon et la croix même qui est l’autel

extérieur du véritable sacrifice, ont été abandonnés à

la profanation des Gentils et des sacriléges. La per-

sonne du Verbe non plus que sa divinité n'a point

été, et n'a pu être foulée aux pieds des Juifs et des

Romains, pendant même que son humanité sainte a été

non-seulement foulée aux pieds, mais percée de clous

et abandonnée à la souffrance et à la mort.

Enfin c'est de cet autel que les autels figuratifs tiraient

tout ce qu'ils avaient de sainteté et c'était par rapport

à cet autel invisible et éternel qu'ils méritaient quelque

vénération, et qu'ils sanctifiaient, d'une sainteté légale

et extérieure les victimes qui y étaient sacrifiées à

Dieu. Car, sans ce rapport on ne peut pas concevoir

comment est vrai ce que dit Notre Seigneur Que l'au-

tel du temple figuratif fût plus considérable que le do i

qu'on y offrait, et que ce fût par l'autel que les victimes,

qui y étaient sacrifiées, recevaient leur sanctification.

Mais on le comprend bien, quand ou suppose que ces

autels avaient deux sortes d'être l'un naturel selon la

matière dont ils étaient composés et l'autre figuratif oir

sacrificial par rapport à la personne du Verbe, cet au.

tel sublime et divin qu'ils figuraient. Il est vrai qu'en

considérant leur être propre et leur matière, les victi-

mes et les dons qu'on y offrait étaient d'une nature plus

Page 141: Condren - Oratorien

138 IDÉE DU SACERDOCE

excellente et plus noble que l'autel; car il n'était que

de pierres, au lieu que les victimes étaient vivantes et

animées. Mais en considérant leur ètre spirituel leur

dignité figurative el le rapport qu'ils avaient par l'ordre

de Dieu à l'autel véritabté, spiriluel et éternel, ils

étaient plus excellents et plus saints, d'une sainteté

légale que les victimes parce que les victimes ne re-

présentaient que l'humanité de J.-C. qui est sanctifiée

même par le Verbe au lieu que l’autel représentait le

Verbe qui est la subsistance de l’humanité, qu’elle sou-

tient, accomplit, perfectionne et sanctifie d'tme maniè-

re admirable, pour la rendre une victime vraiment

digne de Dieu.

Il resterait à faire voir comment l'alltel de l’ancienneloi figurait ét représentait la personne ou suhyistancé du

Verbe; mais comme nous n’entreprenons pas ici de faire

une application particulière des figures à la vérité, ce

qui nous mènerait plus loin que nous ne voulons aller

maintenant, et demanderait un ouvrage exprès, nous

nous contenterons de toucher en peu de mots quelques-unes des convenances et des rapports qui s'y trouvent.

L’autel était de pierres f et en cela il représentait le Ver-

be incarné, qui était, selon S. Paul, figuré par là pierred'où il sortit de l'eau dans lo désert et il est app-elé aH-

leurs la pierre angulaire.

La duteté de la pierre représente l'éternité et l’immu-

tabilité du Verbe.

La figure carrée de l’autel, la fermeté et la stabilité

du Fils de Dieu.

Les quatre éérnes de faute) marquaient que te Verbe

incarné est la puissance et la vertu du Père, la force des

chrétiens et le refuge des pécheurs.

L’onction de l'autel représentait la sainteté et la divi-

Page 142: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. III. PART. I39

nité du Verbe. Car on n'oint que les personnes qui re-

présentent Dieu, ou qui tiennent sa place, ou que les

choses destinées à quelque usage de sainteté.

Il fallait que le fer n'eût point touché les pierres dont

l'autel était composé; pour représenter t'impassibilité

du Verbe, qui n'a pu être percé, ni touché par les clous,

les épines ou les fouets qui ont déchiré son corps en sa

Passion.

Elles ne devaient point être polies: pour montrer que

le Verbe n'a reçu aucun ornement ai aucun avantage

de ses créatures non pas même de l'humanité qui lui

était unie.

L'imposition de la chair morte des victimes sur

l'autel, auquel elles étaient unies par ce moyen, mar-

quait l'Incarnation du Verbe, qui s'est uni à notre chair

passible et mortelle, et sur lequel, pour ainsi dire notre

chair a été imposée, non par une union seulement

extérieure mais par une union intime, substantielle et

personnelle.

CHAPITREVIII.

Oùl'onfait voirquele Saint-Esprit estlefeu du sacrificecdeJésus-Christ, en quelqueétat qu'onle considère.

Lefeu quisortait de l'Autel.,où qui-descendaitdu ciel,

figuraitla plénitudede la divinitéqui habitecorporellement en Jésus-Christ, d'où s'est répandu l'éclat de ta

gloire sur son corps, lorsqu'en la résurrection la com-

sommation de la.victime a été accomplie.Lefeumar-

que encorele Saint-Espritdoat il étau oint en toute plé-

nitude, et qu'il a répandudans soncorps mystique. Il

Page 143: Condren - Oratorien

140 IDÉE DU SACERDOCE

nous apprend enfin que, comme le feu sortait de l'autel

pour enflammer la victime et en faire un holocauste

agréable à la majesté divine, c'est du Fils de Dieu que le

Saint-Esprit procède éternellement, et que c'est de la

plénitude du Saint-Esprit, donné sans mesure à J.-C.,

que son Église reçoit ce don du Père, qui se répand par

le Fils au milieu des temps dans les cœurs des fidèles

pour en faire des victimes agréables à Dieu. Le Saint-

Esprit, qui est descendu sur l'Église en forme de feu le

jour de la Pentecôte, est donc le feu sacré dont la victi-

me parfaite, J.-C. avec tons ses membres, doit être éter-

nellement embrasée dans le ciel, et par lequel ce sacri-

fice éternel doit être offert à Dieu dans toute l'éternité.

Ou, pour parler autrement, le sacrifice du ciel est le

sacrifice de la charité consommée, de la justice parfai-

te, de la sainteté achevée, de l'unité divine, de la lou-

ange éternelle, et de la consommation de tous les élrs

en Dieu, qui sont l'ouvrage du Saint-Espriten nous.

En quelque état quel'on considère le sacrifice de J..C.

soit dans le sein de la Vierge, ou sur la croix, dans l'Eu-

charistie ou dans le ciel, c'est toujours le Saint-Esprit

qui consacre et qui consomme ce sacrifice. On peut voir,au commencement de la 4' partie dans l'explication de

ces paroles de la préparation « Aunom du Père, et du

Fils et du Saint-Esprit, e plusieurs passages de l'Écri-

ture sur ce sujet. Je me contenterai de remarquer ici à

l'égard du sacrifice de l'Eucharistie, que les,liturgiesde l'Église grecque et de la latine attribuent toutes au

Saint-Esprit tout le changement qui s'y fait du pain et

iln vin au corps et au sang de J.-C., dans l'oblation quecette victime adorable y fait d'elle même à Dieu par elle.

même, par ses ministres et par toute l'Église* Ce quele Saint-Esprit louche est changé et sanctifié, » dit S.

Page 144: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. -III. PART. Irj 1

Cyrille, Evêque de Jérusalem, en rapportant la liturgie

de son temps, qui était le 4e siècle. Ne semble-t-il pas

aussi que ce soit par rapport au feu qui descendait quel-

quefois visiblement du ciel sur les sacrifices anciens

que le prêtre prie ainsi dans d'anciennes liturgies lati-

nes « Seigneur, que le Saint-Esprit consolateur, qui,

vous étant coéternel, est aussi le coopérateur de votre

bénédiction, descende sur ces sacrifices, etc ? A quoi

est semblable ce qui se dit dans le Missel romain dans

la secrète du vendredi de l'octave de la Pentecôte.

« Seigneur, que ce feu divin qui, par la descente du

Saint-Esprit, a embraséles cœurs des Disciples de Jésus-

Christ votre fils, consume ces sacrifices offerts devant

votre face

Le Missel de Paris, qui a cette secrète du vendredi,

en a une pour le lundi où l'Église demande que les dons

qui sont sur l'aulel soient consacrés par l'avènement du

Saint-Esprit Munera nosti-a Domine, Sancti Spiritus

sacrentur adventu. « Envoyez, dit celle de mardi, envo-

yez, Seigneur, le Saint-Esprit qui, de ces dons, nous

fasse votre sacrement. » Dans la secrète de la Messe de

la Vierge au temps pascal « Faites, Seigneur, descen-

dre sur ces dons votre S. Esprit que votre Fils unique

promit d'envoyer après qu'il aurait été glorifié, et qu'il

répandit si abondamment sur la St-Vierge et sur l'Église

pendant qu'elles étaient en prière

Il n'est pas difficile de concevoir cette vérité, dans

les principes de S. Augustin, qui nous enseigne si sou-

vent que toute la religion est principalement renfermée

dans la charité: Non coliturDeus,nisi araiando. (Epis. 120),

et que toute la piété, tout le culte chrétien et véritable,'

et par conséquent tout vrai sacrifice, ou au moins tout

ce qui plaît à Dieu dans tout sacrifice, c'est la charité

Page 145: Condren - Oratorien

142 IDÉA DU SACERDOCE

Quid est pietas nisi Dei cultus' Et unde ille colilur, nisi Ca-

ritate ? (Epist. 29).

Les anciens Patriarches ont immolé à Dieu des victi-

mes, et lui ont offert des sacrifices qu'on n'offre point

aujourd'hui mais ces victimes et ces sacrifices n'étaint

que des figures du sacrifice de la charité, qui devait

être offert un jour par l'Église chrétienne, après que

J.-C. l'aurait méritée et qu'il l'aurait répandue dans les

coeurs selon que les Prophètes l'avaient prédit: sacrifice

de la charité qui nous unit à Dieu, et à notre prochain

pour le porter à Dieu. C'est ce que J.-C. voulait nous

faire entendre, quand il disait que ces deux commande-

ments renferment toule laLoi et les Prophètes: c'est-à-dire,

que toutes les choses qui ont été ordonnées de Dieu tou-

chant les sacrifices du Tabernacle ou du Temple, toutes

les cérémonies toutes les observances de la loi ancien-

ne, se rapportent à l'amour de Dieu et du prochain.

Le sacrifice que J.-C. a offert sur la terre à son Père,

et qui est si saint en toutes ses parties, est le sacrifice

de sa charité, et il n'y a que cette charité excessive et

infinie, par laquelle il s'est livré pour nous à Dieu, qui

ait pu réparer le violement de la charité, par lequel

Adam et sa postérité avaient irrité la justice de Dieu.

C'est pourquoi, S. Paul ne fait guère mention de ce sa-

crifice de J.-C., qu'il ne parle en même temps de sa

charité pour nous faire comprendre par là que ce qui

a plu à Dieu daus le sacrifice de son Fils, n'était pas tant

ses jeûnes, ses suceurs, ses travaux, ses prières, ni le

déchirement. de sa chair par les fouets, les clous et les

épines, ni l'effusion de son sang, ni tout ce qui s'est pas-sé au dehors, ni enfin sa mort même, que la charité im-

mense par laquelle il l'a offerte à Dieu en perdant la vie,

répandaut sou sang pour les pécheurs. a Si le sang des

Page 146: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. 111. PART. 143

boucs et des taureaux, dit cet Apôtre, sanctifie peux

qui ont été fouillés, en leur donnant une pureté exté-

rieure combien plus le sang de Jésus-Christ qui, par le

Saint-Esprit, s'est offert lui-même à Dieu comme une

victime sans tache, purifiera-t-il notre conscience des

œuvres mortes, pour nous faire rendre un vrai cutte au

Dieu vivant (Hebr. 9. 14).

Il dit ailleurs, (Gai. 2. 10), < Je vis en la foi du Fils de

Dieu, qui m'a aimé, et s'est livré lui même à la mort pour

moi, » Il répète la même vérité plus généralement et en

des termes de sacrifice en parlant à l'Église d'Ephèse:u Jésus-Christ nous a aimés, et s'est livré lui-même pour

nous en s'offrant à Dieu, comme une oblation et une

victime d'agréable odeur » (Ephèse, 5. 2.); et au verset 25:

« Maris, aimez vos femmes, comme Jésus-Christ a aimé

l'Église et s'est livré lui-même à la mort pourctle.

Comme il ne fait que continuer eelte même oblation

dans le sacrifice de la Messe, c'est aussi par le Saint-

Esprit et par sa charité qu'il le fait; et c'est ce même

Esprit sanctiilcateur que le Prêtre invoque sur le pain et

le vin qui servent de matière au sacrifice Veni Sanc-

tificator et benedic koc sacrificium tuo sancto nomini prœpa-ralum: afin de participer à cet Esprit de sacrifice, et

d'offrir et de sacrifier Jésus-Christ par le même Esprit

par lequel il s'est offert et sacrifié à son Père.

Page 147: Condren - Oratorien

144 IDÉB DU SACERDOCE

CHAPITRE IX.

C'est par la charité que tout ce que fait le chrétien est un

vrai sacrifice soit sur la terre soit au ciel où la charité

parfaite fait la perfection et la consommation du

Christ entier.

C'est ce même Esprit qui fait que tout ce que les chré-

tiens font sur la terre pour s'unir à Dieu d'une union

sainte, et qu'ils rapportent à ce souverain Bien, qui seul

nous peut rendre vraiment heureux, est aussi un vrai

sacrifice. L'homme même consacré et dévoué à Dieu est

un sacrifice, en tant qu'il meurt au monde pour ne vi-

vre que pour Dieu. (Aug. de Civ. Dei. L. 10.c. 6.)

Notre corps est un sacrifice lorsque nous le mortifions

pat la tempérance, et que nous le consacrons à Dieu

pour lui servir d'instrument de vertu et de justice « Je

vous conjure, dit l'Apôtre, (Rom. 12. 1.,) par la miséri-

corde de Dieu, de faire que vos corps soient comme une

hostie vivante, et agréable à ses yeux, afin de lui en

faire un sacrifice raisonnable et spirituel. » Si donc le

cerps qui n'est que le serviteur et l'instrument de

l'âme, est un sacrifice, lorsqu'elle rapporte à Dieu l'u-

sage qu'elle en fait, combien plus l'ame même en est-elle

un, lorsqu'elle s'offre à Dieu, afiu qu'embrasée du feu de

son amour, elle se dépouille de toute concupiscence du

siècle, et soit comme renouvelée par la soumission

qu'elle a à l'égard de cet Etre immuable.

Que si l'usage que l'âme fait de toutes les choses du

monde, de son propre corps et d'elle-même pour Dieu,

est un sacrifice, L'exercice des vertus, morales ou théo-

Page 148: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. ni. PART. 145

7

logales, de la Foi, de l'Espérance, de la Justice, de la

Tempérance, et de la Miséricorde, en est aussi un, quand

il est rapporté au souverain Etre. Car la miséricorde

même, dit S. Augustin que l'on exercé envers le pro-

chain, n'est pas un sacrifiçe, si on ne l'exerce pas en vue

de Dieu. Or, on ne peut rien faire pour Dieu, ni rien

rapporter à Dieu, ni pratiquer de véritables vertus, que

par la charité. « La vertu même, selon S. Augustin, n'est

autre chose que l'amour de Dieu, et toutes les différentes

vertus, que nous distinguons ordinairement, ne sont que

de divers mouvements et de différentes impressions de

cet amour dominant dans le cœur: amour non des cho-

ses créées, mais de Dieu seul, c'est-à-dire, du souverain

bien, de la souveraine sagesse et de la souveraine paix:

Nihil omnino esse virtutem alfirmaverim, nisi summum amo-

rem Doi ». etc (Rug. de Mor. Ecc. cath. c. 15.) II est donc

vrai de dire du sacrifice des vertus chrétiennes, ce que

saint Augustin dit de tout sacrifice visibie qu'il est un

sacrement, c'est-à-dire un signe sacré du sacrifice in-

visible, et que ce sacrifice invisible est celui de la charité.

Mais dans le ciel, où il n'y a plus de voiles la vérité

y étant présente à l'esprit toute nue et à découvert; où il

n'y a plus de signes, parce que le coeur de l'homme n'y

parle plus qu'à Dieu, qui en pénètre le fond où le chré-

tien n'est plus dans la nécessité d'emprunter ni des paro-

les, ni des figures, ni des sacrements extérieurs pour

rendre témoignage de sa soumission, de sa dépendance,

de son amour pour Dieu, pour attester qu'il le recon-

naît comme le principe et la fin de tout l'être créé, ni

pour rendre hommage à sa souveraineté, à sa toute puis-

sance, à sa sainteté infinies dans cette Église, dis-je, des

justes parfaits, comme parle S. Paul, la charité seule

adore Dieu, la charité seule toute simple et toute nue

Page 149: Condren - Oratorien

x 46 IDÉE DU SACERDOCE

loue Dieu, la charité seule sacrifie à Dieu, la charité.

seule fait toute la Religion et tout le culte de Dieu.

Jésus-Christ, avec qui tous les Élus, qui sont ses mem-

bres, ne seront qu'un cœur et qu'une àme, bien plus

véritablement etplus réellement, sans comparaison, que

,cela n'est dit des premiers chrétiens, sera avec eux l'ho-

locauste éternel, que le Saint-Esprit, comme un feu divin,

embrasera et consommera pour Dieu sans le détruire,

sur l'autel de la personne du Verbe, daas le sein du Père,

Je véritable Temple de Dieu.

C'est cette vérité que S. Augustin nous enseigne lors-

.qu'il dit (Cit. de Dieu l. 10. c. 60 Que toute la cité ra-

chelée, c'est-à-dil'e l'Église et la société des Saints est

le sacrifice universel offert à Dieu par le Grand Prêtre,

.qui s'est aussi offert lui-même pour nous dans sa Passion,

afin que nous fussions les membres dece Chef auguste,

selon la forme d'esclave dont il s'est revêtu. Car c'est sa

nature humaine qu'il a offerte à Dieu, et c'est en elle qu'il

.a été offert, parce que c'est selon elle qu'il est le Mé-

diateur, le Prêtre et le Sacrifice. Le sacrifice des chré-

tiens, dit-il plus bas, c'est d'être tous ensemble un mê-

me corps en Jésus-Christ. C'est ce que l'Église fait si

souvent par le sacrement de l'autel, que les fidèles con-

naissent, où elle apprend qu'elle est offerte cité-même

dans l'ublation qu'elle fait à Dieu. (1b. c. 20.) J.-C. en

est le Prêtre puisque c'est lui même qui offre le sacri-

fice, et qu'il est lui-même le sacrifice qu'il offre. Il a

voulu figurer cela dans le sacrifice que l'Église offre tous

les jours car comme elle est le corps de çe Chef adora-

ble, elle apprend de lui à s'offrir elle même par lui-

même.

C'est la charité qui commence ce sacrifice sur la terre

c'est la charité qui le perfectionne et le consomme dans

Page 150: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. III. PART.147

7.

le ciel, en perfectionnant le corps de J.-C., en consom-

mant l'union du Chef et des membres, et en les réduisant

tellement à l'unité divine, qu'ils soient un en un sens,

par le Saint-Esprit, qui est la charité substantielle dn

Père et du Fils, comme le Père et le Fils sont un par le

même Saint-Esprit, quoique d'une manière infiniment

plus parfaite. Car c'est sans doute de ce sacrifice que

parlaitJ.-C., quand il faisait cette prière à son Père:

Père saint, conservez en votre nom ceux que vous m'a-

vez donnés, afin qu'ils soient nn comme nous. afin

qu'ils soient un tous ensemble, comme vous, mon Père,

êtes en moi et moi en vous, qu'ils soient de même un

ea nous. Je suis en eux, et vous en moi, afin qu'ils

soient consommés en l'unité. afin qu'ils aient en eux ce

même amour dont vous m'avez aimé, et que je sois moi-

même en eux. » (Joan. i7.) C'est-à-dire, afin que le Saint-

Esprit, qui est cette charité éternelle, dont vous m'a-

vez aimé jusqu'à unir mon humanité au Verbe en unité

de personne, et qui est le principe et le lien qui font un

seul Christ du Fils de Dieu et du Fils de l'homme; que

cette charité, qui est votre Esprit, leur soit donnée dans

la plénitude de la mesure qui leur est destinée, pour être

éternellement unis en moi comme les membres dans

un même corps, unis à moi comme les membres à

leur chef, unis par moi à vous, comme un même esprit

pui adhoeret Deo unis spiritus est et afin que cette cha-

rité, les consommant avec moi dans l'unité, n'en fasse

qu'une victime et un holocauste, qui brûle et se sacri-

fie pour vous dans t'étefuité.

Page 151: Condren - Oratorien

148 IDiE Du SACERDOCE

CHAPITRE X.

Comment toutes les Inartics et conditions du sacrificesde

Jésus-Christ seront perfectionnées dam le ciel et d'abord

de la sanctification de la victime.

Voilà quel sera le sacrifice du ciel c'est-à-dire le

sacrifice de la charité, qui commence dès cette vie sur

la terre, et ne sera parfait et consommé en toutes ses

parties qu'en Dieu qui est charité, dans le temple, sur

l'autel et par le feu éternel, c'est-à-dire dans le Père,

dans le Fils et dans le Saint-Esprit. C'est par cette cha-

rité même que toutes les parties de ce sacrifice, que nous

avons marquées distinctement seront dans leur per-

fection.

Cela est clair de la première qui est la sanctification

de la victime, ou sa séparation de tout ce qui est pro-

fane. Car le Christ entier, c'est-à-dire J.-C et son Égli-

se, le Chef et les membres, sera parfaitement séparé du

monde et de tout usage contraire à la sainteté de Dieu.

Les chrétiens seront délivrés de l'asservissement à la

corruption de leurs corps, sous lequel ils soupirent et

gémissent en eux-mêmes, attendant l'effet de l'adoption

divine, qui sera la rédemption et la délivrance de leurs

corps mêmes, par la destruction entière de la cupidité

et par le règne, parfait de la charité. C'est ce que S.

Paul appelle la liberté glorieuse et triomphante des en-

fants de Dieu et ipsa creatura liberabitur a servitule

corruptionis in libertatem glorioe filiorum Dei.(Rom.8.)

L'Église ne sera plus exposée ni à l'envie des Juifs, ni

à la fureur des Gentils, ni à la rage des Hérétiques, ni aux

Page 152: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.— III. PART.149

attaques des esprits malins; mais elle jouira d'un repos

parfait et immuable, parce que son Dieu mettra sous ses

pieds tous les ennemis qui la combattent sur la lerre,

et qu'après en avoir triomphé, elle régnera sans con-

tradictiouet sans combat dans une tranquillité profonde

et éternelle. Elle n'aura même plus rien à craindre de la

part de ses propres membres, qui souvent se déchirent

les uns les antres dans son sein, ou qui rompent l'u-

nité du corps, dont ils sont les membres. Car alors il

n'y anra plus dans l'Église que des enfants de paix; il

n'y aura plus d'autre lieu que celui de la charité: et ce

lieu unissant tous les Élus et avec Dieu et entre eux-

mêmes, ils jouiront tous d'une paix admirable, qui sera

le bonheur de la vie éternelle: la paix de la Cité céleste

étant, comme la définit S. Augustin, une union très-

parfaite pour jouirde Dieu, et jouir les uns des autres

en Dieu et pour Dieu. (Aug. Cit. de Dieu, l. 19. c. 13.)

Car c'est cette paix qui fera que les hommes n'use

ront plus des créatures que selon Dieu, et pourDieu,

et que les créatures ne seront plus assujéties à la

vanité, comme elles le sont maintenant, c'est-à-dire,

à un usage vain, criminel, déréglé et contraire à l'ordre

dé Dieu. Les hommes n'useront plus des choses dont

ils doivent jouir, et ne jouiront plus de celles dont ils

ne doivent qu'user. Enfin J.-C., qui souffre encore jusqu'à

la fin des siècles dans ses membres, ne sera plus exposé

à aucune humiliation ni à aucune souffrante, parce qu'il

sera parfaitement retiré et à couvert dans le Temple de

Dieu, c'est-à-dire dans le sein de son Père.

C'est cette unique chose qu'elle demande ici-bas à-

Dieu Urearrtpetii à Domino, hane requiram, ut iuha6item

in DOMO DOMINI per omnes dies vitæ mem ut contempler

deleciationem Domini, et protegar TEMPLO EJUS: quoni-

Page 153: Condren - Oratorien

150IDÉEDUSACERDOCE

am absconditmein TABERNACULOSUO in diemalorummeorumprotexitme INABSCONDITOTABERNACULISUI

(Aug.inPs.62.)Nousavonsà distinguerdansces parolesdu Prophètequatre choses avecS. Augustin le Taber-nacle de Dieu, le secret du Tabernacle de Dieu la Matson de Dieu et le Templede Dieu.

LeTabernacle deDieu, c'est l'Église telle qu'elle estsur la terre durant son pèlerinage et dans le combat;car, comme-nousl'avonsdéjà remarqué après ce saint

Docteur, les tentes et les pavillons sont propres aux

voyageurset auxsoldatsqui combattent: Tabernaculum

peregrinantium,et quodallimodomilitanlium, et adversulhostemPugnantiumest. (Aug.inPi. 6.)L'Égliseest donc,durant cette vie, le tabernacle de Bieu et elle le sera

jusqu'à la fin des siècles alors les persécutions, les

pleur8, les cris, les travaux cesseront, et lamort mé-me sera détruite: « Dieuessuyera toutes les larmes de

leurs yeux, là mort ne sera plus, lespleurs, les cris etles travauxcesseront. » (Ap.21.)

Lesecret du Tabernaclede Dieu, C'est J.-C. mêmeen qui toutela vie, toute la sainteté et tonte la gloirede

l'Égliseest cachée:Vitavestraabscondilaest cumChristoin Deo.

La Maisonde Dieu, c'est le ciel qui'est la demeurééternelle des enfants de Dieu hic tabernaculum ibi

domus,ubisempermanebimus.

Enfinle Temple de Dieu, c'est son sein. Car c'est enDieumêmeque nous verronsDieu. C'est dans son sein,qu'en contemplantson essenceinfinie, nous jouirons detoute sorte de btens; et c'est dans ce templeéternel qnenous serons à Couvertde toute sorte de maux.

Les temples sont regardés avec raison comme deslieuxsacrésqui sont, durant cette vie les sources de

Page 154: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — III. PART. 151

tous les biens véritables et spirituels, et des asiles in-

violables contre les maux même tempOrels et contre les

insultes des hommes. C'est en cela qu'ils sont les figures

et les images de ce temple immense, éternel et _infini-

ment adorable, dans lequel J.-G. et tous ses membres

seront retiré., pour ne souffrir jamais aucun mat et

pour jouir toujours du souverain bien par la vue de

Dieu: Ut contemplerdelectalionem Domini, et protegar

Temploejus. C'est ainsi que porte la version dont S. Au'

gustin se servait, et dans laquelle nous trouvons avec

lui la preuve de ce que nous venons de dire: e Contem-

plabor ad delectationern, et protegax ad salutem. Quam erit

illa contemplatio perfecta, lam ista perfecta protectio: et

quam illud perfectum gaudiam contemplandi, tam perfecta

etiam incorruptio sanitatis. Rassasiés de la vue de Dieu,

nous serons comblés de joie; cachés dans le sein de

Dieu comme dans un temple, nous serons en sûreté. Au-

tant que la vue de Dieu sera parfaite, autant cet asile

sera inviolable: et autant que cette vue nous donnera de

joie, autant jouirons-nous d'une santé parfaite et inalté-

rable. Dieu, comme notre lumiére se fera voir à nous

et comme notre salut il nous cachera dans sou sein, et

nous mettra à couvert dans son propre Temple, selon

les premières paroles de ce méme psaume: Dominusiliu-

minalio mea cl salus mea quem tinebo? Nous sommes

cachés durant les maux de cetu. oie dans le corps de

Jésus-Christ, et dans J.-C. même, après avoir été séparés

de la masse des pécheurs; et cette miséricorde que nous

recevons dans le Tabernacle et dans le secret du Taber-

nacle, oous est un gage précieux de celle que nous es-

pérons recevoir dans la Maison et dans le Temple mê-

me dç Dieu Qui tantuin pignus dedit pergrinanii, non

deseret pervenientein. Celui qui, durant notre pèlerinage,

Page 155: Condren - Oratorien

152 IDÉE DU SACERDOCE

nous a donné un gage si précieux, n'aura garde de nous

abandonner quand nous serons parvenus jusqu'à lui.

C'est ainsi que la victime de Dieu sera parfaitement sé-

parée de tout usage profane et criminel, quand elle au-

ra été introduite dans son véritable Temple. Et comme

c'est la foi et la charité qui ont commencé cette sépara-tion sur la terre, en nous faisant entrer et demeurer dans

l'Église et dans J.-G c'est aussi la vue et l'amour de

Dieu consommé qui consommera cette séparation.

CHAPITRE XI.

Comment les quatre autres parties du sacrifice de Jésus-

Christ seront perfectionnées dans le ciel.

L'oblation de cette victime sera aussi parfaite et con-

comanée par la charité. Elle a été commencée parJ.-C,

dès le premier moment de sa vie divinement humaine

par ces paroles Me voici je viens, selon qu'il est écrit

de moi à la tête du Livre pourfaire, mon Dieu, votre

volonté. Mon Dieu, je ne veux rien autre, et votre loi

est gravée dans le fond de mon cœur. «(Ps. 39.) Ce n'est

que dans la gloire que s'accomplit pleinement la volon-

té de Dieu, et que sa loi est parfaitement gravée, non-

seulement dans le coeur et dans les entrailles de J.-C.

mais dans tous ses membres. C'est.la charité qui est cette

loi; c'est la charité qui soumet la volonté de i'homme à

la volonté de Dieu c'est la charité qui cherche la sancti-

fication de son nom; c'est la charité qui établit son rè-

gne c'est la charité qui fait sa volonté, et c'est par elle

que les Élus, avec leur Chef, s'offriront éternellement

à Dieu pour être consommés en lui par sa gloire ,Ce quifait la perfection de l'Oblation de cette Victime.

Page 156: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. III. PART. 153

7*

L'immolation qui se faisait des victimes légales, sur-

tout duns l'holocauste, détruisait les victimes pour Dieu.

L'immolation de J. -C. sur la croix a détruit sa vie hu-

maine et S. Paul nous apprend qu'elle a été détruite

afin que, par ce moyen, le corps du péché fût aussi dé-

truit en nous, notre vieil homme étant crucifié avec lui.

Ce corps du péché n'est autre chose que la cupidité et

la mortalité. L'une et l'autre sera détruite par la victoire

parfaite de la charité; cette destruction doit être com-

mencée dès ici-bas la première avant la mort, par une

charité dominante; l'autre par la mort même. Mais com-

me la charité de cette vie ne consume pas ordinairement

dans l'ame toute la cupidité; aussi la mort ne peut dé-

truire dans le corps tout ce qu'il y a de corruption, puis-

que la corruption même est une suite de la mort. Mais

la plénitude de la charité dans l'âme, et î'effusion de la

gloire dans le corps, y consumeront tout le reste de la

corruption la résurrection le fera dans le corps. Le feu

de la charité souffrante dans le purgatoire, et la charité

consommée et couronnée dans le ciel achèvent de dé-

truire dans l'âme les moindres traces de la cupidité: et

au moins l'instabilité de la charité, qui se trouve en cette

vie dans les plus grands Saints, sera parfaitement dé-

truite par le règne parfait de la charité.

C'est ce feu divin de l'Esprit de Dieu qui consumera cet

holocauste. « Car qu'est-ce qu'un holocauste, dit S. Au-

gustin ? C'est une victime toute consumée mais consu-

mée par le feu divin. Tel est le sacrifice que l'Église se

promet d'offrir dans le ciel, lorsqu'elle dit: Introibo in

domum tuam in holocaustis. Car c'est le corps de J.-C. qui

par)e ici, c'est l'unité du Christ qui dit à Dieu J'entrerai

dans votre maison pour y offrir un holocauste: parce que

tout ce que je suis, dit-elle, sera consumé par votre

Page 157: Condren - Oratorien

154 IDIE DU SACERDOCE

feu, afin qu'il ne me reste rien de moi-même et que tout

soit à vous. C'est ce qui se fera dans la résurrection des

morts, quand ce Corps corruptible sera revêtu de l'incor-

ruptibilité, et que ce corps mortel sera revêtu de l'immor-

talité alors cette parole de l'Écriture sera accomplie

La mort a été absorbée et détruite par une entière roietoire,

C'est la victoire du feu divin qui, quand il détruit et ab-

sorbe notre mort même, fait de nous un holocauste à

Dieu. Alors il ne reste rien de la mortalité dans notre

corps, il ne reste rien du péché dans notre âme. Tout

ce qu'elle a tiré de la vie mortelle sera consumé, afin

qu'eue soit toute consumée elle-même dans la vie im-

mortelle, non en perdant rien de ce qu'elle est, mais en

recevant une nouvelle vie qui pour jamais nous affran-

chira de la mort. Voilà l'holocauste que nous offrirons

en sacrifice dans le ciel. Quid est holocaustum? totam in-

censum, sed igue divino.. etc. (Aug. in. Ps. 65.)

Ce feu divin, qui consumera ainsi le Christ comme un

holocauste, n'est autre chose que la charité répandue

dans les cœurs par le Saint-Esprit: et c'est par cette

même vertu de l'Esprit de Dieu que nos corps mêmes res-

susciteront, et que la mort sera détruite par une parfaite

victime: « Car si l'Esprit qui a ressuscité Jésus d'entre les

morts habite en vous, dit S. Paul (80,8. 11.), celui qui

a ressuscité J.-C. d'entre les morts, donnera aussi la

vie à vos corps moetels par son Esprit qui habite en

vous.»

L'inflammation de la victime n'est presque pas ici

distinguée de sou immolation Ou destruction. Car la des-

truction de la cupidité dans l'âme des enfants d'Adam

nesefait que par la plénitude 4e la chatité et de la gloire;

et c'est ce qui enflamme ia victime et en fait un holo-

causte parfait. Ainsi la perfection de l'une fait là perfec-

Page 158: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. ——III. PART, t55

tion de l'autre. La plénitude de la gloire et la plénitude de

la charité étant inséparables, la charité consume toute la

Cupidité de l'âme; et la gloire détruira même dans le

corps tous les restes de la mortalité et de la corruption.

Enfin la communion de ce sacrifice est encore parfaite

et aecomplie dans la gloire par la perfection et la Con-

sommation de la charité. Car comme c'est par la Charité

que nous commençons en cette vie à communier à J..C.,

à son corps, à son esprit, à sa sainteté et à sa justice

c'est aussi par la charité consommée que nous commu-

nions parfaitement à Dieu et à J.-C. dans le ciel. C'est là

charité qui nous fait être ici-bas un même Corps avec

J.C-. par la communion Eucharistique, pour être un

même esprit avec Dieu qui adhœrel Deo unus spiritus est;

et la charité parfaite dans le ciel, en cousommant l'u-

nité des membres avec le Chef dans le Christ parfait et

accompli, nous unira aussi parfaitement à Dieu, nous fe-

ra entrer dans son sein, nous consommera dans sou

unité, et le fera habiter dans notre âme d'une manière

incomparablement plus intime, plus sainte et plus par-

faite, qu'elle ne le fait durant cette vie dans les plus

grands Saluts.

Ce sera alors que s'accomplira dans toute sa perfec-

tion cette promesse du Sauveur: « Si quelqu'un m'ai-

me, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous

viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. »

(Jo. 14. 13). C'est alors encore que s'exécutera ce que

J-C. a demaudé pour nous à son Père dans la prière de

son sacrifice Mon Père je désire que là où je suis

ceux que vous m'avez données y soient aussi avec moi

afin qu'ils contemplent ma gloire que vous m'avez don-

née. » (Jo. 17. 24.) C'est dans le sein du Père que le Fils

réside; c'est dans ce sein qu'il possède sa gloire; c'est

Page 159: Condren - Oratorien

156 IDÉE DU SACERDOCE

dans ce sein qu'il la reçoit; c'est dans ce sein qu' il la

communique à ses membres c'est dans ce sein que ces

membres la contemplent; et par conséquent c'est dans ce

sein que le Fils de Dieu désire qu'ils soient avec lui.

Voici comme S. Augustin explique ces paroles Volo

ut, ubiego sum, et ipsi sint mecum. ln Patre cumChrist o eri-

mus. Je désire qu'eux-mêmes soient avec moi où je suis.

Nous serons dans le Père avec J.-C. mais J.-C. y est en

sa manière, et nous y serons en la nôtre. Car si l'on peut

nommer lieu ce qui contient les choses spirituelles et

si une chose trouve son lieu partout où elle est; le lieu

éternel de J.-C. est où son Père a toujours été lui-méme

et le lieu du Père, c'est son propre Fils a Car je suis, dit-

il, dans mon Père, et mon Père est dans moi. » Et il dit

encore dans cette même prière Comme vous, mon Pè-

re, êtes en moi et moi en vous.. Ils sont eux-mêmes

notre lieu, selon ce qu'il dit ensuite afin qu'ils soient

eux-mêmes un en nous. Et nous sommes nous autres

aussi le lieu de Dieu même. etc. (Aag. Tr. 3. surS. Jean).'

Or, que nous soyons dans le sein de Dieu, et que Dieu

soit en nous pour l'éternité, c'est ce qu'on appelle la com-

munion, ici bas à J.-C. quand nous le recevons dans

notre sein et que nous nous nourrissons delui: et Dieu

sera tellement en nous que nous en serons rassasiés

Nam cibus ille cordis est il est la nourriture du coeur.

(A ug, in. Ps. 21).

Car nous ne serons pas sans nourriture ni sans breu-

vage. lors même que nous serons dans Dieu. Dieu mê-

me sera et notre breuvage et notre nourriture mais une

nourriture véritable, solide, éternelle, qui seule rassasie

pleinement le coeur, sans jamais pouvoir ni manquer ni

être consumée Non erimus sine esca et potu. Ipse erit ci-bus noster Deus, et potuinoïter. Solus ille cibus refuit, nec

déficit. (Aug. in Ps. 50.)

Page 160: Condren - Oratorien

ET Dü SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. III. PART.157

C'est de l'essence divine et de la vérité éternelle quenous vivrons éternellemenl Nous la recevrons par la bou-

che de la charité, qui sera alors dans la source même de

la vie et de la lumière. et nous en serons enivrés de l'a-

bondance de notre Dieu et du torrent de sesdélices

Inebriabuntur ab uberlale domus tua et torrent volupla.tis tua potabis eos quoniam apud te esl fons vitœ, et in

lumine tuo videbimus lumen. (Pi. 95.)

CHAPITRE XII.

Du sacrificede la louange éternelle qui naîtra de la plé-nitude de la charité. C'estpai- le sacrificede la pénitencechrétienne qu'on doit se,préparer au sacrificeéternel de

la charité consomméeet de la gloire parfaite, aussi bien

qu'au sacrifice et à la communionde l'autel de la terre.

C'est de la plénitude et du rassasiement de la lumièrede la vérité et de la vie, qui est Dieu même, que naltrala louange que tout le corps de J.-C. avec son Chef, Ple-nai-iumcorpus Domini (Aug. in Ps. 110), rendra éternel-

lement Dieu. Puisque la louange n'est autre chose, se-selon l'excellente définition qu'eu donne S. Augustin,

que le regorgement, pour parler ainsi, dela plénitude etdu rassasiement de Dieu LAUSDominaiest Pructatio

salurit alis illius (dug. inPs. 21.) et comme ce rassasie-

ment ne finira poiut, parce qu'ou ne cessera point d'ai-

mer Dieu, la louange aussi n'aura jamais de fin. « Car

dans ce repos éternel de l'esprit et du corps, qui fait la

félicité des Saints, nous nous reposerons en Dieu et nous

verrons Dieu. Nous le verrons et nous l'aimerons et nous

le louerons. C'est ce qui, à la fin des siècles, sera sans fin.

Page 161: Condren - Oratorien

158 IDÉB DU SACERDOCE

ELcelui que l'on verra sans fin, qu'on aimera sans dé-

goût, qu'on louera sans fatigue, sera lui-même la fin de

tous nos vœux et le comble de tous nos désirs. il sera

tout ce que les hommes peuvent honnêtement désirer;

vie, santé, banquet, richesse, gloire, honneur, paix,

en un mot toutes sortes de biens: afin que, comme dit

l'Apôtre, Dieu soit toutes Chosesen tous. (dug. de Civ. Dei.

cap. ult.)

« Combien grande sera cette félicité, qui ne sera tra-

versée d'aucun mal, et qui ne manquera d'aucun bien

et où l'on n'aura point d'autre occupation que de chanter

les louanges de Dieu, qui sera toutes choses en tous 1

Toutes les parties de notre corps, qui sont maintenant

destinées à certains usages nécessaires à la vie, n'au-

ront point alors d'autre usage que de concourir aux fou-

anges de Dieu: et toute cette harmonie du corps, qui

nous est maintenant cachée, se découvrant alors à nos

yeux avec une infinité d'autres choses admirables, nous

échauffera d'une sainte ardeur pour louer hautement un

si grand ouvrier. Bienheureux Seigneur, ceux qui ha-

biteront dans votre maison car ils vous loueront dans

les siècles des siècles. Ce sera l'unique occupation de

ceux qui n'auront plus rien à faire, le seul ouvrage de

ceux qui jouiront d'un saint loisir, l'action de leur

rcpos, et l'unique soin de ceux qui n'auront aucun soin

In secula ssculorum laudabunt te. Hoc erit otiosorum ne-

gotium, hoc opus vacantium, hœc actio quietorum, hœc

cura securorum. (Jug. in Ps.

Cette louange éternelle et ce cantique nouveau qui

fera toute l'occupation des Salats pendant ce sacrifice

(Aug. in Ps. i46.), qui ne finira point, sera le fruit de la

paix du ciel de l'unité parfaite du corps de J.-C. et de

la société inséparable de toutes ses parties qui seront

Page 162: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉUS-CHRlST. III. PAAT.159

liées ensemble par la charité sans crainte tlue ce lien

puisse jamais être rompu, ni ces membres divisés Ibi

laudabimus omnes unus in uno ad aRum erlmai. (Id. in

Ps. 147.) C'est là que nous le louerons, n'étant plus tous

qu'un seul corps dans un seul J,-C pour Dieu seul.

C'est la charité même qui louera Dieu Caritas laudabit

(Id. ire Ps- 149.) et qui le lonera de tout le cœur des élus,

et de tout ce qu'ils seront à jamais dans leciel, de lotis

nobis. (Id. in Ps. 148.) Cette louange ne sera plus du bout

des lèvres mais du fond de l'âme, parce que nous

aimerons Dieu de tout le fond de toute la plénitude et

de toute l'étendue du coeur et que nous serons enra-

cinés dans la charité, et la charité parfaitement enraci-

née en nous Holocausta medullata offeremus tibi, inlus

tenebimus charitem laam: non erit in superficie in me-

dutlis nostris crit quod dillgemus té. (in Ps. 65. v. 15.)

Voilà ta louange que nous chauterons dans le ciel le

sacrifice que nous y offrirons à Dieu. Le sacrifice que

Dieu demande de nous présentement, afin que nous

méritions d'offrir ce sacrifice céleste et éternel c'est

célui d'uu cœur pénitent; car si la pénitence est néces-

saire à un pécheur pour se préparer ;m sacrifice et à la

communion eucharistiques, combien plus est-elle néces-

saire pour pouvoir entrer dans ce temple adorable et

approcher de cet autel invisible et sublime où s'offre

le sacrifice éternel de la louange divine par le feu de la

charité divine et éternelle 1 Tuute la religion de la terre

n'est qu'une préparation à la religion du ciel. Le sacri-

fice et la communion eucharistiques, qui est ce quo

nous avons de plus grand et de plus saint dans nos mys-

tères, ne sont que des moyens pour nous mettre en

état d'offrir cet holocauste dans l'Église des Saints. Ce-

pendant quelle pureté ne doit-on pas apporter à l'autel

Page 163: Condren - Oratorien

160 IDÉE DU SACERDOCE

visible pour y sacrifier et y communier sous les signes

visibles au corps et au sang de J.-C. C'est les recevoir

indignement, selon les Pères, que de les recevoir au

temps oü l'on doit expier par la pénitence les péchéd

qui tuent l'àme Hoc est indigne accipere, si eo lempore

acciplat quo debes agere pœnitentiam.

On ne permettait pas même autrefois aux pénitents

avant qu'ils eussent accompli les degrés prescrits de la

pénitence, d'assister au saint sacrifice de la messe pas

même l'oblation du pain et du vin; mais, après avoir

entendu la parole de Dieu, et y avoir reçu l'impositiondes mains accoutumée, on les congédiait, le diacre leur

disant-à haute voix ces paroles Vous autres qui êtes

en pénitence, retirez-vous exite qui in pcenitentia

estis. L'Église use présentement d'indulgence envers

les plus grands pécheurs. Pourvu qu'ils ne soient pas

excommuniés, elle les souffre dans l'Église durant la

célébration des saints mystères, et elle veut bien qu'ils

y assistent, supposant qu'ils n'y viennent qu'avec au

moins quelque commencement de conversion et de

retour à Dieu.

Mais pour entrer dans le ciel et assister au grand sa-

crifice de l'éternité, il n'y a point de condescendance.

C'est une loi inviolable que rien d'impur, rien de souillé

n'y entrera. Il faut avoir payé à la justice de Dieu tout

ce qu'on lui doit, pour être reçu dans le temple du

sacrifice céleste il faut s'êlre purifié des plus petites

taches que les plus saints contractent sur la terre. C'est

pourquoi le saint Concile de Trente ne dit pas seule-

ment que toute la vie d'un pécheur, mais que toute la

vie d'un chrétien doit être une pénitence continuelle

afin de réparer, ou de conserver, et de faire croître l'in-

pocence et la pureté que demandent ce sacrifice et la

Page 164: Condren - Oratorien

ET DUSACRIFICEDE JÉSUS-CHRIST.—III. PART, 161

communion de la sainte et adorable Eucharistie afindit encore ce saint Concile, que les chrétiens se remet-

tant devant les yeux la majesté infinie et l'amour si

extraordinaire de Notre-Seigneur J.-C. qui a donné sa

vie souverainement aimable pour prix de notre salut,

et sa chair pour nourriture de uos âmes ils conçoi-vent pour ces sacrés mystères de son corps et de son

sang une foi si ferme et si inébranlable et des senti-

ments si vifs de dévotion, d'amour et de vénération,

qu'ils puissent recevoir souvent ce pain sursubstaotiel

qui soit vraiment la vie de leurs âmes et la santé perpé-tuelle de leurs cœurs. Fortifiés par le pain, qui fait toute

notre force, ils pourront de cette vie misérable où

ils sont étrangers et voyageurs passer à la patrie cé-

leste, pour y manger sans aucun voile ce même paindes anges dont ils sont présentement nourris sous les

voiles sacrés et mystérieux de l'Eucharistie. » C'est donc

à quoi il faut se préparer pendant cette vie par le sa-

cri0ce de la pénitence.

Oui, Seigneur le cœur contrit et humilié est mainte-

nant le sacrifice que vous ne refusez point. Mais ce cœur

contrit et humilié est l'ouvrage de votre grâce, l'effet

de votre miséricorde, un don que vous ne faites pas à

tous, par un jugement juste et impénétrable, et que vous

faites à qui il vous plait, par une volonté et une bien-

veillance toute gratuite. Nous le désirons nous le de-

mandons, nous l'espérons et l'attendons Seigneur de

votre bonté. C'est sur ce fondement que doit être élevé

l'édifice de notre salut et le comble de la charité mais le

fondement est l'ouvrage de votre main. Faites-le en

nous, Seigneur; élevez dans notre cœur l'édifice de

l'a charité sur le fondement d'une foi humble et d'une

espérance ferme en votre grâce, afin que nous puis-

Page 165: Condren - Oratorien

162 IDÉE du SAGERDOCE

sions être votre royaume dès cette vie Regnum Dei

intra vos est et que vous soyez notre Jérusalem

dans l'éternité. C'est là que nous vous offrirons un

sacrifice qui vons sera agréable en toutes manières

le grand sacrifice de la justice parfaite et de la charité

consommée. C'est là que vous recevrez l'oblation uni-

que et éternelle du corps plein et accompli de votre Fil«.

C'est alors que cet holocauste divin sera entièrement

embrasé, non dans un temple de pierres mais dans le

temple de votre sein non sur un autel figuratif et mi-

nistériel, mais sur votre propre autel Altare tuum, qui

est votre Fils même: non par un feu profane et étran-

ger, mais par le feu sacré de votre Esprit. Totos nos di-

vénus ignis absumat, et fervor ille lolos arripiat. Quis

fei-vor Nec est qui se abscondat calore ejus. Quis fervor

de quo dicit Apostolus Spiritu ferventes. Non lantilm ani-

ma nostra abstimatur ab illo igne divixo sapientiœ sed et

corpus nostrum ut mereatur ibi immortalitatem. Sic le-

vetur holocaustum, ut absorbeatur mors in victoriam. Que

nous soyons tout ardents, tout brrllants de ce feu divin,

et que cette chaleur nous embrase et nous consume

jusqu'au fond des entrailles. Quelle est cette chaleur

sinon celle dont il est dit t Personxe ne peut se défendre de

sa chaleur? Quelle est cette chaleur? c'est celle que l'A-

pôtre nous recommande en disant: Conservez la ferveur

de CEsprit. Que notre âme ne brûle doue pas seulement

de ce feu divin de la eagesse mais que notre corps mê-

me en soit embrasé, pour mériter d'être revêtu de l'im-

mortalité dans le ciel et que cet holocauste soit telle-

ment consumé et sacrifié pour Dieu que la mort soit

absorbée et détruite par une entière victoire. Aug. in

Ps. 60.)

Page 166: Condren - Oratorien

QUATRIÈNIE PARTIE.

CONTENANT LES PRIÈRES QUI SE DISENT TOUS LES

JOURS DANS LA CÉLÉBRATION DE LA SAINTE

MESSE EXPLIQUÉE D'APRÈS LES

DISCOURS PRÉCÉDENTS.

PRÉFACE.

Combien un prétre doit être saint pour offrir le sacrifice

de Jésus-Christ en la personne de Jésus-Christ même.

Les dispositions qui sont nécessaires pour communier

dignement ne suffisent pas pour bien dire la Messe Il

faut sans doute beaucoup plus de sainteté pour consa-

crer Jésus-Christ que pour le recevoir. Car, par la com.

munion, nous participons à J.-C. comme ses membres;

mais dans le sacrifice, nous le consacrons en sa person-

ne, et comme tenant sa place. C'est J..C. lui-même qui

consacre en nous, et nous ne faisons que lui prêter notre

langue, nos mains et notre esprit pour une action si

grande et si divine. Et plût à Dieu que nous fussions fi-

dèles, non à lui prêter, mais à lui donner aussi pour

cela notre coeur un cœur purifié par son Esprit et em-

brasé de la charité Serait-ce trop de la pureté d'un an-

ge et de la charité d'un Séraphin pour un ministère si

haut et si sublime, et pour tenir ta place du Pontife éter-

nel, saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs,et élevé au-dessus des cieux?

Page 167: Condren - Oratorien

164 IDÉE DU SACERDOCEj

On n'aura pas de peine à demeurer d'accord de celle

vérité, si l'on fait réflexion qu'il n'y a qu'un seul Sacri-

fice, qu'un seul Sacerdoce et qu'un seul Prêtre dans la

Religion Chrétienne; et que comme c'est toujours le

même et unique sacrifice de J.-C. qui est offert dans

tous les siècles et dans tous les lieux de l'Église; c'est

aussi son même et unique Sacerdoce dans tous les prê-

tres, qui ont été depuis lui et qui seront jusqu'à la fin

des temps. Car comme tous les chrétiens ne font qu'un

corps avec J.-C. dont ils sont les membres aussi tous

les Prêtres ne sont qu'un Prêtre avec J.-C. qui les as-

socie à son Sacerdoce, et qui continue par eux sur la

terre le sacrifice qu'il y a commencé, comme il conti-

nue de l'offrir par lui-même dans le ciel à la Majesté

souveraine de Dieu.

Ce qui fait voir encore que la célébration de la Messe

est une action bien plus grande et bien plus sainte que

la communion, c'est que la communion est surtout

pour l'utilité de la créature qui y trouve sa sancti-

fication en s'unissant avec Dieu dans sa victime; au

lieu que la consécration et l'oblation de cette victime

regardent Dieu directement que c'est en cela que

consiste l'essence du sacrifice, et que c'est pour ces

effet que le prêtre est consacré Prêtre. Car le sacrifice

ne peut être sans la consécration, ni sans l'oblalion

et il n'est pas certain qu'il ne pût être sans que la créa-

ture communiât à la victime, comme il se faisait dans

l'holocauste. C'est un devoir et une obligation indis-

pensable des créatures envers Dieu de lui offrir des

sacrifices; mais c'est une grâce et une miséricorde

toute gratuite de Dieu envers les créatures de les ad-

mettre à la communion de sa victime, c'est-à-dire

de le recevoir à sa table, de leur faire manger sou pro-

Page 168: Condren - Oratorien

ET DD SACRIFICE DB JESUS-CHRIST. IV. PART. 165

pre pain et les faire boire, co mme parle S. Paul, dans

son calice et dans sa coupe.

S'il est donc vrai que le Prêtre n'est qu'un même Pré-

tre avec J.-C. et qu'il n'exerce son Sacerdoce dans le

sacrifice de la Messe qu'eu la personne de J.-C même

n'est-il pas clair aussi qu'il ne doit l'offrir que dans son

esprit et dans ses dispositions? Il doit l'offrir comme

lui dans l'esprit de sacrifice, dans l'amour de la croix et

dans la disposition de se sacrifier et de mourir lui-mé-

me pour Dieu. Car c'est dans ces dispositions etdanscet

esprit que J.-C. institua ce sacrifice de son corps et

de sou sang, qu'il les offrit à son Père et qu'il les don-

na à ses Apôtres, lorsqu'il était sur le point de se li-

vrer lui-même aux bourreaux et d'aller mourir sur la

croix.

Cette disposition n'est pas l'ouvrage d'un quart

d'heure, ni, si vous voulez, d'une heure, que l'on peut

prendre pour se préparer à célébrer le saint sacrifice

de la Messe. Elle ne peut être que l'effet de la grâce de

J.-C. en nous, et du travail de plusieurs années, qu'onaura employées par son secours à mortifier ses sens, à

combattre tous les mouvements de la cupidité, et à cru-

cifier sa chair avec ses convoitises, pour pouvoir être

conforme à J.-C. comme victime, avant que de lui être

associé comme Prêtre. Car comme Jésus-Christ n'est

entré dans la perfection dans tous les droits et dans les

fonctions de son Sacerdoce éternel dans le. sanctuaire

du ciel, qu'après avoir été victime sur la croix; de mê-

me ceux qui sont destinés à être rendus participants de

la puissance et de la grandeur de son Sacerdoce et à

offrir le sacrifice terrible de son corps, doivent avoir

travaillé, et travailler toujours encore, à crucifier et à

faire mourir le vieil homme en eux-mêmes. C'est J.-C,,

Page 169: Condren - Oratorien

t66 IDÉE DU SAGERDOCE

ressuscité qui est le Prêtre du eiel il n'appartient aussi

qu'à un homme renouvelé et, pour ainsi dire, ressusci-

té, de faire la fonction céleste de son Sacerdoce. En un

mot, pour être Prêtre. avec J.-C., il faut être victime

avec lui, victime embrasée du ciel.

Cela supposé, il faut que le Prêtre, avant d'approcher

de l'autel pour offrir le sacrifice, commence à s'y dis-

poser eu se mettant en la prdsence de Dieu par la foi,

pour y entrer dans une profonde humiliation de coeur,

et reconnattre sincèrement combien il est éloigné de la

sainteté où il devrait être pour exercer le Sacerdoce de

J.-C. Il doit prier Dieu de détourner les yeux de ses pé-

çhés, pour ne regarder en lui que sou Fils et son Sacer-

doce, de lui donner un cœur nouveau, et l'esprit du Sa-

cerdoce et du sacrifice de J.-C. Il peut se servir pour

cela de ces quatres versets du Ps. 50. en se les appli-

quant ainsi, on en la manière que l'Esprit de Dieu lui

inspirera.

Averte faciem tuam a peccatis mels, et omnesiniquitates

meas dele.

Mon Dieu, détournez vos yeux de mes péchés-, et

ne regardez en moi que J.-C., votre Fils, dont vous m'a-

vez fait membre et en qui veus avez voulu que je fusse

votre Prêtre. Puisque vous voulez que j'exerce son Sa-

cerdoce, et que je vous offre son sacrifice pour adorer

votre souveraine Majesté et satisfaire à votre justice« effacez, Seigneur, toutes mes iniquités, de peur que

je ne l'irrite par la vue de mes péchés au lieu de J'apai-

serparmes prières.

Cor mundum crea in me, Deus, et spiritum rectum in-

nova in visceribus meis.

«0 Dieu, créez en moi un cœur pur, un coeur vraiment

sacerdotal, un cœur qui n'adore que vous, qui n'aime

Page 170: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICEDEJÉSUS-CHRIST.—IV. PART. 167

que Tons, qui ne sacrifie qu'à vous, et qui vous sacrifie

toutes choses et donnez-moi de nouveau cet Esprit

droit, qui m'élève, m'applique et m'attache unique-

ment à vous, et qui me fasse tout rapporter à votre

gloire.

Neprojicias me a facie tua, et Spiritum sanctum tuum ne

auferas a me.

Je sais, mon Dieu, que mes infidélités me rendent

indigne de recevoir de nouveau cet esprit de sacrifice

qui peut seul me donner la confiance de m'approcher

de votre autel, et de me présenter devant vous mais

pour l'amour de votre Fils ne me rejetez pas de devant

votre face. Ne me traitez pas, s'il vous plait, selon mes

péchés ni selon la rigueur de votre justice traitez-moi

plutôt selon la grandeur de votre miséricorde, et selon

les mérites de J.-C. votre Fils.

« Ne retirez pas de moi votre Esprit-Saint » remplis-

sez-moi plutôt de cet Esprit sanctificateur sans lequel

le sacrifice même que je me dispose d'offrir à votre Ma-

jesté, quoique en lui-même le plus saint des sacrifices

et la source de toutes les bénédictions du Ciel, serait

pour moi un sacrifice de colère et de malédiction.

Redde mihi I&tiliarn salutaris tui et spiritu principali

confirma me.

« Redonnez-moi la joie de cette présence et de cette

opération salutaire par laquelle J.-C. a promis de se

trouver dans ses ministres jusqu'à la consommation des

siècles, pour faire en leur personne et leur faire faire

par son Esprit les fonctions de son Sacerdoce éternel.,

Qu'il n'y ait rien de moi et que je ne sois rien par moi-

même dans cette grande action du sacrifice mais que

je sois tout à J.-C. Que j'y sois rempli, fortifié et tout

animé de l'Esprit de son royal Sacerdoce, de l'esprit de

Page 171: Condren - Oratorien

168 IDEE DU SACERDOCE

sacrifice cet esprit céleste qui fait regarder comme

un néant tout ce qui est la lerre cet Esprit Principal qui

élève l'homme au-dessus de toutes choses et lui met

toutes choses entre les mains pour les sacrifier toutes

avec J.-C. à votre gloire Ainsi soit-il.

ORDINAIRE DE LA MESSE.

On peut diviser l'Ordinaire de ta Messe en six parties.

La 1erecontient la préparation qui se fait au bas de l'Au-

tel. La 2me depuis l'Introît jusqu'au Credo ce qui,s'ap-

pelait autrefois la messe des Catéchumènes, parce que,

après cette partie de la messe, à laquelle ils avaient

permission d'assister on les congédiait. La 3medepuis

cet endroit jusqu'au Canon. La 4'" depuis le Canon jus-

qu'au Pater; car ce qu'on appelle proprement le Canon,

finit à l'Oraison Dominicale, comme on l'apprend de St.

Grégoire-le-Grand. La 5medepuis cette prière, où com-

meuce la préparation à la communion, jusqu'à la com-

munion inclusivement. La 6". contient l'action de grâce,

c'est-à-dire le reste de l'Ordinaire de la Messe.

PREMIÈRE PARTIE DE LA MESSE.

Préparation au Sacrifice.

De la préparation particulière on passe à la prépara-

tion publique qui se fait au pied de l'autel, après s'être

revêtu des ornements du Sacrifice et l'on commence

par le signe de croix.

1. « In nomine Patris. Au nom du Père, et du Fils et du

Saint-Esprit. Ainsi soit-il. à

Page 172: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. IV. PART.169

Pour offrir et sacrifier à Dieu une victime il faut

avoir pouvoir sur elle et pour l'immoler il faut avoir

droit sur sa vie. Donc, pour sacrifier et immoler J.-C.

la Victime de Dieu, il faut avoir droit sur la vie de J.-C.

Or, il n'y a que Dieu qui ait droit sur la vie de son Fils

Incarné, et qui ait pouvoir sur lui. C'est pourquoi J.-C.

n'a pu être livré à la mort par Judas, ni par les Juifs

ni par Pilate, et il n'a pu s'y livrer lui-même, comme

St. Paul dit qu'il l'a fait « J.-C. a aimé l'Église et s'est

livré lui-même pour elle comme une oblation et une

victime agréable à Dieu » (Eph. 5) il ne l'a pu, dis-je

que parce que son Père l'avait livré le premier, comme

le marque aussi l'Apôtre. « Dieu n'a pas épargné son pro-

pre Fils mais il l'a livré à la mort pour nous tous.

(R. 8). Il est donc vrai que J.-C. n'a pu s'offrir et se sa-

crifier à son Père qu'en l'autorité de son Père même

et qu'en qualité de Prêtre du Très-Haut qualité qu'iln'a pas prise de lui-même, dit SI. Paul, mais à laquelle

il a été appelé de Dieu et qu'il a reçue de son Père qui,

en le reconnaissant pour son Fils par ces paroles« Vous êtes mon.Fils je vous ai engendré aujour-

d'hui déclare tout-de suite qu'il est son Prêtre pourl'éternité « Vous êtes le Prêtre éternel selon l'ordre de

Melchisédech. » (Hrb. 5. 5). Car par cette qualité de Prê-

tre du Très-Haut: Sacerdos De! Altissimi, J.-C. est revêtu

du pouvoir et du droit que le Créateur a sur toutes les

créatures, non pour en faire toutes sortes d'usages

mais pour les immoler à la gloire de Dieu et les sacri-

fier à sa souveraine Majesté en reconnaissance de ce

qu'il est le souverain Etre, le principe et la fin de tout

être créé.

On peut même dire que J.-C. considéré comme le

Prêtre de son Père a plus de pouvoir et un droit plus

Page 173: Condren - Oratorien

170IDEE DU SACERDOCE

étendu et plus absolu sur les créatures, qu'il n'en a

comme roi des Anges et des hommes. Car en cette

dernière qualité, il nous gouverne, nous régit et nous

conduit à Dieu mais en la première il a droit de nous

immoler et de nous sacrifier à Dieu. Sa royauté ne s'é-

tend que sur ses membres mais il exerce son Sacer-

doce sur Iui-même. Il est Prêtre pour l'éternité, et il

exercera éternellement son Sacerdoce en s'offrant lui-

même, ettous ses membres avec lui en un holocauste

éternel à la gloire de Dieu au lieu que son royaume

semble devoir cesser à la fin des siècles, quand son

corps sera arrivé à son âge parfait. Car comme dit S.

Paul, «J.-C. doit régner jusqu'à ce que son Père lui ait

mis tous ses ennemis sous les pieds, et la mort sera le

dernier ennemi qui sera détruit. Alors viendra la fin

et la consommation de toutes choses Ioisqu'il aura re-

mis son royaume à Dieu son Pére, et qu'il aura détruit

tout empire, toute domination et toute puissance. 1)(1.

Cor. 15 25.) Eu effet il ne paraît pas quel usage il pourra

faire alors de sa royauté car elle n'est que pour régir

et conduire les sujets, et pour les défendre contre leurs

ennemis, et alors ils seront arrivés à leur fin, où ils se-

ronl tout consommés en Dieu et où ils n'auront plu.;

d'ennemis à craindre et à combattre. Au lieu que c'est

proprement alors qu'il commencera d'offrir pour l'éter-

nité son sacrifice dans sa dernière perfection tous ses

membres, qui font parlie de sa victime, lui devant être

alors unis et son corps devant avoir sa plénitude et sa

perfection qu'elle n'aura pas eue auparavant.Pouh revenir donc à l'explication de ces paroles In

nomine Pairis puisque Jésus-Christ n'a pu s'immoler

lui-même qu'en la puissanceetl'autorilé deDieu son Père,

qui seul a droit sur sa vie et que comme revêtu de ce

Page 174: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.171

8.

droit en qualité de son Prêtre Sacerdos Dei Altissimi:

nous, qui ne faisons que continuer son sacrifice et exer-

cer son sacerdoce, nous ne pouvons, non plus que lui,

le faire autrement que par la permission, en la puissance,

et en l'autorité de son Père comme c'est à lui de nous

donner droit de sacrifier son Fils, en qualité de Prêtres

du Très-Haut. C'est par l'autorité du Père que nous le

sommes c'est par son choix et par sa vocation que

nous sommes appelés à ne faire qu'un seul Prêtre avec

son Fils. Et comme c'est lui qui l'a sacré d'une huile de

joie du Saint-Esprit même et de la divinité, d'une ma-

nière plus excellente que nous et qui nous fait parti-

ciper à la sainteté à la puissance et à la gloire de son

sacerdoce, c'est par lui et en son nom que nous en de-

vons faire les fonctions.

C'est aussi in nomine Filii AU NOM DU FILS; c’est-à-

dire en sa personne et en sa place comme faisant par-

tie de cet unique Prêtre et comme ayant été associés

à son sacerdoce revêtus de sa puissance et remplis de

son esprit afin qu'il fit sur la terre par notre minis-

tère, ce qu'il a fait par lui-même sur la croix, et ce

qu'il fait encore dans le ciel par lui-même.

C'est enfin AU NOMDUSAINT-ESPRIT que nous sacri-

fions J.-C. c'est-à-dire et en sa vertu et en sa sainteté.

C'est par lui que le Prêtre et la victime de ce sacrifice

ont été formés dans le sein de la vierge (Guc. 1. 35.)

par lui le Père a oint et consacré ce Prêtre (Joa. 10. 36.),

et sanctifié cette victime et nous en lui (Acl. 10. 38.);

par lui ce Prêtre s'est offert et sacrifié lui-même à Dieu

comme une victime sans tache (Heb. 9. 14.); par luicette victime a été consommée dans sa résurrection

et ce Prêtre est entré dans la perfection dans l'état et

l'usage éternel de son sacerdoce (Rom,1. 4. Heb. 3. 8. et

Page 175: Condren - Oratorien

172 IDÉE nu SACERDOCE

9.) par lui nous avons été faits membres du Prêtre et de

la Victime de ce sacrifice (Joan. 3. 5.) et par lui nous

avons été associés à sou sacerdoce. (Joan. 20. 22.)

C'est donc au Nom du Père, du Fils et du Saint-Es-

prit que nous offrons le sacrifice non en considérant

les personnes divines telles qu'elles sont en elles-mê-

mes'de toute éternité car de cette manière elles ne

produisent rien hors d'elles-mêmes et ne sanctifient per-

sonne mais en les regardant par rapport au mystère de

l'Incarnation à la mission du Saint-Esprit et à l'accom-

plissement et des mystères de J.-C. et de la sauctifica-

tion de ses membres. Car, comme en qualité de chré-

tiens, nous devons faire toutes nos actions au nom du

Père, qui a envoyé, incarné, livré à la mort et ressus-

cité son Fils pour nous au nom du Fils, qui s'est incar-

né, qui a souffert est mort, ressuscité monté au ciel,

et qui a envoyé le Saint-Esprit sur son Église au nom

du Saint-Esprit, qui a été envoyé par le Père et le Fils

et répandu dans nos cœurs pour notre sanctification

de même, en qualité de Prêtres, nous ne devons, et nous

ne pouvons, offrir le sacrifice qu'au nom des trois per-

sonnes considérées dans ces rapports: et je dois dire

dans ce même sens, ces paroles, au commencement

de la Messe:

Au nom du Père dont je suis Prêtre

Au nom du Fils en qui je suis Prêtre:

Au nom du Saint-Esprit, par qui je suis Prêtre.

Au nom du Père en l’autorité de qui je sacrifie

Au nom du Fils en la personne de qui je sacrifie

An nom du Saint-Esprit en la vertu de qui je sacrifie.

Au nom du Père, à qui j'offre le sacrifice

Au nom du Fils, que j'offre en sacriüce

Au nom du Saint-Esprit, par qui j'offre le sacrifice.

Page 176: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. FART. i73

Cela nous fait connaître combien nous devons être

morts à nous-mêmes, dans quelle séparation de toutes

les choses de la terre dans quelle pureté, dans quellé

sainteté nous devrions être pour nous approcher de l'au-

tel, et pour pouvoir dire véritablement les paroles qui

commencent la préparation au sacrifice combien nous

devrions être unis à Dieu; combien remplis de son Es-

prit, combien intimement et efficacement retirés, per-

dus et anéantis en J.-C. pour exercer son sacerdoce et

continuer son sacrifice, et pour pouvoir dignement dire

cn sa personne et en son esprit Iloc ést cor·pus ttaeum

Ne devrions-nous donc pas trembler, quand nous di-

sons que c'est au nom du Père, du Fils et du Saint Es-

prit que nous approchons de l’Autel? Craignons, comme

nous en avons très-grand sujet, que ce ne soit en notre

propre nom, par notre propre vocation, par le mouve-

ment de notre cupidité, dans l'aveuglement de notre es-

prit, dans les imperfections et les défauts de notre

amour-propre, dans la dissipation de notre cœur, et

peut-être avec une âme toute pleine de l'esprit du mon-

de et de ses cupidités.

U. Introibo. Je m'approcherai de l'aWel de Dieu rle

rct acetel qui est Dieu, qui me renouvelle et me remplit

de la joie de son Esprit.

Les autels que nous voyons sur la terre ne sont pas ie

propre autel de Dieu. Ce sont des autels ministériels,

qui nous représentent le véritable Autel de Dieu, qui est

dans le ciel et qui n'est rien moins que la personne

même de Jésus-Christ, cet Autel sublime qui n'est pas,

seulement en la préseuce dé la majesté de Dieu mais

qui est Dieu, et sur lequel le prêtre dans le sacrifice

même, demande que le sacrifice soit porté par les mains

de son saint Ange. C'est l’Autel qui est absolument né-

Page 177: Condren - Oratorien

174 IDÉB DU SACERDOCE

cessaire pour offrir un sacrifice vraiment digue de Dieu,

et qui est seul absolument nécessaire; les autres ne l'é-

tant que par l'institution de l'Église, et par rapport à

l'état où elle est présentement. D'où il est arrivé quel-

quefois que le sacrifice a été offert sans ces sortes d'autels

sur lesquels nous consacrons. J.-C. s'offrit dans ses pro-

pres mains les Apôtres ontoffert, ou sans autel, ou sur

des autels différents des nôtres; saint Ltrcien le fit sur sa

poitrine. Théodoret surles mains des diacres dans la cel-

lule de saint Maris Anachorète, et plusieurs Saints, dans

les prisons des Martyrs. Le seul Autel réel, véritableéternel et digne du sacrifice éternel, véritable, c'est la

Subsistance ou Personne du Verbe qui soutient, vivifie

et sanctifie la victime de Dieu, c'est-à-dire l'humanité

de J.-C., et la rend digne d'être offerte à Dieu, Altare

quod sanctificat donum, comme dit J.-C. (Matt. 23. 19.)C’est l'autel qui sanctifie le don et la victime, comme

étant infiniment plus digne, et c'est de cette personne

ou subsistance que l'humanité reçoit sa dignité sa

sanctification et son excellence.

Autrefois dans le temps des ombres et des- figures,on regardait comme les plus parfaits sacrifices ceux

qui s'offraient dans le temple qui avait été bâti sans

qu'on entendit un seul coup de marteau, sur un autel

de pierres qui n'avaient point été travaillées, et avec le

feu descendu du ciel. Maintenant que la vérité a suc-

cédé aux figures, c'est dans le sein du Père éternel, quiest le véritable Temple sur la subsistance du Verbe,

tlui est le véritable Autel, et par le Saint-Esprit, qui est

le feu sacré descendu du ciel sur les Apôtres en forme

de feu que la victime de Dieu, qui est J.-C. même

est offerte et sacrifiée à la majesté divine.

C'est dans ce temple, sur cet autel et par ce feu, que

Page 178: Condren - Oratorien

ET DC SACRIFICE D8 JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 175

J.-C. s'est offert et s'est consumé durant toute sn vie et

dans sa mort à la gloire de Dieu; et c'est ce même Au.

tel que nous devons avoir devant les yeux de notre foi,

quand nous approchons de l'autel de pierres qui le

représente, pour consacrer, offrir et sacrifier cette

même victime à son Père, et nous avec elle et nous

pouvons prendre en ce sens les paroles que nous disons

au pied de l'autel Introibo ad altare Dei.4d Deum; de

cet Autel qui est Dieu et Fils de Dieu qui lœtificat ju-

ventulem meam; qui, en me renouvelant par sa qualité

de Fils et de Prêtre de Dieu, remplit mon cœur de la

joie de son Esprit.

III. « Judica me, Deus. Jugez-moi, mon Dieu, mais ne

me traitez pas comme vous traitez les impies: délivrez-

moi de l'homme injuste et trompenr. »

Un prêtre qui se trouve à l’autel sur le point de sacri-

fier J.-C., et qui compare son impureté avec la sainteté

ilu Prêtre dont il tient la place, et de la Victime qu'il va

offrir élève son cœur à Dieu et lui demande justice

contre lui-même et contre ses passions qui sont comme

un peuple séditieux toujours prêt à ce soulevcr contre

son roi. Il accuse devant lui cet homme de péché qui

habite au fond de son cœur, cet homme plein d'injus-

tices, ab homine iniquo; cet homme double, trompeur

artificieux et hypocrite, et doloso; ce vieil homme qui

entraîne le nouveau dans sa corruption cet homme

né selon la chair, qui persécute sans cesse celui qui

est né selon l'esprit; cet esclave, qui veut assujettir

l'homme affranchi et racheté et ce Prêtre demande à

Dieu qu'il le fasse jouir de la liberté quo J.-C. lui a ac-

quise par son sang et par son sacrifice, eh le délivrant

de l'asservissement Où il est par sa corruption. Il Idi

demande qu'il le sépare du vieil homme et qu'il ré-

Page 179: Condren - Oratorien

176IDÉE DU SACERDOCE

veille en lui l'esprit de la nouvelle créature. il lui de-

mande la mnrt d'Adam et la destruction du corps du

péché la ruine ne l'orgueil et de l’amour-propre, et

désire que J.-C. et son Esprit, son humilité et sa charité

vivent, opèrent etrègnent uniquement en lui, a0n que,

se trouvant tout renouvelé, et comme ressuscité, il

puisse continuer son sacerdoce et son sacrifice, qui

n'ont eu leur perfection que dans la vie et par la vie

ressuscitée de J.-C.

IV. Quia tu es, Deus. Car c'est vous, ô mon Dieu,

qui êtes ma force. Pourquoi. donc m'avez-vous rejeté

pourquoi me laissez-vous dans la tristesse et m'aban-

donnez-vous à la persécution et à la puissance de mon

ennemi ? »

Nous ne pouvons espérer l'effet de cette prière que par

la grâce de Dieu, qui s'est fait notre force. C'est là la foi

du Prêtre c'est son aveu an pied des autels c'est son

espérance, sa confiance et sa consolation mais qui ne

l'empêche pas de sentir les attaques de cet ennemi qu'il

porte dans son sein. La joie qu'il a de ce que Dieu est

sa force, n'éteint pas la crainte de sa propre faiblesse,

parce qu'il sait que Dieu n'est actuellement la force que

de ceux qu'il lui plaît, et qu'il ne voit rien dans son

propre fonds qui ne soit capable d'irriter contre lui et

d'éloigner de lui celui sans qui il ne peut rien. Il sait

que la force et la vertu de consacrer J.-C. est en lui

quoiqu'il ne la sente pas parce que c'est J.-C. même

qui fait en lui et par lui un effet si admirable. C'est ce

qui exerce sa foi mais c'est aussi ce qui le fait trembler

et qui lui donne une tristesse salutaire et une sainte

frayeur de voir une puissance si grande dans un vase

si fragile un ministère si saint dans un pécheur le

Sacerdoce de J.-C. dans une misérable créature qui

Page 180: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 177

8*

n'est capable d'elle-même que de le profaner et d'eti

abuser, comme Judas. Sa foi et l'expérience de ses mi-

sères lui font regarder cet abus et celte profanation

comme inévitables, si Dieu n'est sa force et son sou-

tien et son indignité lui fait craindre qu'il ne l'aban-

donne à lui-même, c'est-à-dire à son plus grand ennemi,

dont l'amour et les caresses lui sont plus dangereuses et

plus funestes que les plus cruelles vexations et les plus

violentes hostilités. C'est ce dui fait qu'il s'écrie Ah

mon Dieu vous êtes ma force: ne m'abandonnez point,

et ne me livrez pas à cet ennemi domestique et intérieur,

qui m'afflige et me désole par sa malignité et par ses

persécutions continuelles. »

V. « Emitte lucem tuam. Faites luire sur moi votre

lumière et votre vérité pour me conduire car c'est à la

faveur de ces guides que je m'approche de votre sainte

montagne et de votre sanctuaire. »

Les ombres et les ligures sont passées la lumière de

la foietla vérité de la religion leur.ont succédé. L'heure

est venue que les vrais adorateurs doivent adorer le

l'ère, et lui sacrifier en esprit et en vérité. C'est pour

cela que le Prêtre implore le secours de la lumière vé-

ritable qui est l'Esprit de Dieu et de la vérité lumi-

neuse, qui est son Fils pour sacrifier à sou Père en

la personne de ce Fils même, par le feu de son divin

Esprit, le corps et le sang de sa Victime, qui est en-

core ce Fils adorable. Sans cette lumière nous ne

voyons point d'autre temple que ce temple de pierres

point d'autre autel que cet autel matériel, ni d'autre ta-

bernacle que celui qui renferme le St.-Sacrement; mais

avec les yeux d'une foi vive et éclairée, nous découvrons

la vérité et la réalité de toutes ces choses, qui ne sont

que ministérielles et représentatives, et ce véritable

Page 181: Condren - Oratorien

178IDÉE Du SACERDOCE

tabernacle qui n'est pas fait de main d'hommes; ce

temple éternel, et ce sanctuaire adorable, le sein du

Père cet autel sublime et divin la Personne du Fils

qui est dans le sein du Père c'est-à-dire dans. son pro-

pre temple, et dans lequel il offre sur cet autel sa pro-

pre Victime, l'Agneau et la Victime de Dieu. C'est là la

sainte montagne de Dieu et le sanctuaire dans lequel le

Prêtre désire d'entrer en esprit, éclairé de la lumière

de la foi et conduit parla vérité même qui est J.-C.

quand il dit Répandez, Seigneur, votre lumière dans

mon esprit et que votre vérité soit dans mon cœur,

pour me découvrir celte sainte montagne, qui est vons-

méme pour me conduire dans ce temple et ce sanc-

tuaire qui est votre sein, et pour me faire approcher de

cet Autel sublime qui y réside, de votre véritable Autel,

qui est votre Fils.

VI. « Et Introibo ad altare Dei. Je m'approcherai de

l'autel de Dieu de Dieu qui me rend un homme Lotit

nouveau, en me faisant participer par sonsacerdoce à cette

huile dejoie dont il a été sacré lui-même. »

J.-C. n'est entré dans la perfection de son sacerdoce

qu'après avoir été entièrement renouvelé par la résur-

rection de son corps et il n'est entré dans le temple et

le sanctuaire de Dieu, qui est le sein de son Père, qu'a-

près avoir dépouillé tout ce qu'il avait de l'image du

vieil homme et de la ressemblance de la chair du péché.

Les prêtres ne peuvent pas encore avoir un corps res-

suscité, qui soit conforme au corps glorieux de leur

Chef; mais ils doivent être renouvelés et ressuscités dans

l'intérieur de leurs âmes. Et quoiqu'ils portent encore

un corps vil et abject, il doivent néanmoins vivre en

esprit dans le ciel, bien plus que le commun des chré-

tiens, comme en étant non-seulement citoyens aussi

Page 182: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART.1 179

bien qu'eux, mais comme en étant en quelque façonles ministres et les prêtres par le Sacerdoce de J.-C. Ils

doivent y être par uue espérance ferme, par un désir

ardent par une foi vive, qui leur rende toujours pré-

sents ce temple, ce sanctuaire et cet autel où est offert

le sacrifice de J.-C. Mais surtout quand ils se voient au

pied de l'autel de terre qui est ici-bas, ils doivent por-

ter leur esprit jusqu'à cet autel sublime et divin qui leur

ust ouvert; demander à J.-C. qu'il purifie et renouvelle

leur cœur, qu'il embrase leurs désirs, et qu'il y répande

la joie dn sacrifice, la joie d'avoir à offrir à Dieu un

culte digne de lui et une Victime proportionnée à sa

Grandeur.

C'est dans cet esprit que le Prêtre doit avoir dit les

premières paroles que l'Église lui présente pour se pré-

parer au sacrifice: Quam dilecta tabernacula. Que votre

sanctuaire et votre tabernacle sont aimables ô Dieu

qui faites de si grandes merveilles dans votre Église

Mon âme languit et se consume du désir d'entrer dans

votre Temple, et d'approcher de votre Autel. Mon cœur

et ma chair en brûlent d'ardeur, et ils tressaillent de

joie de se présenter au Dieu vivant, avec une si sainte

Victime. Comme le passereau qui a trouvé une de-

meure, et la tourterelle un nid pour ses petits, y mettent

toute leur joie qu'ainsi vos autels soient toutes mes dé-

lices, ô Seigneur des merveilles et que votre sein, où

repose votre Fils unique, ou il se sacrifie à vous soit

toute la joie et tout le repos de mon cœur, ô mon Sou-

verain et mon Dieu! 1»

VII. « Confitebor tibi. Je chanterai vos louanges sur

la harpe, ô Dieu qui êtes vraiment mon Dieu. Pour-

quoi, mon âme vous laissez-vous aller à la tristesse

et pourquoi me troublez-vous ?.

Page 183: Condren - Oratorien

180 IDÉE DU SACERDOCE

Le Prêtre, dans l'espérance qu'il a que Dieu ne le

rejettera pas de son autel, mais lui permettra de lui of-

frir son Fils en sacrifice continue à ressentir et à dé-

couvrir la joie de son cœur dans l'attente d'un si grand

bien. Je chanterai vos louanges avec joie et d'une ma-

nière digne de vous, ô Dieu qui étant Dieu de tonte

éternité, indépendamment de toute créature, avez bien

voulu être notre Dieu dans le temps, d'une manière

particulière en unissantnotre nature à votréFils. Je vous

bénirai en vous offrant ce Fils, qui est votre louange

éternelle, et en consacrant sur votre autel son corps

adorable, cet instrument divin qui étant touché par les

hommes en sa passion, a rendu un son si harmonieux à

vos oreilles, par l'adoration l'action de grâces et tout

le culte et l'honneur qu'il vous a rendus.

Cette joie que donne le sacrifice de J.-C. et la con-

solation qu'un Prêtre ressent dans son coeur dans l'e-

exercice d'un ministère si saint, n'empêchent pas qu'il ne

tremble et n'entre dans la tristesse de l'humiliation et

de la pénitence au contraire, c'est la sainteté même de

ce ministère qui l'épouvante car, se voyant si indigne

d'une action si divine, il craint que Dieu ne le frappe

comme un Oza, ou qu'il ne le chasse loin de son autel

comme un profane. C'est dans ce trouble et dans cette

tristesse salutaire, qu'il est obligé de s'encourager lui-

même et de se dire « Pourquoi mon âme vous

laissez-vous aller à la tristesse, et pourquoi vous trou-

blez-vuus ? »

VIII. « Spera in Dco. Espérez en Dieu; car je lui of-

frirai encore le sacrifice de sa louange c'est lui quiest mon espérance et ma joie c'est lui qui est mon

Sauveur et mon Dieu. a

Car que reste-t-il à celui que la vue de son indignité

Page 184: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV PART. 181

jette dans ce trouble et dans cette tristesse sinon de

s'abandonner à Dieu, de mettre en lui toute sa confiance,

d'espérer qu'il ne permettra pas que le sacrifice qu'il va,offrir tourne à son jugement et à sa condamnation, mais

plutôt à la gloire de Dieu à la confusion du diable à

la ruine de son empire, à la destruction du corps du

péché, à la perfection du corps de l'Église et à la sanc-

tification du Prétre P11espère donc d'offrir cette victime

salutaire à l'autel, et de l'offrir encore un jour dans le

ciel: et l'unique fondement de son espérance, c'est

J.-C. même qui est son Sauveur et son Dieu par qui

il attend une vie nouvelle, et en qui il espère jouir de

la vue de Dieu, après qu'il aura été entièrement dé-

pouillé du vieil homme.

IX. « Gloria Patri. Gloire soit au Père, et au Fils et

auSt-Esprit et qu'elle soittelle aujourd'hui et toujours,

et dans les siècles des siècles qu'elle a été dès le com-

mencement et dans toute l'éternité. Ainsi soit-il.

La gloire de Dieu est la fin du sacrifice et de toutes

les grâces que le Prêtre demande pour l'offrir digne-

ment à Dieu.

C'est la gloire du Père de recevoir l'hommage et l'a-

doration de son propre Fils.

C'est la gloire du Fils d'être lui-même la victime de

son Père, de faire que toutes choses lui soient agréa-

bles lui étantofferts avec lui et par lui, et de recevoir

lui-même comme Dieu avec son Père l'honneur qu'il

lui rend comme homme par son sacrifice.

C'est la gloire du St-Esprit de sanctifier cette victime

d'être l'Esprit par lequel elle s'ofFre elle-même à Dieu

d'être le feu sacré qui la consomme et la fait passerdans l'Être divin.

Enfin, c'est la gloire de la très-sainte Trinité et le triom-

Page 185: Condren - Oratorien

182 IDÉE Du SACERDOCB

phe de sa sagesse et sa puissance que les efforts

que le démon a faits en pourtant l'homme au péché

pour le détourner de Dieu, n'aient servi qu'à le faire re-

tourner à Dieu plus parfaitement en J.-C. à le consa-

crer plus dignement à sa grandeur par le sacrifice, et

à le consommer plus divinement dans son unité.

C'est par ce moyen que Dieu retrouve la gloire qu'il

s'est voulu rendre dès le commencement, et que le dé-

mon lui avait voulu ravir dans l'homme et c'est par

cette voie qu'il l'établit pour l'éternité d'une manière

incomparablement plus sainte, plus divine et plus digne

de lui-méme.

X. lntrofbo ad allare Dei. J'entrerai à l'autel de

Dieu; de Dieu qui remplit ma jeunesse d'une sainte

joie. »

L'Église ne se lasse point de faire répéter au Prêtre

ces paroles pour lui remettre continuellement dans

l'esprit.les trois vérités qu'elles renferment. 1° La sain-

teté de l'autel snblime et divin dans lequel il doit entrer

ça esprit, en même temps qu'il s'approchera de l'autel

matériel et visible car il ne fait que s'approcher de

celui-ci, mais il entre dans celui-là. 2' Qu'un prêtre de-

vrait être comme un aigle, et comme un aigle rajeuni

et renouvelé par la force de sa foi, par la vivacité de son

espérance, par l'ardeur de sa charité que son esprit

devrait toujours être élevé de la terre vers cet autel

sublime; ses yeux toujours attachés sur le soleil de

justice; son cœur toujours en mouvementpour ne cher-

cher et ne goùter que les choses d'en haut, où Jésus-

Christ est à la droite de Dieu son Père. 3° Que c'est de

J.-C même et de sa plénitude qu'il doit recevoir ces

dispositions saintes. Faites, ô souverain Prêtre, que

j'entre dans l'esprit et dans la joie de votre vie nou-

velle, où vous ne vivez plus qu'à Dieu.

Page 186: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 't 83

XI. « Adjutorium nostrum.. Que la grâce dont nous

avons besoin nous soit donnée au nom du Seigneur

qui a fait le ciel et la terre. »

Le Prêtre ne cesse de s'occuper par un double re-

gard, de la grandeur de l'action qu'il va faire et de

l'extrême indignité où il se voit. Il est, d'un côté obligé

de s'élever en esprit jusqu'au sein de Dieu jusqu'à ce

sanctuaire et à cet autel véritable du sacrifice et,, de

l'autre, la vue du ministère qu'il doit exercer le fait

retomber tout d'un coup dans l'abîme de sa misère et

de son indigence indigence si grande qu'il a besoin

de tout misère si extrême qu'il est indigne de tout. Il

n'a qu'une seule ressource dans cet état. C'est la grâce

de Dieu, acquise par les mérites de J.-C., cette victime

même qu'il doit offrir, qui n'a besoin de rien et qui mé-

rite et possède touL C'est donc au nom du Seigneur

qu'il met sa confiance. Il sait que rien n'est impossible

à celui qui a fait le ciel et la terre et que nulle indignité

ne le rebute, quand elle est couverte des mérites de

J.-C. C'est donc aussi au nom de J.-C. qu'il demande et

qu'il attend le secours dont il a besoin c'est-à-dire,

que c'est comme uu des membres de J.-C. par les mé-

rites de son sang, par l'entremise et la médiation de

son Sacerdoce et par la vertu de son sacrifice qu'il

désire avec ardeur qu'il demande avec humilité et

qu'il attend avec confiance la grâce dont il a besoin.

XII. Confiteor Deo. Je me confesse à Dieu Tout.

puissant, à la bienheureuse Vierge Marie toujours Vier-

ge. »

Comme c'est l'humiliation du cœur qui fait monter la

prière jusqu'aux oreilles de Dieu et qui fait descendre

sur nous sa grâce et sa miséricorde le Prêtre s'humilie

par une accusation générale et publique de ses fautes,

Page 187: Condren - Oratorien

184 IDÉE DU SACERDOCE

Il se confesse non-seulement à Dieu et à Jésus-Christ,

mais encore à la Ste Vierge et à tous les Saints, qui doi-

vent juger le monde à la fin des siècles, et qui sont tous

intéressés dans les offenses que l'on commet contre Dieu.

Le peuple et toute l'Église en la personne du minis-

tre qui sert à la Messe, s'humilie s'accuse et fait une

amende honorable de ses péchés au pied de l'autel

pour se purifier aussi bien que le Prêtre parce qu'en-

core que tous ceux qui assistent à la Messe ne consa-

crent pas, ils offrent tous néanmoins le sacrifice avec

le Prêtre, et tous y doivent communier, au moins spi-

rituellement et par le désir de leur cœur. Après cette

humiliation et cette pénitence publique, le Prêtre et le

peuple s'animent d'une nouvelle confiance que donnent

ordinairement ces deux vertus.

XIII. « Deus, tu conversus. Mon Dieu, tournez vos

regards vers nous, et vous nous donnerez une nouvelle

vie et votre peuple se réjouira en vous. »

Dieu se détourne du pécheur parce que le pécheur

se détourne de Dieu en tombant dans la mort du péché:

et il ne peut retourner à Dieu si Dieu, pour lui rendre

la vie de la charité ne jette sur lui un regard de grâce et

de miséricorde. Cette nouvelle vie, cette résurrection

est suivie de la joie qui est le fruit de la justice et de

la charité. C'est ce que demande le Prêtre pour lui-

même et pour le peuple de Dieu. Car il sait que vou-

loir entreprendre d'exercer le ministère de la réconci-

liation avant d'être réconcilié, c'est irriter Dieu au lieu

de l'apaiser. Il sait que le sacrifice est un mystère de

résurrection et de joie et que ceux qui croupissent, ou

qui ont croupi longtemps dans la mort du péché doi-

vent pleurer leurs péchés et faire pénitence et non pas

vouloir entrer dans le sanctuaire pour y porter le sang

Page 188: Condren - Oratorien

ET Dû SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 185

de la Victime de Dieu, et le présenter devant le trône

de sa souveraine Majesté. C'est pour cela qu'il demande

d'être tout renouvelé dans son intérieur et d'être com-

mè changé en un autre homme. Il demande cette mê-

me grâce pour le peuple, faut parce que le peuple doit

offrir avec lui le même sacrifice et y communier au

moins spirituellement, que parce que le peuple fait un

seul Prêtre avec lui, comme le Prêtre fait une même

victime avec le peuple, et que c'est J.-C. même qui,

en sa personne et en tous ses membres, est le seul vé-

ritable Prêtre du Très-Haut et la seule véritable victi-

me. Car tous ceux qui lui sont unis et incorporés en-

trent dans ses qualités et dans ses états sont Prêtres et

victimes en lui, offrent et sont offerts avec lui à Dieu

son Père sans confondre néanmoins la distinction qui

subsiste toujours entre les Prêtres ministériels et ceux

qui ne le sont pas tous les vrais chrétiens possédant

l'esprit et la grâce du sacerdoce de Jésus-Christ, sans en

avoir l'autorité ni le ministère.

XIV. Ostende nobis.. Faites-nous ressentir, Seigneur,

les effets de votre miséricorde, et faites-nous le don sa-

lutaire que nous attendons de vous. »

Quelque confiance que le Prêtre ait témoignée, par

les paroles précédentes, de recevoir une nouvelle vie

et d'entrer dans la joie de son Seigneur l'idée de son

indignité et de sa misère se représente toujours à son

esprit, et il ne peut s'empêcher d'appréhender que Dieu

en ne considérant que lui, ne le regarde dans sa colère.

Il redouble donc ses prières et ses gémissements et.

en même temps qu'il s'abaisse vers la terre par le sen-

timent de son indignité et de l'humiliation qu'il porte

dans son coeur il poussè ces paroles vers le ciel Sei-

gneur, montrez-nous votre miséricorde, et donnez-

Page 189: Condren - Oratorien

186 IDÉE DU sscasnoca

nous encore une fois cette victime salutaire qui peut

seule vous satisfaire pour nous, afin que nous puissions

vous l'offrir en sacrifice pour votre gloire.

XV. Domine, exaudi.. Seigneur, écoutez nos prières

et ne fermez pas les oreilles à nos cris. o

Ou plutôt Seigneur, ne nous écoutez pas, puisque

nous ne savons ni ce que nous devons demander, ni le

demander comme il faut; mais écoutez votre Fils qui

voua parle pour nous écoutez les gémissements ineffa-

bles de votre Esprit, qui prie aussi lui-même en nous

et pour nous. Car vous pénétrez le fond des cœurs, et

vous entendez bien quel est le désir de l'Esprit qui de-

mande pour les Saints ce qui est conforme à votre vo-

lonté et à vos desseins adorables.

XVI. « Dominus vobiscum.. Que le Seigneur soit avec

vous Qu'il soit aussi dans votre esprit

Afin donc que ce ne soit que J.-C. et son Esprit qui

prient et dans le Prêtre et dans le peuple, durant les

sacrés mystères qui vont commencer, le Prêtre souhaite

que J.-C. soit au miliea des fidèles et au fond de leurs

cœurs et les fidèles font le même souhait et la même

prière pour le Prêtre, se réunissant tous ainsi en J.-C.

pour offrir la prière des prières et la louange des lonan-

ges, qui est le sacrifice; et c'est pour renouveler cette

union qu'ils répètent si souvent durant la Messe cette

même prière. On la fait jusqu'à huit fois dans la Messe,

et il serait à souhaiter qu'on la fit avec beaucoup de ré-

flexion, et qu'elle servit à renouveler l'attention et du

Prêtre et du peuple et à les faire souvenir que pour

bien prier Dieu, et pour lui bien offrir J.-C. dans ce saint

sacrifice il faut avoir J.-C. même dans son cœur être

animé de son esprit et pénétré de son amour.

XVII. Après cela; le Prêtre monte à l'autel, toujours

Page 190: Condren - Oratorien

ET DU SACRIPICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.187

hamilié par la vue de ses péchés et demandant à Dieu

qu'il l'en délivre pour pouvoir s'approcher du Saint des

Sainls avec un esprit et un cœur purs. Il dit

« Aujer a nobis. Effacez et détruisez Seigneur, nos

iniquités afin que nous puissions nous approcher du

Saint des Saints avec la pureté de l'esprit et du cœur:

nous vous en prions par Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Ainsi soit-il. »

XVIII. Comme au pied de l'autel il a fait à tous les

Saints la confession de ses péchés, il emploie aussi main-

tenant leur intercession pour en obtenir le pardon et en

être purifié, sachant qu'ils ont le zèle de la sainteté de

Dieu et de son sanctuaire qu'ils offrent dans le ciel le

même sacrifice que nous offrons sur la terre et qu'on

ne le peut offrir qu'avec eux et dans leur communion.

C'est ce que fait le Prêtre par cette prière « Oramus te,

Domine. Nous vous prions Seigneur, par les mérites

de vos Saints dont les reliques sont ici et de tons les

autres Saints de daigner me pardonner tous mes pé-

chés. Ainsi soit-il. »

En faisant cette prière il baise l'autel pour s'unir à

J.-C. le vrai Autel que celui-ci représente, et aux Saints

de J.-C. qui sont les martyrs dont les reliques sont enfer-

mées dans l'Autel même. Ils ont mérité, en donnant

leur vie et en répandant leur sang pour J.-C., d'être

regardés plus particulièrement que les antres Saints

comme une même victime et un même autel avec J.-C.

car on sacrifie sur leurs tombeaux et sur leurs corps

qui ayant été sanctifiée par leur immolation et par,

l'effusion de leur sang en sacrifice, méritent d'être eux-

mêmes l'autel sur lequel Jésus-Christ se sacrifie. Ce qui

nous apprend que, plus nous avons de part aux souf-

frances de J.-C., plus aussi nous lui sommes unis, et

Page 191: Condren - Oratorien

188 IDÉE DU SACERDOCE

nous avons une communion plus parfaite à son sacri-

fice. « Nous ne dressons pas un autel à S. Etienne, mais

nous faisons à Dieu un autel des reliques de S. Etienne.

Nos in islo loco non aram fecimus Slephano sed de reli-

qieus Stephani arma Deo. (Aug. Serm. 318 de S. Sleph )

SECONDE PARTIE DE LA MESSE.

Depuis l'Introït jusqu'au Credo.

1. L'Introît. -Le sacrifice de fEucbaristie est l'adora-

lion et l'action de grâces que la société des fidèles offre

à Dieu pour toutes les miséricordes, tous les bienfaits

reçus de lui tant par leur Chef que par tous ses mem-

bres. C'est un effet et un témoignage de la joie qu'a

l'Église de voir le corps de J.-C. se former et s'édifier

par la charité croître et s'élever de jour en jour par la

sanctification des Élus (Eph. 4.) s'approcher sans cesse

de te perfection où cet homme doit arriver, et être près

d'atteindre la plénitude de son âge et le terme de la per-

fection que Dieu lui a destinée de toute éternité pour

être consommé dans l'unité divine, que Jésus-Christ de-

mandait à son Père le jour de son sacrifice.

C'est par l'accomplissement des mystères de J.-C-

(Heb. 2.) que Dieu, par qui et pour qui sont toutes choses,

voulant conduire à la gloire plusieurs enfants, a con-

sommé et perfectionné par les souffrances Celui qui

était le Chef et le prince de leur salut. Et c'est par l'imi-

tation de la vie et de la mort de ce Chef adorable et

par la dernière perfection de leur charité, que les

Chrétiens entrent pour toujours dans le corps glorieux

de Jésus-Christ qu'ils en deviennent la plénitude et la

perfection, et qu'ils sont pour l'éternité Prêtres et vic-

times de Dieu en J.-C.

Page 192: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV PART.189

Ce sont les deux sujets qui ont partagé les solennités

de l'Église dans ses commencements et durant ses pre-

miers siècles ou elle n'a point eu d'autres fêtes que

celles des mystères de J.-C. et de l'anniversaire des

Martyrs Et si elle a solennisé la dédicace des Basiliques

ou des Églises, ce n'a été qu'après plus de trois siècles

et que par rapport aux mystères de J.-C. et à la mémoire

des Martyrs sous le nom ou sur le tombeau desquels

elles étaient consacrées à Dieu, et dont le sang avait élé

le prix de la paix de l'Église et de la liberté dont elle

jouit dès lors, d'adorer et de louer Dieu publiquement

et de lui offrir son grand sacrifice à la vue de toute ia

terre.

La raison que l'Église avait d'en user ainsi est qu'il

n'y a presque que le martyre qui rende aux hommes un

témoignage indubitable de la charité parfaite des Saints,

et queleur mort, les rendant visiblement les victimes

de Dieu avec J.-C. ne permet pas de douter qu'ils

n'aient été reçus comme un sacrifice très-agréable sur

cet Autel sublime qui est devant la Majesté de Dieu.

C'est la conduite que l'Eglise a tenue à l'égard des Mar-

tyrs dans les siècles des Martyrs, durant lesquels il était

difficile d'être saint sans être martyr.

Mais la paix a aussi ses martyrs, selon la parole d'un

saint, et une vie toujours crucifiée suivie d'un nom

dont Dieu atteste la sainteté par des miracles suffit à

l'EDlise pour s'assurer qu'un membre de J.-C. est réuni

à son Chef dans le ciel et pour en remercier et louer

Dieu dans le sacrifice.

C'est dans l’Introit de la Messe qu'elle propose ordi-

nairement le sujet de la fête, et où nous connaissons

par les louanges qu'elle emprunte des psaumes et dont

elle fait l'application de quel mystère de Jésus-Christ

Page 193: Condren - Oratorien

I90 !Dis DU SACERDOCE

elle veut Célébrer la mémoire ou à l'occasion de quelSainl elle désire louer Dieu par le sacrifice qu'elle-vaoffrir.

II « Kyrie Eleison. Seigneur, ayez pitié de nous.»

Après la proposion du mystère, ou du Saint, que l'É-

glise honore chaque jour, elle commence à rendre ses

devoirs à Dieu et à faire entrer ses enfants dans des dis-

positions qui les préparent au sacrifice.

Avant toutes choses, elle demande miséricorde par

cette prière « Kyrie Eleison. qu'elle adresse aux trois

Personnes de la Très-Sainte Trinité, la répétant trois fois

a chaque Personne, à limitation de St. Paul Ter Doml-

numrogavi.» Ce qui marque la perfection de la prière.

III. Gloria in excelsis Deo. Cette prière, en forme de

louange et de cantique, est une extension et une expli-

cation de celui que les anges chantèrent à la naissance

du Sauveur, lorsque, obéissant à l'ordre de Dieu ils

descendirent aussi en terre pour venir l'adorer dans la

chair dont il s'était revêtu, et pour annoncer aux bom-

mes le mystère de leur réconciliation qui devait bientôt

s'accomplir par le moyen de la Victime de Dieu qui

venait de naître.

Les Prêtres, qui sont les anges de la terre, imitant

ceux du ciel et s'unissant à eua, annoncent aux peuples

le mystère de la paix des hommes accompli par le sa-

crifice de J.-C., et se préparent à le renouveler en com-

mençant par louer, bénir, adorer, glorifier Dieu et lui

rendre grâces, dans la vue de sa gloire Infinie, de sa

souveraineté et de sa toute-puissance.Elle rend aussi ses devoirs à J.-C. s'appliquant par-

ticulièrement à ses deux qualités de Fils unique de Dieu

et de Victime unique de Dieu, seul dans son sein comme

Fils, seul dans son sein comme Victime Agnus Dei

Filius Patris. qui tollis peccala mundi.

Page 194: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.— IV. PART.191

Ou peut encore remarquer sur ce cantique, que le

Prêtre, les ministres de l'autel et tout le peuple, entrent

dans un respect tout particulier, et s'inclinent devant la

Majesté de Dicu, en disant ces paroles « Aderamuste

nous vous adorons Gratias agimus tibi propter magnam

gloriam luam, nous vous rendons grâces à cause de votre

grande gloire Qui lollis peccala mandi, suscipe depreca-

tionem nostram, vous qui expiez les péchés du monde,

recevez favorablement notre prière n parce que ces

quatre paroles expriment les quatre fins du sacrifice

d’adoration.

IV. La Collecte, ou Oralson. L’Église, dans la pre-

mière oraison 'nous découvre clairement, et en forme

de prière le mystère qu'elle nous a annoncé en

général dans l'Introït; c'est-à-dire qu'elle y annonce le

mystère dn jour, ou la grâce qui y éclate davantage,

qui en est le propre effet, et que nous devons demander

à Dieu par ce mystère Ou bien elle nous découvre la

vertu qui a été la plus propre au Saint, et que nous de-

vons particulièrement honorer en lui et demander à

Dieu par son intercession.

V. L'Eptire, l’Evangile et le Credo. L'Epître et l'Evangile

nous représentent la Loi et les Prophètes, l'Evangile de

J.-C. et la Doctrine des Apôtres, dont nous devons faire

profession pour avoir part à la nouvelle alliance que

Dieu contracte avec nous par J.-C. l'unique Médiateur

entre Dieu et les hommes en vertu de son sang et de son

sacrifice.

Avant d'offrir le sacrifice de la nouvelle alliance et

de faire l'effusion secrète et mystérieuse du sang de J.-C.

sur l'autel par le sacrifice, et dans les cœurs des fidèles

par la communion le Prêtre, qui tient la place de J, C.

même, prend le livre de la Loi, ou ceux des Prophètes et

Page 195: Condren - Oratorien

192lDÉE DU SACERDOCE

des Apôtres, qui en sont les interprètes et les prédica-

teurs, d'où les Epitres sont tirées, et puis l'Evangile

de J.-C. et en fait la lecture au peuple afin qu'il fasse

profession de la loi de J.-C. annoncée par les Prophètes,

écrite par les Évangélistes et expliquée par les Apôtres.

C'est ce que le peuple fait par le CREDO, qui suit l'É-

pître etl'Évangile. C'est une profession publique de sa

foi. C'est une protestation authentique de garder invio-

lablement la loi de Dieu et les maximes de J.-C. C'est le

serment de fidélité par lequel il s'engage à la sainteté

à ne vivre et à n'agir que pour Dieu, que selon J.-C. et

que par son Esprit et dans son Esprit. C'est ce qu'il faut

donc faire en lisant ou écoutant l’Épître. C'est d'écouter

Dieu qui nous y parle par les Prophètes, ou J.-C. qui

nous y enseigne par ses Apôtres et par ses Évangélis-

tes de se donner à l'Esprit de Dieu pour entrer dans

ses vérités, y soumettre notre esprit, y ouvrir notre

cœur et en faire la règle de notre vie.

A l’Évangile, nons devons adorer J.-C. comme le

nouveau Moïse et le véritable législateur qui nous ap-

porte la loi qui vivifie et nous donne la force de l'ac-

complir. Il faut donc écouter J.-C. ses actions et ses

paroles avec un grand respect et une application sin-

gulière,. avec un cœur humble et docile avec un désir

sincère et ardent d'accomplir celte Loi, et lui deman-

der avec confiance sa grâce et son nouvel Esprit pour

entrer dans la perfection de ses voies et dans la sain-

teté de son Évangile.

TROISIÈME PARTIE DE LA MESSE.

Depuis le Credo jusqu’au Canon.

1. Credo. Le symbole de la foi étant un abrégé de

l'Évangile, il le faut dire dans ce même esprit, deman-

Page 196: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART.193

9

der une foi vive et agissante, la force de ne- point rou-

gir des vérités chrétiennes et de les mettre en pratique.

On doit aussi repasser dans son esprit avec une dispo-

tion d'adoration et de reconnaissance les mystères de

Jésus-Christ, qui sont contenus dans le symbole, et qui

font les différentes parties du sacrifice du Fils de Dieu.

Il. L’Offertoire. Si le prêtre offrant la matière qui

doit être consacrée, et qui n'est pour lors encore que du

pain et du vin la nomme néanmoins l'Hostie très-pure

et le Calice salutaire, qui doit expier les péchés du

monde, et procurer la vie éternelle aux élus, c'est par

anticipation, à peu près comme Notre-Seignetir prévient

lui-même, par la prière du 17 ch. de S. Jean qui est

comme le Memento de son sacrifice, ce sacriGce même

qu'il devait quelques heures plus tard consommer sur

la croix.

C'est donc aussi par anticipation que le prêtre, à la

consécration, qui rendra présente sur l'autel la victime

du sacrifice, dit à Dieu, en offrant le pain « Recevez

ô Père saint, Dieu tout-puissant et éternel cette Hos-

tie pure et sans tache que je vous offre, tout indigne que

je suis de votre ministère je vous l'offre, ô mon Dieu,

.comme au Dieu vivant et véritable, pour mes péchésmes offenses et mes négligences, qui sont sans nom-

bre pour tous ceux qui sont ici présents et même pour

tous les fidèles chrétiens vivants ou morts afin qu'elle

nous procure à eux et à moi, le salut pour la vie éter-

nelle. Ainsi soit-il. Suscipe, sancte Pater.

Le pain, qui est composé de plusieurs grains de blé

et le vin qui est fait de plusieurs grains de raisin re-

présentent l'Église composée de plusieurs membres

qui sont tirés de la masse de corruption, pour être

comme changés en Jésus-Christ et être faits son corps

Page 197: Condren - Oratorien

194IDÉE DU SACERDOCE

mystique comme ce pain et ce vin sont changés réel-

lement en son corps naturel et en son sang véritable.

t.e pain et le vin tiennent donc la place de ceux qui

les offrant, et, en eux, de toute l'Eglise. Car le pain et

le vln étant la nourriture, la subsistance, et comme la

vie des hommes quand cenx-ci les offrent à l’autel ils

y offrent en -qeélqne façon leur vie, Ils s'y offrent eux-

mêmes à Dieu pour être sacrifiés à sa gloire avec J.-C.

leur 'Chef. Et c'est en effet la vraie disposition avec la-

quelle ofi doit faire l’oblation du pain et du vin avec le

prêtre. C'est ce qu'on doit avoir dans le coeur et en

faisant cette oblation et en adorant et ofrratit Jésus-

Christ, et en communiant son corps et à son sang.

111.Le vin est mêlé d’eau, et ce mélange est une ima-

ge de ce mélange adorable de Dieu et de l'bomme qui

s'est fait dans l'Incarnation, et de l'union de l'homme

avec J.-C. qui se fait dans la communion, et de la con-

sommation de l'homme en Dieu qui se fera par la gloire.

Ce sont là les grâces que le Prêtre demande quand il

met de l’eau dans le calice, en disant cette prière« Deus qui humanœ substantiœ o Dieu qui, par un effet

admirable de votre toute puissance avez fait l'homme

d'une nature si noble et si excellente et qui avez fait

une merveille encore plus grande pour réparer cet ou-

vrage de vos mains donnez-nous par le mystère que

ce mélange d'eau et de vin nous représenté, la grlce

d'être faits participants de la divinité de Notre-Seigneur

Jésus-Christvotre Fils, qni a daigné se rendre partici-

pant de notre homanitë, lui qui, étant Dieu vit et règne

avec vous en l'uttité du Saint-Esprit, dans tous les siè-

cles des siècles. Ainsi soit-il. »

C’est le mystère de ce vin et de cette eau mêlés en-

semble, c’est-à-dire, l’humanité unie à la divinité l’É-

Page 198: Condren - Oratorien

ET DB SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.I9j

9.

glise à J.-C., les membres à leur Chef, l’Epouse à son

Epoux que le Prêtre offre à Dieu par cette prière.

IV. « Offerimus tibi, Domme. Nous vous offrons

Seigneur, le calice du salut, suppliant votre clémence

de le faire monter comme une agréable odeur devant

la face de votre Divine Majesté, pour notre salut et pour

celui de tout le monde. Ainsi soit-il..

Le cardinal Bona (Lit. chap. 9. 3. 2.) dit que, dans

l'Ordre Romain, il n'est fait aucune mention des prières

que le Prêtre fait pendant qu'on fait les oblations et le

reste que ui St. Grégoire, dans son Sacramentaire ni

Alcuio ni Amalarius ni les autres qui ont expliqué la

Messe Romaine, n'en parlent point non plus et il

souscrit à ce que dit le Microloguè, que tout cela se

faisait en silence. Cependant, dans l'ancienne Liturgie

romaine que le même cardinal a fait imprimer aprèsMatthias Illyricus fameux Luthérien et plusieurs

catholiques postérieurs on trouve les prières que ré-

citaient le Clergé et les fidèles en mettant leurs offrandes

entre les mains de l’Evêque ou du Prêtre et celles que

ceux-ci disaient en les recevant. En effet, l'Eglise x

toujours eu grand soin d'animer toutes les actions de la

Religion par des prières. Celles qui se disent aujourd'hui

par le Prêtre, en élevant le pain et le vin Suscipe

sancte.. et Offerimus tibi. ne regardent assurément quel'oblation des fidèles qui ne se faisait point à l'autel, mais

au balustre. C'est pourquoi le lavement des mains quele Prêtre faisait avant de commencer les prières du sa-,

crifice, à cause qu'il avait pu les salir en recevant le

pain de la main des offrants se fait même aujourd'hui

après ces prières et l'oblation qu'elles accompagnentne se fait point encore sur l’autel, mais entre les mains

Page 199: Condren - Oratorien

196IDÉE DU SACERDOCE

du Prêtre. Ce n'est qu'après qu’il les a posées sur l'au-

tel dit sacrifice qu'il en fait l'oblation sacrificale.

Nous avons une de ces sortes de prières, que les fidè-

les faisaient en offrant le pain et le vin, dans le Livre des

Prières de l'Empereur Charles-le-Chauve, roi de France

dont il y a un exemplaire manuscrit à Paris, dans la

Bibliothèque de M. Colbert, et qui fut imprimée à

Ingolstadt en 1583 et réimprimé en 1585. La voici en

latin, et traduite en français.

ORATIO.

Quaudooffertisad Missam

pro propre peccatis et proanimabusamicorum.

Suscipe sancta Trinitas

atque indivisa Unitas, hane

oblationem, quam tibi offeroper manus sacerdotis tui,

pro me peccatore et miser-

rimo omnium hominum, pro

meis peccatis înnumerabili-

bus, quibus peccavi coram

te in dictis, in factis, in co-

gitationibus, ut prœlerita

mihi dimittas, et de futuris

me cuslodias pro sanitate

corporis et animœ pro gra-

tiarum actione bonorum tuo-

rum, quibus Wor quotidie.

Quid retribuam tibi Domino

pro omnibus quœ retribuis

mihi ? Hane oblationem sa-

lutaris libi offerre prœsumo,

ORAISON.

Quand vous offrezà la Messe

pour vospropres péchéset pour

les âmes de vos amis.

Recevez ô Trinité sainte et

Unité indivisible. cette offrande

que je tous présente par les

mains devotre Prêtre, pour moi

qui suis un pécheur. et le planmisérable de tous leshommes,

pour mes péchés qui sont eaus

nombre, que j'ai commis devant

voua par paroles, par actions et

par pensées alin qu'il vous

Plaise me pardonnermcspéchée

panés et me préserver d'en com-

mettre à l’avenir pour la santé

de mon corps etde mon âme, et

en actions de grâces de vos

biens, dont j'ai l'usage tous les

jours. Que vous rendrai-je à

vous qui êtes mon Seigneur,

pour Ions les biens que vous

Page 200: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 197

et nomen tuum invocabo.

Laudans invocabo Doininum,

el ab inimicis meis salvus

ero.

Suscipe etiam Domine,

eamdem oblationem pro ani-

mbus parenlum meorum et

amicorum, et omnium in

Christo quiescenlium ut

consortio Sanctorum tito-

rum cum perpetua fruantur

œternitate.

m’avez faits 'rose vous offrir

cette oblation du'salul, et j’in-

voquerai votre nom. J’invoque-

tai le Seigneur en le bénissant

et je serai délivré de mes en-

oemis.

Recevez aussi, Seigneur la

même oblation pour les âme.

de mon père el de ma mère, de

mes amis, et de tons ceux qui

reposent en Jésus-Christ, afin

qu'elles puissent jonir de la so-

ciété de vos Saints dans toute

l'éteruilé.

Cette prière, au moins la première partie jusqu'à

l'étoile, se trouve hors quelques mots dans la messe

romaine publiée par Illyricus. Et quant à la seconde

qui commence par ces paroles du Ps. 115. Quid retri-

buam. on voit bien qu'elle est tirée, ou imitée de

quelque liturgie. Car dans le Rit de l’Église de Lyou,

rapporté par le cardinal Bona, le Prêtre, en décou-

vraut le calice pour faire l'oblation du vin, dit ces deux

versets du même Ps. Quid retribuam. calicem salutaris.

et dans un ancien Missel de la Bibliothèque du Vatican

après ce verset, Calicem. que le Prêtre dit en prenant

le calice, il y ajoute, aussi bien que dans la prière de

Charles-le-Chauve, ces paroles du Ps. 17 Laudans invo-

cubo Dominum et ab inimicis mefs salvas éro.

Après la prière de l'oblation nous eu trouvons urç

autre, ou plutôt une espèce de confession, que l'on pro-

pose à ce prince pour s’humilier de ses fautes avant

l'oblation. Car comme l'Église avait alors grand soin

de faire observer par les laïques la coutume d'offrir à

Page 201: Condren - Oratorien

198IDÉE DU SACERDOCE

l'aotel elle leur recommandait aussi instamment d'y

apporter une conscience bien pure. Voici cette confea-

sion qui a pour titre

confitenda sunt peccata se-

crete coram Deo, ameqf4am

vestram offeratis oblationem

vel communicatis.

Confiteor tibi, Domine,

omnia peccata mea quœcun-

que feci, et ogi et gessi omni-

bus diebus vitœ meœ. Deus

qui creasti omnia tu nosti

omnia peccata mea, indulge

et misereremei, quia nimium

peccavi tibi. Unde quœso te,

Domine ut fiat mihi (Ides

firma in corde, galea salutis

in capite, signum Christi in

fronte Perbum veritatis in

ore, voluntas bona in mente,

dilectio. Deiin pectore, prœ-

cinctio castitatis in circuitu,

honestas in actione, sobrie-

tas in conscientia humilitas

in prosperitate, palientia in

tribulatione, spes In Croato-

re, perseverantla usque in

finem amor vitœ œternœ

prœstante Domino nostro

Jesu Christo, qui lecum vivit

et regnat bt unitate Spiritus

Sancti Deus, per omnia se-

cula seculorum. Amen.

Avant que vous tossiez voire

oblation, on que vous commu-

niiez, il faut confesser secrète-

ment vos péchés devant Dieu.

Je vous confesse Scignear,

tous mes péchés, que j'ai faits

et commis tona les jours de ma

vie. O Dieu, qui avez tout créé,

vous connaissez tous mes pé-

chée, pardonnez.les moi, et me

faites miséricorde, parce que

je TOUS ai excessivement olTen-

sé. C'tst pourquoi je vous sup-

plie, Seigneur, que mon cœur

soit armé d'nne foi inébranla-

ble ma tête du casque de

salut t mon front, de signe de

Jésus-Christ ma bouche, de la

parole de la vérité. Que j’aie

dans l'âme une bonne volonté,

l'amour de Dieu dana le fond

de mon cœur, la ceinture de la

chastcté tout antonr de moi.

Qa'il n'y ait rien que d'honnête

dans mes actions, rien qne de

pur dans ma conscience que je

sois humble dans la prospérité

ct patient dans l’affliction, que

je n'aie d’espérance que dans le

Créateur, et que je reçoive de

Page 202: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DB JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.199

lui le don de la persévérance fiuale et l'amour de la vie éternelle

par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui, étant Dieu, vit

et règne aiec Tous dans l'unité du Saint-Esprit, dans tous les

siècles des siècles. Ainsi soit-il.

V. Le Prêtre s'humilie de nouveau et, sachant bien

que ce sacrifice de propitiation n'attirera sur lui que

vengeance et colère, s'il n'offre auparavant à Dieu le

sacrifice d'un esprit humilié, et d'un cœur contrit, il

fait cette prière « In spiritu humilitatis. Nous nous pré-

sentons devant vous Seigneur., avec un esprit humilié

et un cœur contrit recevez-nous, et faites que notre

sacrifice s'accomplisse aujourd'hui en votre présence

de telle sorte qu'il vous soit agréable, ô Seigneur Dieu.

VI. Il élève ensuite les mains vers le ciel, d'où il attend

cette grace, et d'où la bénédiction et le feu sacré doi-

vent descendre sur le sacrifice en disant « Veni,

Sanctificator. Venez, ô Sanctificateur tout-puissant,

Dieu éternel et bénissez ce sacrifice préparé à votre

saint nom. »

Après s'litre lavé les mains et avoir demandé à Dieu

une punlé de coeur toujours plus grande il fait uuu

nouvelle oblation du sacrifice en ces termes

VU. « Suscipe, Sttncta Trinitas. Recevez, Trinité

Sainte, cette oblation que nous vous offrons en mémoi-

re de la Passion, de la Résurrection et de l’Ascension

de Jésus-Christ Notre Seigneur, et en honorant la bien-

heureuse Marie toujours Vierge, lé bienheureux Jean-

Baptiste, les apôtres Pierre et Paul, et tous les Saipts

afin qu'ils y trouvent leur gloire, et nous, notre salut, et

que ceux dont nous célébrons la mémoire sur la terre

veuillent bien intercéder pour nous dans le ciel Nota

vous en prions par le même Jésus-Christ Notre Seigneur.

Ainsi soit-il.

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200 IDÉEnu SACERDOCE

Cetteprièrerenfermetouteslespersonnesqui ontpartausacrifice,quoiqued'unemanièrebiendifférenteDieu,Jésus-Christ,lesSaintsducielet lesGdèlessurla terre.

Dieu,dansl'unitédesonessence et dansla trinitédesespersonnes,est le seulà quile sacrificesoitoffert.Jésus-Christ,la secondedecestroispersonnes,y estoffertdanssonhumanité.L’Égliseducieletde laterrereçoitlefruitde cetteoblation.

Dieuseulreçoitle sacrifice,commel'hommagequiestdûà sasainteté,à lasouverainetédesonêtreet àsatoute-puissance,parcequ'ilestleprincipeet la findetoutl'êtrecréé.

Jésus-Christest l'oblationet la victimemême,nonsimplementofferteà Dieu,maisofferteenmémoiredesaproprePassion,desaRésurrectionet desonAscen-sion c'est-à-direqueJésus-Christest offertà DieucommeunevictimeimmoléedanssaPassionet danssa mort;commeclarifiée,consomméeet reçuedansleseindeDieuparsaRésurrection,etcommeportéedansleSaintdesSaintsducielet élevéedevantletrônedeDieuparsonAscension,pourêtre toujoursprésentedevantsaface,etyplaidernotrecauseauprèsdelui.(Voyez2.part.chap.IV.etc.),commentlesacrificedela messeestunsacrificevéritableet commémoratifdedeceluidela croix.

L'Egliseducieletcelledelaterres'unissentensem.blepouroffrirlaVictimedenotresalut,enmémoiredesonimmolationetil estde la naturedecesacrificequeceuxquil'offrenty communientet y participent.Ceuxquicombattentencoresurlaterreycommunientsacramentellement,et enreçoiventdenouveauxeffetsde vie.LesSaintsdu cielycommunientaussi,mais

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ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 201

9*

spirituellement; et c'est par cette communion conti-

nuelle que la vie glorieuse de J.-C. leur est communi-

quée dans le ciel. Us communient encore en quelque

façon à la gloire et à l’honneur qui est rendu sur la terre

à J.-C. dans le sacrifice. Comme on y fait mémoire de

sa vie, de sa mort, de tous ses mystères, on y fait

aussi mémoire des Saints et des dons qu'ils ont reçus de

Dieu; mais toute la gloire en est rapportée à Celui qui

en est la source et le priucipe et c'est moins eux qu'ou

honore, que la puissance et la miséricorde de Dieu qui

les ont faits tout ce qu'ils sont.

VIII. Plus le Prêtre approche de l'aclion du sacrifice

plus il sent le besoiu qu'il a de l’Esprit de Dieu, et se

croit obligé de renouveler l'attention, l'application et la

ferveur du peuple pour le sacrifice. C'est pourquoi il se

tourne vers lui et l'invite à prier en lui faisant entendre,

pour l'y porter plus puissamment, que c'est son sacri-

fice, que c'est le sacrifice de toute l'Église qu'il est

offert par les mains du Prêtre, mais qu'il l'offre aussi

avec le Prêtre, quoique le Prêtre seul rende la victime

du sacrifice présente sur l'autel par la consécration. Il

dit donc, en se tournant vers le peuple

« Orate, fratres. l'riez Dieu, mes frères, que mon

sacrifice, qui est aussi le vôtre soit favorablement

reçu de Dieu le Père Tout-Puissant. »

A quoi le peuple répond, par la bouche du Ministre

qui sert à la Messe « Suscipiat. Que le Seigneur daigne

recevoir de vos mains le sacrifice à la louange et à la

gloire de son nom, en sorte qu'il nous profite aussi et

à toute son Eglise sainte.

Dans les prières de Charles-le-Chauve, il y en a une

différente de cette d'aujourd'hui et qui marque bien la

ressemblance qui se trouve entre l’office du Prêtre et

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202 IDÉE Du SACERDOCE

celui de la Mère de Dieu, et que le même Esprit-Saint,

qui a formé le corps du Fils de Dieu dans le sein de sa

Mère le doit produire aussi sur l'autel. La voici

Quid orandam sit ad Mis-

sam pro sacerdote quando

petit pro se orari.

Spiritus Sanctus superve-

niat in te, et Virtus AUissimi

obambret le. gemor sit sa-

crificii tui, et holocaustum

tuum pingue fiat. Tribuat

tibi secundum cor tuum, et

omnempetitionem tuam con-

firmet. Da, Domine, pro

peccatis nostris acceptabile

et susceptibile fieri sacrifi-

cium in conspectu tuo.

Quelle prière on doit dire à

la Messe pour le. Prêtre, quand

il demande qu'on prie pour lui..

Que le Saint-Esprit survienne

en vous, et que la Vertu du

Très-Haut vous couvre de son

ombre. Qu'il se souvienne de

votre sacrifice, et que votre ho-

locauste lui soit agréable. Qu'il

vous donne ce que votre cœur

désire, et qdil ratifie toutes vos

prières. Accordez Seigneur

que le sacrifice soit digne d’être

reçu en votre présence pour

nos péchés.

Ces premières paroles tirées de celles que l'Aoge dit

à la Vierge, se disaient aussi en quelques Églises,

comme le marque Alexandre de Alès, rapporté par le

cardinal Bona. Je trouve aussi qu'on les disait en 1566

dans le diocèse de Cologne, et qu'on y ajoutait les trois

premiers versets du Ps. 19, Exaudiat te. mais elles

étaient précédées de ces antres paroles « Orent pro te

omnes Sanctl.et Electi Dei; que tous les Saints et les Blus

de Dieu prient pour vous. C'est ce qui est dans une

espèce de Missel des Laïques, imprimé cette année-là

à Cologne, et dans la Messe d’Illyricus, qui est l’an-

cienne Romaine. Il y a quelque chose de semblable dans

un Missel manuscrit de M. du Tillet cité par le cardinal

Bona. Enfin, selon le Manipulus Curatorum de Gui de

Mout-rocher dédié à Raymond Evêque de Valence en

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ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 203

Dauphiné, l’an 1333, on répondait au Prêtre en disant

le Ps. 19 en entier, ou bien par cette prière Dominus

sft in cprde tuo et in ore tuo, ut suscipiat Sacrificiam de

ore tuo, et de manibus tuis pro tua nostraque omnium sa-

lute. Que le Seigneur soit dans votre cœur et dans votre

bouche, afin qu'il reçoi.ve de votre bouche et de vos

mains le Sacrifice pour votre salut et celui de noas tous. »

Ce qui est aussi dans la Messe Romaine d’Illyricus.

Pour ce qui est de la prière qui se dit aujourd’hui,

elle doit servir de règle aux fidèles pour former leur in;

tention, dans l’offrande du sacrifice, à la sanctification

du nom de Dieu, à l'établissement de son règne, à l'ac:-

complissement de sa volonté, à l'exaltation de l'Eglise

et enfin à leurs propres besoins. Ils ne doivent pas s'i-

maginer que le sacrifice leur appartient parce qu'ils

auront fait une modique offrande. Car t'Eucharistie est

Je sacrifice de tonte l’Eglise c'est à l'Eglise que J.-C. a

été donné c'est elle qui offre J.-C. à son Père: c'est

elle qui est offerte avec J.-C; c'est elle qui reçoit J.-C.,

et ce n'est que comme tes Ministres et ses membres

que l'on a droit, ou d'offrir à Dieu le sacrifice ou de

prétendre au fruit du sacrifice

Qui peut donc souffrir qu’il y ait des Chrétiens si peu

instruits que, quand ils ont donné quinze sous pour une

Messe, comme on parle aujourd'hui, ils croient avoir

acquis et acheté un droit sur le sacrifice de l’Eglise, et

ne font pas difficulté de dire: C'est ma.musse; comme si

le reste des fidèles y avait alors moins de droit. Ils doi-

vent savoir que ce qu'ils présentent à l'Eglise, n'est pas,

pour la messe, mais pour l'entretien du prêtre que ce

n’est pas le prix du sacrifice, msis une aumône, on

plutôt une juste contribution pour la subsistanco des

ministres de l'Eglise et pour- les choses nécessaires au

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204 IDÉE DU SACERDOCE

sacrifice, et que cette contribution ne leur donne droit

d'avoir plus de part au fruit du sacrifice, qu'autant

qu'ils ont plus de charité, dont cette contribution peut

être en effet une marque.

Tous les fidèles offraient autrefois à l'autel du pain

du vin., de l'huile, et toutes les choses nécessaires pour

la célébration des saints mystères et pour la communion

des fidèles et quand on avait pris ce qu'il fallait pour

cet usage, les ministres de l'autel vivaient du reste et

des autres aumônes qui se faisaient à l'Eglise.

Pour remédier à plusieurs inconvénients qui nais-

saient de cette sorte d'offrandes, l'Eglise trouva bon

d'ordonner qu'on n'offrit plus à l'autel que le pain et le

vin pour la consécration du corps et du sang de Jésus-

Christ, et de l'huile pour les lampes.

La diversité du pain et du vin, qui étaient offerts pour

consacrer, n'étant pas sans incommodité et sans incon-

vénient, l'Eglise trouva bon qu'une seule personne of-

frit le pain, le vin elle luminaire nécessaires pour le

sacrifice, et que le reste des Gdèles offrissent en argent

ce qu'ils auraient dévotion de donner pour la subsis-tance des Ecclésiastiques. Nous avons encore un vestigede cet usage dans la Messe solennelle pour un défunt,où l'on offre du pain et du vin des cierges et de l'ar-

gent. C'esl encore de là si je ne me trompe, qu'estvenue la cérémonie du pain bénit, qui s'est si religieuse-ment conservée dans l'Eglise de France qu'elle se pra-

tique même dans les villages les plus pauvres. Chacun

le fournit à son tour les Dimanches el les fêtes, avec

le luminaire les autres fidèles donnent en argent ce

qu'ils ont dévotion de donner à l'Offrande et l'on n'yoffre point de vin, parce que les laiques ne communient

plus sous l'espèce du vin.

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ETDUSACRIFICEDE JÉSUS-CHRIST.— IV. PART. 205

De plus, la dévotion des Chrétiens s'étant beaucoup

ralentie, ils n'ont plus communié qu'aux grandes fêtes.

C'est pourquoi le pain, qui était offert pour être consacré

et pour servir à la communion des fidèles, n'a pu être

tout employé à cet usage, et comme il restait beaucoupde ce pain, on en distribuait à ceux qui ne communiaient

pas, pour leur être une marque de communion, et comme

une, image et un supplément de la communion au corps

de Jésus-Christ. Ce pain était bénit et par les prières du

Prêtre, et parce qu'il avait été offert et comme destiné

à être changé au corps de J.-C., ce qui était une espè-

ce de consécration.

Enfin les Prêtres se sont chargés du soin de préparer

le pain qui devait servir à la consécration et à la com-

munion des fidèles et ceux-ci au lieu de pain, ont

donné de l'argent. Cependant on a continué d'offrir dn

pain pour être distribué aux Chrétiens qni mangeant

tous du même pain témoignaient par là qu'ils étaient

membres d'un même corps, comme S. Paul le dit du

pain céleste, qui est Jésus-Christ: Unum Corpus omnes

nos sùmus, qui de ano pane participamus. (1. Cor. 10. 17.)

Depuis que les messes basses et privées comme on les

appelle communément, ont été mises en usage, l'offran-

de publique ne s'y est point faite mais, en sa place, on

a fait, selon sa dévotion, une offrande particulière, qui

est ce qu'on nomme aujourd'hui rétribution, laquelle

ne donne pas plus de droit de s'approprier les messes

privées, que l'offrande publique n'en donne de se rendre

propre la messe solennelle et paroissiale.

C'est ce qu'il a été bon de remarquer, pour redresser

et régler l'intention des Chrétiens dans la rétribution des

messes. Et bien loin que cette réflexion doive ralentir

leur zèle, elle doit au contraire le faire croître puis-

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ao6 IDÉE Du SACERDOCE

qu'elle leur fait connaitre que ce n'est pas une pure li-

béralité, mais une action qui répond à ce qui S'est tou-

jours-pratiqué dans tout sacrifice, où celui qui l’offrait

devait fournir l'hostie; et à l'usage même le plus reli-

gieusement observé par les anciens fidèles, qui apport-

taient et offraient eux-mêmes à l'autel lepain qui devait

être consacré, et dont ils devaient communier, après

qu'il avait été changé au corps et au sang de Jésus-

Christ. C'est d'ailleurs un devoir dont ils doivent s'ac-

quitter envers les ministres du sacrifice,

Cette oblib tion à l'égard dès Ministres est fondée sur

le droit qu'ils ont de vivre de l'autel en servant à l'autel

et les fidèles doivent avoir d'autant plus de soie de s'ac-

quitter de cette obligation, que cette action de religion,

de justice et de charité, faite dans l'esprit de l'Église et

avec piété, les dispose à recevoir, plus abondamment

que ceux qui négligent de s'en acquitter, le fruit et l’ap-

plication du sacrifice.

IX. La Secrète. C'est ce que l'Église demande pour

eux particulièrement dans la prière qu'on appelle Secrète,

qui suit celle que nous venons d'expliquer. Car cette

prière regarde les offrandes qui ont été faites par les

fidèles, et qui doivent être changées au corps et au sang

de Jésus-Christ. C'est par cette.prière qu'on les offre à

Dieu, et qu'on lui demande qu'il les bénisse et les rende

utiles à ceux qui les ont faites et à tous les autres

c'est-à-dire que le sacrifice qui doit être offert à Dieu,

soit pour tous une source de grâces. Car il faut remar-

quer qu'elle en étend l'application à tous sans exception.

Ce dessein de l'Église dans cette prière parait claire-

ment dans la Secrète du cinquième Dimanche après la

Pentecôte, conçue en ces termes Propitiare Domine.

Rendez-vous, Seigneur, favorable à nos supplications,

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ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. -IV. PART. 207

et ayez la bontéd'agréer ces offrandes de vos serviteurs

et de vos servantes; afin que ce que chacttu d'eux a of-

fert pour la gloire de votre nom soit utile à tous pour

le salut. par Nôtre-Seigneur Jésus-Christ votre Fils, qui

vit et règne avec vous dans l’unité du St-Esprit. »

QUATRIÈME PARTIE DE LA MESSE.

Depuis le Canon jusqu'a,u Pater.

I. Préface du Canort. Le Prêtre, par la préface du

Canon, exhorte le peuple à disposer son cœur aux sacrés

mystères qui vont commencer; ce qui a précédé le Ca-

non n'étant que préparatoire à l'action du sacrifice.

Il souhaite que le Seigneur soit avec lui Dominas vo-

biscum; et les fidèles font pour lui le même souhait Et

cum Spiritu tuo Qu'il soit aussi avec votre esprit, selon

la promesse qu'il a faite à ses ministres, en la personnede ses Apôtres, de lui être toujours présent jusqu'à la

consommation des siècles dans les fonctions de leur

ministère.

Le Prêtre exhorte ensuite le peuple fidèle à lever plus

que jamais son cœur vers le ciel: Sursum corda. Et après

que le peuple l'a assuré que son esprit est appliqué à

Dieu: Habemus ad Dominum Le Prêtre l'invite à ren-dre grâces au Seigneur notre Dieu Gratias agamus Do-

mino Deo nostro. Le peuple répond que c'est un de-

voir bien juste et bien dû à Dieu Dignum et justum est.

Alors le Prêtre, adressant à Dieu même la parole, re-

connaît qu'il est vraiment juste de lui rendre grâces en

tout temps et en tous lieux, à cause de la souveraineté,

de la sainteté, de la toute-puissance et de l'éternité de

son être divin Vere dignum et justum est.

C'est un devoir de religion que demande de nous la

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"208 IDÉE DU SACERDOCE

grandeur el la souveraineté de Dieu Vere dignuln est.

DOMINE car ce mot marque particulièrement le souve-

rain domaine de Dieu sur sa créature.

C'est un devoir de justice dû à sa sainteté car la sain-

teté de Dieu semblerait demander qu'il fùt éternelle-

ment retiré en lui-môme, sans rien communiquer de

son être aux créatures or que Dieu, nonobstant sa

sainteté, ne laisse pas de se communiquer à nous qui

ne sommes qu’impureté à son égard, et de faire sur nous

une effusion si libérale de sa bonté c'est un sujet très-

juste d'action de grâces Vere justum est. SAVCTE.

C'est un devoir que la raison même exige de nous, à

cause de sa paternité et de sa toute-puissance. Car,

comme père, de toute éternité, il est la source et le

principe éternel de tout l'être créé; et comme tout-puis-

sant, il est la cause et la 6o de la création tout entière.

Il est donc très-raisonnable de lui rendre grâces en tous

temps et en tous lieux puisque toujours et partout Dieu

fait une commnnication de sa puissance à ses créatures,

en leur donnant l'être, en les conservant et les faisant

agir tant dans l'ordre de la nature que dans ceux de la

grâce et de la gloire. C'est de quoi l'Église veut le louer

dans le Saint Sacrifice Pere œquum est. PATER OMNI-

POTENS.

Enfin notre être ne peut avoir de durée que par dé-

pendance de l'éternité de Dieu et nous ne pouvons es-

pérer d'être éternellement heureux qu'en participantà son éternité bienheureuse, ni nous y disposer qu'eu

servant le Dieu éternel, et en rendant hommage à son

éternité en elle-même. C'est donc un exercice très-salu-

taire que de rendre sans cesse grâces à Dieu Vere salu-

tare. ÆTERNE DEUS.

Mais comme nous avons perdu par le péché tout le

droit de participer à l'excellence à la sainteté, à la

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ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.209

toute-puissance et à l'éternité de l'être de Dieu; et que

c'est Jésus-Christ qui nous l'a acquis de nouveau par les

mystères de sa vie de sa mort et de sa gloire l'Église

en remercie Dieu particulièrement; et elle diversifie ses

préfaces selon les différents mystères du Fils de Dieu

pour lui en témoigner sa reconnaissance,

Elle reconnaît qu'elle ne peut remercier Dieu que par

Jésus-Christ, à l'imitation des Anges qui ne l’adorent,

ne le louent, ne l'aiment, ne le remercient, ne lui ren-

dent en un mnt leur religion que par lui. C'est donc en

priant Dieu de vouloir bien recevoir ses louanges avec

celles de ces esprits bienheureux, qu'elle chante ce

cantique d'admiration et d'adoration «Que Dieu est

Saint que Dieu est Saint 1 Le Seigneur des armées cé-

lestes est Saint. 1 Sanctus sanctus.

Cette prière, Sanctus nous fait entendre que.le sa-

crifice, comme il a été dit, est institué pour honorer la

sainteté de l'Être divin que cette perfection de Dieu est

celle à laquelle les Anges sont plus appliqués dans le

ciel, et à laquelle nous devons tendre incessamment sur

la terre.

Quoique tout ce que nous avons expliqué jusqu'à pré-

sent soit très-saint le Canon de la Messe qui suit

l'est bien davantage. Et comme il a été toujours regardé

avec un respect singulier, nous devons tâcher d'aug-

menter ici et notre vénération et notre humilité, pour

mériter d’entrer dans la lumière qu'il renferme.

II. Le Canon dé la sainte Messe. —a Te igitur. Nous

vous prions donc très-humblement, ô Père très- clé-

ment, et nous vous demandons par Notre-Seigneur Jé-

sus-Christ votre Fils que vous ayez pour agréables

et que vous bénissiez ces dons, ces offrandes, ces saints

sacrifices purs et sans tache, que nous vous offrons

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210 IDÉEpU SACERDOCE

pour votre sainte Églisecatholique, afin qu'il vous plaisede la purifier, de la garder, de la réunir et de la régir

par toute la terre et avec elle votre serviteur N. notre

Pape,N. notre Prélat, N.notre Roi, et tousles Orthodoxes,

qui font profession de la foi catholique et apostolique. n

Après avoir considéré, dans la Préface combien

Dieu est digne du sacrifice euaharistique combien il est

juste, raisonnableet salutaire de lui rendre en tout tempset en tous lieux la reconnaissance et les autres devoirs

de la religion, le Prêtre considère les oblations desti-

nées au sacrifice et, élevant aussitôt les yeux vers le

ciel, semble y aller chercher le Fils unique dans le seindu Père pour le faire descendre sur l'autel afin qu'ilvienne lui-même changer ces dons sacrés en son corpset en son sang, consommer son sacrifice par le minis-

tère du Prêtre, et offrir au Père des miséricordes l'ac-

tion de grâces que ['Église lui doit pour toutes celles

qu'il a répandues snr elle.? Nousvous prions donc, ô Père très-clément, et nous

vous demandons très-humblement par Jésus-Christ vo-tre Eils, Notre-Seigneur, d'agréer et de bénir ces dons,ces présents, ces sacrifices saints et sans tache. »Diffé-

rents noms des diverses espèces d'oblations de la loi de

Moise, auxquelles a été substitué le sacrifice de la loi

nouvelle. On les emploie tous ici pour faire voir la per-fection du sacrifice qui, seul, nous donne la vérité detoutes ces anciennes figures.

Le Prêtre dit ces paroles sur des oblations qui ne sontencore que du pain et du vin, et il peut néanmoins yregarder plus ce qu’elles doivent être bientôt que ce

qu’elles sont encore. Car, comme il se fait trois obla.

tions dans la sainte Messe, celle dupain et du vin, celledu corps est du sang propre de Jésus-Christ, et celle

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ET DO SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 211

de son corps mystique, qui est l’Église: le Prêtre peut

regarder ce qu'il a alors sous les yeux, on simplement

comme la matière qui doit être changée au corps et au

sang de l’Agneau de Dieu, ou par avance comme déjà

changé en cette sainte victime, ou enfin comme repré-

sentant ceux qui l’ont offert, et en eux toute l’Église.

Il semble d'abord que ce soit dans le premier sens

qu'on doive les prendre, à cause de celles-ci, oti accepta

habeas ac benedicas; puisque cette bénédiction singu-

lière qui doit changer et transformer les oblations, ne

peut convenir qu'au pain et au vin. Mais il y a bien plus

d'apparence que le second sens est le véritable, de mê-

me que dans la prière de l'obladon du pain et du vin

car ces dons et ces présents sont appelés des sacrifices

et des sacrifices sans taches., qui sont offerts pour l'É-

glise et pour tous les fidèles. Or, il n'y a plus de sacri-

fice véritable que celui du corps et de sang de Jésus-

Christ il est le seul qui soit offert pour l’Église, le seul

qui soit la source des grâces dont il est parlé tout de

suite après.

Enfin la victime qui est offerte dans ce sacrifice est le

corps entier de Jésus-Christ. Les membres y sont offerts

avec le Chef, l'Épouse avec l’Époux. Tous les vœux et

toutes les prières des fidèles y sont mises, pour ainsi dire,

sur la tête de cette victime adorable; et tous les dons que

leur foi et leur religion leur font faire à Dieu et à ses,

ministres, tous les prdsents et toutes les aumônes que

leur espérance leur fait répandre sur les pauvres tous-

les sacrifices de leurs bonnes œuvres, de leurs louan-

ges, de leur adoration et de tous les autres devoirs de

leur charité, tout cela est mis entre les mains du grand

Pontife de notre religion, pour être offert à Dieu et

béni de Dieu dans son Fils et par son Fils. Et à cet égard,

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212 IDÉE DU SACERDOCE

qui peut trouver mauvais qu'on demande à Dieu qu'il

daigne agréer ces dons, ces présents, ces sacrifices et y

répandre sa bénédiction afin qu'ils soient reçus avec

le sacrifice de son Fils comme ne faisant qu'un seul et

unique sacrifice avec le sien P

On l'offre principalement, imprimis, pour toute l'É-

glise catholique, et en particulier pour les Évéques

pour les Rois et pour les fidèles qui font profession de

la foi catholique et apostolique.

On demande quatre choses pour l'Église Pacificare,

custodire, adunare et regere; c'est-à-dire la paix par la

cessation des persécutions; la protection contre les hé-

résies la conservation de son unité contre les schis-

mes, et la conduite, dans toute vérité et toute justice

par son Saint-Esprit et ses Pasteurs.

Il est bon de remarquer que le sacrifice, aussi bien que

les prières de l'Église, s'adresse au Père, comme l'or-

donne le troisième Concile de Carthage ( Can. 32. )

eutn altari assistitur, semper ad Patrem dirigatur ora-

tio. Non que les autres personnes en soient exclues

mais parce qu'elles sont considérées dans la personne

du Père comme dans le principe d'où elles procèdent

et qui ne procédant lui- mêmed'aucune autre personne,

est le seul principe sans principe. C'est pourquoi l’Église

a toujours conservé avec soin cette pratique d'adorer et

de prier le Père par le Fils dans le Saint-Esprit, comme

on le voit par la conclusion de toutes les collectes ou

'oraisons.

III. 1" Memento. —a Souvenez-vous Seigneur de

vos serviteurs et de vos servantes N. N., et de tous ceux

qui sont ici présents dont vous connaissez la foi et la

piété, pour qui nous vous offrons, ou qui vous offrent

ce sacrifice de louange pour eux-mêmes, et pour tous

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ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. :p3

ceux qui leur appartiennent pour la rédemption de

leurs âmes pour l'espérance de leur salut et de leur

conservation et qui vous rendent leurs vteux, comme

au Dieu éternel vivant et véritable. à

Le premier Memento est pour recommander nommé-

ment à Dieu dans le sacrifice ceux qui, par leurs bien-

faits envers l'Église, et par le soin qu'ils ont de contri-

buer à la subsistance des ministres de l'autel, méritent

qu'elle les offre à Dieu d'une manière particulière et

ceux qui assistent au sacrifice, pour lesquels on l'offre

ou qui l'o6rent eux-mêmes. Si la Messe se célèbre en

particulier, le Prêtre ne doit pas laisser de dire, et om-

nium circumstantium, parce qu'il doit se regarder comme

étant au milieu du monde, euvironné de tous les hon-

neurs, et chargé de tous leurs besoins et de tous leurs

devoirs pour les offrir ADieu par Jésus-Christ, dont il

tient la place.

Mais l'Église ajoute « Dequi la foi et la dévotion vous

sont connues » ufin de nous apprendre que, pour par-

ticiper au fruit du sacrifice il faut être en état d'en re-

cevoir les effets par la charité, et qu'il ne suffit pas non

plus d'y être présent de corps mais qu'il faut que le

cœur y soit, et que la foi et la piété rendent l'esprit pré-

sent et attentif.

Les intentions du sacrifice de Jésus-Christ, ses effets,

sa vertu et son excellence par-dessus tous les autres sa-

crifices, sont distinctement marqués dans le reste des

paroles de ceue prière.

IV. Communicantes. « Entrant dans la communion,

et honorant la mémoire, premièrement de la bienheu-

reuse Marie toujours Vierge, Mère de Dieu, Jésus,-

Christ N. S., et puis de vos bienheureux Apôtres et Mar-

tyrs. N. N., et de tous les autres Saints, par les méri-

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214 IDÉEDUSACERDOCEtes et les prières desquels accordez-nous, s'il vous

plait, la grâce d'être fortifiés en tontes choses du se-

cours de votre protection par le même J. C. N. S. »

Le sacrifice de Jésus-Christ est le sacrifice de toute

l'Église. Les Saints qui règnent dans le ciel et les fidè-

les qui combattent sur la terre, offrent tous la même

victime, mais d'une manière différente. Cette diversité

n'étant que dans le mode, nous avons droit de l'offrir

avec eux, comme nous devons les inviter à l’offrir avec

nous. C'est pour consommer cette union que se fait

cette prière.

V. Hanc igitur. «Nous vous supplions donc, Sei-

gneur, de recevoir favorablement cette offrande de no-

tre servitude, qui est aussi celle de toute votre famille,

de nous faire jouir de votre paix pendant nos jours, de

nous délivrer de la damnation éternelle, et de nous

mettre an nombre de vos élus par J.-C. N. S.

Le Prêtre, en disant cette prière, étend les mains sur

l'hostie, et ainsi, comme membre de l’Église, s'unit à

elle pour être offert et sacrifié avec elle et comme

ministre de l'Église et Prêtre du Très-Haut, prend pos-

session de la victime de la part de Dieu, en tant qu'elle

est substituée à tous les hommes qui devaient être la

la victime de la colère et de la justice de Dieu. Car,

par suite du péché, l'homme devait être, même pendant

cette vie, en butte à toutes les créatures qui devaient

venger sur lui l'injure qu'il avait faite au Créateur, et

dans l'attente d'une mort éternelle. Tel était le sort

de l'homme pécheur sans J.-C. Mais un état de liberté

et d’amour, sons l'empire de la grâce dans l'attente de

la vie éternelle, tel est le partage du même homme qui

a pour victime J.-C. qui s'est fait homme et est mort

sur la croix « pour détruire pat -sa mort celui qui avait

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ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 215

l'empire de la mort, c’est-à-dire le diable et pour

mettre en liberté ceux que la crainte de 1a mort tenait

dans une continuelle servitude pendant leur vie. » (Heb.

2. 14.) C'est l'état d'où nous sommes tirés par cette

oblation de notre servitude.

VI. Quam Oblationem. « Laquelle oblation nous vous

prions 6 Dieu, d'avoir la bonté de rendre une oblation

entoutesmanières bénie, consacrée, ratifiée, spirituelle

et agréable à vos yeux en sorte qu’elle devienne pournous le corps et te sang de votre Fils bien-aimé, Jésus-

Christ N. S. »

Jusqu'à présent le Prêtre a parlé du sacrifice et en a

fait fcblation, comme si la victime eût déjà été sLr

l'autel. Mais cette oblation serait inutile et sans effet,

si le corps et le sang du Fils de Dieu n'étaient enfin mis

entre les mains du Pretre pour vérifier et ratifier l'o-

blation qu’il en a faite d'avance. C'est ce qu'il demande

à Dieu par cette prière.

Qu'il vous plaise, ô Dieu de faire que cette oblation

soit vraiment bénie, étant changée en ce- fruit béni du

ventre de la Vierge, formé par le Saint-Esprit pour être

la victime de Dieu et la source de toute bénédiction

in omnibus benedictam.

Que ce qui n'est encore que du pain et du vin, créés

pour l'usage des hommes, soit, par ce changement,

une oblation toute divine, tout appropriée et unique-

ment consacrée à la majesté de Pieu in omnibus ad-

scriptam.

Que cette oblation mystérieuse, gui n'est encore que

commencée soit ratifiée et confirmée, étant portée à

votre autel sublime et céleste, comme un sacrifice par-

fait et accom.pli en toutes manières; in omnibus ratam.

Qu’elle devienne spirituelle et vivante de terrestre et

Page 219: Condren - Oratorien

2t6 IDHS DU SACERDOCE

inanimée qu'elle est encore, étant transformée en la

chair glorieuse et vivifiante du Verbe de vie, pour être

la nourriture de l'âme et le germe de la vie éternelle

in omnibus ralionabilem.

Qu'elle soit enfin cette oblation seule digne d'être reçue

et agréée de vous, comme substituée à ces victimes que

vous avez rejelées: et dites, ô grand Dieu sur cette

oblatiou « C'est ici mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis

toute mon affection, e et par qui toutes choses me plai-

sent et sont rendues dignes de m'être offertes en sacri-

fice in omnibus acceptabilem.

Cette oblation ne renferme pas seulement J.-C. mais

encore son Église. On peut donc encore entendre ces

paroles de l'oblation de l'Église, comme représentée

par le pain et le vin avant la consécration, et comme

unie à la victime, quand la consécration l'y a rendue

présente. Que cette oblation que l'Église y fait d'elle-

mémeet de ses enfants, soit vraiment bénie et sanctifiée

pour Dieu, appropriée et consacrée à Dieu ratifiée et

confirmée par Dieu rendue spirituelle et vivante en

Dieu reçue et acceptée de Dieu glorifiée et consom-

mée en Dieu en toutes manières et en tous ses membres;

in omnibus.

Comme, par le changement substantiel du pain et du

vin au corps et au sang de J.-C. cette oblation devient

un sacrifice agréable à Dieu et digne de lui ainsi, que

par le changement de nos mœurs aux mœurs pures et

saintes de la victime de ce sacrifice, nous soyons nous-

mémes dignes d'être la victime de Dieu.

Enfin, rien ne nous empêche de croire que l'Église,

par ces cinq épithètes a voulu marquer les cinq parties

du sacrifice, expliquées ci-dessus. La bénédiction ou

SANCTIFICATIONde la victime, qui la rend digne d'être

Page 220: Condren - Oratorien

ET Dtf SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART.217

10

offerte à Dieu benedictam. L'OBLATION, par laquelle

elle est donnée et toute consacrée à Dieu; adscrtptam.

L’IMMOLATION, qui confirme, achève et ratifie l'obla-

tion; ratam. La CONSOMPTION, qui détruit toutes les

imperfections de la victime, la met-dans un état spiri-

tuel et plus saint rationabilem. Et enfin la COMMUNION

par laquelle la victime monte jusqu'à Dieu et est accep-

tée par lui comme un sacrifice très-agréable; accepta-

bilent.

VII. Après cette prière le Prêtre renouvelle la mé-

moire de la Passion, par ua récit abrégé de ce que J.-C.

üt la veille de sa mort en instituant le sacrement et le

sacrifice de son corps et de son sang en présence de ses

disciples. Il fait ce que J.-C. a fait et, en disant les pa-

roles qu'il a dites, il consacre en sa personne le pain et

le vin les changeant en son corps et en son sang.

Le Prêtre, dans cette grande action, doit être tout à

J.-C. comme à celui qui produit lui-même son corps et

son sang sur sa propre snbsistance qui est la personne

du Verbe, en la vertu de son Esprit, en l'autorité de son

Père, en la puissance par laquelle il l'a ressuscité. Il

doit donc être comme tout anéanti dans ce mystère

puisqu'il n'y fait rien qu'en la personne de J.-C.

VIII. Après la consécration le Prêtre rapporte les

paroles par lesquelles J.-C. ordonne à ses Apôtres et à

leurs successeurs de faire en mémoire de lui ce qu'il

venait de faire en leur présence « Toutes les fois que

vous ferez ces choses, faites-les en mémoire de moi. b

Et il explique aussitôt, par la prière suivante cette

parole de J.-C. In mei memoriam.

« Unde et memores. C'est pour cela, Seigneur, que

nous, qui sommes vos ministres, et, avec nous votre

peuple faisant mémoire de la bienheureuse Passion de

Page 221: Condren - Oratorien

218 IDÉE DU SACERDOCE

votre même Fils J- C. N. S., et de sa Résurrection des en-

fers comme aussi de son Ascension glorieuse au ciel,

offrons à votre incomparable Majesté l’Hostie formée

des dons que vous nous avez faits, et que vous avez mis

entre nos mains, Hostie pure, Hostie sainte hostie

sans tache, le saint Pain de la vie éternelle, et le calice

du salnt perpétuel. »

C'est donc en mémoire de la Passion et de toutes les

autres parties do sacrifice de J.-C., que l'Église l'offre à

Dieu comme l'Hostie pure sainte et sans tache. Ainsi

en remettant sous les yeax des fidèles la victime de Dieu,

par la consécration, elle rappelle à lenr esprit tout l'en-

semble de son sacrifice, afin qu'ils sachent qu'à la

Messe il ne manque rien de ce qui est nécessaire à un

sacrifice véritable. D'ailleurs, par les signes de croix, eile

leur montre l'identité du sacrifice qui a été offert sur

la croix.

Le Prêtre fait cinq bénédictions sur l'Hostie, en disant

ta prière que nous expliquons, pour marquer que cette

Hostie n’est digne d'être offerte à Dieu que parce que

Dieu même l'a bénie et sanctitiée qu’en suite de cette

bénédiction, elle devient elle-même la source de toutes

celles qu’elle répand sur l'Église. C'est au nom et en

l’autorité du Père, que le Prêtre fait ces bénédictions

car il n'y a que lui qui puisse bénir, comme plus saint,

l'humanité de son Fils.

IX. « Supra quœpropitio. Lesquels nous vous prions

de regarder d’un oeil propice et favorable, et les agréer,

comme il vous a plu d'agréer les dons du juste Abel

votre serviteur, et le sacrifice de notre Patriarche Abra,

ham et celui que vous a offert Melehisédech votre sou-

verain sacrificateur le saint sacrifice de l'Hostie sans

Page 222: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. ——IV. PART.219

10.

Le Prêtre prie Dieu de recevoir favorablement de

ses mains ce- sacrifice, comme il a reçu ceux d'Abel,

d'Abraham et de Mélchisédech. Ce n'est pas qn'i1 veuille

établir de comparaison entre la victime de leur sacri-

fice et la sienne mais il désire être fait participant des

dispositions qu'avaient ces saints personnages en l'of-

frant à Dieu. C'est donc par le sentiment de sa propre

indignité qu'il demande que son sacrifice soit regardé

d'un œil favorable, comme ceux de ces Saints.

De plus, ces hommes et leurs sacrifices étaient des

figures de.i.-C. et de son sacrifice. Ce qu'ils offraient d'é-

tait accepté qu'en vue de ce que J.-C. lui-même devait

offrir et c'est dans ce sens que le Prêtre dit à Dieu

Seigneur voilà que nous vous offrons ennn cette vrc-

time dont Abel Abraham et Melchisédech vous ont of-

fert les figures pourrez-vous donc ne pas recevoir ce

sacrifice dont les figures mêmes vous ont été si agréa-

bles ? Eneffet, dans les présents du juste Abel,nous voyonsl'innocence de J.-C. dans la soumission d'Isaac, sa

propre obéissance, et dans le pain et le vin de Melchi-

sédech le pouvoir qu'il a de donner la vie éternelle.

X. « Supplices te rogamus. Nous vous supplions, 8

Dieu tout-puissant, de commander que ces choses

soientportées à votre autel sublime en présence de votre

divine Majesté par les mains de votre saint Ange afin

que nous tous qui, en ctimmtrniant à cet autel, aurons

reçu le saint et sacré corps de votre Fils, soyons rem-

plis de toute bénédiction céleste et de toute grâce, parle même J.-C.. »

La connaissance certaine que nous pouvons avoir queDieu fera telle grâce te nous dispense pas de là de-

mander; car cette demande entre dans les desseins de

Dieu, et est un hommage que nous toi devons. Ainsi,

Page 223: Condren - Oratorien

220 IDÉE DU SACERDOCE

quoique très-certaine de l'acceptation de la victime

l'Église ne laisse pas de demander qu'elle soit portée

à son autel sublime parles mains de son Ange. Cet Ange

est celui qui préside à la prière et au sacrifice et ce mi-,

nistère qui lui est confié nous montre combien nous

sommes redevables à ces esprits célestes.

On peut aussi regarder dans cet Ange Jésus-Christ

même, qui porte le Sacrifice dans le Saint des Saints

comme Grand Prêtre véritable, et l'offre sur l'autel su-

blime de sa subsistance à la Majesté de son Père pour

qu'il soit une source de bénédictions célestes pour toute

son Église.

Cette prière, en nous montrant que ce n'est que par

J.-C. que nous pouvons être agréables à Dieu, nous fait

encore entendre que nous ne pouvons participer à la

victime de son sacrifice qu'après qu'elle a été reçue par

lui dans son sein et acceptée, qu'après qu'il y a com-

munié.

XI. « Mémentoetiam. Souvenez-vous aussi, Seigneur,

de vos serviteurs et de vos servantes N. et N. qui nous

ont précédés avec le sacrement de la foi et qui dor-

ment du sommeil de paix. Nous vons supplions Sei-

gneur, de leur donner par votre miséricorde, et à tous

ceux qui reposent en J.-C., le lieu du rafralchissement,

de la lumière et de la paix, par le même J.-C. N. S. »

Le sacrifice de l'Eucharistie est le sacrifice de toute

l'Église et toute l'Église y doit donc communier. Cette

partie dn corps de J.-C. qui souffre dans le purgatoire

communie à ce sacrifice en recevant, par son efficace,

l'application des mérites de la mort du Fils de Dieu. Les

âmes du Purgatoire ont déjà participé au sacrifice de

J.-C. par le sacrement de la foi signo fldei, par lequella passion la mort et la résurrection de Jésus-Christ

Page 224: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. IV. PART. 221

lui ont été appliquées. Elles ont encore communié à ce

sacrifice autant de fois qu'elles ont reçu le corps et le

sang de J.-C., autant de fois même que la grâce de Dieu

leur a été communiquée.

Elles ont été sacrifiées réellement dans leur mort

car la mort des chrétiens justes unie à celle de J.-C.,

devient un sacrifice qui les consacre en quelque ma-

nière. Et lorsque le feu de la charité est assez fort pour

consumer toutes leurs taches ils passent d'ici dans le

véritable Temple de Dieu, qui les reçoit comme un sa-

crifice et les fait entrer dans son sein comme partie de

sa propre victime, qui est J.-C.

Mais quand le feu de la charité n'est pas assez fort

pour les purifier de manière à pouvoir être offertes avec

J.-C. dans le ciel le feu du purgatoire y supplée jus-

qu'à parfaite pureté.

XII. « Nobisquoque. Et pour nous autres qui som-

mes vos serviteurs, quoique pécheurs à qui il ne reste

d'espérance qu'en la multitude de vos miséricordes

daignez aussi nous faire entrer en communion avec vos

SS. Apôtres. et avec tous vos Saints en la compagnie

desquels nous vous prions de vouloir bien nous rece-

voir; non en pesant le mérite mais en faisant grâceet miséricorde. »

L'Église militante ne peut penser à la grâce qu'ellevient de demander de voir l'Église souffrante unie à la

triomphante, sans soupirer après le même bonheur,

quoiqu'elle reconnaisse son indignité; nobis quoique pec-

caloribus. Aussi ne le demaude-t-elle pas comme une

dette, mais comme une grâce non estimator meriti, sed

veniœ largilor.XIII. « Per C. D. N. per quem. Par J.-C. N. S. par qui

vous créez toujours, Seigneur tous ces bien* par qui

Page 225: Condren - Oratorien

222 IDÉE DU SACERDOCE

vous les sanctifiez, vous les vivifiez, vous 'les bénissez

et vons nous les donnez. Que par lui, avec lui et en lui,

tout honneur et toute gloire vous soient rendus à vous

Dieu le Père tout-puissant en l'unité du Saint-Esprit,

dans tous les siècles. »

C'est par J.-C. que nous espérons obtenir la grâce

d'être un jour consommés avec lui en Dieu son Père,par

un sacrifice parfait, comme c'estpar J.-C même que tout

se fait dans le sacrifice présent de l'autel. Car, en joi-

gnant la fin de la partie précédente avec le commence-

ment de celle-ci il parait que l'Église compare ici ce

qui se passe en nous pour devenir un même Christ et

une même victime avec J.-C., et pour être offerts avec

lui en sacrifice sur son autel sublime, avec ce qui se

passe à l'égard du pain pour en faire le corps de J.-C.

Dieu, par J.-C. son Verbe, crée le pain et le vin en

les tirant du néant; creas. Il les sanctifie en tes séparait

de tout usage profane et les destinant au sacrifice

sanctificas. D'un pain terrestre et inanité il en fait le

pain vivant du ciel, en le changeant au corps et au sang

de son Fils; vivificas. Il en fait un sacrifice de bénédic-

tion et de louange qui est oftert à sa gloire, et qui est une

source de toute sorte de bénédictions pour son Église

benedicis. Enfin après l'avoir reçu comme sacrifice, il le

distribue à ses enfants par la communion, leur fait

recevoir ce pain de la vie éternelle et ce breuvagecéleste;

et prœstas nobis. Et tout cela par J.-C. per guem luec

omnia etc.

llieu pareillement tire ses élus du néant par la créa-

tion creas. Il les sépare de la masse corrompue, et les

prédestine à sa gloire; sanctificas; car ce mot signifie

séparer et destiner, dans l'Écriture. Il leur donne une

nouvelle vie en J.-C. par la justification vivificas, etc.

Page 226: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE M JESUS-CHRIST. ——IV. PART. 223

les bénit de cette grande bénédiction promise à Abra-

hampour sa postérité. de cette bénédiction sacerdotale

par laquelle l.-t. consomme ses élus en tes consacrant

à son nom pour l'éternité benedicis. Enfin en les con-

sommant dans la gloire 4le son corps mystique il les

donne à ce corps et à tous les autres membres par la

communion des Saint. et prœstas nobis. Tout cela se

fait par J.-C. avec J.-C. et en J.-C.

Ici finit le Canon, appelé par excellence la Prière, par

S. Grégoire-le-Grand parce qu'il confient la forme

immuable du sacrifice de J.-C., qui est la grande Prière

de l'Église.

CINQUIÈME PARTIE DE LA MESSE.

Depuis le Pater jusqu'à la Communion.

I. • Oremus. Prœceptis salutaribus. Ayant reçu les

règles et les préceptes du salut et suivant la forme de

l'institution divine qui nous a été prescrite nous pre-

nons la confiance de dire.

Cette préface du Pater se diversifiait en plusieurs

Églises selon les diverses solennités. Aujnurd'hui elle

est invariable. Elle montre avec quel respect l'Église va

réciter cette oraison Dominicale ce n'est qu'après

avoir déclaré que ce n'est que par J.-C. qu'avec J.-C.

et en J.-C., et pour obéir au commandement salutaire

de J.-C. qu'elle a la confiance de l'adresser à Dieu

qu'elle le commence en effet. Jadis l'Église ne le don-

nait qu'aux catéchumènes déjà initiés aux mystéres'etsur le point d'être baptisés c'était le mercredi après le

quatrième dimanche de carême peu de jours avant te

,Samedi-Saint, jour de leur baptême.Il. «Pater noster. Notre Père, qui êtes dans les

Page 227: Condren - Oratorien

224 IDÉE DU SACERDOCE

cieux. » Laprière aussi bien que le sacrifice s'adresse

au Père-par le Fils, dans le Saint-Esprit. ( S. Léon,

Serm. 30. in Nat.) Hais ce n'est pas au Père, tel qu'il est

avant la Création et l'Incarnation, que nous nous adres-

sons car en ce sens rien n'a,rapport à lui que son Fils

et son Esprit. Mais depuis qu'en J.-C., il a créé le monde

et s'est donné des enfants adoptifs auxquels il a commu-

niqué son Esprit d'adoption, nous nous adressons à lui,

non pas comme au Père éternel qui réside en lui-même,

mais comme à notre Père qui réside dans le Temple

céleste qu'il s'est bâti, le ciel où il veut être adoré.

Nous entrons donc par cette prière en communion des

droits de la filiation de J.-C., pour pouvoir appeler Dieu

notre Père, et si nous en suivons le sens et l'esprit nous

entrons en communion de ses plus saintes dispositions

envers son Père, pour pouvoir communier à son corps,à son sang et à son Esprit.

Il. « Sanctificetur. Que votre nom soit sanctifié que

votre règne arrive que votre volonté soit faite en la

terre comme au ciel. » Comme l'amour de Dieu est le

premier et le plus absolu des commandements nous

ne devons rien demander et rien désirer que par rap-

port à Dieu. La sanctification de son nom doit donc être

le premier besoin de notre cœur c'est-à-dire, nous de-

vons demander que la sainteté de Dieu, notre Père, soit

connue, louée, adorée, imitée des chrétiens; et que

tous les élus soient consommés dans cette sainteté, pour

pouvoir la louer éternellement avec les Anges: Sanctus,

Sanctus.

L'avénement du règne de Dieu est le second objet de

notre prière parce que c'est le premier moyen de la

sanctification de son nom dans les créatures. Il y en

aura toujours qui déshonoreront Dieu jusqu'à ce qu'il

Page 228: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 225

10*

ié soit assujéti tous ses ennemis ou par sa grâce et sà

miséricorde, ou par sa justice. Quand toute créature

sera à sa place, Dieu régnera et c'est ce règne qu 'a en

vue J.-C. dans cette seconde demande.

Comme l'acconeplissement de la volonté de Dieu est lé

règne de Dieu, sur-la créature, J.-C., qui nous fait

demander le règne de son Père, nous fait ajouter tout

de suite que votre volonté soit faite sur la terre comme

au ciel, afin qu'il règne ici comme il règne dans le

ciel.

« pa»em nostrum. Donnez-nous aujourd'hui notre

pain de chaque jour.Et remettez-nous nos dettes, comme

nous remettons à ceux qui nous doivent. Et ne nous

abandonnez pas à la tentation mais délivrez-nous du

mal. Ainsi soit-il.

Quand nous demandons notre pain et tout ce qui nous

est nécessaire, ce ne doit être que pour faire la volonté

de Dieu et notre pain doit être de faire sa volonté

comme était celui de J.-C. (J. 4. 34.) Ce mot de pain si-

gnifie aussi spécialement le pain eucharistique que Dieu

a préparé à ses enfants. Il est notre pain, que nous of-

frons mais il est le pain de Dieu qu'il reçoit dans son

sein, auquel il communie et auquel il nous donne part.

Mais pour être digne de le manger, il faut être sanc-

tifié, avoir lavé ses péchés, et être dans la disposition

de nous affermir dans le bien par la prière, le pardon

des iojures. Et c'est ce que l'Eglise fait faire à ses en-

fants par cette prière, où se montre l'obligation de la

charité, qui est la vraie préparation à ce banquet sacré,

ainsi que ce pacte que Dieu fait avec nous de nous faire

miséricorde, si nous la faisons à nos frères.

Comme nous devons être délivrés des péchés passés

pour communier au sacrifice, de même nous devons

Page 229: Condren - Oratorien

226 IDÉE DU SACERDOCE

prévenir ceux où la tentation nous pousse pour profi-

ter de ses fruits. C'est pourquoi nous demandons de n'y

point succomber et d'être délivrés de tout mal.

Le prêtre répond tout bas: Amen parce qu'il repré-

sente J.-C. qui est I'dme, c'est-à-dire le sceau, la vérité

et l'accomplissement de toutes les promesses de Dieu

le mérite, le prix et l'efficacité des prières de l'Église.

111. Libera nos, Domine. Délivrez-nous, Seigneur,

de tous les maux passés présents et à venir et par

l'intercession de la bienheureuse Marie Mère de Dieu

toujours vierge, et de vos bienheureux Apôtres Pierre

Paul et André, et de tous les Saints; donnez-nous par

votre bonté la paix en nos jours afin qu'étant assistés

du secours de votre miséricorde, nous ne soyons jamais

esclaves du péché, et que nous soyons à couvert de

toute sorte de troubles et de dangers Par le même

Jésus-Christ. »

1.'Église insiste ici sur la dernière demande qu'elle

vient de faire dans le Pater, d'être délivrée de tout mal

et surtout du péché, et souhaite d'être confirmée dans

la paix.

IV. « Pax Domini.Que la paix du Seigneur soit tou-

jours avec vous et avec votre esprit. » Celle paix que

l'Église désire tant, est une disposition essentielle au

sacrifice et à la communion elle doit en être aussi

l'effet. C'est la paix du Seigneur; pax Domini.« Hœccommistio. Que ce mélange et cette consécra-

tiert du corps et du sang de M. S. J.-C. devienne pour

nous, qui les recevons une source de la vie éternelle.

Ainsi soit-il.

Il y a encore une autre paix à attendre dans le siècle

à venir la paix parfaite et éternelle dont jouissent les

Saints dans cetEe vie, que demande ici l'Église, comme

l'effet du sacrifice de J.-C.

Page 230: Condren - Oratorien

ET DO SACRIFICE ISE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART.22J

Ce mélange, qui se fait dans le calice des espèces çju

pain et du vin consacrés, représente l'union de l'hommeavec Dieu dans l'Incarnation dans la communion Eu-

charistique et dans la communion parfaite et éternelle

du ciel.

V. Agnus Dei. « Agneau de Dieu qui portez et effacez

les péchés du monde. faites-nous miséricorde. Don-

nez-nous la paix.. »

Pour l'obtenir cette paix il faut un médiateur et

C'est l'Agneau de Dieu qui a bien voulu le devenir. L'E-

glise l'invoque donc, et par trois fois, pour être exaucée

dans sa prière.

VI. a Domine J.-C. Seigneur J.-C.. qui avez dit à

vos Apôtres je vous laisse la- paix je vous donne ma

paix n'ayez point égard à nos péchés mais à la foi de

votre Eglise, et daigdez la purifier et la réunir selon

votre volonté vous qui étant Dieu, vivez. »

Pour parvenir à ta parfaite union avec J.-C. par la

communion, les fidèles doivent d'abord être unis entre

eux dans un même esprit; c'est pourquoi le Prêtre de-

mande cette entente préalable entre eux mais comme

ses péchés peuvent retarder l'effet de cette demande, il

fait valoir l'intercession de l'Eglise, qui est la vraie

maison de la prière, où Dieu accorde tout ce qu'on lui

demande.

VII. « DomineJ.-C. O Seigneur J.-C. Fils du Dieu

vivant, qui, par la volonté du Père et la coopération

du S.-Esprit, avez donné par votre mortla vie au monde,

délivrez-moi par votre saint corps et votre sacré sang.

ici présents, de tous mes péchés et de tous les maux

et faites s'il vous platt que le m'attache toujours à

votre Loi, et ne permettez pas que je sois jamais séparé

de vous qui, étant Dieu. »

Page 231: Condren - Oratorien

228 IDEB DU SACERDOCE

Nous n'avons droit à la réception du corps de J.-C.

que par sa mort soit parce que nous ne sommes ré-

conciliés à Dieu que par sa mort, soit parce que nous

ne le recevons que par voie de communion à son sa-

crifice. De méme, nons ne participons au fruit de sa

mort que par la communion. Car elle est la consomma-

tion de la grâce chrétienne ici-bas, comme le baptême

en est le principe, la confirmation et le développement.

Tout, dans le christianisme, se rapporte à la commu-

nion et y prépare. C'est pour cela que St. Augustin a cru

qu'elle est nécessaire même aux enfants, pour le salut.

En ce sens que dans le baptême ils y acquièrent le

droit, comme à une chose qui doit être la perfection de

ce premier sacrement. Aussi ne séparait-on pas autre-

fois l'Eucharistie et la confirmation du baptême mais

les donnait-on même aux enfants.C'est donc avec grande raison que sur le point de

faire la communion, le Prêtre demande d'être délivré

de tous ses péchés qui en sont le véritable obstacle, et

d'adhérer ensuite à Dieu inviolablement.

VIII « Perceptio. 0 Seigneur J.-C. que la commu-

nion à votre corps, que je suis près de recevoir, tout in-

digne que j'en suis ne tourne point à mon jugement ni

à ma condamnation, mais que, par votre miséricorde,.

il me serve de défense pour l'âme et pour le corps, et

qu'il me soit aussi un remède salutaire Vous qui, étant

L'Eglise faitici entendre au Prêtre, par cette prière,

qu'il doit bien s'être éprouvé pour manger ce pain divin

du sacrifice, qui doit produire en lui une vie divine.

Elle insinue en outre que fEucharistie a pour effet de

protéger l'esprit et le cœur contre toute sorte de tenta-

tion ad tutamentam mentis qu'elle amortit la concu-

Page 232: Condren - Oratorien

ETnu SACRIFICEDEJÉSUS-CHRIST. IV. PART. a2g

piscence de la chair, et corporis; qu'elle y produit une im-

pression de pureté qui la rend le temple du St-Esprit

qu'enfin elle est 1e grand remède de la mort de l'âme et

du corps par la résurrection dont elle est le gage; et ad

medelam percipiendam.

IX. « Panem. Je recevrai le pain céleste et j'invo-

querai le nom du Seigneur. »

Ainsi vide de lui-même, le Prêtre n'a plus qu'à ex-

primer son désir de recevoir le pain du ciel à Ment

pauperes et salurabuntur. Les pauvres des affections de

la terre demanderont. d'être rassasiés des biens du ciel

mais ceux qui sont riches de ces affections ne peuvent

goûter les biens qu'il donne qui autem divites sunt,

non satiantur quia non esurient. (S. Aug. Ps. 21.)

Heureux donc celui qui dit dans les sentiments d'un

homme affamé Je vais recevoir le pain céleste Il de-

viendra lui-même le pain de J.-C. car J.-C. se remplit

de nous comme nous nous remplissons de lui il nous

change en lui puisque c'est de nous que son corps

mystique se forme In me manet et ego in eo C'est par

l'Eucharistie que s'accomplit celte divine transformation

de nous en J.-C. de manière que, quittant notre vie

naturelle imparfaite, nous prenons la sienne en adop-

tant tous ses sentiments. Alors ce-n'est plus l'homme

qui vit, c'est J.-C. qui vit en lui.

Alors aussi pourra-t-il invoquer le nom du Seigneur

c'est-à-dire, lui rendre tous ses devoirs de religion. Car

la communion en le mettant en possession de Jésus-

Christ, le met à même de rendre â Dieu tout ce qui lui

est dû. Il doit donc en communiant, se proposer-la

gloire de Dieu et, dans cette vue, prier J.-C. de venir

établir son règne en son cœur, et s'unir lui-métne à

toutes ses intentions.

Page 233: Condren - Oratorien

a3o IDÉE Du SACERDOCE

X. « Domine. Seigneur, je ne suis pas digne que

vous entriez chez moi mais dites seulement une parole

et mon âme sera guérie.

Ce sentiment d'indignité, qui avoue la gratuité de la

grâce renfermée dans la communion plait beaucoup à

Dieu et dispose le Prêtre à la recevoir avec abondance.

Il glorifie encore Dieu en ce qu'il reconnaît qu'il n'est

pas lié à ses sacrements mais qu'il peut d'ane seule pa-

role produire en nous toutes les grâces qu'il voudra.

Ceue conviction doit bien consoler l'àme qui est empê-

chée de recevoir la communion sacramentelle, et l'aider

à mettre toute sa confiance en Dieu.

Danslelivredeprièresdel'empereur Charles-le-Chau-

ve, on lit cette formuletirée de l'aneieuneliturgie romaine:

ORATIO

ANTE COMMUNIONEM.

Domine Sancte, Pater om-

nipotcns œterne Deus da

mihi corpus et sanguinem

Christi, Filii tui Domini

noslri, lta sumere ut merear

per hoc remissionem pecca-

torum accipere, et tuoBancto

Spiritu repleri. Quia ta es

Deus et in te est Deus et

prœter le non est alius, cujus

regnum permanet in seculu.

Amen.

ORAISON

AVANTLA COMMUNION.

Seigneur Saint, Père Tout-

Puissant, Dieu éternel, donnez-

moi la grâce de recevoir de telle

manière le corps et le sang de

N.-S. J.-C. votre Fils. que je

mérite par là de recevoir 1a ré-

mission de mes péchés et d'être

rempli de votre Saint Esprit.

Parce que vous êtes Dieu, et

que Dieu est en vous, et qu'il

n'y en a point d'aatre que vous,

dont le règne subsiste dans les

siècles des siècles. Ainsi soit-il.

XI. Corpus. Que le corps de N. 8. J.-C garde mon

âme pour la vie éternelle. Ainsi soit-il. »

Ainsi le corps de J.-C. nous est do..né comme un gage

de la vie éternelle et comme un viatique pour nous ai-

Page 234: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 231

der à passer de l'exil à la patrie. Il est comme un sel

divia qui nous préserve de la corruption du péobé, et

nous met en état d'être offerts à Dieu en sacrifice- Toute

notre vie doit donc se ressentir des effets sanctifiantes

de ce divin corps et n'être qu'une préparation à la vie

du ciel.

XII. «Quid retribuam. Que rendrai-je au Seigneur

pour tant de biens qu'il m'a faits?Je prendrai le calice du

salut, etj'invoquerai le nom du Seigneur j'invoquerai

le Seigneur en le louant, et je serai délivré de mes

ennemis. »

En recevant J.-C., le Prêtre a tout reçu car « en nous

donnant son Fils, qu'est-ce que Dieu ne nous a pas

donné? » (Rom.8. 32.) Par conséquent, n'ayant rien que

nous n'ayons reçu notre louange et notre action de

grâces ne peuvent être qu'un don de Dieu. C'est J.-C

le calice du salut, qui est ce don. Car il est le trésor des

pauvres, et quand ils l'ont dans leurs co;urs ils peu-

vent dire à Dieu pour le remercier « In me sunt Deus,

vota tua, qw reddam laudationes tibi. J'ai mon Dieu,

en moi tout ce qui peut vous être offert pour la louange

et l'action de grâces que j'ai à vous rendre. ( Ps. 55.

12. ) C'est dans ce dessein que le Prêtre reçoit le sang de

J.-C. ou le calice du salut.

Une autre intention qu'il doit avoir est de puiser dans

ce calice la mortification. on la mort au vieil homme

pour pouvoir vivre de la vie du nouveau. Car nous,

qui avons plus de soin de communier que de nous mor-

tifler, nous devons savoir que, plus nous recevons sou-

ventJ.-C. par la sainte communion, plus aussi nous som-

mes obligés à la mortification à la pénitence à l'a-

mour de la croix jusqu'à répandre notre sang pour ce-

lui qui nous donne le sien. Alors notre prière sera en

Page 235: Condren - Oratorien

23a IDÉE DU sACBRDOCs

même temps une louange pour Dieu et un principe de

salut pour nous Laudans invocabo Dominum, et ab ini-

micis iueis salvas ero.

SIXIÈME PARTIE DE LA MESSE.

L'action de grâce.

1. a Quod ore. Faites, Seigneur, que nous recevions

dans un cœur pur ce que nous venons de recevoir dans

notre bouche et que le don qui nous est fait dans le

temps nous soit un remède pour l'éternité.

Il y a une différence bien grande entre la communion

de la bouche et la communion du cœur: car plusieurs

reçoivent J.-C. sans être nourris de J.-C. « Celui-là seul

s'en nourrit qui l'imite ille saturatur qui imitatur.

( Aug. in Ps. 24.) Mais ceux qui se nourrissent de la

créature et d'eux-mêmes sont loin de se nourrir de J.-C.,

étant si peu disposés à fimiter. C'est pourquoi l'Église

demande la communion du cœur après celle de la bou-

che, afin qu'elle soit nu remède pour l'éternité.

Il « Corpus tuum. Que votre corps que j'ai reçu

Seigneur, et votre sang que j'ai bu demeurent attachés

au plus intime de mon cœur et faites qu'aucune tache

de péché ne reste en moi, après que j'ai été nourri et

fortifié par des sacrements si purs et si saints Vous qui

vivez, etc. »

Il ne reste, à celui qui a reçu J.-C., qu'à lé garder

soigneusement dans son cœur, et la vigilance et la fi-

délité à faire l'usage qu'on doit du sacrifice et de la com-

munion ne sont pas moins nécessaires que la prépara-

tion pour s'en approcher dignement et l'on peut dire

que celui-là ne se prépare pas bien à la messe qui, après

l'avoir dite longtemps ne veille pas plus qu'auparavant

Page 236: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. IV. PART. 233

sur ses habitudes et sur son cœur pour corriger en lui

ce dont il doit s'être humilié avant d'aller à l'autel.

III. Dominus. Le Seigneur soit avec vous. Allez

la messe est dite; ou bien Bénissons le Seigneur. Nous

rendons grâces à Dieu.

Après avoir souhaité au peuple que le Seigneur soit

avec lui, et avoir reçu du peuple le même souhait, le

Prêtre le renvoie en lui disant Allez, la messe est finie,

les mystères sont achevés, Dieu est glorifié et l'homme

béni; ou bien Bénissons le Seigneur; et le peuple ré-

pond Nous rendons grâces à Dieu. Cette dernière réponse

est la digne conclusion du plus grand de tous les mys-

tères car elle rapporte à Dieu tout ce qui s'y est fait

et lui est tellement propre et personnelle qu'elle ne peut,sans blasphémer, être attribuée à nul autre qu'à lui.

IV. « Placeat tibi. Que le ministère de ma servitude,

ô Trinité'sainte vous soit agréable. Recevez, s'il vous

plaît, favorablement le sacrifice que j'ai offert à votre

divine Majesté, quoique j'en fusse indigne, et faites par

votre miséricorde qu'il soit utile et propitiatoire et à

moi-même et à tous ceux pour qui je l'ai offert, par

J.-C. N. S.

Cette prière est donc une demande faite à Dieu de bé-

nir ses propres dons et ceux'à qui il les a faits afin quel'homme n'en abuse pas.

V. Benedicat vos. Que le Dieu tout-puissant, le Père,

le Fils et le Saint-Esprit, vous bénisse. Ainsi soit-il. »

Le Prêtre prend lui-même la bénédiction de J.-C. en

baisant l'autel qui le représente il élève les yeux et les

mains au ciel pour montrer que c'est à ce Pontife su-

prême de bénir le peuple fidèle, et de le bénir par le

mérite de sa croix. Il en forme le signe en bénissant le

peuple et disant Quele Dieu tout-puissant cous 6énisse:

Page 237: Condren - Oratorien

234 IDÉEou SACERDOCE

LePÈRE,aquinousà comblésenJ.-C.de toutesortedebénédictionsspirituellespourleciel,ainsiqu'ilnousaélusenluiparsonamour,afinquenoussoyonssaintset irrépréhensiblesnousayantprédestinésparunpureffetdesabonnevolonté,pournousrendresesenfantsadoptifs,parJ.-C.,àlalouangoetàlagloiredesagrâce.-(Eph.1.3,4.)

«LeFils, en quile Pèrenousa rendusagréablesàsesyeux,quinousa rachetésparsonsang,nousdon-nantlarémissiondenospéchésselonles richessesdesagrâce,qu'ilaverséesurnous,et enquiilaloutréuni,commedansle chef,tantcequiestdansleciel quecequiestsurla terre. (lbid.)

LeSaint-Espritquiest l'Espritdosagesseet derévélationpourconnaîtreDieu,le sceaudontnousavonsétémarquéspourcroireenJ.-C.parlaparoledevérité l'Evangiledenotresalut;legageet lesarrhesdenotrehéritagejusqu'àlaparfaitedélivrancedupeu-ple, queJ.-C.s'estacquisà la louangedesagloire.Ainsisoit-il.( Ibid.v.13.14·17.)

VI.L'ÉvangiledeS.Jean.—CetÉvangileestcommennsupplémentde laviedeJ.-CEllevientd'êtreretracéedansce sacrificequia commencéaumomentdesouIncarnation.Mais,pourenavoiruneconnaissancepar-faite, il fautremonterjusqu'àsa naissaticeéternelledansleseindu Père descendreensuiteà lacréationdu monde,queDieua formédansletempspar sonVerbeéterneletsurl'idéequiestenlui fairevoirquel'hommen'ayantpointconnuDieudanslasagessedesonouvrage,maisaucontrairel'ayantoffensé,sonpé-ché a donnéoccasionà l'anéantissementpassibleduVerbedanslachairet ausacrificedelaréparationqu'ilaoffertsurlaCroix1queJ.-C.,pourrendreleshommes

Page 238: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST. ——IV. PART. 235

capables d'adorer Dieu dignement s'est fait d'eux un

corps mystique les fafit membres de ce corps et

par ce moyen les rend enfants de Dieu et ses cohéri-

liers. Ainsi il fait d'eux un même Prêtre et une même

victime avec lui pour le sacrifice de l'éternité. Tout cela

est compris dans cet Évangile qni forme te mystère

auguste du sacrifice de la ltease.

LITANIES

En l'honneur du Sacerdoce et du Sacrifice de Notre Seigneur

Jésus-Christ, tirées de l'Épitre de St-Paul aux Hébreux,

et de quelques endroils du Nouveau Testament.

Seigneur, ayez pitié de ous.

Jésus-Christ ayez pitié de nous.

Seigneur, ayez pitié de nous.

Jésus, Prêtre Pontife du Très-Haut écoutez-nous.

Jésus, Agneau Victime de Dieu, exaucez-nous.

Père céleste qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.

Fils Rédempteur du monde qui êtes Dieu

Esprit-Saint, qui êtes Dieu

Trinité sainte qui êtes nn seul Dieu 5

Jésus, Fils de Dieu et Grand-Prêtre,

Jésus, Victime et Grand-Prêtre choisi parmi les hom.

mes,

Jésus, Victime et Grand-Prêtre établi sur la maison

de Dieu,

Jésus, Victime et Grand-Prêtre établi en faveur des

hommes pour le culte de Dieu

Jésus, Prêtre et Victime de la religion que nous pro-

fessons

Page 239: Condren - Oratorien

236 IDÉE DU SACERDOCE

Jésus, Prêtre et Victime qui n'avez point pris de vous.

même la qualité glorieuse de Pontife

.T.P. et V. établi par celui qui vous a dit Vous êtes

mon Fils je vous ai engendré aujourd'hui

J. P. et V. à qui votre Père dit encore ailleurs Vous

êtes le Prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech. '5

J. P. et V. non par la Loi d'une succession charnelles,

mais par la vertu de votre vie immortelle

J. P. et V. établi à jamais parfait Pontife, non par la

Loi, mais par un serment postérieur à la Loi

J. P. et V. oint par Dieu de l'esprit de sainteté et de

force

J. P. et V. qui, à votre entrée dans le monde dites

Les holocaustes pour le péché ne vous plaisent pas,

ô mon Dieu; mais me voici: je viens pour faire

votre volonté

J. P. et V. qui avez éprouvé toutes nos misères le

péché excepté

J. P. et V. capable de compatir à nos faiblesses,

J. P. et V. qui, pour demeurer à jamais possédez un

éternel Sacerdoce,

J. P. et V. qui n'êtes point obligé, comme les autres

d'offrir pour vos propres péchés,

J. P. et V. qui n'êtes point obligé d'offrir chaque jour

de nouvelles victimes pour les péchés du peuple,

l'ayant fait une fois en vous offrant vous-mêmeJ. P. et V., Ministre du sanctuaire et du tabernacle

œuvre de Dieu et non de l'homme, Ç,,

J. P. et V. non pour la terre, mais qui avez reçu une

sacrificature d'autant plus exeellente que vous êtes

le médiateur d'une meilleure alliance établie sur dé"

meilleures promesses,

J. P. et V. qui, par l'Esprit-Saint, vous êtes offert à

Dieu comme une victime sans tache,

Page 240: Condren - Oratorien

ET DUSACRIFICEDE JÉSUS-CHRIST. IV. PART. 237

J. P. et V. qui, par l'offrande de vous-même, purifiant

nos consciences des oeuvms de mort, leur avez fait

rendre un vrai culte au Dieu vivant,

J. P. et V., médiateur du Nouveau Testament, expiant

par votre mort les iniquités commises sous le pre-

mier, et rendant aux élus de Dieu l'héritage éternel"2.

qu'il leur a promisJ. P. et V. qui, aux jours de votre chair, offrîtes vos a

prières et vos supplications avec un grand cri et ôavec larmes à celui qui vous pouvait tirer de la

mort

J. P. et V. exaucé à cause de votre respect pour votre

Père

J. P. et V. qui pénétrâtes les cieux pour affermir notre

foi,

J. P. et V. qui, Pontife des biens futurs, entrâtes une

seule fois dans le Saint des Saints par un taberna-

cle plus grand et plus excellent qne l'ancien oeuvre

d'aucune création humaine

J. P. et V. qui nous ayant acquis une rédemption

éternelle, êtes entré une seule fois dans le sanctuai-

re, non par le sang des bœufs et des génisses, mais

par votre propre sang1. P. et V. entré, non dans le sanctuaire fait de main

d'hommes figure seulement du véritable mais «

dans le ciel môme pour être présent devant la face"2.

de Dieu en notre faveur

J. P. et V. et Pontife si grand que vous siégez à la

droite du trône de la souveraine Majesté, .aJésus, Victime et Pontife Saint, innocent, sans souil-

lure, séparé des pécheurs, plus élevé que les cieux,

J. Victime et Prêtre éternel, notre précurseur au ciel,.

entré pour nous dans le plus secret du sanctuaire

Page 241: Condren - Oratorien

238 IDÉE Du SACERDOCE

J. P. et V. offert lion plusieurs fois mais une seule

fois à la fin des siècles pour abolir le péché

J. P. et V. offert une seule fois pour expier les péchés

de plusieurs.,

J. P. et V. qui apparattrez une seconde fois, sans l'om-

bre du péché à à ceux qui vous attendent comme

leur Sauveur, S

J. P. et V. pouvant sauver pour toujours ceux qui

s'approchent de Dieu par votre médiation,

J. P. et V. toujours vivant pour intercéder pour

nous,

J. Victime et Pontife entré dans la consommation de

la gloire, et devenu l'auteur du salut éternel pour

tous ceux qui vous obéissent

J. P. et V. qui, par l'oblation unique de votre corps,

nous avez sanctifiés selon la volonté de Dieu

J. P. et V. qui pour sanctifier votre peuple dans

votre propre sang, avez souffert hors la porte de

Jérusalem

J. Victime et Pontife qui nous ouvrîtes la voie du

vrai sanctuaire.

J. P. et V. qui, par l'ouverlure du voile de votre chair,

nous avez, le premier, tracé la voie nouvelle et vi-

vante du royaume des cieux,

J. P. et V. purificateur des choses célestes, par votre

sang plus précieux que celui des hosties antiques,'2.J. P. et V. dont le sang et la mort ont confirmé et

con-sacré la nouvelle alliance,

J. P. et V. par qui nous offrons sans cesse à Dieuune 0

hostie de louange, c'est-à-dire la gloire que nous

rendons à son nom par nos bouches

J. P. et V. qui, la nuit même de la trahison, prîtes le

pain et après avoir rendu grâces le rompîtes, en di-

Page 242: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFIf.E DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. z3.g

sant: Prenez mangez ceci est mon corps livré

et rompu pour vous,

J. P. et V., qui prîtes de même le calice, en disantCe calice est la nouvelle alliance en mon sang,

J. P. et V. qui avez dit: Faites ceci en mémoire de moi,

J. P. et V. qui nous avez faits rois et prêtres pour la aï

gloire de Dieu votre Père

J. P. et V. qui vous êtes sanctifié vous-même pour S

ceux que vous donna votre Père, afiu qu'ils fussent

eux-mêmes sanctifiés en vérité,

J. P. et V. glorificateur de votre Père sur la terre

par votre sacerdoce, et consommateur de son œuvre

par votre Sacrifice

J. P. et V. qui nous avez aimés et qui vous êtes livré

pour nous, vous offrant à Dieu en oblation et en

victime d'agréable odeur

J. P. et V. qui avez aimé l'Église. vons êtes sacrifié

pour elle et l'avez sanctifiée, après sa purification

dans le baptême de l'eau, par la parote de vie,

J. P. et V. par qui et en qui nous pouvons nous pré- i1

senter avec confiance devant le trône de la grâce,

et par te sacrifiee duquel nous obtenons miseri- K

corde et trouvons grâce et secours dans nos besoins,

J. P. et V. hier aujourd'hui et toujours §

J. P, e4, Agneau de Dieu, sujet inépuisable de nos

discours et dépassant encore nos expressions et

notre entendement.

Prêtre et Agneau de Dieu, effaçant les péchés du mon-

de, pardonnez-nous, Jésus.

Prêtre et Agneau de Dieu, effaçant les péchés du mon

de, exaucez-nous, Jésus.

Prêtre et Agneau.de Dieu, effaçant les péchés du mon-

de, ayez pitié de nous, Jésus.

Page 243: Condren - Oratorien

240 IDÉE DU SACERDOCE

Jésus, Prêtre du Très-Haut, écoutez-nous.

Jésus Victime de Dieu, exaucez-nous.

ORAISON.

O Jésus, Prêtre et Victime de notre sainte Religion,

faites-nous éprouver les heureux effets de votre Sacer-

doce en purifiant nos cœurs des œuvres de mort, et en

faisant de nous tous autant d'hosties dignes d'être offer-

tes à la Majesté divine en odeur de sainteté et en union

avec vous, qui vivez et régnez avec le Père et le Saint-

Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

PRIÈRE

Ou élévation de coeur à Jésus-Christ pour se renouveler, en sa

présence, dans l'esprit de la consécration sacerdotale.

Sauveur du monde, unique Médiateur de Dieu et des

hommes pontife souverain des biens invisibles Prê-

tre et victime de Dieu pour la réconciliation des pé-cheurs je vous adore dans la grandeur et la puissancede votre Sacerdoce, dans la perfection et la dignité de

votre Sacrifice, dans la sainteté de l'esprit de l'un et

de l'autre, qui réside en vous comme dans sa plénitudeet dans sa source. Car c'est en vous Seigneur, que se

doit puiser toute l'onction la grâce et la piété sacer-

dotales.

Accablé sous la grandeur de votre Sacerdoce auquelvous avez daigné m'associer, toute ma consolation est

de savoir que vous n'êtes pas moins la source de la sain-

teté, qui m'est nécessaire pour m'y sanctifier moi-même,

que de la puissance que vous m'y communiquez pour la

sanctification des autres. Car ma foi est effrayée, lors-

qu'elle considère l'excellence et la pureté de ce sacer-

Page 244: Condren - Oratorien

ET DU SAGHIFICE DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 24I

Il

doce tout céleste, où vous êtes entré, non par votre'pro-'

pre choix, mais par celui de votre Père non pour of-

frir une victime étrangère, mais vous-méme; non pour

jouir sur la terre des avantages temporels, mais pour y

entrer dans un parfait anéantissement de vous-même,

pour y être humilié sous la main des pécheurs, acca-

blé de travaux, rassasié d'opprobres, écrasé comme un

ver de terre; pour y porter une privation générale de

toutes les douceurs et joies charnelles, de toutes les ri-

chesses et de tous les honneurs du siècle enfin pour

n'entrer dans le principal exercice de votre sacerdoce

et dans ses droits, sa gloire et ses avantages célestes,

qu'en vertu du déchirement du voile de votre chair, fait

par les fouets, les épines et les clous, et par la mort la

plus ignominieuse et la plus cruelle.

O Jésus le modèle des Prétres I puisque vous voulez

que nous ne fassions qu'un seul Prêtre avec vous et que

votre sacerdoce soit le nôtre il faut que votre vie soit

aussi la nôtre, vos vertus, la règle de notre conduite, et

votre âme toute sacerdotale le miroir fidèle ou nous

étudiions continuellement les dispositions saintes qui doi-

vent animer notre esprit et notre cœur.

Mais que puis-je faire, Seigneur, pour vous imiter,

si vous ne vous imprimez vous-même en moi, comme

un cachet qui forme dans mon ame votre image ? Quel-

que désir que j'aie de renouveler mon cœur, quelques

efforts que je fasse pbur satisfaire à mes obligations de

prêtre, je ne ferai rien si votre grâce ne le fait en moi.,

Mon unique ressource ( dans cet anniversaire de ma

consécration ) et dans ces désirs de renouvellement,

est donc de me présenter à vous dans le sentiment de mon

impuissance, et de vous dire avec humilité Seigneur

vous voyez tous les défauts de ma vocation à votre sa-

Page 245: Condren - Oratorien

242 IDÉE DU SACERDOCE

cerdoce l'ingratitude et l'oubli où j'ai vécu à l'égard

de la grâce d'une vocation'si sublime, les infidélités par

lesquelles j'ai déshonoré et profané en moi uu état si

saint, et qui demande une pureté plus qu'angélique.

'Je m'en humilie devant vous et je vous conjure, par

la sainteté même de votre sacerdoce, d'oublier tout ce,

ce qu'il y a eu dans ma vocation qui n'ait pas été de vo-

tre esprit toutes les vues basses, serviles, intéres-

sées, que l'amour-propre y a pu faire entrer, tout ce que

mes passions y ont mêlé de défauts. Purifiez-en mon

cœur ainsi que de son ingratitude et de son insensibi-

lité. Faites que je vive désormais à votre eaemple, com-

me un prêtre et comme une victime. Que mon corps

soit à Dieu, à l'honneur et en l'union du sacrifice que

vous lui avez fait duvôtre, et qu'il soit sacrifié par l'exer-

cice de la pénitence, la mortification de mes sens, par

une vie active et laborieuse dans les fonctions sacerdo-

tales et par le retranchement de tout ce qui approche

de la délicatesse du luxe et dé l'oisiveté.

Que mon cœur comprenne que sa consécration l'o-

])lige à ne vivre que pour Dieu à ne chercher que Dieu,

à ne respirer que les intérêts de Dieu. Que la sanctifica-

tion de son nom, l'établissement de son règne, l'ac-

complissement de sa volonté soient toujours mon uni-

que fin puisque je ne suis prêtre que pour y travailler,

et que c'est l'œuvre qu'il m'a donnée à faire.Que je fasse,

enfin, connaître, par une vie tout opposée à l'espritetaux manières du monde, et conforme aux règles saintes

de votre Évangile, que ma vie est la vie d'un prêtre,

c'est-à-dire, de celui qui est par son office l'homme de

Dieu et de l'Église, le ministre de la vérité et de la cha-

rité, le coopérateur de la réconciliation et du salut des

âmes obligé de leur consacrer tous les talents de son

Page 246: Condren - Oratorien

ET DU SACRIFICB DE JÉSUS-CHRIST. — IV. PART. 243

11

esprit toute les forces de son corps, tous les moments

de sa vie; de la perdre, s'il est besoin, pour leurs in-

térêts. et de la sacriüer en quelque manière que ce soit à

la gloire de Dieu votre Père, ô Jésus, mon souverain

Prêtre, par le secours de votre grâce, dans la pureté de

votre Esprit. Ainsi soit-il.

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Page 248: Condren - Oratorien

DISCOURS.

Page 249: Condren - Oratorien
Page 250: Condren - Oratorien

DISCOURS

eut

LACONFÉRENCE DE JÉSUS-CHRIST, ENLA SYNAGOGUE

DE CAPHARNAUM

( Èh Saint Jean chap. VI.)

CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE QUE Y.ES HÉRÉ-

TIQUES DE CE TEMPS ONT INVENTÉE CONTRE LA VÉRITÉ.

Le Père des lumières nous a donné l'Église comme la

fille ainée de sa lumière pour nous retirer des ténèbres

et nous éléver en sa connaissance. Et afin qu'elle ne

s'éloignat jamais de sa lumière originelle, il l'a mariée

à son hils, qui est la même lumièré, et l'a remplie de

son Esprit, qui t'unit à lui si étroitement qu'elle ne peut

jamais vivre qu'en sa lumière.

Le bien-aimé Disciple la vit ainsi revétut'de ce Soleil

de la nouvelle vie, qui l'a épousée pour nous donner par

elle la naissance et le jour des enfants de Dieu et l'a

courounée de la lumière des douze Apôtres, qui lui

toujours en son Chef, pour nous éclairer daus les ténè-

hres de cette vie, nous préserver des erreurs dii siècle,

nous découvrir les trésors de la Foi, et nous montrer

la vérité de ses mystères qui nous doivent nourrir en

cet exil du Paradis. Si en nous énseignant elle ren-

contre quelque secret où Dieu, pour nous tenir eu ré-

vérence et abaisser nos esprits dans le profond respect

de sa Sapience, qui surpasse tout entendement, se soit

Page 251: Condren - Oratorien

248 DISCOURS

caché dans sa propre lumière, elle l'adore, et attend en

patience et en silence qu'il lui ouvre les yeux. Cepen-

dant elle se repaît de la lueur de sa loi et demeure

fidèle aux premières instructions qu'elle a reçues sans

s'élever par elle-même au-dessas de la mesure de sa foi.

Mais quand elle est obligée, pour glorifier son nom, ou

instruire ses enfants ou convaincre ses ennemis de

sonder l'abîme de ses conseils, et d'être tirée par son

Époux dans le sein de sa Sapience alors appuyée sur

son bien-aimé, elle monte et croit comme l'aurore de

lumière en lumière, jusqu'à la perfection du jour que

lui donne son Soleil et, par sa clarté, elle dissipe les

ténèbres qui nous cachent la vérité et la voie de notre

salut. Et si la profondeur des Écritures saintes étonne

nos esprits en quelques endroits elle nous apprend à

laisser nos ténèbres à nous humilier, et à chercher la

lumière des autres passages qui nous sont plus clairs,

pour nous en repaltre, comme vrais enfants de lumière,

en attendant que nous soyons capables de profiter de

ceux que Dieu a cachés dans sa Sapience, que nous de-

vons adorer. Ainsi elle éprouve comme l'aigle ses en-

fants aux rayons de son Soleil, et conserve en son sein

ceux qui supportent sa splendeur et vivent ensa lumière,

et rejetle les autres qui s'en aveuglent.

Mais l'hérésie, qui est née des ténèbres, et qui a

épousé le père des ténèbres, suit le secret instinct de

son origine dans les Écritures saintes mêmes, où elle

fuit la lumière des passages trop clairs et répand ses

ténèbres sur ceux qui surpassent la commune intelli-

gence des hommes pour la perte des réprouvés qui

l'écoutent. Et parce que, entre tous les lieux de l'Écri-

ture qui traitent de la Communion du Corps de Jésus-

Christ, le 6f verset du 6' chapitre de St. Jean semble

Page 252: Condren - Oratorien

CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE.249

pouvoir souffrir quelque obscurité, elle le choisit pour

le fondement de sa croyance et la règle de sa doctrine

Et, contre l'ordre du sens commun et de la raison aussi

bien que la Foi, elle veut que les ténèbres jugent la

lumière; que l'évidence cède l'obscurité, le certain

à l'incertain, et la foi légitime que nous devons aux

passages clairs, à l'erreur que sa fantaisie a conçue, et

qu'elle prétend autoriser, par un seul verset qu'elle

n'entend point, contre la lumière de toutes les Écritures

saintes Car l'évangile des ténèbres est en sa bouche

par le juste jugement de Dieu, pour la séduction de ceux

qui fuyent la lumière et la vérité et se réprouvent eux-

mêmes, comme dit l'Apôtre à Titus par leur propre

jugement.

Nous commençons volontiers, en exposant ce chapi-

tre, par ôter les saintes Écritures à l'hérésie, qui en

use trop injustement contre la vérité de l'Eucharistie

puisque c'est où Jésus-Christ a commencé d'en instruire

les siens et que nous ne pouvons mieux ruiner la puis-

sance de l'empire des ténèbres en ce point de doc-

trine, qu'en arrachant le fondement que l'erreur a choisi

pour l'établir, et en ôtant à ceux qui le défendent le

bouclier qu'ils opposent continuellement à la parole de

Dieu qui le détruit. Car c'est principalement par l'auto-

rité de ce verset 64 mal entendu, que les hérétiques

pervertissent le sens de toutes les Écritures saintes qui

parlent d'une manducation réelle, ou d'une présence

oorporelle et véritable de la chair et du sang de Jésus-

Christ en notre Communion, pour étiblir une mandu-

cation intentionnelle et imaginaire que leur esprit a

inventée. Car ni le Fils de Dieu, ni les Saints, qui nous

ont laissé par son ordre la Sapience évangélique n'en

ont parlé ni ici ni ailleurs.

Page 253: Condren - Oratorien

250 DISCOURS

Pourconvaincreleurerreurparla simplelecturedecechapitre,il fautinsisteraveceuxsur le principequ'ilsadmettentcommecertain quelés peuplesqueJésus-Christenseigneici crurent,aussibienquesesdisciples,qu'illeurparlaitd'unemanducationréelledesoncorps, laquellefutlesujetde leur murmure.llspensentdelà tirer avantageet, se flattanten leurserreurs,ilsnousaccusentdesuivrelesensdesCaphar-na!tesetsansconsidérerquecen'estpaslé sensajoutéparcepeupleauxparolesdeJésus-Christ,queJésus-Christblàme maisbienau contrairele refusqu'ilsfirentdelecroireetdelésuivre,ils s'enveulentéloi-gnerettombentsansypenseren la fautedesCaphar-naites et enuneautreplusgrandeencore.Car,non-seulementilslaissentlavéritédeJésus-Christmaisilspervertissentle senset l'intelligencede sa paroleprêchantcontresonintentionunemanducationdesonCorpsquin'estpointmanducationet qui n'a aucunrapportà la doctrinedecechapitre,s'ilestconsidéréen lasimplicitédel'espritquinousl'adonné.

Jésus-Christ,par un miraclesignalé,avaitnourridansledésertcinqmillepersonnes,decinqpainsd'orgeet dedeuxpoissonsquesabénédictionavaitmultipliés,desortequedouzecorbeillesfurentrempliesdesrestes.

Alavuede ceprodige,cepeuplecrutqu'ilétaitleProphèteMessiepromisparlaLoi,etvoulutledéclarerroi.Maisleroyaumequ'ilvenaitétablirniétaitpasdecemonde.Cepeuplese trompait.Pourcomprendrelacause-decetteerreuretavoirl'intelligencedu,texte ilfautsavoirquelesJuifscharnelscroyaient,commeilslecroientencote,queleroyaumeduMessieseraitter-restre qu'ilauraitlamagnificencedeceluideSatomon,tellequ'elleestdécriteenleurshistoires,etlesoeuvres

Page 254: Condren - Oratorien

CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 251

éclatantes de Moïse et des autres prophètes. Car il.;

prenaient toujours les signes et les figures selon la chair,

et selon la lettre, qui tue, et s'éloignaient de t'esprit.

Mais les Juifs spirituels, que l'Apôtre appelle Israël de

Dieu, savaient bien que l'intention de Dieu avait été de

donner à ce peuple dur, charnel et incapable d'autre

chose, en l'honneur du Messie qui devait naitre de lui,

et pour l'amour d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, un

état terrestre et temporel, qui fut uncimage imparfaite,

ou une figure et une ombre, selon l'Écriture, de l'état

véritable du Messie, lequel devait être céleste spiri-

tuel, éternel et divin. Cela les mettait à même d'hono-

rer avec quelque religion ce qu'ils n'étaient pas capables

d'honorer autrement. Car, étant charnels et attachés à

eux-mêmes et à la tcrre, la vérité nue les eût rebutées.

Pour leur donner la plénitude de l'esprit de vie et de

vérité qui les eût transférés de la chair à l'esprit, et

de l'ombre à la substance des choses, Dieu, qui donne

ses grâces avec ordre de justice aussi bien que par sa

bonté, voulait attendre la venue deJésus-Christ, par

lequel, avec lequel et en l'honneur duquel il fait misé-

ricorde aux hommes. En attendant, il donnait celte

grâce par privilége à quelques-uns qu'il choisissait pour

conserver en eux l'esprit de la foi du Messie, et ceux-là

étaient ses Saints, qui vivaient non-seulement selon la

Loi, mais aussi selon la Foi. Car Dieu avait donné à ce

peuple une Loi conforme à son État à laquelle il avait

joint la tradition de la Foi non écrite, qui faisait enten-

dre aux Saints ce qui était de l'esprit et de la vérité du

la Loi. Les œuvres de Moïse, les magnificences de Sa-

lomon, étaient à ceux-ci des signes salutaires qui les

portaient à l'admiration et à l'amour du Messie, qu'ils

adoraient déjà en esprit et en vérité. Cette tradition les

Page 255: Condren - Oratorien

252 DISCOURS

instruisait qu'il serait un roi divin tel que Salomon l'a-

vait 6guré et non pas terrestre mortel et charnel

nomme ce monarque que ses œuvres seraient divines

et son État divin, spirituel et non charnel que les

merveilles de Moise et des autres prophètes n'étaient

que des figures pour exciter le peuple à la croyance et

à la révérence des choses plus grandes et plus dignes

de Dieu. Ils savaient, par le même moyen que les qua-

rante ans du désert figuraient le temps de la vie présen-

te, où le peuple dé Dieu est voyageur et pèlerin en

attendant que le vrai Josué l'ait introduit en la terre de

la promesse éternelle qui est la demeure de Dieu. Ils

comprenaient aussi que la manne, qui tombait du ciel

dans le désert, était pour figurer la nourriture spiri-

tuelle que Dieu donne à l'homme intérieur et spirituel

pendant cette vie et pour l'exciter par ce miracle à la

désirer et à la rechercher. Car la chair ne peut la gonter

mais l'esprit doit la demander à Dieu comme sa propre

vie. Les mieux instruits savaient aussi que la manne

avait sa signification prophétique pour le temps du Mes-

sie, comme toutes les autres figures, laquelle était que

Dieu leur donnerait alors le vrai pain du ciel et qu'il

les nourrirait dans le désert de ce monde de la véritable

substance de la vie éternelle.

Aussi les spirituels s'instruisaient des signes que

Dieu leur avait donnés et se portaient à Dieu et la Loi

leur servait à connaître Jésus-Christ et à le suivre. Mais

ceux qui n'avaient pas la foi s'arrêtaient à la chair; et,

ne cherchant que ce qui la contentait, prenaient la Loi

et les figures en tentation, et s'éloignaient de l'esprit et

de la vérité du Messie, en s'y attachant par intérêt et

par sensualité, avec brutalité et opiniâtreté.Or tels étaient la plupart de ceux que Jésus-Christ ins.

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CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 253

truit dans ce chapitre. D'où il arrive qu'ils entrent en

doute qu'il soit le Messie, parce qu'il fuit la royauté de

Salomon. (1) Ils le suivent pourtant dans le doute et

dans le désir de manger la manne du ciel qu'ils atten-

daient du Messie, et que le miracle de la multiplication

des pains leur faisaitespérer. Jésus-Christ les reprend de

ce qu'ils ne désiraient de lui que la vie et la nourriture

qui ne soutient le corps que pour un peu de temps, et

les exhorte à travailler pour celle qui nourrit éternelle-

ment, et qu'il leur devait donner par l'ordre de Dieu

soo Père, dont il portait le caractère et la marque qui

oblige tous les hommes à l'écouter et à la croire. Ces

hommes comprirent qu'il parlait des bonnes œuvres

que Dieu nous donne par sa grâce et lui demandèrent

ce qu'ils feraient pour les accomplir. Jésus-Christ leur

répondit que la première de toutes était de croire en

celui que Dieu leur avait envoyé pour les instruire

car puisque sans la foi on ne peut plaire à Dieu et que

Jésus-Christ est de cette foi le principe et la source le

Docteur et le Maître sans lequel nous ne pouvons rien

Je fondement et le commencement de toute bonne œuvre

est de croire en lui. Ils virent bien qu'il les portait taci-

tement à croire qu'il était le Messie, en disant que son

Père était Dieu qu'il venait de sa part, qu'il était son

image, qu'il donnait une nourriture et une vie éter-

nelle mais ils ne voyaient point en lui la grandeur de

Salomon ni les merveilles de Moise. Il leur avait bien

donné des signes suffisants à leur avis pour croire qu'ilétait un prophète mais ils en attendaient d'autres du

Messie. Ils lui demandèrent donc la manne du ciel qui

CI) Oriésus ay.mt compris qu'ils allaient venir pourle prendreet le faire roi, s'enfuit tout seul de uouveaa vers la montagne.(Joan. VL 15.)

Page 257: Condren - Oratorien

254 DISCOURS

était celui de tous qui les touchait le plus, que leur chair

souhaitait davantage, et qui contenait l'intention pour

laquelle ils l'avaient suivi. Jésus-Christ les voit dans

l'erreur ordinaire des JuifS, qui attendent du Messie les

mêmes figure, au lieu dès choses promises par let fi-

gures il veut les en tirer, car c'était leur principal

empêchement à la foi et lcs détromper en leur ensei-

gnant que la manne n'était pas le vrai pain du ciel

mais seulement une figure de celui qu'ils devaient at-

tendre de son Père et que celui-là est le pain de Dleu,

qui descend du ciel et qui donne la vie au monde.

Comme les Juifs continuent néanmoins de demander

ce pain, qu'ils entendent toujours selon les désirs de la

chair, Jésus-Christ les relève de cette bassesse, et leur

déclare enfn, au verset 35, qu'il est le pain de vie qui

doit délivrer pour toujours de la faim et de la soif ceux

qui se mettent à sa suite. Il savait bien qu'ils n'étaient

pas dignes de cette vérité, et qu'ils ne s'en contenteraient

pas mais l'obligation où il était de les détromper de

leur fausse opinion que le Messie leur donnerait la man-

rie, et de leur ôter ce scandale qu'ils prenaient de la Loi

mal entendue, fit qu'il la leur déclara; autrement, il

n'y a pas d'apparence qu'il la leur eût proposée. Car il

leur devait de leur expliquer la Loi, et de leur faire com-

prendre qu'il ne manquerait pas de l'accomplir. Voilà

pourquoi il leur propose la vérité pour la figure. En cela

Jésus-Christ se sert du moyen ordinaire destiné à rame-

ner une intelligence égarée dans le chemin de la vérité,

et il l'applique ici aux Juifs pour les tirer de leurs tenta-

tions et de leurs erreurs dans l'interprétation de la Loi.

Si ce moyen de salut pour tous en laisse quelques-uns

dans l'endurcissement, ce n'est qu'à la mauvaise dispo-

sition de leurs cœurs qu'ils doivent s'en prendre. Et à

Page 258: Condren - Oratorien

CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 255

la vérité, il en sauve quelques-uns que Dieu illumine,

tandis qu'il précipite les autres dans le scandale par le

juste jugement de Dieu, qui les punit de ce qu'ils se sé-

parent de l'esprit de la Loi, qui en est la vie, pour s'y

attacher salon la chair, qui en est là moi t. La Loi elle-

même leur aurait appris cette vérité, s'ils l'avaient étu-

diée avec droiture et Jésus-Christ ne veut pas la leur

laisser ignorer. Néanmoins ils demeurent dans t'endur-

cissement. Alors Jésus-Christ les avertit que c'est à Dieu

son Père de les en tirer, pour les porter doucement à

,ni: il confesse son obéissance à son Père, et dit qu'il ne

peut illuminer ni sauver que ceux que son Père lui don-

ne mais que pour son respect il fera vivre éternelle-

ment ceux qui lui seront donnés de sa part.

Et pour commencer à leur faire entendre que le

royaume du Messie n'est pas de ce monde ht de cette

vie, mais que c'est le royaume éternel de Dieu même,

il ajoute que son Père entend que tous ceux qui le voient

et croient en lui ressuscitent au dernier jour en une

nouvelle vie. Les Juifs demeurant dans le désir d'une

manne charnelle, et s'offensant de ce qu'au lieu de la

leur donner il dit qu'il est le Pain descendu du ciel

chose qui leur parait fausse et dont ils prennent, à l'or-

dinaire des mécontents, occasion de s'indisposer les

uns les autres disent qu'il ne peut pas être descendu du

ciel, vu qu'il est fils de Joseph. Jésus Christ, pour gué-

rir leur murmure et les porter à recourir à Dieu qui

seul peut les en tirer, leur dit et redit plusieurs fois que

personne ne vient à lui que par son Père. Et les voyant

toujours dans leur tentation première, qu'il leur devait

donner la manne s'il était vraiment le Messie, il se sent

nbligé de leur dire et redire plusieurs fois, que c'est lui,en effet, qui est.le Pain de vie que ta manne ne l'était

Page 259: Condren - Oratorien

2J6 DISCOURS

pas, puisque lenrs pères, qui l'ont mangée dans le dé-

sert, sont morts, tandis que ceux qui mangeront le pain

qu'il leur donnera vivront éternellement. Par là, ceux

qui savaient, par la tradition de la foi, que le royaume

du Messie devait être éternel et immortel, devaient com-

prendre que la manne ne pouvait pas en être la vraie

nourriture, mais bien lui, qui donnait l'immortalité à

ceux qui le recevraient.

Jusque-là cependant il ne leur avait pas encore parlé

explicitement de la manducation. Au verset 52, il com-

mence de leur dire que sa chair est ce pain qu'il donnera

pour la vie du monde, non comme Hostie offerte à Dieu

( en cela l'hérésie se trompe), mais comme pain qui doit

être mangé pour donner la vie aux hommes puisqu'il

ne vivifie que ceux qui le mangent. Les Juifs l'entendi-

rent ainsi à la lettre et en disputèrent entre eux. Jésus

confirma avec jurement que la manducation de sa chair

est nécessaire à la vraie vie, et promet la résurrection

e: la vie à ceux qui la mangeront. Il dit qu'elle est vrai-

ment viande, et son sang breuvage, et qu'il vivra en ceux

qui le mangeront, et eux en lui, comme son Père vit en

lui et lui en son Père. En quoi il donne pour exemple

de la vérité de sa communion la chose la plus réelle- et

la plus sainte qui soit en la terre et 2» ciel. Enfin il con-

clut que la manducation de sa chair a bien an autrA effet,

pour donner la vie, que la manne qui ne délivrait pas

de la mort; afin que ces pauvres gens cessassent de la

désirer, et commençassent de croire ce qu'ils n'avaient

pas assez entendu dans la Loi et les Prophètes, que le

Messie devait donner une autre vie et une autre manne

qui nourrirait son peuple éternellement.

Toutes ces choses furent dites aux Capharniîtes en-

durcis, dans leur synagogue. Plusieurs des disciples qui

Page 260: Condren - Oratorien

CONTBE LA MARDUCATIOR INTENTIONNELLE.257

les avaient entendues, ne pouvant souffrir qu'il fallût

manger la chair de Jésus-Christ, murmurèrent aussi.

Le Fils de Dieu qui connaissait que leurs murmures

procédaient de ce qu'ils' ne croyaient pas assez ferme-

ment qu'il fut venu de Dieu et du ciel, leur dit qu'ils le

verraient remonter au ciel, et retourner à Dieu oiu il

était premièrement ce qui certainement était la preuve

la plus grande et la plus évidente possible qu'il en est

venu et la raison la plus convaincante qu'il pût leur

donner de croire à sa parole. Et parce qu'il les voit ar-

rêtés à la chair et aux sens avec beaucoup d'infidélité,

il leur en découvre l'incapacité et la misère en leur

enseignant qu'il n'y a que l'Esprit qui vivifie l'homme

et le rende capable des choses de la vie nouvelle que

la chair n'y sert de rien et n'y peut rien comprendre

que la doctrine qu'il leur propose est de l'Esprit et de la

vie nouvelle, auxquels la chair n'a aucune proportion

que quelques-uns d'entre eux étaient sans la foi quiest le fondement de l'homme spirituel, et n'avaient que

la chair, inutile à son école que, par conséquent, ils

n'avaient rien de l'Esprit vivifiant, si nécessaire pour

recevoir sa doctrine, Et pour leur donner sujet de recou-

rir à Dieu, qui les pouvait changer et les tirer de la

chair à l'Esprit, il leur dit de rechef que personne ne

peut venir à lui que par un don singulier de Dieu son

Père. Plusieurs n'en firent nul profit cette fois en-

core, et se retirèrent. Les onze Apôtres demeurèrent

fidèles et quoiqu'ils ne comprissent pas encore com-

ment on pouvait manger sa chair ils ne laissèrent pasde croire qu'il était le Messie, Fils de Dieu, qui ensei-

gnait la doctrine de la vie éternelle, et qu'on le devait

écouter et suivre. C'est ce que Jésus-Christ voulait sur-

tout persuader en toutes les conférences qui sont rap-

portées en ce chapitre.

Page 261: Condren - Oratorien

258 DISCOURS

Mais l'hérétique s'aveugle ici de là lumière mêmeet

se scandalise, à son ordinaire, des vérités de l'Évangile,

parce qu'il ne les écoute jamais qu'avec l'esprit matin,

qui n'en saurait user pour son salut. Et contre l'expresse

parole de Jésus-Christ en S. JMatihieu26, en S. Marc. 14,

en S. Luc 22, et en S. Paul li de sa première Epttre aux

Corinthiens, il veut suivre sa fantaisie, et fonder son

opinion sur l'autorité de ce chapitre, et principalementdu G4verset, que Jésus-Christ ne nous donne point réel-

lement et véritablement sa chair à manger sons le signedu paiu consacré, ni son sang à boire en la coupe par la

vertu de sa parole, ni par l'efficace de sa puissance, ni

par la fidélité de sa promesse ni par la vérité du don

qu'il nous en fait dans le Sacrement; mais parla persua-sion de celui qui le reçoit, laquelle est d'une si admira-

ble vertu qu'elle lui fait manger une viande absente de

lui et qui demeure aussi étoignée de lni que le ciel l'est

dé là terre De cette sorte, il ne craint pas de changerle présent véritable que Jésus-Christ nous fait de son

corps eu une communion intentionnelle et fabuleuse,

qui n'est rien que l'objet de son erreur et te crime de

son attentat contre l'Évangile.Or l'hérésie fait en cela plusieurs fautes qu'il faut re-

marquer pour la confondre. Lapremière, est d'opposerà des passages clairs, très-exprès et en plus grand nom-,bre, un seul verset que ses docteurs eux-mêmes tron-

vent si obscur qu'ils ne peuvent convenir du sens ce

qui est certain et dont il est facile de se convaincre parleurs écrits. Elle pèche donc en cela contre la lumièrede la foi et de la raison mais fille des ténèbres et

condamnée aux ténèbres, elle les écoute et vit en leurécole.

La seconde est de laisser les paroles expresses du tes-

Page 262: Condren - Oratorien

CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE.259

tament de Jésus-Christ, qui donne son corps à l'Église et

t'instruit de ce qu’elle doit croire et faire pour lé rece-

voir. pour établir ta foi de ce mystère sur un discours

qui à été adressé à des Juifs infidèles, non pour leur en

donner la connaissance entière ou pour leur eh ensei-

gnér la pratique qu'il né voulait pas tiiémé déclarer

encore à Ses Apôtres, mais pour les tircr de l'erreur où

ils étaient qu'il leur donnerait la manne s'il était le

Messie, et les détromper d'une opinion qui les empê-

chait de croire en lui. Eh ceia l’hérésie pèche contre le

sens commun, et contre l'usage de la parole qui doit

être reçue selon l'intention et pour lés fins de celui qui

parle, principaleinent quand il ést le maitre et qu'il à au-

tbrité et plus encore s'il est question d'un traité, 6n

d'un contrat, ou d'une alliance immuable.

La troisième est de préférer auxdernières instructions

dé Jésus-Christ, qui doivent contenir ses dernières vo-

lontés et la perfection de sa doctrine, quelques paroles

qu'il a dites longtemps auparavant dés gens incapa-

bles, pour les disposer de lbin à une instruction plus

ample Ce qui est contre l’ordre et là raison du discours,

qui veut que les dernières sentences soient toujours

plus considérées, et qu'on s’y attache davantage, comme

à celles qui concilient l’intention ilé celui qui parle, ét

qui doivent être l'exposition des premières. Or, par un

renversement étrange, l’hérésie veut que les premières

soient l'exposition des dernières Cependant ce qui la

confond doublement en ce cas-ci lés paroles de l'ins-

titution dé l’Eucharistie et tous lei derniers discours

üu Fils de Dieu à ses disciples rapportés par tes Ëvan-

génstes, n'ont aucun rapport à ce qti'il avait dit eli Ca-

pharnaum. Dans l’institution, il propose à sés Apôtres,

et leur commandé même, une mauducàtion présente

Page 263: Condren - Oratorien

260 DISCOURS

de son corps, sans désirer d'eux qu'ils se souviennent

d'aucune autre instruction précédente ou qu'ils en at-

tendent une autre plus tard. Au contraire, ce qu'il dit

aux Capharnaites de la manducation de son corps re-

quiert une instruction plus entière pour être entendu

une grâce plus grande pour être reçu et pratiqué, de

quoi le texte avertit souvent. Il parle de la manducation

de sa chair, comme d'une chose future, Panis quem

ego dabo, caro mea est, v. 52, et tout ce qu'il désire d'eux

est seulement qu'ils croient qu'il la faudra manger un

jour donc les paroles de l'institution ne doivent pas

être exposées par celles de ce chapitre mais au con-

traire. Il faut noter encore que quands. Mallh., S. Marc,

S. Luc en leurs Évangiles, et même S. Paul en son Épître

aux Corinthiens, ont rapporté les paroles de Jésus-Christ

au peuple chrétien et leur ont donné l'usage de l'Eu-

charistie, S. Jean n'avait point encore écrit son Évan-

gile donc les fidèles le reçoivent sans rapport à ce

chapitre ils n'avaient point d'autres paroles écrites

-poar fonder leur foi que les paroles de son Testament.

Les Apôtres, qui sont tous morts avant S. Jean n'ont

point jugé si nécessaire à la foi des peuples toutes ces

instructions qui furent données en la synagogue à Ca-

pharnaüm sans lesquelles néanmoins, selon la doc-

trine des hérétiques, les paroles de Jésus-Christ seraient

périlleuses pour être trop expresses, et la crédulité des

peuples serait exposée à l'erreur et n'aurait rien pourse défendre de leur signification trop distincte pour la

réalité de son corps, principalement si la tradition n'est

pas suffisante pour expliquer les Écritures et si la foi

ne doit point avoir d'autre fondement que la parole

écrite, comme ils le disent.;

La quatrième est de vouloir expliquer la doctrine et

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CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 261

la foi que Jésus-Christ nous donne de la Communion de

sa chair au sacrement, par un texte qui n'en parle pas.En cela l'hérésie est si infidèle, qu'elle l'est à elle-mê-

me et à sa propre croyance, aussi-bien qu'à sa cons-

cience. Car les principaux docteurs Calvin Dumoulin

et les autres, enseignent ordinairement qu'il n'est point

parlé, dans ce sixième chapitre de S. Jean de la com-

munion de Jésus-Christ qui se fait en la Cène, mais seu-

lement de la communion que nous devons avoir avec

lui au baptême, et le reste de notre vie. Et quoiqu'ils se

trompent eu cela puisque Jésus-Christ parle d'une

manducation de sa chair que ses Apôtres n'avaient point

encore reçue, comme il parait par la suite du texte et

qu'ils avaient néanmoins déjà reçu la communion des

fidèles avec lui, il est toujours bien vrai de dire que

c'est à tort que l'hérésie veut fonder sa croyance sur des

passages communément rejetés par ses maîtres, el op-

poser à la parole évangélique 3ssurée et certaine, un

texte qu'elle ne croit pas, et qui est désavoué non-seu-

lement de ses docteurs mais aussi des Apôtres.

Après tous ces désordres d'esprit et de jugement,

l'hérésie fait une faute beaucoup plus grande de choisir

ce chapitre pour appuyer sa doetrine car il y est en-

tièrement contraire comme on peut le démontrer faci-

lement. En effet, Jésus-Christ commence à dire au 10

versetqu'il faudra le manger; et afin qu'on ne pense pas

que ce soit en son esprit, il ajoute, au 52, que ce sera en

sa chair. Au 53, les Juifs l'entendent d'une manducation

réelle et charnelle et disputent entre eux du moyeu

qu'il pourra employer pour leur donner sa chair. Au

54, Jésus-Christ les laisse en cette pensée et ne les

reprend que de ce qu'ils ne la croient pas assez, et en

demeurent en quelque doute. Pour les aider à la croire,

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262 DISCOURS

il leur jure par deux fois que, s'ils ne mangent sa chair,

ils n'auront point la vie éternelle tandis qu'il prometde la donner à ceux qui la manageront, et les convie

ainsi à cette croyance par le fruit qu'ils doivent en ti-

rer. Au 56, il dit que vraiment sa chair est viande et son

sang breuvage, et non par métaphore, ou analogie. Au

57, il déclare son union avec ceux qui le mangeront. Au

58, il prend pour exemple de la vérité de cette manduca-

tion ce qu'il y a de plus saint et de plus réel au ciel et

sur la terre c'est-à-dire son Père vivant qui l'engendre

et l'envoie. Au 59, il préfère cette manducation à celle de

la manne qui était réelle et non pas métaphorique, et

assure qu'elle est tout autre. Que peut-on dire de plus

exprès pour la vérité de cette manducation et en quels

termes plus forts Jésus-Christ pourrait-il l’exprimer ?

Mais si la lettre est puissante, l'esprit et le sens que la

suite nous donne l'est bien davantage encore.

Nous devons supposer deux vérités que l'hérésie de

ce temps ne nous niera pas. La première, que Jésus-

Christ n'a pas manqué d'esprit ni d'adresse pour se bien

faire entendre. La seconde, qu'il a eu aussi toute la

charité qu'il devait avoir pour enseigner la vérité à ceux

qui l’écoutaient. Or, il est incontestable qu'il a parlé aux

Juifs et même à ses disciples, de manière qu'ils ont

cru que ses paroles les obligeaient à croire et à pratiquer

une manducation réelle de sa chair, et qu'il leur a con-

firmé la même chose par une assez longue suite de

discours. C'était donc son intention qu'ils la crussent.

ainsi et nous aussi après eux. Nous n'avons point

d'exemple en l'Écriture où ses paroles aientimprimé une

croyance si éloignée de son intention.

A quoi il faut ajouter que les Juifs avaient en leurs

cérémonies plusieurs manducations commémoratives,

Page 266: Condren - Oratorien

CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 263

comme celle de l’Agneau Pascal et des autres victimes

auxquelles ils participaient, les festins qui se faisaient

dans les lieux saints et quelques autres. D'ailleurs, ils sa-

vaient aussi qu'il fallait se nourrir spirituellement de la

Loi, de la parole de Dieu des choses saintes et de toute

autre nourriture spirituelle. Ils n'eussent donc pas man-

qué de prendre en ce sens ce que Jésus-Christ disait de

la manducation de sa chair, sans y trouver la moindre

difficulté, si son discours et sa façon de parler eussent

pu se prêter à cette interprétation, et s'il ne se fdt ex-

pliqué en des termes si exprès et si significatifs qu'on

ne les pouvait entendre autrement. Ils n'eussent jamais

pensé contre leur coutume et contre l'application or-

dinaire de leur esprit qui les portait à prendre tout en

figure à une manducation réelle c'était donc ce qu'il

leur voulait enseigner.

Mais le scandale qu'ils conçurent de ses paroles et les

réponses qu'il leur donne prouvent la chose encore da-

vantage. Car, au lieu de les tirer de l'opinion qu'il leur

avait donnée d'une manducation réelle de sa chair, ce

qui les scandalisait et les éloignait de lui et de leur sa-

lut, il les fortifie en cette croyance il ne les htame pas

de prendre mal ses paroles., mais seulement de ne pas

y ajouter foi. Il les porte au contraire à les croire, ne les

reprenant que de ce qu'ils ne les croient pas assez. Il ne

leur donne point d'autre remède pour sortir de ce scan-

dale et revenir à lui que de croire ce qu'il leur disait.

Il ne les détrompe point de leur fausse intelligence, à

quoi cependant la charité l'eût obligé, s'ils s'étaient vrai.

ment trompés sur le sens de ses paroles car toute per-sonne qui parle doit avoir intention de sefaire entendre,et si ceux qui écoutent se perdent en prenant mal ses

paroles elle les doit avertir, surtout s'il est facile de

Page 267: Condren - Oratorien

264 DISCOURS

le faire. Oril était aisé de leur faire entendre une mandu-

cation commémorative ou spirituelle, comme ils la pra-

tiquaicnten leurs sacrifices et si la doctrine des héré-

tiques eût été la sienne, il n'avait qu'à leur dire qu'ils

mangeraient un peu de pain, et boiraient un peu de vin

en sa mémoire, en croyant que, comme le pain nour-

rit le corps, la foi de ce qu'il était et de ce qu'il ferait

pour eux nourrirait l'àme; et que, puisqu'en tous les

banquets on boit ordinairement en mémoire des absents,

et qu'il n'est pas plus difficile de manger à la même in-

tention, ils ne devaient pas trouver si étrange qu'on bût

et mangeât en mémoire de lui. C'était un moyen facile

de guérir leurs murmures que le Fils de Dieu ne pou-

vait pas ignorer si la vérité ne s'y fût opposée. Si donc

il ne s'en sert pas et s'il laisse ceux qu'il instruit dans

la croyance d'une manducation réelle, c'est une preuve

évidente que cette croyance est selon son intention.

Voyant les Juifs endurcis dans leur infidélité, et ses

disciples eux-mêmes murmurer de sa doctrine, Jésus-

Christ s'adresse à eux, verset 62 et les eu blâme eu

particulier. Parce qu'ils étaient plus obligés dé le croire,

à cause qu'ils avaient été mieux instruits et avaient vu

plus de miracles que les autres il les reprend plus

durement de ce qu'ils ne croyaient pas ce que les Ca-

pharnaites refusaient de croire. Or, comme ce que les

Capharnaites refusaient de croire était la réelle mandu-

cation de sa chair, il veut donc que ses disciples croient

à cette manducation réelle.

Mais l'hérésie prétend que Jésus-Christ s'est expliqué,

et a déclaré, au verset 64, que sa chair est inutile; prenant

ces paroles la chair ne sert de rien de la chair même

de Jésus-Christ, et non de la chair de l'homme pécheur,

ce qui est aisé à réfuter par les raisons suivantes.

Page 268: Condren - Oratorien

CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 265

12

La première si le Fils de Dieu a dit que la chair ne

sert de rien, en parlant de sa propre chair pour corri-

ger ce qu'il avait dit trop absolument qu'il la faudrait

manger, de peur qu'on n'en abusât, et afin que ceux qui

l'avaient entendu cessassent de s'en scandaliser, il de-

vait parler non-seulement à ses disciples en particulier,

mais encore aux Juifs qui l'avaient entendu car il était

obligé de guérir leur scandale aussi bien que celui de

ses disciples, et c'était les laisser en erreur que de leur

céler une instruction si nécessaire. On voit cependant

qu'il ne leur adresse pas ces paroles si importantes,

mais qu'il se contente de les dire aux disciples, selon

la remarque de l'Évangéliste, verset 62 vu qu'il n'était

pas à propos que Jésus-Christ fit connaitre aux Caphar-

naites la défiance des siens mêmes, de peur de les confir-

merpar là dans la leur. Donc, les paroles du verset 64ne

sont pas une rétractatiou, ni une exposition nécessaire.

La deuxième Jésus-Christ reprend ses disciples de

ce qu'ils murmurent et no croient pas qu'il faille man-

ger sa chair car ses paroles portent une répréhension

manifeste et déclarent assez leur infidélité. Ses disciples

avaient donc tort de ne croire pas simplement ce qu'il

leur avait enseigné auparavant de la manducation de

sa chair et son intention était qu'ils le crussent, ainsi

qu'il l'avait dit, sans remise à une autre instruction. Il

est donc certain qu il ne voulait pas qu'on attendit à

croire et à entendre son discours précédent par les

paroles qu'il leur dit après et qui ne sont rapportées

qu'au v. 64.

L'hérésie donne à ces deux versets une explication qui

justifie les disciples et condamne Jésus-Christ car elle

veut qu'il parle de son ascension, pour leur faire enten-

dre que sa chair ne sera pas mangée en la terre puis-

Page 269: Condren - Oratorien

266 DISCOURS.

qu'elledoit.monterauciel.En effet,si celaétait lesdisciplesavaientraisondenepascroirequ'illa fallûtmanger,et Jésus-Christavaittortdeneleuravoirpasdonnécetteinstructionauparavant,.et nepouvaitpasenjusticeles reprendreden'avoirpointcrucequ'ilnefallaitpointcroire.

D’ailleurs,cetteexpositionne convientnià l’EspritdontJésus-Christparle niàla croyancedesJuifs nià lalettredu.texteHocvosscandalizat? si ergovideri-tis,etc.CequeJésus-Christdit auxdisciplesestuneréprimandeavecobjurgation,quiporteuueréticenced'indignationdece que aprèstantd'instructionspar-ticulièresdemiraclesmanifestesetdepreuveséviden-tesdelasaintetédesesmœursquiles doiventporterà recevoirsadoctrineilsrefusentdecroireà laman-ducationdesachair,pendantqu'ilestencoreaveceux,et .qu'ilsontcettemêmechairprésente.Quesera-cedonc,leurdit-ilquand je m'enserairetournéd'oùjesuisvenuetquevousn'aurezplusmachairvisibleence monde et qu’ilne faudrapourtantpaslaisserdenoirelamêmechosequejevousaidite?L'indignationmanifestequecesparolesportentveutquelaréticenceportesurquelquechosedeplusdifficileàcroirequece

qu'ilsrejetaient,et plusencoreaprèssonascensionqu'auparavantchosecependantqueJésus-Christavaitdroitdedésirerd'eux,etqu'ilavaitsujetdetrouverétrangequ'ilsnevoulussentpascroire.Danscetteré-primande,il insinuepourtant-doucementlapersuasionquesonascensiondoitporterdansleursesprits,afinquesi, d’unepart, il les tancedece qu'aprèstantdesignesilsserendentencoredifficilesà lamanducation-desachair,qu'illeurfaudracroirealorsmêmequ'ilsnel'aurontplusvisiblementparmieux cequi semble

Page 270: Condren - Oratorien

CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE. 267

12.

plus difficile, de l'autre, it leur facilite cette croyance

en s'autorisant de ce qu'il vi.ent de;Dieu et qu'il retour-

ne à Dieu; car on doit toutcroire sans difficulté d'un

homme qu'on voit remonter au ciel, d'où. il est venu,

comme en sa demeure. Si l'on se souvient que, Jésus-

Christ leur avait dit auparavant que,Dieu l’avait envoyé;

qu'il était venu du ciel que la vie qu’il donnerait était

la .vie éternelle et qu'il les ressusciterait au dernier

jour; l'on n'aura pas de peine,à copclure qu'il leur avait

aussi enseigné qu'il n'était ni de ce monde, ni pour ce

monde mais qu'il retournerait au ciel, et avec lui ceux

qui croiraient en lui et le,suivraient. Ce n'est pas seu-

lement ce qui est écrit en ce chapitre de S. Jean qui

autorise cette conclusion;.mais l'ensemble même des

Évangiles car d'après ces Écrits inspirés ces points

étaient les principaux dont Jésus-Christ instruisait les

Siens. Il est donc très-probable que ses disciples les

avaient crus puisqu'ils l'avaient suivi jusque-là. Ce

qu'il fait donc maintenant c'est de les leur remettre en

l'esprit et,d'y porter leur attention, en ajoutant qu'ils le

verront eux-mêmes remonter au ciel afin de raffermir

par cette promesse leur foi chancelante et leur faire sen-

tir avec une adresse divine leur imperfection. Ainsi par

cette proposition, il les fortifie en la foi et les dispose, en

les reprenant de leur faiblesse à croire, même après

son retour à Dieu, à une manducation plus divine et

plus admirable mais aussi plus difficile, de sa chair

reçue au ciel, et aussi à la pratiquer en son temps.

Cette même proposition pouvait encore leur être néces-

saire pour entendre que la manducation de sa chair

qu'il proposait, n’était point contraire à son ascension,

ni son ascension à cette manducation, et qu'il savait le

moyen d'accorder ces mystères. Il leur avait assez fait

Page 271: Condren - Oratorien

268 DISCOURS

connaltre son retour au ciel pour donner lieu à cette

difTiculté, et peut-étre leur était-elle,un empêchement

présent à la- foi, qu'il était bien à propos de leur ôter.

C'est la conduite qu'il tint avec Nicodème comme on

peut le voir au chap. 3. selon S. Jean, v. 11. 12 et 13. Il

leur rappelle aussi son ascension ponr leur montrer

qu'il est un homme céleste, digne par conséquent d'ê-

tre écouté autrement que les antres, d'autant plus que

sa doctrine est par là même céleste aussi Qui est de ter.

ra, de terra est, et de terra loquitur. Qui de cœlo venil.

super omnes est. (Chap. 3. v. 31.) Ce qu'il dit au verset

suivant explique très-bien cette doctrine car étant un

homme qui vient de Dicu etqui retourne à Dieu, il n'est

point de ce monde, et ne doit point vivre selon le mon-

de, ni selon la terre, ni selon la chair; aussi,ne parle-

t-il point des choses de la terre ni des choses de la

chair, mais bien de celles de l'Esprit vivifiant, parce

qu'il est venu seulement pour apporter aux hommes,

comme il venait de le leur dire une vie spirituelle

céleste, divine, conforme à son principe, qui est lui.,

de laquelle le ciel d'où il vient et où il va est le cen-

tre, et la terre l'exil. L'Esprit a donné cette vie, c'est

pourquoi il l'appelle vivifi wt; la chair, au contraire, y

est opposée, c'est pourquoi il dit qu’elle n'y sert de rien

et parce que sa doctrine et ses paroles doivent être

conformes à l'effet qu'il est venu produire, il faut qu'el-

les soient de cet Esprit et de cette vie. Il a dit esprit et

vie, à la façon des Hébreux qui mettent des substantifs

pour des adjectifs, c'est-à-dire de même condition que

cet. Esprit et cette vie, à laquelle la chair est non-seu-

lemeat inutile mais encore opposée. C'est pour cela

qu'elle est un empêchement à entendre et à croire ses

paroles, aussi bien qu'à le suivre tandis qu'il n'y.a

Page 272: Condren - Oratorien

CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONNELLE.269

que l'Esprit de vie qui puisse servir aux hommes, soit

pour les rendre dociles à la doctrine de Dieu, soit pourles rendre capables de sa vie. Or, parce que la foi est le

premier effet de cet Esprit, l'infidélité en est une pri-

vation entière, et l'incrédulité est, de toutes les mau-

vaises dispositions que les hommes peuvent avoir, celle

qui en éloigne davantage. A ce mal il n'y a point d'au-

tre remède, sinon que Dieu les tire à la foi et les rende

dociles, puisque la chair, qui leur reste, n'y sert de

rien. Voilà précisément ce dont Jésus-Christ avertit ses

disciples, en leur disant que leur iucrédulité empêche

l'Esprit vivifiant qui est si nécessaire, et que c'est pour

cela qu'il les a assurés qu'on ne peut venir à lui sans

son Père.

Après avoir e:posé la suite, le sens des paroles de

Jésus-Chtist se réduit aisément à ces trois propositions:

Je retournerai au ciel, comme je suis venu du ciel pour

donner la vie céleste et éternelle. (v. 39 et 40.) C'est

l’Esprit qui vivifie; c'est-à-dire, qui donne cette vie, qui

y sert, qui y conduit, la chair n'y sert de rien. Mes pa-

roles sont spirituelles, et de même ordre que la vie que

je donne; la chair ne peut pas vons aider à les com-

prendre, mais l'Esprit seulement, duquel votre incré-

dulité vous éloigne c'est pourquoi je vous ai dit de

eruire en moi. etc.

L'exposition de l'hérésie ne convient pas plus à la

croyance des disciples qu'à la manière dont Jésus-Christ

parle. Car les Juifs croyaient, comme nous, que les

hommes qui avaient été dévorés par des bêtes ou man-

gés par d'autres hommes ne laisseraient pas de ressus-

citer et de monter au ciel s'ils étaient du nombre des

Saints, Il ne s'ensuivait donc pas, dans leur esprit, de

l'ascension de Jésus-Christ au ciel que sa chair ne se-

Page 273: Condren - Oratorien

270 DISCOURS.

raitpasmangéeenterre et parconséquent,tel nepeutpasêtrelesensdesparolesduFilsdeDieu',ni telle sonintention.

Cetteexpositionne s'accommodepasdavantageautexte.Carlehoc,se rapportenécessairementà ce quiscandalisaitlesdisciples.Orce quilesscandalisait,etquiles décidaà se séparerdeJésus-Christc’étaitladoctrinequ'il leur exposasur la manducationde sachair,etnonpaslamanducationelle-même,puisqu'ilstiennentcettemanducationpourimpossibleet qu'ilsn'enfontpointdecas.End'autrestermes,ilsse scan-dalisaientdelui,nepouvantcomprendrecommentunhommedesaqualitéavaitputenirunpareillangageetleur assurerunechosequ'ilsregardaientcommeim-possible.11fautsupposericiunechosecertaine,quecequ'illeurditde sonascension,ille ditpourlesempê-cherde lequitteret dese scandaliserdesesparoles.Tandisque,s'il leurenavaitparlépourleurfairevoirquesachairneseraitpointmangéeen la terre,il leurauraitparlàmêmefaitentendrequ'ilavaitmalfaitdeleurparlersiabsolumentdelamanducationdesachair,puisquecettemanducationnedevaitpasavoirlieu:ifauraitdonctiréuneconséquencecontrelui-mêmeetcontresonintention,etmêmecontresonobligationdeguérirlesdisciplesen leurôtantlesujetdeleur scan-dale et cetteconséquence,Illa confirmaitenproavantqu'ilavaitmaldit.IUfautnoterlaconjonction'ergo,quimontrequela réponse,queJésus-Christdonneà l’in-terrogationqu'ilalui-mêmefaiteauversetprécédent,(Hocvosscandalizat?)doitporteruneconséquencetacitecontrelesujetqu'avaientsesdisciplesdesescandaliser.L'hérétiquen'a songéicini àjustifierJésus-Christensesparoles,nia ramenerlesdisciplesensacompagnie;

Page 274: Condren - Oratorien

CONTRE LA MANDUCATION INTENTIONELLE. 271

mais bien à se servir de lui et de sA parole pour détruire

la réalité de sa communion, qu'il rejette pour établir son

erreur aux dépens de la réputation de Dieu; C’est ainsi

ilue les pécheurs se servent de Dieu et de son concours,

contre Dieu méme, pour commettre leurs péchés.

Enfin la troisième raison qui montre, contre les lié-

rétiques, que c'est de la chair de l'homme péchettr, et

non de sa chair divine que Jésus-Christ a dit qu’elle ne

sert de rien, raison qui devait être mise la seconde se

tire des v. 6t et 62 joints ensemble dans lesquels l’É-

vangéliste dit deux choses. La première, v.. 62. que les

disciples murmurent. En quoi Jésus-Christ les biàme et

leur fait connaître, par la rigueur de ce terme qui se

prend toujours eu mauvaise part, qu'ils ont tort d'oit

il suit, qu’au lieu de murmurer, ils devaient se rendre

sans murmure à la doctrine de Jésus-Christ, et croire

simplement ce qu'ils ne voulaient point écouter. La se-

conde, v. 61, qu'ils murmurent parce qu'ils trouvent

la doctrine de J.-C. difllcile à croire durus est hic sermo.

Ce discours est dur, qui le peut ouïr c'est-à-dire, croire,

en style d'Écriture. Évidemment ils ne parlaient ainsi

que d’une manducation réelle; car une manducation com-

mémorative ou spirituelle n'eût pas été une doctrine de si

dure ou de si difficile croyance à des Juifs qui en avaient

et en croyaient plusieurs comme nous l'avons montré

ci-dessus. Les disciples murmuraient donc parce qu'ils

savaient bien que le Fils de Dieu avait parlé d'une man-

ducation réelle. L'Évangéliste condamne leur murmure,

et parconséquent il donne son jugement pour la mandu-

cation réelle. Il rapporte ensuite les paroles de Jésus-

Christ, aux v. 63, 64. 65et 66, contre le murmure des dis-

ciples incrédules pour confirmer la même chose par

l'autorité de son Maître; autrement son Évangile serait

Page 275: Condren - Oratorien

272 DISCOURS.

contraireà lui-même.Ilestdonctrès-certainquel'Évan-gélistea cruquelesparolesdeJésns-Christ,couchéesanv.64,nesontpascontrelamanducationréelle,maispourlaconfirmer.

Cecinousjettedanslaquatrièmeraisonquele v.64nousdonne,où Jésus-Christdit quesesparoles,quiavaientétéle sujetduscandaledes disciplessontdeYEspritetdelavieéternelle;àquoila réponsedeSaintPierreauv.69faitallusion,quandilditqueJésus-Christalesparolesdelavieéternelle.Je saisbienqu'ellesnes'entendentpas seulementdecelles-làmaisil suffitqu'elleslecontiennentpournousassurerqu'ellessontdel'Espritetdela vie.

Page 276: Condren - Oratorien

DISCOURS

CONTENANT

L'EXAMEN DE LA CROYANCE DES HÉRÉTIQUES DE CE

TEMPS, SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE

JÉSUS-CHRIST.

Hieu a permis, pour la couronne de son Église, que

le diable eùt deux moyens de la combattre, la force et

i'illusion. Le premier moyen lui est ouvertement con-

traire le second lui est apparemment semblable. Le

paganisme s'est servi, du premier, employant Fa vio-

lence et la cruauté pour la détruire; l'hérésie use prin-

cipalement du second, trompant les esprits faibles dans

la foi et orgueilleusement confiants en leurs propres lu-

mières, par des propositions captieuses qui donnent le

change aux fidèles, et par leur vraisemblance les tirent

de la vérité pour les engager dans ce qui n'en a que

l'apparence. Pour cette fin, elle se sert de l’Écriture-

Sainte, qu'elle propose enllehors de son propre jour et

dans une fausse lumie.e, et fait ainsi voir des fantômes

à ceux qui sont susceptibles d'illusion. Si l'on veut s'en

défendre, il fautles considérer de près, et bien prendre

garde au sens de ses paroles, à sa croyance et aux pas-

sages qu'elle allègue pour l'autoriser.

Elle fait profession de croire qu'il faut manger le corpsde Jésus-Christ réellement et véritablement, en quoi ellene dit rien contre la vérité; mais si on l'interroge da-

vantage, elle détruit le, moyen que Jésus-Christ nous a

laissé pour le manger, et en introduit un faux qui né

nous peuL rien donner qu'erreur et tromperie; en quoi

Page 277: Condren - Oratorien

274DISCOVRS

elle ruine la vérité de notre communion, sans qu'on y

pense. Car le moyen que Jésus-Christ nous a laissé est

le sacrement, qu'elle anéantit en disant que le corps de

Jésus-Christ n'y est pas; et le moyen qu'elle a invenlé,

est la persuasion de la foi qu'on l'a mangé et qu'on le

mange et ce moyen n'étant point de Dieu ne'peut nous

être utile. Il importe peu à l'ennemi de notre salut par

quelle voie il détruira la communion de Jésus-Christ,

pourvu qu'enfin il la détruise.

LAVÉLiITÉDEJÉSUS-CHRIST: Prenez et mangez, c'est

mon corps.

ERREURSDE L'HÉRÉSIE: On mange le corps de Jésus-

Christ en la Cène. Le corps de Jésus-Christ n'est point

au sacrement sous les signes du paiu et du vin. C'est

par la foi qu'on le mange.

L'hérésie s'est obligée de ne rien croire par tradition,

mais seulement par l'expresse parole de Dieu. On lui

demande donc des passages exprès de ces trois articles;

et elle est si malheureuse dans ses prétentions qu'elle

n'en peut trouver aucun, pas même le premier article,

qui est véritable et qu'elle croit avec nous; si elle ne re-

aonce à sa doctrine et aux interprétations qu'elledonne à l'Écriture- Sainte. Cela nous donne droit de

l'accuser d'avoir établi de son autorité privée ces trois

articles de foi, ce qui est un attentat contre l'Évangile,et d'avoir détruit le moyen que Jésus-Christ nous a laissé

pour recevoir son corps et son sang, lequel est le sacre-

ment. Elle fait plusieurs autres fautes contre la foi en

cet article; mais je de m'arrêterai pas pour cette fois à

les relever.

L'hérésie ne peut se servir, pour établir cette mandu-

cation réelle du corps de Jésus-Christ, qu'elle veut per-

suader, des paroles que ce divin Maître dit à ses Apô-res, et cela pour trois raisons:

Page 278: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE I.-C. 2j5

La première, parce qu'elle détruit la réalité de ses pa-

rules, en disant qu'elles siguifient: Prenez et maugez,

ceci est la figure de mon-corps. Ce sens ne permet donc

plus qu'une manducation figurative.

La seconde, parce que Jésus-Clirist ne met pas la réa-

lité de son corps dans la manducation, mais dans les

signes, comme il conste par ses puroles. Car il ne dit

pas qu'en mangeant ce qu'il donne on mangera son

corps, mais au contraire que ce qu'il donne est son

corps. Or, il est bien plus juste de croire la réalité du

corps de Jésus-Christ, s'il la faut croire, où Jésus-Christ

la met, c'est-à-dire,en ce qu'il donne, ou sous les signes,

que où il ne la met pas, à savoir dans la manducation.

Il faut donc ou la croire sous les signes, ou ne la point

croire du tout. Si Jésus-Christ eùt voulu dire ce que les

hérétiques prétendent, il devait parler ainsi Prenez et

mangez; en mangeant ceci vous mangerez mon corps.

La troisième: Il est bien certain que Jésus-Christ com-

mande à ses Apôtres de manger ce qu'il leur donne et

ce qu'il leur commande de prendre: or, ce qu'il leur

donne et ce qu'il leur commande de prendre est le sa-

crement visible et palpable qu'il tenait en ses mains. Il

ne leur commande donc pas de manger son corps au-

trement qu’il n'est au sacrement, ni en une autre ma-

nière, ni en une autre vérité ou présence que celle qu'il

a sous les signes.

L'bérésie _ne doit pas apporter ici les passages du

sixième chapitre de Saint Jean; car elle ne peut établir

un article de foi sur des textes qu'elle désavoue commu-

uément, et que ses principaux docteurs expliquent d'une

autre manière. Calvin, Dumoulin et autres ensei-

gnent qu'il n'y est point parlé de manducation du corps

de Jésus-Christ qui se fait en la Cène, mais seulement

Page 279: Condren - Oratorien

276 DISCOURS

de la communion que nous devons avoir avec lui toute

potre vie. Et quoiqu'ils se trompent (car Jésus-Christ

parle d'une manducation de sa chair qu'il devait donner

à ses disciples, comme il parait par la suite du texte,

et non pas de la communion des fidèles avec Jésus-

Christ, que ses Apôtres avaient déjà reçue) on ne peut

pas néanmoins établir une croyance commune sur des

passages qui sont rejetés communément. Je dirai, en

passant, pour l'intelligence du texte, qu'il est bien vrai

que le Fils de Dieu ne parle pas, dans ce chapitre, de

l'Eucharistie, du sacrement, ni des signes; car il ne dé-

clare pas encore le moyen de la manducation de son

corps il en réserve la connaissance à la fin de sa vie

et se contente de dire qu'il donnera son corps, et quece ne sera point par une infusion secrète de lui en nous,

mais par une manducation. Il parle donc par conséquent

de la manducation qui se fait par le moyen de l’Eucha-

ristie, quoiqu'il ne parle pas expressément encore de

l'Eucharistie.

Si l'hérésie veut se fonder sur les passages qui sont

tirés des Épifres de Saint Paul, ils lui sont aussi inutiles

que celui dont ils se servent en donnant leur Cène qui

fst pris de la première Épître aux Corinthiens 10, 16.

«Le pain que nous rompons n'est-il pas la communion au

corps de Jésus-Christ? »Illeur faut répondre que, selon

leur croyance, qui met la réalité de la communion de

Jésus-Christ en celui qui communie et non sous les si-

gnes, le pain qu'ils rompent n'est pas la communion au

corps de Jésus-Christ, mais la figure seulement et le

signe de la communion. Ce texte leur est donc contraire.

D'abord, en ce qu'il parle d'un pain qui était la commu-

nion du corps de Jésus-Christ avant même d'être

rompu et lorsqu'on le rompait; ce qui n'est pas vrai du

Page 280: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCATION DU CORPS DEJ.-C.

pain de leur Cène, qui n'est la communion que quand

on le mange, et encore n'est-ce qu'en figure. Ensuite,

parce qu'il fait voir la pratique des Apôtres, qui était de

rompre le pain déjà consacré; tandis qu'eux ne le rom-

pent, ni ne le bénissent, ni ne croient que Dieu le bé-

nisse d'une bénédiction particulière, tant ils sont éloi-

gnés de l'usage des Apôtres en ce mystère. D'ailleurs ce

passage ne peut pas servir pour autoriser une mandu-

cation réelle autrement que par les signes, comme ils

la veulent, pour les mêmes raisons que nous avons ap-

portées sur les paroles de l'institution du sacrement.

Ce que l'Apôtre dit de la coupe dans le même verset

16: La coupe que nous bénissons n'est-elle pas la com-

munion du sang de Jésus-Christ? (l'hérésie dit au sangde J.-C.) détruit semblablement leur croyance établit

la véritable foi qui met la vérité de la communion sous

les signes, et ne peut leur servir de rien pour leur com-

munion intentionnelle. De plus, ce passage les cou-

damne en ce qu'ils omettent en leur Cèue la bénédiction

de la coupe que l'Apôtre pratiquait, et en ce qu'il témoi-

gne que cette coupe qu'il bénissait était, avant d'être

bue par les fidèles, la communion du sang de Jésus-

Christ. Selon la croyance hérétique il faudrait dire Le

pain que nous rompons n'est pas la communion au corpsde Jésus-Christ, mais le pain que nous mangeons nous

représente.la manducation réelle que nous faisons parnotre foi du corps de Jésus-Christ. Pareillement il fau-

drait dire, selon la même croyance, de la communion

du calice: La coupe que nous ne bénissons point, quand

nous la buvons, nous est un signe qui excite notre foi de

la boisson véritable, que nous faisons par cette foi du

sang de Jésus-Christ. Mais l'Apôtre ne connaissait pascettefoi pour parler ainsi, et sans la connaître il l'a

condamnée par ses paroles.

Page 281: Condren - Oratorien

278 DISCOURS

Monsieur Mestrezatj abandonnant les isvangiles, et

les autres passage plus clairs qui lui furent suspects, et

qu'il n'osa alléguer, s'est voulu servir une fois, dans

une conférence, des paroles de St. Paul au chap. 5 de

l'Epltre aux Ephésiens où il dit parlant de Jéius-

Christ, que nous sommes membres de son corps de

xa chair, de ses os et, au lieu de les citer comme

l'Apôtre les rapporte, il les écrivit avec la réduplication,comme elles sont dans le chap. 3 de la Genèse, que nous

sommes os de ses os et chair de sa chair à quoi on

répondit avec raison trois choses. La première que

dans sa citation il avait pris le mariage pour le Sacre-

ment de la Cène. La seconde, que ce passage n'était pasde la manducation que les Gdèles fout du corps de Jé-

sus-Christ en la Cène mais du mariage d'Adam et Ève

à la lettre, et par allégorie du mariage de Jésus-Christ

avec son Eglise et que par conséquent il ne devait pas

être apporté pour un-passage formel de la manducation

du corps de Jésus-Christ en la Cène, et que s'il n'en

avait point d'autre, il ne s'ensuivait autre chose de ce

texte sinon qu'ils ne mangeraient pas plus Jésus-Christ

en la Cène qu'Ève ne mangea Adam. La troisième, qu'il

y a cette différence entre la communion que les fidèles

ont au corps de Jésus-Christ par le moyen de l'Eucha-

ristie, et-celle dont parle St. Paul au texte allégué entre

Jésus-Christ et l'Église dans l'état de son mariage éter-

nel, que celle de l'Eucharistie est une communion de

manducation par laquelle J. -C. se donne en nourritu-

re et fait que son corps entre en nous comme viande

pour nous vivifier, tandis que le verset en question dé-

note une communion de parenté et d'origine, en

laquelle l'Eglise tire son origine spirituelle de Jésus-

Christ, comme Eve tira son origine corporelle d'Adam.

Page 282: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCATION DÛ CORPS DE J.-C.279

Et si Phérésie n'a point d'autre passage que celui-là pour

prouver la manducation du corps de Jésus-Christ en

la Cène, il s'ensuit qu'il n'y a point de manducation dit

tout dans cette cène, et qu'au lieu que, par la man-

ducalion, Jésus-Christ entre en nous pour nous nourrir,

elle doit enseigner que ses adeptes sortent de Jésus-

Christ comme Eve du cûté d'Adam; ce qui est bien

contraire à la manducation que ses disciples doivent

faire de son corps.

Si l'hérésie est si pleine de confusion en sa croyan·

ce et si éloignée des Écritures Saintes qu'elle n'y peut

même trouver ce qui y est, ni prouver par leur auto-

rité ce qu'ello tient de véritable; bien moins encore

pourra-t-elle y trouver ce qu'elle croit et enseigne

de faux et de contraire à la vérité des Écritures com-

me, par exemple, que le moyen ordonné par Jésus-

Christ pour manger son corps soit de croire qu'on le

mange ou qu'on l'a mangé, et non pas le sacrement

qu'il a institué pour nous le donner!

Nous accusons d'abord l'hérésie de pécher en cela

non-seulement contre l'Écriture Sainte, mais eucore

contre sa propre conscience, contre sa foi et les rè-

gles de croyance qu'elle s'est prescrites. Car, ayant

renoncé aux traditions, et faisant profession de croire

que toute l'Église visible peut errer, et qu'il n'y a

point d'autre fondement de la foi que les paroles ex-

presses de l'Écriture Sainte, elle fait de sa propre au-

torité, non-seulement sans l'Écriture mais encore

contre l'Écriture, un article de foi que c'est par. la

'foi et non par le sacrement, qu'on mange réellement

le corps de Jésus-Christ.

Les paroles de l'institution nous proposent le sacre-

ment et ne disent rien de la foi elles ne commandent

Page 283: Condren - Oratorien

280 DISCOURS

autre chose que de prendre et de manger ce que Jésus-

Christ donnait Les trois Évangélistes se trouvent en

cela conformes; et l'Apôtre S. Paul, qui rapporte, au

chap. 11 de sa première épitre aux Corinthiens, ce quo

Jésus-Christ lui en avait appris et ce qu'il enseignait

de sa part aux Eglises de nécessaire à la perfection

de ce mystère, ne dit rien non plus de la foi.

L'hérésie a recours alors au 6' chapitre selon S. Jean

mais elle continue en ce cas de pécher contre sa

propre doctrine, puisqu'elle enseigne qu'il n'est point

parlé en ce chapitre de la manducation du corps de

Jésus-Christ qui se fait en la Cène. D'ailleurs le texte

ne dit en aucun lieu que croire en Jésus-Christ soit

manger Jésus-Christ: ce qui pourtant serait nécessaire

pour élablir un article de foi, puisque les coujectu-

res et les conséquences sont insuffisantes à le faire. Et

quand même on admettrait ces conséquences elles

ne peuvent servir de rien à l'hérésie, puisqu'elles

lui sont contraires. Au v. 27. où le Fils de Dieu com-

mence à parler de la nourriture de l'homme intérieur,

il donne à entendre qu'elle consiste dans les bonnes

œuvres qui eu sont le commencement et que Dieu lu i

donne comme disposition pour aller à Jésus-Christ

qui en est la perfection. Au v. 28 les peuples fenten-

dent ainsi. Au 29, il dit que la foi en Celui que Dieu

a envoyé est une œuvre de Dieu tant parce que Dieu

nous la donne, que parce qu'elle est le fondement

de toutes les autres, et que même elle contient et don-

ne la perfection de l'oeuvre, si on la suit. Or il est in-

contestable que la foi que Jésus-Christ est venu de

Dieu, n'est pas la manducation du corps de Jésus-Christ.

Saint Pierre et les autres Apôtres avaient cru en lui,

comme il parait par le 70 v. et ils ne l'avaient pourtant

Page 284: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C. 281

pas mangé. Caiphe et plusieurs de ceux qui cruci-

Gèrenl Jésus-Christ croyaient que Dieu l'avait envoyéHic est hæres, venite occidamus.. etc, et cependant ils

ne l'ont pas mangé.. L'hérésie elle-même enseigne quetout acte de foi n'est pas la manducation du corps de

Jésus-Christ mais seulement celui par lequel on croit

qu'on mange sa chair crucifiée et qu'elle nous nourrit.

Or, encore une fois, Jésus-Christ ne parle point ici de

Cette foi, mais seulement de celle qui fait croire en Celui

que Dieu a envoyé et elle u'cst pas certes la man-

ducation de son corps mais simplement une disposi-

tion à recevoir sa doctrine.

Le 35 v. que l'hérésie prend pour le principal fou-

dement que croire est manger, est contraire à cette

opinion dans les termes mêmes. Jésus-Christ y dit

Qui venit ad me non esuriet, qui credit non sitiet Celui qui

vient à moi n'aura plus faim, celui qui croit en moi

n'aura plus soif. A la lettre, venir à lui ce serait le

manger,ce qui parait faux. Car ce peuple, auquel

Jésus-Christ parlait et qui était déjà venu au désert à

lui, ne l'avait point mangé. Croire en lui ne serait

donc pas manger, mais seulement boire, puisque venir à

lui ôte la faim suivant ce texte et croire à lui ôte

la soif, mais qu'il n'y est pas-dit que venir ce soit

croire. Le peuple était venu à lui au désert, et ne

croyait pas encore que quelques-uns le mangeraient

qui ne le boiraient point, puisque quelques-uns vien-

nent à lui qui ne croient point en lui. Ce qui obli-

ge d'ouvrir l'esprit et de prendre le sens de sa pa-

role, lequel est que ceux qui viennent à lui non-

seulement de corps mais d'esprit, et pour toujours,seront finalement délivrés de la faim car s'ils ne

viennent à lui que pour un temps ou s'ils n'y vien-

Page 285: Condren - Oratorien

282 DISCOURS

nent que de corps et non d'èsprit et de cœur, pourse donner entièrement à lui1, cela ne sera pas. Le

peuple auquel il parle vint du désert à lui et ne

laissa pas d'avoir faim' par après, et ceux qui croient

en lui poar un temps ne laissent pas de se perdreet d'avoir soif éternellement en S. Luc. 8-13, quiad tempus credunt. Et même ceux qui viennent à lui,et croient en lui avec persévérance jusqu'à la fin, né

laissent pas d'avoir faimet soit temporellement,comme

l'Apôtre ( 2. Cor. 11. 27. ) in jame et siti. Jésus-Christ

même a eu faim temporellement (Matth.4-2 —et 21-18),et ses disciples de même. Il faut donc entendre ce ver-

set 38. de S. Jean d'une faim et d'une soif finale et

éternelle. Et d'ailleurs cette parole unquam, montre

que cet effet doit s'entendre pour l'éternité, où il n'y

aura plus de foi. Ce n'est donc pas l'action pure et sim-

ple de croire qui ôte la soif, ni l'action de venir à Jésus-

Christ qui ôte la faim. Par conséquent, nous devons aussi

prendre ces termes de veniret de croire avec toutes les

suites d'une adhérence et d'une croyance parfaite et

persévérante, ce qui comprend la coopération à toute

la conduite de Jésus-Christ, et la correspondance à tout

ce qu'il ordonnera pour la communion que nous devons

avoir avec lui.

On dit communément dans le langage ordinaire Si

vous me croyez, vous réussirez en cela vous serez

heureux. Or il ne s'ensuit pas que me croire soit être

heureux formellement, mais consécutivement c'est-à-

dire que si l'on mecroit, l'on deviendra heureux, parce.

que j'enseigneraitout ce qui sera nécessaire pour l'être,

etqu'on le sera: C'est une erreur épouvantable, dont la.

logique avertit, de prendre la causalité efficiente pour la

causalité formelle on réciproquement. La foi des dt'ux

Page 286: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C. 283

disciples à la parole de S. Jean (Joan. 1'. 13.), qui leur

montra l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde,

serait ainsi non-seulement la manducation du corps de

Jésus-Christ, mais aussi la résurrection et la béatitude

éternelle: et la croyance de la Ste Vierge à la parole de

l'Ange Gabriel serait l'incarnation. L'hérésie trompe

ses enfants par une équivoque continuelle de tous les

effets de la foi à son effet formel qui n'est autre chose

qu'être fidèle. Au verset 36, le peuple était venu à lui,

à Jésus-Christ, et l'avait vu, mais il n'avait pas cru

venir n'est donc pas toujours croire. Au verset 37, ceux

que son Père lui donne viennent à lui et ceux qui

viennent à lui ne sont jamais exclus c'est-à-dire s'ils

viennent parfaitement et pour toujours. Au verset 40

celui qui voit le Fils et croit en lui doit avoir la vie

éternelle et le Fils le ressuscitera au dernier jour

ce qui ne se peut entendre que consécutivement et

elHclemment puisque ni la résurrection, ni la vie

éternelle de ceux que Jésus-Christ instruit ici ne doit'

avoir lieu que quand la foi ne sera plus. Le verset 47

qui est le dernier qui parle de lafoi ne peut être enten-

du autrement: et plusieurs paroles des versets suivants

dénotent le temps de la vie éternelle si expressément

qu'on ne peut pas les entendre de l'effet formel, ou dé

la causalité formelle de la foi, laquelle ne peut jamais

être séparée de sa cause. Telles sont celles des versets

35. Unquam. 37 Non ejiciam foras. 39 In novissimo die.

47 Habet vitam æternam. 50 Nonmorietur. qui s'èilten-

dent de l'effet éternel de la communion avec Jésus-

Christ: elles sont confirmées par les suivantes v. 53.

Vivet in æternum. v. 54. pitam. 55. in novissimo die.

v. 59. fivet in æternum.

De plus, il faut considérer que quand Jésus-Christ

Page 287: Condren - Oratorien

284 DISCOURS

a parlé de la foi et de croire, il n'avait point encore

parlé de la manducation; et que depuis le verset 58oitil commence d'en parler, il ne parle plus de croire ni

de la foi, silence tout providentiel qui détruit l'erreur

hérétique de la manducation par la foi. Les Apôtres

croyaient en lui, verset 70, et ne savaient seulement

pas qu'il fallût le manger, Caiple crut qu'il devaitmourir pour racheter le peuple et réunir les enfantsde Dieu. (Joan. 52.) Les princes des Juifs (Matth. 21.

38. Marc12.7. Luc. 20.14. ) croirent qu'il était le Fils de

Dicu l'héritier de son royaume et de son peuple et

pourtant ils ne le mangèrent ni les uns ni les autres.Dans la première épitre aux Corinthiens, 11. 29. quel-ques-uns le mangent indignement ce sont ceux qui le

mangent sans foi disent les hérétiques donc croiren'est pas manger. Onpeut apporter ici tous les passages

de l'Écriture qui prouvent quela seule foi ne justifie pas.Jésus-Christ requiert une foi présente du peuple qu'il

instruit ici, et non pas une manducation présente de sa

chair qu'il ne voulait pas donner à manger sur l'heuremais plus tard Panis quemego dabo v. 52. La foi n'estdonc pas la manducation.

L'hérésie dit que tout acte de foi n'est pas manduca-

tion, mais seulement celui par lequel on croit qu'onmangela chair de Jésus-Christ crucifié pour notre salut.Jésus-Christ ne parle en aucun lieu de ce chapitre decette foi donc la foi dont il est parlé ici n'est pas man-ducation.

La foi est le commencement du nouvel homme lacommunion de Jésus-Christ en est la consommation. Lafoi est aussi sa première nourriture et le premier metsdu banquet évangélique, la manducation en est la per-fection. Or, quoique le nouvel homme, dès son com-

Page 288: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C. 285

meocement vive de Jésus-Christ, il ne mange pourtant

pas encore Jésus-Christ. Car être en la communion de

Jésus-Christ, et vivre de lui n'est pas toujours le man-

ger. Il est notre pain supersubstantiel et quotidien,

c'est-à-dire continuel, selon le sens le l'Écriture, et

dont nous devons vivre toute la vie mais il ne s'ensuit

pas que la manducation en soit continuelle. L'homme

animal même ne mange pas toujours quoiqu'il vive

toujours des aliments qu'il a pris. Le peuple, dans le

désert, vivait toujours de la manne que Dieu lui don-

nait, et ne la mangeait pas toujours. L'homme spirituel

vit de la parole de Dieu de sa grâce de la foi, des œu-

vres, des bonnes pensées des saints mouvements de

la charité et des autres vertus de l'Esprit de Dieu et de

ses dons, et de Dieu même néanmoins il ne mange pas

ces choses. S. Raphaël dit à Tobie, au chap. 12 de son

histoire qu'il usait d'une viande invisible qui le faisait

vivre mais il ne parle pas de manducation. Le moyen

que Jésus-Christ nous a laissé de vivre de lui en cette

vie par manducation est un excès de sa bonté, qui, en

cela s'est abaissée jusqu'à la nourriture animale pour

donner à tout l'homme, sans en excepter son corps,

quelque part à la religion et à la -communion de son

corps il est de plus un prodige étonnant et bien singu-

lier de sa charité, qu'il ne voulait pas même déclarer ou-

vertement à ses Apôtres attendant jusqu'au dernier

jour de sa vie quand ils seraient plus capables d'en

user, pour le leur manifester. Donc, la foi qu'il désirait

du peuple de Capharnaüm n'est pas la manducation

présente de sa chair, mais la croyance que Dieu l'a en-

voyé, laquelle est le commencement de la viechrétienne.

II était bien à propos d'élever leur esprit (qui pen-

sait trop au maneer, et qui n'était pas capable de la

Page 289: Condren - Oratorien

286 DISCOURS

perfection ) à quelque usage plus spieitueldes aliments

duciel c'est pourquoi jusqu'au,50 verset, il ne leur

parle pas du tout de manducation, mais seulement d'une

nouvelle vie, et d'un pain céleste dont il fallait user pour

l'avoir, sans leur dire pourtant qu'il fallût le manger.La manne avait deux significations selon la première et

la plus présente, elle montrait au peuple que leur vraie

nourritnre venait de Dieu, etqu'il fallait s'élever à lui

pour s'en nourrir en esprit. Jésus-Christ parle ici jus-

qu'au verset 50 selon cette signification se contentant

d'enseigner à ceux qui l'écoutaient à vivre spirituelle-ment du pain du ciel. sans parler de la manducationet si la tentation des Juifs ne l'eût pressé de s'expliquer

davantage, et qu'il n'y eût été obligé pour,leur montrer ce

que signifiait la manne il ne leur eût certainement pasdécouvert un si grand mystère, dont ta connaissance

est réservée auxSaints. Beaucoup moins voulait-il leur en

donner la réalité et l'usage. Il est donc bien certain et

incontestable, que la foi qu'il demande d'eux n'est pascette manducation, qu'il ne leur découvre que par quel-

que sorte de contrainte, pour les tirer de la tentation,en leur déclarant qu'il donneraune manne plus céleste

et plus divine que la première, et qu'ainsi il ne man-

quera pas d'en accomplir la promesse et la figure pro-

phétique. Car si la manne était un signe dela nourriture

spirituelle du peuple, elle était de plus une figure pro-

phétique qu'au temps du Messie on mangerait sur la

terre le vrai pain du ciel et la vraie substance de la vie

éternelle, d'une manière palpable et visible par le moyende l'Eucharistie, qu'elle représente, en ce qu'elle nour-

rit le peuple dans le désert, c'est-à-dire en cette vie.

Elle cesse en la terre de .Promission c'est-à-dire en pa-radis, où l'Eucharistie n'est plus. Qui en amassait une

Page 290: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C.287

plus grande quantité, n'en avait pas pour cela davantage

en vérité comme en l'Eucharistie; et comme ce divin

sacrement qui contient en Jésus-Christ tous les dons

de Dieu, la gràce, la gloire et toute la nourriture de

l'homme intérieur, elle avait toute sorte de saveur et

renfermait en elle-même la vertu de toute espèce de

viande. Le manne descendait du ciel comme une farine

blanche dont on faisait des tourteaux, mais elle ne tom-

bait pas le sabath., pour figurer qu'on ne trouverait plus

l'Eucharistie dans le grand jour du repos éternel, en

paradis, ou l'on vit de Jésus-Christ sans sacrement. Il est

donc évident que la manducation dont parle ici Jésus-

Christ, et qui accomplit entièrement la ligure prophé-

tique de la manne, se fait en l'Eucharistie et non pas

au ciel ni par la seule foi, en cette vie.

Si les hérétiques pensaient à eux-mêmes, et à la foi

quand ils disent qu'elle est la manducation du corps de

Jésus-Christ, ils n'avanceraient jamais cette proposi-

tion car la foi ne fait autre chose que préseuter à

l'homme les vérités divines, que sa,.volonté accepte ou

rejette à son choix.Tellement que la foi ue fait que servir

la viande à l'homme spirituel et si l'analogie permet-

tait d'attribuer la manducation à quelque vertu chré-

tienne, ce devrait être à la charité qui réside dans la

volonté de l'homme et lui fait recevoir cequi lui est pré-

senté par la foi. On ne saurait donc croire que par mé-

garde et par ignorance ce que l'hérésie dit ici. Car )a foi

est une vertu de l'entendement qui agit par pensée elle

ne nous donne pas les choses mêmes, mais seulement ia

pensée et la doctrine ou la connaissance qui n'est

qu'une image intellectuelle des choses les choses de-

meurant d'ailleurs ce qu'elles sont, et où elles sont.

L'hérétique ne reçoit donc autre chose, par sa préten-

Page 291: Condren - Oratorien

288 DISCOURS

due manducation, que l'idée Ou l'idole de son esprit.

Quant à la vérité de la communion de Jésus-Christ,c'est à Dieu de la donner, et il n'y a que lui qui puisse

le faire.

La vérité des dons dépend toujours de la foi de celui

qui donne, et non de la foi de celui qui reçoit. Si le roi

dit à son sujet Je vous donne mille écus en cette bourse,

il est clair que s'il est véridique et fidèle à sa parole,le don sera véritable mais s'il est trompeur, la foi du

sujet ne rendra pas vraie la fausseté du don. Les vrais

sujets du royaume de Dieu reçoivent de la foi et de la

vertu de.Jésus-Christ la communion de son corps; car

il est très-fidèle en ses promesses, et très-puissant en

parole et en œuvres. Ils le reçoivent ainsi par sa pro-

pre puissance, et se servent en cela de l'efficace de sa

parole, qu'il a mise en leur bouche. Mais l'hérétique

communie par la vanité de sa propre foi de laquelle il

ne peut recevoir que l'illusion de son propre esprit et

le fantôme qu'il a conçu. L'hérésie anéantit ainsi la

vertu de la foi de Jésus-Christ pour établir la tromperie

de celle de l'homme.

Il est parfois bon d'obliger l'hérétique de considérer

ce qu'il croit et ce qu'il dit. Si on le presse de répondre,

et de dire où il prétend manger le corps de Jésus-Christ,

si c'est au ciel ou sur la terre, et s'il le mange absent ou

présent il ne peut pas dire en la terre de peur que le

corps de Jésus-Christ ne soit en divers lieux; il aime

mieux dire qu'il va le manger au ciel où il s'élève en

esprit. Et si on lui dit qu'il se met donc en esprit lui-

même en plusieurs lieux, au ciel et sur ta terre en même

temps; de peur d'avouer que Jésus-Christ y puisse être,

il se réduit à dire qu'il mange Jésus-Christ absent, qu'il

le mange réellement toutefois et aussi véritablement

Page 292: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCATION ou CORPS DE I.-C.289

13

qu'il est vrai que nos corps vivent de la substance du

pain.et du vin qu'ils mangent 1 Prodige de crédulité et

d'inconséquence Miracle bien plus grand que celui de

la multiplication d'uu même corps en plusieurs lieux à

la fois ;ou plutôt contradiction révoltante, que ni les sens,

ni la raison, ni la foi ne peuvent ni concevoir, ni pro-

poser, ni souffrir, et que l'inadvertance seule et l'incon-

sidération peut faire accepter Quoi! manger une viande

absente Manger où l'on n'est pas Manger ce qu'on n'a

pas 1 Vneviande mangée où elle n'est pas Que leur foi

s'évertue tant qu'elle voudra, elle ne triomphera jamais

de ces incompatibilités radicales, et ne leur donnera

jamais qu'une déception intellectuelle au lieu du corps

de Jésus-Christ. S'ils veulent alors que leur esprit s'é-

lève aa ciel pour y manger Jésus-Christ présent, ils

tombent dans une autre inconséquence; car ils ne peu-

vent s'y transporter sans être eux-mêmes en deux en-

droits à la fois. S'ils répondent que c'est l'Esprit de Dieu

qui les élève ainsi, on leur répliquera qu'ils laissent

subsister tout entière la difficulté en question. Car, ou

c'est l'Esprit de Dieu qui mange, et alors le leur ne man-

geant pas, ils ne reçoiveut pas la communion ou c'est

ce divin Esprit qui rend le leur présent au ciel pour y

manger, et en ce cas il serait à la fois en plus d'un lieu,

ce qu'ils ne veulent pas admettre. Ainsi ils ne peuvent

se tirer de contradiction.

Jusqu'ici l'erreur el le- mêmen'a point trouvé de science

ni de mensonge pour faire entendre ce qu'elle propose.

Sa croyance'est un chaos que l'esprit de lumière con-

fondra toujours, et l'esprit de ténèbres qui le produit,

ne le pourra jamais éclaircir ni débrouiller. Cet esprit

mauvais ne réussira qu'à tenir ses adeptes, tant qu'ils

se laisseront aller à cette horrible fascination, dans la

Page 293: Condren - Oratorien

290 DISCOURS

confusion spirituelle oh ils sont de vouloir croire ce

qu'ils ne sauraient penser, et, encore moins, dire; et

cela sans témoignage de Dieu sans écriture, san» tra-

dition, sans miracle aussi bien que sans raison et sans

esprit Quelques-uns d'entre eux. ne sachant à quoi

s'arrêter, abandonnent ta manducation réelle, et se ré-

dnisent à la communion des Saints ou des fidèle que,

par une étrange métaphore, ils appellent manducation,

quoiqu'elle n'ait ni proportion, ni rapport à la manduca-

lion, et qu'elle n'en présente aucune apparence.

La communion des Saints, qui se nomme aussi la

communion des fidèles et la communion de l'Église,

est une' société spirituelle de tous les enfants de Dieu

qui établit une communauté très parfaite entre eux

et avec Dieu. Le Père éternel en est le principe et l'o-

rigine; Jésus-Christ en est le fondement, et le Saint-

Esprit. le lien. Elle commence en nous au baptême et

quelquefois auparavant, et ce n'est pas par manduca-

tion qu'elle a lieu mais par une renaissance spirituelle

qui d'enfants d'Adam nous fait enfants de Dieu, et

que l'Écriture appelle aussi rénovation parce qu'elle

nous renouvelle en esprit dès cette vie, et qu'elle achè-

vera un jour de nous renouveler en notre nature et en

notre chair. On la nomme aussi création et récréation,

parce qu'elle nous rend devant Dieu nouvelle créature,

'après nous avoir retirés de l'être du péché. Elle est le

commencement de l'homme de Dieu et la première

part que nous prenons à l'héritage de son Fils. Elle est

aussi le premier effet de la grâce parfaite qui nous tire

delà mort et de la profanation du péché,'pour nous

faire entrer en la vie nouvelle, qui est la vie des Saints

et du peuple de Dieu. L'Apôtre S. Paul l'appelle, en quel-

qués endroits de ses lettres, notre rédemption, parce

Page 294: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCAT1ON DU CORPS DE J.-C.291

13.

qu'elle est la rédemption passive ou la rédemption

reçue l'active étant enJésus-Christ. C'est en cè sens

qu'il est écrit aux Éphésiens. 4. 30, que leur baptêmeest le jour de leur rédemption car nous y recevons le

premier fruit du sacrifice, qui est ta rémission des pé-

chés, mais non pas la communion de l'hostie. Or, nous

n'avons pourtant pas aussitôt la rédemption achevée, ni

la régénération accomplie; car l'Apôtre écrit aux ?0-

mains, 8. 23, que nous attendons l'accomplissement de

notre adoption et la rédemption de notre corps. Nous

n'avons pas nonplus des ce moment la rénovation par-

faite car de jour en jour, nous sommes renouvelés, dit

le même Apôtre aux Corinthiens, 2. Epitr. 4.17 ni la ré-

création entière, vu que nous ne sommes au jour de notre

régénération qu'un petit commencement de la créature

de Dieu, commele dit S. Jacques, 1. 18. De même. nous

entrons par le baptême en la communion de Dieu et des

Saints, mais nous n'en recevons pas dès tors tous les

avantages; nous ne jouissons pas même de la plupart de

ses droits car nous n'en posséderons la plénitude et

n'eu aurons la perfection, ue lorsque nous y serons par-venus par nos

propres efforts en coopérant à l'Esprit de

Dieu. Cette communion s'accomplit ainsi de jour en jouren nous, jusqu'à cette consommation divine que Jésus-

Christ a demandée pour nous à son père (Joan. 17. 32.),

laquelle est sa première etprincipate intention sur nous

et le dernier effet de son sacrifice. qui consomme en

cela les sanctifiés, comme S. Paul t'écrit aux Hébreux, 10.

14. Nous vivons, en attendant cette communion de plé-nitude de jouissance et de pqssession actuelle, dans la

société de Dieu et deson Église, qui est la communion

des Saints et qui nous donne par làune

alliance de grâce

surnaturelle à tous ses mystères, a toutes ses perfec-

Page 295: Condren - Oratorien

292DISCOURS

Lions et à tous ses biens, sans nous donner les choses

mêmes, à l'exception seulement des premières grâces

nécessaires pourentrer en cette société. Il y aurait beau.

coup à dire pour éclaircir entièrement cette matière;

mais ceci peut suffire pour montrer l'équivoque absurde

où l'hérétique se jette parfois, pour se tirer de la confu-

sion de sa doclrine, en se précipitant dans une autre.

La communion des Saints, qui fait un article au sym-

bole, est une association uuiverselle la manducation

du corps de Jésus-Christ est un don particulier que Jé-

sus-Christ nous fait. La communion universelle, de soi,

ne nous donne que le droit aux choses que Dieu nous

accorde actuellement par ses dons particuliers la man-

ducation du corps de Jésus-Christ est un de ces dons

qu'il nous fait. Or la manducation ne commence point

par renaissance, ni par rénovation ni par récréation,

ni par rédemption;elle est pour les enfants de Dieu en l'é-

tat de leurperfection. Les Apôtres mêmes du Fils de Dieu

n'ont été en état de la recevoir qu'au dernier jour de sa

vie cependant ils ne laissaient pas d'être auparavant en

sa communion. Les Saints qui l'ont précédé, Abel, Enoch,

Noé, Abraham et les autres, ont vécu en la communion

des Saints avant que son corps pût être mangé autre-

ment qu'en espérance, et en figure et si la manduca-

tion n'était autre chose que la communion spirituelle de

l'Église avec Jésus-Christ, nous mangerions les Saints

les Anges, nos frères qui sont sur la terre, le Père Éter

nel et te Saint-Ksprit, aussi bien que le corps de Jésus-

Christ, car nous sommes en communion avec eux tous:

or l'hérétique le pense-t-il même ?

La manducation du corps de Jésus-Christ non-seule-

ment n'est pas la communion universelle mois elle

n'est pas même toute communion à Jésus-Clirtst, ou

Page 296: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C.293

à. ses dons, ni même toute communion au corps de

Jésus-Christ mais une communion spéciale et un doh

particulier qu'il nous fait de lui-méme par voie dé

manducation. Et sans entrer trop avant dans son con-

seil, pour y examiner les secrets et les motifs de sa

conduite, que nous devons adorer et recevoir en toute

soumission, sans nous élever au-dessus de la mesure de

notre foi nous pouvons cependant en découvrir deux

raisons dans l'oeuvre même de notre salut, les autres

principales étant cachées à nos yeux daus les-profou-

deurs de sa sagesse. La première est que, nous ayantyoulu sanctifier par !a voie de son sacrifice, il a ar-rêté ensuite, pour l'accomplir entièrement, que ce

serait par la manducation de l'Hostie que nous entrerions

dans la perfection et la pleine jouissance dece qu'il nous

à mérité. Il y a toujours eu une grande différence entre

los effets du sacrifice la grâce du sacrifice la com-

munion du sacrifice, et la manducation de l'Hostie.

Les Écritures Saintes remarquent toutes ces différen-

ces dans les sacrifices figuratifs. Pour les bien com-

prendre, il faut savoir que ces sacrifices, quoique im-

parfaits, ne laissaient pas d'obtenir, par voie de suffrageet d'oblation quelque don de Dieu à des personnes

qui n'étaient ni en la grâce ni en la communion du

sacrifice qu'on offrait et qui, par conséquent, devaient

être exclues de toute admission à la manducation de

l'hostie. Les Juifs ont parfois demandé eu leurs sacrifi.

ces ou quelque prospérité ou la santé, ou même la vie,

ou quelque miséricorde temporelle ou même spirituel-le, comme leur conversion ou quelque autre effet né-

gatif ou positif pour des infidèles ou des impies comme

Nabuchodonosor, Bàlthasar, Darius. -Artaxercès, les

Spartiates, les Romains Héliodore 2. Mach. 3-32 33

Page 297: Condren - Oratorien

294 DISCOURS

et autres. Ces mêmes sacrifices obtenaient aussi par voie

de suffrage, à cebx qui étaient en état de la recevoir

la grâce qui était propre au sacrifice, comme la rémis-

sion du péché, si c'était pour le péché qu'on l'offrait

ou lu grâce proportionnée à l'holocauste, s'il était tel,

etcela sans qu'on mangeat l'hostie (particulièrement en

ces deux espèces de sacrifices où le peuple ne la devait

point recevoir) pour montrer qu'en cet état il n'avait

pas la rémission des péchés entière, ni la religion ac-

complie, ai le vrai culte de Dieu tel qu'il devait être.

Et l'obligation que la Loi leur imposait de s'abstenir des

hosties était une humble reconnaissance, et comme une

profession qu'ils faisaient de leur imperfection, en l'hon-

neur du Messie et dé la parfaite rettgion qu'il établirait.

Par là ils devaient s'exercer àle désirer et à s'unir à sa

perfection. La communion du sacrifice était l'association

spirituelle qui donnait droit au sacrifice. Elle diffère de

ta communion des fidèles comme l'universel du parti-

culier, en ce que l'une est universelle et donne droit à

tout ce qui est eh la communauté de Dieu et de l'Église,

et l'autre particulière, qui ne regarde que le sacrifice.

Elle diffère aussi de la grâce du sacrifice, car ou pou-

vait bien être en la communion dusacrifice

sans re-

cevoir la grâce spéciale qu'il devait donner. Tous ceux

qui étaient en la communion du peuple de Dieu étaient

ordinairement en la communion de tous leurs sacrifi-

ces cependant il ne s'ensuivait pas de là qu'ils reçus-

sent toujours ta grâce spéciale de tous ces mêmes sacri-

fices. Là manducation de l'hostie était la perfection et

la communion entière et réelle du sacrifice, qu'on de-

vait recevoir en mangeant l'hostie, comme l'hostie mê-

me en sa perfection ta contenait pour cela on devait

être auparavant et en la communion du peuple de Dieu,

et eu la communion spirituelle du sacrifice.

Page 298: Condren - Oratorien

bUH LA MANDUCATION De CORPS DE i.-C.295

Toutes ces différences se rencontrent au sacrifice de

Jésus-Christ, qui est l'accomplissement des autres. Ils'est offert pour les hommes, qui étaient hors de sa com-

munion par le péché, et a obtenu leur conversion et plu-sieurs autres effets tant pour ceux qui devaient un jourentrer en sa communion que pour ceux qui n'y de-

vaient jamais avoir de part. Il est vrai que ces effets

quoique bons ;,comme toutes les autres grâces de Dieu,

tournent à la fin au dommage des réprouvés, par leur

faute. Tous les fidèles sont en la communion spécialede son sacrifice, qui diffère de la communion univer-selle des chrétiens en ce qu'elle est particulière, com-me nous l'avons dit. La grâce propre de ce sacrifice est

la grâce de ta rédemption et rénovation, qui est la pre-mière grâce justifiante, que nous recevons par lé bap-lême. Ordinairement elle est plénière ei entière, mais

unique et singulière et elle ne se réitère pas. C'est ce

que l'Apûtre dit aux Hébreux, 10 26 qu'il n'y a pointde seconde hostie pour ceux qui pèchent après la pre-mière grâce. Illeur parle là selon la connaissance qu'ils

avaient de la Loi, et commeà des personnes qui sauvaient

que la grace propre d'un sacrifice est unique comme le

sacrifice, et que, si l'on retombait en faute il étaitnécessaire d'offrir un autre sacrifice pour recevoir une

semblable grâce ce qui ne se peut en l'état dn Nouveau

Testament, ou ce sacrifice de rédemption est unique.

L'Apôtre déclare, au verset suivant, quelle doit être la

pénitence, et quel l'esprit des pénitences ce que nous

n'avons pas expliquerlci.La manducation de l'hostie est tout une autre grâce

Non-seulement elle nous met en la communion spiri-tuelle du sacrifice, c'est-à-dire en l'association spiri-tuelle qui donnait droit au sacrifice, mais encore en la

Page 299: Condren - Oratorien

296DISCOURS

communion réelle et effective, en nous donnant l'hostie

méme telle qu'elle est en sa perfection remplie de

tous ses biens et nous unissant actuellement à elle.

Nous ne devons pas conduire plus avant l'hérétique dans

le sanctuaire, ni lui donner une plus grande connais-

sance des mystères qui sont réservés aux Saints. Je

crains bien même qu'il ne soit aussi infidèle à la Loi,

et aux Prophètes qu'à l'Évangile et qu'il ne veuille pas

recevoir leur témoignage pour le sacrifice de Jésus-

Christ. Néanmoins celui qui le refuse, refuse celui de

Dieu même, qui a voulu préfigurer son Fils, et celui

du Fils aussi qui- a dit qu'une seule lettre de la Loi ne

manquera pas d'être accomplie et celui des Apôtres

encore, qui n'usent presque point d'autres preuves pour

les mystères du Nouveau Testament, que de celles de

la Loi. Ni les sens, ni la raison, ni la philosophie des

hommes ne peuvent point nous en donner d'aussi rece-

vables car Dieu a inspiré cette Loi non-seulement pour

l'instruction des anciens mais encore pour la nôtre.

Elle doit nous faire sages à salut par la lumière de la

foi de Jésus-Christ, dit S. Paul à Timothée (2 Tim.

3-!5); car ces lettres sacrées que l'Apôtre recommande,

en lui représentant qu'il les avait lues un son enfance

ne peuvent être que l'Ancien Testament. C'est le pas-

sage, de toutes les Écritures Saintes, que les hérétiques

produisent le plus volontiers. Nous les convions Ici de

l'écouter eux-mêmes; mais la foi enJ.-C. leur manque:

foi nécessaire pour en profiter, selon le témoignage du

même texte, et sans laquelle ils ne reconnaîtront non

plus que les Juifs, le sacrifice et la communion de Jésus-

Christ, ni dans les Prophètes ni dans la Loi. Elle ap-

prend toutefois à ceux qui l'écoutent, que ni la commu-

nion spirituelle, ni là grâce du sacrifice ne sont point la

Page 300: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J.-C.297

13*

commuuion réelle de l'hostie qu'il fallait être en la com-

munion spirituelle du sacrifice avaut d'être admis à la

communion réelle qui était la Manducation de la vie-

time; qu'il était expressément défendu de manger de

l'hostie avant la consommation du sacrifice, et avant que

le feu eut dévoré la part de Dieu ceux qui offraient ne

laissaient pas cependant d'être en la communion du sa-

crifice. Ces choses, et une infinité d'autres que nous

pourrions rapporter, ont précédé dans les figures afin

que nous les crussions-dans la vérité de Jésus-Christ.

L'autre raison que Jésus-Christ nous laisse voir dans

la profondeur de ce mystère, pour la manducation de

son corps, est que étant le premier né de Dieu et le

premier vivant en la vie divine, ce doit être à lui très-

convenablement de la communiquer aux autres qui

doivent y avoir quelque part, et de la nourrir en eux.

Mais parce que le Père a donné le premier être à la

créature, avec l'ordre et les moyens de sa conservation,

selon certaines lois et certains assujettissements le

Fils les respecte et s'y accommode dans la communication

qu'il fait aux créatures de sa vie, jusqu'à vouloir se faire

le fruit de vie, le grain de salut, le pain de Dieu et de

la vie nouvelle qui doit être reçue par mauducation,

pour se conformer à la conduite de Dieu sur la nature

humaine et aux lois qui lit régissent, Il est bien con-

venable aussi que le corps qui doit être vivifié par

Jésus-Christ en la vie éternelle, contribue quelque

chose à sa nourriture, et qu'en cette vie ou les fonde-

ments de notre état éternel doivent être jetés, il prenne

quelque part à cette viande divine et, de son côté

Jésus-Christ, qui est entré en ce monde pour y laissér

sa grâce et qui demeure actuellement au milieu de son

Eglise pour la sanctifier veut suivre la même voie en

Page 301: Condren - Oratorien

298 DISCOURS

noire sanctification et venir aussi en nous pour ac-,

complir son œuvre.

Nous entrons d'ordinaire en la communion des Saints,

par le baptême, avant l'usage de la raison nous y vi-

vons tous les moments de notre vie, si nous demeurons

fidèles a Dieu, lors même que la nécessité du repos.

nous ôle le pouvoir de penser à noos. Cette communion

ne nous unit pas à Jésus-Christ seul, mais à tous les

Saints, et même à tous les fidèles qui ivent encore

en l'Église militante. Si la manducation du corps dé

Jésus-Christ n'était autre chose, il s'ensuivrait que

nous mangerions de même tous les Saints et tous nos

frères avec toute l'Église triomphante souffrante et

militante et que ce serait sans y penser et même sans

aucune action de notre part, et autant en un temps

qu'eu un autre, en dormant, en veillant, en mangeant,

en priant., etc Le commandement que le Fils de Dieu

iioïis fait de manger son corps est couché en divers en-

droits de l'Écriture, en des termes qui font bien voir que

ce n'est pas un état de vie ni une action ordinaire de

la foi ou de la charité mais une action particulière,

pour laquelle il faut s'éprouver et à laquelle il faut tra-

vailler. On voit, dans les mêmes passages, que ces visites

actuelles que Jésus-Christ fait au Gdèle par la commu-

nion de son corps doivent être en des temps choisis, où

il puisse se donner à ce divin Sauveur, le recevoir avec

le respect et l'amour qu'il lui doit, et traiter avec lui

de ce qu'il a à faire pour sa gloire et son propre salut'

Mais l'hérétique se fait juge de la puissance que Jé-

sus-Christ peut avoir de se donner à nous et s'oppose

à la charité qu'il a de nous visiter en nos besoins et,

blasphémant, contre l'une et t'antre, il se moque do

l'Église qui s'y confie et qui croit à la promesse qu' i

Page 302: Condren - Oratorien

SUR LA MANDUCATION DU CORPS DE J. C:299

nous en a faite, promesse si expresse et formulée eu

des termes si clairs Et parce qu'il ne veut croire 'ni à

la puissance, ni à la charité. ni à la fidélité de Dieu

il est abandonné par le juste jugement de Dieu à l'illu-

sion du diable et à là confusion de son esprit, qui lui

fait croire, sans qu'il s'en réude compte, qu'il mange

où il n'est pas ou bien qu'il mange Dieu les anges

les saints, ses frères, son père, sa mère et tout le

consistoire

Il faudrait avoir des passages de l'Écriture bien for-

mels, ou des miracles bien évidents, pour persuader

une si monstrueuse croyance. Quant aux témoignages

de l'Écriture, ils n'en produisent que par folie faute

d'en considérer le sens et pour te qui est des miracles,

ils n'en ont point d'autre que celui de, leur foi prodi-

gieuse. C'est en effet un miracle de t'enfef, que l'es-

prit humain la puisse souffrir, el fe chef-d'œuvre de la

puissance des ténèbres qu'un tel aveuglemeut puisse

durer.

Page 303: Condren - Oratorien

DISCOURS

L'EXAMEN DE L'ARTICLE DE LA CROYANCE DES

HÉRÉTIQUES DE CE TEMPS

QUE L'ÉCRITURE EST L'ARTICLE DE LA FOI.

Nous suivons l'ordre de l'hérésie même, commen-

çant par les fondements qu'elle a donnés à sa foi qui

sont:

I. Quetoute Eglise visible, et même celle qu'elle pense

avoir purifiée de tous abus, que tous Conciles ou Syno-

nodes, les siens comme les autres, peuvent errer et

tromper; que, par conséquent les fidèles ne peuvent

pas s'y fier, mais doivent- les examiner par l'Écriture

expliquée et entendue comme ils pourront

II. Qu'il y a eu des temps oti l'état de l'Église de Dieu

a été interrompu, et cela même depuis Jésus-Christ; et

qu'il a été nécessaire depuis peu de la relever, de la dres

ser de nouveau

III. Que les Écritures Saintes telles qu'elles sont re-

cueillies dans les Bibles qu'elle a pris la peine et l'auto-

rité de réformer, entendues et expliquées par les par-

ticuliers, comme Dieu le permettra leur sont une

règle très-ccrtaine très entière et très-parfaite et le

fondement très-solide que Jésus-Christ leur a donné de

la foi et des mœurs et que personne ne doit rien croire

ni rien faire, dans le service de Dieu qu'il ne le trouve

écrit dans cette règle

IV. Que les particuliers doivent par cette règle, selon

Page 304: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 301

le sens que la persuasion intérieure de l'Esprit leur dic-

tera, réformer toutes choses, à savoir la religion et la

foi que Jésus-Christ nous a laissées, et tous les instru-

ments de la foi tous les conciles toute l'antiquité,

toutes les coutumes ecclésiastiques, toutes les tradi-

tions divines et apostoliques, toutes les révélations di-

vines, tous les miracles, toute paroledeDieu non écrite,

toute Bglise particulière, et même toute Église univer-

selle, avec toutes les personnes de quelque condition

et autorité ecclésiastique ou séculière ordinaire ou ex-

traordinaire, qu'elles soient. Ils se donnent aussi la

liberié de réformer la sainte Bible, avec tous les livres

divins que l'Église a reconnus et reçus, et par consé-

quent la Règle elle-même. fondés sur l'article suivant

V° Quela persuasion intérieure de l'esprit est aux par.

ticuliers un moyen bien meilleur et plus certain pour re-

connaître les Écritures Saintes, que le commun con-

sentement de toutes les Églises

VI* Que tous les particuliers ont une assurance infail

lible de bien entendre l'Écriture Sainte, en ce qui est

nécessaire au salut, c'est-à-dire en ce qui concerne la

pureté et l'intégrité de la foi et des mœurs.

Ces articles contiennent plusieurs points que l'hérésie

laisse sans aucune preuve de l'Écriture elle apporte

seulement quelques passages pour deux, qui sont, que

l'Écriture est la règle de la foi et que l'Eglise apostolique

peut faillir, et même se perdre entièrement, et qu'on ne

peut pas s'y fier.

Su r le premier, que l'Bcriture est la règle de.la foi, nous

avons à présenter à Messieurs les prétendus réformateur

quelques considérations avant d'en venir à l'examendes témoignages qu'ils allègaent.

1· il leur est bien moins permis qu'à nous de donner

Page 305: Condren - Oratorien

302 DISCOURS

à l'Ecriture cette qualité ,puisqu'elle ne la prend nulle

part, et qu'elle se contente de cette que Dieu lui a dou-

née de titre ou-instrument publiè de nbtre foi et de notre:

religion en ce qu'elle nous conserve quetques-uns des

témoignages que Dieu Jésus-Christ, les Apôtres i les

Prophètes et autres, en ont rendus. Car si les hérétiquesveulent tenir, comme ils disent, qu'on ne peut rien

croire que ce qui est écrit en cette Ecriture, ils ne peu-vent lui donner la qualité de règle, puisque cette qualité

n'y est pas ëcrite; comme nous le montrerons en répon-daut aux passages qu'ils apportent pour le prouver.

2* Nous voulons cependant leur être plus indulgent en

ces articles que leur propre foi né leur permet de l'être,

puisqu'elle lès doit contenir dans ce qui est écrit; car

nous leur laisserons passer ce point que l'Ecriture no

leur accorde pas sans nous arrêter à l'injure qu'ils lui

foat, en rejetant son témoignage en cette cause, sous

prétexte de t'honorer, pourvu néanmoins qu'ils la croient

en toute autre chose et qu'ils la reçoivent comme les

régies et les lois diviriës et humaines doivent être re-

çues, avec les renvois et les remises qu'elle porte à l'E-4

glise, aux Traditions, aux Apôtres et à tous lés autres

témoins qu'elle autorise et pourvu aussi qu'ils n'ajou.

tent pas à cette règle que leur esprit particulier en est

l'interprète qat Dieu veut que chacun suive, et que c'est

selon cet esprit que l'Ecriture est à toute personne lâ rëgie

pour réformer toute chose. L'Ecriture nerend témoigna-

ge nulle part de l'esprit particulier; elle assure que tous les

Nommessent sujets à l'erreur que c'est par son propre

esprit que l'hérétique se perd; elle nous avertit que

plusieurs le tournent à l'eur perdition elle apporte

beaucoup d'exemples qu'on en a abusé contre Mëù et

les siens; elle montre que l'Esprit de vérité n'est ja-

Page 306: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. j.3

mais promis ni donné qu'en la communion de l'E-

grise que l'assurance de cet Esprit n'a été donnée qu'àcelto société apostolique qui doit porter à tous les peut

pies la parole de Dieu, et que tous ceux qui ne croi-

ront point à sa prédication seront damnés. La même

Ecriture montre que les particuliers n'ont que l'espé-

rance de cet Esprit, aussi bien que de leur salut et dé

leur justification; que l'esprit,des particuliers doit être

éprouvé, et que l'épreuve est s'il écoute ceux que Jésus-

Christ a envoyés. (1. Ep.Joan. 4. 6.) En cent autres pas-

sages, elle témoigne de même contrel'esprit particulier,et montre que c'egt la trahir que de l'abandonner à cet

esprit. C'est ce que l'Eglise de Dieu, qui lui est toujours

fidèle, ne saurait faire.

3* Ce n'est pas rejeter la parole de Dieu, mais plutôt

l'écouter fidèlement et entièrement, que de la recevoir

comme il nous l'adresse par la bouche apostolique, avec

soumission à l'Esprit de vérité qui la fait parler, et avec

foi à la promesse de Jésus-Christ qui nous en assure. Dé

même, c'est obéir à l'Ecriture, et non la rejeter, que

de la recevoir, 'comme elle-même l'ordonne, conjoin.

tement avec les témoignages de l'Esprit de vérité qui

nous la prêche par la bouche de l'Eglise, et nous la fait

entendre avec une certitude divine, sans péril d'être

trompés. Au contraire c'est la rejeter et lui être infi-

dèlé que de la recevoir autrement qu'elle ne commande,

et contre son propre témoignage, séparément de l'Eglise

apostolique qui est la Mère de toutes les Écritures du

Nouveau-Testament, et de l'Esprit apostolique qui en

est l'auteur, et qui sent peut nous rendre capables,d'en

profiter. C'est la priver de son esprits lui ôter la vie, et

la laisser dans la lettre qui tue; c'est nous mettre dans

l'impuissance d'en bien user et la denner manifeste-

ment à l'esprit de division que de l'abandonner à l'es-

Page 307: Condren - Oratorien

3o4 ncscovns

prit particulier contre l'esprit cammun à l'esprit d'un

seul contre l'esprit de tons, à un membre contre tout le

corps, à une partie contre le tout, et par conséquent

contre elle-mème Et si l'on prétend que cet esprit par-

ticulier est l'Esprit de Dieu, c'est une prétention inii-

dèle condamnée eu l'Ecriture qui donne pour marque

de l'Esprit de Dieu dans les particuliers qu'il soit con-

forme à celui de l'Eglise apostolique, et qu'il l'écoute

et po marque de l'esprit d'erreur, qu'il ne l'écoute

pas In hoc cognoscimus Spiritum veritatis et spiritam er-

roris, dit S. Jean depuis la mort des autres Apôtres, ce

qu'il ne faut pas manquer de remarquer. Je laisse les

autres passages plus clairs qui sont allégués ordinaire-

ment. Mais quand l'esprit particulier n'aurait point con-

tre lui le témoignage de l'Ecriture, il suffit que celle-ci

n'en ait point pour lui, mais bien pour l'Esprit qui est

donné au corps de l'Eglise, pour faire voir aux héréti-

ques qu'ils laissent l'esprit qui est certain pour suivre

l'incertain l'esprit d'unité qui nous unit tous, pour ce-

lui qui nous divise; l'esprit de stabilité et de fermeté

qui est fondé en Jésus-Christ, pour celui qui rend les

esprits flouants à tout vent de doctrine ;'l'esprit de sou-

mission et d'obéissance à leur Eglise et à leurs pasteurs,

pour celui de défiance de présomption de désobéis-

sance, d'opiniâtreté et d'aveuglement, qui conduit à

perdition.

4' Ce n'est pas honorer la parole écrite ou non écrite,

que de la tirer de la bouche et des mains de l'Eglise apos-

tolique pour la confier en dépôt à tous les particuliers

et la soumettre absolument à la disposition de leur es-

prit, de manière à les en rendre les maîtres mais c'est

au contraire lui faire injure et la profaner c'est la don-

pcr indifféremment aux chiens et aux pourceaux comme

Page 308: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 305

aux enfants, contre la défense expresse de Jésus-Christ

en S. Matth. 7. 6. Cette parole est sainte mais le Saint-

Esprit, le corps et le sang de Jésus-Christ, qui sont

encore plus saints et plus nécessaires au salut, doivent

néanmoins être donués aux fidèles par le ministère de

l'Eglise; et c'est avec discernement qu'elle doit les leur

communiquer, en éloignant avec soin les indignes.

L'hérésie ne donne pas seulement toute parole à tous,

-mais elle la confie à leur sens et à leur esprit, et contre

l'Eglise. Si c'est lui faire injure que de la donner aux

pourceaux, c'est lui en faire une bien plus grande que

de la leur abandonner entièrement, pour qu'ils en usent

à leur discrétion, etsans dépendance ni des pasteurs ni

de l'Eglise. L'hérésie va plus loin encore; car elleleuren

attribue l'intelligence infaillible et, parce moyen, revét

leurs pensées de l'autorité de l'Ecriture, et les fait ainsi

juges des pasteurs du troupeau de Jésus-Christ, et même

de toute l'Eglise. Mais elle fait un dernier outrage à cette

parole divine; elle veut que l'Evangile soit au furieux

le glaive de la folie, au moyen duquel il-tranchera et

ruinera tout ce qu'attaquera sa frénésie; car le faire

servir à la tentation de qui que ce soit c'est le donner

non-seulement à la manie des insensés, mais encore à

la malice de Satan, pour qu'il en fasse un instrument

de ses entreprises contre Jésus-Christ et son Eglise.

5* En faisant semblant d'élever l'Écriture l'hérésie

en détruit la certitude et par conséquent elle fait main

basse tant sur l'autorité de l'Écriture que sur celle de

la foi, pour s'élever elle-même au-dessus de l'une et de

l'autre.

Et d'abord cela suit de ce qu'elle attribue à la persua-

sion intérieure qu'elle inspire aux siens le jugement

souverain du texte sacré pour le rejeter ou l'admettre,

Page 309: Condren - Oratorien

3o6 DISCOURS

lecorriger,4cretrancher,et mêmelé changeasanss'arrêteranconsentementunanimedetouteslesÉglises.Nousnefaisonslàquerapporterlesproprestermesdela confessionde foiprétendueréformée.Or, nes'eh-suit-ilpasévidemmentquel'Écriturene seraplusquecequela persuasionintérieurevoudralafaire? Aussicen'estpasd'autrepartquedelà quesontvenustousléschangementsquel'hérésiea faitsdanssa Bible ettoutesles variétésdes impressionsdifférentesquimontrentbienquelessaintesLettresnesontguèreas-suréesentreles mainsde gensqui croientqueleurmouvementintérieurestjugedoTextedivin.

Ensuite,dece qu'elleusurpel'autoritéabsoluedel'appliquer,de l'expliqueret interpréterà sa façon.Carainsi,en faisantsemblantde donnerl'Écriturepourrègle,elledonnesespropressuggestionsen pla-ce., et se faitelle-mêmela règlede l'intelligencedel'Écritureet parconséquentlarèglede la foi ou delacroyancequ'ondoitentirer.

Entroisièmelieu,decequ'elleôteauxChrétiensladépendanceet la soumissionàl'Eglise,auxPasteurs,auxDocteurs,auxSaintsPères,auxConciles,auxTraditionset à toutel'Antiquité,et neteurlaissepointd'autrerèglepourseconduirequelaconfianceenleursproprespensées,quimêmedoiventêtre inspiréesetrégiesparcetespritprétenduréformateurde touteslesÉglisescequirendévidemmentcetespritlemaîtredela foiet ledirecteurabsoluetsanscontrôledescons-ciences.Onnesauraitproposerunmoyenquijetteleahommesdansuneplusgrandenécessitéd'écouterlediable quandil lestenteraparl'Ecritureet parleursproprespensées onn'ensauraittrouverqui ruineplusentièrementl'autorité làcertitudeet la solidité

Page 310: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRÉTATIONDE L'ECRITURE.307

des livres sacrés et les rendu plus dépendants dé l'es-

prit de tentation, tant pour la lettre que pour le sens

aussi bien que pour l'usage et l'application. Car, selon

cette doctrine la lettre dépend de sa persuasion inté-

rieure le sens, de son interprétation l'usage, enfin,

de la direction qu'il inspire aux particuliers. Cette doc-

trine se détruit elle-méime, et nous donne des preuves

que ses adhérents ne peuvent point avoir de foi. Car la.

foi est une croyance plus ferme que le ciel et la terre,

plus solide que le sens et la raison, qui doit avoir une

certitude divine pour laquelle nous devons exposer nos

vies, et passer par-dessus toutes les apparences hu-

maines, et même par-dessus toutes les évidences na-

turelles, s'il s'en rencontrait de contraires à cette foi

parce que Dieu, à qui nous devons plus croire qu'à nous,

mêmes en est l'auteur et l'infaillible témoin. C'est

pourquoi tout ce qui n'est point fondé sur le témoignage

de Dieu ne peut être de la foi, Or, est-il que ni Dieu ni

l'Écriture n'ont jamais assuré les hommes ni de l'esprit

particulier, ni de la persuasion intérieure à laquelle

l'hérésie attribue la, certitude qu'oa a de la vérité du

texte sacré, de préférence à l'enseignement de l'Église.lis ne peuvent donc, par ce moyen s'assurer assez de

la vérité pour y fonder une foi véritable.

Nous pouvons arriver par une autre voie à cette con-

clusion si fatale à l'hérésie. L'Écriture n'opère dans nos

esprits que par l'intelligence que nous en avoos c'est

pourquoi si l'intelligence n'est certaine d'une certitude

divine, la croyance qu'elle nous imprimera ne pourra

pas l'être davantage. Or, quand même ces partisans de

l'hérésie auraient une certitude divine de la lettre dd,

l'Écriture ils ne peuvent l'avoir du sens qu'ils y don,

nent, puisque Dieu ne les assure pas 'de la vérité de

Page 311: Condren - Oratorien

3o8 DISCOURS

leurs pensées et qu'il n'a jamais promis aux particu-

tiers l'infaillibilité pour l'intelligence de sa parole. Leur

croyance ne peut donc être une foi solide et certaine

quand même toutes leurs conclusions seraient vérita-

bles mais seulement une opinion fondée sur une

persuasion qui n'est pas divinement infaillible.

Nous les pouvons convaincre par eux-mêmes d'une

troisième façon. Les ministres de la foi prétendue ont

enseigné jusqu'ici, que c'est une infidélité de croire

autre chose en matière de religion que ce qui est écrit.

Or, leur persuasion intérieure n'est pas écrite c'est

donc une infidélité de croire à la doctrine de la persua-

sion et la ;foi de cette persuasion ne peut être qu'une

illusion diabolique sur laquelle on ne peut rien éiablir.

Nous leur pouvons montrer en une quatrième manière

la nullité de leur foi fondée sur ce moyen. Nous voyons,

par le quatrième chapitre de St. Matthieu que l'Écri-

criture peut être proposée en tentation par le dernier

chapitre de la 2-e épttre de St. Pierre qu'elle peut être

entendue ignoramment et à perdition; par le chapitre

6. v. 9 et 10 d'Isaie par le chap. 13, v.14 de S. Matth.

le chap. 12, v. 40 de S. Jean et le chap. 28 des Actes

v. 26 et 27, qu'elle peut être un moyen d'aveuglement

et d'endurcissement par la malédiction de Dieu, en pu-

nition de quelque faute. D'ailleurs, elle peut être enten-

due comme un autre livre par la seule lumière de

l'esprit humain. Si elle est entendue en la première

manière, elle sera, par la malice de Satan, l'instrument

de quelque illusion si elle est prise en la seconde

elle ne sera qu'une source d'erreur et de perdition parnotre faute si c'est en la troisième, elle sera par le

jugement ue Dieu un moyen d'aveuglement, d'endur-

cissement et de damnation si c'est en la quatrième

Page 312: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRETATION DE L'ÉCRITURE. 309

elle ne pourra être qu'un moyen douteux de vérité ou

de ténèbres, selon que notre esprit sera plus ou moins

assuré de sa lumière. Elle ne peut jamais en aucun de

ces cas être un fondement solide de la foi chrétienne et

apostolique elle ne peut le devenir qu'autant qu'elle

sera appliquée à notre esprit par l'Esprit de Jésus-Christ

et de l'Église apostolique, et entendue dans la certitude

de sa lumière. Or l'Écriture ne donne point aux hom-

mes d'autre assurance d'être entendue dans la certitude

de la lumière divine que celle de leur être appliquéeet interprétée par l'Église, qui a la promesse éternelle

de l'Esprit de vérité. Car on n'en peut jamais mieux

savoir te sens que par cet Esprit qui en est l'Auteur. Cet

Esprit n'est pas toujours avec les particuliers donc ils

peuvent se tromper mais il n'en est pas ainsi de l'É-

glise, de laquelle Jésus-Christ a promis qu'il ne se

retirera jamais. Supposant donc ici la preuve de la

conduite de l'Église par le St.-Esprit, afin de ne pas

nous engager dans une controverse si bien traitée par

d'autres, nons concluons avec certitude que le juge-

ment de l'Église est de l'Esprit de Dieu et que quand

elle parle, c'est l'Auteur même des Ecritures qui parle.

Messieurs les prétendus ont rejeté cet Esprit catholique

et universel, que Dieu a mis dans son Église pour nous

conduire et nous interpréter les Ecritures et se sont

abandonnés à une conduite inconnue qui par la sug-

gestion du serpent et sous sa direction, leur fait manger,à leur damnation et sans qu'ils y pensent, du fuit de

science dont on ne saurait bien user qu'avec Dieu Ève

perdit le fruit et la science en se perdant. Ces gens-ci

perdraient la science évangélique et ruineraient entiè-

rement l'Écriture par leurs changements,-si l'Églisen'était là pour la maintenir et la défendre de leurs ou-

trages.

Page 313: Condren - Oratorien

3 10 DISCOURS

6* C'est une chose sainte que d'estimer extrêmement

l'Écriture et d'user des témoignages qu'elle rend d'elle-

même pour imprimer aux peuplesl'obéissance et

l'amour qui lui sont dus. Mais c'est une impiété et un

sacrilège d'abuser de son autorité d'une part, et, de

l'autre, du respect que les chrétiens lui portent ainsi

que de leur facilité à l'estimer beaucoup, pour glisser

dans leurs cœurs l'infidélité et le mépris en autre chose,

comme l'hérésie le fait car, inspirant d'une part aux

pariiculiers la présomption de leur esprit avec ce mé-

pris de l'Église, des Pasteurs, des Docteurs des Saints

Pères des Conciles et de toute l'Antiquité et, de l'au-

tre, proposant l'Écriture avec illusion dans un faux

esprit, sous prétexte de la pnreté, de l'Évangile elle en

ôte la sainteté et la réalité en tous les chefs, comme on

peut le démontrer, et n'y laisse rien que des pensées

sans fondement et qui ne sont que des errements de

son esprit particulier. Tandis que les Ariens exaltaient

le Père pour déprimer le Fils, alléguant les textes qui

témoignent la Grandeur de Dieu ou les abaissements

3e Jésus-Christ. sans cependant rien changer en l'É-

criture ceue hérésie, avec bien moins de fondement,

apporte de mauvaise foi les témoignages que l'Écriture

rend de son utilité, de sa purelé de son origine de

son autorité de sa sainteté et de ses autres qualités

que personné ne lui dispute, pour persuader aux igno-

rants (qui sortent de la simplicité que pieu protège dans

la religion), et aux orgueilleux (que Dieu rejeté et punit

d'aveuglement), qu'elle est à tous les particuliers une

règle de présomption qui les rend juges de l'Église et

de'la conduite de l'Esprit de Dieu qui la régit, et un

arrêt contre Jésus-Christ même qui règle sa conduite

envers nous et t'obligede n'inspirer jamais rien qui

Page 314: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRETATION DE L'ÉCRITURE 311

ne soit écrit, et de rendre la personne qui sait lire ca-

pablë de le trouver et de l'entendre aduellement en

l'Écriture. Je sais bien que la parole écrite est sainte et

plus terme què les deux en sa vérité mais si bieu,

en nous la donnant, ne l'a pas prise pour sa règle s'il

ne s'y est pas assujéti en nous y assujétissant s'il ne

l'a pas donnée comme la borne de sa jusfice, de sa

miséricorde, de sa grâce, et de toute sa conduite sur

nous et s'il ne nous a pas obligés bien évidemment de

croire ue son infinité s'arrête là et ne s'étendra pas

davantage c'est un blasphème de la lui donner pour

loi, ét de le juger lui-même régler ses volontés et

limiter ses œuvres par cette 0Écritures, et cela se(ou l'es-

prit particulier auqnel il se serait obligé dé s'accom-

moder, ou qu'il aurait dû accommoder à ses dessins

s'il nous l'avait donné pour l'interprète de sa règle.

Ainsi l'hérétique, avec plus d'impiété qu'Arius n'exal-

tait le Père coutre le Fils éteve l'Ecriture outre ce

qui est écrit, contre Dieu, contre son Fils, contre sôn

Esprit. contre les Apôtres contre les traditions, con-

tré l'Eglise contre la parole vivante qu'elle tire de la

bouche apostolique, et dépouille de toute autorité, con-

tré l'Ecriture même qu'elle dément, qu'elle divise et

oppose à elle-même par l'aveuglement et la confusion

de son esprit particulier contré te Symbole de la foi

commune de l'Église que les Apôtres nous ont donné,

en principé pur règle de notre croyance, etque l'É-

glise apostolique parle même Esprit et en la même

autorisé de Jésus-Christ qui renvoie, nôus interprété

et éclaircit de temps en temps pour nous préserverdes erreurs qui naissent de siècle en siècle.

7. La septième chose que j'ai à leur dire, dans le

respect et ta charité que nous devons aux âmes bapti-

Page 315: Condren - Oratorien

312 DISCOURS

sées qui portent le caractère de Dieu c'est qu'ils

condamnent l'Église de Jésus-Christ avec moins de vrai-

semblance, selon les Écritures et même avec plus de

fausseté ( quoique avec moins de matrice ) que les Juifs

ne le condamnèrent lui-même. Car, sans rien alléguer

de faux, abusant, d'un côté, de l'estime que le peuple

faisait de l'Écriture et de la loi de Dieu, et, de l'autre,

apportant, selon le vrai sens littéral, les témoignages

que 1 Écriture rend de la loi et du temple et surtout de

l'unité de Dieu ainsi que toutes les choses renfermées

dans les saints livres (comme le sabbat, les sacrifices,

le peuple de Dieu et l'éternité de leur était), ils le jugèrent

comme un blasphémateur, et la plupart commirent cet

attentat de bonne foi par un zèle mal entendu de 1 E-

criture et de la Loi, que le diable leurinspirasecrètement

sous un prétexte de religion. Depuis, leurs enfants con-

tinuent de s'endurcir dans la haine du nom de Jésus-

Christ, et dans la rage qu'ils conservent en leurs cœurs

coutrelea siens. Mais aria que l'hérétique ne croie pas

que cet aveuglement des Juifs soit l'effet d'un abus vo-

lontaire des Écritures, nous le prierons d'écouter le

témoignage de Jésus-Christ en la croix, qui dit de plu-

sieurs « Mon Père pardonnez-leur, car ils ne savent

ce qu'ils font. » Et S. Paul rend témoignage de lui-

même, qu'étant juif, il avait persécuté l'Eglise, ignorantce qu'il faisait et suivant un faux zèle de la Loi, qu'il

croyait véritable. De plus, Jésus-Christ, en S.Jean.

16.2. prédit aux siens qu'un temps viendra que tous les

,uifs, en les massacrant, penseront rendre un service

à Dieu. Je dirai, en passant, aux hérétiques, que la vérité

des Ecritures ne leur permet pas de s'approprier ce pas-

sage en leurs afflictions et de s'en consoler en char-

geant, comme ils font, les rois catholiques et les au-

Page 316: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 33

14

tres puissances contraires à leur secte tes titres de ty-

ràns et de persécuteurs de la foi. Car, il ne s'entend à

la lettre que des persécutions qui devaient venir de la

part des Juifs aux disciples de Jésus-Christ. Et s'il pou-

vait s'appliquer aux princes et aux républiques enne-

mies de l'hérésie, il nous serait une preuve littérale

qu'on peut user ou mésuser de bonne foi des Écritures

pour les afflige, et que, par couséquent le zèle pré-

tendu et l'esprit particulier, joints à l'Écriture, sont une

règle dangereuse, au moins à leur égard.

Mais je veux traiter avec eux sans les surprendre, et

sans tirer avantage de leur ignorance des livres sacrés.

Je leur veux apprendre une réponse bien véritable et

bien solide, à laquelle ils n'ont pas pensé c'est que tou-

tes les saintes lettres étant adressées aux fidèles, et non

aux autres qui n'ont pas la grâce d'en bien user, il ne faut

pas en tirer la conséquence que, si les Juifs en ont àbusé,

les Chrétiens en puissent abuser aussi. Car à ce langage

je réplique deux choses, sans toucher à la vérité de cette

réponse. La première est que les Juifs n'ont point

mésusé des écrits du Nouveau-Testament contre Jésus-

Christ et les siens mais de ceux de l'Ancien qui leur

est adressé, comme au peuple de Dieu et aux fidèles de

ce temps-là. Ils n'ont pas laissé néanmoins de s'en aveu-

gler, et maintenant encore ils persistent dans leur en-

durcissement. La seconde est que les Catholiques qui

usent des Écritures contre eux sont baptisés, et croient

en Jésus-Christ, et sont les vrais héritiers des livres sa-

crés. L'hérésie même les oblige à se réformer par l'É-

crilure, comme aussi nous les voulons convertir eux-

mêmes par l'Écriture. Et s'ils répondant qu'il faut avoir

la foi entière etparfaite, et qu'il ne sufilt pas d'être

chrétien ni qu'il ne suffît pas d'avoir le fondement,

Page 317: Condren - Oratorien

314 DISCOURS

'lui est Jésus-Christ, pour en bien user je leur répli-

ynerai que, s'il faut avoir la foiparfaite auparavant, cette

lecture sainte ne la donnera pas; qu'il faut donc l'atten-

drç de Dieu par un autre moyen que l'tcriture déclare,

lequel est l'onie de la prédication de l'Évangile par la

bouche apostolique. La foi est par l'ouîe, et fouie par

la parole de Dieu dit l'Apôtre aux Romains. L'écriture

est uule à un pastenr pour instruire et corriger son peu-

ple, et même pour le convaincre, s'il est nécessaire,comme dit le même Apôtre à Timotbée mais aux par-

ticuliers, elle n'est point un moyen certain; et si on la

joint à l'esprit particulier, elle est un instrument dan-

gereux. La certitude qu'elle donne est toute dans l'usage

qu'en lait l'Église et l'Esprit apostoüque-

8• La huitième servira pour les détromper de cette

mauvaise conséquence qui leur est ordinaire L'Écri-

ture est sainte donc chacun doit l'avoir entre les

mains, et on ne peut pas en mésuser. C'est cette fausse

persuasion qui les a.portés jusqu'ici à la profaner d'au-

tant plus qu'elle est sainte, en la confiant à tout espritsans aucun discernemeut, contre la défense expressedu Fils de Dieu, qui ne vent pas qu'on donnesa parole aux

pourceaux et c'estelle qui teur fait conclure partout le

contraireet traiter à l'oppositéles choses saintes. L'arche

d'alliance était sainte c'est précisément pourquoi il est

défendu au peuple de la toucher, et Osa est puni de

mort pour l'avoir fait. Parce que la montagne de Sinaî

est saintc., Il est défendu an peuple d'en approcher, et

moise lui-même n'y doit monter que lorsque Dieu l'y

appelle. Quelques années auparavant comme il s'ap-

prochait pour voir le buisson ardent. la parole de Dieu

l'arrêta et ne le laissa marcher sur cette terre qu'après

qu'il eut déchaussé ses souliers car elle était sainte

Page 318: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 31 5

ditle texte sacré (Eaod. 8.) Le Sanctuaire était saint

aussi n'était-il permis qu'au Pontife d'y entrer, et encore

ce n'était qu'une fois l'an et après un sacrifice solennel.

Et pour en venir aux paroles, la plus sainte de toutes

était ce Nom ineffable de Dieu, que la Loi défendait au

peuple de prononcer: le souverain Prêtre lui-même ne

le pouvait qu'une fois l'an et encore ce devait être

dans le sanctuaire, et après de longues purifications. La

sainteté, par toute l'Écriture, est un terme de respect

et de révérence et parfois de crainte. Elle consiste

selon l'Ancien Testament, d'une part, en la séparation,

non-seulement de toutes les choses profanes, mais en-

core de toutes les choses communes et de l'autre en

l'appropriation à Dieu; ce qui oblige à ne traiter qu'a-

vec un respect divin ce qui est une fois sanctifié. Cepen-

dant cette sanctification d'un objet quelconque n'empê-

che pas que les hommes ne puissent abuser de cet objet,

puisqu'il n'y a rien de si saint que Dieu ni rien non

plus dont ils n'abusent avec tant de facilité et d'une ma-

nière si criminelle, usant de lui-même et de son con-

cours, qui leur est toujours nécessaire en tous les pé-

chés qu'ils commettent contre lui. L'Écriture ne peut

donc pas avoir une sainteté plus divine qui la préserve

des abus des hommes. Mais l'Église doit pourvoir, sui-

vant le commandement qu'elle a reçu de Jésus-Christ

de ne pas donner aux pourceaux sa parole, et de ne la

communiquer qu'avec le discernement que la doctrine

requiert, rejetant tes indignes, et la distribuant aux

autres selon leur capacité. Avec le commandement,

Jésus-Christ en a donné l'exemple pendant sa vie

célant aux disciples ce qu.'il avait d'ailleurs à leur dire,

parce qu'ils ne le pouvaient pas porter alors. En qugison Apôtre l'a suivi fidèlement en ne donnant que le lait

Page 319: Condren - Oratorien

316 DISCOURS

de l'Évangile aux Corinthiens, et non la viande solide,

à cause de leur infirmité c'est néanmoins le peuple.

qu'il a instruit avec le plus de soin de temps et de

liberté.

Puisque Messieurs les prétendus croient que l'Écri-

ture contient toute la parole et toute la doctrine que

Dieu a jamais donnée, et donnera jamais à laquelle on

ne peut rien ajouter, il leur est moins permis qu'à nous,

qui ne sommes pas dans cette croyance de la donner à

tous sans discernement: car c'est donner indifférem-

ment aux pourceaux, comme anx autres, non-seule-

ment la parole, mais toute la parole et mémr, la leur

confier et l'abandonner à leur jugement. L'Église est

mieux instruite et plus fidèle à la parole de son Époux

elle en nourrit ses enfants selon l'ordre de son Esprit,

et selon leurs besoins en temps et lieux suivant tou-

jours sa conduite adorable et ses comportements. Il dé-

fendit aux Apôtres, (Matth., 15-5) de la donner pour lors

aux Samaritains et aux Gentils et aux Actes des Apô-

tres 16-6 il fit à S. Paul, par son St Esprit, une défense

semblable de la prêcher aux peuples de Phrygie et de

Galatie, et peu après à ceux de Bithynie et de Mysie.

L'Église apostolique la distribue ainsi sous la direction

de l'Esprit-Saint et ne la prostitue pas. Les vrais en-

fants de Dieu la reçoivent par elle avec obéissance: soit

celle qui est écrite, qu'elle a portée en sa naissance et

dont elle devient ensuite la Mère et la Tutrice soit

celle qui est vivante en sa bouche, qui nous fait enfants

de Dieu par le baptême, nous donne son corps et son

sang par l'Eucharistie, et nous fait connaître ses voies

par la prédication. Avec la même soumission à son ju-

gement et à sa conduite Dieu les a obligés de recevoir

ausai par son ministère les autres dons qui sont encore

Page 320: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRETATION DE L'ÉCRITURE.317

plus grands et plus nécessaires au salnt, comme le

St-Esprit le corps et le sang de Jésus-Christ, la gràce

de la régénération et de l'adoption divine et quelques

autres plus importantes que l'Écriture. L'Église est oubli-

gée néanmoins de les refuser aux indignes et de ne les

communiquer aux autres qu'avec discernement. Ce se-

rait être infidèle à Jésus-Christ en la dispensation de ses

biens et de son héritage, que.de faire autrement.

Messieurs les Prétendus ont donc tort d'accuser l'É-

glise de vouloir cacher aux enfants le Testament de leur

père. Les Écritures, que les Apôtres et les personnes

apostoliques nous ont laissées au commencement, et

que l'Église apostolique a reconnues poqr production

véritable de son Esprit, sont bien quelques effets de la

grâce dn Testament comme tous les autres dons de

Dieu mais non pas le Testament même. Ce n'est que

par une analogie, et encore fort impropre que l'usage

leu a donne ce nom, pour les distinguer des autres

livres. Le Testament a précédé ces Ecritures de plu-

sieurs années. Si nous disons que le St-Esprit en est

l'auteur principal, le St Esprit, dirons-nous, est notre

Dieu, et nous ne l'appelons pas ordinairement notre

Père: ses paroles ne sont donc pas le testament d'un

père à ses enfants d'ailleurs il n'est point sujet à la

mort pour tester. Si nous disons que c'est Jésus-Christ,

il est vraiment notre Père mais on ne peut pas appeler

son Testament ce qu'il aurait écrit quinze ou vingt ans

après sa mort, puisqu'il doit avoir été confirmé par sa

mori, comme le dit son Apôtre aux Gâtâtes, 3-15, et aux

Hébreux, 9-17, et qu'il n'est pas permis d'y rien ajouter

par après. L'hérésie nous accuse sans raison d'ajouter

au Testament depuis la mort du Testateur et c'est elle

qui est faussaire et qui commet ce crime plus luurde-

Page 321: Condren - Oratorien

318 DISCOURS

ment, changeant entièrement le Testament, et pour

amuser le monde elle propose contre toute apparence

un titre qui a été écrit assez longtemps depuis sa mort.

Le Testament véritable fut confirmé dans le cénacle de

Jérusalem, et mon-seulement ouvert, mais aussi distri-

bué par Jésus-Christ avant sa mort à ses principaux et

premiers héritiers qui, par succession, en devaient faire

part à leurs enfants. Le Dieu de la vie et de la mort a ea

droit de prévenir la mort et de communiquer aux vi-

vants pendant sa vie, l'héritage de la vraie vie sans le

partager: car il est tout à tous en leur donnant en lui-

même et avec lui-même tous ses biens, son Père et son

laprit, sa grâce et sa gloire, le temps et l'éternité, avec

tous ses autres dons que nous recevons en cette vie sous

les voiles de la Foi, pour en avoir par après la pleine

jouissance. L'hérésie infidèle casse le Testament que

Jésus-Christ a non-seulement scellé d'un sacrement et

rempli par sa parole, de son corps de son sang et de

tous les mérites de sa vie; mais aussi ouvert et exécuté

de son vivant, confirmé par sa mort, publié depuis par

son Esprit, et qui nous est apporté par les mêmes té

moins qui nous instruisent de sa vie; de sa mort et de

sa résurrection. En sa place l'hérésie nous substitue

des écrits qui nous témoignent ouvertement qu'ils ne

sont pas le Testament, mais bien des titres par lesquels

nous montrons que l'hérésie non-seulement le change,

mais l'anéantit entièrement ce qui est sans doute une

injustice plus grande que de le cacher aux enfants.

Mais quand même le Testament serait l'Écriture on

a tort d'accuser l'Église de le cacher. Elle l'imprime et

le publie partout et en désire la connaissance à tous ses

enfants. Ce que l'hérésie blâme n'est pas une défense

au peuple de la lire à la bien prendre selon la vérité et

Page 322: Condren - Oratorien

SUR LA LIBREINTERPRÉTATION DE l'ÉCRITURE.319

quant à l'effet mais un commandement de respect à la

parole écrite, par lequel ['Église défend de la tenir

comme un livre ordinaire dont on peut user à son gré

et sans autre dépendance que de soi et veut qu'on lé

regarde comme un doh singulier de Dieu, qu'on doit

recevoir avec religion des mains des Pasteurs qu'il lui

a plu de nous donner pour nous régir et être les dispen-sateurs de ses dons, comme nous en recevons son corps

et son sang, son St-Esprit, la gràce de notre adoption,

celle de la rémission de nos péchés et plusieurs autres.

Jésus-Christ a laissé aux hommes cette loi d'honneur

et de révérence aux choses saintes et spécialement à

sa parole, de les recevoir, comme il nous les a don-

nées, par le ministère de l'Église apostolique et avec sa

bénédiction qu'eile porte. Nous en devons jouir sous le

joug que l'Évangile nous impose d'assujettissement sa

conduite et non nous en rendre maîtres sans dépen-dance quelconque que de notre propre fantaisie, à la-

quelle les enfants de Dieu pas plus que les autres ne

doivent pas être abandonnés. Cette parole pour être

écrite, n'est pas avilie ni rendue commune et profane.Les mêmes respects lui sont toujours dus et l'Eglise

qui nous l'a donnée au commencement, demeure tou-

jours dans les mêmes ohtigations de veiller sur les hom-

mes, et d'empêcher qu'ils ne la profanent et n'en mésu-

sent contre Dieu et leur salut comme ils ont fait

très-souvent, ainsi que nous l'avons dit. Mais elle doit

exciter plus particulièrement sa charité et appliquer sa

vigilance sur le troupeau de Jésus-Christ à la naissance

des grandes hérésies, où le diable travaille avec plus.de

liberté à séduire les fidèles, à lès tenter et les tromper

par l'Ecriture, selon son ordinaire. C'est pourquoi, en

ces temps de tentation elle avertit les enfants de Jé;us-

Page 323: Condren - Oratorien

320 DISCOURS

Christ de leur devoir envers sa parole écrite et non écri-

te, et renouvelle l'obligation qu'il leur a laissée de la

recevoir de leurs Pasteurs légitimes. Cette dépendanceleur rend, en premier lieu, cette parole plus fructueuse,

parce qu'ainsi ils la reçoivent selon l'ordre de Dieu avec

sa bénédiction, que l'obéissance et la soumission d'es-

prit attirent. En second lieu cette liaison qu'ils con-

tractent avec l'Église les fortifie en la foi, et les séparedu diable et des loups ravissants qui viennent de sa

part en habit de Pasteurs et proposent l'Écriture en

tentation, comme il fit à Jésus-Christ même. En troi-

sième lieu l'Église observe par ce moyen le précepte

qui lui a été donné de refuser la parole de Dieu aux

pourceaux qu'elle ne pourra rendre agneaux; ce qui lui

serait impossible autrement. En quatrième lieu elle

satisfait à l'obligation qu7elle a de discerner les Écritu-

res fausses des véritables, et d'en avertir les siens, pour

les préserver d'erreur en un temps où plusieurs cor-

ruptions s'introduisent dans les livres sacrés. En cin-

quième lieu eufin, cette loi donne aux Pasteurs le moyen

d'inspirerà leurs ouailles une juste révérence pour l'É-

criture, etde les avertir qu'elle doit être lue dans l'ado-

ration profonde de la sapience des pensées et des con-

seils de Dieu, qu'elle contient dans l'abnégation de

nos sentiments, et même de notre esprit, pour être à

même de recevoir celui de Dieu et ses divins ensei-

gnements, et dans la dépendance de la lumière aposto-

lique qui doit nous guider en cette lecture.

Qui considérera mûrement ce règlement, que l'héré-

sie accuse avec tantde chaleur, jugera aussitôt qu'il est

l'effet d'un profond respect de l'Église, envers les Écri-

tures, de sa vigilante sollicitnde pour ce sacré dépôt.

surtout en temps suspect et dangereux, et de sa fidélité

Page 324: Condren - Oratorien

SUR L· LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 321

à toute épreuve à conserver la parole et la doctrine de

Jésus-Christ dans toute leur pureté, et non pas d'une

volonté de sa part de cacher les Écritures. Les ordres

semblables que l'Église établit pour régler l'administra-

tion des sacrements conformément aux commandements

de Dieu qu'il ne sera pas permis à chacun par exem-

ple, de prendre de lui-méme et A sa fantaisie le corps

et le sang de Jésus-Christ sur son autel que l'imposition

des mains, instituée et pratiquée par les Apôtres pour

donner et communiquer le Saint-Esprit, ne se fera pas

témérairement; que le baptême, on la rémission des

péchés, ne se donnera pas sans discernement et plu-

sieurs ordonnances semblables, ne sont pas des pro-

tnbitinns des grâces de Dieu ni des sacrements mais

des, fois de pié.é et de religion qui les font révérer aux

fidèles, qui empêchent les abus et qui maintiennent

l'ordre que Jésus-Christ a établi. De même, les assu-

jettissements que Dieu a imposés à l'Église dans la ré-

ception de ses grâces et de ses sacrements ne sont pas

des, empêchements qu'il a mis à la réception de ces

mêmes grâces mais bien des moyens et des com-

mandements de les recevoir.

Dans l'Ancien-Testament, les Écritures étant la rè-

gle de la religion quant au culte de Dieu extérieur et

cérémonial, elles étaient plus nécessaires aux particu-

liers qu'elles ne le sont maintenant; cepeudant les li-

vres sacrés, par respect pour ce qu'ils étaient, n'étaient

pas écrits en caractère ordinaire, tel qu'il servait au

peuple dans les usages communs. Ceux mêmes qui

avaient la science de ce caractère sacré, ne pouvaient

pourtant pas les lire sans une instruction particulière

parce qu'étant écrits sans points et sans voyelles Il était

nécessaire que la tradition eu donnât la clef. C'est pour

Page 325: Condren - Oratorien

321 DISCOURS

cette raison qu'on ne sait plus prononcer le nom de Dieu,

parce que la tradition en cessa depuis la destruction du

sanctuaire, à cause qu'il ne fut plus possible au pontife

d'y entrer, pour le prononcer une fois l'an. La plupart

des variétés qui se trouvent aujourd'hui dans les Bibles

viennent encore de ce que les interprètes ne convien-

nent pas toujours de cette tradition, et ponctuent diffé-

remment te texte hébreu ce qui change entièrement

la signification. Outre cette tradition nécessaire pour ta

lecture du texte, il y en avait une autre pour l'intelli-

gence du sens qu'ils appelaient I'dme et l'esprit de l'É-

criture, sans laquelle les mystères ne pouvaient être en-

tendus, pas plus que l'application de la lettre. Presque

tous les passages de l'Ancien -Testa ment, qui sont cités

dans le Nouveau, seraient hors de propos et sans force,

si ce n'était que cette tradition-vivait encore et que les

Juifs en convenaient. Après toutes ces dépendances qui

séparaient les particuliers de leur propre sens et les

mettaient dans la nécessité de recourir à autrui pour

l'intelligence des saintes lettres, l'interprétation en était

encore réservée aux Prêtres et aux Docteurs, et par

extraordinaire aux Prophètes, qui les expliquaient aux

autres les jours de Sabbat. Il n'était pas même permisà chacun de les lire toutes. Le Cantique des Cantiques,le commencement de la Genèse, le commencement et

la ün d'Ezéchiel, et quelques autres parties, étaient

réservés aux personnes instruites et avancées en âge,et défendus aux autres. C'était là user de beaucoup de

précautions en un temps où la pratique de la religionétait fondée sur l'Écriture, de sorte qu'on ne pouvait

pas s'en rapporter entièrement à la Synagogue, ni même

à toute l'Église juive car elle n'avait jamais reçu dé

Dieu aucune promesse d'infaillibilité, mais bien plu-

Page 326: Condren - Oratorien

SUR 1.& LIBRE lNTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 321

sieurs avertissements de ses infidélités futures et de sa

ruine finale.

Pour ce qui est du Nouveau-Testament, ni la reli-

gion ni la foi ne sont fondées sur l'Écriture mais sur

Jésus-Christ et ses Apôtres immédiatement par l'ouie de

la prédication apostolique, qui durera toujours sans in-

terruption et sans erreur jusqu'à la consommation des

siècles, selon les promesses évangéliques et ceux qui

n'y croiront point seront damnés. Les Apôtres n'ont

point reçu de commandement d'écrire mais bien de

prêcher. Ils n'ont jamais donné par écrit la foi aux peu-

pies, mais par la parole et s'ils l'avaient fait, leurs écrits

auraient été encore plus soigneusement conservés que

ceux qui nous restent d'eux; car ils formeraient le fonds

de la doctrine chrétienne. Il est aisé de voir que ce que

nous appelons les Évangiles n'est qu'une histoire, d'un

très-grand usage à la vérité pour ceux qui savent s'en

servir, mais qui ne contient que fort peu d'actions de

Jésus-Christ. Le monde n'a pas été digne de la mémoire

des autres. Les Actes des Apôtres sont une autre histoire

qui ne rapporte presque rien que de S. Paul dont même

elle omet les actions principales. Toutes les lettres des

Apôtres sont adressées à des personnes déjà instruites

et fondées dans la foi, ou pour éclaircir quelques diffi-

cultés particulières, ou pour de moindres sujets. L'A-

pocalypse doit principalement servir à l'Église auxder-

niers temps. On ne voit rien en toutes ces pièces sacrées

qui ressente une règle, ou une institution de religion et

de croyance et chacune témoigne au contraire que la

religion était déjà fondée,et qu'elle n'est pas écrite pour

en être la règle et le fondement, mais pour quelque

autre sujet. Il n'y en a même aucune qui ne montre que

les Apôtres n'ont point donné de règlu écrite. Cepen-

Page 327: Condren - Oratorien

324 DISCOURS

dant, quoique les Écritures ne soient point le fonde-

ment nécessaire de la foi elles sont pourtant des

moyens utiles que l'Esprit de Dieu nous a donnés, tant

pour notre instruction que pour la correction et là con-

viction de ceux qui tombent en erreur et pour notre

consolation. Mais puisque ceux auxquels ces livres ont

été adressés ne sont plus pas plus que les sujets pour

lesquels ils ont été écrits, et que les dispositions des es-

prits sont changées avec l'état des choses de sorte que

la première adresse ne subsiste plus et que même ils

servent aux uns et nuisent aux autres, ce que l'expé-

rience ne montre que trop c'est à l'Église apostolique

qui, au commencement, les a reçues et données à ses

premiers enfants que l'adresse en appartient mainte-

nant. Elle doit faire en ce point par les Pasteurs qui

sont aujourd'hui, ce qu'en sa naissance elle a fait par

les Apôtres et par les autres pasteurs de ce temps-là.

Elle est leur héritière aussibien que de Jésus-Christ et

même les Apôtres vivent encore en elle et Jésus-Christ

avec eux, jusqu'à la fin des siècles, selon sa promesse.

C'est donc à elle de faire avec eux ce qu'en son com-

mencement ils ont fait avec elle, et feraient encore, s'ils

vivaient, pour ce qui manque à l'adresse de leurs écrits.

Nous voyons en l'Évàngiie de S. Jean, 16. 12, que Jésus-

Christ n'a pas voulu donner aux siens même toute pa-

role en tout temps et qu'il a retenu plusieurs choses

qu'il avait à leur faire savoir après sa mort. Et l'Apôtrene jugeait pas les Corinthiens encore capables de la plus

solide doctrine, quand il leur écrivit la première épltre,

quoique ce fût plusieurs années après leur conversion.

Il dit mêmes, 3. 2, qu'il s'était abstenu de leur en parler

jusqu'alors, parce qu'ils n'étaient pas assez spirituels

pour la recevoir que dirait-il donc des peuples de ce

Page 328: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE L'ÉCRITURE. 325

siècle ? Est-il croyable qu'il leur voulût donner par

écrit ce qu'il n'osait dire à des âmes qui vivaient dans

la première ferveur du christianisme et qui abondaient

en toutes les vertus que le texte sacré remarque en eux ?

Si l'Esprit de Dieu est si retenu à donner sa parole à des

Saints en sera-t-il prodigue à des profanes ? Si, dans le

siècle de la perfection, les Apôtres craignent de décla-

rer les principaux mystères et les plus solides vérités

du Christianisme, les voudraient-ils donner sans aucun

discernement à chacun, en ce siècle d'impiété ? Sur la

la fin du chap. 5 de l'épître que le même Apôtre écrit

aux Hébreux il refuse de leur dire les principales cho-

ses du sacerdoce de Melchisédech parce qu'ils ne les

pouvaient pas entendre il ajoute qu'ils ont besoin de

lait que la viande solide, c'est-à-dire la doctrine par-

faite, ne leur est pas encore propre, et qu'ils ne sont

capables que des éléments de la religion, quoiqu'ils

fussent chrétiens depuis plusieurs années, et que le

temps les dût avoir rendus maîtres. Si S. Paul donne

la parole de Dieu avec réserve à des gens qui avaient

perdu leur bien avec joie pour Jésus-Christ (Heb.l0. 34.),

la donnerait-il sans aucune retenue à ceux qui en ce

temps-ci dérobent avec joie le bien de Jésus-Christ ?

Ces passages nous font voir deux choses la pre-

mière, que nous avons déjà posée, que ni Jésus-Christ

ni les Apôtres ne voulaient que toute parole et toute doc-

trine fussent données à toutépersonneen tout temps, soit

de vive voix soit par écrit. Il y a bien des gens en France

plus incapables que ne l'élaient les Corinthiens, les Hé-

breux et les Apôtres, lorsqu'ils suivaient et entendaient le

Fils de Dieu, auxquels le Siint-Esprit, qui est l'auteur de

l'Ecriture veut encore moins dire ou écrire ce qu'il

célait à ceux-là. Il n'y a pas d'apparence même qu'il

Page 329: Condren - Oratorien

326 DISCOURS

leur veuille dire ou écrire tout ce qu'il dit ou écrit à des

personnes si fidèles. Il est donc bien certain que si Jé-

sus-Christ, ou les Apôtres, nous conduisaient encore

visiblement selon cet Esprit comme autrefois ils ne

donneraient pas à tous les Français tout ce qu'ils ont dit

ou écrit à ces premiers vaisseaux d'élection, qui ont été

choisis pour recevoir la doctrine évangélique et les pré-mices de l'Espritde sainteté. L'Eglise apostolique, hé-

ritière de cet Esprit, est obligée de suivre ses institu-

tions en la communication de sa parole. D'ailleurs les

Parisiens ne sont pas les Corinthiens il ne s'ensuit

donc pas que nï le Saint-Esprit ni l'Apôtre adressent

aux Parisiens ce qui est écrit aux Corinthiens et quandmême les Corinthiens seraient encore fidèles chrétiens

et bons catholiques, ils ne sont plus ceux auxquels l'A-

pôtre a écrit ils ne sont pas non plus dans leur dispo-

sition par conséquent l'Esprit de Dieu qui ne manque

jamais et qui fait tout avec poids, ordre et mesure, leur

voudrait écrire selon leurs besoins actuels et non

comme il leur a fait écrire jadis. C'est pourquoi, quandils seraient encore les mêmes personnes, ils ne pour-raient pas porter à cette heure ce qu'ils ont reçu en ce

temps-là, non plus qu'ils ne pouvaient pas porter alors

cette viande solide qui leur devait être utile par après.

Ce qui montre évidemment que la première adresse des

Écritures est passée et que le principal auteur, qui est

l'Esprit apostolique, ne les a pas adressées à chacun

indifféremment, ni donné droit à tous de les lire sans

réserve et sans dépendance, et qu'il est nécessaire que

cemme.il est toujours dans l'Église vivant et agissant

pour notre conduite, il les applique et les adresse par

elle, qui est son oracle, selon les besoins des parti-

culiers.

Page 330: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRÉTATION DE l'ÉCRITURE.327

La seconde, que nous avons à voir dans les passages

cités, est que ni Jésus-Christ ni les Apôtres n'ont point

laissé par écrit les choses les plus saintes et les plus

solides du Christianisme, pour né les exposer pas in-

différemment à tous, et qu'ils les enseignaient de vive

voix et en particulier à ceux qui en étaient capables, dé-

Clarant la Sapience divine aux parfaits, comme le dit

S. Paul dans sa première aux Corinthiens 2. 6. Je pont-

rais apporter ici des témoignages de tous les livres sa-

crés, mais je m'arrête aux deux précédents, pour ne

pas m'étendre davantage. Nous ne voyons point en au-

cun lieu que l'Écriture nous apprenne ce que S. Paul

avait à dire, et ne voulait pourtant pas dire, aux Hé-

breux du sacerdoce de Melchisédech, puisqu'elle n'en

dit presque rien ailleurs, et que les autres Ecritures, qui

nous restent des Apôtres, ne sont pas plus relevées eh

doctrine ni en pratique de vertu que celles qui sont

adressées aux Corinthiens et aux Hébreux. Il fallait donc

que ces choses saintes, que l'Esprit de Dieu leur réser-

vait, fussent enseignées autrement que dans les Bibles

que nous avons. Ce qui montre clairement que le Saint-

Esprit n'adresse pas à tous indifféremment toute doc-

trine, et que 1'Eglise, pour vivre en sa conduite, doit

observer cette retenue que les fidèles révèrent en elle

comme une disposition de Dieu. Si l'hérésie prenait

Cette remarqae à son avantagé et nous objectait que,

puisque l'Ecriture ne contient pas toute la doctrine de

l'Esprit apostolique, mais seulement celle qui a dû être

écrite il n'y a aucun inconvénient de la donner à tous

nous lui répondrions en premier lieu que, puisqu'elle

croît que toute la doctrine chrétienne est écrite, elle ne

peutpaè se servir de cette vérité pour se justifier, ni pour

fonder sa conduite sur notre croyance Contré la sienne.

Page 331: Condren - Oratorien

328 DISCOURS

Quoique l'Esprit apostolique se soit réservé quelques

points de perfection, que le commun des Chrétiens ne

porterait pas pour les inspirer aux âmes choisies qui

par grâce, les pourront porter l'Écriture ne laisse pasd'être remplie de plusieurs mystères, d'une doctrine

très-sainte que l'Esprit apostolique n'adresse pas à tous

indifféremment. Il s'est d'abord servi des Apôtres pourdonner ces pièces sacrées à ceux qui les ont reçues au

commencement, selon leur première adresse. Il se sert

maintenant de l'Église apostolique, qui a de Jésus-

Christ la .mème mission qu'ils ont eue de donner aux

hommes la parole et la doctrine du salut étcrnel pour

l'appliquer aux particuliers et la leur faire entendrecar l'application, aussi bien que l'explication, n'en est

infaillible queparelle. Les Chrétiens ne le pourront pastrouver étrange s'ils ont remarqué qu'ils dépendentd'elle absolument, selon l'ordre de Jésus-Christ, en ce

qui est non-seulement de sa parole et de sa docirine,mais aussi en d'autres choses plus saintes, dont elle peut

légitimement priver les indignes et qu'elle doit ne

donner aux dignes qu'avec discernement selon leur

capacité.Le siècle des Apôtres était le siècle de la perfection et

de la grâce le sanctuaire était ouvert à tous le voile

venait d'être déchiré tous étaient appelés Saints et

selon la prophétie de Joël expliquée par saint Pierre

au commencement des actes tous étaient communé-

ment prophètes. Il n'y avait point encore de pourceauxdans la bergerie du Fils de Dieu auxquels il fallùt dénier

sa parole cet ennemi qui sème la zizanie dans le

champ du Seigneur en la. parabole évangélique, n'avait

point encore semé de fausse doctrine ni inspiré defaux zèle ni jeté de fausses lumières, ni posé de faux

Page 332: Condren - Oratorien

SUR LA LIBRE INTERPRETATION DE L'ÉCRITURE. 329

principes qui portassent les esprits à l'erreur et à l'alms

des Écritures. L'esprit de vérité se communiquait visi-

blement aux fidèles pour l'ordinaire et l'esprit de faus-

seté n'en osait approcher et toutefois S. Pierre nous

apprend en sa seconde épitre 13 que plusieurs ne lais-

saient pas d'abuser des Écritures à leur perdition. Com-

bien donc se trouvera-t-il de ces personnes dans ce siè-

cle de tentation ? C'est pourquoi l'Eglise veille et use de

son droit pour le bien de ses enfants. Elle donne néan-

moins la Bible avec sa bénédiction à tous ceux qui la

peuvent lire en hébreu, en grec, on en latin quoique

ce soient ceux qui pourraient le mieux remarquer les

abus que les hérétiques prétendent qu'elle veut cacher

en défendant les Ecritures. Ce n'est pas qu'entre les

doctes il ne s'en trouve quelques-uns qui en abusent

qui se rendent cette lecture nuisible et auxquels par

conséquent elle est défendue de droit divin à cause

de l'indisposition de leurs esprits mais l'Eglise les

laisse à Dieu et à la règle commune que tout ce qui

est dommageable ou même périlleux à l'âme est défendu.

Quant aux versions en langue vulgaire elles ne sont

point défendues en France aux personnes bien dispo-

sées, qui ne sont point en péril d'en mésuser. Et d'ail-

leurs la permission en est si facile à obtenir que par

la faute des Pasteurs, on ne la refuse bien souvent,

pas même aux pourceaux, contre le commandement de

Jésus-Christ, s'ils la demandent instamment. Et ainsi

les Pasteurs la permettent parfois à qui Dieu ne la per-

met pas et à ceux-là elle ne laisse pas d'être nuisible.

L'apôtre dit à Titus, 1-15: Omnia munda mandis coin-

quinatis autem et in/idelibus nihil est mundum. L'EcrUurc

n'est pas bien entre les mains de ceux dont les mœurs

et les dispositions sont opposées à l'Ecriture, non plus

Page 333: Condren - Oratorien

330 DISCOURS

qu'entre les mains de ceux qui manquent au fondement,

qui est la foi car c'est par la foi qui est en Jésus-Christ

qu'elles nous peuvent instruire, dit l'apôtre à Timothée.

(2. Ep. 3-15.;

9e Je snpplie Messieurs les Prétendus de remarquer

que l'Esprit de Dieu, qui est un esprit de paix, de vérité

et de lumière, tend toujours à confirmer, illustrer et

appuyer les mystères de la foi et les passages de l'Écri-

ture les uns par les autres, et à faire voir l'harmonie

admirable de la religion. L'Esprit de mensonge do té-

nèbres, de guerre et de révolte, prend une conduite

opposée et tend toujours à confondre à obscurcir ou

à détruire un mystère, un passage ou une vérité par

une autre. L'Église de Dieu suit le premier Esprit elle

se sert de la lumière divine que Jésus-Christ à mise en

elle, et de la vérité des Écritures pour dissiper les nua-

ges du sens humain et les ténèbres du péché, qui nous

cache la splendeur de la Sapience évangélique. L'héré-

sie se laissdxonduirc au second, préférant toujours les

ténèbres à la lumière, l'obscurité à l'évidence, l'incer-

tain ail certain. S'il se trouve dans les Ecritures un seul

passage qui semble avoir quelque obscurité, elle s'en

sert pour couvrir de ses ténèbres tous les autres qui

seront très-clairs et, au lieu d'expliquer ce qui paraîtdouteux par ce qui est certain selon l'ordre de la rai-

son, elle confond la vérité dans les ténèbres, et jette la

guerre civile dans les Écritures Saintes, en les oppo-sant entre elles et les confondant, un texte par un autre,

sous prétexte de les expliquer l'un par l'autre. En quoi

elle porte avec elle-même la dissension et le désordre

entre les vérités de Dieu, et fait voir que le démon quila conduit est un esprit de confusion. Elle fait de même

de tous les mystères de bieu, détruisant la fol de l'un

Page 334: Condren - Oratorien

SUR LA LIHREINTERPRÉTATION

DB L'ÉCRITURE. 331

par la connaissance de l'autre; au liéu que les enfants

de lumière reçoiveut avec fidélité tout ce qui vient de

Dieu, sans l'.altérer ni le déguiser, et ne confondent ja-

mais rien ni n'embrouillent jamais les vérités divines

parce qu'ils ne produisent que des effets de la vraie, lu-

mière, qui tend toujours à illustrer les mystères, les

vérités, et les Écritures ensemble, de sorte que chaque

article est à l'autre un flambeau qui l'éclaire et le fait

voir en son lustre. J'apporterais ici des exemples, si

tant la conduite de l'Église de Dieu que celle de la Pré-

tendue, n'étaient en ceci si manifestes, que chacun les

pourra remarquer aussitôt qu'il y appliquera son esprit.

10° Pour la dixième, qui vient au nombre de la per-

fection de la Loi nous leur proposerons l'état de la foi

chrétienne, qui nous donne le moyen de l'accomplir;

ils verront mieux leur erreur dans le tableau de la vé-

rité, et reconnaîtront plus aisément le mauvais usage

qu'ils font des Ecritures, quand ils auront une fois jeté

l'œil sur l'image qu'elle nous donne de la foi.

L'ÉCONOMIE DE LA FOI SELON LES ÉCRITURES.

Le Père éternel en est le premier principe. Jésus-

Christ l'a puisée en lui, et en est l'auteur et le fondement

à l'Eglise et à nous. Le Saint-Esprit en est le tuteur

qui la conserve en sa vérité dans le cœur de l'Église

il en est aussi l'Esprit, qui rend les hommes capables

de la recevoir. Les Apôtres, avec lesquels Jésus-Christ

a promis d'être jusqu'à la consommation des siècles

en sout les maitres, qu'on est obligé d'écouter et de

croire, sous peine de damnation. L'Église en est l'école,

la colonne et le firmament. La Prédication en est le

moyen ordinaire que Dieu a établi pour la communi-

quer. L'Écriture sainte et la Tradition en sout les pre-

Page 335: Condren - Oratorien

332 DISCOURS

miers titres. Les Vertus divines et les vrais Miracles en

sont des signes et des témoignages célestes. Le Symbole

ordonné par l'Église apostolique et proposé aux chré-

tiens, en est la règle. La Grâce secrète de la foi, qui est

un don que Dieu met dans les cœurs pour les incliner

à recevoir la parole de Jésus-Christ en est la vertu.

La Charité, qui est la perfection de la loi et de l'homme

de Dieu et le fondement des bonnes œuvres, comme

la foi l'est de la charité, en est la vie et la perfectionet moyennant la Persévérance nécessaire jusqu'à la fin,

la Vie éternelle en est la couronne.

Page 336: Condren - Oratorien

DISCOURS

L'EXAMEN DES' PRINCIPAUX PASSAGES QUE LES

HÉRÉTIQUES DE FRANCE ALLEGUENT ORDINAI-

REMENT POUR AUTORISER LEUR CROYANCE

CONTRE LA VÉRITÉ, DÉPRAVANT L'ÉCRI-

TURE A LEUR PERDITION ET CELLE

DE LEURS SEMBLABLES COMME

LE DIT S. PIERRE.

(2. Ép. 3. 16.)

La vérité de la foi, ainsi nùment exposée selon le

témoignage des Ecritures, porte avec soi sa lumière,

qui dissipe les ténèbres de l'hérésie, et fait voir avec

quel abus celle-ci se sert de l'autorité des livres sacrés,

pour fonder ses erreurs.

Le premier passage qu'elle profane dans les marges

de la confession de sa foi prétendue pour tromper ses

adhérents et leur persuader que l'Écriture est l'unique

règle tant de la croyance que des mœurs et de la reli-

gion des chrétiens est le septième verset du onzième

psaume de David.

Eloquia Domini eloquia casta, argentum igne examina-

lum, probatum terrœ, purgatum septuplum.La Bible de Genève met ce psaume le 12° et le traduit

en ces termes assez mal « Les paroles de l'Éternel sont

pures c'est argent affiné au fourneau de terre, espuré

par sept fois. »

Page 337: Condren - Oratorien

334 DISCOURS

Nous donnons huit réponses à l'allégation abusive de

ce verset qui sont toutes tirées de la vérité de la lettre.

La première, qu'il n'est point parlé de l'Écriture en

ce psaume, mais seulement des paroles de Dieu en gé-

néral ce qui comprend tant les paroles intérieures qui

font entendre à l'âme les voies divines que les exté-

rieures qui l'instruisent aussi, soit qu'elles soient pro-

férées par Dieu même, ou portées par ses serviteurs,

anges ou hommes. L'Ecriture nous apprend toutes ces

différences de paroles de Dieu, qui méritent ce nom plus

proprement et plus immédiatement que l'Écriture,

qui ne peut le recevoir que matériellement; parce que

ce qui est écrit maintenant, a été autrefois donné de

Dieu, par lui-même ou par les siens. David était un pro-

phète illuminé de Dieu immédiatement il loue en ce

lieu la parole divine qui l'éclairait et le sanctifiait. Dans

le psaume 118, il prend en plusieurs versets ce même

terme pour la parole intérieure, et ailleurs fort ordi.

nairement. Au verset 18 et 19 du ps. 104, on ne le sau-

rait entendre de la parole écrite tant parce qu'au

temps de Joseph, dont il est question, les Écritures

que nous avons n'étaient pas encore, que parce que le

lieu fait assez voir qu'on le doit entendre de la prophé-

tie non écrite de la grandeur du même Joseph, Gen. 37,

et de la grâce que Dieu mit en lui qui le fit tant hono-

rer en Egypte. L'hérésie commence mal à informer de

sa foi par un témoin qui n'en dit mot.

La seconde, que quand même les paroles citées s'en-

tendraient seulement de la parole écrite en la'Sainte

Bible, ce qui n'est pas elles ne diraient rien en faveur

de la doctrine bépétique, mais elles affirmeraient seule-

ment que l'Écriture est pure et bien éprouvée, ce qui

n'est pointcontroversé entre nous, ni à prouver par eux,

Page 338: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 335

puisqu'on ne leur demande point des preuves de la pu-

reté de l'Écriture.

La troisième qu'au temps ou David composa ce

psaume 11, ou 12 selon leur Bible, l'Église n'avait en-

core de toutes les Écritures Saintes qui sont mainte-

nant reconnues que le livre de Job, les cinq livres de

Moise, les deux de Josué et des Juges celui de Ruth

avec les dix premiers psaumes. Il faudrait donc par

nécessité, si l'interprétation prétendue avait lieu que

ces seuls livres fussent cette règle à laquelle on ne doit

rien ajouter ce qui détruirait tout ce que Dieu a ré-

vélé par son Fils Jésus-Christ et par ses Apôtres et tout

ce que les autres écrivains sacrés, et David même,

nous ont donné depuis. Si l'hérétique repart qu'en ce

verset David a parlé par prophétie de toutes les Écritu-

res qui devaient étre, nous répondrons premièrement

que la lettre ne le dit poiot, et que pour fonder un arti-

cle de foi, leur opinion ne suffirait pas, quand même

elle serait raisonnable et conforme au texte. Seconde-

ment, que le lieu allégué ne porte qu'un sens présent,

qui est une déclaration de la pureté des paroles divi-

nes, et non pas une prédiction qu'elles doivent être

autre chose à l'avenir. Troisièmement, David eût trom-

pé son peuple et ses frères, qui recevaient ce psaume

pour leur instruction, si, en leur disant que l'Écriture

est la règle il eût entendu, sans le dire une écriture

qu'ils ne devaient jamais avoir; car il eût parlé contre

leur sens et avec surprise, et leur eût dit une fausseté,

selon le sens apparent de ses paroles, puisqu'en ce

temps-là l'Écriture n'était pas la parole accomplie et par-

faite qui devait être la règle de la religion.La qua tri ème, que le peuple de Dieu avait, au temps

de David, des Écritures Saintes que nous n'avons plus

Page 339: Condren - Oratorien

336 DISCOURS

comme le livre que Samuël écrivit de la loi du royaume

d'lsraël, qui fut mis avec l'arche d'alliance, ainsi que

nous l'assure le premier Jivre des Rois 10,25, le livre

d'Enoch cité par S. Jude en son Epitre canonique 1-14,

et quelques autres. D'où il suivrait que cette règle que

David aurait donnée ne serait pas venue entière jusqu'à

nous. On peut même ruiner l'hérésie par ce témoignage

qu'elle produit, en le prenant selon le sens qu'elle lui

donne car si David a dit que l'Ecriture élait la règle en

sou temps, elle ne le serait plus maintenant, puisqu'el-

le ne contient plus toutes les mêmes Écritures. Une

règle défectueuse et imparfaite n'est plus règle. Il faut

que rien n'y manque; autrement la perfection doit être

cherchée ailleurs.

La cinquième que nous n'avons plus les livres de

Nathan, de Gad, d'Addo, de Samuel, de Séméias,

d'Ahias et de plusieurs autres prophètes cités en divers

lieux de l'Écriture, ni le Paralipomenon des Pontifes,

qui était la principale histoire de la Synagogue, où la

conduite de la religion se pouvait mieux remarquer. Et

si l'hérésie nous donne la réponse ordinaire, que nous

avons l'Ecriture telle que les Apôtres nous l'ont laissée

pour règle, nous repartirons qu'elle a donc tort d'ap-

porter le douzième psaume pour autoriser cette croyan-

ce, puisqu'il ne dit rien des Apôtres, ni des Écritures

de leur temps et qu'il parle seulement des paroles de

Dieu telles que David les pouvait avoir ( ce qui détruit

leur doctrine), ou des paroles de Dieu en général, c'est-

à-dire de toutes les paroles que Dieu a jamais donnée

ou donnera aux hommes, (ce qui la détruit aussi selon

leur sens) puisque nous n'avons pas toute la parole écrite

que David aurait donnée pour règle. D'ailleurs il est

faux que nous ayons les Écritures telles que les Apôtres

Page 340: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES.337

15

nous les ont laissées. Pour ce qui est du Nouveau-Tes-

tament, nous n'avons plus l'Épltre de S. Paul aux Lao-

diciens, dont la lecture est recommandée aux Colossiens

4. 16. Il ne nous reste que des traductions de l'hwangile

de S. Matthieu et de l'Épttre aux Hébreux. Nous ne sa-

vons lequel, du texte grec ou du;latin, est l'original de

l'Évangile de S. Marc. Rien n'est demeuré des écrits de

la plupart des Apdtres et fort peu de chose des autres.

Et quant à l'Ancien-Testament, outre les pertes que

nous avons déjà remarquées de plusieurs livres, les

Évangélistes et les Apôtres citent quelques passages qui

ne se trouvent point dans les livres hébreux que l'anti-

quité nous a laissés. Ce qui fait bien voir ou qu'il y en

avait d'autres de leur temps où ces citations se trouvaient,

ou qu'il est arrivé du changement à ceux qui nous sont

restés, ou que la tradition les avait conservées. Si l'hé-

résie répond que ce qui n'est pas dans l'hébreu se

trouve dans les Septante elle nous donne des armes

contre elle-même en nous avertissant des grandes va-

riétés qui se remarquent entre leur version et le texte

hébreu, lesquelles nous sont autant de preuves mani-

festes que le temps n'a pas épargné les livres sacrés

non plus que les profanes. Les citations différentes d'un

même passage dans les écrits des Saints Pères et les di-

versités des anciens exemplaires montrent aussi que

l'antiquité a corrompu, ou rendu incertains plusieurs

textes des Livres saints qu'elle nous a laissés. Et les di-

verses leçons des Bibles de Genève, de la Rochelle, et

des autres villes que l'hérésie a occupées, doivent con-

vaincre ses adhérents que la persuasion intérieure n'a

pas toujours été certaine, et que ceux qui l'ont suivie

n'ont pas bien jugé partout de la vérité des Écritures.

Si l'hérésie se pense défendre en disant que ces chan-

Page 341: Condren - Oratorien

:138 DISCOURS

geme et ces incertitudes de l'Écriture ne sont point

en ce qui concerne le salut elle se confond elle-même,

et nous écoutons volontiers cette vérité en sa bouche,

parce qu'elle est en ce point une conviction de son erreur.

Car l'Église hérétique ôte ici, sans y penser, à l'Écri-

ture le jugement souverain de la foi et de la religion,

qu'elle a fait profession de lui laisser et s'attribue l'au-

torité de décider de ce qui est ou n'est pas nécessaire

au salut éternel de ce qui se doit croire, oit laisser dans

l'incertitude. Si une Église qui oblige ses partisans de

suivre leur esprit particulier contre elle-même, et qui

tient pour article de foi qu'elle se pourrait bien tromper,

parce que toute Église visible est sujette au mensonge

s'approprie néanmoins le discernement des Écritures

et des matières qui sont ou ne sont pas de la perfection

chrétienne et de nécessité pour le salut doit-on dénier

ce discernement à l'Église universelle fondée en la vé-

rité de Dieu. adoptée du Père épousée du Fils, sancti-

fiée et dirigée do son Esprit, établie par les Apôtres

autorisée du témoignage des Écritures et toujours cons-

tantc dans une même foi jusqu'à la fin ? Je ne dispute

pas ici quelle est la vraie Église mais je remarque en

passant que les hérétiques tombent dans la nécessité de

confesser que c'est à elle de juger de l'importance de

la doctrine chrétienne. Mais leur Église prétendue ne le

peut pas jusqu'à ce qu'elle soit réformée selon la vérité

et réunie à celle de Dieu. Par ses propres principes et

suivant sa doctrine elle ne saurait se tirer de la confu-

sion où l'erreur l'a précipitée en se vuulant défendre,

elle s'ablme de plus en plus.

Ceci nous donne une sixième réponse à l'allégation

frauduleuse de ce verset. Les paroles divines, dont il

est question, sont paroles pares, selon leur version. Or,

Page 342: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DESÉCRITU Es. 339

15.

il est de fait que la parole écrite dans leurs Bibles, comme

eux mêmes le remarquent n'est pas entièremert

exempte des imperfections que le temps et la faiblesse

des hommes coulent ordinairement dans les choses qui

en dépendent, d'e quelque façon que ce soit. Car quoiquela parole divine soit toute de Dieu, elle n'est écrite que

par l'industrie et le travail des hommes. Je veux bien

que la providence de Dieu sur son Écriture, et la vigi-

lance que son Esprit donne à son Église pour la conser-

ver, l'aient préservée des erreurs contraires à la foi quinous sanctifie, en la défendant de'la ruine du temps et

des entreprises des hommes, ainsi que des inadvertances

qui corrompent ordinairement leurs ouvrages; mais il

permet néanmoins qu'elle en souffre des dommages en

quelque langue et en quelque volume ou exemplaire

qu'elle soit écrite et ces dommages suffisent pournons

faire voir que ce ne peut être l'Écriture prise matériet-

lement, mais la parole de Dieu en elle-même, que Da-

vid appelle toute pure. Ceux qui savent les leçons diffé-

rentes en toutes les langues et les variétés des exem-

plaires, dont on s'est plaint de tout temps, ne peuvent

pas juger autrement.

Pour la septième réponse que nous avons promise à

Messieurs les Prétendus, je leur proposerai ce dilemme.

Si David a dit, en ce psaume 12me,que les paroles divines

étaient la règle dé la religion ou il à entendu seulement

les paroles qui étaient déjà écrites (ce qui serait con-

traire à leur croyance, comme nous l'avons déjà mun-

tré), ou en général toutes les paroles divines qui serait

données par après, ce qui nous jetterait dans l'incer-

titude que les Bibles que nous avons les uns et les autres

fussent cette règle, et nous obligerait même plutôt de

le nier puisque nous n'avons point d'assurancé que

Page 343: Condren - Oratorien

340 DISCOURS

toutes les paroles divines soient contenues en ce rolii-

me, mais plutôt une très-grande apparence du contrai-

re, et que par conséquent la règle entière et complète

n'y est pas. Je ne répète point ici toutes les preuves

littérales que nons avons apportées ci-dessus des pertes

que l'Écriture a faites. Je prends deux autres moyens.

Le premier, que ni l'Écriture ni l'Église ne nous as-

surent point qu'entre les livres des Saints qui n'or l pas

été mis dans la Bible il n'y en ait eu quelques-uns et

qu'il n'y en ait encore, qui soient de l'Esprit de Dieu. Il

est certain que plusieurs autres que les Prophètes les

Apôtres et les Évangélistes ont été inspirés et obligés de

Dieu à parler et à écrire, et qu'ils ne s'y sont pas ap-

pliqués de leur propre volonté et selon leur propre sens.

C'est tout ce que Saint Pierre requiert pour rendre une

écriture canonique, au chapitre premier de sa seconde

Épttre, v. 20 et 21. Je pourrais remplir cette feuille des

témoignages que les Écritures évangéliques nous don-

nent que l'Esprit de Dieu parle et opère par ses Saints

qu'il vit en eux et que même, s'ils sont parfaits, ils

n'agissent qu'avec lui., La grâce d'écrire avec Dieu n'est

pas réservée aux Apôtres. Saint Marc et Saint Luc ne

l'é.taient pas, et ce dernier témoigne, au commencement

de son Évangile qu'il n'avait jamais vu Jésus-Christ.

Le seul chapitre quatorze de la première aux Corin-

thiens fait assez voir combien la grâce de la Prophétie

et les autres dons semblables, étaient ordinaires aux

chrétiens. Mais l'Église n'a mis dans le corps des Écri-

tures que celles qui ont été reconnues dès le commen-

_cement avant la mort du dernier Apôtre par respect

pour les pièces sacrées et pour n'en pas affaiblir l'auto-

rité dans l'esprit des infirmes et de ceux qui sont peu

instruits dans la foi, comme aussi pour ne pas donner

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SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES, 341

lieu à la tentation de plusieurs qui ne déféreraient pas

au discernement qu'elle en aurait fait, ou qui présume-

raient d'en ajouter aussi par un discernement particu-

lier. Mais fa raison principale de cette conduite de

l'Église, c'est que Dieu qui est en tout son guide ne

l'y a pas poussée. Ce n'est pas qu'elle ne révère plusieurs

autres écrits et qu'elle ne juge bien qu'ils peuvent être

de l'Esprit de Dieu mais elle ne nous en assure point

parce que l'Esprit de Dieu ne l'en a pas assurée et

qu'elle ne s'est pas consultée elle-même là-dessus. Saint

Augustin dit des livres de Seth d'Enoch et de quelques

autres trop auciens que l'Eôlise ne les rejette pas

mais que leur trop grande antiquité les a rendus sus-

pects. Si l'hérétique trouve étrange que, suivant la.

lumière et l'ouverture que l'Écriture en donne, nous

disons qu'il peut y avoir des Écritures Saintes qui ne

soient pas reconnues nous avons bien plus de sujet de

trouverétrange que, de son propre jugement et sans

aucun témoignage écrit, il prononce un arrêt au Saint-

Esprit qui lui bte toutes les Écritures qui ne sont point

dans leurs Bibles et que sou aveuglement soit tel que

sans aucune certitude que les paroles divines y soient

entièrement écrites, il en fasse un article de foi. Le se-

cond moyen que j'emploie pour montreur qu'il n'est pas

certain que la parole de Dieu soit limitée et déterminée

au volume sacré que nous avons, est l'autorité de saint

Jean, qui est le dernier oracle du Nonveau-Testament-

et la couronne des écrivains sacrés. En concluant les

Écritures par son admirable prophétie des derniers-

temps, il oblige l'Eglise d'attendre encore jusqu'à la Un

des Prophètes des Anges et des témoins ou Apôtres

qu'il faudra écouter et croire, soit qu'ils instruisent les

hommes de vive voix, ou par écrit car le monde est

Page 345: Condren - Oratorien

342 DISCOURS

déjà averti qu'ils viendront de la part de Dieu pour lui

apprendre ses volontés et qu'ils seront des témoin

irréprochables de ses vérités, et de même autorité que

les premières trompettes de l'Évangile. On ne devra

pas moins de foi à leurs écrits qu'à leurs paroles puis-

qu'il y a un commandement divin de les attendre et

de recevoir leur témoignage tel qu'il sera. Ces deux pro-

phètes et apôtres des derniers temps qui doivent venir

au secours de l'Église en son extrémité, selon la pré-

diction du bien-aimé Disciple (Apoc. 11. 3 et 4) qui

prophétiseront trois ans et demi, revêtus de sacs de

pénitence, seront fondés en la même vérité que tout

les autres prophètes et apôtres, et auront les mêmes

moyens de soutenir la foi, à savoir la Voix et l'Écriture,

puisque leur témoignage n'est point limité à un seul et

que la prophétie apostolique de S. Jean qui les autorise,

est à tous les hommes une obligation absolue de les re-

cevoir, et de se soumettre sans réserve à leur direction.

Si l'hérétique répond qu'ils parleront et n'écriront

point, nous l'accuserons d'avancer sans preuve une

chose si absurde, que les Maîtres que Dieu aura donnés

au monde pour enseigner les âmes, et les confirmer en

un,tempsmisérable auquel tons les fidèles seront avertis

de recourir à eux, n'écriront à personne ai ne don-

neront aux absents aucune instruction ai aucune con-

solation à ceux qui les rechercheront par lettres Il

faudrait que Dieu l'eût dit pour le croire puisque ni

la. pratique des saints Docteurs semblables à eux, ni

l'exemple des Prophètes et des Apôtres ni les devoirs-

de leur charité, ni la nécessité des fidèles persécutés

par toute la terre ni la conversation chrétienne, ni les

besoins du monde ni la conduite ordinaire de la grâce

doctrinale, ni l'obligation de leur ministère ne nous

permettent pas de recevoir cette opinion.

Page 346: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 343

Et d'ailleurs il nous suf6rait qu'elle fut incertaine

pour prouver qu'il n'est pas certain que Dieu ne noua

donnera plus aucun écrit. Si S. Jean n'a pas dit qu'ils

écriraient l'Évangile' ne l'avait pas dit non plus des

Apôtres qui ont écrit Eu ne le niant pas il nous laisse

dans l'obligation d'en juger selon l'usage commun et

nous porte à penser d'eux comme des autres. Au chapi-

tre 8, de l'Apoc. v. 5. le Prophète des derniers temps

avertit l'Eglise d'un Ange qui donnera au monde le feu

sacré de l'Autel et du Sacrifice éternel, et ensuite de

sept autres qui U prépareront, par leurs prédications

signifiées par leurs trompettes, à se sacrifier avec J.-C.

dans les afflictious prochaines. Et au chapitre 14, v. 6.

il en promet un autre qui publiera par tout le monde

J'Évangile étcrunl, c'est-à-dire, l'Évangile des choses

éternelles qui seront prochaines et prêchera la crainte

de Dieu à tous les peuples et leur annoncera ['heure-

de son jugement. Quelle obligation avons-nous de croire

que ces Anges ne parleront que par écrit, tandis que

ceux d'autrefois n'ont jamais enseigné qu'en paroles ?

Pourquoi croirions-nous que ce saint Angequi l'allumera

sur la terre le feu et l'esprit, presque éteint, de l'ho-

locauste immortel de J.-C une fois mort pour nous, et

qui, par ce feu sacré, excitera des tonnerres, des voix

des éclairs et de grands tremblements déterre, qui

sont, selon l'usage des Écritures des prédications

très-puissantes et très-lumineuses qui éclaireront ta

terre et y causeront de profondes sensations ne dira

rien qui ne soit- déjà dit ? Pourquoi ces trompettes du

ciel envoyées de Dieu pour instruire les siens de leur

dernière perfection et de sa conduite dans les' plaies

suivantes et pour étonner et convertir le monde ou

au moins pour le sommer de se reudre à son Créateur,

Page 347: Condren - Oratorien

344 DISCOURS

ne prêcheraient-elles que ce que d'autres ont prêché ?

Pourquoi cet Ange du dernier jugement que Dieu fera

l'Évangéliste de la justice et de l'éternité comme les

premiers l'ont été de la grâce et du temps de la miséri-

corde, qui, par un miracle de charité et de puissance

convenable à la nécessité de ces temps-là doit évangé-

liser toutes les nations ce que son vol signifie, n'ap-

porterait-il aucune lumière aucun éclaircissement ni

aucune instruction qui ne soit déjà suffisamment écrite ?

Dieu l'a-autorisé par la foi des siècles précédents, comme

l'ont été aussi J.-C et ses Apôtres. Nos Évangélistes sont

ses précurseurs, et celui qui a conclu le témoignage

apostolique est le témoin de sa mission, et de l'obliga-

tion où seront tous les hommes de l'écouter et tout ce

grand appareil et cette longue préparation ne seraient

que pour une doctrine commune 1

Je sais bien que cet Ange aussi bien que les autres

doit parler conformément à l'Évangile mais s'il ne di-

sait rien de plus que ce qui est écrit, il n'accomplirait

pas la prophétie de sa prédication angélique, qui doit

avertir le monde que l'heure de son jugement est venuecar cette prédication n'a jamais été écrite elle n'ouvri-

rait pas non plus aux hommes cet Évangile éternel qui

leur est clos jusqu'ici ni ne répondrait pas à la lumière

extraordinaire que l'Écriture nous en promet. L'Église

croit toujours en clarté, comme l'aurore, jusqu'à ce

que par les lumières que Dieu lui donnera d'un siècle

à l'autre, elle soit entrée dans la perfection du jour

éternel. Elle ne sera jamais plus assistée ni plus éclairée

que lorsqu'elle en sera plus proche. Ses derniers prédi-

cateurs seront des anges de lumière et de sainteté ex-

traordinairement envoyés, en un temps où tout ordre

sera renversé, pour donner des enseignements céles-

Page 348: Condren - Oratorien

suR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 345

tes lorsque la terre ne sera plus habitable pour elle, et

qu'il ne lui faudra plus chercher d'autre retraite que le

ciel.

Nous avons au chapitre 10 de l'Apoc. v. 4., une preuve

manifeste que Dieu n'a pas voulu que tout ce qui doit

être prêché en ces derniers temps fut écrit auparavant

car il est certain que ces tonnerres parlants dont il ne

fut pas permis à S. Jean d'écrire les paroles, sont autant

d'oracles épouvantables de plusieurs choses que Dieu,

doit dire au monde endurci, fort peu de temps avant

son jugement. En effet, la prophétie que nous en avons.

les rapporte au septième sceau, qui est le dernier et

au second Væ qui précède immédiatement la fin entre

la sixième trompette et la dernière, dui est celle du

jnâememt et l'auge qui les excite par sa voix effrayante

est fort et puissant, dit l'Écriture il descend du ciel

daus une nuée il est brillant comme le soleil; il est

couronné de la lumière de l'arc-en-ciel il rugit comme

un lion;il jure par le Dieu vivant que le temps va finir

il marche sur la mer et sur la terre avec des pieds de

feu, toutes choses qui sont autant de marques du second

avénement de J.-C., qui descendra du ciel eu force et

majesté grande, daus une nuée de gloire et de lumière,

environné de sa propre splendeur, pour mettre feu au

monde et fin au temps. Cet appareil de l'ange montre

qu'il est plutôt rambassadeur du Lion de Juda, qui

vient régner par sou jugement que de r Agneau qui

est venu souffrir pour tes péchés des hommes, quoi-

qu'il soit rempli de grâce et qu'il parle en sa charité.

C'est assez pour nous faire voir que sa prédication re-

garde la fin des temps. Mais il faut aussi remarquer que

le tonnerre, dans les livres sacrés, est le symbole or-o

dioaire de la parole de Dieu. Au chapitre 12., v. 28 de

Page 349: Condren - Oratorien

346 DISCOURS

l'Evangile de S. Jean, la voix de Dieu parlant à J.-C.

même fut entendue de plusieurs comme un coup de

tonnerre ce qui montre qu'elle avait quelque chose de

semblable quoiqu'elle fût pleine de sa dilection envers

son Fils bien-aimé. A combien plus forte raison sera-

t-ette un tonnerre effroyable pour le monde révolté

contre son Créateur, et au temps de son plus grand

endurcissement Au ps. 28, intitulé pour la consomma-

tion du Tabernacle, le Prophète désigne sept tonnerres

qu'il appelle la voix du Seigneur. Il y prophétise mani-

festement les sept autres qui doivent parler sur la con-

sommation du monde qui est le premier Tabernacle

que Dieu avait sanctifié pour l'homme et que l'homme

a profané par son péché pour préparer les prédestinés

d'alors à la consommation finale, c'est-à-dire à l'accom-

plissement et à la perfection du second Tabernacle,

qui doit être la demeure éternelle de Dieu avec ses

Saints et dont le Tabernacle légal n'a été qu'une figure

temporelle. On peut voir ce que l'Ange de l'Apocalypse

en ditauch. 21, et l'Apotre aux Hébreux 8-9. et 12-18

et suivants. Il exhorte les fidèles à se ressouvenir de la

voix de Dieu qui Gt trembler la terre; du feu et des

tonnerres au milieu desquels la Loi fut promulguée, un

peu avant que le Tabernacle figuratif fût construit et

leur insinue que ce ne sont que des figures de la voix

de Dieu plus puissante, du feu et des tonnerres plus

horribles dans lesquels, un peu avant la construction

du Tabernacle véritable et permanent, Dieu parlera

de sa Loi éternelle et dira aux hommes des choses

que le plus saint des Prophètes n'a pas dû écrire

avant le temps: mais qu'il a eu commandement de no-

ter, tant pour son usage, que parce que cette connais-

sance l'appliquait à secourir l'Église en son extrémité

Page 350: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATION ABUSlVE DES ÉCRITURES.347

par ses écrits, par sa prière et sa vertu; car son

Apocalypse nous montre que Dieu a voulu lui donner

un soin tout particulier des dernières nécessités de

l'Église. Ce bienheureux Évangéliste est le Gls aîné de

la croix de J.C. le secours et la consolation de sa Mère

dans son deuil à sa vie et à sa mon, et le vrai témoin

du martyre et de l'agonie de l'Époux. Dieu a voulu qu'il

fut aussi le témoin et l'ange tutélaire et consolateur de

l'Épouse à son agonie. C'est pourquoi il lui a rendu

présente à l'esprit la vue de ses dernières souffrances,

et en a nourri son exil de Patmos. Ce fidèle disciple

sans s'arrêter à ses propres afflictions, s'est occupé vo-

lontiers de celles de l'Église et a pris le temps de son

bannissement pour les écrire et lui laisser en les écri-

vant, toute, la conduite et la consolation qu'il a plu à

Dieu de lui donner pour elle. La Providence a voulu que

la conclusion du témoignage apoaotique, qui a fondé-

l'Église, fut une prophétie de sa patience et de sa fidé-

lité jusqu'à la fin et que le dernier oracle de l'Évangile

lui fût une promesse de l'assistance divine dans ses der-

uieres afflictions et une approbation des derniers Apô-

tres, qui seront ces Boanerges enfants du tonnerre

(Marc. 3. 17.) ces prédicateurs angéliques et célestes

qui la viendront servir dans son plus grand besoin qui

foudroieront le monde et apporterons aux fidèles les

dernières instructions de la vie divine dans la pratique

desquelles il faudra muurir en ce monde avec l'Eglise

et se retirer en Dieu pour jamais.

Cela fait bien voir l'nnité de l'Bsprit apostolique et

de la mission divine des premiers et des derniers am-

hassadeurs de l'Évaogile. Cela nous montre par consé-

quent que la foi des premiers nous fait un commande-

ment de recevoir les autres que les derniers pe seront

Page 351: Condren - Oratorien

348 DISCOURS

pas moins autorisés que les premiers, ni moins croya-

bles en leurs paroles et en leurs écrits. Jésus-Christ n'a

rien dit des premiers sinon qu'ils parleraient: et néan-

moins leur parole écrite a conservé la même autorité

envers les hommes: de même donc il suffit que l'Évan-

gile ait dit la même chose des derniers pour nous lais-

ser dans l'attente de ce qu'ils nous donneront, et par

conséquent dans le doute que l'Écriture soit terminée à

ce qu'elle contient, et que Dieu n'ait rien de plus à dire

aux hommes que ce qui est écrit.

La suite du psaume nous donne la huitième réponse.

David dit que la vérité n'est point en l'homme v. 2

que l'homme est trompeur, v. 3 que Dieu perdra les

trompeurs et la langue superbe qui veut se glorifier et

s'attribuer sa propre science en méconnaissant Dieu

v. 4 et 5 que Dieu vient au secours des pauvres et des

affligés v. 6 qu'il les sauvera et les mettra en assu-

rance que ses paroles c'est-à-dire ses promesses,

sorrt pures et à l'épreuve des tribulations du siècle

comme l'argent fin au creuset, v. 7; que Dieu nous

garde des gens du siècle, qu'il appelle la race ou géné-

ration présente, qui trompent et ne marchent pas droit,

v. 8 quoiqu'il ne laisse pas, pour sa gloire, de les mul-

tiplier, v. 9. Or tout cela montre bien que David entend

parler de la vanité et de la fausseté des hommes et de

la vérité, de la solidité et fidélité des promesses de Dieu,

lesquelles nous assurent de sa protection contre eux.

Le Prophète y continue le sens du psaume précédent

qu'il composa, ainsi que celui-ci, en sa jeunesse pen-

dant qu'il était persécuté.

Le second passage que l'hérésie produit pour autori-

ser le même article, est le 8 et 9 v. du ps. 18: Lex Domini

immaculata concertent animas testimonium Domini fi-

Page 352: Condren - Oratorien

5UR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES.349

dele, sapientiam prastans parvulis. 8. Justitiæ Domini Tee-

tæ, lætificantes corda prceceptum Domini lucidum il-

luminans oculos. 9. En voici la traduction peu fidèle,

dans laBible de Genève: «La loy de l'Éternel est entière

restaurant l'âme; le tesmoignage de l'Éternel est as-

seuré, donnant sapience aux simples. Les mandemens

de l'Éternel sont droits, resjoüissants le coeur, et le

commandement de l'Éternel est pur, faisant que les yeux

voyent. »

Nous répondons premièrement, non à l'Écriture, que

nous recevons avec la foi etl'obéissance que nous devons

à Dieu même, mais à l'hérétique qui s'en aveugle, qu'en

ce lieu non plus qu'au texte susdit, il n'est point parlé

de l'Écriture. Mais il est si ébloui de son erreur, qu'il

croit voir ce. qu'il désire là où cela n'est nullement. Je

crois que, sans m'étendre davantage, il me suffit de-

l'avertir de relire ce passage et de l'examiner de Plus

près il verra sans doute que le Prophète ne dit pas que

cette loy entière, ni ce tesmoignage asseuré, ni ces man-

demens droits, ni ces commandements purs, soient l'É-

criture. Il est bien vrai qu'il en parle en quelques en-

droits mais c'est une grande faute de prendre la lettre

pour le sujet. Avant qu'elle fût, Abel Euoch, Noé,

Abraham, et plusieurs autres, ont été convertis par

cette Loi ont reçu la sagesse par ce témoignage leurs

cœurs ont été réjouis de ces justices droites, et leurs

yeux illuminés par ce précepte du Seigneur.

Secondement, nous répondons que, quand même les

paroles citées s'entendraient de l'Écriture-Sainte, comme

le veut l'hérésie, elles ne diraient rien en sa faveur mais

qu'elles témoigneraient seulement que l'Écriture serait

sans tache qu'elle servirait à convertir les ames qu'el-

le serait un témoignage fidèle qui donnerait la sa-

Page 353: Condren - Oratorien

350 DISCOURS

gesse, non à tous, mais aux petits, c'est-à-dire aux

humbles disposés à en recevoir l'effët; et toutes ces vë-

riués, l'Église catholique les reçoit avec celles qui lès sui-

vent dans ledit psaume. 11 serait à désirer que les héré-

tiques les respectassent aussi, et les reçussent pouèleur

salut.

Troisièmement, uous répondons que, puisque David

parle de la Loi sans tache qui convertit l'âme, on ne le

peut entendre ni de l'Écriture ni méme de la Loi écrite

par Moise; car elle neconvertissait pas les âmes elle ue

promettait à ses observateurs que la vie présente et la

possession de la teère Qui fecerit hæc,viùet in eis jus-

tus autem meus ex fede vivit. (Giel. 3. 11 et Hebr. 10.38.

Rom. 1. 17. Hab. 2. 4.) David connaissait par lâ foi

cette loi spirituelle non écrite qui convertit justifie et

vivifie les âmes Lex enlm Spiritùs vitæ in Christo Jesu

liberavit mea lege peccati et mortis; nam quod impossibile

erat Legi, in qua infirmabatur per carnem. ( «om.8.2. )

L'Apôtre dit de ta loi littérale qu'elle tue, qu'elle est

une loi de mori et de condamnation (2. Cor. 3. v.6.7.9.)

qu'elle ne conduit rien à perfection ( Heb.6. 7. 19.)

qu'elle ne peut ni justifier, ni vivifier (Gai. 3. 21.) toute

cette épître, d'ailleurs, enseigne la même chose, niais

principalement les ch.2.3. 4. et 5; comme aussi toute

l'Épître aux Romains, et plusieurs passages des aùtres.

L'Apôtre S. Jacques dit encore la même chose en son

Épître canonique. Les Prophètes en avertissent souvent,

et là Loi elle-même rend témoignage dé son inutilité et

de son imperfection. Elle servait néanaioihs éü ce qu'elle

était une figure de la toi spirituelle qu'elle représentait

au peuple, et en ce qu'elle le disposait à la chercher et

à la recevoir. Et Dieu, qui avait écrit de son doigt lé Dé-

cà'lbgue sur des pierres, écrivait dàlie les cœurs de ses

Page 354: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRETATION ABUSIVE DES ÉCRlTURES. 351 I

fidèles cette loi immaculée, qui convertit les âmes par

son Esprit, qui est appelé le doigt, de Dieu et sa loi véri-

table. C'est ce qu'il assure en Jérémie 31. 33;—Heb.

10. 16; —2. Cor. 3. 3; car ta grâce, la vraie justice,

ta vraie loi de Dieu et la vraie sainteté, qui est main-

tenant exposée à tout le peuple chrétien, était jadis

donnée aux Saints, par une grâce spéciale, eu la fbi

l'espérauce et la charité du Messie à venir, ainsi, que

toutes les Écritures, l'attestent. Mais l'exposition des

passages suivants va le démontrer encore mieux.

Ce que David ajoute Testimonium Domini fidele,

sapientiam prrsslans parvutis, ne doit' pas non plus être

entendu du témoignage écrit dans les livres de la Loi, qui

laissait souvent dans l'ignorance ceux qui le lisaient et'

l'observaient, mais du témoignage spirituel et intérieur

qui donnait la sagesse aux hutubles. Ce n'est pas pour-tant que le témoignage écrit en la Loi ne pùt servir à dis-

poser, comme nous l'avons vui, ceux qui l'honoraient.

Ce qui suit, Justitiæ Domini rectæ Lætificantes corda,

regarde beaucoup moins encore les justifications de la

loi écrite, que l'Apôtre, aux Hébr. 9. 10, et ailleurs, ap-

pelle justice de la chair, qui ne sanctifient point l'ame,ni ne rectifient le cœur de l'homme. Ou peut apporterici plusieurs passages de David même, qui font' voir

clairement qu'il entend parler de la vraie justice de

Dieu, qui console l'âme en la justifiant. Cette justice

en l'Écriture, est ordinairement distinguée de celle de

la Loi, et y est souvent opposée. On doit dire de même

que le précepte divin qui nous éclaire, selon le vmai sens-

de ce verset, est spirituel, puisqu'il luit aux yeux de

l'âme. Qui se voudra donner la peine de lire attentive-

ve'menu le Ps. 118, verra: plusieurs autres propositions

semblables qui lui feront entendre clairement le sena de

Page 355: Condren - Oratorien

352 DISCOURS

celle-ci. Les trois versets suivants confirment cette vé-

rité, Timor Voutini sanctus, permanens in seculum seculi.

Celle crainte religieuse ce culte du Seigneur, qui est

saiut et demeure à jamais, ne peut pas s'entendre de la

loi ni de la religion écrite, car elle n'était pas vraiment

sainte et ne devait être éternelle qu'en sa signification;

mais bien de la religion qu'elle a figurée et promise

qui demeure éternellement Judicia Domini vera, justifi-

cala in semetipsa. Les jugements de Dieu, que la Loi et

l'Écriture contenaient au temps de David, n'avaient point

la justice en eux-mêmes, car ils n'étaient saints qued'uue justice relative. Premièrement, par le rapport

qu'ils avaient au jugement essentiel de Dieu, qui est

juste en lui-même par sa propre juaice, et ne peut avoir

d'autre règle que sa propre équité au lieu que tout au-

tre jugement n'est juste que par sa conformité à la loi

qui doit le régler. Secondement, par un rapport 6gnra-

tif et prophétique aux ordonnances de la loi de grâce,

qui sont appelées jugements ici et ailleurs, et qui sont

vraimentsaintes et justes en elles-mêmes par la présence

de l'Esprit de Dieu qui les remplit de sa grâce, et qui

sanctifie réellementceux qui les observent Le Prophète

dit, en suivant le mouvement de son esprit, qu'ils sont

plus désirables que toutes les richesses et les douceurs

du monde, que le serviteur de Dieu les garde, et que la

récompense en sera grande. Or évidemment cela ne peut

convenir aux préceptes de Moise qu'en figure car les

Saints et les Prophètes devaient regarder l'avenir en ob-

servant la Loi, et porter leurs désirs vers ce qu'elle leur

faisait attendre. Ils devaient régler leur vie et leurs

mœurs selon la foi, l'espérance et la charité des choses

promises, sous peine de ne pouvoir prétendre à la ré-

compense éternelle que David promet ici. Si l'hérétique

Page 356: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 353

nous répond que, à la vérité les Saints qui ont précédé

la loi écrite, comme Adam, Abel, Enoch, Noé, Mel-

chisédech, Abraham, etc. n'ont pas été justifiés par une

loi écrite, puisqu'il n'y en avait point; et que même

les Saints de l'Ancien-Testament tels que Moïse, David,

etc. l'ont été plutôt par l'Esprit que par la lettre de la

loi puisque l'Écriture nous le dit; mais que ceux du

Nouvean-Testament le peuvent être: nous lui reparti-

rons, premièrement, qu'il avoue par cette réponse que

le passage de David est cité par les siens mal à propos

ce qui nous suffit car nous ne traitons pas ici la ques-

tion en elle-même, mais nous voulons simplement éta-

blir si les textes allégués la décident. Secondement,

nous tirerons, tant de son aveu que du psaume proposé,

un très-grand avantage contre l'hérésie car si, au

temps de la loi écrite, David n'a pas pu dire qu'elle con-

verdissait les âmes, il ne le dit pas maintenant qu'elle est

abrogée, et que le Saint-Esprit est communémentdonné

aux hommes pour leur justification. Troisièmement,

pour éclairer entièrement la difficulté que l'hérétique

cooçoit, nous lui dirons que cette loi spirituelle qui

convertit les âmes dont David et les autres prophètes

ont parlé, que la loi écrite a figurée, et que l'Eglise a

maintenant reçue comme la véritable loi de son al-,

liance avec Dieu, n'est point une loi écrite mais une

infusion de l'Espril de J.-C. qui est la fin et la per-

fection de la loi. (Rom. 8. 2. Heb. 8. 10. et 10. 16.

Jerem. 31. 33. ) Nous ne saurions rapporter toutes les

preuves que l'Écriture nous donne de cette vérité. La'

loi qu'il fallait observer pour vivre eu la terre de pro-

mission fut écrite sur des pierres tirées de la terre; mais

Dieu nous donne son Fils,et,en son Esprit, la loi qui nous

doit faire vivre unis à lui. De même que J.-C. est l'Hos-

Page 357: Condren - Oratorien

354 DISCOURS

tie figurée par les choses régates, le Prêtre promis et

figuré par te sacerdoce lévitique, le Roi figuré par la

royauté de Judas, le Temple figuré par le tëniple de Jé-

rusalem, et ainsi de tout le reste de même il est ta Loi

promise et figurée par la loi ancienne et l'accomplis-

sement non-seulement de cette même loi, mais de tonte

la volonté de Dieu. D'où l'Apôtre conclut, écrivant aux

Gâtâtes et leur montrant t'abrogation de la loi écr'ite,

que J.-Ë. devait être formé en eux. Et parce que le Si.

Esprit nous rend capables de cette loi et qu'il est le

doigt de Dieu qui l'écrit et la forme sans cesse dans nos

cœurs, if est aussi la loi spirituelle qui nous lie et nous

unit à la Loi que Dieu nous propose. C'est de cette loi que

David a prophétisé.

L'Apôtre nous donne une quatrième réponse qui éclai r-

cit entièrement la précédente; car il nous oblige (Rom.

10. 17 et 18j de recevoir ce Ps. 18 comme une prophé-

tié de J.-C., de son Évangile et des Apôtres, qui l'ont

annoncé partoutle monde comme une doctrine du ciel.

Pour la bien entendre, il faut savoir que les créatures,

et spécialement les cieux, n'ont pas été créés seulement

pour leurs effets naturels, ni pour t'ornement, la néces-

sité ou l'utilité de l'univers, mais encore pour être au-

tant de signes et de témoignages que la nature porte de

son Créateur Cæli enarrant gloriam Dài. C'est même

là la principale intention de leur création et la première

relation de leur être, le service qu'ils rendent à l'homme

n'étant que la sr.conde. Ainsi la capacité des cieux qui

contiennent le monde la force de leurs influences qui

le pénètrent et le soutiennent la splendeur et la beauté

de leur aspect la solidité de leur être. que le temps

ne peut altérer la vitesse et la justesse de leurs mou-

vemènts, qui sont la règle etla loi des autres, sont an-

Page 358: Condren - Oratorien

SUR L'lNTERPRETATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 355

tant de caractères naturels des perfections divines. Leurs

courses journalières et annuelles avec! toutes leurs

autres révolutions, qui mesurent le monde, ea renou-

vellent sans cesse la connaissance et les jours, en s'é-

coulant, laissent, l'un à l'autre, la commission dé pu-

blier à tout l'univers cet évangile naturel, qne les peu-

ples les plus éloignés ne peuvent méconnaître Dies

diei eructat verbum. Mais parce que la connaissance

que les cieux et le reste de la nature nous en don-

nent, nous laisse dans la nécessité et le désir d'en

savoir davantage, et que même, en nous excitant à la-

contemplation et au respect de leur Auteur, ils nous

rendent aussi témoignage dé leur insuffisance, est

nous font ressentir que la nature ne peut nous donner

la perfection de la-lumière ni l'accomplissement de la-

sagesse qui nous est nécessaire pour le connaître et le

servir, et que, par conséquent, c'est de sa miséricorde

et par sa grâce spéciale que nous la pouvons espérer-et

la devons attendre il a voulu qu'ils nous fussent aussi

des signes et même des promesses d'un Évangile plus

parfait, que sa bonté devait nous donner selon nos be-

soins et que la nature, qui porte les marques de sa pro-

pre indigence, portât aussi des rémoignages ét des assu-

rances du secours de sa gri:ee; et que les plus illustrés

créatures, qui sont lés-cieux, et qui déclarent plus hau-

tement sa majesté, nous fussent des figures et même

des arrhes de ses ambassadeurs divins qui viendront

accomplir ce que la prédication- céleste nous laisse à

désirer, en prêchant plus saintement et plus entière-

ment ses mervcilles-par tout le monJe Non sunt loque-

læ, neque sermones. Et parce que le soleil est le roi des

deux, et des astres, et l'origine de ta lumière qui donne

le jour et la vie au monde inférieur Dieu l'a créé pour

Page 359: Condren - Oratorien

356 DISCOURS

être, dans l'ordre naturel, le symbole de J.-C. qui

pour épouser l'Église, est sorti du sein de son Père, que

David appelle ici sa chambre ou sa couche nuptiale

parce que la terre est bien le lieu de son mariage, mais

non pas de sa jouissance et venant du plus haut des

cieux avec une très-grande vertu il y est retourné, et

il fait sentir la force de ses influences à toutes les créa-

tures car il n'y en a aucune qui n'ait reçu, ou ne doive

recevoir, quelques effets de sa puissance lia sole posuit.

E.xullavil ut gigas. Et occursus ejus. De même la lune

est un symbole de l'Église, qui nous éclaire, dans la nuit

de cette vie d'une lumière empruntée de son Époux

qui est aussi son soleil. Dieu ne fit ces deux luminaires

qu'à la fin du quatrième jour du monde par une pro-

phétie réelle, parce que le soleil et la lune du monde

de la grâce ne devaient paraître qu'à la fio du 4* mil-

lénaire, quoique leur lumière fut donnée aux Saints

dès le commencement. Moïse remarque, en rapportant

la création des astres qu'ils ne furent pas seulement

créés pour diviser les saisons et mesurer les temps,

mais aussi pour être des signes. Nous pourrions prouver

par l'Écriture, si nous ne craignions la longueur, qu'il

a entendu des signes de religion. Aussi David (Ps. 135, 5)

dit que Dieu a fait les cieux in intellectu c'est un terme

prophétique, ou mystérieux pour faire entendre ou

siguifier quelque chose. La loi n'a pas été seule figure

de la grâce d des mystères de Dieu les Écritures nous

en proposent plusieurs autres; et même auparavant

le monde a rendu dès son origine ses hommages et ses

témoignages àl.-C., et l'a reconnu pour son maître dans

l'état de son innocence ,.avant que l'injustice et le men-

songe y eussent part, et le reconnaitra toujours malgré

l'iniquité.

Page 360: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATlOl ABUSIVE DBS ÉCRITURES.357

Qui ne voit, par la suite de ce psaume, expliqué selon

S. Paul, que cette loi du Seigneur qui convertit les âmes

est cet Évangile de grâce, que les cieux annoncent dès

leur commencement, que le soleil de justice a donné

que les Apôtres ont publié et que David a prophétisé'

Car il est la vraie loi de sainteté qui seule justifie les

hommes; et Dieu la communiquait aux fidèles par fes-

prit de la foi, avant sa publication universelle. Qui ne

voil aussi que ce témoignage fidèle du Seigneur, qui

donne sagesse aux petits est celui même de J.C. ce

nouveau Seigneur qui a paru au monde et qui, après

son retour au ciel, à donné, par ses Apôtres le témoi-

gnage évangélique à tous les hommes, et surtout aux

petits Ces justices droites qui réjouissent les cœurs

sont celles de la grace chrétienne qui accomplissent

en nous la joie de J.-C. Celles de la loi mosaïque étaient

obliques, et n'avaient rien de la justice du Seigneur,

que par un rapport éloigné, qui ne justifie pas direc-

tement ses observateurs. Ce précepte de lumière qui

frappe les yeux de l'âme, est le précepte évaugétique

de recevoir J.-C., qui est la vraie lumière, dont les

préceptes de la Loi n'étaient que des ombres. Ils n'é-

clairaient pas même suffisamment les yeux de la chair

Præceptum Domini lucidum. La suite du psanme mon-

tre encore mieux la vérité de cette exposition; car cette

crainte sainte, que J.-C. nous a laissée, doit durer éternel-

lement. Celle des Juifs n'était pas vraiment sainte et ne

-devait durer qu'un temps. Nous avons expliqué les v.

suivants, 9, 10,11 12, en notre troisième réponse. Au

13e, le Prophète prie que ses péchés cachés lui soient

remis, ainsi que.les péchés d'autrui auxquels il pourrait

avoir pris part, ce qui vient à propos; car ils s'opposent

à la loi de J.-C. et nous empêchent de la recevoir: ce qui

Page 361: Condren - Oratorien

3 58 DISCOURS

n'est pas vrai de la toi écrite qui ne regardait que l'exté-

rieur, et pouvait compatir avec le péché. Au 14e, il dit que

si ce qui est de lui, c'est-à,dire duvieil homme, ne domi-

nait point il serait sans tache car le nouvel homme

seul, qui est selon la loi de Dieu vivrait parfaitement en

lui Si tnei non fuerint dominati. Il ajoute qu'il n'aurait

point de part au trèsrgrand péché, je crois je péché

wère de tous les autres qui est de ne point recevoir

J.-C. Le St-Esprit reprendra le monde de péché, parce

qu'il u'aura pas cru en lui (Joan. 16. 8.) car laisser

J.-C., c'est tomber dans la nécessité de tout péché. Il

était nécessaire, au temps de David comme à présent,

de croire au Messie, pour en être préservé, et aussi

pour faire et dire quelque chose qui fut agréable à Dieu.

C'est pourquoi il ajoute au v. suivant que, s'il est déli-

vré de ce péché qui est le fondement de tout autre

c'est-à-dire, s'il n'est point en défaut à l'égard de J.-C.

et de l'obligation qu'il a de le recevoir, ses paroles et

ses méditations seront agréables à Dieu et erunt ut

complaceant eloguia oris mei.. Puis il conclut cette hym-

ne en appelant J.-C. sa force et son Rédtmpteur sans

lequel il ue pouvait rien, ce qui s'entend en toutes les

œuvres du nouvel homme contre le vieil homme à

Cause des paroles du v. 14 Domine, adjutor meus et De-

demptor meus.

Cette exposition a été longue; mais l'Église ne se

sert jamais de passages tronqués elle les prend tou-

jours entiers. Il y a cette différence entre elle et t'hé-

résine.

Pour la cinquième et dernière réponse, nous dirons

que les termes, employés par le Prophète, en ces deux

passages que nous expliquons, sont si équivoques dans

les Écritures, et ont une signification si vaste qu'on

Page 362: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES, 35.0

ne. saurait fonder un article de foi, qui doit être préciset certain sur l'intelligence qu'on en peut tirer. Car,

sans une lumière extraordinaire, on ne pourra jamais

voir assez clairement pour avoir cette assurance divi-

ne, qui est nécessaire à la foi, quel est le sens que le

Si-Esprit qous aura voulu principalement faire enten-

dre. Toute que nous pouvons en ces textes ambigus,

c'est d'en tirer pour notre instruction un sens proba-

ble, en les conférant avec le reste des Écritures Sain-

tes. Celui qui prendra la peine de lire attentivement le

Ps. de David, et particulièrement le 118, verra que lemot de Parole signifie quoi que ce soit, comme celui de

Chose eu français. Le terme de Loi se prend pour toutes

les intentions de Dieu pour les saintes pensées et les

bous mouvements qu'il nous donne, pour les obliga-

tions que nous lui avons, pour ses perfections essen-

tielles et autres choses qui nous lient à lui, et pour Dieu

même. Les termes de Témoignage, Précepte, Jugement,

Justice Testament, signifient quelquefois une fëte, une

autrefois un mystère de Dieu ou bien une grâce, ou

uue punition comme aussi une ordonnance et mêmes

toute conduite en général et touies ses œuvres: parce

qu'elles se font toutes avec justice et par jugement, eut

que toutes rendent témoignage de sa puissance. Les

autres livres de l'Écriture Saintes éteudent encore da-

vantage la signification de ces termes.

L'hérésie n'apporte en sa confession de foi prétendue

que ces deux passages pour fonder le principal article

de .sa çroyance, qui est le fondement de toutes les au-

tres. Je me suis arrête longtemps à les expliquer, afin

qu'on vit clairement que le fondement de cette foi est

sans fondement dans l'Écriture, et que par conséquent

toute ,cette religion n'est fondée qu'en l'opinion erronée

Page 363: Condren - Oratorien

36o DISCOURS

de ceux qui la reçoivent ce qui suffirait pour les dé-

tromper, s'ils en pouvaient juger sainement.

L'hérésie allègue à la marge de l'article suivant, qui

traite eucore de l'Ecriture, plus à propos en apparence'

le 3 ch. de la 2' Ép. à Timothée v. 15-16 17.

15. « Dès ton enfance tu as connoissance dés sainctes

lettres qui te peuvent rendre sage à salut, par la foy qui est

en J.C. « 16. Toute l'Escriture est divinement inspirée

et profitable à endoctriner, à convaincre, à corriger et

à instruire selon justice. 17. Afin que l'homme de Dieu

soit accompli et parfaitement instruit. »

Nous leur donnons quinze réponses dont une seule

suffit pour leur ôter ce passage.

La première est que S. Paul ne parle pas à tous les

chrétiens en ce lieu mais à un homme particulier au-

quel il savait que la grâce de bien user de l'Écriture

était donnée. On ne peut pas tirer une conséquence que

tous les hommes puissent ce que peut un Saint par la

grâce spéciale que Dieu lui a communiquée. Si ce texte

se trouvait dans une lettreadressée à tous les chrétiens,

on n'en pourrait même conclure autre chose, sinon

que tous les chrétiens auxquels Dieu en ferait la grâce

pourraient user des Écritures à salut mais non pas

qu'ils en useraient avec la certitude nécessaire pourdonner la foi, à cause de l'incertitude de l'homme, et

de sa facilité à perdre la grâce et à abuser des dons de

Dieu. Étant écrite à un particulier, on n'en peut rien

conclure, sinon que S. Timothée, qui est ce particulier,

pouvait user à salut des Écritures. Si l'hérésie dit qu'en-core que cette lettre soit écrite à un particulier, le

St-Esprit, qui a voulu qu'elle fût mise dans le corps de

la sainte Bible, l'a exposée à tous les chrétiens pour leur

dification, le répondrai que cela ne change pas les pa-

Page 364: Condren - Oratorien

SURL'INTERPRÉTATIONABUSIVEDESÉCRITURES.361

16

roles ni le sens de l'Epitre, et que le St-Esprit ne nous

oblige pas pour cela de croire autre chose que ce qu'elle

dit; mais au contraire nous devons nous arrêter, sans

en abuser, à ce qu'elle nous enseigne, queS. Timothée

pouvait bien user des Écritures qu'il avait lues dès son

enfance.

La seconde, que cette Épltre est adressée à un évéque

qui, par vocation spéciale est Pasteur de l'Église,

et obligé par devoir d'exposer les Écritures Saintes et

d'en user tant pour son salut que pour celui du peuplede Dieu. Ainsi, quand on en voudrait tirer quelque con-

séquence pour d'autres il faudrait que ce fût pour des

évêques encore ne le pourrait-on qu'à raison de leur

devoir et de leur état, et non à raison de leur personne.

Et néanmoins cette conséquence n'est pas certaine,

puisqu'elle ne se trouve pas dans le texte, qui ne parle

que de S. Timothée, et ne dit rien des autres évêques,et que d'ailleurs la raison et l'expérience nous montrent

qu'il y a beaucoup d'évêques qui ne sont pas semblables

à Timothée.

La troisième, que ce que nous avons dit jusqu'ici tire

suffisamment Timothée du commun des autres hommes;

et d'ailleurs la familiarité de S. Paul, les instructions

privées qu'il en avait reçues l'expérience que l'Apô-tre avait de la grâce qui lui avait été donnée son édu-

cation sainte en la crainte de Dieu par sa pieuse mère,

sa coopération fidèle à l'instruction qu'il en avait reçue,

dont Dieu même rend témoignage aux Actes, 16, l'étude

des Saintes Lettres,dès son enfance, lorsque la Tradition'

qui les devait faire entendre aux Juifs vivait encore, ce

qui se prouve aisément par les Écritures ses vertus

admirables qui le rendaient conforme à S. Paul, de

quoi cette épitre fait foi, sont. autant de circonstances

Page 365: Condren - Oratorien

362 DISCOURS

particulièresquilemettentdansun casexceptionnelquinepeuttireri conséquencepourlesautres.

L'hérésieusurpel'autoritédejugerl'ÉglisedeDieupardesloisqu'elleàconçuesdanslaprésomptiondesonesprit.et qu'elleveut,sansautoritéaucune établirsursesenfantsellene peutdoncse plaindresi nousla jugeonspar sesmêmeslois.C'estsuivrel'Évangilequede lamesureret réglerparla mesureetparlarè-glequ'ellea vouludonner,en l'obligeantdeseconte-nirdanslesensprécisdutexte,etenneluipermettantpasdes'étendredavantage,nid'imposeraupeuplecré-duleplusquecequ'ildit CesLettressacrées queSt.Timotbéeavaitluesen sonenfancenepeuventêtrequecellesde l'Ancien-Testamentsonâgenousmon-tre assezclairementquelespiècesquenousavonsduNouveaun'étaientpasécritesen ce temps-là.SidonccetteEpitre jusqu'auv.15 neparlequedecellesqu'ilavaitapprisesensespremièresannées,ilfautqu'ilss'yarrêtent ouqu'ilscherchentunautrepassagepourlesÉcrituresduNouveau-Testament,ouqu'ilsconfessentqu'ilsn'ontd'autoritétextuellequepourl'Ancien,etquec'est, ou partradition,oudeleurbonnevolontéqu'ilsjugent lesécritsdu Nouveaudignesde leurcroyauce.Encorepourrions-nousleurdireavecraisonques'ilsnelesontétudiéesetmêmeenteuduesetap-prisesdèsleurenfance,commeavaitfaitS.Timothée,il nesuitpasdecetexte,paruneconséquencecompa-rative,qu'enles lisantilspuissentêtresagesàsalut;car làoulescomparaisonssontdéfectueuses,lescon-séquencescomparativelesontaussi.

(IcifinitleDiscours.Lesréponsessuivantesquileçom-plètentontététiréesdequelquesmémoireslalinsduP,deCondrenet fraduites« français.)

Page 366: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES. 363

La quatrième réponse est qpe S. Timothée avait ap-

pris les Saintes Lettres dès son enfance; qu'il pouvait

par conséquent en faire un bon usage, ce que ne peu-

vent pas ceux qui n'en ont pas eu la même connais-

sance.

La cinquième, que les Écritures sont utiles à la véri-

té, mais c'est par la foi en J.-C., comme le dit ici

l'Apôtre, parlant à ceux qui n'ont pas cette véritable

foi, tels que les hérétiques: à de telles personnes elles

ne sauraient être utiles.

La sixième que l'Apôtre ne parle en cet endroit quedes Écritures de l'Ancien-Testament que S. Timothée

avait apprises dès son enfance; car quant aux autres

elles n'étaient pas encore, et il est hors de doute que

l'apôtre S. Paul n'a pas voulu donner pour règle de la

foi ces seules Écritures de l'Ancien-Testament, que les

hérétiques mêmes ne voudraient pas recevoir exclusi-

vement.

La septième, que ces premières paroles du v. 14:

Quant à toi demeure ferme dans les choses que tu as

apprises, font voir clairement que l'Apôtre parle d'un

homme qui a déjà été instruit et non d'un autre qui

n'aurait pas reçu lés mêmes instructions.

La huitième, que les paroles suivantes du même v.

Et qui t'ont été commises. font voir clairement

qu'il parle à un Pasteur, ou autre ayant charge en l'É-

glise par conséquent, elles ne font pas règle pour le com-

mun des chrétiens.

La neuvième, que les dernières paroles qui terminent

le v. « Sachant de qui tu les a apprises n montrent en-

core plus ouvertement que la doctrine chrétienne doit

être reçue d'un maltre légitime et approuvé,avaot que

d'avoir recoars aux Saintes Écritures.

Page 367: Condren - Oratorien

364 DISCOURS

La dixième, que le v. 16 dit seulement que l'Écriture

est utile, et non qu'elle soit une règle nécessaire ou le

fondement de notre foi.

La onzième, que ce terme TOUTE dans le langage de

t'Apôtre qui dit toute Écriture, se prend en cet endroit

séparément et pour chaque partie de l'Écriture; d'où il

s'ensuivrait, si ce passage favorisait les hérétiques que

l'Apôtre aurait dit que chaque partie de l'Écriture, prise

à part, serait la règle de notre foi conséquence qu'eux-

mêmes ne voudraient pas admettre.

La douzième que les termes de l'Apôtre L'Écriture

est utile pour enseigner, pour repreudre pour corri-

ger et pour instruire eu justice » se doivent mieux et

plus véritablement entendre pour être adressées aux

autres plutôt qu'à soi-même. Car S. Paul parle à Timo-

thée, qui était Evêque et Pasteur, à qui par conséquentil appartenait d'office d'enseigner, de reprendre, de

.corriger et d'instruire les ouailles de J.-C. ce qui assu-

rément ne fait rien pour l'opinion des hérétiques quiveulent que chacun puisse devenir savant par lui-même

eh lisant les Écritures.

La treizième, que cette perfection entière et accom-

plie de l'homme de Dieu, qui doit être l'instruction et le

but principal du Pasteur, n'est point rapportée à la lecture

de l'Écriture-Saine mais à l'érudition et à la correc-

tion qui en est faite par le Pasteur, comme les parolesde l'Apôtre le font voir. Ainsi elles n'établissent pointles Ecritures pour règle de la foi.

La quatorzième, qu'il n'est pas dit en cet endroit quecet homme de Dieu fasse rien qui contribue à sa per-fection, laquelle dépend de Tinstruction qu'il recevra de

son Pasteur. Les hérétiques rapportent donc très-mal à

propos le témoignage de l'Apôtre pour montrer que

Page 368: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES ÉCRITURES 365

chacun peut obtenir le salut en faisant usage des Écritu-

res par lui-même.

La quinzième et dernière, que l'Apôtre, en cet endroit,

par l'homme de Dieu n'a pas voulu parler d'un homme

en particulier, mais de celui que l'Écriture-Sainte ap-

pelle un nouvel homme, qui comprend J.-C tout en-

tier avec tous ses membres, à la perfection duqnel Ti-

mothée et les autres Pasteurs et Docteurs de l'Église,

sontobligés de veiller et de concourir, comme l'enseigne

le même S. Paul, aux Ephésiens, 4. 11. 12. 13, ce qui lui

est très-familier, car un homme en 'particulier n'a pas

pu être entièrement parfait et instruit à toute bonne œu-

vre, comme le souhaite ici l'Apôtre, tandis que cela est

possible pour ce nouvel homme qui doit être sans tache

et sans rouille et dont la vocation est d'accomplir par-

faitement toutes les œuvres de Dieu.

Il faut remarquer qu'il n'est pas nécessaire que tou-

tes nos réponses soient indubitables car les douteuses

mêmes suüiseni à prouver que la foi des hérétiques ne

peut s'appuyer sur ce témoignage incertain des Écritu-

res.

Quatrième témoignage de l'Écriture, cité par l'héré-

sie (1. Cor. 4. 6.) (Version de la Bible de Genève.ra Or, mes frères, j'ay tourné cela par une façon de

parler sur moy et suc Apollo à cause de vous, afin

qu'appreniez en nous, que personne ne présume outre

ce qui est escrit, à celle fin que l'un pour l'autre ne

s'enfle contre autruy. » Le texte grec porte Afin qu'ap-

preniez en nous de n'avoir point de sentiments outre ce

qui est écrit et que vous ne vous ënliiez point l'un

contre l'autre par-dessus autrui.De ce passage les hérétiques infèrent qu'il ne faut

rien croire que ce qui est écrit, et ainsi que l'Écriture-

Sainte doit étre la règle de la Foi.

Page 369: Condren - Oratorien

366 DISCOURS

Jeréponds,premièrement,que le sensdél'Apôtreest assezfacileà tousceuxquilelirontattentivement,à savoirqu'ila écritceschosesdelui-mêmeet d'âpollopourl'instructiondesCorinthiens,afinquepasund'euxn'aitmeilleureopinionde lui-mêmequecequi a étéécritdes Apôtres,c'est-à-direqu'aucunne s'estimeplusquesoncompagnon,ou ne s'élèveau-dessusdet-èluiquia-étéchoisipourministreoudispensateurdesmystèresdeDieu

Secondement,quelesplusdoctesd'entreleshéréti-quesneproduisentpointce témoignagequoiqu'ilontêtrean deleursprincipaux;cequimontreassezqú'itsn'ontpascruqu'ilpûtêtre apportépourconfirmerleurdoctrine,selonle sensdel'Apôtreetla véritédutexte.

Troisièmement,qu'ilconste,tantdecepassagequedesautresËpitresdeS.PauletdesautresApôtres,quela doctrinechrétienneneseproposaitpointaupeupleparécrit carS.Paulavaitfondél'ÉgllsedeCorintheetApollol'avaitarroséeetnéanmoinsils n'avaientnil'un uil'autrelaisséparécritce quelesCorinthiensdévaientcroire et le mêmeApôtrechapitre2. 10ditmanifestementqu'ilavaitacquislasciencedetafoi,nonparl'Écrituremaisparle donduSt.-Esprit,cequ'iltémoigneaussiailléurs.

Cinquièmetémoignagecitéparl'hérésic (Cat.t. 8.et9.)

Orsinous-mesmes,ouunAngeduCielvousévan-

gétizéautrementquenousnevousavonsévangélizé,qu'ilsoitmaudit ainsiquenousavonsdesjadit,main-tenantaussijedyderechefSiaucunvousévangélizeautrementquecequevousavezreceu,'qu'ilsottmau-dit.»(Bibl.deGen.)

Page 370: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATION ABUSlVE DES ÉCRITURES. 367

Je répénds premièrement que ce passage ne fait rien

pour confirmer la doctrine de l'hérésie; car l'Apôtre 88

dit pas, outre ce qu'il avait écrit mais entre ce qu'il

avait préchè, et ce qu'ils avaient reçn de lui.

Secondement, qu'il parait clairement par les v. 6. 7

et 11 do même chapitre, et 2. 7 et !4 du chapitre 3., que

cette particule ontre doit s'entendre de tout l'Évangile,

c'est-à-dire Si quelqu'un prêche un autre Évangile,

qu'il soit anathème; ne pouvant pas y en avoir un autre.

Car si quelqu'un vient à édifier sur cet Évangile reçu

par tradition sans doute il aura la même récompense,

comme dit l'Apôtre 1. (Cor. 3. Il.) et si quelqu' autre

vient à donner plus de lumière à cet Évangile ou l'en-

seigneur plus parfaitement et plui pleinement comme

fait S. Paul efl cette Épltre il ne sera point anathème,

non plus que celui qui, ayant premièrement donné le

lait donne ensuite la viande solide de l'Évangile

Troisièmement, que le témoignage de l'Apôtre ainsi

que plusieurs autres réfute clairement ta doctrine de

l'hérésie car Il montre que l'Évangile qui a été donné

par tradition aux Galates n'a point été écrit, mais seu-

lement commis à la foi et à l'Esprit de Dieu ce qu'tt

serait superflu de montrer par plusieurs parolcs de celle

Epitre, ceta étant très-clair par tes v. 2 et 5 du chapitre

5, oà il montre que la foi vient de l'oule.

Sixième témoignage, (2. Ep. de A Pierre, 1. 19. 26. 21.)

« Nous avions anssi la parote des Prophètes plus fer-

me, à laquelle vous faites bien d'entendre comme à

mir chandelle qui escalaire es lien obscur, jusques a ce

que le jour commence luire, et que l'Estoite du matin

se lève en vos cœurs. Si vous entendez premièrement

que nulle prophétie de feseritare n'est de particulièrement

déclaration. Cela Prophétie n,a point est jadis apportés

Page 371: Condren - Oratorien

368 DISCOURS

par la volonté humaine mais les Sainets hommes de

Dieu, estaus poussez du Sainct-Esprit, ont parlé. e

De ce Lexle, les hérétiques tirent leur preuve les uns

d'une façon, les autres d'une antre tous faussement.

Toute la question réside dans le v. 19; car les v. 20 et

21 n'ont rien qui puisse être réduit en controverse.

La première réponse donc que nous donnons au v.

19 est que S. Pierre ne commande autre chose qu'une

grande attention aux Ecritures ce que pas un chrétien

ne refuse. à;

La seconde qu'il s'agit en cet endroit seulement des

Prophètes de l'Ancien-Testament, que les hérétiques

n'admettraient pas comme l'entière règle de la Foi.

La troisième, que S. Pierre recommande d'être atten-

tif aux Écritures, seulement pour un temps c'est-à-

dire jusqu'à la réception de la grâce Évangélique, et de

la foi à laquelle il donne le nom de Lucifer ou d'Aurore;

car ce qu'il appelle le jour c'est la vie éternelle. Cela

fai: voir que ce témoignage est inutile après la publica-

tion de l'Évangile, et serait plutôt une preuve que les

Écritures dont il parle ne seraient pas à présent néces-

maires.

La quatrième, que ce texte semble plutôt diminuer l'u-

sage et l'autorité de ses Écritures car, en premier lieu,

il préfère la lumière intérieure qui illumine les coeurs,

qu'ilappelle Lucifer ou Porte-lumière,et propose la foi de

l'Évangile qui nous montre les vérités bien plus claire-

ment que ses anciennes Prophéties. En second lieu, il ap-

pelle ses Écritures, non un Soleil ni une Aurore, mais

une certaine lueur enveloppée de nuages et d'obscurités,

qui ne peut encore donner la lumière. En troisième lieu,

il ase du terme comparatif, non pas pour augmenter sa

preuve commeil parait, mais pour la diminuer, comme

Page 372: Condren - Oratorien

SUR L'INTERPRÉTATION ABUSIVE DES CRITURES. 369

on fait souvent dans le discours ordinaire car c'est

comme s'il disait Vons avez la parole prophétique quivous doit être nn assez ferme témoignage. Car comment

pourrait-il préférerla parole prophétique au témoignage

que le Père éternel rend de son Fils ? Et les paroles

suivantes montrent aussi que cette lumière de la pro-

phétie environnée de ténèbres ne doit point être com-

parée à la foi évangélique que S. Pierre enseignait,

non par écrit, mais par parole et tes hérétiques, au

milieu de cette obscurité, ne prennent pas garde que les

témoignages qu'ils rapportent sont contraires les uns aux

autres.

Page 373: Condren - Oratorien

DISCOURS

SUR L'ASTROLOGIE

FAIT À LA DEMANDE DB Mgr Lt CABDINAL DE RICHELIEU.

MONSEIGNEUR,

Le respect que je dois à votre Éminence me fait

passer par-dessus l'intention que j'ai toujours eue de ne

jamais écrire sur l'Astrologie; tant à cause que cette

science est ordinairement suspecte aux personnes de

piété, vu l'abus que plusieurs en font en y mêlant des

curiosités illicites, que parce qu'il me serait nécessaire

de m'en instruire davantage pour en traiter à fond,

n'y ayaut plus pensé depuis l'àge de dix-neuf ans que

j'en pris connaissance, en étudiant les mathématiques.

Je ne m'en suis en effet servi depuis, que pour délivrer

d'une appréhension chimérique ou d'une espérance

vaine, les esprits trop occupés des prédictions qui leur

avaient été faites contre la vérité de cet art (et votre

Eminence n'a su que j'y entendais quelque chose, que

par une rencontre de ce genre, s'il lui plaît de s'en res-

souvenir) ou pour retirer d'inquiétude de conscieuce

et de scrupule ceux qui, ne voulant pas se résoudre à

quitter entièrement cette science, n'en savaient pa s régler

l'usage légitime ni modérer la prévoyance qu'on en peut

tirer. Je crois que c'est ce que votre Éminence me com-

manda d'écrire. Je ne puis faillir en lui obéissant, car

l'obéissance a cela de propre quand elle est légitime

qu'elle couvre son action de l'autorité qui la régit et

sauve de tout blâune celui qui obéit. Et la lumière de

Page 374: Condren - Oratorien

SUR L'ASTROLOGIE. 371

votre esprit, qui a été aussi admirée dans les sciences

epr'etle l'est maintenant de tout le mondedans les affai-

res est si vive et si pénétrante que je dois avoir la

même intention queceux qui envoyaient autrefois leurs

tcrits à Apolion de Delphes, pour en tirer un oracte de

vérité, qui les approuvât, ou fit voir leurs défauts.

Pagina judiciant docti subitur a movetur

Principis, et Clario missa legenda Dec.

Liv. 1. Fast.)

Car votre Éminence est conduite par un esprit plus

véritable .et plus charitable que cet oracle trop renom-

me dans -l'autiquité. Aussi j'en dois plus attendre

de lumière et de vérité et me dois présenter à elle

avec plus de respect, puisque c'est eu elle que Dieu

a mis l'oracle de son conseil pour le gouvernement de

son peuple.Je traiterai cette matière avec toute la brièveté pos-

sible. Je commencerai par l'examen des Écritures, et

par les témoignages de l'Église et de ses Saints, afin que

leur lumière nous éclaire et nous guide dans l'igno-

rance, où la raison de l'homme est comme ensevelie.

Ou apporte ordinairemeut contre l'Astrologie les pa-

roles de S. Paul aux Gâtâtes 4. 10 Dies observatis

et mêmes, et tempora, et annos tirueo vos ne forte sine

causa laboraverin in vobis mais l'Apôtre ne parle que

des observances de l'ancienne Loi. Il dit des jours à

causedé leurs sabaths et autres fêtes; des mois, àcause

des premiers jours des mois qui étaient leurs Néo-

ménies, et des premiers et septièmes mois qui conCe-

naient leurs principales solennités des années. à-cause

de l'an du sabath, et' du jubite il ajoute, des temps

mesurée par les choses mêmes qu'il fallait observer,

Page 375: Condren - Oratorien

372 DISCOURS

comme la purification des femmes après leurs couches,

l'oblation des premiers fruits et autres choses sembla-

bles. L'Apôtre (Coloss. 2, 16), s'exprime de manière à

ne laisser aucun doute Nemo ergo vos judicat in cibo

aut in potu, aut in parte diei festi allt Neomeniœ, aut

Sabbatorum quœ sunt umbra futurorum On cite aussi

Jérémie, 10. 2. A signis cœli nolite metuere. La suite

du texte montre que les signes du ciel étaient fabriqués

de bois, d'or et d'argent, et qu'il y avait des lois qui obli-

geaient à les honorer. C'étaient donc des idoles du ciel

c'est-à-dire des colosses et autres figures moindres du

soleil, de la lune et des étoiles que les lois baby-

loniennes obligeaient de révérer; car les Babyloniens

adoraient le soleil, et l'appelaient leur dieu, au sin-

gulier, et révéraient conséquemment les astres comme

sa milice, son armée et sa suite ce sont les termes

de l'Écriture. Les histoires profanes et les livres sacrés

en font foi. Ce fut la première chute et la première

idolâtrie des Juifs dans le désert et le fondement des

autres, qui leur méritèrent le châtiment de Dieu et la

captivité à Babylone. Saint Étienne le dit aux Actes 7. 42

et 43. C'est pourquoi le Prophète les avertit plus par-

ticulièrement de ne plus s'y laisser aller. Le même

Prophète, en son Épitre adressée à ceux qui devaieo t

alleren captivité, et rapportée par Barucb, 6, qui est le

sommaire de ses instructions sur le même sujet au

même peuple et pour le même lieu de Bahylone

montre quel est son sens et son intention, au verset

59., où il dit que les idoles ne sont en rien semblables

au soleil, à la lune, aux 'étoiles, ni aux tonnerres

ni au vent, ni au feu qui sont toutes choses

du ciel, ou vers le ciel; et au verset 66., qu'ils ne

peuvent faire voir leurs signes au ciel c'est-à-dire ou

Page 376: Condren - Oratorien

SUR L'ASTROLOGIE. 373

leurs astres, ou en leurs astres; pour montrer quec'est à tort qu'on les estime dieux ou idoles du ciel,

comme chez les Latins Apollon, Diane, Éole, Vnlcain

car à Babylone on leur donnait d'autres noms. Nous

pouvons ajouter, pour faire voir combien le sens des

paroles du Prophète Jérémie est éloigné de celui qu'on

veut leur donner contre l'Astrologie que ce que l'E-

criture appelle plus communément signes du ciel

ne sont pas les astres (il n'y a que deux passages dans

toute l'Écriture sainte où le terme de signes soit

pris ainsi), mais les changements les apparitions, les

merveilles.ou phénomènes qui paraissent au ciel Erunt

signa in sole et luna. Signum de cœlo apparuit, signum

magnum in cœlo. C'est son usage ordinaire, et les païens

faisaient une religion de tels signes du ciel. Il y aurait t

donc bien plus de sujet de croire que le Prophète au-

rait voulu dire au peuple qu'il ne fallait point craindre

les signes qui apparaissent au ciel, comme lescomètes,

les lances, les chariots et les armées de feu qu'ils voyaient

parfois au ciel les pluies de sang et do pierres les

obscurcissements ou la multiplication du soleil et de la

lune, que les enchanteurs faisaient voir les chutes des

étoiles, ou leurs mouvements extraordinaires, et autres

prodiges semblables qui étaient plus fréquents avant

la Rédemption, alors que les démons étaient plus ab-

solument rectores tenehrarum harum, et que celui que

l'Apôtre appelle Principem potestatis aeris hujus, (Eph.

22), régissait fair. Car ill y avait des lois publiques qui

obligeaient les peuples craindre et à révérer ces si-

gnes, et qui ordonnaient des sacrifices, des proces-

sions, des prières publiques, et autres choses sem-

blables, pour l'expiation de tels prodiges, auxquel-

les on pourrait rapporter ce que dit le texte Quia

Page 377: Condren - Oratorien

374DISCOURS

leges gentium vanæ sunt et juxta vias Gentium notite

discere. (Jer. t0); car on avait coutume de faire une étude

de ces superstitions. Pour l'Astrologie il n'y a jamais

eu parmi les gentils des lois publiques pour l'autoriser

mais bien quelquefois pour la baunir. Elle a toujours

été une science assez particulière soit qu'on ne l'ait

pas estimée assez fondée, soit qu'on ait redouté les

difficultés à surmonter pour connaître la nature et la

vertu particulière des astres et pour asseoir un juge-

meut certain sur les autorités souvent contradictoires,

des auteurs qui en traitent. Ne pouvant donc être une

science vulgaire, on ne peut la traiter d'une manière

utile qu'à force de jugement et de prudence.

En dernier lieu, quand il faudrait entendre par les

signes du ciel les astres comme le Prophète dit

A signis cœli notite metuere, ce ne serait jamais que

les effets ou les influences des astres, et non pas l'As-

trologie qu'il faudrait craindre, Or il est faux qu'on ne

doive pas craindre les influences de ces corps célestes;

car on peut craindre raisonnablement la chaleur du

soleil, quand il est trop près, et la froideur du temps

quand il est éloigné, les aspects malins de Saturne

et de Mars qui peuvent troubler l'airet le rendre incom-

mode, les constellations qui excitent les tempêtes sur

mer et cettes qui nuisent aux fruits de la terre on

peut user de prévoyance pour se garantir du mai qu'elles

peuvent causer. L'Index du concile de Trente permet

pour ce sujet l'usage de l'Astrologie pour tes voyages

sur mer et pour le labourage. Il n'y a donc pas lieu

de s'appuyer snr l'autorité dn Prophète, en ce passage,

contre l'Astrologie, puisqu'elle est si éloignée de son

intention et du sens de ses paroles.

Le Prophète fsaié n'est pas cité plus à propos que

Page 378: Condren - Oratorien

son L'ASTROLOGIE. 375

Jérémie, au ch. fI7: 13. Stent, et salvent te augures

ca'li, qui contemplabantur sidera, et sapputabant menses

ut ex eis annantiarent ventura tibi. Car il dit seulement

que tes augures du cïel astrologues ou non ne pour-

ront sauver Babylone de la main de Dieu, ni s'opposer

à sa puissance. Au verset 15., il dit la même chose

des marchands et souvent ailleurs de la puissance

de leur empire et de l'adresse de leurs conseils. Or

il ne s'ensuit pas que toutes ces choses ne puissent

rien quand Dieu les laisse agir ou qu'elles soient

itticites. Les Septante ont traduit ici tes astrologues

du ciel », parce qu'ils étaient en Egypte où ceux qui

devinaient par tes astres étaient appelés ainsi. La ver-

sion commune est meilieure car Isaïe parle à Baby-

lone, qui les appelait Mages ou Augures du ciel pou r

les distinguer de ceux qui auguraient par les choses de

la terre. Il ne faut donc pas t'entendre selon l'usage

reçu en Egypte; et le mot cali ne vient pas bien avec

Astrologie; il est superflu et contre l'usage, puisqu'il

n'y a point d'astrologues qui ne le soient du ciel: c'est

d'ailleurs restreindre l'Écriture aux augures des astres

et exclure les autres augures du ciel, ce qui ne se doit

pas faire sans sujet. Le texte dit Stent et salaent te. Les

augures des astres étaient debout en leur ministère, ce

qui est la situation des prêtres et des sacrificateurs

dans leur office. Ils ne jugeaient pas seulement de l'ave-

nir par les signes qui leur paraissaient au ciel mais ils

apaisaient les dieux, et les rendaient propices selon

la croyance des gentils, aux villes, aux personnes et

aux affaires, par leurs prières, leurs cérémonies et leurs

sacrifices. Les augures.qui prédisaient par le vol des

oiseaux devaient être assis et arrêtés fixement eu un

lieu, sur leur chaise auguràle qui était solide ils priaient

Page 379: Condren - Oratorien

376DISCOURS

et apaisaient les dieux comme les autres. Les astrolo-

gues nesont pas obligés d'être debout, ni d'être arrêtés par

office ils ne font aucune prière et ne sauvent person-

ne ils ne peuvent ni ajouter, ni diminuer aux influen-

ces des astres et ainsi les termes du texte ne leur con-

viennent pas, augures cœli car ils n'augurent rien et

ne devinent rien mais ils supputent les j ours des astres,

et considèrent quelle sera leur situation à l'avenir, et,

par la connaissance de leur vertu ils jugent, comme

philosophes, de la cause par l'effet sauf ce que Dieu

les anges et les hommes voudront, ou pourront dé-

tourner par leur conduite.

Les augures prétendaient prédire les choses en parti-

culier et avec certitude, sur la connaissance- que leurs

dieux leur en donnaient, les uns par les étoiles et

ceux-là s'appellent proprement augures des astres; les

autres, par le vol des oiseaux d'autres par le cours des

orages et la chute de la foudre. Le paganisme appelait

les uns et les autres augures cœli. L'Écriture nomme

en ce sens volucres et signa cœli ou de cœlo, ce qui pa-

rait en l'air. Tous étaient prêtres et sacrificateurs, per.

sonnes consacrées aux dieux, et prophètes. Ils avaient

des livres sacrés de leurs mystères et de leur ministère.

Chez les Latins, on appelait Astrales les livres qui con-

tenaient les règles pour les prédictions par les astres

et Astrologi les augures qui en faisaient profession

Fulgaratores, les augures des tonnerres, et leurs livres

Fulgurales et Auspices ceux qui prédisaient par les

oiseaux. Ils usaient tous, dans leur ministère, de

vêtements d'office qui étaient sacrés: il ne leur était

pas permis d'y vaquer en habit ordinaire ou profane

qui contemplabantur sidera. Les astrologues ne sortent

point de leur cabinet pour dresser les tables de leurs

Page 380: Condren - Oratorien

SUR L'ASTROLOGIE.377

prédictions ils ne regardent point les étoiles au ciel

qui ne seraient pas entre elles dans l'ordre et l'aspectsur lequel ils doivent juger de l'avenir. Si parfois ils

les contemplent an ciel, ce n'est pas pour prédire mais

pour apprendre leurs mouvements et en dresser les

lois. Ce que le Prophète dit serait faux de cette étude

des astres Quicontemplabantur sidera ut annuntiarent

exeis ventura tandis que c'est vrai des augures du ciel,

qui prédisent sur les signes arbitraires et variables quileur paraissaient au ciel par la permission de leurs

dieux mais qui négligeaient les lois naturelles du ciel,comme choses fatales, auxquelles les dieux mêmes ne

pouvaient rien changer. Ainsiils considéraient si le soleil

leur paraissait pâle, ou enflammé ou sombre, ou si

la couronne ou le cercle de lumière qui l'environne et

rayonne autour de lui s'étendait peu ou beaucoupils faisaient attention si la lune était noirâtre ou argen-

tée, ou nébuleuse, ou sanglante. et ainsi des autres

astres.

Le passage de Job. 31-26 ne peut être bien entendu

autrement Si vidisolemcumfulgeret, et lunam inceden-'

tem clare et lætatum est in absconditocormeum et oscu-

latus sum manum meamore meo. Quœest iniquitas maxi-

ma, et negatio contra Deumaltissimum. Car juger parla pureté et la vivacité de la lueur du soleil, et par laclarté de la lune, que les astres nous regardent de bon

œil et nous sont propices et se réjouir en son cœur de

leur faveur, comme de l'amitié des dieux témoignée

par la netteté de leur face et l'éclat de leur lumière etleur baiser la main (ce qui est un signe d'honneur et

de révérence en action de grâce de leur bienveillance)c'est méconnaître Dieu leur créateur, et commettre

une idolâtrie manifeste. Ces augures du ciel existaient

donc déjà du temps de Job.

Page 381: Condren - Oratorien

578DISCOURS

Les livres des païens sont remplis de cette sorte de

divination. Ainsi Virgile, 1. 1. &-ôrg. sub nem dit

Sol tléi signa dablt solem quis ditere falsum

Audeat ? Ille etiam cæcos irutare tumultus

Sæpe monet, fraudemque et operta tamescere bella

Ille etiam, extincto miseratas Cæsare Roman,

Cum capot obscura nitidum ferrugine texa

Impiaque aternamtimaerant seerta noctem.

Tels ou tels changements qui paraissaient au ciel ou

aux astres à point nommé à la prière de l'augure dans

l'instant de sa cérémonie, étaient des Illusions produi-

tes dans tes airs ou dan! tes yeux des assistants par le

démon, que l'Apôtre appelle Principem potestatis aeria

hujus ce qu'il était bien plus avant la Rédemption qu'à

présent. Les augures qui devinaient par les orages et par

tes oiseaux du ciel, auxquels les Babyloniens avaient

beaucoup de foi, sont aussi compris ici car ils obser-

vaient les astres en leur manière. Les derniers assis sur

:a chaise augurale divisaient premièrement avec leur

verge, appelée par les Latins tituus, te ciel en quatre

parties nommées Antica, Postica, Læva, Dextra; paie

en douze autres parties qu'ils appelaient Templa cœli,

dans lesquelles ils plaçaient les astres comme leurs

dieux, sans égard à leur lieu naturel, excepté le soleil

et la lune quand elle leur paraissait sur l'horizon, suivant

uniquement les règles de leur art en cette répartition

artificielle et superstitieuse. Car ils ne voyaient pas les

étoiles de jour, et toutes n'étaient pas sur leur horizon, et

ifs ne savaient pas l'astronomie pour connaître scienti-

liquement leurs ptaces respectives.

Post quamrite diupartiti sider a cunctas

Per/e6ere animis, oculisque sequacibus auras.

Page 382: Condren - Oratorien

StTR L ASTHOLOGIE.379

C'est-à-dire selon leur art et leur usage ordinaire

diu en regardant longtemps et arec grand soin partiti

aidera, ce qui n'est pas observer la ptace des étoiles,

mais les partager et les distribuer dans le ciel eu leur

désignant un lieu particulier; ils considéraient après en

quel temple du ciel, et sous quel astre les oiseaux

volaient. chantaient, on combattaient.

Turc omnis in astris consonet arcrana volacris. etc.

Ils croyaient que les astres donnaient cette divination

aux oiseaux, et principalement le soleil et la lune.

Metellus, grand pontife à Rome, défendit de prendre

les Augures, sur les affaires importantes qui pouvaient se

différer, après les Ides du mois d'août, jusqu'à la fin

de l'année parce qu'alors le soleil s'éloigne de nous

belon son cours annuel et après midi, parce qu'il s'a-

baisse selon son mouvement diurne ou quand la lune

est à son déclin. Plutarque (Rom. quæst 9. 35) dit que

l'heure qu'ils estimaient la plus favorable était celle du

soleil levant, etnon celle qui précède. Les douze tem-

ples ne sont pas les douze maisons des astrologues, car

tous les douze étaient sur l'horizon. Cette répartition du

ciel était purement superstitieuse et fondée en rien sur

la nature elle n'avait égard qu'à ta convenance des

augures. Ces derniers faisaient une attention particu-

lière au mois au jour, et à l'heure qu'ils consultaient

le ciel par la raison que nous avons dite du déclin du

soleil, etc.

Ils observaient les mois et les jours malheureux pour

les états, les personnes its évitaient les jours dédiés

aux dieux des nations ennemies, comme les dieux de

Carthage, ea consultant pour Rome, ou ceux de l'E-

gypte pour Babylone. Par le commencement, le milieu

et la fin du mois ou au jour ils jirgeaient du bonheur

Page 383: Condren - Oratorien

380 DISCOURS

on du malheur des affaires proposées en leur commen-

cement, en leur milieu on leur fin. Les augures des

astres supputaient les jours et les mois avec plus de su-

perstition encore. Il y avait entre eux une attribution

de certains nombres aux astres aux jours et aux mois,

qui, par sympathie, devaient décider les astres à leur

donner des signes de l'avenir. Ils les prononçaient, tra-

çaient des signes sur la terre ou sur une tabie et

ajouraient le mois le nombre du mois, le jour et le

nombre du jour. Ceux qui sont adonnés à la Géomanciefont quelque chose de semblable. Ils faisaient des prières

qu'ils accompagnaient de certaines cérémonies et c'é-

tait en effetun enchantement qui leur faisait paraltre des

prodiges dans le ciel. Lesdits nombres ne sont autre

chose que les nombres babyloniens dont sont remplitnon-seulement les livres de superstitions mais une fouled'autres.

Tu ne quuesieris seire, (nefai) quem mihi, quem tibi

Finem du dederint, Leuconoe; nec Babylonios

Tentarls numeros, ut melius, quidquid erit pati, etc.

(Horal. t. 1. ode 11.)

dt figulus, eul cura Deos seerelaqae cieti

Nosse fuit, q- non stellarom Egyptia Memphis,

Equarel visu, numerique moventibus artra.

(Lucan, Phars. .L 1.)

Cui cura Deoa montre que c'était de la religion et non

de la philosophie secretaque montre qu'il y avait de la

Cabale et du mystère qu'on apprenait avec soin et avec

art Egyptia Memphis, à cause que, de la Babylone

d'Asie, cette superstition était venue à la Babylone

d'Egypte, nommée Memphis-Visu. Il fallait avoir bonne

vue pour remarque? vous les plus petits signes quandles dieux n'en voutaient psq donner de grands, numeris.

que moventibus astra. Ces nombres étaient liés aux astres

Page 384: Condren - Oratorien

SUR L'ASTROLOGIE. 381

d'une telle sympathie, qu'ils les agitaient comme une

corde de luth en vibration fait vibrer les autres cordes

avec lesquelles elle est en unisson. Stace (Theb. l. 4.)

exprime cette sympathie par les vers suivants, où sont

énumérées les espèces de divination le Plus en usage

de son temps.

llle DeoS non larga cœde Jaeencam

Nonalacripenna,autverumsplrantibwexilsNecTripodeimplicito,nomerisquesequentibusastra, etc.

C'est-à-dire inséparables des astres, selon la signifi-

cation attribuée au mot par l'auteur. Aul. 3, rapportant

les mêmes espèces en d'autres termes il dit

Hlne fibrœ. et volucrum per nublla sermo,

Astrorumque vices: numerataqae remita Lunœ.

A cause des nombres affectés aux jours de la lune et

même à la lune, qu'il fallait joindre à la lune et aux

autres astres, pour prédire en la manière superstitieuse

de ce temps-là comme font encore ceux qui joignent

aux astres les points de la Géomancie avec certains

nombres. Peut-être c'est ce que le poète entend par vices

astrorum quoiqu'on le puisse expliquer autrement

car les nombres appropriés aux astres étaient estimés

par ces superstitieux comme les astres mêmes et de pa-

reille vertu. La philosophie des Pythagoricienstientbeau-

coup de cette antique superstition, en ce qu'ils croient

que chaque chose a son nombre qui lui correspond, qui

est comme son âme et son esprit, sou image et son

ombre qui contient et porte en soi toute sa vertu.

Le malin esprit s'est joint à cette mauvaise philosophie

et s'est caché sous cette croyance pour faire plusieurs

choses, et son opération secrète t'a confirmée dans l'es-

Page 385: Condren - Oratorien

382 DISCOURS

prit de plusieurs. Les magiciens se servent encore au-

jourd'hui de ce nombre, et fondent la malignité de leur

art sur ce théorème illusoire et plein de séduction. On

pourrait apporter une infinité de témoignages de cette

superstition Ut eaeis annuntiareut ventura; car le nom-

bre des mois et des astres était le fondement de leur

prédiction ce qui n'est pas en l'Astrologie, pour laquelle

la division des mois est toute accidentelle. Elle mesure

bien le temps auquel les astres seront en telle ou telle

situation, et pourront produire un tel ou tel effet mais

c'est par les lois de leurs mouvements, et sans égard

à la distinction des mois, qui est une chose de convention

parmi les hommes et pour leur usage et même à cette

heure que le cours du ciel est mieux observé, cette dis-

tinction ne correspond nullement au mouvement d'au-

cun astre. Les astrologues supputent le temps par le

soleil il leur importe peu comment les républiques le

mesurent et divisent l'année si elles font dix mois, ou

douze ou plus, ils ne les comptent point pour prédire

mais pour s'accommoder au peuple, el parler selon l'u-

sage politique et ordinaire. Le texte ne leur convient

donc point, pas plus que la particule tibi; car il est

question C'une ville, et l'influence des astres ne tombe

pas si particulièrement ou si notoirement sur un lieu

en particulier. Les augures disent plus particulière-

ment ce qui doit arriver à une ville, parce qu'ils regar-

dent les choses en particulier par la divination. Les

astrologues, au contrainre, ne jugent bien que d'un pays

ou d'une province si on dit qu'ils le peuvent par les

horoscopes de la naissance des villes il y a grande

apparence que c'est à tort mais quand ces horoscopes

auraient quelque fondement on fle pouvait pas savoir

celui de Babylope qui a été fondée avant les arts,. l'é-

Page 386: Condren - Oratorien

sus L'ASTROLOGIE. Z81

criture et toutes les histoires, et qui avait été comme-

cée et recommencée, détruite et rééditée plusieurs

fois. En aucun lieu de l'Écriture, qui parle si souvent

de toutes les autres sortes de divinations les astrolo--

gues ne sont nommés, non plus que les autres sortes

de philosophie naturelle et licite aux hommes. Quel-

ques-uns ont pensé que ceux que l'Écriture appelle

Chaldéens et Mages, étaient astrologues mais c'est à

tort, comme on peut le voir dans Daniel 1. 20-2. 2-4.

4.-5. 7, 8, 11, 12, f4, 15 oü l'on voit que tous ces gens-

là étaient devins et devaient être remplis de l'esprit de

leurs dieux. Ou les appelait pour interpréter par inspi-

ration les songes révéler les choses secrètes, déclarer

les, écritures inconnues. Rien de tout cela ne convient

aux astrologues. Si les Mages qui furent conduits de

ce pbys-là à la crèche, eussent été simplement astrolo-

gues, ils n'eussent point remarqué l'Étoile car ils ne

l'eussent point trouvée dans leurs éphémérides, et

n'eussent pas compris, en la voyant, qu'un roi était né

en Judée, et ne se fussent pas promis que cette Étoile

marcherait devant eux; car tout cela est contre leurs

règles et leurs usages. Mais les augures du ciel obser-

valent les signes du ciel en cette façon-là, comme des

avertissements donnés par les dieux. Et le vrai Dieu

leur en donnait aussi quelquefois, commenous le pour-

rions montrer abondamment et par l'Écrilure etpar les

auteurs profanes.

Les Mages, à Babylone, étaient augures du ciel et

prêtres du soleil, ainsi que de la milice céleste, comme

parle l'Écriture. Ils y étaient en vénération, comme per-

sonues alliées des dieux. On les appelait Sapientes à

cause de leur science divine. Tels furent les Mages de

la Crèche, Cette appellation n'était pas si vénérable en

Page 387: Condren - Oratorien

384 DISCOURS

Egypte, où on l'appliquait aux personnes consacrées

aux dieux d'en bas, Düs inferis, bien moins en considé-

ration que les dieux célestes Düs superis. Ils consul-

taient les Mâues sur l'avenir et ceux qui se servaient

de maléfices et autres choses odieuses pour se les con-

cilier, étaient réputés vils, et on les méprisait comme

on fait les sorciers maintenant. Les Mages de Pharaon

(Ex. 7. 11.) étaient de ce genre. On n'appelait point ces

gens-là, à Babylone, Mages ou sages, mais on leur

donnait un nom de mépris.

Toutes ces choses nous font voir quelle grande diffé-

rence il y avait entre les augures du ciel et les astrolo-

gues. L'art d'augurer était une religion profane et ido-

latre l'Astrologie est une science naturelle dépendante

de la physique. Les augures devinent sur les signes qui

leur apparaissent dans le ciel, ou en l'air, de la part des

dieux; etles astrologues jugent des effets parleurs cau-

ses naturelles. Ceux-là étaient instruits et dirigés par

l'esprit malin auquel ils étaient consacrés par les su-

perstitions profanes de la Gentilité pour apprendre ses

volontés, qu'ils appelaient les conseils des dieux, par les

auspices et autres augures qu'ils remarquaient au ciel;

tandis que les astrologues, dirigés par la raison que

Dieu a donnée à fhomme, considèrent la nature des

astre; qu'il a créés pour la conservation, la générationet la corruption des choses d'ici-bas et en prédisent

quelques effets; parcequ'ils savent l'ordre de leurs mou-

vements et quelle sera leur situation au ciel et leur in-

fluence sur la terre. On ne peut croire à ceux-là sans

adhérer à l'esprit malin et prendre part à leur religion

impie; tandis qu'on ne peut refuser de croire à ceux-ci

en plusieurs choses sans désavouer la raison et nier la

vertu que Dieu a donnée à ses créatures, comme une

ombre de la sienne que nous y devons reconnaître.

Page 388: Condren - Oratorien

SURL ASTROLOGIE. 385

17

En tous les autres lieuxde l'Écriture-Sainte, et même

en celui-ci, si l'on prend garde au verset précédent,

les augures sont une espèce de devins et enchanteurs

qui prédisent, par l'inspiration de l'esprit malin sur

les signes qui leur apparaissent; et sans cette inspiration

leur art ne leur suffirait pas. Or, c'est bien différent avec

la science des astres dans laquelle l'inspiration ne sert

de rien, puisqu'elle repose sur des lois invariables. Les

Babyloniens avaient beaucoup de confiance aux augu-

res, même pour la conduite de leurs affaires politiques

comme toutes les autres nations d'alors auxquelles

cette impiété, née comme les autres, de la tour de

Babel, s'était communiquée. Moïse dit -que ce fut un

des sujets de la colère de Dieu sur les peuples de Cha-

naan, qu'il extermina pour donner leur terre aux en-

fants d'Israël. (Deut. 8.) Les histoires sacrées nous rap-

portent que cette idolâtrie s'est renouvelée souvent

parmi eux. Les Prophètes les en reprennent continuel-

lement. Isaie, 2. 6 dit Projecisli enim populum taum.

demum Jacob quia repleti sunt ut olim et augures habue-

runt ut Philisthüm. Tous les peuples d'alentour étaient

remplis de ces divinations les Ëgyptieus, les Syrienc,

les Tyriens les Sidoniens, et autres peuples de l'Asie.

On pourrait citer un grand nombre de textes de l'Écri-

tnre touchant la croyance de ces peuples aux augures.

Cette superstition passa en Europe avant l'époque de la

guerre de Troie. Les plus anciennes fables et les histoires

des Grecs en sont remplies. Rome fut bâtie sur l'augure de

douze vautours que vitRomulns son fondateur; etcettc

puissante république devint si engouée de cette supers-

tition, que c'était un crime punissable de mort, même à

ses premiers magistrats, de ne pas croire un augure.

Voici comment s'expriment les lois des douze Tables

Page 389: Condren - Oratorien

386 Discours

qui étafent les plus saintes chez elle Quaque auguri in-

jiuta, nefasta vitiosa dirave dixeril. irrita infestaquesunto: quique non paruerit, capitale esto. Les Romains

qui souvent déposé des consuls qui étaient la pre-

mière puissance de l'Etat, sur de très-légers augures.

Ils n'entreprenaient aucune guerre, et ne faisaient au-

cun affaire importante, sans les consulter. Toutes ces

divinations augurales étaient réduites en une forme'de

religion réglée les livres en étaient soigneusement cons

servés par les pontifes longtemps avant que Rome fût

bâtie. Un démon parut en Italie dans la campagne de

Florence, sous la forme d'un nain sortant de terre qui

se nomma Thages et disparut quelques heures après

dès qu'il eut donné en art et en forme de religion réglée

les préceptes de cette divination aux Étrusques qui s'y

trouvaient, lesquels y ont excellé depuis entre tous les

peuples de l'Italie, comme ils ont excellé aussi dans la

divinations par l'inspection des entrailles des victimes,

qup le même monstre leur enseigna aussi. Les livres des

Étrusques, si souvent cités dans t'histoire romaine et

par les auteurs latins, ont pris leur origine de ce fan-

tôme. Stace ( Theb.l. 8. ) en décrivant deux augures

qui font leurs sacrifices, leurs prières accoutumées et

leurs invocations des dieux, appelle par quatre fois

celte divination des oiseaux, augures par le ciel. et deux

fois, par les astres. Dans une seule description et. eu. as-

sez pea de vers, et sur la fin, il fait dire à l'augure qu'il

n'a jamais va les astres si contraires que cette fois-là

encore qu'il n'eût observé que le vol des oiseaux aprèsle lever du soleil, et qu'il n'eût point vu d'astres que

dans la distribution artificielle qu'ils en faisaient avec

leur verge augurale par les douze temples du ciel, sui-

vant les règles de leur superstitions et !inspiration des

Page 390: Condren - Oratorien

SUR L'ASTROLOGIE.387

17.

démoas, joignant l'invocation de ces dieux célestes aveé

leurs prières ordinaires, afin qu'ils se rendissent pré-

sents, q-u'ils occupassent les temples qui leur étaient dé-

signés et leur donnassent des signes de t'avenir. Cette,

figure imaginaire était le fondement principal de leur.

divinations car ce devrait être aux astres à inspirer les

oiseaux et à les conduire à leurs augures. C'est

pourquoi ils observaient sous quel astre ainsi posé pap

cette conduite secrète qu'ils estimaient prophétique, les

oiseaux leur paraissaient: pour cette raison le poète

appelle les augures des oiseaux augures des astres.

Ire tamen vacuosquesedetpetere omlnacrelo,de prier Eelidessolita precenumenamicat.

Juppiter omnipotens,napftepernlcibusalisAddereconsilium,volucresquelmplerefuturiOminaque et causascœ/odeferrelatentei

Accipimus.Venturumquesinasœlo prænoselaborem.Signa seras lmvusquetones.Tuneomnislnastris

Consonetarcana volucriabonamarmara lingua.

Postquamrite diapartiti sidera, cunctas

Perlegereanimis oculisquesequacibusauras.Sedsimilernonantemelus aut astra notavi

Prodigiosa magis, trépidossicmolefuturiCanetaqaejam reram certa sub imaginépassosTerror habetvates.Piget lrraplasevolnntam

Concilia et calomentemincesrtassevdantl

Ceux qui prendront la peine de lire le passage en entier

eu tireront plus de lumière. Ils verront que les augures

étaient des prêtres et prophètes inspirés ou inspirités de

leurs dieux que par leurs prières et leurs sacrifices ils

se les rendaient favorables et les portaient à leur don-

ner des augures qu'ils usaient de vêtements sacrés.

Ils trouveront presque tout ce que nous en avons déjà

dit sans qu'ils aient besoin de le chercher ailleurs: Les

Grecs étaient aussi adonnés à la même superstition. Les

Page 391: Condren - Oratorien

383 DISCOURS

Babyloniens en avaient été les premiers mattres et nous

ne rencontrons chez les autres peuples qu'une imitation

de leur religion à l'égard des astres qu'ils consultaient

par les signes du ciel et de l'air, parmi lesquels étaient

comprisle vol, le chantet les combatsdesoiseaux.ilsy étaientplusattachésquelesautrespeuples commeonpeutle voirparplusieurslieuxdel'Éciilure-Sainteet desauteursprofanes.C'estd'ailleursunfaitnotoirequeconnaissenttrès-bienceuxquisontversésdanslalecturedesanciens,et quisesontappliquésàl'éludedeleurs,superstitions,

Quelques-unsapportentcontrel'Astrologielefaitin-séréauxActes19.19,oul'onvoitlesÉphésiens,conver-tis à lasuited'undiscours'deS. Paul,brùlerleurs!i-vres maisc'estsansfondementqu'onlessupposedeslivresd'Astrologiecarletexten'enditrien.Multiau-temexeisquifueranlcuriosaseclati,contuleruntlibrosetcombussetantcoramomnibus;et computatispretiis illo-ran. inveneruntpecuniamdenariorumquinquagintamil-liam.LeGrecporteinutilia,quiestletermeordinairedel'Écriturepoursignifierlesidoleset lessuperstitionsquilesregardent,Cequinousmontrequecepassagedoits'entendredeslivresdeleurssuperstitions,deleursmystèresreligieux,deleursnombreusesdivinationsparlesastres, parles.éléments,par lesmorts parleshosties,par lesbêtes, parles dieuxsupérieurset.

parlesdieuxinférieurs;cequicomprendl'Astrologiedivinatricequifaisaitpartiedéleurreligionetnonl'Astrologienaturelle.Éphèseétaitunevilleassezrué-diocre,quin'ajamaisétérenomméeenfaitdesciencepour yavoirtantdelivresdephilosophiedescieux,etoùceuxquisefirentchrétiens,pauvreset enpetit nom-bre, encomparaisondeceuxquirestèrentidolâtres.

Page 392: Condren - Oratorien

stm L’ASTROLOGIE.389

comme on le voit par la suite du chapitre n’auraient

.pas.pa avoir pour cinquante mille écus de livres qui

feraient à peine les 50000 deniers de ce temps-là. Mais

en fait d’idolâtrie et de superstitions elle était la plus

renommée de toute l’Asie Mineure, -après cette de Del-

phes, à cause, de l’oracle de la.Lune qui y était. Cela

était à Lei point qu’elle était inondée de livres pleins des

mystères et des secrets de leurs idolâtries, de leurs ora-

cles, de leurs divinations et des moyens de servir et

consulter les dieax; et comme on ornait et on enrichis-

sait extrêmement ces livres de religion et qu’on les ven-

dait cher, le prix que l’Écriture rapporte ne doit pas pa-

raître excessif. La Bulle du Pape Sixte V dit qu’il est croya-

ble que la plupart de ces livres étaient d’Astrologie mais

cela doit s’entendre de l'astrologie superstitieuse et au-

gurale, comme nous avons dit car-il est croyable qu’enla ville d’Éphèse, la pas idolâtre de la Lune qui fût au

monde, la plupart des livres religieux traitàienides mys-

tères, des secrets, des oracles, des prédictions des

signes, des cérémonies du cuite de laLuhe, et des moyens

de révérer et consulter cet astre principalement, qui est

leur Diane, et ensuite les autres: autrement le prix dé

la vente susdite serait improbable. Je ne vois point d'au-

tres passages de l'Écriture-cités contre l’Astrologie.Dans les Conciles, je ne trouve qu'un canon du pre-

mier de Tolède qui semble la proscrire Si quis Ma-

thesi, vel Astrologica putat esse credendum anathema sit.

Mais telle n'est pas pourtant t'intentioa du concile. Car

évidemment il fie veut pas dire anathême à ceux qui

croiront les principes et les démoostrations mathémati-

ques par exemple que le tout est plus grand que sa

partie; que tout triangle est égal deux angles droits

que le soleil a plus de puissance au Bélier qu’à la

Page 393: Condren - Oratorien

390 DISCOURS

ce mais bien à ceux qui y croiront superstitieusement

M par religion, comme les Babyloniens, les Ephésiens.

qui servaient les astres et les consultaient comme des

dieux. C'est lear théologie mystique et cabalistique ap-

pelée aussi astrologie, que le concile réprouve et c’est

dans ce même sens qu'elle condamne les mathémati-

ques, ou la science des nombres superstitieux. Depuis

l'ère chrétienne, cette erreur s’est maintenue longtemps,

surtout en Espagne, où le paganisme a dominé tant de

siècles et où les Maures ont été en grand nombre presque

jusqu'à présent. Le concile a pris le terme credendum

pour une croyance religieuse. Chacun connaît la diffé-

rence qui existe entre croire et savoir. Les astrologues,

qui sont philosophes, ne croient point religieusement

aux Mathématiques ni à l'Astrologie, mais ils en exa-

minent les principes ils en jugent et s'en rendent mal-

tres et loin de s'y assujettir et d'y captiver leur esprit

comme sous le joug d'une religion ils en disputent en

toute liberté. Le canon du concile ayant mis la Mathéma-

tique avant l'Astrologie, montreassezqu'ilneveutpas être

entendu autrement car son intention n'est pas de con-

damner Euclide et Archimède, ni.la géométrie, ni l'arith-

métique, mais seulement la Mathématique superstitieuse

qu'on faisait servir à la divination aux enchantements

et à la magie noire, comme on fait encore à présent.

C'est pourquoi le concile la nomme la première, car son

usage est plus étendu en fait de divination que celui

de l'Astrologie, auquel il servait d’introduction et était

indispensable. C'est pourquoi aussi les Saints Pères ap-

pellent ces astrologues mathématiciens; car ils se ser-

vaient, pour deviner et prédire, autant des nombres

que des astres; et que depuis que l’idolâtrie, chassée

par l’Evangile, fit place à la divinatioa diabolique, on

Page 394: Condren - Oratorien

SUR L’ASTROLOGIE.391

se servait de la Mathématique pour deviner ou avec les

astres ou sans les astres.

C’est cette Mathématique où se mêlaient les démons

que le concile anathématise il en est ainsi del’Astrologie.

Le Droit Canon et les Saints Pères en plusieurs lieux

de leurs écrits, blâment l’Astrologie mais c'est uni-

quement quand elle est divinatoire ou paienne, ou hé-

rétique quand elle impose une fatalité à Dieu; quand elle

intéresse 'le franc arbitre et qu'elle juge des choses

contingentes. Toutes ces erreurs ne sont point de la

science de l'Astrologie, mais des restes de l’idolâtrie et

toutes les autres sciences, au commencement de l'É-

glise, ont laissé quelques vestiges de la gentilité à

cause de la conversion plus ou moins imparfaite des

philosophes. La nouvelle académie est demeurée mé-

fée de beaucoup d'alliance avec les démons et de ma-

ximes d’union, de perfection et de purification qui y

tendent. La physique est restée entachée de plusieurs

propositions contre la liberté de Dieu sa toute-puis-

sance, sou omni-présence son indépendance ainsi

que contre la spiritualité et l'immortalité de l'ânie et

de plusieurs ensoiguements erronés sur la vertu oc-

culte des plantes des animaux et des minéraux. On la

voit traitée encore à présent de cette sorte. Les hérésies

de Manès étaient une corruption de toute cette science.

Les mathématiques ont été déshonorées longtemps par

la superstition des nombres, des figures et des images.

Les philosophes impies y coulaient plusieurs théorèmes

pour fondeur leurs superstitions, l’invocation des démons

et léurs maléfices. L'algèbre et l'optique ont été fort sus-

pectes peudant plusieurs siècles. La morale était toute

pleine de superstitions de faux enseignements et de

fausses vertus. Toutes ces choses faisaient haïr univer-

Page 395: Condren - Oratorien

392 DISCOURS.

sellementla.philosophieauxpremierschrétiens.LesPèresl'ontblàméeencoreplussouventquel'Astrc!ogie,etavecplusdefondement,àcausedumalqu'ellefaisaità l'Égliseetà l’Écriture-Saintecarl’Apôtreles avaitavertisdenes'ypaslaissertromper.Il neditpaspour-tantquelaphilosophiesoitmauvaise,maisqu'onpeuts'enservirpournoustromper.C'està I-'ÉglisedeDieudediscernerleserreursquisontdansla sciencehu-maine.Elle-estdanslachairedevérité,nonpourjugerdesscienceshumaines,quinesontpasdignesd'elle,carelleestl'écoleduciel; maispourenseignerlasciencede Dieuet rendresesoracles.La foiest sa doctrineetsaphilosophieellenedoitavoirà la bouchequelaparoleetlesenseignementsdesonÉpoux.

L'infaillibilitéluiestdonnéepourlafoietlesmœurs,pourcequiregardel'honneurdeDieuetlasanctifica-tiondesâmes.Ellelaisseà la disputedeshommeslemondeetlaphilosophiequeDieuadonnéeauxenfantsd'Adam,quilapréfèrentà sonamouretàsonserviceHancoccupationempessimamdeditDeusfiliishominumut

occuparenturinea( Eccl.l.15); parcequ'ilsnesontpasdignesd'enavoirunemeilleure,etquecelle-làpeutlesdétournerd'unepire.Maisl'Églisen'estpointdecesiè-cle; Dieuestsonmonde,sonobjetet sonoccupationavecJésus-Christ.Sascienceet sa lumièrele regar-dent,etpourl’amourdeluielleveilletoujourssurles

espritset lessciencesdeshommes,afindelespurifierdeleurserreurs,quandilssontcontrela vérité,dontledépôtluia étéconfiéjusqu'àla findes temps.C'estainsiqu'elleapurgél'Astrologiedeserreursdelagen-til;té, condamnéentreautresla fatalitéquequelquesastrologuesattribuaientauxastres,oulanécessitéqueceux-ciimposaientpar leursinfluencesà Dieumême

Page 396: Condren - Oratorien

SUR L’ASTROLOGIE. 393

dans ses rapports avec ses créatures. Telle était l’erreur

de plusieurs anciens philosophes, et même, selon quel-

ques-uns, d'Aristote ils croyaient que la première

cause agissait par une nécessité naturelle et par subor-

dination aux causes secondes, nommées fatum. L’Eglise

ne doit pas souffrir que cette injure soit faite à Dieu. Il

a créé le monde, non de toute éternité, comme le di-

sent certains philosophes mais quand il a voulu, par

sa pure bonté sans uêcessité-et sans accroissement de

félicité pour lui et il le gouverne avec la même indé-

pendance. Les causes, soit célestes, soit terrestres soit

supérieures, soit inférieures, suit visibles, soit invisibles,

ne peuvent rien sans. son concours. Quand il lui plait,

clles sont sans puissance, et parfois il arrête letirs effets

les plus ordinaires. Partant, puisque la liberté du gou-

vernement du monde est essentielle à Dieu c'est une

espèce d'athéisme de joindre cette erreur à la science

des astres. Si l'on veut dire que, dès le commencement,

Dieu a mesuré leur cours avec une telle providence et

si bien choisi l'ordre de leurs mouvements selon sa vu-

lonté qu'elle s'exécute effectivement toujours par la

vertu des astres d'une manière exclusive, on erre encore

contre la vérité historique de la foi qui nous apprend

que Dieu a fait, et qu'il fait quand il veut par lui-

même, et sans leurs secours, une infinité de choses

qa'il en empêche également d'autres, passant par-des-

sus l'ordre' de la création et même en faisant tout le

contraire. Si la philosophie d'Aristote a dit avec raison

qu'il faut, pour la perfection de l'univers, qu’il y ait

des monstres contre l'ordre ordinaire combien plus

nécessaire est-il que le Dieu Au monde se fasse connat-

ire par-dessus le, monde, et qu'il apprenne aux hom-

mes que quoiqu'il ait créé le monde et posé ses ordres

Page 397: Condren - Oratorien

3g4DISCOURS

avec une sagesse infinie, il peut toujours, par un nouvel

ordre de sagesse plus relevé, produire des effets nou-

veaux ? Ne le doit-il mêmepas à sa gloire et à sa grandeur?

L’Église comme Épouse de Dieu, est aussi mère et

tutrice de ses enfants: et comme elle doit être zélée

pour son honneur et ne point souffrir sur la terre de

doctrine qui lui soit injurieuse elle doit aussi pour

l'amour de lui, conserver la liberté de ses enfants et

condamner l'erreur des mathématiciens infidèles et

païens, dontles nns, faisant des dieux des astres leur

donnaient une influence directe sur les^ âmes, et con-

séquemment sur la liberté et les actions des hommes

les plus libres et dont les autres, étant mauvais philo-

sophes, croyaient l'àme une substance corporelle desti-

tuée de liberté et pleinement assujettie aux causes na-

turelles du ciel et de la terre. Elle condamne les uns et

les autres comme coupables d'une erreur qui en dé-

truisant la liberté détruit la religion et même toute

police civile; qui justifie les pécheurs qui ôte le mé-

rite aux justes qui rend les étoiles coupables des cri-

mes, et condamne les lois qui punissent les criminels

puisqu'il n'y a de coupables que les astres, ou plutôt

que Dieu, qui leur a donné cette vertu sur les hommes.

C'est pourquoi les Saints Pères condamnent cette Astro-

logie infidèle et blasphématrice mais ils n'atteignent

point l'astrologie naturelle, qui n'a rien de cette erreur.

Les prédictions des choses contingentes par les astres

ont été aussi prohibées par la Bulle de Sixte V contre

les astrologues, dans laquelle il condamne facientes

judicia et nativitates hominum quibus de futuris contin-

gentibus suceeasibus affirmare audent etiam si itou certo

se id aflirmare asserant car la vraie Astrologie ne doit

prédire que les effets qui sont naturellement causés par

Page 398: Condren - Oratorien

SUR L’ASTROLOGIE.395

les astres et nou tes choses contingentes. D'où il suit

que les paroles de cette Bulle sont plutôt po-ur, que con-

tre l'astrologie naturelle car il paraît par là que l'E-

glise ne condamne'ceux qui dressent les nativités des

enfants c'est-à-dire des figures de la constitution du

ciel et des astres, au moment où les enfants naissent

qu’au cas qu’ils veuillent juger par là des choses con-

tingentes qaileur arriveront, ce que la vraie Astrologie

ne prétend jamais car elle ne juge que des effets des

astres, et les choses contingentes ne peuvent l’être

puisqu’elles ne sont contingentes que parce qu'elles

n'ont point de cause naturelle ni propre, mais seule-

ment la rencontre fortuite de plusieurs causes, et si les

astres étaient leur canse naturelle, elles ne seraient

pas contingentes. C'est pourquoi la vérité de cette Bulle

est infaillible car si tes astres sont cause de quelque

effet que les hommes croient contingent parce qu'ils

n'en connaissent pas la cause naturelle, les paroles de

la Bulle n'en blâment pas la prédiction; car, dans le

fait, il ne sera point contingent puisqu'il a sa cause

propre et naturelle, bien qu'elle soit cachée aux hommes.

L’Église n'est point établie pour décider des sciences

humaines, et l'infaillibilité lui est réser,vée pour la foi

et les mœurs qui conservent l’honneur de Dieu et la

sanctification des âmes. Elle ne décide point en parti-

culier si tel effet est contingent ou noh c'est une ques-

tion de fait qu’elle laisse à la dispute des hommes mais

elle condamne ceux qui ôtent à Dieu la direction im-

médiate des choses contingentes que la foi et la raison

enseignent déprendre de la première cause. Aristote

méme va jusqu'aux premières pensées des hommes

qu'il dit être a bona fortuna; reconnaissant que les con-

séquences peuvcnt bien venir de la bouté de l'esprit

Page 399: Condren - Oratorien

396 DISCOURS

dansle raisonnement,maisquela premièrepenséenousvientd'ailleurs.Ainsi!'Église,encondamnantlesprédictions,par lesastres deschosesquisontvrai-mentcontingentesetfortuites fait sonofHcesur laterre,et ne s'éloignepointde la commissionsaintequ'ellea deDieudeconserverla foietle respectquiluiestdù,etdenepassouffrirqu'ilyaituneautrefor-tunequirapprocheleschosesquin'ontpointde rap-portentreelles,niuneautremainquifasserencontrerleschosesquelapuissancedeDieuseule,et nonunecausenaturelle,réunit.Cettevériténousobligede re-connaîtrequeDieuestlaseulecausedesaccidentsfor-tuits,etdene pointdu toutattribuerauxastrescettecausalité.Leshommess'y peuventtromper,prtnantquelquefoispourcontinrentcequinel'eslpas,ouaucon-traire c'estpourquoidanscetteincertitude,lesastrolo-guesnedoiventpasprésumerdeprédirelescasdouteuxpourceuxqu'ilsregardentcommene l'étantpas ilspeuventenjugerparleurscausesnaturellesou véri-tablesouprétendues,avecledegrédeprobabilitéqu'ilspensentenavoir.

Laquatrièmeerreurquel'Églisecondamneconsistedansladivination,lesenchantementset touteslesespè-cesdemagiequelesespritsimpieset idolâtresousé-duitsparla malicedesdémonsontvoulujoindreàl'Astrologie.Cesobservancessontenpartiedesrestesdupaganisme,etenpartiedessemencesdemalédictionquel'hommeennemidel'Évangilea surseméesdanslechampduSeigneur,pourétoufferlebongrain,etcacherlesfleurset lesfruits quisontles.véritésutilesqu'ilvoudraitouobscurcirparsesmensonges,ounelaisserallerqu'enleurcompagnie,et ainsiconfondrelalumièreavecles ténèbres et lesenvelopperdansunemême

Page 400: Condren - Oratorien

sur L’ASTROLOGIE.399

condamnation. Mais l'Êglise conduite par le St-Esprit,ne se laisse pas surprendre; elle condamne l'erreur et

conserve la vérité.

Dans la religion des astres nous pouvons distinguer

quatre erreurs. La première consistait dans la croyance

que les astres étaient des dieux. La seconde dans le

oulte qu'on leur rendait. La troisième dans les connais-

sances que les hommes y puisaient pour leurs affaires,

par les augures et les divinations. La quatrième, dans le

secours qu'ils,en tiraient en les invoquant. La lumière

du christianisme a dissipé ces ténèbres, quant aux deux

premières; mais quant aux deux autres, vu qu'elles

n'étaient pas fondées seulement sur la divinité des astres,

mais sur leur causalité physique à l'égard des créatures

inférieures sur la croyance d'une certaine sympathie

naturelle entre les corps célestes ainsi que certains

nombres et quelques créatures, comme animaux plan-

tes, métaux, pierres, comme nous voyons entre l'étoile

du Mord, l'aimant et le fer, et sur certaines paroles qui,

par une secrète et réciproque conspiration naturelle les

disposait à donner des signes de l'avenir; certains astro-

logues, mauvais philosophes et fort ignorants en la

doctrine de J.-C., ont établi, surtout sur le dernier fon-

demeot, cent sortes de divinations et d'autres pratiques

diaboliques. Toutes les prédiettons par les astres où les

points de la Géomancie sont employés, tous les nombres

babyloniens, et autres de ce genre, toutes les autres

prédictions où il entre des figures, des caractères hé-

breux, grecs ou latins des paroles appliquées pu quel-

que autre cérémonie sont de ce genre, et condamnées

par l'Église. Elle défend, avec raison, sous peine d'ex-

communication, de s'en servir, puisque c'est adhérer à

l'esprit malin et s'éloigner de celui de Dieu. Il y a encore

Page 401: Condren - Oratorien

3§8 DISCOURS

plus de mal dans celles oü il faut tentr son esprit en

abstraction séparé de toute pensée et de tout raisonne-

ment, pour s'appliquer, commeau hazard à là-consi-

dération d'une constellation plutôt que d'une autre ou

pour dire ou faire quoi que ce soit servant à la divi-

nation car c'est manifestement donner lieu à l'inspi-

ration diabolique et deviner comme les Pythies du paga-

nisme, ou tomber, par une tromperie plus grande en-

core, dans l'erreur de Plotin, de Plutarque et autres.

qui Ont cru que les âmes de quelques hommes étaient

des dieux, et avaient un oracle secret (esprit familier)

pour annoncer l'avenir Le diable et les personnes qui

sont sous sa main ont inventé, et inventent tous les

jours mille autres sortes de divination, où les astres

se trouvent mêlés Il suffit de savoir que la vérité de la

foi ne doit souffrir que ce que Dieu a créé comme les

mouvements el les vertus des cieux, ainsi que la science

que l'homme en acquiert,

Lea figures que les astrologues dressent des douze

maisons et de toute la dispositions du ciel ne sont pas

à rejeter car elles ne sont qu'une carte du ciel et de la

disposition des corps célestes, où le démon ne peut rieu

changer et où l'astrologie vient étudier les places res-

pectives. La médecine spirituelle, dont Paracelse et quel-

ques autres ont écrit et l'art des maléfices par les as-

tres, sont fondées sur cette même croyance de sympa-thie prétendue que le son d'une cloche fondue sous

une telle constellation contraindra les démons de ve-

nir et de paraître; qu'un clou de tels métaux fondus

ensemble sous telle constellation enfoncé dans la

muraille d'une maison en chassera les rats et les sou-

ris, ou la préservera d'un mauvais air; qu'une médaille,

coulée à telle heure et pendue au cou sera un préser-

Page 402: Condren - Oratorien

SURL’ASTROLOGIE. 399

vatif de tout poison, on guérira dé telle maladie;

qu'une plante semée, ou cueillie ou replantée s1.IusteHe

eonstellation aura telle vertu. Or de telles croyances ne

peuvent être ai approuvées, ni condamnées universelle-

ment; car sans doute les astres peuvent, mais'non pas

tout. Il y a aussi quelque sympathie entre eux et quel-

ques créatures mais elle ne s'étend pas à toute sotte

d'effets et quoique l'aiguille aimantéè ue tienne à art-

cune étoile, ni à aucune partie du ciel, comme sa dé-

clinaison le montre elle est néanmoins l'exemple des

propriétés occultes, et sa vertu attractive, un argument

des sympathies naturelles entre deux natures. Pour ne

m’étendre pas à une longue discussion, qui ne serait

pas pourtant excessive, je me bornerai, vu les difûcul-

tés qui s'y rencontrent, à cinq règles, qui serviront, tant

dans la divination qu'eu toute autre pratique de la mu-

gie, à éviter la tromperie et la méchante.

La première, que les cieux et les astres, étant des cau-

ses physiques, n'ont directement d'influence que sur

les choses physiques ni nu peuvent avoir aucune ai-

liance ou sympathie avec les êtres d'une autre nature,

pour produire des mouvements ou tlés actions phy-

siqnes tellement que les nombres, les figures, les

caractères les paroles, les cérémonies, les signes quels

qu'ils puissent être, et tout ce qui est mathématique,

-métaphysique, ou moral, ne peut entrer en cette causa-

lité, soit en communiquant aux astres quelque vertu ex-

traordinaire, soit en appliquant celle qui leur est natu-

relle, ou en la déterminaut à quelque effet particulier,

soit en recevant l'impression de leur puissance, pour

agir après en leur vertu et comme instrument de leur

influence tellement que tous les effets qu'on peut en at-

tendre sont illusioa et tromperie.

Page 403: Condren - Oratorien

400 DISCOURS

La seconde, que les cieux et lesastres n’influent sur

les choses naturelles que selon leur nature, qu'ils pour-

ront fortifier on affaiblir, ou en sa totalité ou en ses par-

ties, avec ses facultés et propriétés, mais sans pouvoir

lui rien donner au-dessus. Ainsi les étoiles ne feront pas

qu'un lion soit plus qu'un lion, ni un homme plus qu'un

homme, ni un arbre plus qu'un arbre. Un cheval, né

soustelle constellation pourra bien être plus sain ou

plus maladif, plus léger ou plus pesant mais les astres

ne le feront ni voler, ni- parler ni être rien au-dessus

de son espèce. Ainsi en sera-t-il d'une plante, etc.

La troisième, que les cieux et les astres sont bien si

l'on veut les principales les plus dignes et les plus

puissantes causes de tontes les générations et corrup-

tions qui se font sur la terre mais qu'elles' ne sont pasles seules, que les défauts des autres ne peuvent pasêtre réparés par leur seule vertu Bonum ex integra,

causa, malum ex minimo defectu. La constitution cé-

leste ne peut jamais suppléer à l’imperfection de la vertu

séminale ni à l'indisposition du lieu, ni au défaut de

la matière, ni à l'absence des autres causes nécessaire-

ment concurrentes; pas plns que les antres causes ne

peuvent suppléer l'influence du ciel. Quand on sème

une plante, si la vertu de la semence est imparfaite si

le lieu n'est pas propre à la contenir et à la conserver

si l'air, ou l'agent qui doit l'ouvrir et lui donner le mon-

vementn'estpas appliqué; si la matière nécessaire ne s'y

rencontrepas,la production n'en sera point parfaite.et, à

quelque heure qu'on la puisse cueillir, les manquements

précédents demeureront toujours. La naissance d'un

animal, même d'un homme, si heureuse qu'elle soit,

ne réparera pas une conformation monstrueuse. ni un

tempérament ruiné. elle pourra bien influer sur les

Page 404: Condren - Oratorien

sur L’ASTROLOGIE. 401

indispositions corrigibles car le ctiangement d'air est

du genre de vie, et l'impression puissante du ciel au

moment de la naissance, prévalent sur tout autre agent

naturel mais ne peuvent pas au delà de leur nature.

La quatrième, que les causes célestes sont les plus

universelles de toute la nature et regardent en consé-

quence leurs effets très-universellement; elles sont dé-

terminées les uues par les autres, par ta concurrence de

toutes celles qui leur sont inférieures, et enlin par la

rencontre de la matière et de toutes les dispositions

qui s'y retrouvent.

La cinquième, que les cieux éta nt des corps physi-

ques n'ont intrinsèquement aucune vertu spirituelle ni

ne peuvent communiquer à quelque être que ce soit au-

cune influence qui ne soit matérielle car ils agissent

comme tous les agents physiques qui tirent leurs effets

de potentia materiœ ad actum. D'ailleurs ils n'ont d'eux-

mêmes aucune vertu ni sur les âmes, ni sur les démons.

Que Dieu ait tellement avili ces êtres infernaux que

non-seulement ils soient assujettis pour leur punition à

l'action du feu de l’enfer, mais encore aux influences

de la terre, de l'air, de l'eau, de la lune et des autres astres.

pour y trouver leur châtiment; que Dieu se serve de

tout l’univers, comme d'un instrument pour exercer,sa

justice sur eux qu'il ait déjà armé toutes les créatures

du zèle de cette justice (Sap. 5.18.), et les ait revêtues

de sa puissance pour tourmenter ces esprits rebelles à

leur Créateur, c'est une question de théologie qui ne

regarde point cette. matière, et sur laquelle on ne peut

rien fonder de tout ce que les enchanteurs préteu-

dent. Car bien que tes astres aient, commetoutes les

autres parties du monde;, une influence pénale sur les

damnés, ce n’est pas par une vertu naturelle; mais par

Page 405: Condren - Oratorien

402 DISCOURS

une puissance obédientielle qui soumet toute créature

à la disposition du Créateur, Dieu s'en sert justement

pour la punition de ceux qui ont injustement et injurieu-

sement usé de ses créatures contre lui. Il n'y a que rÉ-

glise qui puisse user de cette application pénale, comme

elle fait parfois dans les exorcismes car ce nest qu’à

elle que Dieu prête la main pour on effet si surnaturel.

Je ne m'étends pas davantage à démontrer ces cinq

règles elles sont tontes évidentes en philosophie natu-

relle. Bien entendues, elles suffiront pour discerner la

divination on la magie d'avec la Y le philosophie des

astres, et ne pas se laisser surprendre sous prétextede science, à l'artifice des malins esprits. Si donc, pour

prédire par les cieux ou pour en tirer quelque autre

effet on se sert de choses qui ne sont pas de nature

physique; si l'on en attend quelque effet qui soit par-dessus l'espèce ou la nature des choses si l'on prétenden user absolument, sans égard aux autres causes con-

currentes, puisqu'on ne peut juger de la cause à l’effet

que par la causalité tout entière; si l’on ne considère

qu'un seul astre, ou quelques-uns, et non tous, comme

ceux qui ne considèrent que les jours de la lune ou du

soleil; si l'on attribue quelquevertuspirituelle aux cieux,

on par eux à quelque autre Chose si l'on descend au

particulier ou à l'individu, que les astres ne notis peu-

vent montrer sans la connaissance de la détermination

de leur vertu'par les autres causes concurrentes il faut

se délier dans tous ces cas; car il.y aura ou du inen-

songe, Ou du hasard ou du mélange du démon. Je ne

crois pas pourtant que nous devions rejeter, ou tenir

pour séparés de la communion de i'Église, ceux qni

n’observeront pas ces règles en leurs prédictions, pourvu.

qu'ils ne fassent pas sciemment profession de divina-

Page 406: Condren - Oratorien

SUR L’ASTROLOGIE. 403

tion, ou qu'ils ne s'y livrent pas par une ignorance cou-

pable. Car ce n'est pas la foi qui nous les a données, ai

l'Église qui les autorisées; elles ne procèdent que de

la philosophie et de la raison humaine, qui n'est pas in-

faillible. Nous ignorons souvent les choses les plus fa-

ciles; et ce qu'autrefois nous avons tenu pour impossi-

ble, nous paraît facile en un autre temps. L'Église a

condamné la divination mais elle n'a pas déclaré en

quelles prédictions elle se rencontre,: il suffit donc de

la détester en son âme, et d'abhorrer toute ailiance

secrète ou manifeste, et toute communication visible et

invisible avec l'esprit malin, de ne juger de l'avenir

qu'avec des données naturelles et probables, pour n’en-

courir pas sa condamnation. C'est un crime de lèze-ma-

jesté divine pour les enfants de Dieu et ses sujets, d'être

d'intelligence, même indirectement, avec son ennemi

et c'est être ennemi de son propre salut d'écouter celui

qui nous veut perdre et d’entrer en société avec lui. C'est

pourquoi l'Épouse de Jésus-Christ doit averti rsesenfants

de ce précipice, autant en ce siècle que jamais. Car cet

art diabolique est encore si commun, que j'ai vu vendre

publiquement des almanachs, dont les figures estrono-

miques étaient dressées par sort contre l'ordre natu-

rel des cieux et toute la science de leurs mouvements.

L'Église succède au Fils de Dieu, qui a été envoyé sur

la terre, comme dit l’Apôtre S. Jean, ut dissolvat opera

diaboli elle continue sa missi0n en ce monde., en dé-

truisantle règuede Satan et y établissant celui de Dieu,

en retirant l’esprit malin de la conduite des hommes,

pourleur donner l'esprit de sanctification. C’est à l’E-

glise de reconnattre et de condamner le prince des té-

nèbres de découvrir et dè dissiper ses conseils, et

d'anéantir sa puissance ont la nature humaine, pour

Page 407: Condren - Oratorien

404 DISCOURS

établir et faire régner celle de J.-C Et commele diable

couvre souventdes choses naturelles, et cache son opé-

ration sous leur vertu apparente ou véritable, pour en-

trer en communication avec les hommes et les perdre,

quand il ne le peut ouvertement e'est à elle d’éclairer

ses enfants sur .une telle séduction par la lumière divine

de l’esprit qui la régit. Satan a voulu régner au ciel, et

pendant près de trois mille ans il s'est fait adorer de

mille façons sur la terre, sous le nomet l'apparence des

astres l'Eglise ne doit donc pas souffrir qu’il se cache

sous leur vertu ni qu'il s'autorise de la puissance que

les corps célestes ont sur ce bas monde. Les Anges l'ont

chassé du ciel c'est à elle de le bannir de la terre et de

la société des serviteurs de Dieu.

Mais, encore une fois condamner la divination par

les astres ce n'est pas condamner la connaissance oa-

turelle de la vertu des astres, ni la prescience qu'on peut

acquérir de leurs effets. Celle-ci est de Dieu, auteur de

leur nature, qui doit être connu et adoré en ses œuvres;

celie-là est du diable, séducwur des âmes, qui tache

de se déguiser et de couvrir sa malignité de l'appa-

rence des créatures. Malheureusement ta curiosité sur

l'avenir règne tellement dans les esprits, et les hommes

se laissent tellement emporter à l'intérêt de leurs affai-

res, qu'ils n'appréhendent point de s'engager à lui, pour

tirer, sur le futur, quelque lumière qui puisse leur ser-

vir. En cela, ils ne pèchent pas seulement contre Dieu

qui le défend, contre l’Église qui les avertit, contre la

société humaine que le diable veut brouiller et perdre,

contre eux-mêmes qui se damnent misérablement; mais

encore contre la raison et contre le propre intérêt qu'ils

recherchent. Car outre l'inclination et même la néces-

sité malheureuse que le diable a de les tromper et de

Page 408: Condren - Oratorien

SUR L’ASTROLOGIE. 405

les perdre et qui ne peut leur promettre que le mal de

sapart; il ne peut maintenantpresque rien dire de l’a-

venir; vu qu’il a la bouche fermée depuis La passionnu

Fits de Dieu, par laquelle il a perdu la principauté du

moude, qu'il avait obtenue par la victoire, sur le pre-

mier homme, et par un juste jugement de Dieu, qui

avait mis en sa main l'homme pécheur comme un cri-

minel dans celle du bourreau, et qui lui avait donué

pouvoir sur la terre, comme sur l’échafaud où il devait

être le ministre de sa colère et l'exécuteur de sa justice,

pour faireporter le joug du péché à ce siècle d'iniquité.

Et même il ne pouvait déjà plus faire parler ses oracles,

environ trente ou quarante ans avant la venue- du Mes-

sie, et il vit toutes les sortes de divinations, qu'il exer-

çait publiquement dans le monde, perdre leur crédit:

car Dieu commença alors dans.ce siècle de sa naissance

et de notre salut à regarder la terre d'un œil de miséri-

corde à dissiper l'esprit d'erreur qui séduisait ces peu-

ples et les entretenait dans la superstition et la croyance

des démons; et à restreindre, en faveur de son Fils,

cette puissance infernale qu; abusait les hommes. Tou-

tes les républiques commencèrent impunément, et avec

succès, à mépriser les auspices, dans leurs guerres et

leurs affaires publiques, comme n'y trouvant plus de

vérité tandis que celles qui les négligeaient auparavant

étaient sévèrement chatiées. Lesidoles ne parlaient plus

la Pythie de Delphes ne répondait plus comme jadis,

et tandis que quelques esprits supérieurs du, temps,

comme Cicéron, Plutarque, Sénéque s’en étonnent et

Lâchent d’en découvrir la raison, quelques autres s’en

moquent et finissent par mépriser leurs dieux. Ce n’est

donc pas seulement une impiété de rechercher la vé-

rité par le témoignage du diable, depuis la venue de

Page 409: Condren - Oratorien

406 DISCOURS

Jésus-Christ, puisque n'a plus la liberté de la dire aux

hommes ni la puissance de les conseiller et de les

gouverner mais encore une manie d'interroger celui

qui ne nous peut répondre; de demander ce qu'on ne

peut nous dire; de consulter un oracle mort, qui ne

peut revivre que par un nouveau jugement de Dieu qui,

en punition du péché de ceux qui cherchent la vérité

dans'la bouche du mensonge le remet en puissance de

lus séduire et les prive,du bienfait de la Rédemption

comme indignes d'y avoirpart, et dejouir de la délivrance

de la tyrannie de Satan qu'elle a méritée au monde-

Mais parce que, pour l'amour de son Fils, Dieu fait sou-

vent miséricorde à ceux qui le méritent le moins, et cela

dans l'acte de leur punition ou bien par la punition elle-

même, le diable n'a pas toujours pouvoir de venir à ceux

qui l'appellent, ni de répondre véritablement à ceux qui

le consultent, ni de tromper ceux qui l’invoquent et de se

les attacher comme il voudrait. Parfois même il est con-

traint, par la charité de Dieu envers les âmes rachetées

de son sang, d'épouvanter et de maltraiter ceux qu'il

voudrait Natter et séduire par une assistance simulée,

et de leur manifester sa méchanceté et sa misère et, en

les affligeant et les effrayant leur faire horreur malgré

lui au lieu de se les attirer par des promesses et des

prédictions. Et ainsi ce n'est pas rare qu'on ne puisse

de nos jours par les magiciens mêmes, tirer du diable

la vérité sur l'avenir ou quelque autre secours véritable.

C'est donc un plus grand malheur et un signe plus évi-

dent de malédiction de trouver, par son moyen ce que

l'ou cherche, que de ne le trouver pas car c'est une

marque qu'on est déchu non-seulement des priviléges

du christianisme, mais encore de l'affranchissement de

l'esclavage du monde et de Satan puisque Dieu, non-

Page 410: Condren - Oratorien

SUR L’ASTROLOGIE.407

obstant son bannissement, ntrnc princeps hujus mundi

ejicietur foras, lui redonne te pouvoir de régner sur

eux de les conduire et de leur répondre comme

leur oracle et leur Dieu.

Le diable peut connaître plusieurs choses à venir par

trois moyens, et les prédire aux hommes.

Le premier, c'est l'intelligence qu'il a conservée de la,

nature humaine et des causes naturelles, malgré. sa,

chute, Cette connaissance des choses naturelles supé-

rieures et inférieures, qu'il était destiné à régir, au cas

qu'il fût resté fidèle, lui donne une très grande pré-

voyance et bien qu'à cause de la liberté de conscience,

dé l'entremise des Anges et des ordres de Dieu, il ne

puisse prédire avec certitude tel ou tel événement, il

peut eu avoir des probabilités très-fortes etalors, s'en-

veloppantde termes vagues et ambigus, faire accroire

aux hommes qu'il connaît l'avenir. Au temps de la gen-

tililé, lorsque les Anges de paix pleuraient amèrement

(Is 33 7.) la séduction des hommes asservis au péché et

à la tyrannie, le démon en avait en effet une grande

connaissance. Mais depuis la Rédemption cette con-

naissance est bien diminuée car quoiqu'il ait con.

servétoutes ses facultés naturelles, il ne peut les ap-

pliquer comme auparavant à la nature humaine que

Dieu a honorée de sa Personne. Dieu le captive et le lie

lui-même et sa puissance, à l'égard de beaucoup de

choses. Les choses saintes, la grâce qui habite en plu-

sieurs personnes, le caractère du baptême communà

tous tes chrétiens l'aveuglent et l’entourent de ténù-

bres. Ainsi, au dire des SS. Pères, le mariage de la

Vierge cachait, uoa-seulemeat aux hommes mais en-

core au diable la conception virginale de J.-C. et cela

avec d'autant plus déraison, qu'en unissant la Viergeà Dieu comme son épouse, et la remplissant d'une grâce

Page 411: Condren - Oratorien

408 DISCOURS

très-éminente- il éblouissait le diable et l’empêchait

de s'appliquer à elle avec discernement. C'est là encore

la raison de son ignorance à fégard de J.-C., d'après

quelques docteurs: car il ne pouvait voir en lui ni la

privation de la subsistance humaine, ni la substitution

de la divine, ni plusieurs autres choses qui étaient

manifestées à quelques Saints dé la terre. Une seconde

raison de la diminution de la prévoyance diabolique

depuis la Rédemption, c'est que, tandis qu'avant le dia-

ble avait droit d'inspirer les hommes et de les appliquer

à ses volontés, jusqu'à faire suivre ses conseils par

esprit de religion la grâce de lui résister ne leur étant

pas encore généralement donnée depuis cet heureux

événement Cette grâce leur, a été accordée abondam-

ment, tellement qu'ils peuvent le mettre sous leurs

pieds et le mépriser. Une troisième raison encore c'est

que Dieu, ses Anges et ses Saints sont beaucoup plus

présents et actifs dans la conduite des hommes; et sur-

tout des Chrétiens. Enfin, c'est que les vertus surnatu-

relles, les pensées les intentions etles saintes disposi-

tions que la grâce communique aux hommes sont

inaccessibles au démon; parce que Dieu lui cache le

secret des cœurs qu'il possède et les effets intérieurs dé

la grâce.

Le second moyen par lequel le démon peut savoir

plusieurs choses futures, c'est la puissance qu'il a de

faire réussir souvent ses prédictions. Avant la venue du

Fils de Dieu, il était le prince du siècle et le maître de

la terrè quoique toujours sous la main de Dieu et

selon l’ordre que sa justice a posé dès le commence-

ment, que les bons Anges assisteraient et conduiraient

les Saints, tandis que te monde pécheur, comme cri-

minel et banni de l'ordre dé là lumière et de là grâce

Page 412: Condren - Oratorien

SURL'ASTROLOGIE. 409

18

serait sous sa direction et son gouvernement. Il était

le roi et même le Dieu, selon S. Paul aux Cor. 4, de

tous les peuples, excepté celui d'Israël, qui tombait en-

core souvent en sa puissance par l'idolâtrie. Dieu se

réservait peu de personnes et exemptait fort peu de

choses de cette malédiction universelle. Le démon pou-vait donc accomplir ses propres oracles; et quoiqu'ilsoit maintenant déchu de cette autorité, les hommes

déchoient aussi eux-mêmes si souvent par leurs péchésde l'exemption universelle qui leur est acquise par

J.-C., qu'ils méritent que Dieu les remette en sa puis-

sance, et qu'il sache en partie ce qu'il peut sur eux

quoique non avec certitude, parce qu'ils sont toujours,

tant qu'ils vivent, en état de recevoir miséricorde parJésus-Christ.

Le troisième moyen et le plus assuré, par lequel le

démon connaît l'avenir, c'est la connaissance que Dieu

lui donne de ses jugements et la mission qu'il lui

confie de les exécuter par lui ou par les siens. C'est ainsi

que le bourreau a connaissance des exécutions futures,

par la communication des sentences du Parlement.

Ainsi, comme il est l'ange de malédiction et l'exécuteur

des arrêts que Dieu prononce sur les enfants de perdi-

tioh, et le ministre de sa colère, qui, avant la Rédemp-

tion, s'étendait sur toute la terre et presque sur tous

les hommes, il savait très-certainement beaucoup de

choses par l'ordre de la justice divine. Et même à pré-

sent, nonobstant le salut que le Fils de Dieu nous a

apporté, Il ne laisse pas d'être le ministre des jugement

divins sur la plupart des hommes qui le méritent par

leurs péchés, et ainsi il connaît souvent ce qui leur

doit arriver. Cet esprit de mensonge qui alla tromper

le roi Achab et les 400 prophètes, pour le faire mourir

Page 413: Condren - Oratorien

490DISCOURS

dans la bataille de Ramoth Galaad, connut l'avenir de

la sorte par le juste jugement de Dieu qui- lui avait été

manifesté par Dieu même, et à l'exécution duquel.il

avait reçu ordre de servir, comme il est rapporté au

dernier eh. du 3 liv. des Rois, 20 et suivants. Dieu vou-

lut que ce roi injuste, qui, au lieu de faire ustice, avait

comme mis le mensonge à la bouche des faux témoins

qui avaient déposé contre le pauvre Naboth pour le faire

mourir, trouvât, pour sa propre perte le mensonge

dans la bouche des prophètes et qu'en punilion de ee

qu'il avait souffert que le nom de Dieu fût profané en

ce faux témoignage public et employé à la mort d'un

innocent, le nom et le témoignage de Dieu fût aussi

faussement employé par ses prophètes pour le, conduire

à la mort.

J'ai rapporté ces trois moyens par lesquels fe diable

peut avoir quelque pressentiment des choses à venir

pour faire voir qu'il en a eu autrefois une plus grande

connaissance et plus de liberté d'en user. De sorte qu'ie

n'y a pas à s'étonner que la divination, soit par,les

astres soit autrement, ait été, dans les siècles du pa-

ganisme, en grande considération. Mais pour à présent,

non-seulement, nous devons l'avoir en abomination,

parce qu'elle nous damne mais nous devons encore la

mépriser, parce que le diable n'a plus la puissance ni de

savoir l'avenir avec certitude, ni celle de dire toujours

cequ'il en sait, ou ce qu'il pense en savoir. D'ailleurs il est

plus à regretter d'apprendre de lui quelque chose, que

d'en être trompé: puisque c'est un signe qu'il est le

bourreau qui nous conduit ,la mort; que t'arrêt de

cotre supplice lui a déjà été remis qu,'il nous tient pris

dans ses piéges; qu'il estmattrede notre conduite, puis-

qu'il en sait les événements qu'enfin nous lui sommes

Page 414: Condren - Oratorien

SUR L'ASTROLOGIE. 4U 1

18.

abandonnés de Dieu, ce qui est le comble du malheur.

C'est donc une extrême folie de le consulter sur l'ave-

nir; c'est s'avouer criminel etsceller sa propre condam-

nation c'est se mettre soi-méme en la main du bour-

reau qui doit l'exécuter, puisqu'il ne peut ni parler ni

paraître, destitué qu'il est de tout pouvoir sans un nou-

vel arrêt de condamnation sur ceux qui le recherchent,et qui lui donne pouvoir sur eux. Du reste on ne peut

jamais savoir s'il dit la vérité, et par conséquent c'est

se perdre sans raison, puisqu'on demeure toujours dans

la même incertitude. C'est là certainement un grand

mal; cependant Dieu.le permet non-seulement pour la

punition de quelques-uns, mais encore pour que ceux qui

n'écoutent pas le St-Esprit, qui ferment leurs âmes à

l'inspiration de la foi qui ont de la peine à croire en

Dieu pour s'être trop éloignés de lui, et qui ne méritent

pas de ressentir aucune influence de son Esprit, con-

naissent au moins, par l'expérience de l'esprit malin

qu'il y a des diables, et un Dieu qui'captive leur mali-

ce, et empêche les effets funestes de leur inimitié con-

tre les hommes.

Ceci pourrait suffire pour régler les consciences et les

préserver d'erreur dans la science de l'Astrologie; mais

non pas pour faire connaître à fond le profit qu'on en

peut tirer, ou l'abus qu'on en peut faire, ainsi que

l'inutilité qu'on y doit éviter. Une intelligence plus pro-

fonde en est nécessaire nous la rechercherons dans

les vrais principes qui nous la doivent donner la foi

et la lumière des Écritures Saintes nous conduisant

toujours.

Il est certain que la connaissance des cieux et des

astres fut donnée de Dieu à l'homme dès le commen-

cement, aussi bien que celle des èléments, des plan-

Page 415: Condren - Oratorien

412 DISCOURS SUR L'ASTROLOGIE.

tes, des animaux des minéraux et de toutes les par-

ties de l'univers. et cela pour deux raisons. La première,

pour donner à l'homme le moyen de connaître parfaite-

ment Dieu de le louer, de l'adorer et de l'aimer; car

en cet état heureux d'innocence, tout le monde lui

était proposé comme une image toujours présente de

ses perfections, comme un souvenir dé sa présence,

comme un monument de sa grandeur et comme uu

Évangile où les créatures étaient autant de caractères

qui publiaient ses excellences tandis que la lumière

originelle, qui était en lui une participation surnatu-

relle de l'Esprit du Créateur qui avait orné et arrangé

toutes choses à sa gloire d'âne manière proportionnée

à la nature et en harmonie avec l'univers, lui faisait

comprendre à la première application de son esprit,

ce que chaque créature représentait de Dieu, tellement

qu'il ne pouvait s'arrêter.

(Là s'arrête le discours c'est-à-dire à rendroit où après

les sécheresses d une longue vérification des pièces, l'auteur

allait nousen dérouler les beautés.)

Page 416: Condren - Oratorien

TRAITÉ DES ÉQUIVOQUES.

(Fait, comme le précédent, à la demande de C. de Bichelieu.)

Sans une obligation très-parlicnlière, et un comman-

dement éxprès je n'eusse jamais entrepris de me faire

juge du mensonge, ni de me rendre arbitre entre ta

vérité, la sincérité et la simplicité car encore que la

décision des difficultés qui naissent ordinairement en-

tre ces trois vertus soit nécessaire à tous ceux qui veu-

lent traiter avec les hommes sans tomber en faute;

néanmoins les moyens d'accord les plus communs

les mieux reçus ont si peu de rapport à la simplicité

chrétienne, a la naïveté et à la sincérité que nous de-

vons avoir en nos paroles que je n'ose les proposer. En

donner d'autres quelque vraisemblance qu'ils puissent

avoir je ne puis le faire de ma propre autorité, et je

ne me résoudrais jamais à les exposer que par obéis-

sance, et ce ne serait qu'à des personnes assez éclai-

rées pour en juger, sans péril d'erreur.

Je vois trois fondements certains dans cette matière,

le premier, que le mensonge est un péché le second,

qu'il faut garder le secret qui nous est confié, et que

c'est une infidélité odieuse à Dieu et aux hommes d'y

manquer le troisième, qu'il y a des vérités dont la

connaissance est nuisible au prochain, parfois au pu-

blic, et quelquefois à nous, que la charité nous défend

de dévoiler, quoique nous en soyons requis. Nous de-

vons nous instruire des moyens que Dieu nous a laissés

de satisfaire à la charité et à la fidélltë, 'sanA tomber

dans le mensonge puisqu'il est certain qu'on ne peut

jamais être obligé au péché, et qu'en la conduite de

Page 417: Condren - Oratorien

414 TRAITÉ

Dieu nous avons toujours le moyen de ne l'offenser

point, que nous devous rechercher soigneusement.

On propose ordinairement ces trois moyens 1° Refu-

ser courageusement de répondre comme quelques

martyrs, à certaines interrogations. Il nous est défendu

de mentir, peut-on dire et il ne nous est pas permi,s

de vous le dire. Ou s'excuser civilement, si on le peut

et-c'est le premier moyen et le plus sincère; mais il

n'est pas universel, et parfois ce serait déclarer taci-

tement ce qu'on doit cacher.

9° Répondre adroitement une chose pour une autre

comme Gt S. Athanase aux soldats de l'empereur Julien

qui le voulaient prendre mais ce moyen n'est pas uni-

versel non plus puisqu'il n'y a que les esprits adroits

qui s'en puissent servir et encore ne le peuvent-ils

pas si les interrogations sont fort précises, et ceux qui

interrogent fort attentifs et méfiants.

3e Cacher la vérité sous quelque figure, dont les plus

communes sont les hyperboles, les iror.ies, les amphi-

bologies, les antiphrases, les équivoques car les doc-

teurs conviennent que les figures ne sont point péché

c,e qu'il faut entendre quand on en use comme on doit

ainsi que les lois du discours et la conversation le re-

quièrent. Car si elles sont forcées et contre l'ordre

que la raison prescrit, que l'usage autorise et que la

bonne foi peut souffrir, elles n'excusent pas la trom-

perie, mais elles ne font que la couvrir. Il faut, pour

être légitimes, qu'elles soient telles que cclui qui trom-

pe ne soit pas celui qui parle, mais celui qui écoute,

qui s'abuse lui-même, pour ne pas bien prendre le sens.

C'est pourquoi ce moyen est défectueux; car si les ligu-rea sont justes et raisonnables, elles ne surprendront

que les esprits qui, ne les entendant pas bien, s'y peu-

Page 418: Condren - Oratorien

nESÉQUIVOQUES. 4r5

Vént aisément méprendre et concevoir un sens éloigné

du naturel. Les autres, plus exercés, pénétreront la

vérité.qui leur devait être cachée, ou feront plus d'ins-

tance pour s'en éclaircir, s'ils se doutent de surprise

ou d'artifice. Si an contraire les figures sont si captieu

ses et artificieuses, qu'elles soient violentées et contre

nature, elles sont dès lors frauduleuses et ennemies de

Ja bonne foi, et ne peuvent justifier celui qui, d'ailleurs,

n'a pas droit de céler la vérité et quand même elles'

préserveraient toujours de toute fausseté celui qui s'en

sert trop librement, il ne laisserait pourtant pas d'être

coupable, puisque ceux qui approuvent le plus les équi-

voques avouent qu'on n'en doit pns user sans sujet et à

tout propos, et que la facilité trop grande de s'en sel-

vir est une véritable illusion, et une sorte dé dupliCité

odieuse aux hommes de bon sens; qu'elle est même

insupportable, contraire à la droite raison et bien sou-

vent à l'éqnité et à la justice que nous nous devons les

uns aux autres, parfois à la charité et presque toujours

à la simplicité chrétienne qu'elle détruirait enfin ta foi

publique et particulière, et même la société et ruine-

rait entièrement' la sincérité. D'ou nous devons con-

clure contre les Équivoques et autres figures sembla-

bles 1. quecellesqlli sont justes et selon l'usàge légitime

ne servent pris de beaucoup car elles sont faciles à

retonnaltre 2e que celles qui sont iniques et abusives

sont vicieuses d'elles-mêmes, et n'exemptent pas de

tromperie et de fausseté celui qui s'en sert indûment;

mais qu'elles lui font faire une nouvelle faute contre la

simplicitéet la sincérité 3° Que lors même qu'on a droit

de couvrir une vérité, les figures irrégulières et hors

d'usage ne laissent pas d'être une fante opposée à la

simplicité, puisque dé leur nature elles le sont ce que

Page 419: Condren - Oratorien

416 TRAITÉ

les âmes simples et amies de la vérité parfaite et sin-

cère ne souffrent pas volontiers;4° que, par conséquent,

elles sont non-seulement un travail inutile, mais nuisi-

ble à l'esprit qui s'en occupe qu'elles ne sont pas un

moyen an'iversel pour éviter le mensonge, puisque les

simples ne s'en peuvent pas bien servir, car il faut de

J'adresse pour les rencontrer à propos, et que les plus

subtils y échouent en plusieurs rencontres. En effet, si

on les interroge vivement sans répit et sans leur donner

le temps de répondre, ces figures ne se présenteront

pas si heureusement que l'esprit ne paraisse travailler

à les chercher, et ne laisse quelque soupçon de feinte à

ceux qui y voudront prendre garde. Il n'est pas croyable

qu'un moyen si défectueux soit celui que Dieu nous

laisse pour éviter le mensonge. et ne pas faire injure

à la vérité.

il faut donc chercher ailleurs les moyens de ne pas

offenser la vérité, quand la fidélité nous oblige de la

teitir secrète, sans offenser la simplicité car puisqu'il

est certain que les vraies vertus ne sont jamais en con-

tradiction, et qu'en leur souverain degré ou le degré

héroïque, elles sont toutes unies ensemble, l'observance

de l'une ne doit rien ôter à l'autre, ni lui faire violence,

mais contribuer plutôt à sa perfection.

Toute la difficulté vient de ce qu'on confond le men-

songe avec la fiction et qu'on comprend sous la notion

de ce péché odieux à Dieu et aux hommes ennemi ca-

pital de la droite raison et de la vérité divine et humai-

ne, et par conséquent de toute vertu, toutes les appa-

rences qui se peuvent donner légitimement sans violer

ni la justice, ni la charité, ni la simplicité, ni aucune

autre, vertu, et qui, en plusieurs rencontres, sont d'obli-

gation pour conserver la justice et obéir à la charité,

Page 420: Condren - Oratorien

DES ÉQUIVOQUES. 4'7

qui l'ordonne aïnsi sans sortir de la simplicité; puis-

que c'est sans rechercher des subtilités indignes du bon

sens et de la bonne foi; mais que c'est en suivant sim-

plementla justice, la charité et la fidélité, ontonte au-

tre vertu que l'esprit propose, et que la conscience ap-

prouve. Un peintre ne peut être blâmé s'il fait une image

si accomplie qu'elle trompe nos sens et soit prise pour

ce qu'elle représente en cela on loue plutôt la perfec-

tion de l'ouvrage et l'excellence de l'ouvrier. L'Ar-

change S. Michel semble être Dieu sur le mont Sinai,

et dit ces paroles « Je suis le Seigneur ton Dieu. » Jé-

sus-Christ se montre comme un pèleriu et quand les

disciples le veulent loger, il fait semblant d'aller plus

loin. LesÉcritures-Saintes sont pleines de pareilles fic-

tions que nous devons honorer, et que nous ne pouvons

reprendre. Mais pour qu'on n'abuse pas de cette vérité,

voici quelques règles.

Il n'est pas permis de feindre ou de donner des ap-

parences pour tromper personne, si ce u'est on pour

son bieu ou qu'on ait droit de le tromper, ou par une

plaisanterie licite et innocente, ou pour quelque autre

sujet. Pour son bien ainsi l'Archange Raphaël feignit

être de la tribu de Nephtali et tacba de le persuader à

Tobie en se nommant fils d'un certain Azarias, bien

qu'il en fût autrement. Et sur la fin du livre, il ne donua

pas d'autre raison de sa feinte sinon qu'il était bon de

garder le secret de Dieu. Quand on a droit de le trom-

per ainsi Judith abusa Holophernes, et le tua ainsi

Jacob fit croire à son père qu'il était son alné, parce

qu'il l'était de droit. Quand c'est récréation et que le

temps et le lieu s'y prétent car ce n'est pas toujours et

en toute occasion qu'on peut feindre de cette manière.

D'aillears il faut que cette fiction soit innocente. Il y a

Page 421: Condren - Oratorien

418 T1UITÉ

plusieurs sujets qui donnent droitde feindre, mais à con-

dition que ni la justice, ai la charité, ni les autres vertus

neseront pointlésées. La différence qu'on voudrait peut-

étreapporter entre les paroles et les actions, pour ce

qui est des fictions, serait sans fondement car les ac-

tions sont encore plus puissantes que les paroles, et

comme les péchés d'action sont les plus grands les

tromperies que l'on fait par action sont aussi les prin-

cipales. Si l'on ne pouvait mentir qu'en paroles, les

muets ne mentiraient pas en trompant par signes.

Pour Ôter toute espèce de doute là-dessus il faut sa-

tisfaire aux deux objections principales qu'apportent

ceux qui veulent que toute fiction de paroles soit un

mensonge. La première est tirée de l'Écriture-Sainte,

qu'ils trouvent condamner le mensonge absolument.

Mais on doit répondre qu'elle n'appelle pas mensonges

les Gctions justes et raisonnables dont nous avons parlé,

qu'elle ne les blâme jamais; mais qu'elle réprouve au

contraire celles qui sont illégitimes et pour l'ordiuaire

contraires à la justice ou à la charité ou à quelque au-

tre vertu. L'énumération des passages se pourrait abso-

lument faire mais elle serait trop longue. Ceux que les

auteurs citent communément sont dans l'Exode. Ainsi

on y lit 3 1 Non suscipies vocem mendacii, nec junges

manum tuam, ut pro impio dicas faisant lestinonium Le

terme de mensonge y est mis pour un faux témoignage.

Ainsi en est-il au v. 7 Non declinabis in judicium paupe-

ris, mendacium (ugies, insontem et justam non occides.

Tout de même encore, au Deut. 19. 18 Cumdiligentis-sime perscratantes invenerint, faljui?t iestem dixisse con-

tra (ratreni auam mendactum. Eccl. 7. 14 Noli narrare

mendacium adaersus fratrem laum neque in amicum si

militer, facias Noli velle mentiri omne mendacium; assidui-

Page 422: Condren - Oratorien

DES EQUIVOQUES.419

las enim iltius non est bona dans ces passages le men-

songe est pris pour une détraction, ou une calomnie,

on un faux témoignage. Aux Col. S.,9.Nolite mentiri invicem,

exspoliantes vos veterem hominem pour dire Ne vous

trompez pas les uns les autres. Bien souvent le men-

songe est pris pour la vanité et l'instabilité des choses

présentes (Pç. 4.) flt quid diligitis vanitatem et quoeritis

mendacium ? comme la vérité est prise pour la stabilité

de Dieu, de sa doctrine et de ses desseins ce qui. de-

manderait un long éclaircissement.

La secoude objection est tirée de la raison qui s'ap-

puye principalement sur trois chefs. Le premier est que

Dieu est la vérité même, à laquelle toute fiction est con-

traire. Ou y répond, que Dieu est non-seulement la pre-

rrrièro vérité, mais encore la vérité universelle et essen-

tielle, unique en son ordre et à laquelle rien ne peut

à proprement parler, être ni contraire ni pareil. Telle-

ment que l'objection suppose une équivoque captieuse.

Dieu aime pourtant la vérité en tant qu'elle estune ana-

logie de la sienne, et une perfection de l'homme qui

est son image à laquelle les fictions salutaires ne sont

pas contraires, pas plus que celles que Dieu lui-même

fait. Si l'on objecte Dieu est Dieu, et non pas l'homme

on répondra qu'il lui est plus impossible de faillir, qu'il

n'est défendu à l'homme de le faire, et que le mensonge

est bien plus contraire à sa 'divine perfection qu'à la

nôtre.

Le second est que l'homme doit la vérité à tout hom-

me. Mais nous répondons que cela doit s'entendre selon

la justice et la charité et autant que cet homme en est

capable, autant qu'il est digne de la recevoir et qu'elle

ne fait point de tort ni à celui qui le déclare ni à son

prochain car autrement il est aussi peu permis de dé-

Page 423: Condren - Oratorien

420 TRAITÉ DES ÉQUIVOQUES.

couvrir une vérité nuisible à un homme, que de donner

une épée à un furieux.

Le troisième, que nos paroles sont les signes naturels

de nos pensées, et que par conséquent, C'est un péché

contre nature, quand elles n'y sont pas conformes. Mais

la vérité est que les paroles sont des signes libres et vo-

lontaires de nos intentions plutôt que de nos pensées,

que la nature a données à l'homme et qu'elle a soumi-

ses à sa volonté pour en user selon la droite raison.

Car nous ne sommes pas obligés par la nature de nous

en servir pour dire nos pensées si notre volonté, réglée

par la loi de l'esprit ne s'y trouve pas obligée; mais

nous en faisons usage pour dire nos intentions. L’hom-

me a droit et il est tenu de se défendre lui-même, son

honneur ses biens le prochain et tout ce qui lui appar-

tient, et cela en paroles et en actions, tout de même

qu'il lui est défendu de nuire et en actions et en paroles.

Il ne lui est pas moins permis de se récréer, et de se

servir pour cela de ses paroles que de ses membres

et d'en donner, aux autres la récréation qui leur peut

être nécessaire en quoi, cependant, il faut toujours

pencher du côté de la vérité.

Page 424: Condren - Oratorien

TABLE.

APPROBATlONde Mgr l'Évêque de Marseille Page 5

DÉDICACE. 7

PRÉFACE. 11

IDÉE DU SACERDOCE ET DU SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST.

PREMIÈRE PARTIE.

DU SACERDOCE DE JÉSUS-CHRIT.

CHAPITREI. Du dessein de Dieu dans la réconciliation des

hommes, et des qualités du Prêtre qui en a dû

être le Médiateur. 19

CHAPITREIl. Que Jésus-Christ est Prêtre selon l'ordre de

Melchisédech, et non selon l'ordre d'Aaron. 26

CHAPITREIII. Quand et comment Jésus-Christ a fait la

fonction de Prêtre selon l'ordre de Melchisé-

dech. 34

DEUXIÈME PARTIE.

DU SACRIFICE DE JBSUS-CHRIST.

CHAPITBR1. Du Sacrifice en général et des raisons de ce

devoir.. 46

Page 425: Condren - Oratorien

422TABLE.

CHAPITREIl. Le Sacrifice de Jésus-Christ, substitué aux

anciens en contient toutes les espèces, les

conditions et les parties. 62

CHAPITREIII. Application des conditions et parties du sa-

crifice à ceux de l'ancienne loi. 60

CHAPITREIV. Application des parties du sacrifice à celui

de Jésus-Christ. 65

CHAPITREV. De la Communion du Sacrifice de Jésus-

Christ. 74

CHAPITREVI. Jésus-Christ a accompli toute la Loi et ton-

tes les figures des sacrifices. 83

CHAPITREVII. Différence qu'il y a entre le sacrifice de la

Croix, de la Messe et celui du Ciel. 89

CHAPITREVIII. Comment les parties du Sacrifice se trou-

vent dans celui de la Croix ses différences avec

celui de la Messe. 94

TROISIÈME PARTIE.

ÉCLAIRCISSEMENT DES VÉRITÉS CONTENUES DANS LES

DISCOURS PRÉCÉDENTS.

CHAPITRE1. Comment le sacrifice de la Religion chrétienne

doit être quelque chose de tout spirituel et de

tout divin. 106

CHAPITREIl. Tout ce qui est du Sacrifice en sa perfectionest renfermé en Dieu et réduit en son unité. 110

CHAPITREIII. Quoique Jésus-Christ soit le Temple de Dieu

en plusieurs sens, c'est néanmoins le sein du

Père éternel qui est proprement le temple du

Sacrifice parfait —Plusieurs preuves de cette

vérité. 114

Page 426: Condren - Oratorien

TABLE 443

CHAPITREIV. Le Saint des Saints de-la Loi était la figuredu sein-de Dieu et l'entrée du Grand-Prêtre

est la Ggure de l'entrée de Jésus-Christ dans ce

temple adorable. Preuve de cette vérité tirée

de l'Évangile. 119

CHAPITREV. Jésus-Christ même est l'autel 'de son sacri-

fice dans le ciel tes autels visibles n'en sont

que la figure. Première preuve, tirée du

Ps. 42. 126

CHAPITREVI. Preuves tirées du canon de la Messe et de

l’Évangile pour confirmer cette'vérité, que

Jésus-Christ est le vrai Autel. 130

CHAPITREVII. Conséquences de la vérité précédente: las

CHAPITREVIII. Où l'on fait voir que le Saint-Esprit est le

feu du sacrifice de Jésus-Christ, en quelque

état qu'on le considère. 139

CHAPITREIX. C'est par la charité que tout ce que fait le

chrétien est un vrai sacrifice, soit sur la terre,

soit au ciel, où la charité parfaite fait la perfec-

tion et la consommation du Christ entier. 144

CHAPITREX. Comment toutes les parties et conditions du

sacrifice de Jésus-Christ seront perfectionnées

dans le ciel et d'abord de la sanctification de

la victime' 143

CHAPITREXI. Comment les quatre autres parties du sacri-

fice de Jésus-Christ seront perfectionnées dans

le ciel. 152

CHAPITREXII. Dusacrifice de la louangeéternelle qui naî-

tra de la plénitude de la charité. C'est par le sa-

crifice de la pénitence chrétienne qu'on doit se

préparer au sacrifice éternel de la charité con-

sommée et. de la gloire parfaite aussi bien

Page 427: Condren - Oratorien

424 TABLE.

qu'au sacrifice et à la communion de l'autel de

la terre. 157

QUATRIÈME PARTIE.

CONTENANT LES PRIÈRES QUI SE DISENT TOUS LES JOURS DANS

LA CÉLÉBRATION DE LA SAINTE MESSB EXPLIQUÉE

D'APRÈS LES DISCOURS PRÉCÉDENTS.

PRÉFACE.Combien un prêtre doit être saint pour offrir le

Sacrifice de Jésus-Christ en la personne de Jé-

sus-Christ même. 163

ORDINAIREDE LAMESSE. 168

PREMIÈREPARTIEDELAMESSE.Préparation au Sacrifice. 168

SECONDEPARTIEDE LAMESSE.Depuis l'/ntroft jusqu'au

Credo. 188

TROISIÈMEPARTIEDELAMESSE.Depuis le Credo jusqu'au

Canon, 192

QUATRIÈMEPARTIEDE LA MESSE.Depuis le Canon jus-

qu'au Pater. 207

CINQUIÈMEPARTIEDE Ls MESSE.Depuis le Pater jusqu’àla Communion. 223

SIXIÈMEPARTIEDELAMESSE.L'action de grâces. 232

LITANIESen l'honneur du Sacerdoce et du Sacri6ce de

Notre-Seigneur Jésus-Christ, tirées de l'Épitrede Saint Paul aux Hébreux et de quelques en-

droits du Nouveau Testament 235

PRIÈREou élévation de cœur à Jésus-Christ pour se renou-

veler, en sa présence, dans l'esprit de la con-

sécration sacerdotale. 240

Page 428: Condren - Oratorien

TABLE. 425

DISCOURS.

DISCOURSsur la Conférence de Jésus-Christ, en la Synago-

gue de Capharnaüm. (En Saint Jean, Chap.

VI.) Contre la manducation intentionnelle

que les hérétiques de ce temps ont inventée

contre la vérité. 247

DISCOURScontenant l'examen de la croyance des héréti-

ques de ce temps, sur la manducation du corps

de Jésus-Christ. 273

DISCOURSsur l'examen de l'article de la croyance des héré-

tiques de ce temps Que l’Écriture est l'arti-

cle de la foi. 300

DISCOURSsur l'examen des principaux passages que les hé-

rétiques de France allèguent ordinairement

pour autoriser leur croyance contre la vérité,

dépravant l'Écriture à leur perdition et à celle

de leurs semblables, comme le dit Saint Pierre.

(2. Ép. 3. t6.) 333

DISCOURSsur l'Astrologie, fait à la demande de Mgr le

cardinal de Richelieu. 370

Page 429: Condren - Oratorien

IDEE DU SACERDOCE ET DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST. PREMIERE PARTIE. DU SACERDOCE DE JESUS-CHRIST.

CHAPITRE I. Du dessein de Dieu dans la réconciliation des hommes, et des qualités du Prêtre qui en a dû être le Médiateur. CHAPITRE II. Que Jésus-Christ est Prêtre selon l'ordre de Mélchisédech, et non selon l'ordre d'Aaron. CHAPITRE III. Quand et comment Jésus-Christ a fait la fonction de Prêtre selon l'ordre de Melchisédech.

DEUXIEME PARTIE. DU SACRIFICE DE JESUS-CHRIST.CHAPITRE I. Du Sacrifice en général, et des raison de ce devoir. CHAPITRE II. Le Sacrifice de Jésus-Christ, substitué aux anciens, en contient toutes les espèces, les conditions et les parties. CHAPITRE III. Application des conditions et parties du sacrifice à ceux de l'ancienne loi.CHAPITRE IV. Application des parties du sacrifice à celui de Jésus-Christ. CHAPITRE V. De la Communion du Sacrifice de Jésus-Christ. CHAPITRE VI. Jésus-Christ a accompli toute la Loi et toutes les figures des sacrifices. CHAPITRE VII. Différence qu'il y a entre le sacrifice de la Croix, de la Messe et celui du Ciel. CHAPITRE VIII. Comment les parties du Sacrifice se trouvent dans celui de la Croix : ses différences avec celui de la Messe.

TROISIEME PARTIE. ECLAIRCISSEMENT DES VERITES CONTENUES DANS LES DISCOURS PRECEDENTS.CHAPITRE I. Comment le sacrifice de la Religion chrétienne doit être quelque chose de tout spirituel et de tout divin. CHAPITRE II. Tout ce qui est du Sacrifice en sa perfection est renfermé en Dieu et réduit en son unité.CHAPITRE III. Quoique Jésus-Christ soit le Temple de Dieu en plusieurs sens, c'est néanmoins le sein du Père éternel qui est proprement le temple du Sacrifice parfait. - Plusieurspreuves de cette vérité.CHAPITRE IV. Le Saint des Saints de la Loi était la figure du sein de Dieu ; et l'entrée du Grand-Prêtre est la figure de l'entrée de Jésus-Christ dans ce temple adorable. - Preuve de cettevérité tirée de l'Evangile. CHAPITRE V. Jésus-Christ même est l'autel de son sacrifice dans le ciel : les autels visibles n'en sont que la figure. - Première preuve, tirée du Ps. 42. CHAPITRE VI. Preuves tirées du canon de la Messe et de l'Evangile, pour confirmer cette vérité, que Jésus-Christ est le vrai Autel. CHAPITRE VII. Conséquences de la vérité précédente. CHAPITRE VIII. Où l'on fait voir que le Saint-Esprit est le feu du sacrifice de Jésus-Christ, en quelque état qu'on le considère. CHAPITRE IX. C'est par la charité que tout ce que fait le chrétien est un vrai sacrifice, soit sur la terre, soit au ciel, où la charité parfaite fait la perfection et la consommation du Christentier. CHAPITRE X. Comment toutes les parties et conditions du sacrifice de Jésus-Christ seront perfectionnées dans le ciel : et d'abord de la sanctification de la victime.CHAPITRE XI. Comment les quatre autres parties du sacrifice de Jésus-Christ seront perfectionnées dans le ciel. CHAPITRE XII. Du sacrifice de la louange éternelle qui naître de la plénitude de la charité. C'est par le sacrifice de la pénitence chrétienne qu'on doit se préparer au sacrifice éternel de lacharité consommée et de la gloire parfaite, aussi bien qu'au sacrifice et à la communion de l'autel de la terre.

QUATRIEME PARTIE. CONTENANT LES PRIERES QUI SE DISENT TOUS LES JOURS DANS LA CELEBRATION DE LA SAINTE MESSE EXPLIQUEE D'APRÈS LESDISCOURS PRECEDENTS.

PREFACE. Combien un prêtre doit être saint pour offrir le Sacrifice de Jésus-Christ en la personne de Jésus-Christ même.ORDINAIRE DE LA MESSE. PREMIERE PARTIE DE LA MESSE. Préparation au Sacrifice.SECONDE PARTIE DE LA MESSE. Depuis l'Introit jusqu'au Credo.TROISIEME PARTIE DE LA MESSE. Depuis le Credo jusqu'au Canon.QUATRIEME PARTIE DE LA MESSE. Depuis le Canon jusqu'au Pater.CINQUIEME PARTIE DE LA MESSE. Depuis le Pater Jusqu'à la Communion.SIXIEME PARTIE DE LA MESSE. L'action de grâces.LITANIES LITANIES en l'honneur du Sacerdoce et du Sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ, tirées de l'Epître de Saint Paul aux Hébreux, et de quelques endroits du NouveauTestament.PRIERE PRIERE ou élévation de coeur à Jésus-Christ pour se renouveler, en sa présence, dans l'esprit de la consécration sacerdotale.

DISCOURS.DISCOURS. Discours sur la Conférence de Jésus-Christ, en la Synagogue de Capharnaüm. (En Saint Jean, Chap. VI.) - Contre la manducation intentionnelle que les hérétiques de cetemps ont inventée contre la vérité. DISCOURS. Discours contenant l'examen de la croyance des hérétiques de ce temps, sur la manducation du corps de Jésus-Christ. DISCOURS Discours sur l'examen de l'article de la croyance des hérétiques de ce temps : Que l'Ecriture est l'article de la foi. DISCOURS Discours sur l'examen des principaux passages que les hérétiques de France allèguent ordinairement pour autoriser leur croyance contre la vérité, dépravant l'Ecriture àleur perdition et à celle de leurs semblables, comme le dit Saint Pierre (2. Ep. 3. 16.) DISCOURS Discours sur l'Astrologie, fait à la demande de Mgr le cardinal de Richelieu. TRAITE Traité des équivoques. (Fait, comme le précédent, à la demande du C. de Richelieu)