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Cimetières et nécropoles RÉGION DE BRUXELLES-CAPITALE 38

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Cimetières et nécropolesR É G I O N D E B R U X E L L E S - C A P I T A L E 38

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La situation allait toutefois devenir intenable dans les églises et lescimetières municipaux à la fin du XVIIIe siècle en raison du manquecriant de place, des excavations incessantes et du danger d’éboule-ment permanent, sans même parler des odeurs gênantes.Louis XVI mit fin à ces situations intolérables par son Ordonnanceroyale du 10 mars 1776. Dans les Pays-Bas autrichiens, Joseph II inter-dit, par le Décret impérial du 26 juin 1784, d’encore ensevelir dans leséglises après le 1er novembre de cette année et ordonna la suppres-sion des cimetières urbains et l’aménagement de nouvelles nécro-poles hors des enceintes. Les protestants auraient droit à un enclosséparé, sinon à un cimetière propre.Le 4 octobre 1784, la fabrique d’église de Sainte-Gudule jeta sondévolu sur une parcelle de terre à Saint-Josse-ten-Noode, le long dela chaussée de Louvain à hauteur de l’actuelle rue du Noyer, qu’ellepar tagerait avec les paroisses Saint-Jacques sur Coudenberg, Saint-Nicolas et Notre-Dame du Finistère. Elle fut inaugurée le13 novembre, après l’installation d’une croix. Les protestants y dispo-saient d’un enclos à part, séparé du reste du cimetière par un mur etpourvu d’une entrée particulière. Le cimetière destiné aux israélitesfut aménagé juste à côté de la nouvelle nécropole.Le 28 octobre, la fabrique d’église de Notre-Dame de la Chapelleacheta, au lieu-dit den Schilt à Saint-Gilles, au-delà de l’ancien fort deMonterey, un terrain pour ses propres paroissiens ainsi que pourceux de Notre-Dame du Sablon, ceux des Saints Jean et Etienne auxMinimes et pour les morts de l’hôpital Saint-Jean. À partir de 1829,les protestants et les israélites disposeront ici aussi de leur proprecimetière, adjacent au premier.La fabrique d’église de Sainte-Catherine, enfin, s’orienta, sur recom-mandation du magistrat de la ville, vers le Scheutveld à Molenbeek-Saint-Jean, où elle par tagerait son cimetière avec les paroissesNotre-Dame de Bon Secours, Saint-Jean-Baptiste et Notre-Dameaux Riches-Claires. Il s’agissait d’une parcelle de terre rectangulaire lelong de la route de Dilbeek, divisée en quatre par ties égales – une

Métré du cimetière de la paroisse Notre-Dame de la Chapelle à Saint-Gilles,L. Lacroix, 1848.

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Le cimetière Saint-Martin subsistapendant quelque temps en bordure duParc royal, à hauteur de l’actuel passagedu Parc. R. Sayer, Plan routier de la villede Bruxelles, Londres 1782.

L’église Notre-Dame de Laekenentourée d’un enclos qui correspond àson cimetière, avec porche d’entrée etcalvaire. Détail d’un plan de 1707.

Depuis le cinquième concile de Paderborn en 785, qui imposa auxchrétiens l’interdiction de crémation et l’obligation de l’inhumationdes morts, l’église et le cimetière qui l’entoure forment une unité fon-cière sacrée, marquant le lien physique et spirituel qui unit les vivantset leurs défunts.Les notables ou les nantis jouissaient du privilège d’avoir une sépul-ture dans l’église, près de l’autel, avec ou sans stèle ou épitaphe. Dansle cimetière proprement dit, dernière demeure du commun des mor-tels qui faisait bien souvent fonction aussi de verger et de place demarché, les fosses communes étaient rarement recouver tes depierres tombales car, compte tenu de l’exiguïté des lieux, la terredevait être fréquemment retournée.Le dernier vestige de ce mode d’inhumation dans la région bruxelloisereste le cimetière de Laeken, que l’on peut comparer à celui de Marvilledans le Nord de la France qui conserva son charnier où, après la décom-position des corps, les ossements étaient pieusement entreposés.Bien entendu, l’utilisation de ce genre de cimetière restait exclusive-ment réservée aux catholiques. Les personnes d’autres confessionsse voyaient contraintes d’enterrer leurs morts au « champ de reposisraélite », au-delà de la Porte de Namur, ou dans leur propre jardinpour les protestants.Les guerres ou les épidémies conduisaient parfois à l’aménagementde nécropoles de for tune. Le cimetière Saint-Mar tin, créé suite àl’épidémie de peste de 1316, à l’ombre de l’enceinte de la ville, à unepor tée d’arc de la cathédrale , allait subsister jusqu’à la fin duXVIIIe siècle environ. La racaille, quant à elle, finissait dans le cimetièredes pauvres, rue des Six Jetons, géré par la paroisse Saint-Géry.

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Cimetières paroissiaux Joseph II et la fin de l’Ancien Régime

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En avril 1858 encore, une circulaire du bourgmestreChar les De Brouckère allait attirer l’attention desfabriques d’église et des consistoires juifs et évangé-liques sur le fait que toutes les demandes de permisd’inhumation devaient désormais être soumises aupréalable à l’approbation du conseil communal. Unarrêt de la Cour de Cassation du 13 février 1864, quidevait mettre un terme à la « guerre des cimetières »qui avait opposé pendant de longues années lesfabriques d’église et les administrations communaleslibérales, allait définitivement confier la gestion descimetières et des nécropoles au pouvoir civil.Le 12 octobre 1846 déjà, un arrêté royal avaitapprouvé le projet de l’ingénieur urbaniste Char lesVanderstraeten (†1868) visant à l’aménagement d’uncimetière bruxellois unique, d’une superficie de quelquevingt hectares, à l’endroit où se situait celui de Saint-Gilles. Cette même année, le politicien et sociologue catho-lique Édouard Ducpétiaux (1804-1868) émit l’idée deréaliser un cimetière à l’image des campo santo italiens, ser vicefunèbre municipal compris. Les investisseurs privés allaient eux aussise manifester. Un cer tain Adolphe Clabos et son associé allaientintroduire, en 1846, une requête en vue d’un aménagement en péri-phérie de la ville, de préférence à Auderghem, d’une grande nécro-pole élitaire de vingt à trente hectares, gérée par une « Sociétégénérale des Pompes funèbres », avec ses propres ateliers et cor-billards. En dépit de l’enthousiasme mitigé de l’administration commu-nale et de l’opposition du gouverneur du Brabant Charles Liedts(1802-1878) à un cimetière géré par des particuliers, A. Clabos intro-duisit une seconde requête en 1864, cette fois pour une nécropolede 60 hectares avec participation publique, à laquelle le conseil com-munal accorda son soutien en mars 1870. Des problèmes logistiquesinsurmontables et les conclusions prégnantes d’une commission gou-vernementale en la matière amenèrent finalement le collège à déci-der, le 2 juin 1874, de l’achat de 30 hectares de terrain à Evere, àenviron cinq kilomètres du centre-ville, le long de la chaussée deLouvain, aux fins de l’aménagement d’un cimetière bruxellois central.

Projet de Louis Spaak, non daté, pour un nouveau cimetière bruxellois à Saint-Gilles.

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pour chaque paroisse – avec, à l’arrière, une bande de terre nonbénite pour les protestants, les enfants non baptisés et les suicidés.La toute-puissance des fabriques d’église sur les cimetières et lesnécropoles allait toutefois être de plus en plus bridée, à commencerpar leur sécularisation suite au décret du 14 décembre 1789. Plustard, François II imposera aux fabriques d’église , par décret du2 décembre 1793, l’obligation d’ensevelir tous les citoyens en unmême lieu, quelle que soit leur conviction. Particulièrement impopu-laires, ces mesures seront abrogées par Napoléon Ier avec l’arrêté derestitution de 1803.

Moins d’un an plus tard, avec le décret napoléonien du 23 prairialan XII (12 juin 1804), les communes allaient, elles aussi, se voir accor-der le droit d’aménager des cimetières. Ce décret allait en outre per-mettre à tout un chacun d’acquérir, pour une durée indéterminée,une parcelle de terre sur laquelle il était permis d’élever un monu-ment commémoratif. L’ouverture, le même jour, du cimetière de l’Estparisien, dit du Père-Lachaise, aménagé sous forme de parc évoquantles Champs-Élysées terrestres dans le contexte du romantisme nais-sant, n’était certainement pas un hasard.Alors que les trois nouveaux cimetières bruxellois étaient encorerelativement entretenus sous le régime autrichien, ils furent laissés à

l’abandon sous l’hégémonie française, en par ticulier ceux deSaint-Gilles et de Molenbeek-Saint-Jean, ce qui réveillales craintes d’épidémies de choléra. Jugées rapidementtrop exiguës pour accueillir une population en pleine

expansion, les nécropoles durent de surcroîtêtre agrandies à plusieurs reprises. Ce fut

le cas pour celle de Saint-Josse en1848, 1857 et 1861 ; celle de

Saint-Gilles en 1849 et1860, et celle de

Molenbeek en1860.

Napoléon 1er et la concession perpétuelle

Le cimetière du Père-Lachaise selonQuaglia, Le Père-Lachaise ou recueil dedessins aux traits et dans leurs justesproportions des principaux monuments dece cimetière, de 1854.

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Anticipant sur les sentiments nationalistes de la population, la superfi-cie du cimetière paroissial sera doublée l’année suivante et portée à1 hectare 23 ares.La reine Louise-Marie d’Orléans décède en octobre 1850 et sadépouille sera ensevelie dans la chapelle Sainte-Barbe. Vu l’immensepopular ité de la souveraine, des plans sontencore soumis à approbation la même annéeen vue de porter une extension future du cime-tière à 2 hectares 46 ares, en direction de l’estet du sud.Quatre ans plus tard, en 1854, on assiste à lapose de la première pierre de la nouvelle égliseparoissiale néogothique avec crypte et chapellefunéraire pour la maison royale belge, d’aprèsun projet de Joseph Poelaert. En dépit de l’éta-lement des phases de construction sous laconduite des architectes Antoine Trappeniers,Louis De Cur te, Fr iedrich Von Schmidt etAlphonse Groothaer t, le chantier de ce monument grandiose estinterrompu entre les deux guerres. Compte tenu de son état dedélabrement avancé, la vieille église gothique doit être partiellementabattue au tournant du siècle. La par tie du chœur conservée estrefermée par une nouvelle façade reprenant le portail néogothiquede Louis De Curte, grâce auquel la chapelle Sainte-Barbe s’était vuedoter d’une entrée propre suite à l’inhumation controversée du roiLéopold Ier.

Plan du cimetière de Laeken,in A. Cosyn, Le Cimetière de Laeken, 1906.

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Il est difficile de déterminer avec précision jusqu’où remonte l’histoirede la paroisse de Laeken. Les illustrations les plus anciennes, quidatent du XVIIe siècle, montrent l’église gothique Notre-Dame duXIIIe siècle avec sa tour centrale, la chapelle Sainte-Barbe dans le pro-longement du transept nord et le petit cimetière qui l’entoure.En raison de la dévotion intense vouée à la statue miraculeuse de laVierge Marie par l’archiduchesse Isabelle (1566-1633) et des vertuscuratives de la source Sainte-Anne, le village champêtre deviendra, auXVIIe siècle, un lieu de pèlerinage très prisé des Bruxellois. Et ce n’estpas davantage un hasard si les gouverneurs généraux autrichiens,l’archiduchesse Marie-Christine et le prince Albert de Saxe-Teschenfont réaménager le Groot Hof en 1781 en leur résidence d’été, diteSchoonenberg, donnant ainsi une première impulsion à la popularitédu cimetière local. Ou, pour reprendre les propos d’AlphonseWauters (1855) : « Tout ce qui avait brillé dans le monde prétenditdormir du sommeil de la tombe au pied de l’église de Laeken, près dupalais que se faisaient construire les derniers gouverneurs générauxde la Belgique. »Le séjour à Schoonenberg de l’empereur Napoléon Ier et du roi desPays-Bas, Guillaume Ier, n’a été que de très courte durée, avant que leroi des Belges, Léopold Ier, n’y prenne ses quar tiers en 1831.

Le cimetière de Laeken en 1849, par E. De Roy.

Le cortège funèbre de la reine Louise-Marie arrive à l’église de Laeken le14 octobre 1850. Lithographie de Van Derhecht, in J. Géruzet.

Le cimetière de Laeken un 2 novembre(Le Patriote illustré, 1890). À l’arrière-plan, à côté de l’ancienneéglise, la nouvelle église en constructiond’après un projet de J. Poelaert.

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Le cimetière de Laeken

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Père-Lachaise de la Belgique. » On comprend aisément que la pierretombale aujourd’hui disloquée portant l’inscription Den EersaemenGilis Antoon. In zijn Leven Armmeester Ende Kerckmeester deser Prochie.Sterft Den 20 meert Anno 1649 y constitue une rareté, à la fois parson rang modeste et par la langue utilisée.Ce n’est pas Louise-Marie d’Orléans (1812-1850), dont le spectreroyal hante mélancoliquement les lieux, qui tient ici le rôle de primusinter pares, mais la célèbre cantatrice María de la Felicidad García, dite« La Malibran » (1808-1836) qui, par sa fin tragique sur scène àManchester, conquit définitivement le cœur de ses admirateurs. Pariset Bruxelles ne s’engagèrent-elles pas à l’époque dans une âpre lutteau sujet de la dépouille de l’épouse chérie de Charles de Bériot, inhu-mée dans la cathédrale locale ? C’est la jeune Belgique qui triompheraet marquera sa victoire par la construction, par Tilman-François Suys(1783-1861), d’une chapelle aux normes gigantesques pour l’époque,majestueusement ombragée par le feuillage d’un hêtre pleureur cen-tenaire. À l’intérieur, une madone en marbre de Carrare aux traits dela défunte, les yeux tournés vers le ciel, réalisée par le sculpteur de laCour Guillaume Geefs (1805-1883), est entourée d’un sol enmosaïque, décoré de torches flamboyantes. Un lyrisme débridé pourlequel Alphonse de Lamartine écrivit cette strophe immortelle :

« Beauté, génie, amour, furent son nom de femme,Écrit dans son regard, dans son cœur, dans sa voixSous trois formes au Ciel appartenait cette âme.Pleurez, terre ! et vous Cieux, accueillez-la trois fois ! »

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Face à l’extension de la ville de Bruxelles et à l’accroissement de lapopulation laekenoise , l’administration communale se trouveconfrontée à un manque de place dans son cimetière vers le milieudes années 1870. À l’image de ce qui se faisait dans le sud del’Europe, l’ingénieur Émile Bockstael, à l’époque échevin des travauxpublics, conçut un réseau de galeries funéraires souterraines, d’envi-ron 30 mètres sur 100, relié à des monuments en surface, dont lebourgmestre Van Volxem sera, en 1868, un des premiers bénéfi-ciaires. Dès 1933, l’ensemble est couronné par la construction d’unmagnifique colombarium voûté, œuvre de l’architecte de la VilleFrançois Malfait (1872-1955).Des carrés d’honneur militaires rappellent les guerres de 14-18 et de40-45. Le deuxième, un projet de l’architecte de la Ville JeanRombaux (1901-1979), constitue en même temps la dernière exten-sion du cimetière.Après Alphonse Wauters, l’historien laekenois Arthur Cosyn (1904)a lui aussi largement attiré l’attention sur cet endroit remarquable etparadoxal – un cimetière de l’Ancien Régime conver ti en nécro-pole – dans la ceinture encore verte de Bruxelles ; « l’asile que l’aris-tocratie et la haute bourgeoisie choisissent de préférence, c’est le

En 1879, à côté du pavillon d’entrée desgaleries funéraires en construction, lebourgmestre Émile Bockstael, portantun haut de forme.

Le cénotaphe pour Pierre Louis Bortier,une «Charité» de Philippe Parmentier,retiré de l’ancienne Notre-Dame ettransféré dans les galeries funéraires.

Le columbarium Art Déco de l’architectede la Ville François Malfait des années1930 forme le point d’orgue digne etsymbolique des galeries funéraires.

Le spectre de la reine Louise-Maried’Orléans errant dans le cimetière deLaeken. Lithographie de H. Borremans,après 1850.

La cantatrice María de la FelicidadGarcía (La) Malibran interprétant le rôlede Desdémone dans Othello de Rossini,par Henri Decaisne (Paris, MuséeCarnavalet).

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de leur frère Louis (1819-1873), pionnier de la photographie. LeBrugeois Henry Pickery (1828-1894) s’était manifestement inspiré,pour la construction du monument de style classicisant à la mémoirede la pianiste vir tuose Marie Pleyel (1811-1875), du mausoléeconstruit par Antonio Canova pour Vittorio Alfieri, rendant ainsi unhommage tardif à un grand maître du genre.Rongé par le cancer de la pierre, le buste de Joseph Poelaert porte,depuis sa chapelle funéraire – dont le portail est une reproduction àl’échelle de celui de « son» Palais de Justice –, son regard aveugle surun Émile Bockstael (1838-1920) au port altier. Un lierre exubérant« il ne s’attache qu’aux malheureux» – envahit le fier temple du jardi-nier Jacques Kips (†1869) et de son épouse Napoléone de Masséna(†1864), fille du maréchal français. Au solstice d’été, une femme pétri-fiée au fond du reliquaire Évrard-Flignot se tend désespérément versun cœur de lumière ténu, observée, du haut de son socle de pierre,par le penseur en bronze d’Auguste Rodin, don généreux du com-missaire-priseur et amateur d’ar t Jef Dillen (1878-1935) et sonépouse.Après quelque errance, on trouve, enclavés entre les bourgmestresNicolas Rouppe (Rotterdam 1769 - Bruxelles 1838) – qui eut droit àun cortège funéraire de trente mille personnes – et André NapoléonFontainas (†1863), Charles Niellon (†1871), promu du rang de simplesoldat à celui de général de brigade, l’architecte du roi Alphonse Balat(1818-1895), les architectes de la Ville Louis De Curte (1817-1891)et Victor Jamaer (1825-1902), leur confrère Jean Baes (1848-1914),concepteur du Théâtre royal flamand, les peintres symbolistes XavierMellery (1845-1921) et Fernand Khnopff (1858-1921) reposant auxcôtés des peintres monumentalistes et histo-riens Navez (1787-1869), Por taels (1818-1895) et de Bièfve (1808-1882, dont leCompromis des Nobles faisait cinq mètres sursept, le car tographe Philippe Vandermaelen(1795-1869), le fils de l’industriel du caout-chouc et amateur de vitesse Camille Jenatzy(†1913) encore au volant de sa JamaisContente , les barons des grands magasinsVaxelaire et Delhaize et le promoteur immo-bilier Charles De Pauw (†1984).

Monument funéraire pour la pianisteMarie Pleyel par Henry Pickery.

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Aujourd’hui, le cimetière ressemble à une vaste cité de pierre bleue,vouée à tous ceux qui, après 1830, avaient acquis quelque notoriétédans la construction du pays, ou comme le dit A. Wauters : «On nevoulut pas, alors, être confondu avec le vulgaire des cadavres dans lescatacombes de la cité. »Guillaume Geefs y signa notamment les bustes du bourgmestrebruxellois Chevalier Wyns de Raucour t (1779-1857), du bourg-mestre de Laeken Charles-Joseph Herry (1805-1879) et du ministreJoseph Partoes, père de l’« architecte des hospices » François Partoes(1790-1858) ; mais aussi et sur tout le grand gisant en marbre blancdu comte Jacques Coghen (1791-1873), premier ministre belge desfinances et trisaïeul de SMR Paola Rufo di Calabria, en collaboration– pour ce qui concerne la très belle chapelle funéraire néo-romane –avec l’architecte Jean-Pierre Cluysenaer (1811-1880), ici au faîte de sagloire après la construction des Galeries royales Saint-Hubert et duConservatoire royal de Musique.Leur contemporain, Char les Fraikin (1817-1893), or iginaire deHerentals, se vit chargé de l’immortalisation de l’homme d’affaires etphilanthrope Ferdinand Nicolaÿ (1772-1854) sous la forme d’uneinterprétation tardive de Laurent de Médicis, le penseur florentin deMichel-Ange. Le sculpteur de salon français Ernest Carrier-Belleuse(1824-1887), maître d’atelier de Rodin et chargé du décor sculpturalde la Bourse de Léon Suys, se vit confier peu après la commanded’une Ode à l’Enseignement sur le mausolée des sœurs Ghémar et

Le cimetière de Laeken avec sonancienne église paroissiale. Dessin dusculpteur funéraire Ernest Salu,vers 1900.

Monument funéraire éclectiqued’inspiration néoclassique pourl’architecte Joseph Poelaert, un projetde son collaborateur Joachim Benoitavec le concours du sculpteur Bourré(J. Fonteyne, Recueil d’Architecturefunéraire, vers 1879-1889).

Camille Jenatzy avec sa Jamais Contente(Affiche de Georges Gaudi, Musée dela Vie wallonne, Liège).

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de la construction de l’église actuelle par Joseph Diongre). Il ne fautdonc pas s’étonner que le père Ectors ait refusé de bénir le nouveaucimetière et interdit l’entrée de ce dernier aux fonctionnaires com-munaux sur ordre de son archevêque. L’affaire se termina par un pro-cès dont le verdict fut défavorable à la fabrique d’église. L’appel n’ychangea rien et confirma le verdict initial en 1887.La première inhumation, le 17 août, fut entachée durablement dans leregistre paroissial par la mention Sepultus in cimiterium profano, et cependant une période de quatre ans.On relèvera au passage l’article 34 du règlement communal du 12 juillet1886 : « L’inhumation des indigents au cimetière communal se fera, du1er octobre au 31 mars, le matin avant huit heures et l’après-midiaprès trois heures et demie, et du 1er avril au 30 septembre, le matinavant sept heures et demie et l’après-midi après cinq heures. »L’entrée principale du cimetière est flanquée de deux jolis pavillonsde style toscan, caractérisés par une maçonnerie en briques rougessur plinthe noire, une arcature à corbeauxsur lésènes et des fenêtres cintrées. Despiliers en pierre à urnes drapées flan-quent les gr illes de l’entrée. À côté,contre la face intérieure du mur, on aper-çoit une pierre tombale provenant del’ancien cimetière, à l’effigie de den eersa-men Bartolomeus Hofmans (1706). Lebateau avec les rameurs rappelle laproximité du canal de Willebroek, ce quiincitait maints bateliers à élire officielle-ment domicile à Molenbeek.Un chemin conduit en diagonale, le longdes plus anciennes parcelles, vers la croixdu calvaire en fonte, réalisée en 1864 parla fonderie molenbeekoise Wouters-Koeckx. Un deuxième chemin file toutdroit vers les galeries funéraires en U,dont la construction fut entamée en1880. De style néoclassique, leur pers-pective se referme sur un pavillon derecueillement à coupole polygonale.

Suite au décret de Joseph II, la Ville de Bruxelles avait encore acheté,en 1874, un hectare de terrain en face de la Léproserie , dansl’actuelle rue des Quatre-Vents, entre la rue J.-B. De Cock et la ruede Lessines, au profit des paroisses Sainte-Catherine, des Riches-Claires, Saint-Jean-Baptiste et de Bon Secours à Molenbeek-Saint-Jean. Le terrain formait un simple rectangle et était divisé en quatreparties égales. Étendu sans doute en 1847, mais honteusement laisséà l’abandon dès 1850, le cimetière fut définitivement désaffecté le6 août 1877 au profit du nouveau cimetière de la Ville à Evere.Si l’on en croit la plaque commémorative apposée à son entrée prin-cipale, l’actuel cimetière de Molenbeek-Saint-Jean proprement dit,situé chaussée de Gand et aménagé selon les plans de l’architecteJoseph Praet, a été ouver t le 16 août 1864. La veille – fête de laVierge Marie et jour férié catholique –, le cimetière paroissial autourde l’église Saint-Jean-Baptiste avait été fermé aux inhumations parl’administration communale (il ne fut démantelé qu’en 1932, en vue

Les pavillons d’entrée et les grilles ducimetière de Molenbeek-Saint-Jean.

Dalle funéraire avec voilier etéquipage de BartolomeusHofmans, 1706.

Le dôme des galeries funéraires.

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Le cimetière de Molenbeek-Saint-Jean

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élève de Julien Dillens, Charles Vanderstappen et Victor Rousseau, etdirecteur de l’académie de Molenbeek, ornent les concessions deVancampenhaut (vers 1928) et Verrept-Dekeyzer, pour cette der-nière sur un haut socle trapézoïdal en travertin. Les sculpteurs furent d’ailleurs particulièrement actifs dans ce cime-tière. Une femme en pierre, grandeur nature, s’agenouille sur la pierre tom-bale de Philippe Herdies et d’Angélique Rosaer Van Dessel (vers1912). Victor Voets (1882-1950) esquissa pour l’aquarelliste CharlesVoets une femme agenouillée, penchée vers l’avant (1908), l’index surles lèvres comme pour inviter au silence. Une femme allongée enmarbre blanc et aux allures antiques de Joseph Witterwulghe (1883-1967) pleure sur la tombe du conseiller communal Jean Van Malderet de son épouse (vers 1917 ?). Alfred Courtens (1889-1967) a signéen 1931 une fillette Art Déco réaliste pour la jeune «Nénée » RoseOssola. Un garçonnet en culottes cour tes et en chaussettes trop

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Presque entièrement dépourvu d’espaces verts, ce cimetière méritemoins l’attention pour son aspect général que pour certains carrés etmonuments funéraires individuels, remarquables par leurs qualitésesthétiques ou la notoriété du défunt qui y repose.Le monument avec urne drapée dressé en l’honneur des tailleurs depierre Paternotte – De Neufbourg, réalisé dans leur propre entre-prise située chaussée de Laeken, a une cer taine per tinence histo-rique. Les bourgmestres Meeüs, Mommaerts, Hollevoet, Hanssens etMettewie nous sont familiers parce qu’ils ont donné leur nom à desartères célèbres. Pierre Van Humbeeck (1829-1890), jadis le premierministre belge de l’enseignement, fut, en cette qualité, à l’origine de la« guerre scolaire ». E. Kindermans est connu surtout comme directeurdes Folies Bergères, tandis que Jean Piron commanda la brigadecycliste du même nom durant la Deuxième Guerre mondiale. SanderPierron (Molenbeek 1872-1945) commença son parcours commeouvrier-lithographe, mais fit carrière en tant que nouvelliste, roman-cier et critique d’ar t (La Sculpture belge de 1830 à 1930, 1931) etdevint même professeur à l’Académie royale des Beaux-Ar ts deLiège. La stèle funéraire en pierre bleue avec borne bourguignonne,qui porte les mots « Forêt de Soignes », un écu bourguignon et unecroix, rappellent les trois volumes de son Histoire Illustrée de la Forêtde Soignes, de 1905 et de 1935-1936.Plus discrète est la stèle de pierre en hommage à Augustine EugénieCharlotte (1843-1896) et au bâtonnier du Barreau de Bruxelles,Anatole des Cressonnières (1832-1902), un projet Art nouveau deVictor Horta (1897) avec fleur de pavot, iris et le motif végétal typique.Le sarcophage néoclassique (env. 1909) de la famille Laeremans men-tionne également le nom du baron Eugène Laeremans (Molenbeek1864-1940), peintre autodidacte de scènes d’inspiration sociale – LeMort, Un soir de Grève, Les Émigrants –, que Camille Lemonnier appe-lait « le peintre des âmes qui ne parlent pas et des choses qui parlentpour elles ».Le compositeur Jan Frantz De Mol (1884-1914) appar tient, avecFrançois Marie (1844-1883), son frère Willem (1846-1874) et sonépouse Joséphine (1873- ?) à une famille particulièrement lyrique. Sastèle en grès de style Art nouveau géométrique porte un médaillon-portrait en bronze de Georges Vandevoorde (1878-1964). Des pleu-reuses en bronze et en pierre de cet artiste de l’entre-deux-guerres ;

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Le monument funéraire «bourguignon»de Sander Pierron.

Une pleureuse en bronze de A. Hamoirpour la tombe de la famille Beelaert.

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Une «Nénée» réaliste, parAlfred Courtens en 1931,tout comme le JozefCassimons de AlphonseVan Laenen, vers 1942, tousdeux en style Art Déco.

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larges (vers 1942, Alphonse Vanlaenen, 1888-1945),le jeune Jozef Cassimons, nourrit les oiseaux. Unautre, un peu plus loin (sculpteur Ernest Salu) faitpicorer des pigeons dans sa main.A. Hamoir est l’auteur de la femme nue assise surla tombe familiale des Beelaer t, penchée versl’avant, la tête sur les genoux, cheveux et mainsdéployés sur les pieds.Auguste Dewever (1836-1910) a pour sa par tsigné en 1901 une remarquable por te enbronze pour la chapelle funéraire de lafamille Van den Bemden : des anges,entourés de feuilles de chêne, s’age-nouillent près d’une urne drapée,entrelacés avec la lettre V ; undeuxième ange demande le silence,une clef à la main ; un chérubintenant un rameau observe la scène.À côté, devant l’obélisque tronquéde la famille Huysmans, le mêmear tiste a réalisé un bas-relief enbronze (1909) montrant une mère etses enfants rassemblés autour du pèredécédé.

Un «Silence» en bronze de Victor Voetspour le peintre Charles Voets.

La porte en bronze ajourée de la chapelle funéraire Van den Bemden offre unflorilège de symboliquefunéraire.

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Champs-Élysées avec des drèves sans fin, des chemins sinueux, devastes parterres herbeux en bordure de parcelles boisées, des pers-pectives monumentales ou des enclos intimes ceints de haies. Érablesargentés, cyprès, marronniers d’Inde et marronniers rouges, noisetiersbyzantins, chênes et platanes, robinias, taxus et saules pleureurs y for-ment un décor végétal luxuriant qui semble à la fois apporter protec-tion aux monuments funéraires et ramener ceux-ci à des proportionsplus modestes. Çà et là, on distingue des pierres tombales plus anciennes ou desmonuments d’allure néoclassique, quelque 900 à l’origine, transférésd’anciens cimetières aux frais de la Ville : victimes anglaises ou ancienscombattants de la bataille de Waterloo (18 juin 1815), mais aussi« Joséphine Napoléone de Monthollon, fil leule de l’EmpereurNapoléon Ier. Née à Sainte-Hélène le 26 janvier 1818 et décédée àBruxelles le 30 septembre 1818. » Elle était la fille du général CharlesTristan, comte de Montholon Sémonville, adjudant de l’empereurvaincu, dont l’épouse prendrait ses quartiers à l’hôtel Belle Vue, sur laplace Royale, en 1818.Jacques-Louis David (Paris 1748 - Bruxelles 1825), « restaurateur del’École moderne de peinture », prit une par t active à la Révolutionfrançaise , exigea publiquement la mor t de Louis XVI durant laConvention et, fervent par tisan de l’empereur, fut exilé à Bruxelles

Affluence populaire au cimetière deBruxelles le 2 novembre (dessin deG. Flasschuen dans Le Patriotte illustré,1890).

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Près d’un siècle après leur ouver ture, les cimetièresbruxellois de Saint-Gilles, Saint-Josse-ten-Noode etMolenbeek-Saint-Jean étaient non seulement devenustrop exigus, mais ils se voyaient à leur tour rattrapéspar l’extension croissante de la ville. À la demandepressante du haut Conseil de l’Hygiène publique, leconseil communal décida, en 1874, d’acheter quelquetrente hectares de terrain sur le territoire de la com-mune d’Evere, le long de la chaussée de Louvain.

Solennellement inauguré le 15 août 1877 par le bourgmestre libéralet libre penseur Jules Anspach (1829-1879), le cimetière de Bruxellesest, à de nombreux égards, le pôle opposé du cimetière de Laeken.Ici, pas de croissance organique, mais un vaste parc paysager, rapide-ment porté à 38 hectares, aménagé par l’architecte paysagiste LouisFuchs (1818-1902) et pourvu de robustes pavillons d’entrée néo-étrusques, d’une maison mortuaire et de cellules d’attente, par l’archi-tecte de la Ville Victor Jamaer. Pas de nécropole de pierre, mais des

Plan original du cimetière de Bruxelles,à Evere, par Louis Fuchs (J. Fonteyne,Recueil d’Architecture funéraire,vers 1885).

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Le cimetière de Bruxelles

Image d’ambiance du cimetière deBruxelles dans E. Bruylant, La Belgiqueillustrée : les pavillons d’entrée avecgrilles, une palme et les monumentscommémoratifs de la guerre franco-allemande de 1870.

L’obélisque triangulaire à J.-L. David aucimetière de la paroisse Sainte-Gudule àSaint-Josse-ten-Noode.

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(1823-1894) lui-même y est enterré, de même que son fils Dhuicque(1877-1955), mais aussi Louis Pavot (†1895, église du Gesu), FélixLaureys (1820-1897), Alber t Charle (1821-1889, château Charle-Albert), Antoine Mennessier (1838-1890, quartier Notre-Dame-aux-Neiges) ou Joseph Naert (1838-1910, hôtel Knuyt de Vosmaer) etWynand Janssens (1827-1913, place de la Liberté).On y trouve également une nouvelle génération de sculpteurs, avecnotamment Pieter Braecke (1858-1938), Jacques de Lalaing (1858-1917), Albert Desenfans (1845-1938), Paul De Vigne (1843-1901),Godefroid Devreese (1861-1941), Julien Dillens, Albert Hambresin(1850-1937), Jules Lagae (1862-1931) ou encore Charles Samuel(1862-1938).Le cimetière offre par ailleurs de l’espace à profusion pour desmonuments commémoratifs publics : l’hallucinant mémorial anglais deWaterloo (J. de Lalaing), le mémorial allemand (Bluntschli et Mylins –E. Her ter) et français (Ch. Grand et L. Foettinger – Chapu etBourgeois) de la guerre franco-allemande de 1870-1871, le carréd’honneur militaire belge de 14-18 avec son impressionnant portique(F. Malfait – M. Desmaré) et le mur commémoratif des fusillés(F. Malfait – P. Theunis).

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sous la Restauration. Décédé dans son habitation de la rue Léopold,derrière le théâtre de la Monnaie, il fut tout d’abord enterré à Saint-Josse-ten-Noode. Le même obélisque à trois faces (Gilles-LambertGodecharle ?) marque depuis 1882 la tombe à Evere où « son corpsembaumé repose ici dessous », dans un cercueil en plomb.Ont été transférés avec lui François Van Campenhout (1779-1848),compositeur de la Brabançonne, Adolphe Quetelet (1796-1874), fon-dateur de l’Observatoire royal (place Quetelet), Antoine Trappeniers(1824-1887), concepteur de la place du Luxembourg, de la citéFontainas et de son propre tombeau, ou encore Char les DeBrouckère (1796-1860), bourgmestre de Bruxelles de 1848 à 1860.Les œuvres néogothiques – spécifiquement catholiques – sont rares,à l’inverse des réalisations néo-Renaissance et éclectiques, Art nou-veau et Ar t Déco de la plupar t des grands architectes formés àl’Académie de Bruxelles, tels Ernest Acker (1852-1912), AdrienBlomme, Joseph Caluwaers (1863-1948), Eugène Dhuicque, AlbertDumont, Lucien François (1894-1983), Ernest Hendrickx (1844-1892), Émile Janlet (1839-1918), Félix Laureys (1820-1897) et mêmeHenry van de Velde. Victor Horta y réalisa, pour François Verheven,un de ses plus originaux ornements funéraires Art nouveau. Beyaert

Monument funéraire pour LouisHymans par Ernest Acker, 1885(L’Émulation, 1888).

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Monument funéraire pour la familleWouters-Dustin par Joseph Caluwaers etJules Lagae, 1904 (L’Émulation, 1906).

Monument funéraire In salicibussuspendimus organa nostras d’Edmond etPaul De Vigne pour le directeur duConservatoire royal de Musique F.-A. Gevaert et le conservateur desMusées royaux des Beaux-ArtsH. Fierens-Gevaert (L’Émulation, 1895).

Stèle funéraire par Eugène Dhuicquepour sa mère Athalie Dhuicque, 1921.

Portique menant à la pelouse d’honneurmilitaire belge 14-18 par François Malfaitet Matthieu Desmaré, 1928.

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La fascination exercée par l’Antiquité clas-

sique durant la Renaissance, alliée à la redé-

couverte progressive des vestiges matériels

de ces cultures disparues, allait donner lieu

à une historiographie des monuments funé-

raires antiques dès le début du XVIIIe siècle.

Les eaux-fortes de Giovanni Batista Piranesi

dans Le Antichità Romane (1756) en est un

des exemples les plus précoces et les plus

frappants. Son compatriote Francesco

Bianchini l’avait toutefois déjà précédé en

1726 avec son Camera ed inscrizioni sepul-

crali, de lioberti, servi, ed ufficiali della casa

di Augusto, scopere nella Via Appia, et

illustrate con le annotazioni.

Dans nos régions, la fascination quasi ency-

clopédique des anciennes épitaphes allait

conduire, dès 1613, à la publication d’un

Monumenta Sepulcralia et inscriptiones

publicae privataeq. Ducatus Brabantiae

par Franciscus Sweertius. À partir de la

seconde moitié du XIXe siècle et à la

lumière de l’indépendance fraîchement

conquise, son exemple sera suivi dans tout

Illustration de couverture de Pax.Camposanto di Genova, s.d.

Monuments funéraires néoclassiques,néogothiques ou éclectiques, auchoix, dans Nouveau Manuel Completdu Marbrier, du Constructeur et duPropriétaire de Maisons, Manuels-Roret, Paris, s.d.

Bas de la page de droite:

Mausolée de la famille Bischoffsheimpar Louis Gonthyn, 1884, d’aprèsJ. Fonteyne, Recueil d’Architecturefunéraire, vers 1885.

Dessin de présentation d’un projet detombe de Lucien François pour laSociété granitière du Nord, Gaudier-Rembaux, Aulnoye Nord, primé parla Société centrale d’Architecture deBelgique (carte postale).

Frontispice pour la Partie I deMonuments funéraires choisis dans lescimetières de Paris et des principalesvilles de France, dessinés, gravés etpubliés par L. Normand Ainé, A. Morelet Cie, Paris, 1863.

LIVRES DE MODÈLES

le pays, fréquemment sous la forme

d’ouvrages monumentaux, richement illus-

trés. Les plus remarquables sont encore

toujours la Verzameling der Graf- en

Gedenkschriften van de Provincie

Antwerpen, par P. Genard publiée entre

1856 et 1887, et comprenant au total six

tomes et plus de 3.000 pages in-folio.

Ailleurs, les inscriptions tombales et com-

mémoratives allaient être répertoriées par

A. Van den Eynde pour Malines (1856), par

C.-F. Custis (1842-1845) et J. Gaillard

(1861-1867) pour l’arrondissement de

Bruges, par le baron L. de Herckenrode

pour la Hesbaye (1845), par J. de Saint-

Genois (1857-1881) et P. Blommaert

(1865-1866) pour la province de Flandre

orientale, par J. Monoyer et T. Bernier

pour le Hainaut (vers 1877), et par

J. Brouckaert à Termonde (1896).

Entre-temps, l’ouverture du cimetière du

Père-Lachaise en 1804, suivie par celle du

monumental Staglieno à Gênes et du

Cimitero Monumentale de Milan, avait

amorcé la diffusion de véritables livres de

modèles, regroupant les monuments funé-

raires et les mausolées les plus récents

créés par les artistes et les architectes les

plus célèbres, au profit des ateliers d’art

funéraire et de leur exigeante clientèle.

Dans son ouvrage Le Père-Lachaise ou

recueil de dessins aux traits et dans leurs

justes proportions des principaux monu-

ments de ce cimetière (1854), Quaglia fut le

premier à présenter, à côté d’une vingtaine

de planches de monuments individuels, un

plan d’ensemble visionnaire, réaliste dans

les détails seulement, qui allait toutefois

influencer profondément le développement

ultérieur de certains cimetières européens.

Louis Normand (Monuments funéraires

choisis dans les cimetières de Paris et des

principales villes de France, 1863), Jean

Boussard (Recueil des Tombeaux les plus

remarquables exécutés de nos jours et

représentés en perspective, vers 1865) et

César Daly (Architecture Funéraire

Contemporaine, 1871) sont à ce jour les

références incontournables, y compris pour

l’architecture funéraire en Belgique.

Les publications italiennes n’allaient tou-

tefois pas être en reste. L’éditeur milanais

Felice Venosta publia en 1885 un luxueux

ouvrage à reliure en velours intitulé

Il Cimitero Maggiore di Milano nei suoi

Monumenti, en format in-folio rehaussé

de 103 reproductions de photos origi-

nales, dont un exemplaire figurait dans

les collections du sculpteur de monu-

ments funéraires Ernest Salu, à Laeken. À

Milan encore, l’éditeur d’art Bestetti et

Tumminelli allait publier, à partir de 1924

environ, l’Arte Funeraria Italiana, une

série de portfolios magnifiquement impri-

més, recouverts de lin bleu et offrant une

vaste sélection de monuments funéraires

Art Déco et modernistes. Roberto Aloi

proposera la même chose en 1948, mais

en format plus réduit, dans son

Architettura funeraria Moderna.

Architettura monumentale, crematori,

cimiteri, edicole, cappelle, tombe, stele,

decorazione.

Dans notre pays, l’ouverture officielle du

cimetière de Bruxelles mena à la publica-

tion, par Jules Fonteyne, d’un Recueil

d’architecture funéraire. Spécimens de

tombeaux, chapelles funéraires, mausolées,

sarcophages, pierres tombales, croix, etc.,

édité à Bruxelles vers 1879-1889, compre-

nant, outre le plan du nouveau cimetière et

de ses édifices, un vaste choix de dessins

architecturaux de monuments funéraires

par H. Beyaert, F. Laureys,

J. Naert et bien d’autres. Le

niveau exceptionnel de cet

ouvrage ne sera plus jamais

égalé par la suite en dépit

des nombreux albums et

portfolios publiés ultérieu-

rement, généralement par des

entreprises de tailleurs de pierre,

dont Rombaux Roland, Nouvel Album

de la maison. Maison fondée en 1888 (vers

1900), L’Art Funéraire Moderne, par

Salmain et Fils, Bruxelles, s.d. (vers 1920),

ou les Sépultures Modernes aux accents

Art Déco de L. Lecocq «avec le concours de

Messieurs Georges Béer, Van Nueten et

Lucien François, architectes. »

Modèles de tombes modernistes deLucien François dans J. Lecocq,Sépultures modernes, Éditions H. Vial,Paris, (s.d.).

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militaire, de l’Institut cartographique, de plusieurs casernes avec hôpi-tal militaire et de l’Université libre de Bruxelles, expliquent la richessepeu commune du patrimoine funéraire de ce cimetière. Plus encoreque le cimetière de Bruxelles, celui d’Ixelles constitue sans doute leprolongement organique du gisement culturel, intellectuel et poli-tique qui a valu au cimetière de Laeken son surnom de « Père-Lachaise belge ». Les mausolées, souvent réalisés, à partir de 1903, dans les ateliers voisinsdes tailleurs de pierre Émile Beernaert (1875), plus tard par Gaudier-Rembaux (vers 1920) et Destrebecq Frères (vers 1947), portent lasignature des artistes les plus réputés comme Eugène Simonis,Constantin Meunier, Jules Lagae, Josuë Dupon (1864-1935),Arthur Pierre (1866-1938), Léandre Grandmoulin (1873-1957), Georges Vandevoorde, Eugène De Bremaecker(1879-1963), Géo Verbanck (1881-1962), JosephWitterwulghe, Armand Bonnetain (1883-1973), Marnixd’Haveloose (1885-1973), Jean Canneel (1889-1963), JohnCluysenaer (1899-1980), Ernest Salu (1885-1980).Réalisé par Victor Horta, le monument (1894 et 1924) élevéà la mémoire du chimiste Alfred Solvay et à ses proches– un sarcophage en granit aux magnifiques courbes Artnouveau – est un chef-d’œuvre. Peu après, le mêmeVictor Hor ta allait assurer la construction de l’hôteld’Armand Solvay le long de l’avenue Louise. Hor ta(1861-1947) y est enterré à quelques pas de PaulSaintenoy (1862-1952), architecte éclectique commeJules Brunfaut (1852-1942), qui doivent tous deux leurréputation à des édifices de style Art nouveau ; le premieraux magasins Old England rue Montagne de la Cour, lesecond à l’hôtel qu’il a construit pour le chimiste ThéoHannon à Saint-Gilles. Adrien Blomme (1878-1940), archi-tecte attitré de la famille de brasseurs Wielemans-Ceuppens, reste indissociablement lié à l’ancien cinémaMétropole, rue Neuve ; le moderniste Victor Bourgeois(1897-1962) à la Cité Moderne à Berchem-Sainte-Agathe ;Alban Chambon (1847-1928) à l’hôtel Métropole de laplace De Brouckère ; son frère Alfred au siège de la CGERrue du Fossé-aux-Loups.

Le carré d’honneur militaire avecstatue de soldat.

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Contrainte par l’épidémie de choléra de 1832 et soucieuse de trou-ver un successeur au cimetière médiéval entourant la chapelle Sainte-Croix du XIIIe siècle, la commune d’Ixelles met en service la mêmeannée un premier cimetière à l’Elsenblock, jouxtant le chemin versWatermael (à hauteur de l’actuelle rue du Bourgmestre). Rapidementtrop exigu en dépit d’une extension en 1847, il sera remplacé en1877 par le cimetière actuel à la chaussée de Boendael, un projetd’Edmond Le Graive et de Louis Coenraeds. Vaste d’environ cinqhectares, entouré d’un mur en briques long de 800 mètres et amé-nagé selon un plan rayonnant autour d’un rond-point, entièrementplanté de cyprès, il rappelle la Via Appia romaine, reflet terrestre desChamps-Élysées.L’attention est attirée, un peu plus loin, par le carré d’honneur mili-taire, gardé par de grandes statues de guerriers réalisées par CharlesSamuel, Marcel Rau, Isidore De Rudder et Jules Herbays, et précédépar le « Reposoir des Mar tyrs », un deuxième enclos circulaireentouré de monuments individuels aux allures guerrières.La population à présent prospère, attirée par le site encore idylliquede l’abbaye de la Cambre, avec ses étangs, et la présence de l’École

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Le cimetière d’Ixelles

Cimetière d’Ixelles, plan.

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pressentir sa vocation de sculpteur – tout comme Xavier Melleryd’ailleurs – qu’après une confrontation physique avec les conditionsde travail et de vie indignes au «Pays Noir ». Le Monument au Travail,érigé à titre posthume le long du canal à Laeken (à quelques pas del’atelier de Mellery) et sa maison-atelier de la rue de l’Abbaye en res-tent des témoignages poignants. La pierre tombale du grandiloquent Antoine Wier tz (1806-1865)– dont une bonne par tie de l’œuvre peinte et sculptée empreinted’un gigantisme de bon aloi vit le jour dansson atelier de la rue Vautier, mis à sa dis-position par l’État belge en échange deson héritage –, a de bien modestes allures.Qui sait encore aujourd’hui qu’un person-nage de l’envergure de Henri Consciencefut le premier conservateur de l’atelierdevenu musée ?À un jet de pierre de là, on trouvait l’ate-lier de Jean-Baptiste Van Moer (1819-1884), entre-temps sacrifié au Parlementeuropéen. En dépit d’une œuvre docu-mentaire et historique variée, il resteracélèbre surtout pour ses quinze huiles ducentre-ville au XIXe siècle, avant le voûte-ment de la Senne.Ne cherchez pas à comprendre « ÔMélancholie. Aigre château des aigles »,l’épitaphe de l’ar tiste « touche-à-tout »Marcel Broodthaers (1924-1976), ardentadmirateur du surréaliste René Magritte.Elle est aussi hermétique que les nom-breux symboles dont il s’est entouré etque l’ensemble de son œuvre d’ailleurs.Ce n’est pas sans raison qu’Édouard Grieg disait du pianiste et com-positeur Arthur De Greef (1862-1940) qu’il était un des interprètesles plus talentueux de ses œuvres pour piano. Il partage une pelouseavec son confrère polonais Joseph Wieniawski (1837-1912) et samuse de pierre en pleurs. Le violoniste et compositeur Eugène Ysaye(1858-1931), surnommé the king of the violin, immor talisé par un

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Si le cimetière du Père-Lachaise tire sa notoriété de Jim Morrisson,celui d’Ixelles n’a r ien à lui envier avec son général GeorgesBoulanger (†1891). Ce général français surnommé « La Revanche »n’abandonnera-t-il pas ses par tisans, la veille de la reconquête del’Alsace et de la Lorraine sur les Allemands, pour venir, inconsolable,se tirer une balle dans la tête, le 1er octobre 1891, au pied de latombe de Marguerite Brouzet, sa jeune maîtresse de 20 ans sacadette, morte de la tuberculose : «Ai-je bien pu vivre deux mois etdemi sans toi ? »Les belles lettres, sous toutes leurs formes, y sont abondammentreprésentées.L’archiviste de la Ville et professeur à l’ULB Guillaume Des Marez(1870-1931) a acquis une renommée immortelle avec son Guide illus-tré de Bruxelles, encore réimprimé de nos jours ; on connaît moins delui son engagement acharné pour la sauvegarde de l’abbaye de LaCambre, ou son habitation néogothique richement décorée de l’ave-nue des Klauwaerts : une préfiguration de sa conversion in extremis àla religion catholique, pour L’Universitaire (1931) « le festin des cor-beaux autour d’un cadavre » ? Léon Dommar tin, correspondant deguerre à Sedan et témoin privilégié du siège de Paris et de l’écrase-ment sanguinaire de la Commune (1871), reçut à Ixelles une rue àson pseudonyme, Jean d’Ardenne ; cette même rue où Karl Marxavait mis sur papier – au numéro 50 – le Manifeste du Parti commu-niste en 1848. Le conflit franco-allemand allait être la source d’inspira-tion des Charniers (1881) de Camille Lemonnier, une critique acerbede la guerre, de la même veine que l’ensemble de son œuvre, enga-gée à la fois sur le plan naturaliste (Un Mâle) et social (La Fin desbourgeois). Le monument funéraire à Char les De Coster (1827-1879), jadis encore rédacteur de la revue Uylenspiegel, dirigée parFélicien Rops, est reconnaissable d’emblée à son Thijl Uylenspiegel enpierre bleue, symbole de l’insurrection populaire contre les troupesespagnoles de Philippe II.Le sculpteur Félix Bouré (1831-1883) reste moins connu malgré sonimposant lion campé sur le barrage de la Gileppe (ou celui du Palaisdes Académies), tout comme Marcel Rau (1886-1966), prolifiquecréateur de monuments funéraires.Quoiqu’il ait accumulé, en tant qu’artiste peintre, une œuvre appré-ciable à caractère religieux, Constantin Meunier (1831-1905) n’allait

«Le suicide du général Boulanger.La scène reconstituée d’après desdocuments recueillis sur place par notreenvoyé spécial, M. Riou» (L’illustration,3 octobre 1891).

Stèle funéraire pour l’artiste plasticienMarcel Broodthaers.

Le monument funéraire à CharlesDe Coster, par E. de Valeriola.

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Bien que Saint-Josse-ten-Noode nedeviendrait une commune autonomequ’après 1794, la paroisse disposait déjàd’une chapelle et d’un cimetière atte-nant dès le XIVe siècle. Ce n’est qu’avec la construction del’église, à par tir de 1833, que le cime-tière doit déménager à Schaerbeek, plusloin sur la chaussée de Louvain, en facedu cimetière bruxellois du Quar tierLéopold. Le cimetière actuel de la rue Henri Chomé, toujours à Schaerbeek,est mis en service en 1879. Des galeries funéraires doubles en stylenéoclassique, reliées à l’origine par un toit en verre, sont adossées à

Plan du cimetière de Saint-Josse-ten-Noode en 1940, avec l’implantationcaractéristique du parvis, les galeriesfunéraires anciennes et nouvelles ainsique les carrés d’honneur militaires.

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bronze de Constantin Meunier, s’est distingué notamment par sesinterprétations de César Franck, Guillaume Lekeu et Claude Debussy.Professeur de violon de la reine Élisabeth, son décès sera à l’originede la création, en 1937, du concours Ysaye de violon, élargi et rebap-tisé Concours Reine Élisabeth en 1951.Au cimetière d’Ixelles, on remarque aussi quelques croix russes ; pourla plupart des biélorusses (la tombe de Nicolas Pouchkine, petit-filsde l’autre, fut hélas évacuée sans scrupules), arrivés en masse à Ixellesaprès l’éclatement de la révolution, attirés peut-être par la présenced’une église orthodoxe, par ailleurs la plus ancienne du genre dans lepays (1862). La pierre bleue traditionnelle, les granits colorés, l’éclectisme et l’Artnouveau, mais davantage encore l’Art Déco, les médaillons en pierreou en bronze et de ravissantes statues et sculptures caractérisent cecimetière d’exception où aucun visiteur ne peut rester indifférentdevant le jeune homme nu en bronze d’Eugène De Bremaecker,tenant un fil symbolisant la vie et une paire de ciseaux (concessionCaudelier), ni devant la Gilberte Amendt vêtue d’un drapage mouilléde Bacherini.

Enveloppée dans un drapage mouillé, une allégorie de la Nuit par Bacherini.

Jeune homme nu de Eugène J. De Bremaecker coupant un fil de vie.

À l’entrée des galeries funéraires, groupeen marbre blanc, «Misère», réalisé en1892 par le sculpteur Guillaume Charlier.

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Le cimetière de Saint-Josse-ten-Noode

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et-Nicolas (J.P.J. Peeters 1849). Après son décès, le Bureau deBienfaisance reçut une forte somme d’argent et une maison avec jar-din rue Ver te, destinée à l’édification d’un hospice pour vieillards,l’Hospice Névraumont (E. Vanderauwera 1857), détruit vers 1981.Le carré d’honneur réser vé aux victimes de la Grande Guerre(1925), d’après un projet de l’architecte Eugène Dhuicque, est remar-quable par son style et sa dignité : au centre, un autel massif en traver-tin sur une estrade basse ; tout autour, des murets, des haies et deslanternes des morts. La similitude frappante avec les cimetières mili-taires britanniques du Westhoek n’est pas le fruit du hasard. À lademande de l’État, Dhuicque et ses collaborateurs tentèrent, à partirde mai 1915 et pendant plus de trois ans, de sauver ce qui pouvaitencore l’être en matière de patrimoine dans une région dévastée (lafameuse «Mission Dhuicque» qui fera date).Natif de Saint-Josse où il grandit, ce fils naturel de Henry Beyaert yconçut des tombeaux pour les familles Labbé-Cesarion (1935) ainsiqu’un monument massif pour le bourgmestre Georges Petre (1874-1942), assassiné par des collaborateurs.

Le cimetière de Saint-Josse-ten-Noode.Perspective avec les carrés d’honneurmilitaires par Eugène Dhuicque,non datée.

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flanc de colline à par tir de 1890 et étendues en 1906 et 1913. En1902, l’architecte Léon Govaer ts (1860-1930) réalise encore uneentrée monumentale et des pavillons de service en style mixte néo-étrusque et Art nouveau.Aménagé sur une pente raide autour d’un noyau rectangulaire tradi-tionnel, le cimetière est précédé d’un parvis plat d’où partent diverschemins. Entre les deux s’interposent les galeries funéraires cintrées,classicisantes, appuyées sur des piliers trapézoïdaux. Une «Misère »en marbre blanc – jeune fille au chevet de sa mère décédée – deGuillaume Charlier (1892) marque l’entrée principale. Pour la tombetoute proche de son beau-frère, violoniste et vir tuose de la viole degambe, Émile Agniez (1859-1909), le sculpteur réalisa une pleureusede bronze grandeur nature, se recueillant sur la dépouille du musi-cien. Élève des frères Geefs, d’Eugène Simonis et de Charles Van derStappen, Guillaume Charlier (1854-1925) légua l’hôtel hérité deHenri Van Cutsem au 16 avenue des Arts à la commune. Sa dernièredemeure est reconnaissable à une pleureuse de pierre en pied(1927) de Pieter Braecke, avec corne d’abondance et pavots.Le monument funéraire avec buste du bourgmestre Armand Steurs(1842-1899), président-fondateur de la Compagnie intercommunaledes Eaux de l’agglomération bruxelloise, occupe une place d’honneurface à l’entrée. Une pleureuse en marbre blanc d’Isidore De Rudderest étendue face à lui. Pour la famille des joailliers Wolfers, DeRudder choisit de réaliser une femme en pied, désespérée ; l’hommede lettres francophone Eugène Van Bemmel (†1880), l’écrivain fla-mand Michiel Vander Voor t (†1867), les peintres ÉdouardAgneessens (†1885), Charles De Groux (†1870) et Jean-BaptisteMadou (†1877) ont également trouvé refuge dans ce cimetière etforment autant de témoignages du riche passé artistique de l’endroit. Originaire sans doute du cimetière de la chaussée de Louvain, lemonument funéraire de Jean-Nicolas Névraumont (1774-1849)frappe par sa forme hors du commun – un cippe avec une nicheornée d’un buste de Guillaume Geefs, couronné par un obélisque –et sa riche symbolique : deux chérubins avec couronne de laurier, destorches renversées, un sablier avec Ouroboros (serpent), des têtes demort et des urnes drapées, ainsi qu’une croix. Préoccupé par le bien-être physique et moral de ses concitoyens, ce philanthrope prospèrecontribua personnellement à la construction de l’église Saints-Jean-

Le monument funéraire éclectique deJean Nicolas Névraumont.

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‹ Mausolée de Charles Rogier (P. Hankaret I. De Rudder), inauguré au cimetièrede Saint-Josse-ten-Noode le 27 mai 1892(L’Illustration, 28 mai 1892).

Aux pieds du sarcophage, uneRenommée, debout, coiffée d’uncasque et munie d’une palme.

Charles Rogier.

Comme le voulait l’usage pour les citoyens

illustres de la ville et pour les héros de la

révolution de 1830 en particulier, la Ville

de Bruxelles avait fait réserver au cime-

tière de Laeken une concession pour

l’homme politique libéral Charles Rogier,

membre du Gouvernement provisoire et

du Congrès national en 1830, gouverneur

de la province d’Anvers, ministre des tra-

vaux publics, trois fois ministre de l’inté-

rieur, ministre des affaires étrangères et à

deux reprises premier ministre.

À son décès en 1885, ses descendants choi-

sirent toutefois de le faire inhumer dans le

tout nouveau cimetière communal de

Saint-Josse-ten-Noode, où il avait résidé

aux frais de l’État au 12 de l’avenue

Galilée. Sans doute ce choix était-il dicté

par le douloureux changement des rap-

ports de force politiques. Les élections de

1884 avaient en effet vu le triomphe des

CHARLES ROGIER (1800-1885)

catholiques au détriment des libéraux,

situation qui allait se confirmer au scrutin

communal et qui contraindrait ces der-

niers à une très longue cure d’opposition

dès les élections de 1894.

Charles Rogier devint donc persona non

grata et, alors que l’édification d’un mau-

solée digne de son rang aurait dû résulter

d’une campagne de souscription nationale,

l’initiative eut toutes les peines du monde

à démarrer.

Le concours d’idées – restreint – proclamé

au printemps 1887 par l’administration

communale de Saint-Josse-ten-Noode,

sera jugé par un jury sélectionné. Sous la

présidence du bourgmestre Armand

Steurs entouré de quelques échevins et

conseillers communaux, on y trouve les

noms des architectes Gédéon Bordiau,

Hendrickx père et son fils Ernest, des

artistes peintres Jean-François Portaels,

Ernest Slingeneyer et Alexandre Robert,

ainsi que des sculpteurs Jean-Joseph

Jacquet, Thomas Vinçotte, Jef Lambeaux et

Paul De Vigne.

Un avant-projet de l’architecte Émile

Hellemans, sous forme d’une chapelle cir-

culaire, resta sans suite pour une raison

inconnue, sans doute par l’intervention

de Henri Beyaert. Plus tard, l’architecte

Paul Hankar et le sculpteur Isidore De

Rudder présentèrent un projet totale-

ment différent : un petit temple en forme

de ciborium dont la pierre de couverture

monolithique est soutenue par de solides

colonnes doriques cannelées, reposant sur

un podium en gradins et implanté au point

culminant du cimetière. Protégé par ce

baldaquin, Charles Rogier y repose, repré-

senté sous la forme d’un gisant de marbre

blanc, la tête posée sur des feuilles de

chêne (1889). À ses pieds, près d’un pilier,

se dresse une Renommée casquée tenant à

la main un rameau (1890), allégorie de la

Belgique, la mère patrie. Une crypte,

située sous l’escalier et accessible aux visi-

teurs, abrite la tombe de pierre massive

où repose la dépouille du défunt.

La signification symbolique de ce mausolée

est manifeste. Au-delà des conflits d’ordre

linguistique, politique ou confessionnel, on

a opté ici pour un monument résolument

unioniste, une personnification de la

devise du pays « L’union fait la force », tra-

duite par un ciborium dorique archaïsant,

et non par du néogothique à coloration

catholique ni du néo-Renaissance à conno-

tation libérale !

On peut difficilement imaginer contraste

plus grand que celui entre l’architecture

rustique et l’élégant gisant, presque

éthéré ; une contradiction que Jean-Pierre

Cluysenaer et Guillaume Geefs avaient déjà

exploitée une trentaine d’années plus tôt

au cimetière de Laeken avec leur chapelle

funéraire et leur gisant pour le ministre

des finances Jacques Coghen.

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tière, et ce depuis la fermeture du cimetière juif de Saint-Gilles en1877. Reconnaissables à la symbolique ashkénaze spécifique, cesmonuments funéraires por tent des noms célèbres : Hirsch, Nias,Stern ; ce dernier bénéficiant d’une tombe Art nouveau d’après unprojet de Victor Horta.En dépit de son aménagement traditionnel, il règne dans ce cimetièreaux allures un peu sauvages une ambiance fin de siècle, liée à l’éli-tisme des Bruxellois résidant à Uccle, parmi lesquels le ministre de laJustice et fervent catholique Charles Woeste (1837-1922), l’échevinVictor Gambier (monument Ar t nouveau en granit), la famille desbrasseurs Herinckx (chapelle néogothique de G. Dhaeyer), les ban-quiers Lambert (chapelle néoclassique de Henri Maquet) et Allard(gigantesque chapelle néo-romane de Charles Ghys, 1878), les archi-tectes Paul Hankar (1859-1901, épitaphe en bronze de Paul Jaspar) etJean-Pierre Cluysenaer (1811-1880), le peintre Alphonse Asselberghs(monument en pierre bleue d’Ernest Salu) ou encore Hergé (1907-1983), le père de Tintin.Certaines œuvres d’art sont uniques, comme le monument Sermon-Van Gelder (Georges Henderickx – Marcel Rau), la chapelle funérairenéogothique Fumière (A. Serneels – C. Vandecapelle), les monu-ments Ar t nouveau pour Josse Herinckx (G. Van Keerbergen, vers1902) et Antoine Pauwels (Fernand Symons – Eugène DeBremaecker, vers 1906), le monument en grès rouge pour Dina Katz(† 1908, sculpteur Auguste Puttemans 1866-1922) ou celui pourLouis Lassen (1800-1873), président du Consistoire, rappelant lestombes de la vallée de la Cedron.Depuis la fermeture du cimetière en 1958, la nature a eu tout le loisirde reconquérir les lieux. Les anciennes variétés de roses, les horten-sias, les forsythias, les lilas, mais aussi des lichens rares, l’ail des vignes,les corydales, les jacinthes des bois et les pervenches, les érythrées,les pulicaires dysentériques et le gui ; au total plus de deux centsespèces sur moins de trois hectares ont reconverti l’endroit en jardind’Éden. Pavots et couronnes de fleurs symboliques, chauves-souris etagnelets, mains et ancres, livres ouverts ou croix, torches et colonnesbrisées, et même des grenouilles de pierre, incarnation du mal et dela femme pécheresse, posés çà et là, suspendus, parfois usés par letemps, ou envahis par la verdure, s’unissent en une magnifique apo-théose du romantisme funéraire.

Monument funéraire au président duConsistoire Louis Lassen.

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À Uccle, l’expansion démographique galopante et l’épidémie de cho-léra de 1866 conduisirent à la mise en service, dès 1887, d’un cime-tière communal au Dieweg, sur un plateau descendant vers la valléede Saint-Job et la forêt de Soignes. Quelques années plus tard, lecimetière de Saint-Job (1871) et celui autour de l’église Saint-Pierre(1876) au centre du village furent fermés. On récupéra cependant lagrille d’entrée en fer forgé de style néogothique et les deux pilierslatéraux en pierre bleue datant de 1851.Vaste d’environ 71 ares à l’origine, le cimetière présente un plan rec-tangulaire divisé en parcelles allongées. Il est marqué par un calvaireen fonte au carrefour des voies principales. En 1945, ce cimetière fut, lui aussi, fermé à toute nouvelle inhumationau profit de celui d’Uccle-Verrewinkel.On remarque d’emblée le nombre impor tant de tombes juives,concentrées dans la partie la plus éloignée et la plus basse du cime-

Le monument funéraire des banquiersLambert au cimetière d’Uccle-Dieweg,Henri Maquet (L’Émulation, 1904).

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Les cimetières d’Uccle-Dieweg et Verrewinkel

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Depuis le début du XIIIe siècle, l’ancien hameau d’Obbrusseldispose de sa propre église, dédiée à Saint-Gilles, entouréed’un cimetière situé à l’endroit de l’actuel parvis de Saint-Gilles. Fermé en 1862 pour permettre la construction d’une plusgrande église d’après un projet de Victor Besme, le champde repos déménage rue au Bois. Vaste de soixante-sept areset sans aucune distinction de confession, ce sera le premiercimetière « communal » de l’agglomération bruxelloise.En 1881, le manque de place conduit à la mise en serviced’un cimetière plus vaste à Uccle-Calevoet, le long de lachaussée d’Alsemberg. Un peu en dépit du bon sens, car lecaractère marécageux du terrain le contraint à la fermeturedès 1895 et à un nouveau transfert, cette fois vers l’actuel cimetièrede l’avenue du Silence. À l’origine vaste de douze hectares et demi, aménagé en grandescourbes radiales par l’architecte Edmond Quétin sur une pentesablonneuse orientée à l’ouest, ce cimetière offre un panoramachampêtre allant de Drogenbos aux limites urbaines d’Uccle, deForest et de Saint-Gilles avec, de l’autre côté de la vallée de la Senne,les premières maisons d’Anderlecht, d’Itterbeek et de Dilbeek. Au-dessus de l’entrée monumentale veille « Le Silence de la Tombe »,superbe et poignante sculpture en marbre blanc de Julien Dillens enstyle néo-étrusque.On y voit apparaître également, à partir de 1877, des galeries souter-raines creusées à flanc de coteau, abandonnées depuis et progressi-vement remplacées depuis 1930 par des cellules funéraires à ciel

Plan du cimetière de Saint-Gilles, avenuedu Silence à Uccle (commune de Saint-Gilles, bulletin indicatif de sépulture).

Projet de E. Quétin pour l’entréeprincipale du cimetière de Saint-Gilles.

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Le cimetière d’Uccle-Verrewinkel fut mis en service en 1945 en rem-placement de celui du Dieweg. En dépit de sa forme irrégulière, ceparc vaste de plus de douze hectares est rigoureusement divisé envingt-cinq parcelles généralement rectangulaires, comme de coutumeavec pelouse de dispersion (depuis 1971) et diverses zones pour lesanciens combattants et les victimes de guerre.« Sérénité », un buste de femme en pierre, les bras croisés sur la poi-trine, veille sur la tombe du sculpteur Paul Dubois (1859-1938), élèvedoué de J.-J. Jacquet, Eugène Simonis et Charles Vanderstappen,membre fondateur des XX. « Tout est sombre » dit l’épitaphe dumusicologue Franz De Wever (1886-1946) sous les larmes de lapleureuse nue de J. Witterwulghe, un thème étonnamment récurentdans son œuvre. Le sculpteur Léandre Grandmoulin (1873-1957),dont l’œuvre est marquée par le réalisme social et un goût affirmépour les thèmes antiques et historiques, a opté pour Perseverare et lebuste d’une jeune femme. Antoine Pompe (1873-1980), co-concep-teur des cités-jardins du Kappelleveld à Woluwe-Saint-Lambert et deLa Roue à Anderlecht représente, avec Joseph Diongre (1878-1963)– dont la Withuis à Jette et l’immeuble de l’INR à Ixelles figurentparmi les œuvres les plus célèbres – les plus beaux jours de l’archi-

tecture Art Déco et du début du moder-nisme. David (1909-1955) et Alice VanBuuren-Piette (1887-1973) ont lié leurnom à la superbe villa Art Déco (1928) del’avenue Léo Errera et la collection d’art deplus de quatre-vingts pièces, pour la plu-par t des tableaux expressionnistes et desœuvres de Gustave Van de Woestijne(1881-1947). Auguste Vermeylen (1872-1945) enfin, premier recteur de la VlaamseRijksuniversiteit de Gand, co-fondateur deVan Nu en Straks , auteur, cr itique d’ar tapprécié et guide spirituel du mouvementflamand.

Sur la concession du sculpteur PaulDubois (1859-1938) figure une de sesœuvres, « Sérénité».

Une pleurante, nue et assise, exprime sondésespoir devant la fatalité de la mort.

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Le cimetière de Saint-Gilles

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Ar t nouveau fut réalisé, à la demande de la SCAB, par FernandSymons (1869-1942), échevin d’Ixelles.À quelques pas de là trône le monument à Julien Dillens, un projetoriginal d’Eugène Dhuicque. Des décorations funéraires plus simplesornent la dernière demeure du sculpteur Jef Lambeaux (1852-1908)dont « La folle chanson » (Bruxelles 1884), la fontaine « Brabo »(Anvers 1887) et les « Passions humaines » (Bruxelles 1899) ontexalté toutes les imaginations. Ailleurs, on trouve les artistes peintresLéopold Speeckaer t (avec médaillon-portrait, couronne de laurier,rameau et nature morte avec palettes, pinceaux, boîte et tabouret depeintre), le peintre d’histoire et directeur de l’Académie de Saint-Gilles André Hennebicq (avec colonne néogothique), ou encoreFranz et son fils surimpressionniste Jean-Jacques Gaillard (1896 ?-1976) avec, en guise de décoration funéraire, une chaise en bronzesur laquelle sont inscrits les mots « jrcommence».Maurice Van Ysendyck créa, pour le général Alber t Maes (1859-1915), aide de camp du roi, commandant de la ceinture des for tsanversois, une robuste chapelle funéraire néo-romane (1917) àl’occasion du décès de sa fille de vingt ans, Suzanne. Son épouse mitdes terrains à disposition et contribua au financement de la construc-tion de l’église Sainte-Suzanne à Schaerbeek, la première églisebruxelloise en béton (1925-1928) d’après un projet de Jean Combaz.

Chaise abstraite pourl’artiste peintre Jean-Jacques Gaillard.

Monument « agit-prop»pour Joseph Jacquemotte,fondateur du Particommuniste belge.

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ouver t. En 1932, suite au vote de la loi sur la crémation des corps,Lucien De Vestel (1902-1967) construira le premier crématorium dupays en bordure du cimetière.Comparable par son implantation sur une pente à celui de Saint-Josse-ten-Noode, mais bien plus à celui d’Ixelles par les hôtes qu’ilabrite, le cimetière de Saint-Gilles offre un florilège de la vie politique,culturelle et artistique de la commune à l’entame du XXe siècle. Les bourgmestres Jean Toussaint Fonsny, Maurice Van Meenen etGéo Bernier y partagent la compagnie de Valère Dumortier (1848-1903), architecte en chef de la province du Brabant – qualité enlaquelle il dirigea la restauration du château des Comtes à Gand et laTour Anneessens à Bruxelles –, fondateur et président, pendant vingt-quatre ans, de la Société centrale d’Architecture de Belgique et édi-teur, depuis 1874, de L’Émulation. Son monument funéraire en style

Monument funéraire pour le président de la SCAB, Valère Dumortier ; un projetde l’architecte Fernand Symons(L’Émulation, 1904).

Modèle en plâtre grandeur nature du«Silence de la Tombe» de Julien Dillens,1894-1896.

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Monument funéraireau sculpteur JulienDillens, d’après unprojet de l’architecteEugène Dhuicque,exécuté par lesculpteur G. Dillens,avec buste par JulesLagae et « enfantdormant» de JulienDillens (L’Émulation,1912).

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Joseph Jacquemotte (Bruxelles 1883 – train Liège/Bruxelles 1936),fondateur du quotidien Le Drapeau rouge (1920) et du Parti commu-niste belge (1921) est commémoré par une étoile métallique à cinqbranches, un monument constructiviste « agit-prop », par Dolf Ledel(1893-1976), apparenté au Monumento ai morti nei Campi diGermania (Richard Rogers e.a, vers 1948) au Cimitero Monumentalede Milan.Une statue de mère en bronze (vers 1903) d’Eugène Canneel (1882-1966) orne le monument de la famille Smits-Mullier, jadis propriétaired’une manufacture de soie rue de l’Hôtel des Monnaies : « À unemère. L’amour et le travail partagèrent sa vie. Son cœur fut simple etbon, généreux et charmant. Elle dort, non, hélas ! Elle nous est ravie etses enfants en pleurs l’appellent vainement. » Une haute stèle aveccouronne de fleurs et outils d’orfèvre qu’une femme en bronze tentedésespérément de saisir (Hippolyte Le Roy 1909) marque la dernièredemeure de la famille Wiskemann. Ailleurs, on distingue une statuede femme de Paul Dubois, joliment drapée, allongée sur la pierretombale de la famille Fourneaux, la tête enfouie dans les bras, repo-sant sur une couronne de fleurs écrasée.

L’entreprise E. Beernaert d’Ixelles aréalisé ce monument d’après un projetde l’architecte P. Picquet, avec unepleureuse dénudée de Paul Dubois,coulée par la Cie des Bronzes deMolenbeek.

À une Mère. Belle statue de mère enbronze d’Eugène Canneel.

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JULIEN DILLENS (1849-1904)

Fils du peintre de genre Henri Dillens, Julien Dillens voit le

jour à Anvers le 8 juin 1849. Après avoir déménagé à

Bruxelles en 1858 et effectué ses études à l’athénée, il s’ins-

crit à l’âge de douze ans comme futur mécanicien aux cours du

soir de l’Académie des Beaux-Arts où il suivra, jusqu’en 1867,

les cours du peintre Joseph Stallaert et du sculpteur Eugène

Simonis, avec lequel il suit une formation complémentaire de

modelage jusqu’en 1874. Il obtient une commande provisoire

auprès du sculpteur français Ernest Carrier-Belleuse en exil :

une série de sculptures décoratives pour la Bourse de

Bruxelles où il fait d’ailleurs la connaissance d’Auguste Rodin.

Dillens attire pour la première fois l’attention sur lui en 1875

avec « Énigme», un nu non conventionnel assis sur le sol, taxé

de vulgaire par les critiques.

Lauréat du Prix de Rome en 1877, il peut donner libre cours à

sa créativité en Italie pendant quatre années. Sa « Figure tom-

bale » en cire au Salon de l’Essor de 1885 lui vaut ses pre-

mières commandes : des statues pour la Maison du Roi (1886)

et l’Hôtel de Ville (1885-1888), divers bustes, des fontaines,

et le monument commémoratif à ’t Serclaes près de la Grand-

Place, mais aussi un «Génie de la Mort » pour Alphonse Moselli

(Laeken, vers 1896) et le « Silence de la Tombe» (1894-1896)

pour le cimetière de Saint-Gilles. Ces œuvres illustrent son

surnom de « Poète du Triste ». Après une première tentative

avortée en 1882, il est nommé professeur de sculpture selon

le modèle antique de l’Académie des Beaux-Arts en 1898. Il

meurt dans son atelier à Saint-Gilles, le 24 décembre 1904, à

l’âge de cinquante-quatre ans.

Quatre ans plus tard, sa dernière demeure sera parée d’un

monument commémoratif séduisant, œuvre d’Eugène

Dhuicque. Il se présente sous la forme d’un joli portique classi-

cisant en pierre d’Euville blanche, avec colonnes corinthiennes

et un entablement sur lequel figure simplement : « JULIAAN

DILLENS 1849-1904 ». Un buste-portrait en marbre blanc de

Dillens par Jules Lagae, son élève et protégé, trônait au

centre, monté sur un socle gracieux. À ses pieds était assis un

garçonnet replet assoupi, la tête posée sur une urne, peut-

être une statue de Dillens lui-même.

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On épinglera en particulier le monument funéraire en pierre bleue– une combinaison de cippe et d’obélisque – à la mémoire deLéopold Wiener (Venlo 1823 – Bruxelles 1891) et de son épouseSarah Newton, ancien membre du conseil provincial et bourgmestrede la commune (1872-1890), moins connu quoique plus méritant entant qu’artiste. Éduqué chez son frère Jacob, il déménage à Bruxellesen 1840, où il suit des cours à l’Académie royale auprès de GuillaumeGeefs, pour se perfectionner par la suite chez David d’Angers àl’École des Beaux-Arts de Paris. Chargé, à partir de 1847, de la gra-vure des monnaies belges et nommé Graveur principal en 1865, il anotamment réalisé les médailles commémoratives de l’inaugurationde la colonne du Congrès (1859) et de la pose de la première pierrede l’église de Laeken (1854), ou encore à l’effigie de Charles Rogieret de Louise-Marie d’Orléans. En tant que sculpteur, il s’illustre enréalisant les cariatides de l’hôtel du gouverneur de la Banque natio-nale, rue du Bois sauvage à Bruxelles. Du même genre, mais situé plus près de l’entrée, on trouve le monu-ment classicisant en hommage à E. H. De Belder «Ordinatus in WaverSae Catharinae die 26 Oct. MDCCCXXXVI » (1836), curé de Boitsfor tpendant 32 ans, et celui, richement orné de symboles, de la familleDepaire. Un sarcophage cruciforme néogothique, d’après un projet de l’archi-tecte-restaurateur Eugène Viollet-le-Duc, marque la dernièredemeure du politicien catholique Auguste Beernaert (Ostende 1829-Lucerne 1912), de son épouse Mathilde Morel (†1922) et de sa sœurEuphrasine Beernaert (1831-1901).Après des études de droit à Louvain, à Paris, à Berlin et à Heidelberg,il s’établit comme avocat à Bruxelles en 1853. Il fut élu député pourl’arrondissement de Tielt en 1874 et occupa successivement les fonc-tions de ministre des travaux publics dans le cabinet catholique DeTheux-Malou (1873-1878) et de ministre de l’agriculture, de l’indus-trie et des travaux publics dans le gouvernement catholique de tran-sition Malou-Jacobs-Woeste (1884). Il s’y employa notamment àstimuler le développement du réseau ferroviaire et des por tsd’Anvers, de Gand et d’Ostende et fit construire le barrage de laGileppe en vue de l’approvisionnement en énergie de la région textilede Verviers. Pendant la guerre scolaire, sous le gouvernement libéralradical Frère-Orban (1878-1884), il fut une des figures emblématiques

Monument funéraire au sculpteur-médailleur et bourgmestre de BoitsfortLéopold Wiener.

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D’une superficie initiale de 7,44 ares à peine et aménagé en 1875 enremplacement du cimetière paroissial autour de l’église romaneSaint-Clément à Watermael et de l’ancien cimetière de Boitsfort aucarrefour de la drève des Ducs et de l’avenue Georges Benoidt(après 1799), l’actuel cimetière de Watermael-Boitsfort de la rue duBuis se caractérise par sa situation pittoresque, sur une pente douceen bordure de la forêt de Soignes, une référence manifeste auxChamps-Élysées, où la galerie funéraire ouverte d’un blanc immaculédatant de 1920 en style néogothique grec – rappelant la Stoad’Athènes – joue un rôle déterminant. Encore toujours ceint en grande partie d’un mur, son entrée est flan-quée de deux pavillons de service aux allures classicisantes. Quelquestombes remarquables y témoignent du caractère résidentiel, privilégiéde la commune.Galeries funéraires de Watermael-

Boitsfort, en style néo-grec.

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Le cimetière de Watermael-Boitsfort

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«Monsieur Constantin Héger, Ancien Préfetdes Études à l’Athénée de Bruxelles, 1809-1896 » n’est autre que le directeur duPensionnat Héger de la rue Isabelle àBruxelles, où Charlotte Brontë (Jane Eyre,1847) et sa sœur Emily (Les Hauts deHurlevent, 1847) étaient venues parfaire leurfrançais en 1842-1843. Charlotte n’évoque-t-elle pas dans Villette (1847 ?), qui a Bruxellespour cadre, l’amour impossible pour sonbeau professeur Constantin, hélas marié etfidèle à ses obligations conjugales ?Et que dire de la couronne commémorativeen bronze « Souvenir offert par les amis desbains St. Sauveur à Mr Eugène-PhilippeAckerman. 1890-1925» : hommage à l’exploi-tant des premiers bains bruxellois (vers 1818) ou rappel d’un drame ? Pas de monument grandiose, en revanche, pour le chirurgien AntoineDepage (Boitsfort 1862-La Haye 1925), qui inaugura le premier insti-tut chirurgical privé à Bruxelles en 1889. Chef du département chi-rurgical de l’hôpital Saint-Pierre , professeur à l’ULB, médecinpersonnel du roi Léopold II et président de la Croix-Rouge deBelgique, il a joué un rôle prépondérant dans l’organisation des ser-vices d’hygiène au cours de la Première Guerre mondiale. C’est sur-tout son Hôpital de L’Océan, situé dans l’hôtel du même nom à LaPanne qui lui valut sa renommée, en dépit des règles strictes envigueur à moins de dix kilomètres du front, mais avec l’appui de lareine Élisabeth. Son épouse Marie Picard (Bruxelles 1872 - Irlande1915, treize milles marins au large de Queenstown), une des petites-filles de Constantin Héger, trouva la mort à son retour d’une tournéede collecte de fonds aux États-Unis, dans le torpillage du Lusitania.Après quelques recherches, le monument aux mor ts de la guerre 14-18 nous révèle le nom du peintre et sculpteur Rik Wouters(1882-Amsterdam 1916), qui vivait ici dans une misère noire, encompagnie de sa jeune épouse et modèle Nel, dans sa modeste mai-son du Coin du Balais (rue des Taillis 48, plus tard place de laCitadelle 6) avant de succomber, presque entièrement aveugle, à uncancer.

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de l’opposition catholique, qu’il transforma peu à peu en un par ticonfessionnel, dont il fut le premier président en 1884. De 1884 à1894, en tant que chef de gouvernement, il fut à l’origine d’une pre-mière législation sociale – comprenant notamment une interdictionpour les enfants de travailler dans les mines – et d’une première révi-sion de la Constitution avec l’instauration de l’obligation de vote etdu suffrage universel. Grâce à son soutien – « Si le Congo existe, c’estgrâce à vous » –, le roi Léopold II devint, en 1885, souverain de l’Étatindépendant du Congo. Le rejet par la Chambre de son projet de loisur la représentation proportionnelle en 1894 conduisit à sa démis-sion. Ses interventions autorisées aux Conférences internationalespour la Paix à La Haye en 1899 et en 1907 et, en par ticulier, sonengagement pour la limitation de l’armement et l’interdiction de laguerre à partir des airs lui vaudront le Prix Nobel de la Paix en 1909.Sa jeune sœur Euphrasine fit une assez belle carrière de peintre pay-sagiste, mais fut active surtout aux Pays-Bas et en Norvège.Un rocher grossièrement taillé portant un médaillon de bronze parJules Lagae rappelle la mémoire du juriste Adolphe Maton (1839-1895), deuxième occupant du château Charle-Alber t, fondateurd’une Revue pratique du notariat belge en 1875 et d’une école libre dela pratique notariale à Bruxelles, mais également d’une premièrechaire de droit notarial à l’Université catholique de Louvain.Plus loin, une tombe semblable, celle de l’architecte-décorateurGeorges Hobé (1854-1936) « Fils d’un entrepreneur, il débuta dansl’ameublement (...), ne sortit d’aucune école, n’appartint jamais à uneacadémie et se désigna modestement de simple bâtisseur. » Bien qu’ilait réalisé de nombreuses habitations en région bruxelloise, il est sur-tout connu pour sa participation à l’Exposition coloniale de 1897 àTervueren, son casino de Namur (vers 1907), ses nombreux cottages– parmi lesquels son propre Kikhill – et pour le développement de lacité balnéaire de La Panne à partir de 1892.Un portique sobre avec haie de taxus dans un recoin du cimetièrerappelle Adolphe Stoclet (1871-1949). Ingénieur, directeur de laSociété générale de Belgique, président de la Compagnie internatio-nale des Chemins de Fer, mécène et collectionneur d’art, il passe à lapostérité en tant que maître de l’ouvrage du palais qui por te sonnom à l’avenue de Tervueren (1905-1911), un chef-d’œuvre del’architecte Josef Hoffman (1870-1956) et de ses Ateliers viennois.

Monument funéraire inspiré d’un projetde E. Viollet-le-Duc, exécuté pour lepoliticien et Prix Nobel de la PaixAuguste Beernaert.

Les bains Saint-Sauveur à Bruxelles,avant 1910.

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peintre et conservateur des Musées royaux des Beaux-Arts. Hommepolyvalent, mais sur tout poète et défenseur de la cause flamande,Emanuel Hiel (1834-1899) – « Vlaanderen was voor hem de wereld» –y représente la littérature. Le sculpteur César Bataille est présent parplusieurs statues en bronze. Ici repose également Thomas Vinçotte(1850-1925) dont la statue équestre du roi Léopold II décore laplace du Trône et qui est aussi l’auteur, avec Jules Lagae (1862-1931),du quadrige ornant le sommet des arcades du Cinquantenaire.L’architecte Gustave Saintenoy (1832-1892), auteur du palais duComte de Flandre à la place Royale et de la gare du quartier Léopoldà Bruxelles, repose avec sa famille sous une pierre bleue. Le peintreRené Magritte (1898-1967) et son épouse, à peine reconnaissables àleur tombe en granit d’une sobriété surréaliste, referment le cortègedes célébrités.

Le monument «Aan onze voor hetVaderland gestorven medeburgers - À nosconcitoyens morts pour la Patrie», parMathieu Desmaré.

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Dans la commune champêtre de Schaerbeek, le cimetière autour del’église Saint-Servais du XIIIe siècle, à hauteur des actuelles rues de laRuche et Josaphat, resta en activité jusqu’en janvier 1868. L’église pro-prement dite fut détruite en 1905, alors qu’elle avait déjà été rempla-cée par une nouvelle construction d’après un projet de Tilman-François Suys en 1842. En dépit d’une vive opposition de la fabriqued’église, la commune ordonna l’aménagement d’un nouveau cime-tière à Helmet, le long de la chaussée de Haecht, initialement d’unesuperficie de six hectares portée ensuite à huit par plusieurs exten-sions successives. Un terrain de vingt-neuf hectares, situé sur le terri-toire des communes d’Evere et de Woluwe-Saint-Étienne, allait êtreacquis à partir de 1929 pour l’aménagement d’un troisième cimetièrequi, en raison de diverses circonstances, ne sera mis en service qu’en1955. Quinze ans plus tard, l’ancien cimetière fut abandonné etd’emblée remplacé, malgré de violentes protestations, par un nou-veau site. L’actuel cimetière de l’avenue Jules Bordet, sans doute réalisé d’aprèsun projet de Victor Cornelissen, montre un plan presque triangulairedivisé en parcelles et parcouru par une allée principale par tant del’entrée. Une femme en pierre (signée N. E.) montre l’endroit où ontété transférés les restes de Gabrielle Petit. Le carré d’honneur à lamémoire des victimes des deux guerres mondiales est marqué par undemi-cercle en pierre de taille avec un groupe de statues par MathieuDesmaré ; une grande Pietà civile flanquée de pleureuses drapées.Les tombeaux avec sculptures et les grands monuments provenantde l’ancien cimetière sont regroupés sur trois parcelles. L’ancientailleur de pierre, président du Parti ouvrier de Belgique et ministred’État Louis Bertrand (1856-1934) s’y trouve en compagnie du doc-teur en droit et ministre d’État catholique Henri Jaspar (1870-1938).L’aquarelliste Henri Staquet (1838-1906), un élève de HippolyteBoulenger et de l’École de Tervueren, a été immor talisé sur sonmonument par des vaguelettes de bronze de Godefroid Devreese(1861-1941), tout comme Antoine Van Hammee (1838-1903),

Gabrielle Petit. La jeune femme estreprésentée un genou à terre, portantune main sur la poitrine et levant l’autreen signe de soumission au sacrifice, maisaussi d’espoir et d’élan vers une victoire.

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Le cimetière de Schaerbeek

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Collection Bruxelles, Ville d’Art et d’Histoire

Faire découvrir les multiples joyaux du patri-

moine de Bruxelles, tel est l’objectif de la col-

lection Bruxelles, Ville d’Art et d’Histoire.

Anecdotes, documents inédits, illustrations

anciennes, histoires, considérations urbanis-

tiques, architecturales et artistiques, autant de

facettes qui exciteront la curiosité du lecteur-

promeneur.

C ime t i è r e s e t n é c r opo l e sb r u x e l l o i s

Parce qu’ils sont les témoins des convictions phi-

losophiques et religieuses, du statut social et des

divers courants artistiques, les cimetières incar-

nent un patrimoine qu’il convient de préserver.

Pour des raisons de saturation et de salubrité

publique, l’édit de 1784 de l’empereur Joseph II

interdit l’inhumation intra muros ; de nouveaux

champs de repos furent donc créés dans les com-

munes au-delà de la deuxième enceinte. Durant

la seconde moitié du XIXe siècle fleurirent, à

l’image du Père-Lachaise à Paris, des cimetières

comme ceux de Laeken et d’Ixelles, richement

dotés de monuments fastueux à la gloire des

citoyens les plus illustres.

Emir Kir,

Secrétaire d’État

chargé des Monuments et des Sites