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N°110 MODERNE MODERNE MODERNE MODERNE

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N ° 1 1 0 MODERNEMODERNEMODERNEMODERNEMODERNE

Chaque jour, nos villes s’enrichissentd’édifices dont l’architecture et les espacesrépondent aux contingences de notresociété. Nous sommes sensibles auxqualités esthétiques de l’architecturecontemporaine dans la multiplicité de sesexpressions, au niveau de ses formescomme de la fluidité et de la luminositéde ses espaces intérieurs. Le béton y participe pleinement, par la diversité de ses parements et de ses apparences,et par sa capacité à répondre aux dessinsles plus exigeants et les plus innovants.Car le béton exprime aussi bien la présence de l’institution publique que la chaleur du foyer domestique. À celas’ajoutent ses nombreuses qualités quiparticipent au confort des usagers, telleque la protection contre le bruit. Cetteprotection, il l’offre aussi de façon naturelleet très performante face à l’incendie, danstous les ouvrages où il est mis en œuvre.

ROLAND DALLEMAGNE,directeur de la rédaction

Sommaire – n° 110

r é a l i s a t i o n s PARIS – Institut national du judo PAGES

0106

Architectes : Architecture Studio

Point de repèrepour topologie mouvementée

por t r a i t

NOISY-LE-GRAND – Groupe scolairePAGES

0711Architecte : Michel W. Kagan

A l’école de la rue des Petits-Jules

MEUDON – MaisonsPAGES

1215Architecte : Jacques Ripault

Architectureet confort modernes

CHAMPIGNY – LogementsPAGES

1620Architecte : Ignace Grifo

A la reconquêtedu territoire urbain

COLOMIERS – Service d’incendiePAGES

2125Architectes : Munvez & Castel

Quand la fonctionfait l’identité du site

SAINT-MARTIN-D’HÈRES – Siège socialPAGES

2629Architectes : A. Félix-Faure & Ph. Macary

La transparenceissue de la matière

LIVIO VACCHINIPAGES

3034Livio Vacchini,

“compositeur” d’architecture

b l o c - n o t e s• Actualités• Livres

PAGES

3536

>>> En couverture : Maisonsjumelées à Meudon.

7, place de la Dé • éfense CedexTé •

• •• internet : www.infociments.fr •

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Anne Bernard-GélyDIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Roland Dallemagne CONSEILLERSTECHNIQUES :Bernard David ;Serge Horvath ; Jean Schumacher

CONCEPTION,RÉDACTION ET RÉALISATION :ALTEDIA COMMUNICATION

5,rue de Milan – 75319 Paris Cedex 09

RÉDACTEUR EN CHEF : Norbert Laurent RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT : Maryse MondainSECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Philippe François

Pour les abonnements, fax : 01 55 23 01 10,E-mail : [email protected]

Pour tout renseignement concernant la rédaction,tél. : 01 44 91 51 00

éditorial

MODERNEMODERNEMODERNEMODERNEMODERNE

La revue Construction moderne est consultable sur www.infociments.fr

r é a l i s a t i o n PARIS - Institut national du judo

Point de repèrepour topologie mouvementée● ● ● Un entrelacs de données géographiques et contextuelles, voilà l’univers qui s’offre

à l’agence Architecture Studio quand elle aborde la conception de cet institut du judo en bordure

du périphérique parisien. Commandé par la Fédération française de judo, associée à différents

partenaires financiers, le programme est multiple – salle omnisports, dojo, hôtel, surface

commerciale, etc. Résultat, une œuvre sculptée avec passion, juxtaposant des impulsions

contradictoires et pourtant intimement liées. Avec à la clé de superbes effets de matière.

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ans se prendre pour lePetit Poucet, semer des

bâtiments dessinant un trajetchargé de sens peut être ten-tant. L’agence Architecture Studioancre avec l’Institut national du judoune deuxième pierre sur les limites ducercle très fermé constitué par le péri-phérique parisien. Cette nouvelleconstruction répond à la résidence uni-versitaire déjà implantée au nord de la

capitale depuis plusieurs années etreprend le même type de peau. Pour lesautomobilistes qui empruntent réguliè-rement la ceinture parisienne, le rappro-chement saute aux yeux.Ces deux édifices marquent deux pointscardinaux opposés. Le dernier en dateindique le sud, installé porte de Châ-tillon exactement, sur un terrain triangu-laire bordé par le périphérique vers lesud, et par un boulevard intérieur au

nord, le troisième côté du triangle étantlimité par un mur existant, celui ducimetière de Châtillon. Le paysage offertà l’origine aux architectes était doncfort, nourri de ruptures, de bandes debitume qui s’entrecroisent, de ponts,d’immeubles aux échelles et aux archi-tectures peu voisines. Un entrelacs dedonnées géographiques, contextuelles,auxquelles s’ajoutaient d’autres difficul-tés liées au montage financier. La sur-face au sol devait être exploitée à sonmaximum malgré une forme géomé-trique délicate, un sous-sol un peucapricieux et d’autres données plusaléatoires… Le concours, en effet, a mistrès longtemps à aboutir.

● Un programme multiple et évolutif

Il aura fallu pratiquement quinze anspour que l’opération voie le jour etexhibe sa coupole de cuivre au ciel pari-sien. Outre la Fédération française dejudo, ce sont plusieurs partenairesfinanciers qui se sont associés pour bou-cler un budget de quelque 24,5 millionsd’euros. Ce budget réuni, il ne restaitplus qu’à matérialiser un programme

évolutif et plus que mixte. L’ensemblecombine un stade international de judode 2 500 places – devenu aujourd’huiune salle omnisports –, une salle d’en-traînement, soit un dojo réservé àl’équipe de France, le siège de la Fédéra-tion française de judo, un hôtel et unesurface commerciale spécialisée (actuel-lement un magasin d’articles de sport),et enfin un parking.Avec évidemmentla nécessité de faire circuler et sur-tout d’évacuer tous ces publics très dif-férents ! Un jeu destiné aux architectes,habitués à imbriquer des ensembles sihétéroclites en respectant leur fonction-nement et en dessinant un profil archi-tectural adapté au site. Pour corser lesrègles, la densité du programme impli-quait la création de 24 000 m2 de sur-face construite sur une parcelle quicomptait moins de 10 000 m2 au sol,avec en prime la gestion de ces anglesforcément “morts” que sont les pointesd’un triangle. Rentabilité et équilibrefinancier obligent ! Car le coût final del’opération ne devait pas dépasser lebudget initialement prévu, tout en pro-posant des prestations de qualité et enrespectant les règles de sécurité, draco-niennes pour un ensemble accueillantdes publics si différents.

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Avenue de la porte de Chatillon

Avenue de la porte de Chatillon

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Dire que la volumétrie construite estétroitement inspirée de la forme de laparcelle frôle le pléonasme. En laissantson esprit vagabonder, on peut mêmeimaginer qu’un bloc de matière ait étéévidé pour y loger le programme, scindéen deux entités combinées mais très dif-férentes dans leur géométrie : une barreaccueille l’hôtel et la Fédération françaisede judo,alors qu’une large coupole abritela salle omnisports. Cette portion desphère semble avoir été tranchée net,

d’un côté par le périphérique, de l’autrepar le boulevard. Coupe incisive et ron-deur de la courbe, douceur et violence,ancrage et aérodynamisme… Le com-plexe intégrant l’Institut du judo a étésculpté avec passion, juxtaposant desimpulsions contradictoires au premierdegré, intimement liées en y regardant deplus près. C’est bien de cette confronta-tion des contraires qu’est née une archi-tecture qui trouve parfaitement sa placedans un terrain passé inaperçu jusque-là.

Il est aujourd’hui révélé. Le bâtimentconstruit depuis peu le fait vivre, signaleses composantes, ses frontières, son envi-ronnement multiple.Premier évidement de cette masse ins-tallée pour épouser au plus près lesbords du triangle : la rue centrale. Ellesépare deux volumes aux géométriestrès fortes, la barre et la portion de

sphère. Un “pont” les relie, accueillantune partie des bureaux de la fédération.Le deuxième évidement a consisté à lestrancher, afin qu’elles se conforment autracé des voies qui les bordent. Le troi-sième concède côté est une frange librele long de la barre entre le cimetière etl’hôtel, l’occasion de créer un accèspompier bordé par un haut mur de

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>>> Une parcelle triangulaire ceinturée de bandes

de bitume. Une portion de sphère entaillée pour épouser les

limites d’un terrain bordé par le boulevard périphérique.

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Un bâtiment qui fait

l’unanimité auprès de son public

de fonctionnement, la création de cetinstitut modifie profondément le rapport existant entre lespratiquants de cette discipline et sesreprésentants administratifs. Pour la première fois, bureaux et sallesd’entraînement sont suffisammentproches pour que tous les publics se côtoient en kimono sans sélectionpar niveaux de hiérarchie. Cette

proximité est appréciable chaquejour. Un tel institut est une grandepremière qui intègre en prime uncentre de formation. Notre seulregret ? Que la fédération n’ait pasun budget suffisamment importantpour exploiter à elle seule la grandesalle gérée par la ville de Paris, quenous occupons pour le momentenviron 75 jours par an.

Cet Institut du judo reflèteparfaitement le style de notrefédération. Il fédère l’ensemble de nos membres, contents de sonapparence plutôt dépouillée et en parfaite résonance avecl’origine culturelle de notre discipline.Ils sont fiers que ce bâtiment soit publié, visité par d’autresarchitectes, reconnu. En termes

Jean-Luc RougéDirecteur de la Fédération française de judo

pierres déjà existant. Pour mettre enscène ces volumes particuliers et leurdonner un réel aspect tranché, la prioritéa été donnée au béton qui se montresous forme de parois sombres, massives,de bandes “brutes” à la texture à la foislisse et “ondulée” se prêtant à un jeu denervures, d’engravures, de mouvementsaux dimensions irréalisables avec unautre matériau. Un clin d’œil évident à larésidence universitaire précédemmentconstruite par Architecture Studio aubord du périphérique nord et marquéepar ses murs antibruit lasurés de noir.Mais le béton n’est pas seul… Deuxautres matériaux viennent couronner laportion de sphère et créer une peau pro-tectrice. À commencer par les superbespoutres en lamellé-collé, impression-nantes par leur portée et par leur élé-gance. Elles forment le squelette d’unecoque difficile à réaliser. Pour apporterune solution le plus logique possible, lespannes transversales suivent le trajetdes méridiennes de la sphère.Clin d’œil à cette colonne vertébrale, lespointes des arcs se glissent hors de lacoupole. Les arcs viennent rythmer la rueintérieure, telle une épine dorsale, etdéposer des ombres en allumette plusou moins élancées qui suivent la course

du soleil. Car pour abriter cette char-pente d’exception, il fallait un matériaude choix, un symbole urbain. Le cuivre. Ilvient couvrir la coupole de bandes,toutes différentes. Posées alors que legros œuvre n’était pas achevé, ces trèslongues bandes de cuivre forment troissurfaces indépendantes séparées pardeux joints de dilatation qui désolidari-sent la grande salle, d’un côté des locauxtechniques et de l’autre de la surfacecommerciale. C’est le temps qui lesvieillira. Déjà, les quelques mois passésont effacé par endroits la trop forte ruti-lance des brillances, redonnant à cettecoque son seul rôle protecteur. Quant aumatériau bois, il se montre par éclatsponctuels, habille de claustras certainesparois devant rester perméables à l’air,se transforme en portes d’entrée, en

panneaux acoustiques, et vient confron-ter sa texture légère et changeante à lasécurité pérenne du béton.L’une des missions de ce projet était évi-demment d’offrir aux judokas, ainsiqu’aux clients de l’hôtel, un environne-ment fonctionnel et agréable. Celaexplique aisément l’utilisation du bétoncomme matériau de prédilection pourcréer des parois protectrices face auxnuisances du périphérique. Rempart faceau bruit, donc, mais aussi réponse effi-cace face aux vibrations, aux éventuelsmouvements de terrain, les sous-sols dela parcelle abritant par exemple les gale-ries d’une ancienne carrière. Certainesont été consolidées par injection debéton. De façon générale, les ancragesse sont faits plus profondément, en évi-tant par ailleurs un égout qui traverse le

terrain et sert à drainer le trop-plein aumoment des pluies d’orage. Mais rem-part également au feu, un atout nonnégligeable pour le béton lorsqu’unbâtiment reçoit du public. Son effet demasse général, irremplaçable, permet enoutre de donner l’impression que le nou-vel Institut national du judo est bel etbien ancré dans son terrain : malgré lesmouvements incessants qui l’entourent,il semble inattaquable.

● Effets de peaux

En dehors de ses atouts “physiques”, lecaractère malléable du béton, qui passede l’état de pâte au statut de roc inébran-lable, incite à exploiter pleinement cepotentiel sculptural d’un matériau camé-

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>>> LLa salle d’entraînement

de l’équipe de France, installée en

sous-sol grâce à la mise en place

d’une superstructure constituée

de portiques de 18 m de portée.

léon. Car le béton change de peau selonles envies de ses créateurs. Pour MarcLehmann, l’une des priorités consistait àexploiter pleinement son potentiel esthé-tique, à créer des effets de modénature,afin d’éviter le clivage entre structure etparement,mais plutôt d’offrir une matière“brute”, qui annonce par sa peau cequ’elle est à l’intérieur. Les recherches ontporté à la fois sur les mouvements quipouvaient être créés pour donner unrythme, une ondulation à ces peaux, maisaussi à déterminer leur grain, leur teinte,leur matité ou leur brillance, leur aspectlisse ou rugueux… Inclinaisons, engra-vures, sablage, applications de lasure, devernis,etc.,ont permis d’éviter les doublespeaux. Car même le zinc posé sur l’unedes faces de la portion de sphère, côté rueintérieure, joue le rôle de toiture, comptetenu de l’inclinaison de cette face. Sonrôle est avant tout fonctionnel. Côtébéton, il aura fallu de nombreux essaispour aboutir à la gamme de coloris choi-sis. Une variation sur la base de l’obsi-dienne, utilisée sous trois pourcentages,du gris anthracite au gris perle. Une suc-cession de couches de préparation a per-mis d’uniformiser les différents aspectsde surface du béton coulé en place,avant que ne soient appliquées les

lasures teintées, elles-mêmes protégéespar un vernis à base de résine polyuré-thane. Un travail conséquent d’engra-vures et de décrochés accentue ladiversité de ces peaux déclinées enharmonie de gris. Fondée sur la créationde séquences horizontales, la modéna-ture inventée crée des effets de glis-sières – une série d’ondes platesreprises dans le dessin des portes del’hôtel sur sa face arrière. Ce travailgénéral de modénature n’est pas le seulà rythmer le déroulé des façades. Eneffet, certains points particuliers sontdésignés par l’ajout de motifs obtenusen sablant partiellement les surfaces.Ainsi, une série de pointillés obliquessouligne la hauteur sous plafond plusimportante des étages intermédiairesde l’hôtel ; ils viennent égalementanimer la façade du “pont” reliant lebâtiment “barre” à la portion de sphère,pour un jeu plus graphique.

● Enduit “plastine”

Pour compléter ces mosaïques de tonsgris, une matière cousine du bitume parson aspect, un enduit “plastine”, a étéprévue par anticipation bien avant le

chantier. Elle est venue recouvrir lesredents des étages supérieurs de l’hôtel,pour masquer élégamment des joints debanches trop complexes à maîtriser sansaucune reprise ultérieure des surfaces.Une série de façades animées de mou-vements… Pour matérialiser ces formesmultiples imposées par engravures etdécrochés, de nombreuses réservationsont imposé un travail conséquent et soi-gné afin de concevoir les banches adap-tées à la conception de ces volumesondulés, de certaines parois inclinées, deces façades aux angles rentrants, commeen bout de barre. Les mannequins créésont fait l’objet d’une modélisation infor-matique pilotée par un responsable“méthodes” en action pendant toute ladurée de la construction. Pour évitertoute mauvaise surprise et anticiper surles modifications inhérentes au déroule-

ment d’un chantier, il était en relationconstante et directe avec le maître arti-san chargé de suivre les opérations decoulage en place. Car outre la forme desbanches, à définir avec une grande préci-sion, il était très important d’optimiser lenombre des différents coffrages, de lesrendre étanches afin d’obtenir un aspectde surface réussi et sans coulure incon-trôlée. Pour éviter par anticipation cer-tains défauts de surface, les reprises debanches ont été réalisées autant quepossible en fond d’engravure… L’appli-cation d’une lasure ne pardonnantaucun écart, elle peut révéler les irrégu-larités lorsque la surface est satinée etbaignée par les rayons du soleil.La complexité de ce jeu de constructionest accentuée par la situation du terrain,bordé par quelques zones interdites.Y manœuvrer demandait doigté et pré-

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>>> Côté cimetière, la façade arrière de l’hôtel et ses

parois inclinées, ses volumes servants mis en avant par leur position

et par leur surface d’un gris profond. Seule concession

au béton apparent, un enduit “plastine” vient recouvrir certains redents.

Les étages intermédiaires de l’hôtel sont marqués par

une série de pointillés obliques obtenus par sablage de la surface.

Une des issues de secours de la salle omnisports, un croisement

de matières et de lignes fortes.

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cision. Concrètement, la majorité desvolumes de béton ont été coulés enplace, excepté quelques éléments “ba-siques” tels que les planchers alvéo-laires, les prédalles ou les escaliers, quisont les seules pièces préfabriquéesapportées sur le chantier. Toutes lesfaçades ont été coulées en place, avecune épaisseur de voile différente entre lehaut et le bas du panneau pour lesfaçades inclinées porteuses et auto-stables ; d’autres devaient être couléessur une hauteur de 10 m ou 15 m sansplancher intermédiaire.Mais la vedette en matière de prouessede ce type revient à la superstructureconstruite sous l’hôtel, soit un portiquede 18 mètres de portée qui, dixit lesingénieurs ayant participé à sa concep-tion puis à sa réalisation, s’apparenteaux travaux de génie civil. Il permettaitd’accueillir en sous-sol la salle de dojoservant à l’entraînement de l’équipe deFrance tout en absorbant les descentesde charges des sept étages de l’hôtel.Pour éviter des sections de poutres et de

poteaux trop importantes, ce sont desbétons à hautes performances qui ontété employés, notamment du B60 pourles poteaux du portique. Compte tenu del’importance de l’ouvrage, il a fallu mettreen place une méthodologie d’étaiementen cours de coulage. Un moment fort…mais qui ne fut pas le seul. La mise enplace des arcs en lamellé-collé suppor-tant la coupole de la grande salle ademandé bien plus qu’un soupçon d’in-géniosité. La liaison entre ce portique etle socle en béton est réalisée par uninsert en métal mis en place avec préci-sion sur un pré-socle coulé en place.

● Béton “multiple”

Mis à part les poutres en arc de la cou-pole, la structure de l’ensemble de cetteréalisation est constituée d’ouvrages enbéton.Tantôt mur porteur, tantôt poteauou poutre, voire superstructure sous lebâtiment linéaire et sous la voie cen-trale, le béton sert l’ensemble des

besoins du projet. Et ils ne sont pas uni-quement structurels… Car ce complexeaccueille cinq entités fonctionnant demanière autonome, l’Institut du judo –avec sa salle omnisports de 2 500places, ses bureaux et ses salles d’en-traînement –, l’hôtel, le parking, unegrande surface commerciale, soit despublics et des réglementations variablesqui impliquaient la superposition detrames différentes, mais aussi la concep-tion de circuits indépendants pour l’en-semble des fluides, mis à part celui deseaux usées. La construction achevée,seuls quelques plafonds bas et quelqueslocaux techniques signalent la présencede ces milliers de tuyaux, de câbles, degaines… Il aura fallu mettre en placeune communication infaillible entreconcepteurs, bureaux d’études et entre-prises pour que chaque nouvelle réser-vation soit prise en compte à temps etne vienne pas compliquer une structureporteuse déjà corsée.Ainsi, pour conce-voir les gradins demeurés en bétonapparent, le passage obligé des gainesde ventilation frôla le casse-tête chinois,compte tenu de l’importance du dia-mètre imposé des tubes : il fallait ména-ger leur passage sans mettre en péril lasolidité de l’ouvrage, ni modifier le profil

dessiné par les architectes… Lequel estresté fidèle au croquis initial réaliséquinze ans plus tôt. Un joli défi. ❚

TEXTE : BÉATRICE HOUZELLE

PHOTOS : HERVÉ ABBADIE

PHOTO 1 : GASTON

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>>> Le hall d’entrée de la salle omnisports, où le béton se

fait de plus en plus discret, enduit, recouvert de peinture. La

salle omnisports, fortement marquée par ses gradins et ses façades

intérieures en béton apparent. Un traitement d’ensemble très sobre,

en harmonie avec la culture de la Fédération française de judo.

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r é a l i s a t i o n PARIS - Institut national du judo

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Maître d’ouvrage :FFJDA,Sofracim,Accor,Go Sport

Maître d’œuvre :Architecture Studio,MartinRobain et Marc Lehmann

BET structures :Becebat

Bureau de contrôle :Socotec

Coordination et synthèse :Entreprise Fougerolles

Surface :24 000 m2 SHON

Coût :

24,5 M€

r é a l i s a t i o n NOISY-LE-GRAND - Groupe scolaire

A l’école de la rue des Petits-Jules● ● ● Le nouveau groupe scolaire Jules-Ferry de Noisy-le-Grand comprend une école maternelle,

une école primaire et un centre de loisirs. Conçu par Michel Kagan, l’édifice n’est en rien linéaire.

Au contraire, il enchaîne un jeu de volumes en béton, de pleins et de vides, de plans

horizontaux ou verticaux, et s’anime de la dynamique de leurs retournements. Le plan de masse

et la volumétrie générale du projet se combinent ainsi dans un même vocabulaire architectural,

groupant leurs atouts pour mieux différencier les deux écoles et le centre de loisirs.

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eux jeunes enfants fontconnaissance et discutent :

“Tu vas à l’école ? – Oui. – Oùest-elle, ton école ? – Rue desPetits-Jules, à Noisy-le-Grand.”Si ce dialogue est imaginaire, l’adressedonnée par l’un des interlocuteurs n’estpas une facétie de gamin espiègle. Biendes enfants fréquentant le groupe sco-laire Jules-Ferry à Noisy-le-Grand ont dûtenir des propos similaires. N’évoquantapparemment ni l’histoire du lieu, niune personnalité illustre ou locale, il fautbien reconnaître qu’un tel nom de ruen’est pas commun. À l’occasion du pro-jet de reconstruction du groupe scolaireJules-Ferry, une voie nouvelle de des-serte, reliant l’avenue Jules-Ferry à l’allée

Charles-Pranard, a été créée. La munici-palité a confié aux enfants de l’école lesoin de lui trouver un nom.Ainsi est néela rue des Petits-Jules, clin d’œil enforme d’hommage à Jules-Ferry, figuretutélaire de l’enseignement public.Dans ce quartier typique de la grandepériphérie parisienne, de petites barresou de petits plots se répartissent defaçon éclatée et abstraite entre parkings,plantations et voiries. Les maisons indi-viduelles s’organisent en lotissementsautonomes ou demeurent isolées. Ilexiste peu de liens entre les différentséléments bâtis présents sur le site. Fruitde leur imagination fertile, teintée d’unenote d’humour et de poésie, la réponseapportée par les enfants exprime le

besoin de créer ici un lieu d’identité, à lafois par son patronyme et par la qualitéurbaine de l’espace public qu’il fabrique.Le groupe scolaire Jules-Ferry com-prend une école maternelle, une écoleprimaire et un centre de loisirs, quis’inscrivent dans un édifice unitaire touten conservant leur identité. Le projetconçu par Michel Kagan se développeparallèlement à la rue des Petits-Juleset à son mail planté. Le plan de massedessine une figure en manivelle, quiinstalle un décalage entre les deuxcorps de bâtiment principaux. L’édificen’apparaît pas comme linéaire maisenchaîne le jeu des volumes en béton,des pleins et des vides, des plans hori-zontaux ou verticaux, et la dynamiquede leurs retournements.

● Des volumes bien différenciés

Ainsi, dans un même vocabulaire archi-tectural, le plan de masse et la volumé-trie générale du projet permettent dedifférencier les deux écoles et le centrede loisirs. Les espaces des cours derécréation s’installent alternativementpar rapport aux bâtiments. La cour del’école primaire est protégée de la rue,

tandis que celle de la maternelle s’ouvresur la voie publique et dégage la vuedepuis l’avenue Jules-Ferry sur l’en-semble du groupe scolaire.L’implantation retenue présente succes-sivement le continuum bâti de l’écoleprimaire en front de rue et le spectacledes enfants jouant dans la cour del’école maternelle. L’un et l’autre partici-pent à la qualification et à l’animationde l’espace urbain. À cela s’ajoute uneinstallation dans le site qui a le souci deconserver les espaces plantés préexis-tants et de les intégrer au projet. On per-çoit ainsi combien l’ensemble de l’édificejoue la carte de l’échelle paysagère, envi-ronnementale et urbaine.Au point de décalage entre les deuxbâtiments abritant l’un la maternelle etl’autre le primaire, l’architecte installeles entrées des deux écoles, soulignéeschacune par un élément architecto-nique en béton. Un plan horizontalporté par un poteau asymétrique, enforme de V, marque l’entrée de la mater-nelle en faisant auvent. Un voile verticalen suspension se repliant pour devenirauvent puis préau conduit vers l’écoleprimaire. Il recouvre partiellement uneplacette aménagée pour l’attente desparents et sur laquelle donnent les deuxséquences d’entrée.

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Depuis cet espace commun, l’édificeménage un jeu de transparences, depleins et de vides qui donnent à lire lesdifférentes parties : la maternelle précé-dée par la cour ouverte sur la rue, l’écoleprimaire et son socle bâti en front de rue,le centre de loisirs et les réfectoiresvisibles à travers le préau. Cette placettequi est le lieu de l’identité du projet met enscène le principe d’inflexion de la figurefondatrice, ainsi que l’enchaînement desvolumes et des espaces extérieurs.

● Organisation étudiée

Les différentes entités constitutives duprojet répondent à des principes d’orga-nisation spécifiques. Chacune des sixclasses de l’école maternelle comprendune grande salle et une plus petite atte-nante, formant une sorte d’atelier. Aurez-de-chaussée, les trois classes despetits s’ouvrent à l’ouest de plain-pied

sur la cour. Les enfants les plus jeunesbénéficient ainsi d’un rapport immédiatavec l’extérieur, la cour de récréation etl’environnement proche. À l’étage, leprincipe de la coupe s’inverse et lesclasses, prolongées par une terrasse,s’ouvrent à l’est en offrant des vues surles frondaisons des arbres voisins et surle ciel. Le bâtiment intègre ici son rapportau site, qui se caractérise par une rue àstructurer à l’ouest, un espace végétal àpréserver à l’est. Il présente une dimen-sion alternative qui joue avec l’orienta-tion et l’environnement. La façade ouestest très vitrée au rez-de-chaussée etpresque opaque à l’étage. Le rythme desboîtes-ateliers qui émergent en façadesignale la présence des classes, tandisque le plan opaque de l’étage est ponc-tué de quelques ouvertures qui dosentles arrivées de lumière et les vues dans lecouloir. Côté est, le principe de composi-tion s’inverse.Ainsi, le volume abritant lamaternelle présente deux façades princi-

pales équivalentes en termes de statut,ce qui permet de ne pas avoir d’effetfaçade noble-façade arrière.

● Stratification de l’espace

Les quinze classes et les trois ateliers del’école primaire sont installés à l’étage,dans un rapport d’égalité avec lesespaces collectifs situés au rez-de-chaussée (bibliothèque, salle vidéo, salleinformatique, salles des enseignants,administration) et la cour de récréation.À l’étage, les salles se répartissent de partet d’autre d’un couloir central éclairézénithalement. Elles sont assembléespour former six petites unités constituées

soit de trois classes mitoyennes, soit dedeux classes associées à un atelier thé-matique (peinture, cuisine, etc.). Entreces unités viennent s’installer les deuxblocs sanitaires et les deux escaliers.Pour les élèves, le rez-de-chaussée est lelieu où sont regroupées les activitéscommunes à toute l’école primaire, ainsique l’espace de transition entre lesclasses et la cour. Du fait de la stratifica-tion mise en place par l’architecte, lesclasses, lieux de l’étude, du travail et dusilence, prennent de la hauteur et semettent à distance des salles collectivesou des zones de détente. Elles s’inscri-vent dans la continuité et la fluidité desespaces communs de circulation quirelient dans un même continuum spatial

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>>> Sur la façade ouest de la maternelle, les volumes

colorés des boîtes-ateliers signalent la présence des classes au rez-

de-chaussée. Côté est, on les retrouve à l’étage. Les blocs

des classes et des cages d’escalier rythment le volume étiré de l’école

primaire (ici, vue de la façade sur cour).

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❙❙❙ Coupe transversale sur les salles de classe et de repos

intérieur les deux niveaux de l’école.L’organisation des classes en plan estretranscrite “volumétriquement”. Troisplots côté rue et trois plots côté coursont lisibles en façade. Ils fragmentent etaniment le volume étiré de l’école pri-maire, et rythment l’écriture des façades.Les meneaux et les allèges en béton indi-vidualisent chaque salle, ce qui rendaisément identifiable par les enfants laposition de leur classe.

● Perpendiculaire,le centre de loisirs

Les réfectoires et le centre de loisirs sontregroupés dans un même bâtimentimplanté perpendiculairement aux deuxécoles. Les deux réfectoires contigussont installés au rez-de-chaussée. Celuide l’école primaire occupe un généreuxvolume qui s’ouvre sur la cour par unefaçade entièrement vitrée. La salle desenfants de la maternelle est plus intime,organisée en petits espaces. Ses fenêtresdonnent sur un jardin et un petit patiointérieur planté. Le centre de loisirs est àl’étage, les salles de musique, d’expres-sion corporelle, de psychomotricité, sontorientées au sud. Elles se prolongent parune terrasse et un escalier qui permet

d’accéder au jardin. Ici l’ambiance n’estplus scolaire, le contact avec la végéta-tion, le jardin, le ciel, est direct. Il flotte unair de détente, de jeux, de vacances. Letravail sur la lumière, sur la qualificationdes espaces, sur le cadrage des vues et laposition des ouvertures est ici omnipré-sent. Le projet propose toute une sériede lieux conçus et dessinés par l’archi-tecte pour offrir aux enfants comme auxadultes des expériences spatiales, etdonner du plaisir à vivre l’espace danslequel on se trouve.Le hall d’accueil de la maternelle met enscène l’entrée de l’école et les différentscheminements possibles. Dans le mêmeespace double hauteur se développentle mouvement ascensionnel de l’escalier,prolongé par une passerelle le reliant aupremier étage, la coursive de liaison avecle centre de loisirs qui surplombe la cir-culation conduisant à la rampe desréfectoires, et enfin le couloir desservantle rez-de-chaussée de l’école. Des prisesde lumière à travers des panneaux debriques de verre, des vues précisémentcadrées sur jardin ou patio participent àla dilatation verticale et horizontale decet espace aux dimensions très réduites.L’ambiance lumineuse agrémente etqualifie les déplacements dans les diffé-rentes circulations. À cela s’ajoute le jeu

varié des vues, en plongée, en contre-plongée, proches ou lointaines, sur la viede l’école et sur l’extérieur.

● Liberté d’aménagement

Dans les classes de l’école maternelle, larelation entre la salle et le volume pluspetit de l’atelier, souligné par la lumièreissue des généreuses baies vitrées et desimpostes, donne au lieu une dimensionet à l’espace une permanence qui laisseune grande liberté d’installation aux uti-lisateurs. La grande diversité dans l’amé-nagement des classes en est le témoi-gnage. Le préau de l’école primaire sedistingue de l’image traditionnelle quel’on peut en avoir. Situé à l’articulationentre les deux écoles et ouvert sur troiscôtés, il offre des vues sur la rue, le quar-tier, sur l’ensemble du groupe scolaire,sur l’intérieur de l’école primaire. Il esttraité comme une véritable place cou-

verte destinée aux enfants. Les poteauxde structure, les plans verticaux et hori-zontaux en béton, cadrent tout un éven-tail de vues et mettent en paysage l’envi-ronnement scolaire et urbain. Sous lacourse du soleil, ces éléments architecto-niques créent, au fil de la journée, un jeuinfini d’ambiances,d’ombre et de lumièreoffert aux enfants et participant assuré-ment à l’éveil de leur sensibilité.Le groupe scolaire Jules-Ferry est unédifice moderne, ouvert sur son quar-tier. Par son écriture et sa volumétrie, ils’inscrit dans l’échelle du lieu et amorcela qualification urbaine de la rue desPetits-Jules. Par son architecture, ilrevendique la volonté d’une pédagogiede l’espace et offre aux enfants le plai-sir de la pratiquer au quotidien. À n’enpas douter, la qualité des espaces trans-met ici du bien-être destiné à être uti-lisé, et pour s’en convaincre il suffit deregarder les enfants heureux dans leurécole où il fait bon vivre. ❚

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>>> Le voile de béton qui se développe dans l’espace signale

la dimension institutionnelle de l’édifice. Meneaux, allèges

et brise-soleil en béton dessinent les façades de l’école primaire.

Les classes de maternelle proposent des espaces de différentes

dimensions et un riche jeu de vues et de lumières. Le hall

de la maternelle met en scène le mouvement des circulations.

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r é a l i s a t i o n NOISY-LE-GRAND - Groupe scolaire

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’ensemble de l’édifice estréalisé en béton. La struc-

ture poteaux-poutres, les dallesde plancher, les façades, ont étéintégralement coulées en place.Au-delà de son rôle constructif, de sesqualités économiques, le béton est ici, etau sens plein, la matière de l’architectureet de sa permanence. Michel Kagan lesouligne lui-même : “Dans un projet dece type, et en utilisant les qualités spéci-fiques du béton, je cherche à obtenir laplus grande trame possible (ici 7,20 m),susceptible de libérer la disposition du

plan tout en restant dans la stricte éco-nomie du projet. Il est très importantpour moi de trouver une dimension destructure qui donne la plus grandeliberté possible dans l’installation despièces et des espaces à l’intérieur del’édifice, et qui permette l’évolution desaménagements. La structure n’est passeulement fonctionnelle, elle est aussispatiale. Elle participe à la spatialité et àl’architecture de l’édifice, elle les carac-térise. Cela doit perdurer au-delà deséventuelles modifications de la fonctionet de l’usage. Il existe actuellement une

tendance qui considère tout bâtimentcomme une boîte simple dont on tra-vaille seulement l’enveloppe, le resteétant fonctionnel, voire banal. Je ne par-tage pas ce point de vue, je pense quel’architecte doit avoir une capacité de‘pré-vision’, et je cherche dans mes pro-jets à définir une structure spatiale quipuisse demeurer tout en permettant lestransformations et les évolutions. Ceque j’appelle les ‘structures spatiales’participe à la fois de la façon de conce-voir des espaces qui contiennent touteune série d’usages, ainsi que desmanières de constituer des lieux, et de lafaçon dont ces spatialités sont structu-rées dans une rationalité constructive.”Par exemple, les poteaux de structuredonnent un rythme, et leur rapport avecles parois de béton qui participent à laqualification des lieux, des formes, à leurenchaînement, illustre les propos de l’ar-chitecte. De même, le vocabulaire archi-tectural moderne du projet est expriméavec exactitude par le béton, toutcomme les volumes sont savammentciselés pour faire pénétrer la lumièredans les espaces intérieurs. ❚

TEXTE : NORBERT LAURENT

PHOTOS : JEAN-MARIE MONTHIERS

PHOTOS 6 ET 7 : GUILLAUME MAUCUIT-LECOMTE

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Maître d’ouvrage :ville de Noisy-le-Grand

Maître d’œuvre :Michel W. Kagan

Bureau d’études :TCE

Économiste :A.S.Mizrahi

Entreprise générale :C.Delau

Surface :4 700 m2 SHON

Coût :

5 322 560 €

L

➜ Structure spatiale : liberté et permanence

>>> L’auvent de l’école

maternelle et le voile du préau

de l’école primaire cadrent

une placette aménagée pour

l’attente des parents.

r é a l i s a t i o n MEUDON - Maisons

Architectureet confort modernes● ● ● Sur les hauteurs de Meudon, tout près de Paris, deux habitations réunies en une

construction unique répondent aux désirs de deux couples de particuliers passionnés

par l’architecture moderne. Par une exploitation judicieuse des possibilités du béton coulé en place,

Jacques Ripault offre à ses clients des volumes généreux, largement ouverts sur les espaces

classés du bois de Clamart. Une réalisation menée à bien avec des entreprises artisanales,

et dans les limites d’un budget raisonnable, proche de celui d’une construction plus classique.

12 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 0

ls sont frère et sœur, et unjour décident ensemble

de faire construire leur habita-tion. Le terrain, un cadeau desparents, se situe sur les hauteurs deMeudon, non loin de la maison familiale.Sans vis-à-vis, il est limitrophe du bois deClamart – un espace protégé qui donneaux nouveaux propriétaires l’assurancequ’il n’y aura jamais rien de construit en face. Une situation exceptionnelledans un quartier “colonisé” dès le débutdu siècle avec l’explosion de l’agglomé-ration parisienne. On y dénombre tout lepanel des constructions résidentielles duXXe siècle (villas en meulière, folies régio-nalistes, maisons d’architectes desannées trente, etc.), auxquelles se sontajoutées quelques réalisations plusrécentes. Férus d’architecture, les deuxcandidats à l’acte de construire enten-dent édifier là, à flanc de coteau, unemaison à la hauteur du site. Le frère est“dans le cinéma”, son épouse est peintre,

ils ont un enfant. La sœur travaille chezelle avec son mari. Les deux couplesrêvent d’une maison moderne, en rela-tion directe avec l’extérieur, et possédantun je-ne-sais-quoi de japonisant. Bref,un espace qui allie confort, esthétisme etdouceur de vivre.

● Hasard des rencontres

Une fois les intentions posées, il fallaitchoisir un maître d’œuvre. Un choix diffi-cile, qui se fit un peu par hasard, audétour d’une exposition à l’Institut fran-çais d’architecture. La famille y découvrel’architecture de Jacques Ripault. Lemaître d’œuvre travaille alors sur le centreculturel de Meudon (cf. CM n° 107). Unconcours lui est proposé de façon à pou-voir choisir “sur pièces”, mais c’est unecommande directe qui, rapidement, lierales protagonistes.“Difficile, voire impos-sible pour une habitation privée, de

répondre sur concours comme pour unbâtiment public, explique l’architecte. Surce marché particulier que constituent leshabitations privées, les étapes de la mis-sion s’enchaînent de manière un peuanarchique. Le programme, abordé enmême temps que l’esquisse, est souventremis en cause par le client qui découvrepeu à peu les possibilités spatialesoffertes par son terrain et en même tempsreçoit une leçon d’architecture qui l’invite,de revue d’architecture en visite, à enri-chir son désir. Il est donc extrêmementdifficile de produire un dessin spontané-ment. Au contraire, le projet s’élaborepeu à peu, au fil des propositions, en par-tant des volontés des futurs habitants eten suivant leurs réactions.”Au final, plus d’un an de travail seranécessaire pour arriver à mettre enplace le programme et le concrétiserdans une forme. Un long échange, illus-tré de croquis, de maquettes et desimulations sur place pour aider les

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 0 13

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>>> La composition géométrique des façades renforce le

jumelage des deux habitations. La terrasse prolonge le séjour

au-delà de l’enveloppe de béton et de verre de la maison.

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commanditaires à comprendre l’enchâs-sement des volumes dans le terrain, lesdifférences de niveau et la dispositiondes ouvertures sur le paysage.

● Orientation plein sud

L’implantation du bâtiment est dictéepar la superficie limitée du terrain. Lesdeux habitations sont regroupées dansun volume unique positionné orthogo-nalement à la voie qui passe au pied dela parcelle. Posées sur une plate-formedécaissée dans le coteau, elles sontjumelées dans la profondeur du terrain,fermées sur l’arrière et orientées pleinsud, vers le bois. Comme de nombreusesconstructions dans le quartier, l’édificeprésente un pignon sur la rue. Cettefaçade en porte-à-faux, seul indice de saprésence, émerge au-dessus du mur demeulière qui clôt la propriété.Si Jacques Ripault revendique les réfé-rences à Le Corbusier dans son écriturearchitecturale, il exprime cependant unedémarche plus modeste par laquelle“l’édifice ne s’impose pas dans le pay-sage comme la villa Savoye, maiss’adapte au terrain, complète le site parune présence discrète”. Enchâssées dans

la pente du terrain, les maisons de Meu-don jouent avec le relief et les boise-ments. Passé la grille, une cour gravillon-née permet l’accès des automobiles.L’immeuble sépare cette cour communedes jardins aménagés dans le prolonge-ment du massif boisé de Clamart. Levolume est simple, presque minimal. Unepremière partie basse, proche de la rue,correspond à une maison horizontale dis-posée sur deux niveaux. En fond de par-celle, la seconde habitation, plus haute,est adossée à la pente. Elle se développeverticalement sur trois niveaux. Depuis larue, l’ensemble dégage un sentimentd’unité. Pourtant, il s’agit bien de deuxlogements d’un standing certain, maissans ostentation, ni dans les surfaces, nidans les matériaux.La construction est entièrement en bétonarmé enduit. De larges baies vitrées, équi-pées de menuiseries métalliques noires,organisent et ponctuent l’enveloppe eninvitant le regard à circuler sur la totalité del’ouvrage.La composition géométrique desfaçades renforce le jumelage des deuxhabitations en évitant toute limite francheentre elles. La question des vis-à-vis et dessurplombs est résolue par un voile debéton aveugle positionné entre les ouver-tures de la façade sud. Les logements ne

comportent que peu de pièces. Lesespaces, généreux et clairs, sont partagéspar des murs-écrans et des parois coulis-sant dans l’épaisseur des cloisons. Lessalles de bain et les cuisines sont dispo-sées au nord, les lieux de vie,au sud.

● Ombre et transparence

L’organisation intérieure favorise leséchanges visuels et physiques avec l’ex-térieur grâce à des terrasses qui prolon-gent les séjours au-delà de l’enveloppede béton et de verre de la maison. Orien-tés au sud, ils sont protégés du soleil parla présence des arbres de haute tige quil’été filtrent les rayons du soleil et laissentpénétrer, l’hiver, la lumière dans la mai-son.Cette grande transparence contrasteavec des lieux plus intimes où la vue estoccultée par des masques qui filtrentla lumière par de larges impostes. Lesaménagements intérieurs conjuguent un

nombre de matériaux limité, qui produi-sent un effet de calme et de sérénité :murs peints en blanc,parquet en ipé, solsen dalles d’ardoise. Un mobilier fixe, enbéton brut vernis, sert de support à l’ar-chitecture des équipements fonctionnels.Il s’agit de paillasses en béton de 8 cmd’épaisseur utilisées comme plan de tra-vail dans les salles de bain ou les cuisines,ou encore pour marquer l’ossature descheminées dans les séjours.L’accès à la maison basse est établi parun ancien puits contre lequel est ados-sée l’assise de l’escalier d’entrée. Depuisle hall, toutes les dimensions de la mai-son sont perceptibles suivant des visionsen diagonales qui dégagent de grandesperspectives.Ainsi dilaté, l’espace inviteles occupants à circuler vers le séjour encontrebas et sa cheminée, vers l’étage àtravers l’escalier, vers le jardin au-delà dela salle à manger... Le rez-de-jardinouvre sur une terrasse aménagée aupied d’un immense conifère ; à la façon

14 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 0

>>> À chaque étage, des décalages de niveau offrent des

espaces adaptés aux différents usages de l’habitation. Les

escaliers offrent un parcours qui donne sur toutes les pièces

de la maison. Une console en béton brut vernis délimite les

niveaux. Une paillasse en béton de 8 cm d’épaisseur marque

l’ossature de la cheminée.

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r é a l i s a t i o n MEUDON - Maisons

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d’une véranda, une avancée abrite lasalle à manger. L’étage se partage entreun atelier-bureau et une chambre avecdressing et salle de bain.La seconde habitation s’organise verti-calement autour d’une cage d’escalierentièrement vitrée qui ménage une cou-pure dans la façade. Cette circulationsépare les pièces servies (séjour, chambre,atelier), situées côté jardin, des espacesservants (salle de bain, cuisine...), quidonnent sur la cour et son cerisier. L’es-calier comprend une seule volée parniveau. Conçu sans contremarches, l’ou-vrage est constitué d’épais plateaux enipé qui semblent posés en suspensionentre les deux murs de la cage d’escalier.

● Hauteurs sur mesure

À chaque étage,des décalages de niveauxoffrent des espaces dont la hauteurs’adapte aux différents usages de la mai-son : un atelier de peintre haut de pla-fond au rez-de-chaussée, un espaceTV/salle à manger plus bas à l’étage, undécalage de niveaux pour marquer latransition entre la cuisine et le séjour, etc.Au niveau bas, une chambre prolongéepar un bow-window s’ouvre sur le jardin.

Le séjour, situé au premier étage, profited’une terrasse de bois aménagée dans lapente du terrain. Le fond du séjour, dis-posé en biais, est prolongé à l’extérieurpar un mur de meulière. Au dernierniveau,une chambre spacieuse profite dela vue sur la coupole de cuivre de l’Obser-vatoire de Meudon grâce à une fenêtred’angle. Positionnée comme un nidd’aigle par rapport au reste de l’habita-tion, la pièce domine une terrasse pro-tégée par les débords de toiture auxaccents méditerranéens.Si la réalisation a aujourd’hui fière allure,le chantier fut une étape difficile. Dèsl’appel d’offres, il apparut que peu d’en-treprises étaient capables de réaliser cesmaisons d’habitation. Le budget étaitlimité et l’ouvrage, bien éloigné desmodèles pavillonnaires, impliquait quasi-ment la même maîtrise technologiquequ’un équipement public (dalles pleines,murs banchés porteurs, réseaux encas-trés…). “Le contexte était totalementdifférent de celui des appels d’offrespour bâtiments publics, où les soumis-sionnaires vont chercher les dossierschez le tireur de plans, confie JacquesRipault. Là, il s’agissait d’écrire auxentreprises pour leur demander derépondre.” Si une reprise du projet fut

nécessaire pour l’adapter aux capacitésde l’entreprise artisanale finalementretenue, l’ensemble n’en est pas moinsréalisé en béton coulé en place.

● Fabrication in situ

Le béton fut livré ou fabriqué sur place etmonté jusqu’aux coffrages de bois par depetites rampes. L’étude technique, élabo-rée dès la conception et poursuivie lorsdu chantier, fut un gage de réussite. Eneffet, l’immeuble fondé en partie surpieux comporte des porte-à-faux et despoutres saillantes impliquant des élé-ments structurels continus, notammentpour reprendre les façades suspendues.Devant le risque d’avoir des reprises et defaire apparaître une ségrégation dans lebéton, les parties en maçonnerie ont étérevêtues d’un enduit pelliculaire blanc.Le maître d’œuvre s’est montré particu-lièrement vigilant pendant le chantier.Selon lui, “la question du contrôle, tantdes délais que de la qualité technique del’ouvrage, est totalement différente decelle d’un bâtiment réalisé sous maîtrised’ouvrage publique, avec un conduc-teur d’opération et un pilote de chantier.”Ici, les recours juridiques sont difficile-

ment envisageables en cours d’exécu-tion, et le maître d’œuvre doit être d’au-tant plus vigilant et anticiper toute erreurou mauvaise interprétation des plans. Sila présence requise rend ce type de mar-ché peu rentable, Jacques Ripault ajoutepourtant que “la réalisation d’une mai-son reste une expérience passionnante et[qu’]il est toujours difficile, en fin dechantier, de se détacher de l’ouvragepour le laisser vivre.” ❚

TEXTE : HERVÉ CIVIDINO

PHOTOS : PATRICK H. MÜLLER

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Maître d’ouvrage :privé

Maître d’œuvre :Jacques Ripault,architecte

Entreprise gros œuvre :CTCR

Surfaces :110 m2 et 160 m2 hab.

Coût :170 000 € et 243 000 €

r é a l i s a t i o n CHAMPIGNY - Logements

A la reconquêtedu territoire urbain● ● ● À Champigny-sur-Marne, une opération de grande ampleur participe à la restructuration

du centre-ville en associant plusieurs catégories de logements. Par le choix du béton, l’architecte

Ignace Grifo s’est donné les moyens d’offrir aux locataires des 152 logements des éléments de confort

tout en respectant l’enveloppe budgétaire d’un ambitieux programme d’habitat social. Le relief

du terrain qui accompagne les cheminements vers la cité-jardin située sur les hauteurs de la ville

est préservé, illustrant ainsi le vœu d’une architecture à l’échelle humaine et aux prestations soignées.

16 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 0

Champigny-sur-Marne,en banlieue parisienne,

on distingue trois paysages : lescoteaux partiellement investispar une cité-jardin construite audébut du siècle, les bords de Marne,où subsistent des guinguettes, et plushaut, un peu à l’écart, des quartiers plussensibles, représentatifs de l’urbanismede la reconstruction. À proximité de lamairie, le long de la RN 4, animée partoute une série de commerces, plusieurséquipements s’alignent parmi lesquelsl’extension de la mairie construite en1999 par l’agence Chemetov Huidobro.Cette réalisation s’inscrit dans un projetplus global de rénovation du centre-ville,issu d’un concours d’urbanisme et d’ar-chitecture remporté en 1996 parl’agence Grifo. Ce concours répondait àplusieurs objectifs. Il s’agissait de réintro-duire de l’habitat dans le centre-ville enfavorisant la mixité sociale, par le biaisd’une architecture urbaine préservant le

calme en cœur d’îlot et l’animation desrues, tout en requalifiant les espacespublics et la voirie. Face à la nouvellemairie, la démolition d’une ancienneécole a libéré une parcelle stratégiqueattenante à l’ancienne mairie. C’est surce terrain de 6 hectares, situé à l’arti-culation de la RN 4 et de deux ruesperpendiculaires montant vers la cité-jardin, qu’Ignace Grifo a réalisé pour lecompte de la société d’HLM La Campi-noise d’Habitation 152 logements dont60 PLA, 28 PLA à loyers minorés, 5 PLAd’intégration et 59 PLS, ainsi que descommerces, trois niveaux de parkings etune salle polyvalente.

● Nouvelle place

Tirant parti de son implantation, le nou-vel ensemble s’intègre dans le site enconfirmant l’identité du centre-ville parune échelle humaine adaptée aux diffé-

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rue Albert-Thomas

rue Dupertuis

rue GambettaRN 4

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>>> Face à la nouvelle mairie et accolé à l’ancienne, l’îlot redessine

le front urbain le long de la route nationale.

rents vis-à-vis et par la création de pro-menades piétonnes qui soulignent lesparcours vers la cité-jardin. C’est en seréappropriant la surface libérée par l’an-cienne cour de récréation que l’archi-tecte réorganise l’espace public quistructure l’opération. Deux chemine-ments sont ainsi créés autour d’uneplace urbaine et d’un parvis minéral sur-monté d’un portique marquant l’entréedu centre-ville sur la route nationale.Cette place surélevée qui se prolongepar des commerces au rez-de-chaussée

participe à l’animation du centre-ville,tandis qu’autour d’elle les habitationsse répartissent en trois îlots.

● Un programme,trois échelles d’intervention

Par son ampleur assez rare, quand beau-coup d’opérations de logements n’excè-dent pas une soixantaine d’unités, ceprogramme d’habitat social répond bienaux ambitions urbaines. Sur le plan

architectural, en fonction des vis-à-vis etdu relief, trois échelles d’interventionsont définies. En bordure de la RN 4,face à la nouvelle mairie, un bâtiment

R + 5 dessine un front de façade urbainqui marque l’articulation avec la rueDupertuis, où il fait face à un immeubled’angle en pierre de taille datant desannées soixante. Sur la rue Albert-Thomas, c’est aux petites maisons àdeux étages du vieux bourg que l’opéra-tion répond, en adoptant une échelleplus conviviale ; des bâtiments plusfragmentés de trois ou quatre étagesdialoguent à une extrémité avec l’habi-tat ancien et, à l’opposé, avec l’une desfaçades de l’ancienne mairie, conservéeà la demande de l’architecte des Bâti-ments de France. Grifo se réappropriecette façade pour en faire l’entrée de lasalle de quartier, dont le volume traver-sant s’exprime par une façade contem-poraine en cœur d’îlot. Ce cœur d’îlotouvert libère des perspectives sur lesrues voisines. En bordure des chemine-ments piétonniers plantés de tilleuls,

18 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 0

>>> Cages d’escalier vitrées, parcours piétonniers soignés

et mixité des fonctions donnent une apparence accueillante au

nouvel îlot. Ici, une courbe accompagne le parcours vers l’une

des rues voisines. L’aspect résidentiel résulte principalement

du traitement des soubassements et des clôtures, qui prennent

en charge les abords. Le dessin des cages d’escalier fait écho

aux fenêtres d’angle des appartements. L’éclairage naturel témoigne

d’une volonté de confort dans le traitement des parties communes.

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une typologie qui rappelle celle des mai-sons de ville se développe dans de petitsplots sur trois niveaux. “Nous devionsimplanter un parking souterrain de250 places, souligne Ignace Grifo, maisil me paraissait essentiel de conserver lerelief naturel du terrain qui contribue àla liaison avec la cité-jardin. Pour éviterde créer une dalle horizontale, nousavons donc scindé ce parking en deuxsecteurs. Cela nous a permis de mieuxtirer parti de l’ancienne cour de récréa-tion tout en travaillant une architectureà l’échelle de l’homme, avec des pres-tations soignées.” Les rampes en bétonpour personnes handicapées s’intègrentnaturellement à un parcours qu’ellescontribuent à structurer par leur dessin,lequel fait écho à celui des jardinièresdélimitant l’espace public ou semi-publicet aux terrasses privatives de certainsappartements du rez-de-chaussée.Dans un objectif de mixité sociale, leslogements se situent dans les mêmesimmeubles quelle que soit leur catégorie.Seules les cages d’escalier diffèrent, ettous bénéficient de prestations iden-tiques et de surfaces légèrement supé-rieures aux normes en vigueur dansl’habitat social. Il en résulte une réellequalité spatiale, tant dans les chambres

que dans les séjours, sur lesquels segreffe parfois une cuisine, semi-cloison-née, qui prolonge les diagonalesvisuelles. L’architecte s’est égalementattaché à diversifier les typologies, avecnotamment 16 duplex et des logementstraversants.

● Le béton dans toutes ses applications

Livrer l’opération au terme d’un chantierde dix-huit mois en intégrant un parkingen sous-sol sur trois niveaux était unautre enjeu, que l’utilisation du bétonbanché coulé en place a contribué àfaciliter en respectant l’enveloppe bud-gétaire et la complexité de ce grandchantier. Revêtu d’un enduit blanc lissé,ce béton contribue d’ailleurs aussi àsouligner la composition urbaine duprojet.Ainsi, en fond de parcelle, quandune allée s’affine pour rejoindre la rueDupertuis, des voiles de façade courbesen béton banché accompagnent sontracé.Ailleurs, face à la route nationale,là où un passage abrité fait le lien avecle parvis, c’est à du béton blanc querecourt l’architecte pour traiter des élé-ments particuliers (poteaux, bandeaux),

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Détail du rez-de-chaussée de la façade sur le parvisFace au parvis et à la route nationale, l’architecte a libéré le rez-de-

chaussée de la façade par reprise et report des charges en retrait, à

l’intérieur des commerces, grâce à des poutres-voiles de refend. Les

bandeaux et les poteaux en béton blanc coulé en place qui forment le

passage couvert sont ainsi dissociés de la trame constructive. Plus

haut, une casquette en porte-à-faux de 2,50 m coiffe l’immeuble.

TECHNIQUE

béton blanc

poteau ø 30 cmbéton blanc

béton lisse peint

dalle sandwichbandeaupréfabriquébéton blanc

étanchéité

coulés en place eux aussi. Dans la partiehaute de l’immeuble, ce même matériauest repris pour des casquettes. Le seulélément préfabriqué se limite donc iciaux appuis des fenêtres, également trai-tés en béton blanc, par contraste avecl’enduit lissé des façades.

● Exploiter toutes les ressources du matériau

Les propriétés plastiques et structurellesdu matériau sont sollicitées pour créerdes failles et des terrasses qui laissentpénétrer la lumière dans la profondeurdes immeubles et pour exécuter lesporte-à-faux. “En cœur d’îlot, précisel’architecte, nous avons voulu faire flot-ter le bâtiment de logements au-dessusdu rez-de-chaussée, où viennent seloger la salle de quartier en double hau-teur, son ossature et ses vitrages. Cela setraduit par un porte-à-faux de 2 m quisoutient l’ensemble du bâtiment enR + 3. Pour éviter des retombées de

poutres trop importantes, des poutreshorizontales en double té d’une épais-seur de 34 cm sur 2 m de largeur sontnoyées dans le plancher. La structure degrande dimension imposée par le porte-à-faux est ainsi totalement intégrée.”Dans certains immeubles, d’autresporte-à-faux de 3 m supportent l’enve-loppe demi-cylindrique des cages d’es-calier vitrées.Au-delà de l’aspect structu-rel, ces dernières apportent un élémentde confort indiscutable en raison del’éclairage naturel dont elles bénéficient.À l’usage, des locataires s’approprientd’ailleurs les paliers d’étage pour lestransformer en jardin d’hiver. À soulignerégalement, la réalisation de fenêtresd’angle par évidement du béton.L’aspect résidentiel résulte égalementdu soin apporté aux finitions et au trai-tement des rez-de-chaussée et desabords (clôtures, plantations, etc.). À lademande du maître d’ouvrage, le sou-bassement des bâtiments est traité enenduit anti-graffitis ou en opus incertum.Ce souci de pérennité se retrouve au

niveau de la sous-face des planchersextérieurs, où la qualité des finitionsrésulte des options constructives. Pourassurer la continuité et la pérennité del’enveloppe des volumes, l’architecte amis en œuvre des dalles sandwichs quiintègrent l’isolation nécessaire entre lelogement et la sous-face du plancherextérieur. Cette dalle en béton d’uneépaisseur de 33 cm est constituée de18 cm de béton armé, d’une couched’isolant thermique de 10 cm et de 5 cmde sous-face en béton.“On obtient ainsien sous-face une surface en béton lisse,prête à être enduite ou peinte, soulignel’architecte. Cette solution technique estintéressante, car elle nous évite un iso-lant apparent en sous-face. Nousn’avons donc pas besoin d’ajouter unfaux plafond, un habillage plâtre outout autre élément de finition. L’en-semble des dalles extérieures du projetintègre cette technique qui garantit unebonne durabilité aux sous-faces desplanchers extérieurs.” Pour réaliser cesouvrages, comme pour traiter la modé-nature des façades, le béton s’imposedonc comme un matériau particulière-ment bien adapté. ❚

TEXTE : CHRISTINE DESMOULINS

PHOTOS : HERVÉ ABBADIE

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>>> Les logements bénéficient de terrasses orientées

face à la ville. Les options constructives ont une incidence

directe sur l’aspect fini du bâti. L’aspect résidentiel résulte

également du soin apporté aux finitions et au traitement des rez-

de-chaussée ainsi que des abords.

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r é a l i s a t i o n CHAMPIGNY - Logements

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Maître d’ouvrage :SA d’HLM

La Campinoise d’Habitation

Maître d’œuvre :Ignace Grifo,architecte-urbaniste ;

Denis Grognet,Mathilde Jacquemain,Emmanuelle Bouyer

et Antoine Casanova,architectes assistants

Programme :152 logements PLA-PLS,

257 places de stationnement en sous-sol,commerces,salle

de quartier,espaces extérieurs

BET :Berim

Entreprise :Bouygues Construction

Surfaces :logements,11 000 m2 SHON ;commerces,600 m2 SHON ;

salle de quartier,300 m2 SHON

Coût :

9,42 M€

r é a l i s a t i o n COLOMIERS - Service d’incendie

Quand la fonction fait l’identité du site● ● Complexe, le projet du Service départemental d’incendie et de secours de la Haute-Garonne,

à Colomiers, près de Toulouse, se présente sous la forme d’un bâtiment composé. Les architectes

Munvez et Castel ont dû intégrer, dans leur conception, l’installation sur le site de trois services

indépendants avec des habitudes et des besoins différents. Cette contrainte particulière

a engendré la disposition du bâtiment en peigne à trois dents. Sur ce projet, le béton prédomine,

décliné en deux utilisations, des panneaux préfabriqués associés à du béton coulé in situ.

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 0 21

e SDIS de Colomiers sesitue dans une banlieue

proche de Toulouse, sur un ter-rain qui se trouvait à l’origineau cœur d’un no man’s land.Des champs et quelques pavillons com-posaient l’environnement dans lequel ildevait s’inscrire. Les architectes Munvezet Castel ont donc planté leur bâtimentimposant dans cette zone qui a trouvédu coup une identité, marquant les cir-culations, conférant des directions,offrant des perspectives à ce lieu “incer-tain”. Ici, les architectes n’ont pas cher-

ché à s’immiscer dans un espace habité,ils ont eux-mêmes donné à l’environne-ment une définition urbaine.Le programme était complexe et contrai-gnant, et le terrain plutôt exigu, comptetenu des exigences de fluidité dans la cir-culation des véhicules de secours. Leplan de masse montre une répartitionrigoureuse des pleins et des vides, ména-geant des esplanades,des ruelles, un ter-rain de sport. La difficulté provenaitessentiellement du regroupement sur unmême site, et dans un même bâtiment,de trois services distincts, ayant un fonc-

tionnement différent et des habitudesd’autonomie. L’idée d’une cohabitationn’enchantait guère les utilisateurs ; lapriorité fut donc de concilier l’autonomiede fonctionnement de chaque entité etles relations humaines, créant ainsi unecertaine convivialité autour d’un mêmeprojet. Celui-ci rassemble la Directiondépartementale d’incendie et de secours,un centre d’instruction des pompiers, etle Centre de secours de la ville de Colo-miers. C’est la répartition de ces activi-tés, et de leurs différents besoins, qui aengendré la conception en peigne dubâtiment principal. Trois ailes abritentchacune un service ; elles sont reliées àun corps principal perpendiculaire parl’intermédiaire de passerelles. Cette dis-position, qui est un parti architecturalfort, caractérise le projet dans sonensemble, même si les trois ailes nereprésentent pas en surface la partie laplus importante de l’édifice. En séparantnettement chaque entité, et en donnantune lecture claire et compréhensible –presque physique – de la présence dechacun sur les lieux, les problèmes rela-tionnels étaient en partie résolus.L’accès au centre de secours se fait parle sud, d’où l’on embrasse du regardune vaste partie du projet. Un jeu de

transparences offre une parfaite lisibilitédes dents du peigne, car l’extrémité dechacune des parties est posée sur despilotis. Du sud au nord, les trois ailesprésentent des longueurs décroissantessuivant la forme du terrain. Elles répon-dent aux exigences des différentes fonc-tions en matière de superficie et d’amé-nagement des espaces intérieurs. LaDirection départementale d’incendie etde secours occupe la première aile, laplus longue. Elle offre sa façade sud – lafaçade principale – au premier regard.

● Élément emblématique…

En son centre, un petit édifice circulaireen avancée recèle le salon d’honneur.Il semble posé sur l’eau d’un bassin.À l’extrémité est, cet élément est pro-longé par un bloc maçonné compactreposant sur des pilotis. Il abrite la sallede réunion des cellules de crise (CODIS),qui a dû être beaucoup utilisée dans lesheures et les jours suivant l’explosion del’usine AZF… Cette partie bien distinctese veut un élément emblématique duservice départemental, mis en valeur aupremier regard du visiteur. La façadeexposée au soleil est travaillée en relief.

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r é a l i s a t i o n COLOMIERS - Service d’incendie

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Une série de piliers de béton dotés delames brise-soleil, supportant l’avancéede la toiture, forme une écorce translu-cide derrière laquelle transparaît un mur-rideau. Le rythme vertical des poteaux debéton clair est contrebalancé par leslignes horizontales des pare-soleil et lesombres produites par les parties creuses.La courbe de la cage d’escalier rappellecelle du salon d’honneur. La paroi expo-sée au nord est constituée d’un mur-rideau lisse, réalisé à l’aplomb de lastructure béton. Seuls des brise-soleil enaluminium galvanisé, ainsi que l’escalierde secours en béton brut et caillebotisgalvanisé,modèlent la façade.L’aile centrale, moins longue, enferme lecentre d’instruction des pompiers, où lesbesoins en surface de bureaux étaientmoindres. Elle présente les mêmes carac-téristiques que ses voisines. Le traite-ment des façades est identique au sudcomme au nord : d’un côté une façadetravaillée en volume, et de l’autre unesurface plane de verre soulignée debéton. L’extrémité du bâtiment, quirepose également sur des piliers, met enrelief, en le rendant lisible de l’extérieur,un élément caractéristique du centred’instruction, à savoir l’amphithéâtre oùsont dispensés les cours – partie aveugle

maçonnée qui laisse deviner la disposi-tion de la salle en gradins, et qui semblesuspendue à la toiture.

● … élément autonome

L’escalier de secours est enveloppé dansune coque de béton marquant l’extré-mité de cette aile et celle de sa voisine,qui abrite le Centre d’incendie et desecours de Colomiers. Ce troisième élé-ment du peigne est encore plus court,utile à seulement quelques bureaux. Safaçade sud est orientée vers l’esplanadede circulation des véhicules de secours,qui bénéficient d’un accès particulier, etvers les garages situés en retour, au boutdu bâtiment principal. Cette dispositiongarantit l’autonomie de ce service. Entreles ailes, au rez-de-chaussée, se niche lerestaurant commun, trait d’union archi-tectural et lieu de rencontre pour les per-sonnes travaillant sur le site.Le deuxième dispositif élaboré par lesarchitectes pour lier les usagers des dif-férents services est la création d’uneruelle d’accès aux trois ailes. Partant duparking visiteurs, elle se situe parallèle-ment au corps de bâtiment principal,surplombée de passerelles qui relient les

zones administratives aux parties plusfonctionnelles. Le bâtiment “opération-nel” s’étire sur toute la largeur du terrainet s’élève sur deux niveaux. Le rez-de-chaussée comprend des magasins destockage, des garages, des ateliers, desespaces de service.

● Hébergement convivial

À l’étage, des chambres, des sanitaireset une cafétéria s’ouvrent sur des patiosplantés dotés d’une terrasse en bois. Cesîlots d’hébergement conviviaux sontreliés à leurs voisins grâce à un systèmede cloisonnement vitré et à un traite-ment uniforme des murs. Ceux-ci sonthabillés d’un parement d’acier noir mat.La façade est de cette longue barre, frag-mentée par la présence des trois bâti-ments perpendiculaires, présente une

paroi de béton clair assez opaque, cou-ronnée d’un bandeau de fenêtres. Àl’ouest, elle présente une alternance depoteaux et de portes de garage, mar-quant la fonction technique des locaux.En imposte, les baies horizontales deschambres soulignent l’horizontalité del’immense élévation. Au niveau dupignon, face au portail d’accès, la façadesud de cette aile est habillée de pan-neaux de béton préfabriqué. Un anglearrondi forme une transition douce entrel’aire technique, à l’ouest, et les partiesnobles du bâtiment. À l’arrière, au-delàd’une esplanade de circulation, un bâti-ment indépendant abrite un gymnase,commun aux trois activités sur le site, etdes ateliers de mécanique et de répara-tion autonomes. Ici encore, la façadeoffre deux aspects distincts. La partiegymnase présente des parois aveuglesen béton, juste surmontées d’impostes

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 0 23

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>>> L’implantation du bâtiment tient compte des exigences

en matière de circulation des véhicules de secours. Un

système de brise-soleil et de débords de toiture filtre la lumière du

sud. L’extrémité de chaque aile repose sur des pilotis, créant

perspectives et points de vue. Le béton brut, particulièrement

soigné, présente une teinte harmonieuse sur tout le bâtiment.

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e choix du béton s’estimposé aux architectes

comme une évidence.Travaillantessentiellement sur Toulouse, laville rose, ils avaient envie de semesurer à autre chose qu’à labrique, dont l’emploi est obligatoire etexclusif en centre-ville. Ils espéraientcette opportunité depuis un moment ; cefut leur premier projet d’envergure (plusde 20 000 m2) réalisé dans ce matériau.

● Un défi heureux

La conception d’un bâtiment en béton aété pour eux une véritable gageure,autant qu’un réel bonheur, et l’occasionde se familiariser avec une technologie etdes savoir-faire nouveaux pour eux. Ilsont donc pris cette affaire au sérieux, etont consacré beaucoup de temps à lasélection et au choix des composants dubéton apparent. L’exigence principaleétait d’obtenir une parfaite homogénéité

d’aspect entre les différents types debéton, tout au long du chantier. Pour cefaire, les architectes ont travaillé maindans la main avec l’entreprise, en amont,mais aussi pendant toute la durée destravaux, ce qu’ils ont considéré commeune excellente approche – et la meilleureécole – de la construction en béton.Le préfabricant et le fournisseur debétons coulés ont dû stocker, dès ledémarrage de l’opération, le cimentblanc et les granulats – issus d’une car-rière située à la limite de l’Aveyron etdu Tarn – nécessaires à la réalisation del’ensemble. Il s’agissait d’harmoniser laqualité et la teinte des panneaux préfa-briqués et des parties coulées en place.Un contrôle permanent a été exercéconjointement par l’entreprise et lesmaîtres d’œuvre. Le béton poli, lisse etclair, proche de la teinte de la pierreagrafée qui habille également certainesparties des parois, confère à l’ensemblemajesté et luminosité, en plus d’une écri-ture architecturale contemporaine.

Sur ce projet, toutes les ossatures sontréalisées en béton armé, les plancherssont de type dalles pleines. Les façadessont constituées d’une association depanneaux préfabriqués (particulière-ment les façades sud et est de la partie“opérationnelle”), et d’éléments coulésen place, tels que les sous-faces despilotis ou l’ensemble des piliers quimarquent la structure à l’extérieur. Là,un soin particulier a été apporté pourobtenir une texture lisse, régulière etharmonieuse.

● Association de matièresautour du béton

Un parement de pierre, claire également,habille certaines parois, particulièrementcelle du salon d’honneur cylindrique.Despanneaux métalliques isolants en aciernoir mat couvrent les parties hautes del’aile “opérationnelle”, contrastant avecles lignes nettes et blanches des élé-ments traités en béton apparent.Si le béton est omniprésent à l’extérieurde ce projet, on le retrouve également àl’intérieur, de manière affirmée dans lesespaces publics, plus discrètement dansles zones administratives ou d’héberge-

vitrées prises dans la toiture, alors quecelle des ateliers, identique à sa voisined’en face, est constituée d’une succes-sion de portes de garage. La toiture enforme de vague répondait à des impéra-tifs de hauteur sous plafond, tout enengendrant une certaine souplesse quiadoucit la longue perspective des deuxcorps de bâtiment parallèles.On le voit, le béton est ici le matériaudominant, qui donne à l’ensemble sonaspect monochrome, juste modulé pardes différences de texture, des effets debrillance, etc. Cette uniformité de teintedote le projet d’une belle unité visuelle.Très technique, ce programme a pour-tant poussé les architectes à envisagerune conception rationnelle de tous lesespaces, intérieurs comme extérieurs. Làencore, l’emploi massif du béton en struc-ture et en surface donne à l’ensemble sonunité.Le travail d’équipe entre l’entreprisede maçonnerie et les maîtres d’œuvre aeu pour résultat une bonne utilisation dumatériau, dans ses possibilités structu-relles et architecturales (pureté des lignes,contrastes, transparences), mais égale-ment dans ses qualités esthétiques.Avec,au final, un bâtiment qui impose sa pré-sence au cœur d’un environnementdénué de toute référence urbaine. ❚

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r é a l i s a t i o n COLOMIERS - Service d’incendie

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➜ Du béton pour la techniqueet pour l’esthétique

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ment. Les trois ailes du peigne, même sielles ne sont pas d’égale longueur, ont lamême organisation spatiale interne.Aurez-de-chaussée, et du fait qu’elles cor-respondent aux ateliers et aux remises àvéhicules du bâtiment “opérationnel”perpendiculaire, les parties publiques –halls d’accueil, circulations, salles deréunion – sont hautes sous plafond. Ceslocaux sont largement vitrés derrièrel’écran des pare-soleil filtrant la lumièredu sud. La présence du béton apparent,à l’aspect lumineux et satiné, au plafondet sur les murs, confère une certaineampleur aux espaces ponctués de piliersconçus comme des colonnes. Dans cer-taines salles, le béton apparent est asso-cié à des panneaux acoustiques en boisqui l’enrichissent d’une note chaleu-reuse. Le matériau en lui-même révèle lastructure de l’édifice au regard, il luidonne sa dimension de bâtiment public.

● Détails de béton brut

Dans les étages, des couloirs centrauxdistribuent des successions de bureaux.Malgré les cloisonnements, l’ossatureest soulignée, au niveau des poutres,par des rampes de lumière colorée, et

devant chaque baie par une échancruredans le faux plafond laissant apparaître,comme une affirmation, le plafond enbéton brut, sur une petite surface sym-bolique. Partout ailleurs, l’aménage-ment intérieur reste “classique”, dou-blage et faux plafond. Dans toutes lesparties techniques (les garages, les ate-liers, etc.), les murs, les sols et les pla-fonds sont laissés bruts.

● Sécurité… incendie

Le choix du béton répondait égalementà un souci de sécurité incendie, ce quisemble assez logique pour la construc-tion d’un équipement de lutte contre lefeu. Lors du concours, les architectesavaient insisté sur ce point auprès dujury, présentant le béton comme lematériau emblématique de la sécuritéau feu et de la pérennité. Le maître d’ou-vrage fut sensible à ces arguments, quiont très clairement démontré leur valeurlors des récents événements dans cetterégion (l’explosion de l’usine AZF). Ils’est en effet avéré que les bâtimentsayant le plus souffert étaient des bâti-ments à ossature légère et remplissageen matériaux légers.

>>> Le dispositif en peigne rend lisible de l’extérieur

la présence de chaque service sur le même site et le fonctionnement

complexe de l’ensemble. Aux extrémités, les escaliers

de secours sont pris dans une coquille de béton brut et de pierre.

Vue de l’aile du service d’instruction ; l’amphithéâtre

apparaît en façade. Dans les parties réservées au public,

le béton confère majesté et pérennité aux vastes espaces.

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Maître d’ouvrage :conseil général

de Haute-Garonne

Maître d’œuvre :Munvez & Castel

BET :OTH,Toulouse

Entreprise :SPIE,Toulouse

Préfabrication :Prefabay,Pamiers

Les architectes ont dû prendre encompte l’importance de la fluidité de lacirculation sur le terrain, et donc intégrerces données dès l’amont. Beaucoupd’engins de secours qui stationnentdans les garages doivent pouvoir sortirtrès rapidement. C’est pourquoi uneesplanade a été aménagée entre l’aile“opérationnelle” et les ateliers, qui créeune perspective étonnante sur la dispo-sition architecturale portes de garages-piliers-bandeaux de baies.Au nord, uneaire particulièrement vaste permet auxengins et aux véhicules d’interventiondu Centre de secours de manœuvrer etde rejoindre leur accès indépendant. Àl’ouest, un stade commun aux trois ser-vices occupe un large espace, refermépar le gymnase. Efficacité et convivialitérègnent ainsi en maîtres. ❚

TEXTE : CLOTILDE FOUSSARD

PHOTOS : GUILLAUME MAUCUIT-LECOMTE

r é a l i s a t i o n SAINT-MARTIN-D’HÈRES - Siège social

La transparenceissue de la matière● ● ● Pour le siège de la société Alma comme, récemment, son extension, Antoine Félix-Faure

et Philippe Macary devaient faire face à l’environnement ingrat d’une zone d’activités

de l’agglomération grenobloise. Leur réponse fut double : isoler les bureaux de recherche

derrière des voiles sculpturaux de béton d’une part, et coffrer ce béton de manière que

sa peau offre une impression de douceur d’autre part. Tout en gardant la rigueur nécessaire

à l’image d’une entreprise conceptrice de logiciels informatiques destinés à l’industrie.

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ans le secteur tertiaire,les concours sont trop

rares pour ne pas citer celui quela société Alma lança pour laconstruction de son siège socialà Saint-Martin-d’Hères, près deGrenoble. Il est vrai que la consulta-tion, en 1992, confrontait des presta-taires proposant du bâtiment d’entre-prise clés en main, formule pratique quiavait de quoi séduire une société nais-sante comme l’était Alma, qui conçoit,fabrique et commercialise des logicielspour machines de découpe. Pourtant, cefut une agence d’architectes, celle d’An-toine Félix-Faure et Philippe Macary, àGrenoble, qui remporta le concours. Elleréalisait alors un équipement presti-gieux, le nouveau musée de Grenoble,avec Groupe 6 architectes. La maquettequ’elle soumit à Alma emporta l’adhé-sion. L’idée-force de l’édifice à venir s’yexprimait déjà : une dualité entre desfaçades extérieures très protectrices et

des espaces transparents au centre. Del’extérieur, il fallait s’isoler afin de nepoint trop voir les constructions hétéro-gènes et disgracieuses de cette zoned’activités, afin aussi de favoriser laconcentration des chercheurs, occupés àla conception de nouveaux logiciels.Sortes de cellules monacales, leursbureaux se retirent ainsi derrière lesdeux longues façades de béton, où desbandeaux vitrés ne font que de mincesfentes. Cette solution en béton suscital’enthousiasme du personnel d’Alma.

● Œuvre collective

De fait, c’est sur son vote que se pren-nent les grandes décisions de la société,qui fonctionne en coopérative. D’où lagrande implication de chacun dans l’affi-nement, ensuite, du projet architectural.Au résultat, le bâtiment se présentecomme un H, puisque les deux amples

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rue Georges-Perec

rue

des

Glai

rons

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>>> Un petit air de château classique, avec rampes

et escaliers d’accès, division des édifices en soubassement, corps

principal et couronnement. Les deux bâtiments usent

du thème de la faille pour leur entrée (ici, bât. 1).

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façades de béton ne se contentent pasd’abriter les bureaux ; elles encadrentaussi une barre centrale, où se groupentles lieux collectifs. Lesquels ne pouvaientque renforcer l’adhésion des chercheursau projet architectural : par définition, lesinformaticiens aiment à cogiter en équipe,et ces espaces communs s’y prêtent par-ticulièrement, avec leur ambiance soi-gnée, leur totale transparence.Transparents, ils peuvent l’être, puisqueprotégés de l’extérieur par les deuxailes béton. Mais n’en déduisons pointque ces dernières aient un rôle seule-ment défensif. Quand on s’en approche,depuis la rue, l’on est frappé par la dou-ceur, le moelleux de leur texture. Entière-ment coulé en place, le béton a en effetété banché à la planchette, verticale-ment. Grâce à ce rythme vertical, la sen-sation de douceur s’empreint – sansqu’il y ait contradiction – de rigueur, une

rigueur qui ne peut que contribuer favo-rablement à l’image d’une entreprised’informatique. Strictes aussi, les propor-tions d’ensemble, identiques sur les deuxfaçades : un seul étage, et des bandeauxvitrés sur toute la longueur. L’aspectimpeccable de ces façades béton estd’autant plus remarquable qu’aucunecoulure d’eau de pluie n’y a déposé detrace, depuis huit ans que l’édifice a étélivré. Les couvertines de zinc jouent plei-nement leur rôle.À le voir manier les contrastes entre plas-tique sculpturale du béton et immatéria-lité du verre, on sent l’amour d’AntoineFélix-Faure pour l’architecture japonaise.Pareille dialectique débute dès la façadesur rue. Totalement vitré, un showroomla pénètre littéralement, de sa forme tri-angulaire très incisive. Passé la façadesur rue, la dialectique du plein et du videse poursuit. Deux patios bordent le hall

d’accueil, l’un planté de cerisiers duJapon. Ils incitent les chercheurs à sortirun moment, pour “phosphorer” ensem-ble hors de leur bureau ou pour s’accor-der une récréation. Second espace pro-pice à une réflexion commune, au fonddu hall, l’escalier qui mène à “l’espacerencontres” lové autour du bar, dans uneboîte toute tapissée de bois.

● Quand le béton se faittransparent

Le jeu des transparences ne se résumepas aux surfaces vitrées. Il se déploieégalement dans le béton. Autour dupatio ouest, les deux ailes s’achèventchacune par un escalier, créant unetransparence verticale entre niveaux, etfacilitant les échanges dans le travaildes équipes. Un autre effet de fluidité serévèle purement visuel. Il arrive en effetque les voiles de béton se poursuiventdu dehors au dedans, pour faire mur derefend. Dans la blancheur monacale desbureaux, les blocs-portes apportent lacouleur soutenue d’un vert sombre.Il n’a pas fallu plus de deux ans avantqu’Alma, en pleine croissance, se trouveà l’étroit. En 1996, l’agence Félix-Faure

et Macary se voit confier l’étude d’unenouvelle construction, au fond de laparcelle, désolidarisée de la premièreafin de pouvoir la louer ou la vendre encas de nécessité. L’autre cas de figure,une poursuite de l’expansion, est aussipris en compte : au deuxième bâtiment,en L, le permis de construire prévoitl’adjonction possible d’un troisième,accolé, l’ensemble formant alors undouble L. Le L déjà réalisé permet unecommunication très facile avec le L àvenir. Chacune des deuxième et troi-sième entités s’inscrit dans un carré de22,80 m. Ainsi se trouve continuée lapureté géométrique du bâtiment initial.Parallèlement à son plan en H, le planen L se pose avec naturel.

● Une position élevée

Autre point commun entre les deuxconstructions, leur position “en émi-nence”. Le terrain, inondable, a étéremblayé dans les deux cas. Dans letalus gazonné, le bâtiment récent s’en-fonce légèrement, tandis que l’autre sehausse sur un soubassement en bétonlisse. Autre point commun, le jeu d’es-caliers bas, de rampes et de murets qui

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>>> Symétrie toute classique d’une cour d’honneur (bât. 1).

Le second bâtiment développe le travail en obliques entamé

par le premier. Avec les cîmes du massif de Belledonne

en arrière-plan, les murets coffrés à la planchette ont un petit air

de palissades dans les alpages (bât. 2). Tout s’unit pour une

architecture apaisée : homogénéité de la palette, alternance des

pleins et des vides (bât. 2).

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SAINT-MARTIN-D’HÈRES - Siège social

converge vers l’entrée de chaque bâti-ment. Les cheminements sont en bétondésactivé, les murets de béton repren-nent le coffrage en planchettes desbâtiments. De fait, c’est bien le mêmebéton à la planchette, coulé en place,qui caractérise les deux édifices. Et àl’unité de texture répond la similitudedes proportions dans le calepinage dubéton, ainsi que le rapport entre videdes bandeaux vitrés et parties bétonpleines. De par ces alternances tran-quilles de pleins et de vides, de par cesproportions régulières et l’unité de lapeau en béton, édifice ancien et édificerécent communient dans un grand apai-sement. Tout en retenue, l’ensemblepeut évoquer l’architecture classique,d’autant plus que les deux compositionsdéclinent un plan symétrique – le L et leH – et qu’elles sont toutes deux précé-dées d’un jeu d’escaliers et de rampes,convergeant dans leur direction.L’architecture du second bâtiment estpourtant loin de “cloner” celle du pre-mier. L’oblique qui fait contrepoint à leurorthogonalité conduit dans les deux casà l’entrée, mais dans le cas du bâtimentrécent, elle ne se résume pas à une alléeextérieure puisqu’elle pénètre littérale-ment dans la masse du béton, créant

une arche monumentale, sur la hauteurdes deux niveaux. Ladite arche joued’autant plus de l’oblique que son planest triangulaire, au sol comme en cou-verture, et que le joint dans le bétondésactivé, au sol, s’aligne sur cette dia-gonale que prolonge la galerie vitrée, aumilieu de la composition. Sur le côté del’arche, un fin pan coupé, vitré, vientapporter une autre ligne biaise.

● D’un bâtiment à l’autre, desdifférences subtiles

Nombreuses encore sont les subtilitésqui différencient les deux entités quandon s’approche du centre de la composi-tion. La première cache dans son cœurles espaces collectifs, vitrés. La seconde,tout en les plaçant au point central, lesexhibe de loin aux visiteurs, en façade,entre les deux branches du L. Nousavons là un plan ouvert, tandis que lepremier était clos sur lui-même. Planouvert, puisque nous sommes mainte-nant en fond de parcelle, et qu’ici les lai-deurs environnantes sont moins visibles,grâce aussi aux arbres qui font écran.Contrairement à l’ancien édifice où tousles bureaux se protégeaient derrière les

voiles de béton, il s’en trouve deux iciqui prennent place dans la galerievitrée, au-dessus du bar-espace de ren-contres. Le contraste y gagne en expres-sivité, entre la façade pleine de béton etle mur-rideau qui, de loin, affiche l’acti-vité interne de l’entreprise. L’étonnantest que ce pan entièrement vitré, ainsique le showroom de l’autre bâtiment,produisent une sensation de boîtes com-pactes malgré leur transparence.A contrario, le béton, habituellementsynonyme de masse pleine, apparaîttranspercé en deux points : par le show-room, et davantage encore par l’archemonumentale. Ainsi, dans leurs diffé-rences mêmes, les deux architecturesparticipent d’un esprit commun. À cela,on pourrait trouver d’autres exemples,comme le fait que toutes deux usentd’une forme cylindrique pour apporterun contrepoint à des lignes exclusive-ment droites – mais il s’agit dans un casde la saillie d’un escalier intérieur, etdans l’autre du couronnement des deuxgrandes jambes du H. Reste que jusquedans leurs dissemblances, aile initiale etaile récente communient. ❚

TEXTE : GABRIEL EHRET

PHOTOS : GUY DÉPOLLIER

PHOTO 1 : SERGE DEMAILLY

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Maître d’ouvrage :société Alma,

Saint-Martin-d’Hères

Maître d’œuvre :Antoine Félix-Faure

et Philippe Macary,architectes

BET structures :Touchard,Grenoble

Économiste :Forgue,Rives (Isère)

Entreprise générale :Premier bâtiment :Cuynat,

Saint-Martin-le-Vinoux, IsèreSecond bâtiment :

Acquadro-Favier,Sassenage,Isère

Surface et coûtpremier bâtiment :

832 m2 – 840 000 € (1994)

Surface et coût second bâtiment :

500 m2 – 700 000 € (2000)

portrait LIVIO VACCHINI

Livio Vacchini, “compositeur” d’architecture ● ● ● Travailler le mur et son évidement ; reposer le problème de l’épaisseur, de la dimension,

de la forme et de son sens ; trouver des rapports exacts entre pleins et vides, associer des unités

semblables pour créer une ordonnance. À Locarno, l’architecte tessinois Livio Vacchini s’attache

à retrouver les origines de l’architecture, le “commencement” des choses, en quête d’universalité

et de singularité à la fois, à la recherche de la précision d’un langage. L’objet construit y gagne

un peu de sa force d’abstraction et de sa présence concrète, toutes deux magnifiées par le béton.

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e même que Luigi Snozziou Aurelio Galfetti, avec

lesquels il a débuté sa pratique,Livio Vacchini fait partie de cettegénération d’architectes tes-sinois qui influence, depuis lesannées soixante-dix, l’architecturesuisse et européenne contemporaine.Aujourd’hui, l’œuvre de Livio Vacchini sedistingue par sa force d’abstraction etsa présence concrète : elle trouve avecle béton un matériau de prédilection.Nous avions montré précédemmentcomment l’école d’architecture deNancy poussait la logique de préfabrica-tion à l’extrême (cf. p. 37 et Constructionmoderne n° 88). Les œuvres présentéesici – deux maisons privées et l’aménage-ment d’une place – permettent de don-ner un aperçu de la cohérence de laréflexion de ce grand architecte.Trois femmes ont acheté un terrain aubord d’un lac, à Beinwil-am-See, dans lecanton d’Argovie, entre Bâle et Lucerne,

pour la construction de leurs trois mai-sons. Les trois amies, enseignantes, ama-teurs d’art, cultivées et passionnées d’ar-chitecture, se sont tournées vers SylviaGmür, associée à Livio Vacchini, pour laconception.

● Trois femmes,trois maisons d’avant-garde

Ce sont trois maisons de béton brutaccrochées à une colline verdoyante ;dans ce paysage agreste bâti de maisonstraditionnelles, elles font figure deconstructions d’avant-garde, et ont ren-contré d’ailleurs quelques difficultés aumoment du permis de construire… Bienqu’il s’agisse de trois maisons distinctesd’un point de vue architectonique, ellesforment une seule construction de 70 mde long et de 10 m de large. Les unitésalignées sont réunies par une terrassecommune, une sorte de “stylobate”, qui

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>>> À Beinwil-am-See, le rythme élémentaire des pleins

et des vides pourrait se poursuivre à l’infini. La maison de Livio

Vacchini à Costa est un espace ouvert, entre deux plans horizontaux.

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définit un plan horizontal, un sol artifi-ciel, d’où naît l’architecture. Le rythme dela composition est déterminé par la suc-cession des trois volumes et des troiscours, l’alternance des espaces ouvertset des espaces fermés, thèmes fonda-teurs du projet. L’entrée de chaque mai-son se fait sous le porche, par une portequi se perd dans la baie vitrée du rez-de-chaussée, après avoir parcouru le chemi-nement qui longe le socle depuis la routed’accès. Un petit muret de béton bloquequelques places de stationnement, etmarque la limite de la propriété avec lesupport des boîtes aux lettres. Les jardinsappartiennent aux trois maisons, laconstruction définissant elle-même lesusages et les limites, sans clôture.Chaque unité est elle-même diviséeentre plein et vide, entre l’habitation et leportique, entre le “servant” et le “servi”,le dedans, le dehors, l’espace de jour etl’espace de nuit, le chaud et le froid…Ce jeu en damier crée un rythme élé-mentaire en plan et en coupe, qui pour-rait se répéter à l’infini, basé sur unegéométrie rectangulaire simple et desdimensions proportionnées au Modulor.Le type de l’espace en tunnel, dont l’ori-gine serait celle de la maison grecqueantique, est exploité dans les deux direc-

tions : l’une pour orienter vers le lac lavue des séjours et de leurs prolonge-ments sous porche, l’autre pour définirlongitudinalement une succession d’es-paces plus ou moins introvertis. Les cui-sines se succèdent et s’isolent entre lesmurs, les séjours complètement ouvertset vitrés se regardent, créant des trans-parences en profondeur, des jeux deréverbérations et de miroirs, qui accen-tuent les répétitions et dématérialisentles espaces sans annuler les formes.Auxétages supérieurs, les chambres se fer-ment au lac pour s’ouvrir latéralement etprivilégier les vues biaises. L’espace inté-rieur, d’une surface de 120 m2, est consi-dérablement augmenté par ces échap-pées visuelles sous le portique, qui leprolongent à l’extérieur.

● La beauté exacte

Chaque maison se donne à lire commeune unité structurelle simple, avec unnombre de matériaux limité : le bétonbrut coulé en place pour les murs, lessols et le toit, le verre et les menuiseriesen aluminium pour les ouvertures, et lemédium laqué pour le mobilier intérieur.Certains meubles architectoniques,

plans de travail ou plans de vasques,sont également réalisés en béton couléen place. C’est une construction à deuxétages, conçue comme une structure àun seul niveau. Pour respecter cettelogique, et ne pas rompre l’unité, lasolution la plus pure, mais économique-ment trop chère, aurait été de sus-pendre les pans de murs supérieurs, etne pas avoir de poteau intermédiaireentre l’habitation et sa terrasse ; la solu-tion choisie, celle du poteau métalliquequi se confond avec les menuiseries,reste ici très discrète. Quelques plansrectangulaires de béton brut en éléva-tion définissent les éléments porteurs etles opacités nécessaires. Un noyau cen-tral composé d’un mur de refend, del’escalier et des services assure le contre-ventement, la distribution et la récupéra-tion des eaux de pluie. Comme toujoursdans l’architecture de Livio Vacchini, lastructure donne l’orientation. De même

que l’homme est un animal orienté, quiregarde devant lui, de même, sa mai-son. Ici, le poteau d’angle du portique,rencontre entre l’horizontale et la verti-cale, règle le rapport du ciel et de laterre. Comme l’abri originel de l’hommedepuis la nuit des temps ou la cabaneprimitive, dans cette architecture, touttend à l’essentiel : pas de rhétorique nide geste ostentatoire. La forme n’estpas déterminée par la fonction, mais pardes règles issues de la logique construc-tive, et aussi celle du site. Celui quihabite cette maison assume une appar-tenance à cette structure spatiale, à cemode de monumentalité. Non pas àune idéologie ou à des valeurs impo-sées, mais à la rigueur, à la dignité, à laprécision, à la simplicité d’un lieu d’uneextrême élégance. Sylvia Gmür et LivioVacchini n’ont pas cherché à séduire,mais à construire des espaces dans lalumière, une structure sans modénature

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>>> L’harmonie est basée sur des mesures uniformes

proportionnées au Modulor, c’est-à-dire à l’échelle de l’homme.

L’architecture, comme la musique, est un art cinétique :

il n’y a jamais de moment statique. Livio Vacchini exprime ici son

goût des unités primaires employées dans des séquences sérielles

et mathématiques. Le salon est entièrement ouvert

au paysage et à la vue sur le lac.

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portrait LIVIO VACCHINI

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et sans détail, une esthétique minima-liste et conceptuelle, comme un jeu sym-phonique à plusieurs voix.

● Un prototype d’habitation

Pour mieux comprendre cette œuvre, ilfaut l’inscrire dans la continuité du tra-vail de Livio Vacchini, qui développedepuis de nombreuses années uneréflexion théorique en perpétuelle évolu-tion, dialoguant avec les grands maîtresdu XXe siècle. Au terme d’une crise pro-fessionnelle profonde, l’architecte tessi-nois s’est construit, voici quelque tempsdéjà, une maison, située dans la régionde Costa, au nord de Locarno, dans unpaysage de montagnes. Dessinée en1992, elle est l’aboutissement d’unerecherche personnelle sur les capacitésstructurelles du béton, débutée avec laréalisation de son propre studio d’archi-tecture à Locarno, avec le premier étagede l’atelier entièrement suspendu surune portée de 27 m, et poursuivi peu detemps après avec le Lido d’Ascona etson large toit parasol en porte-à-faux. Enmême temps, on peut considérer la mai-son de Costa comme le point de départd’une évolution récente du travail de

l’architecte. Il y reprend des thèmes chersà Mies van der Rohe avec la maisonFarnsworth, comme celui de l’espaceouvert entièrement vitré entre deuxplans horizontaux, autour d’un noyau deservices central. À l’inverse, ici, l’espaceest franchement orienté par la structure,et ancré dans le sol. C’est également leprototype d’une réflexion sur la typolo-gie de l’espace-tunnel dont l’origine ren-voie aux maisons grecques de Santorin,mais également à la cellule développéepar Le Corbusier, espace rectangulaireentre deux murs latéraux structurels,celle de l’unité d’habitation,ou bien celledes maisons Jaoul.

● Sans nostalgieni mimétisme

Pour Vacchini, il ne s’agit pas d’imiter,mais de comprendre, et d’effectuer unecritique radicale de l’histoire : “Le travailque l’on fait va au-delà de notre temps.Nous ne sommes qu’un maillon entreceux qui nous précèdent et ceux quinous suivent. Comme le dit Luigi Snozzi,il n’y a rien à inventer, tout est à réinven-ter. Notre devoir est de nous occuperde l’incessant changement de la forme.

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La Piazza del SoleÀ Bellinzona, la Piazza del Sole est une conception qui refuse tout pit-

toresque. En 1998, Livio Vacchini achève une place publique, dont la

conception est le résultat d’un long processus qui débute en 1981. Le

projet, après avoir suscité beaucoup de controverses, réalise l’idée

d’une place à l’italienne, vide et sans arbre, dans la densité urbaine.

C’est un carré de 60 m de côté, contrepoint abstrait au pied du rocher

du Castelgrande, délimité par les quatre volumes d’angle des sorties

du parking souterrain. Sentinelles muettes qui gardent le site, ces

volumes apparaissent comme des rocs plantés dans le sol : un plan

artificiel de béton incrusté de plaques de granit, comme un “ciel

étoilé”, une œuvre d’art cinétique. (Photos : Nathalie Régnier.)

PLACE PUBLIQUE

Pour moi, l’architecture est un rituel.Chaque chose que l’on fait doit être unestimulation pour les autres, pour la répé-ter, et pour l’améliorer. C’est exacte-ment ce qui se passe dans la recherchescientifique. Chaque œuvre est la solu-tion d’un problème posé par un archi-tecte avant nous ; en lui donnant uneréponse, nous posons un autre pro-blème qui sera résolu par un autre aprèsnous. C’est le contraire de la mode, oudu nouveau pour le nouveau.”

● L’espace par la structure

La maison est donc fichée dans la mon-tagne, par des murs de béton perpendi-culaires à la pente, entourée d’oliviers. Laforce spatiale vient de l’exploit structurel :la portée se fait dans le sens de la plusgrande longueur, c’est-à-dire 18 m, grâceà la dalle de béton armé précontraint dutoit, de 50 cm d’épaisseur, allégée pardes tubes métalliques.Ainsi, les poteauxporteurs sont placés aux deux extrémitéssur les petits côtés, soulignant côté rue

une épaisseur de transition entre lepublic et le privé, et définissant à l’inté-rieur deux travées qui déterminent lesusages. Les façades latérales sont entiè-rement vitrées du sol au plafond, au-des-sus du vide : le paysage pénètre alors à180° au travers de larges baies coulis-santes légèrement teintées, tamisées detoiles blanches glissant l’une sur l’autre.L’abstraction du lieu est atténuée par unesérie d’attentions qui lui attribuent unecertaine familiarité ; c’est le sens desrayures rouges verticales sur les creux despiliers de béton, qui enlèvent un peu denoblesse à la construction pour la rendremoins monumentale. À l’intérieur, l’es-pace est divisé par le noyau centralcontenant la salle de bain et la cuisine : latablette de béton pour le rangement estl’unique concession aux usages domes-tiques. L’espace est baigné d’une lumièreréfléchie par la coloration jaune vif du solen résine polyuréthane. Plus que laprouesse technique, à Costa, la radicali-sation du système constructif inverse lesrelations usuelles entre l’intérieur et l’ex-térieur. L’effet produit est une impression

étrange d’être suspendu dans le vide, etd’embrasser la vallée tout entière : unvertige de simplicité et, en même temps,d’artifice. La clef de la conception résidedans les choix structurels.Variations sur un même thème, d’autresprojets conçus en association avec Sylvia Gmür ont vu le jour, fondés sur lesmêmes principes théoriques : la maisonen Grèce, la maison à Ronco au-dessusd’Ascona, ou encore l’occasion perduedu concours pour la ville de Nice en2001. Il existe dans le travail de LivioVacchini, comme dans l’art cinétique, ledésir d’utiliser des unités primaires,élémentaires et monolithiques, dans desséquences sérielles et mathématiques.L’analogie avec l’art minimal ou concep-tuel n’est pas une coïncidence : endehors d’une convergence convenueentre architecture et art, elle réside sur-tout dans les critères classiques revisitéspar Alberti, à l’arrière-plan de ces mou-vements artistiques contemporains,comme de la pensée de Vacchini, labeauté étant obtenue par l’harmoniedes parties, sans que rien ne puisse êtreajouté ou enlevé. ❚

TEXTE : NATHALIE RÉGNIER

PHOTOS : VACLAV SEDY - PHOTOS 2, 6 ET 7 : ZANETTA

PHOTOS 5 : ANDREAS VOEGELIN

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>>> À Costa, l’utilisation d’un plancher de béton précontraint

libère les façades latérales de tout support. Le paysage pénètre

à 180° au travers des baies. L’espace intérieur est inondé

d’une lumière réfléchie par le sol jaune vif.

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portra i t LIVIO VACCHINI

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MAISONS DESTROIS FEMMES

Lieu : Beinwil-am-See,Suisse

Maître d’ouvrage :privé

Maître d’œuvre :Sylvia Gmür et

Livio Vacchini,architectes

Ingénieur structure :Peter Zumbach,Aarau

MAISONVACCHINI

Lieu :Tenero Costa,Suisse

Maître d’œuvre :Livio Vacchini,architecte

Ingénieur structure :Andreotti & Partners

PIAZZA DEL SOLE

Lieu : Bellinzona,Suisse

Maître d’ouvrage :mairie de Bellinzona

Maître d’œuvre :Livio Vacchini,architecte

a c t u a l i t é s

Concours “Bétons, matière d’architecture”

Évolution des équipements culturels et sportifs en centre urbainLa 6e session du concours “Bétons, matière d’architecture” orga-nisé par Cimbéton débutera à la rentrée 2002-2003. Destiné auxétudiants des écoles d’architecture et aux jeunes architectes, leconcours s’ouvre maintenant aux élèves ingénieurs, afin de favori-ser la création d’équipes multidisciplinaires. Thème choisi pour2002-2003 : “Évolution des équipements culturels et sportifs encentre urbain”. Théâtres, opéras, salles de concerts, biblio-thèques, gymnases, tous les équipements culturels et sportifs encentre urbain témoignent de la vision d’une époque. Une demandecontemporaine émerge pour un nouveau type d’équipement asso-ciant des formes musicales et sportives variées. Le sujet de cette6e session du concours porte sur la conception d’un équipementde loisirs évolutif d’environ 3 000 m2 en centre urbain, destiné àservir de support à des activités variées. La conception spatiale,structurelle et acoustique devra permettre la polyvalence et lapluralité des usages. Trois communes seront associées auconcours. Elles offriront chacune un site à l’imagination desconcurrents, de manière à permettre le développement du projet,soit en réhabilitation soit en construction neuve. ❚

évènement

Un nouveau directeur général pour CimbétonAnne Bernard-Gély a été nomméedirecteur général de Cimbéton. Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées,Anne Bernard-Gély (X-Ponts) commencesa carrière en 1979 au Service d’étudestechniques des routes et autoroutes(SETRA), à la division des ouvragesd’art. En 1982, elle rejoint la Directiondépartementale de l’équipement des Hauts-de-Seine comme chef del’arrondissement opérationnel, où elle est responsable d’importants chantiersdans le domaine des routes et des ouvragesd’art. Nommée conseiller technique au cabinet du secrétaire d’État auxtransports routiers et fluviaux en 1988,elle entre ensuite au Syndicat destransports parisiens (STP) où elle occupesuccessivement les postes de secrétairegénéral puis de directeur del’exploitation. De 1995 à 1998, elle estadjointe au directeur de la Sécurité et de la circulation routière au ministère de l’Équipement, où elle s’impliquenotamment sur la sécurité desinfrastructures et leur exploitation.Chargée de la mission Mobilité urbaineauprès du directeur général de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction depuis 1998, Anne Bernard-Gély est également vice-présidente de l’ATEC (Association pourle développement des techniques de transport, d’environnement et decirculation) depuis 1997. Professeur àl’École nationale des Ponts et Chausséesdurant 17 ans, Anne Bernard-Gély estaussi l’auteur de plusieurs articles etouvrages de référence dans le domainedes infrastructures, dont Conception desPonts (en collaboration avec Jean-Armand Calgaro), paru en 1994 auxpresses de l’ENPC. ❚

brèves➜ Voyage d’étude

Un groupe de 37 étudiants et leurs enseignants de l’école d’architecture deParis-la-Villette a participé du 19 au 25 avril 2002 à unvoyage d’étude en Allemagneet aux Pays-Bas. Encouragé et soutenu par Cimbéton,ce voyage incontestablementdense et riche d’enseigne-ments a permis aux étudiantsde découvrir de nombreuxouvrages témoignant du rôledu béton dans l’architecturecontemporaine. Parmi lesbâtiments les plus remarqua-bles, citons la Wallfahrtskirchede Gottfried Böhm àNeviges, le siège de la sociétéAZL de Wiel Arets à Herlen,et le musée Néanderthal de Zamp Kelp.

➜ Nominations àl’Académie d’architectureLe 24 avril dernier, l’Académied’architecture recevait unefigure illustre de l’architectureen la personne de TadaoAndo. Membre de l’Académiedepuis 1998, l’architectejaponais a profité d’un séjourà Paris pour recevoir samédaille et officialiser ainsison appartenance àl’institution française.Autrenomination, celle de GeorgesPhilippe, membre del’Académie d’architecturedepuis 1989, qui vient derecevoir la cravate de commandeur des Arts et Lettres. Élève de l’Écoledes beaux-arts de Paris,auteur des deux stadesolympiques d’Abu Dhabi etde Barrora, Georges Philippeest aussi le concepteur denombreux projets sur leterritoire français.

nominat ion

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Un poids en moinsAméliorer les conditions de travail sur leschantiers est l’une des préoccupationsessentielles des cimentiers et des profes-sionnels du bâtiment. C’est dans ce cadrequ’est apparu un nouveau sac de cimentde 35 kg, 30 % plus léger que l’anciennecharge de 50 kg. Les bénéfices pour lecorps, beaucoup moins sollicité par un sacmoins lourd et plus facile à saisir, sont clai-rement mesurables. Le matériel de manu-tention, les conditions de stockage et lesproportions de ciment, de sable, de gravil-

lons et d’eau restent inchangés. Deux règles à retenir : ● 1 sac de ciment de 35 kg pour 100 l de béton ;● 1 sac de ciment de 35 kg pour 80 à 100 l de mortier. ❚

Découvrir l’escalier bétonLes publications de la Fédération de l’industrie dubéton (FIB) viennent de s’enrichir d’une nouvelle pla-quette intitulée L’escalier béton, système constructifdu gros œuvre. Destinée aux concepteurs et auxbâtisseurs dans leur ensemble, elle présente les atoutsdes éléments en béton préfabriqué pour la réalisationd’escaliers : performances, sécurité, pérennité, écono-mie, etc. Un rappel des textes de référence relatifs audimensionnement mécanique, à la sécurité d’utilisa-tion et à la sécurité incendie figure également dans ledocument. Disponible auprès de la FIB. ❚

b l o c - n o t e s

ainsi que des équipements publics du quoti-dien. L’exposition, qui rassemble plus de1 200 documents iconographiques (plans etphotographies) offre deux parcours : unparcours chronologique en sept périodes,du milieu du XIXe siècle à nos jours, et unparcours thématique qui met en évidence lapermanence de certains points de l’archi-tecture parisienne.

Exposition de mars à juillet 2002Pavillon de l’Arsenal, 21, bd Morland, 75004 Paris ❚

L’exposition “Identification d’une ville,architectures de Paris” se propose de cer-ner l’identité architecturale de la capitale duXVIIe siècle à nos jours. Concentrée sur l’his-toire de l’architecture quotidienne nonmonumentale, elle permet au visiteur dedécouvrir ou de redécouvrir de nombreuximmeubles de logements ou de bureaux,

➜ Maisonscontemporaines

Clare Melhuish

Au programme de cet ouvrage,trente maisons de particuliers,hors du commun dans leurconception, qui ont toutes étéconçues entre 1991 et 2000.Créations originales issues dudialogue entre un particulier etun architecte, ces maisons fontécho à la singularité de leurs(fortunés) commanditaires.Sous certains aspects, ellespeuvent être considéréescomme le laboratoire de l’architecture du futur, dontles principes permettrontd’améliorer nos conditions de vie tout en préservant notremilieu. Répartie en cinqchapitres, la présentation des maisons s’effectue à partirdes grands thèmes sur lesquelstravaillent les architectesactuels : l’environnement, le changement des modes de vie, les interactionsurbaines, la retraite rurale et les visions du futur. Phaidon

Exposit ion

➜ Guide de l’Architecturemoderne à Paris

Hervé Martin

Ce guide s’adresse aussi bien àl’amateur d’architecture qu’auprofessionnel. Il propose uncatalogue de ce que leXXe siècle a produit de meilleurdans la capitale. C’est près de1 500 bâtiments et1 000 architectes qui sontainsi recensés à travers Paris etla Défense, illustrés de plus de400 photos, plans et croquis.Un chapitre est consacré à cinquante des plus bellesréalisations du siècle, détruitesdans les dernières décennies.Dans son avant-propos,l’auteur souligne que “[…] Parisfut l’une des capitales de l’artnouveau, puis du mouvementmoderne, puis de l’art déco.Avant d’être […] le terraind’élection d’un spectaculairerenouveau qui fait que les plusgrands architectes françaissont aujourd’hui appelés à construire partout dans le monde.”Éditions Alternatives

➜ Les grands travaux des présidents de la Ve République

Georges Poisson

Le Centre Pompidou, le muséed’Orsay, l’Institut du mondearabe, la Grande Arche de laDéfense… autant de “grandstravaux” parisiens réalisés aucours des mandats des quatrederniers présidents de laVe République. Tous allient unevocation culturelle ouinstitutionnelle affirmée, unearchitecture hors du communet la marque personnelle duchef de l’État qui en estl’inspirateur. En une trentained’années, vingt édificesmajeurs ont ainsi étéconstruits ou transformésdans le cadre des grandstravaux présidentiels. Pourchaque édifice, l’auteur nousdécrit le projet depuis lagenèse jusqu’à la fin destravaux. Un bilan original etcontrasté, qui offre unéclairage sur l’exercice dupouvoir en France depuis plusde trente ans. Parigramme

➜ Une cité à Chaillot,avant-premièreJean-Louis Cohen, Claude Eveno

La Cité de l’architecture et du patrimoine ouvrira sesportes en 2003 au Palais de Chaillot. De portéenationale et internationale,cette nouvelle institutionvouée à l’architecture sera à la fois un lieu d’exposition,de collections, d’archives,d’études et de formation. En attendant son ouverture,la cité se dévoile au publicsous la forme d’un livre. Ces propos extraits del’introduction de Jean-LouisCohen et Florence Contenaytémoignent des objectifs etde l’ambition de la nouvelleinstitution : “Le principe sur lequel se fonde la Cité de l’architecture et dupatrimoine est précisément de permettre la rencontre et, pourquoi pas, le conflitentre toutes les dimensions de l’architecture dansl’histoire autant que dans le présent […]” .Les Éditions de l’Imprimeur

L ivres

Identification d’une villeArchitectures de Paris

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p o r t f o l i o

Située à proximité de la place Stanislas, l’école

d’architecture de Nancy, conçue par l’architecte tessinois

Livio Vacchini (voir l’article qui lui est consacré page 30),

fut un événement urbain à l’échelle de la ville.

Le béton blanc brut donne toute sa force à cette architecture

pure et abstraite qui vit avec la lumière.

4e de couverture : le siège de la société Alma, à Saint-Martin-d’Hères.