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Comment construit-on une explication dkductive-nomologique? Erik WEBER. Rksumk Comment devons-nous appliquer notre savoir scientifique(lois de la nature, thbries, etc.) pour qu'il contribue & mieux comprendre les phknomknes (kvenements particuliers, regulari- t b , etc.) que nous observons? Le modkle dauctif-nomologique d'explication scientifique, dans lequel Carl Hempel construit le concept d'explication dtkIuctive-nornologique, ne pro- cure pas une rkponse complkte & cette question. Un des problbmes est que Hempel nous dit ce que nous devons construire quand nous voulons comprendre un phhomkne (une explication dkductive-nomologique), mais ne nous dit pas comment une explication de ce type est construite. Afin de rboudre ce problkme, une mkthode pour construire des explications dC- ductives-nomologiques est dkveloppke. 1. Introduction Le but principal de 1' analyse philosophique des explications scientifiques est de procurer un ou diffkrents concepts exacts pour remplacer nos idkes in- tuitives et vagues sur la structure des explications scientifiques.T r b souvent l'idke qui guide l'analyse est l'existence d'une relation instrumentale entre ex- pliquer (l'acte) et comprendre (l'ktat mental qui en rksulte): des explications scientifiques sont des instrumentspar lesquels nous pouvons atteindreun 6tat de comprkhension relativement aux ph6nombnes que nous observons. Les concepts exacts que l'analyse philosophique procure, sont considkrh comme elements d'une rkponse B la question suivante: (A) Comment devons-nous appliquer notre savoir scientifique (lois de la nature, thhies, etc.) pour qu'il contribue B mieux comprendreles phC- nombnes (kvknements particuliers, rkgularitks, etc.) que nous obser- vons? Chercheur du Fonds National de la Recherche Scientifique(Belgique). Dialectica Vol. 50, NO 3 (1996)

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Comment construit-on une explication dkductive-nomologique?

Erik WEBER.

Rksumk

Comment devons-nous appliquer notre savoir scientifique (lois de la nature, thbries, etc.) pour qu'il contribue & mieux comprendre les phknomknes (kvenements particuliers, regulari- t b , etc.) que nous observons? Le modkle dauctif-nomologique d'explication scientifique, dans lequel Carl Hempel construit le concept d'explication dtkIuctive-nornologique, ne pro- cure pas une rkponse complkte & cette question. Un des problbmes est que Hempel nous dit ce que nous devons construire quand nous voulons comprendre un phhomkne (une explication dkductive-nomologique), mais ne nous dit pas comment une explication de ce type est construite. Afin de rboudre ce problkme, une mkthode pour construire des explications dC- ductives-nomologiques est dkveloppke.

1. Introduction

Le but principal de 1' analyse philosophique des explications scientifiques est de procurer un ou diffkrents concepts exacts pour remplacer nos idkes in- tuitives et vagues sur la structure des explications scientifiques. T r b souvent l'idke qui guide l'analyse est l'existence d'une relation instrumentale entre ex- pliquer (l'acte) et comprendre (l'ktat mental qui en rksulte): des explications scientifiques sont des instruments par lesquels nous pouvons atteindre un 6tat de comprkhension relativement aux ph6nombnes que nous observons. Les concepts exacts que l'analyse philosophique procure, sont considkrh comme elements d'une rkponse B la question suivante:

(A) Comment devons-nous appliquer notre savoir scientifique (lois de la nature, t h h i e s , etc.) pour qu'il contribue B mieux comprendre les phC- nombnes (kvknements particuliers, rkgularitks, etc.) que nous obser- vons?

Chercheur du Fonds National de la Recherche Scientifique (Belgique).

Dialectica Vol. 50, NO 3 (1996)

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Cette question est importante. Le savoir scientifique a une fonction prati- que et une fonction thCorique. La fonction pratique est de procurer les thko- ries et lois dont nous avons besoin pour prCdire des changements dans notre environnement et les condquences de nos actions. La fonction thCorique du savoir scientifique est relative a notre dCsir de comprendre les phknomknes que nous observons: la science doit procurer les thCories et lois dont nous avons besoin pour comprendre ces phknomknes. Une des conditions nCces- saires pour que le savoir scientifique rCalise ses fonctions est que les thkories et lois soient appliquCes correctement. En condquence, rkpondre ?I la question <<Comment devons-nous appliquer notre savoir scientifique?>> est une tiche importante pour la philosophie des sciences. Quand on a rCpondu a la ques- tion (A), une partie de cette tiche (la partie qui concerne la fonction thCori- que de la science) a CtC accomplie: une rCponse a la question (A) consiste dans une description dCtaillCe des diffkrents types de processus dans lequels un savoir scientifique est appliquC en cherchant une meilleure comprChension d’un Cvknement ou d’une rkgularitC.

Cet article contient quatre parties. Dans la premikre partie, j’ktablis que le modkle dCductif-nomologique d’explication scientifique, dans lequel Carl Hempel construit le concept d’explication dCductive-nomologique, ne pro- cure pas une rCponse complkte a la question (A). Un des problkmes est que Hempel nous dit ce que nous devons construire quand nous voulons com- prendre un phenomkne (une explication deductive-nomologique), mais ne nous dit pas comment une explication de ce type est construite. Afin de rC- soudre ce problkme, je dkvelopperai, dans les trois autres parties, une mC- thode pour construire des explications dkductives-nomologiques.

2. L’insuffisance du mod2le dkductif-nomologique de Hempel

2.1 A h d’ktablir l’insuffisance du modble dkductif-nomologique relative la question (A), je prCsente d’abord la dkfinition HempClienne du concept

d‘explication dkductive-nomologique (1965, pp. 245-295 et pp. 335-347). Ensuite, je confronterai son modkle avec la question (A). Dans la dCfinition de <<explication dCductive-nomologique>>, la relation <<. . . est un explicans dCductif-nomologique potentiel pour . . .>> occupe une place centrale:

(HI) Le couple (L, C) est un explicans dCductif-nomologique potentiel (ex- plicans DN potentiel) pour la proposition singulikre E si et seulement si (1) L est une loi universelle et C une proposition singulikre, (2) E est une conskquence dkductive de la conjonction L & C, et (3) E n’est pas une consCquence de C seul.

Comment construit-on une explication d6ductive-nomologique? 185

A l’aide de (HI), Hempel introduit deux concepts, <<explication dCductive- nomologique vraie>> et <<explication dCductive-nomologique bien confirmCe>> (1962, p. 103 et 1965, p. 338). La dkfinition du deuxibme concept est:

(Hz) La rkponse de Y B la question aPourquoi E?>> (posC par X) est une ex- plication deductive-nomologique (explication DN) bien confirmbe de E si et seulement si (1) au moment ou X pose sa question, il regarde la proposition E comme vraie, (2) la rCponse est composCe d‘une loi universelle L et d’une proposi- tion singulibre C qui constituent un explicans DN potentiel pour E, (3) L et C sont des propositions bien confirmkes.

Ad I: D’aprbs Hempel, toute explication scientifique peut $tre regardCe cornme une rkponse B une question du type <<Pourquoi E?>>, ou E est une des- cription du phCnombne B expliquer (l’explicundum); il y a des questions du type <<Pourquoi E?>> qui n’expriment pas un dCsir de comprendre un phCno- mbne; par exemple, quand on cherche une raison suffisante pour croire que la proposition E est vraie, la question <<Pourquoi E?>> peut exprimer ce pro- blbme de justification CpistCmique. Afin de garantir que seulement des rC- ponses B des questions qui expriment un dCsir de comprendre un phCnornbne sont appelCes <<explications DN>>, Hempel exige que l’individu qui pose la question (X) regarde la proposition E comme vraie.

Pour dCfinir <<explication DN vraie>> on remplace la troisibme condition de (Hz) par <<L est C sont des propositions vraiem. D’aprbs Hempel, on a besoin de ces deux concepts pour Clucider comment le savoir scientifique contribue B mieux comprendre les phCnombnes que nous observons. Parce que je pense que le concept <<explication DN vraie, est superflue, j’appellerai une rCponse qui satisfait aux conditions de (Hz) simplement une explication DN.

2.2 D’aprbs Hempel, comprendre un phknombne (un CvCnement particu- lier, une loi de la nature ou un phCnombne d’un autre type) revient B se trouver dans un &at CpistCmique ou ce phCnombne n’est pas une surprise, c.-B.-d. un Ctat dans lequel on connait d’autres phCnombnes qui font que le phCnombne soit attendu. La definition (HI) nous permet de construire une definition exacte de womprendre un Mnement particulier, qui s’accorde avec cette idCe gCnCrale:

(H3) L’individu X comprend l’CvCnement particulier dCcrit par la proposi- tion E si et seulement si (1) X regarde E comme vrai, et

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(2) X connait un couple de propositions bien confirmkes (L, C) qui consti- tue un explicans DN potentiel pour E.

Par contre, la proposition E dkcrit un kvknement particulier que X ne comprend pas si et seulement si X regarde E comme vrai et ne conndt aucun couple de propositions bien confirmkes qui constitue un explicans DN poten- tie1 pour E.

Supposons que E est une proposition qui dkcrit un kvknement que X ne comprend pas. Comment X peut-il atteindre l’ktat de comprkhension comme dkfini dans (H3), par rapport B l’kvknement particulier dkrit par E? Le mo- dkle de Hexpel suggkre la prockdure suivante:

(a) (1) Posez la question <<Pourquoi E?>>. (2) Formulez une rkponse B cette question qui constitue une explica- tion DN de E, c.-B.-d. une rkponse qui satisfait aux conditions de dkfi- nition (Hz).

La prockdure (H4) ne constitue pas une rkponse complkte B la question (A). Il y a en effet trois problkmes. D’abord, la dkfinition (H2), et conskquem- ment la prockdure (a), concement seulement les kvknements particuliers; pourtant, il y a d’autres types d’kvknements (par exemple les lois de la nature) qu’on peut essayer de comprendre B l’aide de notre savoir scientifique. En- suite, comprendre un phknomkne ne revient pas toujours B se trouver dans un ktat kpistkmique dans lequel on conndt d’autres phknomknes qui font que ce phknombne soit attendu (contrairement B ce que Hempel dit); dkpendant du contexte, le dksir de comprendre un phknomkne peut 6tre un dksir d’Ctre dans l’ktat que Hempel dkcrit, un dksir de conndtre les causes du phknomkne, sa fonction dans un systbme, etc. Finalement, Hempel nous dit ce que nous de- vons construire quand nous voulons comprendre un phknomkne (une expli- cation DN) mais ne dit pas comment une explication DN peut 6tre construite: le modkle DN ne contient pas une description dktaillke des actes cognitifs qu’on doit exkcuter afin d’obtenir une explication DN.

2.3 Les deux premiers problkmes ktablissent que (H4) est au plus une rk-

Comment devons-nous appliquer notre savoir scientifique (lois de la nature, thkories, etc.) pour qu’il contribue B mieux comprendre, dam le sens d4fini dans Hf, les Cvinements particulien que nous observons?

Le troisibme problkme dkmontre que (a) ne suffit pas comme rkponse B cette question. Le but des sections 3-5 est de dkvelopper une mkthode pour

ponse B la question suivante, qui est plus limitke que la question (A):

(B)

Comment construit-on une explication dtductive-nomologique? 187

construire des explications DN, qui, en combinaison avec (b), constitue une rCponse satisfaisante B la question (B).

3. Deux caractkristiques du processus de construction des explications DN

3.1 La forme logique gCnCrale d’une explication DN pour @a (Objet a possbde la caractCristique p ) est:

c1: ala c2 : a2a

C” : aria L: (Vx)[(alx&a2x&. . .&a,x) I J x ]

Un individu qui veut construire une explication DN pour &i est confront6 a deux tiches. La premibre tlche est de trouver une loi explicative, c.a.d. une loi de la forme (Vx)[(alx&a2x&. . .&a,x) I>@x]. La seconde tlche est de dCmontrer que l’objet a possbde les caractkristiques al, . . ., an. Toute prod- dure pour la construction d’explications DN doit tenir compte de dew faits concernant ces tiiches. D’une part, dCmontrer que a possbde les caractkristi- ques al , . . ., a, nCcessite parfois des exp6nences ou des observations. D’autre part, la loi explicative dont on a besoin est trbs spkcifique, trop spCcifique pour qu’on la trouve dans une source scientifique (manuel, article); la loi ex- plicative doit &re dCrivCe d’une autre loi (qui est plus g6nCrale) ou d’une thCorie. Dans 3.2 j’kluciderai ce dernier fait B l’aide d’un exemple.

3.2 Un thermombtre B mercure est immergC dans de l’eau trbs chaude. Nous observons un abaissement temporaire de la colonne de mercure, suivi par une ClCvation rapide. Dans des circonstances propres (cfr. (H2)), une rC- ponse composCe de L, C1 et C2 est une explication DN de ce phCnombne, car le couple (L, C1 & C,) est un explicans DN potentiel pour E:

C1: Cet objet est un thermombtre qui est compost d’un tube de verre par- tiellement rempli de mercure.

C2: Cet objet a CtC immergC dans de l’eau trbs chaude. L: Dans tousles tubes de verre qui sont partiellement rempli de mercure et

qui sont immergC dans de l’eau trks chaude, le niveau du mercure baisse d’abord et puis s’Clkve.

E: Dans cet objet, le niveau du mercure baisse d’abord et puis s’Clbve.

188 Erik Weber

Dans cette explication une loi (L) est associC B un ensemble d’kvknements particuliers (les antkcedents). La loi est trks spCcifique: on y retrouve les ca- ractkristiques attribuCes dans les propositions singulikres de l’explicans. La loi utilisCe ne peut Ctre retrouvCe dans des sources scientifiques (articles, ma- nuels), parce qu’elle est trop spkcifique. Afin de construire cette explication, on doit la dCriver d’un ensemble de thCories et de lois plus gCnCrales.

Dans l’exemple, la loi spCcifique est dCrivCe de trois gCnCrales: la loi de l’expansion thermique de fluides, la loi de l’expansion thermique des solides et la loi de la conduction de la chaleur. La loi de l’expansion thermique des fluides est:

( v: volume final, v,: volume initial, fi coefficient d’expansion du fluide consi- dCr6, t montCe (+) ou descente (-) de la tempkrature). La loi de l’expansion thermique des solides est:

(I: longueur finale, l.,: longueur initiale, a: coefficient d’expansion linCaire du solide considCr6). Finalement, la loi de la conduction de la chaleur dit que la quantite de chaleur d Q (joules) qui, dans une pCriode dt, passe entre deux surfaces perpendiculaires B la direction de la transmission, est donnCe par

(K: coefficient de conductivitC (joule/”C.sec.m), A: aire des surfaces (m2), 68/Sn: gradient de tempCrature (.C/m) La loi CDans tous les tubes de verre qui sont partiellement remplis de mercure et qui sont immergCs dans de l’eau trbs chaude, le niveau du mercure baisse d‘abord et puis s’Cl&ve>> peut Ctre dCrivCe de ces trois lois gCnCrales comme suit. La loi de l’expansion des fluides nous procure l’kquation suivante:

(v: volume final du mercure, v,: volume initial du mercure, 0.00018: coeffi- cient d’expansion de mercure, tm: montCe de la tempkrature du mercure). Dautre part, le tube du thermomktre s’Ctend selon Yequation suivante, qui est une implbmentation de la loi de l’expansion thermique des solides:

( r : rayon final du tube, r,: rayon initial du tube, 0.000008: coefficient d‘ex- pansion linbire de verre; 6: montCe de la temperature du tube). Le verre est un mauvais conducteur de la chaleur: le coefficient de conductivi- tC est trks petit. ConsCquemment, dans une premibre phase, seulement la tem- pCrature du tube du thermombtre monte: t, = 0 et donc v = v,. La relation entre le niveau final du mercure et son volume final est donnCe par la formule gComCtrique

h = v/m2

v = vo+vopt

1 = &+loat

d Q = -KA (Se/Sn)dt

v - v0+vj0.00018xt,

r = r, + r j 0.000008xt,

Comment construit-on une explication dkductive-nomologique? 189

(h: hauteur de la colonne de mercure; v: volume du mercure; r: rayon du tube). De cette formule gComCtnque et v = v,, nous dCrivons

Le niveau initial du mercure est donnC par

Parce que la temperature du tube monte (t. > 0), r est supCrieur B r,. Les deux dernibres Cquations et r >r, nous donnent

C.4.-d.: le niveau du mercure baisse dans une premibre phase. A cause de la conduction de la chaleur, aprbs quelques instants la temperature du mercure montera aussi. Le mercure s'Ctend (la loi de l'expansion thermique des fluides), et parce que le coefficient d'expansion de mercure est beaucoup plus grand que le coefficient d'expansion de verre, le niveau du mercure monte.

L'exemple est typique pour les explications DN en gCnCral. Dans tou- tes ces explications, une loi spCcifique de la forme (Vx) [(alx & azx & . . .& a,x) 2 pX] est associCe B un ensemble de propositions singulibres, ala,. . .,a,a. GCnCralement, cette loi ne peut pas etre retrouvCe dans des sources scientifiques (manuels, articles): elle est dCrivCe ad hoc (quand on en a besoin) de lois ou thCories plus gCnCrales.

h = vo/n;r2

h, = v,/nr?.

h < h ,

4. Explication DN et tableaux skmantiques

4.1 L a mCthode pour construire des explications DN dCveloppCe par Matti Sintonen (1990, 1993) tient compte des deux faits mentionnks dans la section 3.1. D'aprbs Sintonen, un investigateur (I) qui cherche une explication DN doit essayer de fermer un tableau sCmantique en posant des questions B la Nature (poser une question B la Nature revient B faire des observations ou des expCriences pour obtenir une rkponse B la question). La procCdure proposCe par Sintonen est:

(P1) (1) Mettez l'explicandum (E) dans la colonne droite (celle qui contient les propositions fausses). (2) Choisissez une entitC scientifique T au moyen de laquelle vous vou- lez expliquer E, et mettez-la dans la colonne gauche. (3) Mettez tout savoir de base (background knowledge) que vous croyez pertinent dans la colonne gauche (ce savoir de base pertinent est represent6 par B et contient des propositions singulibres (B,) et des thCorbmes mathCmatiques (Bm)). (4) Posez des questions B la Nature et mettez ses rCponses (obtenu par observation ou expkrience) dans la colonne gauche.

190 Erik Weber

(5) Essayez de fermer le tableau en appliquant les rbgles du calcul des ta- blaux skmantiques. Quand il est impossible de fermer le tableau, posez des questions additionnelles B la Nature.

Afin d’klucider cette procedure, je prksenterai deux exemples.

Exemple 1:

Imaginez un investigateur I qui observe que la pCriode (la durCe d’oscillation) du pendule a se trouve dans l’intervalle [2,005 s, 2,015 s]. I veut construire une explication DN pour ce phknombne et emploie pour ce faire la pro&ure de Sintonen. Le premier coup dans le processus de construction est:

(1) I met l’explicandum, <<a a une p6riode de 2,Ol s>, , dans la colonne droite.

J’emploie le praicat ua une pCriode de 2 , O b comme abrkviation pour ua une pCriode dans l’intervalle [2,005 s, 2,015 s[ B. De la meme fawn, ua une pkriode de 2,l s>> signifie ua une pCriode dans l’intervalle [2,05 s, 2,15 S[B, ua une longueur 1,00 I)ZB signifie <a une longueur dans l’intervalle [0.995 m, 1,005 m [ ~ , etc. Dans le second coup, I choisit une thbrie ou loi g6nCrale qu’il utilisera pour construire une explication. Le choix le plus evident est la loi du pendule, qui lie la periode d’un pendule (P) a sa longueur (L). Quand I choisit cette loi, le processus de construction continue comme suit:

(2) I met la loi du pendule, P = 2 JC J (L/g), dans la colonne gauche (comme T). (3) I met aca est un pendule, (B,) et quelques thCorbmes mathemati- ques (B,) dans la colonne gauche. (4a) 1 pose la question suivante B la Nature:

(4b) I met la rCponse de la Nature dans la colonne gauche:

( 5 ) I derive la loi TOU US les pendules qui ont une longueur de 1,000 m . ont une pkriode de 2,Ol s>> de T et les theorbmes mathematiques dans B, Puis il derive la proposition R1 &B, 3 E de cette loi (instantiation d’une proposition universelle). Finalement, il ferme le tableau en utilisant les propositions Rl&B, 3 E, R1 et B, (qui sont toutes dans la colonne gauche) et E (dans la colonne droite).

Le fait que le tableau puisse &re fermC implique que E est dauctivement derivable de T, B et les rkponses de la Nature. Parce qu’une loi spkcifique doit

Q1: Quelle est la longueur de a?

R1: a a une longueur de 1,000 m.

Comment construit-on une explication dMuctive-nomologique? 191

stre dkrivk, le tableau contient tous les klkments de l’explication DN sui- vante:

C1 : a est un pendule. Cz: a a une longueur de 1,000 m. L: Tous les pendules qui ont une longueur de 1,000m ont

une pbriode de 2,Ol s.

Les rbgles du calcul des tableaux skmantiques ne suffisent pas pour dkvrier la loi <Tous les pendules qui ont une longueur de 1 m ont une periode de 2,Ol s>> de T une derivation de cette loi de la loi genkrale P = 2 n ,/ (L/g) consiste dans une preuve mathematique que l’intervalle [ 2n ,/ (O,9995/g), 2n ,/ (190005/g) [est compris dans l’intervalle [ 2,005, 2,015[. Pour cette rai- son, B aussi contient des thkorbmes mathkmatiques.

Exemple 2

Imaginez un investigateur I qui veut construire une explication DN pour l’ex- plicandum de l’exemple usite dans section 3.2. Si I emploie la prockdure de Sintonen, le processus suivant peut en resulter:

(1) I met l’explicandum, aDans cet objet, le niveau du mercure baisse d’abord et puis s’klkve>>, dans la colonne droite. (2) I met la loi de l’expansion thermique des solides, la loi de l’expan- sion thermique des fluides et la loi de la conduction de chaleur dans la colonne gauche (B,) et ajoute des thhrbmes mathkmatiques (Bm). (3) I met aCet objet a kt6 immerge dans de l’eau trbs chaude, dans la colonne gauche (comme savoir de base, B). (4a) I pose les questions suivantes B la Nature:

Q1: Quelle est la structure de l’objet? Qz: Quel est le coefficient d’expansion de mercure? Q3: Quel est le coefficient d’expansion lineaire de verre? Q4: Est-ce que le verre est un bon conducteur de la chaleur?

(4b) I met les rkponses de la Nature dans la colonne gauche: R1: Cet objet est un thermombtre qui est composk d‘un tube de verre partiellement rempli de mercure. Rz: 0.00018 R3: 0.000008 &: Non

(5) I dkrive la loi L (~Dans tous les tubes de verre qui sont partiellement remplis de mercure et qui sont immerges dans de l’eau trbs chaude, le niveau du mercure baisse d’abord et puis s’8bveB) de T B, et les rk- ponses de la Nature aux questions 2-4. Puis il derive la proposition R1 &B, 2 E de cette loi (instantiation d‘une proposition universelle).

192 Erik Weber

Finalement il ferme le tableau en utilisant les propositions R1 &B, 3 E, R1 et B, (qui sont toutes dans la colonne gauche) et E (dans la colonne droite).

Le fait que le tableau puisse etre fermk implique que E est dkductivement dkrivable de T, B et les rkponses de la Nature. Parce que la loi L doit etre dkri- vke pour fermer le tableau, le tableau contient tous les klkments de l’explica- tion DN de 3.2.

4.2 Les exemples de 4.1 nous permettent d’ktablir deux dkfauts de la mk- thode de Sintonen. Le premier dkfaut est que l’investigateur ne peut pas intro- duire des ClCments de son savoir debase qu’il croyait inutile au moment 0; il choisissait le contenu de B. A chaque phase du processus de construction de l’explication, il faut pennettre a l’investigateur de mettre des propositions sin- gulibres et des theorbmes logiques et mathkmatiques qui font partie de son sa- voir debase dans la colonne gauche. Pour atteindre ce but je propose d’adap- ter la nomenclature des coups. D’aprbs Sintonen, les coups principaux du processus de construction d’une explication DN sont des coups interrogatifs (dans lesquels I pose des questions la Nature) et des coups dkrivatifs (dans Iesquels I applique les rbgles du calcul des tableaux skmantiques). D’abord, je propose d‘introduire des coups ajustifs. Dans un coup ajustif, I introduit de l’information concernant des faits particuliers qui n’ktait pas dans B. Puis, je propose de distinguer des coup dkrivatifs simples, des coups dCrivatifs com- plexes et des coups vkrificatifs. Dans un coup derivatif simple, I derive une proposition (par exemple une loi de la forme (Vx) (ax 3 pX)) de T et des thko- rbmes presents dans le tableau. Un coup dkrivatif complexe consiste dans l’in- troduction d’un nouveau theorbme, suivi d’un coup dkrivatif simple. Dans un coup vkrificatif, I contrale, en appliquant les rbgles du calcul des tableaux sk- mantiques, si le tableau qu’il a construit contient une explication DN. Ces changements rksultent dans la prockdure suivante:

(Pz) (1)-(3) Comme (PI). (4) Choisissez une des options suivantes: (a) Formulez une question a poser la Nature; faites des observations ou des experiences (coup interrogatif) et mettez la rCponse de la Nature dans la colonne gauche. (b) Formulez une question qui exprime un but de dkrivation et exCcu- tez un coup derivatif simple; mettez le rCsultat de la dCrivation dans la colonne gauche. (c) Formulez une question qui exprime un but de dCrivation et exkcutez un coup dkrivatif complexe; mettez le resultat de la dkrivation dans la colonne gauche.

Comment construit-on une explication d6ductive-nomologique? 193

(d) Exkcutez un coup ajustif. (5) Rkpktez 4 jusqu’h ce que vous pensez que le tableau puisse Ctre fermC. Essayez de fermer le tableau en appliquant les rbgles du calcul des ta- bleaux skmantiques (coup vkrificatif). Si le tableau reste ouvert, retournez B l’instruction 4.

Ad 4 Une question qui exprime un but de dkrivation est une question B la- quelle l’investigateur veut dkriver une rkponse B partir de l’information qu’il possbde dkjB (T, rkponses aux questions prkckdentes, B et le reste de son sa- voir de base).

En exkcutant la prockdure (Pl) ou (P2), I choisit des questions B poser B la Nature et des buts de dkrivation. Bien que le resultat de la procedure dkpende largement des choix de I, Sintonen n’examine pas l’origine des questions et des buts de dkrivation. Le deuceme d6faut de la mkthode de Sintonen est que (Pl) n’est pas complktk d’un ensemble d’instructions qui aide I B formuler des questions et des buts de d6rivation pertinents.

5. Construire des explications DN a partir du schkma gknkral

5.1 Le schCma gCnCral d’une explication DN pour pa (cfr. section 3.1) est c1: a2a c2: a2a

Cn: aria L: (Vx) [(alx&a2x& . . . &a,x) 3 p X ]

Dans la mkthode que je dkvelopperai, les explications DN sont le rksultat d’un processus dans lequel ce schkma est implement6 graduellement. Afin d’implkmenter le schema gknkral, un investigateur doit creer des restrictions faibles et fortes sur les instances admissibles du schkma, et il doit matkrialiser les restrictions fortes. Une restriction faible limite le nombre de prkdicats par lesquels un caractbre schkmatique (par exemple a1 ou 4 peut Ctre remplac6, mais admet au moins deux prkdicats. Une restriction forte admet au plus un prkdicat. Quand l’investigateur a remplack un caractbre schkmatique comme prescrit par une restriction forte, on dit qu’il a matkrialisk cette restriction forte. Un coup dans lequel l’investigateur materialise une restriction forte est appelk un coup construct$ L’investigateur peut crker des restrictions B l’aide d’un coup ajustif, a l’aide d’un coup interrogatif (la rkponse de la Nature im- pose une restriction), b l’aide d’un coup dkrivatif (simple ou complexe; le rk-

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sultat de la dkrivation impose une restriction), B l’aide d‘un coup dkcisif ou B I’aide d‘un coup combinatoire. Dans un coup dkcisif, I’investigateur prend une dkcision qui ne depend pas d‘une rkponse de la Nature ou du rksultat d’une dkrivation. Dans un coup combinatoire, l’investigateur crke une restric- tion nouvelle en combinant des restrictions preexistantes. La fonction la plus importante des coups combinatoires est de creer des restrictions fortes en combinant plusieurs restrictions faibles.

Le noyau de la mCthode pour construire des explications DN que je pro- pose ici, est une proctklure dans laquelle les idCes dkcrites ci-dessus ont ktk in- corporCes:

(P3) (1) Dans le schema gknkral des explications DN, remplacezp par la ca- ractkristique attribuk B a dans l’explicandum E. (2) DCteminez quel type d’explication DN vous allez construire. (3) Choisissez une entitk scientifique T au moyen de laquelle vous vou- lez expliquer E. (4) Dkterminez le contenu de B. (5) Choisissez une des options suivantes:

(a) Formulez une question B poser B la Nature; faites des observa- tions ou des experiences pour obtenir une rkponse. (b) Formulez une question qui exprime un but de derivation et ex& cutez un coup dkrivatif simple. (c) Formulez une question qui exprime un but de dkrivation et ex& cutez un coup dkrivatif complexe. (d) Formulez une question qui exprime un problkme de dkcision; prenez une dkision. (e) Exkcutez un coup ajustif.

(6) Essayez de crker des restrictions nouvelles en combinant des res- trictions existantes. (7) Matkrialisez toutes les restrictions fortes obtenues; si tous les carac- tkres schematiques ont kttc remplads, executez l’instruction 8; autre- ment, retournez B 5. (8) Verifiez si le resultat du coup 7 est une explication DN; si vous n’avez pas encore obtenu une explication DN, retournez B I’instruc- tion 5.

Ad I : J’appellerai toute implementation partielle du schema genkral une ex- plication schhnatique. La premikre instruction rhulte dans une explication schhatique qui matCrialise la restriction forte imposk par l’explicandum. Ad 2 Plusieurs types d’explication DN peuvent &re distinguks. La premikre dCcision de I mncerne le type explication DN qu’il va construire.

Comment construit-on une explication dMuctive-nomologique? 195

Ad 3 Le choix est limit6 par le type choisi dans le deuxibme coup. Ad 5 Cette instruction rksulte dans un coup interrogatif, un coup dkrivatif, un coup dkcisif ou un coup ajustif; si I choisit l’option (b) ou (c) et si la dkrivation ne rkussit pas, I peut exkcuter un coup interrogatif subordonnk et puis com- plkter la dkrivation (dans un coup interrogatif subordonnk, I pose une ques- tion i la Nature afin d’obtenir de l’information qui lui permette de complkter sa dkrivation). Ad 6 Cette instruction rksulte dans des coups combinatoires. Ad 7: Cette instruction rksulte dans des coups constructifs.

Comme la prockdure de Sintonen, (P3) tient compte des deux faits men- tionnks dans la section 3; mais l’analogie avec la construction d’un tableau sk- mantique est- remplack par le principe que les explications DN sont construites en implkmentant leur schkma gknkral.

5.2 (P3) est seulement le noyau de ma mkthode pour construire des expli- cations DN. Afin d‘kviter le deuxikme dkfaut de la mkthode de Sintonen, je dkvelopperai des directives qui aident I 21 poser des question pertinentes i la nature ou B formuler des buts de dkrivation et des problkmes de dkcision utiles. Pour comprendre la relation entre (P3) et les directives, deux faits sont importants: (1) La plupart des explications schkmatiques et des restrictions que l’investi- gateur obtient en exkcutant (P3) ont une valeur heuristique: en les examinant, I peut trouver des questions pertinentes pour continuer la prockdure. (2) Prockdure (P3) est la partie gknkrale de ma mkthode. Pour chaque type d’explication DN, on peut dkterminer ce que j’appelle 1’ infomation addition- nelle pertinente. En combinaison avec (P3), l’information additionnelle perti- nente constitue une mkthode pour construire des explications DN du type considkrk. Entre autres, l’information additionnelle pertinente dit i l’investi- gateur comment il peut exploiter la valeur heuristique des explications schk- matiques et des restrictions.

Dans les sections suivantes je rkxaminerai les exemples de 4.1 afin d’illus- trer le fonctionnement de (P3) et de dkterminer l’information additionnelle pertinente pour deux types d’explication DN: les explications B coexistence (5.3) et les explications interactionnelles-structurelles (5.4).

5.3 Une explication i coexistence est une explication DN dans lequel e a posskde caractkristiquefi est expliquk i l’aide d’une sCrie de caractkristiques at . . ., a, que a posskde au moment considkrk dans l’explicandum. Dans cette section je rkvise le premier exemple de 4.1 et en derive l’information ad- ditionnelle pertinente pour la construction des explications phknomknologi-

196 Erik Weber

ques. Une explication phCnomCnologique est une explication a coexistence qui est baske sur une loi phknomknologique. Une loi phknomknologique ex- prime une cordation entre deux ou plusieurs variables observationelles.

Exemple 1 (revision):

Imaginez un investigateur I qui observe que le pendule a a une pCriode de 2,Ol s et qui veut construire une explication DN pour ce phCnombne. Si I emploie la procedure (P3) son premier coup est: (1) Dans le schCma gCnCral de l’explication DN, I remplace fl par <<a une pC- riode de 2,Ol n.

Le resultat du premier coup est l’explicans schematique suivant (P2,01 est la reprksentation formelle de <<a une pCriode de 2,Ol m):

ala w

a,a (Vx) [(alx&azx& . . . a,) 3 P2,01x]

Nous supposons que I prend les dkcisions suivantes:

(2) I dCcide de construire un explication a coexistence. (3) I dCcide que T est la loi gCnCrale P = 2n .I L/g. (4) I dCcide que le contenu de B, est <<a est une pendule,.

La premibre decision crCe une restriction: les propositions singulibres ala, . . ., a,a doivent dCcrire des caractkristiques de a au moment considCrC dans l’explicandum. Le fait que I choisit la loi du pendule crCe trois restrictions: (a) l’explication ne contient que deux propositions singulibres (ala et aza), (b) a1 est le prkdicat qui trace le domaine de la loi du pendule, c.-&.-d. le prC- dicat c<est un pendule>>, et (c) a2 est un ClCment d’une partition de l’espace d’attributs explicatif de la loi du pendule. Un espace d’attributs est un couple contenant une modalit6 (M) et un intervalle de R (I). Longueur, largeur, ige, couleur, poids, etc. sont des modalitCs. Une propriCtC est une region d’un espace d’attributs (M, I) quand cette propriCtC peut &re dkfinie en associant un subintervalle de I avec la mo- dalitC M. Par exemple, <<a une longueur de 1,000 m, est une region de (lon- gueur, [ O , + a [ ) et <<a une periode de 2,Ol s>> une rCgion de (pkriode, [ 0, + a [). Dans une loi phCnomCnologique avec deux espaces d’attributs (comme la loi du pendule), l’espace dont la caractCristique a expliquer n’est

Comment construit-on une explication dbductive-nomologique? 197

pas une region est appelC l’espace d’attributs explicatif: L’espace d‘attributs explicatif de P = 2n JL/g est donc (longueur, [O,+ co [). Pour les lois phkno- mknologiques avec trois ou plus espaces d’attributs, l’espace explicatif est une combinaison de tous les espaces dont la caractkristique B expliquer n’est pas une rCgion. Un ensemble de rCgions mutuellement exclusives d’un espace d’attributs (M, I) est une partition de cet espace d’attributs si la reunion des in- tervalles dont on a besoin pour dCfinir toutes les rkgions de l’ensemble, Cgale I.

Dans son cinquibme coup, I doit formuler une question ou ajuster B. La restriction crCe par la premibre dCcision est rendue supefflue par (b) et (c); (a) et (b) sont des restrictions fortes; (c) est une restriction faible. ConsC- quemment, il est raisonnable pour I d’essayer de crCer une restriction qui, en combinaison avec (c), implique une restriction forte. I peut obtenir une telle restriction quand il choisit une partition spCcifique de l’espace d‘attributs ex- plicatif de la loi du pendule et puis dCtermine quel ClCment de cette partition contient l’objet a. ConsCquemment, le processus de construction continue comme suit:

(5a) I formule une question qui exprime un problkme de dkision: Q1: Quelle partition de (longueur, [0, + co [) est-ce quej’utiliserai pour construire une explication de Pz,ola?

(5b) I dCcide qu’il utilisera la partition F1, . . ., F,,, (une partition de (longueur, [O,+ 03 [)).

(6) I constate qu’il ne peut exCcuteur aucun coup combinatoire. (7) I matkrialise les restrictions fortes qu’il a obtenues ((a) et (b)); ainsi

il obtient l’explication schCmatique suivant: Sa aza (Vx) [(Sx&azx) =I PZ,OIX]

I1 n’exkcute pas l’instruction 8 parce qu’il n’a pas encore remplacC tous les caractbres schkmatiques. (5’a) I formule une question B poser B la Nature:

Qz: De quel ClCment de la partition F1, . . ., F, l’objet a est-il un membre?

(5’b) I pose Qz B la Nature.

S est la reprksentation formelle de ccest un pendule,. Quand I a obtenu une rk- ponse B sa question, il doit essayer de faire un coup combinatoire. Supposons que la rCponse de la Nature B la question Q2 est <<a a une longueur de 1,000 m (c.-B.-d.: <<aa une longueur dans l’intervalle [0.9995 m, 1,0005 m[>>). A cette condition, le processus de construction continue comme suit:

198 Erik Weber

(6’) I constate que, en combinaison avec la restriction crCCe par le coup 6, la rCponse a Q2 crCe une restriction forte: as = Ll,ooo. (7’) I matCrialise cette restriction et obtient l’explicans DN potentiel suivant :

Sa Ll,oooa (Vx) [(sx~Ll,ooox) 3 P2,01x]

Ll,ooo est la representation formelle de <<a une longueur de 1,000 m ~ . Parce qu’il a obtenu un explicans DN potentiel, I doit exkcuter l’instruction 8. Le processus de construction continue comme suit:

(8) I constate que le resultat de coup 7’ n’est pas une explication DN: la loi <<Tous les pendules qui ont une longueur de 1,000 m ont une pC- riode de 2’01 s>> n’est pas bien confirmCe. (S’a) I formule une question qui exprime un but de dkrivation:

Q3: Dans l’ensemble des pendules, quelle est la limite de la frC- quence relative des pendules avec une pCriode de 2’01 s dans l’ensemble des pendules avec une longueur de 1,000 m?

(5”b) I dCrive une rCponse la question Q3 de la loi du pendule et des thCorbmes mathkmatiques. (6”) I constate qu’il ne peut exkcuter aucun coup combinatoire. (7”) I constate qu’il n y a pas des restrictions nouvelles. (8’) I constate que la loi (Vx) [6Sx&Ll,owx) 3 PZ,,,x] est bien confir- mCe, et qu’il a donc obtenu une explication DN pour <<a a une pCriode de 2,Ol n.

La rCvision du premier exemple nous procure six ClCments d’information ad- ditionnelle pertinente pour les explications phCnomCnologiques: (a) Quand un investigateur qui veut construire une explication pour <<a a ca- racteristique G, dCcide d’utiliser la loi phCnomCnologique T dont le domaine est D, cette dCcision implique que son explicans contiendra deux propositions singulibres, a la et aza. Cette dCcision implique aussi que a1 = D. Finalement, cette dCcision implique que a2 est un ClCment d’une partition de l’espace d’at- tributs explicatif de T. Ces trois restrictions sont les traits caractkristiques des explications phCnomCnologiques. (b) La premikre et la deuxibme restriction peuvent etre matCrialisCes; ainsi nous obtenons l’explication schCmatique suivante:

Da aza (Vx)[(Dx&a2a) 3 Gx]

Comment construit-on une explication dkductive-nomologique? 199

(c) La troisibme restriction est faible et a une valeur heuristique; elle provoque la question <<Quelle partition de l’espace d’attribut de la loi T est-ce que j’utili- serai pour construire un explication de Ga?,. Cette question exprime un pro- blbme de decision. (d) Quand on a pris une dCcision (coup 5b), une deuxikme question (B poser B la Nature) s’impose: CDe quel ClCment de la partition F1, . . ., F, l’objet a est-il un membre? >>. (e) En combinaison avec la restriction crCCe par la rCponse 21 la premibre ques- tion, la rCponse de la Nature B la deuxibme question crCe une restriction forte: a2 = Fk (je suppose que la rkponse de la Nature h la question est <<a est un membre de Fk>)). En matkrialisant cette restriction, nous obtenons l’explicans DN potentiel suivant:

Da Fka (VX) [ D X & FkX) ZI Gx]

( f ) Dans cet explicans DN potentiel, Da et Fka sont des propositions bien confirmkes, alors que (Vx) [(Dx& a2a) 3 Gx] est une loi pour laquelle I ne posskde aucune confirmation. ConsCquemment, l’explicans DN potentiel a une valeur heuristique: il provoque la question << Dans le domaine D, quelle est la limite de la frCquence relative des objets avec caractkristique G dans l’ensemble des objets avec caractCristique Fk?>>. Tout investigateur qui connait ces six ClCments, peut utiliser (P3) de fagon pro- ductive pour construire des explications phCnomCnologiques. Pour les autres types &explication B coexistence, les ClCments de l’information additionnelle sont pareils.

5.4 Comme les explications B coexistence, les explications interaction- neffes-structureffes font partie de l’ensemble des explications DN. La forme logique gCnCrale d’une explication interactionnelle-structurelle pour &, est:

Cr: ala c2: a2a L: (vx) [(alx&a2x)

ala est une description de la structure de a, et a2a une description d’une inter- action de a avec un autre objet. J’emploie le second exemple de 4.1 pour Clu- cider les traits CaractCristiques du processus de construction des explications interactionnelles-structurelles.

200 Erik Weber

Exemple 2 (rkvision):

Imaginez un investigateur I qui veut construire une explication DN pour c<Dans cet objet le niveau du mercure baisse d’abord et puis s’Clbve>>. Si I em- ploie la proddure (P3), son premier coup est:

(1) Dans le schCma gCnCral de l’explication DN, I remplace p par cest un objet dans lequel le niveau du mercure baisse d’abord et puis s’klbve, .

ala aza

Le rCsultat du premier coup est l’explication schkmatique suivante:

a,a Dans tous les objets qui posskdent les caractkristiques ai, az, . . ., a,, le niveau du mercure baisse d’abord et puis s’C1bve.

(2) I dCcide de construire une explication interactionnelle-structurelle. (3) I decide que T est la conjonction de la loi de l’expansion thermique des solides, la loi de l’expansion thermique des fluides et la loi de la conduction de la chaleur. (4) I decide que le contenu de B, est C objet a a CtC immergC dans de l’eau trbs chaude,.

Nous supposons que I prend les dkcisions suivantes:

La premibre dkision crCe trois restrictions: (a) l’explication contient deux propositions singulibres (aia et aza), (b) ala est une description de la structure de a, et (c) aza est une description d‘une interaction de a avec un autre objet. La premibre restriction est forte, les autres sont faibles. La deuxibme dCcision ne c r k pas des restrictions specifiques. Les restrictions faibles provoquent deux questions:

Qi: Quel traits structurels de a est-ce que j’usiterai? Qz: Quelles interactions de a avec d’autres objets est-ce que j’usiterai?

L a premibre part du cinquikme coup de I consiste dans la formulation de ces questions. Avant de repondre 2i ces questions, I peut exCcuter des coups inter- rogatifs subordonnCs pour obtenir plus d’information concernant la structure de a et les interactions qui ont eu lieu. Nous avons supposC que B, contient seulement la proposition <<a a CttC immerge dans de l’eau trks chaude>>. ConsC-

Comment construit-on une explication d6ductive-nomologique? 201

quemment, I doit poser la question uQuelle est la structure du thermomktre?B B la Nature. Supposons que I prend les dkcisions suivantes:

(5b) a1 = uest un thermomktre qui est composk d’un tube de verre partiel- lement rempli de mercureD . (5c) az = ua CtC immergC dans de l’eau trks chaude>>.

A cette condition, le processus de construction continue comme suit:

(6) I constate qu’il ne peut exkcuter aucun coup combinatoire. (7) I matkrialise les restrictions fortes crC&s par les coups 2 et 5. Ainsi il obtient un explicans DN potentiel:

L‘objet a est un thermomktre qui est compose d’un tube de verre partiellement rempli de mercure. L‘objet a a ktC immerge dans de l’eau trks chaude. Dans tous les tubes de verre qui sont partiellement remplis de mer- cure et qui sont immergks dans de l’eau trks chaude, le niveau du mercure baisse d’abord et puis s’Clkve.

(8) I constate qu’il n’a pas encore obtenu une explication DN: la loi de l’ex- plicans n’est pas bien confirmke. (5’a) I formule la question suivante:

Q3: Dans l’ensemble des tubes de verre qui sont partiellement rem- plis de mercure, quelle est la limite de la frCquence relative des tubes dont le niveau du mercure baisse d‘abord et puis s’klkve immkdiate- ment aprks qu’ils sont immergks dans de l’eau trks chaude?

Cette question exprime un but de dkrivation. (5’b) I essaie de dkriver une rkponse B Q3 de T et des thkorkmes mathema- tiques.

Parce que B ne contlent pas d’information concernant les coefficients d’ex- pansion de verre et de mercure, ni d’information concernant la conductibilitk de verre, I ne rCussit pas B dkriver la loi L. Un coup interrogatif subordonnk est nkcessaire.

(Is) I pose les questions suivantes B la nature: Q4: Quel est le coefficient d’expansion de mercure? Qs: Quel est le coefficient d’expansion linCaire de verre? Q6: Est-ce que le verre est un bon conducteur de la chaleur?

(5’c) I essaye de dkriver la loi L de T, des thkorkmes mathkmatiques et les rkponses obtenues dans le coup interrogatif subordonnk I,. Cette fois il rkussit. (6’) I constate qu’il ne peut exkuter aucun coup combinatoire.

202 Erik Weber

(7’) I constate qu’il n’y a pas des restrictions nouvelles. (8’) I constate que la loi <<Dans tous les tubes de verre qui sont partielle- ment remplis de mercure et qui sont immergCs dans de l’eau trbs chaude, le niveau du mercure baisse d’abord et puis s’Clbve>> est bien confirmCe, et qu’il a donc obtenu une explication DN.

La rkvision du deuxibme exemple nous procure quatre ClCments d’informa- tion additionnelle pertinente pour les explications interactionnelles-structu- relles: (a) Le choix de I dans le deuxibme coup implique que son explication contien- dra deux propositions singulikres, a la et a2a, que a la est une description de la structure de a, et que a2a est une description d’une interaction de a avec un autre objet. (b) La deuxikme et la troisikme restriction ont une valeur heuristique; chaque restriction provoque une question qui exprime un problbme de decision. (c) Les rCponses aux questions mentionnkes dans (b) ci-dessus crkent deux restrictions fortes; quand on matkrialise ces restrictions et la restriction crCke par la dCcision de construire une explication interactionnelle-structurelle, on obtient un explicans DN potentiel de la forme suivante:

Sa Ia (Vx) [(Sx&Ix) 2 Gx]

G est la caractkristique attribuCe B a dans l’explicandum. Sa est la description de la structure de a que I a choisi dans le coup 5; Ia est la description des inter- actions. (d) L’explicans DN potentiel obtenu dans le coup 6 possbde un trait caractk- ristique: Sa et Ia sont des propositions bien confirmkes, alors que (Vx) [ (S x & I x) 2 Gx] est une loi pour laquelle I ne possbde aucune confirma- tion. A cause de ce trait, l’explicans potentiel a une valeur heuristique; il pro- voque la question ~ D a n s le domaine des objets avec structure s, quelle est la limite de la frCquence relative de la caractCristique G dans l’ensemble des ob- jets qui sont caractCriskes par les interactions I?>>.

6. Conclusion

Dans cet article, j’ai dCveloppC une mCthode pour construire des explica- tions dkductives-nomologiques. Cette mkthode n’est pas complbte: seule- ment les explications phCnomCnologiques et interactionnelles-structurelles ont CtC trait6es suffisamment. Mais je crois que la procdure (P3) peut Stre kla- bode pour toutes les categories d’explications DN. En plus, je crois que la

Comment construit-on une explication dCductive-nomologique? 203

procCdure (P3) est un bon point de dCpart pour analyser le processus de construction d’autres types d’explication: explications causales, tC1Cologi- ques, explications inductives-statistiques, etc. Pour tous ces types, un schCma gCnCral peut ktre construit, et une procCdure qui incorpore les m$mes idCes principales que (P3).

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