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- 1 - "La valorisation économique des firmes pharmaceutiques : théorie et applications pratiques" Cahier de recherche ESCP, n° 96-112 Marwan SINACEUR Christophe THIBIERGE Directeur Associé Professeur Assistant ACN Département Finance ESCP Ecole Supérieure de Commerce de Paris (Paris School of Management) 79 avenue de la République 75 543 Paris Cedex 11 FRANCE Tél: +33 1 49 23 22 30 Fax: +33 1 49 23 20 80

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"La valorisation économique des firmes pharmaceutiques :théorie et applications pratiques"

Cahier de recherche ESCP, n° 96-112

Marwan SINACEUR Christophe THIBIERGEDirecteur Associé Professeur Assistant

ACN Département FinanceESCP

Ecole Supérieure de Commerce de Paris (Paris School of Management)79 avenue de la République

75 543 Paris Cedex 11FRANCE

Tél: +33 1 49 23 22 30Fax: +33 1 49 23 20 80

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- REMERCIEMENTS -

Nous tenons ici à remercier très vivement tous les responsables qui ont accepté de nous rencontrer,nous ont consacré leur temps, fait partager leur expertise, leurs expériences, nous ont confié leursanalyses, et ont mis à notre disposition leurs documents, et peut-être surtout qui ont fait preuve ànotre égard de patience et d'enthousiasme.

Sans eux, cette étude n'aurait pu être réalisée.

(Cabinets de conseil et bureaux d'étude)

• Monsieur Régis Chomel, Manager, Arthur D. Little International, Inc.

• Monsieur Philippe Conquet, Président Directeur Général, Droit & Pharmacie

• Madame Claire Dadou, Manager, Bain & Compagnie

• Monsieur Khalid Fellahi, Consultant, Price Waterhouse Management Consultants

(Industrie pharmaceutique)

• Monsieur Benoît Raillard, Business Development, Lilly France SA

• Monsieur Alain Cartraud, Directeur Service Médico-juridique et Concurrence, LaboratoiresGlaxo

• Monsieur Francis Courcelle, Directeur des Etudes économiques, Sanofi Pharma

• Monsieur Eric Mallet, Chargé d'Etudes concurrentielles, Sanofi Pharma

• Madame Barbara Elheim, Director of Strategic Planning, Sterling (USA)

(Banques et Institutions financières)

• Monsieur Laurent Flamme, Analyste Financier (Pharmacie), CCF Elysées Bourse

• Madame Marie-Hélène Leopold, Analyste Financier (Pharmacie), County NatWest, NationalWestminster Bank

• Monsieur Laurent Huck, Vice-President, Corporate Finance, J.P. Morgan

• Madame Sylvie de Vesinne-Larue, Corporate Finance, CCF Elysées Bourse

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- PLAN -

1. INTRODUCTION ET PRESENTATION DU PROBLEME

1. 1. Un Problème conceptuel

1. 2. L'existence d'une série de décalages dans la pratique

1. 3. La démarche adoptée

1. 4. Champ de la recherche1. 4 1. Quel type d’évaluation?1. 4. 2. Quel type d’industrie pharmaceutique?.

1. 5. Les difficultés et spécificités de l'évaluation des firmes pharmaceutiques1. 5. 1. Une industrie de haute technologie1. 5. 2. La structure de coûts

2. LES PRATIQUES FINANCIERES DANS L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

2. 1. Les méthodes d'évaluation classiques2. 1. 1. La Méthode des Multiples2. 1. 2. La Valeur patrimoniale (adjusted book value)2. 1. 3. La Capitalisation boursière (stock value)2. 1. 4. L'Actualisation des cash-flows / ETE / Résultats d'exploitation générés par l'entreprise

2. 2. Les pratiques financières dans l'industrie pharmaceutique2. 2. 1. Les pratiques d'évaluation financière des banques2. 2. 2. Les analyses qualitatives conduites par les banques

2. 3. Les résultats: la confrontation avec la réalité des transactions2. 3. 1. Démarche2. 3. 2. Analyse statistique d'un échantillon de transactions, 1992-942. 3. 3. . Comparaison avec d'autres études

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3. LA MESURE DE LA VALEUR ECONOMIQUE DES FIRMES PHARMACEUTIQUES

3. 1. Le Ratio R&D / CA n'est pas un critère pertinent3. 1. 1. Le budget R&D n'est pas un critère pertinent, car le ROI n'est pas une fonction croissantede la R&D . Une mesure empirique de 31 sociétés sur 19 ans par deux chercheurs du BostonCollege, USA)3. 1. 2. Le ratio R&D / CA reste trop global pour pouvoir mesurer pertinemment la qualité de larecherche3. 1. 3. Mais de nouvelles approches de la R&D, si elles étaient appliquées à l'industriepharmaceutique, pourraient s'avérer extrêmement fructueuse . Source: Arthur D. Little3. 1. 4. En conclusion, la question du seuil critique de R&D reste posée

3. 2. Le portefeuille d'accords/alliances/licences3. 2. 1. Les avantages d'une alliance dans une industrie de haute technologie3. 2. 2. Les critères à retenir pour évaluer le portefeuille d'accords3. 2. 3. Conclusion

3. 3. Le portefeuille de produits3. 3. 1. La Description quantitative du portefeuille de produits3. 3. 2. Présence sur les marchés majeurs et portefeuille international3. 3. 3. Evaluation qualitative du portefeuille de produits

3. 4. L'évaluation du pipeline3. 4. 1. L'évaluation quantitative: un critère insuffisant3. 4. 2. Structuration du pipeline par phaseExemple: un Modèle probabiliste de renouvellement du nombre de molécules3. 4. 3. Approfondir l'analyse par molécule: la valorisation scientifique et la mesure des risques,bases de méthodes plus formalisées3. 4. 4. Approfondir l'analyse par molécule: les méthodes formalisées par Arthur D. Little etSterling Drug pour l'évaluation de projets de R&D

3. 5. La présence sur les segments thérapeutiques3. 5. 1. Les facteurs à prendre en considération3. 5. 2. La Décomposition en facteurs-clés du marché (sources Entretiens Eli Lilly & Co /Sterling): une analyse dynamique

3. 6. Datation des AMM / Date d'expiration des CCP et brevets

3. 7. Le délai moyen de mise sur le marché des molécules n'est pas un critère pertinent

3. 8. A l'avenir, le critère de l'intégration verticale pourrait s'avérer décisif

3. 9. Conclusion

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4. CONCLUSIONS ET DISCUSSION

4. 1. La rigueur de l'analyse

4. 2. La question du coût de l'information dans la pratique

4. 3. Le problème de l'accessibilité des informations dans la pratique

4. 4. La barrière de l'expertise dans la pratique

4. 5. Parmi les nouvelles voies à suivre.... une Comparaison avec les modèles d'options (Merck &Co)

4. 6. Parmi les nouvelles voies à suivre.... une Comparaison avec les modèles de l'industrie pétrolière

BIBLIOGRAPHIE• Ouvrages• Etudes• Rapports des analystes• Articles de recherche

REPERTOIRE DES FIRMES MENTIONNEES

INDEX DES PRINCIPALES NOTIONS

ANNEXE METHODOLOGIQUE: LE CHOIX DES ENTRETIENS

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1. INTRODUCTION ET PRESENTATION DU PROBLEME

1. 1. Un Problème conceptuel

Ce cahier de recherche traite de la valorisation économique des firmes pharmaceutiques; il repose surquatre idées-forces:

• L'idée fondamentale qu'il peut exister un décalage entre la valeur économique d'une firme et lafaçon dont cette firme est classiquement évaluée par les méthodes financières ou comptables.Comme le souligne Gérard Thulliez, Directeur Associé du bureau de Paris de McKinsey1 : "il ne fautpas se laisser abuser par les états comptables, et en particulier par la notion de "bénéfices"... c'est aucontraire le concept de valeur économique, qui incarne la mesure universelle et permanente desdécisions stratégiques de l'entreprise, et donne un sens clair et durable à la conduite des firmes."

• L'idée consécutive que la mesure de la valeur d'une firme peut passer par une évaluation de saposition concurrentielle, i.e. de ses avantages compétitifs (Michael Porter2). Il est notammentpossible de comprendre et d'évaluer la stratégie spécifique d'une firme, de telle sorte que l'on puisselui associer une probabilité de succès (Yair Aharoni3). Une telle évaluation est réalisable par unobservateur extérieur, comme par exemple une société de capital-développement. Il est en particulierpossible d'évaluer si l'allocation des ressources d'une firme est optimale ou non; la capacité culturelleet organisationnelle de la firme à attirer des partenaires de qualité (clients, fournisseurs, distributeurs,employés, ...); sa capacité d'innovation.

• L'idée qu'une des voies d'évaluation stratégique des firmes passe par une analyse des risquestechnologiques, réglementaires, commerciaux4. Les risques technologiques étant liés à la diversité, àla complexité - définie par le degré de sophistication et de combinaison des technologies -, à lavariabilité des technologies mises en œ uvre. Les risques commerciaux sont liés à la variabilitétemporelle, géographique, par application du marché. Le but de telles analyses est, d'une part, deréussir à dégager la diversité des positions stratégiques et concurrentielles possibles, et d'autre part,de formuler dynamiquement l'articulation de la stratégie avec la technologie.

• L'idée enfin que l'ensemble des analyses présentées ici peuvent fournir concrètement des élémentsconceptuels utiles, et s'avérer fondamentalement génératrices de gains pour le négociateur dans unprocessus d'acquisition. La mesure de l'écart entre valorisation financière et valorisation économique

1Préface à "La stratégie de la valeur". Une bibliographie complète est consultable en fin d'étude.2L'Avantage concurrentiel", et surtout "Choix Stratégiques et Concurrence; Techniques d'analyse des secteurs et de laconcurrence dans l'industrie", cf Bibliographie3Article du Journal of Management Studies, cf Bibliographie4Régis Larue de Tournemine, "La modélisation stratégique des industries fondées sur la science". Plus généralement,Arthur D. Little International, Inc., pour une méthode exhaustive de décomposition des Risques, et la gestion dansl'entreprise de l'articulation Stratégie - Technologie

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permettra au négociateur d'analyser objectivement la situation5 et de mieux conduire sesnégociations6..

1. 2. L'existence d'une série de décalages dans la pratique

La pratique vient confirmer l'existence de décalages entre mesure de la valeur économique et mesurede la valeur financière ou comptable (cf supra).

Décalage 1: inexactitude ou manque de connaissances sur le secteur

"Dans le rapport d'analyse financière de la société française XYZ, tout ce qui est annoncé sur lastructure des coûts des laboratoires est faux."

Source: Entretien Industrie pharmaceutique

"Le problème, c'est que nous sommes dans un métier hyper technique. L'évaluation du potentield'une molécule nécessite une finesse technique qui n'est pas à la portée du premier venu. On a besoinde connaître l'industrie pour pouvoir apprécier la valeur financière d'un groupe pharmaceutique. Deplus, des facteurs de dernière minute viennent perturber la valorisation économique desmédicaments: des nouvelles indications; des effets secondaires; la viabilité économique des niveauxde prix locaux.... Tout cela, on ne le sait que très tard. Et c'est un secteur hyper réglementé."

Source: Entretien Industrie pharmaceutique

Décalage 2:Sous-estimation dans la valorisation des molécules

"Les financiers qui ne sont pas passés par la pharmacie n'ont pas une bonne connaissance desmolécules. Ils ont du mal à apprécier les nouvelles applications possibles d'une prescription.L'Azantac, par exemple réalise aujourd'hui 40% du CA de Glaxo. En particulier parce que lamolécule a été commercialisée sur le marché très important des antiulcéreux. Mais à l'origine, lamolécule était destinée à un autre marché. Par rapport à ce dernier marché - un marché deprescriptions, à l'inverse des antiulcéreux -, la molécule s'est avérée trop chère. L'Azantac a donc finipar être lancé sur le marché des antiulcéreux, comme le permettait l'un des effets secondaires dumédicament... Comment un financier aurait-il réussi à apprécier le potentiel de marché de l'Azantac?"

Source: Entretien Industrie pharmaceutique

"Des évaluations financières ont supposé que la part de marché de la Ventoline, un produit anti-asthmatique, allait peu à peu péricliter, avec l'arrivée des génériques, rendue possible par l'expirationprochaine du brevet à ce moment. Il s'avère aujourd'hui que la Ventoline contine à avoir 80% de partde marché. Les génériques n'ont pas percé. Les évaluations financières avaient sous-estimél'excellente image du médicament, et la fidélité exceptionnelle des prescripteurs et des patients sur ceproduit."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

5Ingemar Dierickx, Mitchell Koza, "Information Asymmetries: How not to Buy a Lemon in Negotiating Mergers andAcquisitions", cf Bibliographie6Fisher & Ury, Harvard Law School, Getting to yes, Houghton Mifflin, 1981; Howard Raiffa, Harvard BusinessSchool, The art and science of negotiation, Belknap/Harvard, 1982; Max H. Bazerman & Margaret A. Neale,Northwestern University, Negotiating Rationally, The Free Press, 1992

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Décalage 3: Surestimation dans la valorisation des molécules

"Les analyses financières sont faites le plus souvent sans tenir compte des systèmes de santé et descontraintes de pénétration de marché des différents pays.... On ne peut valoriser le portefeuille deproduits d'un laboratoire qu'en demandant l'avis des spécialistes des différents secteursthérapeutiques. Par exemple, la valorisation de l'Imigrane, molécule contre la migraine, pourrait apriori se faire par la méthode DCF à partir des données suivantes:- données épidémiologiques: on estime en France que 12% de la population est migraineuse; celareprésente une bonne indication du nombre maximum de patients à traiter;- données économiques: le prix de la molécule est élevé; un comprimé coûte 80 francs; - donnéesposologiques: un patient consommerait environ un comprimé par mois, soit l'équivalent annuel de 80francs x 1 comprimé x 12 mois.Un analyste ne manquerait pas de conclure à un fabuleux marché pour ce type de produit en France.Et pourtant... le produit n'est toujours pas introduit en France, Les pouvoirs publics français ontestimé que la migraine est une pathologie sans grande gravité, et que par conséquent, la moléculeétait trop chère pour ce qu'elle soignait...Citons un autre exemple. Il existe en France, comme sur la plupart des autres marchés dans lemonde, des accords prix-volumes négociés sous l'autorité de tutelle de l'Etat. Ces accords fixent letaux de remboursement du médicament par la Sécurité Sociale. Le problème est qu'aujourd'hui, cestaux sont de plus en plus faibles. La réduction des taux de remboursement provoque une baisse desventes sur les prescriptions. Elle peut induire des différences considérables entre le chiffre d'affaireseffectif, lors de l'introduction sur un nouveau marché où viennent de s'appliquer lesdéremboursements, d'une part, et les estimations de chiffre d'affaires calculées à partir d'autresmarchés où la molécule a déjà été introduite sans que s'appliquent les déremboursements, d'autrepart... ces différences peuvent s'élever à 50-75%.Les évaluations financières surestiment donc souvent la valeur d'une molécule."

Source: Entretien Industrie pharmaceutique

"Lorsque Rhône-Poulenc-Rorer a annoncé que leurs chercheurs avaient réussi à inhiber le répliquagedu virus HIV dans un de leurs laboratoires, le cours de l'action a immédiatement monté, dans lecourant de la journée. Malheureusement, ce n'est pas cela qui suffira à réussir à commercialiser unjour une prescription contre le SIDA. Rhône-Poulenc-Rorer en est à une phase très amont duprocessus de R&D d'une molécule. Qui dit que la substance n'a pas des effets secondaires? qu'ellen'est pas toxique pour l'homme? Ils n'en ont pas fini avec les phases de R&D, les tests cliniques surdes centaines de patients,... tout cela sera très coûteux. Evidemment, il faut savoir qu'il y a unedifférence considérable entre la découverte d'une substance dans un tube à essais et lacommercialisation effective du médicament, des années plus tard."

Source: Entretien Industrie pharmaceutique

Décalage 4: Interprétation inexacte des décisions des laboratoires

"Un laboratoire vient récemment de décider de l'implantation d'une nouvelle usine en France. Lesanalystes ont réagi sans vraiment comprendre les enjeux économiques; leurs jugements ont été trophâtifs. On ne peut en effet ni en déduire que le laboratoire en question se porte particulièrement bien,ou au contraire que celui-ci disposait auparavant d'usines trop obsolètes en moyenne. Dansl'industrie pharmaceutique, le manufacturing n'est pas un facteur-clé de succès... En fait, la réalitééconomique est bien plus simple que cela. La construction de l'usine fait juste partie d'unenégociation plus globale avec le gouvernement local dans le cadre d'une AMM d'une moléculejusqu'alors bloquée en France. D'un côté, la firme anglo-saxonne obtient de pénétrer le marché

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français et contourne le protectionnisme des pouvoirs publics. De l'autre, les pouvoirs publicsobtiennent un investissement et la garantie de la création d'emplois locaux. Il faut connaîtrel'industrie pour comprendre une telle décision économique. On peut se demander finalement dansquelle mesure cette décision reflète un réel besoin manufacturing."

Source: Entretien Industrie pharmaceutique

Décalage 5: Un problème de communication?

"... Je suis d'accord avec le fait que les banques, en général, ne prennent pas forcément en compte ladimension économique. Et qu'il y a là du travail à faire pour trouver des critères de qualité et lescommuniquer auprès d'eux."

Source: Entretien Conseil en Stratégie

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1. 3. La démarche adoptée

• Suite au double problème conceptuel et pratique, posé par le décalage entre la valeur économiqueet la valeur financière ou comptable des firmes pharmaceutiques, nous avons tenté, dans cette étude:

- De comprendre plus précisément quelles étaient les pratiques d'évaluation financière dans l'industriepharmaceutique.

- D'analyser simultanément en quoi cette évaluation externe pratiquée par des experts financiers peutdévier de la valeur économique réelle de l'entreprise. Autrement dit, de répondre à la question: dequoi ne tient pas compte l'approche purement financière?

- Nous avons alors examiné la possibilité de construire un modèle d'évaluation financier qui tiennecompte de facteurs d'ordre économique et stratégique. Cette voie s'avérant très tôt infructueuse,nous avons alors tenté de repérer des critères de qualité (non quantifiables) et des indicateurs deperformance (quantifiables) susceptibles de donner une bonne image de la valeur économique del'entreprise.

- Nous avons alors tenté d'analyser très précisément la pertinence (ou à l'inverse, la non-pertinence),la fiabilité et la simplicité d'utilisation des critères de qualité ou des indicateurs de performanceretenus.

• Le résultat est que nous avons pu ainsi formaliser une démarche d'évaluation économique etstratégique des firmes pharmaceutiques. S'il s'agit bien d'une démarche qualitative, et non d'unmodèle quantitatif, une telle approche n'en permet pas moins de:- porter un jugement sur la valeur économique de la firme- et, consécutivement, d'apporter une utilité marginale, en permettant de nuancer le jugementexterne purement financier.

• Dans un dernier temps, nous nous sommes interrogés sur les limites d'une telle démarche, et sur lesautres types d'approches possibles. Deux approches nous ont paru particulièrement intéressantes:l'application par Merck&Co de modèles d'évaluation d'options, d'une part; l'application à l'industriepharmaceutique des méthodes d'évaluation et sélection des risques développées dans l'industriepétrolière, d'autre part.

Tout au long de l'étude, nous nous sommes attachés à privilégier une approche prescriptive, parrapport à une simple approche descriptive, afin que les résultats soient immédiatement utilisables parles professionnels du secteur.

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1. 4. Champ de la recherche

1. 4. 1. Quel type d’évaluation?

Dans l'ensemble, l'étude se concentre sur l'évaluation de la firme plutôt que sur la simple analysefinancière:• i. e., principalement sur les éléments qui permettent de valoriser la prise de contrôle, ou prise departicipation majoritaire, notamment lors des négociations d'acquisition, de cession, ou d'alliances;• et accessoirement, sur la prise de participation minoritaire. L'analyse des prises de participationminoritaires ne sera évoquée que dans la mesure où elle fournira une aide à la compréhension del'évaluation globale des sociétés.

Néanmoins, les personnes morales concernées par ce type d'analyse peuvent être aussi bien:- un acquéreur ou partenaire (joint-venture; fusion)- des organismes financiers (banques; sociétés de capital-risque; etc.)

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1. 4. 2. Quel type d’industrie pharmaceutique?.

La question n'est pas innocente; il ne s'agit pas seulement d'un problème de rhétorique. On peut eneffet distinguer trois types de sociétés pharmaceutiques7, et c'est pourquoi il est nécessaire depréciser sur quel type de firmes nous focaliserons la recherche. D'autant que les marchés sur lesquelsces différentes firmes agissent ne présentent pas les mêmes structures concurrentielles etéconomiques, ce qui ne manquera pas d'influencer le type de valorisation économique que l'onpourra mener.

Les trois types de firmes pharmaceutiques sont (source: Arthur D. Little):

• Les concepteurs de molécules nouvelles ou sociétés innovantes, sont généralement engagés à tousles niveaux de la chaîne d'activités pharmaceutiques: R&D pharmaceutique; Production primaire(production du principe actif d'un médicament, i.e. de la substance chimique en vrac); R&Dgalénique; Production secondaire ("enrobage" du médicament, i. e. formulation du médicament);Contrôle de qualité; Marketing; Ventes; Distribution.

• Les producteurs de produits grand public et de "marques multisources" (pas de brevet). Leursactivités R&D se concentrent essentiellement sur le développement de nouvelles formules, plutôtque sur la découverte de nouvelles entités chimiques.

- Les producteurs de génériques, spécialisés dans les préparations dérivées de principes actifs qui nesont plus protégés par des brevets et qui sont vendus sans promotion active

- Trois types de firmes pharmaceutiques coexistent-

R&D galé- nique

R&D pharma- ceutique

Production primaire

Prod° secon- daire

Marketing Ventes Contrôle de qualité

Distri- bution

Client

Fournisseur

Type • Concepteurs de nouvelles molécules • Producteurs d'OTC et/ou de produits de marque (pas de brevet) • Producteurs de génériques

Présence sur toute la chaîne de valeur

Très limitée Variable

Quasi-absentes Très limitées

- La chaîne de valeur dans l'industrie pharmaceutique -

Source: Arthur D. Little

7Source: Arthur D. Little (Article Informations Chimie, cf Bibliographie)

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Une rapide discussion avec le Directeur du Strategic Planning chez Sterling, a confirmé la différencetypologique entre les firmes axées sur les produits éthiques et les autres:"Le segment OTC * 8constitue véritablement une autre industrie, plus proche des biens deconsommation que d'une industrie fondée sur la science. Elle implique des facteurs-clés de succès(savoir-faire en R&D et marketing) et des structures concurrentielles (pouvoir de négociation avecles clients, structures de distribution) différents."

De même:"A proprement parler, il n'existe pas une industrie pharmaceutique, mais des industriespharmaceutiques. Les OTC n'ont rien à voir avec les génériques, et quand aux produits éthiques, ilsont encore plus à part."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

Dorénavant, nous entendrons par firmes pharmaceutiques, en priorité les concepteurs de nouvellesmolécules, i. e. les firmes qui sont présentes au moins sur le marché des produits éthiques * ouprescriptions *.

1. 5. Les difficultés et spécificités de l'évaluation des firmes pharmaceutiques

Comme la plupart des autres industries de haute technologie, l'industrie pharmaceutique est difficileà appréhender. Cela ne manque pas de poser des problèmes dans l'évaluation des firmes du secteur,et en tout premier lieu dans l'évaluation de leurs projets de R&D qui, du fait des mécanismeséconomiques de l'industrie, constituent une source fondamentale de création de valeur.

C'est pourquoi il nous a paru utile de poser d'emblée quelques repères afin de caractériserrapidement l'industrie, avant de passer aux questions liées de l'évaluation.

1. 5. 1. Une industrie de haute technologie

L'industrie pharmaceutique est une industrie de haute technologie:

• Elle nécessite des capitaux importants et apparaît simultanément comme un secteur à haut niveaude risque et de revenu potentiel

- Des laboratoires comme Glaxo ou Lilly ont l'équivalent d'un an de chiffre d'affaires en trésorerie.Cela est du au fait que les marges ne sont pas faites pour amortir les produits déjà développés(amortissement), mais au contraire, pour permettre d'en développer de nouveaux (investissement).En d'autres termes, la R&D dépensée au temps (n) est payée par le Cash-flow dégagé au temps (n-1), et non pas au contraire: la R&D dépensée au temps (n-1) est remboursée sur les ventes et lecash-flow dégagé au temps (n). Le problème est que les résultats de la R&D sont dans ce secteurparticulièrement aléatoires: on risque de ne pouvoir pas payer la R&D de demain si la R&D n'a pasdéjà dégagé un cash-flow aujourd'hui. En fait, les dépenses peuvent aléatoirement être sanscommune mesure avec les revenus qu'elles génèrent.Sources: Synthèse Entretiens Industrie pharmaceutique

8Les termes suivis d'une astérisque renvoient à l'Index des principales notions.

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• L'industrie pharmaceutique opère sur un marché mondial. Il peut exister des centaines millions deconsommateurs potentiels pour chaque nouveau médicament

- Le secteur est, par rapport à d'autres secteurs, relativement peu compétitif, très segmenté, peuconcentré (la première firme du secteur, Merck, a une part de marché mondiale de 3,7% en 1993;source: Datamonitor).

1. 5. 2. La structure de coûts

Il nous a paru utile d'autre part d'indiquer la structure de coûts typique d'une firme pharmaceutique,afin de voir rapidement:• quelle peut être la proportion de coûts fixes versus coûts variables;• quels sont les postes sur lesquels se concentrent les coûts

Structure des coûts typique pour un concepteur de nouvelles molécules(marché des produits éthiques)

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%Autres

Coûts administratifs

Publicité

Ventes

Marketing

R&D primaire etsecondaire

Productions primaireet secondaire

% des coûts

Source: Arthur D. Little

Apparemment:• les coûts variables dominent légèrement• les coûts de R&D et de marketing sont les principaux postes de coûts. On peut déjà fairel'hypothèse raisonnable que ce seront sur ces deux éléments de la chaîne de valeur que seconcentreront les sources de compétitivité et la création de la valeur des firmes du secteur.

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2. LES PRATIQUES FINANCIERES DANS L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

2. 1. Aperçu général des principales méthodes d'évaluation

Le lecteur qui souhaiterait bénéficier d'une vision plus précise pourrait consulter par exemple leBrealey - Myers (cf Bibliographie en fin de Cahier).

2. 1. 1. La Méthode des Multiples

Cette méthode se fonde sur des observations empiriques: rapports entre le prix de la firme et desvariables données (CA, Profit, Actifs, ...) au cours de transactions passées.

- Exemple: Valeur de la firme = Ration moyen du secteur (Valeur / CA) x CA

2. 1. 2. La Valeur patrimoniale (adjusted book value)

La valeur patrimoniale peut être donnée par la Situation Nette comptable (SN), qui se calcule selonla formule:

- SN = Capitaux propres - Actifs sans valeur (fonds de commerce, brevets R&D, ...)+ Passifs sans valeur

Une variante de la méthode tient compte des bénéfices prévisibles dans le futur:

- Valeur de la firme = SN + (n bénéfices prévisionnels)

Le problème posé par l'application de cette méthode tient à l'évaluation des actifs incorporels,problème particulièrement délicat dans le cas d'une industrie de haute technologie comme lapharmacie.

Ainsi, les frais de R&D devraient en principe avoir une valeur au moins égale à celle des brevetsqu'ils permettront de déposer. Il ne s'agit donc pas a priori d'actifs fictifs. Mais la présence demontants dans le poste frais de R&D peut signifier que la recherche n'a pas abouti, et la prudencepeut conduire à leur donner une valeur nulle. Les frais de R&D sont donc généralement considéréscomme des actifs sans valeur.

2. 1. 3. La Capitalisation boursière (stock value)

La valeur d'une firme peut se calculer à partir de la capitalisation boursière suivant les deux formulessuivantes:

- Valeur boursière = cours x nombre d'actions

- Valeur de la firme = PER * branche d'activité x Bénéfice entreprise étudiée x nombre d'actions

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2. 1. 4. L'Actualisation des cash-flows / ETE / Résultats d'exploitation générés par l'entreprise

On peut déterminer la valeur d'une firme par la méthode des cash-flows actualisés ou discountedcash-flows (DCF *). Les variantes sont l'actualisation dans le temps d'autres variables telles que leRésultat d'exploitation ou l'ETE. Cette méthode est largement utilisée. Les motifs en sont détaillésci-dessous.

Motif 1: La DCF dépasse la vision purement comptable

La vision comptable représente l'entreprise comme un portefeuille d'actifs nets, i. e. une entitédépositaire d'une richesse accumulée dans le passé. A l'inverse, une méthode comme la DCF setourne résolument vers l'avenir. La DCF considère l'entreprise, comme créatrice et porteuse devaleur économique. Autrement dit, l'hypothèse est que ce qui compte pour une firme, c'est sacapacité à créer durablement de la valeur pour l'ensemble de ses partenaires: clients, personnel,fournisseurs et sous-traitants, bailleurs de fond.Source: McKinsey&Co, "La stratégie de la valeur"

Motif 2: La DCF dépasse la vision purement boursière

Si l'on veut pouvoir faire la différence entre des sociétés aux résultats identiques mais aux cash-flowsou aux risques différents, il faut intégrer au PER la qualité des bénéfices

Il est par suite nécessaire de mesurer l'augmentation du bénéfice en fonction de la rentabilitémarginale des investissements et non dans l'absolu. La méthode DCF tient donc compte, à l'inversede la méthode boursière, de l'investissement et du risque.

Motif 3: La DCF reflète la réalité du marché

• La corrélation entre les bénéfices comptables et le cours des actions est faible: il n'y a pas decorrélation entre le PER et la croissance moyenne du Bénéfice par Actions. "La capitalisationboursière et la valeur du DCF sont fortement corrélées pour un échantillon de 30 sociétés. Quoiqueces résultats n'aient pas de valeur scientifique, ils confirment notre expérience selon laquelle le DCFexplique très bien le cours des actions cotées en bourse".Source: Etude McKinsey, "La stratégie de la valeur".

Seule la méthode DCF tient en effet à la fois compte de la rentabilité du capital investi (création devaleur assurée, selon quel rythme) et de la croissance (croissance de la valeur).

• D'autre part, la manipulation comptable des bénéfices ne fait pas progresser les cours."A partir d'informations Compustat, McKinsey a étudié les dépenses de R&D de six grandslaboratoires pharmaceutiques, qui en général les comptabilisent immédiatement comme des fraisgénéraux de l'exercice, même si leurs bénéfices doivent intervenir dans l'avenir. L'étude révèle lecontraire de ce que laisserait supposer le modèle comptable, à savoir que les sociétés au budgetR&D le plus élevé, tendraient à avoir le PER le plus élevé. Bien que ces résultats n'aient pas devaleur scientifique, ils mettent sérieusement en doute l'opinion selon laquelle la bourse pénalise lessociétés qui investissent beaucoup en recherche et développement."Source: Etude McKinsey, "La stratégie de la valeur".

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Mais il faudrait avoir en fait la comparaison des cours entre sociétés à forte R&D et les autres,pour pouvoir en tirer des conclusions probantes pour notre recherche.

• Le marché boursier évalue les décisions de gestion en fonction de leur effet prévisible sur les cash-flows à long terme, et non sur les bénéfices à court terme.

On remarquera que ces remarques ne remettent pas en cause le constat empirique de départ (cfIntroduction). Ce constat visait précisément à souligner que le marché pouvait se tromper dans sonévaluation de l'effet à long-terme des décisions de la firme sur les cash-flows; non, qu'il ne raisonnaitpas à long-terme.

Comment appliquer la DCF

L'intérêt pratique de la méthode DCF est tel que nous avons jugé nécessaire de préciser quellesorientations il faut prendre pour pouvoir l'appliquer dans la réalité.

En fait, si l'on veut recourir à une étude du DCF pour appuyer des décisions comme des acquisitions,des désinvestissements ou la mise au point de stratégies de groupe, il faut un modèle qui réponde àdes question pratiques, telles que:

• quel est le taux d'actualisation correct?

• sur quelle durée calculer la prévision de cash-flows?

• comment décomposer la valeur de l'exploitation?

La réponse à la deuxième question est fonction du contexte. En revanche, nous pouvons donner iciquelques indications pour répondre à la première et la troisième.

1° Le taux d'actualisation

Le taux d'actualisation appliqué au cash-flow disponible doit refléter le coût d'opportunité de tous lesbailleurs de fonds, pondéré selon leur contribution respective au financement total de la société...autrement dit, le coût moyen pondéré du capital.

-> Le coût d'opportunité d'un investisseur est égal au taux de rentabilité qu'il pourrait escompter d'unautre investissement de risque équivalent.

-> Pour la firme, le coût du capital est égal au coût d'opportunité des investisseurs diminué de toutavantage fiscal obtenu par la société.

2° On peut décomposer la valeur de l'exploitation en:

• Valeur de l'endettement: VAN * des sommes versées aux créances ou reçues de ceux-ci

• Valeur des fonds propres et quasi fonds propres: VAN des cash-flows disponibles pour lesactionnaires (dividendes, rachats d'actions, émission d'actions nouvelles)

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Le cash-flow (CF) avant frais financiers se calculant suivant la formule suivante:

CF avant frais financiers = Bénéfice d'exploitation après impôts + Charges sans décaissement (Amortissements et Provisions) - Besoin en fonds de roulement, immobilisations corporelles, et autres actifs

Ce CF représente l'ensemble des flux monétaires que l'entreprise dégage et met à disposition de sespourvoyeurs capitaux, qu'ils soient actionnaires ou créanciers. Il ne tient pas compte des fraisfinanciers; ceux-ci sont pris en compte dans le calcul du taux d'actualisation, fonction du coût moyenpondéré du capital.

2. 2. Les pratiques financières dans l'industrie pharmaceutique

2. 2. 1. Les pratiques d'évaluation financière des banques

La conduite d'entretiens et la consultation des études financières réalisées dans le secteur ont montréque, dans la pratique, il n'y a à proprement parler aucune méthode d'évaluation financière propre ausecteur, qui tienne compte des spécificités de l'industrie. Ce sont donc les modèles financiersclassiques qui sont utilisés.

• Parmi eux, l'analyse des multiples de marché (Price Earning Ratio, Earning per Share...) et desmultiples liés à l'entreprise elle-même (par rapport au chiffre d'affaires, au Bénéfice, ...) constitue laméthode d'évaluation la plus souvent utilisée. Elle permet de situer très rapidement la valeur de lafirme dans une échelle de référence.Source: Entretien Banque d'affaires

Les extraits d'entretien suivants confirment cette double tendance, forte utilisation, et grandeapplicabilité de l'analyse des multiples:

- "Nous raisonnons le plus souvent par comparaison, sur des entreprises comparables dans le mêmesecteur d'activité. C'est ce qu'on appelle l'analyse des "comparables". Pour ce faire, nousdéconsolidons le Chiffre d'affaire, le Résultat net comptable, les marges d'exploitation, le coût desmatières premières."Source: Entretien Banque

- "Les analyses de multiples constituent une façon simple de voir les choses. Mais elles ont le mérited'être très faciles et très pratiques à utiliser lors des négociations et des transactions. Ces analysesprennent peu de temps et sont facilement réalisables. Les informations et les chiffres sontdisponibles, et contrôlables. L'analyse des multiples est particulièrement utilisée aux Etats-Unis."Source: Entretien Banque

- "Le marché boursier a baissé de 30-40% sur la pharmacie. Mais les ratios d'évaluation des sociétésn'ont pas bougé malgré la crise: ils restent autour de 2 fois le CA et 20-30 fois le résultat net."Source: Entretien Banque

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• En même temps que l'analyse des multiples, la méthode DCF est également largement utilisée dansla pratique par les banques d'affaires.

- "Nous utilisons aussi le plus souvent la méthode DCF. En regard d'un intervenant quelconque, unetelle méthode nous permet d'asseoir véritablement notre crédibilité et notre expertise de sociétéfinancière. Comme elle requiert des informations plus fines, internes à l'entreprise, cette méthodeprésente également l'avantage de renforcer le dialogue avec le client, de nous permettre d'être plusimpliqués dans l'entreprise, de mieux appréhender la réalité économique. Les problèmes qui seposent en général concernent l'évaluation du coût moyen pondéré du capital, en fonction du coût desfonds propres et du coût de la dette... Nous sommes obligés de prendre toute une série d'hypothèses,afin de calculer un taux d'actualisation (discount rate), qui indique le risque, et consécutivement, uneterminal value. Généralement, nous considérons enfin une période infinie."Source: Entretien Banque

• En fait, toutes les méthodes d'évaluation financière classiques sont appliquées dans l'industriepharmaceutique.

- "On utilise dans l'industrie pharmaceutique l'ensemble des méthodes financières: la valeur du PriceEarning Ratio; la valeur des actifs; les règles de l'industrie, ou "rules of the thumb", telles que lesmultiples de CA et de profit9; le DCF. Le problème pour cette dernière méthode, est que toutdépend du facteur risque, ou taux d'actualisation, que l'on prend. Malgré cela, j'estime que lavalorisation dans le futur est une des meilleures méthodes, surtout si elle appliquée projet de R&Dpar projet de R&D. Ce qui est valable pour les gens qui connaissent l'industrie."

Source: Entretien Conseil en Stratégie

• Force est de constater que l'ensemble de ces pratiques financières ne tient pas compte desincorporels. La valorisation des brevets est problématique. C'est le cas également de la valorisationdu portefeuille d'alliances par produits, et par classes thérapeutiques *. Ce sont précisément ce typede phénomènes que tâchera de prendre en compte une valorisation économique.

9'Une étude de Droit & Pharmacie et A Prime, publiée en 1991 (cf Bibliographie), a permis de déterminer que lesmultiples moyens suivants sont à peu près équivalents pour déterminer la valeur de l'entreprise:- 15 ans de résultat net- 9 ans d'autofinancement- 6 ans de profit brut d'exploitation- 2 fois la situation nette- et 10 mois de chiffre d'affaires

Cela s'entend pour une prise de participation minoritaire. En cas de prise de contrôle, il convient de majorer cesdonnées de 50% à 80%, ce qui donne une fourchette d'évaluation. Des correctifs supplémentaires peuvent êtreapportés, par exemple, selon la croissance ou l'excellence des produits, ou encore la fragilité du portefeuille deproduits.

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2. 2. 2. Les analyses qualitatives conduites par les banques

L'Estimation du risque (CCF)

L'analyste de banque ne limite pas ses estimations à des méthodes d'évaluation quantitative telles quecelles présentées précédemment. En dehors des méthodes d'évaluation purement financière, desapproches qualitatives prennent en compte des éléments d'analyse stratégique. Au CCF, parexemple, l'analyste doit procéder à des analyses qualitatives, afin d'estimer:• la "qualité" de la firme• le risque encouru

Estimation de la qualité

L'analyste estime:• la maturité du secteur; à laquelle il attribue une note = 0, 1, 3 ou 6• la position concurrentielle de la firme, à laquelle il attribue une note = 0, 1, 3 ou 6• l'indépendance financière de la firme, à laquelle il attribue une note = 0, 1, 3 ou 6• la viabilité de la stratégie de la firme, à laquelle il attribue une note = 0, 1, 3 ou 6• la position financière de la firme, à laquelle il attribue une note = 0, 1, 3 ou 6

On obtient une note totale, comprise entre 0 et 30. L'indice de qualité de l'entreprise est calculé alorsà l'aide du tableau de correspondance:

- Indice de qualité -

Note totale 0-1-2 3-4-5 6->11 12->17 18->60Indicede qualité

1 2 3 4 5

Source: CCF

Calcul du risque

L'analyste estime alors la régularité des performances de l'entreprise. Il attribue une note à larégularité entre 1 (forte) et 5 (faible).

Le risque se détermine alors suivant le tableau de calcul suivant (source: CCF):

- Calcul du Risque -

5 7 8 9 9 94 4 5 6 8 9

Régularité 3 2 3 5 7 92 1 2 4 7 91 1 2 3 6 8

1 2 3 4 5

Zone de risque faibleZone de risque indécise

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Zone de risque forte

La distinction de trois zones de risque ne figure pas originellement dans la méthode du CCF, maispermet de visualiser d'une façon simplifiée les résultats.

Ce type d'analyse, aussi formalisée soit-elle, ne serait qu'une "coquille vide" si elle ne s'appuyait passur des informations capables de la nourrir. Pour alimenter leurs analyses qualitatives, les banquess'appuient le plus souvent sur une description globale des activités de l'entreprise. Pour ne pasmultiplier les exemples, nous nous sommes limités à l'analyse d'un seul rapport d'activités, émis parJP Morgan (bureau de Londres). Nous aurions pu tout aussi bien prendre l'exemple d'un rapport deNatWest Securities, comme du Crédit Commercial de France: les résultats ne sont pas tellementdifférents. Cette rapide analyse, permettra ainsi de se faire une idée plus précise du type de rapportsqui peuvent être faits par les institutions financières. Aussi intéressant que le rapport puisse être,nous tâcherons de ne pas nous limiter à une description pure, sans grande valeur ajoutée.

La description globale des activités de l'entreprise (JP Morgan)

Le rapport se structure ainsi.

• Stratégie de la firme. Cette partie comprend des commentaires sur:- le repositionnement de la firme sur ses activités dans la santé.- l'annonce d'un programme de restructuration mondial incluant une réduction du personnel, étalé surdeux ans jusqu'en 1996- des hypothèses sur la vision stratégique du management, ses projets possibles/probables d'allianceou de pénétration de certains segments thérapeutiques.

• Portefeuille d'activités. Cette partie comprend des commentaires sur:- la structure du CA: les principaux produits et les principales classes thérapeutiques * sur lesquels setrouve la firme- les évolutions marquantes dans le jeu concurrentiel, notamment pour expliquer les baisses de ventessur certaines prescriptions (concurrence accrue des génériques versus ventes des prescriptions)- les produits récemment autorisés (AMM *, FDA *, etc.)- les produits en licence

• Ventes et Distribution. Cette partie comprend des commentaires sur:- l'effectif de la force de vente par pays- la structure du CA par pays, afin de dégager les marchés majeurs pour la firme

• Pipeline *. Cette partie comprend des commentaires sur:- les priorités stratégiques de la R&D par classes thérapeutique. "Le pipeline montre peu de produitsen fin de développement, prêts à être lancés."- un jugement global sur la qualité du pipeline; les projets d'introduction sur le marché de nouveauxproduits sur l'année à venir

• La performance du cours de l'action.- sur 5 ans, relative à l'index des sociétés pharmaceutiques et à l'indice S&P- sur 2 ans, relative à l'index des sociétés pharmaceutiques et à l'indice S&P

• Evolution du bénéfice- sur 5 ans, croissance espérée du bénéfice

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• Management- nom du Président, date d'arrivée dans la société- nom du Directeur Général, date d'arrivée dans la société- nom du Directeur financier, date d'arrivée dans la société

• Autres- Projets en cours d'alliance/d'accords avec d'autres laboratoires- Projets en cours de construction d'usines dans le monde- Arrêt d'une activité de R&D sur telle classe thérapeutique après examen du ratio risque / bénéfice

Analyse critique

Un tel rapport a l'avantage de présenter:

• une vision globale de l'entreprise; il prend en compte des critères autres que purement financierspour étayer et appuyer les analyses et les calculs;

• une vision objective de l'entreprise; aucun jugement subjectif n'est porté et les commentaires selimitent à des informations ou des faits.

En revanche, il n'y a pas:

• de jugement critique sur la position concurrentielle de l'entreprise (sa compétitivité);

• de jugement critique sur la valeur économique réelle de l'entreprise, et en particulier sur sonpipeline: du fait de la responsabilité morale et de l'éthique bancaires, il est difficile pour un analystefinancier de porter un jugement autre que sur le passé et le présent, un jugement tenant à la foiscompte des spécificités économiques et technologiques de l'industrie pharmaceutique.

Aussi complet et utile que soit un tel rapport, il fait bien ressortir la nécessité de mener des analyseséconomiques et scientifiques plus fines, lesquelles permettront de porter un jugementcomplémentaire sur la valeur de l'entreprise.

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2. 3. La confrontation avec la réalité des transactions

2. 3. 1. Démarche

Afin de mener à bien cette étude, il nous a paru en effet nécessaire de nous confronter un momentavec la réalité des transactions, et de voir en particulier à quel prix les firmes pharmaceutiquesétaient effectivement achetées et vendues.

Pour cela, nous avons procédé en deux temps:

1°. L'analyse statistique d'un échantillon de transactions entre 1992 et 1994. La responsabilité desrésultats de cette analyse n'incombe qu'à l'auteur;

2°. La comparaison de ces résultats avec ceux d'autres études réalisées; en particulier l'étude réaliséeen 1991, par Droit & Pharmacie, à partir d'un autre échantillon de transactions.

2. 3. 2. Analyse statistique d'un échantillon de transactions, 1992-94

Méthodologie

L'échantillon étudié par l'auteur est composé de 21 transactions réalisées dans la période compriseentre janvier 1992 et avril 1994. Les données sont disponibles sur base de données Computasoft /Acquisitions Monthly 1987-1994. Les 21 cibles de transaction considérées comprennent à la fois dessociétés européennes (françaises, allemandes, anglaises), japonaises, et nord-américaines.L'échantillon semble donc relativement représentatif des différents marchés majeurs de l'industrie.Les chiffres sont tous calculés en dollars courants.

Sur les 21 cibles considérées:• 16 sociétés appartenaient à l'origine à des firmes dont l'activité principale se trouve dans l'industriepharmaceutique. Nous entendons ici pharmacie au sens strict, c'est-à-dire qu'elle ne comprend paspar exemple ni les biotechnologies ni l'hygiène-beauté (soins du corps, soins du cheveux,cosmétique, ....);• 5 sociétés appartenaient à l'origine, soit à des firmes dont l'activité principale n'est pas lapharmacie, soit à des institutions gouvernementales (2 cas de sociétés allemandes), autrement dit, àdes acteurs relativement absents du jeu concurrentiel de l'industrie.

Nous avons tenté au départ de calculer le prix de transaction en fonction de variables explicativestelles que le résultat net, le chiffre d'affaires, les actifs ou l'effectif. Le but était d'obtenir une équationlinéaire ou exponentielle du type:

Prix = (a x RNC) + (b x CA) + (c x Actifs) + (d x Effectif) + .... {équation linéaire}

ou encore du type, avec exp. = puissance:

Prix = (RNC exp. A) + (CA exp. B) + (Actifs exp. C) + (Effectif exp. D) + ....

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Une autre idée était de procéder à une analyse des corrélations linéaires deux par deux entre lesdifférentes variables, en particulier entre le prix de la transaction et le PER de la cible d'une part, etles autres variables d'autre part.

Malheureusement, cette recherche s'est avérée peu concluante:• du fait de la taille de l'échantillon, peu significative par rapport à un tel niveau de formalisationmathématique;• parce que, même à l'intérieur de l'échantillon, toutes les données nécessaires, n'étaient pasnécessairement disponibles;• enfin, parce qu'une telle formalisation, si elle apparaissait séduisante a priori, gommait par trop lesdifférences propres à chaque transaction, et devenait par suite relativement peu applicable à denouvelles transactions.

C'est pourquoi, l'étude s'est finalement concentrée sur les points suivants:

• voir si on observait une différence entre les sociétés vendues par des firmes dont l'activité principaleétait la pharmacie et les autres (cf supra)

• voir s'il était possible de distinguer des multiples ou des ratios moyens significatifs

Pour cela, les variables retenues parmi l'ensemble des données disponibles, sont:• le Multiple du CA, ratio (Prix transaction / CA)• le Multiple des Actifs, ratio (Prix transaction / Actifs Nets)• le Multiple du Résultat, ratio (Prix transaction / Résultat net)• le Multiple du Résultat d'exploitation, ratio (Prix transaction / Résultat d'exploitation)• le Multiple Effectif, ratio (Prix transaction / effectif en nombre de personnes)• la Proportion d'actions acquises sur la transaction considérée• le PER, Price Earning Ratio

Résultats

Proportion d'actions

Sur les 21 transactions considérées, 19 correspondaient à des prises de contrôle (prises departicipation majoritaires), et deux seulement à des prises de participation minoritaires.

Sur ces 19 transactions:• 14 concernent des prises de contrôle pour plus de la moitié du capital (le reste correspondant à destransactions pour moins de la moitié de la capital mais dans le cas où l'acquéreur avait déjà une partnon nulle des actions de la cible et ne faisait donc qu'augmenter sa participation);• 9 concernent des prises de participation à hauteur de 100% du capital, soit environ 50% del'échantillon.

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Aucune différence probante n'a été relevée entre la valorisation de prises de participation majoritaireset celle de prises de participation minoritaires, sinon que ces dernières n'étaient pas nécessairementmieux valorisées que les premières en regard du chiffre d'affaires. Sur ce plan, il ne sembleraitdonc pas exister de prime au contrôle de la cible.

Différence dans l'activité d'origine du vendeur

Les résultats figurent dans le tableau suivant.

- Différence dans l'activité d'origine du vendeur -

Mult.CA

Mult.Résultat

Mult.Rés. Expl°

Mult.Actifs

Mult.Effectif

`PER

MoyennePharma.

8,41(17)

26,42(2)

15,94(3)

14,29(6)

341,5(4)

47,97(3)

MoyenneAutre

0,72(4)

49,45(2)

22,32(1)

3,7(1)

93,5(1)

53,6(1)

Ecart-typePharma.

11,78(17)

70,63(2)

2,92(3)

13,81(6)

402,7(4)

34,2(3)

Ecart-typeAutre

0,48(4)

32,67(2)

nonsignificatif

(1)

nonsignificatif

(1)

108,19(1)

nonsignificatif

(1)

• Les chiffres entre parenthèses figurent le nombre d'entreprises sur lesquelles les données sontdisponibles ou significatives. En particulier, pour le calcul du multiple du résultat, n'ont pas été prisen compte les cibles dont les résultats étaient négatifs ou trop proches de zéro pour que le ratiocorrespondant soit significatif.

• Dans l'ensemble, on note une forte variance (ou dispersion) entre les moyennes de ratios; àl'exception de la moyenne du multiple du résultat d'exploitation, pour lequel l'écart-type estnettement plus petit que la moyenne. C'est donc visiblement le multiple Résultat d'exploitationqu'il faut considérer pour valoriser une affaire dans la pratique.

• Etant donné la dispersion des valeurs, on ne peut tirer d'autres conclusions probantes (sur lesmultiples CA, Résultat, Actifs nets, Effectif et PER). On peut simplement faire l'hypothèseraisonnable qu'une affaire est mieux valorisée par un vendeur, professionnel du secteur, et parconséquent capable de mieux tenir compte des éléments incorporels.

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Ratios de l'échantillon

Les résultats figurent dans le tableau de synthèse suivant.

- Ratios de l'échantillon-

Mult.CA(21)

Mult.Résultat

(4)

Mult.Rés.

Expl°(4)

Mult.Actifs

(7)

Mult.Effectif

(5)

`PER

(4)

Moyenne 6,9 54,7 18,1 12,8 258,9 49,4

Ecart-type 11,2 28,9 4,2 13,2 341 28,1

Minimum 0,33 26,4 13,9 3,7 17 23,8

Maximum 37,6 87,9 22,3 40,9 893 87,1

Les chiffres entre parenthèses figurent le nombre d'entreprises sur lesquelles les données sontdisponibles ou significatives. En particulier, pour le calcul du multiple du résultat, n'ont pas été prisen compte les cibles dont les résultats étaient négatifs ou trop proches de zéro pour que le ratiocorrespondant soit significatif.

• Dans l'ensemble, on note une forte variance entre les moyennes de ratios, à l'exception de lamoyenne du multiple du résultat d'exploitation (pour lequel l'écart-type est nettement plus petit quela moyenne).

Le multiple du résultat d'exploitation apparaît donc comme le critère le plus fiable et le plusopérationnel; il se place dans une échelle de 14 à 22.

• On ne peut tirer d'autre résultat de l'analyse statistique.

On peut néanmoins observer que le recours à une échelle minimum - maximum offre un critère deréférence pour valoriser des firmes pharmaceutiques dans la pratique. Aussi petits soient l'échantillonconsidéré et la teneur des résultats obtenus, une telle échelle peut pleinement servir:- comme référence objective dans la valorisation économique ou financière des firmespharmaceutiques: après avoir valorisé une affaire du secteur, on peut se référer à cette échelle pourvérifier que le résultat obtenu rentre dans le même ordre de grandeur;- comme argument (en étant utilisé comme précédent) dans les négociations d'acquisition, cession,fusion dans l'industrie pharmaceutique.

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Une telle échelle serait d'autant plus précieuse qu'elle serait mise à jour au fur et à mesure de laconnaissance de nouvelles transactions dans l'industrie.

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2. 3. 3. . Comparaison avec d'autres études

Cette comparaison s'appuie en particulier sur (cf Bibliographie):• une recherche de R. Hamael, dans Magazine Fusions & Acquisitions• une étude réalisée par Droit & Pharmacie et A Prime, datant de 1991

Comparaison de la pharmacie avec d'autres secteurs

En regard d'autres secteurs économiques, la pharmacie apparaît d'abord comme un secteur cher:faible volatilité des résultats; forte croissance et barrières à l'entrée élevées. Généralement, lesacquisitions dans ce secteur répondent à un souci de positionnement stratégique.

Comme pour toute entreprise, les négociateurs prennent en considération le chiffre d'affaires ou lerésultat net. Si aucune de ces données n'est disponible, les ventes futures des produits endéveloppement constituent la base des calculs. Le problème fondamental apparaît être ainsi pour lesnégociateurs la valorisation de la recherche: le goodwill doit s'apprécier sur des évolutions futures.Les produits éthiques étant issus de la recherche, la cible va chercher à dégager des plus-valuesimportantes pour compenser les investissements élevés auxquels elle a dû consentir: d'où des droitsd'entrée élevés. Il faut toutefois rapporter le prix d'acquisition à celui de la création d'une filiale.Georges Fillias (Roussel-Uclaf) par exemple compare le rachat d'un laboratoire à celui d'une marquede luxe.

Echelle de prix Droit & Pharmacie et A Prime

Droit & Pharmacie et A Prime fournissent une échelle de prix pour une prise de contrôle, selon lesmoyennes suivantes:- 23 à 27 le résultat net;- 13 à 16 fois l'autofinancement;- 8 à 11 fois le profit brut d'exploitation;- 3 à 3,5 fois la situation nette;- 15 à 18 mois de chiffre d'affaires."Un groupe qui a une croissance double de celle du marché verra son prix majoré de 20% et celuiqui connaît des ventes stationnaires verra son prix minoré de 10%". Source: Droit & Pharmacie, APrime.

Rappelons qu'il ne s'agit pas là d'une estimation moyenne à partir d'un échantillon de transactionseffectivement réalisées, mais simplement du résultat de la valorisation financière telle qu'elle a pu êtrepratiquée par Droit & Pharmacie et A Prime. Il ne s'agit pas d'une grille des prix, ou d'une indicationsur la manière dont un acquéreur valorise une affaire dans la pratique, mais d'une indication sur lafaçon dont des analystes extérieurs peuvent donner une valorisation financière, "objective", d'unefirme.

"Ces fourchettes d'évaluation sont élevées. Elles correspondent à peu près aux niveaux destransactions qui se sont opérées récemment".Ce niveau élevé d'évaluation financière tient aux spécificités sectorielles suivantes:- forte croissance dans les années passées (environ 10% par an);- ticket d'entrée élevé, pas tant en terme d'équipement que de produits (R&D) et de position acquisesur un marché complexe (législation, réglementation, diversité des prescripteurs, etc.);- bonne pérennité des résultats à un an."Source: Magazine Fusions & Acquisitions

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3. LA MESURE DE LA VALEUR ECONOMIQUE DES FIRMES PHARMACEUTIQUES

3. 1. Le Ratio R&D / CA n'est pas un critère pertinent

L'étude a montré que, malgré les a priori de départ, le critère R&D / CA n'a aucune significationéconomique:

"Le critère R&D / CA ne veut rien dire. Il est absurde."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

Nous allons tâcher de comprendre très exactement pourquoi un tel critère n'est pas pertinent pourune valorisation économique.

3. 1. 1. Le budget R&D n'est pas un critère pertinent, car le ROI * n'est pas une fonctioncroissante de la R&D

Une mesure empirique de 31 sociétés sur 19 ans 10

Une étude réalisée par deux chercheurs du Boston College sur 31 firmes pharmaceutiques (produitséthiques) montre que:

Résultat 1• Dans la recherche pharmaceutique, la productivité (définie par le nombre de nouvelles substanceschimiques actives découvertes par unité de R&D-dollars) est une fonction croissante de la taille de lasociété.

Résultat 2• Mais la dérivée seconde de cette fonction est négative: le niveau marginal de produits créés décroîtavec l'augmentation de la taille des sociétés. Le revenu marginal espéré est en effet inférieur au coûtmarginal certain. Ainsi, la valeur de la société baisse au fur et à mesure que la R&D augmente, àpartir d'un certain seuil. Autrement dit, qu'à partir d'un certain seuil, le ROI baisse quand les sommesconsacrées à la R&D augmentent.

Sur la base de cette très complète étude, les auteurs déduisent les propositions suivantes:- Proposition 1:La fonction de productivité de l'innovation d'une firme décroît au fur et à mesure que les sommesconsacrées à la R&D augmentent.- Proposition 2:La fonction de productivité de l'innovation d'une firme décroît au fur et à mesure que la taille de lafirme augmente.

Pour expliquer ce double phénomène, à savoir:• une relation positive entre le nombre de nouveaux médicaments commercialisés et les dépenses deR&D.• mais une décroissance du revenu marginal quand les dépenses de R&D augmentent. 10Etude Langowitz-Brave, Boston College, USA. Cf Bibliographie

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Les auteurs de l'étude avancent que:• les plus grosses firmes entreprennent des recherches plus risquées, et par suite, supportent le"fardeau du pionnier", i. e. des résultats plus incertains;• les plus grosses firmes supportent une inefficience organisationnelle.

Néanmoins, l'étude révèle que la taille implique aussi plus d'innovations, plus de nouveaux produits,un portefeuille de projets R&D plus large, même si ces projets sont caractérisés par une espérancede profits et un niveau de risque plus élevés.

En conclusion, les auteurs de l'étude recommandent aux firmes pharmaceutiques:

• de décentraliser les centres de recherche en centres de coûts autonomes, avec des budgets et deseffectifs propres. Cette approche a d'ores et déjà été adoptée chez Merck.

• de gérer soigneusement les carrières des chercheurs. Les firmes qui promouvraient leurs meilleurschercheurs à des postes de management perdraient du même coup leur avantage de créativité.

• de développer des alliances stratégiques avec les autres laboratoires.

Le budget R&D n'est pas une mesure de la qualité de la R&D

• Le revenu tiré des dépenses R&D n'est pas une fonction croissante de leur montant. Il peut parexemple exister des prescriptions pour lesquelles le coût de découverte de la molécule active a éténul ou négligeable; ceci, même si les coûts des phases * de R&D suivantes existent toujours.Certains laboratoires ont directement tiré parti de ressources naturelles existantes (fleurs, principesactifs existant dans les forêts/marécages, ...) sans avoir à réaliser de travail de recherche important.

- C'est le cas par exemple dans les classes thérapeutiques des anticancéreux et des antibiotiques.Pour cette dernière classe, un des produits existants a été découvert par l'observation de la matièreen décomposition: on a constaté en effet que sous certaines conditions de fermentation (due à ladécomposition de la matière), aucun germe ne se développe dans les marécages. On en a déduitqu'il existe une substance naturelle qui inhibe le développement de germes. Cette substance a étéidentifiée: il s'agit d'un champignon. Sur cette base, a été construite ensuite une nouvelle molécule,principe actif d'un nouvel antibiotique.Sources: Synthèse Entretiens Industrie pharmaceutique

• L'investissement dans un meilleur équipement informatique n'est pas non plus garant d'unemeilleure R&D, et fournit un autre exemple de la difficulté d'évaluer la qualité de la R&D par unsimple ratio rapporté au CA.

- Ainsi: "Récemment, de grands laboratoires se sont équipés de nouveaux systèmes informatiquesqui permettraient d'appliquer certains résultats de mécanique quantique dans le screening et ladécouverte de nouvelles molécules. Les analystes ont interprété positivement cette décision. Rien neprouve pour l'instant qu'un tel procédé permette effectivement la découverte de molécules rentables,et qu'une telle décision soit réellement créatrice de valeur."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

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3. 1. 2. Le ratio R&D / CA reste trop global pour pouvoir mesurer pertinemment la qualité de larecherche

On aurait pu penser alors que le ratio R&D / CA aurait pu avoir un sens, surtout si l'on prenaitégalement en compte le nombre de secteurs thérapeutiques et pathologiques sur lesquels seconcentrent les dépenses de recherche, ou l'effectif de chercheurs affectés à telle classe thérapeutiquepar rapport à l'effectif total des chercheurs.

A la réflexion, ce critère s'est avéré inutilisable.

Les définitions économique et comptable de la R&D posent des problèmes

Définition économique

Le ratio R&D n'est pas pertinent parce que, pratiquement, il n'est pas défini de la même manière parles différents laboratoires. Doit-on par exemple incorporer les dépenses de R&D post-lancement? Unlaboratoire doit en effet, une fois le produit lancé, procéder à des études épidémiologiques: il suit lesprescriptions sur un échantillon représentatif de patients pendant toute la durée du traitement, afin desurveiller en particulier les effets secondaires en fonction des profils de patient. Il s'agit de ce qu'onappelle parfois la phase 4 * de R&D, ou pharmacovigilance *.

La firme pharmaceutique a le choix d'intégrer ou non les coûts associés à cette phase dans sesdépenses de R&D.• Il arrive fréquemment que ces coûts associés puissent se transformer en investissementspromotionnels: à l'origine, le laboratoire paie le médecin pour qu'il surveille le profil du patient; defait, il donne souvent de l'argent au médecin pour que celui-ci incite à la prescription.• Ou encore que ces coûts soient simplement le fait de dépenses associées à la publicationscientifique.Les coûts associés à la phase 4 pourraient donc, dans la majorité des cas, aussi bien êtrecomptabilisés comme dépense marketing que comme dépense de R&D. Un tel phénomène remetd'autant plus en cause la détermination du ratio R&D / CA que de tels coûts rentrent pour uneproportion non négligeable dans le total des coûts de R&D. (40% environ. Source: EntretienIndustrie pharmaceutique).

Par conséquent, un analyste financier qui par le simple jeu des ratios trouverait un ratio R&D / CAde 16% pour une firme (A) et un ratio de 15% pour une firme (B), et en déduirait que la R&D de lafirme (A) est meilleure, porterait par la suite un jugement erroné."Une telle déduction serait fausse."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

Un consultant résume laconiquement:"On ne sait pas ce qui est mis dans la R&D"Source: Entretien Conseil en Management

Définition comptable

Une communication faite à l'Association française de Comptabilité en 1993 par C. Thibierge,professeur à l'ESCP vient confirmer ce dernier point. Les entretiens suivants réalisés avec des

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responsables comptables ou financiers lors de cette étude montrent que la définition comptable poseaussi problème.

"Nous considérons comme Recherche tout ce qui est avant l'AMM, c'est-à-dire tout ce qui peutaider à constituer le dossier d'AMM. Notamment, nous incluons les frais des attachés de rechercheclinique qui se déplacent dans les hôpitaux, le traitement statistique de ces données (cellulebiométrie), les amortissements des ordinateurs, les salaires des gens qui y participent, les honorairesdes praticiens externes.Après l'AMM, nous considérons que c'est du Marketing. Notamment les études qui permettent auxmédecins de mieux connaître le médicament."Source: Entretien Hoechst (étude C. Thibierge).

"La R&D française est orientée vers la toxicologie des médicaments dans leurs différentes phases dedéveloppement (avant AMM) ou après (méthodes de fabrication). Nous incluons aussi les taxesannuelles pour le maintien de la protection juridique des produits." Source: Entretien Merck & Co(étude C. Thibierge).

"Nous incluons aussi dans les frais de R&D les frais de maintien du produit médical. J'entends par làl'entretien de la recherche, qui consiste en la pharmacovigilance, et en investigations diverses pours'adapter aux normes, qui évoluent toujours... Normalement, nous n'affectons pas de dépenses derecherche à d'autres rubriques comptables. Toutefois, deux cas méritent d'être soulevés: l'exportationde la recherche .... et les déplacements des collaborateurs ... où l'affectation n'est pas facile."Source: Entretien Ethypharm (étude C. Thibierge).

3 1. 3. Mais de nouvelles approches de la R&D, si elles étaient appliquées à l'industriepharmaceutique, pourraient s'avérer extrêmement fructueusesSource: Arthur D. Little 11

• A la réflexion, la question fondamentale à laquelle il s'agit de répondre pour choisir une méthoded'évaluation de la R&D, et porter un jugement sur la qualité de sa contribution à la création devaleur au sein de la firme, est la suivante:

"La R&D peut-elle être encore être considérée comme un actif comme elle l'a été dans les années1970?"

A cette époque, les entreprises allouaient en effet un budget R&D à hauteur d'un certain pourcentagede leurs ventes, et ce budget était lui-même alloué projet par projet, sans grand rapport avec lesorientations stratégiques de l'entreprise. La société de conseil Arthur D. Little rejette justement cetteapproche, qu'ils appellent "la R&D deuxième génération" et proposent une approche nouvelle reliantla politique de R&D et la stratégie générale de l'entreprise, i.e.:- la gestion d'un portefeuille de projets R&D sélectionnés par leur importance stratégique et leurintégrabilité dans le savoir-faire et les compétences distinctives de l'entreprise.

En effet:

1 • L'approche traditionnelle de la R&D (ou R&D dite de Première Génération) est dépassée. Lesdépenses de R&D ne peuvent plus être traitées comme des frais indirects. Les budgets ne peuventplus être établis en fonction des résultats commerciaux (le CA), ou à un niveau que la pratique

11"'Third Generation R&D. Managing the link to Corporate Strategy". Cf Bibliographie

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industrielle juge raisonnable. A l'extrême, cette logique conduit à ce que les budgets soient projetésuniformément des années à l'avance.

2 • L'approche contemporaine (ou R&D dite de Deuxième Génération) se montre insuffisante. Ellerepose sur la soumission des programmes à un processus rigoureux de justification financière, fondésur la VAN. La Direction de l'entreprise présentant les projets de R&D comme un investissement (cequ'ils sont dans une certaine mesure), cherche par suite à fonder leur justification sur le taux derendement de l'investissement. Mais, par définition, il est difficile de prévoir la rentabilité d'un projetde R&D, surtout si celui-ci vise à la réalisation d'une innovation significative. En conséquence, laR&D Deuxième Génération est orientée vers des programmes plus conservateurs de typeincrémental, i. e. la R&D avec un petit "r" et un grand "D". Ainsi, la R&D Deuxième Générationaboutit à une succession de petits progrès technologiques, sans découverte ni développement deconnaissances nouvelles. Concrètement, la R&D des firmes pharmaceutiques s'oriente moins vers lesproduits éthiques que vers les génériques.

3 • Mais la R&D ne saurait être réduite à:- une fonction qui produit occasionnellement des résultats;- une fonction orientée sur des projets ponctuels (i. e. une gestion de projet qui assimile la R&D àune activité sous contrat).C'est pourquoi il est nécessaire d'adopter une troisième voie dite R&D de Troisième Génération, afinde dépasser le stade de la simple planification financière de la recherche. Le succès de certainesentreprises de pointe a révélé en effet la capacité de la technologie à accroître la valeur del'entreprise. Les entreprises de high tech performantes seront donc clairement celles qui saurontdécloisonner les fonctions de stratégie et de R&D.

Dans cette optique, la grandeur des investissements R&D n'est plus le problème: on ne dépenserajamais assez. Il faut en revanche essayer d'évaluer simultanément:- l'efficacité (1) de la R&D- et sa compatibilité avec la stratégie du groupe (2).

Pour les firmes pharmaceutiques, la question revient donc à: comment intégrer la R&D à lastratégie commerciale et à la stratégie de groupe?

Une telle intégration devrait se faire en tout cas en fonction:- de l'Orientation des programmes de R&D- de leur Degré de risque- de leur Taux d'innovation

• On voit combien l'évaluation de la R&D peut dépendre des préoccupations stratégiques d'unefirme, suivant sa volonté d'intégrer ou non la fonction R&D dans sa gestion de groupe. En clair:- en théorie: la réflexion sur l'évaluation de la R&D peut considérablement s'enrichir des approchesdéveloppées sur l'intégration entre Stratégie et Technologie, comme nous le reverrons plusprécisément plus tard (cf infra);- en pratique: le choix d'une méthode d'évaluation des projets R&D peut aller jusqu'à relever d'unedécision de politique générale d'entreprise ou d'organisation.

Comme le démontre en effet Bruce Old12, il existe une relation forte et positive entre la profitabilité àlong terme et la proportion de cash-flows investis dans la R&D et dans le capital productif qui

12"Corporate Directors should rethink technology", Harvard Business Review, janvier-février 1982, cité dans "'ThirdGeneration R&D. Managing the link to Corporate Strategy". Cf Bibliographie

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s'ensuit. Si l'on compare globalement cette dernière conclusion avec celles de l'étude de Langowitz etGraves, il en ressort que la question-clé à laquelle on peut tenter de répondre maintenant, c'est:- de savoir s'il y a véritablement un seuil critique de R&D, et si oui, quelle valeur il a.

3. 1. 4. En conclusion, la question du seuil critique de R&D reste posée

• Selon Droit & Pharmacie, il apparaît "indéniable" que pour demeurer un laboratoire innovant auniveau international, au moins une condition est nécessaire:- avoir une taille suffisante pour pouvoir financer une recherche systématique et généraliste de bonniveau, ce qui veut dire pouvoir consacrer 1 milliard de francs par an à la R&D, et pour cela unchiffre d'affaires de 7 à 8 milliards de francs au minimum.

• Comme il a été vu auparavant et comme on pourra le voir également par la suite, la découverte denouvelles molécules peut se faire presque par hasard; une molécule initialement recherchée pour unsecteur thérapeutique donné peut s'avérer bien plus intéressante pour un autre secteur thérapeutique,couvert par un marché potentiel plus grand. C'est pourquoi il apparaît effectivementéconomiquement justifié de pouvoir réaliser une R&D généraliste, et pour cela, d'être en mesure d'yconsacrer les moyens nécessaires.

• Rappelons par ailleurs que ce raisonnement est valable parce que nous entendons essentiellementpar firmes pharmaceutiques, les firmes qui conçoivent des molécules innovantes et produisent desprescriptions. La pertinence de la notion de taille critique de R&D semble proportionnelle au degréd'innovation du laboratoire. Ainsi: "Seule une taille critique de R&D permet de produire lesmolécules innovantes". Source: Entretien Industrie pharmaceutique. Mais, le seuil critique de R&Ddoit être calculé en fonction de la stratégie et de la taille de la firme. Par exemple, "les blockbusters *ne viendront pas aujourd'hui d'un laboratoire local, du fait du coût trop important des tests cliniques"Source: Entretien Industrie pharmaceutique.

Résultat

A partir du classement R&D mondial des différentes firmes pharmaceutiques, on peut estimer le seuilcritique en fonction de la taille et de la stratégie de la firme.

- Détermination du seuil critique de R&D -

Valeur du seuil critique Stratégie / Taille de la firme

1 Milliard USD World-class player

700 Millions USD Firme de niveau européen ou équivalent

1 Milliard FF Firme nationale (marché domestique)

Source: Eli Lilly & Company

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Par exemple, pour construire "un volume suffisant de R&D, le seuil minimal est estimé parSynthélabo à 1 milliard de francs"Source: R. Hamel, Fusions & Acquisitions.

• On peut enfin formuler une dernière réserve à l'égard de la notion de seuil critique de R&D: celle-cidoit être estimée non seulement à l'aune de la stratégie et de la taille de la firme, mais également deson degré de spécialisation thérapeutique. L'activité pharmaceutique ne se réduit pas au type derecherche fondamentale conduite par les plus grands groupes. Des groupes correctement spécialisés,qui concentrent leurs efforts au développement de produits sur des classes thérapeutiques ou despathologies déterminées, "ont encore un avenir en France." (source: Droit & Pharmacie).

C'est en fait la pérennité de laboratoires qui n'auraient pas la taille critique pour être à même definancer une recherche onéreuse, et qui prétendraient d'autre part à un développement de typegénéraliste, qui apparaît à terme compromise. La notion de seuil critique de R&D doit être analyséerelativement à la stratégie de développement du laboratoire sur son portefeuille de classesthérapeutiques.

Enfin, l'on peut finir de nuancer le jugement porté sur la qualité de la R&D d'une firmepharmaceutique, en comparant plusieurs indicateurs externes, même si leur fiabilité est variable.

Indicateurs externes pour nuancer le seuil critique de R&D

• Le développement du portefeuille de relations avec des institutions comme l'INSERM et le CNRSpeut être un indicateur supplémentaire.

• Le nombre de prix Medec (sur l'ensemble des chercheurs de la firme) décernés ne paraît pas être unindicateur fiable de la qualité de la R&D, puisqu'il est auto-décerné par la profession.

• En revanche, le nombre de prix Galien et de prix Nobel apparaissent comme de bons indicateurssupplémentaires pour nuancer le jugement sur la qualité de la R&D. Le prix Galien est décerné parun jury de chercheurs et de prix Nobel. Le nombre de prix Nobel lui-même est, selon l'avis desscientifiques, la base de la valeur d'un laboratoire pharmaceutique. Il semble relativement corrélé aucaractère innovant des molécules découvertes; la capacité d'innovation d'un laboratoire étant l'unedes deux compétences distinctives fondamentales dans l'industrie, avec le savoir-faire en marketing.Un tel critère, original, ne paraît donc pas inutile.Sources: Synthèse Entretiens

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3. 2. Le portefeuille d'accords/alliances/licences

3. 2. 1. Les avantages d'une alliance dans une industrie de haute technologie

A priori, les accords/alliances/licences peuvent:- renforcer les avantages compétitifs des firmes;- contribuer à augmenter leur profitabilité;- générer une valeur économique marginale.

Pour cette raison, le nombre d'accords de joint-venture et d'alliances signés par une firme avec dessociétés du secteur peut apparaître comme un indicateur de performance fiable. Ne serait-ce queparce qu'un grand nombre d'alliances peut être le signe d'une position dominante, ou forte, de lafirme au sein du secteur. En fait, les alliances/accords peuvent présenter un certain nombred'avantages pour les firmes de haute technologie, à un coût de fonctionnement et de restructurationmarginal réduit:• des possibilités d'économies d'échelle aux niveaux de la production;• le partage du risque de R&D;• le gain d'expérience et d'expertise dans les domaines d'excellence R&D du partenaire;• le développement des technologies nouvelles et coûteuses;• le co-développement de projets importants;• une présence globale sur les marchés;• l'échange de produits;• la commercialisation conjointe(économies de marketing, distribution et force de vente)

Cette série d'avantages explique sans doute la multiplication des accords de partenariat dansl'industrie pharmaceutique, au sens large: joint ventures, co-marketing *, co-promotion, licensing,co-développement de produits.

Il est possible de dresser une typologie de tels accords de partenariat:

Accords de licence -> Joint-ventures -> Alliances stratégiques

Chacun de ces maillons pouvant être considéré comme une ponctuation dans la vie des sociétéspharmaceutiques, en fonction de leur maturité. D'une façon très marquante, c'est le leader mondial,Merck, qui a pris l'initiative sur le terrain des alliances stratégiques majeures: en 1988, avec Johnson& Johnson, en 1989, avec DuPont.

3. 2. 2. Les critères à retenir pour évaluer le portefeuille d'accords

Critères stratégiques

Les entretiens ont effectivement confirmé l'importance du portefeuille d'accords dans la valorisationéconomique des firmes pharmaceutiques. Par exemple:

"Le portefeuille d'alliances/accords/licences avec d'autres laboratoires me semble être un critèreoriginal et pertinent. C'est un indicateur du niveau de sophistication du management, car il est

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nécessaire pour un laboratoire d'être particulièrement créatif pour développer des accordsintéressants."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

Plus précisément, le portefeuille d'accords d'une firme pharmaceutique doit être jugé en fonction:• de son pipeline• de sa santé financière• des classes thérapeutiques sur lesquelles elle se trouve.

La série de cas suivants d'évaluation d'accords, tirés de la réalité, permettra de voir très précisémentpourquoi13.

• Cas 1

Glaxo a aujourd'hui une très bonne surface financière. Son portefeuille d'accords est réduit, du faitque la société commercialise elle-même la majorité des produits qu'elle conçoit. Cela ne faitqu'augmenter sa rentabilité (cercle vertueux).

• Cas 2

Au contraire, un laboratoire qui aurait un mauvais pipeline et se reposerait sur ses produits serait peuprometteur, et verrait son ROI baisser à terme. L'actionnaire aurait dans ce cas intérêt à désinvestir.

• Cas 3

Un laboratoire est spécialisé sur une ou deux niches pathologiques. L'analyse de l'évolution et de lastructure du CA permet d'envisager un investissement, car il en ressort un certain nombre de succès.L'analyse de son portefeuille d'accords montre en revanche que la quasi-totalité des produitscommercialisés sont le résultat de prises de licence. Dans ce cas, il serait intéressant pourl'investisseur de voir quelle est la teneur précise de chaque licence, et au moins de savoir son champd'application, sa durée de validité. Ce qui apparaît, c'est que l'on a affaire, non pas à un laboratoire,mais presque à un agent commercial. Ainsi, il serait nécessaire d'examiner la compétitivité de la forcede vente de l'entreprise par rapport à d'autres sociétés similaires, spécialisées uniquement dans lacommercialisation des médicaments; en particulier: l'image de la firme et l'expertise de la force devente par pathologie.

• Cas 4

Glaxo et Fournier ont développé en France un double accord de co-promotion et de co-marketing.Glaxo a, comme on l'a vu dans le cas 1, une stratégie de "do it yourself". Comment apprécier alors laqualité de l'accord Glaxo-Fournier? S'agit-il réellement d'un accord utile et profitable pour Glaxo?N'est-il pas en contradiction avec la stratégie affichée? Apporte t-il une valeur économique marginaleou nuit-il à la valeur de la firme? Et qu'en est-il pour Fournier, dans le cas où c'est cette dernièrefirme que l'on évaluerait? Pour répondre à ces questions, l'expérience montre qu'il faut replacerl'accord dans son environnement économique. En effet, l'accord Glaxo-Fournier n'est pas le seul dece type. De fait, cet accord appartient à la classe plus générale des accords passés entre laboratoiresanglo-saxons et laboratoires français sur le marché français, comme par exemple l'accord SmithKlineBeecham - Pierre Fabre qui commercialisent la même molécule sous deux marques différentes, dans

13Sources: Entretiens Industrie pharmaceutique / Etude Precepta, Impacts stratégiques du comarketing dansl'industrie pharmaceutique en France, Octobre 1993.

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le secteur thérapeutique des antibiotiques.14. Les laboratoires français considérés ici (Pierre Fabre,Fournier, ...) sont en effet des laboratoires en difficulté financière, et d'autre part, informellementprotégés par les pouvoirs publics locaux qui ne désirent pas voir disparaître des entreprisesfournisseurs d'emploi au niveau local. Réciproquement, les laboratoires anglo-saxons considérés ici(SmithKline, Glaxo, ...) sont des firmes qui se heurtent au protectionnisme des pouvoirs publics pourla commercialisation d'une nouvelle molécule en France, même si cette molécule enregistré dessuccès sur d'autres marchés.

Un accord associant les deux types de laboratoires considérés peut alors générer de véritables trade-offs:- En commercialisant conjointement la molécule avec un laboratoire français, le laboratoire anglo-saxon cède un peu de revenu, mais gagne en échange de pouvoir pénétrer le marché français.- Le laboratoire français obtient à très faible coût un revenu marginal, qui lui permet d'améliorer saprofitabilité et sa situation financière.- Les pouvoirs publics garantissent des emplois en sauvant des laboratoires français.

On voit, à travers ce cas, que la perception du laboratoire par les autorités de tutelle et lesgroupes de lobbying est un facteur déterminant dans son développement. Par exemple, Glaxo a unmonopole sur la migraine au Danemark, sans que ne lui soit fait de procès pour abus de positiondominante. A un degré moindre, Wellcome a bénéficié de prix très avantageux sur l'AZT aux Etats-Unis, avant d'être obligé aujourd'hui de réduire ses prix devant les pressions de la très puissanteassociation Act-Up. A l'inverse, Roussel-Uclaf a cédé tous ses droits sur la RU 486 aux Etats-Unis,pour éviter un boycott devant la pression des associations de consommateurs. La politique decommunication maîtrisée du médicament est un facteur-clé dans cette industrie très fortementréglementée.

Dans le cas précis de l'accord Glaxo - Fournier, les forces de vente et les efforts commerciaux serépartissaient ainsi: ventes hôpitaux pour Fournier (autrement dit, les ventes à l'administrationpublique); ventes officines pour Glaxo (autrement dit, les ventes aux entreprises privées). Au niveaulocal de la région ou du secteur commerciaux, la concurrence est limitée entre Glaxo et Fournier.Sur le terrain, des arrangements sont décidés pour convenir d'une position dominante de l'une oul'autre firme, et optimiser ainsi l'effort de chacune des deux firmes pharmaceutiques. Un tel accordenglobe même formellement des arrangements sur les volumes de vente de chacun des deuxprotagonistes. Il est clair qu'une telle alliance est bénéfique pour chacune des deux firmes, même si àpremière vue:- on pourrait se demander en quoi cet accord est cohérent avec la stratégie affichée du groupeGlaxo;- on pourrait se demander en quoi cet accord ne reflète pas une déficience la R&D du groupeFournier.

Là encore, on constate que même les analyses plus qualitatives que quantitatives des banques etinstitutions financières peuvent s'avérer radicalement insuffisantes pour porter un jugement. Sansaller peut-être à porter un avis aussi tranché que celui de cet industriel, "les rapports des analystesfinanciers se limitent souvent à une description superficielle des activités du laboratoire... le senscritique fait bien souvent défaut." (source: Entretien Industrie pharmaceutique).

De même, si les pouvoirs publics font peser une menace de baisse des prix sur un produit éthiquecommercialisé par un laboratoire étranger, alors celui-ci a un intérêt. économique à passer un accord

14La molécule dont il s'agit est la Ramitidine. Les deux marques sont l'Augmentin ®, pour Smithkline Beecham, et leSibler ®, pour les laboratoires Pierre Fabre.

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de co-marketing avec un laboratoire français, pour que les pouvoirs publics ne mettent pas àexécution leur menace.

Un dernier cas, plus général, peut être tout simplement que l'un des laboratoires a trop de moléculesen développement mais sans la capacité financière correspondante, tandis que l'autre laboratoire esten panne de R&D, mais avec une meilleure capacité financière.

Il est donc en conclusion extrêmement important pour l'analyste d'être capable d'apprécier la valeurstratégique d'un accord de co-marketing ou de licence. Et pour cela, une connaissance au moinssuperficielle de l'industrie est nécessaire, au-delà de la connaissance pure et simple des chiffres.

Critères organisationnels (cas d'une alliance/joint-venture transnationale)

Nous avons pu dégager plusieurs critères "stratégiques" pour évaluer le portefeuille d'accords d'unefirme pharmaceutique. Ces critères sont propres à l'industrie; ils peuvent également s'appliquer à touttype d'accord Si de tels critères prennent en considération la qualité de la stratégie des partenaires, ilsne tiennent cependant pas compte de la qualité de l'organisation, dans le cas spécifique où l'accordaboutit de fait à la création d'une nouvelle organisation.

Une analyse plus fine sur des critères organisationnels s'avère donc nécessaire dans le cas spécifiquedes alliances/joint-ventures transnationales. C'est ce que montre une étude de McKinsey &Compagnie, réalisée par Joel Bleeke et David Ernst sur 150 sociétés15.

Les conclusions de l'étude sont les suivantes:

Conclusion 1

• Les alliances sont plus efficaces lorsqu'il s'agit de diversification ou de pénétration de nouveauxmarché géographiques. 62% des 37 alliances étudiées présentant une complémentarité géographiqueont réussi pour les deux partenaires, contre un taux de 25% dans le cas des alliances présentant unchevauchement géographique moyen ou important. Le chevauchement géographique est donc uncritère organisationnel pertinent.

Utilisation du critère dans l'industrie pharmaceutique

- il est possible et aisé d'avoir accès aux informations (structure du CA) permettant de conclure surle chevauchement géographique;

- l'expérience montre qu'un tel critère s'est plutôt avéré pertinent dans la pratique. L'industrie étantcaractérisée par des réglementations locales complexes (forte barrière à l'entrée, élevée par lespouvoirs publics) et un coût de conception des produits important, le critère de l'étude Bleeke-Ernstapparaît pertinent.

Les entretiens que nous avons menés confirment cette tendance.

15"The way to win in cross-border alliances,", Harvard Business Review, novembre-décembre 1991

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"Les accords qui reposent sur la complémentarité géographique ont une en général une valeurstratégique extrêmement grande. Notamment lorsque la complémentarité géographique permet à l'undes partenaires de pénétrer le marché américain, et l'autre, le marché européen. Cette valeur est enfind'autant plus grande que les partenaires associent des gammes complémentaires. En particulier parcequ'il en résulte des partages d'expérience et de frais de R&D très importants."Source: Entretien Conseil en Stratégie

Conclusion 2

• Les alliances de type 50-50 ont plus de chances d'aboutir que celles où l'un des partenaires estmajoritaire. Mais, plus que la propriété financière, c'est la rigueur du contrôle de gestion qui importe.D'autre part, les alliances entre deux partenaires forts offrent moins de risques que celles avec unpartenaire faible16 (les alliances entre deux partenaires forts ont réussi pour 67% des cas étudiés,contre 39% pour les allliances concernant un partenaires faible). L'égalité des parties est donc uncritère organisationnel pertinent.

Exemple

Une entreprise américaine de produits pharmaceutiques avait sous-estimé la nécessité d'avoir unpartenaire fort en s'alliant à une firme japonaise relativement faible. L'entreprise américaine avaitchez elle une part de marché importante, une bonne gamme de médicaments et de réelles capacitésen matière de R&D. Comme elle voulait se développer au Japon, elle s'est associée à une entreprisede second ordre qui disposait d'une bonne force de vente, au lieu d'en choisir une parmi lesprincipales sociétés pharmaceutiques japonaises, dont les produits risquaient de lui faire tropdirectement concurrence. Ce partenariat a échoué pour plusieurs raisons:- i) La force de vente de l'entreprise japonaise était mal gérée et n'a pas atteint les objectifscommerciaux fixés par son partenaire occidental;- ii) Le partenaire japonais n'a pas réussi, pour des médicaments qui avaient bien marché ailleurs, àsurmonter l'obstacle du système administratif japonais, très complexe quant au développement et àl'AMM des produits. Il n'avait pas les contacts nécessaires pour les demandes d'AMM, ni lesressources techniques et financières suffisantes pour investir dans la commercialisation. L'excellentequalité des produits et la prééminence du partenaire occidental n'ont pas suffi à compenser lesfaiblesses de son associé. La conclusion est, qu'à l'envers du bon sens, une alliance avec unconcurrent local puissant peut générer plus d'utilités qu'une alliance avec un suiveur local, même s'ilexiste un risque de transfert de technologie.

Utilisation du critère dans l'industrie pharmaceutique

- il est possible d'avoir accès aux informations (taille des partenaires; structure de l'accord)permettant de conclure sur l'égalité des forces;- le critère de l'étude Bleeke-Ernst s'appuie sur un exemple tiré de l'industrie. Les entretiens que nousavons menés n'ont ni confirmé ni infirmé cette tendance.

Conclusion 3

16 La faiblesse relative d'un partenaire est fonction:- d'un critère interne: son poids (en %) dans l'alliance- de critères externes: sa taille (CA) et sa compétence intrinsèque

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• Un partenariat a plus de chances de résoudre les inévitables conflits quand il se matérialise à traversune équipe autonome, capable de prendre toutes les décisions opérationnelles. A un moment ou à unautre de la vie de l'alliance, les marchés changent, de nouvelles technologies apparaissent, les besoinsdes clients se transforment. De même, les stratégies, les compétences, et les ressources des sociétés-mère peuvent évoluer. La flexibilité est donc nécessaire. Le lien entre flexibilité et réussite est trèsétroit: environ 67% des alliances de l'échantillon se sont trouvées en difficultés au cours des deuxpremières années, et les alliances qui ont réussi sont celles qui ont évolué (parmi les alliances qui ontévolué, 79% ont été considérées comme un succès). D'autre part, la façon la plus efficace de rendreflexible une alliance consiste à lui donner l'autonomie de gestion: une organisation qui lui soit propre;le pouvoir de décision pour tous les problèmes opérationnels. Il en résulte que l'autonomie degestion de la joint-venture (dans le cas d'une telle alliance) est également un critère organisationnelpertinent.

Utilisation du critère dans l'industrie pharmaceutique

- il semble possible mais plus difficile d'avoir accès aux informations (société et poste d'origine,carrière des décisionnaires; fonctionnement organisationnel interne) permettant de conclure surl'autonomie de gestion;

- ce critère de l'étude Bleeke-Ernst semble plus délicat à manier. En particulier, les joint-ventures quiont réussi dans le secteur n'avaient pas forcément une organisation propre et une autonomie degestion qui couvraient l'ensemble des fonctions a priori nécessaires pour réussir (R&D parexemple); les joint-ventures peuvent se limiter à du simple co-marketing, et s'avérer utiles sans queleur chaîne de valeur soit plus intégrée. Néanmoins, une telle démarche, prenant en compte la réalitéorganisationnelle de l'alliance, pourrait s'avérer pleine de promesses.

3. 2. 3. Conclusion

La conclusion est simple:

"Le nombre d'alliances faites avec les universités et les petites entreprises me semble effectivementêtre un critère très pertinent pour mesurer la qualité de la R&D, beaucoup plus que le nombre deproduits développés dans le pipeline. En fait, l'ouverture sur l'extérieur, les partenariats, et lescontacts me semblent fondamentaux pour sortir de nouveaux produits."Source: Entretien Conseil en Stratégie

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3. 3. Le portefeuille de produits

3. 3. 1. La Description quantitative du portefeuille de produits

Le portefeuille des produits de la firme est l'un des trois critères fondamentaux qu'utilise Droit &Pharmacie pour procéder à "leur évaluation pharmaceutique". Le portefeuille de produits peut êtreanalysé sur cinq ans, voire sur les trois dernières années, selon les données disponibles. Il s'agit eneffet d'analyser la structure du CA par produits.

Dans cette optique, le portefeuille de produits peut être évalué en respectant les règles suivantes:

• Seules les ventes des spécialités pharmaceutiques réalisées dans les officines en France sont prisesen compte car ce sont celles qui, compte tenu de l'abondance des informations, permettent parrecoupement, avec l'aide des laboratoires, d'obtenir les meilleures estimations (l'étude considérée deDroit & Pharmacie ne portant que sur des laboratoires français).Source: Droit & Pharmacie, A Prime

• Les ventes hospitalières, les ventes de produits conseils ou les ventes Grand Public n'entrent pasdans l'évaluation. Le chiffre consolidé des ventes permet cependant d'en apprécier l'importance, demême pour les ventes à l'étranger, distinguées le plus souvent des ventes spécifiquement locales.Cela semble particulièrement pertinent d'apprécier en effet la part de l'activité hors circuitcommercial, et de distinguer: d'une part, les grands acheteurs institutionnels tels que centresspécialisés, hôpitaux; et d'autre part, le circuit commercial direct, où la concurrence n'est pas lamême.Sources: Synthèse Entretiens Conseil

• Pour les ventes en officines des spécialités pharmaceutiques, l'évaluation globale sur cinq ans estprécisée, ainsi que l'évaluation produit par produit, à hauteur de 80% du portefeuille du laboratoire.Cette analyse dynamique permet d'évaluer les tendances de chacun de ces produits à l'intérieur duportefeuille.Source: Droit & Pharmacie, A Prime

• La part de marché relative (par rapport aux concurrents), et l'existence ou non de génériquesfournissent des éléments complémentaires sur la solidité du portefeuille.Source: Droit & Pharmacie, A Prime

3. 3. 2. Présence sur les marchés majeurs et portefeuille international

On peut rajouter à cette première description l'analyse du chiffre d'affaires par pays, dans le cas defirmes qui réalisent une part significative de leurs activités à l'étranger. On pourra en particulierobserver si la firme se trouve ou non sur l'ensemble des pays majeurs, à savoir les Etats-Unis, leRoyaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Japon, et si oui, si toutes les moléculescommercialisées sur l'un des marchés, le sont aussi sur les autres.

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"La présence sur l'ensemble des grands marchés est cruciale pour valoriser rapidement et dans lesmeilleures conditions les résultats de la recherche. Il faut être présent sur les principaux marchés, aumoins européens'"Source: Entretien Droit & Pharmacie.

• Une firme, déjà présente sur l'ensemble des marchés majeurs, i. e. commercialisant au moins unemolécule sur chacun de ces marchés, cacherait une source de valeur, si la totalité de ses moléculescommercialisables n'était pas commercialisée sur au moins l'un des marchés majeurs. Elle pourrait apriori commercialiser le "solde" de ses molécules sur chacun des marchés majeurs non totalementinvestis, pour un coût relativement faible. Il faut cependant bien sûr tenir compte des contraintesréglementaires pour s'assurer d'un réel potentiel de marché local.

Exemple

Firme (A) - 3 molécules commercialisables - Présence sur 4 des 6 marchés majeurs. Le portefeuilleest le suivant:- Marché 1: molécule a + molécule b + molécule c- Marché 2: molécule a + molécule b + molécule c- Marché 3: molécule a + molécule b- Marché 4: molécule b + molécule c

Les Sources de gain a priori, pour un coût marginal faible proviennent:1° du couple (Marché 3, molécule c), et 2° du couple (Marché 4, molécule a)

• A l'inverse, une firme qui ne serait présente que sur quelques-uns des marchés majeurs, mais auraitcommercialisé sur chacun de ces marchés la totalité de ses molécules commercialisables, offrirait apriori peu de source de valeur, car il lui faudrait investir beaucoup pour développer au moins un seulnouveau couple (molécule, marché), i. e. développer son chiffre d'affaires mondial. L'importance del'investissement marginal en temps et/ou en argent peut s'expliquer, par exemple, par la nécessitéd'un nouvel accord ou d'une nouvelle implantation sur un marché dont la firme était totalementabsente. Il faut là aussi tenir compte des contraintes réglementaires locales.

En conclusion, il s'agit de croiser les marchés majeurs avec les molécules commercialisables, pourdéceler des sources de gain.

La pertinence de ce critère a été validée empiriquement par les entretiens.

Le Portefeuille international

"Les grands groupes pharmaceutiques raisonnent à la fois par produits et par pays. Il existe, bien sûr,entre les marchés nationaux, des différences dans la demande de produits. Mais le coût dedéclinaison nationale de l'offre de produit reste marginal en regard des coûts de R&D. Une structureinternationale permet donc d'exploiter plus vite et dans le plus de pays possibles, les produits issus dela recherche, et donc d'amortir celle-ci: la dépendance est moins grande à l'égard du délai decommercialisation national nécessaire (lié aux formalités administratives); l'espérance de profit estsupérieure. Ce facteur joue encore plus pour les quelques grands marchés décisifs dans le monde"Source: Entretien Banque

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Il s'agit donc bien de mesurer la dispersion du chiffre d'affaires à l'international. D'autant plus que lesmarchés nationaux, initialement difficiles à pénétrer pour les acteurs étrangers, sont aujourd'huibeaucoup plus ouverts.

Ainsi, être présent aux Etats-Unis, premier marché mondial, s'avère être un avantage compétitif pourles firmes:• Le désavantage de Beecham, avant sa fusion avec SmithKline en 1989, s'explique par le fait que saforce de vente aux Etats-Unis était réduite.• L'absence de présence directe de Rhône-Poulenc aux Etats-Unis, avant le rachat de Rorer en 1990,l'a empêché pendant longtemps d'exploiter pleinement, et rapidement, le potentiel commercial decertains de ses produits.

La gestion internationale du portefeuille de produits peut cependant passer par d'autres actions queles fusions et rachats.

"Pour un grand laboratoire, il faut absolument, soit être présent, soit exporter sur les marchés à forteconsommation (pouvoir d'achat national, pouvoir d'achat des caisses maladie) ou à forte proportionde maladies "chères".Source: Entretien Banque

"Merck a des filiales directes dans les 20 plus gros marchés qui sont aussi les marchés les plusrentables. Ailleurs, il sous-traite complètement, dans les petits pays où la rentabilité est faible."Source: Entretien Conseil en Stratégie

La présence sur les marchés majeurs est un atout. Mais l'analyse du portefeuille ne saurait se limiter àun simple descriptif de chiffres, marchés ou produits. En effet:

"Le problème, c'est que la partie la plus "pharmaceutique" dans une évaluation financière se limitebien souvent à une simple description des produits ou des marchés. Les analystes financiers neportent pas de jugement sur la qualité ou la toxicologie des produits, sur leur intérêt thérapeutique.Bien sûr, cela nécessite d'avoir accès à une information que l'on n'a pas toujours, surtout chez lesconcurrents. Mais si l'on ne sait pas nécessairement où en est la concurrence, on peut au moinssavoir où, nous, nous en sommes. Surtout lors d'une évaluation d'acquisition."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

"Le problème, c'est qu'il manque des jugements qualitatifs dans les rapports financiers. Quand bienmême un analyste financier s'intéresse au cœ ur du métier, il reste descriptif. Il n'est pas en mesure decomparer, et de dire si la concurrence développe ou non des molécules plus intéressantes."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

Une évaluation plus qualitative du portefeuille de produits s'avère donc nécessaire.

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3. 3. 3. Evaluation qualitative du portefeuille de produits

Est-elle possible?

Dans la pratique, il semblerait que l'analyse qualitative du portefeuille de produits soit ouverte auprofane, puisqu'il existe une base de données sur le portefeuille de produits des laboratoires:Pharmaprojects. Pharmaprojects analyse le portefeuille de molécules du laboratoire sous leurDénomination Commune Internationale (DCI *) en distinguant:• les produits lancés, classés par pays et par date de lancement• les produits déposés• les produits sous licence avec d'autres laboratoires• les produits développés mais non lancés• les produits en développement, suivant les différentes phases 1 *, 2 *, 3 *

"Un analyste financier ne peut cependant tirer là aucune conclusion probante sur le développement àvenir du CA. Les blockbusters sont noyés dans une masse d'autres molécules. L'information restesecrète. Les laboratoires peuvent par exemple décider de ne pas mettre à jour les classesthérapeutiques, afin de ne pas communiquer de récentes découvertes, mises volontairement enattente de commercialisation."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

Quelles précautions prendre?

Il est très possible qu'une investigation dans une classe thérapeutique donnée aboutisse en fait à unedécouverte dans une autre classe. C'est le cas par exemple d'un anticancéreux dont les chercheurs sesont aperçus qu'il avait un effet secondaire intéressant, à savoir l'augmentation de la masse osseuse.Il a du coup été commercialisé pour le traitement de l'ostéoropose (affaiblissement de la masseosseuse survenant lors de la ménopause). Or le marché potentiel d'un médicament varieconsidérablement, en fonction de sa classe thérapeutique. L'estimation du marché potentiel variedonc considérablement lorsque l'on passe ainsi d'une classe à un autre. Il est donc nécessaire decomprendre quelles peuvent être les principales indications thérapeutiques pour un médicament, afind'être en mesure de porter un jugement critique sur le portefeuille de produits.

Il y a cependant une limite.

Il est possible en effet que, dans certains cas, la spécialisation thérapeutique d'un laboratoires'explique non pas, pour des raisons d'ordre stratégique (la vision stratégique de la firme s'étantavérée porteuse), mais simplement, parce que les recherches de la firme n'ont pas abouti sur d'autresclasses thérapeutiques."Evidemment, les laboratoires communiquent peu sur ce genre de phénomène."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

En conclusion, il est clair que:"La valeur de la société réside dans ses produits. Malgré les contresens que l'on voit dans lesrapports financiers, c'est bien la connaissance médicale, non les pratiques financières, qui permetd'appréhender cette valeur."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

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Un dernier facteur, à prendre en compte dans l'évaluation qualitative du portefeuille de produits estla pharmacovigilance. Ceci afin d'évaluer le risque que certains médicaments soient retirés dumarché.

Il suffit pour cela de se tenir informé des études publiées dans les revues professionnelles, ou de faireappel à un expert de la classe thérapeutique considérée. Par exemple, Synthelabo a récemment retiréun médicament de la vente en France... sans que cela n'influe sur le résultat net comptable (l'une desbases de l'évaluation financière), alors que le cash-flow généré par l'exploitation (base de l'évaluationéconomique) en a été affecté.

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3. 4. L'évaluation du pipeline

3 4. 1. L'évaluation quantitative: un critère insuffisant

L'estimation du pipeline ou portefeuille de produits/molécules en développement est l'un des troiscritères fondamentaux pris en compte par Droit & Pharmacie dans ses études d'évaluationpharmaceutique:

"A partir des publications scientifiques et des recensements disponibles, nous avons procédé à unexamen des molécules en cours d'évaluation clinique, ainsi que les domaines thérapeutiques choisis.Ces informations permettent d'apprécier, avec toutes les réserves liées aux aléas des essais cliniques,le portefeuille potentiel de chaque firme."Source: Droit & Pharmacie

Cependant, à la lumière des entretiens réalisés avec les industriels et les consultants, il nous sembleimprudent de se limiter à une pure évaluation quantitative du portefeuille de molécules endéveloppement:• D'abord parce qu'une telle évaluation, faite par un financier profane de l'industrie pharmaceutique,peut conduire à des erreurs considérables.• Ensuite parce que cela conduit à prendre trop d'hypothèses: à partir d'un certain moment, le jeuexcessif des hypothèses invérifiables et subjectives fausse les analyses, qui paradoxalement sousprétexte d'être quantitatives, se veulent objectives.

Nous allons en donner quelques exemples.

Exemple 1: la méthode DCF appliquée au pipeline

"Une banque d'affaires américaine qui figure parmi les prestigieuses et les plus grosses dans le mondenous a montré une fois une évaluation de notre portefeuille de produits en développement,extrêmement précise. On voyait des prévisions de DCF, produit existant par produit existant,molécule en développement par molécule en développement.... C'était très quantitatif.... etcomplètement faux. Inutile de vous dire que leurs prévisions n'avaient aucun sens économique. Enfonction de quelles hypothèses avaient-ils choisi leur taux d'actualisation? le cash-flow estimé desmolécules? Comment voulez-vous faire des prévisions justes de DCF sur des molécules dont ne saitmême pas les applications? Et quel va être le marché thérapeutique sur lequel elles vont êtrelancées?"Source: Entretien Industrie pharmaceutique.

Commentaire:Un jugement, pour qualitatif et subjectif qu'il soit, n'en est pas nécessairement moins fiable dans lapratique. Ainsi, porter un jugement qualitatif peut s'avérer à la fois amplement suffisant et non moinsproche de la valeur économique réelle de la firme.

Exemple 2: le nombre de molécules en développement

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Sur 10000 molécules en développement, 1 seule aboutit à la commercialisation effective. Ce taux deréussite est si faible, que parler du nombre de molécules en développement ne veut rien dire, si l'onveut juger de la position technologique concurrentielle d'un laboratoire.

La question-clé est en revanche de savoir: de quel stade du développement de la molécule parlet-on? Si une molécule est en phase préclinique, cela ne signifiera pas qu'elle sera effectivementcommercialisée, car elle peut encore s'avérer avoir des effets toxiques sur l'animal et/ou l'homme.L'idée serait donc plutôt de:• segmenter le pipeline par phases * de R&D, comme nous le verrons plus tard.• tenir compte de l'extension des indications et de la posologie possibles du futur médicament, ainsique des réglementations.

Une telle démarche permettrait, par exemple, d'expliquer que le Tanakan, un vénotoniquecommercialisé par le laboratoire Upsa, réalise en France un chiffre d'affaires de 600 millions defrancs, et un chiffre d'affaires pratiquement nul à l'étranger: il n'y a qu'en France que l'efficacitéscientifique d'un tel médicament a été démontrée. Le fait qu'Upsa soit un laboratoire français,bénéficiant par conséquent de la bienveillance des pouvoirs publics locaux, ne doit pas y être pastotalement étranger.Sources: Synthèse Entretiens Industrie pharmaceutique.

Exemple 3: le nombre de molécules innovantes découvertes par année

De même, le nombre de molécules innovantes découvertes par année, n'est pas non plus un critèrefiable de la valeur du pipeline. A partir d'une seule molécule originale de départ, on peut démultiplierle nombre de molécules plus ou moins "originales", proches de la molécule de départ. Les ratiospeuvent être de l'ordre de 1 molécule originale pour 2000 molécules similaires (par exemple,molécules avec un atome de chlore supplémentaire, molécules hydrosolubles, molécules liposolubles,...). Ce développement est facilité aujourd'hui par les équipements informatiques d'aide à laconception de nouvelles molécules: l'ordinateur peut créer lui-même une infinité de molécules"nouvelles". La définition de ce qu'est une molécule "innovante" est en conclusion fortement sujetteà critique. Elle peut varier très fortement d'une firme à l'autre.

Il serait nécessaire en fait de faire examiner le pipeline par un panel d'experts des différentes classesthérapeutiques pour pouvoir porter un jugement correct. Ce panel peut par exemple être composé dechercheurs à l'INSERM et au CNRS. Un tel comité devrait réfléchir sur chacune des moléculesinnovantes du pipeline de la firme, mettre au point un commentaire thérapeutique et analyser l'intérêtmédical de chacune d'entre elles.

4. 4. 2. Structuration du pipeline par phase

On peut schématiquement diviser en quatre phases le processus qui conduit de l'idée de départ à lamise sur le marché d'une nouvelle molécule17 :1 - la recherche proprement dite2 a - le développement pré-clinique2 b - le développement clinique3 - l'élaboration du dossier réglementaire

Or il apparaît très vite que le temps, le coût certain, la probabilité de succès et le revenu espéré d'unmédicament peuvent varier considérablement suivant le stade de développement auquel celui-ci se 17Source: "Coût de recherche et développement d'une nouvelle molécule", F. Guillot, P. Simon, Analyse financière

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trouve. C'est ce que révèle en tout cas une rapide analyse du processus de R&D, phase par phase,comme nous allons le voir maintenant18.

• Phase 1 * -Si le laboratoire utilise la méthode du crible (ou de screening), on estime qu'à ce stade une moléculea une probabilité de (5/1000è) d'être commercialisée.Si le laboratoire recourt de plus à des méthodes de conception assistée par ordinateur, on peut fairel'hypothèse raisonnable que la performance de la R&D augmente. La probabilité decommercialisation est alors légèrement supérieure à (1/1000è). Néanmoins, le coût certain qui y estassocié augmente conséquemment, du fait de l'immobilisation de capital que représente l'équipementinformatique.

• Phase 2 * -On estime qu'à ce stade la probabilité de commercialisation est de l'ordre de (1/100è).Le coût de la phase 2 est:- de 10 à 20 millions de francs en moyenne répartis sur 7 ans, pour la phase 2a de Synthèse chimique- de 10 à 20 millions de francs également, pour la phase 2b de Pharmacologie expérimentale (étudesde toxicologie)19 .

Au total, les phases 1 et 2 absorbent en moyenne 35% des sommes consacrées à la R&D.

• Phase 3 * -On estime à 5 à 10 ans selon les produits la durée de cette phase d'essais cliniques. On considèreque, sur 10 molécules qui entrent en développement clinique, 1 sur 10 seulement atteindra la misesur le marché. A titre d'exemple:- 50% des molécules qui entrent en phase de développement clinique sont arrêtées dans les 12 mois;- 10% des molécules échouent au bout de 7-8 ans, lorsque le coût de R&D est déjà considérable.Selon la société British Bio-Technology, le coût moyen du développement clinique pourl'enregistrement d'un produit en Europe seulement serait évalué à 200 millions de francs, y comprisles frais de mise sur le marché.On estime à 5% les coûts de R&D consacrés à la phase d'autorisation sur le marché proprement dite(pour établir les dossiers d'enregistrement et de négociation des prix).

Au total, en 1985, Arthur D. Little estimait à 45 millions de dollars le coût moyen d'un produitnouveau, sans capitalisation ni prise en compte des échecs.

Vu les différences de délai de passage, de risque, de coût et de revenu associés à chaque phase, l'idéeest par conséquent de positionner sur chaque phase chaque molécule ou médicament endéveloppement dans le pipeline.

Cela nécessite donc de savoir où en est très précisément chaque médicament en développement.Nous aboutissons ainsi à un schéma du type:

18Sources (cf Bibliographie):• Professeur Etienne Barral, "Comparaison des résultats de la recherche pharmaceutique (1975-89)", Analysefinancière, 3è trimestre 1991• "Coût de recherche et développement d'une nouvelle molécule", F. Guillot, P. Simon, Analyse financière.• C. Paddison, K. Merchant, Alcon Laboratories, Inc., Case, Harvard Business School• Estimations de la Direction des Etudes Economiques, Sanofi Pharma19Etude de l'Association of the British Pharmaceutical Industry (1990)

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Phase 1 Phase 2a * Phase 2b * Phase 3Molécules X, W, T Molécule Y

Molécule U Molécule Z

en indiquant de plus pour chaque molécule, si possible:• la somme des coûts certains déjà générés• les indications thérapeutiques connues• le délai prévu de passage à la phase suivante• la probabilité estimée de commercialisation

On obtient ainsi une structure du pipeline par phase. A partir de là, les comparaisons des structuresdu pipeline par phase permettent de déduire des conclusions intéressantes, quant à la positionconcurrentielle de chaque firme pharmaceutique sur la fonction R&D.

On pourrait objecter que la structure par phase n'a pas d'intérêt parce qu'un laboratoire pourrait"tricher" en voulant développer en phases 1, 2 ou 3 des molécules peu prometteuses, et gonfler ainsison pipeline. Ce serait là ignorer une caractéristique fondamentale de l'industrie: les coûts très élevésde R&D. De par ces coûts de R&D très élevés:• Un laboratoire pourrait à la rigueur gonfler son nombre de molécules en phase 1, parce que le coûty est relativement faible, surtout en comparaison du revenu financier qu'il pourrait retirer d'une telleastuce.• Mais cette astuce s'arrêterait là: vu les coûts très élevés de R&D, il serait pour lui absurde de fairepasser en phases 2 et 3 des "fausses" molécules. Un laboratoire ne pourrait se payer le luxe de payerde la vraie R&D (études de toxicité réelles en particulier) pour une molécule relativementinintéressante! Un tel raisonnement serait antiéconomique.

En fait, ce qu'il y a de plus remarquable dans la structure du pipeline par phase, c'est que c'est uncritère fiable parce qu'il est inhérent, découle, et s'intègre aux logiques économiques de l'industriepharmaceutique (risques et coûts élevés de la R&D).

Exemple: un Modèle probabiliste de renouvellement du nombre de molécules

Nous allons voir maintenant un exemple de l'utilisation pratique d'un tel critère.

Soit p1 la probabilité de passage de la phase 1 à la phase 2a.Soit p2 la probabilité de passage de la phase 2a à la phase 2b.Soit p3 la probabilité de passage de la phase 2b à la phase 3.Soit p4 la probabilité de passage de la phase 3 à l'AMM.

La probabilité p5 de passage de l'AMM à la commercialisation est supposée égale à 1, réserve faitedu protectionnisme des pouvoirs publics (cf le cas vu précédemment du laboratoire étranger bloquédans la commercialisation de molécules en France)20.

Soit n1 le nombre de molécules en phase 1.Soit n2 le nombre de molécules en phase 2a.Soit n3 le nombre de molécules en phase 2b.Soit n4 le nombre de molécules en phase 3. 20 Un tel facteur est considéré ici momentanément comme exogène, par souci de simplification (la prise en compte dece facteur introduirait une complication dans les calculs, mais pas dans la démarche).

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Nous considérons ici le seul facteur "nombre de molécules", supposant abusivement que chaquemolécule se vaut économiquement, ce qui n'est pas le cas dans la pharmacie, mais nous permet desimplifier les choses. On pourrait compliquer l'approche, en considérant, outre le nombre demolécule, d'autres facteurs comme les coûts certains, le revenu espéré, ......; mais la démarche seraitglobalement la même. Rappelons ici qu'il s'agit juste d'un exemple d'application.

Pour que le pipeline, soit, toutes choses étant égales par ailleurs, totalement renouvelé en nombre demolécules, il faudrait que les relations suivantes soient vérifiées:n2 = p1 * n1 ; n3 = p 2 * n 2 ; n4 = p3 * n3

Et plus généralement: n(k+1) = p(k) * n(k)On peut en particulier en déduire que: n(k) = n1 * ( p1 * p2 * ... * p(k-1) ), pour k > 0

Pour mémoire (source: C. Paddison, K. Merchant, Alcon Laboratories, Inc., Case, HarvardBusiness School)21:

Phase Probabilité de succèsPhase 1 (Recherche) 10%Phase 2a (Synthèse chimique) 50%Phase 2b (Pré-clinique) 75%Phase 3 (Clinique) 30%

Ainsi, l'on peut apprécier, phase par phase, dans quelle mesure le nombre de molécules constituant lepipeline a des chances d'être renouvelé. Il est donc possible de prévoir statistiquement dans quellemesure la firme considérée sera plus ou moins solide, en terme de renouvellement de molécules, parrapport aux autres firmes. On peut obtenir un classement des différentes firmes sur ce facteur.

Toutes choses égales par ailleurs, l'équilibre d'un laboratoire sera d'autant plus assuré que sonpipeline présentera la forme d'un entonnoir inversé, car plus l'on se place en amont, au début del'entonnoir, plus il y a de risques de déchets, et plus le coût restant à payer (marginal) est élevé (cfpage suivante):

Processus de R&D

Ainsi:"Un laboratoire qui a 3 produits en phase 3 et 15 produits en phase 1 devrait être sous-évaluééconomiquement, par rapport à un laboratoire qui aurait 15 produits en phase 3 et 3 produits enphase 1, toute chose étant égale par ailleurs. Un tel raisonnement me paraît être une considérationimportante pour évaluer une firme pharmaceutique" 21Nous avons vérifié que ces probabilités de passage d'une phase à une autre sont homogènes avec les donnéesprécédentes.

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Source: Entretien Industrie pharmaceutique

"La gestion de l'obsolescence me paraît effectivement importante. Pas le nombre de produits... Maisplutôt voir historiquement quels produits ont été lancés, quels sont les produits nouveaux.Autrement dit, voir la gestion du recouvrement entre anciens et nouveaux produits."Source: Entretien Conseil en Stratégie

En conclusion, il ressort que la démarche qu'on a appliquée au renouvellement des moléculespourrait s'appliquer et prendre en compte d'autres facteurs tels que le coût certain (dépenses de R&Dessentiellement) et le revenu espéré (qui pourrait être calculé à partir d'une pondération des marchéspotentiels associés aux classes thérapeutiques sur lesquelles le médicament serait susceptible d'êtrepositionné, étant donné ses indications thérapeutiques et ses effets secondaires connus à l'instant t).

Deux éléments deviennent ici particulièrement cruciaux:• La valorisation scientifique de chaque molécule en tant que telle: elle est inévitable dans uneréelle valorisation économique• La mesure des risques associés à chaque molécule dans le détail.

Ceci nous permettra alors d'adopter par la suite une approche d'évaluation plus formalisée et plusfouillée. Désormais donc, nous ne considérons plus l'évaluation globale du pipeline, et nous rentronsdans une évaluation molécule par molécule, projet de R&D par projet de R&D.

3. 2. 3. Approfondir l'analyse par molécule: la valorisation scientifique et la mesure des risques,bases de méthodes plus formalisées

Pour passer à une évaluation molécule par molécule, deux questions sont à considérer:• la mesure du revenu espéré pour chaque molécule;• la mesure du risque pour chaque molécule.

Conceptuellement, la mesure du coût molécule par molécule serait aussi nécessaire. Mais cettemesure, l'expérience le montre, implique relativement peu de difficultés. Du fait de l'importance desdépenses de R&D, les firmes sont en général capables d'associer un coût certain pour chaquemolécule. Si elles n'en sont pas capables, cela relève plus de questions de comptabilité analytique, etnon pas de problèmes spécifiques liés au choix d'une méthode d'évaluation économique.

La mesure du revenu espéré: la valorisation scientifique demeure incontournable

Le professeur Barral22 montre qu'il est possible de valoriser scientifiquement une recherchepharmacologique. Pour cela, l'on peut procéder ainsi:

• Croisement des deux critères structure chimique / intérêt pharmacologique• Croisement des deux critères nouvelle structure / structure connue• Croisement des deux critères apport thérapeutique / pas d'apport thérapeutique

22Article paru dans Analyse financière. Cf Bibliographie

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Cela nécessite bien entendu de réunir un comité d'experts par grande classe thérapeutique. Seuls deschercheurs en pharmacologie, médecine, pharmacie, ou biologie, seront a priori capables d'évaluerune molécule en fonction de tels critères.

Le professeur Barral a par exemple tiré de son étude de valorisation scientifique les conclusionssuivantes .

• Entre 1975 et 1989, 775 nouveaux médicaments ont été découverts et mis pour la première fois surle marché dans le monde:- 62,5% restent non internationalisés- 25% sont internationalisés (mis sur le marché dans la majorité des pays industriels), dont 18% enmoins de 5 ans- 12,5% sont mondialisés (mis sur le marché dans la totalité des pays industriels), dont 5,5% enmoins de 5 ans

• Plus des trois-quarts des produits en question sont d'authentiques apports à la thérapeutique: lesproduits dits "me too" * n'ont pas de destin international.A partir de ces données, il est donc possible d'évaluer la probabilité qu'a un nouveau médicamentd'être vendu dans le monde.

• Les produits innovants ont un CA mondial moyen élevé. Les produits sans apport thérapeutiqueont un CA mondial inférieur à la moyenne. La différence est de l'ordre de 1 à 2,9. C'est dire combienla R&D est créatrice de valeur.A partir de ces données, il est possible d'évaluer l'espérance de revenu d'un nouveau médicament.Mais cela n'a pas nécessairement une signification économique: il faudrait au moins pouvoirdisposer de données par pays et , surtout, par classe thérapeutique.

La mesure du risque

Quatre types de risques peuvent survenir pour une molécule destinée à l'industrie pharmaceutique:

• Le risque technologique. La R&D peut échouer pour deux raisons: la molécule n'est effectivementpas découverte, ou elle est découverte mais n'est pas commercialisable.

• Le risque commercial. Si le lancement du médicament est un échec, alors la R&D ne seravraisemblablement pas amortie.

• Le risque concurrentiel. Le concurrent peut soit copier le médicament, soit lancer un produitsimilaire, soit lancer un produit d'efficacité supérieure à coût et inconvénients égaux, soit lancer unproduit de coût inférieur à efficacité et inconvénients égaux, soit lancer un produit présentant moinsd'inconvénients (effets secondaires, posologie, galénique, etc.) à coût et efficacité égaux.

• Le risque légal. Bien qu'aucun théoricien n'envisage sérieusement l'unification des prix deremboursement, la réglementation semble s'orienter vers les exigences suivantes:- rémunérer la vraie recherche;- imposer une période de quasi-liberté des prix au début de la commercialisation;- accélérer la disparition des produits dont l'existence n'est plus justifiée thérapeutiquement,- revaloriser les produits très anciens adaptés à la demande.Un risque existe donc pour les produits sans grand apport thérapeutique (source E. Barral, Analysefinancière).

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Mais cette mesure de risques, rappelons-le, doit être purement exploratoire et qualitative. Elle nedoit pas conduire à considérer pour autant le pipeline comme un simple portefeuille d'actifs, auquelon pourrait appliquer par exemple un schéma simplifié du type Espérance / Variance.

Certes, on peut faire l'hypothèse qu'un portefeuille de produits plus larges réduit la sensibilité aurisque (Jean-Michel Levy, Direction Planification et Stratégie d'Elf-Sanofi, cité dans R. Hamael,Fusions & Acquisitions). Mais si les efforts de R&D son trop dilués sur un nombre trop grand desecteurs thérapeutiques et classes pathologiques, cela est-il vraiment significatif?

L'exemple de Squibb avant son rachat par Bristol-Myers est là pour le rappeler. Squibb avait alorsune R&D très productive mais trop gourmande en ressources financières. Résultat: une faibleproportion des projets était menée à bien. Il a fallu l'apport de ressources financières supplémentaireslors de la fusion pour que la R&D soit de nouveau optimisée, la productivité n'impliquant ainsi pasnécessairement une optimalité économique.

3 2. 3. Approfondir l'analyse par molécule: les méthodes formalisées par Arthur D. Little etSterling Drug pour l'évaluation de projets de R&D

L'approche précédente a permis de dégager une première série de méthodes servant de base àl'évaluation du pipeline. Il s'agit donc maintenant d'exploiter les résultats de ces analyses, et de lesréunir dans un cadre méthodologique global et unifié. Pour ce faire, nous allons nous appuyer trèslargement sur deux méthodes d'évaluation de projets de R&D formalisées par Arthur D. Little etSterling Drug.

Une approche issue du conseil: la méthode "R&D Third Generation", Arthur D. Little

L'évaluation des utilités d'investissement

Dans "Third Generation R&D. Managing the link to Corporate Strategy", Philip Roussel, KamalSaad, Tamara Erickson, consultants chez Arthur D. Little, proposent d'abord de procéder à uneévaluation globale des risques et des bénéfices du pipeline, projet par projet. Ceci afin de déterminerl'utilité relative des investissements R&D:

• Cas 1: Bénéfices élevésQuel que soit le risque, l'investissement en R&D est justifié: excellent quand le risque est faible, bonquand le risque est modéré, souhaitable suivant les coûts d'opportunité (i.e., en fonction des autresprojets) quand le risque est élevé;

• Cas 2: Bénéfices modérésL'investissement en R&D n'est pas nécessairement justifié: bon quand le risque est faible, acceptablequand le risque est modéré, inacceptable quand le risque est élevé;• Cas 3: Bénéfices faiblesL'investissement en R&D n'est acceptable que quand le risque est faible.

La figure permet de visualiser ces propositions de façon synthétique.

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Bénéfice / Risque

Elevé

Moyen

Faible

Elevé Moyen Faible

Bénéfice potentiel

Risque

Zone de risque / bénéfice

inacceptable

Zone de risque / bénéfice acceptable

Source: Arthur D. Little

Cette première approche est interne, indépendante de l'environnement concurrentiel de l'entreprise.Elle doit donc être complétée par une seconde approche, externe, qui permettra de voir comment lafirme se place relativement par rapport à ses concurrents.

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La détermination de la position technologique concurrentielle

Celle-ci permet de reconnaître si le management a su gérer la R&D de façon stratégique, i.e. s'il a su:- reconnaître quelle technologies sont critiques pour l'activité thérapeutique et pour la firme, par leurmaturité et leur impact concurrentiel;- maîtriser ces technologies critiques en vue d'acquérir un avantage concurrentiel durable, classethérapeutique par classe thérapeutique;- utiliser ces technologies de façon efficace en les intégrant aux autres facteurs de réussite del'activité.

Bien qu'il n'existe aucun moyen rigoureux de mesurer la force technologique concurrentielle, desjugements techniques perspicaces suffisent pour établir des estimations défendables.

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- Modèle généralisé permettant de déterminer la force technologique concurrentielle -(à appliquer classe thérapeutique par classe thérapeutique )

Terminologie DéfinitionsDominante • Puissant chef de file technologique

• Engagements financiers élevés,ressources humaines et créativitéconsidérables• Bien reconnu dans l'industrie• Etablit le rythme et la direction dudéveloppement technologique• Les concurrents cherchent constammentà rattraper la firme

Forte • Capable de mener des actions techniquesindépendantes, de fixer de nouvellesorientations• Engagement et efficacité technologiquesconstamment élevés• Ses réalisations technologiquesdistinguent ses unités stratégiques decelles des concurrents de moindreenvergure

Moyenne • Capable de maintenir la compétitivitétechnologique de l'unité stratégique qu'ellesoutient• Dispose de forces qui peuvent êtreexploitées en vue d'améliorer la positiontechnologique concurrentielle• N'est pas un chef de file technologiquesauf dans des créneaux en développement

Défendable • Opère selon un mode de rattrapage• Incapable de suivre une voieindépendante• Peut maintenir la compétitivité de l'unité,mais incapable de la différencier de cellesdes concurrents

Faible • Qualité en déclin du rendement de latechnologie par rapport aux concurrents• Opérations à court terme pour tenter de"sauver les meubles"• Dégradation des produits, des procédés,et des coûts par rapport à la concurrence• Difficile mais pas impossible de renverserla situation

Source: Arthur D. Little("Third Generation R&D. Managing the link to Corporate Strategy")

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Pour l'investisseur, la leçon à tirer de cette estimation de la position technologique concurrentielle dela firme, classe thérapeutique par classe thérapeutique, est la suivante:- investir dans les entreprises pharmaceutiques qui n'entreprendront une R&D dans des classesthérapeutiques ou des pathologies parvenues à maturité en terme de marché, que si elles sont aumoins dans une position forte par rapport à leurs concurrents. Un financier peut avoir confiance dansune entreprise qui prend en compte le danger d'arriver en troisième position,(ou pire), et seconcentre sur des priorités stratégiques;- désinvestir dans le cas contraire

Evaluation du pipeline (portefeuille de R&D)

Après avoir procédé à une évaluation bénéfice / risque des projets du pipeline, et avoir positionnél'entreprise sur chacune des technologies afférentes à ces projets, classe thérapeutique par classethérapeutique, il est alors possible de mener une évaluation globale de l'attractivité du portefeuille deR&D ou pipeline, par classe thérapeutique, et à l'intérieur de chaque classe, projet par projet. Lafigure de la page suivante résume les éléments spécifiques de l'attrait d'un projet, base de l'évaluationdu pipeline par classe thérapeutique, puis du pipeline de façon globale.

Le premier critère - adaptation du projet de R&D à la stratégie - est fondamental. C'est seulement siun projet de R&D passe ce premier critère fondamental d'utilité stratégique que les autres critèresd'attrait doivent entrer en jeu. Les autres critères peuvent être utilisés collectivement ouindividuellement en tant qu'éléments de la considération du pipeline. L'évaluation globale de l'attraitd'un projet apparaît donc simple à réaliser, parce que ce sont des jugements justifiés par laconnaissance des faits, plutôt que la précision (fondée par exemple sur les calculs de la valeuractuelle nette), qui apportent les réponses.

L'évaluation de l'attrait global d'un projet se fait ensuite en:- accordant un poids relatif pour chacun des critères du projet R&D- donnant un taux de concordance avec chacun des critères R&D

Par exemple, l'attrait d'un projet peut être calculé ainsi:

Critères Poids (1-5)Taux de

concordance avecles critères (1-5)

Score(poids x taux)

Valeur créative 3 5 15Durabilité de l'avantageconcurrentiel

5 3 15

Bénéfices 5 4 20Probabilité de réussitetechnique

2 2 4

Probabilité de succèscommercial

5 4 20

Coûts de la R&D à laréalisation du projet oujusqu'au point clé dedécision

3 4 12

Délai de réalisation oupoint clé de décision

2 4 8

Investissement encapital et/ou enmarketing

1 3 3

Score: 97 / 130 = 75%

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Mesure du Poids: 5: très important 1: très faibleMesure du Taux de concordance: 5: très concordant 1: peu concordant

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- Eléments spécifiques de l'attrait d'un projet -Eléments de l'attraitd'un projet de R&D

Unités dans lesquellesl'attrait est exprimé

Adaptation à la stratégie commerciale ou àla stratégie du groupe

• Jugement allant d'excellent à médiocre

Valeur créative et importance stratégiquepour l'activité

• Capacité potentielle du résultatrecherché pour:a) améliorer la position concurrentielle del'activitéb) être applicable à plus d'une activitéc) jeter les bases de nouvelles activités

• Jugement allant d'élevé à faibleDurabilité de l'avantage concurrentielrecherché

• Années. Si le résultat de R&D peut êtrerapidement et facilement exploité par lesconcurrents, le projet est moins attrayantqu'un projet qui procure un avantageprotégé à long terme

Bénéfices • Le plus souvent financiers, mais parfois"travaux indispensables" (par ex.: pour seconformer aux réglementations) ouconstitution d'une base de connaissancesqui devient le fondement pour les travauxappliqués

Impact concurrentiel des technologies • De base, clés, émergentes,embryonnaires. Si un projet n'envisageque l'application de technologies de base,il est classifié comme tel, "de base"; s'ilenvisage au moins une technologie clé ouémergente, le projet tout entier estclassifié comme "clé" ou "émergent"

IncertitudeProbabilité de réussite technique • Unités de probabilité, 0,1-0,9.

Probabilité que l'objectif sera atteint telqu'il a été défini

Probabilité de succès commercial • Unités de probabilité, 0,1-0,9.Probabilité de succès commercial si leprojet est une réussite technique

Probabilité de succès global • Unités de probabilité, 0,1-0,9.Produit23 des probabilités techniques etcommerciales

EnjeuCoûts de R&D pour la réalisation duprojet ou jusqu'au point clé de décision

• Francs (dollars, etc.)

Délai de réalisation jusqu'au point clé dedécision

• Temps

23Relation définissant la probabilité conditionnelle: P(A inter B) = P(B) x P(A/B), avec P(A/B) la probabilitéconditionnelle de l'événement A sachant que l'événement B est réalisé

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Investissement en capital et/ou enmarketing nécessaire pour exploiter laréussite technique

• Francs (dollars, etc.)

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Synthèse

On peut synthétiser les résultats en classant chacun des projets du pipeline suivant d'une part,l'importance du budget qui y est consacré, et d'autre part, les deux couples de critères :- (maturité de la classe thérapeutique, position technologique concurrentielle)- (bénéfice potentiel, probabilité de succès globale)

A) L'importance du budget pour un projet donné en fonction du couple de critères:

• Maturité de la classe thérapeutique (démarrage, croissance, maturité, vieillissement). Plus latechnologie est récente, plus l'incertitude technologique augmente, et réciproquement24. Plus latechnologie est récente, plus le caractère exclusif de la technologie augmente, et réciproquement23.• Position technologique concurrentielle. (faible, défendable, moyenne, forte, dominante). Plus laposition technologique concurrentielle sur une classe thérapeutique est forte, plus la probabilité deréussite technique dans cette classe augmente, et réciproquement/inversement23.

B) L'importance du budget pour un projet donné en fonction du couple de critères:

• Bénéfice potentiel (faible, modéré, élevé)• Probabilité de succès globale (échelle de 0% à 100%). Cette probabilité est le produit de laprobabilité de réussite technique et de la probabilité de succès commercial

C) L'importance du budget pour un projet donné en fonction du couple de critères:

• Bénéfice potentiel (faible, modéré, élevé)• Délai estimatif de réalisation (en années)

Ces résultats peuvent être visualisés sous forme de bubble chart, où le couple de critères figure lecouple (abscisses, ordonnées) et l'importance du budget est figurée sous la forme d'un disque dediamètre proportionnel.

Analyse de la démarche

L'analyste pourra ainsi avoir une vision extrêmement fine de la qualité du portefeuille de projetsR&D et de la façon dont sont alloués les budgets R&D pour chaque projet. Cette approche nécessitecependant d'avoir un nombre considérable d'informations sur le fonctionnement interne del'entreprise et s'avère extrêmement coûteuse en terme de recherche d'information. Néanmoins, ilsemblerait qu'une telle approche soit:• possible dans le cadre d'une évaluation d'acquisition faite avec l'aide d'experts du secteur, comme lemontrent les entretiens que nous avons menés avec des industriels et des consultants;• rentable, vu l'aide considérable qu'elle apporte à la décision.

Outre cela, une telle approche a au moins le mérite:• d'exister... et de marquer nettement la différence entre l'évaluation du pipeline et la simpleévaluation financière du bilan d'une société; le moins que l'on puisse dire, c'est qu'une telle démarcheproduit de la valeur ajoutée par rapport à la simple évaluation des actifs comptables , boursière oufinancière (DCF);

24 Réciproquement et inversement.

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• de fournir un cadre méthodologique formalisé et des outils conceptuels pour mesurer ainsi si laR&D - qui constitue le point-clé de la chaîne de création de la valeur dans la pharmacie - est géréede façon stratégique ou pas.

S'il n'est pas nécessaire de procéder, dans la plupart des cas, à une analyse du portefeuille de R&Daussi fine, l'analyste peut au moins reprendre les grandes lignes de la démarche, afin d'être en mesurede porter un jugement sur le positionnement concurrentiel du portefeuille de projets R&D de lafirme. Cela permettra de répondre à la question: relativement au secteur, les projets de telle firmepharmaceutique sont-ils viables ou non?

Pour dissiper les doutes quant à la possibilité d'utilisation d'une telle démarche dans la pratique - aumoins, en interne, par les cadres des firmes -, il nous semble nécessaire d'exposer l'essentiel de lapratique d'évaluation du portefeuille de projets R&D telle qu'elle peut être pratiquée dans l'industriepharmaceutique.

Une approche issue de l'industrie pharmaceutique: la méthode Sterling Drug

L'essentiel de la méthode peut être résumé dans le tableau suivant:

- Evaluation d'un projet R&D dans l'industrie pharmaceutique -

Paramètre Unité de Mesure Pondération

Potentiel de marché Succès si VAN>0 (en KF) 40%

Risque technique Probabilité de succèstechnique

15%

`Risque commercial Evaluation du risque

commercial15%

Timing Période decommercialisation (calculée àpartir de la date de lancement et

la durée de vie du brevet)

10%

`Allocation des ressources Coûts de R&D

avant lancement10%

Cohérence avec la stratégie Catégorie de priorité 10%

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Exemple de Méthode de Calcul:

A partir des paramètres et des coefficients de pondération définis ci-dessus, l'évaluation d'un projetdonné pourrait par exemple se faire à l'aide de la formule:

Formule de Calcul =[ Potentiel de marché (en KF) x coeff. de pondération (40%) ]x [ Probabilité de succès technique x coeff. de pondération (15%) ]x [ Probabilité de succès commercial x coeff. de pondération (15%) ]x [ (Date de lancement - Durée de vie du brevet) x coeff. de pondération (10%) ]÷ [ Coûts de R&D avant lancement x coeff. de pondération (10%) ]x [ Catégorie de priorité x coeff. de pondération (10%) ]

Avec les mêmes paramètres et les mêmes coefficients de pondération, d'autres formules de calculseraient possibles, suivant l'importance que l'on attache à tel ou tel paramètre. Quelle que soit laformule choisie, il est possible de réaliser une comparaison relative des projets les uns par rapportaux autres, soit entre firmes, soit à l'intérieur d'une firme.

Formellement, il s'agit de:• calculer une espérance de revenu (à partir des trois premiers paramètres);• l'actualiser sur la période de temps considérée (à partir du quatrième paramètre);• en déduire une espérance de profit (à partir du cinquième paramètre);• et l'affecter d'une catégorie de priorité pour tenir compte de la dimension stratégique et nonfinancière du projet (à partir du dernier paramètre).

Analyse

Les critères définis par Sterling tiennent compte des mêmes contraintes et des mêmes priorités queceux utilisés par Arthur D. Little. On peut considérer que l'analyse et le bon sens suffisent à lesdistinguer. De tels critères sont donc objectifs. Mais la subjectivité du jugement porté par l'analystedemeure dans la pondération relative des critères retenus. Si les critères sont identiques, lapondération peut varier suivant les cas et les objectifs spécifiques de l'analyste.

Conclusions

• "Une firme pharmaceutique ne vaut pas moins, du simple fait que les financiers réévaluent à labaisse son pipeline. 75% de la valeur boursière d'une firme pharmaceutique est contenue dans lavaleur des produits du pipeline, i.e. les produits en développement (phases 1-2-3)."

Source: Entretien Industrie pharmaceutique

• "Je pense que le critère du pipeline est effectivement pertinent. Mais on ne saurait se contenter decomptabiliser le nombre de médicaments dans le pipeline pour procéder à une réelle valorisationéconomique."

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Source: Entretien Conseil en Stratégie

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3. 5. La présence sur les segments thérapeutiques

"Mais le critère du pipeline est insuffisant. Il faut aussi savoir dans quel secteur thérapeutiquel'entreprise opère. Le choix du secteur peut être plus ou moins éclairé en fonction de la demande, dupublic, du nombre de concurrents présents."Source: Entretien Conseil en Stratégie

3. 5. 1. Les facteurs à prendre en considération

La prise en compte de la spécificité des segments ou classes thérapeutiques sur lesquels se trouve lelaboratoire paraît en effet être un critère déterminant dans le jugement sur la valeur économique de lafirme.

• D'abord parce que la taille de chaque classe thérapeutique peut être extrêmement variable. Lafigure suivante le montre. Elle considère le marché européen des produits pharmaceutiques àl'exclusion des produits génériques et des OTC. Elle est représentative du marché sur lequel opèrentles firmes considérées dans cette étude (intégrées dans la production primaire du médicament).

Autres Cardiovasculaires(19%)

Anti-infectieux (14%)

Syst. nerveux central(9%)Syst. respiratoire (7%)

Syst. osteo-musculaire(5%)

Cancer (4%)

Dermatologie (3%)Immunologie (2%)

Analgésique (3%)

Hematologie (5%)Syst. endocrinien (6%)

Gastro-intestinal (8%)

- Marché européen des produits éthiques -par grande classe thérapeuthique (1992)

Source: Datamonitor

Taille du marché: 45,6 millions USD

• Ensuite parce que l'intensité concurrentielle sur chacun de ces segments thérapeutiques varie. Unefirme présente sur les antibiotiques ne subira pas la même concurrence qu'une firme spécialisée dansle traitement des maladies du système nerveux. Il est possible d'obtenir une indication relativementprécise de l'intensité concurrentielle pour chaque classe thérapeutique. La banque de donnéesDorema (source: IMS *) fournit en France l'indice de l'effort commercial de chaque firmepharmaceutique pour telle ou telle classe thérapeutique, sous la forme du nombre de visitesmédicales de chaque firme sur telle classe thérapeutique, pour une période de temps donnée.

Il est donc possible:

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- d'identifier les classes thérapeutiques les plus concurrentielles en terme d'effort commercial;

- d'identifier les firmes les plus agressives commercialement sur telle classe thérapeutique, ce qui nesaurait manquer d'intérêt pour évaluer leur position concurrentielle, par rapport notamment aurevenu qu'elles tirent par ailleurs sur la classe thérapeutique considérée. Exemple: une firme peuagressive commercialement sur une classe où elle possède des parts de marché importantes doit apriori posséder d'autres types de compétences distinctives et d'avantages compétitifs. Suivant lanature de ces avantages, on conclura ou non à la pérennité de sa part de marché.

Le nombre et la taille des concurrents présents sont également des critères pertinents et faciles àutiliser pour évaluer l'intensité concurrentielle d'une classe thérapeutique. Par exemple, si deuxlaboratoires de grande taille comme Glaxo et Merck & Co se trouvent simultanément sur la mêmeclasse thérapeutique, on peut facilement en déduire une forte intensité concurrentielle pour cetteclasse.

La croissance ou la stagnation d'une classe thérapeutique ne sont pas en revanche des indicateursà retenir:

"On peut avoir à la fois une très forte intensité concurrentielle et une très forte croissance sur unsegment thérapeutique." Source: Entretien Industrie pharmaceutique.Exemple: la molécule Prozac d'un des laboratoires interrogés arrive sur un marché où il existe déjàtoute une série de produits concurrents et qui fonctionnent à peu près convenablement. Ces produitssont beaucoup moins chers que le Prozac; leur seul inconvénient est qu'ils induisent beaucoupd'effets secondaires, désagréables pour le patient. Le nombre de personnes à traiter reste identiquedans le temps. Mais le Prozac offre comparativement un traitement simultanément beaucoup pluscourt et plus efficace. De plus en plus de personnes veulent se faire soigner avec le Prozac, quoiquepar ailleurs le marché reste identique en volume."Source: Entretien Industrie pharmaceutique

Pour évaluer un segment thérapeutique, on peut enfin prendre en compte l'adéquation de la firmeà ce segment. Autrement dit, il s'agit de voir quels critères de qualité pourront refléter de façonassez juste l'efficacité et la performance de l'organisation commerciale, sur le marché local commesur les marchés étrangers. A la différence des critères précédents, il s'agit donc ici d'approcher plusqualitativement la thérapie, afin d'analyser, non pas le marché en soi, mais la relation qui lie la firme àce marché.

Le degré de spécialisation de la force de vente par axe thérapeutique, semble être iciparticulièrement pertinent."Une force de vente dédiée dans une thérapie n'est pas nécessairement compétente pour agir dans unautre thérapie."Source: Entretien Banque

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3. 5. 2. La Décomposition en facteurs-clés du marché (sources Entretiens Eli Lilly & Co /Sterling): une analyse dynamique

Pour procéder à l'évaluation d'un marché thérapeutique, on peut en fait procéder à une analyse pararborescence des différents facteurs-clés, en faisant apparaître par décomposition successive lesfacteurs influençant le marché. Cette méthode a été largement conceptualisée par les cabinets deconseil en stratégie, comme Arthur D. Little, Booz. Allen & Hamilton, le BCG ou McKinsey.

Nous présentons deux décompositions telles qu'elles peuvent être utilisées dans des firmesaméricaines comme Eli Lilly & Co et Sterling.

- Décomposition type Eli Lilly & Co -

Marché

Prix Nombre de Prescripteurs

Poso-logie

Consommation / semaine Durée traitement Nbre Patients

(Nbre prescriptions/ unité temps)

On obtient ainsi une équation M(X) du marché du type:

M(X) = Facteur 1 x Facteur 2 x ..... x Facteur nau plus bas niveau de l'arborescenceAu premier niveau d'arborescence, les facteurs sont le prix, et le nombre de prescripteurs; audeuxième niveau, le prix, la posologie, la consommation / semaine, la durée du traitement et lenombre de patients; et ainsi de suite, jusqu'au nième niveau.

D'où l'on déduit par propriété du logarithme:25

log M(X) = log (Facteur 1) + log (Facteur 2) + ...... + log (Facteur n)

D'où, par dérivation:

Dérivée log M(X) = Dérivée log (Facteur 1) + + log Dérivée (Facteur n)

25Propriété du logarithme: Pour tout couple (a, b) de R*+2, log (ab) = log a + log b

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Comme la dérivée est une expression du taux de croissance à un instant t donné, on peut doncappréhender une fonction du taux de croissance du marché thérapeutique en fonction d'un certainnombre de taux de croissance de tous les facteurs concernés. Cela revient à décomposer le taux decroissance du marché en fonction d'autres taux de croissances de facteurs explicatifs. Dans lapratique, il est possible d'expliquer le taux de croissance d'un marché thérapeutique à 95%.

- Décomposition type Sterling -

Profit par marché thérapeutique

Revenus - Coûts

Taille du marché Part de marché

x

x

Prix moyen Unités vendues Coûts fixes + Coûts variables

Le principe est le même que précédemment. On peut affiner l'arborescence à des niveauxsupplémentaires. Il s'agit simplement de mesurer le profit par classe thérapeutique, au lieu du marchélui-même.

La démarche utilisée peut permettre ainsi d'expliquer les opportunités manquées de création devaleur, et donc de déceler les potentiels de valeur économique cachés sur un marché thérapeutique,afin de générer finalement plus de valeur pour la firme. On aboutit ainsi à un outil d'évaluationdynamique pour la mesure de la valeur de la firme.

Par exemple, si le nombre de prescripteurs est faible, cela peut à la fois signifier:- que la cible de prescripteurs existe, a un besoin, mais que la firme y répond mal;- une absence totale de cible.

Un autre exemple est l'arrêt de la croissance d'un marché, qui peut s'expliquer par une combinaisonde facteurs dont l'importance pondérée peut varier dans le temps:- le produit de la firme considérée se substitue progressivement à la concurrence;- les produits de la concurrence se substituent progressivement à celui de la firme considérée.

En conclusion, une telle analyse permet de regarder quelles sont les sources de croissanceéconomique pour la firme.

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3. 6. Datation des AMM * / Date d'expiration des CCP * et brevets

De tels critères apparaissent pertinents pour porter un jugement sur la valeur économique des firmespharmaceutiques. Par exemple:

- "La datation des AMM est un élément complémentaire de la solidité du portefeuille de produits".Source: Entretien Droit & Pharmacie.

- "Pour moduler les évaluations purement financières réalisées pour chaque groupe, nous avonsdemandé à l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) de faire une recherche systématiquedes brevets déposés et enregistrés par les firmes concernées. Grâce à ce travail, et dans la limite oùles noms des sociétés déposantes ont pu être clairement rattachées aux groupes concernés,l'ensemble des brevets pris entre 1986 et 1990 ont été identifiés par secteur thérapeutique concernéet en fonction de la nature du brevet."26

Source: Entretien Droit & Pharmacie

- "La datation des AMM et des brevets me semble être un critère original et pertinent" Source:Entretien Industrie pharmaceutique

La datation des AMM / Date d'expiration des brevets et CPP peut en effet être un indicateur dutemps nécessaire pour que les produits génériques d'autres laboratoires viennent concurrencer lamolécule originelle, à expiration du brevet. Selon les industriels, un tel critère est pertinent.

Mais l'analyse de ce critère peut être complétée par une investigation et une recherche d'informationssupplémentaires, afin de savoir dans quelle mesure le produit original est facile à fabriquer ou non. Sic'est le cas, et si le marché reste attractif, le produit sera concurrencé dès l'expiration du brevet. Dansle cas contraire, le produit ne sera peut-être pas concurrencé sur un petit nombre d'annéessupplémentaires, ou sera concurrencé relativement peu sur un grand nombre d'annéessupplémentaires. Cette approche est minimaliste: elle indique sur quelle période minimale le produitne sera pas concurrencé avec certitude.

26 Cette recherche est effectivement facile d'accès, d'un coût monétaire et temporel relativement faible, et d'une valeurcertaine. A titre anecdotique, l'auteur du mémoire y a lui-même eu recours lorsque, stagiaire au sein du bureauparisien de Arthur D. Little entre janvier et avril 1994, il a participé à des missions d'évaluation stratégiquesd'acquisition dans des industries d'équipement. L'intérêt de la source INPI est qu'elle fournit une description précise del'innovation technique considérée, et qu'elle indique les domaines d'application. L'inconvénient est qu'elle ne porte quesur des brevets déposés initialement en France et en Europe. Une firme américaine ayant par exemple déposé unbrevet mondial à partir des Etats-Unis n'y figurerait pas nécessairement.

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Il s'agit donc d'avoir une idée plus précise sur les barrières qui peuvent se poser à l'entrée denouveaux concurrents, pour un produit original donné. Par exemple, pour les insulinesbiosynthétiques, commercialisées par les firmes Novonordynsk et Eli Lilly & Co, la seule barrière quiexiste est l'investissement manufacturing: le montant des investissements nécessaires pour installerune capacité de production est élevé, alors même que les deux firmes ont accumulé plusieurs annéesd'expérience dans la mise au point et l'amélioration des procédés de fabrication. Dans ce cas, mêmesi la datation des brevets/AMM/CCP est un bon indicateur, ce n'est pas le meilleur, puisque labarrière posée relève du procédé de production, non du produit lui-même.

Par ailleurs, même dans le cas où l'analyse des datations brevet/AMM/CCP justifierait un jugementnégatif sur la firme, il faut tenir compte du fait qu'il reste à celle-ci des alternatives pour contrer laconcurrence. En particulier, l'alternative de concevoir et produire des "génériques plus":

• soit que la molécule originale donne lieu à une amélioration galénique qui puisse être protégée parun nouveau brevet sur le produit, même s'il n'y a pas d'innovation réelle sur la molécule. Exemple: lepatch, qui offre une possibilité d'effet retard dans la libération de la substance éthique, et permet ainside réduire les doses prescrites, par un lissage dans le temps de la concentration du médicament dansl'organisme.

• soit que la molécule originale soit produite par un nouveau procédé sur lequel il est possible dedéposer un nouveau brevet (brevet de procédé).

• soit une combinaison des deux alternatives précédentes. Exemple: deux ans avant l'expiration deson brevet sur l'Adalate, Bayer a conçu et lancé une nouvelle forme galénique, avec desinvestissements publicitaires considérables. La nouvelle forme galénique a été brevetée: ellepermettait de réduire le nombre de prises de trois à une par jour, ce qui présentait un avantagemarginal très important pour le patient. Le lancement étant soutenu simultanément par de fortsinvestissements publicitaires, les patients et les prescripteurs se sont tournés massivement vers lanouvelle forme galénique. Celle-ci avait simultanément donné lieu à un nouveau procédé defabrication: à la barrière légale sur le produit, se sont ajoutées une barrière d'investissement enproduction, et une barrière légale sur le procédé de fabrication (brevet sur technologie de procédé).Ainsi, au moment où la nouvelle forme avait déjà supplanté l'ancienne, les nouveaux entrants nepouvaient venir concurrencer Bayer que sur l'ancienne forme galénique.

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3. 7. Le délai moyen de mise sur le marché des molécules n'est pas un critère pertinent

Le délai moyen de mise sur le marché des molécules constitue une des bases du calcul pourl'actualisation des cash-flows, l'une des méthodes d'évaluation appliquées couramment.Parallèlement, il a été retenu au début de l'étude comme critère de qualité possible pour comparerplusieurs firmes entre elles.

L'hypothèse était que le délai moyen de mise sur le marché des molécules pouvait mieux permettrede juger l'efficacité organisationnelle et la capacité d'innovation d'une firme relativement à une autre,et ainsi de sa position concurrentielle dans le secteur.

Dans l'absolu il est vrai que ce critère est extrêmement séduisant:

"La valeur économique est souvent fonction de la capacité des laboratoires à mettre de plus en plusvite des médicaments sur le marché. Théoriquement, sur l'ensemble de l'industrie, le délai moyen estde 10-11 ans pour réussir à commercialiser un médicament après le dépôt de brevet sur la molécule.Mais dans certains laboratoires anglo-saxons, le délai peut être de 7 ans. Ceux-là visent à le réduireencore; ils en ont fait une priorité stratégique... On voit bien que la réduction des délais de R&D estun enjeu stratégique pour les laboratoires, car la R&D coûte de plus en plus cher. "Source: Entretien Industrie pharmaceutique.

Toutefois, il est apparu au cours des entretiens qu'un laboratoire peut avoir une série de moléculesinnovantes commercialisables et/ou rentables, sans que celles-ci soient effectivementcommercialisées, parce qu'elles "ne rentrent pas dans le bon timing."Source: Synthèse Entretiens Industrie pharmaceutique.

Une molécule commercialisable n'est pas nécessairement une molécule commercialisée. Il peut yavoir deux raisons à cela:

• le laboratoire peut attendre de commercialiser une molécule dans le but de lisser son activité (CA)et sa profitabilité. L'idée est qu'il peut avoir intérêt à laisser 4-5 molécules en attente, afin d'optimiserl'allocation de ses ressources.

• le laboratoire peut préférer ne pas commercialiser les molécules découvertes qui correspondent àde petits marchés potentiels, trop peu rentables à l'instant t. Même si la molécule est arrêtée en fin dephase 3, le délai moyen de mise sur le marché n'aurait de sens comme indicateur de performance quesi tous les marchés potentiels des molécules considérées étaient de taille équivalente.

Dans tous les cas, il apparaît que le délai moyen toutes molécules confondues n'est pas un bonindicateur de performance. Il serait nécessaire de considérer au moins un délai moyen par classethérapeutique, sous réserve que les classes concernées représentent des marchés potentielsconséquents.

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3. 8. A l'avenir, le critère de l'intégration verticale pourrait s'avérer décisif

Le choix de l'intégration verticale dans la distribution pourrait être un critère de différenciationconcurrentielle entre laboratoires. Aujourd'hui, il semble qu'aucun laboratoire n'ait particulièrementintérêt à pratiquer une politique d'intégration vers la distribution, parce que jusqu'à présent, lespharmaciens n'ont aucun pouvoir dans la décision d'achat du médicament.

On pourrait imaginer cependant dans un avenir proche un changement structurel dans le processusde décision (ou Decision Making Unit). Le pharmacien pourrait se substituer partiellement, et defaçon autorisée, au médecin, et être en mesure de délivrer le médicament le moins cher:• entre l'ensemble des médicaments dont la substance active est identique;• entre des molécules/substances actives différentes mais correspondant à une thérapie (même actiondu médicament) et une pathologie (même indication du médicament) identiques.

L'intérêt pour les pouvoirs publics serait d'encourager la réduction des dépenses de santé, à action etindication du médicament égales. Dans ce cas, le pharmacien pourrait avoir un pouvoir deprescription supérieur au médecin, lequel ne pourrait plus prescrire qu'une substance active, et nonun médicament. Une firme qui aurait alors la maîtrise de la distribution pourrait bénéficier d'unavantage compétitif décisif.Sources: Synthèse Entretiens Industrie pharmaceutique / Consultants en stratégie.

Par exemple, "Merck vient tout récemment de racheter le distributeur Medco. Cela pourrait s'avérerêtre un atout important dans les prochaines années."Source: Entretien industrie pharmaceutique.

Mais il faut rester prudent. L'identification du critère stratégique d'intégration verticale commecritère pertinent, ne permet pas de déduire qu'il existe nécessairement d'autres critères de typestratégique tout aussi pertinents. Les critères différenciant le management, le positionnement ou lastratégie de la firme, par exemple, restent à manier avec beaucoup de précaution.

La preuve la plus manifeste en est que:- Glaxo est l'un des laboratoires les plus orientés "marketing";- Merck & Co est l'un des laboratoires les plus orientés "recherche médicale" (il est le laboratoire leplus réputé dans la profession médicale).

Pourtant, chacune de ces deux firmes a réussi. Merck & Co et Glaxo se sont imposés respectivementcomme le premier et le second mondial dans l'industrie pharmaceutique.

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3. 9. Conclusion

Comme le résume un consultant:

"La pharmacie n'est pas un secteur où il existe des critères quantitatifs, tels que ceux que l'on trouvedans d'autres industries. Le coût de fabrication ou le délai de réactivité à la demande, par exemple,ne sont pas des critères-clés dans l'industrie pharmaceutique, comme ils peuvent l'être dans l'industrietextile.

Si donc vous voulez mon avis, les critères à retenir ne peuvent être que qualitatifs, et nonquantitatifs. En ce sens, on ne peut pas parler "d'indicateurs économiques de performance". Il n'y apas de lois, comme par exemple dans l'industrie aéronautique, avec la courbe d'expérience. C'est sansdoute dû au fait, que le facteur risque prend ici une place déterminante. Comme c'est le cas d'ailleursdans l'industrie pétrolière."

Source: Entretien Conseil en Stratégie

Néanmoins, une analyse combinée des différents critères de qualité retenus peut permettre:

• de porter un jugement qualitatif sur la valeur économique de la firme;

• de porter un jugement sur la position concurrentielle de la firme dans l'industrie;

• et de moduler ainsi les évaluations ou les analyses purement financières ou comptables.

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4. CONCLUSIONS ET DISCUSSION

4. 1. La rigueur de l'analyse

En toute rigueur, deux types de problèmes peuvent se poser:• le degré d'exactitude et de pertinence des informations servant de base aux analyses, ce qui revientà poser la question de la qualité des informations;• la cohérence de l'ensemble des critères étudiés, ce qui revient à poser la question de la qualité desanalyses.

Nous avons en fait répondu au premier point tout au long de l'étude, dont le but revenaitprécisément à identifier quelles informations avaient une valeur, et quelles étaient celles qui n'enavaient pas.

Il serait intéressant maintenant de répondre au second point. Quand on prend par exemple certainscritères d'évaluation relatifs au CA, comme le portefeuille d'accords et le portefeuille de produits, necourt-on pas le risque de prendre en compte deux fois la même chose? Le portefeuille de produits etle portefeuille d'accords peuvent être deux critères parfois redondants. Parmi les critères de l'étude, ilexiste probablement d'autres critères redondants. Ainsi, la question se pose: est-ce cohérent? neperd-on pas la vision globale ("business picture"), dans le détail de ces critères?

En fait, l'étude n'a eu qu'un objet empirique: il s'agissait de procéder par tâtonnements successifs, etporter une série de jugements sur la valeur économique de la firme et la qualité de son pipeline. Il estvrai qu'au début, nous avions l'ambition de trouver un modèle global, parfaitement explicatif de lavaleur économique de la firme. Mais cette voie s'est avérée très vite peu praticable C'est pourquoinous avons privilégié une méthode de principe, fondée sur des entretiens avec des gens ayant uneconnaissance profonde du secteur. L'idée était de dégager une démarche d'analyse, une approche,plutôt qu'un modèle. Nous avons pour cela tenté de dégager les critères les plus fiables et les pluspertinents, susceptibles d'aider à apprécier la position concurrentielle de la firme.

Bien sûr, il est incontestable que:• comme le souligne l'un des Consultants en Stratégie avec qui nous nous sommes entretenus, lesdifférents critères étudiés sont liés;• et qu'il faut donc éviter de tomber dans le travers de l'analyste qui étudierait tous ces pointsséparément, sans comprendre les liens de cause à effet entre les critères étudiés. Cela pourraitdéboucher sur le même type d'erreur épistémologique que celle du mathématicien qui s'étonne que,dans un système décimal, les chiffres dont la somme égale trois sont aussi des multiples de trois.

La méthode de valorisation économique étudiée ne saurait donc à elle seule suffire. L'utilisateur doitégalement compter avec son propre bon sens et son esprit d'analyse. Surtout si des changementsstructurels dans l'industrie forçaient à revoir une partie des critères étudiés.

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4. 2. La question du coût de l'information dans la pratique

Une des limites pratiques opposables à l'approche économique décrite tient simplement à son coût.Ce coût s'explique essentiellement par le coût de la recherche d'information. Par définition, unevalorisation économique n'a en effet de sens que si elle s'appuie sur une recherche longue,minutieuse, précise, d'informations. Seule une telle investigation permet de dépasser les méthodesd'évaluation purement financières, lesquelles ne prennent précisément pas en compte les critèresd'ordre économique ou concurrentiel.Si en général l'expérience montre que de telles informations sont accessibles (études, publications,bases de données) - et plus dans la pharmacie, peut-être, que dans n'importe quel autre secteur27 -,ces informations n'en ont pas moins un coût.

Les informations se distinguent en effet par deux caractéristiques principales: leur degré de fiabilitéet de précision d'une part, leur coût d'obtention d'autre part. Comme le souligne Daniel Soulié28, larationalité économique implique que, pour les données effectivement utilisées, ces deux paramètresvarient en sens inverse. Il en résulte que les acteurs potentiels se constituent un portefeuilled'informations en égalisant, pour chacune d'elles, le coût marginal d'obtention et l'avantage marginalespéré. Le coût marginal est à la fois temporel et monétaire: il inclut le temps passé à acquérir ettraiter l'information (lecture et compréhension des articles, notices techniques; recherche desspécialistes...), et éventuellement, les dépenses monétaires qui y sont associées.

Néanmoins, même si le coût de l'information est en général un critère valable, il n'est pas certain qu'ilsoit pertinent pour le sujet qui nous préoccupe. L'argument est simple: dans un processusd'acquisition d'entreprise, les informations supplémentaires sur la valeur économique réelle de lacible procurent un gain marginal pour l'acheteur éventuel , considérablement supérieur au coût deces informations. Par conséquent, dans ce cas, le coût de l'information peut être considéré commenégligeable.

4. 3. Le problème de l'accessibilité des informations dans la pratique

Dans l'évaluation économique d'acquisition, la difficulté tiendrait plutôt à l'accessibilité desinformations. Dans les négociations d'acquisition, le problème pour l'acheteur tient plutôt àl'asymétrie d'informations qui existe entre lui et le vendeur, celui-ci ayant toujours la possibilité dedissimuler des informations internes d'une valeur certaine pour l'acheteur (vices cachés, etc.). Laquestion-clé pour l'acheteur devient vite: comment déjouer les tactiques fondées sur la manipulationdes informations, auxquelles est susceptible de recourir le vendeur dans les négociations29.. Al'extrême, l'on pourrait même se demander si les analyses de G. Ackerlof30 ne pourraient pass'appliquer au cas particulier du marché des acquisitions/cessions de firmes pharmaceutiques.

Précisément, non. Dans ce secteur, la valeur d'une firme tient essentiellement à des élémentsd'informations relativement accessibles, objectivables, soit qu'ils soient publics (alliances/accords;description simplifiée du pipeline dans pharmarprojects, ...), soit que l'accès en soit possible au

27Source: Entretiens Conseil en Stratégie28Analyse économique et stratégie d'entreprise. Cf Bibliographie29Voir par exemple Ingemar Dierickx, INSEAD, et Mitchell Koza, "Information Asymmetries: How not to Buy aLemon in Negotiating Mergers and Acquisitions", cf Bibliographie30"The market for lemons: Quality and the market mechanism", cf Bibliographie

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moment d'une transaction d'acquisition. [Même s'ils requièrent par ailleurs une expertise et uneformation de spécialistes (juristes pour les alliances/accords; pharmaciens et médecins pourl'évaluation du pipeline), autrement dit, s'ils ont un coût d'accès.]

Les entretiens confirment ce constat.

"A priori, l'industrie pharmaceutique est un secteur sur lequel il existe énormément d'informations:rapports SCRIP World Products, base IMS, et Pharmaprojects qui fait le point sur tous les projetsde R&D en cours d'une firme. C'est un secteur où l'on trouve aussi beaucoup de publications."Source: Entretien Conseil en Stratégie

".... Les analystes financiers ne peuvent pas voir tous ces critères de qualité. Ce n'est pas leur métier.Mais on peut quand même en parler, dans les grandes lignes. Dans la pratique, on peut avoir accès àtoutes les informations sur lesquelles se fondent les critères de qualité. Par exemple:- la gestion internationale des filiales: c'est une information que le vendeur est obligé de donner dansune transaction d'acquisition;- idem pour le programme de R&D, parce qu'il est lié au risque financier;- idem pour les accords et alliances;- etc.Tout cela, ce sont des questions que l'on peut poser, et pour lesquelles on peut avoir des éléments deréponse... On peut au moins se faire une idée... Et pas seulement dans le cas d'une transactiond'acquisition, mais même dans le cadre d'un club de benchmarking."Source: Entretien Conseil en Stratégie

4. 4. La barrière de l'expertise dans la pratique

L'appréciation des critères économiques de qualité dégagés par l'étude nécessite, pour la plupart, uneexpertise médicale et/ou pharmaceutique. Cette expertise ne peut s'acquérir qu'au travers:• d'une expérience de deux ans au minimum dans l'industrie, au sens large (à la production,, auxventes, aux finances, ...);• et/ou d'une formation pharmaceutique, médicale ou biologique, couplée le plus souvent d'uneexpertise et d'une expérience de recherche (fondamentale; appliquée, ...) dans les classesthérapeutiques sur lesquelles se trouve la firme.

Concrètement, les analystes et les négociateurs soucieux d'approximer la valeur économique de lafirme doivent donc:• i) justifier d'une formation médicale, pharmaceutique ou biologique• ii) ou justifier d'une expérience significative dans l'industrie pharmaceutique, ou dans le conseil auxindustries pharmaceutiques;• iii) éventuellement, s'attacher les services d'un comité de spécialistes capables d'aider à approcher lajuste valeur de l'entreprise, notamment pour l'évaluation du pipeline, classe thérapeutique par classethérapeutique.

"Je crois que l'essentiel dans tout cela, c'est d'être en mesure de s'entourer d'experts pour procéder àune évaluation économique des firmes. En particulier, pour leur soumettre le pipeline."Source: Entretien Industrie pharmaceutique.

"D'accord pour la DCF, à condition d'être pharmacien."Source: Entretien Conseil en Stratégie

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Le degré de fiabilité des conclusions des experts ou des pharmaciens sera probablement d'autant plusimportant que l'expertise en jeu couvre les principales classes thérapeutiques (celles dont le cumulreprésente par exemple 95% des projets de R&D) sur lesquelles opère la firme évaluée.

Ainsi, dans l'industrie pharmaceutique, plus peut-être que dans n'importe quelle autre industrie, latrès forte technicité des produits:• nécessite une très forte expertise technique dans le secteur ;• rend inutile et floue les tentatives d'analyse ou d'évaluation par un simple financier.

A cet égard, il est significatif qu'une des banques d'affaires les plus réputées dans le secteur emploieexclusivement des anciens de l'industrie pharmaceutique. A l'inverse, d'autres banques d'affaires,extrêmement prestigieuses par ailleurs, ont une réputation limitée dans le secteur.

"Il n'y a pas besoin d'être cimentier pour évaluer une entreprise cimentière; la rigueur, le bon sens etl'expertise financière suffisent. Ceci n'est pas le cas dans l'industrie pharmaceutique."Source: Entretien Conseil en Management

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4. 5. Parmi les nouvelles voies à suivre.... une Comparaison avec les modèles d'options (Merck &Co)

Nous mentionnerons ici très rapidement l'une des voies les plus prometteuses pour l'évaluationéconomique des industries pharmaceutiques31.

Les accords de licences et les projets de R&D peuvent être évalués en appliquant le modèle dedétermination du prix d'une option:- la durée représente la durée de R&D pour aboutir à un résultat (succès ou échec). Cette duréepeut être comprise entre deux dates : une date minimum (avant laquelle il n'y aura pas de résultat) etune date maximum (après laquelle un résultat sera moins intéressant, en raison de l'évolution de laconcurrence). Nous sommes donc dans le cas d'une option à l'américaine ;- le prix d'exercice représente l'investissement en capital qu'on pourra décider de faire à l'échéancede l'option (si le projet a été un succès) ;- la valeur de l'actif sous-jacent correspond à la valeur actuelle des cash-flows en cas de succès ;- la volatilité du projet est obtenue par approximation, en retenant la volatilité des rentabilités d'unpanel d'actions dans le secteur des biotechnologies (on arrive à une volatilité de 40 à 60%) ;- le taux sans risque retenu correspond aux Bons du Trésor U.S. sur la période.

En procédant ainsi, le groupe Merck peut évaluer si la valeur future de l'option est supérieure à laprime qu'il faut payer tout de suite (les salaires des chercheurs, notamment), et déterminer si le projetest rentable.

"Je pense qu'une des voies les plus prometteuses a été ouverte par Merck, avec son modèled'évaluation d'options appliqué à l'évaluation des projets de R&D."Source: Entretien Industrie pharmaceutique.

4. 6. Parmi les nouvelles voies à suivre.... une Comparaison avec les modèles de l'industriepétrolière

Une analyse comparative avec les modèles développés par les chercheurs en gestion sur lesindustries d'extraction minière, et en particulier l'industrie de prospection pétrolière ou gazière, peuts'avérer fructueuse32.

Analyse du bien-fondé d'une comparaison pétrole-pharmacie

Un rapide tableau micro-économique de cette industrie permettra de voir dans quelle mesure elleprésente structurellement des facteurs communs ou différents d'avec les industries pharmaceutiques,et par conséquent, suivant quelles réserves, il y aurait une possibilité d'appliquer les modèlesd'évaluation économique et de sélection des risques de l'industrie pétrolière vers les industriespharmaceutiques.

31Nous renvoyons le lecteur qui souhaiterait des informations complémentaires sur ce sujet, à l'article de la HarvardBusiness Review de janvier 1994 sur la firme Merck & Co.32Marwan Sinaceur a travaillé cinq mois comme stagiaire au sein de la compagnie pétrolière TOTAL, dont deux moisà Houston (USA), au sein de TOTAL Minatome Corporation, comme analyste financier sur les puits de pétrole(prévision des cash-flows par champ pétrolifère).

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Comme l'industrie pharmaceutique, l'industrie pétrolière est hautement capitalistique. Beaucoupd'investissements financiers sont nécessaires pour acquérir les zones de prospection pétrolière,effectuer les recherches, développer et produire le pétrole et le gaz.

L'industrie pétrolière comporte d'autre part un très haut niveau de risque. Peu importe le montantinvesti dans l'entreprise de prospection, ou la profondeur à laquelle le puits a été creusé: il n'y a pasla moindre garantie qu'un puits d'exploration produise du pétrole ou du gaz. Seul un nouveau foragesur six débouche finalement sur la production de pétrole ou de gaz. Et même dans ce cas, seulementdeux pour cent des forages considérés, permettent de découvrir un champ d'une capacité cumulée deproduction (ou de réserve) supérieure ou égale à un milliards de barils de pétrole brut, oul'équivalent de 170 millions de mètres cube de gaz. Ces montants correspondent aux quantitésminimales pour que le gisement découvert soit considéré comme significatif.Source: Documents de l'Association professionnelle des industries d'extraction pétrolière, Houston,Etats-Unis.

Ce haut niveau de risque est associé avec des coûts initiaux importants pour la prospection pétrolièreet les systèmes de transport. C'est d'autant plus vrai quand de larges investissements offshore doiventêtre réalisés dans les plates-formes, installations de production, pipelines et terminaux marins. Cesinvestissements sont nécessaires avant même que la taille et la capacité de production ne puissentêtre appréciées à travers l'exploitation effective du gisement.Sources: Documents de l'Association professionnelle des industries d'extraction pétrolière, Houston,Etats-Unis / Documents internes de Total Minatome Corporation.

Pourtant, pour qu'une firme reste compétitive, l'ensemble des projets menés doit (malgré la faibleprobabilité de succès):- fournir un retour sur investissement honorable aux actionnaires;- couvrir les coûts associés aux projets ayant échoué.

Les investissements nécessaires doivent de plus s'étendre sur la durée de vie de production duchamp, qui est au moins supérieure à vingt ans.Il arrive même que, dans certains cas, l'investissement marginal dépasse les revenus effectifs du puitssur la durée de vie du champ, du fait des dépenses supplémentaires en fin de cycle du champ(ascenseur artificiel, traitement de l'eau de mer, compression et conditionnement du gaz).Sources: Documents de l'Association professionnelle des industries d'extraction pétrolière, Houston,Etats-Unis / Documents internes de Total Minatome Corporation.

En conclusion, l'industrie pétrolière présente donc plusieurs caractéristiques micro-économiquescommunes avec l'industrie pharmaceutique:• industrie fortement régulée par les pouvoirs publics• industrie à haute teneur technologique• industrie à haut niveau de risque• industrie à forte espérance de revenu• industrie nécessitant des capitaux importants (forte intensité capitalistique)• industrie fonctionnant par projets

Elle s'en distingue cependant au moins par les caractères suivants:• la structure de financement (passif du bilan). Dans l'ensemble, l'examen des bilans et les entretiensont révélé que les firmes pharmaceutiques sont relativement peu endettées par rapport à la moyennedes autres industries, et en particulier par rapport aux industries d'extraction, plus largement obligéesde faire appel au marché pour financer leurs projets;

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• la structure de coûts. Dans l'industrie pétrolière, on observe une prépondérance des coûts fixes surles coûts variables, alors que dans l'industrie pharmaceutique, ce sont plutôt les coûts variables quitendraient à dominer;• la structure de la technologie. Dans l'industrie pétrolière, il semble que c'est la technologie deprocédé qui soit le facteur-clé de succès, alors que dans l'industrie pharmaceutique, c'est plutôt latechnologie du produit qui procure des avantages compétitifs.

Ces réserves faites, la question reste d'analyser quels modèles pourraient être éventuellementappliqués de l'industrie pétrolière vers les industries pharmaceutiques.

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Description du modèle

Dans un article du Long Range Planning33, J. G. Higgins recommande de décomposer un projetd'extraction en ses différentes phases de développement, afin de distinguer les différentes probabilitésassociées à chaque phase, dans la mesure où ces dernières ont des niveaux de risque extrêmementdifférents. Mais, dans l'industrie pétrolière comme dans les industries pharmaceutiques, la firme estobligée de prendre une décision d'investissement sans connaître avec certitude:- ni le risque technique effectif (qui ne peut apparaître parfois qu'en fin de cycle d'exploitation desgisements, cf supra);- ni le revenu espéré.La solution préconisée consiste donc simplement à décrire quantitativement les réserves de pétrole(base de calcul du revenu espéré pour un gisement donné) qui:- (a) refléteraient les variations de risque associées à chacune des phases de développement duprojet;- (b) permettraient ensuite une agrégation des calculs au niveau de l'ensemble du projet après cettepremière décomposition par phase.

Ce que J. G. Higgins démontre, c'est qu'une telle démarche est à la fois possible et pertinente pourévaluer les actifs d'une firme pétrolière.

La description des réserves au sens économique s'appuie sur un calcul probabiliste (en fait, unedistribution de probabilités) et retient les paramètres suivants:• Moyenne: moyenne arithmétique de tous les occurrences de niveaux de réserves

pétrolières possibles• Médiane: médiane de tous les occurrences de niveaux de réserves

pétrolières possibles• Mode: la valeur la plus probable du niveau de réserve pétrolière• P90: niveau de réserves pétrolières ayant une probabilité d'être dépassé égale à 0,9• P10: niveau de réserves pétrolières ayant une probabilité d'être dépassé égale à 0,1

Question Réponse

• Quel est le montant de réserve le plus probable? Mode• Quelles sont les réserves risquées? Moyenne• Quel niveau de réserves a autant de Moyenne (P50) probabilité d'être dépassé que de ne pas l'être?• Quel niveau de réserves peut être ajouté P90 avec une quasi-certitude?.• Quel est le potentiel supplémentaire? P10

33"Planning for Risk and Uncertainty in Oil Exploration", cf Bibliographie

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Par la technique de simulation de Monte-Carlo, J. C. Higgins arrive ainsi à combiner toutes lesvariables pertinentes, et en déduit une description probabiliste du niveau de réserves, qui estrappelons-le dans cette industrie, la base du calcul du revenu espéré.

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Le processus de calcul des niveaux de réserves est présenté de façon schématique dans la figuresuivante.

1° Sélection des variables pertinentes et Détermination d'une fonction objectivepour un Gisement donné, G(X)

Exemple:Réserves = Volume x Ratio (Net/Brut) x (1-Ratio Présence d'Eau) x Facteur de Recouvrement

Facteur de Formation du Volume de Réserves

2° Estimation de la distribution de probabilité pour chaque variable:

Exemples:VolumeRatio (Net/Brut)Porosité

3° Sélection au hasard de valeurs pour chaque variableCalcul du niveau de réserves en résultant

4° Répétition de la phase précédente 2000 fois environ

5° Traçage point par point de la Distribution de fréquence des réservesi.e., niveau de réserve visualisé en fonction de son nombre occurrences(correspond au nombre "d'événements" réserves, au sens probabiliste)

6° Traçage point par point de la Courbe d'espérance du niveau de réservesi.e., niveau de réserve visualisé en fonction de sa probabilité cumulée

7° Calcul des paramètresMode, Moyenne, Médiane, P10, P90, Montant de réserves risquées

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Quoique le présent modèle ne s'intéresse qu'à l'évaluation du facteur "réserves pétrolières," il peutégalement s'avérer utile dans un processus plus global d'évaluation des actifs. D'autant plus que, dansl'industrie pétrolière - comme le pipeline dans les industries pharmaceutiques, la comparaison n'estpas inintéressante -, ce sont les réserves qui forment l'essentiel des actifs d'une firme. Les réservessont donc activées sous trois formats: possibles, probables, prouvées. Il est d'usage courant derépertorier ces trois formats comme étant directement liés aux trois catégories précédemmentdéfinies, à savoir P90, P 50, P10.

Finalement, le processus d'évaluation peut être complété de la manière suivante:• Agrégation des réserves au niveau de l'ensemble des gisements G(Xi) d'une firme.• Division de la courbe d'espérance du niveau agrégé de réserves, en trois surfaces égales. Chaquesurface est représentée par une valeur moyenne qui peut être prise comme correspondant environaux valeurs P90, P50, P10. La valeur économique de chaque réserve (gisement) est ensuite calculée.Quand les valeurs trouvées sont négatives, cela signifie que le développement du gisementcorrespondant ne serait pas rentable.• Un arbre de décision peut être tracé (cf figure).

- Arborescence 1 -

Forage Pas de forage (0)

- Arborescence 2 {forage} -

Découverte d'un gisement (Proba. P) Pas de découverte de gisement (Proba 1-P)

- Arborescence 3 {gisement} -

P 90 (Proba.=P/3) P 50 (Proba.=P/3) P 10 (Proba.=P/3)

Conclusion

En conclusion, la comparaison des industries pharmaceutiques avec les industries pétrolières s'avèrepleine de promesses:• en terme de notions ou de concepts. Par exemple, on pourrait envisager de classifier le pipelined'un laboratoire de la même façon que sont classifiées les réserves dans l'industrie pétrolière, à savoirselon les trois catégories possible (P10), probable (P50), prouvé (P90).• en terme d'approches ou de méthodes. Par exemple, on pourrait envisager d'évaluer le pipeline d'unlaboratoire de la même façon que sont évaluées les réserves dans l'industrie pétrolière, par unesimulation de Monte Carlo (distribution de probabilités).

Même si une telle comparaison doit bien sûr être faite sous un certain nombre de réserves, à la foisconceptuelles et pratiques - ne serait-ce que parce que le pipeline d'un laboratoire n'est pas aussifacilement quantifiable que des réserves pétrolières -, il est clair qu'il y a manifestement là des voies àexplorer. Notamment pour ce qui concerne les modèles d'évaluation et de sélection des risques.

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A PrimeArthur D. Little

Bain & CompanyBayerBristol-Myers-SquibbBritish Bio-Technology

Crédit Commercial de France (CCF)

Droit & PharmacieDupont de Nemours

Eli Lilly & Company / Lilly France SAEthypharm

JP MorganJohnson & Johnson

Hoechst

Laboratoire FournierLaboratoire Pierre Fabre

McKinsey & CompanyMerck & CompanyMorgan Stanley International

National Westminster BankNovonordynsk

PreceptaPrice Waterhouse

Rhône-Poulenc-RorerRoussel-Uclaf

SanofiShearson Lehman BrothersSmithKline BeechamSterling

Total / Total Minatome Corporation

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Upsa

Wellcome

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- INDEX DES PRINCIPALES NOTIONS -

AMM Autorisation de Mise sur le Marché. Phase de constitution du dossier administratif auprès des autorités de tutelle (Commission AMM), préalable à la commercialisation du médicament

Blockbuster Produit dont le potentiel commercial est supérieur ou égal à 500 millions USD

Classe/segment Les principales classes/segments thérapeutiques du marché des thérapeutiqueproduits éthiques sont: les cardiovasculaires; les anti-anfectieux; les produits relatifs au système nerveux central; les gastro-intestinaux; les produits relatifs au système

respiratoire; les produits relatifs au système endocrinien.

Co-marketing Accord de commercialisation conjointe de la même molécule entre deux laboratoires, celle-ci étant vendue sous deux marques différentes

CCP Certificat Complémentaire de Protection. Ce certificat est valable 5 ans en Europe, avec un maximum de 15 ans à partir de la date d'AMM (i.e., le temps

de commercialisation sous protection); et (jusqu'il y a peu) 7 ans en France, avecun maximum de 17 ans par rapport à l'AMM. Calculé par rapport à la date d'AMM, il permetdonc au laboratoire qui dispose d'un temps trop court de commercialisation effectif dumédicament - entre l'AMM et la date du dépôt de brevet sur la molécule originale -, de bénéficierd'un temps de protection supplémentaire, afin d'amortir sa R&D.

DCF / CFA Discounted Cash-Flows / Cash-Flow actualisés

DCI Dénomination Commune Internationale d'une molécule. Ne fait pas mention de la marque des produits commercialisés correspondants

FDA Federal Drug Administration; équivalent américain de la Commission AMM

IMS Base de données. Equivalent mondial du panel Nielsen dans l'industrie pharmaceutique

Produit "me-too" Produit lancé par une firme qui innove peu (elle n'a pas inventé le produit en question) mais copie un produit déjà commercialisé / pour lequel il existe déjà une

demande, et auquel elle apporte des améliorations significatives et notables

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OTC Over-the-Counter. Produits dits de "conseil" vendus en pharmacie mais non remboursés par la sécurité sociale.

PER Price Earning Ratio

Pharmacovigilance Suivi des effets secondaires du médicament dans la population de patients une fois que celui-ci ait été commercialisé

Phase 1 Phase de recherche proprement dite (Screening, CAO)Phase 2-a Phase de développement pré-clinique (Synthèse chimique)Phase 2-b Phase de développement clinique (Pharmacologie espérimentale, Toxicologie)Phase 3 Phase d'élaboration du dossier réglementaire (pour AMM)

Prescriptions / Médicaments ne pouvant être obtenus que sur ordonnance. Généralement Produits éthiquesremboursés par la sécurité sociale . Contiennent un ou plusieurs principes actifs incrits sur une liste de substances vénéneuses.

ROI Retour sur Investissements. Permet de mesurer la valeur économique réellement dégagée par la firme, en regard des investissements réalisés. Exemple: un investissement marginal peut permettre l'accroissement du CA et/ou

du résultat net, sans pour autant générer de valeur économique marginale, ce qui severra si au total le ROI global diminue

Pipeline Portefeuille de produits en développement dans l'industrie pharmaceutique

VAN Valeur Actuelle Nette

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ANNEXE METHODOLOGIQUE: LE CHOIX DES ENTRETIENS

La rigueur exigeait d’interroger à la fois des responsables de cabinets de conseil et bureaux d’étude;des responsables de l’industrie pharmaceutique; des responsables de banques et institutionsfinancières. En particulier parce que la confrontation de leurs points de vue, parfois antinomiques,toujours complémentaires, permettait de bénéficier:• d’une expertise et d’une expérience plus large;• d’une vision peut-être moins partiale et plus objective du problème et des solutions.

C'est pourquoi nous avons rencontré:

• des analystes sectoriels de banques d'affaires• • experts en finance: ils sont le plus au fait des pratiques d'évaluation financière et des

ratios financiers ou "comparables" du secteur par rapport à d'autres secteurs, mais aussi, desproblématiques afférentes, de leurs limites, intérêts, ...

• • experts externes: leur jugement bénéficie également d'une vision plus globale du secteur

• des consultants en stratégie ou en pharmacie• • experts en stratégie: ils sont le plus au fait des pratiques d'évaluation stratégique des

firmes pharmaceutiques, et par conséquent des questions d'ordre économique et stratégiquesusceptibles de fortement nuancer la valorisation financière des firmes

• • experts externes: leur jugement bénéficie également d'une vision plus globale du secteur

• des opérationnels des laboratoires• • hommes d'expérience médicale/pharmaceutique: ils vivent quotidiennementles contraintes et la réalité du"terrain", et connaissent, pour ainsi dire, de l'intérieur les

enjeux économiques et médicaux du secteur• • experts en interne: leur vision, quoique peut-être plus partielle, risque d'êtresimultanément plus précise et plus approfondie, notamment parce qu'elle peut permettre

d'identifier les insuffisances ou les biais des pratiques financières externes

Nous avons veillé à sélectionner des laboratoires de taille et de nationalité différentes.

Une courte biographie des interlocuteurs rencontrés, ainsi qu'une courte note sur leur entreprised'appartenance figure dans les pages suivantes.

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- INDICATION BIOGRAPHIQUE SUR LES RESPONSABLES RENCONTRES-

Consultants

• Régis Chomel, Veto, Sciences Po, titulaire d'un MBA de l'INSEAD, est en charge de l’activité pharmacie au sein dubureau parisien de Arthur D. Little International, Inc. Il a quinze ans de carrière dans ce secteur, d’abord à l’InstitutMerieux comme Responsable commercial à l’international, puis au sein des Laboratoires Delagrange, commeDirecteur Commercial & Marketing.

• Philippe Conquet, docteur en Médecine, a vingt-cinq ans de carrière dans le secteur. Il a notamment été Directeur duDéveloppement au sein d’un des premiers laboratoires pharmaceutiques français. Il est intervenu à l’ESSEC surl'évaluation des industries pharmaceutiques et la gestion budgétaire de la R&D.

• Claire Dadou, diplômée de l'Ecole Centrale Paris, titulaire d'un MBA de l'INSEAD, est en charge de l’activitépharmacie au sein du bureau parisien de Bain & Company. Les missions qu’elle mène dans ce secteur représententenviron 50% de son temps. Elle est l’auteur de plusieurs articles sur l’économie de la santé.

• Khalid Fellahi, diplômé de l'INPG, est titulaire d'un MBA de l'INSEAD. Durant son cursus à l'INSEAD, il atravaillé sur des cas d'évaluation de laboratoires pharmaceutiques dans le cadre d'acquisitions/cessions.

Industrie pharmaceutique

• Benoît Raillard, diplômé de l'Ecole Centrale Paris et de Sciences-Po, titulaire d'un MBA de la Harvard BusinessSchool, est notamment responsable du développement et de la négociation des alliance/accord/licences avec leslaboratoires au sein de la filiale française de Eli Lilly & Company.

• Alain Cartraud, docteur en Médecine, est diplômé du Mastère Management Médical de l’ESCP. Après avoir étéMédecin économiste, il est Directeur du Service Médico-juridique et Concurrence au sein de la filiale française desLaboratoires Glaxo.

• Francis Courcelle, diplômé de l'ESCP et du CPA, a passé la quasi-totalité de sa carrière au sein de Sanofi. Il anotamment contribué à la mise au point d’un modèle de mesure des risques. Il est actuellement Directeur des étudeséconomiques et stratégiques d’évaluation de médicaments ou de sociétés, à destination du Département Fusions &Acquisitions de Sanofi Pharma.

• Eric Mallet, diplômé de Sciences-Po, est chargé de la Veille Concurrentielle à Sanofi Pharma.

Banques et Institutions financières

• Laurent Flamme, après avoir travaillé au Japon au sein du CCF, est Analyste financier sur les Secteurs Pharmacie etIndustries du Luxe depuis plus de quatre ans. Il est l’auteur de plusieurs articles sur le secteur pharmaceutique.

• Marie-Hélène Leopold est diplômée de 3è cycle en Biologie celullaire. Avant d'être chargée du Secteurpharmaceutique au sein de NatWest, elle a travaillé cinq ans comme chercheur (R&D fondamentale) au sein d'unlaboratoire universitaire sous contrat INSERM/CNRS, puis à la BNP, où elle s'est notamment occupée del'introduction en bourse des laboratoires Boiron. Elle a reçu en mai 1994 le Prix du Meilleur Analyste financier.

• Laurent Huck, diplômé de l'ESCP, est Vice-Président au sein de la banque d'affaires JP Morgan.

• Sylvie de Vesinne-Larue est consultante en Fusions & Acquisitions au sein du CCF.

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- NOTE SUR LES ENTREPRISES -

(Cabinets de conseil et bureaux d'étude)

• Arthur D. Little a une forte expertise dans les industries à fort contenu technologique, danslesquelles la R&D tient un rôle essentiel dans la création de valeur. Ils réalisent avec les industriespharmaceutiques 15% de leur CA mondial. En s'appuyant sur des centres de recherchefondamentale, Arthur D. Little a développé une expertise unique dans la technologie et ledéveloppement de nouveaux produits, depuis la génération de concepts de produits jusqu'à la gestionfinale du lancement commercial. Leur expertise couvre les biotechnologies, les produits médicaux, ledéveloppement de process et produits pharmaceutiques. Dans le secteur du Conseil en stratégie,Arthur D. Little se positionne sur la Stratégie et la Technologie.

• Bain & Company a une très forte expertise en stratégie financière, d'une part; d'autre part, enalliances, fusions & acquisitions, cessions (identification de cibles et de partenaires; assistance à lanégociation; support à l'intégration). Dans le secteur du Conseil en stratégie, Bain & Company sepositionne sur l'assistance à la mise en place des recommandations (implementation).

• Droit & Pharmacie a construit en France une expertise et une expérience uniques dans le secteurpharmaceutique. Fréquemment cités comme l'une des références du secteur, ils ont réalisé, encollaboration avec la société financière A Prime, deux études exhaustives d'évaluationpharmaceutique et financière de sociétés.

• Price Waterhouse Management Consultants a une forte expertise dans le Conseil en gestionfinancière: les tableaux de bord et la comptabilité analytique; la gestion de la trésorerie; la stratégiefinancière; le contrôle des coûts et des frais généraux; la maîtrise des risques financiers etopérationnels. D'autre part, leur cellule de conseil en fusions & acquisitions est réputée au niveaueuropéen.

(Industrie pharmaceutique)

• Eli Lilly & Company (USA), douzième groupe pharmaceutique mondial, réalise un chiffred'affaires d'environ 25 milliards de francs (données 1992). Elle occupe le sixième rang mondial pourla R&D, soit un budget de 955 millions de dollars (source: Financial Times, Août 1993). La filialefrançaise emploie 1500 personnes et réalise un CA de 2,3 milliards de francs (données 1992).

• Les laboratoires Glaxo (UK), deuxième groupe pharmaceutique mondial, réalisent un chiffred'affaires de 40 milliards de francs sur 70 pays; la filiale française emploie 1800 personnes et réaliseun CA de 3,7 milliards de francs (données 1992). Glaxo emploie 6000 chercheurs dans le monde etconsacre 6 milliards de francs à la R&D. La société s'est imposée comme l'un des laboratoires lesplus innovants dans les produits éthiques, avec la découverte de molécules innovantes en gastro-entérologie, pneumologie, infectiologie, cardiologie, dermatologie.

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• Sanofi Pharma (France), deuxième groupe pharmaceutique français, occupe la vingt-septièmeplace pour la R&D, soit un budget de 414 millions de dollars, contre 561 millions pour Rhône-Poulenc, le premier français (source: Financial Times, Août 1993). Sanofi a notamment passé unealliance avec le groupe Sterling (création de Winthrop), afin de mieux pénétrer le marché américain.

• Sterling (Etats-Unis) est l'une des premières firmes pharmaceutiques américaines. Elle a été miseen vente par son actionnaire de référence, le groupe Eastman Kodak en avril 1994.

(Banques et Institutions financières)

• Le CCF (Crédit Commercial de France) est à la fois une banque commerciale etd'investissement. Elle réalise en 1992 un chiffre d'affaires de 917 millions de francs. Elle publie denombreux rapports financiers sur le secteur pharmaceutique.

• County NatWest, filiale de la National Westminster Bank, est une banque d'affaires spécialisée dansl'industrie pharmaceutique. Elle possède un Département Conseil entièrement dédié au secteur,employant des anciens de l'industrie, et supporté par des experts en fusion & acquisitions et enfinancement de sociétés: l'International Pharmaceutical Service. Les missions de conseil dans lesecteur pharmaceutique comprennent: des études stratégiques; des études de marché; desévaluations de licences de produits et de joint-ventures; des études d'acquisition de sociétés; desévaluations de lancement et de développement de produits.

• JP Morgan figure parmi les premières banques d'affaires anglo-saxonnes. Cinquième banqueaméricaine pour sa capitalisation boursière et son bilan, c'est aussi la première banque étrangère às'être historiquement installée en France. Elle intervient sur de nombreuses transactionsd'acquisitions/cessions dans l'industrie pharmaceutiques.