comment mesurer les comportements de consommation ethique
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Article de recherche
COMMENT MESURER LES COMPORTEMENTS DE CONSOMMATIONÉTHIQUE ?
Jean-François Toti, Jean-Louis Moulins
ARIMHE | « RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise »
2015/4 n° 18, vol. 4 | pages 21 à 42 ISSN 2259-2490DOI 10.3917/rimhe.018.0021
Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-rimhe-2015-4-page-21.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
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Article de recherche
Comment mesurer les comportements de consommation
éthique ? Jean-François TOTI9 et Jean-Louis MOULINS10
Résumé Il a été démontré que les consommateurs expriment leur éthique dans leurs choix de
consommation. Cependant, la définition de cette consommation éthique reste assez floue
en marketing du comportement du consommateur et sa mesure n’est pas toujours
adaptée. Nous proposons dans cet article de clarifier le concept de comportement de
consommation éthique (CCE) en construisant un cadre théorique approprié et en
développant un instrument de mesure valide et fiable. Une étude qualitative exploratoire
(14 interviews), suivie d’une collecte de données quantitatives (559 participants),
permettent d’établir les qualités psychométriques de cette échelle de mesure. Les
résultats offrent des perspectives intéressantes quant à la prise en compte de l’éthique
des consommateurs, tant au niveau académique que managérial.
Mots clés Consommation éthique, comportement du consommateur, développement d’échelle de
mesure, modèles équations structurelles.
Abstract Academics found that consumers express their ethics through their consumption choices.
However, the definition of ethical consumption is rather limited in the field of consumer
behavior and its measurement is not always suitable. We propose in this research to
clarify the concept of consumer’s ethical consumption behavior (ECB) by building an
appropriate conceptual framework to the field of consumption and by developing a valid
and reliable measuring instrument. First, a qualitative study was conducted with 14 in-
depth interviews and then, in a second step, a quantitative data collection was conducted
among 559 consumers. They used to establish the psychometric properties of this
measurement scale. The results open interesting perspectives for research and managers
in the field of consumer ethics.
Keywords Ethical consumption, consumer behavior, scale development, structural equation
modeling.
9 Doctorant, ATER, Sciences de Gestion, Aix-Marseille Université, Cret-Log - jean-franç[email protected] 10 Professeur des Universités, Sciences de Gestion, Aix-Marseille Université, Faculté d’Economie et de
Gestion, Cret-Log - [email protected]
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Introduction La consommation, en référence à Bourdieu, fait partie des mécanismes qui permettent
aux individus de se distinguer, plus particulièrement à travers les pratiques alimentaires,
culturelles et sportives (Moingeon, 1993). La plupart des spécialistes en sciences
humaines la considère comme une activité sociale avant d’être un acte individuel
(Darpy, 2012). Elle fait partie de nos vies et est nécessaire à notre équilibre physique,
mental et psychologique. Il est aussi aujourd’hui incontestable que la place de l’éthique
dans la consommation s’est considérablement accrue : les prises de décision, les actes
d’achat, les comportements des individus sont de plus en plus influencés par des
considérations éthiques. Ainsi sollicitées, les organisations intègrent souvent l’éthique et
la morale à travers le concept de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), qui
prend en compte aussi bien les problèmes sociétaux que les préoccupations d’ordre
environnemental. De fait, l’intérêt grandissant des entreprises pour la RSE s’explique
pour partie par la montée des considérations éthiques chez les consommateurs.
Nous considèrerons ici la consommation éthique comme une consommation en accord
avec des règles et principes éthiques. Elle englobe la consommation durable qui, elle,
n’implique pas nécessairement la prise en compte de considération éthique. Les
motivations d’une consommation durable peuvent être en effet purement d’ordre
économique. Plusieurs études ont été consacrées aux problèmes d’éthique en sciences de
gestion, mais la plupart se sont consacrées au management et à la stratégie des
entreprises à travers la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) (Martinet et
Reynaud, 2004 ; Thiery, 2005 ; Barthel, 2006 ; Martinet, 2007). Thiery (2005, p.64)
explique que « l’éthique induite dans la notion de RSE tend au respect de l’individu vis-
à-vis de l’ensemble de ses dimensions : consommateur, citoyen, actionnaire, etc. ». Il
s’agit pour les entreprises de concilier leurs intérêts économiques avec des impératifs
d’ordre social et environnemental. Dans le cadre de cette recherche, on ne s’intéressera
pas à la RSE, mais on se focalisera sur les consommateurs qui cherchent du sens à leurs
comportements d’achat.
L’économiste américain Jeremy Rifkin (2000) remarque que l’humanité doit réfléchir
sur ses modes de consommation et acquérir une conscience qui ne pourra venir que
d’une éducation respectant la diversité culturelle de la planète autant que sa biodiversité.
La consommation éthique peut être considérée comme une réponse à cette réflexion. Elle
a été définie comme un comportement réalisé par des consommateurs soucieux des
problématiques environnementales et sociétales (Newholm et Shaw, 2007). Plusieurs
travaux se sont intéressés à ce concept : certains tiennent aux valeurs et motivations
individuelles à l’achat de vêtements éthiques (Jägel et al, 2012) ; d’autres aux émotions
et dissonances dans la consommation éthique (Gregory-Smith et Winklhofer, 2013) ou
encore à la consommation équitable (Varul, 2009). De plus, l’éthique, dans le contexte
de la consommation, a été étudiée sous plusieurs angles plus ou moins complémentaires :
le commerce équitable (De Ferran et Grunert, 2007), le boycott (Smith, 1990), la
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consommation socialement responsable (François-Lecompte et Valette-Florence, 2004 ;
Ozcaglar, 2005) ou encore de la consommation écologique (Gierl et Stumpp, 1999).
Toutes ces études s’intègrent dans un contexte particulier et ne s’intéressent pas à la
consommation éthique en tant que telle. Aucune ne propose une mesure globale du
concept de comportement de consommation éthique. L’objectif de cette recherche est
donc double. Nous proposons dans un premier temps une redéfinition du concept, puis,
dans un second temps, une échelle de mesure fiable, pratique dans sa mise en œuvre et
bien adaptée aux recherches en comportement du consommateur.
1 - Revue de Littérature
1.1 - Le possible lien entre éthique et consommation
La littérature fait apparaitre deux sens liant l’éthique et la consommation. D’une part,
l’éthique de la consommation, qui juge la moralité de tout le système de production
capitaliste (Crocker et Linden, 1998). C’est ce sens de l’éthique qui prévaut dans les
discussions sur les problèmes environnementaux, la consommation durable et les
mouvements tel que la simplicité volontaire. La consommation est, elle-même, l’objet de
l’évaluation morale avec un objectif de contrôle, voire de réduction, de son niveau global
(Barnett et al, 2005). D’autre part la consommation éthique qui considère la
consommation, non comme l’objet de l’évaluation morale, mais comme un moyen
d’actions morales et politiques. C’est le sens dominant dans les cas de boycott par les
consommateurs, d’audits éthiques, d’actions de responsabilités sociales d’entreprises et
de campagnes de commerce équitable. Ici, la consommation éthique n’implique pas
nécessairement moins de consommation (Barnett et al, 2005). Il faut remarquer que ces
deux sens du lien entre éthique et consommation ne sont pas complètement opposés.
Ainsi, une succession de campagnes de consommation éthique peuvent réduire les
niveaux de consommation.
Plusieurs auteurs ont proposé des définitions de la consommation éthique : une décision
consciente et délibérée de faire des choix de consommation sur la base de croyances et
valeurs personnelles (Matten et Cranes, 2005) ; un comportement d’achat qui considère
les problèmes environnementaux, liés au bien-être animal, et les problèmes éthiques tels
que les régimes oppressants et l’armement (Mintel, 1994 ; Uusitalo et Oksanen, 2004)
l’associent à des aspects comme le travail des enfants, l’expérimentation animale,…,
dans la production et la distribution des biens et services. Oh et Yoon (2014, p. 279)
parlent d’une « consommation consciencieuse qui prend en compte la santé, la société et
l’environnement naturel sur la base de croyances morales personnelles ». Cette
consommation éthique n’est possible que si certaines entreprises proposent des produits
éthiques. En effet, depuis quelques décennies, les industriels font des efforts pour
intégrer l’éthique dans leurs stratégies globales depuis l’approvisionnement jusqu’au
produit final, en passant par le management. Benetton est connue pour son engagement
social. Les grands distributeurs (Leclerc, Carrefour, Casino, etc.) s’arrachent les produits
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labélisés Max Havelaar pour marquer leur engagement équitable, quand ils ne produisent
pas eux même des produits bios et équitables sous des marques de distributeur. C’est
aujourd’hui le cas de certaines multinationales telles que Coca Cola Life dont
l’emballage vert évoque une boisson plus saine ou encore de McDonald dont le logo est
passé au vert en France pour signaler son engagement dans la protection de
l’environnement. Car désormais les consommateurs ne se contentent plus simplement de
la qualité ou du prix des produits mais sont à la recherche de critères plus complexes
relatifs aux comportements des entreprises, aux conditions de fabrication et à la
composition des produits qu’ils achètent. L’enquête de GreenFlex-Ethicity (2014)
montre que 67% des entreprises étudiées relient directement ces initiatives durables
(éthiques en partie) à l’amélioration des parts de marché de leurs produits. Mais qui est
le consommateur éthique ? Comme le disent Harisson, Newholm et Shaw (2005, p.2),
« le consommateur éthique n’ignore pas le prix et la qualité, mais considère en plus
d’autres critères (parfois prioritairement) dans son processus de décision ». Dans cette
recherche, nous utilisons le thème « éthique » dans son sens le plus large possible. Les
acheteurs éthiques peuvent ainsi avoir des motivations politiques, sociales,
environnementales, religieuses, spirituelles ou d’autres encore, lorsqu’ils choisissent un
produit. Harrison, Newholm et Shaw (2005) soutiennent que l’une des caractéristiques
communes à tous ces types de consommateurs éthiques est que les effets attendus de ce
choix d’achat s’exercent autant sur eux-mêmes que sur le monde qui les entoure.
Concrètement, plusieurs pratiques se développent chez les consommateurs, telles que la
consommation équitable (De Ferranet et Grunert, 2007), le boycott de produit (Lavorata,
2014) ou encore la consommation verte (Moisander, 2007). Griskevicius, Tybur et Van
den Bergh (2010) pensent aussi qu’il arrive que les consommateurs, loin de
préoccupations éthiques, se tournent vers des produits verts dans le but d’atteindre un
statut social et d’être mieux perçus par leur communauté.
1.2 - Freins et motivations à la consommation éthique
Les recherches montrent que le nombre de personnes qui s’initient à la consommation
éthique est en constante progression (Harrison et al, 2005), bien que de nombreux freins
existent. Les motivations de cette consommation éthique sont multiples et variées. C’est
ce qui justifie l’étendue des comportements possibles en matière de consommation
éthique. De Ferran (2003), dans le domaine du café équitable (produit éthique), identifie
comme principales motivations : le respect des droits de l’homme, la traçabilité des
produits comme gage de qualité, l’attribut « biologique » d’un produit qui contribue au
respect de l’environnement et la recherche du plaisir. Aussi, la seule valeur sociétale ne
suffit pas. Les produits équitables doivent aussi être bons.
Cornish (2003) montre aussi que la consommation de produits éthiques n’est pas
toujours motivée par des préoccupations éthiques, elle reflète parfois l’égoïsme des
individus. En effet, « le désir de santé » est, de loin, le plus fréquent et constitue la
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motivation première à l’achat. C’est le cas de l’achat de produits biologiques (fruits et
légumes) qui sont réputés bons pour la santé et plus riches au niveau nutritionnel. La
« peur de la maladie » est une motivation (inverse) voisine qui est liée aux risques
chimiques présents dans de nombreux produits du quotidien. Le « désir de qualité »
traduit le fait que les consommateurs achètent des fruits et légumes bio, ou du café
équitable essentiellement parce qu’ils les perçoivent de meilleure qualité. Enfin le « désir
de vertu », où l’attribut éthique est un catalyseur qui permet le déclenchement de la
décision. L’auteur conclut que la consommation de produit éthique est moins motivée
par l’altruisme que par l’intérêt personnel. Bien entendu, s’ils ont le choix entre deux
produits aux attributs tangibles comparables, les consommateurs éthiques opteront en
priorité pour le produit éthique.
Lorsque les consommateurs ont de réelles motivations éthiques, il existe plusieurs
difficultés à surmonter. François-Lecompte (2009) résume en six points les obstacles à la
consommation socialement responsable : (1) le manque d’informations sur les pratiques
des entreprises, (2) le surcoût financier, mais le prix élevé de ces produits conforte aussi
les consommateurs dans leur perception d’une qualité supérieure (Husic et Cicic, 2009),
(3) le manque de disponibilité de ce type de produit qui exige des efforts de recherche,
(4) les produits durables ou éthiques ont souvent une valeur hédonique faible, (5) cette
consommation socialement responsable est perçue globalement comme trop
contraignante dans la vie quotidienne, et (6) il est difficile pour le consommateur de
savoir quel est le « bon » comportement. Ces freins peuvent être transposés à la
consommation éthique, avec une restriction. En effet, les consommateurs éthiques sont
souvent très motivés, ils vont à la recherche d’informations pertinentes sur les
entreprises, font partie de groupes engagés (Greenpeace par exemple) et sont souvent
prêts à payer plus. Le premier frein concernant le manque d’information est donc
contestable dans ce cadre.
1.3 - Utilité d’une échelle de mesure du Comportement de Consommation Ethique
A notre connaissance, il n’existe aucune échelle globale de mesure des comportements
de consommation éthique. On retrouve cependant dans la littérature des échelles de
mesure qui, bien que différentes, se rapprochent de notre conception. Nous
circonscrirons notre présentation aux plus proches en soulignant leurs limites pour notre
approche. Megicks, Memery et Angell (2012) étudient la dimension éthique de l’achat
de produits locaux (Drivers of Purchasing Local Produce) qui se décompose en quatre
dimensions : (1) Qualité intrinsèque (ex. « J’achète des produits locaux parce qu’ils sont
naturels »), (2) Soutien local (ex. « J’achète des produits locaux parce que cela soutient
les producteurs locaux »), (3) Ethique durable (ex. « J’achète des produits locaux car ils
sont respectueux de l’environnement ») et (4) Bénéfices de l’achat (ex. « J’achète des
produits locaux parce que je me sens coupable si je ne le fais pas »). Cette échelle réduit
le champ de la consommation éthique à l’achat de produit locaux.
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L’échelle de l’éthique du consommateur (Consumer Ethics Scale - CES) de Muncy et
Vitell (1992) est, à ce jour, la plus fiable et la plus utilisée. Elle a bénéficié de plusieurs
travaux empiriques qui ont permis de l’améliorer (Vittel et Muncy, 2005), mais elle reste
faillible sur différents points. D’abord au niveau de son applicabilité, certains items
reflètent peu la réalité d’aujourd’hui. C’est le cas par exemple de « l’enregistrement d’un
film par le biais de la télévision » ou de « télécharger de la musique sur internet plutôt
que de l’acheter ». Aujourd’hui, ces actions sont possibles en toute légalité. D’autres
items ne relèvent pas forcément de l’éthique comme « essayer des vêtements pendant
une heure et ne rien acheter finalement », ou dépendent d’opportunités externes, comme
le « recyclage de bouteilles, canettes ou de journaux ». Enfin, l’échelle est restreinte aux
rapports entre clients et vendeurs et néglige les autres décisions d’achat. C’est le cas
pour les dimensions « bénéficier activement d’activités illégales » (actively benefiting
from illegal activities) et « bénéfice passif » (passively benefiting) avec des items comme
«Donner un prix erroné au vendeur lorsque l’étiquette a été arrachée » ou encore « Ne
rien dire lorsque la caissière se trompe en notre faveur ».
François-Lecompte (2006) développe une échelle de sensibilité à la consommation
responsable (échelle de Consommation Socialement Responsable, CSR). Cette échelle
est très proche des préoccupations éthiques mais: (1) elle ne prend pas en considération
le tri sélectif, le recyclage, etc., (2) privilégie un certain localisme (origine européenne
ou française des produits) et un régionalisme (aider les petits commerces) (exemple :
« Quand j’ai le choix, j’achète des produits fabriqués en France ») et néglige totalement
les aspects du commerce équitable (par exemple, revenu raisonnable des agriculteurs du
tiers monde) ; (3) l’échelle est orientée sur les caractéristiques d’un produit ou d’une
entreprise (quatre dimensions sur cinq) et ne met pas l’accent sur les motivations
individuelles des consommateurs qui sont considérés comme assez passifs. Ceux-ci
peuvent acheter en petits commerces parce que géographiquement proches et non
pas socialement responsables, ou consommer une énergie écologique (moins polluante)
parce qu’habitant dans des résidences conçues de la sorte.
Notre approche est différente, nous considérons le consommateur comme actif et
l’ensemble de ses comportements doit être volontaire et soutenu par des motivations
éthiques. En outre, avec la globalisation des échanges, l’éthique ne peut plus être limitée
à une dimension locale ou régionale.
L’échelle d’achat socialement responsable de Webb, Mohr et Harris (2008) – Socially
Responsible Purchase and Disposal (SRPD) – se compose de trois dimensions : (1)
l’achat basé sur la performance de l’entreprise du point de vue de sa responsabilité
sociale, (2) le recyclage et (3) le rejet (ou l’utilisation limitée) de produits en fonction de
leur impact environnemental. Ces deux dernières dimensions apparaissent très proches.
En effet, le recyclage des produits est un critère d’évaluation de son impact
environnemental. L’échelle SRPD fait abstraction de termes qui peuvent permettre aux
consommateurs éthiques de différencier rapidement les produits lorsqu’ils manquent
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d’expertise ou d’information. Les indications de « commerce équitable » et de « label
écologique ou Bio » sont par exemple absentes.
Enfin, l’instrument de mesure d’Oh et Yoon (2014) est limité à trois items de capture des
intentions de consommation éthique. Il reste assez abstrait et ne mesure pas des
comportements réels ou passés, ni même les préférences mais projette le consommateur
dans un futur hypothétique11.
Cette grande variété d’échelles de mesure des comportements éthiques rend les
frontières de la consommation éthique assez floues. Les auteurs l’abordent sous
différents angles sans vraiment se focaliser sur le concept lui-même. Il apparait ainsi un
gap entre la définition de la consommation éthique et ses instruments de mesure. Nous
présentons, dans les paragraphes suivants, la démarche mise en œuvre pour aboutir à une
échelle de mesure générale des comportements de consommation éthique.
2 - Etude 1 : Entretiens qualitatifs exploratoires
2.1 - Méthode : Collecte de données
Une étude qualitative exploratoire, à l’aide de 14 entretiens semi-directifs, a été menée
afin de mieux comprendre le concept de comportement de consommation éthique (CCE).
L’échantillon se compose d’individus engagés (voir annexe 1) dans diverses actions en
relation avec l’éthique, comme les associations pour le développement du commerce
équitable, de promotion de l’écologie/environnement, de lutte contre la pauvreté ou
encore d’actions de boycott liées au non-respect des droits de l’homme. Des
consommateurs, que nous qualifierons «d’ordinaires», ont aussi été interrogés. La
collecte de données autour de thématiques relatives à l’éthique doit se faire avec
beaucoup de précaution du fait de sa forte vulnérabilité à la désirabilité sociale (Brunk,
2010a ; Mohr, Webb et Harris, 2001). Afin de réduire ce biais et minimiser le self-
presentational concerns, qui est le fait d’adopter certaines postures dans les interactions
sociales dans le but d’influencer les autres et/ou de se construire une identité
(Christopher et Schlenker, 2004 ; Czellar, 2006), le choix s’est porté sur des entretiens
individuels en face-à-face (d’une durée de 30 à 90 minutes) plutôt qu’un focus groupe
(Bristol et Fern, 2003). Le guide d’entretien semi-directif utilisé est donné en annexe 2.
2.2 - Résultats de l’étude qualitative
Dans cette section, les résultats sont présentés en deux volets. Le premier concerne les
différents aspects de la consommation éthique ; le second est relatif à sa définition.
Chaque propos est illustré à l’aide des verbatim qui constituent des unités de contexte
élémentaire (UCE). L’éthique du consommateur est perceptible dans ses actes et ses
11 Les trois items de l’échelle d’Oh et Yoon (2014) : 1- Je souhaite consommer des produits éthiques ; 2- Je
prévois de consommer des produits éthiques et 3- Je préfère les produits éthiques aux autres produits.
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choix de consommation. La consommation éthique est basée sur une approche réfléchie
et calculée des choix du consommateur. « Pour moi le comportement éthique c’est ça, c’est à la fois respecter l’Homme et respecter la
terre sur laquelle on vit quoi, […] j’essaie de transmettre ça à mes enfants et à mes petits-
enfants, j’essaye ! » (Femme, 58 ans).
L’analyse des entretiens qualitatifs, permet de subdiviser la consommation éthique en
trois dimensions principales : sociale, politique et environnementale/écologique.
La dimension sociale prend en compte la solidarité, le partage, l’intérêt pour autrui,
l’altruisme et qui se manifeste par la consommation de produit-partage, le commerce
équitable, le don et l’achat de produits régionaux ou à de petits producteurs. La
consommation éthique est aussi une façon de vivre ensemble. Elle crée du lien social
entre les individus, lorsque les consommateurs ont tendance à se replier sur eux-mêmes.
La dimension sociale de la consommation éthique remet la solidarité au cœur des
échanges entre les individus. « J’essaie aussi d’aller dans les associations, quand j’achète, au moins je sais que mon argent
va servir à aider l’autre. » (Femme, 38 ans). « La plupart du temps, les fruits et légumes,
j’achète au maximum sur le marché, directement au producteur comme ça je sais que l’argent
que je paye va au producteur et pas chez les grands commerçants qui font de trop grandes
marges. » (Femme, 38 ans).
La dimension politique est la volonté du consommateur d’être actif, de changer les
choses, de rechercher plus de justice et d’utiliser son pouvoir d’achat pour encourager
des initiatives allant dans ce sens. Les consommateurs font des dons à des
associations éthiques, ils achètent des produits du commerce équitable pour améliorer les
conditions de vie des producteurs ou, à l’inverse, boycottent certaines marques qu’ils
jugent non-cohérentes avec leurs systèmes de valeurs. « Moi je me dis, le consommateur, il a un poids invraisemblable, […], à ce temps t, si on disait
par exemple, on n’achète plus des trucs qui contiennent des OGM, Et bien, c’est vite vue hein,
on en fabriquerait plus hein !!» (Femme, 58 ans). « En grande surface, comme je l’ai dit,
j’essaye d’éviter d’acheter […] Parce qu’en grande surface, ils gagnent mais leurs salariés et
leurs producteurs sont mal payés, avec des mauvais traitements… » (Femme, 38 ans)
La dimension environnementale/écologique s’intéresse aux préoccupations des
consommateurs pour l’environnement et aux risques qui pèsent sur l’avenir de notre
planète : les problèmes climatiques, la surexploitation de ressources naturelles, la
surconsommation avec pour conséquences d’énorme rejet de CO2, la production
d’énorme quantité de déchets, etc. Cette dimension trouve son application dans le
développement de l’agriculture biologique, des énergies renouvelables, la recherche de
plus de simplicité dans la vie quotidienne, le recyclage, etc. « Si un jouet est en bois je vais le privilégier par rapport à un autre qui serait tout en
plastique » (Femme, 36 ans). « En Amazonie par exemple, on coupe des forêts pour installer
l’élevage de bovin, le consommateur qui achète cette viande participe indirectement à la
déforestation […] et au réchauffement climatique. » (Homme, 33 ans).
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n°18 - août/septembre/octobre 2015
- 29 -
Figure 1 : Dimensionnalité de la consommation éthique
Le deuxième résultat de l’étude qualitative concerne la définition du domaine du
construit des CCE. Suite à cette étude qualitative et à la spécification du domaine du
construit à partir de la littérature (Churchill, 1979), nous définissons le comportement de
consommation éthique comme une manière d’acquérir et d’utiliser des produits et
services épousant autant que possible ses principes et valeurs morales. En d’autres
termes, c’est la volonté de prendre en considération des préoccupations éthiques lors de
ses actes d’achat et de consommation des produits et services.
Il apparaît dès lors nécessaire de proposer une nouvelle échelle des « Comportements de
consommation éthique » (CCE) qui prenne en considération le caractère global de cette
consommation éthique à travers ses trois dimensions politique, sociale et
environnementale.
3 - Etude 2 : Construction de l’échelle
3.1 Méthode de l’étude quantitative
L’étude qualitative exploratoire et la revue de littérature ont permis d’obtenir un
ensemble de 28 énoncés initiaux. Ces énoncés ont fait l’objet d’un test de validité faciale
auprès de 5 experts (3 académiques et 2 responsables de magasins éthiques) qui se sont
prononcés sur leur pertinence à répondre à notre définition de la consommation éthique.
Puis un prétest a été effectué sur un échantillon de convenance (100 consommateurs). Il
a permis de stabiliser la formulation des items de mesure de sorte qu’ils soient
généralisables et applicables à plusieurs situations de consommation.
Au final, 23 items ont été retenus et testés à l’aide d’une collecte de données via
l’interface internet Sphinx Declic, soit 559 réponses, représentatives de la population
française (Panel CINT). La procédure utilisée dans le développement de cette échelle de
mesure est celle proposée par Churchill (1979).
Consommation
Ethique
Dimension Sociale Dimension politique Dimension Environnementale
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3.2Analyse factorielle exploratoire et purification de l’échelle
Le processus de purification des mesures suit les recommandations de Gerbing et
Anderson (1988). L’échantillon de départ a été scindé en deux de manière aléatoire sous
SPSS 18. Le premier sous-échantillon (N1) représente 203 répondants, soit environ
37% de l’échantillon total. Il sert de base à l’analyse factorielle exploratoire réalisée sur
SPSS 18. Après élimination de valeurs extrêmes et aberrantes, 196 observations sont
retenues.
La quasi-normalité des données – coefficients d’asymétrie (Skewness) et d’aplatissement
(Kurtosis) – et l’absence de multi-colinéarité par le biais des indices de Tolérance et les
VIF (Variance Inflation Factor) ont été ensuite vérifiées et sont satisfaisantes. Les ACP
successives avec rotation promax (oblique) respectent les normes suivantes : (1) l’item
doit avoir une saturation supérieure à 0.45 et une communalité satisfaisante supérieure à
0.5 ; (2) la différence des scores de saturation d’un item qui charge sur plusieurs facteurs
doit être au moins supérieure à 0.3. Au final, nous obtenons une structure à trois facteurs
composés de 15 énoncés.
Dans le tableau 1, les contributions inférieures ou égales à 0,45 ont été effacées par souci
de lisibilité. La structure factorielle obtenue extrait 72,44% de la variance expliquée, soit
52.50% pour le facteur 1 ; 11.61% pour le facteur 2 et 8.32% pour le facteur 3. Les
communalités sont tous acceptables (>0,45).
L’analyse permet d’identifier trois dimensions bien distinctes. Le facteur 1 représente les
aspects politiques de la consommation éthique, l’idée d’utiliser son pouvoir d’achat pour
changer les choses en récompensant les pratiques et les comportements managériaux
jugés bons et corrects. En sens inverse, elle peut prendre la forme de contestation, voire
de boycott de produits, de marques ou d’enseignes qui ne correspondent pas aux attentes
éthiques des consommateurs. Ceux-ci adoptent donc des comportements favorisant les
produits qui correspondent le mieux à leurs valeurs (ici l’écologie, le bio, l’équitable, la
solidarité, l’altruisme, etc.).
Le deuxième facteur correspond à la dimension sociale du comportement éthique. Elle
est relative à l’aspect altruiste, à l’idée du bien-être des autres et notamment des
employés. Il s’agit de la place de l’humain dans la gestion des ressources de l’entreprise.
Le facteur 3, reflète les aspects environnementaux de la consommation éthique. Il
concerne, ici, l’engagement des consommateurs pour la protection de l’environnement
(recycler des objets, éviter le gaspillage, éviter de prendre la voiture) en adoptant des
comportements respectueux dans leur vie quotidienne.
Les coefficients de cohérence interne (alpha de Cronbach) sont supérieurs à 0.7 pour
chaque dimension.
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Tableau 1 : Structure factorielle après l’analyse factorielle exploratoire
Items de mesure Composante Qualité Rép.
(Communalité) 1 2 3
13 – J’achète de préférence des produits issus de
l’agriculture biologique.
,832 0.643
16 – J’achète des produits issus du commerce
équitable.
,818 0.800
17 – Je privilégie l’achat de produit ayant un label
écologique.
,893 0.787
23 – Je privilégie l’achat dans des magasins qui
mettent en valeur les produits écologiques ou Bio.
,943 0.777
24 – Je préfère faire mes achats dans les magasins qui
valorisent le commerce équitable.
,836 0.788
15 – J’achète des produits pour les donner à des
associations caritatives.
,728 0.470
19 – J’achète des produits du commerce équitable par
solidarité envers les producteurs.
,762 0.773
20 – J’achète des produits vendus dans le cadre
d’actions sociales.
,815 0.678
29 – J’évite les produits ou marques qui font
travailler les enfants même indirectement.
,940 0.869
30 – J’évite les produits issus d’entreprises qui ne
respectent pas le droit de leurs salariés.
,937 0.865
31 – J’évite les marques/produits qui profitent de la
misère de leurs employés.
,971 0.919
18 – Je limite ma consommation (alimentaire,
énergie, vêtements, etc.) à ce dont j'ai vraiment
besoin.
,643 0.451
25 – Je trie mes déchets et ordures ménagères si j'en
ai la possibilité.
,898 0.666
28 – Je contribue à la préservation de
l’environnement par des gestes au quotidien.
,780 0.693
34 – Pour réduire ma contribution au réchauffement
climatique, je consomme différemment.
,472 0.687
coefficient alpha de Cronbach (α) 0.938 0.941 0.760
3.3 Analyse factorielle confirmatoire
L’analyse factorielle confirmatoire (AMOS 18) a été effectuée sur la deuxième partie de
l’échantillon (N2 = 357, soit environ 63% de l’échantillon total). Les valeurs extrêmes
multivariées ont été supprimées à l’aide du critère de distance de Mahalanobis (D).
Après la suppression de 21 observations ayant des valeurs D2 trois fois supérieures au
nombre d’items, la taille de l’échantillon final est de 336 répondants. Le tableau 2 donne
les valeurs des indices d’ajustements et les différentes spécifications du modèle.
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Tableau 2 : Indices d’ajustement du modèle à 3 facteurs d’ordre-un
Indices de parcimonie Indices incrémentaux Indices absolus
Spécifications CMIN/ddl CAIC TLI CFI GFI - AGFI RMSEA
Modèle1
N = 336
4.775
(87 ; p<.000)
640,365 0.920 0.934 0.856 –
0.802
0.106
Modèle 2 sans item
15 et 2 corrections
2.554
(72 ; p<.000)
417.404 0.971 0.977 0.930 –
0.895
0.068
Modèle 3 sans items
25, 13 et 17
2.487
(41 ; p>.001)
272.407 0.977 0.983 0.948 –
0.917
0.067
Le modèle final d’ordre-un (modèle 3) de l’échelle de mesure des comportements de
consommation éthique (CCE) se compose de 11 items au total (voir figure 2 ci-dessous).
Le processus de re-spécifications successives aboutit à un modèle satisfaisant après la
suppression de quatre items (un sur la dimension Environnement et trois sur la
dimension Politique). Le modèle 3 obtient d’excellentes qualités psychométriques.
Figure 2 : Structure factorielle de l’échelle et coefficients de régression standardisés
3.4 Fiabilité et validité de l’échelle Sensibilité Ethique
Les qualités psychométriques de l’échelle étant satisfaisantes, la validité et de fiabilité du
modèle peuvent être vérifiées. La validité de contenu doit être opérée en amont des
analyses. Il n’existe pas d’indicateur statistique formel. Elle consiste à s’assurer que
l’instrument de mesure correspond bien au construit mesuré. Au niveau de la génération
Dimension
Politique
Dimension
Sociale
Dimension
Environnement
CCE-P3
CCE-P4
CCE-P5
CCE-P10
CCE-P11
CCE-S5
CCE-S6
CCE-S7
CCE-E2
CCE-E6
CCE-E7
e6
e5
e4
e2
e1
e11
e10
e9
e15
e13
e12 0,88
0,77
0,65
0,95
0,97
0,88
0,87
0,94
0,92
0,81
0,88
0,68
0,71
0,76
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des items, nous avons fait appel à des travaux empiriques sur l’éthique en marketing et
les items font référence aux sujets (thèmes) abordés lors des entretiens qualitatifs
exploratoires présentés dans la section 2. Par ailleurs, les items obtenus lors de ces étapes
ont été soumis à 3 experts académiques et 2 experts professionnels. Ces précautions
garantissent la cohérence entre les items et le construit tel qu’il a été défini. La fiabilité
de l’échelle est défini comme « la qualité d’un instrument de mesure qui, appliqué
plusieurs fois à un même phénomène, doit donner les mêmes résultats » (Evrard et al,
1993, p.586). Le coefficient rhô de Joreskög12 de cohérence interne est moins sensible au
nombre d’items par facteurs que le coefficient alpha de Cronbach (Peterson, 1994). Plus
la valeur de rhô est proche de 1, plus l’échelle est cohérente et fiable. Le tableau 3 donne
les valeurs du coefficient rhô de Joreskög : la fiabilité de l’échelle est donc excellente.
La validité convergente, quant à elle, permet de vérifier si « différents indicateurs qui
sont censés mesurer le même phénomène sont corrélés » (Evrard et al, 1993, p. 586).
L’indice rhô VC (validité convergente) permet de voir si la variance moyenne extraite du
construit est davantage expliquée par les items qui le mesurent que par l’erreur (c’est le
pourcentage de variance qu’une variable partage avec ses indicateurs). La valeur de ρVC
doit être supérieure à 0.5. Dans le cas des trois dimensions de l’échelle CCE, cette
condition est satisfaite. L’échelle a une très bonne validité convergente (tableau 3).
Tableau 3 : Récapitulatif de la fiabilité et validité convergente de l’échelle SEC
Dimension Politique Dimension
Environnement
Dimension
Sociale
Rhô de Joreskög 0.947 0.814 0,953
Rhô VC 0.783 0.598 0,872
En ce qui concerne la validité discriminante, nous avons pris le soin de ne retenir que les
items qui saturent uniquement sur un axe, ce qui permet d’avoir un premier indice de la
bonne validité discriminante de notre construit. La validité discriminante d’un construit
est démontrée lorsque la variance partagée entre les variables latentes est inférieure à la
variance partagée entre les variables latentes et leurs indicateurs (qui est exprimée par le
Rho VC) (Fornell et Larcker, 1981). La variance partagée entre deux variables latentes
est déterminée par la corrélation élevée au carré entre ces deux variables latentes.
Tableau 4 : Validité discriminante de l’échelle de SEC
Dimension Politique Dimension Environnementale
Dimension Sociale
Dimension Politique 0.78313
Dimension Environnementale 0.762 (0.580) 0.598
Dimension Sociale 0.683 (0.466) 0.710 (0.504) 0,872
12Feuille de calcul développée par Mickaël Korchia disponible à : http://watoowatoo.net/sem/sem.html 13Les variances extraites par chaque dimension (rhô vc) sont dans la diagonale et les corrélations sont hors
diagonale (avec leur valeur au carré)
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Au regard des résultats exposés dans le tableau 4 ci-dessus, la validité discriminante de
l’échelle de comportement de consommation éthique du consommateur est vérifiée.
Enfin, le test d’un facteur de second-ordre est effectué grâce à une AFC de second ordre
(modèle 4) de manière à évaluer de façon rigoureuse la fiabilité et la validité des trois
dimensions de l’échelle CCE. Le facteur de second ordre nous permettra de déterminer
l’effet du construit sur d’autres variables. Un facteur de second ordre est un construit
possédant plusieurs facettes ou dimensions distinctes mais conceptuellement liées ;
chacune d’entre elles est unidimensionnelle mais fait référence à un concept théorique
unique (Bressolle, 2006).
Deux raisons justifient cette démarche. Il est apparu dans l’AFC d’ordre-un, qu’il existe
des corrélations fortes (>0.5) entre les 3 dimensions de l’échelle. Le facteur d’ordre-deux
est souvent utilisé dans le modèle d’équations structurelles et permet de vérifier si le
construit de « comportement de consommation éthique » est bel est bien représenté par
les dimensions Politique, Environnementale et Sociale (Roussel et al, 2002). Ainsi, les
coefficients de régression entre le concept et ses trois dimensions sont supérieurs à 0.7,
bien au-dessus de la norme (figure 3). Les indices de parcimonie, incrémentaux et
absolus sont excellents (tableau 5). L’échelle de CCE peut donc être conceptualisée
comme un facteur d’ordre-deux. Ce qui permet de tester plus confortablement la validité
prédictive et nomologique de cet instrument.
Tableau 5 : Indices d’ajustement du modèle à trois facteurs d’ordre-deux
Indices de parcimonie Indices Incrémentaux Indices absolus
Spécifications CMIN/ddl CAIC TLI CFI GFI - AGFI RMSEA
Modèle 4 Facteur
d’ordre deux
2.673 (42 ; p>.001)
275.868 0.974 0.980 0.944 – 0.912 0.071
Figure 3 : Structure factorielle d’ordre-deux
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Les validités nomologique et prédictive de l’échelle CCE consistent à étudier les liens
entre le construit et un ensemble d’antécédent(s) et ou de conséquence(s) dans un
modèle complexe.
La validité prédictive ne peut être évaluée puisqu’il s’agit d’une variable dépendante.
Pour tester la validité nomologique de notre échelle, nous avons introduit dans le
questionnaire une mesure de l’attitude envers l’aide aux autres (Attitude toward Helping
Others - AtHO). L’AtHO est une variable qui est apparue lors de l’étude qualitative
exploratoire. Elle semble contribuer à l’adoption de comportement éthique. Elle est
surtout liée au volet social de la consommation éthique. L’attitude envers l’aide aux
autres a été définie par Webb, Green et Brashear (2000, p.300) comme « une évaluation
globale et relativement durable par rapport à l’aide ou à l’assistanat des autres ». Cette
variable peut être vue sous l’angle du volontariat et de la donation. Contrairement aux
résultats de Ranganathan et Henley (2008), il paraît évident que l’AtHO peut avoir une
influence directe sur les comportements des individus. Nous testons ainsi l’hypothèse
d’un effet direct et positif de l’AtHO sur les comportements de consommation éthique,
en utilisant l’échelle à quatre items de Webb, Green et Brashear (2000) qui a montré de
bonnes qualités psychométriques (α = 0,87 chez Ranganathan et Henley (2008) et α =
0,79 et 0,80 dans les deux échantillons de Webb, Green et Brashear, 2000). Les indices
d’ajustement sont très bons, le lien entre l’attitude envers l’aide aux autres et les CCE
est fort et significatif à 0.001. On peut donc conclure que l’échelle de CCE a une bonne
validité nomologique (voir tableau 6).
Tableau 6: Test de validité nomologique de l’échelle CCE
Spécifications CMIN/ddl (ddl ; sig)
CAIC TLI CFI GFI - AGFI
RMSEA AtHO=>CCE (C.R. ; P)
Modèle 5
Validité
prédictive
1.836
(86 ;
0.001)
389.65 0.982 0.985 0.941 –
0.918
0.050 0.614
(10.125 ;.000)
Conclusion
Cet article apporte plusieurs contributions et ouvre des perspectives intéressantes pour la
recherche sur les nouveaux modes de consommation, en particulier de consommation
éthique. Il montre que cette dernière ne peut pas se réduire aux seules préoccupations
sociales et environnementales. La dimension politique de notre échelle capture en effet
52,50% de la variance expliquée (sur 72,44%). L’étude 1 a ainsi permis de formaliser la
consommation éthique en trois composantes. L’échelle que nous proposons s’appuie sur
des comportements au quotidien qui ne nécessitent pas des engagements importants ou
de lourds investissements, comme c’est le cas par exemple pour la pose de panneaux
solaires à domicile (Gierl et Stumpp, 1998).
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Notre travail ouvre aussi des perspectives importantes dans la recherche sur les liens qui
peuvent exister entre l’éthique de l’individu et ses comportements de consommation.
Conceptuellement, l’échelle CCE englobe les différents cadres d’analyse de trois des
échelles étudiées dans la revue de la littérature. Elle est basée sur les convictions
éthiques du consommateur et coïncide avec les préoccupations actuelles liées au
développement durable, notion aujourd’hui bien comprise par la majorité d’entre eux. La
structure à trois facteurs, obtenue à l’issue de l’étude 2, correspond aux trois sphères du
développement durable, tel que défini par la Commission Mondiale sur l’Environnement
et le Développement (WCED, 1987). Notre échelle (voir l’annexe 3 pour la version
finale) est conforme à ces préoccupations qui se généralisent dans la société actuelle et
peut être un instrument de mesure utilisable par les professionnels du marketing et les
cabinets d’audit et de conseil. Par ailleurs, nous avons mesuré la validité nomologique de
l’échelle en testant la relation entre attitude envers l’aide aux autres et les
comportements de consommation éthique. D’autres domaines de la consommation
éthique, du don, du marketing durable ou encore du marketing social, pourraient être
explorés. Il serait intéressant, de tester par exemple les relations entre le matérialisme, la
sensibilité éthique ou le jugement éthique et le comportement de consommation éthique.
Les nombreux travaux publiés sur l’éthique des managers peuvent être répliqués, en
miroir, du point de vue des consommateurs (Lee, 1981 ; Hunt et Vitell, 1986 ; Ferrell et
Gresham, 1985 ; Trevino, 1986). L’utilisation de cette échelle peut être aussi étendue à
la gestion des marques et des attributs déterminant leurs achats. Enfin, bien qu’elle ait
été construite à partir d’une littérature internationale et qu’elle obtienne de très bonnes
qualités psychométriques, cette échelle CCE a été développée sur un échantillon de
consommateurs français. Il est donc nécessaire de la répliquer dans d’autres contextes,
les normes éthiques pouvant fluctuer d’une culture à l’autre (French et Weis, 2000 ; Belk
et al, 2005).
D’un point de vue managérial, notre instrument de mesure peut être utile aux managers
pour distinguer parmi les acheteurs, actuels ou potentiels, de leurs produits, ceux qui
achètent pour des raisons éthiques. Cette segmentation peut ensuite être affinée par
dimensions et par motivations. Elle offre donc aux entreprises un instrument efficace
pour positionner leurs produits et définir et mieux cibler leurs politiques de
communication.
En conclusion, contrairement aux autres auteurs qui ont étudié des aspects spécifiques de
la consommation éthique, nous avons pour objectif dans cet article de capter le concept
dans sa globalité. Un instrument de mesure adapté à cette vision est ensuite proposé.
D’une utilisation simple, il peut être utilisé aussi bien pour des recherches futures que
pour des applications managériales immédiates.
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Références
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Barthel P. (2006), Stratégie de marketing relationnel et outil de construction d’un positionnement
éthique vis-à-vis du consommateur, Actes du 22ème Congrès International de l’AFM, Nantes.
Belk W. R., Devinney T., Eckhardt G. (2005), Consumer ethicsacross cultures, Consumption,
Markets and Culture, vol 8, n°3, p. 275-289.
Bressolles G. (2006), La qualité de service électronique: NetQual Proposition d'une échelle de
mesure appliquée aux sites marchands et effets modérateurs, Recherche et Applications en
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Annexe 1 : Description détaillée de l’échantillon qualitatif
N° Prénoms Sexe Age Description
1 Amandine Femme 33 ans Documentaliste en établissement Scolaire. Célibataire, elle
n’utilise pas de voiture. Bénévole chez Artisan du monde depuis plus de 8ans. Milite pour plus d’égalité entre les
Hommes.
2 Chrystel Femme 36 ans Professeur des Ecoles ; Amoureuse de l’Amérique Latine, elle aimerait que chacun puisse vivre dignement de son
travail.
3 Géneviève Femme 58 ans Femme au foyer ; Enthousiaste et révoltée. Mariée, 3
enfants, elle rêve d’une meilleure société pour les générations à venir.
4 Samira Femme 38 ans Vit en couple sans enfant. Sensible à la souffrance des Etres
Humains. Elle trouve injuste l’expropriation, l’exploitation, la famine et l’indifférence face à la pauvreté.
5 Cézanne Femme 27 ans Assistante administrative, elle achète auprès des petits
commerçants et est adepte des produits bios.
6 Yves Homme 59 ans Marié, deux enfants. Il vit à la campagne et est fonctionnaire au ministère des transports. Bénévole à Artisans du Monde
pour aussi donner de son temps aux autres. Il essaie
d’exercer ces principes dans sa consommation.
7 Karim Homme 33 ans Salarié chez Greenpeace depuis 3 ans, il a un niveau Master
et est engagé dans un projet légitime de sauvegarde de
l’environnement.
8 Marie-
Jeanne
Femme 59 ans Comptable à la retraite, mariée 3 enfants, elle s’investit au sein d’Artisans du Monde pour participer au bien-être de
paysans des pays du Sud.
9 Michel Homme 60 ans Fonctionnaire à la retraite, il est marié et à 4 enfants, il a été président du Comité Catholique contre la Faim et pour le
Développement. Il a milité pour les placements éthiques et
achète des produits issus du commerce équitable.
10 Denis Homme 71 ans Ancien pasteur, il intervient dans les collèges et les lycées
pour sensibiliser les jeunes au commerce équitable.
11 Sophie Femme 67 ans Elle a été cadre dans le social, mariée, 3 enfants. Engagée
dans une association surtout à cause du lien avec les personnes en difficulté. Elle achète dans les Amap, chez les
producteurs locaux et la connaissance du producteur apporte
de la valeur aux produits qu’elle consomme.
12 Flore Femme 26 ans Chargée de missions, elle éduque à la citoyenneté, et milite
pour que les personnes s’impliquent davantage dans la
société.
13 Annette Femme 68 ans Documentaliste à la retraite, mère de 4 enfants, fervente militante, elle est pour la décroissance et fréquente le moins
possible les grandes surfaces.
14 Dominique Homme 24 ans Jeune ingénieur en recherche d’emploi, il a un plus ou moins grand intérêt pour la consommation socialement responsable
et achète des produits bios ou équitables seulement si les
prix sont acceptables.
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Annexe 2 : Guide de l’entretien semi-directif
Achat et consommation de produits éthiques
Comment vous êtes-vous retrouvez à la tête d’un magasin de ce type ? (pour manager ou
responsable)
Quelles sont les valeurs que souhaitent véhiculer votre enseigne ? (pour manager ou responsable)
Ces valeurs correspondent-elles aux vôtres ? (pour manager ou responsable)
De façon générale, que recherchez-vous lorsque vous achetez un produit de grande
consommation ?
Relance : Enoncer les principales caractéristiques de ces produits (alimentaires, vestimentaires,
cosmétiques…) => la qualité, le prix, la disponibilité, l’habitude, les aspects éthiques et
responsables.
Si aucune allusion à la consommation de produits éthiques, évoquez les sujets suivants pour faire
émerger la réponse : les crises alimentaires, le travail des enfants dans l’industrie textile, ont-ils
plus ou moins modifié ou influencé votre comportement ?
Quelle(s) signification(s) donnez-vous à ce type de consommation dite éthique ?
Motivations à la consommation éthique
Que recherchent vos client quant-ils viennent dans votre magasin/association ? (pour manager ou
responsable)
(Avez-vous déjà achetez ce genre de produits ? où (grande surface ou magasin spécialisé) ?
Quelles sont vos motivations quand vous vous rendez dans ce genre de magasin ?
Ou pourquoi achetez-vous ce genre de produits ?
Quelle est ou quelles sont la ou les particularités de ces produits ? (que trouvez-vous de
particulier à ces produits ?)
Freins à la consommation éthique
Qu’est ce qui, selon vous, empêche les clients d’être plus fidèles (d’acheter plus de produits dans
votre magasin ? (pour manager ou responsable)
Qu’est-ce qui vous empêche d’être plus fidèle (d’acheter plus de produits équitables) dans ce
magasin ou ces produits ?
Seriez-vous prêt à en acheter davantage ? À quelle(s) condition(s) ?
Caractéristiques des consommateurs
Comment vous trouvez-vous par rapport aux autres consommateurs (ou aux consommateurs
français ordinaires, ou à monsieur tout le monde).
Autres questions à intégrer en cas de besoin
- Vous, en tant que consommateur, qu’est-ce que vous qualifieriez de consommation éthique ?
- Dans votre vie habituellement quelles actions seraient (ou pourraient être) motivées par l’éthique
et/ou par la morale ?
- Qu’est ce qui pourrait vous conduire ou vous amener à consommer de façon (encore) plus
éthique ?
- Pouvez-vous citer un ou des comportement (s) que vous qualifieriez de pas (très) éthique ?
En cas d’hésitation sur la définition de l’éthique, proposer la définition du dictionnaire « Le Petit
Larousse 2003 » : ‘‘Qui concerne les principes de la morale, ensemble de règle de conduite’’
Fin d’entretien : recueil et confirmation des informations sur le répondant
Profession, âge, genre (masculin/féminin), région et lieu d’habitation (urbain/rural) et taille du
foyer.
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Annexe 3 : Echelle finale de Comportement de Consommation Ethique (CCE)
Dimensions Enoncés des Items
Dimension
Politique
Je privilégie l’achat de produit ayant un label écologique ((alimentaire,
vêtements, ampoules, cosmétiques, etc.).
Je privilégie l’achat dans des magasins qui mettent en valeur les produits
écologiques ou Bio.
Je préfère faire mes achats dans les magasins qui valorisent le commerce
équitable.
J’achète des produits du commerce équitable par solidarité envers les
producteurs.
J’achète des produits vendus dans le cadre d’actions sociales.
Dimension
Sociale
J’évite les marques/produits qui profitent de la misère de leurs employés.
J’évite les produits ou marques qui font travailler les enfants même
indirectement.
J’évite les produits issus d’entreprises qui ne respectent pas le droit de leurs
salariés.
Dimension
Environnement
Je limite ma consommation (alimentaire, énergie, vêtements, etc.) à ce dont
j’ai vraiment besoin.
Je contribue à la préservation de l’environnement par des gestes au
quotidien.
Pour réduire ma contribution au réchauffement climatique, je consomme
différemment.
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