chapitre 2 de la rue de la republique - marsnet
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Chapitre 2
DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE
Depuis bientôt quatre années, la requalification de la rue de la République à Marseille, artère
emblématique des transformations urbaines de la ville depuis plus d’un siècle et demi, inter-
roge la ville toute entière et son devenir : elle suscite débats et conflits entre pouvoirs publics,
acteurs politiques, investisseurs économiques et habitants. Cette requalification s’inscrit dans
le cadre plus large des programmes de renouvellement urbain (notamment les Périmètres de
Restauration Immobilière du centre-ville et l’Opération d’Intérêt National Euroméditerranée1)
mis en place depuis plus d’une décennie par la Municipalité, appuyée par les collectivités
locales. Leur objectif déclaré est d’élever Marseille au rang des grandes métropoles euro-médi-
terranéennes. Sont mis en œuvre simultanément : la réhabilitation de l’habitat ancien dégradé
et la construction neuve2, le développement de zones économiques axées sur le tertiaire3, la
construction d’équipements publics de prestige4 ou la promotion de la ville par des événements
internationaux : candidature à la Coupe de l’America en 2004 ou au label de capitale euro-
péenne de la culture en 2013… Cette volonté politique forte amène cependant à s’interroger à la
fois sur l’adéquation de ces nombreux projets avec les réalités socio-économiques de la ville et
les besoins en termes de logement, d’emploi et de qualité de vie des Marseillais, ainsi que sur
la prise en compte et la participation des habitants à la réalisation de ces projets.
Aussi, la requalification de la rue de la République, au cœur du périmètre Euroméditerranée,
a-t-elle valeur de symbole dans le projet de redynamisation du centre de la ville. Cet axe cen-
tral et historique, au bâti haussmannien dégradé, relie le Vieux Port au port de commerce de
la Joliette ; il traverse les vieux quartiers du Panier et des Carmes et abrite des ménages popu-
laires. Sa requalification est soutenue par la puissance publique mais mise en œuvre par deux
grands propriétaires privés, Marseille République5 et Eurazeo/ANF6. Chacun y possède plus d’un
1- Euroméditerranée est une Opération d’Intérêt National, gérée par un établissement public d’aménagement (EPAEM), lancée en 1994, dont l’objectif est de coordonner le projet de réaménagement urbain au centre de la ville de Marseille, en suivant 3 objectifs : « contribuer au rayonnement international de la métropole marseillaise » dans le domaine culturel, économique et de la formation, en créant les équipements nécessaires (espaces verts, équipements collectifs, modes de déplacement) ; « favo-riser la création d’emplois » et « contribuer à la politique du logement de la ville en produisant une gamme de logements neufs à prix abordables tant en catégorie libre que sociale, et en éradiquant l’habitat insalubre et la vacance dans son périmètre ». L’EPAEM regroupe l’État et les collectivités locales (Ville, CG des Bouches-du-Rhône, CR PACA et Communauté urbaine MPM). L’opération couvre une superficie de 311 hectares au centre nord de la ville, comprenant des friches et des quartiers habités, et concerne 28 700 habitants. Une extension du périmètre est en cours d’instruction, dont le décret est prévu pour la fin 2007. Les financements publics sont assurés à moitié par l’Etat et pour un tiers par la Municipalité. L’Union Européenne contribue ponctuellement au financement de certains projets. « Au total d’ici 2010, Euroméditerranée prévoit de générer sur la ville plus de 3 milliards d’euros d’investissements publics et privés ». Cf. site d’Euroméditerranée : www.euromediterranee.fr 2- Partout dans la ville surgissent des programmes immobiliers menés par les plus importants constructeurs internationaux (Kaufman & Broad, Bouygues Immobilier, Meunier, Constructa…).3- Zone franche de Saumaty, Docks et quartier d’affaires de la Joliette, Euromed Center…4- Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale de l’Alcazar, pôle culturel et multimédia de la Belle de Mai, Archives et Biblio-thèque départementale Gaston Defferre, Gare Saint-Charles, Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée…5- Cf. www.marseille-republique.com6- Cf. www.eurazeo.fr
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7- L’association a été créée en novembre 2000, elle se bat pour le droit des habitants actuels du centre-ville à y vivre, le droit à l’information des citoyens et la transparence de l’utilisation des fonds publics. Cf. www.centrevillepourtous.asso.fr et cahier « La parole et l’action ».8- L’expression, employée dans les années 20 par le maire Henri Tasso, sera souvent reprise par les municipalités successives.9- Depuis le début du XXe siècle, de nombreux plans d’urbanisme se sont succédés : destruction des « quartiers derrière la Bourse » en 1918 ; Plan Greber 1931 ; plan Beaudouin 1942 ; plan Meyer-Heine 1949-59 ; construction du Centre directionnel dédié au tertiaire sous Gaston Deferre entre 1970-1974 ; opération des Carmes en 1981, dernière opération démolition-reconstruction en centre-ville…
millier de logements et de commerces, leur objectif est bien entendu de tirer un profit maxi-
mal de leur réhabilitation. Les deux logiques semblent sensiblement différentes : Eurazeo/ANF,
l’une des premières sociétés d’investissement européennes, héritière de la société propriétaire
d’origine, semble miser sur le moyen terme et l’augmentation progressive du prix du foncier
et du locatif ; le second propriétaire, Lone Star, fonds d’investissement basé au Texas via sa
société Marseille République, est animé d’une logique de rentabilité financière à court terme,
privilégiant la réhabilitation des immeubles en vue de la revente d’appartements rénovés haut
de gamme. Cette logique passe donc par l’éviction des locataires actuels : la violence des prati-
ques mises en œuvre a cristallisé leur opposition, non à la réhabilitation elle-même, nécessaire
et souhaitée par tous, mais à la forme qu’elle prenait ici. À l’initiative de quelques-uns d’entre
eux, appuyés par l’association Un Centre-Ville Pour Tous7, une mobilisation collective s’est mise
en place pour la première fois à Marseille sur le sujet. Cette prise de parole des habitants et
leur irruption dans le champ médiatique mettent en lumière la capacité – ou l’incapacité – des
acteurs publics à rendre les citoyens partie prenante du processus de transformation en cours.
La rue de la République est un problème politique : ville réelle et ville imaginaire s’y affron-
tent, paroles et gestes symboliques y sont mis en scène, de multiples mémoires et devenirs s’y
entrecroisent et s’y jouent.
UnE CEntRALIté PoPULAIRE
LongtEmPs ComBAttUE
La réhabilitation du centre-ville
La transformation de la rue est à replacer dans le contexte plus
général des mutations urbaines, économiques et sociales qui tra-
vaillent Marseille depuis près d’un demi-siècle, et d’une volonté
politique de changer l’image de la ville en donnant « un nou-
veau visage » à son centre. Il présente en effet la caractéristique
désormais rare d’abriter des habitants parmi les plus modestes.
C’est une vieille obsession qui traverse toutes les municipalités et
remonte au début du XXe siècle : « reconquérir »8 le centre-ville
sur les pauvres et les étrangers, assainir les quartiers anciens au
bâti dégradé9, y faire revenir des habitants plus riches. Si le maire
Au premier plan, le Vieux Port. A l’arrière-plan, le port de commerce. Et la rue de la Républi-que, désormais en vedette.
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actuel, Jean-Claude Gaudin, en fait son cheval de bataille10, c’est cependant une constante
depuis près d’un siècle que de tenter de transformer le centre de la ville : « Toutes les munici-
palités ont inscrit à leur agenda la rénovation du centre-ville. La rénovation est même l’une des
figures clefs de la continuité dans les politiques urbaines marseillaises »11. Les grandes métro-
poles françaises et européennes ont engagé – beaucoup l’ont achevée – la réhabilitation de
leurs centres, avec mise en valeur du patrimoine architectural, créations d’équipements publics,
institutionnels et culturels, amélioration des transports et volonté de faire revenir les classes
moyennes et supérieures dans les quartiers paupérisés des centres urbains. Ce processus,
qualifié de « gentrification », à la fois outil de lutte contre la paupérisation et conséquence de la
rénovation urbaine, concourt à transformer la composition sociologique des quartiers, la nature
du parc immobilier et le marché du foncier12.
À Marseille, ce processus se double d’une résolution à peine masquée d’invisibiliser la pré-
sence immigrée dans le centre-ville13. Marseille et son port sont depuis des siècles un lieu de
passage et d’immigration. L’histoire de la ville se confond avec celle des migrations. Grecs, Ita-
liens, Arméniens, Corses, Pieds Noirs, Juifs séfarades, Algériens, Marocains, Tunisiens, Sénéga-
lais, Comoriens… Tous ont participé à l’activité économique et industrielle portuaire et ont fait
souche dans la cité phocéenne14. Les quartiers centraux ont toujours été des espaces d’accueil
et de transit, avant une installation, dans le centre même ou dans la ville, ou le départ vers une
autre destination. Ils permettent aux nouveaux arrivants de trouver un marché locatif attractif,
même si très dégradé15, des sociabilités d’entraide, des commerces spécialisés. Et durant près
d’un siècle, la proximité avec le port de commerce a fourni un marché de l’emploi pour une
main d’œuvre de dockers, d’ouvriers et de navigateurs16. Marseille est alors la porte d’entrée
de l’économie coloniale, qui génère le développement d’activités commerciales et maritimes
(importation-exportation, courtage, compagnies maritimes de transport…) et d’une industrie
de transformation des matières premières (sucres, oléagineux, etc.). Cet essor économique
va contribuer à l’attractivité de Marseille pour les migrations successives du XXe siècle. Le port
entame son déclin à partir de la décolonisation dans les années 60, mais la vocation sociale et
historique des quartiers centraux va perdurer.
Le centre-ville n’a pas seulement été le lieu d’accueil et de logement des primo-arrivants. A
partir des années 70, dans le quartier Belsunce et ses alentours, les migrants algériens et juifs
séfarades développent une centralité commerciale à destination des populations maghrébines
locales mais surtout à destination des clientèles algériennes qui traversent la Méditerranée
pour venir s’approvisionner en biens de consommation courante, inaccessibles sur le marché
10- « Ma politique ne plaît peut-être pas aux nostalgiques de la gauche, qui ont laissé pourrir le centre-ville pendant des années. Mais elle plaît aux Marseillais. Le Marseille populaire, ce n’est pas le Marseille maghrébin, ce n’est pas le Marseille comorien. Le centre a été envahi par la population étrangère, les Marseillais sont partis. Moi, je rénove, je lutte contre les marchands de sommeil, et je fais revenir les habitants qui payent des impôts ». Déclaration de Jean-Claude Gaudin dans La Tribune, 5 décembre 2001. 11- Peraldi, Samson, 2006, p. 177.12- Hamnet, 1997.13- Peraldi, Samson, 2006 ; Manry, 2002 ; 2006.14- Temime, 1990.15- C’est précisément l’insalubrité et la dégradation des immeubles qui font que s’est constitué un parc locatif bon marché, exploité par des propriétaires-bailleurs d’immeubles ou de gérants d’hôtels meublés, qui exercent la fonction très rémunératrice de « marchands de sommeil ».16- Temime, 1990 ; Fournier, Mazzella, 2004 ; Pierrein, 1975 ; Boissieu, 1986.
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intérieur algérien. C’est ainsi que le « trabendo », dénomination algérienne de la contrebande, se
développe entre Marseille et l’Algérie : une noria de gros trabendistes et de petits contrebandiers
rapporte à bout de bras, par valises, ballots et containers, vêtements, linge de maison, produits
alimentaires et pièces automobiles trouvés dans les boutiques de Belsunce. Ce commerce
transnational connaît son apogée dans les années 8017. Mais l’instauration des visas en 1987 et
la guerre civile en Algérie au début des années 90 auront raison de ce dynamisme qui effraie
les édiles locaux qui n’y comprennent goutte, et n’auront de cesse de contraindre, stigmatiser,
voire éradiquer cette expansion économique qui transforme le paysage urbain du centre-ville
– rappelons que la ville garde la mémoire des violences anti-immigrés de la décennie précédente
(« ratonnades » de l’été 73, attentat contre le consulat d’Algérie), et que le Front national y est
alors très audible. Mais si les échanges avec le Maghreb semblent céder le pas, la présence des
migrants dans l’activité commerciale de la ville n’en a pas disparu pour autant. Le dispositif des
années 70-80 s’est repositionné sur des clientèles locales, développant le commerce de détail
et de demi-gros en prêt-à-porter, textile, sportswear et alimentation à destinations de clientèles
populaires avides de consommation. Positionnés sur le créneau du discount et du bon marché,
les commerçants, pour la plupart issus des migrations maghrébines et juives séfarades, ont
investi le centre-ville, drainant des dizaines de milliers de clients des mondes populaires des
Quartiers Nord, des villes avoisinantes et de tout le Grand Sud18. Cependant, cette effervescence
commerciale ne cadre pas avec les standards de la grande distribution et du commerce franchisé
que souhaitent favoriser les pouvoirs publics. La richesse produite par ces activités est mino-
rée, ce commerce ne correspond pas aux critères d’attractivité des classes moyennes que l’on
souhaite faire revenir et visibilise par trop cette présence populaire. L’éviction ou l’éloignement
de ce dispositif commercial, vécu et pensé comme un désordre urbain, une anomalie, seront
souvent présentés comme des arguments majeurs légitimant la « reconquête » du centre-ville.
Au milieu des années 80, après plusieurs tentatives avortées ou inachevées, la Municipalité lance
une vaste opération de réhabilitation sur le centre de la ville. Des outils institutionnels, coercitifs
et incitatifs, sont mis en place : des Périmètres de Réhabilitation Immobilière (PRI) faisant l’objet
de Déclarations d’Utilité Publique (DUP) sont délimités et couplés à des Zones de Protection du
Patrimoine Architectural Urbain et Paysager (ZPPAUP), des Opérations Programmées d’Amé-
lioration de l’Habitat (OPAH) sont initiées19. C’est d’abord la Société d’Economie Mixte de la
Ville, Marseille Habitat, qui obtient la concession des opérations, concession reprise par la SEM
Marseille Aménagement, créée par la Ville en 199120. Dès l’arrivée de Jean-Claude Gaudin à la
mairie en 1995, et afin d’accélérer la mise en œuvre du processus, la logique de l’investissement
privé est privilégiée : Marseille Aménagement commence par réhabiliter le patrimoine municipal
17- Tarrius, 1995 ; Peraldi, 2001.18- Manry, 2006.19- OPAH Belsunce-Pressensé, 1983 ; OPAH Belsunce-Nationale, 1987 ; OPAH Canebière, 1992 ; PRI Panier-Vieille-Charité et Thubaneau-Récolettes, 1993 ; OPAH Centre-Ville, 1995…20- Marseille Aménagement est née de la fusion de la Société Marseillaise Mixte Communale d’Aménagement et d’Equipement (Somica), et de la Société Anonyme d’Economie Mixte de la Bourse (Saiemb). La Ville de Marseille et la Communauté Urbaine Marseille-Provence détiennent plus de 50 % du capital de la SEM dont le Maire de Marseille est Président. La vocation de Mar-seille Aménagement porte sur la maîtrise d’ouvrage de bâtiments ou équipements publics, l’aménagement de ZAC et la maîtrise des PRI, des ZPPAUP et des OPAH pour Marseille et les communes avoisinantes. Cf. le site de Marseille Aménagement : www.marseilleamenagement.com
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dans le périmètre de rénovation,
puis au fur et à mesure rachète
des immeubles dégradés. La
SEM réalise les travaux et pro-
pose ensuite les appartements
rénovés comme placement
financier à des « investisseurs
propriétaires bailleurs »21.
Les appartements réhabilités
deviennent alors des produits
financiers à haute rentabilité : les
dispositifs législatifs existants22,
couplés à certaines dispositions
du Code des Impôts, permettent
aux investisseurs de bénéficier
tout à la fois de fortes défisca-
lisations et de subventions publiques23. Malgré la mauvaise qualité de la réhabi-
litation24, ces investisseurs-propriétaires, qui bien souvent n’ont jamais vu leurs
immeubles et encore moins leurs locataires, réalisent ici des profits substantiels.
Marseille Aménagement, qui assure à la fois la réhabilitation des immeubles et la gestion loca-
tive des appartements vendus, donne de solides garanties aux nouveaux propriétaires (garantie
de vacance, d’impayés de loyers, garantie sur le prix de revente) et assume un rôle central dans
ces opérations, sans que les objectifs n’en soient toujours clairement définis. La gestion hasar-
deuse de la SEM sera d’ailleurs énoncée par la Cour Régionale des Comptes en 199825 et dénon-
cée dès 2001 par Un Centre-Ville Pour Tous. L’association tout juste déclarée apparaîtra sur la
scène politique et médiatique marseillaise en mettant en débat publiquement les dysfonctionne-
ments de ces opérations et le montant excessif des rémunérations des sociétés prestataires de la
concession sur le PRI du Panier. Elle pointe dès cette époque l’absence de programmes de loge-
ments sociaux et accuse la Ville de brader le patrimoine municipal à des investisseurs privés26.
21- Regroupés en AFUL : Association Foncière Urbaine Libre.22- Loi Malraux, loi Besson, loi de Robien, etc.23- En contrepartie des aides et de la défiscalisation, les propriétaires s’engagent à louer les appartements à des prix plafonnés, sans possibilité de revente pendant une durée de 9 ans. Le PRI de Belsunce arrive à terme et l’on a vu dès la fin de ces 9 années, des immeubles réhabilités remis en vente, dont les locataires ont à nouveau été priés de partir. La Marseillaise, 4 octobre 200724- Voir relevés et enquêtes faits en 2005 par les étudiants de 5ème année de l’Ecole d’Architecture de la Villette, conduits par A. Deboulet, V. Dufoix et J-F. Tribillon. Synthèses disponibles sur le site de Centre Sud : www.centresud.info/CentreSUDpedago-gieMarseille.htm 25- Qui écrit dans son rapport en 1998 : « (cette société) a très largement fonctionné dans une logique d’augmentation de son volume d’activité et du montant de ses dépenses, et non en vue d’une efficacité ou d’une rentabilité quelconque, ni même en fonction d’une politique d’aménagement clairement et préalablement conçue ». Chambre Régionale des Comptes, 1998.26- Daniel Carrière, alors administrateur de CVPT, après avoir obtenu communication des audits sur le PRI et devant le refus de la Mairie d’attaquer en justice, se substituera à la Ville et portera plainte, en tant que contribuable et contre inconnu, pour « escroquerie, abus de confiance, usurpation de fonction et délit de favoritisme commis au détriment de la ville dans le cadre de la concession qu’elle a consentie à la SEM Marseille Habitat pour l’aménagement du PRI Panier-Vieille Charité. » L’affaire ira jusqu’au Conseil d’Etat. Jean-Philippe Beau, ancien Directeur de l’Urbanisme de la Ville de Marseille, membre du bureau de l’as-sociation ajoute : « La Ville possédait de nombreux immeubles vacants qu’elle a vendu à Marseille Aménagement pour amorcer l’opération. Au lieu d’en vendre à des sociétés HLM pour reloger les gens, elle les a tous vendus à des privés avec défiscalisation. On a bradé trente ans d’acquisitions foncières en cinq ans ! ». Un Centre-Ville Pour Tous, 2007, p. 8.
0 250 500 m
Nh
Périmètre Euroméditerranée
PRI Centre-Ville
Joliette
Vieux Port
Noailles
ChapitreBelsunce
Canebière
Gare Saint-Charles
Port de commerceOPAH Marseille-République
OPAH de site Marseille Euroméditerranée
OPAH Centre-Villeet La Plaine
PRI Panier Vieille Charité
Rue de la R
épublique
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Les quartiers anciens (Panier, Belsunce, Noailles) sur lesquels sont mis en place ces outils de
rénovation urbaine présentent un patrimoine immobilier fortement dégradé. Les premières
victimes de cette réhabilitation vont être les habitants les plus pauvres qui y vivaient dans des
conditions d’insalubrité notoire, et particulièrement les vieux travailleurs maghrébins louant
des chambres en hôtels meublés27, pour certains depuis des dizaines d’années. Les immeubles
valant plus chers vides qu’habités, de nombreux gérants d’hôtels utiliseront des méthodes
de pression condamnables (et très peu souvent condamnées), à l’incitation des propriétaires
désirant vendre. Aucune solution de relogement ne sera proposée à ces locataires, toujours
considérés comme illégitimes et pourtant déjà victimes de conditions de vie et de logement
indécentes, et qui ne peuvent accéder à la location des appartements réhabilités en raison des
loyers pratiqués. Plusieurs procès vont être intentés contre ces gérants d’hôtels meublés ou les
propriétaires des fonds et la Ville de Marseille elle-même sera condamnée, dans un jugement
qui fait désormais jurisprudence, à indemniser et reloger les locataires d’un immeuble qu’elle
avait donné à bail à un « marchand de sommeil », pour avoir exigé « la remise des locaux libres
de toute occupation »28.
Une lente transformation
Sous les effets conjugués de ces multiples désirs, volontés et dispositifs, le centre de Marseille
se modifie peu à peu. De grands équipements publics ont vu le jour : Faculté de Sciences Eco-
nomiques, Cité de la Musique, Commissariat de Noailles, Bibliothèque Municipale à Vocation
Régionale de l’Alcazar, tramway… Des logements pour étudiants et des ateliers d’artistes ont
été réalisés, l’installation de galeries a été favorisée pour attirer de nouvelles populations29. Les
immeubles réhabilités ont été loués, de nouveaux habitants sont arrivés, pour la plupart issus
des classes moyennes intellectuelles30. Cette transformation semble aujourd’hui marquer le
pas, l’outil PRI n’est plus opérationnel : les immeubles pouvant intéresser les investisseurs ont
été rénovés ; subsistent quelques immeubles très dégradés, qui continuent de faire le bonheur
et la fortune des « marchands de sommeil ». La défiscalisation n’est donc plus le levier priori-
taire de l’action de la Ville, qui modifie ses méthodes : le maintien dans les lieux ou le reloge-
ment sont proposés aux habitants des derniers hôtels meublés (qui désormais ne les quittent
plus, sachant bien qu’ils ne retrouveront plus où habiter en centre-ville !), un diagnostic social
est en cours sur Noailles et des immeubles à vocation sociale sont en projet31.
27- En 1997, plus de 2500 personnes étaient logées dans les 165 hôtels meublés recensés en centre-ville. Ascaride, Condro, 2001.28- Affaire du 6 rue de la Fare : en 2003, le Tribunal d’Instance de Marseille a condamné solidairement le marchand de sommeil et la Ville. La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence confortera le premier jugement le 29 janvier 2003. Pour une vision d’ensemble de la question des hôtels meublés dans le centre-ville de Marseille, cf. www.centrevillepourtous.asso.fr (Recherche : hôtels meublés) ; Ascaride, Condro, 2001.29 «’Reconquête’ de l’hyper-centre, la Ville engage une politique de revitalisation des immeubles. Premières opérations : les ate-liers d’artistes et les logements pour étudiants [qui] s’inscrivent dans cette volonté de ‘diversifier’ la population ». Le Méridional, 13 avril 1992.30- Manry, 2002. 31- Voir le Compte-rendu de la rencontre CVPT/Ville de Marseille du 26 octobre 2007. Annexes 3 | Documents CVPT
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Pourtant, le centre de la ville présente encore un visage populaire : dans les quartiers de Bel-
sunce, du Panier, des Carmes, de Noailles, sur la Canebière ou la rue de la République, coha-
bitent encore des ouvriers, des retraités, des familles immigrées, des employés, des petits
commerçants… Pourrait-il en être autrement ? Marseille est une ville pauvre, les Quartiers
Nord, où l’on voudrait voir s’installer les habitants du centre-ville, concentrent déjà des dizaines
de milliers d’habitants dans des parcs de logements sociaux également en réhabilitation. La
pauvreté se situe autant au centre qu’au nord de la ville, les taux de chômage y sont les plus
élevés32. Une étude de l’INSEE datée de décembre 2004 montre que le 3ème arrondissement est
le plus pauvre de toute la commune (revenu fiscal médian 6 300 euros), vient ensuite le 2ème
avec un revenu fiscal médian de 6 800 euros, le 15ème avec 7 500 euros, puis le 1er et le 16ème33.
Ainsi, compte tenu de leurs revenus, près de 60 % des Marseillais pourraient prétendre accéder
au logement social… Faudrait-il alors remplacer la moitié des Marseillais, un sombre rêve déjà
énoncé34? Comment « fabriquer » ces classes moyennes tant désirées35 ? Ce sombre tableau
ne doit pas occulter que la longue co-présence de ces populations a permis la constitution de
sociabilités et de solidarités qui forment un tissu riche et dynamique, lui aussi en profonde
mutation. Alors que la ville prône et joue le multiculturalisme et le cosmopolitisme pour vendre
son image de métropole euroméditerranéenne, comment faire coïncider une réalité récalci-
trante et une ville rêvée ? L’histoire à Marseille siècle semble bégayer : la construction de la rue
de la République, trouant la ville ancienne au XIXe, portait le rêve d’une nouvelle ville au nord.
Qu’en est-il désormais de cette artère emblématique au cœur du projet Euroméditerranée ?
D’UnE oPéRAtIon ImmoBILIèRE à L’AUtRE :
LA vILLE RêvéE ContRE LA vILLE RéELLE
« Au nom du commerce et de l’humanité » : une spéculation
et une intervention publique, XIXe siècle
Dans les années 1840, la croissance marseillaise s’accélère, liée à l’augmentation du
mouvement de la navigation et à l’extension de l’empire colonial. Le Vieux Port est incapable
d’absorber l’augmentation du trafic et une extension doit être réalisée, dont l’emplacement
fera débat tout au long du XIXe siècle. Le site retenu sera celui de l’anse de la Joliette, au nord
de la ville, proche à la fois de la ville existante et d’un quartier au devenir industriel, déjà relié
à la gare ferroviaire. La construction du bassin de la Joliette, ordonnée par la loi du 5 août
1844, sera achevée en 1853. Les bassins du Lazaret et d’Arenc, ordonnés dès 1854, seront
achevés dix ans plus tard. La côte est remodelée et des terrains sont conquis sur la mer le
32- Données AGAM (Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise : www.agam.org), juin 2007, taux de chômage : 22,6% pour le 2ème arr. ; 21,8% pour le 1er ; 22,4% pour le 3ème et dans les quartiers Nord : 20,1% pour le 16ème, 17,2% pour le 15ème…33- www.insee.fr/fr/insee_regions/provence/rfc/docs/sie76.pdf34- « On a besoin de gens qui créent de la richesse. Il faut nous débarrasser de la moitié des habitants de la ville. Le cœur de la ville mérite autre chose. » Claude Valette, adjoint au maire délégué à l’urbanisme, cité par Eric Zemmour dans Le Figaro, 18 novembre 2003.35- Entretien Nouredine Abouakil, cahier « La parole et l’action », pp.56-83.
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long des bassins, par l’utilisation des remblais des collines arasées et nivelées. Ils repré-
sentent une réserve foncière considérable et vont susciter l’intérêt de sociétés privées, au
premier rang desquelles on trouvera celles de Jules Mirès, magnat de la presse, banquier,
soutenu par le pouvoir impérial, et de Paulin Talabot, ancien élève de l’École polytechnique,
ingénieur des Ponts et Chaussées et homme d’affaires. Le premier achète les terrains que
la ville viabilise. De lourdes dépenses sont alors réalisées « dans des opérations qui, au total,
tourneront au bénéfice des sociétés et compagnies qui assurent un rôle d’intermédiaire entre
l’hôtel de ville et les entreprises privées adjudicataires, ou plus directement encore, les particu-
liers »36. Le second, et sa Compagnie des Docks et Entrepôts, obtient la concession des docks de
Marseille et conquiert une situa-
tion de monopole37. Rappelons
que Paulin Talabot est également
initiateur et fondateur du rail en
France, directeur de la Compagnie
Paris-Lyon-Marseille. Spéculation
foncière et travaux publics vont
alors se trouver associés dans un
projet d’aménagement articulant
ville, gare et ports. Les deux ports
en effet se trouvent séparés par
les vieux quartiers des Grands
Carmes et du Panier, dont l’entre-
lac de ruelles est alors perçu comme un obstacle à la logique du mouvement, de l’échange et de
la circulation propre à cette période d’essor du capitalisme, ainsi qu’au contrôle social et hygié-
niste des quartiers populaires. Les édiles municipaux veulent rééquilibrer la ville, et inverser la
tendance du premier XIXe siècle, qui entraînait vers le sud et l’est le peuplement bourgeois et les
activités de prestige. Des projets de rénovation de la vieille ville vont alors voir le jour, qui visent
le « retour » d’une centralité d’affaires. On ira aussi jusqu’à envisager l’arasement complet de
toutes les collines38.
La rue de la République, alors rue Impériale, est un « reliquat de ces grandioses ambitions »39.
Conçue pour relier les deux ports et faire revenir la bourgeoise, elle est la vitrine de la moderni-
sation d’une ville qui se voulait déjà capitale méditerranéenne. Les Saint-Simoniens40 – Paulin
Talabot, les frères Pereire et M. Montricher, Ingénieur Général des Ponts et conseiller technique
de la Municipalité sont de ceux-là – écoutés par l’Empereur, voyaient Marseille, point de pas-
36- Bonillo, 1992.37- Pons, 2004.38- Projets de rénovation de la Vieille Ville : Curiel-Cahier-Corso, 1855 ; Rivalz-Aîné, 1855 ; Bodin-Clément,1856. Bonillo, 1991, p. 178.39- Bonillo, 1991, p. 175.40- La doctrine de Saint-Simon s’appuyait sur le notion de réseau et de capacité, la relation entre les hommes étant fonction de la capacité du réseau à établir le lien. Les Saint-Simoniens souhaitaient une alliance des industries modernes, vues comme moteur du progrès social, servie par un puissant réseau bancaire et par le développement international des transports, notam-ment des chemins de fer. Saint-Simon eut beaucoup d’héritiers, côté libéral et côté socialiste, et la doctrine, un rôle esentiel dans la colonisation de l’Algérie.
Vue perpective des docks et entrepots de Marseille, aquarelle, M. Desplaces, collec-tion Musée d’Histoire de Marseille, 1864. Le premier bâtiment abrite aujourd’hui le siège d’Euroméditerranée.
24
![Page 9: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/9.jpg)
sage obligé de toutes les marchandises d’Afrique et d’Asie, unissant l’Orient et l’Occident après
le percement du Canal de Suez. Auguste Gassend, alors conducteur des Ponts et Chaussées (il
avait travaillé avec M. Montricher) et le maire Louis Lagarde obtiennent l’accord de Napoléon III
pour le percement d’une rue impériale en septembre 1860 : « L’ouverture d’une large rue à
travers cet amas d’habitations dont la condition déplorable est notoire, peut seule opérer une
réunion réclamée tout à la fois au nom du commerce et de l’humanité. »41 Le Trésor accorde
une subvention de 6 millions, la Compagnie immobilière d’Émile Pereire obtient la concession.
Les frères Pereire soutiennent le préfet Haussmann à Paris : ils ont construit les immeubles de
la rue de Rivoli et l’Hôtel du Louvre, créé la ligne de chemin de fer Paris-Saint-Germain et fondé
le Crédit Mobilier. La Compagnie réalise les travaux dans les délais imposés, en faisant interve-
nir les entrepreneurs locaux, et de très bonnes affaires, en servant d’intermédiaire : « Le rapport
de juin 1863 de cette compagnie avoue sans fausse honte : « E. Pereire a pris l’engagement
d’exécuter tous les travaux de tassement et de viabilité moyennant 6 millions à déduire du prix
des terrains. Ces travaux ont été depuis adjugés par lui à des entreprises, moyennant un prix
qui limite la dépense à 3 900 000 francs, soit un bénéfice de 2 100 000 francs. »42 La spéculation,
à nouveau, coûte fort cher à la Ville et aux contribuables marseillais !
La percée haussmannienne, réalisée en moins de 4 ans (1860-1864), procédures d’expropriation
comprises, tranche les collines de la Butte des Carmes et des Moulins. Une trentaine de rues dis-
paraissent, 935 immeubles sont détruits, 777 propriétaires sont indemnisés et 16 000 personnes
déplacées, qui iront s’installer dans les nouveaux quartiers de la Belle de Mai, de Notre Dame de
la Garde ou en périphérie de la ville. Le chantier est gigantesque : 1 500 ouvriers utilisent pour
la première fois des grues roulantes et des machines à mortier, la tranchée atteint 250 mètres
de large et 20 mètres de profondeur entre les Carmes et les Moulins43, des millions de tonnes de
remblais sont déversées dans la mer grâce à 4 lignes de chemin de fer. Inaugurée en 1864, alors
même que la construction des immeubles n’a pas encore commencé, elle ne sera occupée en
totalité qu’à partir de 1880. Les élites marseillaises attendues ne viendront pas y vivre et pour-
suivront leur lente appropriation des quartiers sud, « rejetant avec mépris le « vide » des créa-
tions haussmanniennes. »44 « Un ralentissement marqué dans l’accroissement de la population,
l’inexécution des grands travaux d’utilité publique et le trop grand nombre d’immeubles bâtis »
expliquent en partie l’échec financier de cette opération45 qui s’inscrit dans l’histoire urbaine
française de la fin des années 1860, jalonnée de crises et d’effondrements spectaculaires. L’opé-
ration marseillaise, en effet, n’échappe pas à son époque et conduira, après de multiples rebon-
dissements, rachats de sociétés, prêts hypothécaires et subventions renouvelées de la Ville, à la
faillite des entrepreneurs et des porteurs d’actions des compagnies immobilières et financières.
Les spéculateurs, eux, ne seront pourtant pas ruinés et sauront conserver un important patri-
41- Lettre de la Municipalité à l’Empereur, 10 septembre 1860. Jasmin, 1994.42- Roncayolo, 1983, p. 107. 43- On peut sentir ces dimensions place Sadi Carnot, on y voit les deux murs de soutènement (5 mètres d’épaisseur) adossés aux collines, côté Carmes et côté Panier.44- Roncayolo, 1983, p. 116.45- Liquidation de la Compagnie immobilière. Rapport présenté à l’assemblée des actionnaires du 13 avril 1881. Jasmin, 1994.
25
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moine foncier…46 Les immeubles seront repris par une société unique, la SIM, Société Immobi-
lière Marseillaise, créée pour l’occasion par les grands noms du patronat négociant marseillais,
qui ne souhaitaient pas perdre totalement les placements qu’ils avaient réalisés dans le pro-
gramme Mirès-Pereire. Elle en conservera la propriété et en assurera la gestion pendant près
d’un siècle.
Située au cœur de la ville populaire et à proximité des installations portuaires, la rue de la Répu-
blique va devenir une étape dans les trajectoires résidentielles pour une partie de l’élite ouvrière.
Accéder aux logements haussmanniens, par ce que ce type de bâti (halls et cages d’escaliers
spacieux, appartements vastes et « bourgeois ») produit comme mode d’habiter en opposition
aux ruelles et aux petits appartements des quartiers voisins, traduit la promotion sociale d’une
partie de la classe ouvrière et des petites classes moyennes qui en sont issues47. Les immeubles
de la rue de la République constituent alors une « référence », « un espace de projection dans
leurs choix résidentiels, comme espace où résider vaut certificat de réussite sociale »48. La SIM
tirera d’excellents revenus des loyers et des commerces mais la rue portera toujours le stigmate
de l’échec spéculatif initial. On lira même dans une plaquette éditée par Euroméditerranée que
« la rue ne cessera de péricliter tout au long du XXe siècle »49. Elle réalisera pourtant les objectifs
qui lui avaient été assignés : promotion sociale et liaison de la vieille ville et du nouveau port
– mais ce succès sera celui d’habitants qui n’y étaient pas attendus : marins navigateurs, doc-
kers, transitaires, agences maritimes, artisans, commerçants, médecins…
Parmileslocatairesoccupantles7952locaux,oncomptenotamment:
134 capitaines-marins
119 cafés, bars, vins et liqueur
84 épiciers
20 bouchers-charcutiers
16 restaurateurs
14 boulangers-pâtissiers
8 crémiers
5 confiseurs
17 coiffeurs
17 marchands de chaussures
15 tailleurs et marchands de nouveautés
11 chapeliers
10 chemisiers
15 marchands de bois et charbons
18 plombiers, serruriers, menuisiers
7 papetiers-imprimeurs
9 bijoutiers-horlogers
12 bazars
46- Tels les Frère Pereire eux-mêmes. Roncayolo, 1983, p.11247- Fournier, Mazzella, 2001.48- Ibid.49- Euroméditerranée, 10 ans, 10 Marseillais prennent la parole, 2006
«
26
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7 merciers
6 quincaillers
6 droguistes
5 teinturiers
13 buralistes
4 marchands de meubles
3 parfumeurs
36 instituteurs
23 docteurs en médecine
8 pharmaciens
5 dentistes
8 banques et bureaux de change
4 compagnies de navigation
24 dispensaires, cliniques et œuvres de bienfaisance
Etc, etc…
Livret édité par la Société Immobilière Marseillaise pour l’Exposition Coloniale de Marseille, 1922
Musée d’Histoire de la Ville de Marseille, M 711 59 soc (R)
Un « millefeuille » social
Jusqu’aux années 1980, ce processus de classement social par la résidence va se renouveler
sur plusieurs générations, par le jeu des transmissions de logements sous loi 1948 ou des coop-
tations pour l’accession aux logements50, et valoir également pour les nouvelles populations
immigrées (Italiens, Corses puis Algériens) au fur et à mesure de leur intégration dans la ville et
de leur ascension sociale.
Au tournant des années 80, le destin de la rue de la République suit celui de la ville. La déco-
lonisation, puis la désindustrialisation ont frappé de plein fouet l’économie phocéenne. L’in-
dustrie portuaire s’est effondrée ou déplacée vers les rives de l’étang de Berre et dans l’aire de
Fos-sur-Mer, le chômage écrase la ville, qui connaît une décroissance démographique continue.
Conçus au XIXe siècle, les appartements de la rue ne répondent plus aux critères d’hygiène
et de confort actuels, le blocage du montant des loyers sous loi de 1948 et des loyers très bas
pour le reste du parc, l’entretien insuffisant de la SIM et les départs naturels des locataires plus
fortunés vont peu à peu conduire à une situation de logement social de fait.
Au cours des années 1990-2000, le périmètre se distingue, par rapport à l’ensemble de Mar-
seille51, par une proportion plus importante de familles nombreuses (17 %) et de familles
mono-parentales (13%) (2 fois plus que la moyenne communale sur ces deux catégories). Ces
chiffres sont plus élevés pour les habitants plus récemment installés. 33 % de ménages vivent
en dessous du seuil de pauvreté parmi les 10 000 habitants du périmètre et 30 % vivent unique-
ment de revenus sociaux. Le taux d’activité est de 24 % (42 % à Marseille), 31 % de la popula-
tion active est au chômage (1,5 fois plus que sur tout Marseille).
27
50- Les actionnaires et dirigeants de la SIM, appartenant au patronat conservateur de la ville, sont proches de l’Evêché. Pendant de nombreuses années, les postulants à la location se verront demander un certificat de baptême en guise de bonne moralité. De même, l’Evêché et les prêtres des paroisses avoisinantes intercèdent souvent auprès de la SIM pour recommander des loca-taires. Enfin, il est d’usage courant que des locataires recommandent et se portent garants de membres de leur familles ou de leurs proches auprès du propriétaire. Témoignages d’habitants de la rue de la République.51- Sources : recensement Insee 1990 et résultats de l’enquête Urbanis de 1999 réalisée sur demande de la Ville en vue de l’OPAH « Marseille-République ».
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À la fin des années 80, au moment où la SIM se défait d’une partie de son patrimoine à une
société d’investissement (Danone-Cofinda), 35 % des ménages du parc cédé sont sous la loi de
48 (26% pour le parc conservé, 12 % pour le diffus) ; près de la moitié des ménages est non-
imposable ; 61 % des locataires paient un loyer inférieur ou égal à 4 euros/m2. Un tiers des
ménages sont présents sur la rue depuis plus de 20 ans. L’attachement au lieu est fort, même si
les conditions de logement et de vie sont parfois précaires : 56 % des locataires se disent atta-
chés au quartier, même s’ils n’en sont pas satisfaits.
La situation dans les immeubles conservés par la SIM paraît cependant meilleure et il semble
qu’elle ait cherché à se débarrasser de ceux dans lesquels il était nécessaire de réaliser de
gros investissements de mise aux normes et de rénovation. Il semble également qu’elle ait
conservé la part patrimoniale la plus rentable, en terme de loyers, et les locataires qui habitent
les immeubles de la SIM présentent un profil socio-économique un peu plus élevé, malgré une
précarisation en évolution (31% des locataires de la SIM sont non-imposables).
Ainsi, au tout début des années 2000, la rue est une sorte de « millefeuille » constitué par les
arrivées successives de groupes différents qui traduisent à la fois l’évolution socio-démo-
graphique de la ville (déclin de l’emploi portuaire, accroissement des employés, des familles
mono-parentales, des personnes vivant des minima sociaux, mais aussi ascension progressive
de nouveaux habitants issus de l’immigration…) et celle de la rue (vieillissement des habitants,
précarisation économique, départ des catégories plus fortunées vers d’autres quartiers plus
cossus… ). Ainsi, de façon moins statistique et en brossant une typologie sommaire, on peut
dire que s’y côtoient :
• Une population vieillissante, dont les familles sont parfois installées depuis plus de 50
ans dans le quartier ou les quartiers avoisinants : ces locataires ont fortement investi dans leur
logement qui traduit une identité et une position sociales dont la trajectoire ascendante s’est
bloquée, mais qui manifeste un fort attachement à leur implantation en centre-ville et dans le
patrimoine haussmannien. Ils ont souvent rénové eux-mêmes leur appartement, ont parfois
pris en charge l’entretien des parties communes. Ils tirent une légitimité de leur ancienneté
et de leurs réseaux de sociabilité inscrits dans ce territoire. Issus de l’« aristocratie » ouvrière,
techniciens ou cadres moyens, ils disposent de revenus réguliers et corrects.
• Des personnes âgées en situation de précarité, des femmes souvent célibataires ou
veuves, percevant le minimum vieillesse ou des pensions de réversion peu élevées : ces habi-
tants, qui sont donc souvent des habitantes, sont installées elles aussi depuis des décennies et
bénéficient en majorité de loyers bloqués par la loi de 1948. En situation de précarité économi-
que, elles sont également relativement isolées malgré leur ancienneté dans le quartier. Avec
des difficultés de déplacement et de sortie, elles ont vu leur entourage social, familial et de
voisinage disparaître et se transformer. Leurs enfants, quand elles en ont, habitent rarement les
environs et seuls quelques anciens voisins se soucient d’elles. Leur appartement et leur voisi-
nage immédiat (commerces, médecin, église) est donc souvent le seul repère stable, elles aussi
sont très attachées au quartier.
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• Des petits commerçants et artisans qui se sont installés rue de la République à proxi-
mité de leurs commerces ou entreprises dans les années 80-90 : en grande proportion issus de
l’immigration, leur installation correspond au choix de rester dans le centre-ville et d’occuper
des appartements abordables qui conservent malgré tout un certain « prestige ». Dans une logi-
que d’ascension sociale, ils reproduisent la trajectoire résidentielle de leurs prédécesseurs des
années 60-70. L’installation rue de la République est alors perçue comme l’accès à un voisinage
avec les petites classes moyennes auxquelles ils aspirent appartenir. Le « déclin » de la rue
marque pourtant un relatif échec dans leur volonté d’intégration sociale et urbaine, qui les rap-
proche paradoxalement des anciens habitants qui avaient réalisé leurs aspirations d’ascension
sociale par le logement et dont ils partagent désormais le déclassement.
• Des locataires au chômage, souvent de longue durée, ou percevant le RMI, une indem-
nité de congés longue maladie ou une Allocation Adulte Handicapé : certains sont des loca-
taires anciens qui ont vu leur situation personnelle et financière se détériorer après un licen-
ciement, une maladie ou des ruptures familiales (veuvage, séparation… ) ; d’autres sont des
habitants arrivés plus récemment, au fur et à mesure qu’une partie des immeubles se dégra-
daient et qui logent donc dans les immeubles les moins entretenus, souvent côté cour, mais qui
bénéficient de loyers peu chers et qui trouveraient difficilement à se loger ailleurs. Il s’agit le
plus souvent de femmes élevant seules leurs enfants ou de familles immigrées qui ne peuvent
accéder au parc social saturé.
• Des locataires, plus jeunes et à fort capital culturel qui ont trouvé dans les années 90
des appartements spacieux en plein centre-ville et à prix abordable : étudiants, intermittents du
spectacle, cadres moyens, professions libérales… Leur installation rue de la République repré-
sente une étape dans une trajectoire résidentielle ascendante durant laquelle ils bénéficient des
avantages du centre-ville et de la proximité des équipements sociaux et culturels. Mis à part
quelques relations de voisinage (voisins, commerces de proximité), ils n’ont guère développé
de réseaux de sociabilités dans le quartier et n’ont pas un attachement très fort à leur environ-
nement.
• Enfin, vers la fin des années 1990, les appartements laissés vacants, de plus en plus
nombreux, ont été occupés par les plus démunis, et notamment par des familles et des jeunes
immigrés sans titre de séjour, venus du Maghreb et des pays de l’Est, qui arrivent ou transitent
par Marseille et ne peuvent accéder à un logement légal. Les grands « squats » étaient situés
vers la place de la Joliette et la rue Fiocca, dont les immeubles, particulièrement dégradés, ont
hébergé jusqu’à plusieurs centaines de personnes chacun. Ces « squats » présentaient un fort
taux de rotation et des conditions de vie particulièrement précaires, mais faisaient office de
points de chute pour les nouveaux arrivants sans ressources. Ces « squats » ont produit des
nuisances difficilement supportables pour les locataires en titre (incendies, installation électri-
que, d’eau ou de gaz piratées, bruit… ) qui ont accusé les propriétaires de ne pas lutter contre
le phénomène afin de les pousser au départ. Avec le début de la rénovation des immeubles,
les appartements squattés ont été murés et évacués, parfois avec l’aide des forces de l’ordre.
D’autre squatteurs, familles ou personnes seules, occupent des appartements de manière
diffuse dans des immeubles. Il s’agit principalement de familles immigrées à faibles revenus,
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ou de personnes isolées et en grande précarité, qui ne trouvent pas de logement dans le parc
locatif privé ou sont en attente de logement social. La plupart du temps, rien ne les distingue
des locataires en titre, dont ils reçoivent parfois le soutien, et avec qui ils entretiennent des rela-
tions de voisinage cordiales. Ainsi, tel ancien plombier, locataire, a réparé les canalisations d’un
appartement « dévitalisé »52 pour un vieil homme qui avait élu domicile dans le couloir, tout un
immeuble s’est solidarisé autour d’une famille en organisant le partage de l’électricité ou tel
squatteur, voisin de palier du dernier locataire en titre, conservait les clés de l’appartement de
ce dernier pendant ses absences.53
C’est donc bien cette hétéogéneïté des habitants – ce « millefeuille » social – qui constitue à
l’orée du XXIe siècle la singularité de la rue de la République et auquel vont se confronter les
investisseurs et les pouvoirs publics au moment de lancer la réhabilitation. Pourtant, dans les
discours d’intention qui la justifient, la population de la rue de la République est présentée
comme un groupe homogène marqué par la précarité économique, la dégradation des immeu-
bles et des conditions d’habitat insalubres.
En septembre 2004, l’adjointe au maire chargée de l’habitat et du logement, déclare au quoti-
dien Libération : « Je ne souhaite pas que les 600 familles soient relogées sur place. Le repre-
neur a l’air de mener la politique qu’on souhaite. Ils ont confiance en Marseille. C’est un signe
que Marseille va mieux. »54 Dans l’émission « 7 à 8 », diffusée sur TF1 le 30 janvier 2005, Eric
Foillard, directeur de Marseille République décrit son patrimoine : « Ce sont des immeubles
avec les cages d’escaliers inondées, avec les égouts qui refoulent dedans, et des rats longs
comme l’avant-bras. » Les habitants de la rue se sentent stigmatisés et choqués par l’image qui
est donnée d’eux, et dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. L’investissement sentimental
mais aussi financier qu’ils ont placé dans leur logement, les embellissements et l’aménagement
des appartements, sont niés par les propriétaires et les pouvoirs publics, alors que c’est cela
même qui participe, à leurs yeux, de leur légitimité à rester rue de la République. La réhabilita-
tion aurait pu signer la reconnaissance ou l’affirmation de leur statut social et la confirmation
de leurs droits à bénéficier d’une protection et d’une amélioration de leur environnement, les
pouvoirs publics et les investisseurs leur ont renvoyé à la fois leur « non-conformité » à la
norme de la population rêvée et leur illégitimité à participer à la ville renouvelée.
Précisions sur une spéculation et une intervention publique,
à l’aube du XXIe siècle
Après plus d’un siècle de quasi-monopole sur la rue, la Société Immobilière Marseillaise
se défait d’une partie de son patrimoine. En 1987, elle revend 120 immeubles représentant
52- « Dévitalisation » : destruction des canalisations d’eau, des commodités, de l’électricité, des fenêtres, par le propriétaire afin d’éviter une occupation illégale des appartements vacants pourtant en état d’être loués.53- Observations de terrain. 54- « Marseille à la sauce texane », Libération, 30 septembre 2004.
30
![Page 15: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/15.jpg)
134 000 m2 (1 350 logements, 300 locaux commerciaux, 7 000 m2 de bureaux) à une filiale du
groupe Danone (Cofinda). La SIM reste alors propriétaire de 1 350 logements, dont elle assume
jusqu’en 2003 la gestion locative par sa filiale, la Compagnie de gérance foncière. Elle assume
également la gestion du patrimoine vendu à Cofinda. Cette première vente ne va pas toucher
directement les locataires, mais ils vont commencer à subir les conséquences de l’abandon des
lieux par ces propriétaires « invisibles », qui gèrent leur patrimoine comme un produit financier.
Les travaux de remise aux normes ou d’entretien des parties communes ne sont plus effectués,
le taux de vacance s’élève et génère, outre les occupations illégales et parfois violentes, une
atmosphère de désolation et de tristesse. Les appartements « dévitalisés » sont murés, les com-
merces tirent leur rideau, certains des locataires vont vivre seuls pendant des années dans leur
immeuble totalement vide, possédant parfois la clé de la porte en acier anti-squat qui ferme
l’entrée. Cet abandon n’empêche en rien une rentabilité excellente, dans un contexte d’aug-
59 rue de la République, cour entre immeuble sur rue et « maison du fond », février 2006 © MD
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![Page 16: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/16.jpg)
mentation exceptionnelle du prix du foncier à Marseille55. La vacance et la dégradation des par-
ties communes iront s’accentuant jusqu’au début de l’OPAH « Marseille République ». Le bilan
2002-2003 de cette OPAH fait état d’un taux de vacance de 30 % sur le parc de P2C et de 15 %
sur Eurazéo56. Plus de 60 % des immeubles sont vides au moment de la revente à Lone Star.
C’est dans ce contexte d’accroissement de la précarité de la population que débute la réha-
bilitation de la rue, comme un élément du projet d’aménagement urbain Euroméditerranée.
L’Opération d’Intérêt National vise à replacer Marseille dans son rôle d’interface entre l’Europe
et la Méditerranée et dans la compétition que se jouent toutes les métropoles européennes
afin d’attirer les acteurs internationaux de l’économie post-industrielle (entreprises du tertiaire
mondialisé : télécommunications,
connectique, banques et finan-
ces…)57. A Marseille comme à Gênes
ou Barcelone, on cherche à diver-
sifier les activités portuaires, on
produit du logement de standing,
des commerces et des bureaux, on
valorise les grands gestes architec-
turaux (ici, les tours de Zaha Hadid
– qui réalise le nouveau siège social
du troisième groupe mondial de
transport maritime CMA-CGM – ou
de Jean Nouvel, le centre d’affaires
de Massimiliano Fuksas, la réhabili-
tation des anciens Silos du port), on
veut construire des musées (Musée
des Civilisations de l’Europe et de la
Méditerranée, de Rudy Ricciotti) et
on réhabilite les quartiers anciens.
Les opérations de «marketing
urbain»58 et les chantiers se succè-
dent. En quelques années, on verra
se déployer une intense activité sur
tout le périmètre : transformation
des anciens Docks en immeubles de bureaux, réaménagement de la gare Saint-Charles et ouver-
ture de la ligne de tramway, construction de logements neufs, d’un lycée, d’une école mater-
nelle, d’hôtels et de parkings, création d’un pôle audio-visuel à la Friche de la Belle-de-Mai…
Le périmètre d’Euroméditerranée avec son extension, décret du 20 décembre 2007, paru au JO du 22 décembre. Cartographie Euroméditerranée.
55- Depuis 2001, les prix de l’immobilier ont augmenté de 20 % par an en moyenne, soit + 87,8 % en 4 ans (La Provence, 17 octobre 2005).56- Annexes 1 | Documents Ville de Marseille, convention d’OPAH Marseille-République, signée le 22 avril 2002.57- Berry-Chikhaoui, Deboulet, 2007.58- Rosemberg, 2000.
32
![Page 17: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/17.jpg)
La rue de la République est longtemps qualifiée « d’appendice » du projet, avec pour unique
fonction d’établir une liaison entre les deux périmètres de l’intervention publique en cours sur
l’hyper-centre (décrite ci-dessus) et le centre nord. Des travaux d’embellissement et des investis-
sements (plantation d’arbres, réaménagement de l’espace public, parkings, bassin de rétention,
tramway…) sont programmés. La réhabilitation intégrale du patrimoine immobilier s’inscrit dans
le projet avec l’OPAH « Marseille République » portée par la Ville. Les 5 000 logements du péri-
mètre, à proximité du quartier d’affaires de la Joliette, suscitent l’intérêt des investisseurs, sur
lesquels Euroméditerranée et les pouvoirs publics comptent pour mener la réhabilitation.
A la fin des années 90, deux grands propriétaires se partagent les 2/3 des appartements et
locaux commerciaux, le reste appartenant à des petits propriétaires privés, en propriété uni-
que ou en co-propriété. Le premier reste la SIM. En mai 2001, elle fusionne avec la société Rue
Impériale de Lyon (groupe Lazard) ; les immeubles deviennent la propriété d’une nouvelle
holding, Rue Impériale. En mai 2004, une fusion-absorption de Rue Impériale dans le groupe
d’investissement Eurazéo a lieu. Les immeubles de cette partie du parc, sans être réhabili-
tés, ont été maintenus en bon état, avec un taux de vacance relativement faible. En mai 2005,
Eurazéo apporte son patrimoine immobilier (constitué d’immeubles haussmanniens à Lyon et à
Marseille) à sa filiale ANF. Le titre ANF-Eurazéo, côté en bourse, doublera en moins de 2 ans.
Les 1 350 logements revendus par la SIM à Danone-Cofinda en 1987 sont revendus en juin
200059 pour un montant de 87 millions d’euros à la société P2C Immobilier, branche de la
société P2C appartenant à Pierre Schoen, industriel strasbourgeois passé à la finance (Gebo
Industries). Ces immeubles se situent principalement sur le nord de la rue, entre les places
Sadi-Carnot et Joliette, et sont en majorité très dégradés. La société P2C acquiert les immeu-
bles « en marchand de biens », c’est-à-dire en bénéficiant de droits de mutation réduits et en
franchise de TVA à condition de revendre avant 4 ans. Ce mode d’acquisition, non divulgué à
l’époque, laissait mal augurer de sa volonté réelle de faire un investissement de gestion patri-
moniale dans la durée.
En juillet 2001, sous l’impulsion d’Euroméditerranée, P2C signe un protocole d’accord et s’en-
gage à réhabiliter son patrimoine, en produisant un tiers de logements conventionnés et un
tiers de logements à loyer intermédiaire, en contrepartie de subventions publiques conséquen-
tes (Conseil régional, Conseil général, ANAH, etc.). Rue Impériale signera le même protocole
postérieurement à la convention. ANF/Eurazéo réalise une partie de ses engagements (notam-
ment la production de 100 logements sociaux), P2C aucun… Le 29 juillet 2004, cette société est
rachetée par le fonds d’investissement américain Lone Star, pour 117 millions d’Euros (soit avec
un bénéfice de 30 millions d’euros en 4 ans et sans y avoir effectué le moindre investissement).
Il n’y a pas de cession proprement dite des immeubles, mais acquisition de la société P2C par
Lone Star, et donc de son patrimoine60. Les capitaux de Lone Star proviennent des fonds de
59- Après la mise à l’écart d’un autre investisseur – Camar Finances, dont les moyens financiers sont jugés insuffisants. 60- Il y a successivement, par décision du CA de P2C I du 29 juillet 2004 : changement de dénomination de P2C qui devient « Marseille République » ; transfert de siège de Strasbourg à Paris, 37 Bd des Capucines 75002 ; nouveaux statuts et nouveaux dirigeants. Eric Foillard dirige la société.
33
![Page 18: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/18.jpg)
Sur le périmètre de l’OPAH
CopropriétésPropriétés uniquesANF/EurazéoMarseille RépubliqueAutresTOTAL
Nombre d’immeubles
1824013912243526
Nombre delogements
2150200135013501505200
rue de Forbin
rue Plumier
rue Fauchier
rue de la Joliette
rue des
boulevard des Dames
n
quai
de
la J
olie
tte
rue
Maz
enod
aven
ue R
ober
t Sch
uman
rue
de l’
Evê
ché
Phocéens
boul
evar
d de
Dun
kerq
ue
rue
Gilb
ert D
ru
rue François Moiss
on
rue Jean Trinquet
rue de la République
rue
Félix
Ebo
ué
rue
Mér
y
rue Chevalier R
oze
place
Sadi Carnot
rue Colbert
rue des Prêcheurs
rue FioccaGrand Rue
47 45 43 4139
86
111109
107
105
103
101
99
97
9593
9189
106
104
102
8084 82
96
94 92 90888684
rue Vincent Leblanc9
6967
6563
6159
57
55
58
2
56
52
54
5048
4644
53
51
4745
4341
3937
35
49
26
86
1816
1412
10
82
8078
76
11
13
911
75
31
15
33 31 29 27 25 23
75
48
50
131529 27
31
le vieux port
Place de la Joliette
Les DocksEuroméditerranée
La Canebière
8583
8179
7775
7371
7270 68
6664
6260
88b
10
24
68
10
12
1416
18
1
3
5
7
9
11
rue Coutellerie
1315
17
14 14 12 10 8 6 4
135791119
21
23
25
27
29
31
2628
30
3436
42
1622
24
32
3840
33
1
20
8
4
42
12
1513
1210
8
6870727476
1
3
5
7
9
112
56
58606264
66
5149
31
7680
belsunce
LA PROPRIÉTÉ SUR LA RUE DE LA RÉPUBLIQUE EN 2004
PÉRIMÈTRE “OPAH MARSEILLE-RÉPUBLIQUE” 2000-2006
PRI PANIER VIEILLE CHARITÉ (DUP du 5/10/93 immeubles prescrits : du 35 au 55)
ANF/EURAZEO (siège : )
MARSEILLE RÉPUBLIQUE (espace infos : )
NUMÉRO D’ ÎLOT
Sources : Ville de Marseille. Cartographie : Martine Derain
PROPRIÉTÉS PRIVÉES (COPROPRIÉTÉS ET PROPRIÉTÉS UNIQUES)
7
rue
Jean
-Mar
c C
atha
la
le panier
les carmes
centre bourse
saint-lazare
les grands carmes
2230
la joliette
37
8786
32
20 18
2826
2422
25
28
27
26
23
24
29
30
22
21
20
1718
19
1515 b
14
1213
13 b
11
7
9
4
6
3
8
5
2
1 b
34
![Page 19: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/19.jpg)
61- Berry-Chikhaoui, Deboulet, 2007.62- Conférence de presse Marseille République, 7 décembre 2004. http://www.centrevillepourtous.asso.fr/IMG/MR1.pdf63- La Sogima a engagé un référé contre Marseille République, dont elle a été déboutée. Un accord a ensuite été négocié entre les deux sociétés. Revue de presse sur http://www.centrevillepourtous.asso.fr.
retraite par capitalisation américains (enseignants de Californie, pompiers de Dallas...), d’inves-
tisseurs internationaux (Gouvernement de Singapour, émirat du Koweit, Caisse des Dépôts du
Québec...) ainsi que des excédents de trésorerie de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire
International. Pour l’opération marseillaise, il s’est associé à la Société Générale et à la Caisse
d’Epargne61. C’est cette vente qui met le feu aux poudres.
Lone Star change la dénomination de P2C, qui devient… « Marseille République », les nou-
veaux statuts précisent que la société gérera les immeubles, leur réhabilitation et la commer-
cialisation des appartements rénovés. 553 locataires habitent encore dans les appartements
revendus. Marseille République s’engage à reprendre à son compte la convention signée par
P2C avec Euroméditerranée, mais souligne que le logement social n’étant pas dans sa voca-
tion62, elle revendra aux bailleurs sociaux les logements prévus à cet effet (28 immeubles, 376
logements, soit un tiers de
son patrimoine). Elle aura
pris soin auparavant d’y
avoir exécuté quelques tra-
vaux sommaires et relogé
des locataires déplacés, pri-
vant ainsi les dits bailleurs
de leur marge de manœu-
vre dans l’attribution des
logements. Sogima63,
Habitat Marseille Provence,
le Nouveau Logis Proven-
çal, la SCIF (constructeur
et collecteur de la SNCF)
et l’Opac (Conseil général)
sont donc devenus de nou-
veaux acteurs dans l’affaire
de la rue de la République.
Les ventes ne sont pas toutes
actées à ce jour : le Conseil général des Bouches-du-Rhône conteste actuellement le prix exigé
par Marseille République pour l’îlot 11 et n’a toujours pas livré ses logements.
Le reste des appartements est promis à la rénovation (200 millions d’euros d’investissements
annoncés), pour être transformés en logements haut de gamme – « Le prestige haussmannien,
le confort d’aujourd’hui », slogan de Marseille République – ils sont sensés répondre notam-
ment à la demande des cadres et employés qui travaillent à proximité dans les entreprises du
tertiaire nouvellement installées ou à venir. La commercialisation des premiers appartements
rénovés a commencé au printemps 2006 et devait se poursuivre jusqu’en 2010, terme prévu de
La Rue de la République à la Une, La Marseillaise, 14 octobre 2004 (photographie Robert Terzian), La Marseillaise, 8 décembre 2004 (photographie Marie-Laure Thomas)
35
![Page 20: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/20.jpg)
Sur le périmètre de l’OPAH
CopropriétésPropriétés uniquesANF/EurazéoMarseille RépubliqueBailleurs sociauxAutresTOTAL
Nombre d’immeubles
18240139942843526
Nombre delogements
215020013509943561505200
rue de Forbin
rue Plumier
rue Fauchier
rue de la Joliette
rue des
boulevard des Dames
n
quai
de
la J
olie
tte
rue
Maz
enod
aven
ue R
ober
t Sch
uman
rue
de l’
Evê
ché
Phocéens
boul
evar
d de
Dun
kerq
ue
rue
Gilb
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ru
rue François Moiss
on
rue Jean Trinquet
rue de la République
rue
Félix
Ebo
ué
rue
Mér
y
rue Chevalier R
oze
place
Sadi Carnot
rue Colbert
rue des Prêcheurs
rue FioccaGrand Rue
47 45 43 4139
86
111109
107
105
103
101
99
97
9593
9189
106
104
102
8084 82
96
94 92 90888684
rue Vincent Leblanc9
6967
6563
6159
57
55
58
2
56
52
54
5048
4644
53
51
4745
4341
3937
35
49
26
86
1816
1412
10
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8078
76
11
13
911
75
31
15
33 31 29 27 25 23
75
48
50
131529 27
31
le vieux port
Place de la Joliette
Les DocksEuroméditerranée
La Canebière
8583
8179
7775
7371
7270 68
6664
6260
88b
10
24
68
10
12
1416
18
1
3
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7
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rue Coutellerie
1315
17
14 14 12 10 8 6 4
135791119
21
23
25
27
29
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2628
30
3436
42
1622
24
32
3840
33
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8
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42
12
1513
1210
8
6870727476
1
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112
56
58606264
66
5149
31
7680
belsunce
LA PROPRIÉTÉ SUR LA RUE DE LA RÉPUBLIQUE, SEPTEMBRE 2007
PÉRIMÈTRE “OPAH MARSEILLE-RÉPUBLIQUE” 2000-2006
PRI PANIER VIEILLE CHARITÉ (DUP du 5/10/93 immeubles prescrits : du 35 au 55)
ANF/EURAZEO (100 logements sociaux répartis sur le patrimoine : et siège )
MARSEILLE RÉPUBLIQUE (espace de vente et espace infos : )
MARSEILLE RÉPUBLIQUE : IMMEUBLES VENDUS AUX BAILLEURS SOCIAUX (356 logements)
LA PERMANENCE
NUMÉRO D’ ÎLOT
Sources : Ville de Marseille, terrain, septembre 2007. Cartographie : Martine Derain
PROPRIÉTÉS PRIVÉES (COPROPRIÉTÉS ET PROPRIÉTÉS UNIQUES)
7
rue
Jean
-Mar
c C
atha
la
le panier
les carmes
centre bourse
saint-lazare
les grands carmes
22
30
la joliette
37
8786
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20 18
2826
2422
Sogima
SICF, Erilia Habitat Marseille Provence
Nouveau Logis Provençal
Conseil général des Bouches-du-Rhône/Opac ?
25
28
27
26
23
2429
30
22
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20
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1515 b
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l’opération. Quelques rares propriétaires des appartements livrés (notamment vers le 92 rue de
la République, à côté de l’espace de vente) vivent désormais sur la rue. En juillet 2007, second
coup de tonnerre : la société propose ses actions à la vente, alors même que des îlots entiers
ne sont ni rénovés ni vendus – les locataires avaient pourtant reçu leurs lettres de non-renou-
vellement de baux pour « motifs légitimes et sérieux » du fait de « l’imminence d’une vaste
opération de rénovation ! » Le prix pourrait atteindre 260 millions d’euros… La Mairie, échau-
dée, ne veut plus de stratégie de marchands de bien, la vente se ferait à la découpe. Marseille
République affirme avoir vendu 240 appartements. Un premier investisseur, Buildinvest, a
acquis en bloc 154 appartements non réhabilités en octobre 200764.
A plus d’un siècle de distance, on observe ainsi la
reproduction d’une même politique volontariste,
d’une configuration d’acteurs et d’objectifs similai-
res : institutions locales désireuses de faire (re)venir
les classes supérieures en centre-ville, investisseurs
privés misant sur des profits spéculatifs et institutions
nationales supervisant les opérations, et un acteur
supplémentaire contemporain : le fonds d’investisse-
ment international.
Si chacun s’accorde sur la nécessité de moderniser la
ville pour lui donner les moyens de s’intégrer à la nouvelle donne économique, l’interrogation
porte plutôt sur le décalage et l’inadéquation qui apparaît entre une réalité existante, avec des
problèmes cruciaux en termes de mal-logement et de précarité à l’échelle des arrondissements
centraux et les propositions mises en œuvre par l’EPAEM. Les programmes immobiliers de
la Joliette et la réhabilitation de la rue de la République peuvent répondre à la demande des
cadres désirant s’y installer ou des Marseillais les plus aisés, mais il ne semble pas que les
quelques logements intermédiaires ou d’habitat social prévus puissent satisfaire à la demande
des habitants du centre-ville65, y compris des actifs, qui rencontrent les plus grandes difficultés
à se loger, compte tenu des prix démesurés, et du manque de propositions adaptées. Et c’est la
Chambre de Commerce et d’Industrie de Marseille elle-même – « la voix du monde économique
auprès de l’action publique » – qui le constate dans son étude sur le logement des actifs publiée
en décembre 2006 : « Ouvriers, jeunes actifs, revenus modestes, primo-accédants, étudiants,
familles monoparentales ou actifs résidant temporairement » restent exclus de ce marché
immobilier, en location ou à l’achat. Elle précise en outre que cette crise, s’il n’y est pas remédié
rapidement, sera un frein à l’emploi et à l’implantation de nouvelles entreprises66…
64- Vente Lone Star : La Provence, 5 juillet 2007. Immeubles du 35 au 55 rue de la République et 9-11 rue Jean-Marc Cathala. Courrier Buildinvest adressé aux derniers locataires du 43/45 rue de la République le 26 novembre 2007.65- Seuls 20 % des Marseillais peuvent prétendre acheter les logements neufs ou rénovés et plus de 15 000 demandes de logement social sont encore non pourvues à l’échelle du centre-ville.66- www2.ccimp.com/logementdesactifs.pdf
La Rue de la République à la Une | La Provence, 5 juillet 2007. Un article des Echos fait part d’un achat de la plus grande partie du patrimoine de Lone Star par la Banque Lehman Brothers (Cœur Défense), associée à Atemi (commercialisa-teur de Lyon Confluence) pour un montant de 200 millions d’euros | 20 décembre 2007
37
![Page 22: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/22.jpg)
La réhabilitation de la rue de la République est symptomatique de la difficulté à agir sur un
territoire habité, comme une équation à multiples inconnues : il faut ici rénover un patrimoine
immobilier dégradé, trouver les investisseurs qui financeront le projet, maintenir les habitants
en place tout en attirant de nouvelles catégories d’habitants… Se trouvent alors confrontées
des logiques que tout semble opposer : logique institutionnelle d’aménagement, logique poli-
tique et électoraliste, logique spéculative de rentabilité et de retour sur investissement, logique
d’habitants et de commerçants souhaitant bénéficier des transformations, logiques de recon-
naissance et d’influence d’associations et groupes d’intérêts divers…
DE LA PARtICIPAtIon DEs hABItAnts, ConCERtAtIon oU
IntERméDIAtIon ?
Une participation souhaitée
C’est dans cette configuration hautement conflictuelle, dans laquelle légitimités et intérêts s’af-
frontent, que se pose rue de la République la question de la place des habitants. Leur participa-
tion aux projets d’aménagement urbain est depuis quelques années une thématique récurrente
des politiques publiques, inscrite dans les différents cadres législatifs successifs67 et qui a prio-
ritairement concerné les quartiers d’habitat social. Elle s’inscrit dans la volonté de développer la
démocratie locale ou participative et d’établir des processus de concertation entre les habitants
et les institutions en charge des projets de renouvellement urbain. Une interprétation minimale
de la participation la définit comme « un ensemble d’actions organisées et finalisées dans le
but d’associer les personnes les plus directement concernées à la conception ou à la réalisation
d’un projet complexe »68. Cette idée suppose alors un changement dans l’appréhension de la
place des habitants par les instances décisionnelles. À une logique de public ou de consomma-
teurs, se substituerait une logique de citoyen et d’acteur.
Les habitants de la rue de la République n’ont jamais été intégrés au projet de réhabilitation…
Ce serait alors comme une autre similitude, avec cette fois les propos de Michel Anselme,
qu’on verrait ici, rue de la République, et maintenant, près de 20 ans après l’expérience du Petit
Séminaire : « Compte tenu de la dimension spatialisée du statut d’habitant, celui-ci sert à dési-
gner des individus et des groupes dont l’accès à l’espace public n’est pas assuré ou demeure
problématique. »69 Les habitants de la rue de la République ne sont-ils pas des habitants légi-
times ? Sont-ils persona non grata du processus de renouvellement en cours ? Ne peuvent-ils
67- Pour quelques exemples législatifs : La loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire (LOADDT, 25/06/99), dite Loi Voynet, organise le principe d’un partenariat entre élus, milieux socioprofessionnels et associatifs en exigeant la création d’un Conseil de développement au sein de chaque agglomération ; la loi SRU (13/12/00) prévoit un élar-gissement de la concertation de la population à l’élaboration des documents d’urbanisme ; la loi sur la démocratie de proximité (27/02/02) rend obligatoires les conseils de quartier pour les communes de plus de 80 000 habitants. Pour des études et rapports sur la question depuis 1981 : http://www2.urbanisme.equipement.gouv.fr/cdu/accueil/bibliographies/rehabilitation/partie5.htm68- Kedadouche, 2003. 69- Anselme, 2000, p. 148.
38
![Page 23: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/23.jpg)
accéder au régime de droit et de protection dû à chaque citoyen ? « On devait rester dans le
patrimoine, avec un loyer modéré. Moi, c’est pour ça que je me bats depuis le début. Ils avaient
dit que les habitants seraient intégrés au projet. Nous, on attend que ça, la rénovation, on veut
en bénéficier, on veut profiter de tout ce qui est fait pour améliorer le quotidien. Je ne vois pas
pourquoi on nous a accepté tant que c’était un quartier un peu abandonné, et puis quand ça va
être bien, on n’est plus désirable ? » s’indigne Monique Roussel, une habitante de la rue de la
République70.
Nous avons vu plus haut que la volonté de la Municipalité rejoint dans un premier temps celle
des investisseurs afin de procéder au « remplacement » des populations. Face aux levées de
bouclier des associations, qui interpellent les institutions et l’opposition politique, médiatisent
la mobilisation et soutiennent des locataires dans l’engagement d’actions en justice, la Munici-
palité modère sa position. Dans le même temps, Marseille République se trouve confrontée aux
pressions institutionnelles et rappelée à la loi : la Préfecture va commencer à veiller tout parti-
culièrement aux conditions de relogement des occupants des appartements réhabilités et dès
mars 2005, mettre en place des comités de pilotage et de suivi. Elle va exiger des garanties pour
accorder les permis de construire, tout comme le Conseil régional, qui n’accordera des subven-
tions aux projets d’aménagements publics en cours de réalisation sur la rue, qu’à la condition que
les habitants soient relogés et va geler un temps les versements.
La participation, supplément d’âme d’une
démocratie acquise au libéralisme ?
Cette « agitation » place Euroméditerranée face à son rôle
de médiateur, en tant qu’interlocuteur des différents prota-
gonistes et coordinateur du projet global. L’EPAEM orga-
nise de nombreuses actions à destination des habitants,
mais il semble que la question de leur participation n’y ait
pas été pensée dans le sens d’une association concrète
au processus. Son site internet ne comporte d’ailleurs
aucune rubrique renvoyant aux habitants, alors que la
presse ou les entreprises bénéficient de rubriques dédiées.
Les réunions d’informations publiques débutées en 2005
sur différentes thématiques (ZAC, espaces publics…) sont
présentées sous la forme de concertation ; pour avoir
assisté à certaines d’entre elles, et alors qu’il faut s’inscrire
« Dans son interprétation minimale » © Véronique Manry
70- Monique Roussel, citée dans le film de Thomas Donadieu, La Trace, 2005. Elle a créé le Collectif des habitants de la rue, puis est devenue membre du Conseil d’administration de CVPT. Elle a obtenu un logement social sur la rue après été avoir été « occupant sans droit ni titre » durant deux ans après la fin de son bail. A lire en cahier « La parole et l’action », pp. 56-83.
39
![Page 24: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/24.jpg)
par téléphone ou mail pour y participer, l’équipe a pu constater
qu’aucun débat n’était prévu. Un « Powerpoint » présentant
des images 3D est commenté par un directeur de programme
ou un architecte maison, les projets sont en général très avan-
cés, et les participants sont ainsi mis en situation de ne pouvoir
poser que des questions mineures aux divers intervenants, élus
locaux, représentants de l’établissement ou techniciens.
Le 10ème anniversaire de l’établissement public a été largement
médiatisé par une exposition au siège place de la Joliette, une
vaste campagne d’affichage, des visites en bus organisées sur
tout le périmètre et l’édition d’une plaquette où des habitants
ou usagers du quartier « prennent la parole ». Un sondage a
été commandé à la SOFRES sur la perception de la réhabilitation de la rue par les Marseillais,
qui « révèlera » qu’une majorité (88 %) se déclare convaincue de l’importance et de l’utilité de
la réhabilitation de la rue71… « Un véritable plébis-
cite » dira Marseille République, qui cite l’établis-
sement public dans tous ses documents de marke-
ting… La société n’est pas non plus en reste pour
promouvoir son implication dans le renouveau de
la rue et de la ville. Cofinancement de fête d’école,
« exposition » dans son espace de vente, inau-
guré en mars 2006 par Renaud Muselier, ancien
ministre et président d’Euroméditerranée (« sur
1 200 m2 une exposition permanente sur l’histoire
de la rue, quatre appartements décorés et un salon
des choix », précise le site d’Euroméditerranée).
Commande d’un film saluant la réhabilitation72, édi-
tion d’une plaquette monographique où l’investisseur se place lui-même dans la longue histoire
de la rue : « Naissance et renaissance de la rue de la République, 1860-2010 », la rue se voit
affublée d’un nouvel objectif : « incarner la jonction réussie entre un passé prestigieux et un
futur ambitieux ». Dans les deux cas, il s’agit de promouvoir l’image idéalisée d’un renouveau
urbain prometteur de futurs enchantés. L’histoire millénaire de la ville est valorisée, l’identité
marseillaise mise en avant… Pourrait-on dire qu’il existe peu d’écarts entre la campagne de
communication de Marseille République et la politique d’information d’Euroméditerranée ?
Plaquette Euroméditerranée © MD
71- Réalisé en juin 2005 selon la méthode des quotas auprès de 700 personnes. L’ensemble des résultats est consultable sur le site d’Euroméditerranée : Sondage_TNSSofres_Euromediterranee.pdf. Publié dans la plaquette «Notre cœur bat plus fort» éditée à l’occasion de l’expo-découverte du nouveau visage de la ville, réalisée au Centre Commercial Bourse la même année.72- Petite histoire de la rue de la République. Une commande de Renaissance République, pour Marseille République, 2006. Le film de Patrick Talercio, dont la première a eu lieu en présence de M. Gaudin, est visible dans l’espace commercial, au 74 boulevard des Dames.
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La participation réelle, niée
À Marseille, les habitants et les associations ne sont pas intégrés au processus de transforma-
tion de la ville et doivent littéralement forcer la porte des institutions. Centre-Ville Pour Tous,
grâce à la réputation acquise sur l’exactitude de son analyse de la réhabilitation du centre-ville
depuis le PRI du Panier et au soutien d’un réseau efficient constitué par ses membres au cours
de leurs parcours professionnels (tous ont été ou sont encore des professionnels de l’aména-
gement urbain ou de l’intervention sociale73) sera reçue à plusieurs reprises par la Préfecture
et Euroméditerranée. Elle y fera à chaque fois valoir leurs revendications (réintégration dans le
logement ou relogement, nécessité de propositions écrites et claires de la part du bailleur, arrêt
des pratiques des « médiateurs » de Marseille République…). Accompagnés par l’association,
les habitants parleront pour eux-mêmes et rappelleront leur droit et leur exigence de dignité
face à Marseille République lors de la seule rencontre avec le bailleur, réalisée sous l’égide de
l’établissement public ou face à la Sogima, lors de différends ayant trait au maintien dans les
lieux de locataires en baux de 48 dans un immeuble racheté par ce bailleur social74. Centre-Ville
Pour Tous sera reçue par la Mairie et le Conseil général bien longtemps après la communication
des résultats de l’enquête qu’elle a menée en août 2006 sur la situation des habitants de la rue,
enquête réalisée devant l’impossibilité d’avoir connaissance du plan de relogement des locatai-
res, pourtant demandé à maintes reprises75.
On peut néanmoins noter une évolution certaine dans les rapports qu’entretient l’association
avec la Mairie : des rencontres régulières ont lieu depuis près de deux ans sur la question des
logements sociaux sur Noailles, rencontres qui ont abouti à un communiqué public établi par
cette dernière et dans lequel elle s’engage à réserver certains immeubles au logement des
habitants les plus modestes du quartier comme à veiller au suivi des reventes effectuées par
les investisseurs sur les Périmètres de Restauration Immobilière du centre-ville. Prudente,
l’association tente de rendre ces engagements pérennes par une délibération du Conseil
Municipal.76
D’autres acteurs interviennent sur la rue. La « Coordination des associations et collectifs de la
rue de la République et rues adjacentes », créée en mars 2005 et réunissant CVPT, des Comités
d’intérêts de Quartiers (CIQ), le Collectif Loi 48, Solidarité Mieux Vivre, association tournée vers
le maintien du lien social intergénérationnel, et des associations de commerçants et de co-
propriétaires77, sera reçue par le sous-préfet à la cohésion sociale en juin 2005. Des rencontres
régulières sont alors prévues afin de faire « remonter » des informations et de suivre le plan de
73- Notes biographiques des membres du bureau et du CA en cahier « La parole et l’action », pp. 56-83.74- Annexes 3 | Documents CVPT : Compte-rendu de la réunion Lone Star/CVPT du 22 février 2005 et CVPT : Rencontre Sogima/locataires du 27 juin 2007. 75- Annexes 3 | Documents CVPT : « Enquête sur la situation des habitants du secteur République dans le cadre de l’opération de réhabilitation des immeubles et des logements ».76- Annexes 3 | Documents CVPT : Compte-rendu de la réunion du 26 octobre 2007 entre la Direction Générale de l’Urbanisme et de l’Habitat et Centre-Ville Pour Tous.77- Liste en Annexes 4 | Documents de la Coordination : Bilan d’activité et perspectives, 14 mai 2007.
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relogement de Marseille République. Le Préfet opposera cependant une fin de non-recevoir au
souhait de la coordination de participer aux comités de pilotage mis en place à son initiative en
mars 2005, « car ces derniers sont en partie consacrés aux problèmes de répartition des finan-
cements de ces opérations entre institutions »78. Elle ne sera reçue ensuite qu’à deux repri-
ses durant l’année qui suit. Plutôt qu’une discussion constructive et une amorce de réflexion
commune, les rencontres se sont souvent résumées à un échange d’informations sur des cas
individuels. On constate ici la difficulté pour les services préfectoraux comme pour certaines
associations à sortir d’une « logique de guichet », d’un cadre de demandes et de réclamations
traitées comme autant de cas. Les associations représentant des groupes aux attentes et aux
préoccupations différentes sont en effet tenues de faire remonter les cas individuels que leur
signalent leurs « clientèles », sous peine de perdre leur légitimité. On peut également souligner
que les demandes des habitants, souvent formulées sous le registre de la plainte, et parfois de
la colère, ne sont pas « audibles » par les pouvoirs publics dans ce type de rencontre et que
peu d’écoute est réellement accordée à ce qui s’exprime, malgré tout, malgré les formes et les
discours convenus, « entre les mots ». La Coordination ne saura cependant
pas dépasser des intérêts divergents de chacune des associations, dont il
s’avère rapidement que peu d’entre elles sont réellement actives, hors de
leurs champs respectifs. Elle disparaît avant l’été 2007.
L’association Centre-Ville Pour Tous poursuit de son côté ses rencontres
avec la Préfecture, le Conseil général, la Ville de Marseille et Euroméditer-
ranée, tout en maintenant son action sur la rue en direction des habitants,
au travers d’une veille constante et du maintien d’une Permanence bi-men-
suelle. C’est l’articulation de ces dimensions – soutien et accompagnement
en justice des habitants les plus fragiles en vue de leur accès aux droits et à
la réparation des torts, analyse experte des procédures de réhabilitation ou
de la situation du logement social à Marseille et interpellation de la puis-
sance publique – qui fait sans doute la force de l’association. En tentant de
créer des jurisprudences et en rappelant le droit des habitants79 face aux
élus, aux représentants de l’Etat ou aux techniciens et en exigeant leur pro-
tection, l’association effectue un réel travail politique, au sens de Rancière.
Elle déplace des lignes et des lieux, elle sait faire entendre au cœur même
des instances du pouvoir la voix des « incomptés », de ceux « qui ne comp-
tent pas », qui n’ont pas de titre à exercer le pouvoir mais ont légitimité à
parler80. La parole et l’action, indissociables ?
78- Annexes 4 | Documents de la Coordination : Synthèse de la rencontre entre la coordination des associations et collectifs de la Rue de la République et le sous-préfet à la cohésion sociale des Bouches-du-Rhône, jeudi 2 juin 2005 en Préfecture. 79- De presque tous les habitants. L’association ne travaille pas la question des squats et des occupants sans titre. Elle estime ne pas pouvoir être sur tous les fronts au regard du faible nombre de ses membres actifs et sous peine de discréditer son action auprès des locataires en règle. Certains membres du CA participent cependant au sein d’autres associations, telle la Ligue des Droits de l’Homme, à des actions sur ce sujet.80- Rancière, 1998.81- Notes de terrain.
Jules Spano et Monique Le Quentrec, Marie-Thérèse Cary, «permanente de la Permanence»
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82- Voir la revue de presse sur le site de Centre-Ville Pour Tous et plus loin, « Histoires (de la rue) en bref - 2 | Les médias ».83- Ainsi, les cheminées et les éviers en pierre de Cassis sont volés par ceux que la presse surnommera « le gang des chemi-nées » et revendus sur le marché des antiquités de la région, une cheminée pouvant se négocier jusqu’à 5000 €. La Provence, 4 mars 2006.84- On peut en effet se retrouver dans un appartement lumineux ou devoir allumer l’électricité toute la journée, en face d’un mur,
FRAgILIté D’Un sEns CoLLECtIF
naissance d’une mobilisation
Habiter, c’est non seulement se loger, mais également s’inscrire dans un monde et un réseau de
relations, user et partager des lieux, affirmer ou subir un statut social renvoyé par l’image que
les autres ont de notre présence. Le sentiment d’une attaque partagée a fait naître une commu-
nauté éphémère, visible, multiple, active et solidaire. C’est logiquement lorsque les pressions
furent à leur maximum que la mobilisation collective fut la plus forte. Les habitants, qui ont
vu leur environnement et leur position sociale se dégrader au fil des années, ont ressenti cette
éviction du processus de transformation de la ville, et sa violence, comme une forme de mépris
et d’injustice. Alors que les propriétaires précédents géraient les immeubles en jouant de rela-
tions individualisées, complexes et anciennes, certes proches du paternalisme, mais acceptées
par tous, bailleurs, locataires et intermédiaires locaux (CIQ, élus, prêtres, notables), Marseille
République mène une attaque frontale et indifférenciée. Si les locataires ne se reconnaissent
pas dans la description qui a pu être faite de leurs conditions de vie et s’ils se sont senti bafoués
par les discours portés sur eux, les nouvelles règles du jeu imposées par les adversaires les ont
mis de fait dans la position « du pot de terre contre le pot de fer », « petits » locataires de la rue
de la République contre « gros »81 fonds d’investissements américains. Retournant très tôt ce
stigmate, ils ont parfaitement intégré et joué de l’étiquette du « faible » pour mettre en scène et
organiser leur résistance.
Des premiers non-renouvellements de baux d’août 2004 jusqu’à fin 2005, les relations entre
les habitants et les bailleurs sont extrêmement tendues, la discussion est bloquée, relayée par
la presse locale et nationale82. La pression mise par les bailleurs et l’incertitude sur l’avenir est
accentuée par les travaux du chantier du tramway qui rend la rue invivable : nuisances sonores,
insécurité, circulation et stationnement anarchiques, fermetures de la plupart des commerces
de proximité, difficulté de circulation même piétonne... Les habitants ont l’impression de vivre
un cauchemar quand les travaux de réhabilitation de certains immeubles commencent. Certains
se retrouvent sans eau parce que les ouvriers ont coupé les canalisations durant les travaux ou
inondés parce qu’ils les ont laissées ouvertes, les appartements vacants sont cambriolés83, les
cages d’escaliers et les ascenseurs ne sont plus entretenus, on envoie un huissier signifier une
expulsion à une locataire dont le bail court jusqu’en 2009, on oublie et « emmure » une autre
locataire, dernière habitante de son immeuble… Les « médiateurs-relogeurs » employés par
Marseille République tentent d’obtenir le départ des locataires – on notera ici que la puissance
publique n’a pas jugé utile de faire intervenir une équipe de médiateurs dignes de ce nom.
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Les négociations sur fond d’indemnisation alternent avec une insistance qui peut tourner au
harcèlement (appels répétés, visites inopinées, description apocalyptique des futurs travaux
dans les immeubles qui rendraient invivables les logements, y compris envers les locataires
les plus âgés), on voit des non-délivrances de quittances, des appel de charges injustifiés, etc…
Les échanges se font uniquement de manière orale, aucun écrit n’est jamais envoyé, méthode
qui entretient l’incertitude, l’angoisse et laisse libre cours à la rumeur et à la division entre
habitants (tel se serait vu proposer un meilleur montant, on promet à tel autre un meilleur
appartement…). Certains locataires craquent et quittent leur logement, sans être informés du
montant du loyer et de l’emplacement du nouvel appartement (et chacun sait sur la rue que
« 15 mètres » peuvent tout changer à la qualité de vie84), d’autres acceptent de partir sans
relogement, en contrepartie d’une indemnisation sans toujours mesurer qu’elle ne suffira pas à
couvrir longtemps les nouveaux loyers, beaucoup plus élevés. Marseille République remet éga-
lement en cause un certain nombre de baux sous loi de 48 qui protègent les locataires anciens
et lancent des assignations au tribunal pour occupation illégale contre les locataires dont le bail
est échu… L’autre bailleur, Eurazeo, commence à envoyer des augmentations de loyers consé-
quentes à certains locataires en fin de bail et triple les loyers des commerces.
À partir de petits groupes, réunis par affinités et par proximité, les habitants s’interpellent,
échangent leurs informations et partagent un même sentiment d’injustice. Des collectifs infor-
mels se créent, des habitants « apparaissent », leur parole est médiatisée. Sollicitée par des
habitantes dont Monique Roussel et Muriel Beyfette, membres de l’un de ces premiers col-
lectifs, Un Centre-Ville Pour Tous, après une première « Visite de la rue par ses habitants eux-
mêmes » lance une pétition. Déplaçant la relation d’ordre privé bailleur/locataire, elle pose le
départ souhaité des 553 familles comme un déplacement de population, une question publique,
concernant institutions et citoyens. La pétition exige l’arrêt des non-renouvellements de baux,
être en arrière-cour ou avoir une vue dégagée. Lire aussi l’entretien avec Vincent Abad, cahier «La parole et l’action», pp. 56-83.85- Annexe 3 | Documents CVPT, dossier de presse incluant le texte de la pétition.
Tracts, 2004-2005 (CVPT, Michel Cuadra)
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![Page 29: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/29.jpg)
le retour dans les appartements rénovés ou le relogement
selon le désir des locataires et le respect de la convention
d’OPAH concernant la production de logements sociaux et
de logements à loyers intermédiaires et maîtrisés. Elle est
signée par 222 locataires et plus d’un millier de Marseillais.
La manifestation du 27 novembre 200485 fait suite à cette
pétition : on verra alors de la place Sadi Carnot à la mairie,
marcher dans la rue et tête haute les habitants du quartier,
ceux-là même « qu’on ne souhaite plus voir ». Des élus de
l’opposition viennent les soutenir en arborant leurs écharpes.
Certains locataires portent leur affaire jusqu’au procès :
Marseille République est condamnée à réparation des torts
envers des locataires menacés, à réaliser des travaux d’en-
tretien et de mise aux normes, à indemniser des
locataires d’hôtels meublés86.
Enfin, les habitants se réunissent toutes les semaines dans
un bar de la rue. Une « permanence », créée pour établir
une veille au cours de l’été 2005, naîtra de ces rencontres. A
l’origine tenue au nom de la Coordination, elle s’est dépla-
cée à la Cimade et perdure encore aujourd’hui, animée
uniquement par Centre-Ville Pour Tous87. Elle réunit une
quinzaine de participants en moyenne, « permanents de la
permanence » cherchant à se tenir informés, à prendre des
nouvelles des uns et des autres ou habitants de la rue et du
quartier affrontant de nouveaux problèmes.
Conflits et négociations
Les procès gagnés, les déclarations publiques des partenai-
res institutionnels et la création du Comité de suivi mis en
place par la Préfecture, la pression des associations, la pré-
sence constante de l’affaire de la rue de la République dans la
presse et les difficultés inhérentes à la réhabilitation (pro-
86- Annexes 5 | Procès et décisions de justice.87- Longtemps animée par Michel Cuadra (habitant de la rue du Chevalier Roze et animateur du Collectif Loi 48, qui développera une expertise considérable sur ce sujet), et Damien Brochier (CVPT), elle est aujourd’hui portée par Antoine Richard (CVPT), soutenu par Vincent Abad (Solidarité Mieux Vivre). Lire les entretiens, cahier «La parole et l’action», pp. 56-83.
« Visite de la rue de la République par ses habitants eux-mêmes », 8 mai 2004, capture vidéo. Manifes-tation du 27 novembre 2004 © MD « Opération ban-deroles » © Michel Cuadra © TF1
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![Page 30: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/30.jpg)
cédures administratives, travaux…) elle-même ont
amené Marseille République à réorienter constam-
ment sa stratégie. Les immeubles ont été vendus aux
bailleurs sociaux et les engagements sont en partie
respectés sur ce point. Les locataires déjà présents
dans les 376 logements revendus sont assurés d’y
rester et d’autres, habitant les immeubles destinés
à la revente, commencent à y être relogés en nom-
bre dès le début de l’année 2006. L’offre initiale de
la société consistaient en appartements entièrement
aménagés et décorés « ligne Élégance, Design ou
Haussmann », comme le clamaient les affiches monu-
mentales placées sur les façades. A partir de mi-2006,
Marseille République les propose également en l’état,
y compris à d’anciens locataires et à des prix très
attractifs, en ayant rénové uniquement les toitures et
les parties communes. Les relogements s’accélèrent,
des îlots entiers sont désormais vides. Des indem-
nités de départ substantielles sont proposées aux derniers habitants ces immeubles-là, qu’ils
soient sous le statut de loi 48 ou 89. La violence des médiateurs et des méthodes ne cesse pas
pour autant, il y a simplement moins de locataires à reloger ou à déloger et les pressions sont
plus concentrées. Enfin à partir de la rentrée 2007, Marseille République cessera d’envoyer les
lettres de non-renouvellements de bail, alors reconduits pour les durées habituelles, et fera
réaliser les travaux d’entretien des appartements et des parties communes.
La mobilisation – dans sa forme visible, ses moments forts – semblera s’étioler dès que les
attaques toucheront un moins grand nombre de locataires. La configuration de la rue, qui
s’étend sur plus d’un kilomètre, y est sans doute pour beaucoup. Il n’y a pas « d’esprit de quar-
tier » préexistant. La rue de la République, cette percée sans épaisseur urbaine, n’a ni la confi-
guration spatiale ni les agencements sociaux d’un quartier. Les habitants se reconnaissent du
Vieux Port, du Panier, des Carmes ou de la Joliette selon le niveau de la rue où ils habitent. Les
conditions de logement, les positions sociales, les statuts évoqués plus haut sont également
assez diversifiés et le fait d’habiter rue de la République ne suffit pas à créer un sentiment d’ap-
partenance à un territoire. Le traitement clientéliste des problèmes des locataires par une partie
de la classe politique locale, les stratégies de négociation individuelles menées par certains
habitants (sans que cela exclue pour autant le soutien aux événements collectifs et aux asso-
ciations agissantes) et les batailles de légitimité, restées à vif (les dissensions entre habitants,
en effet, ont toujours été présentes au cœur même de la mobilisation, entre locataires en titre,
locataires de meublés, et squatteurs, entre ceux qui sont d’ici et les « étrangers ») participeront
sans aucun doute de l’évolution de la mobilisation, qui dans sa forme actuelle, notamment au
Les fenêtres des appartements témoins de Mar-seille République donnent sur les arrières-cours, côté quartier des Carmes, dont la population ne changera pas : elles ont été opacifiées © MD
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![Page 31: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/31.jpg)
travers de la Permanence, continue de combattre l’éviction des locataires les plus modestes.
C’est donc bien au cœur de la fragilité des affaires humaines, et dans cet espace peuplé de
personnages et d’histoires, de conflits et d’enjeux, où d’un côté habitants de la rue et associa-
tions n’avaient pas besoin de nous pour parler et agir, et où, de l’autre, nous n’étions ni voulu ni
désiré par un quelconque mandataire, que nous avons décidé de couper « le fil de cette recher-
che venue du Ministère, qui nous tenait suspendus en l’air au dessus de l’affaire », comme
disait un membre de Centre-Ville Pour Tous, et que nous avons relevé, au plus près des événe-
ments et à notre manière, le défi de cette recherche-action.
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![Page 32: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/32.jpg)
Repérage avril/novembre 2004 : faire du porte à porte, rencontrer les locataires. Faire le compte… Photographies utilisées pour l’action « carte postale » de juin 2006, envoyée par les habitants aux partenaires publics de l’opération Euroméditerranée (http://www.centrevillepourtous.asso.fr/article.php?id_article=1240). Marie-Thérèse Cary appelle la petite trappe rouge installée sur les portes murées des appartements vacants « le passage du cerceuil» © MD 2004-2007 | série 1, portes murées, 124 images numériques et moyen format
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Lucrat se te salutant.
(anonyme)
RUE DE LA RÉPUBLIQUE çA SENT L’EXPULSION
(paraphe illisible)
excellent résumé de la situation
(anonyme)
Très bons projets, dommage que nous ne verrons pas tout vu notre âge
(paraphe illisible)
Bonne chance mais faites passer la population etson épanouissement avant les diktats du mondede l’entreprise. Autrement dit : ne pensez pas qu’à vous faire du fric. Patrick
Pensez aux quartiers Nord !!
(paraphe illisible)
P.S: Et pas qu’avec des H.L.M !!!
FAIRE DES SORTIES DANS LE MONDE, FAIRE DES MATCHESDANS LE MONDE
(paraphe illisible)
que de projets, que de fric à dépenser, et que de pots de vin en perspective. pouet pouet !
(anonyme)
le 24/08/00 Bonjour, Pouriez-vous nous fair un biblioteque au Doks de Marsielle et dont cette biblio-teque nous mettre des bande Dessine Des livre D’action Des Romen genre policier action fic-tions, AVENTURES, HUMOUR, MERCIEJérôme Hartinus 11 place de la Joliette
Mais qu’allez-vous vraiment faire de et pour tous les ha-bitants des quartiers alentour et des gens qui n’ont pas les moyens d’habiter dans des ZAC de luxe ? Projet sur lequel nous sommes très perplexes et réservées.Des étudiantes (SVP n’arrachez pas la page !)
Merci pour votre exposition et votre accueil. Cela nous a permis d’avancer dans nos recherches sur ce projet,Mais n’êtes vous pas des utopistes ? Des lycéens du Lycée international de Luynes
Non, ce ne sont pas des utopistes. Ce sont des gens qui vivent un cauchemar : le cauchemar de la présence des familles arabes dans ces quar-tiers. Alors pour faire cesser ce cauchemar, les hommes d’affai-res vont réaliser leur rêve: créer les conditions d’expulsions de ces familles. C’est simple et facile, ce n’est pas grand, grandiose ni magnifique.
démocratie directe pour l’avenir de nos villes !la Joliette, des bureaux et des banques ? ! !et où est-ce qu’on ira, nous ? Kessi
Je voudrais revenir à Marseilleun jour… Avec la smala.
(paraphe illisible)
TOUT LE PIRE QUE VOUS AVEZ DÉJÀ FAIT A PARIS ET EN FRANCE DESORMAIS VOUS AVEZ LE DROIT DE LE FAIRE SUR LA MEDITERRA-NEE AUSSI, ON EN REPAR-LERA DANS DIX ANS QUAND TOUT LE PANIER SERA COMME DISNEYLAND ET LES DOCKS COMME LA DEFENSE
(paraphe illisible)
Pourquoi vouloir chasser les habitants qui y vivent pour d’autres disons de milieu plus riche, c’est de la discrimination sociale, ça veut dire que si on ne gagne pas un minimum de 10 000 Frs on ne peut pas habiter ce n’est pas juste de leur part. M(?) Bacari
Tous ces plans on été faitessans penser aux citoyens (personne les a consulté) ça me rappelle trop les catastrophes de ma ville, Barcelona. J’aime Marseille trop pour la voir «despersonnalizée»...
Lonne (pardonez-moi mon Français)
Marseille a toujours été une ville d’ouvrier et ça il ne faut pas l’oublier.
Un marseillais qui aime sa ville.
Et si on faisait le MINIMUM, pour COMMENCER !! A quand les squares de quartiers, une vraie attention portée aux jeu-nes enfants de CE quartier.Cessez de PLEURNICHER sur votre INSECURITÉ de luxeCESSEZ DE VOUS ETONNER !
(anonyme)
STOP l’hypocrisie nous savons très bien que celivre passera aux oubliettes etque personne ne s’attarderaà lire les avis desMarseillais
(anonyme)
Vivement 2015 !!Nora
Copie du Livre d’or d’Euroméditerranée, mis à disposition du public aux Docks de la Joliette. Première date notée : août 200049
![Page 34: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/34.jpg)
Ouencore:Histoires(delarue)enbref-1|Euroméditerranée
Une visite en bus, organisée par l’établissement public, le 28 janvier 2006.
Le guide est M. Franck Geiling, directeur de l’Habitat et de l’Architecture.
On arrive sur la rue de la République. Alors le gros morceau… Rue de la République. Je
vais vous faire vite, parce que sinon, on peut y passer l’après-midi ! 5 200 logements
correspondent au patrimoine historique de la rue de la République, qui a été réalisée en
1860, simultanément avec l’extension du port moderne autour des docks. 5 200 logements
qui sont répartis sur la rue bien sûr, mais aussi sur tous les îlots haussmanniens quai
de la Joliette, sur le littoral. Sur ces 5 200 logements, deux grands propriétaires pos-
sèdent ensemble environ 2300 à 2400 logements, chacun la moitié. Un propriétaire qui est
la Société Immobilière Marseillaise, c’est en fait l’entreprise de promotion d’origine,
qui a réalisé cette rue au XIXe siècle. Et l’autre, qui est Marseille République, fonds
de pension américain qui actuellement possède 1 200 logements, dont 800 étaient vacants.
Eux, alors que la Société Immobilière est plutôt dans une démarche patrimoniale, donc a
plutôt des locataires… Marseille République va plutôt transformer ces logements pour les
vendre. L’occupation qui préexistait :beaucoup de loyers de 48, notamment, et en même
temps des personnes à faibles revenus. Négociations avec le préfet. Le préfet impose à
Marseille République de reloger toutes les personnes qui sont soit nécessiteuses, soit
sous loi de 48, sur la rue de la République même. Donc il y a eu, avec les opérateurs
sociaux, 4 opérateurs sociaux, des transactions avec Marseille République, pour qu’ils
achètent des immeubles à un tarif relativement préférentiel et qu’ils puissent réali-
ser ces logements sociaux pour reloger les personnes quasiment sur place. Ça c’est le
grand chantier en cours ! en sachant que la vraie difficulté opérationnelle, c’est que
vous avez au milieu le tramway, que le tramway est mis en service début 2007, et qu’une
fois qu’il sera mis en service, les voies aménagées, les trottoirs refaits, les arbres
plantés, eh bien, il est hors de question qu’on fasse la moindre tranchée pour brancher
une canalisation ou pour mettre aux normes de confort quelque immeuble que ce soit. Donc
obligation de réaliser l’ensemble de ces grosses restructurations immobilières dans les
délais qui sont ceux du tramway. D’où aussi, la grande activité, l’intense activité qui
règne sur la rue de la République à l’heure actuelle, en sachant que tous les problèmes
sociaux qui ont été soulevés à un moment donné, et justifiés, ont été ou sont en cours de
règlement, sous l’égide du Préfet. Là je pense qu’il n’y a plus trop, comment dire, de
difficultés…
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![Page 35: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/35.jpg)
Ouencore:Histoires(delarue)enbref-2|lesmédias
Sélection, de juin 2000 à 2007
Placeàlaréhabilitation!(LaProvence,22juin2000)
LaruedelaRépubliqueattendtoujourssonheure(LaProvence,9janvier2004)
Une rue au faux passé bourgeois (L’Hebdo, 13-14 mars)
Derrière les façades (La Marseillaise, 24 mars)
Une Centre-Ville Pour Tous s’ouvre à la République (La Marseillaise, 7 avril)
Rue de la République : les citoyens s’organisent (La Marseillaise, 9 avril)
En attendant le nouvel Eldorado commercial (L’Hebdo, 14 avril)
Quel avenir pour la rue de la République ? (L’Hebdo, 14 avril)
Avant, c’était un village (L’Hebdo, 14 avril)
On vit entouré de squatteurs (L’Hebdo, 14 avril)
Les façades ressuscitées (La Provence, 16 avril)
Eurazéo/Rue Impériale : fusion-absorption accordée (Le Figaro, 26 avril)
La République sous l’œil des citoyens (La Marseillaise, 8 mai)
Communication sur le parking, silence sur la réhabilitation (La Marseillaise 8 mai)
P2C laisse ses immeubles à l’abandon (La Marseillaise, 9 mai)
Rue de la République : vous êtes priés de vous en aller (La Marseillaise, 1er juin)
L’Amérique débarque en force rue de la République (La Provence, 25 août)
La Ville pressée de rénover (La Marseillaise, 25 août)
Le nettoyage par le vide (L’Hebdo, 1er septembre)
Marseille à la sauce texane (Libération, 30 septembre)
La République en danger (Le Ravi, octobre 2)
La rue de la République revient sur le tapis (20 Minutes, 12 octobre)
La rue de la Rép’ restera-t-elle populaire ? (L’Hebdo, 13 octobre)
10 ans d’incertitude, un projet à la rue… (La Marseillaise, 14 octobre)
Affaire de gros sous (La Marseillaise, 14 octobre)
150 ans de spéculation (La Marseillaise, 14 octobre)
A Marseille, la rue de la République résiste aux financiers (Le Monde, 20 octobre)
On n’est pas au Monopoly (La Marseillaise, 22 octobre)
Le coup de semonce de la Région (La Provence, 27 octobre)
République : les promesses (La Provence, 30 octobre)
Guérini rencontre des habitants de la rue de la République : « Des habitants sont au
bord de la dépression » (La Provence, 5 novembre)
Gaudin contre-attaque et rassure les locataires (La Provence, 6 novembre)
La rue de la République fait entendre sa voix (Marseille +, 5 novembre)
Entre dire et faits (La Marseillaise, 5 novembre)
« Droits dans nos bottes », un interview de M. Gondard, secrétaire Général de la Ville
(La Provence, 15 novembre)
Marseille trop chère pour les Marseillais (Le Nouvel Observateur, 18 novembre)
Une dose de social, rue de la République (La Marseillaise, 8 décembre)
Une voie sociale rue de la République (20 Minutes, 20 décembre)
Euroméditerranéeprometdeveilleraurelogement(Marseillaise,7janvier2005)
Un fonds de pension nettoie le Vieux-Port (CQFD, 15 janvier)
La rue de la Rép prépare un coup d’éclat (La Provence, 18 janvier)
Guérini : « Il faut mettre un terme à ce désastre humain » (Métro, 11 février)
Guérini veut l’arrêt des opérations (La Provence, 11 février)
Le promoteur réagit vivement aux accusations (La Provence, 11 février)
Rue de la République : qu’avait-on demandé ? (La Marseillaise, 16 février)
Quatre bailleurs à l’œuvre : la Rép à quelle sauce sociale ? (La Marseillaise, 17 février)
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![Page 36: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/36.jpg)
Relogement : le joker Ville et Etat (La Marseillaise, 17 février)
OPAH République : un comité de pilotage désormais mensuel (La Marseillaise, 17 mars)
Ventes à la découpe : « Je ne partirai jamais » (Aujourd’hui en France, 15 mars)
Marseille est-elle encore Marseille ? (L’Express, 21 mars)
Des avancées et de nouvelles batailles (La Marseillaise, 23 mars)
Des locataires toujours mobilisés (La Provence, 24 mars)
Les dérapages de la chasse au squat (L’Hebdo 30 mars)
Trois occupants « harcelés » témoignent (Le Monde, 3-4 avril)
Eurazéo vise un rendement et de près de 7% pour 2010 (La Marseillaise, 16 avril)
République : c’est parti pour les travaux de rénovation ! (La Marseillaise, 20 avril)
Le Préfet attentif à la République (La Marseillaise, 16 avril)
Rue de la République : rénovés mais vides (La Marseillaise, 24 mai)
Relogement rue de la Rép’ les citoyens veillent au suivi (La Marseillaise, 13 juin)
Le droit au logement rattrape Marseille République (La Provence, 5 août)
Marseille République devra reloger (La Provence, 5 août)
Unerénovationauforceps(LaMarseillaise,7janvier2006)
Pour une rénovation coordonnée avec les habitants (La Marseillaise, 14 janvier)
Le coup fumant du gang des cheminées (La Provence, 4 mars)
Ça va chauffer pour le gang des cheminées (La Marseillaise, 4 mars)
Du rififi sur la rue de la République (La Marseillaise, 11 mars)
Les opérations sociales, cela prend du temps (La Marseillaise, 22 mars)
Marseille République/Sogima : l’îlot de la discorde (La Marseillaise, 22 mars)
Expulsés de la rue Fiocca : le relogement en question (La Marseillaise, 23 mars)
La rue de la République vend ses charmes (La Provence, 31 mars)
400 000 euros pour habiter rue de la République (La Provence, 4 juin)
Ils ont quitté leur hôtel mais pas la galère (La Provence, 19 avril)
Le Préfet remet de l’ordre dans la République (La Provence, 21 avril)
La valse des bailleurs sociaux (La Marseillaise, 24 avril)
Marseille République : comme des petits pains (La Marseillaise, 24 avril)
La rue de la République est-elle encore à vendre ? (La Provence, 12 mai)
La rue de la République toujours dans la tourmente (La Provence, 24 mai)
Le Préfet (re)tape du poing (TPBM, 24 mai)
Marseille République lance les procédures d’expulsion (La Marseillaise, 24 avril)
LaruedelaRépubliqueaconservéseshabitants(LeMonde,10mars2007)
La rue de la République piétine (Le Point, 25 mars)
La rue de la République attire habitants et commerçants (La Provence, 27 mars)
La balade des gens heureux (La Marseillaise, 27 mars)
Des clients à 3650 € le m2 (La Marseillaise, 28 avril)
Marseille : la nouvelle République (L’Express, 22-28 mars)
145 clients ont misé gros sur la rue de la République new-look (La Provence, 19 mars)
La rue de la République sur la bonne voie (Lettre Sud Infos, 2 avril)
La rue de la République revient à la vie (L’Hebdo, 11-17 avril)
Nouvelle spéculation rue de la République (La Provence, 5 juillet)
Une artère maudite depuis sa création (La Provence, 5 juillet)
Les enchères sont ouvertes rue de la République (La Provence, 6 juillet)
Une rue à vendre (L’Hebdo, 11 juillet)
Marseille République affiche plus de 240 appartements vendus (La Provence, 25 septembre)
Rue de la République : les prix flambent (Immosud, 6 octobre)
La rue de la République nouvel orgueil de la ville (La Provence, 9 décembre)
Toutaétéaccompli«dansledialogue,laconcertationetlerespect»
(LaProvence,9décembre2007)
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![Page 37: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/37.jpg)
De nombreuses boutiques ont fermé, seules les agences d’intérim sont encore fort présentes aujourd’hui. [Sur ce point particu-lier, lire « Le coin des agences d’intérim ou comment fabriquer une main d’œuvre populaire en centre-ville », Mazzella, Fournier, 2004]. Les rideaux tirés concourrent à donner crédit à l’idée du « déclin » irréversible de la rue et de la nécessité d’un renouveau commercial. Les commerçants ne pouvaient vendre leur fonds comme ils le voulaient mais la presque totalité a été correctement indemnisée. Ils se sont parfois réinstallés quelques rues plus loin. Ceux qui ont été confrontés à des désaccords sur le montant de l’indemnisation se sont défendus individuellement, 2006-2007 © MD
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![Page 38: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/38.jpg)
« En janvier 1787, Potemkine, devenu ministre de la Guerre, invite la tsarine Catherine
II à visiter les nouvelles provinces. Adolf Helbig, biographe de Potemkine, a lancé la
légende selon laquelle le ministre aurait implanté des villages factices en carton-pâte
tout le long du parcours de la tsarine dans ses nouvelles provinces. Il aurait ainsi
voulu la flatter et la rassurer sur l’état de sa paysannerie. » www.herodote.net
Des façades temporaires ont été plaquées sur les commerces vides et visibles depuis les appartements témoins et l’espace de vente de Marseille République, situés à l’angle du 90 de la rue et du boulevard des Dames - février 2007 © MD
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![Page 39: Chapitre 2 DE LA RUE DE LA REPUBLIQUE - Marsnet](https://reader035.vdocuments.mx/reader035/viewer/2022062412/62ad2017da652276042d79e7/html5/thumbnails/39.jpg)
Potemkine 2 : le 8 décembre 2007, MM. Gaudin (maire de Marseille), Muselier (président d’Euroméditerranée) et Keller(ANF/Eurazéo) ont inauguré la partie Vieux Port/Sadi Carnot de la rue. De nombreuses toiles peintes (avec les logos des trois partenai-res) ont été apposées pour l’occasion sur les boutiques vides de la rue. Ci-dessus, scène de l’inauguration © Damien Brochier
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