conception d’un observatoire du paysage dans la ville...
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CONCEPTION D’UN OBSERVATOIRE DU
PAYSAGE DANS LA VILLE DE BRUXELLES
PAR L’INTERMÉDIAIRE D’UNE JOURNÉE DE
TERRAIN
Conception d’un outil pédagogique prenant la forme d’une
journée de terrain destinée aux classes d’histoire et de géographie
du premier degré de l’enseignement secondaire.
Travail de fin d’études présenté en vue
de l’obtention du grade de Bachelier-
Agrégé-e de l’enseignement secondaire
inférieur, sous-section sciences
humaines
Travail de fin d’études réalisé par
Maxime Michiels
Promoteur
Thierry Boereboom
Année académique 2017-2018
Le sociologue rompt le cercle enchanté en essayant de faire savoir ce que l'univers du savoir
ne veut pas savoir, notamment sur lui-même.
- Pierre Bourdieu
La production des idées, des représentations et de la conscience, est d'abord directement et
intimement mêlée à l'activité matérielle et au commerce matériel des hommes : elle est le
langage de la vie réelle.
- Karl Marx
Je tiens à remercier mon promoteur, Monsieur Boereboom,
pour son aide et ses éclairages dans ce travail.
Je tiens également à remercier mes autres enseignants de
l’école normale, Mesdames André, Dambroise et Rasson,
ainsi que Messieurs Brunelli et Soutmans pour tout ce qu’ils
ont pu m’apprendre ou m’apporter durant ces trois années
inestimables dans la section sciences humaines.
Un tout grand merci à Camille, Florian, Geoffrey, Julien,
Louis, Manon, Marie, Maxime, Mops, Nicolas, Pascale pour
avoir été le meilleur groupe dans lequel vivre, apprendre,
rire et se construire pendant tout ce temps. Sachez que ce
TFE et cette année vont se finir comme ils ont commencé :
pleins d’émotions !
Pour leur engagement, leur combativité et leur soutien dans
les moments durs, je tiens également à remercier l’équipe de
la Fédération des Étudiant·e·s Francophones.
Merci à l’équipe et aux élèves de l’École Démocratique de
l’Orneau de m’avoir suivi à Bruxelles sous le soleil.
Pour leur relecture attentive de mon orthographe, je
remercie mes chers parents.
2
3
Tables des matières
I. Avant-propos .......................................................................................................... 5
II. Introduction ........................................................................................................ 6
III. Définitions et concepts clés ................................................................................ 7
Milieu .............................................................................................................. 7
Urbain/Ville .................................................................................................... 8
Paysage ........................................................................................................... 9
Périodes conventionnelles............................................................................. 10
Observatoire du paysage ............................................................................... 11
Outdoor education ............................................................................................ 11
Classe sociale ................................................................................................ 12
Matérialisme historique ................................................................................ 13
IV. Lien avec le programme ................................................................................... 15
V. Présentation de l’outil et mode d’emploi.......................................................... 17
Le contexte .................................................................................................... 17
Activité 1....................................................................................................... 17
Activité 2....................................................................................................... 18
Activité 3....................................................................................................... 21
Proposition pour la structuration en classe ................................................... 25
VI. Retour réflexif sur l’expérimentation de l’outil sur le terrain .......................... 26
Contexte ........................................................................................................ 26
Retour critique sur la mise en œuvre ............................................................ 27
VII. Fiches scientifiques à l’usage de l’enseignant .................................................. 29
Fiche 1 : Essence et naissance des villes ...................................................... 30
Fiche 2 : Structure spatiale des villes médiévales......................................... 32
Fiche 3 : Structure spatiale des villes industrielles ....................................... 34
4
Fiche 4 : Structure spatiale des villes postindustrielles ................................ 37
VIII. Conclusion .................................................................................................... 41
IX. Bibliographie .................................................................................................... 42
Monographie ................................................................................................. 42
Sitographie .................................................................................................... 43
X. Tables des annexes ........................................................................................... 44
5
I. Avant-propos
Avant de commencer toute lecture, une mise au point s’impose. La géographie, l’histoire
et les sciences sociales sont des disciplines rigoureuses aux paradigmes d’analyses divers,
qui cherchent tous à aboutir à une analyse la plus véridique possible du réel. Si les
méthodologies qui leur sont propres sont définitivement rationnelles, elles n’en sont
néanmoins pas neutres. Elles sont inévitablement situées par leur objet d’étude et par le
sujet qui s’attache à son analyse. Aussi rigoureuse qu’aura donc pu être la rédaction de ce
travail, il ne prétendra donc pas à une mystique objectivité : il sera situé entre son auteur
et son objet d’analyse.
Son parti pris se résume en une phrase : l’espace urbain est un produit social. Loin de
toutes les considérations organistes du phénomène urbain, nous préférons voir ce milieu
comme la représentation, sous forme de couches successives, de la cristallisation dans
l’espace de la lutte des classes, c’est-à-dire de l’état des rapports sociaux. L'histoire de
toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de luttes de classes.1
Il faut également aborder le statut qu’avait ce travail dans le chef de son auteur. L’enjeu
de ce travail n’était pas tant la recherche des diverses informations scientifiques mais
l’idée du réinvestissement. En effet, après trois années à l’ENCBW, de par les
nombreuses lectures au long de la formation et une série d’expériences de terrain, il
semblait important de pouvoir réinvestir tout ce bagage dans un nouvel outil, dans une
logique de dépassement. Plus qu’un étalement de savoirs, ce travail a donc comme
volonté d’être un outil, utilisable tel quel sur le terrain.
En parlant de terrain, ce travail se place sous l’égide de l’outdoor : La géographie, ça
s’apprend par les pieds.2 Ce paradigme éducatif se développant de plus en plus, on
pourrait être tenté de confondre progrès et mode. Même si un regard critique et une
prudence doivent être de mise lors de l’appréhension de nouveaux modèles, nous avons
la conviction que l’outdoor tient ici une place utile dans la didactique des sciences
humaines. En effet, l’authenticité du contexte d’apprentissage fourni par le terrain permet
à chaque apprenant de trouver sa place dans son milieu et d’en devenir acteur à part
entière.
1 ENGELS, F., MARX, K., Manifeste du parti communiste, Londres, 1848, p.30. 2 Citation de Delvaux F.
6
II. Introduction
Le présent travail est la présentation d’un outil à l’usage des enseignants : un observatoire
du paysage de la ville de Bruxelles construit sous la forme d’une journée de terrain. Il
s’agit de l’un des trop rares exemples d’observatoire du paysage urbain et a donc comme
ambition de pouvoir faire découvrir aux élèves du premier degré de l’enseignement
secondaire que l’espace urbain est un produit social.
L’exposé de travail commence par une explicitation des différents concepts et référents
intellectuels qui sont les fondements de l’outil présenté.
Ensuite, le lien entre cet outil et le prescrit légal fera l’objet d’une démonstration en lien
avec les besoins qu’il pourrait remplir chez les enseignants qui désireraient s’en saisir.
Après cela, il s’agira de réaliser la présentation de l’outil en lui-même. Cette présentation
a pour but de servir de mode d’emploi pour la mise en œuvre de la journée de terrain.
Alors, il sera temps d’effectuer un retour critique sur l’expérimentation de l’outil réalisée
avec l’École Démocratique de l’Orneau. Cela permettra de réaliser un bilan des points
positifs et négatifs de la journée de terrain et de proposer des pistes d’amélioration aux
points faibles.
En outre, se trouve dans le présent travail une base scientifique mise en forme à la suite
d’un processus de schématisation, qui servira de support aux enseignants qui le désirent.
Enfin, une conclusion tirera le bilan du présent travail.
7
III. Définitions et concepts clés
Ce travail et l’outil qu’il propose s’appuient sur une série de concepts clés qu’il s’agit de
définir avant d’aller plus en avant. Cela permettra au lecteur d’avoir une vision claire de
ce qui constitue le substrat intellectuel de ce qui suit.
Milieu
Ce concept est l’objet d’étude des sciences humaines par excellence. Il peut être défini
comme l’espace naturel ou aménagé qui entoure un groupe humain et dont les
contraintes climatiques, biologiques, politiques, etc. retentissent sur le comportement et
l'état de ce groupe (d'apr. George 1970). 3 En dernière analyse, on pourrait également le
définir comme la synthèse cohérente et interreliée d’une société et d’un territoire (somme
d’éléments culturels et naturels). Voir image ci-après.4
3 CENTRE NATIONAL DE RESSOURCES TEXTUELLES ET LEXICALES [En Ligne]
http://www.cnrtl.fr/definition/milieu (page consulté le 1 mai 2018). 4 DELVAUX, F., Géographie et didactique – Introduction, 2016.
8
Urbain/Ville
Si, dans le langage courant, une confusion existe entre les deux termes, des différences
existent bel et bien.
En Belgique, le terme « ville » est un titre honorifique donné à une commune sur base
d’un héritage historique (charte de liberté obtenue sous le régime féodal ou récupération
du titre sous l’occupation hollandaise) et ne correspond donc pas à une réalité spatiale
contemporaine.5 De plus, depuis 2007, une circulaire ministérielle dispose que l’octroi du
titre honorifique de "ville" implique une démarche volontariste de la commune. Il lui
appartient de démontrer la multiplicité et la diversité de ses fonctions urbaines. Pour ce
faire, une liste non limitative d’indicateurs a été établie.
Il s’agit notamment de6 :
• la densité et la diversité des commerces et des services ;
• la densité de la population et la superficie de la commune ;
• la fréquence ou l’amplitude horaire des services de transport ;
• le développement économique ;
• la diversité des activités culturelles, sportives ou de loisirs ;
• …
Le terme urbain est quant à lui, un terme géographique et sera donc plus approprié pour
décrire une réalité spatiale. En l'absence d'une définition universellement reconnue du fait
urbain, on peut tenter de définir la ville selon une approche morphologique, mais aussi
selon une approche fonctionnelle.
Le [milieu urbain] se caractérise d'abord par sa morphologie qui induit l'agencement des
quartiers (le tissu) et leur aspect, notamment un habitat serré et vertical, la présence de
bâtiments imposants, voire monumentaux, l'existence de quartiers, de rues et non de
routes, d’un ou de plusieurs centres historiques ou fonctionnels, d’un espace de transition
en périphérie, etc. L’espace disponible est rare, ce qui explique en partie le prix très élevé
du foncier (le terrain) et l’immobilier (tout ce qui est construit). Ce critère n’est
cependant pas spécifiquement urbain puisque certaines parcelles cultivées, par exemple
5 SOUTMANS, P., Sociologie Urbaine – Clarification des concepts, p. 2. 6 PORTAIL DES POUVOIRS LOCAUX, [En ligne]
https://pouvoirslocaux.wallonie.be/jahia/Jahia/site/dgpl/accueil/pid/922 (page consultée le 1 mai 2018).
9
dans les terroirs viticoles les plus prestigieux, atteignent également des niveaux de prix
très élevés. Du fait de cette morphologie, [le milieu urbain] est un géosystème : son
fonctionnement et ses caractéristiques résultent de la combinaison de multiples éléments
en interaction les uns avec les autres. Elle possède donc des ressources propres mais
aussi des contraintes particulières. Elle doit par exemple lutter contre des problèmes
spécifiques ou dont l’ampleur est particulière (pollution, ségrégation de quartiers,
circulation ou stationnement) auxquels correspondent des besoins particuliers
(équipements, voiries, parcs de stationnement, liaisons intra-urbaines et périphériques,
assainissement, c’est-à-dire traitement des eaux usées dans des stations d’épuration,
etc.).
[Le milieu urbain] se définit également par des fonctions urbaines souvent spécifiques.
L’agriculture y tient une place évidemment marginale, même si de nombreuses villes du
Sud possèdent leur part d’agriculteurs ; de même, voient se développer, à l’intérieur de
leurs limites, des ceintures maraichères, produisant pour les marchés urbains des fruits
et légumes. En revanche, l’industrie tient une place encore importante, de même que
certaines fonctions spécifiques liées au domaine militaire par exemple. Les zones
urbaines sont également l’espace privilégié des services : les fonctions d’échange sont
essentielles, la santé, la banque, l’éducation, la recherche restent le plus souvent situées
dans les villes. [Le milieu urbain] est donc aussi, si l’on excepte quelques ville-dortoirs,
un espace économique dont l’une des vocations est la production et la consommation de
richesses. Enfin, [le milieu urbain], par l’influence qu’[il] exerce sur les espaces
environnants, possède fréquemment une fonction politique et administrative. C’est donc
aussi un espace politique qui entretient le plus souvent avec les espaces ruraux voisins
un rapport de domination.7
Paysage
Le paysage peut être couramment défini comme la vue d'ensemble d'un endroit
quelconque (ville, quartier, etc.).8 Cette définition bien pauvre ne pouvant nous satisfaire,
nous allons donc tenter de la compléter. Le paysage est donc une vue sur l’espace, une
observation à moment donné. Il renvoie à deux dimensions : une dimension matérielle
qui consiste à localiser et caractériser les différents éléments de l’espace et une dimension
7 BAUD, P., BOURGEAT, S., BRAS, C., Dictionnaire de géographie, pp. 567-568. 8 CENTRE NATIONAL DE RESSOURCES TEXTUELLES ET LEXICALES [En Ligne]
http://www.cnrtl.fr/definition/paysage (page consulté le 1 mai 2018).
10
affective qui consiste à ressentir des émotions, susciter des souvenirs et à avoir une
interprétation symbolique plus ou moins inconsciente de l’espace.
Pour nous aider dans la clarification de ce concept, nous allons nous aider de la définition
fournie par la Convention européenne du paysage telle qu’adoptée à Florence le 20
octobre 2000 : Le paysage désigne une partie du territoire telle que perçue par les
populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et
leurs interrelations.9 Cette définition indique donc à raison que l’espace est un produit et
que l’observation du paysage (l’image qu’il nous offre à voir) implique donc de
déterminer les processus historiques ayant mené à sa formation. Voir image ci-après.10
Périodes conventionnelles
La section sciences humaines de l’ENCBW utilise des périodes conventionnelles en
phase avec les changements de paradigmes du milieu. En raison de cela, leur pertinence
9 CONSEIL DE L’EUROPE [en ligne], https://www.coe.int/fr/web/landscape/the-european-landscape-
convention (page consultée le 18 avril 2016). 10 DELVAUX, F., Op. Cit..
11
par rapport à cet outil n’en est que renforcée. Nous les utiliserons donc au sein de ce
travail.
Observatoire du paysage
Maintenant que le concept de paysage est défini, il est temps de définir ce qui constitue
la formule choisie pour l’outil présenté dans ce travail. On peut définir un observatoire
du paysage comme l’observation de l’état du paysage à un instant t, de manière à
caractériser cet état, et ensuite à le confronter à l’état observé au temps t’, t’’, ... afin de
relever, analyser et tirer les leçons des modifications qui y sont intervenues.11 Il s’agit
donc de partir du paysage existant, de préférence en faisant une constatation sur le terrain,
et de le confronter avec des indices du paysage du passé (fiches explicatives, cartes
anciennes, photos anciennes, …) afin d’en déterminer les processus historiques ayant
formé l’espace analysé.
Outdoor education
On peut définir l’outdoor education comme l’ensemble des apprentissages qui se
déroulent hors de la classe et les méthodes qui y sont relatives.12 Cette conception de
l’apprentissage est mue par la volonté de fournir un enseignement dans un contexte
d’apprentissage qui soit authentique (quel meilleur contexte que d’être présent sur le
terrain pour étudier celui-ci ?) et qui intègre le développement personnel et social de
l’élève, l’éducation à l’environnement et le développement de compétences propres à
l’aventure (entendu ici au sens de situation imprévue et mobilisatrice).13 Il y a
principalement trois avantages à l’outdoor education : l’extérieur permet de rendre le
cours et les apprentissages « vivants », il aide les apprenants à comprendre leur
11 CONFÉRENCE PERMANENTE DU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL, [En ligne],
http://cpdt.wallonie.be/sites/default/files/pdf/observatoire_du_paysage.pdf (page consulté le 1 mai 2018). 12 BEAMES, S., HIGGINS, P., NICOL, R., Learning Outside the Classroom Theory and Guidelines for Practice,
p. 5. 13 Ibidem, p. ix.
1850 1950
12
environnement et les enjeux écologiques et sociaux qui y sont liés et il encourage les
activités physiques pour la santé des jeunes.14
On peut diviser les lieux visés par l’outdoor education en quatre zones géographiques
perméables. L’outil proposé par le présent travail se situe dans la troisième catégorie de
lieux d’apprentissage extérieur : celui de la « journée de terrain » tenant en une excursion
d’une journée dans un lieu demandant un transport de groupe.15
Il existe une série de lignes directrices qui permettent de faire de l’outdoor learning une
réussite éducative16 :
- Lier l’outdoor au prescrit légal
- Faire de l’éducation au développement durable
- Apprendre sur son milieu à travers le paysage local
- Exploiter la curiosité des apprenants
- Permettre aux apprenants de prendre des responsabilités
- Créer des partenariats avec la communauté locale
- Administrer et gérer les risques du terrain
- Superviser des personnes en milieu extérieur
Classe sociale
Le concept de classe sociale est un concept central dans la sociologie structuraliste
critique et la sociologie marxiste. Une classe sociale est un ensemble d’individus qui
partage une même situation (économique, culturelle, sociale et symbolique) de classe.
14 BEAMES, S., HIGGINS, P., NICOL, R., Op. Cit., p. 1. 15 Ibidem, pp. 5-6. 16 Ibidem, pp. 7-11.
L’école
Le voisinage de l’école
L’excursion d’un jour
Expédition de plusieurs jours
impliquant un logement
13
Chez Karl Marx, une classe sociale est définie par sa place dans les rapports de production
et par ses relations avec les autres classes sociales. Il est plus qu’usuel que les rapports
entre les différentes classes sociales soient des rapports de conflits générés par la prise de
conscience des intérêts divergents qui animent les autres classes sociales. La conception
marxiste considérant les classes sociales et leurs conflits comme le moteur de l’histoire,
agissant concrètement sur la société, on qualifie cette conception de réaliste. D’autres
conceptions existent, comme la conception nominaliste de Max Weber qui estime que les
classes sociales sont des ensembles formés par et pour les sociologues afin de faciliter la
compréhension de la société.17 18
Matérialisme historique
Ce paradigme est celui de l’analyse de l’évolution historique des société humaines
proposé par Karl Marx. L’histoire est, pour cet auteur, une succession de mode de
production. Pour chacun d’eux, on peut identifier une infrastructure et une
superstructure. Le passage d’un mode de production à un autre s’opère de manière
violente chaque fois que la dynamique des forces productives les fait entrer en
contradiction avec les rapports de production. On peut ainsi mettre en évidence un
schéma de l’histoire de l’Occident où se sont succédés les modes de productions antique,
féodal et capitaliste. « L’histoire n’est pas autre chose que la succession des différentes
générations précédentes, de ce fait, chaque génération continue donc d’une part, le mode
d’activité qui lui est transmis, mais dans des circonstances radicalement transformées,
et, d’autre part, elle modifie les anciennes circonstances en se livrant à une activité
radicalement différente. »19 C’est à travers ce paradigme d’analyse que nous pouvons
donc affirmer que l’espace est un produit social. En effet, il est le résultat de conflits entre
classes sociales pour son contrôle et le résultat de chacun de ces conflits, ainsi que les
évolutions des rapports de production, ont façonné peu à peu le milieu que nous
connaissons aujourd’hui.
17 ALPE, Y., BEITONE, A., DOLLO, C., LAMBERT, J.-R., PARAYRE, S., Lexique de Sociologie, pp. 43-44. 18 MONTOUSSÉ, M., RENOUARD, G., 100 fiches pour comprendre la sociologie, p. 112. 19 ALPE, Y., BEITONE, A., DOLLO, C., LAMBERT, J.-R., PARAYRE, S., Op. Cit., p. 202.
14
Le schéma ci-après permet de comprendre les dynamiques relatives à la structure et la
superstructure.20
20 WIKIPÉDIA, Base and Superstructure, [En ligne],
https://en.wikipedia.org/wiki/Base_and_superstructure#/media/File:Base-superstructure_Dialectic.png
(page consulté le 5 mai 2018) [trad.] DEMARTEAU, J., 2018.
15
IV. Lien avec le programme
Étant fondamentalement hostile à la logique stérile de pilarisation de notre enseignement,
nous avons fait le choix de nous référer au seul document inter-réseau : les socles de
compétences. Celui-ci se base sur les principes suivants :
L’éveil et la formation par l’histoire et la géographie constituent des domaines privilégiés
où les élèves prennent conscience des problèmes de société et d’environnement. Les
élèves découvrent qu’ils appartiennent à des groupes humains diversifiés et
multiculturels comme la famille, l’école, l’entreprise, l’association… Ils vivent dans un
quartier, dans un village, dans une ville, dans une des deux Régions de la Communauté
française, en Belgique, dans l’Union européenne. Ces disciplines visent la construction
de repères spatiaux, temporels et sociaux et sensibilisent les élèves à leur responsabilité
de citoyen. Ils prennent ainsi conscience qu’ils ont à occuper une place active dans la
société. Les compétences ici proposées invitent les élèves à s’ouvrir au monde et à
développer leur esprit critique. Les deux disciplines, chacune avec sa spécificité,
concourent ensemble et avec d’autres, à la formation globale de la personne. C’est cette
approche interdisciplinaire qui doit permettre de maitriser des références transférables
pour appréhender une situation nouvelle.21
A bien des égards, cet outil s’inscrit dans ces principes. En effet, un regard social sur la
construction de l’espace est un regard de citoyen critique sur son milieu. De plus, cet outil
rentre clairement dans une logique d’analyse interdisciplinaire de son objet de recherche.
En termes de savoir-faire communs aux deux disciplines, cet outil permet de mobiliser
les compétences « (Se) poser des questions », « Construire une démarche de recherche »,
« Rechercher l’information » et « Structurer les résultats de sa recherche ».22 Il permet
également de travailler des savoirs en histoire (repères temporels, modes de vie à
différentes époques)23 et en géographie (composantes du paysage, l’organisation de
l’espace, les interactions hommes/espaces)24, mais également des savoir-faire en histoire
(exploiter une source historique)25 et en géographie (utiliser des représentations de
21 Socles de compétences, p. 75. 22 Ibidem, pp. 76-78. 23 Ibidem, pp. 82-83. 24 Ibidem, pp. 86-88. 25 Ibidem, p. 82.
16
l’espace, lire un paysage, une image géographique).26 Les socles de compétences
qualifiant de manière identique savoir-faire et compétences, nous n’entrerons pas plus
loin dans l’explicitation de celles-ci.
26 Socles de compétences, pp. 84-85.
17
V. Présentation de l’outil et mode d’emploi
Cette journée de terrain mettant en œuvre l’observatoire du paysage bruxellois sous un
angle matérialiste, se découpe en trois activités : une découverte menant à une
problématisation, une visite de musée donnant un regard sur le passé et une activité de
synthèse sous la forme d’un double transect. L’intégralité de cet outil est disponible en
annexe du présent travail.
Le contexte
Au vu du caractère « original » des traces qui seront prises dans la journée (vidéo,
photos, …), il semblait pertinent de mettre les apprenants dans un contexte cohérent avec
cela. Le choix a donc été posé de créer un contexte de journalisme d’investigation dans
lequel la démarche d’enquête trouve également un sens.
Activité 1
Cette activité a pour but de faire constater aux apprenants qu’il existe des différences
socio-spatiales entre plusieurs quartiers de Bruxelles pourtant très proches. Pour ce faire,
ils devront réaliser un court reportage sur chaque quartier leur permettant alors de
verbaliser leurs observations. Il leur est demandé de s’exprimer sur l’ambiance générale
du quartier (critère subjectif) ainsi que de décrire le bâti, la voirie et les fonctions
présentes (critères objectifs). Une fois les cinq quartiers visités, il sera alors demandé aux
apprenants de les comparer. Pour aider à cette comparaison, il peut être utile de partir de
l’ambiance ressentie dans les différents quartiers et d’étayer ce ressenti à partir d’éléments
objectifs. Cette comparaison a pour objectif d’amener les apprenants à réaliser que, assez
proche dans Bruxelles, coexistent des quartiers assez différents et dont les habitants sont
issus de classes sociales différentes.
Comme le montre la carte ci-après, les différents lieux d’observation se situent :
- Place Royale ;
- Devant l’église Notre-Dame du Sablon ;
- Avenue Louise ;
- Dans une des rues de la Cité Hellemans ;
18
- Dans la Rue des Tanneurs face à deux immeubles à appartements dont un est le
produit d’un processus de revitalisation.
Activité 2
Une fois le constat d’une ségrégation socio-spatiale posé pour aujourd’hui, il est
intéressant d’aller confronter ce constat à une situation passée. Pour ce faire, il faut se
rendre au « Musée de la Ville de Bruxelles » sur la Grand-Place. Le deuxième étage de
ce musée est dédié à l’évolution urbanistique de la ville et possède donc divers documents
permettant de se livrer à l’analyse historique de la répartition des classes sociales dans
l’espace.
La première tâche demandée sera
d’analyser la maquette représentant
Bruxelles au XIIème siècle dont la
photo27 est présentée ci-contre.
27 SAM ZYLBERBERG, JeRetiens,
https://static1.squarespace.com/static/55205524e4b09eb81bf3def5/552068f5e4
b099a4dd919b6b/55206900e4b099a4dd919db0/1428187467395/nocturne-museum-13.jpg (page
consultée le 12 mai 2018)
19
Cette analyse, qui peut être facilitée par l’utilisation des fiches mises à disposition par le
musée, doit aboutir à la réalisation d’un schéma de l’étendue prise dans la première
enceinte comprenant l’indication d’un relief en vallée descendant vers la Senne et
l’implantation de trois pôles dans la ville : premièrement le port et le marché,
deuxièmement la cathédrale et troisièmement le château.
Cette observation permet principalement de faire apparaitre deux éléments : le fait que la
logique de séparation sociale de l’espace existe depuis, au minimum, le Moyen-Âge, ainsi
que, le fait que le relief soit une représentation symbolique de la domination de la noblesse
et du clergé sur le tiers-état.
Fond de schéma trouvé dans CYBERCOMMUNAUTÉ – FÉDÉRATION WALLONIE BRUXELLES,
http://www.ecoles.cfwb.be/nainsdejardin/premi%E8re_enceinte_Bruxelles.htm (page
consulté le 5 mars 2018).
20
La seconde tâche
demandée consiste à
relier chaque ordre
médiéval à sa
description et à
compléter, dans celle-
ci, le lieu de pouvoir
qui appartient à cet
ordre. Cela permet
donc aux apprenants
de découvrir la
stratification sociale de
l’ancien régime et
donc de faire un lien
entre division du
travail (combattre,
prier, produire des
richesses),
stratification sociale et
ségrégation socio-spatiale.
La troisième tâche consiste en une comparaison de différentes cartes anciennes de la ville
de Bruxelles afin de retracer les grandes transformations urbaines que la ville a traversées.
Pour cela, il faudra diviser les apprenants en autant de groupes qu’il y a de cartes pour
ensuite leur demander de comparer deux cartes et de déterminer ce qui a évolué entre les
deux moments présentés par les cartes. Il peut être également intéressant de comparer la
maquette du XIIIe siècle à la première carte de Deventer du XVIe. Les traces de ces
descriptions sont à prendre sous forme de capsules vidéo où l’image montre les cartes et
le son en est la description comparative par un jeune ou un groupe de jeunes. Cela permet
de faire verbaliser aux apprenants les différences qu’ils peuvent observer entre deux
étapes de l’urbanisation bruxelloise et donc de faire le lien entre les différentes
temporalités qui sont abordées lors de cette journée de terrain.
21
Activité 3
Cette activité consiste en une récolte de données à l’échelle métropolitaine afin de pouvoir
dresser un panorama de synthèse des dynamiques de ségrégation socio-spatiale à
Bruxelles. Afin de réaliser cela, il est demandé aux apprenants de former deux groupes
afin de parcourir la métropole dans deux directions opposées (Ouest/Est) et de réaliser un
transect de leurs informations sur la morphologie du bâti ainsi que sur le standing du bâti.
Il est conseillé de partir depuis la Gare Centrale et de faire les trajets à vélo afin de garantir
une distance maximale en un minimum de temps.
Le groupe qui part vers l’Ouest traverse d’abord les quartiers centraux en passant par la
Rue de Flandre, passe le canal pour emprunter la Chaussée de Gand pour ensuite bifurquer
sur la Rue des Quatre-Vents. Sur cette première partie du transect, le bâti est composé
essentiellement de petites maisons bourgeoises dont le standing des habitants est faible,
mais aussi de quelques nouvelles constructions plus récentes, signe d’une dynamique de
gentrification en cours. La Rue Louis de Gunst permet d’observer un complexe de
logement social : la Cour Saint-Lazare. La suite du parcours passe par la Rue de Dilbeek,
où l’on peut observer des maisons ouvrières de morphologie typique et des « villas
ouvrières », beaucoup plus atypiques. La suite du parcours traverse la Rue Jules Delhaize
dont une série de maisons ouvrières ont un cachet particulier pour finir aux alentours de
l’Avenue de Villegas, dont le bâti plus tardif est essentiellement composé d’immeubles à
appartements de faible standing.
Le groupe parcourant l’Est de Bruxelles va d’abord sillonner l’ancien quartier de
l’aristocratie, le quartier Royal, pour s’enfoncer dans le plan en damier du quartier
Léopold, le premier quartier bourgeois extra-muros. Celui-ci abrite un certain nombre
d’hôtels de maitre et maisons bourgeoises assez remarquables. La suite de l’itinéraire
traverse le quartier européen, remarquable pour ses hôtels de luxe et les grands complexes
de bureaux qui le composent afin d’arriver au Parc du Cinquantenaire. Après être sorti du
parc, le trajet descend l’Avenue de Tervuren où l’on peut observer des maisons
bourgeoises, des immeubles de rapport et des immeubles de bureaux. Après avoir dépassé
le parc de Woluwe, l’itinéraire aboutit dans le quartier autour de l’Avenue Edmond
Parmentier qui est caractéristique pour ses nombreuses villas « quatre façades » datant de
la période postindustrielle.
22
Une fois arrivé au bout de l’un des itinéraires, il faut faire demi-tour pour retourner à la
gare centrale.
Itinéraire Ouest
Itinéraire Est
23
Pour aider les apprenants dans la lecture morphologique du bâti, chaque groupe aura à sa
disposition un portefolio contenant des fiches sur les différentes formes du bâti bruxellois
qu’ils sont susceptibles de rencontrer lors du transect : maisons bourgeoises, maisons
ouvrières, villas « 4 façades », villas ouvrières, immeubles à appartements, immeubles de
bureaux, immeubles de rapport ou encore hôtels de maitre. Ces fiches sont également
disponibles en annexe du présent travail.
Ces fiches ont toutes été réalisées sur base d’observation de terrain, des différents outils
de chronotypologie du bâti appris à l’ENCBW et de GRIMMEAU, J.-P., ISTAZ, D.,
Itinéraires du patrimoine résidentiel bruxellois, 1991. Afin d’enrichir ces fiches d’un
maximum d’informations sur ces formes de bâti, des recherches supplémentaires ont
parfois dû être effectuées. Celles-ci sont directement référencées dans les fiches.
Chaque fiche est, à minima, composée d’un texte informatif contenant des informations
sur la classe sociale qui habitait originellement ce type de bâti. Celle-ci contient, en plus,
un schéma de l’implantation type sur la parcelle et par rapport à la rue et un plan d’époque
permettant aux apprenants de se figurer l’intérieur du bâti. Souvent, il sera ajouté des
photos permettant aux apprenants de mieux reconnaitre le bâti par comparaison avec les
exemples présentés.
24
25
Proposition pour la structuration en classe
A partir des éléments récoltés durant la journée de terrain, nous allons déterminer ici ce
qu’il faudra absolument structurer avec les apprenants. L’élément le plus intéressant au
sortir de cette journée est bien évidemment la dynamique de ségrégation Est-Ouest qui a
lieu sur le territoire bruxellois. Il faudra donc comparer les photos ou schémas de bâti et
les deux transects de standing afin de déterminer l’axe de la ségrégation socio-spatiale
bruxelloise. Afin de vérifier cette hypothèse, il peut être intéressant d’utiliser des cartes
de répartition des revenus, du taux d’emploi, de l’espérance de vie, … sur les différentes
communes bruxelloises.
Afin d’exploiter les constats posés lors de la visite du musée de la ville de Bruxelles, il
peut également être intéressant de montrer que la dynamique Est-Ouest est le
prolongement de la dynamique déjà présente dès le Moyen-Âge et d’utiliser des
documents sur l’industrialisation de la ville pour expliquer la logique d’implantation du
bâti ouvrier et bourgeois à cette période.
26
VI. Retour réflexif sur l’expérimentation de l’outil sur le
terrain
Contexte
Afin de tester l’outil, une
journée de terrain a été
organisée avec l’École
Démocratique de
l’Orneau. Cette école est
particulière sur bien des
aspects, nous
n’interviendrons pas en
détail là-dessus mais
laisserons simplement ici
un extrait de la charte
éducative de l’école :
Notre approche éducative est basée sur trois piliers fondamentaux :
Pilier 1 : L’autonomie
Nous accompagnons chaque enfant dans l’apprentissage de l’autonomie, une compétence
qui lui permet de réussir tous ses apprentissages et de s’épanouir pleinement dans sa vie
future.
Pilier 2 : Le fonctionnement démocratique
La démocratie vécue au quotidien vise plusieurs objectifs et permet aux élèves de
développer les compétences nécessaires au plein exercice de la citoyenneté et de la
responsabilité. Elle a également pour vertu de préparer les nouvelles générations à
répondre aux enjeux écologiques et sociaux du 21ème siècle.
Pilier 3 : Etre sensibilisé pour mieux préserver : devenir acteur d’un développement
soutenable.
Gérard, B., Bruxelles, 2018.
27
Il est devenu urgent d’agir. Nous en avons tous les moyens. Et surtout, le devoir. C’est
pourquoi, nous avons décidé de faire du développement soutenable un des piliers de notre
école.28
Cette école ne
comportant pas de
« classe » à
proprement parlé, les
six élèves présents
lors de la journée de
terrain étaient âgés
entre 13 et 17 ans.
Quatre d’entre eux,
devaient alors encore
passer leur CE1D.
Retour critique sur la mise en œuvre
Activité 1
Points positifs Points négatifs et piste(s) d’amélioration
Itinéraire et timing prévu respectés sans
souci.
Variété de paysages et d’ambiances
suffisantes pour amener les apprenants à
réaliser les conclusions attendues.
La forme de la description audio est bien
reçue par les élèves.
Certains apprenants ont des difficultés à
passer devant une caméra. Cela peut être
une source de blocage.
➔ Il est possible de demander à
l’élève qui tient la caméra de faire
un commentaire. Ainsi, on observe
le paysage, avec le commentaire
audio sans que l’élève ne soit
« exposé ».
28 ÉCOLE DÉMOCRATIQUE DE L’ORNEAU, Notre approche éducative, http://ecoledemocratique-
orneau.be/approche-educative/ (page consultée le 19 mai 2018).
Gérard, B., Bruxelles, 2018.
28
Activité 2
Points positifs Points négatifs et solution(s)
d’amélioration
Musée gratuit pour les moins de 18 ans et
les enseignants.
Maquette claire, consignes claires, les
apprenants réalisent la tâche sans
difficulté.
La forme de la description audio est
également bien reçue par les élèves et
mise en place plus facilement que lors de
la première activité.
/
Activité 3
Points positifs Points négatifs et solution(s)
d’amélioration
Vélo pratique pour parcourir de longues
distances.
Diversité des bâtis entre les deux
directions suffisamment marquantes pour
aboutir aux conclusions attendues.
Difficulté d’organisation avec la location
de vélo
➔ Anticipation de la location
Difficultés, pour les élèves de schématiser
le bâti.
➔ Ne garder que l’étage « standing »
dans le transect et utiliser
l’application « Relive » pour
prendre 10 photos de bâti type sur
le parcours.
Difficulté à utiliser l’ensemble des fiches
bâti sur le terrain.
➔ Faire découvrir préalablement les
fiches aux apprenants.
29
VII. Fiches scientifiques à l’usage de l’enseignant
Afin de permettre l’utilisation de cet outil avec des élèves, il est important de fournir la
base scientifique nécessaire à sa compréhension. Afin d’assurer cette mission, le choix a
été posé de réaliser un travail de schématisation poussé afin de démontrer l’évolution de
l’espace urbain de la manière la plus synthétique et opérationnelle possible.
Quatre fiches ont donc été réalisées sur base d’un ouvrage scientifique reconnu : VAN
CRIEKINGEN, M., Introduction à la géographie urbaine et à l’urbanisme : des données à
l’analyse.
Ces quatre fiches portent donc sur :
- L’essence et la naissance (vers l’an mil) des villes
- La structure spatiale des villes médiévales
- La structure spatiale des villes industrielles
- La structure spatiale des villes postindustrielles
30
Fiche 1 : Essence et naissance des villes29
Essence des villes, organisation de la dichotomie urbain/rural
29 VAN CRIEKINGEN, M., Introduction à la géographie urbaine et à l’urbanisme : des données à l’analyse, pp. 9-16.
Fonction non-agricole (autres
fonctions de production, de
gouvernement et de culte) avec
une forte division du travail et
hiérarchie
Milieu Urbain
Milieu Rural
Fonction agricole
Surplus agricole
Gestion, contrôle
centralisé et protection
Concentration sociale et
spatiale des surplus
Spécialisation des
métiers non-
agricoles Avancées techniques
augmentant la
productivité des
campagnes
Situation d’implantation en lien
avec les axes commerciaux
Villes fondées sur des espaces
portuaires ou de connexion avec
des grandes voies commerciales
Lieu de marché
31
Naissance des villes vers l’an mil
Schéma de l’état d’une ville après la reprise du « commerce de loin » et de l’urbanisation
Construction d'un nouveau mur d'enceinte contenant des surfaces non-bâties
Construction rapide de faubourgs, de nouveaux quartiers à l’extérieur des enceintes, autour des portes
Reprise de l'urbanisation
La ville redevient un lieu d'échange commercial
Reprise du "commerce de loin"
Nouveau climat de sécurité sur les routes
Autres villes
Autres villes
Autres villes Autres villes
32
Fiche 2 : Structure spatiale des villes médiévales30
30 VAN CRIEKINGEN, M., Op. Cit., pp. 17-21.
Enceinte de la ville :
- Démarcation administrative entre la ville et la
campagne (payement de l’octroi aux portes,
limite de l’autorité des guildes, …)
- Séparation symbolique entre un monde défini et
sécurisé (la ville) et le monde extérieur
- Rôle défensif
Tissu urbain :
- Aspect confus et irrégulier (entrelacement de
rues sinueuses et étroites, bâti non-aligné)
- Gradation hiérarchique entre rues principales,
secondaires et ruelles
Division en quartiers autonomes et autosuffisants
(jusqu’à un certain degré) en fonction d’une
spécialisation fonctionnelle ou professionnelle.
Hiérarchisation des quartiers → 3 principaux :
- Centre marchand (hôtel de ville, beffroi, port,
marché)
- Centre religieux (cathédrale, palais épiscopal,
abbaye)
- Centre seigneurial (château, palais)
➔ Traduction dans l’espace de la répartition tri-
centralisé du pouvoir : seigneur, clergé,
bourgeoisie marchande
B
33
Légende
Enceinte →
Axes principaux →
Portes de la ville →
Cours d’eau →
Port →
Place de marché →
Beffroi →
Cathédrale →
Château →
P
B
34
Fiche 3 : Structure spatiale des villes industrielles
Avant l’industrialisation31
Si la structure des villes européennes n’a pas été profondément bouleversée par la période
de la Renaissance et modérément affectée par la période baroque (bastionnement des
enceintes, construction de places néoclassiques, de parcs, …), la seconde moitié du
XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe vont voir se dérouler une série de
transformations urbaines. En effet, sur cette période, un tiers de l’espace urbain hérité des
phases antérieures d’urbanisation va être remodelé par une série de
destructions/reconstructions ou réaffectations des bâtiments qui le composent. Ces
changements se font néanmoins sans recomposition structurelle du paysage et seront donc
sans commune mesure avec ceux apportés par l’industrialisation.
31 VAN CRIEKINGEN, M., Op. Cit., pp. 28-30.
35
Industrialisation – Milieu XIXe32
32 VAN CRIEKINGEN, M., Op. Cit., pp. 30-32.
Démantèlement des
remparts aux profits
de larges boulevards
+ Abolition de
l’octroi
Densification importante du
centre-ville (percement
d’impasses menant à des ilots
insalubres et trop denses pour
une bonne circulation de l’air)
Développement d’un canal pour
le transport de marchandises
Développement des premières
gares et de lignes de chemin de
fer
Développement
d’usines à proximité
des bassins de main
d’œuvre et des axes de
communication
Développement rapide de faubourgs
aux compositions sociales diverses.
Certains (plus bourgeois) sont
aménagés sur base d’un plan,
d’autres (plus populaires) ont un
développement organique.
36
Industrialisation - Fin XIXe, début XXe33
33 VAN CRIEKINGEN, M., Op. Cit., pp. 32- 40.
Poursuite de l’étalement urbain
Les anciens faubourgs et noyaux
villageois sont intégrés dans le
tissu urbain dense « Assainissement » des
quartiers centraux
(couverture des voies d’eau,
destruction de quartiers
populaires, aménagement de
boulevards rectilignes,
bâtiments monumentaux, …)
remplaçant les fonctions
résidentielles et productives
au profit des fonctions
administratives et
commerciales
Renforcement d’une
ségrégation spatiale des
classes sociales : le centre du
pouvoir politico-administratif
et les beaux quartiers
bourgeois aérés d’un côté et
les quartiers mêlant industries
et habitats ouvriers de l’autre.
Aménagement
de grands parcs
37
Fiche 4 : Structure spatiale des villes postindustrielles
L’évolution des infrastructures économiques
Au sortir de la seconde guerre mondiale, les conditions de vie des classes populaires sont
encore extrêmement précaires. On évalue encore le nombre de taudis à plus de 125 000
en Belgique, montrant ainsi que les logements de la classe ouvrière ne remplit qu’à peine
une fonction d’abris. Ce contexte déjà difficile, va être aggravé par une série
d’évènements démographiques : retour des conscrits, baby-boom d’après-guerre,
importation de main d’œuvre étrangère, reprise de l’exode rural, etc.
Les infrastructures économiques quant à elles, vont se modifier pour aboutir à un modèle
« keynésien » qui va s’apparenter à une plus grande intervention de l’État dans
l’économie, une répartition tripartite de la production (indexation des salaires sur les gains
de productivité) et une politique économique de la demande soutenue par de grands
travaux d’infrastructure commandés par l’État. Cela aboutira à une hausse des conditions
matérielles d’existence pour un grand nombre de travailleurs et, corolairement, à une
généralisation des valeurs consuméristes.34
L’ensemble de ces modifications va faire changer le statut de l’habitat d’un abri à un
objet, lieu et support de consommation individualisé.35
Dans le courant des années 1970, va se dérouler ce qui est communément appelé le
« tournant néolibéral ». La machine économique va connaitre une stagnation et une
inflation élevée résultant en une diminution des gains de productivité dans les industries,
et une impossibilité de faire efficacement face à la concurrence apportée par la
mondialisation grandissante. Cette crise économique va apporter des transformations
sociales et économiques profondes dans nos sociétés : une tertiarisation considérable de
l’économie, segmentation des chaines de production industrielle, un modèle basé sur la
flexibilité, une nouvelle division internationale du travail et l’introduction de la logique
d’austérité publique.36
34 VAN CRIEKINGEN, M., Op. Cit., pp. 47-50. 35 Ibidem., p. 50. 36 Ibidem., pp. 63-64.
38
En plus de tout cela, la qualité de la répartition de la richesse produite va fortement
diminuer et aboutir à une forte augmentation des inégalités sociales et d’une destruction
de ce qui était qualifié de « classe moyenne ».37
37 VAN CRIEKINGEN, M., Op. Cit., p. 64.
39
De la seconde guerre mondiale aux années 197038
38 VAN CRIEKINGEN, M., Op. Cit., pp. 50-51,60-62.
Extension spatiale et étalement urbain
important en périphérie de la ville.
Intégration d’espaces ruraux dans le tissu
urbain. Faible densité d’habitat. Modèle de
maison unifamiliale isolée sur sa parcelle.
Développement de parcs industriels.
Développement d’infrastructures routières
pour suivre la démocratisation de
l’automobile individuelle et son imposition
comme modèle de déplacement.
Urbanisation de la deuxième couronne
principalement par la construction de tours
et de barres d’appartements tant pour le
logement social que pour le haut standing.
Modernisation du centre urbain : grande
rénovation urbaine particulièrement
destructrice pour construire des ensembles
neufs de bureaux, logements, surfaces
commerciales, parkings et modification du
tracé des voies routières rapides pour les
connecter aux quartiers centraux. Ces
travaux vont permettre aux classes
moyennes de quitter le centre-ville pour
l’espace périurbain, appauvrissant ainsi les
quartiers centraux laissés aux classes
populaires. Les désagréments provoqués
par la phase de travaux étant également un
incitant au départ vers la périphérie.
Dissociation et
polarisation spatiale des
fonctions urbaines à
l’échelle métropolitaine.
40
De 1970 à aujourd’hui39
39 VAN CRIEKINGEN, M., Op. Cit., pp. 65-69.
Villes « gagnantes » Villes « perdantes »
Villes ayant
accomplies leur
transition du
secondaire vers le
tertiaire
Villes ayant perdu
leur base
économique
industrielle sans
déploiement de
nouvelles activités
Clivages entre villes
« gagnantes » et villes
« perdantes »
Gentrification de certains quartiers du
centre-ville. Ces quartiers sont des
espaces désinvestis par leurs
propriétaires dont les locataires sont
principalement issus de milieux
populaires. Le processus consiste en le
remplacement des habitants par
d’autres d’une catégorie sociale plus
élevée et d’une transformation du bâti
(rénovation, réhabilitation, etc.).
Forte poursuite de l’étalement urbain.
Diversification des fonctions
périurbaines : en plus de l’habitat et de
l’industrie, des zones commerciales, de
loisirs et de bureaux s’installent en
périphérie.
Diversification sociale des populations
périurbaines : lotissements très aisés et
sécurisés, banlieues paupérisées,
espace en transition, …
41
VIII. Conclusion
Conclure un TFE, et avec lui trois années de formation n’est jamais chose aisée. Que
peut-on retenir du présent travail ?
Il y a ici un outil que chaque enseignant de sciences humaines au premier degré de
l’enseignement secondaire peut utiliser pour faire découvrir le paysage urbain et sa
construction sociale. Afin de construire cet outil, un travail de cadastre du bâti typique
bourgeois/aristocrate et ouvrier a été réalisé et consigné sous forme de fiches descriptives
du bâti. Ces fiches peuvent constituer un outil en elles-mêmes pour tout enseignant qui
souhaiterait se pencher sur le bâti bruxellois.
De même, le travail de schématisation effectué afin de fournir une base scientifique à
l’utilisation de l’outil pourrait servir de base à chaque personne qui souhaiterait aborder
la construction de l’espace urbain avec une perspective matérialiste.
Les perspectives amenées par le coté outdoor de l’outil promettent, quant à elle, un beau
futur à la pratique de la didactique de la géographie dans un formation citoyenne : une
découverte du milieu pour s’inscrire dans celui-ci et le faire évoluer.
En définitive, nous laissons ici un outil complet mais permettant d’ouvrir de nombreuses
perspectives ou utilisations dont la prévision nous échappe.
42
IX. Bibliographie
Monographie
ALPE, Y., BEITONE, A., DOLLO, C., LAMBERT, J.-R., PARAYRE, S., Lexique de Sociologie,
Paris, Dalloz, 2010.
BAUD, P., BOURGEAT, S., BRAS, C., Dictionnaire de géographie, Paris, Hatier, 2008.
BEAMES, S., HIGGINS, P., NICOL, R., Learning Outside the Classroom Theory and
Guidelines for Practice, Oxon, Routledge, 2012.
DELVAUX, F., Géographie et didactique – Introduction, Louvain-la-Neuve, ENCBW,
2016.
ENGELS, F., MARX, K., Manifeste du parti communiste, Londres, 1848.
GRIMMEAU, J.-P., ISTAZ, D., Itinéraires du patrimoine résidentiel bruxellois, Bruxelles,
Société Royale Belge de Géographie, 1991.
MONTOUSSÉ, M., RENOUARD, G., 100 fiches pour comprendre la sociologie, Le Mesnil-
sur-l’Estrée, Bréal, 2015.
Socles de compétences, Bruxelles, Fédération Wallonie-Bruxelles, 2013.
SOUTMANS, P., Sociologie Urbaine – Clarification des concepts, Louvain-la-Neuve,
ENCBW, 2016.
VAN CRIEKINGEN, M., Introduction à la géographie urbaine et à l’urbanisme : des
données à l’analyse, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, 2017.
43
Sitographie
CENTRE NATIONAL DE RESSOURCE TEXTUELLES ET LEXICALES [En Ligne]
http://www.cnrtl.fr/definition/ (page consulté le 1 mai 2018).
CONFÉRENCE PERMANENTE DU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL, [En ligne],
http://cpdt.wallonie.be/sites/default/files/pdf/observatoire_du_paysage.pdf (page
consulté le 1 mai 2018).
CONSEIL DE L’EUROPE [en ligne], https://www.coe.int/fr/web/landscape/the-european-
landscape-convention (page consultée le 18 avril 2016).
CYBERCOMMUNAUTÉ – FÉDÉRATION WALLONIE BRUXELLES, [En ligne]
http://www.ecoles.cfwb.be/nainsdejardin/premi%E8re_enceinte_Bruxelles.htm (page
consulté le 5 mars 2018).
ÉCOLE DÉMOCRATIQUE DE L’ORNEAU, Notre approche éducative, [En ligne]
http://ecoledemocratique-orneau.be/approche-educative/ (page consultée le 19 mai
2018).
PORTAIL DES POUVOIRS LOCAUX, [En ligne]
https://pouvoirslocaux.wallonie.be/jahia/Jahia/site/dgpl/accueil/pid/922 (page consultée
le 1 mai 2018).
SAM ZYLBERBERG, JeRetiens, [En ligne]
https://static1.squarespace.com/static/55205524e4b09eb81bf3def5/552068f5e4
b099a4dd919b6b/55206900e4b099a4dd919db0/1428187467395/nocturne-museum-
13.jpg (page consultée le 12 mai 2018)
WIKIPÉDIA, Base and Superstructure, [En ligne],
https://en.wikipedia.org/wiki/Base_and_superstructure#/media/File:Base-
superstructure_Dialectic.png (page consulté le 5 mai 2018) [trad.] DEMARTEAU, J., 2018.
44
X. Tables des annexes
Annexe 1 : Documents élèves pour mettre en œuvre la journée de terrain
Annexe 2 : Fiches typomorphologiques du bâti bruxellois
1
Nom :
Prénom :
Date :
Journée de terrain : l’espace
urbain, un produit social ?
JOURNÉE DE TERRAIN : L’ESPACE URBAIN, UN PRODUIT SOCIAL ?
2
CONTEXTE
Tu fais partie d’un journal de jeunes de communauté française : « La bonne nouvelle ». Ton journal a
entendu parler du fait que la ville de Bruxelles serait fortement différente en fonction de l’endroit de
la ville où tu te situes. Ni une, ni deux, ton rédacteur en chef t’a demandé d’enfiler tes chaussures et
de partir en reportage dans plusieurs quartiers de la capitale.
ACTIVITÉ 1 (9H30-11H30)
Réalise une série de cinq courts reportages vidéo sur les différents quartiers indiqués sur le plan ci-
après. Pour chaque reportage/quartier, décris l’ambiance générale, le bâti (style, état, taille), la voirie
(gabarit) ainsi que les fonctions présentes. Ensuite, réponds, avec l’aide de tes camarades et de ton
enseignant, à ces deux questions de structuration.
➔ Que constates-tu à propos des différents quartiers visités ? Se ressemblent-t-ils ? Quels sont
les différences entre ces quartiers ?
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
➔ Selon toi, les habitants des différents quartiers sont-ils des mêmes classes sociales ?
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
JOURNÉE DE TERRAIN : L’ESPACE URBAIN, UN PRODUIT SOCIAL ?
3
3
4
5
1
2
JOURNÉE DE TERRAIN : L’ESPACE URBAIN, UN PRODUIT SOCIAL ?
4
JOURNÉE DE TERRAIN : L’ESPACE URBAIN, UN PRODUIT SOCIAL ?
5
ACTIVITÉ 2 (11H30-13H)
Tu viens donc de découvrir qu’il existe une répartition spatiale des classes sociales. En a-t-il toujours
été ainsi ? Pour vérifier cela, rends-toi au musée de la ville de Bruxelles, sur la Grand Place et, au 2ème
étage, découvre les origines et le développement de Bruxelles.
A. MAQUETTE DE BRUXELLES – XIIIÈM E SIÈCLE
La maquette présente dans le musée présente la situation de Bruxelles au XIIIème siècles, au moment
de la première enceinte. Observe-la afin de déterminer quel sont les éléments structurants du paysage
(relief, hydrographie, principaux quartiers, bâtiments notables, …). Replace ces éléments sur le schéma
ci-après.
JOURNÉE DE TERRAIN : L’ESPACE URBAIN, UN PRODUIT SOCIAL ?
6
B. LES CLASSES SOCIALES DU XIIIÈM E SICÈCLE
Relie les descriptions des classes sociales à leur nom afin de les identifier. Complète ensuite les
pointillés avec le lieu de pouvoir découvert sur la maquette qui est attaché à chaque classe sociale.
• Pouvoir militaire, judiciaire et politique.
• Droits et devoirs liés au sang (héréditaires).
• ……………………………………………………………………………...
• Pouvoir religieux
• Obligations : mener une vie conforme à la loi
divine, s'abstenir de certaines activités (jeu,
tavernes, commerce, chasse, etc.) et porter un
vêtement spécifique.
• Divers avantages : soustrait à la justice laïque,
exempté de l'impôt ou du service militaire.
• ………………………………………………………………………….
• Majoritairement méprisé (travail = pénitence)
• Deux catégories : Les manants (libres) et les
serfs (non libres)
• Les manants peuvent se déplacer, aller en
justice. Ils doivent payer les taxes publiques. Ils
participent à la gestion du village.
• Le maitre des serfs peut limiter leurs
déplacements, contrôler leur vie de famille,
percevoir des droits sur leur héritage, voire les
en priver. Ils ont néanmoins le droit de
posséder des biens et ne sont pas toujours
misérables. Il leur est possible d'acheter leur
liberté.
• ……………………………………………………………………….
Ceux qui
combattent
(Noblesse)
Ceux qui
travaillent (Tiers-
État)
Ceux qui prient
(Clergé)
JOURNÉE DE TERRAIN : L’ESPACE URBAIN, UN PRODUIT SOCIAL ?
7
C. L’ÉVOLUTION DE BRUXELLES DANS LE TEMPS
Autour de la maquette, tu trouveras diverses cartes qui
montrent le développement de Bruxelles depuis 1501 à
aujourd’hui. Réalise sous la forme d’une capsule vidéo,
une description des différences entre chaque étape de
développement de Bruxelles. Chaque jeune, ou groupe
prendra en charge la description des différences entre
deux cartes. Ainsi, le groupe complet prendra en charge
l’entièreté de l’évolution de la ville.
JOURNÉE DE TERRAIN : L’ESPACE URBAIN, UN PRODUIT SOCIAL ?
8
ACTIVITÉ 3 – 14H-16H30
Après avoir découvert l’idée d’une répartition spatiale des classes sociales, tu as découvert comment
cette répartition était structurée vers le XIIIème siècle. Deux groupes vont maintenant être formés afin
de réaliser deux transects dans Bruxelles. Chaque transect aura pour objectif de rendre compte des
dynamiques de répartition spatiale, passée et présente, observable à partir du paysage. Pour t’aider
dans cette tâche, tu as à ta disposition une série de fiches typologiques du bâti bruxellois que tu es
susceptible de rencontrer.
Chaque transect sera composé d’un « étage » où figurera un schéma de bâti type pour l’espace
parcouru et d’un « étage » informant sur le standing du bâti composant l’espace, qui sera figuré par
un code couleur : vert pour un haut standing, bleu pour un standing moyen/haut, noir pour un standing
moyen/bas et rouge pour un standing bas. Pour déterminer le standing du bâti, sois complet : observe
le nombre de sonnettes (quel est l’espace que chacun·e occupe dans le bâti ?), l’état extérieur du bâti
(rénové récemment, délabré, laissé à l’abandon, …) mais encore le standing « historique » du quartier
(quartier populaire, quartier bourgeois, etc.)
Un exemple est présent ci-après pour t’aider à comprendre ce à quoi doit ressembler ton transect :
A B
A
B
JOURNÉE DE TERRAIN : L’ESPACE URBAIN, UN PRODUIT SOCIAL ?
9
A. GROUPE 1 : L’OUEST DE BRUXELLES
A
B
C
D
E
A B
C
D C E
JOURNÉE DE TERRAIN : L’ESPACE URBAIN, UN PRODUIT SOCIAL ?
10
B. GROUPE 2 : L’EST DE BRUXELLES
Transect :
JOURNÉE DE TERRAIN : L’ESPACE URBAIN, UN PRODUIT SOCIAL ?
11
Une fois ton transect terminé, retourne à la gare centrale pour y retrouver l’autre groupe.
Garde bien précieusement le résultat de tes observations, un retour sera organisé à ce sujet en classe
par ton·a professeur·e.
J’espère que cette journée d’activités t’as permis de découvrir le territoire bruxellois et son
organisation sociale.
La maison bourgeoise
Ces habitations de taille inférieure à un hôtel de maître, mais datant
également du XIXème siècle, se distinguent également de ces derniers par
l’absence de porte cochère. La taille inférieure de la bâtisse s’explique
également par le niveau social légèrement inférieur de ces habitant·e·s.
Dans ce type de maisons, on trouvait la bourgeoise marchande, des
fonctionnaires d’État, de petit·e·s industriel·le·s, des avocat·e·s, des
médecins, etc.
Schéma d’une structure de
façade type d’une maison
bourgeoise du XIXème
Plan d’une maison bourgeoise du XIXème siècle
Il s’agit d’une maison unifamiliale dont l’entretien ne requiert qu’un
nombre restreint de domestiques (cuisinier·ère, homme/femme de
chambre, …).
Google Maps, 2018.
La maison ouvrière
Le bâti ouvrier de la révolution industrielle a connu de multiples formes
mais l’une d’entre elles est clairement la plus représentée : la maison
ouvrière unifamiliale avec sa cour et son potager personnel. En effet, une
loi de 1889 sur le logement social va permettre la création de sociétés de
logements sociaux (chargées de contruire et de louer à de bas prix des
logements) et l’octroi de prêts hypothécaires favorisant l’accès à la
propriété individuelle. Si la première mesure a eu un effet assez faible, la
seconde a eu pour effet la construction massive de maison ouvrière.
Plan de l’implantation type du bâti industriel (maison ouvrière)
Plan type d’une maison ouvrière unifamiliale, telle que la loi de 1889 les a
multipliées
Le bâti ouvrier est généralement implanté en front de rue, aligné par
rapport à la voirie. Cela donne la possibilité d’avoir, sur le reste de la
parcelle, une cour et un potager personnel (source de nourriture
complémentaire pour la famille). L’implantation mitoyenne de ce bâti
favorise également des dynamiques de solidarité entre les habitant·e·s de
ces maisons, dont la situation est relativement précaire.
GRIMMEAU ET AL., Plan type d’une maison ouvrière unifamiliale, telle que la loi de 1889
les a multipliées, 2007 [Trouvé dans] VAN CRIEKINGEN, M., Introduction à la géographie
urbaine et à l’urbanisme : des données à l’analyse, Université Libre de Bruxelles, 2017,
p. 188.
BELAYEW, D., Cours de Géographie
et Didactique, ENCBW, 2014.
La villa « 4 façades »
Après la seconde guerre mondiale, La
démocratisation de l’automobile va
entrainer de profondes modifications
dans nos modes de vie, entre autres la manière dont on « habite » le
territoire. L’une des manifestations les plus marquantes de cette idéologie
du « tout à la voiture » est l’apparition massive de villas, isolées sur leur
parcelle et en retrait mais parallèles par rapport à la voirie qui sont donc
dites à « 4 façades ». Cette implantation isolée marque symboliquement
un changement par rapport au passé : l’habitat privé devient un lieu
d’intimité et d’individualisme, c’est en quelque sorte l’implantation du
« chacun·e chez soi ».
Schéma de l’implantation type du bâti postindustriel (villa « 4 façades »)
Les façades de ces maisons
sont également marquées par
le « tout à la voiture » et par
l’idée d’un habitat privé plus
intime et individualiste.
En effet, la présence d’une
porte de garage intégrée à la
façade indique que le moyen de transport privilégié des habitant·e·s de
cette maison est la voiture. En général, il y a également un nombre de baies
moindre à l’avant qu’à l’arrière de la maison. On se protège des regards
extérieurs pour se tourner vers son jardin personnel (lui-même sans doute
entouré de haies, pour marquer une séparation avec celui du voisin).
Ce type d’habitat est aujourd’hui recherché par une partie importante de
la population mais y habiter coute un certain prix. D’abord, en raison de la
surface souvent importante que constituent ces habitations (le prix étant
au m², les prix de vente/location sont élevés) et ensuite en raison du mode
de vie s’y rattachant : presque toute activité nécessite un déplacement en
voiture.
Le style de ces villas est assez constant mais peut subir des influences
diverses en fonction de l’époque ou du lieu (allant du post-moderne, au
rural traditionnel).
BELAYEW, D., Cours de Géographie
et Didactique, ENCBW, 2014.
Google Maps, 2018.
Google Maps, 2018.
La villa « ouvrière »
D’un style résolument rural et
d’une taille pouvant faire
penser aux pavillons bourgeois
construits en périphérie, les
villas « ouvrières » sont un type
de bâti assez atypique. Ce sont
de grands pavillons carrés, à
l’implantation isolée sur leur
parcelle et donc entourés d’un
jardin. Or, il s’agit bien de
logement ouvrier plurifamilial.
Ces batisses sont concues pour
loger 4 familles ouvrières :
chaque étage est divisé en 4 parties et il en est de même pour le jardin.
L’aspect imposant de ces bâtisses ne doit donc pas masquer le caractère
spartiate de ces logements. Le confort y est réduit au minimum, comme
toujours dans les logements ouvriers, et les pièces sont superposées sur
trois étages (la dernière est sous le toit). L’accès se fait par une cage
d’escalier intérieur situé le long du mur mitoyen.
Dans le courant de la seconde moitié du XXème et au début du XXIème,
beaucoup de ces bâtisses ont été rénovées et sont maintenant occupées
par deux familles (doublant ainsi l’espace par famille).
Plan d’une villa « ouvrière »
Google Maps, 2018.
Google Maps, 2018.
L’hôtel de maître
Habitat de l’aristocratie et de la haute
bourgeoisie par excellence, l’hôtel de maitre
est une grande demeure conçue pour y loger
une riche famille, parfois deux générations
d’adultes. On trouve dans ces maisons des nobles, des grand·e·s
propriétaires terrien·ne·s, des grand·e·s industriel·le·s, des banquier·ère·s,
des officiers supérieur·e·s, des haut·e·s fonctionnaires, etc. Les habitant·e·s
de ces maisons employant de nombreux·ses domestiques, réalisant
couramment des réceptions et accueillant des visiteur·euse·s
régulièrement, on comprend mieux la taille imposante de ces bâtisses.
Plan d’un hôtel de maître du quartier Léopold
La façade décorée avec style, la hauteur des étages, la présence d’une
porte cochère (grande porte à deux battants, qui permet le passage des
voitures (hippomobiles, puis automobiles)) sont d’autant d’indices du haut
standing de ce type de construction du XIXème siècle et de ces habitant·e·s.
Mapio.net, https://static.panoramio.com.storage.googleapis.com/photos/large/47002296.jpg,
consulté le 15 février 2018.
Itinéraire du patrimoine résidentiel bruxellois, Hommes et paysages 35, SRBG - 2007
Google Maps, 2018.
L’immeuble à appartements
L’immeuble à appartements est à différencier de n’importe quelle maison
unifamiliale étant donné que plusieurs familles y habitent, ayant chacune
une plus petite unité d’habitation : l’appartement. Le principal avantage
urbanistique de l’immeuble à appartements sur la maison unifamiliale est
sa plus faible emprise au sol. En effet, le fait de concentrer des habitats en
hauteur sur une même surface au sol permet de limiter l’étalement urbain.
La plupart des immeubles à appartements datent de la seconde moitié du
XXème siècle. Ce type de bâti est à différencier de son ancêtre, l’immeuble
de rapport dont les cellules d’habitations étaient de qualité et de standing
inégal. En effet, dans un immeuble à appartements, les cellules sont
sensiblement de même qualité (initiale) et de même standing. Certaines
exceptions existent dans des immeubles où les derniers étages sont
semblables à des suites ou des penthouses, plus luxueux donc que les
autres cellules.
Ce type de bâti ayant initialement été construit pour y loger les classes
populaires et les classes moyennes inférieures (ouvrier·e·s, petit·e·s
employé·e·s de bureau, petit·e·s indépendants, etc.), un souci modéré a été
apporté au style extérieur de ces bâtiments. Ceux-ci sont majoritairement
construits en
béton armé,
en raison
des besoins
de solidité
important
d’un tel bâti.
Google Maps, 2018. Google Maps, 2018.
L’immeuble de bureaux
Depuis les années soixante, l’importance des divers secteurs d’activités de
l’économie a encore une fois été chamboulée. Le secteur primaire a
dominé jusqu’à céder sa place au secteur secondaire lors de la révolution
industrielle, le secteur tertiaire va quant à lui connaitre son essor lors de la
seconde moitié du XXème siècle. Dans l’espace urbain, cette modification va
se traduire par l’abandon des espaces industriels et par l’apparition des
immeubles de bureaux.
Les différentes contraintes liées au travail de bureau ont conduit à la
centralisation des bureaux dans des immeubles uniquement prévus à cet
effet (bien que le rez-de-chaussée puisse avoir une autre fonction).
Souvent construits en verre, acier et béton, les immeubles de bureaux font,
au vu de leur taille imposante, l’objet d’attention particulière en termes de
style et d’impact sur le paysage. On différenciera principalement
l’immeuble de bureaux de l’immeuble à appartements par la
prédominance des vitres du premier, le second étant plus intime puisque
prévu pour de l’habitat.
Google Maps, 2018.
Google Maps, 2018.
L’immeuble de rapport
Apparu au XVIIIème siècle et banalisé au
XIXème siècle, ce type d’immeuble tire
son nom de sa fonction : rapporter à
son propriétaire des loyers des
ménages occupants l'immeuble. Plus
qu’une opération urbanistique, il s’agit
d’un placement financier.
Ces immeubles sont construits sur 4 à 5 étages, sans ascenseur, ils
superposent des occupants de classes sociales décroissants selon le
nombre de marches d’escalier à monter. Le premier étage, pour
l’aristocratie et haute bourgeoisie, est fort prestigieux et comporte de
grandes pièces, de hauts plafonds ainsi qu’un balcon. Le deuxième, pour la
bourgeoisie, est également confortable bien que légèrement moins
luxueux que le premier. Le troisième étage, pour la petite bourgeoisie, est
quant à lui modeste, tandis que le dernier étage, réservé aux classes
populaires, est exigu, terne, peu entretenu. Le rez-de-chaussée peut être
commercial ou abriter une conciergerie.
Cette gradation se note depuis l’extérieur par les différences de hauteurs
et de décoration de façades entre les différents étages.
Coupe d’un immeuble de rapport
Dessin de Bertall gravé par Lavieille, gravure publiée dans Le Diable à Paris, Paris et
les Parisiens, « revue comique » Jules Hetzel éditeur, 1845. [En ligne]
http://grial4.usal.es/MIH/parisBuildings/resources/complement2.png, consulté le 21
mars 2018.
Google Maps, 2018.
CONCEPTION D’UN OBSERVATOIRE DU PAYSAGE DANS
LA VILLE DE BRUXELLES PAR L’INTERMÉDIAIRE D’UNE
JOURNÉE DE TERRAIN
Michiels Maxime
Sous la direction de Boereboom Thierry
Abstract
Au sein de ce TFE, nous présentons un outil à destination des enseignants d’histoire et de
géographie du premier degré de l’enseignement secondaire. Il s’agit d’un observatoire du
paysage urbain, mis en œuvre sous la forme d’une journée de terrain, dont l’objectif est de
démontrer que « l’espace urbain est un produit social ». Il s’inscrit dans une perspective
outdoor education de la didactique de la géographie et dans une perspective philosophique
matérialiste.
Il propose également, une série de schématisations des structures spatiales urbaines à travers
le temps et une série de fiches descriptives du bâti que l’on peut trouver dans le tissu
bruxellois.
Référence bibliographique
MICHIELS, M., Conception d’un observatoire du paysage dans la ville de Bruxelles par
l’intermédiaire d’une journée de terrain, Louvain-la-Neuve, ENCBW, 2018. Prom. :
BOEREBOOM, TH.