chronique fouesnantaise 2012-2013

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Le rendez-vous du samedi de Jean-Yves Le Dréau Chronique fouesnantaise 2012-2013

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Le rendez-vous du samedi de Jean-Yves Le Dréau

Professeur de Français de formation,

Jean-Yves Le Dréau a couvert l’actualité

du Pays Fouesnantais pour Ouest France

durant 20 ans (1981-2001). Depuis 2008,

il fait partie de la cellule communication

de la ville de Fouesnant. Il consacre

une chronique hebdomadaire à la vie

fouesnantaise (“Le rendez-vous du samedi”)

sur le site internet de la commune.

En outre, Jean-Yves Le Dréau collabore

à Fouesnant Magazine. Il y rédige

les cahiers spéciaux, les portraits,

les interviews ainsi que les sujets concernant

l’histoire et le patrimoine de Fouesnant.

Imprimé par un imprimeur Imprim’Vert sur papier recyclé.

Flashez ce tag avec l’application gratuite mobiletag de votre smartphone pour accéder aux rendez-vous de Jean-Yves Le Dréau depuis votre mobile.

Le rendez-vous du samedi de Jean-Yves Le Dréau

Chronique fouesnantaise

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Édito

Cher lecteur,

C’est avec grand plaisir et fierté que je vous présente la cinquième édition

de “Chronique fouesnantaise”. Depuis mars 2008, chaque samedi est l’occasion

pour Jean-Yves Le Dréau de conter et commenter, à sa manière, la vie fouesnantaise.

Ce dernier recueil rassemble tous les billets écrits entre avril 2012 et mars 2013.

Vous êtes de plus en plus nombreux à attendre, chaque semaine, son billet d’humeur.

Sans aucun doute, sa plume non aseptisée, sa sincérité et son humour vous ont séduits.

Politique locale, vie associative, manifestations fouesnantaises… Son expérience

et sa connaissance de la commune lui permettent de porter un regard distancié

sur l’actualité. Pour vous, lecteur, ce billet est une autre façon de s’informer.

Différent des canaux traditionnels, il vous donne une autre vision de l’actualité.

Plus de 750 abonnés reçoivent chaque semaine le billet du samedi.

Merci à tous de votre fidélité.

Je vous souhaite une bonne lecture,

Roger Le Goff

Maire de Fouesnant-les Glénan

Si vous souhaitez recevoir le billet du samedi par mail,

contactez la mairie : [email protected]

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Jeux de Pâques 14 avril 2012

Même s’il est conseillé de ne jamais perdre de vue la route quand on conduit, il est parfois des affiches qui attirent fugitivement mais irrésistiblement le regard sur le bas-côté des voies fouesnantaises. Ainsi, il est de coutume désormais de découvrir des bouquets de citations et de vers au bord des talus lorsque fleurit le printemps des poètes. Et l’été dernier, ils étaient nombreux les estivants que l’accumulation des phrases cultes de grands films au centre d’un rond-point rendait perplexes. L’effet jubilatoire et l’impact du “visuel” qui atteint ainsi sa cible est immédiat. En une sorte de jeu de l’oie, l’automobiliste peut même se laisser entraîner hors de son parcours habituel afin de reconstituer le puzzle. Pour ces vacances de Pâques, les usagers du réseau routier ont l’occasion de s’en aller à la chasse aux petites annonces. Afin de lancer sa campagne de promotion, le Conservatoire de la musique et de la danse qui ouvrira ses portes à la rentrée prochaine vient, en effet, de semer une douzaine d’affiches aux quatre coins de la commune. L’objectif avoué par les responsables de ce florilège décalé qui savent que pour emporter l’adhésion, il faut susciter l’intérêt, est double : décliner l’ensemble des activités que proposera la nouvelle structure et dépoussiérer l’image d’un “Conservatoire” connotant un univers figé de pointes et de tutus où l’on répète ses gammes ad nauseam. Les créatifs culturels de l’Archipel s’en sont donc donné à c(h)oeur joie et se sont livrés à toutes les variations sur la partition de l’humour où le paradoxe côtoie le lapsus et où l’allitération annonce le jeu de mots. Morceaux choisis. Steven, 9 ans “Bon, ben…Bombarde alors” ; Nina, 6 ans “Petit rat ? D’opéra” ; Manon, 12 ans “Rêve de balai, ballet” ; Clara, 17 ans “Chante faux. C’est vrai” ; Gwladys, 36 ans “La harpe, c’est dans mes cordes” ; Amélie, 8 ans “Plus d’incisives. Flûte alors !”. Sur le ton de la plaisanterie, le message passe. Le Conservatoire est ouvert à tous et chacun pourra trouver chausson à son pied ou accorder son instrument sur ses gammes de prédilection.

Il y a une vingtaine d’années, au mois de décembre 1989, une nouvelle association voyait le jour dans le Pays Fouesnantais. “Dasson” (résonnance en langue bretonne) entendait déjà promouvoir la musique en fédérant les musiciens de l’ensemble du canton. L’association prit d’ailleurs comme emblème la harpe avec ses sept cordes comme les sept communes du Pays Fouesnantais. Son objectif, au début limité, était de pouvoir organiser une Fête de la musique digne de ce nom. Mais, peu à peu, sous l’impulsion de son président, Raymond Pérès, à l’époque “talabarder” (sonneur de bombarde) de renom et aujourd’hui maire de La Forêt-Fouesnant, l’idée vint de créer une école de musique intercommunale. Des enquêtes furent même menées dans les écoles et des sondages évaluèrent le nombre d’enfants intéressés. Bien que “Dasson” animât encore, de manière sporadique, les festivités jusqu’en 1995, les élus des sept communes ne donnèrent pas suite à cette intéressante initiative. Aujourd’hui, Fouesnant reprend donc le flambeau, s’installe au pupitre et entend donner une dimension communautaire au futur Conservatoire. Tout comme 20 ans auparavant, le Pays Fouesnantais paraît, d’évidence, constituer le territoire pertinent pour que cette démarche ambitieuse, tant au niveau de la pédagogie, de la culture que des potentialités touristiques qu’elle laisse entrevoir (représentations, concerts, animations des communes), aboutisse, cette fois. Il est donc impératif que, au sein de la Communauté de communes, tout le monde accorde ses violons et se mette à l’unisson. A propos, pourquoi ne pas avoir imaginé une campagne d’affichage sur les sept communes afin de sensibiliser l’ensemble des personnes concernées ? Il se dit qu’on éprouve des difficultés à être au diapason de ses voisins pour concevoir des supports identiques. Encore une histoire d’harmonies municipales, sans doute.

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Les beaux monstres 21 avril 2012

Voulez-vous un excellent antidote à la grisaille qui semble s’être installée au cœur de notre printemps après que la météo nous eut mit l’eau à la bouche pour célébrer la fin de l’hiver ? Il faut vous porter aux ateliers qui abritent les services techniques de la ville et vous glisser dans l’univers coloré de Jean-Pierre Gadiollet, le responsable des espaces verts fouesnantais. C’est lui et son équipe qui gomment nos bleus à l’âme et apaisent nos mélancolies en installant de longues traînées multicolores pour baliser notre chemin. Il faut l’écouter parler des travaux ingrats de l’automne (32 000 plants) qui favoriseront la floraison des grandes bandes de narcisses et l’épanouissement des massifs de tulipes durant des intervalles printaniers chichement mesurés. La beauté de l’éphémère. Déjà les fleurs les plus fragiles se sont inclinées sous les premières bourrasques. Bientôt, quand les saints de glace, en s’éloignant, auront conjuré les périls des dernières gelées, s’étendront les parterres de zinnias, de bégonias, de roses d’Inde, de verveines, de sauges… Mais, pour l’heure, Jean-Pierre Gadiollet guette les derniers éclats de ces “beaux monstres” qu’il affectionne, ces fantaisies aux violets veinés de blanc qui défient la nature et signent les caprices des botanistes. Il s’évade dans une longue digression sur les “cultivars” voulus par l’homme et s’agace qu’on les confonde avec les variétés dues à des mutations naturelles. Le “meilleur jardinier de Bretagne” qui, avec les services municipaux, a permis à Fouesnant d’entrer dans la cour des grandes villes fleuries avec ses “quatre fleurs” évoque les 310 espèces qu’il a choisies. Cet été, elles embelliront la station même si l’on doit se désoler, déjà, du vandalisme au quotidien (175 plants volés sur 480 dans un parterre près de Rozambars). Il n’y a pas que les jeunes qui cassent. Une bêtise à pleurer. D’ailleurs, à l’extérieur, les rafales de pluie redoublent.

Mais aux “Espaces verts” de la ville, on sait bien que c’est sur les ronds-points que les observateurs leur ont donné rendez-vous. Une quinzaine de giratoires (sur les 29 que compte la commune) serviront à nouveau de terrains de jeu aux artistes-jardiniers fouesnantais. Des supports décoratifs et ornementaux devenus incontournables (au sens figuré) depuis que Jean-Pierre Gadiollet s’en est emparé pour décliner les thématiques de l’année. Une idée qui a fait son chemin. Du côté de Quimper, par exemple. Avec Michel Méron, Fouesnant possède sans doute un des seuls peintres de motifs de la région. Cet hiver, il s’est confronté aux personnages de Picasso qui remplaceront les créatures pulpeuses de Gauguin pour animer la petite chaumière du rond-point de l’Odet. A proximité, les “Géants” auront quitté leurs rayures pour revêtir leurs habits de noces. Des enfants d’honneur les accompagneront. Quant aux tonneaux qui avaient suscité une belle polémique dans le passé, ils regagneront l’ombre des entrepôts municipaux. Pour mieux resurgir plus tard ? Sans doute, cèderont-ils l’espace à des barriques car, à Fouesnant, on n’a pas oublié qu’on fêtera, cette année, le centenaire de la Fête des Pommiers. L’arbre-emblème de la ville trônera, donc, en majesté, avec de grands fruits bigarrés à ses pieds, accueillant les visiteurs, à Kerambras, au carrefour des plages de l’été. Et puis, il y aura le catamaran qui rappellera que Fouesnant possède l’un des tout premiers centres nautiques de Bretagne, les origamis qui déclineront une flotte de petits bateaux, les grands papillons de Bréhoulou. Jean-Pierre Gadiollet ne veut pas baisser la garde. Il n’ignore pas qu’il est jugé sur pièce et que, l’an prochain, le jury se réunira, comme tous les trois ans, pour voir si la commune mérite toujours son classement. Le jardinier-chef fouesnantais est bien conscient qu’à l’heure du jugement, on ne lui fera aucune fleur.

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Invitation au voyage 28 avril 2012

Vendredi dernier, au siège de la Communauté de communes, le Pays Fouesnantais s’est enfin pris par la main. Les maires, les responsables des offices de tourisme et quelques professionnels associés à l’opération se sont, en effet, retrouvés pour découvrir un document publié par Dimanche Ouest-France et entièrement consacré au tourisme en Pays Fouesnantais. Une première pour la structure intercommunale et pour l’organe de presse qui concrétise la volonté de plus en plus affichée par la Communauté d’adopter une stratégie de séduction commune. Les temps semblent donc révolus où chacun, à l’abri de son clocher, tentait de vendre ses charmes en ignorant superbement ceux de son voisin le plus proche. Aujourd’hui, le Pays Fouesnantais, sous l’impulsion du président de la CCPF, Roger Le Goff, et des maires des communes littorales, entend jouer la complémentarité et donner consistance à la première destination touristique du département. Pour cela, la Communauté a choisi d’innover en s’associant au premier quotidien de France. La démarche n’est évidemment pas innocente et commence à faire des envieux dans l’univers des stations de tourisme réputées du Grand Ouest. La puissance de frappe de Dimanche Ouest-France est, en effet, indéniable et, le week-end dernier, ce sont 350 000 exemplaires du supplément “Le Pays Fouesnantais. La perle du Finistère” qui ont été distribués dans les douze départements (trois régions administratives) que couvre le quotidien. Soit un potentiel de 1 300 000 lecteurs qui, pour la plupart, découvriront l’existence d’une destination rêvée à leurs portes. Alors que le prix de l’essence flambe et que le pouvoir d’achat végète, le Pays Fouesnantais est plus que jamais décidé à jouer la carte du tourisme de proximité et le vecteur choisi pour la promotion du territoire paraît donc particulièrement pertinent.

Tout logiquement, cette invitation au voyage en pays proche est un hymne à la beauté et à la richesse de notre patrimoine naturel commun, symbolisé par une superbe vue aérienne de l’archipel des Glénan aux couleurs de lagon. “Tahiti en Bretagne”, criques de rêve à Beg-Meil, longue étendue de sable blanc à Bénodet, somptueuse lagune de la Mer Blanche, vue panoramique de l’embouchure de l’Odet se mariant à l’Océan : “l’atout mer” est incontestablement mis en avant même si l’on n’ignore pas les échappées belles pour des randonnées vertes du côté de Pleuven ou Saint-Évarzec (malheureusement orthographiée Saint-Évrazec). La volonté de promouvoir la diversité et la complémentarité des atouts du territoire plus que leur positionnement géographique est clairement affirmée tout au long des seize pages du magazine : centre nautique du Cap-Coz, casino, thalasso, cinéma, musée de Bénodet, golfs de Clohars-Fouesnant et de La Forêt-Fouesnant, marina de Port-La-Forêt, balades en bateaux sur “la plus belle rivière de France”. Une touche glamour avec Audrey Tautou et Michel Desjoyeaux, un clin d’œil bling-bling aux planches de la plage du Trez, le “Saint-Tropez” breton et le tour est joué. Aux prochaines vacances, les visiteurs hésitants ne peuvent que fondre comme les frontières entre les différentes stations de notre littoral. Les autres communes ? Elles devraient en ressentir les effets positifs puisque l’économie touristique impacte l’ensemble des activités commerciales et industrielles de la région. Alors, un coup de maître pour un coup d’essai ? On ne va pas tarder à le savoir. Ce n’est pas, en effet, un hasard si cette opération “coup de charme” a été programmée alors que se profilent les longs week-ends du mois de mai. Quatre occasions données à des milliers de vacanciers de venir goûter aux attraits du Pays Fouesnantais et d’éprouver l’envie de revenir à l’heure des animations estivales.

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Escapade suédoise 5 mai 2012

Je ne sais pas si vous vous souvenez de Söderhamn. Ça ne vous dit rien ? Rappelez-vous. Il s’agit d’une ville suédoise de 25 000 habitants située à l’Est de la Suède, sur les bords du golfe de Botnie, dans la Baltique, à quelque 250 kilomètres au nord de Stockholm. Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler, l’an dernier, lorsqu’une délégation suédoise composée de professeurs et de scolaires était venue participer à un séminaire européen à Fouesnant. On y avait évoqué les expériences menées dans chacune des deux villes afin de permettre à des élèves en difficulté de s’épanouir dans un cadre environnemental privilégié. Des tables rondes avaient également été organisées pour dialoguer autour des thèmes de l’eau et des déchets et plusieurs ateliers avaient donné l’occasion aux uns et aux autres de confronter les différentes actions conduites, hors des sentiers battus, à l’école de la nature. Au début de cette année, les professionnels scandinaves et quelques élèves avaient pu, sous la conduite de Lulu et de Michel Le Page, découvrir les sites naturels de la commune et se rendre compte que les Fouesnantais étaient en pointe dans plusieurs domaines (sorties nature, prise en charge des divers handicaps…) Cela ne leur avait pas échappé. Ces échanges, ces actions sur le terrain s’étaient réalisés dans le cadre de “Comenius Regio”, un programme européen destiné à favoriser la coopération dans le domaine de l’enseignement scolaire et à partager les expériences et les bonnes pratiques entre les régions et les villes d’Europe. Il faut rappeler, à ce sujet, que si Fouesnant était porteur de projet, c’est parce que l’établissement du Likès a développé du côté de la Mer Blanche, à Kermaout, une expérience originale, des jeunes fragilisés dans leur parcours scolaire y ayant réalisé un jardin de plantes médicinales.

La semaine dernière, une délégation comprenant des élus fouesnantais, des responsables de l’environnement et du tourisme mais aussi des partenaires scolaires engagés dans le projet franco-suédois s’est rendue à son tour à Söderhamn pour mettre un point final à ces échanges qui se seront donc poursuivis durant deux ans. L’accueil a été chaleureux, les débats enrichissants (même si du côté de Fouesnant, on s’est aperçu que la maîtrise de l’anglais devenait une impérieuse nécessité dans une société ouverte sur le monde). Laure Caramaro, Jocelyne Macquet, adjointes au maire, et leurs collègues, au-delà de la découverte d’un système scolaire qui paraît laisser une large autonomie à l’élève et favoriser ainsi son épanouissement, ont pu appréhender la réalité d’une ville présentant des similitudes avec Fouesnant (littoralité, attraction touristique, présence d’un archipel – cinq cents îles tout de même-). Les Fouesnantais n’ont pas, non plus, été sans remarquer que Söderhamn est confrontée aussi à la crise économique (de grandes usines ont été fermées et la base de l’Otan s’en est allée). Plus surprenant, à l’extrême Nord de l’Europe, l’immigration maghrébine et subsaharienne y est forte mais l’intégration est plutôt réussie. En trois jours, les contacts et les constats n’ont évidemment pas pu être approfondis. Et, aujourd’hui, alors que le projet “Comenius Regio” prend fin, une question se pose. Quel avenir commun pour ces deux villes que la géographie éloigne mais que l’environnement et l’économie (tourisme de nature) rapprochent ? Les Suédois ont clairement indiqué qu’ils étaient intéressés par la poursuite des échanges et que le développement touristique fouesnantais axé, pour une part, sur la mise en avant des espaces naturels préservés pouvait être pris en exemple dans un territoire couvert de lacs et de forêts. A la mairie de Fouesnant où l’on a été quelque peu refroidi par un certain manque d’implication des partenaires locaux dans le suivi des échanges en matière d’expérimentation scolaire, l’heure est à la réflexion. Alors que les deux villes apprennent, à peine, à se connaître, il serait dommage que la parenthèse se referme. A un moment où l’Europe est montrée du doigt et sert de bouc émissaire pour expliquer nos difficultés économiques et justifier des replis frileux, il faut saisir toutes les opportunités pour démontrer que face à l’impéritie des politiques et des technocrates, l’Europe des hommes peut et doit être une réalité.

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Goût de terroir 12 mai 2012

Nous sommes le 12 décembre 1999. Date de fâcheuse mémoire pour tous les Bretons. Ce jour-là, en effet, l’Erika, un pétrolier battant pavillon maltais, fait naufrage au large des côtes bretonnes. Une catastrophe écologique, bien sûr, mais aussi économique. Pour l’ensemble du tourisme breton, le coup est rude. Les télévisions relayées par l’ensemble des médias passent en boucle les images de nos plages souillées. Les désistements des vacanciers se multiplient. Les professionnels se désespèrent. La saison semble irrémédiablement compromise. Pourtant, grâce à la mobilisation de toutes les bonnes volontés, la quasi-totalité de notre littoral retrouve sa virginité dès le printemps 2000. Mais le mal est fait ; à Fouesnant comme ailleurs, les hôteliers, les restaurateurs et toute la filière touristique ont le moral en berne. Cependant, la solidarité va jouer et venir d’où on ne l’attend pas forcément. Du Sud, exactement. Depuis 1993, l’association des maires de villes moyennes qui ont constaté que leurs cités souffraient d’un déficit de notoriété en raison de l’attractivité du littoral, a décidé de mettre en avant leurs charmes. De jouer la carte de la gastronomie locale, en particulier. Ainsi, naîtront les “villes de terroir”. En ce printemps maussade de l’an 2000, les villes provençales de l’association invitent leurs homologues bretonnes à venir clamer haut et fort au pays du soleil qu’en Bretagne le sable est blanc et qu’on sait aussi recevoir les gens autour d’une bonne table. Jean-Yves Lefloch et ses collègues des Offices de tourisme de Lannion et de Vannes font la “une” des quotidiens locaux dans six villes provençales que l’exotisme breton ne laisse pas insensibles. La marée noire aura eu, au moins, ce mérite de faire découvrir notre région à une population peu encline à s’intéresser à ce qui se passe au-dessus de la Loire. Un an plus tard, en avril 2001, la Place de l’Eglise et la Place de la Mairie se peuplent d’accents méridionaux. Venus d’Aubagne, de Montélimar, d’Uzès, de Cavaillon, de Martigue, les descendants de Pagnol ensoleillent le marché fouesnantais de leur faconde colorée et de leurs produits savoureux : olives, tapenade, nougat, melon, vins du Lubéron… Une amitié est née.

Dimanche dernier, au chevet de la chapelle de Kerbader, Corinne Russo, la directrice de l’Office de tourisme de Cavaillon avait répondu à l’invitation de Jean-Yves Lefloch (la ville de Tarascon n’avait pu être représentée). Elle ne perdait pas une miette de la fabrication du pain à l’ancienne dans le vieux four près duquel s’activaient les Amis de Kerbader dont on ne vantera jamais assez l’investissement dans l’animation fouesnantaise. A côté de la représentante de Pontivy (il ne faut pas oublier le tourisme de proximité), Corinne Russo, inconditionnelle de la Bretagne, s’extasiant d’un air de biniou et de quelques pas de gavotte esquissés, proposait généreusement de marier la tapenade et le vin de Provence. Dans l’odeur du pain frais et des crêpes chaudes, elle disait que c’était un atout pour la Bretagne et pour la Provence d’avoir su préserver leur authenticité et qu’on pouvait, à partir de là, promouvoir une autre forme de tourisme. Elle disait aussi qu’on avait de la chance d’avoir de la pluie et on ne distinguait aucune trace d’ironie dans ses propos, que le Provençaux étaient de plus en plus nombreux à venir en Bretagne, en été, pour passer des nuits fraîches et paisibles, que c’était heureux que des villes belges comme Tournai, La Roche-en-Ardenne, Bastogne soient venues s’ajouter aux 33 villes françaises de terroir. “Etre différent, c’est s’enrichir” disait Saint-Exupéry. Bientôt, d’ailleurs, elles nous rendront aussi visite et nous donneront, à leur tour, l’envie d’aller partager leur bonheur de vivre. Mais, en écoutant Corinne Russo et en observant de gros nuages noirs qui se formaient à l’horizon, c’est bien à des escapades buissonnières dans les collines enchantées d’Aubagne, sur les traces du petit Marcel, qu’on rêvait pour le printemps prochain. On doit bien dormir aussi, à cette époque, en Provence.

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Monsieur “Coco” 19 mai 2012

Dimanche midi, au rendez-vous des souvenirs, dans l’atmosphère apaisée du piano-bar de l’Archipel, tout le monde avait le sourire. Nous regardions avec tendresse une silhouette fragile à la démarche hésitante mais qui n’avait rien perdu de son port de tête altier ni de son élégance naturelle. Nous faisions fête à “Coco” qui célébrait ses 85 ans et nous lui étions tous reconnaissants de nous avoir permis de nous rencontrer et de nous être liés d’amitié, les uns les autres, au fil des échanges qui ont jalonné ces quarante-cinq dernières années. “Coco”, bien sûr, c’est Rolf Cornelissen, l’inamovible président allemand du comité de jumelage Fouesnant-Meerbusch. Un surnom qu’il tient d’un ami de jeunesse et qu’il assume avec un soupçon de malice amusée fichée au coin de l’œil mais qui n’autorise aucune familiarité. “Monsieur Coco” inspire le respect. Et Roger Le Goff qui avait tenu à marquer les quarante-cinq ans d’amitié franco- allemande n’a pas manqué de rappeler la générosité de cœur et la grandeur d’âme de l’homme. Son abnégation sans faille a aidé à la réconciliation d’innombrables familles meurtries par la guerre et a favorisé l’ouverture d’esprit des jeunes générations sur les épaules desquelles reposent les espoirs d’un avenir commun et fraternel. Il lui en a fallu, en effet, une belle ténacité et une grande force de persuasion à “Coco”, pour vaincre les préventions de ses propres amis et entamer, en ce mois de mars 1967, un improbable voyage en lointaine Bretagne afin de tendre la main à une population dont on ignorait l’accueil qu’elle allait vous réserver. Il n’y avait guère plus de 20 ans que les hostilités avaient pris fin et bien des blessures de corps et de cœur n’étaient pas encore cicatrisées. Mais les temps étaient venus de taire les ressentiments et d’apprendre à nouveau à vivre ensemble.

Quelques jours avant cette petite fête dominicale où chacun mesurait le chemin parcouru, se remémorait les joies partagées et les épreuves surmontées, nous nous étions retrouvés avec Rolf Cornelissen chez Jean-Pierre et Hélène Bazin qui ont tant œuvré pour l’amitié franco-allemande, afin de préparer un article destiné au magazine municipal de l’été. “Coco” m’avait ouvert son cœur comme jamais et j’avais compris pourquoi l’impérieuse nécessité du rapprochement entre nos deux peuples était, pour lui, le combat de toute une vie. Sa famille, bourgeoise, catholique et libérale avait subi les humiliations des nervis du nazisme et, avec son père, ils avaient dû accompagner les délires meurtriers d’un illuminé mégalomane et revêtir l’uniforme honni à la croix gammée. Dès lors, il n’avait eu de cesse de se reconstruire et de se mobiliser pour permettre à l’Allemagne de retrouver son honneur perdu et pour parvenir à reconquérir l’estime de ceux qui avaient été les victimes d’une idéologie dévoyée. Il s’était lancé à corps perdu dans l’étude du français pour vaincre la barrière de la langue. Il avait amené ses élèves à Düsseldorf pour écouter le Général de Gaulle et, enfin, il avait touché au but. En 1975, à l’occasion de l’inauguration de la Maison communale, Louis Le Calvez, maire de Fouesnant, avait organisé un grand repas. “Coco” avait fini par trouver la place qu’il devait occuper. Sur le petit carton, il avait lu ces simples mots “Rolf Cornelissen, Fouesnantais”. Ses yeux s’étaient embués. Les barrières du cœur avaient fini par céder. Depuis 45 ans, Rolf Cornelissen est venu trois fois par an à Fouesnant et ignore désormais les frontières. Pourtant, dimanche, Roger Le Goff a appelé à la vigilance. Face à la crise, l’Europe est plus que jamais fragilisée et désignée comme bouc-émissaire de tous nos maux. Les extrémismes ont désormais pignon sur rue et les démagogues battent les estrades. Cela rappelle bien de fâcheux souvenirs à “Coco”. Surtout ne pas dilapider notre bien commun patiemment construit par des hommes et des femmes de bonne volonté. L’Europe ? Encore l’Europe ? Et oui, toujours l’Europe. Nous n’en sortirons pas sans elle.

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Parcours du combattant 26 mai 2012

Quel sujet faisait débat, attisait les passions entre majorité et opposition lors des conseils municipaux, alimentait les colonnes des journaux, il y a 20 ans, dans la commune ? L’augmentation des impôts locaux ? Sans doute, mais ni plus ni moins qu’aujourd’hui (il n’y en a d’ailleurs pas eu cette année). Le fonctionnement de la SEM (Société d’Economie Mixte) chargée de gérer le développement touristique de la commune ? Certes, elle donna lieu à des empoignades vigoureuses autour de son financement mais elle céda bientôt la place à l’Office municipal de tourisme. Le CD 44 ? Le nouveau tracé qui devait permettre le désenclavement du Pays Fouesnantais en reliant le pont de Bénodet à la voie express allait définitivement s’évanouir dans la nature après trente ans d’errements. Non. Il y a vingt ans, le sujet qui mobilisait les attentions et suscitait les controverses tant dans la salle du conseil qu’aux terrasses des cafés concernait la propreté de la commune ou plutôt l’absence d’entretien des espaces publics. A la tête de l’opposition, Gérard Mével faisait feu de tout bois : les bas-côtés étaient délaissés, les accès aux plages n’étaient pas soignés, les ronds-points étaient mal entretenus, les bacs non fleuris. Le verdict du leader socialiste était abrupt, sans concession : “La station est dans un état déplorable. Fouesnant est une commune sale”. Roger Le Goff qui n’était maire que depuis trois ans (1989) concédait que tout n’était pas parfait. Les mauvais herbes proliféraient ici et là, l’aspect des ronds-points n’était pas très engageant mais justement, les professionnels des jardins allaient personnaliser leur décoration, le parc matériel avait été renforcé pour curer les fossés, l’Atelier protégé entretenait les espaces verts et des équipes de jeunes faisaient la chasse aux papiers et autres détritus aux abords des plages. Bref, selon Roger Le Goff “Fouesnant commune peu fleurie, oui ; mais sale, non.” “Quatre fleurs” plus tard, le constat est saisissant. La commune rallie aujourd’hui tous les suffrages pour son cadre de vie agréable et son environnement protégé.

C’est en constatant que Fouesnant avait obtenu le droit de faire flotter le Pavillon bleu sur son littoral, pour la 9e année consécutive, que je me suis remémoré ces débats du passé. Cette année, donc, quatre plages ont obtenu ce prestigieux label : Maner Coat Clevarec (Renouveau), Cap-Coz, Kerler et Saint-Nicolas des Glénan (seules les plages surveillées sont prises en compte). Kerambigorn a, à nouveau, été recalée. Pourquoi ? Une analyse approximative suffit pour que la qualité des eaux de baignade soit déclarée insuffisante même si le lendemain les mêmes eaux seront irréprochables. Alors ? Les services techniques ont conclu que c’était sans doute les fientes des goélands venant picorer les algues brunes qui étaient responsables de cette micro-pollution. Imparable. Cela dit, on sait que la seule qualité des eaux de baignade ne suffit pas pour obtenir le prestigieux écolabel qui permet à Fouesnant d’avoir les faveurs d’une clientèle soucieuse de développement durable et de bonne gestion environnementale. Les critères d’obtention sont multiples et la quête de l’oriflamme azuré s’apparente à un parcours du combattant : éducation au milieu, entretien des espaces naturels, gestion des déchets, fleurissement, nettoyage des plages (cela a permis d’éviter la présence rédhibitoire des algues vertes), prise en compte des handicaps, lutte contre le camping sauvage, économies d’énergie, assainissement communal, collecte sélective, existence de déchetterie, gestion de l’eau potable… Cela suppose évidemment la mobilisation de l’ensemble des services communaux (qui seront fêtés le 7 juin) et de la Communauté de communes (déchets) mais aussi des professionnels du tourisme (embellissement), des agriculteurs (gestion du bocage), des responsables du traitement des eaux usées… Pas étonnant, dès lors qu’il n’y a que six stations dans le Finistère à pouvoir déployer le drapeau de l’environnement préservé. Pas sûr, non plus, que Fouesnant en eût fait partie, il y a vingt ans.

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Beg-Meil-Les-Pins 2 juin 2012

Cette semaine, j’ai rajeuni de 25 ans. Si, si. Figurez-vous que dans le cadre de la préparation du magazine municipal de l’été, je me trouvais avec Michel Le Page, le responsable des espaces naturels de la ville, près de la pinède de Beg-Meil. Soudain, j’aperçus entre les troncs des cyprès et des pins une famille confortablement installée sur des fauteuils en toile, qui venait manifestement de déjeuner. A l’instar de la madeleine de Proust, cette image paisible me fit remonter le cours d’un temps perdu, celui des jours de bonheur et des étés de soleil près de la plage de Kermyl où j’avais mes habitudes. La pinède de Beg-Meil dont la majesté verdoyante inspirait le respect était alors la fierté de toute une station et l’épicentre de tous les plaisirs. Dans notre mémoire, les étés d’antan sont toujours radieux et les après-midis de grisaille définitivement rangés dans les rayons lointains des souvenirs fâcheux. A l’heure du déjeuner donc, quand le soleil brillait haut dans le ciel, les maillots encore humides du premier bain, on installait la nappe blanche sur le sol ocre que zébrait la chaude lumière tamisée par le fouillis des hautes branches et les heures étaient alors plus lentes, les propos plus futiles. Le moment béni de la sieste rendait vaines toutes les digressions. Les plus téméraires s’engageaient dans des parties de pétanque sans fin qui présentaient l’incommensurable avantage de dispenser leurs silhouettes approximatives d’une exposition sans intérêt sur des plages où triomphait l’insolente sveltesse d’une jeunesse dissipée. Plus tard, bien plus tard, les plus effrontés venaient courir le guilledou dans l’obscurité complice des grands arbres et partageaient de fugitives étreintes sur le tapis moelleux des aiguilles de pin. On imagine donc le désarroi dans lequel fut plongée la population quand l’orgueil de la station fut réduit à une pitoyable esquisse de terrain vague pendant plusieurs années.

La reconquête, en effet, fut longue. Il est vrai que tout le littoral fouesnantais portait les stigmates de cette nuit d’apocalypse du 16 octobre 1987. L’ONF (Office national des forêts) para au plus pressé et multiplia les expériences. On vit même des élus, toutes tendances confondues, se mobiliser, tronçonneuse à la main, entre Beg-Meil et Mousterlin, et en un élan généreux d’œcuménisme écologique, sacrifier une partie de leurs week-ends pour panser les plaies de l’ouragan toujours visibles cinq ans plus tard. Rêvons un peu : un dimanche après-midi ensoleillé sur la plage du Cap-Coz. Roger Le Goff, Nathalie Conan, Catherine Le Floch, André Bernard et, pourquoi pas, Vincent Esnault, râteau à la main, chargent inlassablement des algues vertes dans un camion. D’accord, cela s’apparenterait, cette fois, à un travail de Sisyphe mais la beauté du symbole l’emporterait sur l’insignifiance de l’effet. On l’a dit, ce n’était qu’un rêve. Quant à la pinède, vingt-cinq ans après la bourrasque, elle retrouve un peu de sa superbe. L’enchevêtrement des broussailles a laissé place à de jeunes pins et cyprès qui tutoient, à nouveau, le ciel bleu. Et puis surtout donc, l’ONF a décidé d’ouvrir l’espace au public. Certes, quelques arbres méritent d’être élagués et il faudra encore des dizaines d’années pour qu’on retrouve toute l’ampleur passée du paysage dévasté. Mais déjà, les premiers touristes s’y prélassent. Certains sentiers d’herbes folles oubliés sont heureusement piétinés et quelques bancs assoupis sortent de leur long sommeil. Il me vient une idée. Et si l’Office municipal de tourisme pour marquer ce vingt-cinquième anniversaire et célébrer le renouveau du site beg-meilois improvisait un pique-nique festif sous les pins à la fin de l’été ? Je suis sûr qu’il ferait beau comme dans mes souvenirs et que certains anciens retrouveraient leurs boules de pétanque au fond d’une vieille malle.

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Des pizz pour tous 9 juin 2012

Autant se débarrasser tout de suite du jeu de mots approximatif. Jouer du violon n’est pas dans mes cordes. Voilà, c’est dit. J’étais donc particulièrement subjugué, mercredi, en fin d’après-midi, en voyant s’avancer timidement dans l’espace “piano bar” de l’Archipel un bambin de cinq ans qui tenait son instrument dans une main et l’archet dans l’autre. La tête n’atteignait pas le niveau du pupitre mais, comme ses partenaires, il participait à la première audition publique de la classe de violon, créée seulement au mois de novembre. Espiègle, quelques minutes auparavant, il se concentrait désormais avec toute l’équipe et l’expression “accorder ses violons” prenait toute sa mesure. Soudain, s’élevait ce son douloureux que Baudelaire a traduit en un vers définitif : “Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige.” Pourtant, ces visages juvéniles n’exprimaient qu’une application anxieuse, qu’une volonté affichée de jouer ensemble, de partager avec l’auditoire les quelques connaissances musicales acquises en peu de temps. Vint le moment de l’interprétation des courtes pièces que Tatiana, la professeure, avait mises au programme. “En pizz” indiqua-t-elle, ajoutant à ma perplexité. Je mesurai alors l’étendue de mon inculture musicale. Les petites mains quittèrent l’archet et coururent sur les cordes. Tous les mélomanes le savent. On indique en abrégé la technique du pizzicato qui consiste à pincer les cordes avec les doigts de la main au lieu d’utiliser l’archet (arco). Les jeunes violonistes, quant à eux, n’avaient que faire des abréviations et, après quelques légitimes maladresses, offrirent une prestation fort convenable. Je compris enfin pourquoi ce spectacle me semblait familier. Ces jeunes, en effet, n’étaient guère différents du gamin tenant son violon à la manière d’un “guitar hero” lors d’un concert de rock’n’roll qui illustre l’affiche annonçant l’opération “portes ouvertes” de samedi prochain. Une invitation à faire plus ample connaissance avec le futur Conservatoire de musique et de danse. Une façon simple et imagée aussi de dire : “La musique est à votre portée”.

Apparemment, si l’on en juge par l’effervescence qui a accompagné les premières préinscriptions, le message est passé. Le Conservatoire qui ouvrira à la rentrée de septembre a, on le sait, pour objectifs d’homogénéiser la pratique de la musique dans l’ensemble du Pays Fouesnantais et de donner ainsi l’occasion aux élèves de jouer ensemble. Une politique qui, par ricochets, créera, sans doute, des appétits musicaux nouveaux dans la population. C’est peut-être ce qu’ont (un peu) pensé les responsables de l’animation estivale en programmant toute une série de concerts de musique classique, durant la saison, à Beg-Meil. Certes, la station n’a pas été choisie par hasard et on peut imaginer que les effluves d’un passé aristocratique embaument encore les Jardins de la cale où se produiront les musiciens. Mais il n’est pas impossible qu’un large public sensible au charme de l’endroit et à la virtuosité des artistes frais émoulus des conservatoires de Paris ou de Lyon prennent l’habitude, en revenant de la plage, le mercredi après-midi, de se laisser prendre par les sortilèges de la “grande” musique tout en regardant la mer. Borodine, Brahms, Ravel, Gershwin, Offenbach, Meyerbeer, Dvorak, Chostakovitch, Haydn seront invités. Il y aura des duos, des trios, des quatuors, des quintettes. Le piano se mariera au violon et au violoncelle. C’est sûr, il y aura des “pizz” pour tous. On en a déjà l’eau à la bouche.

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Tapis rouge 16 juin 2012

Connaissez-vous l’ANMSCCT ? Moi non plus. Du moins, jusqu’à cette semaine où j’ai rencontré, à Fouesnant, Géraldine Leduc qui en est la directrice et Sylvie Mareux, l’attachée de direction. Donc, reprenons notre souffle, l’ANMSCCT est le sigle de l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques. Le faux-acronyme (puisqu’il ne peut se prononcer comme un mot ordinaire) est, on en conviendra, rébarbatif et ne se laisse pas facilement apprivoiser. Géraldine Leduc et Sylvie Mareux n’en ont cure et revendiquent le clin d’œil. La difficulté de l’exercice phonétique peut-être considérée comme un procédé mnémotechnique sophistiqué (ah ! Le fameux “mais où est donc Ornicar”) qui s’inscrira, par conséquent, durablement dans nos mémoires. D’accord ? Bon, on continue. L’essentiel, évidemment, est de savoir ce que représente exactement l’association présidée par Marc Francina, le maire d’Evian. Comme on l’imagine, peuvent y adhérer les maires des communes climatiques ou balnéaires, de stations de montagne ou du littoral, de collectivités de Métropole ou d’Outre-Mer. La structure est donc suffisamment importante et représentative pour être considérée comme un interlocuteur privilégié par les pouvoirs publics et jouer à plein son rôle de lobbying dans les périodes incertaines que nous traversons. L’association n’est pas nouvelle puisqu’elle a été créée en 1930 mais elle a dû se livrer à un véritable “aggiornamento” quand la loi de 2006 décida de mettre bon ordre dans l’univers des stations de tourisme qui campaient dans leur pré carré, mettant en avant des critères approximatifs pour défendre des rentes de situation. Fouesnant, on s’en souvient, profita de la remise à plat de l’univers touristique pour se livrer à un vaste état des lieux et obtenir, après un véritable parcours du combattant (47 critères pris en compte), la dénomination enviée de “station classée”, un label d’excellence que seules 41 stations, actuellement, ont obtenu en France. Ce classement qui reconnaît la qualité de la promotion, de l’accueil et de l’animation en matière de tourisme ainsi que la prise en compte de la préservation de l’environnement dans le cadre du développement durable est octroyé par le seul ministère. On en attend, bien sûr, à Fouesnant, dans un proche avenir, une fréquentation à la hauteur de la renommée nouvelle.

Au fait, pourquoi Géraldine Leduc et Sylvie Mareux étaient-elles à Fouesnant, cette semaine ? Tout simplement pour commencer à préparer le prochain Congrès national de l’association qui se déroulera, dans la commune, du 12 au 14 juin 2013. Pour la première fois, en effet, l’ ANMSCCT va tenir son assemblée générale en Bretagne et on imagine que Fouesnant va faire bien des jaloux dans les stations de l’Hexagone et de l’Outre-Mer qui rêvent toutes d’accueillir le “nec plus ultra” du tourisme français, assurance de retombées médiatiques et économiques inespérées en avant-saison. On peut dire que Roger Le Goff (membre du conseil d’administration de l’association) et le directeur de l’OMT, Jean-Yves Lefloch, ont réussi un coup de maître en parvenant à s’installer, pour l’occasion, dans la cour des grands. Avant Fouesnant, le Congrès national (qui a lieu une année sur deux en province) s’était tenu, en effet, dans le cadre prestigieux des stations de Saint-Tropez, Evian, Biarritz, Royan, Courchevel, Grasse et Pau. On ne peut souhaiter être en meilleure compagnie en terme de notoriété touristique. Alors, pourquoi Fouesnant ? On raconte que les organisateurs n’ont été que médiocrement satisfaits des prestations offertes par Pau, l’an dernier, et que les Fouesnantais ont su, habilement, vanter les charmes et les avantages d’une petite ville qui, c’est sûr, déroulera le tapis rouge pour recevoir, durant trois jours, à l’Archipel, plus de 300 maires venus de tout le territoire français. Le ministre chargé du tourisme fait traditionnellement le déplacement. Les médias nationaux sont présents. Le coup de projecteur est évident et les retombées économiques intéressantes (hébergement, restauration…). Quant aux édiles venus de stations humbles ou huppées, ils découvriront une région que la plupart méconnaissent. Ils seront certainement nos meilleurs ambassadeurs après avoir visité les Glénan et traversé la Cornouaille. Il ne reste plus qu’à espérer que le ciel mette, lui aussi, ses habits de gala. Cela éviterait que l’on parle, à nouveau, de la Bretagne, à la fin du journal télévisé.

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L’art de la provocation 23 juin 2012

Que faire, quand le mauvais temps semble avoir pris ses quartiers d’été au-dessus de nos têtes depuis plusieurs semaines, menaçant de faire déborder notre spleen, lui-même, et nous amenant à nous demander si les Cassandre qui se succèdent à la télévision à l’heure du bulletin météorologique ne racontent que des bêtises ? Sombrer dans la dépression ? Ça n’en ferait qu’une de plus. Face à cet univers de grisaille que nous découvrons chaque matin en ouvrant nos volets, on peut choisir l’humour et convoquer Pierre Dac : “Il vaut mieux qu’il pleuve aujourd’hui, qu’un jour où il fait beau.” Mais, on le sait, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures. Certaines stations bretonnes ont préféré se positionner dans l’auto-dérision en proposant un kit de protection contre les intempéries (parapluie, ciré et bottes) aux visiteurs qui se seraient égarés sur nos rivages en cette avant-saison calamiteuse. A Fouesnant, on a décidé de faire face et de camper sur une position de défi. Il pleut dehors ? C’est une illusion. Le soleil se doit d’être là puisque c’est l’été. Ainsi, mercredi soir, pour la première présentation officielle de l’animation estivale fouesnantaise, les invités, la mèche humide et l’œil maussade, ont été accueillis par les hôtesses épanouies du “service communication” à qui il ne manquait que les lunettes de soleil. Protégées par un parasol dont la présence semblait surréaliste dans le hall d’entrée de l’Archipel, elles ont distribué des ballons de plage, des frisbee, des porte-clefs avec tongues, des casquettes pour éviter les coups de soleil qui vous colorent le visage prématurément. L’ensemble était dûment estampillé “Fouesnant-les Glénan”, évidemment. En fait, on n’a échappé qu’à la crème à bronzer, faute de producteur local, semble-t-il. Dans l’art de la provocation, on a atteint là les sommets. Et qu’importe si, à l’extérieur, le vent soufflait en bourrasque. Les affichettes, elles, plus lumineuses les unes que les autres, invitaient les jeunes, c’est-à-dire nous tous, à venir nous éclater à “Kerambigorn beach” en y pratiquant, dans l’ordre, du “beach volley”, du “beach soccer”, du “beach raquettes”, du “sand ball” et de la zumba qui, tout le monde le sait, est un programme de fitness scandé par des tempos torrides. Avec de telles propositions, on devrait, au moins, récupérer la clientèle britannique soucieuse de savoir si la pluie est de meilleure qualité en Bretagne que de l’autre côté du Channel.

Bon. Redevenons sérieux et négligeons cette plaisanterie stupide qui affirme que, cette année, dans le Finistère, l’été tombera le 15 août puisque la pluie sera plus chaude, ce jour-là. Donc, mercredi, la municipalité avait invité les hôteliers, les propriétaires de campings et de meublés, les restaurateurs, les représentants des associations et des services municipaux pour leur apprendre comment on allait faire la fête, cet été, à Fouesnant. De toutes façons, leur a dit, en substance, le maire, Roger Le Goff, nous sommes tous dans le même bateau. Sans doute, faisait-il allusion à l’Arche de Noé. Les animations ? Elles sont clairement identifiées, hiérarchisées, réparties sur l’ensemble du territoire fouesnantais. Ce qu’il faut, c’est l’union sacrée. Même M. Le Curé a donné son autorisation pour que l’on puisse se réfugier dans l’église de Beg-Meil au cas où il pleuvrait des cordes sur les concerts de musique de chambre. Quant aux amateurs des “soirées contées” de Mousterlin, ils pourront s’abriter dans la chapelle toute proche de Kerbader que l’on appelle, improprement, Notre Dame des Neiges. Il ne faut pas non plus exagérer. Le Bon Dieu sera ainsi sans doute pardonné d’avoir ouvert avec tant de constance les vannes célestes. Reste le Cap-Coz. Paul Quéméré et ses amis du Comité des fêtes devaient organiser, ce dimanche, les premières Joutes nautiques de la station. Un jeu qui, personne ne l’ignore, consiste à déstabiliser le jouteur du bateau concurrent, au moyen d’une lance, pour l’envoyer constater si l’eau de l’étang du Centre nautique est plus fraîche que celle qui nous tombe actuellement sur la tête. La manifestation, vu les circonstances, est tombée à l’eau, elle aussi. “Quand on tombe dans l’eau, la pluie ne fait plus peur.” dit un proverbe russe. N’empêche. Il serait temps que l’Anticyclone songe à prendre quelques semaines de repos du côté de la pointe finistérienne. Sinon, malgré la qualité et la diversité de nos animations, les intrépides touristes qui seront arrivés jusqu’à nous risquent de rentrer chez eux aussi sec. Enfin, c’est une façon de parler.

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Envie d’avoir envie 30 juin 2012

Pourquoi aborder, aujourd’hui, le thème des “ados” à Fouesnant ? Ces “14-16 ans” vers qui convergent les intérêts, les préoccupations et les analyses de bien des parents, éducateurs, sociologues et autres neurologues ne divergent pas, dans leurs comportements collectifs ou réactions individuelles, des jeunes de leur âge des autres villes. Comme ailleurs, à peine sorti de l’enfance, on se met aussi en danger à Fouesnant. Les substances illicites (drogues) circulent à la sortie de certains établissements scolaires lorsque la fin des cours favorise la mixité (sociale) et que le marché s’installe avant de monter dans le bus ou au cœur de ces grands espaces publics (parking des Balnéides) qui facilitent les douteuses rencontres. Les “binge drinking” (absorption massive d’alcool) contribuent également à la fièvre du vendredi ou du samedi soir, à Beg-Meil et sur le littoral fouesnantais. Comme ailleurs, les parents sont le plus souvent décontenancés devant l’attitude de leurs enfants à qui il est difficile de faire entendre raison. Donc, si on en parle à l’occasion de ce rendez-vous hebdomadaire, c’est parce qu’à Fouesnant, depuis trois ans, la municipalité a initié, avec l’accord des enseignants, une démarche originale qui consiste à aller vers les scolaires dans le cadre de la prévention des différents risques. Rien de bien nouveau diront ceux qui ont en mémoire les séances formatées d’intervenants s’essoufflant devant des classes amorphes. Sauf qu’ici, on sort des murs de l’école, on mélange les élèves des différents établissements et l’on n’exclut aucun thème d’échange, tout en se gardant de porter un jugement au moment de la parole libérée. Ainsi, cette année, près de 400 “ados” de troisième et de seconde venus des collèges de Kervihan, Saint-Joseph et du lycée de Bréhoulou se sont retrouvés durant quatre jours au village de Renouveau pour évoquer avec des professionnels neutres des sujets aussi divers que l’hygiène alimentaire, les gestes de premiers secours ou les dangers des comportements à risque pour le corps. Dans le passé, avaient été abordés la drogue, l’alcool, la vitesse, les relations garçons-filles. Dans les salles, pas de professeurs, pas d’animateurs “jeunesse”, pas de parents. Peu à peu, le dialogue s’installe, la défiance s’éclipse, les tensions s’estompent, des conflits se désamorcent. Plutôt la volonté de l’échange sans à priori que le constat de l’impuissance sans solution. L’heure est à un premier bilan. Déjà, quelques jeunes ont franchi le pas et sont venus à la brigade pour rencontrer le gendarme chargé de les accompagner dans l’appréhension de leurs problèmes au quotidien. Gagné ? Voire.

Voilà quelques années, la même municipalité avait créé un “espace jeunes” destiné, justement, à regrouper les “ados” et à leur proposer des animations diverses afin de leur éviter le désœuvrement de la rue et ses pièges. A l’occasion de la création de l’Archipel, deux animateurs et un local avaient été mis à leur disposition. Ils avaient, par la suite, émigré à l’ancienne halte garderie de Kerourgué. Aujourd’hui, la structure disparaît. Force est, en effet, de constater qu’elle n’a pas répondu aux attentes des élus. Un constat d’échec, donc. Pourquoi ? Sans doute, les responsables n’ont-ils pas été assez sensibles à l’évolution des aspirations des “ados”. Les ordinateurs qu’on leur proposait, depuis quatre ans, se trouvent désormais dans chacune de leur chambre. Sans doute aussi, un phénomène de “ghettoïsation” s’est-il insidieusement installé et l’oisiveté combattue est revenue s’immiscer au cœur d’un groupe auquel, comme disait Johnny, notre grand philosophe contemporain, on n’a pas réussi à donner l’envie d’avoir envie. Ajoutons-y enfin, le phagocytage de l’équipe par des éléments qui n’ont pas encouragé l’adhésion de l’ensemble des jeunes et l’on a là les ingrédients d’un fiasco consommé. La Mairie se voit donc contrainte de changer son fusil d’épaule. Il semble que l’on va rentrer dans une phase plus dynamique d’intégration des “ados” dans la société. Des passerelles vont être créées avec le nouveau Conservatoire de musique et de danse. Et puis l’immersion dans les activités sportives sera privilégiée, par le biais des animations estivales, sur la plage de Kerambigorn, d’abord, puis en lien avec les associations locales à la rentrée. L’adolescent qui doit se projeter dans une nouvelle identité sociale tout en tenant à se démarquer de ses parents a besoin d’être aidé dans sa recherche de repères. Le sport qui véhicule des valeurs d’abnégation, de solidarité, de courage, de dépassement de soi, de respect des autres et donc de soi-même peut être, à cet égard, une excellente école. A condition de ne pas prendre exemple sur certains “modèles” en représentation en Ukraine, récemment.

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Une semaine ordinaire 7 juillet 2012

Vendredi, 18 heures. Vernissage du Salon de peinture. On s’évertue à lancer une saison qui s’obstine à se dissimuler derrière l’enchevêtrement des nuages. Dans les horizons nimbés de grisaille, on cherche vainement des raisons d’espérer. Avec le Salon confortablement installé dans les murs de l’Archipel durant les deux mois d’un hypothétique été, la station propose désormais aux esthètes égarés à la pointe du Finistère une alternative au farniente iodé et aux balades avortées. Le refuge de l’art contre le temps de cochon.Samedi, 11 heures 30. Rassemblement au Centre des Arts et des Congrès. Ils sont une centaine de jeunes à avoir été embauchés par la commune pour contribuer à l’embellissement et la propreté de la ville et du littoral afin d’accueillir correctement les éventuels estivants. Exceptionnellement, la pluie ne s’est pas encore mise à tomber. Sans doute est-ce la raison pour laquelle le maire indique aux jeunes saisonniers qu’il va falloir mouiller le maillot. Il leur dit aussi qu’ils vont tous porter le tee-shirt de la ville et qu’ils doivent s’en montrer dignes. Roger Le Goff insiste. Les comportements individuels coupables sont préjudiciables à tous. Chacun d’entre eux représente Fouesnant et c’est pour cela que leur conduite doit être irréprochable. Tenons-nous, enfin, le remplaçant de Laurent Blanc ? On retient son souffle.Lundi, 11 heures. Il pleut. Rencontre avec Jean-Paul Bertholom, personnage incontournable du tourisme cornouaillais des vingt dernières années. Le Beg-Meilois assure que les circonstances climatiques difficiles justifient l’existence d’un Office municipal qui met toute sa force de frappe au service du tourisme fouesnantais. A l’extérieur, le ciel est si bas qu’on rentre instinctivement les épaules et l’on éprouve soudain de la compassion pour les hôtesses de l’OMT qui, sans quitter leur sourire, doivent répéter à longueur de journée aux visiteurs dépités que le pire n’est pas forcément pour le lendemain.Mardi, 9 heures. Il tombe des cordes. Depuis la veille, nous savons que nous n’irons pas en excursion du côté des Glénan sur la “Panthère”, le navire-école dont Fouesnant est la marraine. Un barbecue était même prévu sur le pont. Vu les conditions météorologiques, les autorités maritimes ont annulé la sortie. Pour la quatrième fois. Si la Marine nationale commence à prendre l’eau, elle aussi, on ne va pas tarder à toucher le fond. Ce serait le pompon !Mercredi, 10 heures 30. Entretien avec un Fouesnantais à l’érudition époustouflante afin de préparer le magazine de la rentrée (déjà !). Il raconte que le point culminant de Fouesnant se trouve à Park ar c’hastel (le champ du château). Logique donc que les seigneurs féodaux y aient installé leur place forte. Et voilà la toponymie expliquée par la topographie. On l’écoute, fasciné. On en oublie que dehors le crachin est fidèle à son rendez-vous matinal. Et si la résignation prenait le pas sur l’exaspération ?Mercredi, 18 heures 30. Stupeur ! Il fait grand bleu sur Beg-Meil. Du haut des jardins de la cale, on ne se lasse pas de contempler la baie qui étincelle de mille éclats bleutés. Pourtant, c’est dans l’église Saint-Guénolé que “Chambre avec vue” propose le premier concert de musique classique de l’été. Principe de précaution, vu les prévisions alarmistes de la veille. On aura donc la musique de chambre sans la vue. Au programme, le quatuor de Borodine et le quintette de Brahms. “La musique souvent me prend comme une mer” confie Baudelaire. Grâce au talent des jeunes interprètes, nous voguons sous un ciel sans nuage. Rassérénant.Jeudi, 11 heures 30. Interview de Dan Ar Braz qui prépare son nouveau spectacle à l’Archipel. Dan est là tel qu’on l’a toujours connu : disponible, amical, chaleureux, humble et viscéralement attaché à la Cornouaille de son enfance à qui il rend hommage dans son dernier album, “Célébration”. On n’aborde pas le sujet mais on en est certain. Dan adhérerait de toute son âme de Celte décomplexé à l’hymne d’amour de Jean-Michel Caradec : “Qu’elle est belle ma Bretagne quand elle pleut.”Jeudi 18 heures. Traditionnelle réunion de mise en place de la saison estivale à la Mairie. Tous les représentants des services de protection et de sécurité sont présents : gendarmerie, pompiers, SNSM, brigade nautique, Affaires maritimes, maîtres-nageurs sauveteurs… Tout le monde est opérationnel. On n’ose pas poser la question qui tue, la seule qui vaille, en fait : “Y aura-t-il quelqu’un à surveiller sur le littoral cet été à Fouesnant”

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La cour des contes 14 juillet 2012

Dilemme cornélien en ce jeudi d’été pluvieux (pléonasme breton de l’année). Devais-je assister à l’ultime conseil municipal, avant les vacances (de la Toussaint, ont tenu à ajouter quelques élus chagrins) ou me laisser séduire par la première veillée contée, présentée dans le cadre de la nouvelle animation estivale “Les pierres parlent” ? L’univers austère des parcelles cadastrées ou le monde enchanté des landes peuplées de korrigans ? Les comptes budgétaires à dormir debout ou les contes merveilleux à savourer assis sur les petits bancs du préau de l’école de Mousterlin puisque, encore une fois, il a fallu abandonner le plein air et quitter les abords de la chapelle de Kerbader pour se protéger d’une pluie froide et persistante qui vous transforme un touriste dûment estampillé local (ciré jaune et bottes bleues) en une silhouette évanescente, se dissipant aux marges incertaines du pays des songes. Bref. Le devoir de s’informer ou le plaisir de rêver ? Roger Le Goff ou Alain Le Goff ? Fort heureusement le premier, après avoir tenu à préciser que, contrairement aux apparences, nous n’étions pas, à son avis, en novembre puisqu’il faisait encore jour à vingt heures, eut le bon goût de mener la séance tambour battant. La réaffectation des locaux de l’ex-école de Beg-Meil fut réglée en quelques secondes. La politique culturelle de la municipalité fut plébiscitée et approuvée à l’unanimité. Même les observations, apparemment peu virulentes, de la Chambre régionale des comptes sur la gestion communale, ne suscitèrent aucun débat. Certains ont convenu d’en reparler lorsqu’ils auront approfondi, sur le sable chaud des plages fouesnantaises, un document qui favorisera, à coup sûr, la sieste postprandiale. Au mieux, on devrait donc en reparler à la rentrée 2013. De ce fait, le deuxième, le conteur Alain Le Goff, n’avait pas encore ouvert les portes du “Bistrot du Grand Large”, le “dernier café avant l’Amérique”, où Marie Tallec accueillait ses clients, quand le maire Roger Le Goff, l’ordre du jour épuisé, refermait celles de la mairie. Emmitouflés dans nos écharpes, nous pouvions alors nous serrer sous le préau et nous évader dans la cour des contes.

A vrai dire, il ne nous manquait que l’âtre. Alain Le Goff l’a rappelé. Nos aïeux gardaient ces soirées où l’ombre redoutable de l’Ankou errait, par des temps de grand vent, dans des espaces désolés aux allures de purgatoire, pour les mois noirs. Miz du, miz kerzu. Mois noir, mois très noir. Novembre, décembre. Nous étions donc à la bonne période mais il nous manquait le coin du feu. Heureusement, la verve poétique du conteur nous réchauffait le cœur et le corps aussi sûrement que le café bouillu de Marie et les verres de rouge des douze habitués du “Grand Large” où se reflétait l’ultime rayon avant que le soleil ne se noie à l’horizon. Parce qu’une chose est sûre. Le soleil existe bien. Il se couche même près de chez nous. Le problème, c’est qu’il a de plus en plus tendance à faire la grasse matinée. On se demande s’il n’a pas entamé une cure de sommeil. Alain Le Goff, lui, qui ne veut pas que ses auditeurs commencent “à moisir par le bas” entame une gwerz, complainte bretonne où les amours sont tristes et le bonheur illusoire. Dans la forêt que secoue la bourrasque, la belle princesse attend le preux chevalier qui ne reviendra pas. On en oublie que, tout à côté, la pluie tombe à verse. Elle accompagne de son tempo lancinant, le kan ha diskan que le conteur improvise avec la centaine de courageux qui s’obstinent à enfouir la grisaille ambiante sous les rimes ressassées des rengaines psalmodiées. Les pierres des murs du préau à qui on a rendu la parole en suintent d’émotion. La nuit est maintenant complètement tombée sur la cour des contes. Et les jeunes enfants se sont endormis sur les épaules de leurs mamans. Peut-être rêvent-ils que demain le soleil se lèvera de bonne humeur après cette longue sieste régénératrice. Ses rayons viendront faire chanter les verres des habitués du café du Grand Large. Le vrai. Il n’est pas loin. Il est juste à côté. Près de la plage de Mousterlin. C’est le dernier avant l’Amérique.

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La ferme africaine 21 juillet 2012

Tout arrive. En ce mardi midi ensoleillé, on se croirait vraiment en été au Cap-Coz. Les terrasses sont pleines de lunettes de soleil et, sur la plage, on se badigeonne de crème à bronzer. Dans son strict costume sombre, Geoffroy Traoré ne se lasse pas de contempler l’évolution paresseuse des voiliers dans la baie et l’agitation colorée du rivage. Il sait que, comme chaque fois, il conservera longtemps l’émerveillement que lui procure le littoral fouesnantais quand il regagnera sa paroisse du Burkina Faso. Le Père Geoffroy, 48 ans, est recteur d’une paroisse de Bobo-Dioulasso, la seconde ville de l’ancienne Haute-Volta. Dans ce pays sahélien aux immenses étendues désertiques, enclavé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, la mer est un mirage. Pourtant, l’archipel des Glénan est solidement ancré au sein même de la petite exploitation que le prêtre fait vivre avec l’aide de jeunes Burkinabé, grâce au soutien financier de la ville de Fouesnant. C’est en effet sur l’île Saint-Nicolas que tout a commencé. En 1996, le jeune religieux fait la connaissance d’un Beg-Meilois à l’occasion d’une marche à Paris. Une invitation lui est lancée à venir découvrir la Bretagne. Dès l’année suivante, le Père Geoffroy concélèbre la messe du Pardon des Glénan et tombe sous le charme des horizons marins fouesnantais. Des liens vont se tisser, des amitiés vont se forger. Au fil des rencontres, le prêtre évoque les problèmes endémiques de son pays lointain : l’extrême pauvreté des zones rurales, l’absence de structures scolaires, le désœuvrement d’une jeunesse qui voit se fracasser, dans l’univers interlope des grandes villes, ses rêves d’une vie meilleure, le chômage, la délinquance et, au bout de cet improbable voyage, la tentation illusoire de l’émigration. Dans sa paroisse de quelque 30 000 habitants, le Père célèbre la messe tous les matins, à 6 heures, pour deux cents fidèles et ils sont 2 500 pour l’office dominical. Des chiffres à donner le vertige au clergé de nos églises désertées. Mais c’est sur le terrain que Geoffroy Traoré entend rompre cette spirale qui entraîne les jeunes hors de leurs villages et les conduit dans des voies sans issue. L’idée de créer une petite exploitation agricole dans laquelle s’investiraient des jeunes désœuvrés voit le jour. Manquent, bien sûr, les premiers sous. Le dossier finira par arriver sur le bureau de Roger Le Goff en 2005. Le maire de Fouesnant est séduit par la dimension mesurée du projet, par son enracinement de proximité, et par l’absence d’intermédiaires administratifs qui permet d’éviter le double piège de la corruption et de l’enlisement. En 2008, le conseil municipal accorde une première subvention de 2 000 e.

Depuis ? Un champ de trois hectares a été acheté. Des jeunes volontaires y ont planté des milliers de pieds de bananiers et de papayers. Une motopompe a été acquise. Les jeunes travailleurs sont payés, nourris et soignés. La vente des premiers fruits a permis de scolariser une dizaine de jeunes gens. L’engrais coûtait cher ? Un élevage de porcs a été mis sur pied et grâce à une nouvelle subvention fouesnantaise en 2010, une porcherie a été construite. Une trentaine de bêtes y ont trouvé abri. On vend les cochons, on s’en nourrit, on utilise le fumier. Les photos illustrant le quotidien et le développement de l’exploitation arrivent régulièrement à la mairie. Chronique douce-amère des joies et des peines de l’existence en terre d’ingratitude. Au mois d’octobre, un violent orage a détruit les deux tiers de la production de bananes. Une partie de la subvention fouesnantaise a permis de réaménager l’espace. Cette année, le Père Geoffroy et ses amis ont projeté d’acheter un moulin afin d’écraser le mil et le maïs. Le son sera un précieux aliment pour les porcs. Les élus fouesnantais ont reconduit la subvention de 2 000 e. Les jeunes, responsabilisés, apprennent qu’on peut s’épanouir en milieu rural et ne se laissent plus fasciner par les lumières de la ville. Avec leurs économies, ils pourront dans quelques années s’installer dans leur village. D’autres les remplaceront à la ferme. Ces micro-réalisations n’ont évidemment pas l’ampleur des vastes opérations menées par des organismes et des associations aux moyens conséquents, dont les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des investissements consentis. Mais elles ont le mérite de coller à la réalité du terrain et d’endiguer à la base les flux migratoires qui ébranlent nos sociétés et nourrissent les discours extrémistes. Soutenir l’action du Père Geoffroy, ce n’est pas seulement donner les moyens à la jeunesse africaine d’avoir un avenir, c’est nous aider aussi à appréhender le nôtre.

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Le silence des pierres 28 juillet 2012

La Place de l’Eglise serait-elle en train de sortir de sa léthargie ? L’ajout de deux nouvelles terrasses aux aimables proportions contribue à renforcer la cohérence architecturale de l’ensemble et densifie les offres commerciales du centre historique de Fouesnant, lui apportant un supplément d’âme et un regain d’animation qui lui manquaient depuis que la rénovation de la Place de la Mairie l’avait isolée aux marges de la ville. La présence de l’église Saint-Pierre autour de laquelle elle s’articule lui apporte toute sa légitimité et tout son intérêt, tant il est vrai que l’édifice religieux mérite à lui seul le détour. Construite à la fin du XIème siècle (des écrits attestent du début de la construction en 1069) et dans la première partie du XIIème siècle, l’église est considérée comme l’une des plus anciennes de Bretagne et comme l’un des fleurons de l’art roman dans la région (avec Locmaria et Loctudy). Curieusement, la commune s’en est rarement servie comme d’un atout pouvant diversifier l’offre touristique et ce précieux témoignage de l’architecture religieuse du début du deuxième millénaire est souvent ignoré de la foule des vacanciers qui empruntent la route des plages. Il y a en effet près de 20 ans qu’aucune visite guidée n’avait été organisée pour traquer les mystères du “roman” et capter les secrets de son austère beauté. En 1991, la SEM (Société d’Economie Mixte) qui conduisait la politique touristique de la station avait proposé, durant l’été, d’emboîter les pas de Gaëlle Lennon, férue d’histoire de l’art, et les Fouesnantais, eux-mêmes, avaient (re)découvert leur église en identifiant des subtilités sculpturales que seul un œil averti pouvait discerner. L’initiative avait été reconduite les années suivantes puis Saint-Pierre s’était paisiblement assoupi dans la pénombre de sa nef aux cinq travées. Cette année, pour la première fois, la SPREV (Sauvegarde du patrimoine religieux en vie) a mis à la disposition des Fouesnantais et des estivants, une jeune guide qui donne l’occasion aux visiteurs d’entrer dans l’intimité de l’architecture et de la sculpture médiévales. Fascinant.

Certes, l’ensemble de l’édifice ne date pas du Moyen-Âge. Des modifications importantes ont été apportées durant les siècles suivants (XVIIe et XVIIIe siècle, en particulier). En 1754, l’orage a même détruit le clocher qui se trouvait à la croisée du transept et il a été reconstruit au niveau de la façade. Une petite porte inscrite dans un énorme pilier donne encore sur l’escalier qui permettait d’y accéder avant son effondrement. Certes, le porche et la sacristie ajoutés plus tard ne concourent pas à l’harmonie de l’ensemble. Mais la nef saisit toujours par la sobre majesté de ses piles rondes et carrées, par la noblesse de ses arcatures, par ses décorations en pointe de diamant et par ses fenêtres-meurtrières dispensant une lumière parcimonieuse. L’heure était au recueillement et c’est plus tard que le gothique glorifiera l’éclat flamboyant de Dieu. Pourtant, c’est au cœur des chapiteaux que s’installe l’anecdote. La succession des motifs sculptés fonctionne comme une bande dessinée médiévale dont nous aurions perdu les clefs de lecture et qui recèle aujourd’hui encore bien des mystères. Quelle signification donner à la multiplication des motifs géométriques (spirales, entrelacs, nids d’abeilles, étoiles à huit pointes) ? Et ce personnage sculpté la tête en bas ? Est-ce la représentation d’un bateleur qui distrayait les paysans endimanchés à la sortie de la grand-messe ? Appartient-il à la seule fantaisie du sculpteur ? Ces deux hommes aux muscles saillants se toisant au sommet de la colonne sont-ils des lutteurs de foire ? Ces femmes accroupies aux allures grotesques, représentées en plusieurs endroits, ne sont-elles pas en position d’accouchement ? Ne seraient-elles pas des figures dévoyées de la fécondité ? Et pourquoi ces petites danseuses aux silhouettes graciles ne pouvaient-elles être vues que par les prêtres qui officiaient dans le chœur d’où ne pouvait s’approcher l’assemblée des fidèles ? Derrière le silence des pierres, il nous plaît d’imaginer le sourire discret de l’artiste qui nous interpelle du fond des siècles. Perplexe, on en omettrait pour un peu, de s’arrêter devant la statue de Saint-Sébastien criblé de seize flèches (on les a comptées) alors qu’habituellement elles sont bien moins nombreuses dans l’iconographie chrétienne. Est-ce dû à la verve iconoclaste d’un sculpteur impie qui aurait voulu prolonger le martyre ? Est-ce la volonté d’exprimer la douleur intense ressentie par le saint ? Oui, pourquoi seize ? Si vous avez la réponse, faites-la moi connaître quand on se retrouvera au mois de septembre.

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Réjouissances insulaires 8 septembre 2012

N’essayons pas de nous laisser distraire par ce ciel sans nuages de septembre qui nous invite à nous attarder encore sur les terrasses ensoleillées où nous faisons semblant d’oublier qu’elles nous ont tant manqué durant tout l’été. L’heure de la rentrée a bel et bien sonné. Et l’heure de nos rendez-vous hebdomadaires aussi. Repartons donc pour une cinquième saison comme on dit dans l’univers des séries américaines télévisées. Avec les mêmes figures imposées et les mêmes impératives nécessités : retrouver les habituels protagonistes qui assurent la continuité du feuilleton et les confronter à des situations inédites qui pimentent les nouveaux épisodes. Plus facile à théoriser qu’à réaliser. Comment, par exemple, rendre compte de l’actualité fouesnantaise de fin de saison en feignant d’ignorer le pardon des Glénan ? Il revient, chaque année, pour célébrer dans une franche bonne humeur la fin des vacances, aussi incontournable que la joyeuse scène finale des retrouvailles qui clôt toute comédie de boulevard qui se respecte. Dimanche matin donc, à Beg-Meil, on affichait à nouveau complet, sur les vedettes en partance pour l’archipel. Il faut dire qu’un jour de pardon à Saint-Nicolas, c’est la promesse d’une ration de grand bleu au-dessus de nos têtes. Par les temps qui courent, ce n’est pas à dédaigner, puisqu’en juillet et en août, le soleil s’est égaré en chemin avant même d’arriver sur les îles. Dimanche, il était fidèle au rendez-vous, tout au moins à l’heure de glorifier Notre-Dame-des Glénan. La preuve ? Au moment du prêche, M. le curé, éclaboussé de la lumière du ciel et tourné vers les fidèles cultiva l’art de la provocation en faisant remarquer qu’il était le seul à pouvoir continuer à bronzer tout en développant son homélie. Comme quoi, contrairement à ce que l’on raconte, on peut être drôle et polonais à la fois. En tout cas, les porteurs d’uniformes et de costumes bretons, suffoquant sous leurs habits d’apparat, retinrent la leçon. La cérémonie terminée, la métamorphose fut immédiate. Soudain, il n’y eut plus de gendarmes, de pompiers, d’hommes d’équipage de la “Panthère”, de “Fleurs de pommier” : képis, casquettes, galons, pompons rouges s’évanouirent dans la nature en majesté. Et le short régna sans partage. Seuls les sonneurs résistèrent. Les festivités pouvaient alors démarrer. Les Fouesnantais étaient entre eux, sur leur terrain de jeu favori, et la magie de l’archipel fonctionna encore à merveille.

Cette magie née des noces de l’homme et de la nature, certains ne la connaîtront jamais. Chaque année, l’Office municipal de tourisme reçoit la visite d’une trentaine de journalistes désireux de faire connaître à leurs lecteurs les beautés des paysages naturels de Fouesnant, en général, et les sortilèges des Glénan, en particulier. Ravis, les reporters se répandent, à leur retour, en propos dithyrambiques dans leurs colonnes. Les étrangers n’y sont pas insensibles non plus. Samedi, la veille du pardon, ce sont deux journalistes italiens qui devaient à leur tour succomber aux charmes de l’archipel. Mais, à l’heure du départ, ils refusèrent tout net d’embarquer. Le bateau n’était pas un vrai bateau. Ce n’était qu’un semi-rigide et cela ne leur convenait pas. Leur précieux matériel était en danger. Jean-Yves Lefloch, le directeur de l’OMT, eut beau déployer des trésors de diplomatie, rien n’y fit. Ils restèrent à terre. Une première dans les relations médiatiques de la ville de Fouesnant. J’y pensais, dimanche soir, à l’heure du retour, en observant l’animation colorée que créaient les “pèlerins” sur la vedette “Glenn”. Les jeunes sonneurs de cornemuse et de bombarde du bagad Bro Foën qui, il y a un an encore, n’auraient jamais osé se produire en public, rassemblaient leurs ultimes forces pour soutirer à leurs instruments devenus capricieux une dernière gavotte. Perclus, les danseurs tentaient une esquisse d’arabesque cadencée que seul, bien entendu, le roulis rendait approximative. Dans la cabine voisine, les plus vaillants membres de la chorale, guettés par une inexorable extinction de voix, n’hésitaient pas à revisiter l’ensemble du répertoire des rengaines fouesnantaises, faisant fi des paroles que le vent emportait au large. Tous furent sauvés par l’arrivée du bateau à la cale de Beg-Meil. Il faudra le dire à nos amis italiens, la prochaine fois. Les Glénan, ça se mérite.

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Bassin de vie 15 septembre 2012

On a frôlé l’accident, samedi matin, en pleine ville, à Fouesnant. Imaginez un conducteur empruntant la rue des Iles (derrière le restaurant scolaire), concentré sur sa conduite comme tout bon conducteur et qui, soudain, voit s’imprimer dans son pare-brise le traumatisant et imprévisible spectacle de jeunes filles aux gestes lascifs exécutant une danse du ventre suggestive. Forcément l’attention se disperse et avouons que l’on peut perdre le contrôle de son véhicule à moins. Rassurons tout de même les automobilistes qui ont cru être victimes d’une hallucination visuelle et ont songé à aller consulter leur praticien, cette semaine. Il ne s’agissait là que d’une démonstration du groupe de danse orientale dans le cadre du Forum des associations. Les gazelles, puisque c’est le nom qu’elles se sont choisi, (gazelenn en breton) en remirent une deuxième couche dans le déhanchement et dans l’ondulation de bassin en se parant de voiles multicolores. On comprit alors pourquoi, selon le récit biblique, Hérode n’avait pas hésité à offrir la tête de Jean-Baptiste sur un plateau à sa fille Salomé pour qu’elle entame la danse des sept voiles. Alors, choc des cultures à Fouesnant ? Non, bien sûr. Simplement, l’exaltation de la vie, le plaisir de danser qui, chaque année, séduit une trentaine de jeunes filles et les entraîne au gymnase de Bréhoulou, à cent lieues du harem du sultan ottoman et de ses odalisques. D’ailleurs, les membres de Vahiné Dynamique en rajoutèrent dans la danse festive sur des rythmes de salsa et de merengue. Du coup, les Country rock dancers apparurent un tantinet figés, malgré l’indéniable synchronisation de leurs mouvements, avec leurs chapeaux de cow-boys et leur danse en ligne. Ils eurent surtout le tort de me rappeler qu’il y a quelques dizaines d’années, je dansais le madison et que j’aurais préféré l’oublier.

Bon. Redevenons sérieux. Le Forum des associations qui s’est installé comme un rendez-vous incontournable du calendrier de nombreuses villes est un excellent baromètre pour mesurer le dynamisme et, partant, la santé d’une collectivité. Il souligne l’implication de l’individu dans la vie de la cité. Les associations indispensables à tout processus d’intégration dans la communauté génèrent du bien-être social. Leurs activités et leurs animations ajoutent à l’attractivité de la ville où leurs membres ont choisi de vivre et non pas seulement de résider et leur impact économique est loin d’être négligeable. Samedi matin, la foule qui déambulait dans les locaux de l’Archipel et du Restaurant scolaire où se côtoyaient une centaine d’associations était impressionnante et les files d’attente s’allongeaient à l’heure des inscriptions. Spectacle réjouissant de la diversité étonnante des activités proposées. L’aide aux devoirs et la calligraphie chinoise y faisaient bon ménage. L’aïkido et le rink hockey contestaient l’hégémonie des footballeurs. L’atelier de cirque faisait briller les yeux des enfants et l’Amicale des retraités tendait la main aux anciens. “Leucémie espoir” n’avait rien à proposer si ce n’est la chaleur de son accueil et la qualité de son écoute. Ce dimanche, elle célèbrera sur la Place de la mairie la création de son antenne locale. Bienvenue au club des associations à l’ami Henri Gaonach. Au fait, elles étaient où nos gazelles dans cette fiévreuse agitation ? On a fini par les trouver dans les sous-sols du Centre des arts et des congrès. Et l’on comprend qu’elles aient éprouvé le besoin d’exprimer, au grand air, leur exubérance colorée. Grâce à elles aussi, Fouesnant est une ville qui vit et où il fait bon vivre. Et tant pis si l’on y risque parfois une sortie de route.

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Bain de jouvence 22 septembre 2012

Nous sommes le 23 janvier 1987. Ce jour-là, Roger Le Goff est dans ses petits souliers. Le jeune conseiller général sait qu’il va connaître l’épreuve du feu. Voilà deux ans qu’il a succédé à Louis Le Calvez, maire de Fouesnant, à la tête du canton et son élection a laissé des traces. Dans le Pays Fouesnantais, l’ambiance est délétère. Les plaies sont encore vives dans plusieurs communes qui n’ont pas accepté la politique du fait accompli du chef-lieu de canton imposant son candidat au nez et à la barbe de certains maires dont les prétentions étaient affichées. Et ce sont ces maires que Roger Le Goff est chargé de convaincre, ce 23 janvier 1987, du bien-fondé de la construction de la future piscine à vocation intercommunale… à Fouesnant. Un nouveau passage en force que ne goûteront guère les élus communautaires regroupés au sein du SIVOM, la structure qui donnera naissance, quelques années plus tard, à la Communauté de communes. Roger Le Goff se heurte à un mur mais Louis Le Calvez ne cède pas. La piscine se fera à Bréhoulou, là où il a décidé. D’ailleurs, les plans sont prêts. Tour à tour, les communes se désengagent du projet cantonal. Toutes sauf une, Pleuven. Pour la première fois, la solidarité intercommunale prend l’eau et Roger Le Goff devra ramer durant de nombreuses années pour rétablir l’unité du canton. Pendant 20 ans, Fouesnant et Pleuven vont donc gérer, en commun, les Balnéides puisque c’est le nom que s’est donné le centre aquatique. Les habitants des deux communes bénéficient de tarifs préférentiels, laissant la population de Bénodet, Clohars-Fouesnant, La Forêt-Fouesnant, Gouesnac’h et Saint-Evarzec sur le bord du bassin. Quant au chef-lieu du canton, il assurera l’essentiel du financement d’une structure qu’il finira par se réapproprier en 2009. Pas pour longtemps.

Nous sommes le 20 septembre 2012. Jeudi soir, donc. Les délégués communautaires se réunissent au Nautile, à La Forêt-Fouesnant. Au menu, la modification des statuts de la Communauté de communes afin de lui permettre d’élargir ses compétences. Tout sauf anecdotique. Du lourd : aides au Conservatoire de musique et de danse… de Fouesnant, contribution aux centres de secours, gestion de la halle des sports de Bréhoulou et… du centre nautique des Balnéides. Manifestement le Pays Fouesnantais qui développe un projet de territoire entend maîtriser son avenir et se dote d’éléments structurants. La modernisation de la loi des finances de 2010 lui donne les moyens de ses ambitions. Du coup, voilà le canton qui prend un coup de vieux, réduit à sa seule dimension d’entité administrative. D’accord. Mais on se dit, tout de même, ce jeudi soir, que l’arrivée des Balnéides dans le giron intercommunal va faire quelques vagues, susciter des interrogations, éveiller quelque écho autour de la table communautaire. On imagine qu’il y aura bien quelqu’un pour fustiger l’arrogance passée des Fouesnantais, pour blâmer les vaines querelles et regretter le temps perdu. On se remémore les philippiques de Gérard Mével, leader charismatique de l’opposition municipale, vitupérant la cécité politique de la majorité fouesnantaise. Et pourtant, la salle du Nautile demeure étrangement silencieuse. Pas de questions ou si peu. Ni à gauche, ni à droite. Les propositions du président de la Communauté de communes sont adoptées à l’unanimité. Roger Le Goff savoure et sourit discrètement. Le maire de Fouesnant boit du petit lait. Peut-être se souvient-il de ce 23 janvier 1987 où il avait dû essuyer les rebuffades des maires du Pays Fouesnantais et se mettre à ramasser les miettes d’un canton que son élection avait fait exploser. Il a coulé beaucoup d’eau depuis dans le bassin des Balnéides.

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Tortueuse histoire 29 septembre 2012

Les serpents de mer, ainsi dénomme-t-on, ces projets qui viennent régulièrement alimenter les chroniques alors que leur aboutissement est continuellement repoussé, ne meurent jamais. Ils s’assoupissent. Le plus fameux d’entre eux, le CD 44 qui exacerba les passions dans le Pays Fouesnantais durant plus de trente ans, vient de refaire surface, dans les colonnes de la presse, un lieu qu’il affectionne particulièrement. On le pensait pourtant définitivement enfoui au fond de nos mémoires mais on est allé le titiller dans l’antre du SCOT (le schéma de cohésion territoriale chargé de déterminer les grandes orientations de l’aménagement du territoire) et la bête a ouvert un œil. De quoi s’agit-il exactement ? En 1965, le Conseil général lance une étude afin de créer une voie qui relierait la voie express (Brest-Nantes) au Pont de Cornouaille de Bénodet et permettrait ainsi de désenclaver le Pays Fouesnantais. Cela ne suscite guère d’émotion au sein du canton. Il faudra attendre 20 ans pour que les esprits s’échauffent. Durablement. En 1984, en effet, on entre dans le vif du sujet. Le dossier arrive sur la table du conseil municipal de Fouesnant. On parle alors de déviation de la Forêt-Fouesnant, de déviation de Fouesnant. Mais pour Louis Le Calvez, le patron du canton, il s’agit bien d’un projet global qui favoriserait l’essor économique du Pays Fouesnantais. Les options courtes sont repoussées par les élus mais, avant que ce mois de juin 1984 ne s’achève, une nouvelle assemblée municipale est convoquée. Sonne l’heure des palinodies assumées et des rétractations confuses. Le bocage entre en ébullition. Le Comité de sauvegarde du patrimoine fouesnantais est le premier à dégainer. Il multiplie les pétitions, organise des réunions, distribue des tracts. Pas question de laisser passer un projet qui amputerait l’espace agricole, éventrerait le bocage, saccagerait les paysages, bouleverserait le cadre de vie. Ce désenclavement est un leurre. Les écologistes et les socialistes partagent ce point de vue. En face, la contre-attaque s’organise : à Fouesnant, les artisans et les industriels de Park C’Hastel font le forcing pour que cette nouvelle voie, qui fluidifiera le trafic, dope leurs activités en facilitant l’accès à la voie express. A la Forêt-Fouesnant et à Bénodet, une partie de la population se mobilise pour ce nouveau tracé qui sauvegardera leur sécurité et leur évitera les nuisances provoquées par le trafic des camions de marée bigoudens qui s’en vont vers Concarneau et transforment le Pays Fouesnantais en espace de transit. On résume, bien sûr.

Quand Louis Le Calvez cède les rênes du canton (en 1985) et de la commune (en 1989) à Roger Le Goff, il est amer. Le futur CD (chemin départemental) 44 s’est embourbé dans le vallon de Pen Al Lenn et l’ancien vice-président du Conseil général est persuadé que le Pays Fouesnantais vient de rater un rendez-vous essentiel pour son développement (touristique en particulier) et que l’occasion ne se représentera pas. Pourtant, Roger Le Goff s’attelle, de nouveau, à la tâche. Il en fait même l’objectif prioritaire de son second mandat de conseiller général. Mais, comme son prédécesseur, il se cassera les dents. Le temps qui passe ne favorise pas la mise en place d’un grand axe qui peine de plus en plus à trouver sa place dans le paysage et l’urbanisation importante du canton rend hasardeux tout projet de déviation courte des communes concernées. Lasses d’attendre, les associations favorables au futur tracé se mettent en sommeil ou se dissolvent. Et c’est dans l’indifférence générale que le projet est abandonné à la fin des années 90. Aujourd’hui, le SCOT évoque bien une liaison entre le Pays Fouesnantais et la RN 165 (voie express) mais la mise au point de Bernard Poignant, le président du syndicat qui a défini les grandes lignes de notre environnement futur, ne laisse guère planer de doutes. Plus question de larges percées au cœur du Pays Fouesnantais mais des aménagements à partir de voies existantes et une intéressante hypothèse de contournement du bourg de Saint-Evarzec pour gagner Troyalac’h et la voie express. Le vieux serpent de mer peut à nouveau s’endormir paisiblement. Jusqu’à quand ?

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L’ère du soupçon 6 octobre 2012

Premier café-débat, mardi soir, dans le foyer-bar de l’Archipel. D’autres diraient café-philo. Le genre est tendance. A l’heure des discours formatés des responsables politiques et des bateleurs médiatiques, de la vertigineuse accélération du temps qui exclut toute prise de recul et d’une mondialisation qui brouille les repères et chahute les valeurs, l’Homme entend reconquérir son autonomie de pensée. Rassérénant et salubre. Nous sommes donc une cinquantaine à tenter d’apporter une réponse à ce questionnement ambitieux et pertinent : “L’art et la culture sont-ils des produits de haute nécessité ?” Le propos est vaste et la formulation un rien intimidante. Le foyer-bar se peuple de silences. “Il ne faut pas avoir peur des blancs” rassure la diplômée de philosophie chargée de conduire la réflexion. “L’hésitation est le propre de l’intelligence” confirme quelque part Montherlant. Peu à peu, la parole se libère. S’écouter plutôt que s’opposer, échanger pour avancer. De cet exercice de dialogue socratique doivent surgir les réponses à nos interrogations. Pourtant, d’où vient ce sentiment de dispersion qui s’incruste au cœur de la soirée ? On a beau appeler Platon, Nietzsche et Socrate à la rescousse, le chemin paraît bien ardu qui mène à la vérité et l’on n’évite pas toujours de s’engager dans des voies sans issue. Des balbutiements que l’on mettra sur le compte d’une première expérience et de la difficulté à définir avec précision ce dont on doit débattre. Qu’est-ce que l’art ? la culture ? le produit de haute nécessité ? “Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement / Et les mots pour le dire arrivent aisément” souligne Boileau dans un tout autre contexte (Art poétique). Les mots manquent pour le dire mais la conscience est bien présente pour affirmer qu’on ne peut pas sacrifier l’art et la culture sur l’autel d’une crise de plus en plus prégnante. L’heure du soupçon a, en effet, sonné. Les priorités changent par les temps qui courent et les politiques sont montrés du doigt. Ne pas l’oublier : la culture c’est le rempart contre la barbarie. On approfondira la prochaine fois. Mais, aujourd’hui, dans les rues d’Athènes, les lointains descendants de Socrate et de Platon expriment, hélas, d’autres préoccupations et exigent, eux aussi, des produits de haute nécessité. La culture peut-elle leur rendre leur dignité ? Les politiques seront-ils enfin à la hauteur des enjeux ? Il faut poursuivre la réflexion nous indique-t-on. Nous reverrons-nous ?

Le bon gouvernement de la Cité, il en était justement question, la veille, lundi soir, lors du conseil municipal de rentrée. Autres lieux, autres mœurs. L’échange s’efface devant l’affrontement. Le débat se fait combat. La passion prime souvent la raison. La véhémence du propos altère la pertinence du message. Plus question de cheminer ensemble. Chacun campe obstinément dans son pré carré. Cette fois, l’empoignade surgit là où les non-initiés ne l’attendent pas : l’inventaire des zones humides de la commune. On imagine le sujet consensuel. On a tort. Sans doute, ici aussi n’a-t-on pas suffisamment bien défini ce dont on parle. Les critères de classement semblent à géométrie variable. Rédhibitoire quand l’on connaît l’importance des enjeux : protection de la biodiversité, reconquête de la qualité des eaux… et, partant, constructibilité ou inconstructibilité des parcelles concernées. Du coup, résonne à nouveau le grand air de la suspicion. Le soupçon rôde et la sérénité s’éloigne. Petits accommodements entre amis, pour les uns, procès d’intention, pour les autres. La parole est certes libérée mais guère maîtrisée. Dans le public fleurit l’invective. Ambiance plombée et démocratie en berne. A posteriori, on se dit que, malgré les tâtonnements et les approximations, on s’est offert un bel exercice d’ouverture d’esprit et de connivence intellectuelle, à l’occasion de ce café-débat de l’Archipel. La présence des élus devrait y être obligatoire, lors de la prochaine soirée.

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Heureux événements 13 octobre 2012

La saison des spectacles a bien recommencé à l’Archipel. Je vous le confirme au cas où vous en douteriez. Jeudi et vendredi derniers, Dan Ar Braz, le grand Dan, notre Dan à nous, a fait salle comble, pour la présentation de son nouvel opus “Célébration”. Et cela est passé pratiquement inaperçu dans les médias. Une couverture a minima dans les quotidiens locaux au point que nombreux étaient ceux qui n’ont connu sa présence à Fouesnant qu’au dernier moment. Trop tard, bien sûr, pour avoir une place puisque les inconditionnels du Pôle culturel fouesnantais se procurent la programmation artistique de la saison dès sa parution et le bouche à oreille fonctionne à merveille tant la notoriété de l’établissement est désormais bien établie. N’empêche. Cet ostracisme médiatique est incompréhensible. On entend bien que les salles et centres culturels se sont multipliés et qu’ils proposent souvent des spectacles de bonne qualité. Face à cette abondance de propositions, les médias sont à la peine et ne méconnaissent pas le sentiment d’injustice que suscite le traitement approximatif des récitals, concerts, pièces, proposés par les uns et les autres. Chacun veut sa part du gâteau. Et certains, restent sur leur faim. Soit. Mais il existe une hiérarchie dans l’information et des choix rédactionnels s’imposent. La venue de Dan Ar Braz à Fouesnant constituait un événement à maints égards. D’abord, parce qu’il y a belle lurette que l’aura de l’artiste que d’aucuns considèrent comme l’un des meilleurs guitaristes européens a franchi les frontières de sa Cornouaille natale. Zénith, Stade de France, Eurovision ont jalonné le long chemin de l’incroyable succès de “l’Héritage des Celtes”. Ensuite, justement, parce que “Célébration” est une création qui, elle aussi, fédère les talents et mobilise une vingtaine de musiciens (et deux chanteuses) au sommet de leur art pour dire leur attachement à la Bretagne d’aujourd’hui et de toujours en un somptueux dialogue de guitares et de bombardes, de claviers et de binious. Enfin, parce que Dan Ar Braz avait choisi Fouesnant comme première date en salle (après le concert en plein air du Festival Interceltique de Lorient) de son “Célébration Tour” qui le mènera, entre autres, d’Hendaye à Nantes, d’Equeurdreville à Caen, d’Athis Mons à Guingamp. Et l’Archipel a su se montrer à la hauteur d’un spectacle magnifié par de remarquables effets de lumière.

Oui, le “Célébration” de Dan Ar Braz était bien l’événement artistique de cette rentrée et Frédéric Pinard (le directeur du Centre des arts et des congrès) comme ses amis peuvent à juste raison s’interroger sur le peu d’écho médiatique qu’a rencontré leur brillante ouverture de saison. Il me souvient que l’an dernier, alors que s’achevait la représentation de “Serse”, l’opéra d’Haendel (une première, là aussi), ma voisine journaliste s’en était allée avec ce commentaire aussi lapidaire que péremptoire : “Ce n’est pas mal pour Fouesnant”. Au risque d’être accusé de sombrer dans une paranoïa aiguë, j’en arrive à me demander si nous ne sommes pas victimes d’un ethnocentrisme larvé quimpérois. Les structures changent, les territoires évoluent mais les mentalités résistent. Il n’est guère d’artistes qui, découvrant l’Archipel, ne s’extasient sur la qualité et le confort des installations dans une si “petite ville”. Il n’est guère de semaines où des spectateurs ne s’étonnent de la présence de chanteurs ou de musiciens exigeants et talentueux dans une agglomération qui, pour certains, ne sera toujours qu’un chef-lieu de canton. Certes, ils ne hantent pas les plateaux télévisés mais ils possèdent un public d’inconditionnels qui ne cesse de croître. Leur présence à Fouesnant est en soi, un événement. Ce samedi, Alexis HK, un des grands de la nouvelle chanson française, en résidence de création à l’Archipel depuis une semaine, chantera à son tour à guichets fermés. Il en sera sans doute de même pour Ilene Barnes, la chanteuse de soul américaine qui lui succédera, jeudi prochain. Et puis il y aura le Trio Joubran, Michel Boujenah, Patricia Barber, Jean-Louis Murat et tous les autres. Quant à ceux qui n’ont pas encore réservé leur soirée pour le concert symphonique de l’Ensemble Matheus dirigé par Jean-Christophe Spinosi… le 28 mars 2013, c’est trop tard. On affiche déjà complet. L’art et la culture comme remède à la crise ? On en parlait la semaine dernière.

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Au fil de l’eau 20 octobre 2012

Il y avait du beau monde, l’autre vendredi, au lycée de Bréhoulou. Il y avait la vice-présidente du Conseil régional chargée des lycées, accompagnée de plusieurs conseillers régionaux. Il y avait la sénatrice. Il y avait le député. Il y avait le “régional” de l’étape, Gérard Mével, président du Conseil d’administration de l’établissement. Il y avait le président de la Fédération française d’aquaculture. Il y avait plein de personnes importantes dont j’ai oublié la fonction. Ce qui fait que, lorsqu’Alain Papot, le directeur du lycée, eut fini de remercier toutes ces personnalités pour leur présence, la moitié du temps qui lui était imparti par le protocole était écoulé. J’exagère, bien sûr. A peine. Mais bon, cela faisait plaisir de voir tout l’aréopage des élus bretons et des professionnels de l’agriculture célébrer, après dix ans d’efforts, la réalisation du Centre technologique aquacole qui va faire du lycée fouesnantais une des références nationales de la filière. Cela faisait plaisir parce que, par les temps plombés que nous connaissons, nous sommes plus habitués à assister à la fermeture d’écoles qu’à l’ouverture de nouvelles structures de pointe dont les caractéristiques ont été présentées par les médias. (Plus de trois millions d’euros d’investissement, tout de même, pour la Région.). Dans le flot des discours où chacun s’est autofélicité d’avoir mené à bon port ce projet commun (c’est la loi du genre), j’ai réussi à pêcher une information. En raison de la raréfaction de la ressource et des quotas imposés, un poisson consommé sur deux est, aujourd’hui, issu de l’aquaculture. Et comme la consommation mondiale de poisson va doubler d’ici 2030, on voit l’importance du choix stratégique de Fouesnant. Oui, parce que cela faisait aussi plaisir de constater que le dynamisme de l’établissement rejaillit sur la ville qui l’accueille en son sein depuis bientôt 90 ans. La découverte et la protection de l’environnement sont au cœur des priorités des uns et des autres. Les lycéens nourrissent leur parcours de la richesse d’un milieu qu’on leur apprend à respecter dans sa diversité. Les jeunes enfants des écoles de Fouesnant pourront, bientôt, dans le cadre des “sorties nature”, découvrir la trajectoire captivante de la vie du poisson dans sa globalité. Une belle leçon de choses. Et une parfaite osmose, vous dis-je.

Est-ce pour cela que mon esprit s’est évadé vers Beg-Meil au milieu des discours ? Peut-être. Pendant longtemps, Bréhoulou et le Cempama (Centre d’étude du milieu et de la pédagogie appliquée) ont travaillé en totale complémentarité. Et bien des lycéens ont appréhendé le monde fascinant de la mer du côté de la cale de Beg-Meil. C’est là aussi que se sont créées les premières formations adultes professionnelles en aquaculture. Depuis, les destinées des deux établissements si proches se sont curieusement séparées. Peut-être sont-ce aussi les retrouvailles, ce vendredi, avec Pierre Mollo, chercheur de réputation internationale, qui m’ont rappelé les riches heures de l’appropriation d’un territoire par ses usagers. Merveilleux Pierrot qui découvre le monde dans une goutte d’eau et conditionne l’avenir de l’Humanité à l’existence du plancton. Son Cempama s’est transformé en “Agrocampus Ouest, Centre de Rennes, site de Beg-Meil”. Un établissement d’enseignement supérieur et de recherche dont l’appellation même semble véhiculer une prise de distance avec le terrain. D’ailleurs, qui connaît “Agrocampus” à Fouesnant ? Alors ? Alors les rumeurs se font insistantes du repli des activités sur Rennes. Toujours le tropisme centralisateur des ministères. La hiérarchie, bien sûr, indique qu’aucune communication n’est à l’ordre du jour sur ce “sujet très sensible”, que ce sont des décisions prises au niveau national. Bref. Raccrochez, il n’y a rien à dire. Ouais. N’empêche que dans mes rêvasseries, je me disais que la nature a horreur du vide, qu’il y avait toujours des Beg-Meilois qui n’avaient pas pardonné qu’on ait vendu ce qui fut le “Grand Hôtel” au ministère de l’Agriculture, signant ainsi la fin de l’âge d’or du tourisme de la station. Je me rappelais aussi que Roger Le Goff a toujours souhaité la présence d’un hôtel de haut de gamme qui servirait de locomotive à Fouesnant-les Glénan. Je me souvenais que Vincent Bolloré m’avait confié, un jour, qu’il déplorait l’impossibilité de trouver une terrasse pour prendre son café sur le littoral beg-meilois. Je vous l’ai dit. Ce n’étaient que des rêvasseries nées de l’ennui poli qu’engendre toute allocution officielle. Elles ne présentaient donc aucun intérêt. Quoi que…

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Pomme d’amour 27 octobre 2012

Celui qui n’a pas su que la pomme a pris ses quartiers d’automne, cette semaine, à Fouesnant, a vraiment fait preuve de mauvaise volonté. A moins, évidemment, d’avoir dû garder la chambre en raison d’une de ces légères fièvres passagères, fruit courant du changement de saison. Il n’a en effet, manqué ni affiches, ni tracts, ni articles de presse pour nous confirmer que, durant quelques jours, nous allions baigner dans le jus puisque, c’est devenu une tradition, Fouesnant célèbre son fruit emblématique à la fin des beaux jours (?). Une façon de promouvoir son terroir et de rappeler qu’après le farniente et les baignades sur le littoral de l’été, la commune propose aussi de multiples animations autour des vergers de l’automne. Une manière également de souligner qu’il n’y a aucune raison que l’on ne ressuscite notre patrimoine qu’une seule fois par an, pour les touristes, lors des fastes de la Fête des pommiers. Donc, en ce mois d’octobre finissant, la pomme s’est mise chez nous dans tous ses états. Moi, c’est une affiche qui m’a mis en alerte et qui m’a d’ailleurs plongé dans un abîme de perplexité. Apparemment, je n’ai pas été le seul. Il m’a fallu repasser trois fois devant la sucette qui abritait l’affiche sur le bord de la route pour me rendre à l’évidence : il s’agissait bien d’une poire qui illustrait l’annonce d’une conférence sur la présence de la pomme dans l’histoire de l’art. Une provocation de Maena, notre graphiste préférée, qui ne nous a jamais accoutumés à de telles attitudes débridées ? Impossible. Et puis je me suis concentré sur le texte : “Ceci est une conférence”. Et forcément, j’ai pensé à Magritte et à son célèbre tableau “Ceci n’est pas une pomme”. Le peintre surréaliste y poursuivait sa réflexion sur l’objet et sa représentation. On avait l’image d’une pomme mais sans sa chair, sa saveur, son poids, sa texture. Nous avions donc sous nos yeux une variation fouesnantaise des préoccupations de l’artiste belge. Mais pourquoi une poire alors qu’il était bien question de pomme ? On est toujours rattrapé par ses limites. La conception de l’affiche reposait sur un jeu de mots que je ne pouvais pas apprécier puisque j’ignorais l’existence de cette variété que l’on nomme “poire conférence”. Bref. Le document avait atteint son objectif vu qu’il avait attiré mon attention (et celle de nombreux Fouesnantais). Je me suis donc rendu à la conférence sur la représentation de la pomme dans l’art, en compagnie d’une centaine de personnes. Et je ne l’ai pas regretté.

Délaissant les cours de cuisine, les concours culinaires, les visites de cidreries, les dégustations de jus de pomme, de cidres, de galettes, de tartes et évitant ainsi l’indigestion, j’ai pu au moins me rendre compte qu’en faisant de la pomme, l’espace d’une semaine, l’objet de toutes leurs attentions, les Fouesnantais étaient les héritiers d’une longue tradition. Pas question, bien sûr, d’évoquer tous ces peintres qui, de Raphaël à Cézanne, ont jalonné l’histoire de l’art et fait de la pomme le symbole du vice ou de la vertu, de la vanité ou de la modestie, de la dissimulation ou de la vérité. Mais nous avons, un jour tous entendu parler du Jugement de Pâris offrant la pomme de la discorde à la plus belle des déesses (Aphrodite), du Jardin des Hespérides et de ses pommes d’or (des oranges ?) obligeant Hercule à effectuer l’un de ses douze travaux pour aller les dérober. Et puis, bien sûr, le Jardin d’Eden, le Paradis terrestre, Eve succombant à la tentation et croquant à belles dents cette pomme qui allait faire basculer le destin de l’homme. Rappelez-vous, c’est de là que sont venus tous nos pépins. Pourtant, nous continuons à les aimer nos variétés de pommes fouesnantaises. Nous dénions à quiconque le droit de dire qu’elles ne valent pas un coup de cidre. Alors, l’année prochaine, c’est promis, nous choisirons un dimanche d’octobre pour nous en aller nous perdre dans les vergers de Penfoulic. Seuls en seront exclus ceux qui voudront évoquer ces sombres histoires de fruit défendu.

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So British(1) 3 novembre 2012

En cette période de Toussaint, les activités et les animations se sont, quelque peu, mises entre parenthèses, à Fouesnant comme ailleurs. Tout juste m’a-t-on indiqué que, durant les vacances scolaires, les jeunes avaient rendez-vous avec “Kerambigorn Indoor” à la halle des sports de Bréhoulou. “Kerambigorn Indoor” ? Il s’agit, me suis-je dit, d’une déclinaison de “Kerambigorn Beach” qui a mobilisé les “ados”, cet été, sur la plage de Beg-Meil pour y disputer de mémorables parties de “beach volley”, de “beach soccer”, de “sand ball”. Vous comprenez ? Moi, non plus. Ayant feuilleté une revue féminine, je me doutais bien qu’il faudrait bientôt une licence d’anglais à la “fashion victim” (accro à la mode), allant faire son “shopping” pour remplir son “oversized bag” (sac extra-large) mais j’ignorais que l’anglicisation rampante de la langue française se manifestait avec une telle vigueur à Fouesnant. Donc, “Kerambigorn Indoor” (Kerambigorn en salle). Là, ils ont fait fort les responsables des jeunes en réussissant à rapatrier la plage en centre-ville. La trouvaille sémantique est superbe. Voilà l’atmosphère festive de l’été réinstallée aux portes de l’hiver. A ma connaissance, il s’agit là du seul oxymore anglo-breton de la langue française, qui plus est, doublé d’une métonymie, puisque le lieu (Kerambigorn) se substitue aux activités ludiques pratiquées (volley, basket, foot, mots éminemment français). On aurait pu dire tout simplement que des activités sportives en salle étaient prévues pour les vacances de la Toussaint mais cela n’aurait pas eu ce côté “trendy”, pardon, branché, qu’apporte la langue de Shakespeare que les jeunes affectionnent surtout en dehors des cours scolaires. J’en ai eu la confirmation en me rendant aux Balnéides.

Quand vous franchissez le seuil du Centre aquatique de Fouesnant-les Glénan, vous êtes tout de suite dans le bain, si j’ose dire. Vous vous sentez “so zen”, “so relax” (très détendu). Les activités sont “so dynamic”, l’ambiance “so magic”, les soirées “so fun” (très amusantes) et les horaires “so easy” (très pratiques). Ce n’est pas moi qui l’affirme. C’est marqué dans le dépliant destiné aux clients de langue française. D’ailleurs, ces clients, jeunes ou moins jeunes, ont le choix entre l’ “aquatonic”, qui vous remodèle la silhouette en moins de temps que ne met Florent Manaudou pour gagner un 50 mètres nage libre aux Jeux Olympiques, “l’aquastretching” qui, à coups d’étirements et d’assouplissements, vous soulage le dos et les articulations ou “l’aquabike” qui vous permet d’éliminer toutes les toxines accumulées durant les longues soirées estivales en deux tours de pédalier subaquatique. Pour choisir, il suffisait, m’a-t-on dit, de consulter le “flyer”. J’ai fini par comprendre qu’il s’agissait du prospectus que l’on me tendait. Mais c’est lorsque j’ai voulu connaître la programmation du club “fitness” (activités visant à améliorer sa condition physique) que j’ai définitivement plongé dans un abîme de perplexité. Figurez-vous qu’on m’invitait à participer successivement au cours de “body pump” en utilisant le “step” (apparemment une marche en plastique). Lui succédait le “body balance” qui, comme tout le monde le sait, est un mélange de yoga, de Tai Chi et de Pilates. Et l’on finissait en beauté avec le “sh’bam” (cela se prononce comme cela s’écrit ) qui donne l’occasion de faire du sport sans se rendre compte que l’on fait du sport. Celle-là, même Coluche n’y avait pas pensé. Lâchement, j’ai détourné les yeux du “flyer”, re-pardon, du prospectus et j’ai essayé de me concentrer sur l’affiche qui annonçait une soirée “aqualive” avec le groupe pop-rock des Dreamers en “live” (en direct). En clair, il y aura des oscillations de bassin dans la piscine, le 10 novembre prochain. Un tantinet sonné, je me suis dirigé vers la Médiathèque, temple fouesnantais de la littérature, afin de savoir si l’on y cultivait aussi l’anglicisme pour séduire les jeunes lecteurs. Le regard navré et la mine affligée d’Anne-Marie, la responsable, m’ont signifié l’incongruité de ma question. Et là, allez savoir pourquoi, je me suis soudain senti un peu moins seul.

(1) Traduction approximative : typiquement britannique.

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Derrière les volets clos 10 novembre 2012

La voix est à peine audible, entrecoupée de sanglots, prête à s’éteindre. Une femme raconte le drame qu’elle a vécu, qu’elle continue de vivre. Elle essaie encore d’exister. Elle décrit la trajectoire d’une lente mais inexorable descente aux enfers : insouciance, plaisanteries approximatives, intimidations, harcèlements quotidiens, séquestrations, menaces, violences physiques. Moments bouleversants comme on n’en a jamais vécus à l’Archipel. Mais la femme qui s’exprime, les épaules rentrées, la tête baissée, les yeux baignés de larmes, idée de femme recroquevillée dans sa douleur, n’est pas une comédienne. C’est une victime qui intervient dans le cadre de la nouvelle proposition de café-débat consacré, cette fois, à un sujet tabou, longtemps enseveli sous une lourde chape de silence : “Peurs dans la maison : la violence invisible”. Et une quarantaine de personnes sont là, dans le Foyer-bar, figées, suspendues au filet de voix de cette femme qui a trouvé en elle la force de s’exprimer (peut-être sont-ce les premiers pas vers la rédemption). Elle dit ce sentiment de culpabilité qui s’installe durablement - qu’est ce que j’ai fait de mal ? - la lente dépossession d’elle-même, le sentiment de disparaître. Elle dit aussi la peur de voir arriver le soir, la nuit et son silence remplis de menaces. Elle hoquète sa honte d’aller porter plainte, de ne pas être crue parce qu’elle a plus de bleus à l’âme que de traces sur le visage. Elle témoigne de l’indifférence du voisinage qui ne dit rien, ne voit rien, n’entend rien. Il est vrai que les pleurs avalés, les silences porteurs d’orages n’ont guère de chances de franchir les remparts des murs épais et des volets clos. Et pourtant les violences intrafamiliales se déroulent dans notre quartier, dans notre village, sur notre palier. Elles ont souvent les traits d’un homme sympathique, jovial, un homme avec qui il est agréable de converser et de prendre le verre de l’amitié dans le café du coin. D’où ce refus d’accepter l’évidence, d’imaginer l’inconcevable. “La famille, ce havre de sécurité, est en même temps le lieu de la violence extrême” écrit Boris Cyrulnik, le célèbre neurologue et psychiatre. Un univers de toutes les ambiguïtés propice à toutes les dérives.

Pour évoquer ce thème d’autant plus sensible qu’il peut s’inscrire dans notre quotidien le plus immédiat, Frédéric Pinard, le directeur de l’Archipel, avait invité, en prélude à “La maison des morts”, une pièce pour marionnettes, qui sera présentée le 23 novembre, le professeur Loick Villerbu, psycho-criminologue, expert auprès des tribunaux, professeur de criminologie à l’université de Rennes. L’éminent spécialiste n’était pas là pour donner dans le cours magistral même s’il a voulu corriger quelques idées reçues. La violence n’est pas plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’était au siècle dernier. Il a tenu aussi à redéfinir les termes du débat. Toute violence n’est pas négative. Il faut savoir dire non. Et, c’est bien connu, tout pouvoir est exercice de violence. Toute règle nécessaire à la vie en société est violence. Sans doute, aurait-il fallu recentrer sur la maltraitance qui cherche à détruire son prochain. Mais Loick Villerbu a préféré se mettre en situation d’écoute. Le psychologue a pris le pas sur le professeur. Peut-être est-ce pour cela que l’on n’est pas toujours resté dans le cadre du débat. Peut-être aussi y avait-il plus de professionnels (services sociaux, enseignants) que de femmes malheureuses parmi les participants à ces échanges. Certaines, sans doute, auraient voulu s’épancher mais n’en ont pas eu la force. Ne nous leurrons pas, en effet. La peur, la honte sont toujours là à notre porte. A la gendarmerie de Fouesnant où il n’y a ni plus ni moins d’actes de maltraitance qu’ailleurs, deux gendarmes sont spécialement affectés à l’écoute des personnes en situation de vulnérabilité. Ils sont attentifs à la détresse des plus faibles (aînés, femmes battues, enfants brutalisés). La parole des victimes est désormais entendue. Cela n’a pas toujours été le cas dans une société qui peine souvent à se regarder dans le miroir qu’on lui tend.

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L’art de séduire 17 novembre 2012

Sans doute avez-vous remarqué que les ronds-points fouesnantais où s’exercent, tous les ans, l’imagination débridée de Jean-Pierre Gadiollet et de son équipe des “espaces verts” pour accueillir dignement les visiteurs de l’été ont retrouvé la sobre décoration qui sied à la morte saison. Exit donc, le catamaran, les planches à voile, les personnages colorés. Même les incontournables “géants” qui, depuis trois ans, dressaient leurs sobres silhouettes dégingandées à l’entrée de la ville descendent de leur piédestal. Avant de voir leur famille s’agrandir, on les avait connus, insouciants et débonnaires en tenue de baigneurs, invitant les estivants à les suivre sur les plages du littoral. Rappelez-vous, ils portaient fièrement les marinières à rayures bleues, blanches et jaunes et cela faisait couleur locale. C’était bien avant que cela devienne tendance et suscite un tourbillon médiatique lorsque l’un de nos politiques s’en était emparé. En fait, Arnaud Montebourg dont les pairs se plaisent à moquer la mégalomanie n’était qu’un vil plagiaire de nos “géants” à nous. A l’époque, Michel Guéguen, directeur d’Armor-Lux et Fouesnantais bon teint, avait reconnu les siens et avait apprécié le clin d’œil. La commune et l’entreprise ont toujours entretenu des relations amicales. Aussi, le cycle des décorations tournant et les thèmes évoluant, ne sera-t-on pas étonné d’apprendre que nos “géants”, habillés de neuf, vont s’en aller, au début de l’an prochain, dresser leur imposante verticalité du côté de Kerdroniou où ils accueilleront, avec la même bonhomie bariolée, la clientèle de la grande marque bretonne. Ils n’oublieront pas, bien entendu, leur certificat de naissance et proclameront fièrement leur identité fouesnantaise.

Pourquoi vous raconter cette anecdote ? Parce qu’elle est suivie d’une deuxième. Il y a un mois, un courrier est arrivé à la mairie de Fouesnant. Il provenait du président de l’association de l’écomusée “De la pomme au calvados”. Ce dernier avait séjourné durant l’été à Fouesnant et avait été marqué par la présence bigarrée, dans le centre-ville, des énormes pommes que les responsables de la décoration de la commune avaient réalisées à l’occasion de la célébration du centenaire de la Fête des pommiers. Une vingtaine d’entre elles avaient été fabriquées en sculptant à la tronçonneuse des blocs de polystyrène. Colorées de jaune et de rouge, elles faisaient illusion et certains, dit-on, en avaient l’eau à la bouche en les caressant. Donc, cet élu normand se renseignait sur le devenir de ces beaux fruits et suggérait à la municipalité de faire don de quelques unités car, écrivait-il, “ces pommes seraient parfaites sur le site du Grand jardin au Sap dans l’Orne où se trouve notre écomusée”. Aux dernières nouvelles, la municipalité répondrait favorablement et offrirait quelques exemplaires à leurs voisins normands. La récompense ? Elle n’a pas de prix. Voir une pomme de Fouesnant (dont l’origine serait attestée) trôner en majesté au royaume cidricole de Normandie est une jouissance de fin dégustateur que même les membres du CIDREF n’avaient pas osé imaginer dans leurs rêves les plus fous. Mais la plus belle des récompenses est évidemment pour les employés communaux qui øuvrent dans l’ombre et qui voient ainsi leur travail reconnu et leur talent valorisé. De quoi leur donner des idées pour la saison prochaine. Tiens, à propos d’idée, cette histoire d’écomusée me rappelle qu’au début des années 90, un projet de Maison du patrimoine avait durablement secoué les vergers du côté de Fouesnant. Des études avaient été rondement menées, des plans établis mais des considérations budgétaires avaient eu raison du futur écomusée. Aujourd’hui, la commune semble vouloir mettre en avant son patrimoine local. Pourquoi ne pas imaginer une structure d’une autre ampleur, mieux adaptée, mieux conçue ? Du coup, Fouesnant pourrait aussi travailler pour sa pomme.

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Rayons de soleil 24 novembre 2012

Apparemment, Jean-Paul Ollivier ne goûte pas excessivement que l’on s’attarde sur les problèmes de dopage qui, depuis plusieurs années déjà, éclaboussent le Tour de France. Les Français ne s’intéressent pas à ce genre de détails. Ouais. Les sept Tours retirés à Lance Armstrong ? Cela laisse un grand vide mais personne ne savait. On se doutait seulement. Ouais, ouais. Et pourquoi pas le football, le tennis ? Que le Tour, pour son centième anniversaire ait choisi de partir de Corse, l’île de l’omerta, ne semble pas au journaliste de Douric Ar Zinc, en Concarneau, un symbole incongru. Jean-Paul Ollivier aime le cyclisme comme tout le monde, connaît le vélo comme personne et il est venu à Fouesnant partager ses souvenirs (sans oublier de vendre l’ouvrage qu’il leur consacre) avec une équipe d’inconditionnels. Et là, Paulo la science est impérial. Fascinant d’érudition, prodigieux de mémoire, il égrène, avec délectation, les petits et hauts faits de la Grande Boucle. Il réinvente le geste de ceux que l’on appelait alors les Géants de la route et les étapes prennent des allures d’épopée. Rappelez-vous 1964. La France est divisée en deux. Non pas à la manière d’aujourd’hui où Sarkozystes et Hollandais nous offrent de bien piètres combats. Non, en 1964, il y a les Anquetilistes et les Poulidoristes. Nulle compromission possible. Les deux camps s’affrontent avec panache en de flamboyantes envolées verbales. Dois-je dire que j’étais anquetiliste parce que je découvrais que la grâce pouvait chevaucher un vélo ? C’est dit. Jean-Paul nous raconte le “mano a mano” pathétique des deux coureurs dans la montée du Puy de Dôme et nous l’écoutons, émerveillés comme les adolescents que nous étions à l’époque, alors que nous connaissons, bien sûr, chaque mètre de cette ascension homérique qui appartient à la mémoire collective des “aficionados” de la petite reine. En fait, c’est pour cela que nous serons tous là, au passage du prochain peloton. On retrouvera notre regard d’enfant émerveillé par la noria bariolée des véhicules de la caravane publicitaire précédant le furtif passage (instant rêvé ?) des héros qui paraissent glisser, en un inaudible chuintement, sur l’asphalte de la chaussée. Des rayons de soleil dans l’eau froide du quotidien.

Dans le Pays Fouesnantais aussi, la magie est toujours là, intacte. Sinon, pourquoi Fouesnant aurait-elle accueilli, dès 1992, une étape du Tour de l’Avenir, antichambre du Tour de France ouverte aux coureurs de moins de 23 ans ? Pourquoi, deux ans plus tard, Saint-Evarzec aurait-elle revêtu ses habits de fête durant huit jours pour organiser le départ de ce même Tour de l’Avenir, l’une des principales épreuves cyclistes françaises ? Bénodet prit le relais en 1996. Comme disaient les anciens cyclistes des années d’avant-guerre, nous étions tous vaccinés avec un rayon de vélo. Et puis, souvenez-vous, c’était hier, l’arrivée du Tour de Bretagne en avril 2011, à Fouesnant. La liesse s’était emparée du bourg dans une atmosphère chamarrée. Seuls quelques nuages blancs avaient simulé une échappée dans un ciel où trônait un soleil de maillot jaune. Du côté de Bréhoulou, l’arrivée avait été somptueuse.

Impressionnés par la ferveur populaire, les organisateurs avaient promis de revenir nous voir. Ils ont tenu leur promesse et, au printemps 2014, le Tour de Bretagne nous rendra de nouveau visite. Et nous serons là, le cœur en fête, guettant le passage des extra-terrestres, mesurant les écarts, encourageant les attardés. Et notre esprit ne sera guère encombré de toutes ces médisances qui courent sur le dos courbé du peloton. Peut-être, finalement, que Jean-Paul avait raison en évoquant l’indifférence des passionnés. Ah oui, au fait. Le 15 septembre 1992, la 7e étape du Tour de l’Avenir, Brest-Fouesnant fut remportée par Erik Dokker, un solide Batave, vice-champion olympique qui allait par la suite gagner plusieurs étapes du Tour de France. Le deuxième à franchir la ligne d’arrivée en haut de la rue d’Armor était un obscur coureur américain. Il s’appelait Lance Armstrong.

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La maisonnette aux volets bleus 1er décembre 2012

Quelle est la maison la plus photographiée par les estivants et les visiteurs qui passent par Fouesnant ? Se situe-t-elle au centre-ville ? Assurément pas car les architectes y sont d’une banalité affligeante même si l’on y trouve, dit-on, la plus ancienne maison de la commune. Sont-ce les somptueuses villas qui dressent leurs orgueilleuses façades, dominant la baie de La Forêt, entre Beg-Meil et Cap-Coz ? Non. Trop difficiles d’accès. La demeure qui attire tous les regards et tous les objectifs quand viennent les beaux jours est une humble mais ravissante chaumière située en bas du bourg, au sommet de la descente du Douric. Il est vrai qu’avec son toit de chaume, sa porte et ses volets bleus, sa petite barrière donnant sur un jardinet fleuri, elle évoque ces pavillons de carte postale qui attirent tant les chasseurs d’images et les amateurs de clichés originaux (gare à l’oxymore). Alors, les voisins l’affirment, on s’arrête au milieu de la chaussée, on n’hésite pas à lever le loquet de l’entrée et on s’accorde ce dernier souvenir pour montrer aux amis qu’en Bretagne, au moins, “on a su préserver une certaine forme d’authenticité”. Ils sont peu nombreux, en fait, ceux qui savent qu’ils photographient là le havre de paix que fit construire Jos Parker dans sa propriété de Kergoadic au début du XXe siècle. Le célèbre barde fouesnantais le fit même agrandir pour y installer son atelier où il peignait les vastes horizons qui, aujourd’hui encore, nous permettent d’apercevoir Concarneau et les eaux de la baie. La passerelle qui surplombait le chemin du Douric (dont on dit qu’il lui servit de modèle pour son poème le plus fameux, “Les chemins bretons sont des fantaisistes / qui vont de travers au lieu d’aller droit / Ils seront toujours aimés des artistes./) a disparu mais le charme demeure intact. On raconte que c’est sur cette passerelle que Jos Parker exposa un tableau où il caricaturait le maire de l’époque (un chien vert avec une queue rouge, levant la patte sur un mur effondré). La polémique fit rage, la justice fut saisie. Toute ressemblance avec des pantalonnades politiques actuelles serait purement fortuite.

Si je vous parle, cette semaine, de “Ti Plouz” puisque c’est ainsi que le “Kloarec Kerné” (le chantre de la Cornouaille) baptisa cette chaumière (maison en toit de paille) que plus personne n’évoque à Fouesnant, c’est parce que j’y suis allé pour la première fois, invité par le vieux monsieur et la vieille dame qui y habitent. Ils m’ont montré l’endroit du plafond où se situait la trappe par où la fidèle bonne, Anna Chiquet, accédait à sa paillasse. Ils m’ont raconté l’histoire de cette maisonnette où vécut notamment un directeur d’école de Londres qui acquit cette chaumière en échange d’un appartement à Paris. Cet homme promit de leur vendre “Ti Plouz” quand il s’en irait. Ce fut fait. Ils ont évoqué l’extraordinaire hasard qui les fit s’installer dans la maison du poète avant que la vieille dame ne reconnaisse, lors de la dernière journée du patrimoine, la photo de son père devant le tombeau de Jos Parker. C’était en 1923 et le riche agent immobilier était chargé de récolter les fonds pour ériger en “lec’h”, une pierre levée ornée d’une croix celtique, sur le tombeau du barde. Avant de découvrir un passé qu’elle ignorait, la dame aussi avait versé dans la poésie. Lors de cette journée du patrimoine, son mari avait déclamé le sonnet à “Ti Plouz” : “Promeneur attardé, aux ans chargés de rêves… / Pousse la porte bleue, décroche la chaînette / A la pierre moussue, t’accueille le logis /. A nouveau, par le plus grand des hasards, j’ai rencontré le vieux monsieur et la vieille dame qui se promenaient en se tenant par le bras. Avec une exquise courtoisie, le vieux m’a salué en soulevant son couvre-chef, m’a présenté son épouse. J’ai donc ouvert le portillon “sans faire de manière”. Nous avons beaucoup échangé. Nous en reparlerons bien sûr.

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Le chemin des oiseaux 8 décembre 2012

Rencontre avec Allain Bougrain-Dubourg, le défenseur passionné de la nature et de l’environnement, venu évoquer le déclin de la biodiversité la semaine dernière, à Fouesnant. On imagine l’ancien compagnon de Brigitte Bardot et de Jeane Manson, habitué des plateaux télévisés, débarquant en terrain conquis, affublé des tics exaspérants de la “jet set” parisienne. On a tout faux. L’homme est simple, avenant, disponible. Première étape. Le maire tient à l’emmener faire le tour du propriétaire. Allons-y donc en minibus vers les bords de mer. Premier arrêt à la Pointe de Mousterlin. Sur le rocher, les oiseaux, prévenus, sont au rendez-vous. Le président de la Ligue de la protection des oiseaux n’en croit pas ses yeux. A quelques mètres, la gent ailée, nullement effarouchée, prend la pause. Le pourchasseur de chasseurs se perd en superlatifs. Imperturbable, Lulu récite : bécasseau sanderling, tournepierre à collier, Grand cormoran, Huîtrier-pie. La coupe est pleine. Il est temps de repartir. On longe le marais avant d’arriver à Cleut-Rouz. Convoqués, les cols-verts se sont parés de leur plus bel uniforme et défilent en majesté. L’œil embué, Bougrain s’en mettrait presque au garde-à-vous. Un coup d’œil sur le site de Kerbader où l’on a oublié d’allumer le four à pain en l’honneur du chantre de l’authenticité et, déjà, se profilent les dunes de Maner Coat-Clévarec (Renouveau). A pas cadencés, on arpente les terrains qui autrefois servaient de parking et qui, aujourd’hui, symbolisent la volonté de reconquête du front de mer. Un regard sur la plage où la laisse de mer ganse de brun le sable immaculé, histoire de rappeler à l’hôte du jour qu’à Fouesnant on se trouve aux antipodes des espaces aseptisés de la Méditerranée et voilà la petite équipe repartie vers Kerambigorn et sa dune renflouée. Puis ce sera Beg-Meil où pour l’occasion, la pinède s’est refait une beauté. Au passage, l’œil avisé du président de la LPO s’est allumé en découvrant que dans la station on était allé jusqu’à donner à un petit passage le nom de “chemin des oiseaux”. Cette fois-ci, il n’y avait rien de prémédité. En revanche, au Cap-Coz, l’escadrille des oies bernaches a bien décollé à l’heure dite pour saluer l’arrivée de leur grand-maître. Il ne restait plus à Allain Bougrain-Dubourg qu’à déambuler dans le sentier labellisé “quatre handicaps” avant de reprendre son souffle dans la Maison des Marais. Et là, des lèvres augustes du prestigieux défenseur de la biodiversité, est sorti le mot que le maire et ses services guettaient depuis quelque temps : “Bravo !”.

Deuxième étape. Une centaine de personnes attendent l’invité dans la salle de l’Archipel. Allain Bougrain-Dubourg possède, à l’évidence, son sujet et sait tenir l’auditoire en éveil. Le plaidoyer pour la sauvegarde de la planète et pour ne pas sacrifier le déclin des espèces sur l’autel de l’urgence climatique est vibrant. A l’heure du débat, l’homme qui défie physiquement les prédateurs de tourterelles, de pinsons ou d’ortolans ne se laisse pas démonter. Libre il est, libre il restera. Et s’il fréquente au quotidien les présidents et les ministres, il n’abandonnera pas sa liberté de parole pour un strapontin ministériel. Oui, il a trouvé Sarkozy sincère quand il a créé le ministère de l’Ecologie avec Alain Juppé à sa tête. Oui, il fonde des espoirs sur la Conférence environnementale initiée par Jean-Marc Ayrault. Non, il ne veut pas de tauromachie en France. Non, il n’est pas d’accord pour la réalisation d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Allain Bougrain-Dubourg a des convictions. Il a aussi de l’humour. Avant de terminer, il a confié qu’il aimait finir sur une citation afin d’être assuré d’obtenir des applaudissements. Il a donc appelé Einstein à la rescousse : “Le monde est dangereux à vivre : non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire”. Et d’ajouter : “A Fouesnant, on regarde le mal mais on ne laisse pas faire”. De fait, le public a applaudi. Mais on s’interroge toujours : était-ce pour Roger Le Goff ou pour Allain Bougrain-Dubourg ?

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Le retour des cigognes 15 décembre 2012

“Quand passent les cigognes”, le film du grand metteur en scène russe Kalotozov. Ce fut mon premier émoi cinématographique. Nous étions jeunes adolescents et nous étions tous secrètement amoureux de la belle Tatiana Samoilova. Le film qui racontait, si je me souviens bien, une histoire d’amour pendant la deuxième guerre mondiale connut un succès immense dans le pays et obtint même la Palme d’or du Festival de Cannes. Et bien, l’une de ces cigognes, figurez-vous, se posa un jour à Fouesnant. Ce fut bien plus tard, le 15 juin 1994, exactement. L’échassier était en cristal de Daum (Nancy), le plus beau qui soit. Ce jour-là, le président national des Offices de tourisme et syndicats d’initiative, vint en personne, accompagné d’une représentante du ministère de l’Environnement, remettre le prestigieux trophée au maire, Roger Le Goff, au directeur de la SEM (dont il faudra que je vous parle un jour), Thierry Lacombe, et au président de l’Office de tourisme, Jean-Paul Bertholom. La “Cigogne de cristal”, distinction unique en France, récompensait la commune pour sa politique de mise en valeur de son patrimoine naturel. Si Fouesnant remporta le prix (avec un chèque de 20 000 francs à la clé), à l’unanimité du jury, devant les 35 autres villes candidates, ce fut grâce au travail réalisé par Lulu, l’animatrice-nature embauchée par la commune (la seule en Bretagne), quatre ans auparavant, en 1990. Avec ses sorties nature et ses visites guidées, des milliers d’enfants et de touristes apprenaient à découvrir et à respecter les sites et les paysages fouesnantais. Quelque 20 ans avant Allain Bougrain-Dubourg, les membres du jury furent sensibles à ce travail d’éducation qui perdure encore aujourd’hui.

Tout ce passé m’est remonté à la mémoire en contemplant le trophée que Jean-Yves Le Floch, le directeur de l’OMT s’en est allé chercher à Paris, il y a une dizaine de jours. C’était à l’occasion de la cinquième cérémonie des Sceptres d’or du développement durable 2012. Il trônait sur la scène de l’Archipel, lors de l’assemblée générale de l’Office municipal de tourisme. La sculpture qui représente deux mains enveloppant un globe doré au sommet duquel volètent quelques petits oiseaux est, à vrai dire, “kitchissime” et n’évoque en rien l’élégance aérienne des échassiers. Mais, symboliquement, elle marque la constance fouesnantaise dans sa politique de protection du cadre de vie et souligne le retour de la cigogne qui plane désormais sur Mousterlin. Ce sont, en effet, les travaux entrepris pour réhabiliter les marais qui ont été distingués au titre du développement durable. Une remise en question qui a séduit l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques comme elle avait séduit, on s’en souvient, il y a 15 jours, Bougrain-Dubourg. L’écologiste avait convoqué Einstein lui-même pour exprimer sa satisfaction. Remettons donc une couche du célèbre scientifique : “Aucun problème ne peut-être résolu sans changer l’état d’esprit qui l’a engendré”. A Fouesnant la prise de conscience est évidente et l’on a compris que l’on ne peut développer durablement le tourisme en sciant la branche sur laquelle on est assis. Mais si la gestion environnementale est maîtrisée, ce n’est pas pour autant que la partie est gagnée. La saison a été morose. Les budgets vacances diminuent, les habitudes touristiques évoluent en fonction de l’accessibilité (où sont nos low-cost ?), du prix (le littoral breton est cher) et du moment (l’escapade de dernière minute). Il est donc impératif d’innover pour survivre a répété Dominique Macoin, le “grand témoin” de l’assemblée générale, aux professionnels du tourisme. Pour gommer les pollutions (algues vertes) et les aléas du dérèglement climatique (étés pluvieux), il va falloir mettre l’imagination au pouvoir et inciter tout le monde à tirer dans le même sens. Bref, comme disait la rengaine, les cigognes sont de retour. Annoncent-elles pour autant des jours meilleurs ?

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Dilemme de givrés 22 décembre 2012

C’est une course qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde et je ne comprends pas que Jean-Pierre Pernaud ne s’en soit pas encore emparé pour illustrer, dans son journal du 13h de TF1, les ineffables dérèglements qui pimentent le quotidien de nos régions profondes. Donc, ce vendredi 21 décembre, à 17h25 précises, une vingtaine de coureurs de grand fond (entendez par là les athlètes qui prennent leur pied, si j’ose dire, après avoir parcouru une centaine de kilomètres sans que le mollet ne fléchisse) prendront leur élan pour une nuit non-stop autour de la pointe de Mousterlin. Ce sera la nocturne du solstice d’hiver, la nuit la plus longue de l’hiver. Et d’ailleurs, elle ne s’arrêtera qu’à 9h03, ce samedi matin, à l’instant même où poindra le soleil. La course, bien sûr, n’a rien d’officiel mais elle rassemblera des spécialistes venus de Paris, de Nîmes et d’ailleurs. Simplement pour ajouter une ligne de folie à leur palmarès d’anthologie. On parlera pudiquement d’épreuve pédestre pour ne pas sombrer dans les superlatifs qui banalisent nos enthousiasmes. Le parcours qui épousera scrupuleusement les caprices linéaires du littoral mousterlinois a été rigoureusement mesuré : 1 935 m. L’an dernier, pour la première édition, la mairie avait généreusement accepté de conserver l’éclairage public durant toute la nuit, évitant ainsi à des noceurs tardifs d’halluciner en croisant un ballet de lampes frontales, émergeant de la nuit profonde et suscitant de fugitives inquiétudes quant à leur état de délabrement post-prandial. Des esprits taquins n’avaient d’ailleurs pas hésité à baptiser cette ronde convulsive réservée aux nyctalopes revendiqués de l’appellation hautement subversive de “course des insomniaques anonymes” (C.I.A, évidemment, pour les initiés). En tout cas, le vainqueur, Frédéric Bertrand, dont le nom devrait s’inscrire en lettres d’or sur le fronton du mausolée des conquérants de l’inutile avait accompli, l’hiver dernier, 73 tours, sans s’arrêter dans les estaminets de la pointe, quand le soleil daigna sortir de sa torpeur hivernale. Soit 141,255 km, exactement. Et ils étaient sept à avoir parcouru plus de 100 kilomètres. On ne signala ni sortie de route, ni naufrage du côté du Grand Large. Comme quoi on peut baigner dans les ténèbres et être parfaitement lucide.

Mais il faut avouer que pour cette deuxième édition, la tâche se complique. Tout le monde le sait désormais. Si l’on s’en réfère au calendrier Maya, cette nuit du solstice d’hiver du 21 décembre 2012 sera la nuit de la fin du monde. Et pour les organisateurs de l’épreuve, Sport Nature et Aventure (SNA), la tentation a été forte de faire appel aux amateurs de sensations fortes qui viendront courir une dernière fois dans leur vie de terrien impavide. Les rescapés de cette folle nuit l’auront échappé belle et pourront la raconter plus tard à leurs petits-enfants. Mais imaginons le pire. A l’extrême pointe de Mousterlin, la mer s’ouvre et voilà les concurrents partis pour une ultime course à pied vers les Glénan. Dès lors, une question nous hante. Reviendront-ils assez tôt pour disputer la septième édition de la baignade des Otaries au Cap-Coz, le 30 décembre ? Un vrai dilemme de givrés.

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Prix libres 29 décembre 2012

Vous n’en avez pas assez, vous, de ces émissions d’autocongratulation sur nos écrans télévisés ? L’époque, il est vrai, est propice et il est tentant, en cette fin d’année, d’encenser, de célébrer, de complimenter, de flatter les invités qui en rajoutent complaisamment. Oui, oui, l’année 2012 a été un grand millésime pour moi mais la vôtre n’a pas été mal non plus. On se complaît dans la surenchère mais il arrive un moment où le vase déborde. Donc, dans un exercice de désintoxication et de salubrité publique, j’ai, à ma modeste place, décidé de porter un regard moins complaisant sur ceux qui ont la charge de nous représenter à la mairie de Fouesnant. Il y en aura pour tout le monde.

A tout seigneur, tout honneur. Je décerne le prix de l’absurdité routière à Roger Le Goff, le maire, pour l’invraisemblable réaménagement de la route Hent Roudou qui transforme une simple voie de transit (vers Croas-Kerelleau d’en bas), certes très fréquentée, souvent trop rapidement, en une piste d’essai pour les amateurs d’émotions fortes qui improvisent des gymkhanas entre les balises plastiques censées faire baisser la vitesse. A tout instant, on craint le télescopage frontal. Chaque semaine, des poteaux sont remplacés et, une nuit, un usager excédé les a tous rasés. Prix spécial de la confiance aveugle ou de l’inconscience collective aux automobilistes qui continuent à se garer entre les balises. Les carrossiers devraient bientôt se frotter les mains. Prix du non-sens, également à la municipalité pour la Hent Kerangaërel (cherchez, c’est à Mousterlin) dont les deux accès sont en sens interdit. Une dérogation est accordée aux riverains. Heureusement !

Le prix de l’amnésie politique est décerné à Nathalie Conan, chef de file de l’opposition socialiste au Conseil municipal. L’an dernier, elle a pris un malin plaisir à rappeler à Roger Le Goff, à plusieurs reprises, que si l’on était contraint d’augmenter les impôts à Fouesnant, c’était dû au désengagement des “amis politiques” du maire au gouvernement, de plus en plus avares en matière de dotations. Lors du dernier conseil municipal, Roger Le Goff a eu beau jeu de ramener la conseillère générale dans son parti. Elle l’interrogeait sur les conséquences de l’aménagement du temps scolaire qui se traduiront par des dépenses supplémentaires pour les collectivités locales. Le maire lui a rappelé les bienfaits de finances communales saines pour faire face aux fortes diminutions de dotations que préparent les “amis politiques” de Nathalie Conan au gouvernement.

Je décerne le grand prix de l’exégèse biblique à André Bernard et à son équipe de la Gauche… naturellement, pour avoir écrit en manchette d’un de leurs bulletins dont je suis un lecteur régulier – je résume – “Dieu créa l’homme à son image… Et il vit que cela était bon… Et c’est ainsi que Roger Le Goff créa Jean-Yves Le Dréau”. Moi je dis que lorsque l’on a tant de talent dans la concision, tant d’audace dans la déduction comparative, cela mérite le respect. L’analyste des Saintes Ecritures a seulement oublié que dans la Genèse, il est dit que l’homme fut créé libre mais cela n’entrait sans doute pas dans la logique qu’entendait mettre en avant cette citation d’anthologie.

Le prix du syndrome dilutionnel est accordé à Catherine Le Floch et à son groupe “Energies… fouesnantaises” dont on discerne de plus en plus mal le positionnement politique. Depuis le mois de janvier, ils n’ont apporté aucune contribution aux tribunes réservées à l’opposition pour exprimer leur point de vue sur la gouvernance communale dans le magazine municipal. Les 17% d’électeurs qui avaient voté pour la liste en 2008 ont lancé un avis de recherche.

Avant de conclure, je décerne le prix de l’imbécillité à ces individus qui ont saccagé à deux reprises le superbe troupeau de rennes créé par les services municipaux sur le rond point de l’Odet. Une merveille de poésie bucolique. Imbéciles et lâches, en plus, car comme dit Jean-Pierre Gadiollet : “Un décor, ça ne crie pas”.

Enfin je m’autodécerne, à mon tour, le prix de l’autosatisfaction. Durant cette année, les abonnés à ce rendez-vous ont augmenté de plus de 10%. Et l’on dépasse le millier de fidèles en y ajoutant les visites sur les sites. Voilà. Ce n’est pas à moi de le dire ? Mais qui l’aurait dit à ma place ? De bonnes rencontres nous attendent en 2013.

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Carte de vœux 5 janvier 2013

Vous avez vu ? Nous avons eu droit au 20h de TF1, la grand-messe télévisée qui rassemble, chaque soir, plusieurs millions de personnes devant le petit écran. C’était pour la baignade des Otaries, au Cap-Coz, évidemment. On nous a même offert le Directeur du tourisme, Jean-Yves Lefloch, en “guest star” et en maillot, pas peu fier de damer le pion à des stations comme Dinard qui rassemblait pourtant six fois plus de baigneurs. Les réseaux fouesnantais, patiemment mis en place, produisent désormais leurs effets. Une bonne façon de commencer une année 2013 que l’on annonce morose et qui pourtant, à Fouesnant-les Glénan, sera riche en rendez-vous. Mon premier vœu ? Que les énergies continuent à se fédérer autour d’animations originales comme les Joutes nautiques du Cap-Coz et la Nuit du solstice d’hiver de Mousterlin qui en sont à leurs balbutiements et qui pourraient, elles aussi, agrémenter des reportages télévisés. Les temps sont révolus où pour vivre heureux, il fallait vivre caché. On nous promet dans les mois qui viennent une nouvelle entrée en majesté à Fouesnant en venant de Quimper avec nouvel espace commercial (drive, restauration rapide…), giratoire et circulations piétonne et cycliste sécurisées. Bien. Mon vœu ? Qu’on arrête de nous mener en bateau avec des projets de complexe cinématographique. Voilà plusieurs années que les Fouesnantais et les estivants sont privés d’un loisir indispensable à toute station touristique qui se respecte. Alors, qu’il se fasse à cet endroit ou ailleurs, peu importe. Mais il faudra bien qu’un jour, et le plus tôt sera le mieux, le conseil municipal se saisisse du dossier et qu’on cesse de nous faire du cinéma. Nous aurons cette année un nouveau restaurant municipal qui permettra, entre autres, de desservir, dans les meilleures conditions, les établissements scolaires fouesnantais. Très bien. Mon vœu ? Que l’on profite de la restructuration de cet espace qui se poursuivra par la démolition de l’ancienne maison de la communauté de communes pour donner enfin corps à la grande place de la mairie qui manque singulièrement d’âme. La maison de retraite de Maner Ker Elo sera opérationnelle au printemps. Une réalisation majeure voulue par la CCPF. Mon vœu ? Puisque l’usage veut qu’on ne donne pas de noms de personnes aux rues et aux espaces publics de la ville (même si la place de la mairie a été baptisée, en son temps, place du Général de Gaulle, mais personne ne le sait), on puisse enfin (j’insiste) donner le nom de Jos Parker et de Frédéric Le Guyader à l’un ou l’autre des secteurs de la nouvelle structure. Fouesnant qui ne cesse de célébrer la pomme, le cidre et les valeurs du terroir leur doit bien ça. La réhabilitation du marais de Mousterlin pour laquelle la commune a reçu le Sceptre d’Or du développement durable va profondément modifier ce paysage cher aux Fouesnantais. Il va retrouver sa vocation originelle en permettant à la mer de reprendre ses droits. Le site constituera un endroit remarquable de la biodiversité. Mon vœu ? Que la commune conserve ce souci de la préservation de son cadre de vie et que le personnel des espaces verts et des services techniques fasse preuve de cette ingéniosité et de cette inventivité qui vaudra à Fouesnant de conserver cette année les “4 Fleurs”, distinction de prestige obtenue voilà quatre ans. Avant l’été, l’usine de traitement des algues vertes de Kerambris entrera en fonction. Le traitement se fera désormais en milieu confiné. Il s’agit, pour moi, du rendez-vous majuscule de l’année. Des dizaines de riverains sont régulièrement victimes de nuisances olfactives, notamment, qui rendent difficile la vie à l’air libre. Plusieurs d’entre eux ont dû se résoudre à déménager. Mon vœu ? Que les élus et les experts ne se soient pas trompés et que cette nouvelle usine de compostage permette de retrouver une qualité de la vie à laquelle tout le monde a droit. Que les rayons de soleil du printemps rentrent, à nouveau, par les fenêtres ouvertes de Menez-Rohou à Rosnabat !Mon dernier vœu ? En 1992, dans le sillage de Michel Carré et de plusieurs bénévoles, naissait le “Spectacle du cœur” qui, à Noël, rassemblait 600 personnes dans l’ancien Centre de la culture. Les jeunes des associations fouesnantaises proposaient un spectacle (chants, danses, musiques). La recette servait à constituer des paquets cadeaux pour les jeunes Fouesnantais qui n’avaient aucune chance de trouver quelque chose dans leurs sabots, le 24 décembre. En 14 ans, 900 paquets furent ainsi distribués (vêtements, jouets, friandises). Et puis, en 2006, le CCL fut détruit et le spectacle cessa. Et si, en 2013, il se trouvait de nouvelles bonnes volontés pour prendre le relais à l’Archipel ? Quelque chose me dit en effet que le Père Noël rate de plus en plus de rendez-vous et qu’il y a de moins en moins d’étoiles qui brillent dans les yeux de nombreux enfants à l’heure d’aller faire un tour du côté de la cheminée.

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Le philosophe et le politique 12 janvier 2013

Mardi soir, 20h30, au foyer-bar de l’Archipel. Au menu du dernier café-débat, en prélude à la pièce d’Octave Mirbeau, “Les affaires sont les affaires”, présentée samedi soir, un thème qui n’incite pas forcément à quitter son intérieur douillet pour aller affronter le froid humide de l’hiver : “Capitalisme et amour de soi dans nos rapports aux autres”. Rien que cela. Nous sommes pourtant une soixantaine et les absents ont tort. Le philosophe Sylvain Reboul, auteur notamment de “Le néant dans la pensée contemporaine” se livre, en effet, à un exercice de haute voltige intellectuel autour du système économique triomphant. Dans notre société, malgré les injustices sociales et les dérives financières, le capitalisme règne sans partage. Être, c’est paraître, et paraître, c’est avoir. Bref, exister, c’est posséder. Et tant pis pour les exclus du système. Si cette situation perdure nous dit le philosophe, c’est parce qu’il y a chez le dominé, l’acceptation du dominant dont on espère bientôt rejoindre les rangs. Et Sylvain Reboul d’appeler à la rescousse René Girard. Non pas l’entraîneur de l’équipe de foot de Montpellier, mais le philosophe, théoricien du “désir mimétique”. Vous suivez toujours ? J’essaie de résumer et de simplifier (beaucoup) la pensée de Girard. Tout désir est désir d’imitation de l’autre. Notre désir est toujours provoqué par le désir qu’un autre a d’un objet quelconque. Et voilà comment le capitalisme prospère. Sinon pourquoi voulez-vous que les gens du peuple se précipitent sur les journaux “people”, rêvent de revêtir le maillot des footballeurs milliardaires du Barça ou vont faire valider leur ticket de loto, chaque semaine, au café du coin ? “Un jour que peut-être moi aussi…” On ne va quand même pas abandonner un système qui permet à tout le monde d’espérer. Seulement voilà. En se compromettant avec le monde interlope de la haute finance, le capitalisme a perdu son âme. Et l’on est loin du théorème vertueux de l’ancien chancelier allemand, Helmut Schmidt : “Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain.” On sait ce qu’il en est advenu : crise financière, crise économique, profits énormes pour une petite caste de privilégiés, chômage de masse pour les “dominés”. Alors, on fait quoi ? Les alternatives au capitalisme ? On a vu où nous ont menés le communisme en Union soviétique et le national-socialisme en Allemagne. “On pourrait mettre en place une économie solidaire” osent proposer, dans la salle, quelques héritiers des “babas-cool” post-soixante-huitards. Le verdict du philosophe tombe : “Cela resterait aux marges du système. Je ne vois pas de modèle économique généralisable”. Alors ? Alors, on va dans le mur. Fin du message.Jeudi soir, 18h30. Encore sonné par les prophéties apocalyptiques de l’avant-veille, je rentre dans la grande salle de l’Archipel en compagnie de 400 invités aux vœux de la municipalité, en fredonnant les paroles du grand philosophe franco-belge, Jean-Philippe Smet, dit “Johnny”. “Noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir.” Une œuvre majeure de 1966 qui plongea toute une génération dans un pessimisme désespéré que n’aurait pas renié Schopenhauer, philosophe allemand (1788-1860) : “La vie n’est pas faite pour que nous soyons heureux mais pour que nous ne le soyons pas”. J’avais beau me dire que Roger Le Goff était un politique, qu’il ne pouvait donc pas nous dire qu’il n’y avait pas d’avenir, que, lui, était plus habitué à arpenter le terrain des réalités qu’à cultiver le champ des idées, rien n’y faisait. Quand il monta sur la scène, je me demandais quelles étaient les catastrophes qu’il allait annoncer pour 2013. Et le fait qu’il s’attardait sur les réalisations de 2012 ne me rassura guère. En fait, je ne fus pleinement soulagé que lorsque le maire annonça officiellement (au moins pour la quatrième fois) qu’il serait candidat à sa propre succession, l’an prochain. Je me dis tout simplement qu’un homme qui se proposait de reprendre le volant du camion ne pouvait pas sciemment nous envoyer dans le mur. Certes, Roger Le Goff n’a pas caché qu’il faudrait être très attentif pour éviter les sorties de route, qu’il y aurait de fortes turbulences à affronter en chemin, que non seulement on vivait une crise économique grave mais que l’on assistait également à une mutation irréversible de la société. Mais, a-t-il dit, en énumérant les nombreux projets de la commune pour l’année à venir, avec la détermination, la solidarité, le courage, l’audace pour innover, on va faire mieux avec moins de moyens. “J’ai confiance” a-t-il fini par lâcher. Je me suis alors enfoncé dans mon fauteuil et j’ai poussé un discret soupir de soulagement. Et je me suis dit que finalement c’est peut-être Antonio Gramsci (1891-1937), curieusement oublié lors du débat de mardi soir, qui avait raison. Il avait, il est vrai, l’avantage d’être philosophe et homme politique (fondateur du Parti communiste italien) : “Il faut allier le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté”. La seule façon d’avancer, sans doute.

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Le rendez-vous du samedi de Jean-Yves Le Dréau

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Rendez-vous avec l’Histoire 19 janvier 2013

Rares sont les Fouesnantais qui savent qui est Oliver Keymis. Plus rares encore sont ceux qui étaient présents lorsqu’en 1979, au Centre de la culture et des loisirs (que devait remplacer l’Archipel), il fit jouer une pièce en allemand devant plusieurs centaines de personnes. Une première qui laissa les spectateurs pantois et ne s’est plus renouvelée depuis ! Le jeune metteur en scène était un enfant du jumelage Fouesnant-Meerbusch et il ne l’a jamais oublié. Aujourd’hui, Oliver Keymis est devenu un homme politique important (il appartient au groupe Die Grünen, les Verts allemands) et est vice-président du Parlement de Rhénanie du Nord-Westphalie. Il s’agit de l’Etat le plus peuplé d’Allemagne avec ses 18 millions d’habitants et ses cinq villes dont la population dépasse les 500 000 personnes (Cologne, Dortmund, Essen, Düsseldorf, Duisbourg). C’est, aussi, le plus puissant économiquement avec le bassin de la Ruhr. Président du groupe d’amitié franco-allemande au Parlement, Oliver est à l’origine de l’invitation lancée aux Fouesnantais de venir participer, à Düsseldorf, aux célébrations marquant le cinquantième anniversaire du Traité de l’Elysée qui, à l’initiative du Général de Gaulle et du chancelier Konrad Adenauer, allait sceller, le 22 janvier 1963, le début de la réconciliation des “ennemis héréditaires”. Meerbusch, la ville jumelle, se trouve, rappelons-le, dans la banlieue résidentielle de Düsseldorf. Mercredi matin, une petite délégation fouesnantaise (onze personnes) conduite par le maire, Roger Le Goff, et par le président du Comité de jumelage, Jean-Pierre Bazin (avec ses 35 ans de présidence, il affiche plus d’une centaine de voyages Outre-Rhin au compteur) a donc pris une nouvelle fois la route pour l’Allemagne et parcouru les 1000 km séparant les deux cités amies. Le Traité de l’Elysée de 1963 prônant le rapprochement des peuples des deux pays après plusieurs guerres dévastatrices est, on le sait, à l’origine de tous les jumelages franco-allemands. Et Rolf Cornelissen, l’alter-égo allemand du président fouesnantais, se souvient de l’hommage que le Général de Gaulle, lors de son discours de Düsseldorf, rendit à “cette grande, laborieuse et fraternelle cité”, à l’occasion de son célèbre voyage de 1962 dans une Allemagne enthousiasmée d’entendre l’homme qui symbolisa le refus de la défaite emprunter la langue de l’ennemi de la veille pour appeler à la réconciliation. C’est donc avec l’Histoire et avec leur histoire que les Fouesnantais avaient rendez-vous lorsqu’ils arrivèrent au siège du Parlement rhénan dont l’imposante silhouette s’élève au-dessus d’un Rhin en majesté. Une concentration de la puissance et du dynamisme allemands.

Jeudi après-midi, 16h30. Magie de l’Internet. Un site allemand (signalé par Eric Ligen, vice-président du comité de jumelage) retransmet en intégralité la cérémonie dans la vaste salle plénière circulaire où ont pris place quelque 400 personnes (députés, membres des corps diplomatique et consulaire, représentants des administrations…). Durant près de deux heures, la présidente du “land” (état fédéré), la ministre fédérale en charge des affaires européennes et des médias, l’ambassadeur de France en Allemagne, les présidents des Fondations Charles de Gaulle et Konrad Adenauer entonnent, tour à tour, un hymne à la gloire des deux grands chefs d’Etat et de la réconciliation franco-allemande. Du moins, je le suppose car tout le monde s’exprime en allemand et je ne dispose pas de traduction simultanée comme la délégation fouesnantaise. Heureusement, Oliver Keymis, maître de cérémonie, veut distinguer un jumelage exemplaire et fait venir sur la scène Roger Le Goff et Dieter Spindler, le maire de Meerbusch, ainsi que les présidents des comités de jumelage. Tandis que “Coco” fait le show en imitant De Gaulle lors de son discours de Düsseldorf auquel il assista avec ses élèves et que Jean-Pierre Bazin illustre par l’exemple ce qu’est concrètement un jumelage réussi, aux antipodes des retrouvailles épisodiques de notables infatués, le maire de Fouesnant recentre son propos sur l’Europe. Une Europe qui est en crise, peine à montrer sa solidarité (aides aux pays en difficulté) et justifie les interrogations sur sa raison d’être. Elle est où l’Europe au Mali ? Alors, Roger Le Goff, au cœur de l’Europe, dit qu’il faut avoir l’Europe au cœur : l’Europe ne sera forte que si l’Allemagne et la France ne parlent que d’une voix. En quelques mots, il décline son credo : l’Europe sera celle des hommes ou ne sera pas. Et pour la trente-cinquième fois, il a donc pris la route afin de construire sur le terrain cette Europe qu’il appelle de ses vœux. Plus pragmatique, une lycéenne allemande invitée avec ses collègues à dessiner l’Europe de demain fait écho aux propos du maire fouesnantais. Fraîche et espiègle, elle avoue : “Je sors avec un copain français. Je crois que je rends service à l’amitié franco-allemande”. Dans la salle, on applaudit. Les festivités peuvent commencer.

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La révolution du solomo 26 janvier 2013

Tout avait pourtant bien commencé pour les vœux de la Communauté de communes du Pays fouesnantais. La salle de l’Archipel était pratiquement pleine. Le Président et, néanmoins, maire de Fouesnant, Roger Le Goff, énumérait les réalisations de l’année écoulée qui témoignent que notre structure intercommunale est tout sauf une coquille vide : développement des zones d’activités, construction d’une usine de traitement des algues vertes, gestion exemplaire des déchets avec la redevance incitative, inauguration prochaine de la nouvelle Maison de retraite, création d’un Conservatoire de musique et de danse à vocation communautaire. On arrête là. Toutes les décisions, a tenu à souligner le Président, sont prises à l’unanimité. Une cohérence politique qui se traduit par un impact économique évident puisqu’en 10 ans, 60 millions d’euros ont été investis, souvent dans le tissu local. Bref. La CCPF se porte bien. D’ailleurs, elle n’arrête pas de grossir : nouveaux équipements (la halle des sports de Bréhoulou, le Centre aquatique des Balnéides), nouvel aménagement du territoire avec bientôt l’arrivée du très haut débit dans toutes les habitations du Pays Fouesnantais. Même pour le numérique, la CCPF fait la course en tête. C’est à cet instant que j’ai remarqué que la deuxième partie de la soirée était consacrée à un intervenant sur “l’état de l’art de l’internet”. Du coup, j’ai discrètement quitté mes airs entendus et me suis imperceptiblement raidi dans mon fauteuil. Et, lorsque le conférencier a commencé à dérouler son “PowerPoint” (présentation sous forme de diapositives), j’ai senti qu’il n’était pas impossible que je perde pied. Je n’avais pas tort. Dès la première image, en effet, le malaise s’est manifesté. Je me suis rendu compte, tout de suite, que j’avais pris dix ans de retard en constatant que le bureau qu’on nous présentait comme antédiluvien avec son écran classique, sa grosse unité centrale et la petite souris qui se cache sous une feuille de papier correspondait exactement à mon bureau actuel. A la différence notable, cependant, de la couleur du fauteuil car je ne veux en aucun cas cautionner le mauvais goût. Le conférencier était formel. J’avais raté la révolution du “solomo”. Nouveau trouble et état d’ébriété lexicale débouchant sur des approximations allitératives. Ma culture hispanique me portait, en effet, à penser qu’il s’agissait peut être là d’un nouvel avatar ibérique du salami italien. Quand on est en perdition, la dérive aussi peut-être mentale. En fait, il s’agissait d’un acronyme. Non, non, ce n’est pas une insulte. Tout simplement un sigle composé des premières lettres ou des premières syllabes d’autres mots (OTAN, UNESCO, SNCF). Donc, “so” comme social, “lo” comme local et “mo” comme mobile. Vecteur de cette révolution du solomo ? Le smartphone, bien sûr, qui, comme chacun sait, est un téléphone intelligent avec écran tactile dont les applications sont illimitées. Il s’agit là de l’émergence de ce que le philosophe Michel Serres appelle la “petite poucette” puisque, si Alexandre Le Grand avait l’univers à ses pieds, l’internaute a le monde à son pouce. Pourtant, je me sentis moins seul au milieu de ce public de branchés quand mon vieux portable, dont la fonction est tout bêtement d’appeler ou de répondre à un interlocuteur, vibra discrètement dans la poche de mon pantalon. Il me murmurait tendrement qu’il avait encore sa raison d’être. Et ce me fut un réconfort dans l’adversité. Sur la scène, le conférencier continuait, implacable. La photo de mon bureau avait été remplacée par celle d’un jeune homme fixant obstinément une tablette dans le métro. Sans doute, était-il connecté avec un ami à l’autre bout du monde et, il ne voyait pas la vieille dame cherchant une place pour s’asseoir à ses côtés. La révolution numérique, c’est entendu, va bouleverser notre quotidien mais quel sera le prix à payer pour continuer à vivre en société ? Et comment vais-je expliquer à mon tailleur habituel que je n’irai plus le voir puisqu’un seul “clic” va suffire pour que je reçoive tous mes vêtements à essayer à la maison ? Comment vais-je dire, ensuite, à mon médecin que je n’irai pas le consulter puisqu’il peut voir sur l’écran que ma gorge n’est pas suffisamment irritée ? Qui va remplir sa salle d’attente ? Comment vais-je expliquer à ma boulangère de la place de l’Eglise que je préfère rendre visite à celle de la place de la Mairie puisque mon smartphone m’indique que la baguette est deux centimes moins chère là-bas ? Comment… Bon, je ne continue pas. On va dire, naturellement, que c’est de l’humour à trois sous, de l’ironie facile, que je suis un indécrottable néophobe et que de tout temps les grandes inventions ont généré des tombereaux d’invectives proférées par des médiocres, attachés à leur vision étriquée d’un monde qu’ils veulent figer. Mais gare, tout de même, à la dictature de la tablette et au déni de réalité. D’ailleurs le président de la CCPF, Roger Le Goff, lui-même, est d’accord avec moi. Superbe dans la concision, il a clos la cérémonie des vœux par un propos lapidaire empreint de sobriété et de pragmatisme : “Avec tout ça, il va falloir trouver le temps pour ramasser les algues vertes, cet été” a-t-il lancé en plissant le front. C’est ce que l’on appelle en langage numérique “mettre les pieds dans le solomo”.

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Esprit d’initiative 2 février 2013

J’avoue que j’éprouve un plaisir particulier à assister, au début de chaque année nouvelle, à l’accueil des personnes qui se sont installées dans la commune lors de l’année écoulée. Après la multiplication des cérémonies de vœux aux discours convenus, il y a dans cette rencontre entre nouveaux habitants, élus municipaux et services communaux, une atmosphère de discrète solennité, de décontraction bon enfant et de timidité attentive. Cela participe de la rentrée des classes avec la présentation, sur l’estrade, des “maîtres” qui sauront guider les “bizuths” dans les dédales des tracasseries administratives ou dans l’entrelacs des ruelles ignorées et de la cérémonie d’adoubement : voilà, maintenant, vous êtes reconnus comme Fouesnantais, vous faites partie de la famille. Et je m’étonnerai toujours de l’absence des élus (en particulier de l’opposition, à l’exception notable de Catherine Le Floc’h que le maire s’est d’ailleurs empressé de présenter) qui, à un an du scrutin municipal, avaient là l’occasion de faire connaissance avec de futurs électeurs desquels ils solliciteront sans doute les suffrages. Roger Le Goff qui, on le sait, ne s’est pas fait prier pour confirmer qu’il demanderait, une nouvelle fois, qu’on se rallie à son panache blanc a, bien entendu, profité de l’occasion : vous êtes la preuve que, malgré tous les propos malveillants, Fouesnant continue d’être une commune dynamique, que son attractivité est intacte. Et le maire d’aligner devant un auditoire conquis et soulagé de ne pas avoir fait le mauvais choix, tous les atouts dont dispose une cité à dimension humaine : services et loisirs nombreux et diversifiés, tissu associatif dense, espaces naturels préservés, cadre de vie soigné. Bref, à Fouesnant on sait recevoir et on aime y vivre. A voir la mine épanouie des nouveaux résidents à l’heure du verre partagé, le message de la mairie paraissait avoir été reçu cinq sur cinq.

Pourquoi me suis-je à nouveau plongé dans le passé et ai-je débusqué un événement qui allait durablement marquer la vie de Fouesnant et conditionner son développement ? Parce que les propos de Roger Le Goff me semblèrent faire écho aux préoccupations d’un certain nombre de Fouesnantais au lendemain de la guerre et permettre ainsi de mesurer le chemin accompli. Personne ne s’en souvient mais, cette semaine, cela a fait 60 ans que le Journal officiel annonçait la création du premier Syndicat d’initiative de Fouesnant (le 31 janvier 1953). Quelques mois auparavant, devant une salle comble, où se côtoyaient professionnels (industriels, commerçants, hôteliers) et notables (le maire, le notaire), le transporteur René Le Viol présentait les objectifs de la future structure. Et les actions à mener pour promouvoir une industrie touristique à Fouesnant seraient cautionnées, de nos jours, par les responsables de l’Office municipal de tourisme : propreté du rivage et de ses abords, préservation des dunes et des plages, renseignements aux touristes et éditions de dépliants, organisation de fêtes dans la station. On l’a dit, soixante ans après, la démarche est singulièrement la même. Les élus d’aujourd’hui signeraient des deux mains la profession de foi des pionniers d’avant-hier : “Pour attirer une population nouvelle, il faut lui rendre le séjour agréable et facile et mettre en relief dans l’intérêt du commerce et de l’industrie, toutes les richesses naturelles et tout le potentiel du pays.” Alors, bien sûr, certaines propositions de l’époque semblent incongrues et datées : installation de lavoirs à proximité des plages, empierrement de certains endroits des dunes pour éviter aux voitures de s’ensabler. Des suggestions nous laissent dubitatifs : création de parcs à autos “pour désengorger les routes de Beg-Meil et du Cap-Coz où la circulation est devenue une véritable plaie”. Parfois, on a aussi l’impression d’avoir échappé au pire : demande au maire de construire une route sur “le dos des dunes” entre Beg-Meil et Mousterlin. “Monsieur le maire de Fouesnant (Louis le Calvez) a nerveusement répondu que cette demande n’était qu’une ânerie.” Préoccupation environnementale et lucidité avant-gardiste ? Non, tout simplement, coût exorbitant des travaux (370 000 000 de francs à l’époque). Quoi qu’il en soit, les responsables des années 50 eurent le mérite d’amorcer le mouvement et d’enclencher une stratégie de développement qui allait transformer un chef-lieu de canton rural et poussif en une station revendiquée comme la première destination touristique du département. Alors que la mutation du monde s’accélère et que les vents mauvais soufflent sur notre économie, les responsables et les élus de 2013 se voient contraints d’innover pour continuer à progresser (médiatisation, politique de territoire, clientèle ciblée, e-tourisme…). En fait, comme leurs aînés, ils doivent plus que jamais faire preuve d’esprit d’initiative.

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Pas de deux 9 février 2013

Quimper serait-elle en train de perdre son hégémonie cornouaillaise et Fouesnant taillerait-elle des croupières à sa grande sœur voisine en matière d’animation culturelle ? On est en droit de se poser cette double question avec l’arrivée de “Talents en scène”, ce week-end, à l’Archipel. La manifestation, on le sait, est organisée par le Festival de Cornouaille afin de découvrir les artistes de la scène bretonne de demain. Samedi, donc, programmateurs, producteurs, distributeurs (et public) prendront d’assaut le Pôle d’action culturelle fouesnantais pour jauger les chanteurs et les musiciens qui seront les futures stars des grands rendez-vous de l’été et émergeront sur les ondes et sur les écrans (France Bleue et France 3 seront présents) dans les années à venir. En soi, l’événement pourrait n’être qu’anecdotique s’il ne confirmait pas la tendance qui s’affirme depuis quelque temps. Longtemps, Quimper a ignoré ostensiblement Fouesnant si ce n’est à l’heure des escapades littorales de fin de semaine. La capitale de la Cornouaille entendait marquer sa primauté en matière culturelle et artistique et les “Fêtes de Cornouaille” martelaient sur le pavé quimpérois ce “leadership” indiscutable et indiscuté. Et puis, concomitamment, on a vu émerger, des flots de la côte sud, l’Archipel et son Palais des arts et des congrès tandis que la scène quimpéroise criait misère du côté de Penvillers. Face au Théâtre de Cornouaille figé dans sa programmation de Scène nationale, la structure fouesnantaise a fait valoir ses espaces adaptés, son confort, sa convivialité. En fait, c’est Pascal Jaouen qui, le premier, est tombé sous le charme des installations de la ville-phare du Pays Fouesnantais. En septembre 2010, le brodeur et styliste quimpérois y présenta un défilé de prêt-à-porter qui est resté dans toutes les mémoires. Dans le public, autant séduit par la prestation de l’artiste que par l’espace qu’il découvrait, se trouvait Jean-Philippe Mauras qui n’est autre que le directeur du Festival de Cornouaille, devenu depuis “Le Cornouaille”, l’article magnifiant le substantif et évacuant la connotation datée du “festival”. La sémantique aussi a ses modes et ses tics. Donc, Jean-Philippe Mauras. L’homme a du goût et de la mémoire. Et “Talents en scène” s’en vint à Fouesnant.

En fait, dans le sillage de Pascal Jaouen, le microcosme culturel quimpérois ne considéra plus comme une hérésie de quitter les bords de l’Odet. “Aprèm-Jazz” qui n’a jamais occulté sa dimension cornouaillaise n’hésite pas à proposer aux habitués de l’Archipel de grandes pointures de renommée mondiale comme Kyle Eastwood en décembre 2011 ou Patricia Barber en mars 2013. Les Semaines musicales de Quimper, consacrées à la musique classique, ont abandonné, à deux occasions, l’été dernier, cathédrale, chapelle et théâtre quimpérois pour proposer des concerts de haute volée aux Fouesnantais et aux estivants. Et puis n’oublions pas que Dan Ar Braz, lui-même, figure emblématique quimpéroise, a offert à Fouesnant et à l’Archipel la première date de son nouveau spectacle à la dernière rentrée. Même le monde économique s’y met. C’est Fouesnant que la CCI (Chambre de Commerce et d’Industrie) a choisi pour organiser son colloque qui présentera, le 18 mars, l’utilisation des nouvelles technologies aux commerçants cornouaillais. Je ne sache pas que Quimper ait pris ombrage de l’intérêt réitéré pour ce qui ne fut qu’un chef-lieu de canton rural. J’ai cru comprendre, en revanche, que Roger Le Goff n’est pas resté insensible (c’est une litote) à l’impact que la notoriété de l’Archipel apporte à la ville qu’il dirige. Le Pays Fouesnantais et Quimper Communauté n’ont pas forcément “d’atomes crochus” ni les mêmes visions concernant leur avenir. On l’a vu lors de l’abstention de la CCPF sur le SCoT de l’Odet destiné à déterminer le futur aménagement du territoire. On en a eu confirmation quand, à l’occasion des vœux, Roger Le Goff a réaffirmé son refus de “noyer” le Pays Fouesnantais dans une communauté d’agglomération. Mais, bon, la musique, dit-on, adoucit les mœurs. Au fait, j’y songe. Si j’ai bien compris, le futur “Plan transport” n’offrira plus d’espaces au “Cornouaille” pour s’épanouir sur les places de Quimper. Et si on délocalisait à Fouesnant ? Les artistes connaissent désormais le chemin. Hautement improbable me direz-vous. Sans doute. Mais avouez qu’imaginer Bernard Poignant et Roger Le Goff dansant la gavotte, en se tenant par le petit doigt, sur la Place de la mairie, a nettement plus de saveur que conjecturer le pas de deux qu’exécute, chaque mois, le maire de Quimper dans les coulisses de L’Elysée avec qui vous savez.

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L’air de la campagne 16 février 2013

Au cœur de cet hiver qui n’en finit plus de nous tomber sur la tête, n’avez-vous pas ressenti comme un souffle nouveau qui semble s’échapper, épisodiquement, des pages de vos quotidiens ? Un souffle qui nous distrait des rigueurs météorologiques et nous revient, périodiquement, aussi sûrement que le cycle des saisons. En ce début d’année frileux, émanant de cérémonies de vœux, d’assemblées générales ou de sorties sur le terrain, flotte, entêtant et reconnaissable, l’air de la campagne. Electorale, bien sûr. A un peu plus d’un an des élections, nous entrons dans la dernière ligne droite et les concurrents s’installent peu à peu dans les starting blocks. Roger Le Goff a dégainé en premier en répétant qu’il solliciterait, pour la cinquième fois, les suffrages de ses concitoyens. Les socialistes se sont réunis pour annoncer qu’ils se réuniraient bientôt afin de désigner leur chef de file qui ne sera ni Nathalie Conan, ni Robert Tanguy, ancienne tête de liste, ni Vincent Esnault parti vers d’autres horizons, ni Mohamed Rihani, secrétaire de la section cantonale. André Bernard et le Front de gauche ont désigné, eux, leur concurrent, le P.S, et leur adversaire, la droite. Quant à Catherine Le Floch, troisième de la dernière épreuve en 2008, elle n’a rien dit. Alors, tentons de voir qui sera sur la ligne de départ en mars 2014 et jaugeons les capacités des uns et des autres à bien figurer dans l’emballage final.En piste, on trouvera donc le maire sortant, Roger Le Goff. Auteur d’une remarquable performance, en 2008, sans doute la plus belle de sa carrière, en s’imposant dès le premier tour, devançant largement des adversaires remontés et attachés à sa perte, il avait ramené à leurs études ces fameux “observateurs” qui le voyaient en sérieuse difficulté au deuxième tour. En conséquence, il portera dans le dos l’étiquette de favori. Ses atouts ? Une équation personnelle qui lui permet de transcender le clivage habituel droite-gauche et un bilan global dont il n’a pas à rougir. En 25 ans de présence dans le fauteuil de maire, il a transformé un chef-lieu de canton vieillissant en une petite ville agréable où tout le monde s’accorde à dire qu’il fait bon vivre. Ses handicaps ? On ne peut pas multiplier les mandats sans être victime d’une certaine usure du pouvoir née de l’insatisfaction d’un électorat avide de renouvellement. Il lui faudra donc être très vigilant lorsqu’il choisira ses coéquipiers qui devront lui apporter la fraîcheur et le regard neuf dont il aura besoin pour son dernier combat municipal. En outre, des mouvements d’humeur pourraient se manifester à Beg-Meil où certains n’ont toujours pas “digéré” la fermeture de l’école et dans le nord de la commune où les nuisances olfactives de Kerambris indisposent de nombreux riverains. A ses côtés, on trouvera le candidat socialiste, M. ou Mme X. Ses atouts ? Le P.S est dans une dynamique de pouvoir et emporte tout sur son passage, même à Fouesnant, à l’occasion des consultations cantonales ou nationales. Reste, bien sûr, la mairie. Avec leurs amis au gouvernement, les socialistes s’offriraient bien les clefs de la grande maison. Mais attention à l’effet-boomerang si les résultats ne suivent pas à l’Elysée. Et puis, surtout, Nathalie Conan s’étant mise hors-jeu, le P.S. fouesnantais manque cruellement de leader d’envergure. Les atermoiements de 2008 avaient été dévastateurs dès le premier tour (23,14 % pour le couple socialiste-écologiste contre 39,7 % pour Gérard Mével en 2001). Les démissions qui s’en étaient suivies n’avaient pas contribué à redorer le blason d’une équipe désemparée. Un lifting intégral s’impose.Vincent Esnault faisait alors partie de l’équipe et… des démissionnaires. Il a rejoint depuis les rangs d’Europe Ecologie Les Verts et il défendra sans aucun doute ses couleurs en 2014. Son atout ? Une indéniable présence sur le terrain, en vigie d’un écologisme un tantinet dogmatique. Mais, il assure dans les médias. Son handicap ? Une inconsistance politique qui se traduit par une incapacité chronique à se poser. Dès lors, il privilégie les effets d’estrade et déserte les instances municipales où il avait été démocratiquement élu. Rédhibitoire à l’heure d’aller à nouveau solliciter la confiance de l’électeur.Habitués des pistes électorales, André Bernard et le Front de gauche. L’atout du communiste fouesnantais ? Dans la foulée des élections de 2008, il est parvenu à fédérer autour de la liste “La gauche naturellement” une solide équipe qui lui a permis, bien que seul élu de son groupe à l’assemblée municipale, de participer au débat politique et de multiplier les initiatives sur le terrain. Pragmatique et efficace. Son handicap ? En se positionnant à gauche de la gauche, il assume le risque de se marginaliser à Fouesnant. Semble plus préoccupé par l’arithmétique des rapports de force que par la stratégie de conquête d’une citadelle qui lui paraît inaccessible.Reste Catherine Le Floch dont on avait dit que la candidature de dernière minute en 2008 allait ébranler Roger Le Goff sur sa droite. On sait ce qu’il en advint. Après sept ans d’absence, elle réalisa un fort honorable 17 % qui la ramenait à son score de 2001. Son atout ? L’ancienne adjointe au maire avait capté durablement une partie de l’électorat de Roger Le Goff. Cependant, sa combativité s’est étiolée au fil du mandat. Du coup, il semble qu’elle n’ait ni l’envie, ni les moyens de se lancer dans un troisième round. Sa présence serait à nouveau une surprise.Résumons : trois listes de gauche et la liste de droite du maire sortant pour le rendez-vous de 2014. Ce ne sont que des supputations, bien sûr, mais Roger Le Goff s’en accommoderait bien. Certains “observateurs” lui prédisent désormais la même trajectoire victorieuse qu’en 2008. Peut-on encore leur faire confiance ?

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Affinités électives 23 février 2013

Dans son célèbre roman, “Les affinités électives” (1809), Goethe tentait, dans une audacieuse théorie, d’expliquer les mystérieuses attractions d’un être pour un autre par des considérations chimiques en vogue à son époque. J’y pensais, mardi soir, lors du conseil municipal, en me demandant quelle secrète alchimie avait le pouvoir de métamorphoser le comportement des élus au point de faire vaciller des certitudes que l’on imaginait inscrites dans le marbre. Explications par l’exemple. J’avais cru comprendre que la priorité d’André Bernard, le représentant du Front de Gauche, était de faire battre la droite et donc d’éjecter Roger Le Goff de son fauteuil de maire, lors des prochaines élections municipales. Or, si le communiste fouesnantais a tiré au bazooka, c’est bien sur Nathalie Conan et ses amis socialistes du gouvernement. Il n’a pas eu de mots assez durs pour vilipender un parti qui “dans sa logique libérale” développe une politique que “même Sarkozy n’avait pas osé mettre en œuvre”. Du lourd, vous dis-je. J’avais cru comprendre aussi que l’union de la gauche était la seule façon de bouter la droite hors de ses forteresses. A mon avis, l’union va être un combat à Fouesnant. A moins qu’André Bernard considère que le parti socialiste ne fait plus partie de la gauche, ce qui, bien sûr, rétrécirait le champ des alliances. Et la leader socialiste dans tout cela ? Pour se protéger de la déferlante “gauche de gauche” qui menaçait de la faire sombrer, Nathalie Conan n’eut d’autres ressources que de se jeter dans les bras salvateurs de Roger Le Goff que, j’avais cru comprendre à nouveau, elle voulait, elle aussi, faire chuter de son piédestal. Motif de cet improbable rapprochement ? Les rythmes scolaires et la semaine de quatre jours et demi de classe initiés par le gouvernement. Une nouvelle donne qui va générer bien des bouleversements dans les habitudes et provoquer des grosses dépenses supplémentaires pour la commune mais que, Roger le Goff, en bon républicain, veut mettre en place dès la prochaine rentrée. Carton rouge du communiste et félicitations de la dame en rose. Avouez qu’à l’issue de ce débat d’orientations budgétaires, on pouvait se montrer perplexe face aux affinités électives qui se manifestent parfois au cœur de l’échiquier politique fouesnantais. On n’était pas au bout de nos surprises.

Quoi de plus neutre, de moins polémique que la dénomination d’une zone d’activités économiques ? On peut lui garder le nom de l’emplacement sur lequel elle se trouve. Dans le Pays Fouesnantais, il y aurait donc eu Kerioré, Kerliverien et Parc C’hastel qui forment désormais un ensemble homogène sur les communes de Pleuven, Bénodet et Fouesnant. S’imposait donc le choix d’une appellation globale pour gagner en lisibilité. Roger Le Goff et les six autres maires du canton unis dans une débauche d’originalité proposèrent aux élus communautaires, la dénomination de “Parc d’Activités des Glénan” que, pour ma part, j’aurais mieux vu trôner à l’entrée d’un domaine d’attractions touristiques. Comme dit André Bernard, ne trouvez-vous pas qu’on lui met beaucoup sur le dos à notre archipel ? Je nourris les pires craintes pour l’appellation de la future extension du columbarium au cimetière communal. Bref, après les élus communautaires, les élus fouesnantais furent sollicités pour donner leur avis. On sentit à nouveau flotter le souffle de cette logique folle qui semblait s’être emparée des conseillers lorsque Nathalie Conan indiqua qu’elle voterait comme Olivier Pomiès, l’adjoint de Roger Le Goff. Un nouvel égarement de l’esprit au sein des forces politiques de l’assemblée municipale ? Voire. Plutôt une subtilité sémantique teintée d’ironie puisqu’on sait que, contre toute attente, Olivier Pomiès et Christine Ditière, adjoints fouesnantais, avaient voté contre toute référence aux Glénan, désavouant ainsi le Président de la Communauté et néanmoins leur chef de file de Fouesnant, Roger Le Goff. Amenés à redonner leur avis puisque Parc C’hastel va être, de facto, débaptisé, les deux adjoints ont préféré cette fois se réfugier dans l’abstention. Il y aurait comme du recadrage dans l’air ! N’empêche. Si, mardi soir, les lignes ont bougé, si des alliances de circonstance ont paru s’esquisser, si des espaces de liberté se sont créés, si des positions se sont radicalisées, il ne faut évidemment pas y voir le travail de forces obscures comme chez Goethe mais plutôt la volonté des uns et des autres de marquer leur territoire, de revendiquer leur autonomie de pensée. Bref, d’esquisser une stratégie pré-électorale. A un an des municipales, la course est lancée.

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Chemins de ronde 2 mars 2013

Une devinette pour commencer ? Savez-vous combien de ronds-points ou, plus exactement, de carrefours-giratoires, puisque telle est leur dénomination exacte, on trouve à Fouesnant ? Un certain nombre me répondront la plupart des utilisateurs en paraphrasant Fernand Raynaud. Les automobilistes fouesnantais, de fait, ne peuvent guère y échapper et certains maugréent contre leur multiplication sans pour autant connaître les affres que nous détaille, dans “Le plaisir des sens”, Raymond Devos (le conducteur engagé sur l’anneau ne peut plus en sortir). En fait, il y aura désormais 26 giratoires, 15 pour la voirie communale, 11 pour les routes départementales, sur le territoire de Fouesnant. Rassurez-vous, je n’ai pas erré aux quatre coins de la commune pour les dénombrer. Ce sont les services de la voirie, à la mairie, qui m’ont renseigné. Si j’ai employé le futur, c’est parce que le “petit dernier” va voir le jour dans le cadre de l’aménagement de l’entrée de ville, route de Quimper. Il devrait être opérationnel au début du mois de juin et desservira notamment le collège de Kervihan et la future zone commerciale libérée par l’ancien Super U. D’ailleurs, à propos de zone commerciale, faites le compte : entre l’hypermarché de Pleuven et l’entrée de Fouesnant, on alignera quatre giratoires en moins d’un kilomètre. Les adeptes de la vitesse devront choisir un autre itinéraire pour exercer leur passion. “C’est étudié pour” aurait dit, à nouveau, notre comique national, Fernand Raynaud. On connaît, en effet, les vertus des “ronds-points” : sécurité des usagers de la route (même si je ne prendrai jamais une bicyclette pour en faire le tour), fluidité du trafic… et possibilité offerte aux services des espaces verts de la ville d’exhiber leur savoir-faire et de déployer des trésors d’imagination afin d’agrémenter notre cadre de vie en décorant l’îlot central. C’est peut-être de là, d’ailleurs, que vient l’expression “aller dans les décors” quand on ne maîtrise plus son véhicule. Pour l’heure, je suggère que, dans le cadre des sorties-nature en quête de nouveautés, on puisse mettre un bus à la disposition des écoles afin que les élèves empruntent ces 26 giratoires (prévoir deux heures) pour pouvoir découvrir les charmes de la ville où ils résident, admirer les œuvres d’art composées par Jean-Pierre Gadiollet et ses amis, apprendre les règles élémentaires d’une circulation partagée et éprouver les ineffables plaisirs dus à cette légère ivresse que nous procuraient dans le passé les merveilleux manèges de la fête foraine. A l’époque, bien sûr, les “ronds-points” n’existaient pas.

De circulation partagée, d’aménagement routier, de sécurité des usagers, il en a été aussi question, jeudi soir, dans la salle de la mairie, à l’occasion de la réunion publique. Au cours de celle-ci, la population beg-meiloise et la municipalité ont été amenées à confronter leurs points de vue dans un exercice de démocratie participative. Quelles initiatives pour rendre tout son dynamisme à la petite station touristique ? Quels projets pour redorer le blason de l’ex-“perle de Fouesnant” ? Alors, bien sûr, on a évoqué le parking mal aménagé, le marché mal situé, l’Office de tourisme mal signalé, l’écoulement des eaux pluviales mal maîtrisé, les vitesses excessives et les voies trop étroites. Bref. Tout ce qu’on a l’habitude d’entendre dans n’importe quelle réunion de quartier. Et puis, insensiblement, le passé de Beg-Meil a ressurgi. Les fastes fantasmés de l’âge d’or de la station ont illuminé les regards des anciens. Des sujets enfouis au tréfonds de l’inconscient collectif beg-meilois sont revenus s’installer sur le devant de la scène. Vieux serpents de mer, vingt fois, cinquante fois, évoqués, discutés, enterrés, au cours des cinquante dernières années, ils ont à nouveau fait débat dans la salle du conseil municipal. Quand aura-t-on un casino à Beg-Meil maintenant que Fouesnant est station classée de tourisme ? Est-ce que l’Etat par souci d’économie ne serait pas disposé à vendre le bâtiment de l’ex-CEMPAMA ? Les mauvais esprits qui verront une relation entre ces deux interrogations auront, pour une fois, fait preuve de grande lucidité. D’ailleurs, poursuivait-on dans la salle, Beg-Meil ne mérite-t-elle pas à nouveau un “Grand Hôtel” qui boosterait l’activité et réveillerait la belle endormie ? Et pourquoi pas la thalassothérapie maintes fois suggérée ? Même le port a rejailli des eaux. Englouti lors de querelles mémorables qui virent Mousterlin, Cap-Coz et Beg-Meil s’entredéchirer pour bénéficier d’animations nautiques, il est parvenu à refaire surface. Roger Le Goff, noyé dans ce flux de suggestions, en est resté coi. Décidément, on aime bien tourner en rond actuellement à Fouesnant.

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La pierre et le lierre 9 mars 2013

L’avant-printemps nous prend toujours par surprise : un coin de ciel bleu aussitôt effacé par la course des nuages, un rayon de soleil fugitif et bienfaisant, un bouquet discret de primevères dont l’éclat illumine brièvement la grisaille du roncier. Et puis cette brassée de vers éparpillés au hasard des routes et des chemins qui s’inscrivent, l’espace d’un instant, dans le champ visuel du conducteur impatient. “Les gens pressés s’absentent / à eux-mêmes.” On aura reconnu derrière cette soudaine éclosion préprintanière, la présence totémique de Louis Bertholom, poète de l’enracinement et de l’errance. “Ce pays m’habitera toujours et moi, si peu.” Le fils de Kerc’has, ferme de Mousterlin, rêvée, fantasmée, ressuscitée, arpenteur infatigable des vergers et des marais, des sentiers et des grèves s’immerge dans le vaste océan des temps immémoriaux. “Si le vent ne parlait qu’aux vivants aurait-il cette éloquence ?” Mac Luhan, le sociologue de la “Galaxie Gutemberg” avait prophétisé la disparition du verbe quand, dans les années 60, l’image s’installa au cœur de nos salons. Et pourtant, on n’a jamais tant écrit, tant publié qu’aujourd’hui. “Elle est impressionnante et pléthorique l’armée des graphomanes contemporains” rappelait Alain-Gabriel Monot, mardi soir, citant Finkielkraut. Nous étions une petite vingtaine à assister plus qu’à participer (un peu frustrant) au dernier café-débat de la saison à l’Archipel. L’intervention du professeur de l’Université de Bretagne occidentale concernait la riche floraison de la poésie dans la Bretagne d’aujourd’hui. Un thème dont on n’attendait pas qu’il déplaçât les foules au milieu de la semaine. Cependant, elle nous est essentielle, consubstantielle, nous dit le barde mousterlinois : “Arbre et poème plongent à l’origine, relient ombre et lumière”. Bien sûr, en ce domaine aussi, il y a plus de croyants que de pratiquants mais on n’oublie jamais complètement les récitations de notre enfance. Je parle évidemment d’une époque où l’on n’avait pas encore décrété que c’était une aberration pédagogique que de vouloir apprendre un texte par cœur.

Donc, je relisais “Les ronces bleues” qui bénéficient d’une nouvelle édition augmentée et je méditais sur l’inexorable fuite du temps et sur l’impérieuse nécessité de combattre l’oubli. “La ronce est au champ / ce que la démence est au cerveau.” Et puis, je me perdais à nouveau dans l’évocation truculente des festivités de Kerbader : le grave ordonnancement des processions, l’exubérance des libations partagées et la vie qui reprend son cours, si simple et si tranquille. “Le lierre respire / dans la pierre apaisée / jusqu’au prochain pardon.” Pourquoi y vis-je une audacieuse métaphore du temps politique ? Sans doute parce qu’en compulsant mes archives, je m’étais rendu compte que, cette semaine, Roger Le Goff a fêté ses trente ans de mandat d’élu municipal. C’est en effet le 6 mars 1983 qu’il fit son apparition à la mairie dans le sillage de son mentor, Louis Le Calvez. Parmi ses collègues du conseil, il y avait justement le papa de Louis Bertholom, Fanch Kerc’has, expert en lenteur maîtrisée et professeur de patience. Peut-être, enseigna-t-il au jeune élu les valeurs du terroir et les vertus de l’enracinement. Il lui apprit à privilégier la permanence des choses et à relativiser les fracas du quotidien. Ces cours de sérénité durent lui servir quand il se trouva propulsé conseiller général du canton, en 1985, au grand dam de nombreux prétendants qui l’amenèrent à découvrir rapidement les aléas de la vie politique. Roger Le Goff fit le dos rond, esquiva les polémiques, gagna la mairie de Fouesnant en 1989 et s’inscrivit dans la durée. “Le galet est la parole concrète de la patience” lit-on à l’entrée de Fouesnant. Poli, rond, lisse, il s’est modelé dans le tumulte des tempêtes. Roger Le Goff en a affronté quelques-unes durant son long parcours politique. Cela a tangué parfois sérieusement, et il y a même laissé son mandat de conseiller général. Pourtant à la mairie, il a su faire face à toutes les vagues, fussent-elles roses et c’est d’une main ferme qu’il en tient la barre depuis 24 ans. Le mandat s’achève sans houle excessive. Bientôt sonnera l’heure des élections. Ce sera le temps des graves ordonnancements, des exubérances d’estrade et des vociférations passionnées. Sans doute, Roger Le Goff se rêve-t-il un destin de lierre dans la pierre apaisée de la mairie

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Acteurs de l’ombre 16 mars 2013

Un double constat, d’abord : une ville sans animations est une ville morte, une ville sans associations est une ville-dortoir. Et ce sont souvent les secondes qui génèrent les premières. Les associations sont sources d’enrichissement individuel et collectif. Elles permettent à chacun de s’épanouir dans des activités artistiques ou sportives, culturelles ou traditionnelles. Elles créent des liens de solidarité entre les gens (ce qui n’est pas un luxe par les temps qui courent) et sont facteurs d’intégration pour les nouveaux habitants de la cité. Elles apportent des divertissements sans lesquels les jours sont trop gris et les soirées trop longues. Bref, le tissu associatif témoigne, à sa façon, de la bonne santé d’une collectivité, de sa capacité à bien vivre l’espace partagé. C’est lui aussi qui fait, pour une part, qu’une ville est plus attractive qu’une autre. C’est la raison pour laquelle tout maire conséquent ne peut pas ne pas entourer de prévenances ces clubs, comités, groupements qui, la plupart du temps sans aucune détermination politique, contribuent au bien-être d’une population dont il a la charge. A l’heure de l’élaboration du budget, on ne mégote donc pas sur l’attribution de subventions de fonctionnement. On veille à ce que chacun trouve des locaux adaptés à ses activités et, lorsque vient le temps des manifestations et des fêtes, on ne chipote pas sur l’aide matérielle municipale. A Fouesnant, dit-on, il y aurait 110 associations. Plutôt un bon indicateur de vitalité citoyenne qui traduit un investissement soutenu d’un nombre non négligeable de Fouesnantais de toutes origines, de tous milieux, de toutes conditions. Il ne faut, en effet, pas oublier que derrière les sigles, les appellations, les logos, il y a d’abord et surtout des hommes et des femmes qui, à l’heure où la société privilégie le repli sur le quant-à-soi, oeuvrent dans l’ombre de manière désintéressée. Les honneurs et la lumière ne sont pas pour eux. On pourrait imaginer que Fouesnant se distingue à nouveau en remettant, chaque année, les “Césars” de la vie associative. Et moi, si j’étais à la place de Roger Le Goff, je remettrais une médaille d’honneur pour l’ensemble de son œuvre à Françoise Roc’hongar.

J’avais déjà eu l’occasion, dans une autre rubrique (“Fouesnantais du mois”) de faire le portrait de cette ex-enseignante, passionnée d’art, d’opéra, de théâtre et de littérature, qui met un point d’honneur à assister à tous les spectacles de l’Archipel. Son implication dans la vie associative locale est sans limite. On la retrouve deux fois par semaine, pour l’aide aux devoirs, avec les élèves de l’école de Mousterlin. A Quimper, ce sont les retraités de l’ARPAC qui bénéficient de ses lectures à voix haute. A la garderie de l’école de Kérourgué, elle se fait “passeur d’histoires“ afin de donner le goût de la lecture aux jeunes enfants. Il y a un an, elle a créé un atelier d’écriture, “L’écume des mots”, où une douzaine de personnes s’épanouissent dans le plaisir d’écrire. Poèmes, récits, articles, jeux d’écriture, chacun apporte ses idées. Peut-être qu’un jour, il y aura une exposition et, pourquoi pas, une lecture publique. C’est gratuit et cela se passe au nouveau Pôle associatif du Quinquis. Cela tombe bien parce que c’est juste dans la salle d’à côté que Françoise prend des cours de peinture avec Sonia Bévin. Il faut bien souffler parfois. Cette semaine, je l’ai retrouvée dans la salle du conseil municipal. C’était à l’occasion de la journée nationale de l’audition. Malentendante appareillée, Françoise Roc’hongar est devenue, après deux ans de vice-présidence, présidente de l’association « Sourdine » qui regroupe 45 personnes sourdes ou malentendantes de la région (dont 14 de Fouesnant et 14 de Quimper). Elle a succédé à Yves Crenn et à son épouse qui avaient créé l’association en compagnie d’Yves Nédellec. Tous les mois, elles se retrouvent pour échanger, conforter leur vécu, évoquer les nouveautés, faire part de leurs expériences. S’entraider, en fait, pour éviter l’isolement, la dépression, le renoncement, le décrochage social. Un condensé de ce qui pourrait être la philosophie de la vie associative et un impératif face aux tempêtes qui s’annoncent. Alors, Monsieur le maire, Françoise Roc’hongar, vous n’oublierez pas ? A bon entendeur…

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Ere des loisirs 23 mars 2013

On l’oublie souvent. L’Archipel, même si on parle aujourd’hui de Pôle d’action culturelle, est un Centre d’art ET de congrès. Une activité qui reste souvent dans l’ombre tandis que les spectacles accaparent les feux de la rampe. Séminaires, congrès, colloques, assemblées générales, stages s’y déroulent régulièrement et ils sont de plus en plus nombreux les groupes, banques, assurances, administrations diverses à être séduits par les installations confortables de la structure fouesnantaise. Si, pour l’économie locale, les retombées ne sont guère importantes (à quand un grand hôtel à Fouesnant ? à quand la mobilisation des commerçants pour “se vendre” lors des grands rendez-vous ?), en revanche, en terme de notoriété, l’impact est évident. Chaque année, en effet, ils sont des centaines souvent venus de toute la Bretagne mais aussi d’autres régions (en juin, se déroulera le congrès des maires des stations classées de tourisme de toute la France) à assister à ces rencontres et à découvrir, pour l’occasion, la commune et ses charmes. Certains y reviennent d’ailleurs quand sonne l’heure des vacances. Donc, cette semaine, c’est la CCI de Quimper qui a invité les commerçants cornouaillais à venir prendre la mesure de l’e-commerce (achats par internet). Quelque 250 professionnels ont pu, lors de débats et de tables rondes, appréhender l’énorme défi qui leur est lancé afin de répondre aux évolutions des comportements de consommation. A cet égard, la conférence de Franck Lehuédé, chef de projet au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) était passionnante et aurait pu (dû) être ouverte à tous nos élus tant elle mettait en lumière les mutations sociétales de ces cinquante dernières années. Ils auraient ainsi été confortés dans leur décision d’investir dans le superbe vaisseau de l’Archipel alors que d’aucuns trouvaient ce choix incongru en période de vaches maigres. Toutes les enquêtes, toutes les statistiques, toutes les courbes le démontrent : dans les prochaines années, malgré le chômage, malgré l’érosion du pouvoir d’achat, c’est le secteur des loisirs qui va progresser le plus en ce qui concerne la consommation des ménages. Volonté de conjurer la crise ou rééchelonnement des valeurs ? Tout évolue, tout change. La preuve ? Alors que nous avons peuplé notre environnement d’objets (livres, disques, tableaux, meubles…) qui nous singularisent, nous valorisent (être c’est avoir) et nous protègent (ineffable délice de la possession), les nouvelles générations sont désormais plus enclines à rechercher l’usage que la possession d’un produit. En clair, aujourd’hui, l’important c’est de pouvoir utiliser plutôt que de posséder. L’avenir est assuré pour la Médiathèque.

Alors, choix pertinent des élus en matière de politique culturelle fouesnantaise et analyse pointue du conférencier du CREDOC ? A l’évidence, oui. Il suffisait d’être dans la grande salle de l’Archipel, samedi soir, pour en être convaincu. La présence de Michel Boujenah, en elle-même, était déjà un symbole. C’est lui, en effet, qui, en 2005, avait assuré le dernier spectacle du vieux Centre de la culture et des loisirs et il faut, sans doute, voir le désir de souligner le chemin parcouru depuis lors, dans la volonté de Roger Le Goff d’accueillir à nouveau l’artiste en ce lieu de prestige (non, Michel, ce n’est pas une simple rénovation). Michel Boujenah a fait un triomphe. A juste titre. L’homme est un grand professionnel. Il nous a prouvé que l’on peut rire aux éclats sans succomber au graveleux, qu’on peut sourire devant nos failles et nos errements, que l’humour et la tendresse font toujours bon ménage. La salle était comble. Elle le sera encore, dimanche, pour la prestation de Patricia Barber, une des grandes figures du jazz contemporain. Ne parlons pas de l’Ensemble Matheus qui se produira jeudi prochain sous la direction du grand Jean-Christophe Spinosi. Le concert sera donné à guichets fermés. Tout est complet depuis le mois d’octobre. Normal pour une star planétaire qui se permet d’enthousiasmer les “Vieilles Charrues” à Carhaix avec son orchestre classique avant de faire un tabac au prestigieux théâtre de Vienne en compagnie de la diva italienne, Cecilia Bartoli. Et puis, il y aura, en avril, Jean-Louis Murat, interprète charismatique de la chanson française, Percossa en mai (un show énorme) ainsi que Ô Carmen (un opéra déjanté). Rien que du lourd, donc, pour cette fin de saison. L’Archipel flirte à nouveau avec un taux de remplissage de 95%. Il se situe, au niveau de la fréquentation, en troisième position dans le département derrière le Quartz de Brest et le théâtre de Cornouaille de Quimper. Les analystes du CREDOC voient juste. Demain, sur fond de convulsion économique et de délitement social (à moins que ce ne soit l’inverse) se dessinera l’ère des loisirs. Paradoxe ou nouvel art de vivre ?

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Le rendez-vous du samedi de Jean-Yves Le Dréau

Professeur de Français de formation,

Jean-Yves Le Dréau a couvert l’actualité

du Pays Fouesnantais pour Ouest France

durant 20 ans (1981-2001). Depuis 2008,

il fait partie de la cellule communication

de la ville de Fouesnant. Il consacre

une chronique hebdomadaire à la vie

fouesnantaise (“Le rendez-vous du samedi”)

sur le site internet de la commune.

En outre, Jean-Yves Le Dréau collabore

à Fouesnant Magazine. Il y rédige

les cahiers spéciaux, les portraits,

les interviews ainsi que les sujets concernant

l’histoire et le patrimoine de Fouesnant.

Imprimé par un imprimeur Imprim’Vert sur papier recyclé.

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Le rendez-vous du samedi de Jean-Yves Le Dréau

Chronique fouesnantaise

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